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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
W \.
3 Janvier 1
ON S'ABONNE :
Dons les Départements et a l'Étranger,
«hez tous les Marchands de Musique, les Librain
et aux Bureaux des Messageries et dei Postai.
REVUE
GAZETTE MU
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 fr. par ai
Départements, Belgique et Suisse.... 30 » id.
Étranger 34 » id.
Le Journal parait le Dimanche.
DE PARIS
1864 8im" ANNEE 1864
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Primes
Offertes aux anciens et nouveaux Abonnés.
LE SECOND VOLUME
RÉPERTOIRE DE MUSIQUE 10DER1
Dont le premier volume a été accueilli avec tant de faveur l'année
CE VOLUME, FORMAT IIV-80, CONTIENT LE CHOIX ' SUIVANT DE
Un recueil contenant six Morceaux de Chant :
MÉLODIES ET CHANSONS
IRLANDAISES, ÉCOSSAISES, ESPAGNOLES ET HAVANAISES
Avec paroles françaises.
Ces morceaux, d'une grande originalité et entièrement inconnus en
France, sont chantés avec un grand succès dans ses concerts par Mlle
CARLOTTA PA1XI.
Nous rappelons à nos abonnés de Paris que ces primes, que nous
leur offrons à titres d'étrennes, sont à leur disposition, et nous les
prions de vouloir bien les faire prendre dans nos bureaux.
Nous les envoyons franco aux abonnés de Province.
SOMMAIRE. — Revue de l'année 1863, par Paul Smith. — Théâtre impé-
rial de l'Opéra : reprise de Moïse. — Lettres de Félix Mendelssobn, traduites
par J, Duesberg. — Correspondance-. Saint-Pétersbourg. — Nouvelles et
annonces.
<M
REVUE DE LAMEE 1863.
Voilà dix fois au moins que nous recommençons le compte des
ouvrages nouveaux représentés dans le cours de l'année dernière sur
les théâtres qui sont de noire ressort, et chaque fois que nous arri-
vons au total, nous croyons toujours nous être trompé de chiffres.
Comment, si peu de nouveautés et tant de reprises en douze mois !
Le tempérament parisien serait-il donc changé tout à fait? Eh quoi!
ce sultan blasé, si avide de primeurs, ne se soucierait plus qu'on lui
en servît sur sa [table ? Mais, au contraire, sa préférence serait ac-
quise auxf>mets qu il aurait déjà vu paraître et reparaître ? Et comme
il ne trouverait de saveur qu'aux choses qu'il aurait déjà goûtées, il
n'entendrait avec plaisir que celles qu'il aurait déjà entendues? Car-
minaprius audita! Si telle est vraiment la disposition, l'inclination
actuelle de notre public, libre à lui : nous n'avons rien à dire; mais
on nous assure qu'au fond il n'est pas plus content qu'il ne faut, et
qu'il se plaint à tout venant de ce que ses théâtres ne font plus rien
pour lui depuis que, grâce aux chemins de fer, les étrangers et les
provinciaux remplissent incessamment leurs salles et leurs caisses.
Dans un tel état de choses, quoi d'étonnant à ce quo les auteurs ré-
clament à grands cris la liberté des théâtres ? De quoi vivraient les
jeunes et les vivants, si l'on persistait à ne jouer que les anciens et
les morts? Et vous verrez que les spectateurs, assez indifférents jus-
qu'ici à la question, finiront par se mettre de la partie ; car, à tout
prendre, un peu de nouveau ne ferait pas mal de temps en temps,
ne fût-ce que pour reposer de l'éternel pâté d'anguilles !
Que si les directeurs se plaignaient à leur tour, et disaient :
« De quel droit nous forcer à jouer du neuf, quand le vieux nous
enrichit? » on pourrait leur répondre : « Le cas était prévu jadis (et
ce jadis ne remonte pas bien loin). Il y avait dans le cahier des
charges de certains théâtres un petit article, qui peut-être y est en-
core, et qui fixait le nombre d'ouvrages inédits que le théâtre de-
vait monter chaque année. Ce petit article bien innocent suffisait à
tenir les directions en éveil: jamais on ne s'est servi.'comme d'un
lacet, pour en étrangler une seule. Mais, en cas de négligence ou de
paresse, on interrogeait la délinquante, on lui demandait ses mo-
tifs, et s'ils ne semblaient pas valables, on l'invitait à montrer un
peu plus d'activité. Si cet article n'existait pas, il faudrait l'inven-
ter, comme garantie contre les chemins de fer et les avalanches
de prospérité dont ils inondent nos théâtres. »
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Qui le croirait ? Dans tcute l'année, notre grand Opéra n'a
donné que deux [nouveautés, la Mule de Pedro, opéra en deux
actes de MM. Dumanoir et Victor Massé, et Diavolina, ballet en un
acte de MM. Saint-Léon et Pugni. Encore la Mule de Pedro s'est-
elle arrêtée presque à son départ, et l'on ne sait si jamais elle se
remettra en route! Mandé à la barre, M. Emile Perrin se défen-
drait victorieusement en rappelant que 'i Mnellc de Porlici, reprise
le 19 janvier 1863, a tenu la scène, attiré la foule autant et plus
qu'un chef-d'œuvre nouveau, par cette simple raison que les chefs-
d'œuvre n'ont pas d'âge. Voyez Robert le Diable, voyez les Hugue-
nots, qui plus que jamais font salle comble ! Ce sont là certaine-
ment des circonstances atténuantes, et le directeur de notre grand
Opéra n'en manquerait pas. Un nouveau ténor, Villaret, a débuté
avec éclat dans Guillaume Tell ; et puis il a chanté dans le Trou
vère et dans la Juive. On a repris pour Mlle Sax et pour lui les
Vêpres siciliennes. On a repris le Comte Ory pour le ténor Warot,
et Giselle pour Mlle Mourawieff. Mlle Titjens a passé comme un
météore, en chantant quatre fois de suite le rôle de Valentine des
Huguenots. Une révolution s'est accomplie dans l'orchestre : M. Geor-
ges Hainl en est devenu le chef, en remplacement de M. Dietsch.
Enfin, la reprise de Moïse a clos pompeusement l'année: c'est en-
core une excuse pour l'absence d'un nouveau chef-d'œuvre. Cepen-
dant cela ne pourrait pas durer toujours ainsi. Fasse le ciel que dans
douze mois, à pareil jour, nous ayons à enregistrer non pas moins
d'excuses de ce genre, mais pourtant un peu plus de nouveautés !
Au théâtre de l'Opéra-Comique jamais non plus le contingent des
pièces nouvelles n'a été plus mince. Encore si la qualité eût pu en
suppléer la quantité ! Mais quelle pièce que l'Illustre Gaspard, un
acte de MM. Ouvert et Lauzanne, mis en musique par M. Eugène
Prévost ! l'Illustre Gaspard s'était appelé Un capitaine de brigands
au Vaudeville, d'où il n'eût pas dû s'échapper. Quelle pièce que
la Déesse et le Berger, deux actes de MM. Camille Dulocle et
Jules Duprato ! Quelle pièce que Bataille d'amour, trois actes de
M. Victorien Sardou, l'auteur à la mode, associé à M. Karl Daclin,
poëte lauréat, et à M. de Vaucorbeil, compositeur vanté dans les
salons ! Quelle déception pour le nouveau directeur de l'Opéra-
Comique, M. de Leuven, à qui la Déesse et le Berger, ainsi que
Bataille d'amour, avaient été transmis dans un coffret de bois de
cèdre comme d'inimitables chefs-d'œuvre ! N'y avait-il pas de quoi
lui faire prendre en grippe tout ouvrage non chargé de glorieux
chevrons? Aussi, le reste du temps, ne voulut-il plus entendre parler
d'oeuvre nouvelle ou soi-disant telle. Probablement il ne consentit à
jouer les Bourguignonnes, un acte de M. Meilhac, musique de
M. Deffès, que parce qu'elles avaient déjà fait leurs preuves à Ems
avec cette même Mlle Girard, qui en profitait pour son retour à
Paris et son début à l'Opéra-Comique. Pour s'occuper, sans courir
de risque, il avait déjà repris la Chanteuse voilée, de Victor Massé;
Zampa, d'Hérold; il reprit encore la Fausse Magie, de Grétry ; il
enleva au répertoire de l'ancien théâtre Lyrique les Amours du
Diable, trois actes de MM. de Saint-Georges et Grisar; il remit à
la scène le Songe d'une nuit d'été, d'Ambroise Thomas. Achard y
prit le rôle de Shnkspeare, et peu après ce même Achard se mon-
tra dans le rôle d'Horace du Domino noir. Le jeune roi des
Hellènes, passant par Paris, avait demandé le chef-d'œuvre de
Scribe et Auber. On n'avait que deux jours pour se préparer ; sur
quoi, les fortes têtes, les experts déclarèrent sans hésiter que la
chose était impossible. Mais dans l'administration il se trouva quel-
qu'un qui pensa qu'au contraire la chose était possible et devait se
faire : en effet elle se fit; et à cette heureuse pensée, à cette ferme
volonté, l'Opéra-Comique dut la plus fructueuse des reprises de l'an-
née, une reprise qui eut pour singulier résultat de mettre M. Au-
ber en concurrence avec lui-même et de l'obliger à retarder sa
Fiancée du roi de Garbe, afin de laisser le champ libre à son Domino
noir. Par ces causes, l'année 1863 nous a dit adieu sans que nous
ayons pu dire bonjour à la Fiancée du roi de Garbe, et c'est la faute
du Domino noir si l'Opéra-Comique en est resté à ses quatre
pièces nouvelles, formant ensemble sept actes, dont heureusement un
seul, les Bourguignonnes, a quelque chance d'être repris.
Vous souvient-il qu'en 1862, tous les théâtres lyriques avaient
changé de maître, sauf le théâtre Italien, dont, au commencement de
1863, le chef paraissait en pleine jouissance de la fortune que donne
le succès et de la sécurité que donne la fortune. Mais tout à coup la
direction s'enfonce dans un abîme, et à la place d'un théâtre floris-
sant on n'aperçoit plus que des ruines, parmi lesquelles, ce qu'il y a
de plus triste , ne se retrouvait pas la subvention. Alors s'est
présenté un homme courageux, que le terrible sans dot n'a pas
effrayé. M. Bagier avait déjà sauvé l'Oriente de Madrid : d'une
détestable entreprise il en avait fait une excellente, et il se demanda
pourquoi il ne réussirait pas de même à Paris. Sans sourciller donc,
il se mit à l'œuvre, et depuis trois mois nous avons pu voir com-
ment il s'y prenait. Avant sa catastrophe, son prédécesseur avait eu
le temps de donner trois ouvrages que ne connaissait pas notre
scène italienne, / Lombardi alla prima Crociata, musique de Verdi ;
la Serva padrona , musique de Pergolèse, et Alessandro Stradella,
musique de M. Flotow, partition non moins élégante et mélodique,
mais plus sérieuse et plus large que celle de Marta.
M. Bagier ne nous a pas encore donné d'ouvrages nouveaux, mais
il nous a fait commître de nouveaux artistes. Il y a gros à parier que
sans lui Fraschini ne se serait jamais décidé à chanter pour nous,
lui qui, la veille de son début, offrait de rompre son traité au prix
d'une fortune. M. Bagier nous a ramené Mme Anna de La Grange,
spécimen accompli de l'art du chant, type de la distinction comme
femme et comme artiste. Un chanteur sans rival en ce moment, une
cantatrice admirable, c'est déjà quelque chose, et nous attendons
avec confiance ce que nous réserve le directeur pour la seconde
moitié d'une saison dont la première a dû avoir des moments si
laborieux, si difficiles.
Comme il était aisé de prévoir, la subvention, perdue pour le théâ-
tre Italien, ne l'a pas été pour tout le monde. Si quelqu'un y avait
des droits fondés sur des titres incontestables, c'est M. Carvalho,
qui avait porté si haut le drapeau du théâtre Lyrique, tandis que sa
femme soutenait l'honneur du chant français. Les 100,000 francs lu
furent donc octroyés à partir du premier jour de cette année,
et l'on peut dire qu'il les avait gagnés d'avance, avec quelques-
uns des ouvrages par lui mis en scène depuis douze mois. Voici
d'ailleurs la liste complète de ces ouvrages, parmi lesquels il en
est dont l'importance et la valeur n'ont pas besoin d'être signa-
lées : Ondine, trois actes, de MM. Lockroy, Mestepès et Théodore
Semet; Peines d' amour perdues , trois actes, paroles de MM. Michel
Carré et Jules Bagier, arrangées sur la musique de Cosi fan tutte, de
Mozart; les Fiancés de Rosa, un acte de M. Adolphe Choler, musique
de Mme Clémence Valgrand ; le Jardinier et son Seigneur, un acte
de MM. Michel Carré et Barrière, musique de M. Léo Delibes ; pre-
mière reprise à'Oberon, qui fut repris une seconde fois dans la saison
suivante ; reprise des Noces de Figaro pour la réouverture du mois
de septembre; les Pêcheurs de perles, trois actes de MM. Michel
Carré et Cormon, musique de M. Bizet, l'un des plus jeunes
lauréats de l'Académie des Beaux-Arts ; les Troijens, opéra en cinq
actes, paroles et musique de M. Hector Berlioz. Quoi qu'on pense et
qu'on dise de cette œuvre (utuneque ferent), devant laquelle
hésitait notre grand Opéra, l'avoir résolument accueillie et digne-
ment fait valoir, c'est un trait qui distinguera toujours M. Car-
valho, et lui assignera un rang à part! Après les Troyens, nous
avons encore à citer une reprise de la Perle du Brésil, de Félicien
DE PARIS.
David, et la première représentation d'une traduction française de
Rigolelto, l'un des meilleurs opéras de Verdi. N'est-ce pas là une
année qui pourrait compter double pour le travail, sinon, hélas ! pour
le profit?
Offenbach s'est lassé à la fin d'habiter une maison aussi petite que
celle de Socrate. Il avait bien assez d'esprit, personne n'en doute,
pour penser comme le philosophe :
Plût au ciel que de vrais amis
Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine !
Mais comme, au demeurant, les vrais amis d'un compositeur,
d'un auteur, d'un directeur, sont ceux qui payent leur place au
bureau , il n'y a jamais d'inconvénient à tâcher d'en augmenter le
nombre ,' et Offenbach s'est décidé à l'essayer, en élargissant consi-
dérablement les proportions de son domicile dramatique. Dans quel-
ques jours la nouvelle salle va s'ouvrir : les amis y viendront en
plus grand nombre que jamais, et s'y trouveront bien plus à l'aise.
Job et son chien, un acte , de MM. de Mestepès et Emile Jonas ;
Madame Pijgmalion, un acte, de MM. Jules Adenis, Francis Tourte et
Frédéric Barbier ; tes Bavards, en deux actes, de MM. Nuitter et
Offenbach , auront été les dernières productions de l'ancienne serre
chaude ; les Bavards surtout demandaient plus d'air et d'espace.
Encore un peu et ils en jouiront, sans préjudice des nouveautés, dont
la floraison s'annonce comme devant être riche et brillante.
Parmi les événements de la dernière annéo, comment ne pas citer
l'exécution du Requiem, de Mozart, à Notre-Dame, exécution due au
zèle toujours croissant, toujours infatigable de M. le baron Taylor,
président de l'Association des artistes-musiciens? Comment oublier
celle de la messe de Beethoven, à Saint-Eustache , pour la fête de
sainte Cécile ? C'était encore M . le baron Taylor qui présidait à la
fête , et c'était M. Pasdeloup dont le bâton conduisait les chanteurs
et l'orchestre : M. Pasdeloup qui, par sa fondation des concerts
populaires de musique classique, avait si bien gagné cette croix,
désormais placée sur sa poitrine !
Tandis que les concerts populaires ne cessaient, de grandir et de
prospérer, il est arrivé à l'ancienne Société des concerts du Conser-
vatoire quelque chose d'assez grave. Nous ne parlons pas de la
retraite de son honorable chef d'orchestre, M. Tilmant, ni de l'élec-
tion de M. Georges Hainl, comme successeur immédiat de M. Til-
mant, lequel succédait à M. Girard, qui lui-même avait hérité
d'Habeneck. Ce que nous trouvons bien plus surprenant, c'est
l'énorme infraction que la vieille Société a faite à son régime. Elle a
osé donner deux concerts de plus, deux concerts en dehors de ses
habitudes, deux concerts avant le mois de janvier ! Voilà pourtant
ce que c'est que l'exemple ! La Société s'est enfin aperçue qu'il y
avait moyen de donner plus de sept ou huit concerts par an. M. El-
wart le lui avait conseillé déjà, mais elle n'en tenait compte. Si, par
la même occasion, elle s'aperçoit aussi qu'il n'est pas impossible de
varier un peu ses programmes, tout sera pour le mieux.
Dans le compte des opéras nouveaux, nous en avons omis trois,
joués, non à Paris, mais à Bade : la Fille de l'orfèvre, de M. Mem-
brée ; Volage et Jaloux, de Bosenhain ; Nahel, de M. Litolff. Chacun
de ces ouvrages a eu son jour, ou ses deux jours au plus : c'est le
maximum de la vie des nouveautés dans ce rendez-vous de la fas-
hion et de l'aristocratie princière, monarchique, financière. Les com-
positeurs semblent y avoir adopté l'axiome mis en musique par
Boïeldieu :
Mais en tout, même en amour,
C'est beaucoup d'avoir un jour.
Du reste, ce qu'il y a de certain, comme l'écrivait un de nos
confrères, c'est qu'il existe désormais une nouvelle classe de com-
positeurs dramatiques et que Bade lui a donné naissance. Dans
l'histoire naturelle , on connaissait les Éphémères : on n'avait pas
prévu que l'analogue s'en retrouvrait de notre temps dans l'histoire
musicale.
Que ce mot d'éphémères nous serve de transition à la double
liste nécrologique française et étrangère qu'un triste devoir nous
oblige à tracer. En France, près de nous, d'un jour à l'autre on
disparu, Mmes Damoreau, Lmma Livry, Ida Boullée, Emile Prudent,
Stanislas Verrroust, Masini, Henri Boisseaux, D. Beaulieu, Serda,
Canaple, Alfred Dufresne, Jules Lovy, Delécluze, Pitre Chevalier,
Victor Mabille, Pierre-Joseph Charrin, doyen des chansonniers fran-
çais ; Bruguière, Mélanie Dumont, qui s'intitulait sur ses cartes, élève
dramatique de MM. Auber et Halévy, lauréat (sic) de l'Opéra-Co-
mique. Les étrangers ont salué de leurs larmes et de leurs regrets
Mmes Schoberlechner, Palmire Tacchinardi, Joseph Mayseder, Zi-
zold, Bayer, Adolphe Frédéric Hesse, Philippe Hœrter, John Hamil-
ton Braham, Gustave Bock, Frédéric Beale, A. Cavos, Charles Schu-
berth, Davide, André Jaspar, Schodel, Hwmann Wollenhaupt, An-
toine Roth, Charles Glover, John Hamilton, Braham, Grùnwald, Fer-
dinand Herber, l'auteur des plus beaux lieder suisses; Bar Wolff,
élève de Spohr et maître à son tour; Muhldorfer, le décorateur ma-
chiniste du Pardon de Ploërmel. Sans doute, il y aurait encore bien
des noms à inscrire; mais notre mémoire ne nous en fournit pas
davantage, et près du terme de cette course douloureuse, nous ne
demandons qu'à nous arrêter.
Paul SMITH.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
Reprise die MM<atse.
(Lundi 28 décembre.)
Moïse est depuis longtemps placé au rang des monuments de l'art
musical; tout directeur de l'Opéra qui entre en fonctions se regarde
comme obligé d'honneur à le remettre à la scène et à lutter contre
ses devanciers par sa manière de faire valoir les éternelles beautés
du chef-d'œuvre. Pour notre part, ce qui nous a toujours paru le plus
merveilleux, le plus extraordinaire, c'est qu'un tel chef-d'œuvre ait
pu être fait eu deux fois ; c'est que, huit ou neuf ans après avoir
donné son admirable Mosè en Italie, Rossini ait eu assez de courage
pour le recommencer, et assez de génie pour l'élever aux propor-
tions du Moïse dont il dota la France. Que dirait le poêle Totola,
primitif et naïf auteur du libretto dans lequel le législateur des
Hébreux joue le principal rôle, s'il voyait à quel point son œuvre
s'est agrandie ? On sait qu'en France ce fut Balocchi, le poëte or-
dinaire du théâtre Italien, qui eut mission de traduire littéralement
le texte de son confrère d'Italie; et comme Balocchi parlait et écrivait
facilement la langue française, que même il entendait le mécanisme
de notre versification , il élait aussi chargé de brocher une espèce
de canevas rimé, que M. Jouy, l'académicien, transformait en pure
poésie.
Ainsi fut composé notre Moise, dont l'histoire complète fournirait
un gros volume ; celle de ses diverses reprises n'en serait pas le
moins curieux chapitre. Nous ne parlerons que de la derrière, en
rappelant toutefois celle qui eut lieu au mois de novembre 1852. Dans
l'origine, en 1827, voici quelle était la distribution des rôles : Levasseur
tenait celui de Moïse, Dabadie celui de Pharaon, Adolphe Nourrit
celui d'Aménophis , Mme Damoreau chantait le rôle d'Anaï dans
lequel Mlle Falcon lui succéda en 1832. C'était Mme Dabadie qui re-
présentait Sinaïde, mère d'Aménophis, et Mlle Mori, la mère d'Anaï.
REVDE ET GAZETTE MUSICALE
En 1852, Obin , Morelli, Gueymard, Mmes Laborde, Poinsot, Duez,
remplaçaient tous ces artistes, et aujourd'hui Obin seul est resté à
son poste: Faure, Warot, Mlles Marie Battu, de Taisy et Godfrend
remplacent les autres.
Dans le rôle de Moïse, sans égaler jamais Levasseur, Obin s'en est
approché autant que possible, et nul n'était plus capable que lui de
s'y montrer encore. Si sa voix a parfois quelques légères défaillances,
elle a conservé néanmoins assez d'énergie et d'ampleur pour bien
rendre la note et l'expression; sa taille élevée, sa tête noble et
sévère, ses gestes imposants achèvent de lui imprimer le carac-
tère sous lequel nous avons l'habitude de nous le figurer. Faure
n'est pas moins bien placé dans le rôle de Pharaon ; il chante mieux
que Dabadie et que Morelli, et s'il avait un Rubini pour partenaire
dans le fameux duo Parlar, speigar (en français : cruel moment, que
faire?), il ne laisserait nullement regretter l'excellent Tamburini.
Malheureusement, Warot ne possède pas une voix assez bonne pour
qu'on dise de Faure et de lui et caniare parcs! De plus il était déjà
souffrant le premier jour de la reprise, et l'émotion a dû empirer son
mal. Il a donc fallu suspendre l'ouvrage en attendant que l'artiste soit
remis.
Venons à Mlle Marie Battu, qui débutait dans le rôle d'Anaï, ce
rôle successivement chanté par Mmes Damoreau, Falcon, Laborde,
et enfin par Mme Bosio. Hàtons-nous de dire que le succès de la
jeune cantatrice a été l'événement de la soirée, et qu'une transfor-
mation a paru s'être opérée à son avantage dans sa personne non
moins que dans sa voix. Au premier acte, c'était à peine si l'on
pouvait la reconnaître, tant son costume hardiment juif la rend
différente de ce que nous l'avions vue. On cherchait la jeune fille
svelte, élancée : on retrouvait presque une femme forte. Et sa voix
n'a pas subi une moindre métamorphose : quoique toujours souple
et légère, elle semble avoir pris un timbre et un accent qu'elle
n'avait pas. Mlle Marie Battu a dit son air du quatrième acte, non-
seulement en cantatrice, mais en actrice, ce que pas une de ses
devancières n'avait fait aussi bien. Maintenant il ne reste qu'à voir
si les autres rôles du grand répertoire lyrique lui sont aussi fa-
vorables que celui d'Anaï, et si réellement sa voix peut en porter
le poids sans effort ni fatigue.
La mère d'Aménophis n'a qu'un air à chanter, et Mlle de Taisy
s'en est acquittée à merveille. Pourquoi le costumier n'a-t-il pas
mieux habillé Mlle Godfrend ? Pour elle et pour Warot, il y a lieu
de demander une révision totale, avec d'autant plus de droit qu'en
général les costumes sont fort beaux. Les décors sont aussi d'une
grandeur et d'une splendeur éminemment bibliques.
Nous n'avons que des éloges pour l'exécution musicale du chef-
d'œuvre ; l'orchestre et les chœurs ont fort bien marché sous la
direction de Georges HainI, et le magnifique finale du troisième acte
a produit tout son effet. Nous n'en saurions dire autant du passage
de la mer Rouge, dont nous ne concevons pas très-nettement les
évolutions nautiques.
Dans le divertissement du troisième acte, une jeune et jolie
ballerine, Mlle Fioretti, se produisait en compagnie de Mlles Vernon
et Fonta. La variation de Mlle Vernon, tirée du Siège de Corinthe,
a pour accompagnement la flûte de Dorus ; mais la musique sur
laquelle danse Mlle Fioretti n'est pas de Rossini : c'est un air de valse
de Labitski ou Lanner, orchestré d'une main habile. Il n'y a que
les grands maîtres pour laisser prendre avec eux de telles licences.
P. 3.
LETTRES DE FÉLIX BffiBDELSSOHN
(Suite.)
A Fanny Henselt (1), à Berlin.
Leipzig, 14 février 1841.
Salut et fraternité. (En français dans le texte.)
As-tu lu la lettre courroucée que l'empereur de Chine a écrite à
Lin avec son pinceau cramoisi ? Si c'était la mode chez nous, je
t'écrirais avec le pinceau vert ou avec le pinceau bleu de ciel, ou de
toute autre couleur exprimant la joie — pour te remercier de ton ex-
cellente épître à l'occasion de l'anniversaire de ma naissance. Je te
dois également des remercîments pour l'intérêt que tu prends au Ddèle
Eckert. Sans doute, c'est maintenant un très-bon musicien pouvant se
rendre utile. C'est là le point essentiel, au-delà duquel personne ne
devrait s'inquiéter des autres, d'après mon opinion (que je conserve
parfois pendant vingt-quatre heures). Que quelqu'un devienne plus
tard un homme extraordinaire, unique, etc., c'est là une affaire à part.
Mais tout homme dans le monde doit être bon à quelque chose et sa-
voir son métier, et celui qui ne le sait pas doit être honni, depuis
le savetier jusqu'au maréchal de la cour.
Ne me parle plus de tes séances musicales du dimanche : c'est
vraiment une honte et une abomination que je ne les aie pas
entendues. Mais si cela me fâche, à ton tour tu dois regretter de
n'assister à aucun de nos brillants concerts d'abonnement. Je t'as-
sure que nous rayonnons du plus vif éclat — des feux du Bengale !
Dans notre dernier concert historique (Beethoven), M. Schmidt fut
pris d'une indisposition subite qui l'empêcha de chanter. Au milieu
de la première partie, David s'écrie : « La Devrient qui est là-haut ! »
Elle était arrivée le matin par le chemin de fer, et devait repartir le
lendemain. Pendant l'entr'acte je monte, je me fais gentil ; elle con-
sent à chanter Adélaïde. On apporte un vieux piano sur l'estrade ;
il y eut quatre salves d'applaudissements ; on se doutait de la pré-
sence de Mme Devrient. Elle arriva dans un piètre costume de
voyage, et Leipzig se mit à pousser des cris de joie et des hurle-
ments sans fin. Elle ôta son chapeau coram publico , et montra, toute
confuse, son paletot noir ; — je crois qu'ils applaudissent encore. Elle
chanta fort bien ; on sonna des fanfares, et l'on applaudit tant et si
longtemps, que du paletot noir on n'apercevait plus le moindre
ruban. La prochaine fois nous donnerons pêle-mêle du Molique, du
Kalliwoda et du Lipinski.
Quant aux temps qu'il faut prendre dans mon psaume, tout ce que
je puis te dire, c'est qu'au passage où il est question du Jourdain, il
serait bon que le chœur eût des mouvements d'oscillation, pour
simuler les modulations des vagues ; ici nous produisons cet effet.
Quant aux autres temps, informe- toi auprès de G*** ; il s'y entend
très bien. Je proposerais toutefois d'exécuter le dernier morceau sur
un mouvement très-lent, parce qu'il est dit: Louez le Seigneur à
tout jamais. 11 faut que ça dure le plus longtemps possible. Que Dieu
me pardonne cette mauvaise plaisanterie!
Au chef aV orchestre Ferdinand David.
Berlin, 21 octobre 1841.
Merci à toi d'avoir lu sur-le-champ Ântigone. Je savais d'avance
qu'elle te plairait énormément, si tu la lisais, et c'est précisément
l'impression qu'elle m'a laissée qui est cause que cela s'est fait. Tout
le monde en pariait, et personne ne voulait commencer; il était ques-
(1) Sœur de Mendelssohn; elle avait épousé le pianiste Henselt, et sa mort f
maturée hâta la fin de son illustre frère.
DE PARIS.
tion d'attendre jusqu'à l'année prochaine; et comme cette œuvre
magnifique m'avait fortement saisi, j'en parlai au vieux Tieck, et je
lui dis : « Maintenant ou jamais ! » — Tieck fut aimable et me re-
pondit : « maintenant ! » et je me rais à composer à cœur joie. Nous
avons deux répétitions par jour, et les chœurs marchent à ravir.
Tout Berlin croit naturellement que nous faisons les malins, et que
j'écris les chœurs pour être bien en cour, musicien de la cour ou
fou de la cour. Au contraire, au commencement je ne voulais pas
rn'embarquer du tout dans cette affaire; mais l'œuvre est si admira-
blement belle qu'elle me fit oublier tout le reste, et qu'elle ne me
laissa que le vif désir de la voir représentée.
C'était un magnifique sujet, et j'y ai travaillé avec joie et de tout
cœur. Ce qui me frappa, ce fut de voir combien il y a dans l'art
des choses d'une beauté inaltérable. Le sentiment exprimé dans les
chœurs est encore aujourd'hui tout à fait musical, et offre une diver-
sité à souhait pour la composition. Si seulement il n'était pas diffi-
cile dans ce pays-ci de se former une opinion vraie sur une œuvre !
D'ordinaire on ne rencontre que d'impudents flatteurs et des critiques
tout aussi impudents, et les uns et les autres vous font prendre tout
d'abord toute chose en dégoût. Jusqu'ici je n'ai encore eu affaire qu'à
des admirateurs; après l'exécution vont venir sans doute les savants,
qui me démontreront comment j'aurais dû écrire si j'avais été Ber-
linois.
A sa mère.
Londres, 51 juin 1842.
Si ma lettre a aujourd'hui un air fatigué, déhanché, elle rend
parfaitement mes sensations. Mais c'est qu'aussi ils ont poussé les
choses trop loin. A l'orgue, dans la Christchurch, j'ai pensé étouffer,
tant il y avait de cohue autour de la banquette; quelques jours après,
à Exeter-Hîll, où j'ai dû jouer devant trois mille personnes, qui me
saluèrent d'un hourrah, et agitaient leurs mouchoirs, et trépignaient,
que la salle en tremblait. D'abord je n'en ressentis pas de mal, mais
le lendemain j'avais la tête lourde comme après une nuit blanche.
Avec cela, la belle et toute charmante reine Victoria, qui est si aima-
ble et si polie, avec un air virginal et timide, qui parle si bien alle-
mand, et qui connaissait toutes mes œuvres : les lieder sans paroles
et les lieder avec paroles, et la symphonie.
mes Hébrides à la Société philharmonique, où l'on me reçoit comme
un vieil ami, et où ils ont joué avec un dévouement qui m'a causé
la joie la plus vive. On fait un tel « scandale » à mon sujet, que
j'en suis tout ahuri ; je crois qu'après le concerto, ils ont applaudi
et trépigné pendant dix minutes, et on a bissé les Hébrides. Les di-
recteurs me donnent un dîner, la semaine prochaine, à Greenwich :
nous descendrons la Tamise en corps et il y aura des speeches. 11
est question d'exécuter Antigone à Covenl-Garden, dès qu'on aura
pu se procurer une bonne traduction.
Dernièrement, j'arrive à un concert à Exeterhall, où je n'avais
que faire : j'entre sans façon avec Klingemann. On était déjà au
milieu de la première partie; il y avait environ trois mille personnes.
A. peine ai-je franchi le seuil, voilà qu'il se fait un vacarme; on ap-
plaudit, on crie, on se lève. D'abord, je ne croyais pas que ce
fût à moi qu'on en voulait. Je ne m'en aperçus que quand j'arrivai
à ma place , et que je vis sir Robert Peel et lord Warnclifî, tout
près de moi, qui applaudissaient, et que je dus me lever et faire
des révérences. J'étais crânement fier de ma popularité en présence
de Peel. A mon départ, après le concert, on me gratifia d'un nou-
veau hurrah
Et avec quel talent mistress Butter nous a lu dernièrement chez
Chorley, Antoine et Cléopdtre, de Shakspeare ! Et lady Morgan y
était, et Winterhalter, et Duprez; celui-ci nous a chanté ensuite une
romance française « d'un vieux mendiant qui avait si grand faim »
et une autre « d'un jeune homme qui est sur le point de perdre
la raison : le vent qui vient à travers la montagne, etc. » —
Stveet I dirent les dames ; et il y avait Bénédict, et Moschelès, et
Groot: qui peut les compter tous? — J'ai renoncé au festival de
la Haye, quoiqu'on m'ait beaucoup tourmenté pour me décider à
assister à l'exécution de mon hymne.
Il faut que je finisse. A un joyeux revoir, très- chère mère, très-
chères sœurs.
Traduit par J. DUESBERG.
Lettre à sa mère.
En effet, hier au soir, j'ai été chez la reine, qui se trouvait pres-
que toute seule avec le prince Albert, et qui s'assit auprès du piano
et m'écouta jouer: d'abord, sept romances sans paroles, puis la Sé-
rénade ; puis deux improvisations sur Rule Britannia, et la Chasse
sauvage de Lulzow et le Gaudeamus igitvr. Ce dernier morceau
était tant soit peu scabreux, mais je n'osais pas trop faire d'observa-
tions, et puisqu'on me le demandait, je pouvais bien le jouer. Avec
cela, cette belle galerie au palais Buckingham, où elle prenait le
thé, et où il y a deux poses de Paul Potter, et plusieurs autres ta-
bleaux que je trouvais également à mon goût; puis ma symphonie
en la mineur qui eut beaucoup de succès ; en outre, un accueil bien-
veillant et une prévenance aimable qui surpassent tout ce que j'ai
jamais vu en fait d'hospitalité : tout cela me fait tourner la tête par
moment, et il faut que je me prenne à deux mains pour ne pas la
perdre.
Le 22 juin. — Aujourd'hui, je puis continuer allègrement ma
lettre; le sommeil m'a remis de mes fatigues, et me voilà frais et
dispos. Hier soir, j'ai joué mon concerto en ré mineur et j'ai dirigé
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg, 17/29 décembre 1S63.
Jeudi dernier, 12/24 décembre a été donné un de ces splendides
ballets que la direction des théâtres impériaux monte d'ordinaire avec
un luxe oriental. Il a pour titre la Belle du Liban ou le Génie des mines.
Composé et réglé par Marius Petipa, il était, représenté pour la première
fois à son bénéfice devant S. M. l'empereur, et les grands-ducs hono-
raient de leur présence le nouveau ballet, dans lequel Mme Petipa rem-
plissait le principal rôle.
Le succès qu'a obtenu sur la scène de votre Opéra notre charmante
danseuse rendra saDS doute intéressants quelques détails sur cette re-
présentation.
Le sujet, ainsi que l'Indique le titre, est fantastique et se lie, quoi-
qu'assez indirectement, à la collision sanglante des Druses et des Maro-
nites, qui impressionna si vivement l'Europe chrétienne il y a quelques
années. M. Petipa y a surtout cherché le prétexte de belles décorations,
de costumes magnifiques et de danses pittoresques empruntées aux
mœurs et habitudes de ces peuplaies. Sous ce rapport il a complète-
ment réussi. Quant à l'action en elle-même, elle manque d'originalité
et n'offre qu'un médiocre intérêt.
Ce ballet, qui ne dure pas moins de quatre heures, abonde en pas de
toutes sortes. Plusieurs sont trop longs etdevront être raccourcis, sinon
coupés entièrement. Ceux que nous avons le plus remarqués sont : un
pas des montagnards du Liban ; le caractère en est très-original et d'un
effet pittoresque : il a été fort bien dansé, surtout par une jeune dan-
seuse, Mlle Matleïeva, qui donne les plus belles espérances; on l'a fort
applaudie et plusieurs fois redemandée. Le pas des derviches tourneurs
a fait rire , mais il n'est pas nouveau ; la marche nuptiale a un cachet
de vérité qui a fort intéressé ; nous aimons beaucoup moins la marche
des gnomes et des minéraux, imitée du beau ballet Flick H Flock du
théâtre de Berlin et qui est loin de la valoir. Le grand pas des odalis-
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ques ressemble à tous les pas où des écharpes de gaze rose, bleue ou
verte, jouent le principal rôle. Nous ne dirons rien non plus d'un pas de
minéraux et de pierres précieuses, représentés par des danseuses, l'épée
à la main, et qui consiste en évolutions militaires commandées par le
diamant, pour arriver de suite à deux pas délicieux dansés par MmePe-
tipa, avec le talent que vous lui connaissez : l'un, le pas de la char-
meuse, est l'assemblage le plus complet de la force et de la grâce ; les
difficultés accomplies par la célèbre ballerine surpassent tout ce qu'on peut
imaginer, sans trahir un instant de peine ou de fatigue. Aussi a-t-elle
été saluée par des bravos unanimes, accompagnés de nombreux bouquets
et des compliments de l'empereur.
te grand pas de la Colombe, dans lequel Mme Petipa voltige autour
d'un massif de roses, ne lui a pas moins réussi et aurait suffi, avec le
précédent, pour assurer le succès de la soirée si, comme je vous l'ai
dit, l'ensemble de la mise en scène, la richesse et la variété des. cos-
tumes, la beauté des décorations, dont l'une, représentant le palais
souterrain du génie des mines, s'engloutit tout d'une pièce dans le troi-
sième dessous, pour faire place aux jardins enchantés dans lesquels
s'ébattent les colombes et les colibris, ne composaient pas un spectacle
fait pour attirer la foule. Si je ne vous ai pas encore parlé de la mu-
sique, c'est qu'elle ne m'a pas paru digne du talent de M. Pugni, qui a
fait souvent beaucoup mieux. Elle manque de couleur, souvent de viva
cité. Tout le monde a remarqué aussi, dans la scène des deux Sosie,
une contradiction choquante entre l'orchestre et la scène. Au moment
où le génie des mines change en musiciens Beschir et ses compagnons,
il eût été naturel, puisqu'ils se mettent à jouer de la flûte, que l'accom-
pagnement fît entendre les sons de cet instrument. Au lieu de cela,
c'est le violon, doublé du violoncelle, qui concerte avec lui, à qui mieux
mieux; il est vrai qu'une demi-heure après, le célèbre flûtiste Ciardi
exécute, aux applaudissements de la salle entière, un magnifique solo ;
cela fait compensation !
Samedi 14/26, une représentation de retraite était donnée au béné-
fice de la deuxième basse de notre théâtre Italien, Cecconi. Le spectacle
se composait d'actes divers, d.7 Puritari, il Barbiere, la Favorila, et de
fragments iïUn Ballo in maschera, de Giovanna di Gusman, etc. Les hon-
neurs de la soirée ont été pour Calzolari, qui a délicieusement chanté
le rôle du comte Almaviva, et pour Mme FiorettI, très applaudie après
le boléro du quatrième acte de Giovanna di Guzman.
S. D.
NOUVELLES.
„% Le théâtre impérial de l'Opéra a été empêché, par une indisposi-
tion de Warot, de donner, comme il l'avait annoncé, trois représentations
de Moïse pendant la semaine passée. La Favorite et la Juive ont donc
été jouées mercredi et vendredi, et demain aura probablement lieu la
deuxième représentation de Moïse. — Aujourd'hui dimanche, par extra-
ordinaire, Robert le Diable.
„*» LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice, qui ont assisté à la repré-
sentation de Moisc. ont fait appeler après le quatrième acte M. Emile
Perrin, pour lui témoigner toute leur satisfaction et le charger d'en
transmettre l'expression aux artistes et spécialement à la débutante,
Mlle Marie Battu.
,% La première représentation de la Fiancée du roi de Garbe, qui
avait été d'abord annoncée pour lundi dernier, en concurrence avec
Moïse, paraît maintenant ajournée et peut-être jusqu'au 9 janvier. On dit
que c'est S. M. l'Empereur qui aurait lui-même demandé ce retard à
M. Auber et aurait témoigné l'intention d'assister avec S. M. l'Impéra-
trice à cette solennité.
,,*„ Adelina Patti va rentrer au théâtre Italien par le rôle d'Amina
de la Sonnambida. Nicolini y chantera le rôle d'Elvino.
„.% On annonco que Mme Charton-Demeur vient d'être engagée au
théâtre italien.
3% La reprise û'Un Ballo in maschera n'a pas été aussi bonne qu'on
pouvait l'espérer. Fraschini seul s'y est montré ce qu'il est toujours,
et il a constamment enlevé les bravos.
»*» Mme Trebelli-Bettini et M. Bettini sont de retour à Paris.
»% Mme Cabel, à peine rétablie de son indisposition, avait reparu à
Lyon dans le rôle de Dinorah du Pardon de Ploërmel, et l'œuvre et la
cantatrice avaient été accueillis de la façon la plus enthousiaste. Mal-
heureusement Mme Cabel avait trop présumé de ses forces, et une re-
chute a obligé le théâtre d'interrompre les représentations du chef-
d'œuvre de Meyerbeer.
»% La reprise de Faust a eu lieu hier samedi au théâtre Lyrique.
„*„ On annonce l'ouverture de la nouvelle salle des Bouffes-Parisiens
pour demain lundi .
„.*„. Carlotta Patti va quitter Paris et donner son premier concert, le
7 janvier, au théâtre de la Monnaie, à liruxelles. Il est probable que le
public parisien aura l'occasion d'entendre la célèbre cantatrice pen-
dant cette saison dans l'un des concerts du Conservatoire, au concert
populaire du vendredi-saint et dans une représentation extraordinaire
de l'Opéra.
*% Thalberg était à Paris la semaine passée. Après avoir donné cent
neuf concerts à Londres et dans les provinces anglaises , et récolté
autant d'argent que de gloire, il retourne à Naples.
„,*.,, L'une des meilleures élèves de Prudent, Mlle Louise Murer, dont
nous avotis eu souvent occasion d'apprécier le beau talent , donnera
dans la première quinzaine de ce mois un concert à grand orchestre,
où elle exécutera le dernier concerto et la Danse des fées de son excel-
lent maître.
»% Dans la dernière matinée musicale de M. Lebouc, à laquelle as-
sistait un brillant auditoire, on a beaucoup applaudi M. Georges
Pfeiffer, qui a joué avee son talent habituel le concerto en ut mineur
de Beethoven. Le sextuor d'A. Blanc, fort bien exécuté, a été également
très-remarque.
*T* Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui : 1° Symphonie pastorale, de Beethoven ;
2° andante et scherzo (op. 97), de Robert Schumann ; 3° ouverture
cVEurianthe, de Weber ; romance de la symphonie de la Reine, de
Haydn; ouverture de Guillaume Tell, de Rossini.
**„, Dimanche dernier, au concert du cirque Napoléon, dirigé par
Pasdeloup, un fort joli morceau de M. Saint-Saëns, intitulé Scherzo-
Marche, a eu les honneurs du bis.
s,*a. Une deuxième série de séances populaires de musique de chambre
est annoncée. La première séance aura lieu mardi prochain, 5 janvier,
dans la salle Ilerz, avec le concours de Mlle Mongin. En voici le pro-
gramme : trio en mi majeur (n° 3), de Mozart ; quintette en sol mineur
(n° 52), de Boccherini; les tours de passe-passe (1730), de F. Couperin ;
gavotte (1742), de J.-B. Martini; pièce (1735), de D. Scarlatti, exécutée
par Mlle Mongin; quatuor en fa majeur (n° 1), de Beethoven.
»% Dans l'établissement, dont les salons viennent de rouvrir rue de
la Paix, n° 7, sous le titre d'entretiens et lectures, on traite oralement
de questions littéraires, historiques, philosophiques, artistiques et scien-
tifiques. Notre collaborateur, M. Arthur Pougin y doit faire, dans le
courant de la saison, une série de conférences sur les Origines de la mu-
sique dramatique, et l'Histoire de la musique dramatique en France au
xvme siècle.
,% La Société philharmonique de Reims a commencé brillamment
ses concerts de la saison avec Mlle Dorus, MM. Delle-Sedie et Georges
Pfeiffer, qui ont été accueillis par de véritables ovations.
„*, Vendredi, 8 janvier, à 8 heures du soir, aura lieu à la salle Herz
un grand concert avec orchestre et chœurs, sous la direction de M. De-
loffre, au bénéfice de la Caisse de secours de l'Association des artistes
musiciens de France, présidée par M. le baron Taylor. On y entendra
deux remarquables ouvrages de M. Aristide Hignard, et trois grandes
compositions de M. Prévost-Rousseau ; Mines Ernest Bertrand et Blanche
Peudefer, MM. Lavessière, Wagner, Gaston, Chevalier, Strohéker et
Mouren ont bien voulu prêter leur concours à cette œuvre de bienfai-
sance. On trouve des billets chez l'agent-trésorier de l'Association,
68, rue de Bondy, à la salle Herz, 48, rue de la Victoire, et chez
MM. Coudray et Challiot, éditeurs de musique, 376, rue Saint-Honoré.
„.% Voici la liste des opéras nouveaux donnés en Italie pendant
l'année 1863: Rienzi, de Péri, à Milan; Eroe délie Asturie, de Lu-
cilla, à Reggio ; Ferruccio, de Maglioni, à Florence; Cinzica Sismondi ,
de Bridangoli, à Assisi ; Zaira, de Corona, à Livourne ; Pkcarda Donati,
de Masenzza, à Livourne ; Béatrice Ccnci, de Rota; à Parme; Vittoria, de
Bona, à Gênes ; Ivanhoé, ***, à Bastia ; Orio Soranzo, de Zescevich, à
Trieste; Il di di S. Michels, de Quarenghi, à Milan ; Rienzi, de Kasch-
peroff, à Florence; Giovanna di Castiglia, de Battista, â Naples; La
Fidanzata di Marco Bozsari , dû Frontini , à Catane; Ezzelino da
Romano, de Naberasco, à Gênes; Slradella, de Flotow, â Lugo ;
Profughi fîammighi, de Faccio, à Milan ; Aldina, de Gandolfi, à Milan ;
Il Rapimento, de Pincherle, à Perugia ; Ladislao, de Pisani, à Florence.
„*j. L'inauguration du grand orgue construit pour l'église Saint-An-
dré, à Lille, par MM. Merklin-Schutze, aura lieu prochainement. M.
Edouard Batiste, professeur au Conservatoire, organiste de Saint-Eusta-
che, est chargé, avec M. Dubois, de Bruxelles, de faire entendre le
nouvel instrument dont on dit le plus grand bien.
,,% Bazzini, qui parcourt en ce moment la Belgique et la Hollande,
s'est déjà fait entendre avec un succès constant à Aix-la-Chapelle, Lou-
vain, Gand, la Haye et à Amsterdam aux Sociétés Diligentia et Félix
meritis.
**„ Dans une soirée intime donnée la semaine passée, nous avons eu
DE PARIS.
le plaisir d'entendre Triebert, le célèbre hautboïste du théâtre Italien,
et d'autres artistes parmi lesquels nous citerons Mme Gagliano, la can-
tatrice espagnole à la voix suave et puissante; M. Allard, le violoncel-
liste au jeu expressif et passionné ; Mme Allard-Guerette, à la voix dra-
matique, et MM. Guidon frères, dont les voix s'harmonisent si bien.
M. Faure, chanteur comique, a dit avec infiniment d'esprit trois scènes
de genre différent ; Mlle Léonide Humbert a exécuté avec beaucoup de
style une grande fantaisie sur le Prophète de Meyerbeer. A cette char-
mante soirée une jeune fille, Mlle Marie Samary, nièce des Brohan, a
enlevé les applaudissements en disant une scène de Jeanne d'Arc et
une poésie d'Alfred de Musset. M. Wilhelm Ritter y a aussi confirmé sa
réputation d'ancien ariiste.
*** La reprise des Martyrs a pleinement réussi à Marseille. Mme Écar-
tât, MM. Lefranc et Dumestre y ont obtenu un succès bien mérité A
bientôt la première représentation du pardon de ploërmel.
»*„ D'après l'Almanach des orphéons et des sociétés chorales, qui
vient de paraître, le nombre des concours d'orphéons a été en France,
pendant l'année 1863, de trente-huit, comprenant plus de 1,300 sociétés
et euviron 39,000 orphéonistes. C'est une progression de 14 concours
et de 20,000 exécutants sur l'année 1862.
**„ 11 existe à Vienne, en Autriche, vingt-huit associations de chant
d'hommes; il est question d'y créer une société de chant de femmes.
,% A peine de retour à Paris, Roger va recommencer la belle
tournée qui lui a valu tant de succès. Les villes où il vient de chanter
veulent l'entendre encore et le redemandent instamment.
**4 Les journaux de Bruxelles constatent unanimement l'effet produit
par Léonard, le célèbre violoniste, au dernier concert de la grande
Harmonie. Nous lisons dans le Bulletin du Dimanche: « M. Léonard, qui
a été accueilli par des bravos sympathiques et rappelé deux fois, à
joué deux morceaux de sa composition : la fantaisie militaire et une
fantaisie sur des motifs de Donizetti. Vous voyez que M. Léonard n'a-
vait voulu choisir dans le riche répertoire de ses compositions que des
morceaux dits de virtuose: il a le tort de laisser modestement jouer
aux autres la musique dont il est l'auteur et qui l'a illustré. »
*** Les morceaux composés par Rossini et Gevaert, que Berthelier
chante avec tant de succès dans les Pijferari, paraîtront cette semaine
chez MM. Brandus et Dufour.
*** Les lettres de Félix Mendelssohn ont été traduites en anglais par
lady Wallace; une contrefaçon en a paru en Amérique avec une no-
tice biographique de Julie de Marguerittes.
**, Les Essais de diphtérographie musicale, ouvrage posthume de
notre ancien et savant collaborateur Adrien de Lafage, vient de paraître
chez l'éditeur Legouix. Nous consacrerons prochainement un article à
cette publication si intéressante à plus d'un titre.
*% Edouard Bruguière, auteur d'un grand nombre de romances,
dont beaucoup sont devenues populaires, vient de mourir à Nîmes.
**;fc M. Charles Godfrey, chef de musique du régiment de la garde
anglaise (Goldstream), est mort à Londres, le 12 décembre, âgé de
73 ans.
„,% Mme Joséphine Seutta, cantatrice jadis célèbre, est morte récem-
ment, à Vienne, dans sa soixante-sixième année. Elle avait débuté
au théâtre an der Wicn sous le nom de Mlle Diemer ; en 1811 elle
obtint un grand succès dans le rôle de Cendrillon.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE
*** Berlin. — Un nouveau ballet de Taglioni, Morgano, a été donné
deux fois la semaine passée au théâtre royal. La mise en scène est ma-
gnifique : on a surtout remarqué la danse des candélabres. La musique,
par Hertel, a de la verve, de l'animation, et rend parfaitement les situa-
tions d'un caractère si divers qu'offre le scénario. Le roi et la reine,
qui assistaient à la première représentation, ont fait appeler Taglioni
dans la loge royale, et l'ont félicité de ce nouveau succès.
*** Vienne. — La Société Haydn a exécuté, au bénéfice de l'associa-
tion en faveur des veuves et orphelins des musiciens, la Création, de
Haydn, sous la direction de Hellmesberger. — La première représen-
tation de l'opéra nouveau d'Offenbach, les Nymphes du Rhin, est fixée
au 10 janvier. — Au Karlstheater, on donne avec succès un opéra
nouveau, l'Équipage à bord, par M. G. Zaylz, ancien élève du conserva-
toire de Milan ; il s'est fait connaître dans cette ville par deux opéras,
Amélie (d'après les Brigands de Schiller) et la Tyrolienne. — On attend
Mlle Artot.
„*, Munich. — Un brillant accueil a été fait à l'opéra nouveau, le
Portrait, par le baron de Perfall. Le succès a été croissant de scène en
scène. Après le deuxième acte, les acteurs ont été rappelés.
,.% Rotterdam. — Le 19 décembre a été représenté pour la première
fois l'opéra de Ferdinand piller, les Catacombes, texte de M. Hartmann,
avec un succès extraordinaire. Après chaque acte, le compositeur a été
rappelé au milieu des fanfares de l'orchestre et d'acclamations enthou-
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1 . Quatuor : Dieu de la paix, chanté par Obin, Grisy, Mlles
Battu et Godfrend 4
2 . Duo : Si je perds celle que j'aime, mon amour, chanté par
Warot et Mlle Battu 6
3. Duo : Dieu, dans ce jour prospère, chanté par Mlles Battu et
Godfrend 6
4. Duo : Moment fatal! que faire? chanté par Faure et Warot 6
5. Air: Ah! d'une tendre mère, chanté par Mlle de Taisy..... 5
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BERTINI. Grand duo à quatre mains. . . 10 »
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DUVERNOY. Op. 21. Variations brillantes 6 »
HERZ (H.). Op. 37. Rondo sur un chœur 9 »
— Trois airs de ballet, chaqne .... 6 »
LECARPENTIER. 48e bagatelle 5 >
THALBERG. Op. 33. Grande fantaisie sur
la Prière 9 "
— La même, à quatre mains 10 »
— Mi manca la voce, varié 7 50
— Le même, à quatre mains 9 »
W0LFF (ED.). Marcne très-facile 4 50
6. Quatuor : Je tremble et soupire, chanté par Warot, Grisy,
Mlles Battu et de Taisy
7. Duo : Jour funeste! chanté par Warot et Mlle Battu
8. Air : Quelle horrible destinée! chanté par Mlle Battu
9. Prière à quatre voix: Des deux où tu résides, chantée par
Obin, Grisy, Mlle Battu et Godfrend
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adressées; elle garantit réellement à sa clientèle des instruments irréprochables sous tous les rapports.
PARIS. — nrUOSUB CENTRALE DE NIPOIÉON CHAIX ET C", RUE BERGERE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
IV 2.
10 Janvier 1864.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et à l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraire»,
et aui Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r. par a'
Départements, Belgique et Suisse.... 30 ■» id.
Étranger 34 » id.
Le Journal paraît le Dimanche.
DE PARIS
1864 31"" ANSTEE 1864
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Primes
Offertes au anciens et non venus Abonnés.
LE SECOND VOLUME
RÉPERTOIRE DE MUSIQUE MODERNE
Dont le premier volume a été accueilli avec tant de faveur l'année passée.
Un recueil contenant six Morceaux de Chant :
MÉLODIES ET CHANSONS
IRLANDAISES, ÉCOSSAISES, ESPAGNOLES ET HAVANAISES
Avec paroles françaises.
Nous rappelons à nos abonnés de Paris que ces primes, que nous
leur offrons à titre d'étrennes, sont à leur disposition, et nous les
prions de vouloir bien les faire prendre dans nos bureaux. Nous
les envoyons franco aux abonnés de Province.
SOMMAIRE. — Rapport et décret relatifs à la liberté des théâtres. — Théâtre
des Bouffes-Parisiens : réouverture. — Lettre de M. Fétis père sur l'inau-
guration de l'orgue de Sainte-Elisabeth, à Bâle. — Martini (4" article), par
Arthur Pougin. — Nouvelles et annonces.
Le Moniteur universel du 7 janvier contient le rapport et le dé-
cret suivants :
RAPPORT A L'EMPEREUR.
Sire,
Dans la séance solennelle du 5 novembre dernier, Votre Majesté an-
nonçait elle-même la suppression prochaine des privilèges auxquels l'ex-
ploitation des théâtres était jusqu'à présent assujettie. Accueillie avec joie
et reconnaissance par les écrivains et par les artistes, cette mesure va
recevoir aujourd'hui son exécution.
Grâce à la généreuse initiative et aux intentions libérales de Votre Ma-
jesté, aucune entrave ne s'opposera plus désormais au libre développe-
ment d'une industrie dont l'influence sur le mouvement des lettres et
des arts peut être si grande et si féconde.
Tandis que les auteurs et les compositeurs vivants pourront trouver
des débouchés pour leurs productions nouvelles, les chefs-d'œuvre de
l'ancien répertoire, affranchis des liens qui les rattachaient exclusive-
ment aux deux premiers théâtres françeis, iront, sans décheoir, ho-
norer les scènes populaires et y porter leur utile enseignement. De son
côté, le gouvernement restera en possession du droit de soutenir, en
les subventionnant, des établissements de premier ordre, qui seront
pour les autres des exemples à suivre et des modèles à égaler.
On peut donc espérer, Sire, que le niveau de l'art ne fera que s'éle-
ver sous l'empire de la législation nouvelle, et que le bon goût public
se réveillera lui-même en se sentant plus libre.
Le moment est favorable pour faire loyalement une expérience qui n'a
jamais eu lieu dans des conditions pareilles. En permettant à la liberté
industrielle, littéraire et artistique, de produire tout le bien qu'on doit
en attendre, on n'a pas à en craindre les abus et les excès. La société,
l'ordre et la morale conservent toutes leurs garanties, et, loin de désar-
mer l'administration, le décret nouveau confirme l'autorité protectrice
des lois actuellement en vigueur.
J'ai l'honneur, en conséquence, de soumettre à Votre Majesté le projet
de décret ci-joint.
Je suis, avec le plus profond respect , Sire , de Votre Majesté, le très-
humble, très-obéissant serviteur et très-fidèle sujet,
Le maréchal de France, ministre de la Maison de
l'Empereur et des Beaux-Arts,
Vaillant.
10
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
NAPOLEON,
Par la grâce de Dieu et la -volonté nationale, Empereur des Français,
A tous présents et à venir, salut :
Vu les décrets du 8 juin 1806 et 29 juillet 1807;
Vu l'ordonnance du 8 décembre 1824 ;
Vu l'article 3, titre xi de la loi des 10 et2i août 1790;
Vu les arrêtés du gouvernement des 2o pluviôse et H germinal an IV,
l*r germinal an VII et 12 messidor an VIII ;
Vu les ordonnances de police des 12 février 1828 et 9 juin 1829;
Vu la loi du 7 frimaire an V et le décret du 9 décembre 1809 sur la
redevance établie au profit des pauvres ou des hospices ;
Vu le décret du 30 décembre 1832;
Notre^conseil d'Etat entendu,
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er. — Tout individu peut faire construire et exploiter un théâ-
tre, à la charge de faire une déclaration au ministère de notre Maison
et des Beaux-arts, et à la préfecture de police pour Paris ; à la préfec-
ture dans les départements.
Les théâtres qui paraîtront plus particulièrement dignes d'encourage-
ment pourront être subventionnés soit par l'Etat, soit par les communes.
Art. 2. — Les entrepreneurs de théâtres devront se conformer aux
ordonnances, décrets et règlements pour tout ce qui concerne l'ordre,
la sécurité et la salubrité publics.
Continueront d'être exécutées les lois existantes sur la police et la
fermeture des [théâtres, ainsi que sur la redevance établie au profit des
pauvres et des hospices.
Art. 3. — Toute œuvre dramatique, avant d'être représentée, devra,
aux termes du décret du 30 décembre 1852, être examinée et autorisée
par le ministre de notre Maison et des Beaux-Arts, pour les théâtres de
Paris; par les préfets, pour les théâtres des départements.
Cette autorisation pourra toujours être refusée pour des motifs d'ordre
public.
Art. 4. — Les ouvrages dramatiques de tous les genres, y 'compris
les pièces entrées dans le domaine public, pourront être représentés sur
tous les théâtres.
Art. S. — Les théâtres d'acteurs enfants continuent d'être interdits.
Art. 6. — Les spectacles de curiosités, de marionnettes, les cafés dits
cafés chantants, cafés-concerts et autres établissements du même genre
restent soumis aux règlements présentement en vigueur.
Toutefois, ces divers établissements seront désormais affranchis de la
redevance établie par l'article 11 de l'ordonnance du 8 décembre 1821
en faveur des directeurs des départements, et ils n'auront à supporter
aucun prélèvement autre que la redevance au profit des pauvres ou des
hospices.
Art. 7. — Les directeurs actuels des théâtres autres que les théâtres
subventionnés sont et demeurent affranchis envers l'administration de
toutes les clauses et conditions de leurs cahiers des charges, en tant
qu'elles sont contraires au présent décret.
Art. 8. — Sont abrogées toutes les dispositions des décrets, ordonnan-
ces et règlements dans ce qu'elles ont de contraire au présent décret.
Art. 9. — Le ministre de notre Maison et des Beaux-Arts est chargé
de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois, et
recevra son exécution à partir du 1er juillet 18G4.
Fait au palais des Tuileries, le 6 janvier 1864.
NAPOLÉON.
Par l'Empereur :
Le maréchal de France, ministre de la Maison
de l'Empereur et des Beaux-Arts,
Vaillant.
THEATRE DES BOUFFES -PARISIENS.
Réouverture.
( Mardi 5 janvier. )
Le théâtre des Bouffes-Parisiens est né dans une baraque fo-
raine, et c'est précisément ce qui fait sa gloire. En ce temps-là,
sous le règne du privilège, on naissait où l'on pouvait et comme
on pouvait; mais quand on avait du mérite, on ne tardait pas à
sortir de son village, à faire son chemin. Au bout de six mois, les
Bouffes-Parisiens avaient franchi l'espace des Champs-Elysées au
passage Choiseul ; seulement, lorsqu'ils prirent possession de la salle
Comte, on ne sait quel malin génie se plut à la rendre plus quo
jamais étroite et incommode ; il semblait que, comme autrefois, elle
ne fût destinée qu'à des enfants. Le public n'y pénétrait, n'arrivait
aux stalles et aux loges que par des escaliers et des corridors d'une
dimension fantastique. A l'intérieur, pour grimper jusqu'à la scène,
jusqu'au cabinet du directeur, c'était bien pis encore ; aussi, un de
nos amis disait-il un jour, en risquant l'ascension : « En vérité, ce
théâtre est construit sur une grande échelle ! »
Eh bien ! changement complet, transformation incroyable, inespérée !
De cette taupinière où l'on étouffait, où rien n'était omis de ce qui
pouvait gêner l'œil et l'oreille, en mettant le corps au supplice, un
architecte, un magicien a su faire une salle charmante, élégante, aux
abords faciles, où tout le monde voit et entend. L'architecte, le ma-
gicien, c'est M. Charpentier fils ; et il mérite certainement qu'on le
nomme. Quatre rangs de loges, un parquet, des galeries, une clarté
plus que suffisante, et pas de lustre : rien que des candélabres ; en
quelques mots, voilà son œuvre, voilà le domicile nouveau des Bouf-
fes-Parisiens et de leur joyeuse famille. La cage est jolie au suprême
degré ; il ne reste plus qu'à y mettre des oiseaux dignes d'elle pour
que le ramage réponde au plumage et que le public n'ait rien à dé-
sirer.
Pour commencer, sous le titre de la Tradition, nous avons eu un
prologue en vers, entremêlé d'une musiquette de M. Léo Delibes.
Le prologue de M. Derville ne manque pas d'esprit, mais il ne touche
pas assez terre. Ce que nous en avons compris le mieux, c'est que
la tradition des Bouffes-Parisiens est d'amuser , et qu'ils se pro-
posent de la continuer avec zèle. Ainsi soit-il !
Au prologue succédait une opérette , une improvisation du maître,
une de ces inspirations vives et naturelles qui lui échappent
presque spontanément. Lischen et Fritzchen nous arrivent d'Ems
en droite ligne: c'est le produit d'une gageure entre l'auteur,
M. Paul Dubois, et le musicien, maître Jacques Offenbach. E lavoro
d'un ora , disait à Rossini le poëte Totola, en lui apportant les
paroles de la sublime prière de Moise. Au lieu d'une heure mettons
quatre ou cinq jours, et nous serons dans le vrai, pour le temps que
MM. Paul Dubois et J. Offenbach ont employé à la confection de
leur pièce et de leur musique. Molière ayant dit, avec son sens pro-
fond, que le temps ne fait rien à l'affaire, personne ne s'étonnera
que Lischen et Fritzchen soit une de ces bagatelles qui valent leur
pesant d'or et qu'on ne saurait écouter sans y prendre un plaisir
extrême. Le sujet en est des plus simples. Nous ne vous cacherons
pas que, sans avoir l'air d'y toucher, l'auteur des paroles, M. Paul
Dubois, y traite une palpitante question de philologie, consistant
dans les nuances délicates par lesquelles la langue française se
distingue du patois alsacien. Fritzchen est un domestique renvoyé
par son maître justement à cause de sa trop grande facilité à
confondre ces nuances. La confusion a engendré des quiproquos,
et Fritzchen a été mis à la porte. Dans cette situation, il rencontre
une jeune personne qui, faute de débit, s'est lassée du commerce des
petits balais. Lischen n'est pas plus ferrée que Fritzchen sur les
nuances des idiomes, et il en résulte entre eux un assaut de pronon-
DE PARIS.
11
ciation hétéroclite, dont ils s'effarouchent mutuellement. Fritzchen
croit que Lischen veut se moquer de lui, et Lischen se persuade que
Fritzchen la tourne en ridicule. Bientôt la méprise s'éclaircit, et la
plus franche réconciliation s'opère dans un délicieux duo sur ces
paroles :
Je suis Alsacienne,
Je suis Alsacien.
Quand une Alsacienne
Trouve ua Alsacien :
Ta main daas la mienne, etc.
Toute la salle valserait sur le thème de ce duo, si un certain dé-
corum ne la retenait. Mais c'est encore peu de se reconnaître pour
Alsacien et Alsacienne, ne voilà-t-il pas que Fritschen et Lischen
s'aperçoivent qu'ils sont frère et sœur, l'un et l'autre natifs de
Brumath ! Cette fraternité imprévue ne laisse pas de contrarier les pro-
jets de Fritzchen. Le brave garçon commence à se méfier de lui-
même, et à ne plus vouloir faire de compagnie avec Lischen le pè-
lerinage de leur pays. Par bonheur, une lettre que Lischen avait
reçue, mais qu'elle n'avait pu déchiffrer faute de savoir lire, et que
Fritzchen lit couramment, leur apprend qu'ils sont, non pas frère
et sœur, mais cousin et cousine. Fritzchen ne se sent pas de joie, et
au fond du cœur Lischen n'est pas du tout fâchée de ne se trouver
avec Fritzchen qu'à ce degré de parenté !
Vous comprenez qu'une telle pièce ne s'analyse pas : ce sont quel-
ques scènes d'une piquante gaieté, mitigée par une naïve tendresse :
on rit de bon cœur, et on essuyé une larme sans y penser. Offen-
bach n'a jamais rien fait de plus naturel, de plus fin que les trois
ou quatre morceaux dont la partition se compose. L'ouverture en
est toute champêtre : on y respire le thym et le serpolet. Au lever
du rideau, Fritzchen, rendu à la liberté par son maître, exhale sa
douleur comique dans une sorte de complainte, où la parole alterne
avec le chant. L'air de la marchande de balais est pris sur le fait :
on n'a jamais pu vendre pareille marchandise avec d'autre musique.
Lischen chante de plus une fable de la Fontaine : le Rat de ville et le
rat des champs, petit chef-d'œuvre français et allemand, que l'auteur
lui-même n'eût pas écouté sans pouffer de rire. Bref, Fritschen et
Lischen ont obtenu le plus franc succès : on a bissé le duo et la fable ;
on aurait bissé tout l'ouvrage, qui ne dure pas vingt minutes, et n'a
que deux personnages, mais ces deux personnages sont interprétés
avec une vérité sans égale par Désiré et uue jeune artiste, MlleZulna
Bouffar, qui avait déjà joué le rôle de Lischen à Ems et qu'on a eu
grandement raison d'amener à Paris.
L'Amour chanteur n'a pas eu la même chance que l'opérette. Il
s'agit dans celte pièce, un peu prétentieuse de MM. Nuitter et Emmanuel,
d'une jeune fille que son père, M. Guillaume, a eu l'imprudence de
conduire à l'Opéra. Depuis ce jour, Araminte est quasi folle ; elle ne
cesse de faire de grands bras et de chanter de grands airs. Évidem-
ment les deux auteurs connaissent leur Molière, ils ont étudié surtout
son Amour médecin, divertissement dont l'auteur parle ainsi dans un
bout de préface : « Il est le plus précipité de tous ceux que S . M .
m'ait commandés, et lorsque je dirai qu'il a été proposé, fait , appris
et représenté en cinq jours, je ne dirai que ce qu'il y a de vrai. »
Nous ignorons si les auteurs de l'Amour chanteur ont procédé
de même; mais, ce que nous savons, c'est qu'il n'y a rien de
plus périlleux que l'imitation des tours de force du génie. Le cadre
de l'Amour médecin n'est qu'une plaisanterie, un prétexte; mais
Molière a su y jeter cinq ou six traits de sa puissante main, lesquels
relèvent d'un prix infini une conception assez vulgaire. L'Amour
chanteur ne jouit pas de cet avantage : aussi n'a-t-il été reçu qu'avec
une froideur marquée. Offenbach et sa musique n'ont pas fait fondre
la glace. Les artistes, chanteurs et danseurs, même l'excellent Pra-
deau, même Désiré, même Mlle Irma Marie, la cantatrice, en ont été
pour leurs frais de bonne volonté.
La représentation se terminait par la reprise des Deux Aveugles,
ce premier chef-d'œuvre, ce premier succès d'un théâtre dont la
fondation remonte à huit années. C'était bien, n'est-ce pas, de mon-
trer ainsi quelle avait été la base de l'édifice? Cela fait songer au
millionnaire qui dans un coin de ses salons dorés aurait placé le
dessin de l'humble chaumière qui l'a vu naître.
P. S.
A M. le Directeur de la Revue et Gazette musicale.
Bruxelles, le 23 décembre 1863.
Mon cher collaborateur,
En assistant ces jours derniers à l'essai et examen d'un orgue
construit pour l'église Sainte-Elisabeth de Bàle (Suisse), dans les ate-
liers de la Société anonyme (Merklin et Schutze), pour la fabrication
d'orgues de toutes dimensions, j'ai éprouvé une satisfaction si vive
par les qualités de ce bel instrument, par la puissance et par la va-
riété de ses effets dans les improvisations de M. Dubois et sous les
mains de notre célèbre professeur Lemmens, que je me suis proposé
de vous écrire pour constater par quelques considérations opportunes
les conquêtes réelles de la facture moderne de l'orgue. Vous savez
que rien de ce qui intéresse le beau dans la musique ne peut me
laisser indifférent ; or rien n'est plus digne d'attention que l'instru-
ment devenu d'une nécessité absolue dans le culte religieux.
L'orgue de l'église Sainte-Elisabeth de Bàle n'est pas une de ces
machines à combinaisons formidables et à nombre immense de
voix de toute espèce : composé simplement de deux claviers à la
main et d'un clavier de pédales, il n'a dans son ensemble que vingt-
neuf jeux ou registres ; mais dans ces dimensions des petites orgues
d'autrefois, il a toute la puissance d'un grand instrument moderne,
et toute la variété désirable dans ses effets de sonorité. D'où viennent
donc de si heureux résultats, produits par des ressources si bornées?
Leurs causes, car il y en a plusieurs, leurs causes, dis-jev résident :
1° dans la justesse des proportions de la pression pneumatique, en
raison de la nature des jeux ; 2° dans le caractère spécial et parfaite-
ment distinct du timbre de chaque jeu; 3° dans le choix de ces tim-
bres par lequel on a évité les doubles emplois d'un même genre de-
voix, comme étaient autrefois les distinctions d'un même genre de jeu
en grosse, moyenne et menue taille, ce qui constituait simplement des
sons de bonne, de médiocre et de mauvaise qualité, ou comme cer-
tains redoublements inutiles des grandes orgues modernes. En ma-
tière de sonorité, l'effet ne s'augmente pas dans la proportion de
l'accroissement des moyens. Les cinquante ou soixante premier vio-
lons des grandes fêtes musicales de l'Allemagne, et les quelques cen-
taines des oratorios du Cristal-Palace de l'Angleterre, ne produisent
pas une sonorité double, triple ou décuple des vingt premiers vio-
lons de l'orchestre du Conservatoire de Bruxelles; or, sous le rap-
port de l'unité, ceux-ci ont l'avantage.
Pour messieurs les organistes, qui savent quelles sont les condi-
tions ordinaires des grandes orgues d'église dans la composition de
leurs jeux, je crois devoir donner dans cette lettre le tableau de ce-
lui de l'orgue de Bâle dont je parle; ils pourront juger par cette réca-
pitulation de ses jeux quelle doit être l'excellence de leur sonorité
pour produire l'effet dont j'ai été ému :
1er clavier (grand orgue) : 1" principal de 16 pieds; 2° bourdon
de 16 ; 3° montre, de 8 ; 4° bourdon, de 8 ; 5° salicional, de 8 ;
6° viole de gambe, de 8; 7° flûte harmonique, de 4; 8° prestant, de
4 {jeux de combinaisons); 9° doublette; 10° plein-jeu progressif, de
4 et 5 rangs de tuyaux; 11° bombarde, de 16 pieds; 12° trompette
harmonique, de 8 pieds; 13° cornet, de 5 rangs de tuyaux.
2e clavier (récit) : 1° flûte harmonique, de 8 pieds; 2° bourdon,
de 8; 3° viole, de 8; 4° dolce, de 8; 5° flûte d'écho, de 4; 6° voix
12
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
humaine, de 8 (jeux de combinaisons); 7° cornet de récit; 8° basson
et hautbois, de 8; 9° clarinette, de 8.
Clavier de pédales séparées : 1° contre-basse, de 16 pieds;
2° sous-basse, de 16; 3° octave basse, de 8; 4° violoncelle, de 8
(jeux de combinaisons); 5° trombone, de 16; 6° trompette, de 8;
7' clairon, de h-
Trois pédales d'accouplement réunissent à volonté le grand orgue
au pédalier, ou le récit au même clavier de pédales, ou le récit au
grand orgue.
Cinq autres pédales de combinaisons agissent de la manière sui-
vante : 1° introduction des jeux de fonds du grand orgue; 2° intro-
duction des jeux de combinaisons du grand orgue; 3° introduction
des jeux de combinaisons du récit ; If introduction des jeux de com-
binaisons de la pédale ; 5° pédale de forte pour ouvrir ou fermer à
la fois toutes les pédales d'introductions. A ces pédales de service
se joignent un tremblant et une pédale d'expression.
Il faut avoir entendu jouer cet instrument par les artistes dont je
vous ai parlé tout à l'heure pour savoir quelle prodigieuse variété
d'effets sonores peut être tirée des combinaisons de ce petit nombre
de jeux, à cause précisément du caractère distinctif de leurs timbres.
Les deux grands systèmes de sonorités qui entrent dans la forma-
tion de toutes les orgues sont ici dans un rare état de perfection :
les jeux de fonds se font remarquer par la rondeur, l'ampleur, la
majesté religieuse, par lesquelles se distinguaient les instruments des
anciens facteurs; brillants, puissants, énergiques, les jeux d'anches
ne déparent pas ces qualités par la dureté qu'on pouvait reprocher
aux instruments des meilleurs facteurs d'autrefois.
La construction des sommiers de tous les claviers est parfaite : ils
sont à double layes, pour l'alimentation spéciale, et séparés des jeux
de fonds et des jeux de combinaisons, d'où résulte que ceux-ci ne
subissent aucune altération lorsqu'ils sont réunis aux premiers.
La soufflerie, cette partie si importante de la. grande machine,
cette âme de l'orgue, est ici double. Deux réservoirs , avec double
pompe pour chacun, produisent la pression ordinaire et la pression
forte, suivant les besoins des diverses parties de l'instrument.
D'après un nouveau système de simplification, le levier pneumati-
que est appliqué spécialement au mécanisme de chaque clavier, et
acquiert ainsi la promptitude de l'étincelle électrique. II en résulte
une remarquable précision dans l'articulation et une grande facilité
de toucher. Telle est la netteté, la précision d'articulation dont je
parle, que le trille le plus rapide s'exécute sur tous les claviers,
même sur les notes les plus graves de la pédale, avec le même fini
que sur le clavier d'un piano.
Parvenue à ce degré de perfection, la facture d'orgues a atteint
son double but religieux et musical. De grandes cathédrales exigent
sans doute des instruments d'un plus grand développement, trois ou
quatre claviers à la main, cinquante , soixante et jusqu'à soixante-
cinq jeux (nombre qui, du reste, ne doit jamais être dépassé); mais
quelles que soient les dimensions de ces géants de sonorité, pour sa-
tisfaire à toutes les exigences de leur destination et de l'art, ils se-
ront parfaits s'ils sont dans les conditions de l'instrument que je viens
d'analyser, et l'on ne doit rien chercher de plus; car quiconque
veut transformer l'orgue en orchestre et y mettre un luxe surabon-
dant d'effets de fantaisie, le dénature et s'égare. Dans l'examen d'un
ouvrage de ce genre, on peut admirer l'esprit ingénieux qui imagine
les moyens mécaniques nécessaires pour d'innombrables combinai-
sons de sonorités; mais ces choses ne répondent ni à la gravité de
l'usage de l'orgue dans l'église, ni à la musique véritable. Elles
exigent d'ailleurs, de la part de l'organiste, un travail si compliqué
dans l'emploi de tant de moyens mécaniques, que plusieurs années
d'études suffiraient à peine pour en user librement, et que le résul-
tat de cette contention de ses facultés serait inévitablement d'anéan
tir ses inspirations lorsqu'il voudrait improviser, et qu'il n'y aurait
plus dans l'avenir de grand organiste possible.
Restons dans les limites du beau, dans le vrai de l'art, et pour
cela laissons à l'orgue son grand caractère avec la simplicité et la
perfection de moyens que nous offre l'orgue de Sainte- Elisabeth de
Bâle, construit dans les ateliers de la Société anonyme, sous l'intelli-
gente et habile direction de MM. Merklin et Schûtze. Je porte un vif
intérêt aux travaux des chefs de cet établissement, qui possèdent deux
grandes maisons à Paris et à Bruxelles, parce que je les vois dans
la bonne, dans la seule voie qui mène au but de l'art. Ils sont in-
cessamment à la recherche des perfectionnements qui peuvent conduire
à ce but, mais ils s'abstiennent d'innovations de fantaisie. D'une pro-
bité rigoureuse dans les strictes conventions des devis , leurs maté-
riaux sont de la meilleure qualité, et le fini de leurs produits est à
l'abri de toute critique. Entouré de la considération publique, l'ex-
cellent administrateur des affaires de l'établissement, M. Verreyt,
l'un des commissaires de la Caisse d'amortissement en Belgique, im-
prime à tout ce qui concerne les relations commerciales la régularité
la plus scrupuleuse. Enfin, dans son ensemble comme dans ses détails,
la Société anonyme pour la fabrication des orgues (établissements
Merklin-Schùtze) offre au clergé de tous les pays toutes les garanties
désirables.
FÉTIS père.
MARTINI.
(4e article) (1).
L'Amoureux de quinze ans obtint un très-grand succès et resta
longtemps au répertoire de la Comédie italienne. Le poème de cet
agréable ouvrage sera toujours le chef-d'œuvre dramatique de
Laujon, et fut assurément son titre le plus sérieux au choix de
l'Académie française, qui l'admit dans son sein en 1807, plutôt pour
honorer son grand âge et son noble caractère qu'en récompense de
ses travaux quelque peu futiles et légers. A une reprise qu'on en
fit au théâtre Favart au mois de messidor an VI, le vieux Laujon
alors septuagénaire et, pauvre (la révolution lui avait fait perdre
emplois, traitements et pensions), pleurait de joie en embrassant
Carline et Mme Saint-Aubin, qui avaient rempli dans sa pièce les
deux rôles principaux.
La représentation de l'Amoureux de quinze ans posa du premier
coup Martini en compositeur distingué et en digne émule de Grétry,
de Philidor et de Monsigny. Il pensa pouvoir abandonner le service
militaire et entra, en qualité de directeur de sa musique, chez le
prince de Condé. Dans le courant de l'année suivante, il fit repré-
senter à Chantilly, sur le théâtre particulier de ce prince, un autre
opéra-comique de circonstance, qu'il avait fait aussi en collabora-
tion avec Laujon. Bien qu'aucun des biographes du poéLe et du mu-
sicien n'ait mentionné cet ouvrage, j'ai acquis la certitude de son
existence dans les lignes suivantes, écrites par Bachaumont le 29 no-
vembre 1772 : « On sait que V 'Amoureux de quinze ans est une
pièce faite à l'occasion du mariage de M. le duc de Bourbon avec
Mlle d'Orléans. MM. Laujon et Martini, auteurs de cet ouvrage, et
qui semblent avoir envie de mettre en opéra-comique toute la vie
de ces augustes époux, en ont fait une seconde à la naissance du
duc d'Enghien : elle a été jouée à Chantilly avec le plus grand suc-
cès; elle a pour titre le Nouveau-né, et l'on assure que c'est lui
que l'on répète aujourd'hui aux Italiens. » (Mémoires secrets, etc.)
(1) Voir les n°" 49, 50 et 51.
DE PARIS.
13
Bien que donnée, on le voit, à Chantilly, la représentation du
Nouveau-né ne put, j'ignore pour quelle raison, avoir lieu à la Co-
médie-Italienne, et les auteurs lui substituèrent un autre ouvrage en
trois actes, intitulé le Fermier cru sourd, dont la chute, paraît-il, fut
éclatante. C'est ce qui ressort encore de cette autre citation de Ba-
chaumont : « La Nouveauté de MM. Laujon et Martini n'a pas eu lieu
aux Italiens par des circonstances particulières ; mais les mêmes au-
teurs y ont substitué un autre ouvrage de leur composition, c'est le
Fermier cru sourd ou les Méfiances, pièce en trois actes et en prose,
mêlée d'ariettes. Depuis longtemps on n'avait vu une chute aussi
complète ; cet opéra-comique a été tellement hué depuis le commen-
cement jusqu'à la On, que personne n'a pu l'entendre, et personne
n'a regretté de ne pas entendre, tant cela a paru plat. La musique,
moins mauvaise n'avoit rien de saillant pour compenser le dégoût
général : il falloit qu'il fût bien grand pour s'être manifesté aussi
indécemment, malgré la présence de Mme la duchesse de Bourbon,
qui honoroit ce spectacle et à laquelle un des auteurs jppartient. »
(Mémoires secrets, etc., 8 décembre 1772. Additions au volume 24-)
Laissons reposer les morts et ne nous occupons pas davantage de
cette œuvre malheureuse, qui fut suivie d'une autre production de
Martini, dont le sort ne fut pas beaucoup meilleur : je veux parler
du Rendez-vous bien employé, c< comédie-parodie » dont Anseaume
avait écrit les paroles et qui fut représentée à la Comédie italienne le
jeudi gras 1774. Je ne trouve à ce sujet, dans Bachaumont, que ces
deux lignes, datées du 11 février 1774 : « La parade des Italiens,
quoiqu'assez bien faite, n'a pas eu de succès, à raison surtout de la
musique très-médiocre. » Et celles-ci, du 16 : « La parade des Ita-
liens, sans avoir eu beaucoup de succès, se soutient. Les paroles
sont du sieur Anseaume, et la musique, très-médiocre, est du sieur
Martini. » On peut inférer, je crois, du jugement porté par Bachau-
mont sur la musique de Martini, que celle-ci n'avait pas les qualités
comiques propres à un ouvrage de ce genre, mais qu'elle n'était pas
aussi mauvaise qu'il lui plaisait de le dire. C'est, du reste, ce qui
résulte du passage suivant du Mercure, dont la critique est beaucoup plus
favorable au compositeur. « La musique de M. Martini, dit ce der-
nier, est agréable, expressive et pittoresque; elle fait honneur au
génie de cet habile compositeur, si avantageusement connu par la
musique délicieuse de l'Amoureux de quinze ans. On peut dire pour-
tant qu'il a trop soutenu la noblesse de son style, et qu'il n'a pas
su lui donner les formes comiques et propres au genre grotesque de
la parade. »
A la fin de cette même année 1774, le 14 novembre, Martini
tentait pour la quatrième fois les hasards de la scène, et venait, en
compagnie de du Rosoy , présenter aux habitués de la Comédie-
Italienne un drame lyrique en trois actes intitulé Henri IV ou la
Bataille d'Ivrij. Si, malheureusement, l'absurdité du poëme de ce
dernier — homme de cœur, profondément honnête et courageux,
mais fort méchant écrivain — fit le plus grand tort à la musique
de Martini, et empêcha l'ouvrage de se maintenir au répertoire, la
partition du moins réunit tous les suffrages, et pendant plus de
trente ans on en exécuta à Favart et dans tous les grands concerts
publics l'ouverture et un entr'acte, qui obtenaient toujours le plus
grand succès. Mais, je le répète, la pièce n'eût pu réussir, tant le
livret en était plat, misérable et ridicule, à ce point même que le
roi faillit en suspendre les représentations. « Le Henri IV de
M. du Rosoy, — dit en effet Bachaumont le 24 décembre, — joué
devant le roi la semaine dernière, n'a pas reçu l'approbation de ce
monarque. Il a été scandalisé de la façon peu digne dont l'auteur
fait figurer ce prince en plusieurs endroits, et Sa Majesté a déclaré
que si les représentations n'en étoient pas aussi avancées, elle feroit
arrêter ce drame lyrique. » Cela ne découragea pourtant pas du Rosoy,
qui, sans attendre davantage , fit représenter l'année suivante, avec
Bianchi, un nouveau drame lyrique, la Réduction de Paris sous
Henri IV, dans lequel il avait poussé le ridicule à ses dernières
limites. C'est ce qui fit dire a un de ses biographes : « L'espèce
d'obstination avec laquelle du Rosoy semble avoir pris à tâche de
déshonorer la mémoire d'un héros cher aux Français, en le traves-
tissant de la manière la plus ridicule dans ces deux pièces, lui valut,
dit Palissol, le nom de Ravaillac second. »
Martini expia durement la faute qu'il avait commise en se char-
geant de mettre en musique un livret aussi pitoyable : Henri IV fut
abandonné complètement après un petit nombre de représentations,
et l'on pouvait supposer que c'en était à jamais fini pour lui, lors-
qu'en 1814, pendant la première restauration, et deux ans à peine
avant la mort du musicien, l'ouvrage, qui formait presque une pièce
de circonstance, fut remis à la scène avec des changements assez
considérables. Il ne s'y soutint pas plus que la première fois, et fut
définitivement abandonné peu de temps après.
IV.
Faut-il attribuer à ces insuccès répétés dès le commencement de sa
carrière le silence obstiné de Martini pendant les neuf années qui
suivirent la représentation de Henri IV? Trois chutes successives
semblaient faites, en effet, pour tempérer la joie qu'avait pu lui
causer la réussite de son premier ouvrage et le décourager au moins
momentanément. Il abandonna donc la lutte pour un temps, laissant
le champ libre à Grétry, qui continuait de charmer le public avec
de nouvelles œuvres, le Jugement de Midas, l'Amant jaloux,
les Evénements imprévus, Aucassin et Nicoletle; à- Dezèdes, qui
donnait pendant ce temps les Trois fermiers, Zulima, le Porteur
de chaises, Cécile, A trompeur, trompeur et demi, Biaise et Babel;
enfin, à Champein, dont la fécondité s'annonçait dès ses débuts par
l'apparition successive de Mina, la Mélomanie, Léonce, le Baiser,
Isabelle et Fernand et le Poète supposé.
Je ne sais à quoi s'occupait alors Martini. Il est bien vrai que ce
fut dans ce temps qu'il devint directeur de la musique du comte d'Ar-
tois; mais ces fonctions ne pouvaient le distraire complète-
ment de ses travaux ordinaires, et cependant il semblerait que
son inactivité fut complète durant cette période de son existence.
Non-seulement il se tenait éloigné du théâtre, mais il ne publiait au-
cun ouvrage, bien qu'en dehors de la scène ses compositions soient
fort nombreuses. Nous avons la preuve incontestable que toute sa
musique instrumentale avait été gravée et livrée au public avant la
représentation de l'Amoureux de quinze ans; et quant à ses recueils
de romances, ses œuvres de musique religieuse, ses traités didacti-
ques, tout cela ne commença de paraître qu'à partir des premières
années de la révolution, révolution qui fut si profitable aux dévelop-
pements de l'art musical et à l'éclosion des génies qui devaient en
ce genre illustrer notre pays.
Enfin, nous retrouvons Martini sur la brèche aux derniers jours
de 1783. Le 29 décembre de cette année, il faisait de nouveau repa-
raître sa muse sur les planches de la Comédie italienne, et offrait aux
amateurs de ce spectacle un nouvel ouvrage en trois actes, le Droit
du seigneur, dont Desfontaines lui avait fourni le livret, et qui avait
été représenté d'abord, le 17 octobre, sur le théâtre particulier de la
cour, à Fontainebleau.
Je renonce, pour ne pas me répéter sans cesse, à faire l'analyse de
cette remarquable production d'une plume élégante, mais je ne sau-
rais cependant me priver du plaisir d'en citer deux ou trois mor-
ceaux des plus importants.
Arthur POUGIN.
{La suite prochainement . )
14
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
NOUVELLES.
»*» Au théâtre impérial de l'Opéra, Moïse a seul occupé l'affiche
pendant la semaine passée, et la foule s'est toujours empressée d'aller
applaudir le chef-d'œuvre, dont l'exécution est de plus en plus re-
marquable.
»** Aujourd'hui, par extraordinaire, la Muette de Portici,
**» La première représentation de la Fiancée du roi de Garbe est an-
noncée définitivement pour demain lundi à l'Opéra-Comique.
„% Mme Charton Demeur est venue mardi dernier reprendre au
théâtre Italien la place qu'elle y avait si brillamment conquise il y a
bientôt deux ans. C'est dans la Traviala qu'elle a fait sa rentrée. On
se rappelle que, dans une représentation à bénéfice, elle avait déjà
chanté un fragment du rôle de Violetta, l'un des plus importants du
répertoire.
,*, Adelina Patti est arrivée lundi dernier à Paris et débutera ce soir
dans la Sonnambula. Avant de quitter Madrid, la jeune et célèbre artiste
a voulu donner pour les pauvres un concert, qui a été très-fructueux.
La reine d'Espagne lui a fait remettre une précieuse parure en saphirs
et brillants, à l'occasion d'une représentation à son bénéfice.
»** Mme Tcdesco vient d'obtenir un très-grand succès à Lisbonne
dans Sa/fo, de Pacini. La célèbre cantatrice va se faire entendre dans
Il Profeta, Anna Bolena, il Barbiere et Nina Pazza de Cappola.
*** Mme Penco coutinue à être applaudie à Cadix, où elle vient de
chanter la Norma.
**„ Mlle Ebrard, élève distinguée du Conservatoire de Paris, a débuté
dimanche passé avec beaucoup de succès au théâtre Lyrique , dans le
rôle de Zora de la Perle du Brésil.
,% Mayda, tel est le titre d'un opéra en trois actes que M. de Flo-
tow vient de composer et dont les répéiitions vont commencer au
théâtre de la cour à Vienne. Le principal rôle en est destiné au té-
nor Wachtel.
*% Offenbach est reparti pour Vienne, où il va présider aux der-
nières répétitions de son nouvel opéra les Fées du Rhin.
»?„ Le Brésilien a reparu au théâtre du Palais-Royal et avec lui la
Ronde composée par Offenbach, et chantée avec tant de verve et un si
grand effet par Brasseur et Gil Pérès. Le succès de la Ronde du Brési-
lien ne se borne pas à Paris; en province et à l'étranger elle est devenue
également populaire, et des milliers d'exemplaires n'ont pu suffire à sa
vogue toujours croissante.
*** Le premier concert d'abonnement du Conservatoire aura lieu
aujourd'hui sous la direction de George Hainl. On y exécutera la sym-
phonie en ut mineur de Beethoven ; le chœur des chasseurs d'Euryanthe;
l'adagio du septuor de Beethoven; le chœur des nymphes de Psyché
d' A mbroise Thomas; l'ouverture d'Oberon, et le finale de la Création
de Haydn.
*% Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui au cirque Napoléon: symphonie en ut majeur
(n°30), de Haydn; ouverture de Ruy Blas, de Mendelssohn; adagio, de
Weber (le solo de clarinette par M. Auroux) ; le Comte aVEymont, tragé-
die de Goethe, musique de Beethoven.
**t A Vienne, au théâtre de la cour, il y a eu dans le courant de
l'année dernière trois cent vingt-six représentations. On n'a donné que
deux pièces nouvelles : Lalla-Roukh, de Félicien David, et le ballet
Jolta, par Borri.
**„ George Hainl, récemment élu chef d'orchestre de la Société des
concerts du Conservatoire, a été présenté à la Société par M. Auber.
George Hainl a adressé à ses confrères quelques paroles empreintes
d'une chaleureuse cordialité et qui ont été accueillies de la façon la
plus sympathique.
*% Dans la grande messe célébrée le 1er janvier aux Tuileries, Mlle Sax
a chanté un 0 salutaris d'Auber et y a produit un très-grand effet.
„** Mlle Brunetti, l'ancienne élève de Duprez, a débuté avec suc-
cès dans le rôle du page d'Un ballo in maschera. Cet ouvrage a inau-
guré la saison du théâtre de la Scala à Milan. Elle doit prochaine-
ment chanter le rôle d'Anaï de Moïse.
„** Une bonne nouvelle nous arrive de Nîmes. Un de nos cor-
respondants nous écrit que, ainsi que Marseille, Toulouse, Valen-
ciennes et plusieurs de nos cités provinciales les plus importantes,
cette ville va se trouver aussi en possession d'un Conservatoire,
dont les classes sont dès aujourd'hui régulièrement constituées. De-
puis tantôt vingt-cinq ans que des écoles de chant choral y existent,
il n'avait pas été possible d'y fonder un établissement sérieux de ce
genre, mai* la chose est arrêtée maintenant. Le conseil municipal,
sous la surveillance duquel est placé le nouveau Conservatoire, vient
de voter les fonds nécessaires ; un local provisoire a été choisi, et les
classes doivent s'ouvrir dans le courant du présent mois de janvier.
Voici de quelle façon ces classes sont distribuées : solfège (première
année), M. A. Pellet, directeur de l'Orphéon ; — solfège (deuxième an-
née), M. Aubert; — violoncelle, M. Aubert ; — cor et cornet à pistons,
M. Marteau; — hautbois, flûte et basson, M. Bouffard; —violon,
MM. Delaruelle et Rouais. Tous ces artistes sont avantageusement con-
nus à Nîmes, et tout fait présager que la nouvelle institution est ap-
pelée à rendre d'excellents services.
»** C'est dans la dernière quinzaine de janvier que Mlle Marie Darjou
donnera son concert à grand orchestre à la salle Herz. Nous signalons,
entre autres morceaux exécutés par elle, la dernière œuvre d'E. Pru-
dent : les Trois rêves.
„■% La première valse brillante pour piano de M. S. Ponce de Léon
vient de paraître, transcrite à quatre mains par l'auteur, chez Challiot
et C.
*** L'espace nous manque pour rendre compte du concert donné
vendredi au bénéfice de la caisse de secours de l'Association des
artistes musiciens dans la salle Herz. Nous nous en occuperons dans
notre prochain numéro.
**„ Le directeur de théâtre Wallner, à Berlin, vient de recevoir du
roi de Prusse la grande médaille pour les arts et les sciences, à l'oc-
casion de la publication de ses Souvenirs.
*** Le maître de chapelle Henri Dora, à Berlin, vient d'écrire un
opéra nouveau sous le titre de : le Messager de Pirna.
„,% Dans un concert donné à Amsterdam, le 3 de ce mois, sous
sa direction et avec le concours de la Société chorale, M. A. Berlyn a
fait exécuter une grande cantate de lui, les Matelots au rivage, ainsi
que sa nouvelle composition l'Amour. Ce monceau lui a valu trois salves
de bravos et un rappel.
*** Dimanche prochain, 17 janvier, à 10 heures précises, on exécu-
tera à l'église Saint-Vincent-de-Paul une messe en musique de la com-
position de M. Roberti. Cette œuvre, exécutée souvent à Londres avec
le plus grand succès, sera dirigée par M. Mullot, maître de chapelle
de la paroisse. Le grand orgue sera tenu par M. Auguste Durand, or-
ganiste de Saint-Vincent-de-Paul.
*% L'inauguratiou des nouvelles orgues de Saint-André, à Lille, a eu
lieu le 6 janvier. La décision du jury a été unanime pour la réception
du grand orgue et de l'orgue d'accompagnement, sortis des ateliers de
MM. Merklin et Schùtze. MM. Edouard Batiste, professeur au Conserva-
toire impérial de musique, organiste du grand orgue de Saint-Eustache;
Alexandre Guilmant, organiste de Saint-Nicolas, à Boulogne-sur-Mer ;
Dubois, professeur au Conservatoire de Bruxelles, avaient été chargés
de faire valoir les ressources du nouvel instrument, et se sont acquittés
de leur tâche avec le remarquable talent que chacun d'eux possède.
*** La première des séances de quatuor données par Alard et Fran-
chomme, avec le concours de L. Diémer, aura lieu dimanche prochain,
à la salle Pleyel.
„,** Un grand concours international de chant d'ensemble et d'har-
monie va être organisé par les orphéonistes d'Arras , pour les 28 et
29 août. Les sociétés chorales de la France et de l'étranger qui veulent
y prendre part ont à s'adresser à M. Judes, secrétaire des orphéo-
nistes à Arras.
*** M. François Schott, chef de la maison les fils de B. Schott â
Mayence, vient de recevoir du duc de Hesse-Darmstadt le titre de con-
seiller de commerce (Commerzienrath).
**t Mlle Hélène de Katow, violoncelliste, l'une des meilleures élèves
de Servais, est de retour à Paris. Pendant un séjour de près d'une année
en Belgique, son talent s'est admirablement perfectionné par les leçons
particulières de son célèbre professeur. Aussi a-t-elle obtenu dans les
principales villes de Belgique et de Hollande les succès les plus bril-
lants et les mieux mérités. Elle compte donner cet hiver à Paris plu-
sieurs grauds concerts.
*** M. Strakosch, l'excellent compositeur-pianiste, a été décoré par
la reine d'Espagne de l'ordre de Charles III.
„** Vendredi prochain aura lieu dans le salon de M. Lebouc une soi-
rée de musique de chambre donnée par M. Delcroix, pianiste, Méné-
trier, violoniste, et Van Guth, violoncelliste.
„*t Sivori a donné sa dernière matinée musicale à Bordeaux, et se
rend à Toulouse, Poitiers et Angoulême. L'éminent artiste excite par-
tout le plus grand enthousiasme.
„** Le Temps, journal de Trieste, annonce que pendant la répétition
du ballet Flamella, qui a eu lieu le 24 décembre au Grand-Théâtre de
cette ville, le feu a pris aux jupes de plusieurs danseuses du corps de
ballet. Grâce à de prompts secours, le feu a été éteint, non sans causer
de graves blessures à quelques-unes des malheureuses danseuses ; une
d'entre elles, âgée de quatorze ans, a déjà succombé.
*** D. Magnus annonce pour samedi prochain une séance d'audition
de ses nouvelles œuvres, qui aura lieu dans les salons de Pleyel-Wolff.
Il y exécutera sa transcription du finale du troisième acte de Moïse.
*** Voici le programme de la séance populaire de musique de cham-
bre qui aura lieu mardi prochain dans la salle Herz : trio en ré mi-
neur, de Mendelssohn , exécuté par MM. H. Fissot, Ch. Lamoureux et
E. liignault ; quatuor en si bémol, de Beethoven ; duo en mi bémol, pour
DE PARIS.
15
piano et violon, de Weber, exécuté par MM. H. Fissot et Ch. Lamoureux;
quatuor en sol majeur, de Haydn.
.„** L'empereur d'Autriche vient d'accorder au compositeur Al. Schmitt,
à Francfort, la grande médaille pour les sciences et les lettres.
„% Mlle Marie Jungle donnera le samedi, 16 janvier, dans la salle Herz,
un concert dont le programme offre un vif intérêt. La jeune pianiste
exécutera le 5° concerto et une tarentelle nouvelle de Henri Herz , qui
lui-même jouera un duo à deux pianos avec Mlle Marie Jungk. On en-
tendra aussi M. et Mme Trebelli-Bettini, du théâtre Italien, et
MM. Bauerkeller et Muller. C'est dans ce concert que le célèbre guita-
riste polonais, Marc Sokohvski, fera ses débuts à Paris.
„% M. Adolphe de Groot ouvrira prochainement un cours d'harmo-
nie à la succursale de la maison Pleyel, Wolff et Ce, rue Richelieu,
n° 95. Le professeur y fera l'explication de la théorie des accords, de
leur enchaînement, etc., de façon qu'au bout de quelques mois ceux
qui suivront cet enseignement pourront, non-seulement se livrer à des
essais écrits , mais encore à des préludes improvisés exempts de ces
fautes qui attestent une connaissance insuffisante des lois constitutives
de l'harmonie.
„** Demain lundi, dans la salle Herz, concert donné par M. Rolland,
chef de musique de la gendarmerie pontificale, qui fera exécuter six
quatuors de sa composition. Ces quatuors, pour instruments à cordes
et de mesures différentes, seront joués d'abord successivement, puis
trois à la fois, et pour finir les six ensemble.
*% S. M. le roi d'Italie vient d'accorder à M. Luigi-Bordèse la déco-
ration de l'ordre des saints Maurice et Lazare.
**„. L'éminent piani=te Gennaro Perelli, en ce moment en Espagne,
vient d'être nommé officier de l'ordre d'Isabelle-la-Catholique.
,% Au bal masqué d'hier soir, Strauss a fait entendre deux nouveaux
quadrilles : les Chasses, sur des thèmes de Rossini et Mehul, et un qua-
drille sur des thèmes arabes. Les fanfares étaient exécutées par trente
trompes de chasse. Le quadrille les Bavards et le Brésilien est redemandé
à chaque bal.
**.,. Le charmant théâtre Robin offre continuellement de nouvelles
surprises au public. Pour les fêtes du jour de l'an, la composition de
son spectacle a été changée complètement, et les nouvelles expériences
qu'on y exécute, ainsi que les démonstrations scientifiques qu'on y
donne, obtiennent chaque soir un succès des plus éclatants.
„,% Mme Mancel, dont nous avons souvent eu occasion d'apprécier le
talent comme cantatrice, vient de mourir à l'âge de trente-quatre ans.
„•** E. Trangott Herr est mort à Dresde le 34 décembre, après une
courte maladie, dans sa trente-huitième année ; il était d'une grande
force sur le basson.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Douai. — Giralda, le charmant opéra-comique d'Adolphe Adam,
vient d'être repris avec un très-grand succès. Mlle Enaux y a fait
preuve d'un talent réel.
a** Besançon. — Mme Alrit obtient de chaleureux applaudissements
dans l'Étoile du Nord. Elle y remplit d'une façon très-remarquable l'un
des rôles principaux.
*** Nancy. — Les rôles de Rose, des Dragons de Villars, et d'Elvira
ont valu de nombreux bravos à Mlle Cazat, qui réussit aussi bien dans le
répertoire du grand opéra que clans celui de l'opéra-comique.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^% Cologne. — Au cinquième concert d'abonnement on a entendu
Mme Clara Schumann et la cantatrice Mlle Wiesemann. En outre a été
exécutée la Fuite de la sainte famille, par Max Bruch, charmante idylle,
suave et pieuse composition digne de l'auteur de Lorelci. Le jeune com-
positeur a été rappelé à la fin du morceau.
t*.j. Brunswick. — Niemann, du théâtre royal de Hanovre, obtient
beaucoup de succès ici. Il a surtout été fort applaudi dans le rôle de
Jean de Leyde, du Prophète, et Masaniello, de la Muette.
**„, Berlin. — Mlle Artôt donnera ici une série de représentations
qui doivent durer deux mois.
i** Vienne. — La Muette de Portici a été donnée la veille du jour de
l'an et a obtenu un succès d'enthousiasme; l'opéra a été monté d'ailleurs
avec tous les soins imaginables. Mlle Couqui, la ravissante danseuse, a
supérieurement bien mimé le rôle de Fenella. — Willmers, qui depuis
plusieurs années ne s'était pas fait entendre en public, prendra part
au prochain concert de la cour, — E. Pauer, l'excellent pianiste de
Londres, annonce un concert à la salle de la Réunion. — Au qua-
trième concert philharmonique a été exécutée la troisième partie du
Faust, de Liszt.
t\-ReggiO.— [La saison du carnaval a été inaugurée par l'opéra Maria
de Flotovv, qui a pleinement réussi. Le ténor Vidal et Mme Caruzzi y
ont été surtout fréquemment applaudis.
„,*„ Moscou. — Le ténor Pancani a excité l'enthousiasme dans II Pro~
fêta, qu'il chante et joue à la perfection. Prochainement il se fera en-
tendre dans Kubcilo il Diavolo.
Page h du dernier numéro , avant dernière ligne, lisez le peintre
Hensel, et non le pianiste Henselt.
NOUVEAU JOURNAL DE MUSIQUE MILITAIRE
Publié en Partition et Parties séparées.
Fondation GAUTROT aîné.
Ce Journal contiendra annuellement 36 morceaux
POUR
HARMONIES et FANFARES
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les plus célèbres, chaque h 50
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16
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
POUR PARAITRE INCESSAMMENT
Chez Ci. RRAUTHJS et S. DUJFOITR, éditeurs, 1 03, rue de Rieheliea, au 1er.
LISCHEN ET FRITZGHEN
Conversation alsacienne,
Paroles de PAUt DUBOIS, musique de
J A. G CI 17
(Représentée à l'ouverture de la nouvelle salle des Bouffes-Parisiens)
La Partition pour Chant avec Piano et le Dialogue, format in-8°
LES AIRS DÉTACHÉS DE CHANT :
1 . Couplets chantés par Désiré : Me chasser, me forcer a lais-
ser mon service 3
2. Chanson chantée par Mlle Boufifar : P'tils balais, je vends
des toutes p'tïts balais 3
3. Duo : Je suis Alsacienne. — Je suis Alsacien 6
4. Fable chantée par Mlle Bouffar : Einmal eine rat de ville
invite eine rate' des champs 4
5. Duo final : Quoi, Fritzerl, sans qu'il t'en coûte »
Grande Valse. — Polka. — Polka-Mazurka. — Quadrille.
MORCEAUX FACILES POUR LE PIANO.
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SO, me Saint-Georges,
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ADOLPHE SAX
* *
50, rue Saint-Georges
à Paris.
Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Seule grande Médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855.
RÉSUMÉ DES AVANTAGES DES SAXHORNS ET DES SAXOTROMBAS.
Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son; supérieur comme justesse j supérieur comme création de famille complète; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passabla ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'iDstrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier —
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'iastrument de sa position. /TiT^l
Tooi k« instruments sortant de la fabrique portent l'inscription suivante : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, 7H®\
le numéro d'ordre de l'iuilrumenl et le poinçon ci-après : IQîjt
hauteur et
à faire un
MANUFACTURE DE PIANOS — MAISON HENRI HERZ
Rue de la Victoire, 48, à Paris.
L'immense succès que les Pianos de la Maison Henri HERZ ont obtenu à l'Exposition universelle de Paris, en 1855,
vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidilé, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
MP01EON CIIAIX
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dan» Ici Départements «t û l'Étranger.
chez tous les Marchands de Musique, les Libraîref,
et aui Bureaux do» McssngeriM *t des Postes.
N° 3.
REVUE
17 Janvier 1861
PRIX DE L'ABONNEMENT:
tarit. 24 r. par an.
Départements, Belgique et Suisse.... 30 » îd.
Étranger •■• 34 >» id.
La Journal pnrult le Dimanche,
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE . — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : la Fiancée du roi de
Garbe, opéra-comique en trois actes et six tableaux, paroles de MM. Scribe et
Saint-Georges, musique de M. Auber. — Théâtre impérial italien : rentrée de
Mlle Adelina Patti dans la Sonnambula; Mme Charton-Demeur et Mme Lum-
ley dans le Trovatore ; départ de Fraschini et de Mme de La Grange, par
Paul Smith. — Concerts et auditions. — Martini (5° article), par Arthur
Pougin. — Lettres de Félix Mendelssohn, traduites par «?. Duesuerg. —
Revue des théâtres, par ». A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRÀ-COHIQUE.
I.A FIANCÉE DU ROI DE GARBE,
Opéra comique en trois actes et six tableaux, paroles de MM. Scribe
et Saint-Georges, musique de M. Auber.
(Première représentation le 11 janvier.)
Pour un critique, plein de foi dans son savoir et son importance,
quelle bonne fortune qu'un ouvrage qui lui fournit l'occasion de
donner tout à la fois une leçon de musique à M. Auber, le doyen
des compositeurs, le glorieux chef de notre école ; une leçon de théâtre
à M. Scribe, qui malheureusement ne peut plus en profiter ; et,
chemin faisant, de fustiger M. de Saint-Georges, son collaborateur
de l'Ambassadrice, des Diamants de la Couronne, et autres libretti ,
dont la vogue a été si grande ! Mais pour le public , quelle espé-
rance et quel attrait que cette triple signature à laquelle le succès a
fait tant de fois honneur ! Cette semaine encore, il s'est bien gardé
d'y manquer, et le public n'a pas été trompé dans son attente : il a
eu ce qu'il se flattait d'avoir, une pièce amusante, accidentée, mêlée
de réel et de fantastique, une partition charmante ; nous ne savons
pas d'expression plus juste pour caractériser une œuvre que le
souffle mélodique anime d'un bout à l'autre, en s'appuyant sur tout
ce que l'art a de plus ingénieux, de plus pur, de plus élégant, de
plus délicieusement classique. Enfin, il a- eu des artistes de talent,
parmi lesquels deux surtout, Achard et Mlle Cico, méritent d'être
cités hors ligne ; ajoutez une mise en scène brillante et riche, l'une
des meilleures d'un théâtre connu pour en avoir eu d'excellentes, et
vous comprendrez qu'en montant la Fiancée du roi de Garbe, l'Opéra-
Comique ne l'a pas acceptée comme un legs de valeur douteuse,
mais comme une belle et bonne donation, dont les avantages sont
clairs et palpables.
La Fiancée du roi de Garbe ! Qui ne connaît le scandale de ses
aventures anlé-conjugales, tel que nous l'ont transmis Boccace et
la Fontaine ? Qui ne sait que le roi de Garbe est le type de cette foi
robuste, que rien ne peut altérer ni détruire chez certains préten-
dants et maris ? Boccace, à la fin de sa nouvelle, où, suivant les
mœurs de son siècle, la licence est presque toujours cruelle, où
l'on s'enivre de sang et de voluptés, conclut par cette moralité fort
peu morale, dont nous n'oserions risquer la traduction exacte,
Bocca basciala non perde ventura; anzi rinnuova comme la luna.
Ce qui signifie, à peu près, que quelques baisers reçus ou donnés
ne font rien à l'affaire, qu'on y gagne souvent au lieu d'y perdre.
Vous concevez que l'Opéra-Comique est autrement sévère , et n'ad-
met pas de telles énormités : Jugez-en .
Le grand roi de Garbe, Babolin Ier, monarque d'Espagne, de Por-
tugal, par suite de la conquête maure, ou, si vous l'aimez mieux,
souverain du Maroc, s'est avisé de vouloir prendre femme, non sans
consulter préalablement un sien parrain , qui habite la lune , sur les
conséquences possibles de sa résolution. Au lieu de répondre, le par-
rain lui expédie par la commodité d'un de ses pages, aéronaute sans
ballon, un écrin renfermant un collier de treize perles du Visapour,
dont voici la propriété : Si celle qui porte le collier, sur sa poitrine
ou dans sa poche, accorde ou se laisse dérober la plus légère faveur,
à l'instant même une perle se détache du collier pour n'y revenir ja-
mais. Par ce moyen, le roi saura toujours à quoi s'en tenir sur la vertu
de sa noble épouse, la fille du Soudan d'Egypte, auprès de laquelle
il envoie son neveu, don Alvar, pour demander sa main et lui remet-
tre le collier.
Don Alvar est fort joli garçon de sa personne, mais il s'est voué
par goût à l'étude des sciences et de l'astronomie. Il ne contemple
pourtant pas le ciel si assidûment qu'il n'ait aperçu sur la terre un
adorable portrait, dont il est devenu amoureux jusqu'au délire. Il a
ramassé le portrait perdu par Babolin, car c'est justement celui de
la belle Alaciel, fille de son futur beau-père, le soudan d'Egypte.
N'oublions pas de dire qu'auprès de Babolin il y a une autre
jeune fille, nommée Figarina, et dont la main légère a pour mis-
sion de promener chaque matin le rasoir sur le menton royal. C'est
un usage établi jadis par un prince, qui tenait a parler sans cesse,
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
même tandis qu'on le rasait, et qui n'avait rencontré d'autre main
que celle d'une femme pour lui sauver le désagrément des estafilades.
De là cette charge de barbière, espèce de favorite, très-agréable à
Babolin et que néanmoins il congédie, parce qu'il se dispose à se
marier.
L'ambassade envoyée par le roi au Soudan a pour chef don Alvar,
escorté de Figarina. Don Alvar reconnaît dans la fiancée de son oncle
l'original du portrait, dont il raffole. Pour revenir à Garbe, les
voyageurs ont à traverser des pays remplis de bêtes féroces , et de
brigands qui ne le sont guère moins. Ils demandent leur chemin à
de prétendus ermites, qui ne songent qu'à les livrer aux brigands.
Dans sa terreur pour le précieux collier dont le roi de Garbe lui a
fait hommage, Alaciel le remet dans l'écrin, et prie Figarina de vou-
loir bien s'en charger. C'est ce qui cause tout le mal : à partir do
ce moment, sans qu'elle puisse s'en défendre, les baisers tombent
comme grêle sur la pauvrette, et à chaque baiser une perle de moins !
D'abord c'est don Alvar qui pénètre sous la tente où Alaciel et Fi-
garina essayent de dormir, et nous avons une édition nouvelle de la
scène nocturne du Comte Orij. Figarina, comme le page Isolier, se
dévoue pour sa maîtresse et les dévouements coûtent cher! Ensuite,
ce sont les faux ermites qui embrassent hypocritement Figarina. « Et
l'on dit que ces gens-là vivent de privations ! » s'écrie la barbière.
Un corsaire, un mécréant vient à son tour et il ne se contenterait pas
de baisers volés à Figarina ; miis , découvrant qu'il tient dans ses
mains la fille du Soudan d'Egypte, il pousserait l'audace jusqu'à l'é-
pouser, si don Alvar ne l'en empêchait par un moyen que lui fournit
la science. Comme Christophe Colomb, il a prévu l'éclipsé, accom-
pagnée de phénomènes terribles, tonnerre, éclairs sillonnant les té-
nèbres. Les brigands eux-mêmes, convaincus de son intelligence avec
le ciel, forcent leur chef à capituler et à laisser le champ libre à la
caravane.
Aux frontières du royaume de Garbe, de nouveaux dangers at-
tendent Figarina. Le roi, toujours en prévision de son hymen, a exilé
ses pages, et la barbière, qui, pour voyager plus sûrement, en a
revêtu l'uniforme, tombe dans l'essaim joyeux : on l'embrasse comme
camarade, et puis, quand son sexe est reconnu, on l'embrasse sous
un autre prétexte. Bref, lorsque le quart d'heure de Rabelais arrive,
et qu'il faut en venir à compter les perles du collier, il ne s'en trouve
plus que trois, et même bientôt plus qu'une seule. Figarina se fatigue
vainement à faire et à refaire ses calculs : impossible d'établir nette-
ment sa balance. Et le roi, qui s'étonne de ne pas voir le collier sur
la poitrine de sa fiancée ! Que dit-il en apprenant le déficit de son
apport dotal? Ma foi, l'illustre souverain se fâche comme un simple
mortel et veut renvoyer sur-le-champ la fille du Soudan à son père:
mais Figarina lui fait judicieusement observer qu'une guerre s'ensui-
vrait. A ce mot, l'illustre souverain se calme, et toujours, sur l'avis
de Figarina, qui de barbière s'élève au rang de conseillère, il unit la
belle Alaciel à son neveu don Alvar. Encore un pas, et la conseil-
lère devient la propre femme du roi, qui ne saura jamais qu'en l'é-
pousant il endosse la responsabilité des douze perles disparues. Au
fond, c'est une excellente pâte d'homme, que ce Babolin; mais il
n'en faut pas moins répéter avec la Fontaine, beaucoup plus moral
que Boccace :
Filles, maintenez-vous, l'affaire est d'importance.
Rois de Garbe ne sont oiseaux communs en France.
L'imagination hardie et féconde de Scribe se reconnaît en vingt
endroits de cette pièce, qui n'est autre chose qu'une plaisanterie à
travers laquelle se montre un seul sentiment sérieux, l'amour de
don Alvar pour Alaciel. Mais cet amour a suffi pour inspirer au
compositeur deux ou trois de ces morceaux exquis, ravissants,
où semblent frémir les ardeurs de la vingtième année. On a
beau vouloir oublier que M. Auber est loin de cet âge, il faut bien
s'en souvenir, quand on l'entend chanter, soupirer mieux que ne
le ferait le plus jeune des jeunes. Donnerons-nous ici, sous forme
d'analyse, la table thématique des morceaux d'une partition, que
tout le monde ira entendre ? Ce serait en vérité plus que du super-
flu. Le nom de M. Auber dispense des commentaires et des éloges.
M. Auber est de la famille de ces grands musiciens, qui prenaient
au sérieux une définition naïve, mais pleine de sens, qui se retrouve
dans tous les vieux dictionnaires: « La musique est l'art de com-
biner les sons d'une manière agréable à l'oreille. » En conséquence,
il a toujours cherché, toujours réussi à être agréable, et il a fait ainsi
quarante chefs-d'œuvre dans l'espace de quarante ans.
« En pareil cas », disions-nous, à propos du dernier ouvrage
donné par lui, en 1860, et auquel nous préférons de beaucoup la
Fiancée du roi de Garbe, « en pareil cas, n'est-ce pas une coquet-
terie permise que de montrer son acte de naissance ? Cette coquetterie,
nous l'aurons pour M. Auber, et nous rappellerons, ce que personne
ne serait tenté de croire, qu'il est né le 29 janvier 1782. Où trouver
dans aucun pays, dans aucun siècle un compositeur doté par la na-
ture d'un privilège égal au sien ? M. Auber ne saurait être comparé
qu'à Voltaire et au maréchal de Richelieu : il écrit de la musique
jeune, spirituelle et légère aussi tard que le grand poète faisait des
tragédies et que le grand seigneur se mariait. Il a conservé toute
l'élégante facilité, toute la netteté gracieuse de son style : il continue
ainsi qu'il a commencé. Imaginez un homme d'esprit et de goût, au
langage simple et clair, mais ingénieux et piquant, qui aurait tra-
versé, sans s'y mêler, une époque d'exagération, de néologisme et de
barbarisme : avec quel plaisir n'écouterait-on pas sa parole originale,
à force d'être naturelle, et quelle douce sensation de repos n'appor-
terait-il pas dans un cercle fatigué des prétentions laborieuses et de
l'emphase vulgaire !
Eh bien! voilà précisément l'effet qu'a produit la partition de la
Fiancée du roi de Garbe. On a été surpris et ravi d'entendre une
musique qui prend si peu de peine pour être jolie, et qui demande
si peu d'effort pour être comprise. On a été charmé de retrouver un
artiste, qui suit tranquillement son chemin, à l'heure où tant d'autres
se perdent corps et biens en tentant de s'ouvrir des routes nou-
velles.
De tous les acteurs qui figurent dans cet ouvrage pour lequel on
n'a rien épargné, les mieux partagés sont Achard et Mlle Cico.
Achard dit à ravir la partie rêveuse et passionnée de son rôle vocal.
Mlle Cico dit avec esprit et gaieté son rôle, presque entièrement
comique. Elle paraît plus jolie que jamais sous ses divers costumes,
qui sont tous du meilleur goût. Il faut en dire autant de Mlle Tuai et
de ses royales toilettes ; Mlle Bélia porte bien le costume de page,
qui ne va pas mal non plus aux douze élèves du Conservatoire,
enrôlées pour compléter l'escadron volant. Prilleux, qui joue le rôle
de Babolin, est très-plaisant au troisième acte , lorsqu'il rudoie
l'envoyé du conseil, qui veut à toute force le complimenter. Sainte-
Foy n'a dans son lot que des saillies clair-semées, mais il en tire
bon parti : Nathan , Duvernoy , Bataille sont aussi de la fête, et y
participent sous l'habit des ermites et du pirate de Tunis. Il y a de
plus des danseuses à foison, des esclaves et des forbans à revendre:
il y a une éclipse, que l'on voit parfaitement sans télescope : avec
tant de talents, de dépenses et de soins, comment n'y aurait-il pas
un succès?
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Rentrée de illle Adelina Fatti dans la Sonttam&ula.
— SButte ciiarton-SJemenr et lime Iinniley dans le
Ti'ovnloi'e. — Départ de Fraschfnî et de Mme de I.a
étrange.
C'est dimanche dernier qu'Adelina Patti nous est revenue, abso-
DE PARIS.
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lunient la môme que l'année dernière, de figure, de taille, de voix
et de succès. La foule s'était hâtée de remplir la salle. LL. MM.
1 Empereur et l'Impératrice assistaient au spectacle. Celte soirée
si belle, (si radieuse eu promettait d'autres à la suite, mais qui
compte sans le rhume s'expose à compter deux fois. Atteinte par
l'épidémie qui règne en ce moment, la jeune cantatrice a dû se con-
damner à la retraite et au silence mercredi et samedi. Faisons des
vœux pour qu'elle guérisse au plus vite.
En attendant, Mme Charton-Demeur, dont nous avons annoncé la
rentrée, s'est de jour en jour mise en possession des principaux rô-
les du répertoire. Elle a reparu fort heureusement dans le Trovatore,
où Mme Lumley s'est aussi montrée pour son début. A côté de Fras-
chini, qui nous faisait ses adieux, Mme Charton-Demeur a oblenu
un vrai triomphe.
Les bravos, les bouquets, les rappels n'ont pas manqué non plus
le jour où Mme de La Grange chantait pour la dernière fois Lucia
avant son départ, qui n'est pas assurément sans esprit de retour.
Paul SMITH.
CONCERTS ET AUDITIONS.
SI. Prévost-ISousseara, SI. et lime Paul Bernard ,
Tb. liamoureux et Rignault.
Jusqu'à nouvel ordre, et sauf les changements qui pourront résul-
ter de la liberté des théâtres, il n'y aura jamais de difficultés plus
grandes à surmonter que celles qui s'opposent à ce qu'un jeune
compositeur fasse connaître ses œuvres. Cependant un amateur dis-
tingué, auteur de plusieurs opéras de salon, et qui depuis plusieurs
années dirige à Paris une société chorale d'amateurs, composée d'ex-
cellents musiciens, M. Antonin Prévost-Rousseau s'est bravement ré-
solu à tenter l'entreprise et à faire exécuter quelques productions
nouvelles.
Il donnait donc le vendredi 8 janvier, dans la salle Herz, un grand
concert avec chœurs et orchestre, au bénéfice de la caisse de secours
des artistes musiciens.
Dans la première partie de ce concert, nous avons remarqué l'ou-
verture du Bcïram, qui commençait la soirée, et la Zingarella, char-
mant chœur pour voix de femmes, redemandé deux fois (ces deux
compositions sont de M. Aristide Hignard), une ode à la Bienfaisance
et le Brindisi, chant bachique étincelant de verve, deux morceaux
d'ensemble avec chœurs de M. Prévost-Rousseau.
Dans la deuxième partie, on entendait pour la première fois à Paris
une œuvre lyrique en huit morceaux, intitulé les Poèmes de la nature.
M. Prévost-Rousseau, auteur de cette vaste composition musicale,
avait choisi quelques sonnets de M. Arnoult, pour leur donner
par la mélodie un nouveau relief. Une Invocation à Dieu, grande
scène pour voix de basse et chœurs, un morceau sur le Printemps,
un duo pour voix d'hommes sur l'Amitié, un morceau d'ensemble
avec chœurs sur les Harmonies de. la forêt, la Jeunesse, l'Amour,
les Fleurs et les Saisons, trios ou solos, font successivement passer
devant les auditeurs toute la poésie de la nature et justifient ainsi
le titre donné à son œuvre par M. Prévost-Rousseau. Nous ne dou-
tons pas que tous ces morceaux d'une mélodie saisissante, réduits
pour le piano, ne se trouvent bientôt entre les mains des ama-
teurs de bonne musique. Mines Ernest Bertrand et Blanche Pendefer,
MM. Laveyssière, Wagner, Mouren et Lechevalier se sont montrés
les dignes interprètes de ces compositions diverses.
L'orchestre était admirablement conduit par Deloffre, l'habile chef
d'orchestre du théâtre Lyrique, et les chœurs étaient dirigés par
M. Prévost-Rousseau lui-mime. Cetle épreuve a été fort heureuse
pour ce nouveau-venu, qui doit occuper bientôt parmi les composi-
teurs la place brillante à laquelle l'appelle son mérite.
— Le programme de la cinquième séance populaire de musi-
que de chambre de MM. Th. Lamoureux et Rignault était très -in-
téressant , et l'exécution n'a rien laissé à désirer.
Le trio en mi de Mozart, véritable diamant musical, exécuté par
Mlle Mongin» MM. Lamoureux et Rignault, a été parfaitement inter-
prété. La jeune pianiste, déjà bien connue du monde musical par ses
brillantes apparitions dans les concerts des années précédentes, a
fait preuve d'un goût très-pur, et a montré qu'elle est fortement at-
tachée à une école qui se perd de jour en jour à une époque de
musique fiévreuse. MM. Lamoureux, Colonne, Adam, Rignault et
Dufour ont ensuite fait entendre le quintette en sol mineur de Boc-
cherini, œuvre 52, un des plus beaux de l'auteur, et dans lequel
on regrette seulement que le délicieux molif du menuet, souvent
reproduit, ne le soit pas quelquefois avec un peu de variété dans
l'accompagnement. Mlle Mongin est revenue et nous a fait entendre
trois morceaux qui ont vraiment électrisé l'auditoire : d'abord, les
Tours de passe-passe, de François Couperin, organiste de Louis XIV :
c'est un charmant badinage plein de grâce et de fraîcheur ; puis une
délicieuse gavotte en fa, du Père Martini, le docte religieux conven-
tuel de Bologne; enfin, une pièce en la, de Dominique Scarlatti, très-
brillante, mais aussi très-difficile. Les deux premiers morceaux ont été
vivement applaudis; quant au dernier, il a valu à Mlle Mongin un
véritable triomphe. Cette jeune artiste nous semble appelée au plus
bel avenir comme virtuose.
— Le dernier mardi de M. et Mme Paul Bernard a été des plus
brillants. Les élèves du maître se sont véritablement surpassées, et
sont venues prouver par leur progrès l'excellence de ces réunions,
où l'émulation sert de base et qui habituent à se faire entendre et à
dompter la timidité inhérente à l'étude du piano. M. Paul Bernard a
joué pour la première fois sa fantaisie sur Moïse, et l'auditoire a été
enthousiasmé par cette œuvre remarquable, si magistralement exé-
cutée. Nous croyons cette nouvelle production destinée à un véritable
succès, par la beauté des motifs et par leur heureux agencement..
Quant à la partie vocale, elle était représentée par Nadaud, le
chansonnier parisien si recherché, si choyé, et par M. Henri Le Roy,
amateur distingué, qui a donné la réplique à Nadaud et qui marche
vraiment sur les brisées du poëte musicien, en interprétant ses œuvres
avec une finesse et un esprit parfaits. Puis nous avons entendu une
élève de M. Laget, l'excellent professeur du Conservatoire .
Mlle Ducasse possède une voix charmante et s'en sert déjà de
manière à s'attirer les suffrages les plus mérités. L'Ave Maria,
de Gounod, Mon cœur soupire, et l'air d'Alice de Robert le Diable,
ont été dits par elle avec charme et sagesse. Parmi les élèves de
M. Paul Bernard, Mme Henri L. R. s'est surtout fait remarquer
dans un morceau à quatre mains [avec le maître, et Mlle Marie Ba-
ronnet a dit en véritable artiste le rondo capriccioso de Mendelssohn
Y.
(5' article) (1).
C'est d'abord l'introduction instrumentale , fragment empreint de
largeur et de suavité, qui se compose d'un chant de violons d'une
rare simplicité, soutenu par des accords brisés et entremêlé de ren-
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
trées d'instruments à vent pleines de distinction ; puis le chœur qui
suit, page remplie de grâce et de fraîcheur.
Au second acte, c'est le grand morceau mystérieux, con sordini,
pendant lequel les deux valets complotent l'enlèvement de Babet,
tandis que le bailli surprend leur secret, morceau conduit avec, une
habileté consommée, charmant au point de vue de la mélodie , irré-
prochable en ce qui concerne l'arrangement des parties. Le trait
obstiné des violons en triolets lui donne beaucoup de caractère et
de vivacité.
Le finale est à lui seul une œuvre capitale : il est parfaitement
construit, tracé sur un plan solide, et l'orchestre en est excellent ;
enfin, il est ordonné à merveille et renferme de charmantes modu-
lations. Ou acquiert de plus, en l'étudiart, la preuve que l'auteur
était plus soucieux de satisfaire l'esprit et le sentiment de la scène
que — ce qui arrive trop souvent de nos jours — de rechercher
l'effet par des moyens violents et opposés à la situation. Ce morceau,
en effet, qui comporte de grands développements, finit, non par l'em-
ploi de toutes les forces vocales et instrumentales, mais au contraire
par un pianissimo parfaitement en harmonie avec le mouvement
scénique.
Pour être bref, je ne citerai du troisième acte que le duo du comte
et de Frontin :
Babet va venir
duo d'une extrême vivacité et dont quelques passages, notamment la
péroraison, sont franchement comiques; puis la délicieuse romance
de Babet,
Ah! si parfois j'ai d' la tristesse. .
qui est une de ces inspirations touchantes, plus faites pour parler au
cœur qu'à l'imagination. Le dessin vocal y est très-heureusement
doublé par le basson, et l'accompagnement très-distingué d'alto qui
se trouve dans toute la première partie, est d'un très-bon effet.
Je n'ai mentionné, on le pense bien, que les parties les plus sail-
lantes de cet ouvrage, surtout remarquable par l'unité de style.
Le Droit du seigneur eut un véritable succès de vogue, et se main-
tint au répertoire pendant plus de vingt-cinq ans. La partition en
fut dédiée par Martini à la duchesse de Fronsac , comme celle de
l'Amoureux de quinze ans l'avait été à la jeune duchesse de Bourbon.
Ici encore nous trouvons une longue lacune, onze années, dans la
carrière théâtrale de cet artiste distingué. Cette fois, du moins, ce
temps d'arrêt est justifié par de nombreux travaux de composition
étrangers à la scène, et par la part qu'il prit à la création d'une
vaste entreprise, à la tête de laquelle il allait être placé.
Léonard Autié, coiffeur de la reine Marie-Antoinette, protégé par
cette princesse et par Monsieur, frère du roi, avait réussi à obtenir,
au commencement de 1788, le privilège d'un nouveau théâtre d'opéra
italien. A?sez intelligent pour comprendre qu'il n'entendrait rien à
une pareille affaire, il eut l'habileté d'en confier l'organisation à Viotti,
le violoniste célèbre. On cherche d'abord une commandite , et une
compagnie d'actionnaires est bientôt formée , dont Monsieur choisit
quatre membres pour diriger les divers départements de la nouvelle
administration. Le théâtre projeté devait jouer à la fois et joua en
effet l'opéra italien, l'opéra-comique français, la comédie en prose et
en vers, et le vaudeville. On voit que c'était bien réellement une
colossale entreprise. Lorsque tout fut réglé, l'administration était
ainsi composée : Viotti, Léonard Autié et Desarênes , directeurs ;
deMiramond, secrétaire général; enfin, Martini, qui venait d'être
nommé surintendant de la musique du roi en survivance (Giroust
était titulaire), avait le titre et les fonctions de d'recteur général.
Ce dernier fut , avec Viotti, spécialement chargé de la réunion de
cette troupe incomparable qui, pendant deux ans et demi (du 26 jan-
vier 1789 au 12 août 1792) fit l'enchantement et l'admiration des
Parisiens.
Le personnel des chanteurs italiens formait en effet, à lui seul, la
réunion de virtuoses la plus parfaite que Paris ait jamais possédée,
depuis l'arrivée des bouffons en 1755 jusqu'en l'an de grâce 1863.
Faut-il citer Raffanelli, le célèbre buffo caricato; le buffo cantante
Rovedino ; Mandini, baryton exquis ; les primi lenori Viganoni et
Mengozzi, ce dernier, compositeur d'un très-grand talent ; les signori
Baletti, Morichelli et Mandini, dont les noms ne sont point encore
oubliés ? Pour montrer que l'opéra-comique français n'était point
sacrifié, il me suffira sans doute de nommer Martin, Ga veaux, Saint-
Aubin, Gavaudan, Lesage, et Mmes Lesage, Justalle et Rolandeau,
qui tenaient les principaux emplois. Quant à l'orchestre, placé d'abord
sous la direction de Mestrino, il fut ensuite conduit par la Hous-
saye, et l'on y remarquait des virtuoses comme Rode, Smierzka, De-
vienne, Delcambre et Frédéric Duvernoy, dont la plupart étaient des
compositeurs extrêmement distingués. C'est Ferrari, l'auteur de tant
de charmantes romances, qui était accompagnateur, et Jadin, auquel
on doit un si grand nombre d'opéras, qui était chargé des répétitions.
Enfin Cherubini, qui arrivait en France, préludait à ses succès futurs
en ajoutant aux opéras italiens joués par la nouvelle troupe, une foule
de morceaux délicieux qui fondèrent sa brillante réputation.
Telle était l'entreprise à laquelle Viotti et Martini donnaient tous
leurs soins, consacraient tous leurs instants. Le théâtre de Monsieur,
malgré sa trop courte existence, n'a pas été sans exercer une grande
influence sur le goût du public et sur l'avenir de la musique fran-
çaise, tant par la révélation qu'il nous fit des magnifiques chefs-
d'œuvre de l'école italienne que par la façon admirable dont ces
chefs-d'œuvre étaient interprétés par des virtuoses hors ligne. Ceux-
ci donnèrent en effet, sans le savoir, naissance à notre école de chant
nationale, école dont les traditions semblent, malheureusement, per-
dues aujourd'hui, et dont le célèbre Garât, qui s'inspirait des chanteurs
ultramontains, peut être considéré comme l'initiateur et le chef su-
prême.
(La suite prochainement .
Arthur POUGIN.
LETTRES DE FÉLIX BIENDELSSOHR
(Suite.)
Lettre du conseiller intime de cabinet Millier à F. Mendelssohn.
Berlin, 5 mars 1S45.
Il s'agit maintenant de composer les chœurs de la trilogie à'Aga-
memnon, des Coephores et des Euménides, que l'on a abrégées pour
la représentation. D'après ce que mande Tieck, vous en auriez éga-
lement décliné la composition sous cette forme, Sa Majesté ne sau-
rait ajouter foi à cette nouvelle, se rappelant positivement que vous
avez déclaré de vive voix, être disposé à vous en charger. En con-
séquence, le roi m'enjoint de vous demander si vous ne vous en
tiendrez pas à la promesse verbale, et si vous voulez de nouveau
faire savoir que vous êtes prêt à entreprendre le travail, ce qui fe-
rait plaisir à Sa Majesté, et serait conforme à votre promesse, de
vous charger volontiers des travaux qui vous seraient confiés par Sa
Majesté.
Votre dévoué, Muller.
Au conseiller intime de cabinet Millier, à Berlin.
Francfort, 12 mars 1845.
Si Majesté le roi ne m'a jamais parlé de la composition des chœurs
DE PARIS.
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dans la trilogie, abrégée et réduite, Agamemnon, des Coephores et
des Euménides. Ce qui est exact, c'est que l'hiver dernier Sa Ma-
jesté daigna me charger de meltre en musique les chœurs des Eu-
ménides d'Eschyle. Je ne pouvais m'engager à livrer cette composi-
tion, parce que de prime abord il m'avait semblé que c'était une tâ-
che au-dessus de mes forces. Toutefois, je promis à Sa Majesté de
faire un essai, et je ne lui cachai pas les grandes, et à mon sens,
insurmontables difficultés qui me faisaient douter du succès de ma
tentative.
Depuis lors je me suis occupé très-sérieusement de cette tragédie ;
j'ai cherché par toutes les voies à découvrir dans les chœurs un
côté musical, par lequel il me fût possible de les aborder pour la
composition ; mais je n'ai pu réussir à m'acquilter de ma tâche —
même à l'égard d'un seul chœur — comme l'exigeraient la grandeur
du sujet et le sens artistique exquis de Sa Majesté. Car naturellement
il ne s'agissait pas de jeter sur le papier une musique quelconque
pouvant s'adapter au chœur, ainsi que doit être en état de le faire
pour tout exposé de paroles, tout compositeur, maître des formes
extérieures : il était question de créer avec la poésie d'Eschyle des
morceaux de musique dans le bon goût actuel, exprimant et vivifiant
le sens de ces chœurs à l'aide de nos procédés musicaux. Voilà ce
que j'ai essayé de faire pour les chœurs de Sophocle, dans ma
musique pour Antigone; avec les chœurs d'Eschyle, je n'ai pas
réussi jusqu'ici, même dans un seul essai, malgré tous mes efforts.
La réduction en une seule pièce augmente ces difficultés d'une
manière singulière, et j'ose soutenir que parmi les compositeurs
contemporains aucun ne serait de force à s'acquitter consciencieu-
sement de cette tâche; à plus forte raison cela me serait impos-
sible.
En priant Votre Excellence de faire part de ces observations à Sa
Majesté, je la prie en même temps de vouloir bien lui rappeler trois
de mes compositions, qui, par ordre de Sa Majesté, sont prêtes à
être exécutées ; à savoir OEdipe à Col on e, de Sophocle ; Âthalie,
de Racine, et OEdipe roi, de Sophocle.
Les deux premières sont complètes; en partition, il ne s'agit plus
que faire la distribution" aux chanteurs et aux acteurs. La de'rnière
(OEdipe à Colone) est également terminée en projet. Je fais mention
de ces compositions dans l'espoir qu'elles serviront à prouver que
Inexécution des ordres de Sa Majesté est toujours pour moi un devoir
et un plaisir, dès que j'ai la moindre espérance de remplir ma tâche
d'une manière tant soit peu satisfaisante, et que c'est donc faute de
talent, et non de bonne volonté, que je laisse l'un ou l'autre de ces
travaux inexécuté.
Réponse de Millier.
Berlin, 19 mars 1845.
Immédiatement après réception de votre honorée lettre du
12 mars, j'en ai communiqué la teneur à Sa Majesté. Sa Majesté
regrette d'être forcée de renoncer au plaisir de voir les chœurs
d'Eschyle composés par vous ; elle a appris avec satisfaction que
la trilogie de Sophocle ainsi que les chœurs d'Athalie sont ter-
minés, et compte vous voir ici l'été prochain, ne voulant prendre
connaissance de ces nouvelles compositions que sous votre di-
rection.
Traduit par 1. DUESBERG.
REVUE DES THÉÂTRES.
La liberté des théâtres. — Odéon : Les Relais, comédie en quatre
actes, par M. Louis Leroy. — Palais-Royal : La Commode de Vic-
torine, comédie- vaudeville de MM. Eug. Labiche et Ed. Martin:
Trois Chapeaux de femmes, comédie-vaudeville de MM. Lafargue
et Siraudin. — Variétés : La Revue, au cinquième étage, vaude-
ville en un acte et trois tableaux, par MM. Clairville, Siraudin et
Blum. — Les revues des petits théâtres.
La liberté des théâtres est un fait accompli ; le décret qui consa-
cre les promesses du discours d'ouverture a paru dans la Moniteur,
et, contre l'ordinaire usage, toutes les prévisions fondées sur les
promesses ont été dépassées. Que va-t-il sortir de ce nouvel ordre
de choses? Nul ne saurait le dire et le temps seul nous l'apprendra.
En attendant, les vieux théâtres subventionnés et privilégiés n'en
poursuivent pas moins le cours de leurs travaux réglés par l'an-
cienne loi. L'Odéon, ce vaillant théâtre français de la rive gauche,
a notamment commencé l'année par un de ces succès de bon aloi
qui attestent que l'esprit et le goût ne sont pas près d'abdiquer leurs
titres imprescriptibles, quelque chose qu'il arrive. Ce n'est pourtant
pas, on doit l'avouer, que la comédie de M. Louis Leroy brille par
l'invention et par la nouveauté. Il faut savoir vieillir et se résigner
à céder le pas aux jeunes qui se pressent derrière nous sur le
chemin de la vie; telle est la thèse un peu surannée qui a ins-
piré les quatre actes de cette œuvre appelée assez improprement
les Relais. Pourquoi pas Place aux jeunes ? C'est peut-être que la
petite presse a trop souvent poussé ce cri de guerre pour qu'on le
prenne en bonne part. Une coquette sur le retour, un vieux lion
édenté, un peintre hors de concours, voilà les personnages sur les-
quels repose l'action. On leur prouve que l'heure de la retraite a
sonné pour eux, et tout est dit. Mais ce qui justifie l'accueil plus
que favorable dont cette donnée si simple a été l'objet, c'est un
dialogue pétillant de saillies fines et spirituelles. On se demandait,
après le premier acte, comment l'auteur soutiendrait jusqu'au bout
l'escarmouche engagée d'une façon si brillante, et chaque fois
que le rideau tombait, on était obligé de convenir que le feu de
file allait croissant et s'épanouissant en gerbes de plus en plus lu-
mineuses. Un rôle très-heureusement tracé dans la voie où Théo-
dore Barrière a jeté son Desgenais, le sarcasme personnifié, a mis
en relief les qualités incisives d'un jeune comédien, Thiron, qui s'était
déjà distingué en plus d'une circonstance, mais qui n'avait pas en-
core remporté une victoire à ce point complète.
— Au Palais Royal, la rentrée de Geoffroy, retardée par une ma-
ladie grave de son confrère Lheritier, a eu lieu enfin dans une très-
agréable comédie-vaudeville, intitulée la Commode de Victorine. Ne
nous interrogez pas sur les vertus de cette commode, et encore moins
sur celles de Mlle Victorine, qui en est la propriétaire. Ce sont là
de ces accessoires insignifiants qui échappent à l'attention la plus
scrupuleuse. Car la raison d'être de ce gai petit acte n'est pas là;
elle réside dans la critique éminemment actuelle de cette manie ho-
micide dont une certaine partie de notre jeune génération semble au-
jourd'hui atteinte. On se bat sans trop savoir pourquoi ; on prend
à la légère des témoins qui, vous connaissant à peine, ne se soucient
guère de vos intérêts véritables, et qui vous laisseraient bel et bien
hacher menu, si leurs convenances personnelles ne leur faisaient,
par hasard, souhaiter un arrangement amiable. Tout cela, joyeuse-
ment traité, escompte une heure de rire aux dépens d'un travers qui
deviendrait odieux, s'il ne commençait, à être frappé de ridicule.
Au même théâtre, Trois Chapeaux de femmes, constituent un
imbroglio qui s'enchevêtre à la manière du nœud gordien, et qui se
tranche finalement par un tour de passe-passe.
— Vous remarquerez que nous ne vous avons pas encore dit
un mot des revues annuelles dont il se fait ordinairement une
22
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
si grande consommation à cette époque. C'est qu'il y a éclipse
totale sur toute la ligne des théâtres de genre, un seul excepté, et
cette exception confirme la règle par son peu d'importance. Il est donc
bien avéré que l'on se lasse de tout, même des revues, dont la
mode a duré si longtemps et si obstinément. Toutefois , nous ferons
acte de justice en constatant que la Revue au cinquième étage, des
Variétés, si elle ne dure qu'une heure, ou plutôt parce qu'elle ne
dure qu'une heure, n'en est pas moins un fort amusant caquetage
sur les affaires du jour, particulièrement sur les facteurs parisiens et
sur les chanteuses de cafés- concerts, parodiées d'une manière très-
drôle par une demoiselle Toudouze, que l'on n'avait fait qu'entrevoir
à la Porte Saint-Martin et qui parait vouloir conquérir une place au
soleil des Variétés.
— Mais pourquoi disions- nous que les revues étaient mortes? Que
les amateurs de ces sortes d'exhibitions se rassurent ; elles ont changé
de niveau, sans doute, elles ont déserté les théâtres dont elles ont
fait naguère la fortune, mais, en descendant quelques échelons, elles
ont mis le pied dans les petits théâtres, et elles y régnent souverai-
nement. Par exception, qu'on nous permette de les compter. Aux
Délassements-Comiques, Lâches tout! Cette expression, empruntée
au vocabulaire des aérostats, décèle une des fortes préoccupations
de l'an dernier. On comprend d'ailleurs tout ce qu'une pièce, qui se
passe dans les airs, peut et doit suggérer de piquant, d'imprévu
au costumier et au décorateur.
C'est néanmoins sur terre, dans la parodie de l'Aïeule de l'Ambigu,
mimée de la façon la plus grotesque par Paul Legrand, qu'il faut cher-
cher le motif principal de l'éclatant succès de cette revue, due à
l'association toujours heureuse de MM. Ernest Blum et Alexandre Flan.
Au théâtre Déjazet, MM. Clairville et Dornai ont également obtenu
un signalé triomphe, en se plaçant sous l'invocation de Nadar. En
ballon! tel est le titre de cette revue, pour laquelle la direction n'a
reculé devant aucune dépense. On y applaudit un aquarium parisien,
à l'instar de l'aquarium de Peau-d'Ane, et des tableaux vivants d'a-
près les productions populaires des deux grands peintres, que nous
avons perdus dans le courant de l'année dernière, Horace Vernet et
Eugène Delacroix. L'idée est bonne et nous joignons nos bravos à
ceux du public qui, chaque soir, acclame sympathiquement Hamlel
la barque du Dante, en regard du Cheval du trompette et de la
Barrière de Clichy. Enfin, au Luxembourg, M. Saint-Agnan Choler,
le fournisseur annuel du lieu, affiche intrépidement : Cocher! à Bo-
bino ! et pour ce fortuné petit théâtre, cette annonce audacieuse n'est
pas une utopie. On y accourt de tous les points, pour passer une
joyeuse soirée, avec le ballon Nadar, les courses du bois de Vincen-
nes, les tableaux refusés, et surtout un ballet d'automates des mieux
réussis. Allons, vite, cocher, àBobino!
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
„*» Au théâtre impérial de l'Opéra iUoV.se a été joué les trois jours de
la semaine passée ; l'affluence du public n'a pas diminué.
*** L'opéra en un acte de M. Boulanger, qu'on répète en ce moment
et qui doit accompagner le nouveau ballet composé pour Mlle Bos-
chetti, servira de début à Mlle Léveilli, jeune cantatrice d'un très-beau
talent.
»% Voici la distribution des rôles dans l'opéra de M. Mermet, Roland
à Ronceveaux: Roland, M. Gueymard ; l'archevêque Turpin, M. Belval ;
Gonnelon, M. Cazaux; un pâtre, M. Warot ; Aide, Mme Gueymard;
Saïda, Mlle de Taisy; un page, Mme Saint-Agnet.
*% LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont honoré de leur pré-
sence la seconde représentation de ta Fiancée du roi de Garbc.
**„, Hier samedi, une indisposition d'Achard a empêché la quatrième
représentation de ce nouvel opéra.
t% Mario va rentrer sous peu de jours au théâtre Italien. Il y chan-
tera, avec Adelina Patti, il Barbiere, Marta et la Traviata.
*% Au théâtre Lyrique impérial on annonce les dernières représen-
tations de Faust, et la prochaine apparition du nouvel opéra de Gou-
nod: Mireille.
t% Mme Ugalde est engagée au théâtre des Bouffes-Parisiens et va
reparaître dans les Bavards, d'Offenbach, dont elle a créé le principal
rôle d'une façon si brillante. La reprise de cet ouvrage, que la plupart
des théâtres de province montent en ce moment, aura lieu vers la fin
de la semaine. Lischen et Fritzchen, dont toute la presse a constaté l'é-
clatant succès, accompagnera chaque soir les Bavards.
,*„ Demain sera donnée la première représentation de l'opérette en
un acte d'Offenbach, Il signor Fagotto.
a** Les recettes des théâtres, concerts, bals et spectacles de tout
ger;re pendant lé mois de décembre ont été de 4,853,273 francs. La re-
cette totale de l'année 1863 s'est élevée â 18,761,030 francs et a dépassé
celle de 1862 de 1,360,378 francs.
„■% Au concert du Conservatoire , donné dimanche passé, George
Hainl, le nouveau chef d'orchestre, a fait preuve d'un très-grand talent
qui a été hautement apprécié par l'auditoire. Il a été applaudi et ac-
clamé par toute la salle, et l'exécution du programme qui était fort in-
téressant, bien que ne contenant rien de nouveau, a été aussi parfaite
que possible.
z*x Au concert populaire de dimanche dernier, l'orchestre dirigé par
Pasdeloup a supérieurement exécuté l'admirable musique composée par
Beethoven, pour VEgmont, de Goethe. Plusieurs fragments ont produit
la plus vive impression sur tout l'auditoire.
£% Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui au cirque Napoléon : 1° ouverture de.Slruen-
sée, de Meyerbeer; 2° symplionie et la, de Beethoven; 3" largo et finale
de la symphonie, n° 29, de Haydn ; 4° air du ballet de Promélhée, de
Beethoven (solo par M. Poëncet); 5° Jubel-ouverture, de Webcr. L'or-
chestre sera dirigé par M. J. Pasdeloup.
*** L'inauguration du nouvel Athénée musical, construit au Boulevard
Saint-Germain, près du musée de Cluny, dont la direction est confiée à
M. de Baousset-Boulbon, aura lieu ce soir et se composera d'un grand
concert à orchestre, avec chœurs et solistes-chanteurs et instrumen-
tistes. Nous en rendrons compte dimanche prochain.
t% MM. Armingaud, Jacquart, Lalo et Mas, vont donner six séances
de musique de chambre, dans les salons de MM. Pleyel-Wolff et C°. La
première de ces séances aura lieu mercredi prochain à 8 heures 1/2
du soir, avec le concours de M. Lubeck. En voici le programme :
1° grand trio, op. 97 de Beethoven ; 2° quatuor en mi bémol de Mo-
zart, pour deux violons, alto et violoncelle ; 3" pièces pour piano et
violoncelle de Schumann ; 4° ottetto, op. 20 de Mendelssohn, pour
quatre violons, deux altos et deux violoncelles.
*%, Voici le programme de la séance populaire, qui sera donnée mardi
prochain, salle Herz, par MM. Ch. Lamoureux et E. Rignault : Quintette
en sol mineur, de Boccherini ; sonate en fa, pour piano et violoncelle,
de Beethoven ; variations sur l'Hymne autrichien, pour deux violons;
alto et violoncelle , de Haydn ; adagio et mouvement perpétuel, pour
piano, de Weber, exécutés par Mlle Marie Colin ; quatuor en ut (n° 6),
de Mozart.
%** Le concert de Mlle Marie Darjou est fixé au mercredi 27 janvier,
à la salle Herz. La dernière composition d'Emile Prudent, les Trois
Rêves, y sera exécutée, ainsi que les Bois, du même maître, avec
orchestre. Mlle Marie Darjou fera entendre en outre deux de ses der-
nières compositions, et une romance sans paroles de Mendelssohn,
une pensée musicale de F. Schubert, et le Scherzo, op. 20, de Chopin.
L'orchestre sera dirigé par M. A. Placet.
.,.% La cathédrale de Cahors vient d'être dotée, parle gouvernement,
d'un orgue qui peut être compté parmi les meilleurs. L'instrument,
sorti des ateliers de M. Stoltz, facteur à Paris, possède quarante-cinq
jeux distribués sur trois claviers à la main et un clavier de pédales, et
de plus dix pédales de combinaison qui permettent à l'organiste de
varier ses effets avec la plus grande facilité. M. Auguste Durand, or-
ganiste de Saint-Vincent-de-Paul, avait été désigné par S. Exe. le
ministre de la justice et des cultes pour recevoir cet important travail.
Dans plusieurs séances auxquelles l'élite de la population de Cahors
s'est rendue avec empressement, M. Durand a fait ressortir avec un
talent qui a été fort apprécié les qualités de ce bel instrument.
%*% La messe en mi mineur de M. G. Roberti sera exécutée à l'é-
glise Saint-Vincent-de-Paul, aujourd'hui, à 10 heures très-précises, par
quarante voix, avec orchestre d'instruments à cordes et orgue, sous la
direction do M. Mullot, maître de chapelle de la paroisse.
**„. Vendredi prochain aura lieu, à la salle Herz, le concert avec or-
chestre donné par Mlle L. Murer, qui fera entendre les Trois Rêves et
la Danse' des Fées, d'E. Prudent, ainsi que plusieurs compositions de
Mendelssohn, Beethoven et Ilenselt. L'orchestre sera dirigé par M. Til-
mant.
„,** L'Académie des Beaux-Arts a désigné, pour l'année !86i, M. de
DE PARIS.
23
Cisors pour son président, et H. Ambroise Thomas pour son vice-pré-
sident.
»** Gennaro Perelli, l'excellent pianiste compositeur a été nommé
officier de l'ordre d'Isabelle la Catholique.
*** Samedi soir, 23 janvier, aura lieu à la salle Pleyel-Wolff, l'audition
des œuvres nouvelles d'Eugène Ketterer, avec le concours d'Herman,
Archainbaud, A. Durand et Duvcrnoy.
*■% On annonce pour le 25 janvier un concert donné par Mlle Lea
Karl, cantatrice de talent, qui après avoir débuté avec succès en Alle-
magne, s'est fixée à Paris. Mlle Karl aura le concours de Mme Aermy
et de MM. Kriiger, E. Nathan, Poisot et Sokolowski.
*** Les séances de musique de chambre organisées par la société
des Beaux-Arts sont très-suivies. M. Danbé, violoniste d'un talent réel,
y a produit beaucoup d'effet dans un solo de violon, et les artistes qui
composent le quatuor obtiennent souvent de justes applaudissements.
„/% M. Camille Saint-Saëns annonce une série de concerts bien faits
pour exciter l'intérêt des amateurs de bonne et sérieuse musique. Il se
propose de faire entendre, avec accompagnement d'orchestre, les con-
certos de Mozart pour le piano. Ces concerts, au nombre de six, et
qui seront divisés en deux séries, auront lieu dans les salons Pleyel,
Wolff et Comp. Le premier est fixé au vendredi 12 février.
*% Le concert de M. P.olland, chef de musique de la gendarmerie
papale, aura lieu demain à la salle Herz.
**„ On écrit de Pesth : « On ne tardera pas sans doute à entendre
un opéra hongrois à Paris; la partition de Hunyady, par Erkely, vient
d'être expédiée pour cette capitale, et nous attendons avec une vive
curiosité le succès de cette œuvre madgyare.
.,** Strauss et Arban viennent de composer sur Lischen et Frilzchen,
l'un une polka très-réussie, l'autre une charmante valse, qui paraîtront
cette semaine, ainsi que le nouveau quadrille les Chasses, dont le suc-
cès a été partagé au dernier bal de l'Opéra par la polka des Hor-
loges et les quadrilles du Brésilien et de Moïse.
*** M. Mayer-Marix, le facteur d'harmoniflûtes à Paris, vient de faire
paraître : 1 ° la Perle cVor, valse expressive ; 2° le Diamant, redowa ;
3° Musette, par N. Alkan. Ces morceaux sont arrangés pour piano,
orgue de salon et harmoniflûte.
*** Victor Dourlen, le doyen des grands prix de Rome (il avait obtenu
le second prix en 1803 et le premier en 1804), vient de mourir âgé de
81 ans. Elève de Catel et de Gossec, il fit jouer plusieurs opéras: le
frère Philippe, Linné, la. Dupe de son art, Caglioslro (en collaboration avec
Reicha), Plus heureux que sage, Narini et le Petit souper. La plupart de
ces ouvrages ont obtenu du succès, surtout le frère Philippe, dont les
paroles étaient de M. Duport, père de M. Paul Duport, qui fut long-
temps l'un des auteurs les plus féconds des théâtres du Vaudeville, du
Gymnase, et aussi de l'Opéra- Comique. Nommé professeur d'harmonie
et d'accompagnement au Conservatoire en 1816, il y continua les tra-
ditions de Catel, avec lequel son style offrait souvent de l'analogie.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*% Pau. — Le théâtre italien vient de donner Linda di Chamouni
avec un grand succès, dont Mme Harjhi et le ténor Tombesi peuvent
revendiquer une bonne part. Le baryton Marra a été également ap-
précié. On monte la Marta de Flotow.
+*4 Nîmes. — La nouvelle église de Sainte-Perpétue vient de recevoir
un orgue de la maison A. Cavaillô-Coll, dont l'inauguration a eu lieu
samedi dernier. La commission chargée de recevoir l'instrument n'a eu
que des éloges à décerner à M. Cavaillé-Coll, pour le soin apporté à
toutes les parties de l'instrument. On a beaucoup remarqué le beau ta-
lent de Mme Escalon, de Beaucaire, qui a touché l'orgue, ainsi que celui
de M. Laurens, de Montpellier, et M. Ch. Widor, de Lyon, un élève de
Fétis et de Lemmens, qui fait le plus grand honneur à ses maîtres.
M, Widor a d'abord exécuté un prélude et une fugue en mi de S. Bach,
puis une improvisation sur les jeux de fonds , et il a terminé par un
superbe finale de Haandel. Cet artiste, ce virtuose consommé est un
tout jeune homme, presque un enfant.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t% Bruxelles. — Un opéra fantastique, en deux actes, intitulé VOrco,
a été représenté au théâtre de la Monnaie. Les paroles, empruntées à
une nou\elle de George Sand, sont de M. Louis llymans, et la musique
de M. Stoumon. Voici en quels termes s'exprime le Guide musical au
sujet de cet ouvrage : « Le librettiste nous a paru satisfaire assez médio-
crement aux exigences scéniques. Pour le musicien, nous avouerons
qu'il a de la mélodie, qu'il instrumente avec habileté, et qu'il est en
progrès pour la vérité dramatique. Mais, nous ne lui cacherons pas un
défaut qui gâte ses meilleures qualités : c'est l'exagération orchestrale.
Il lui faut sans cesse ses quatre cors, ses trompettes et ses trombones. De
lu vient que l'effet ne se trouve nulle part. II. Stoumon est d'un accom-
modement trop facile pour le choix des thèmes. Il prend le premier qui
s'offre à lui, eût-il un lien de parenté très-rapproebé avec des mélodies
connues. Nous ne dirons rien de l'exécution et delà mise en scène qui
laissaient assez à désirer. L'auditoire a applaudi avec une vive sympa-
thie. — Carlotta Patti s'est fait entendre deux fois au même théâtre,
avec le concours d'Alfred Jaell, de M. Laub et Kellermann, et a donné éga-
lement des concerts à Lié ge et à Mons. Le succès que cette étonnante
cantatrice a obtenu dans ces dernières villes a été très-grand, mais il
n'en a pas été entièrement de même ici, où Mlle Patti ne paraissait pas
jouir de tous ses moyens. On l'a cependant fréquemment applaudie.
Alfred Jaell a joué, avec son talent hors ligne, divers morceaux de sa
composition , parmi lesquels son caprice sur le Pardon de Plo'érmel,
et a eu tous les suffrages. M . Laub, dans la fantaisie d'Ernest, sur
Otello, et M. Kellermann, dans la Romancsca, transcrite par Servais,
ont eu également des bravos bien mérités.
„% Manheim. — Nous avons eu ici une fort bonne représentation de
Macbeth, par ïaubert, et de Loreley, par Max Bruch ; dans ces deux
pièces les rôles principaux ont été interprétés par Mme Michaelis-Nimbs,
qui a eu surtout un éclatant succès dans celui de lady Macbeth.
**t Leipzig. — Au douzième concert du Gewandhaus s'est fait
entendre pour la première fois Mlle Orgeni, élève de Mme Viardot,
Sa voix de soprano est sympathique, mais elle a besoin d'être cultivée.
La suite, œuvre 2 de Franz Lachner, a été exécutée avec tout le soin
dont cette composition remarquable est digne à tous égards ; le succès
a été des plus brillants.
„% Vienne.— Il y a vingt ans, le pianiste Pauer s'est fait entendre ic
pour la première fois. Aujourd'hui, professeur à l'Académie de musique
à Londres, M. Pauer a reparu devant le public qui avait encouragé ses
débuts. Les principaux morceaux de son programme étaient : trio de
Schumann, pour piano ; concerto pour orgue de Hsendel, transcrit pour
piano, et sonate en ut mineur de Beethoven. Dans l'exécution de ces
compositions d'un style si divers, le bénéficiaire a montré la flexibi-
lité de son talent. M. Hellmesberger, les cantatrices Dustman et Bet-
telheim lui avaient prêté leur concours. Ces artistes, ainsi que M. Pauer,
ont reçu du nombreux auditoire d'honorables témoignages de sympathie.
„*„, Madrid. — Mme Borghi-Mamo a été acclamée à sa rentrée au
théâtre de l'Oriente, qui a eu lieu dans la Favorita. Mario a partagé le
succès de la célèbre cantatrice. — Le concert donné par M. André
Parera, flûtiste et compositeur, avec le concours de Mme Calderon et
du ténor Pagans, a été l'un des meilleurs de la saison. 11 a eu lieu dans
les salons du Conservatoire.
Le Directeur : S. DUFOL'R.
NOUVEAU JOURNAL DE MUSIQUE MILITAIRE
Publié en Partition et Parties séparées.
Fondation GAUTROT aîné.
Ce Journal contiendra annuellement 36 morceaux
POUR
HARMONIES et FANFARES
Pris en grande partie sur des motifs d'opéras.
On s'abonne à Paris :
CHEZ GAUTROT AÎNÉ, GO, RUE SAINT-LOUIS (MARAIS).
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
NOUVELLES PUBLICATIONS DE J. MAHO, FAUBOURG SAINTHONORÉ, 25, A PARIS
MUSIQUE DE PIANO — MÉTHODES- ÉTUDES
Bach (J. S.). Choix de Préludes non difficiles 9
Chopin (Fr.). Op. 10. Douze Etudes en deux livres, chaque. . 10
— Op. 25. Douze Etudes en deux livres, chaque 10
Délier (Stephen). Op. 90. Vingt-quatre nouvelles Etudes en
deux livres, chaque 12
te Couppey (F.). Cours de Piano élémentaire et progressif,
adopté au Conservatoire de Paris et approuvé par l'Ins-
titut de France
1. A B G du Piano, Méthode pour les commençants. ... 15
2. L'Alphabet, vingt-cinq Etudes très-faciles, op. 17. . . . 12
3. Le Progrès, vingt-cinq Etudes faciles, op. 24 12
4. Le Rhythme. vingt-cinq Etudes sans octaves, op. 22 . .12
5. L'Agilité, vingt-cinq Etudes progressives, op. 20. ... 12
6. Le Style, vingt-cinq Etudes de genre, op. 21 15
7. Ecole du Mécanisme, quinze séries d'exercices 15
Seellnjj (H.). Op. 10. Douze grandes Etudes de concert en deux
livres, chaque 15
SONATES, FANTAISIES, AIRS VARIÉS, ETC.
Adler (V.). Op. 21. 1.
2.
Diseuse de bonne aventure
Prélude
3. Humoresque
4. Chant du Barde
— Op. 22. Un Soir à Saint-Gratien , idylle
— Op. 23. La Bergère, scène champêtre
— Op. 24. Grande marche
AscHer (J.). Perle d'Allemagne, bluette à la mazurka
Bazin (J.). Les Primevères, variations brillantes sur un thème
de Haydn
Beethoven . Deux sonatines
BehreiiM (A.). Op. 1. Hymne national polonais, varié. ....
— Op. 2. Douze valses en deux livres, chaque
Blllema (R.). Op. 42. Une Soirée sur l'eau, morceau de salon
— Op. 45. Fleur d'espérance, nocturne ...
Blnet (E.). Isabella, valse de salon
Bourges (M.). Nymphéa, romance sans paroles
— Le Papillon de nuit, caprice
— Chant des Rameurs, barcarolle
Rranli (K.). Op. 15. L'Ondine, idylle
— Op. 16. Tarentelle
— Op. 17. Murmure du ruisseau, caprice
— Op. 18. Le Rêve, fantaisie
— Op. 19. Le Trémolo, air bohémien
Caspar (C. A.). Beaufort, mazurka de concert
Cblmay (A. de). Mélusine, valse
Chopin (F.). Op. 7. Quatre mazurkas, à Johns
— Op. 9. Trois nocturnes, à Mme Pleyel
— Op. 11. Concerto en mi mineur
— Op. 15. Trois nocturnes, à Ililler
— Op. 18. Val?e en nu bémol
— Op. 29. Impromptu en la bémol
— Op. 31. Scherzo en si bémol mineur
— Op. 32. Deux nocturnes, à Mme de Billing
— Op. 34. N° 2. Valse en la mineur
— Op. 35. Marche funèbre
— Op. 55. Deux nocturnes, à Mlle Stirling
— Op. 57. Berceuse
— Op. 64. 1. Valse, ré bémol majeur
2. Ut dièse mineur
Damcke (Louise). Op. 1. Nocturne
Bclannoj (V.). Élégie
Gadc (N.j. Sylphides, bluette
Gras t (A.). Op. 8. Deux solos de concours:
1 . Andantino. — 2 . Allegretto, chaque
Délier (Stephen). Op. 88 bis. Scherzo-capricip extrait de la
Sonate op. 88 '
— Op. 97. Douze Laendler et valses, en 2 suites : 1, 5 fr.— 2,
— Op. 99. Quatre Phantaisie-Siuecke, en deux livres, chaque
— Op. 100. Deuxième canzonetta
— Op. 105. Trois romances sans paroles
— Op. 110. Pour un Album, deux morceaux: 1, 7 fr. 50.— 2.
Benselt (A.). Valse sentimentale
Dubené (L.). Op. 24. Une Larme, pensée musicale
— Op. 25. L'Illusion, morceau de genre
— Op. 26. Express-Train, grand galop
— Op. 27. Cordélia, grande valse brillante
— Op. 28. Bel astre du soir, rêverie
— Op. 29. Sous les tilleuls, rêverie nocturne
Johannien (J.). Op. 14. L'Irrésistible, valse brillante. . . .
Kruger (W.). Op. 100. Grande Sonate en ut
— Op. 101. Les Regrets, rêverie-nocturne
— Op. 102. Le Rouet, fantaisie-impromptu
— Op. 111. Allegretto-scherzando
l<e Couppey (F.). Rigodon de Bardanus de Rameau, 1" trans-
cription
— Ballet des Scythes (d'Iphigénie en Tauride) de Gluck,
2e transcription
Loïrtcr (Richard). Op. 41. Lauterbach, idylle-styrienne . . . .
Lortzing. Pierre le Grand à Saardam, opéra-comique en trois
actes, arr. 4° net
— La Sabotière, air de billet de Pierre le Grand à Saardam
5 »
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Iiuberk (E.). 11. Tarentelle
— 13. Berceuse
— 14. Polonaise, morceau de concert
Mayer (Ch.). Op. 134. Romance italienne
IV. S. (Mlle). Impromptu-idylle
Oesten (Th.). Op. 50. Six morceaux de salon, chaque ....
1. Valse brillaute. 2. Chants des Alpes. 3. Le Printemps.
4. Sérénade. 5. Chant d'amitié. 6. Séparation.
— Op. 61. Le Muguet, vingt-cinq petits morceaux faciles,
en trois livres, chaque
Papendteck (H.). Op. 3. Capricio
— Op. 4. Impromptu-mazurka
Belnecke (Ch.). Op. 77. Au coin du foyer, dix-huit morceaux
pour le développement du goût et de l'expression, en
trois cahiers, chaque
Bemaury (Caroline). Op. 1. Impromptu-étude
— Op. t. Berceuse
Blchards (Brinley). Op. 7. Andante con moto, pastorale . . .
— Op. 30. Sibylle, romance
— Op. 36. La Preciosa, valse
— Op. 40. La Reine blanche, galop de concert
— Op. 50. Le Chant du soir, romance
— Op. 60. Marie, nocturne
— Op. 67. Louise, 2e nocturne
— Op. 68. La Fleur fanée, romance transcrite
— Op. 75. Florence, nocturne
— Op. 81. Alexandra, nocturne
— Op. 82. Chant du matin, romance
SchllTniacher. Op. 29. Valse
Schumann. Op. 12. Pièces romantiques en deux livres, chaque
1 . Au soir. Elévation. Et pourquoi ? Papillons noirs.
2. Nuitamment. Conte. Hallucinations. Amici, Co-
media finita est.
— Op. 16. Kreissleriana, fantaisies en deux livres, chaque .
Seellaig (H.) Op. 1. Deux Impromptus
— Op. 2. Loreley, morceau caractéristique
— Op. 3. Nocturne
— Op. 4. Trois Mazurkas
— Op. 5. Allegro
— Op. 6. Idylle
— Op. 10. Douze grandes Etudes de concert, en 2 liv., cha.
— Les mêmes, séparément de 3 à
— Op. 1 1 . Schilflieder. Cinq Pièces d'après les Poésies de Lenau
Stelnkuhler. Op. 63. Boléro, morceau de salon . . . . . .
Szarvatty (Mme, née Clauss). Morceaux tirés de ses program-
mes de concert.
1er livre : Sonate de Scarlatti; air de Pergolèse trans-
crit; les Niais de Sologne de Rameau
2e livre : Gaillarde de Cliambonnières; La de Croissy
de Couperin; Gavotte de Rameau
3" livre: Sonate de Scarlatti; Sonate de Marcello;
Romance de Balbastre
Talcxy (A.). Chanson d'avril, mélodie pour le piano
Thalberg (S.). Op. 72. Borne, sweet home, air anglais ....
— Op. 73. The last Rose of Summer, air irlandais
— Op. 74. Lilly Baie, air américain
Thurner (A.). Op. 5. Soirée d'automne, rêverie
— Op. 7. Maroussia, caprice-mazurka
Zarzycky (A.). Op. 1. Trois poésies musicales, 1er cahier . .
— Op. 3. Trois poésies musicales, 2e cahier :
1. Elégie. 2. Prière. 3. Plainte, chaque
Les trois réunies .
Zompl (D.). Op. 9 Romance sans paroles
— Op. 10. Scherzo-valse
MUSIQUE DE DANSE
Castanlé (F. de). La Couronne, schottisch
Faust (Ch.). Jadis et aujourd'hui, valse arr. par Desgranges . .
«alabert. Sylvana, redowa
Place*. J'ai du bon tabac, polka
— Sempronia, polka-mazurka
Servel (E.). Delphine, polka-mazurka
MUSIQUE POUR PIANO A QUATRE MAINS
Ascher (J.). Perle d'Alh'.magne, bluette à la mazurka ....
Faust (Ch.). Jadis et aujourd'hui, valse arr. par Desgranges .
IiOrlzlug (G. A.). Pierre le Grand à Saardam, opéra-comique
en trois actes, arrangé in-4°, net
Belnecke (Ch.). Op. 54. Douze morceaux faciles en deux
livres, chaque
(Saint-Sacns (Camille). Duettino
Splndler (F.). Op. 136. Six sonatines, chaque
DUOS, TRIOS
Battanchon (Félix). Op. 8. Souvenir de la sérénade de Beetho-
ven pour violoncelle, avec accompagnement de piano
Bourges (Maurice). 2e sonate pour piano et violon, en mi bémol
— Trio [la mineur pour piano, violon et violoncelle) ....
Konlskî (A. de). Op. 3. La Cascade, caprice pour violon, avec
accompagnement de piano
Mathlas (G.). Op. 33. Troisième trio en fa pour piano, vio-
lon et violoncelle, net
Bubinstein (A.). Op.1 8. Sonate en ré pour piano et violoncelle
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c, BLE BGBGÈBE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 4'.
3ic Année,
ON S'ABONNE :
Dans les TV'|>firtemnnts et n L'Étranger,
c*icz tous les Murchnnds de Musique, les Librairt
et aux Bureaux dos Messageries cl dis Postes.
iV 4.
REVUE
24 Janvier 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 2* r. par ai
Départements, Belgique et Suisse... 3Û » id.
Étranger 3i « id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Concerts et auditions, par D. A. O. Saïnt-YTes. — Messe
de G. Roberti exécutée à Saint-Vincent-de-Paul. — Théâtre des Rouffes-Pari-
siens : /( signor Fagoilo, opérette en un acte, paroles de MM. Nuitter et
Tréfeu, musique de M. J. Offenbach. — Martini (6° article), par Arthur
Pougin. — Mémoire sur l'origine de la musique (2e article), par B.
Beaulïeu. — Nouvelles et annonces.
CONCERTS ET AUDITIONS.
Inauguration de l'Athénée musical. — Concert de
Hlle Marie Jungk. — D. llagnns. — Mlle Louise Murer.
— Séances de musique de cliambre d'Alard et
Franchomnie.
Sous le nom d'Athénée musical, une nouvelle salle de concerts
vient de s'ouvrir sur le boulevard Saint-Germain, à côté du jardin
de l'hôtel Cluny. Cet établissement, qui affecte d'assez vastes propor-
tions, n'a rien de commun avec les cafés-chantants, tel que l'Eldo-
rado ou l'Alcazar, où l'on consomme une demi-tasse ou une chope
de bière, en écoutant une polka-mazurka ou une chansonnette gri-
voise. L'Athénée musical a des visées plus artistiques ; il veut ré-
pandre le goût de la musique sérieuse dans un quartier presque en-
tièrement sevré jusqu'à ce jour d'entreprises de ce genre, et à ce
titre il mérite nos sympathies, il a droit à nos encouragements.
M. le comte de Raousset-Boulbon, à qui appartient l'initiative de
cette heureuse inspiration, n'a rien épargné pour rendre son Athénée
tout à fait digne du but qu'il s'est proposé en l'édifiant. L'aspect ex-
térieur en est monumental, un peu sévère peut-être, mais au demeu-
rant d'un bon effet d'ensemble, qui témoigne en faveur de M. Félix
Pigeory, sur les plans duquel ce bâtiment a été exécuté par M.Gérault.
Quant à l'intérieur, il défie toute critique ; c'est un carré long, dont
le vaisseau peut contenir environ quinze cents personnes ; il est com-
posé d'un vaste parterre autour duquel on circule librement, d'une
galerie superposée, et, en face de l'orchestre qui occupe le fond de
la salle, d'un vaste amphithéâtre. Des escaliers spacieux conduisent à
l'étage supérieur. Les décorations de la salle sont de style Louis XV,
c'est-à-dire blanc et or, et elles sont éclairées par trois grands lus-
tres et par une quantité de candélabres, qui font brillamment res-
sortir les peintures et les fresques de M. Charles Hugo, ainsi que les
sculptures de M. Bernard.
Pour inaugurer toutes ces merveilles, M. de Raousset-Boulbon a
voulu débuter par un concert exceptionnel, auquel n'ont pas dédaigné
de concourir plusieurs artistes renommés, tels qu'A. Bettini, Mme Tre-
belli Bettini, M. Ravina, M. Lavigne, etc. La valse de Faust, chantée
par Mme Trebelli-Bettini avec cette souplesse de voix, avec cette
sûreté d'intonation qui lui ont valu de si éclatants succès aux opéras
italiens de Paris et de Londres, a ravi l'auditoire. La délicieuse ro-
mance de Marta n'a pas été moins favorable à Bettini, qui l'a détail-
lée avec infiniment d'âme et de goût. Ravina nous a fait entendre
pour la première fois une fantaisie espagnole, intitulée Havaneras,
qu'il a exécutée, comme toujours, magistralement, et qui comptera
parmi ses meilleures compositions. Enfin le hautbois de M. Lavigne
a soulevé des tempêtes de bravos, avec ses Souvenirs des montagnes,
La partie chorale de ce concert, qui, du reste, doit être signalée
comme un de ses attraits journaliers, n'est pas demeurée au-dessous
de la partie instrumentale et vocale. Les chœurs, composés de
quinze hommes et de quinze femmes, ont interprété avec un remar-
quable ensemble une Cantate d'inauguration, paroles de G. du Locle
et musique de Duprato, entremêlée de soli et de déclamation. Cette
cantate, un peu dans les nuages, a fourni au compositeur plusieurs
inspirations saillantes, mais le caractère nous en a paru trop cons-
tamment sérieux pour la circonstance. Ce n'est pas ainsi que nous
aurions compris la réalisation de ce vœu si naturel :
Que l'écho s'éveille et répète
Nos chants joyeux.
Nous devons une mention à Mme Marie Praldi, chargée de repré-
senter l'Harmonie, et à Mme Daulnay à qui était échu le rôle de la
Muse.
Les étoiles que nous avons citées plus haut sont maintenant rem-
placées par des constellations plus modestes ; mais ce que l'on peut
applaudir chaque soir, comme on l'a applaudi le jour de l'inaugu-
ration, c'est un très-bon orchestre de quarante à cinquante musi-
ciens, conduit supérieurement par J. Duprato, et qui, la première
fois, a enlevé, c'est le mot, l'ouverture de la Muette et la Marche
du songe, de Mendelssohn.
— Une des élèves les plus distinguées de Henri Herz, Mlle Marie
Jungk, s'est fait entendre à la salle de la rue de la Victoire, sous le
26
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
patronage et avec le concours de son illustre maître. Le grand duo
concertant pour deux pianos, sur des thèmes de Mozart et de
Rossini, exécuté par le professeur et par l'élève, a mis en relief
les éminentes qualités de Mlle Marie Jungk, dont le jeu brillant et
pur n'a pas trop souffert de la comparaison. Le cinquième concerto
de Henri Herz, le trio de Beethoven, avec violon et violoncelle, le
septuor de Lucia et la Tarentelle nouvelle, aussi de Henri Herz,
n'ont fait que confirmer l'impression bienveillante acquise à la béné-
ficiaire.
Le programme de ce concert, très-riche et très-varié, nous ré-
servait une surprise des plus inattendues et des plus intéres-
santes. Nous avons annoncé la présence à Paris de M. Marc Soko-
lowski, un artiste de mérite qui s'est fait connaître avantageusement
en Allemagne, en Belgique, en Russie, mais qui n'avait jamais paru
devant un public français. Pour notre part, nous ne nous faisons pas
de difficulté d'avouer que nous avions des préventions fort enracinées
contre cet instrument sourd et ingrat qu'on nomme une guitare. Mais
après avoir vu et entendu le parti vraiment inouï que M. Marc Soko-
lowski sait tirer de l'instrument en question, il nous faut bien rabat-
tre de nos préjugés. Le rondo alla Palacca, des Puritains, avec ac-
compagnement de piano, et la fantaisie sur le Pirate que cet artiste
a successivement exécutés, ont d'abord étonné, puis forcé ses auditeurs
à le combler des félicitations les plus enthousiastes. M. Marc Soko-
lowski sera bien certainement l'un des virtuoses les plus à la mode de
la saison. Quand nous aurons ajouté que dans ce même concert on
a entendu Mme Oscar Omettant, les frères Guidou, le violoniste
Bauerkeller et le violoncelliste Muller, nous n'aurons sans doute pas
besoin d'insister sur le très-grand effet qu'il a produit, chose rare, de-
puis le premier jusqu'au dernier morceau.
— Une audition des nouvelles œuvres de D. Magnus, l'un de nos
pianistes-compositeurs les plus justement estimés, vient d'avoir lieu
dans les talons de Pleyel-Wolff. Parmi les morceaux de lui qui dé-
frayaient son concert, et qui ont tous été exécutés par D. Magnus
avec ce style large et puissant qui le distinguent, nous avons parti-
culièrement remarqué une excellente transcription du finale du troi-
sième acte de Moise, le Chant des sirènes, et Fleurs et dentelles.
L'accueil fait à ces trois compositions leur garantit pour longtemps la
faveur des salons. Les repos nécessaires au pianiste interprétant lui-
même ses œuvres, ont été remplis, dans cette soirée, par le violon
de Sarasate, et pour la partie vocale, par Mme A. Gagliano et par
Aurèle.
—Dans son concert annuel que Mlle Louise Murer a donné à la salle
Herz, cette jeune et habile pianiste a eu la bonne idée de passer en revue
les principales productions d'Emile Prudent, ce professeur tant re-
gretté, dont d!e était l'une des plus méritantes élèves. Comme on le
pense bien, la Danse des fées n'a pas été oubliée, non plus que la
Somnambule et le Chant d'Ariel. Mais ce qui a excité au plus haut
point l'intérêt du nombreux auditoire qu'avait attiré cette soirée, c'a
été l'exécution des Trois Eéves, morceau de concert pour piano et
orchestre, dans lequel Emile Prudent a condensé trois ravissantes
inspirations, qu'on ne peut entendre sans déplorer la perte prématu-
rée de ce compositeur, frappé soudainement dans toute la force
du talent et de l'âge. Ce morceau est divisé en trois parties,
les Esprits des campacjncs, allegro ; les Génies du foyer, andante ; et
le Ballet des\linyari, rondeau final. Mlle Louise Murer les a inter-
prétées toutes trois en grande artiste, avec une sûreté, une précision
qui n'excluent ni la délicatesse ni la grâce. Elle a été d'ailleurs mer-
veilleusement secondée par un très-bon orchestre, que dirigeait Til-
mant, dont le nom nous dispense de tout éloge. Le chant était re-
présenté par Archainbaud et par Mme Aimé Tillemant, qui ont dit
avec goût plusieurs compositions de Mercadante, de Rossini, de Mute],
d'E. Durand et de Lhuillier.
— Les séances de musique de chambre d'Alard et de Franchomme
ont repris leur cours. Dans la matinée de dimanche dernier, ces deux
virtuoses, en compagnie de White, de Casimir Ney et de Diémer,
l'un des bons élèves de Marmontel, ont interprété l'un des trios com-
posés par Beethoven, en 1798, le quatuor en mi mineur de Mendels-
sohn, la troisième des sonates de Beethoven dédiées à l'empereur
Alexandre, et le quintette en la de Mozart. Ces œuvres d'élite, supé-
rieurement exécutées, surtout par Alard qui a fait merveille dans
l'adagio du quintette, ouvrent, de la façon la plus brillante, la série
des séances de cette saison qui, malgré la concurrence croissante des
auditions de musique de chambre, ne seront pas moins suivies que
celles des années précédentes.
D. A. D. SAINT- YVES.
liesse de Ci. Roberti exécutée » Saint-Vinccnt-
dc-Paul.
Ceux qui connaissent l'état actuel de la musique sacrée en Italie,
pouvaient s'attendre à un ensemble de morceaux d'opéra plus ou
moins adroitement adaptés au texte latin. Mais les premières mesures
du Kyrie ont suffi pour dissiper cette idée et pour prouver que l'on
avait affaire à une œuvre des plus sérieuses, aussi profondément ins-
pirée qu'habilement travaillée , joignant une grande pureté et une
élévation toujours contenue de style à une originalité et à une indi-
vidualité fort rares de notre temps. Ces qualités se rencontrent sur-
tout dans le Kyrie, dans le Sanctus et dans ÏAgnus, trois parties
qui nous ont le plus frappé. Le Gloria est plein de feu et d'anima-
tion; aux paroles Qui tollis, une phrase de violoncelle, qui est en
même temps le chant et la basse, se reproduit dans différents tons,
et sert de base à une autre phrase dite par les quatre parties de
chant en solo, et le chœur répond : Miserere nobis; la mélodie est
incontestablement neuve, le dessin harmonique d'une remarquable
élégance et la couleur très-dramatique sans sortir des bornes du style
sacré. Quelques parties du Credo nous ont paru relativement plus
faibles comme composition, bien que le sentiment y soit toujours
irréprochable.
Somme toute, la messe de M. Roberti est une œuvre digne en
tous points de la réputation qu'elle a faite à son auteur en Angle-
terre, où elle a été publiée par la maison Novello. L'exécution en
était confiée à quarante voix, accompagnées par un triple quatuor
avec l'orgue, et elle a fait beaucoup d'honneur au talent et au zèle
de M. Mulle, maître de chapelle de la paroisse ; nous nous permet-
trons seulement de remarquer que la partie vocale est restée bien
au-dessous de la partie des instruments, ce qui n'étonnera d'ailleurs
personne, quand on saura que les pupitres de l'orchestre étaient oc-
cupés par nos premiers solistes, parmi lesquels MM. Sighicelli, Pilet,
Langhans, etc., etc. Le grand orgue était tenu par M. Aug. Durand,
avec la perfection qui lui est habituelle.
Y.
THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISIENS.
IL SICi\OR FAGOTTO,
Opérette en un acte, paroles de MM. Nuitter et TnÉrru, musique de
J. Offenbach.
Ainsi que Lischen et Fritschen, cette opérette a été représentée
pour la première fois à Ems, dans le courant de l'été dernier, et y a
été fort goûtée par le parterre aristocratique de cette ville d'outre-
Rhin. La nouvelle épreuve tentée par les Bouffes-Parisiens ne pou-
vait donc être douteuse , et n'a fait que confirmer ce jugement
de première instance. Constatons toutefois, pour être juste, qu'en-
BE PARIS.
27
tre les deux opérettes il y a une légère nuance, tout à l'avan-
tage de la gentille pièce d'ouverture dont nous avons rendu compte
dans un de nos derniers numéros. Faut-il attribuer ce résultat aux
auteurs des paroles? Quelques mots d'analyse répondront pour nous.
Il signor Fagotto remplit le monde de sa renommée musicale, et
partout où il passe, les populations enthousiastes le saluent de leurs
acclamations et lui dressent des arcs de triomphe. Dans une petite
ville où il est attendu, habite un mélomane qui est sur le point de
marier sa ûlle à un antiquaire. Mais Mlle Clorinda n'a aucun goût pour
les débris des autres âges, et elle leur préfère tout naturellement les
vingt printemps de son professeur de musique. Or, il y a dans la
maison un valet déluré qui, pour obtenir la main de la servante
Moschelta, propose à sa jeune maîtresse de faire manquer son ma-
riage avec l'antiquaire. Dans ce but, il prend le nom et le visage d'il
signor Fagotto, se présente au mélomane Bertolucci sous cette appa-
rence trompeuse, et, mettant à profit ses préventions favorables, il le
dégoûte de l'antiquaire et lui fait accroire que sa fille pourrait lui
convenir. L'exécution d'un grand opéra de sa composition achève de
tourner la tête à Bertolucci, qui déclare que Clorinda n'épousera
jamais que l'auteur de cette œuvre remarquable. On le prend au
mot, et Clorinda devient la femme de son maître de musique, car
c'est lui qui a fait l'opéra d'il signor Fagotto, lequel est démasqué
par l'antiquaire, mais quand il n'est plus temps de revenir sur les
faits accomplis.
Il y a de la gaieté dans celte bluette; mais elle a, comme on
peut s'en convaincre, le défaut de rappeler bien des situations usées
à la scène. C'est cet inconvénient que la musique d'Offenbach a
essayé de faire oublier. Plusieurs morceaux sont traités avec cette verve,
cet esprit, cette finesse que ce compositeur, si bien doué, ne saurait se
défendre de semer à pleines mains dans ses moindres ouvrages.
Le trio de leçon de chant est notamment très-bien venu, et il est
tout à fait en situation. Nous citerons aussi les couplets de Mo-
schetta : Vous êtes trop bête ; l'air d'introduction d'il signor Fagotto,
dans lequel les imitations les plus baroques de cris d'animaux et
d'autres bruits non moins singuliers sont très-heureusement enca-
drées, un très-joli duettino, la chanson de l'antiquaire, accompagnée
sur la lyre de Pindare, et comme couronnement de l'œuvre, le mor-
ceau d'échantillon de l'opéra destiné à séduire le mélomane Ber-
tolucci.
Cette nouvelle opérette d'Offenbach est, d'ailleurs, parfaitement
interprétée par Désiré, Pradeau, Ed. Georges, Mlles Tostée, ïaffanel
et Zulma Bouffar.
MARTINI.
(6e article) (1).
V.
La fameuse journée du 10 août 1792 frappa du même coup la mo-
narchie et le théâtre Italien dont le palais des Tuileries étant l'asile.
Les bouffons effrayés repassèrent les Alpes,, mais cette retraite pré-
cipitée portait un coup terrible à l'entreprise. Les chanteurs français
continuèrent cependant de jouer dans la salle de la rue Feydeau, et le
nom de a Théâtre de Monsieur » fut abandonné.
Jusqu'en 1801, époque où les deux troupes se réunirent pour ne
plus former que celle de l'Opéra-Comique, ces chanteurs firent une
rude concurrence à leurs confrères du théâtre Favart. L'administra-
tion nommée par Monsieur s'étant retirée, Martini perdit, dans la
même année, sa place de directeur général, celle de surintendant en
(1) Voir les nos 49, 50, 51 de l'année 1863 et les n" 2 et 3.
survivance de la maison du roi, et enfin celle de directeur de la
musique du comte d'Artois, et se vit, à cinquante ans, plongé dans
un état voisin de la misère.
En ce temps-là vivait à Paris une jeune femme qui [s'y fit, au mi-
lieu des jours orageux de la révolution, une réputation de poëte et
de philosophe, bien effacée de nos jours où son nom même est à
peu près oublié. Fille elle-même d'un littérateur distingué, Constance-
Marie de Theis, qui devait plus tard être princesse de Salm, avait
épousé, en 1789, un médecin de talent, le docteur Pipelet. La « ci-
toyenne « Pipelet avait reçu une brillante éducation : à quinze ans
elle parlait plusieurs langues, étudiait avec ardeur la composition
musicale (elle écrivit les paroles et la musique de plusieurs roman-
ces), et faisait déjà les vers avec une grande facilité. A partir de
1785, elle commença à se faire connaître par quelques pièces de
poésie insérées dans différents recueils, notamment par la célèbre
chanson : Bouton de rose, publiée dans VAlmanach des Grâces de
1788, et mise en musique, dix années plus tard, par Pradher. Le sa-
lon de cette femme distinguée devint le lieu de rendez-vous de tout
ce que les arts, les sciences et les lettres comptaient à Paris de re-
présentants les plus remarquables : Girodet, Talma, Guérin, Pajou,
Vernet, Houdon, Gudin, de Humboldt, Lalande, de Jussieu, Say,
Bréguet, de Candolle, Paul-Louis Courier, Ginguené, Mme Dufrénoy,
les frères Duval, Lava, Vigée, Andrieux, Prony, la Chabeaussière s'y
réunissaient souvent et entamaient entre eux de longues discussions
dont les sciences, la philosophie, la littérature et toutes les branches
de l'art étaient les thèmes ordinaires.
Martini fut l'un des premiers hôtes de ce salon élégant. Plus âgé de
vingt-cinq ans que celle qui en faisait les honneurs, il fut toujours
reçu et traité par elle avec un grand respect, un tendre attachement
et une affection presque filiale. L'amitié sincère qui les unissait leur
avait inspiré la pensée d'une collaboration : déjà ils avaient com-
mencé en commun un travail important, en entreprenant de traiter
et de transporter sur la scène lyrique française les amours et la mort
de Sapho. Leur œuvre était déjà avancée lorsque l'orage qui gron-
dait depuis 1787 éclata dans toute sa violence. La journée du 10
août 1792, les massacres de septembre, bientôt suivis de la procla-
mation de la Bépublique, étaient bien faits pour inspirer des craintes
sérieuses à tous ceux qui avaient eu des relations avec la cour. Or,
Martini était dans ce cas : surintendant de la musique de Louis XVI,
son attachement pour la famille royale était connu, et il pouvait
craindre d'être inquiété. Il prit donc le parti de se cacher et d'atten-
dre dans la retraite que toute apparence de danger eût disparu. « La
renommée dont jouissait Martini — dit la princesse de Sahn dans
['Eloge dont j'ai déjà parlé — lui avait acquis depuis longtemps l'es-
time et l'amitié d'un grand nombre de personnes recommandables ,
entre autres d'un homme fort riche. M. Lenormand d'Etiolés, an-
cien fermier général, ami des aFts et grand amateur de musique, qui
avait désiré qu'il demeurât chez lui. Il attendit tranquillement dans
cette honorable retraite que les événements publics lui permissent
de paraître de nouveau. . . » (Œuvres complètes de "Jtlme la prin-
cesse Constance de Salm, t. IV, p. 121.)
Cependant, après quelques mois de réclusion volontaire, Martini
s'aperçut qu'il n'avait rien à craindre. Il sortit alors de sa retraite,
confiant et rassuré, reparut au grand jour et s'empressa de reprendre
ses chers travaux. La partition de Sapho devint l'objet de tous ses
soins, et c'est avec une ardeur presque juvénile que, malgré ses cin-
quante-trois ans, il se mit en devoir d'achever cette œuvre très-
considérable. Sapho fut reçue au théâtre de la rue de Louvois, re-
présentée pour la première fois le 14 décembre 1794, accueillie par
le public avec un véritable enthousiasme, et son succès fut si écla-
tant qu'il se prolongea pendant plus de cent représentations, chose
singulièrement rare surtout à cette époque.
L'ouvrage était une « tragédie lyrique » en trois actes, c'est-à-
28
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dire que le poëme était écrit en vers, bien que le chant fût mêlé
de dialogue. L'action en est languissante ; le vers en est à la fois
compassé, banal et emphatique; enfin, le caractère général de
l'ouvrage n'a rien d'émouvant ni de dramatique. De tout ceci je
conclus que si la pièce obtint un très-grand succès, elle le dut à la
pompe du spectacle qui y était déployée, au talent de ses interprètes,
et surtout à la musique de Martini.
J'ai lu avec la plus grande attention cette volumineuse partition de
Saplid, laquelle ne contient pas moins de quatre cents pages, et je
puis dire en toute assurance que si elle n'est point un chef-d'œuvre,
c'est du moins une production des plus remarquables. Il me semble
que l'air de Stésichore : Aux beaux-arts livrez-vous sans cesse, que
le finale du premier acte, que la magnifique prière en chœur : 0 fils du
maître du tonnerre!...., que le charmant duo de Cléis et de Phaon :
Plus de regrets, plus de tristesse, que le finale du second acte, que le
grand air de Phaon, surtout dans sa seconde partie : Fuyez, trans-
port coupable, que la scène de l'enlèvement, l'air de Sapho : Amour,
hymen, partagez mon ivresse, enfin, que le finale du troisième acte,
qui est traité avec une science, une habileté et une ampleur magis-
trales, sont des morceaux de premier ordre, et tels qu'on en entend
rarement.
Eh bien, malgré son immense succès, Sajjho ne fut jamais reprise
et disparut sans retour. Ce fait tient évidemment à b transformation
du théâtre Louvois, qui fut, quelques années plus tard, exclusivement
consacré à la comédie , et au genre de l'ouvrage, qui, n'étant ni un
opéra-comique ni un grand opéra, ne convenait pas plus à l'Opéra
qu'au théâtre Feydeau.
VI.
Ce fut vers le même temps que Martini composa, pour les fêtes
populaires de la République, la musique de plusieurs chants patrio-
tiques.
Je ne sais combien Martini écrivit de ces morceaux de circonstance;
je n'en puis citer que deux, un Chant funèbre et un Hymne à
l'agriculture, ce dernier chanté à la fête de l'Agriculture qui fut cé-
lébrée en 1796, au Champ de Mars, avec une pompe si imposante.
Les paroles de ces deux opuscules sont de la princesse de Salm, qui
eut le tort impardonnable de les reproduire dans ses œuvres com-
plètes.
Par un double décret, en date du 16 thermidor an III (3 août 1795)
et rendu sur un rapport de Marie-Joseph Chénier, la Convention
ayant, d'une part, supprimé l'école gratuite de musique de la garde
nationale, ainsi que l'école de chant fondée par Gossec en 1784, et,
d'autre part, ordonné la fondation et l'organisation du Conservatoire
de musique; cet établissement fut, on le sait, placé sous la direction
de Sarrette. Celui-ci rédigea le règlement de la nouvelle école et son-
gea à s'entourer, pour le bien de son œuvre, des hommes les plus
compétents et les plus recommandables. Non-seulement on choisit,
comme professeurs, des artistes de l'ordre le plus élevé, mais l'ins-
pection des classes fut confiée aux compositeurs les plus en renom.
Le nombre des inspecteurs fut fixé à six, et ce ne fut sans doute
pas un médiocre honneur pour Martini que d'être choisi pour rem-
plir une de ces places.
Faut-il attribuer aux fonctions qu'il remplissait au Conservatoire le
silence que Martini garda de nouveau pendant plusieurs années? cela
n'est guère probable ; mais il vieillissait, et le besoin du repos se
faisait peut-être sentir. Jusqu'en 1800, il n'est plus question de lui,
si ce n'est à propos d'un ballet intitulé Héro et Léandre, représenté
à l'Opéra le 13 frimaire an VIII [h décembre 1799). L'auteur de la
musique de ce ballet, Lefebvre fils, qui faisait partie de l'orchestre
de l'Opéra, avait intercalé dans sa partition plusieurs morceaux d'au-
tres compositeurs. « Parmi les airs adaptés — disait, en rendant
compte de la représentation, le Courrier des spectacles du 15 fri-
maire — on a principalement applaudi une belle tempête du célèbre
Vogel, un air délicieux de Martini, exécuté sur le cor avec un goût
exquis par le citoyen Frédéric (Duvernoy), un petit fragment de Mo-
zart, composant un duo du Mariage de Figaro, et un joli presto
d'Haydn. »
J'arrive à l'avant-dernier ouvrage dramatique de Martini, Annette et
Lubin. Ce petit opéra, donné au théâtre Favart le 28 germinal an VIII
(18 avril 1800), avait été composé avant Sapho; et une représenta-
tion en avait eu lieu sur un théâtre de la cour, le 6 février 1789;
la partition en fut publiée dès cette même année 1789 (1).
La nouvelle partition d' Annette et Lubin, quoique fort supérieure à
celle de Laborde, n'obtint presque aucun succès sur la sccne de Fa-
vart, où elle était chantée par Moreau , Saint-Aubin, Paulin et
Mme Philis.
Six mois plus tard, le 24 vendémiaire an IX (16 octobre 1800),
Martini donnait à Feydeau son dernier ouvrage dramatique, Ziméo,
opéra-comique ou plutôt mélodrame lyrique en trois actes, qui par
la faute du librettiste, Lourdet de Santerre, n'eut pas plus de succès
qu' 'Annette et Lubin.
Le soir de la première représentation de Ziméo, le public ne vou-
lut pas entendre le nom de l'auteur des paroles: mais il demanda
avec instance celui du musicien, qui fut couvert d'applaudissements
unanimes. Les principaux rôles étaient tenus par Vallière, Rezicourt,
Dessaules, Fay, Mmes Aubert (Mlle Lesage), Beck et Gavaudan ca-
dette. Malgré cette bonne distribution et le talent déployé par les
acteurs, malgré le charme de la musique, l'ouvrage ne put se soute-
nir à la scène, et Ziméo ne put même atteindre sa douzième repré-
sentation.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement . )
MÉMOIRE SDR L'ORIGINE DE LÀ MUSIQUE.
(2e article) (2).
Veut-on savoir maintenant quel est le caractère particulier, essen-
tiel de cet accent? MM. Wiel et Renloew nous l'apprendront. Ils
nous diront qu'en latin, où l'accent si vif, si animé, si pittoresque,
des langues primitives avait déjà beaucoup perdu de sa puissance,
et était en partie remplacé par un autre accent, expression d'une
pensée plus réfléchie : en latin où ces intonations primordiales
étaient loin d'être aussi prononcées qu'en grec, et bien moins en-
core qu'en sanscrit : en latin, dis-je, cet ancien accent était encore
une sorte de vocalisation, une note musicale (3). Suivant Cicéron,
dont l'opinion est ici d'un grand poids, il y a dans le discours, même
ordinaire, une espèce de chant. Toutes les langues chantent, nous dit-
on, dès que l'expression s'anime. Cela est vrai, et il me sera, je
crois, facile de le prouver. Je prendrai pour exemple notre français,
l'idiome peut-être le moins accentué. Je prie de suivre avec quelque
attention la progression que je vais exposer. Si deux personnes par-
lent, dans cette langue, de choses indifférentes, leur accent sera bien
peu prononcé et n'offrira à l'oreille qu'une sorte de murmure pres-
que monotone. Que leur entretien passe à des objets moins indiffé-
rents, cet accent s'animera peu à peu à mesure que se développera,
que grandira l'intérêt du sujet. Si bientôt une contestation, une que-
(1) C'est sans doute à la suite de la représentation à'Annetle cl lubin à la
cour, que le comte d'Artois, pour témoigner à Martini du plaisir qu'il avait pris
à l'audition de cet ouvrage, l'avait nommé directeur de sa musique.
(2) Voir le n° 51.
(3) Wiel et Beuloew, de l'Accent, lat., pag. h, 5, 6, 7, 8, 9, 13, 15 et suiv.,
70, 106, 107, 180, 181.
Beuloew, Accent, des lang. indo-cur., pag, 39, 203.
DE PARIS.
29
relie s'élève entre elles, elles arriveront graduellement à employer
des intonations presque théâtrales. De là, passant progressivement à
la déclamation dramatique la plus véhémente, on touche aux limites
de la déclamation notée, au récitatif musical qui, un pas de plus,
nous conduit au chant mesuré. Ceux qui ont entendu l'opéra bouffe
italien ont pu remarquer combien, dans ce genre, le récitatif se
rapproche de l'accentuation orale, de la simple parole, et combien il
est facile de passer de l'un à l'autre d'une manière presque insen-
sible.
Les anciens considéraient tellement l'accent du discours comme
musical, qu'ils ont cherché à déterminer les intervalles que la voix
parcourait dans ce genre d'intonations. Plusieurs auteurs, parmi les-
quels je citerai Denys d'Halicarnasse, nous disent que la différence du
grave à l'aigu, dans la voix parlée, s'étend à peu près à une quinte.
J'ai assisté au sermon d'un prédicateur qui, à presque toutes ses fins
de phrases, faisait entendre une chute de voix, qu'avec un peu d'at-
tention on reconnaissait être à la quarte. Ce qui semble confirmer
d'une manière positive l'opinion des anciens à ce sujet, c'est l'usage
où l'on était de faire soutenir dans certains moments, les orateurs
par un instrument de musique. Li chose eût été choquante, s'il n'y eût
eu un rapport facilement sensible entre les sons de la voix de celui
qui parlait et ceux de l'instrument chargé de lui servir d'appui.
Tous ceux qui ont traité de l'origine du langage s'accordent à
dire que les premiers mots ont été des espèces d'interjections mono-
syllabiques (1). Or l'interjection, qu'est-elle autre chose qu'un son
fortement accentué, et, sinon un chant à cause de sa brièveté, du
moins une sorte de ton musical, expression d'un sentiment vif, pro-
fond, et qui, de nos jours, dans nos langues modernes, où l'analyse
domine, vient encore colorer, animer le discours. Les auteurs ajoutent
que le premier langage de l'homme fut imitatif, qu'il offrait une sorte
de calque de ce qui venait d'affecter sa vue, son ouïe, lous ses sens,
et qu'il avait pour but, de la part de celui qui parlait, de frapper
l'imagination de ceux auxquels il s'adressait. De là proviennent ces
onomatopées, ces mots où l'on cherche, pour ainsi dire, à peindre à
l'esprit les choses que l'on nomme, et qu'on trouve d'autant plus
nombreuses dans les langues qu'elles sont plus anciennes. De là
provient encore l'usage d'exprimer dans certains idiomes la rapidité
de l'action par la brièveté de la voyelle; par son renforcement, la
durée, la stabilité, et par un simple allongement de cette voyelle, la
réflexion, la méditation ou l'incertitude, le vague de la pensée. Dans
les premiers essais de la parole, l'accent devait jouer un grand rôle.
Lorsqu'un nouvel objet se manifestait, ou si une sensation jusqu'alors
inconnue venait à se produire, au lieu d'inventer, toujours avec un
certain effort un mot pour les désigner, il était plus facile de les
rapporter à un autre objet, à une sensation précédemment nommée,
et de se servir d'une expression antérieurement employée, en la mo-
difiant par l'articulation ou l'accentuation, suivant la ressemblance ou
la dissemblance qui pouvait exister entre ce qui était nouveau et ce
qui ne l'était déjà plus. Dans ces modifications, ce qui , est de l'ac-
cent devait particulièrement tenir un rang important, parce qu'il
offre, dans ses variantes, plus de facilité que l'articulation. Ces
nuances d'intonations nombreuses, multipliées, que nous trouvons en
sanscrit, en chinois et dans bien d'autres langues, pour ne pas se
confondre et ne pas amener le désordre dans l'expression de la pen-
sée, cnt dû nécessairement avoir une assez grande précision et se
rapprocher ainsi beaucoup des intonations musicales, les plus pré-
cises de toutes.
Ces nombreuses onomatopées, ces mots par lesquels on s'efforce
d'exprimer d'une manière pittoresque, de reproduire, autant que
possible, avec les sons de la voix, les qualités propres, les caractères
(l) Beulow, Accent, des langues indo-européennes, page 5 et suivantes. Eneycl.
tome IX, page 2G0, col. 2. Tome VIII, page 287, col. 1 et 2; page 208, col. '..
particuliers des objets dénommés, en d'autres termes, les effets phy-
siques qu'ils produisent, ou ce qui dans nos sentiments peut être
assimilé à des effets de ce genre, ces onomatopées, dis-je, ne sont-
elles pas aussi une sorte de musique, une musique imitative ? La
pensée qui les créa n'est-elle pas la même qui a dicté, qui inspire
encore quelques passages des compositions dramatiques où, se con-
formant au sens des paroles, on vise à rendre par les combinaisons
de l'orchestre, ou par celles des voix, certains bruits de la nature?
Cette pensée est séduisante, trop séduisante même, car elle a en-
traîné des compositeurs d'ailleurs de beaucoup de mérite, à faire,
dans des œuvres purement instrumentales, ce que l'on nomme de la
musique descriptive, dont le moindre inconvénient est de nécessiter
un programme où l'on dit, par exemple : Ceci est un lever de so-
leil, cela un rocher sombre et aride ; dans ce passage vous recon-
naîtrez une tempête, me direz-vous? Non, c'est la colère furieuse,
terrible, d'un amant dévoré de jalousie, et cet accord frappé avec
violence par tout l'orchestre, y compris les cymbales, c'est le Non
étourdissant, foudroyant du fiancé repoussant devant l'autel sa fian-
cée. Ces paroles ne sont point exagérées, comme on pourrait le
croire ; je pourrais citer des exemples. Ce qu'il y a de certain, c'est
que le penchant vers l'harmonie imitative, cette musique que je pour-
rais appeler la musique des sens, semble un instinct inné chez
l'homme; il inspire les sons que bégaie l'enfant, et les premiers mots
que lui fait entendre sa mère, il a présidé aux commencements de
la poésie et jusque dans nos temps modernes a créé plus d'un vers
célèbre; enfin, à la naissance des sociétés, il a pris une large part à
la formation du langage. Ainsi, l'analyse des langues, l'étude de leur
histoire, les dispositions naturelles à l'homme, les nécessitées résul-
tant de la constitution de ses organes, tout nous dit que les premiers
idiomes ont été fortement accentués; que cet accent modifiait, déter-
minait le sens des mots, et conséquemment, pour éviter toute con-
fusion, qu'il avait forcément quelque chose d'assez précis et se rap-
prochait beaucoup du son musical ; en un mot, comme le disent les
paroles que j'ai déjà citées, qu'il était un chant perpétuel de l'âme.
D. BEAULIEU.
{La suite prochainement.)
NOUVELLES.
t% Au théâtre impérial de l'Opéra, Moïse a été représenté lundi.
Mlle Battu s'identifie déplus en plus avec le rôle d'Anaï, et, notamment
dans l'air du quatrième acte, elle y obtient le plus brillant succès.
Mercredi, on a donné Guillaume Tell, et Villaret y a continué ses dé-
buts dans le rôle d'Arnold où il montre un véritable talent. — L'indis-
position qui depuis quelques jours éloigne Faure de la scène a encore
empêché de donner Moïse vendredi. On a joué le Trouvère, et Villaret
a chanté le rôle de Manrique. — Demain lundi on donnera les Huguenots.
„% On annonce pour la semaine prochaine la première représentation
du ballet en trois actes de MM. de Saint-Georges et P. Giorza. La mise
en scène en sera magnifique : Mlle Boschetti, la danseuse qui doit y
débuter, produit un très-grand effet dans les répétitions.
*** Six représentations de la Fiancée du roi de Garbe ont confirmé le
succès que le nouvel ouvrage d'Auber a obtenu dès son apparition.
Achard, entièrement rétabli, y est toujours unanimement applaudi,
ainsi que Mlle Cico.
*** Les répétitions de Lara, le nouvel opéra-comique de Maillart,
ont été reprises, et la première représenta lio a en aura probablement lieu
dans le courant du mois prochain.
„.*„. Au théâtre Italien, le ténor Musiani a débuté, mercredi, dans le
rôle de Manrico du Trovalore. Une indisposition subite l'avait privé
d'une partie de ses moyens ; nous attendrons donc une autre représen-
tation pour le juger.
„** Adelina Patti a reparu trois fois dans la Sonnambula et a en-
thousiasmé l'auditoire, qui remplissait la salle jusqu'aux combles.
,% Fraschini nous reviendra vers le 1er avril, quand Mario doit se
rendre à Londres , et chantera ici jusqu'à la clôture de la uaison.
30
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
2% Deux artistes, nouveaux pour nous, Scalese et Antonucci, venant
avec Mario de Madrid, doivent débuter cette semaine. Les sœurs Marchisio
et Naudin les suivront de près.
*% La reprise des Bavards d'Offenbach, et la rentrée de Mme Ugalde,
auront lieu ajourd'bui au théâtre des Bouffes -Parisiens.
*** Roger se trouve à Bruxelles, où il obtient tous les suffrages au
théâtre de la Monnaie. L'éminent ténor y a chanté la semaine passée
dans Lucie et la Favorite
„% M. et Mme Bettini-Trebelli se rendent à Rome, où ils comptent
rester quelque temps.
„,*,. Voici le programme du concert que la société du Conservatoire
donnera aujourd'hui : Ouverture de Struensée, de Meyerbeer; Chœur
de Castor et Pollux, de Rameau ; Concei to en ut mineur, de Beethoven,
pour piano, exécuté par M. Georges Pfeiffer; Chœur d'Une nuit du Sab-
bat, de Mendelssohn; Symphonie d'Haydn.
*** Au conceit de dimanche dernier au cirque Napoléon, l'ouver-
ture de Struensée, de Meyerbeer, admirablement exécutée, a produit
tout l'effet qu'on pouvait attendre de ce grand drame musical, préface
passionnée de l'autre drame qui se joue sur le théâtre, et dont la
péroraison grandiose arrive à une puissance inconnue jusqu'alors.
»% Le célèbre violoniste Alfred Piatti s'est fait entendre avec le
plus grand succès, le 15 janvier, au concert de la Société philharmo-
nique d'Orléans. M. Piatti est de retour à Paris et joue aujourd'hui
pour la seconde fois aux concerts populaires du Cirque.
*% Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui au Cirque Napoléon : ouverture de la flûte
enchantée, de Mozart ; symphonie en si bémol, de Beethoven ; sonate
pour violoncelle, de Boccherini, exécutée par M. Piatti ; andante, de
Haydn; symphonie en la majeur, de Mendelssohn. La troisième et
dernière série de ces concerts commencera le dimanche H février.
Elle se composera de six concerts de musique classique et de trois
festivals : 1° festival Beethoven; %" festival Mendelssohn ; 3° festival Haydn
(orchestre et chœurs, 500 exécutants).
2*2 Madame Clara Pfeiffer a rouvert ses salons dimanche dernier par
une brillante matinée musicale; c'était une de ces rares réunions d'ar-
tistes et d'amateurs habitués chaque saison à l'audition des œuvres clas-
siques et des compositions modernes les plus distinguées : MM. Blanc,
dont on a exécuté un délicieux trio, Ferrand, Lebouc et Gouffé, com-
plétaient la partie instrumentale dont on peut juger la perfection ;
Mme Bertrand, Mme Clara Pfeiffer et Georges Pfeiffer ont recueilli les
applaudissements enthousiastes de cet auditoire d'élite.
*** Vendredi, 29 janvier, concert de Mlle Etterlin à la salle Ilerz,
avec le concours de Jllle Astieri, de MM. Bollaert et les frères Lamoury.
,.*,. JI. Pereire a fait construire à Marseille un vaste théâtre qui
vient d'être ouvert sous le titre des Bouffes-Marseillais.
**„ Mme J. Robinson, pianiste anglaise d'un très-beau talent, se trouve
à Paris et se fera entendre le i février dans la salle Erard, avec le con-
cours d'Armingaud et de Lefort.
*% Les représentations et intermèdes de musique et de chant orga-
nisés par M. Charles Desolme à la salle Molière, sont très-suivis. Hier
soir l'opéra-comique le Chalet, le duo de Guillaume Tell, chanté par
MM. Desplaces et Millet, et un nocturne de Ravina, joué par Mlle Le-
chesne, premier prix du Conservatoire, y ont été fort applaudis.
*** Le 1er février prochain aura lieu, dans la salle Herz, le concert
annuel de l'excellent violoniste Sarasate ; le programme en sera très-
intéressant : Mlle Marimon MM. Léon Duprez, Diemer et Berthelier y
prêteront leur concours au jeune artiste.
.,** Le compositeur Abert, à Stuttgart, vient de terminer une sympho-
nie : Christophe Colomb ; elle sera exécutée prochainement, par la cha-
pelle de la cour, à Loewenberg.
„;*, Un nouveau ballet en deux actes, les Aimées, dont la musique est
composée par le comte Gabrielli, a été représenté avec beaucoup de
succès au grand théâtre de Lyon. La verve mélodique et la touche ex-
périmentée de l'auteur de l'Etoile de Messine y ont été généralement
appréciées. Le scénario de ce ballet a pour auteurs MM. Desarbres et
Mazilier.
*% J. Schulhoff vient d'arriver à Paris.
a** La presse belge est unanime pour proclamer le rare talent
d'Alfred Jaell et le succès exceptionnel qu'il a obtenu aux concerts
donnés par Carlotta Patti à Bruxelles et a Liège, Mons, Gand et
Anvers. L'Indépendance belge consacre un intéressant article au célèbre
virtuose qui possède le mécanisme, le style et le sentiment. L'Echo
de Bruxelles ne se montre pas moins enthousiaste, et constate qu'Al-
fred Jaell a été le héros de la soirée donnée au théâtre royal de la
Monnaie Enfin la Meuse, de Liège, le place au rang de Liszt et de Thal-
berg. « Alfred Jaell est un maître, ajoute cette dernière feuille. Dans le
magnifique concerto en sol mineur, de Mendelssohn, nous avons admiré
avec quel art Jaell maintient toujours son instrument à la place que
lui a assignée le compositeur, le fondant tour à tour parmi les voix
de l'orchestre ou le faisant vibrer au-dessus d'un accompagnement
magistral. »
„.% La Société musicale, connue sous le nom de Tonhalle, à Manheim,
vient de se dissoudre. Fondée il y a douze ans, dans le but d'encoura-
ger les artistes musiciens, cette Société a décerné un grand nombre de
prix, qui ont été accordés à divers compositeurs : par ces concours
elle a fourni à beaucoup de jeunes talents l'occasion de se révéler au
public.
„,** Il est question d'un concours international qui aurait lieu entre
toutes les sociétés de musique vocale et instrumentale de France et
d'Angleterre, et qui amènerait pour la seconde fois à Londres les orphéo-
nistes français.
„** Le concert de Mlle Marie Darjou est toujours fixé au mercredi
2T janvier. M. Crosti, du théâtre impérial de l'Opéra-Comique ; Mlle Loy-
sel de la Haulière et M. Bollaert prêteront leur concours à cette so-
lennité artistique. L'orchestre sera dirigé par M. A. Placet.
t*ç Voici le programme de la quatrième et dernière séance populaire
de musique de chambre qui aura lieu à la salle Herz, mardi prochain :
Grand trio, op. 97, de Beethoven, exécuté par Mme Tardieu de Malle-
ville, MM. Ch. Lamoureux et E. Rignault; Quatuor de Mozart; Menuet
en sol de Haydn; air varié, en ré mineur de Haendel, exécutés par Mme Tar-
dieu de Malleville ; Fragments de la Sérénade pour violon, alto et violon-
celle de Beethoven.
„% Nous empruntons au journal 2a France le fait suivant: « Par ordre
de Sa Sainteté, les archives de la chapelle papale viennent d'être mises
en ordre et classées dans un catalogue. Ces archives, déposées au Qui-
rinal, renferment les compositions des plus fameux auteurs, depuis la
renaissance de la musique figurée jusqu'à ros jours. On y conserve aussi
les principales œuvres de bon nombre de compositeurs qui ont brillé
avant Palestrina. Le plus ancien de ces maestri est le Français Guillaume
Dufay, venu à Rome avec Grégoire XI. En 1440, le Flamand Jean Ocke-
ghem s'illustra par son fameux motet à trente-six voix ; son compatriote
Jeusquin des Prés recueillit des applaudissements aussi enthousiastes.
Après lui, Festa et Morales imprimèrent à la musique sacrée ce carac-
tère de simplicité que Palestrina fixa plus tard avec un génie qui lui a
valu le titre de prince de la musique. »
2*2 La Société des quatuors français va très-prochainement repren-
dre ses travaux. Elle donnera cette année trois séances, dont la pre-
mière est annoncée pour le 28 de ce mois et les deux autres pour les
11 et 25 février. Dans la première, M. Georges Pfeiffer, qui prêtera son
concours pour cette fois, fera entendre en outre un quatuor de M. Au-
guste Morel, le savant directeur du Conservatoire de Marseille, et un
quintette d'Adolphe Blanc.
2*2 Un concours de pièces de vers propres à être mises en musique
pour être chantées dans les réunions de l'Orphéon, dans les écoles com-
munales et dans les classes d'adultes, est ouvert par la ville de Paris.
Les paroles devront, en conséquence, répondre par le sujet et par le
style à cette destination. Les pièces de vers pourront être divisées en
couplets, en strophes à rhythme uniforme ou varié. Le nombre des vers
ne devra pas dépasser quarante. Outre le mérite de la poésie et de la
versification, il sera tenu compte îles ressources qu'offriront au compo-
siteur de musique le rhythme et le sujet. Les poésies présentées seront
jugées par une commission spéciale. Des médailles, d'une valeur de 100
à 300 francs, selon l'importance des morceaux, seront décernées pour
chacune des pièces acceptées, dont la propriété restera à la Ville. Les
manuscrits devront être envoyés à l'Hôtel de Ville, bureau de l'instruc-
tion publique, avant le 1or mars. Ils ne devront pas porter de nom d'au-
teur, mais une épigraphe ou devise qu'il faudra reproduire sur un billet
cacheté dans lequel le nom de l'auteur sera inscrit.
*** Le violoncelle de Séligmann, qui faisait l'admiration de tous les
connaisseurs, et qu'on supposait être d'Amati, vient d'être réparé par
Bianchi, l'habile luthier, qui, en ouvrant la table d'harmonie, a reconnu
que ce violoncelle est entièrement de la main de Stradivarius. Cet ins-
trument, qui avait perdu de sa sonorité par l'inintelligence de quelques
luthiers du siècle dernier, qui avaient eu la malencontreuse idée d'appo-
ser de la toile aux parties fracturées de l'intérieur de l'instrument, a
acquis une excellence telle que peu d'instruments peuvent lui être com-
parés. Nous espérons que cette heureuse circonstance décidera Séligmann
à se faire entendre cet hiver. Le même luthier, Bianchi, vient aussi do
réparer le fameux violoncelle de Stradivarius, qui a appartenu à l'in-
fortunée Lise Christiani, morte il y a quelques années dans le nord de
la Russie, où elle donnait des concerts. C'est un passionné amateur de
violoncelle qui s'est rendu acquéreur de ce bel instrument. Comme ce-
lui de Séligmann, ce violoncelle avait fléchi sous le chevalet, et Bianchi
lui a rendu toute sa ricnesse harmonique. Si c'est le plus souvent
la main des artistes qui fait valoir les instruments, il faut reconnaître
aussi qu'un luthier tel que Bianchi peut leur donner une nouvelle va-
leur et les préparer à de nouveaux effets.
.,.** L'Annuaire de la Noblesse, par M. Borel d'Hauterive, archiviste-
piléographe, année 1864, vingt et unième volume, vient d'être mis en
vente. Ce rival des peerages anglais et des almanachs de Gotha, est
DE PARIS.
très-intéressant et très-précieux par les documents généalogiques et
par les renseignements usuels qu'il renferme. Les nouveaux ducs de
Morny, de JUontmorot, etc., les comtes de Peluze et de Palikao, de
création récente, y figurent en première ligne. On y trouve aussi une
liste de tous les membres de la Légion d'honneur, qui de 1808 à 1830,
justifièrent d'un revenu net de 3,000 francs pour rendre héréditaire
leur titre de chevalier. La collection de V Annuaire est devenue un
des premiers livres de fond de toute bonne bibliothèque.
„*„ On va ériger une statue en fonte à Haydn, dans le cimetière de
Gumpendorr. Dans la rue Haydn, près du cimetière, on montre encore
la petite maison à un étage, où l'illustre compositeur a écrit, de 1793
à 1800 (31 mai), la Création, les Saisons et tant d'autres œuvres immor-
telles. La statue sera placée devant l'église paroissiale, où dans le temps
fut levé le corps, qui aujourd'hui repose dans le caveau de la famille
Esterhazy.
»% Le professeur Schindler, qui s'était fait connaître par divers
écrits très-remarquables sur la musique, vient de mourir à Bockenheim,
où il vivait dans la retraite. Beethoven avait légué sa succession artis-
tique a Schindler, qui l'avait cédée au gouvernement prussien, contre une
rente viagère.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,% Bordeaux. — Les Noces de Figaro viennent d'être représentées
pour la première fois, et l'exécution du chef- d'œuvre de Mozart
mérite tous les éloges. Mme Rey-Balla (Suzanne), Mlle Bléan (Chérubin),
et M. Meric (Figaro) s'y sont distingués et ont obtenu de nombreux
bravos. On monte Slradella de Flotow.
t*i Toulouse. — Sivori a donné trois concerts avec un éclatant succès.
Le public lui a fait l'accueil le plus enthousiaste. L'ouverture de l'Union
des arts a été très-brillante; un concert très-varié en composait le
programme. Balanqué s'y est fait applaudir dans la romance de l'Etoile
du Nord et M. Luidgini dans un arrangement à quatre mains d'une
Marche aux Flambeaux de Meyerbeer.
*** Nice. — L'opéra Guerra in quatlro de Pedrotti n'a obtenu qu'un
médiocre succès, malgré une interprétation remarquable. Mosé in Egillo
est à l'étude. — J. Becker, le célèbre violoniste, a pleinement justifié
la renommée qui l'avait précédé ici. Tous ceux qui l'ont entendu sont
impatients de l'entendre encore.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*** Berlin. — On attend avec impatience la première représentation
de l'opéra de Bépédict, la Rose d'Erin, qui doit avoir lieu très-prochai-
nement. L'intendant de l'opéra, appréciant l'importance de cette œuvre,
n'a pas voulu la produire pendant le carnaval. — Mme Harriers-Wip-
pern, qui est remise de son indisposition, a fait sa rentrée par le rôle
de Rézta dans Oberon. Mlle Kropp, du théâtre de la cour à Vienne,
a chanté sans grand succès les rôles d'Isabelle (Robert), de Lucie
et de Julietta (Capuleti). — La chapelle royale a donné sa sixième
séance de symphonies, qui a commencé par la première ouverture de
Léonore et terminé par la troisième. — Le 18 janvier a été célébrée à
Berlin la fête du couronnement et de l'ordre ; on y a exécuté la Marche
du couronnement, par Meyerbeer.
**JStcttin. — La Clochette de l'ermite, l'opéra de Maillart, vient d'obtenir un
très-grand succès sur le théâtre de notre ville, où on l'a représen-
tée pour la première fois. L'exécution en a été très-satisfaisante.
Miles Otto et Zschiesche s'y sont surtout distinguées dans les rôles de
Rose et de Georgette.
*** Olmutz. — Pendant la saison théâtrale qui vient de finir, quatre-
vingt-deux représentations d'opéras ont été données, parmi lesquelles
se distinguent celles du Pardon de Plocrmel, dont le succès a été le plus
grand. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer a dû être joué six fois, et tou-
jours devant une salle comble. La reprise du Prophète doit inaugurer
la nouvelle saison.
*** Vienne. — Esmcralda, ballet de Perrot, a été l'occasion d'une vé-
ritable fête pour Mlle Friedberg. -- On annonce que Mme Liebhart
quitte le théâtre de la cour pour se rendre â Berlin, où elle est engagée
au théâtre royal.
*** Hambourg. — Mlle Tietjens est ici en représentations. L'éminente
cantatrice a débuté avec succès par le rôle de la comtesse, dans les
Noces de Figaro.
.„% Milan. — Lundi dernier a eu lieu, au théâtre de la Scala, la pre-
mière représentation de l'opéra du jeune maestro Rota, Ginevra di
Scozia, déjà joué précédemment à Parme et à Trieste. Le résultat de la
soirée a été un fiasco complet. Non-seulement l'oeuvre a paru au public
très-médiocre, mais l'exécution elle-même était au-dessous de l'ordinaire.
Le ténor Bertolini a pu seul recueillir quelques applaudissements.
„*„ Florence. — La Società del quartetto, qui est considérée comme la
première et la meilleure société musicale de l'Italie, continue à prospérer.
Les villes principales de la Péninsule ont déjà imité Florence en for-
mant des sociétés de quatuors. Les deux dernières matinées musicales
de la Società del quartetto ont été très-brillantes. Or: a beaucoup dis-
tingué un jeune violoniste, M. Papini, élève de notre Conservatoire. Dans
la prochaine matinée du 31 courant, il exécutera le 1er quintette de
M. Fétis. C'est la première fois qu'on l'entendra en Italie. Il y a quel-
que temps qu'on a exécuté le 2e quintettejdu même auteur avec un suc-
cès extraordinaire. — On attend avec anxiété le résultat du concours
Basevi, ouvert cette année pour les compositeurs italiens et étrangers.
*** Barcelone. — Mme Lagrua a obtenu un immense succès dans Mac-
beth. La célèbre artiste s'y est montrée aussi grande cantatrice que tra-
gédienne. Le baryton Squarcia et la basse Silva y ont été également
applaudis.
3% Madrid. — Saffo, l'opéra de Pacini, a obtenu un très-grand succès
au théâtre de l'Oriente, Mme Borghi-Mamo y chante avec beaucoup
d'effet le principal rôle.
*** Saint-Pétersbourg, 12 janvier. — Le Faust, de Gounod, vient d'être
représenté pour le bénéfice de Tamberlick. Ce célèbre artiste n'a pas été
très-chaudement accueilli dans le rôle principal. Everardi s'acquitte fort
bien de celui de Méphistophélès, ainsi que Meo du rôle de Valentin.
Mme Barbot a obtenu quelque succès dans le rôle de Marguerite, et plus
que Mme Kantier-Didiée dans celui de Siebel. Il y a eu pourtant de
nombreux rappels. La mise en scène est riche comme toujours. Les
décors sont fort beaux. — Les répétitions de la Bianca Dama vont
commencer.
*% Moscou. — Roberto il Diavolo attire la foule au théâtre italien. Le
ténor Schmidt y fait preuve d'un grand talent et la salle est comble aux
représentations très-nombreuses de l'œuvre magistrale de Meyerbeer. Le
ténor Pancani est justement applaudi dans II Profeta, Masaniello, Ugo-
notli, Trovaiore et Maria. On a mis à l'étude Moise et /( Giuramento.
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32
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Conversation alsacienne,
Paroles de PAUL BOISSELOT, musique de
JACQUES OFFENBACH
LES AIRS DÉTACHÉS DE CHANT :
1 . Couplet» chantés par Désiré : Me chasser, me forcer à lais-
ser mon service 3
2. Cbanson chantée par Mlle Bouffai- : P'tils balais, je vends
des toutes p'i'its balais i
3. Dno : Je suis Alsacienne. — Je suis Alsacien 6
4. Fable chantée par Mlle Bouffar : Einmal eine rat de ville
invite eine rats' des champs 4
STRAUSS. — Grande valse pour le piano 6 »
«BBAIk. — Polka pour le piano h »
Chez G. BRANDVS et S. DVFOUR, éditeurs, 105, rue Richelieu, au Ie
L'INSTRUMENTAL
NOUVEAU JOURNAL DE MUSIQUE SILITÀIBE
Publié en Partition et Parties séparées.
Fondation GAUTROT aîné.
Ce Journal contiendra annuellement 36 morceaux
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On s'abonne à Paris :
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Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Seule grande Médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855.
RÉSUMÉ DES AVANTAGES DES SAXHORNS ET DES SAXOTROMBAS.
Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'instrument de sa position. ifTTxl
Tom les instruments sortant de la fabrique portent l'inscription suivante : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, YtKsN
le numéro d'ordre de l'initrument et le poinçon ci-apr'es : J^_\i^i:
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au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
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51 Janvier 1861
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REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Taris 24 r. par ai
Départements, Belgique et Suisse.... 30 n id.
Étranger 34 n id.
Le Journal parait le Dimanche.
ET
GAZETT
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial italien: Mario et Mlle Adelina Patti dans le
Barbier de Sêville ; débuts de Scalese et Antonucci. — Société des concerts du
Conservatoire impérial de musique, par A. Elwart. — Auditions et con-
certs, par D. A. D. Saint-Yves. — Martini (7e article), par Arthur
Pougin. — Mémoire sur l'origine de la musique (3e article), par
D. Beanlfen. — Correspondance : Saint-Pétersbourg. — Nouvelles et an-
nonces.
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN,
Harlo et Bille Adelina Patti dans le Barbier Ae
Scville. — Débnts de Scalese et Antonucci.
C'était double fête pour le théâtre et double plaisir pour le public.
Mario et Mlle Patti dans le même opéra, dans cet heureux Barbier,
toujours si jeune d'esprit et de verve ! Mario n'est-il pas plus que ja-
mais l'idéal de ce comte Almaviva, grand seigneur amoureux qui sait
se faire aimer pour lui-même, qui séduit, épouse, comme il joue et
chante, avec des manières pleines de grâce et d'abandon ? Et Mlle
Patti ! quel résumé complet des gentilles passions, des coquettes ar-
deurs, des pétulantes moqueries d'une pupille espagnole, en guerre
ouverte avec son risible tuteur ! Aussi vous pensez bien que la foule
était accourue, et que la salle Ventadour ètincelait de toutes parts.
Deux ou trois salves de bravos ont salué la première entrée de
Mario, qui a dit sa cavatine : Spunta la bella Aurora avec ce charme
et cette adresse dont nul ne saurait lui disputer le privilège. Les bra-
vos ont donc repris et avec justice. Il ne faut demander à Mario que
ce qu'il peut donner, et c'est à propos de lui qu'on peut dire en toute
sûreté : La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne. C'est
ainsi qu'il s'est fort habilement tiré de son duo avec Figaro. Ce qui
le gênait, il l'a simplifié, esquivé sans avoir l'air d'y prendre garde,
et l'auditoire l'a laissé faire très-poliment. C'est à peu près là que se
borne le rôle musical du comte Almaviva ; celui de Rosine n'est
guère plus long ni plus chargé : une cavatine, un duo, et, pour le
reste, une leçon de chant, où la cantatrice choisit le morceau qui lui
plaît. Il est bien loin de nous le temps où l'on y intercalait le fameux
air de Tancredi, et où le comte Almaviva répondait à Bartolo qui
voulait en connaître l'auteur : E d'un giovin d'un gran genio. Or ce
jeune homme dont on se dispose à célébrer l'anniversaire natal, aura
bientôt vu sa dix-huitième année bissextile, et l'année bissextile ne
revient que tous les quatre ans.
Deux débutants se présentaient dans les rôles de Bartolo et de
Basilio : nous n'avons que des compliments à faire au directeur pour
l'acquisition de ces deux artistes. Scalese, le tuteur, a une bonne
figure franchement comique sans contorsions ni grimaces, une
bonne voix, qui sonne juste et fort, une articulation nette et
facile. Antonucci n'est peut-être pas aussi bien doué ; nous lui re-
procherions d'aider un peu trop sa voix par la pantomime, si l'on ne
nous eût dit qu'un enrouement le privait d'une partie de ses moyens.
La cause est donc remise à une autre audience pour le prononcé du
jugement. Constatons en attendant que Délie Sedie a obtenu un véri-
table succès dans le rôle de Figaro, que rarement il avait chanté
avec autant de voix et plus de maestria formée à la meilleure école de
son pays, cette école dont les élèves deviennent de jour en jour
plus rares.
Pour que rien ne manquât à cette représentation exceptionnelle ,
nous y avons entendu une nouvelle Marceline, dont le nom nous
échappe, et qui a chanté les couplets du second acte avec une fer-
meté de voix et d'accent, dont la tradition s'était entièrement perdue
depuis la disparition de Mme Lebrun, femme de l'auteur du Rossignol,
espèce de métronome vivant. La nouvelle Marceline a de grands
avantages sur l'ancienne, mais elle a aussi une ambition dont l'ex-
cès l'a égarée. A la fin ds ses couplets, elle eût été applaudie certai-
nement, si elle eût fait un peu moins d'efforts pour l'être. C'est une
revanche à prendre, et nous lui en indiquons le moyen.
P. 3.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS
OU CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE.
(37e ANNÉE.)
2° concert, dimanche, 2k janvier.
Ce concert offrait un grand intérêt. Le programme sorLant enfin de
son statu quo traditionnel, annonçait une belle composition sympho-
nique d'un grand maître contemporain, et le début, au Conserva-
toire, d'un jeune pianiste déjà applaudi à Paris et à Londres.
■ih
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
La séance a commencé par l'ouverture de Struensée, de Meyer-
beer. Nous avons souvent parlé de ce morceau capital , tant de fois
applaudi dans les grands concerts de Bruxelles et de Paris. C'est le
19 septembre 18£6 que le drame du frère de l'illustre compositeur
fut représenté pour la première fois , sur le théâtre de la cour, à
Berlin ; alors, comme partout où cette ouverture a été exécutée de-
puis, elle a toujours produit un effet extraordinaire.
Le début en est grandiose, l'allégro passionné ; et la péroraison cha-
leureuse réunit en gerbes brillantes les différents motifs de la com-
position entière. Enfin, l'instrumentation si neuve, si riche par la
combinaison des timbres, d'un effet saisissant, place cette ouverture
sur la ligne des compositions les plus célèbres du genre.
On sait que pour le drame de Struensée, M. G. Meyerbeer a écrit
plusieurs morceaux importants, parmi lesquels on remarque une
polonaise, la sœur aînée des quatre marches aux flambeaux, popu-
laires à Berlin, ainsi qu'à Paris, où, grâce à l'initiative du fondateur
de la Société des jeunes artistes du Conservatoire, elle a été souvent
acclamée, reçue avec transports.
L'orchestre de la Société a parfaitement interprété cette magistrale
composition. Le début, exécuté par l'harmonie, ne nous a pas paru
être d'un accord irréprochable. Si les artistes avaient un foyer éloigné
de l'orchestre, pour y préluder, ils échaufferaient leurs instruments ;
et la perfection de l'exécution ne pourrait qu'y gagner. Quoi qu'il en
soit, le public du Conservatoire a unanimement applaudi l'œuvre
grandiose de Meyerbeer et ses habiles interprètes.
Pour la trentième fois au moins, depuis la fondation de la Suriété des
concerts, on a exécuté le chœur de Castor et Pollux, de Rameau. Il n'a
pas été bissé, ce qui, nous l'avouerons, nous a fait infiniment de plaisir.
Est-ce que l'immortel organiste de Dijon n'aurait composé qu'un seul
opéra ? Et Dardâmes ! et Zoroastre ! et tant d'autres ouvrages qui ont
préparé l'avènement de Gluck, ne contiennent-ils donc rien qui soit
digne d'être entendu ? Que doivent penser de nousles Allemands et les
Anglais, eux qui exécutent presque chaque mois des œuvres entières
de Bach, de Hœndel et d'autres vieux maîtres dont les noms sont à
peine connus en France? Enfin, l'orchestre a joué le magnifique tutti
du concerto en UT mineur de Beethoven, et M. Georges Pfeiffer en
a attaqué avec aisance le premier solo. Ce jeune artiste a tiré tout le
parti possible de l'un des concertos les moins brillants pour le piano,
que Beethoven ait composés, et il a parfaitement arrangé le grand
point d'orgue par lequel, suivant l'usage, il a terminé le premier aile
gro du concerto. Il a fait de cette espèce de hors-d'œuvre musical la
pièce importante du morceau dans lequel, on le sait, Beethoven sem-
ble n'avoir considéré le piano que comme le brillant accessoire d'un
magnifique travail symphonique.
M. G. Peiffer a du mécanisme, de la netteté et un sentiment du
rhylhme excellent. Si dans l'andante il a su exprimer la pensée
souvent mélancolique du maître, dans le finale, il a montré autant
de brio que de légèreté. Félicitons la Société des concerts de
l'accueil qu'elle fait depuis quelques temps aux jeunes virtuoses.
Après F. Planté, elle nous a fait entendre Mlle Caroline Rémaury,
la brillante élève de Félix le Couppey, et enfin Georges l'eiffer,
qui doit aux conseils et à l'exemple de sa mère, l'une des femmes
les plus instruites de notre époque , le talent dont il ne lui a été
permis, dimanche dernier, de ne montrer que l'une des faces, au
Conservatoire. Après l'exécution assez remarquable d'un chœur à'une
nuit de sabbat, de Mendelssohn, l'orchestre a fait entendre une sym-
phonie en sol, de J. Haydn, dont l'andante est l'une des plus suaves
inspirations du grand maître.
On parle de l'exécution prochaine d'une symphonie de Méhul ;
grande nouvelle qui ne peut manquer d'intéresser les amis de notre
gloire nationale. Du reste, il y a longtemps que cette œuvre, in-
connue en France, occupe un rang distingué en Allemagne, où elle
figure souvent sur les programmes des plus célèbres sociétés mu-
sicales de cette terre classique de l'épique symphonie.
A. ELWART.
ADDITIONS ET CONCERTS.
Illle Ilarle Oarjou — Mlle Iiéa Karl. — Matinées de
M. Lcbouc. — Séances «le musique de chambre, de
H. Arniinguud. — Société des quatuors français, de
M. Ferrand. — MM. Delcroix, Ménétrier et Vander-
U lient.
Mercredi dernier, dans la salle Herz, Mlle Marie Darjou a donné
un très-beau concert, avec orchestre, qui avait attiré un nombreux
auditoire. Faut-il rappeler que Mlle Marie Darjou, comme Mlle Louise
Murer, était l'une des élèves les plus distinguées d'Emile Prudent ?
Tout le monde connaît aujourd'hui ce talent si fin, si gracieux et en
même temps si expressif qui s'est formé sous l'influence des con-
seils et des exemples d'un de nos plus grands maîtres. Cette influence
s'est surtout manifestée par la manière large et brillante avec la-
quelle Mlle Darjou a rendu les Trois Rêves, l'une des dernières œu-
vres de son maître.
Le morceau de chasse, les Bois, du même compositeur, et aussi pour
piano et orchestre, n'a pas été moins bien interprété par son élève.
Mais après nous avoir fait entendre trois délicieux caprices, supé-
rieurement enlevés, une Romance sans paroles, de Mendelssohn,
une Pensée musicale, de F. Schubert, et un scherzo, de Chopin,
l'élève a voulu nous prouver à son tour qu'elle avait aussi bien pro-
fité des leçons du compositeur que de celles du virtuose. Un andante,
Au bord de l'eau, et un allegro, Sentiers fleuris, inspirations des
plus heureuses et des mieux réussies, ont valu à l'auteur des applau-
dissements enthousiastes. On lui a fait redire ses Sentiers fleuris,
où, par parenthèse, d'autres doigts que les siens rencontreraient
plus d'une épine. Mais, nous ne saurions trop le répéter, la difficulté
vaincue est le moindre de ses mérites; la grâce, l'expression, l'é-
nergie, telles sont ses qualités, caractéristiques.
Sauf l'orchestre de M. Placet, qui a parfaitement secondé Mlle Dar-
jou, et qui a fort bien exécuté les ouvertures d'Egmont et des Noces
de Figaro, il n'y avait, dans cette soirée, pour la partie instrumen-
tale que la bénéficiaire.
La partie vocale était confiée à un M. Bollaërt, un ténor... par-
don, nous voulons dire un sopraniste, dont la voix étrange a plutôt
étonné que satisfait les auditeurs ; puis Mlle Loysel de la Hautière,
qui a chanté avec goût deux airs du Barbier et de la Fille du Ré-
giment, et enfin Crosti, de l'Opéra-Comique, qui s'est fait grande-
ment applaudir dans l'air d'entrée du Barbier, et surtout dans une
très-jolie mélodie de Duprato, Mon cœur, que faut-il faire ? qu'on
a redemandée unanimement, autant pour l'interprète que pour l'au-
teur.
— Mlle Léa Karl, qui s'est fait entendre cette semaine dans la
salle de la rue Rochechouart, possède une belle voix de mezzo-so-
prano, qui semble plutôt convenir à un théâtre qu'à un salon de
concert. Celte cantatrice nous vient, dit-on, d'Allemagne, et pourrait
bien ne pas y retourner, si quelque directeur d'une de nos scènes
lyriques lui faisait des propositions. A en juger par la façon dont
elle a chanté, avec M. Verger, son duo du Barbier, et dont elle a
DE PARIS.
35
dit son air du Trouvère, son arioso du Prophète et sa valse de
Venzatio, nous croyons qu'elle recevrait un bon accueil du public
parisien. M. Verger, son partenaire, qui a ensuite obtenu un succès
personnel dans un air du Ballo in maschera, est un baryton re-
marquable, dont la voix franche et sympathique ne serait pas non
plus déplacée au théâtre.
Après avoir apprécié, comme il convient, le talent très-réel de
Mlle Karl, nous n'avons également que des éloges à décerner à la
partie instrumentale de son concert. Ernest Nathan s'est surpassé
dans un grand duo sur Maria, pour piano et violoncelle, composé
par l'éminent artiste et par Somma ; c'était M. Poisot qui tenait avec
lui le piano. Nathan a conquis une seconde fois tous les suffrages
dans une brillante fantaisie sur des thèmes de Norma. W. Krùger,
que l'on a regretté de ne pouvoir applaudir davantage, a exécuté,
avec la maestria qui lui est habituelle, deux de ses compositions,
l'Echo de la vallée, mélodie nocturne, et un charmant caprice sur
la romance de Moniuwsko, intitulée la Cosaque. Le nouveau guita-
riste Sokolowski, dont nous avons déjà eu occasion de parler, à
propos du récent concert de Mlle Maria Jungk, a complété les plai-
sirs de cette soirée en jouant deux morceaux, auxquels on n'a pas
épargné les bravos les plus vifs.
— M. Lebouc a repris ses matinées, qui sont toujours fort recher-
chées par les amateurs de bonne musique, choisie avec goût et in-
terprétée avec art. Le programme de celle de lundi dernier portait
deux œuvres signées du nom de Meyerbeer. La première était la dé-
licieuse mélodie Près de toi, que Mme Ernest Bertrand a chantée avec
un charme et une pureté extraordinaires, accompagnée par le vio-
loncelle de M. Lebouc. La seconde n'était autre que la fameuse
Marche aux flambeaux, transcrite pour le piano par M. Camille
Saint-Saëns, et exécutée par lui avec, une habileté prodigieuse.
Mme Ernest Bertrand a dit, en outre, un air i'Alcina, de Haendel,
et une ariette d'Haydn, qui ont été fort applaudis, et la séance s'est
terminée par un beau quintette d'Adolphe Blanc, interprété par l'au-
teur, et par MM. White, Trombetta, Lebouc et Gouffé. L'auditoire
qui assistait à cette belle séance a témoigné, à plusieurs reprises, la
satisfaction la plus flatteuse, tant à M. Adolphe Blanc, comme com-
positeur, qu'à tous les artistes dont le talent a défrayé la matinée
de M. Lebouc.
— Les six séances de musique de chambre, annoncées par MM.
Armingaud, Jacquart, Lalo et Mas sont commencées. La première
de ces séances, qui a eu lieu mercredi dans les salons de Pleyel-Wolff,
avait attiré beaucoup de monde, et a complètement répondu à l'at-
tente générale. Il est impossible d'entendre exécuter avec plus de
perfection et d'ensemble les morceaux d'élite qui en composaient le pro-
gramme. Tout l'auditoire a acclamé, avec un égal enthousiasme, le
grand trio, op. 97, de Beethoven, le quatuor en mi bémol de Mozart,
les pièces pour piano et violoncelle, de Robert Schumann, où le con-
cours de Lûbeck a augmenté le plaisir des assistants, et VOtello, op.
20, de Mendelssohn, pour quatre violons, deux altos et deux violon-
celles.
— La Société des quatuors français, fondée l'hiver dernier par
M. Ferrand, a donné, cette semaine, la première de ses trois séances
annuelles, dans la salle Pleyel-Wo'.ff. On y a entendu plusieurs très-
remarquables compositions de Georges Pfeiffer, son trio en sol mineur,
pour piano, violon et violoncelle, deux études et une fort gracieuse
barcarolle pour piano. Ces divers morceaux étaient inlerprétés par l'au-
teur qui, une fois de plus, a fait preuve de cette puissance de son et de
cette largeur de style dont nous avons signalé les progrès, en ren-
dant compte de ses dernières apparitions en public. Dans cette même
soirée, on a encore joué un quatuor en mi pour instruments à cor-
des, de la composition de M. Auguste Morel, directeur Ju Conserva-
toire de Marseille, et le quintette en ré, également pour instruments
à cordes, par Adolphe Blanc. L'auditoire s'est retiré enchanté, et en se
promettant de revenir, si la place n'est pas prise, aux deux autres
séances.
— Décidément le goût de la musique de chambre se propage dans
le monde parisien, avec une croissante rapidité. Chaque jour, de nou-
velles séances s'organisent, et trouvent à souhait des auditeurs. Parmi
celles qui ont pris naissance dans ces derniers jours, nous citerons
l'association heureuse de MM. Delcroix, Ménétrier et Vander-Gucht,
à qui M. Lebouc a ouvert ses salons hospitaliers. M. Delcroix, pia-
niste distingué, M. Ménétrier, violoniste de talent, en dépit de son
nom, et M. Vander-Gucht , violoncelle-solo des Italiens, se sont ad-
joint, pour leur première séance, MM. Cohen, Dragone et Delamour,
avec lesquels ils ont supérieurement interprété quelques œuvres de
nos grands symphonistes. De pareils essais, faits dans de telles condi-
tions, sont toujours dignes d'encouragements, et les nôtres ne man-
queront pas à MM. Delcroix, Ménétrier et Vander-Gucht.
D. A. D. SAINT-YVES.
MARTINI.
(7= article) (1).
VII.
Ziméo vient clore la liste des œuvres dramatiques de Martini. La
chute de cet opéra, succédant de près à celle à'Annette et Lubin,
le décida sans doute à renoncer pour jamais au théâtre. Du reste,
il avait en portefeuille trois autres ouvrages qui ne furent jamais re-
présentés : le Poète supposé, Sophie, ou le Tremblement de terre de
Messine, et la Partie de campagne.
La fortune ne souriait plus à Martini. J'ai dit que, lors de la créa-
tion du Conservatoire, il avait été nommé l'un des inspecteurs de cet
établissement ; mais ce fut seulement à la suite de la démission don-
née par Grétry, que Martini fut appelé à ce poste envié. A partir de
l'an VII (1798) il partagea donc ces fonctions avec Méhul, Lesueur,
Gossec et Chérubini (2). De plus, et en vertu du règlement de ger-
minal an VIII (mars 1800), il était, ainsi que ses quatre collègues,
titulaire d'une des cinq classes de composition. Ce règlement, qui
réduisait à soixante-quatorze (30 de première classe et kk de se-
conde classe), le nombre des professeurs, fixé à cent vingt-cinq par
la loi du 16 thermidor an III (3 août 1795), ne diminuait point celui
des inspecteurs. Mais les réformes opérées en l'an X (1802) pour
des raisons d'économie furent plus considérables encore : vingt-cinq
professeurs et troisinspecteurs restèrent seuls attachés au Conservatoire;
tout le reste du personnel fut brusquement congédié. Méhul, Gossec
et Chérubini furent seuls maintenus dans leurs fonctions supérieures;
moins heureux, Martini et Lesueur se virent enlever leur emploi.
Depuis cette époque, Martini se livra avec [ardeur à la composi-
tion d'un assez grand nombre d'œuvres de musique religieuse. II
publia successivement en ce genre : six psaumes à deux voix, avec
accompagnement d'orgue, dédiés par lui au cardinal de Cambacérès,
archevêque de Rouen, et non, ainsi qu'un biographe l'a dit à tort, au
(1) Voir les n" 49, 50, 51 de l'année 1863, et les n"' 2 3, et 4.
(2) o L'organisation du Conservatoire n'établit que cinq inspecteurs de l'ensei-
gnement : la sixième place, créée à titre de récompense nationale, pour Piccinni,
fut, après sa mort, conservée à Monsigny. » (Lassabathie, Histoire du Conserva-
toire, note de la page 349.)
Cette sixième place n'était sans doute qu'honoraire.
36
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
duc de Cambacérès, archichanclier de l'empire ; — deux messes
solennelles pour quatre voix, chœur et orchestre, dont il dédia la
première à Son Altesse Eminentissime le prince primat de la Confé-
dération du Rhin, prince souverain de Francfort, Ratisbonne, As-
chaffenbourg, Wetzlar, etc., etc. (1); — une messe de Requiem à
quatre voix, chœur et orchestre.
En 1810, lors du second mariage de Napoléon, Martini mit en mu-
sique une cantate de circonstance, dont les paroles lui avaient été
fournies par son amie Mme la princesse de Salm. Je n'ai pu décou-
vrir où cette cantate a été exécutée.
J'ai dit plus haut que, peu de temps avant a Révolution , Martini
avait obtenu la survivance de la place de surintendant de la musique
du roi. On sait que les emplois de ce genre étaient des espèces de
charges qui s'acquéraient à prix d'argent. Martini avait payé celle-ci
à beaux deniers comptant, et n'en avait pas été quitte à moins de
16,000 livres. Lorsque la Restauration ramena Louis XVIII sur le
trône des Bourbons, Martini fit valoir auprès du nouveau souverain
les droits que l'argent déboursé lui donnait à cette place, et il reçut
effectivement sa nomination le 10 mai 181Z|, .remplaçant ainsi Le
sueur, qui avait été directeur de la musique et de la chapelle de
l'Empereur (2).
Malgré son âge très-avancé, Martini se remit alors au travail et,
dans l'espace de moins de deux années, produisit plusieurs œuvres
importantes de musique religieuse. Ce fut d'abord un grand Te Deum
à quatre voix et orchestre, un Domine salvum fac regem à quatre
voix et orgue, puis un O Salutaris hostiu à cinq voix et orgue, et
enfin une deuxième messe de Requiem, qui fut exécutée sous sa di-
rection, à Saint-Denis, le 21 janvier 1816, jour anniversaire de la
mort de Louis XVI, en présence du roi et de toute la Cour.
Mais sa fin approchait. Peu de temps auparavant, sans l'avoir de-
mandé, dit Mme de Salm, il avait reçu le grand cordon de l'ordre
de Saint-Michel. Le 21 au matin, quoique assez gravement indisposé,
il crut ne pouvoir manquer à son devoir et se rendit, ainsi que je
viens de le dire, à Saint-Denis, pour y diriger l'exécution de la
messe qu'il avait composée expressément pour cette circonstance.
L' œuvre produisit un très-grand effet, et le roi envoya aussitôt féli-
citer le compositeur; mais celui-ci, qui sentait que la vie lui échap-
pait, dit aux artistes qui avaient pris part à l'exécution: «Mes amis, je
sens que je ne vivrai plus longtemps ; je vous prie d'exécuter cette
messe pour moi, après ma mort, aussi bien que vous venez de le
faire. »
En effet , à peine de retour à Paris et chez lui , Martini dut se
(1) C'est sans doute cette messe qui fut, selon Choron et Fayolle, « exécutée
pendant plusieurs anDées, à Vienne en Autriche, le jour de la fête patronale de
la cathédrale de Saint-Etienne. » (V. Dictionnaire historique des musiciens, par
Choron et Fayolle, art. Martini.)
Martini dit, dans sa dédicace au prince primat, datée du 30 janvier 1808 et
placée en tête de cet ouvrage : et J'ose supplier Votre Altesse Eminentissime de
protéger, à son retour dans ses Etats, cette production, ainsi que mes Psaumes
et mon Ecole d'orgue (puUiée antérieurement), que j'ai eu également l'honneur
de lui présenter. Cette nouvelle marque de bonté pourrait me faire espérer que
ces trois ouvrages, consacrés au culte, me survivront aussi dans n:a première
patrie. »
(2) Dans son livre intitulé ; Chapelle-musique des rois de France, Castil-Blaze,
ne tenant aucun compte de ce fait, dit, dans le chapitre qui se rapporte à l'é-
poque de 1 a Restauration: M. Lesueur, directeur de chapelle de Napoléon, devint
surintendant de celle de Louis XVIII, et partagea le sceptre de l'harmonie avec
un illustre collègue, M. Cherubini. »
L'erreur est ici manifeste, et Castil-Blaze anticipe sur les événements, car,
après avoir annoncé la mort de Martini, voici ce que disait, le 18 février 1<S16,
un journal ordinairement bien informé de ces sortes de choses : a M. Cherubini
1 ui succède dans sa place de maître de musique de la chapelle, dont il avait
la survivance. »
mettre au lit et tomba très-gravement malade. Son mal fit des pro-
grès extrêmement rapides, et il expirait le H février 1816, âgé de
soixante-quinze ans et quelques mois.
Arthur POUGIN.
{La fin prochainement . )
MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DE LÀ MUSIQUE.
(3e article) (1).
Ce chant, cet accent très-prononcé, vif, animé, sorte de vocalisme,
comme le disent les auteurs, a été, selon moi, la première musique
de l'homme. Mais alors, s'il en est ainsi, que devient la tradition re-
montant aux premiers âges du monde et si généralement répandue,
suivant laquelle des personnages qui ont imaginé, fabriqué des instru-
ments, sont les inventeurs de l'art musical? Cette question, qui , aa
premier coup d'oeil, peut sembler sans importance, en a peut-être
plus qu'on ne le suppose d'abord. Je vais chercher à l'éclaircir, au-
tant que mes forces me le permettront, et je soumettrai à de plus
érudits que moi les observations qu'elle m'aura donné lieu de faire.
Cet accent qui diversifiait, déterminait le sens des mots, devait
être connu, apprécié, pratiqué de la même manière par tous ceux
qui parlaient la même langue, sous peine de ne pas s'entendre ; et
pourtant plusieurs auteurs anciens nous disent que les signes avec
lesquels on l'indique dans l'écriture en latin, en grec, en hébreu, sont
loin de remonter à l'origine de ces langues, et sont même d'une in-
vention assez récente, relativement à cette origine (2). Il fallait pour
ces idiomes que toutes les nuances d'accent fussent bien familières à
chacun et ne laissassent aucun doute dans les esprits, pour qu'on ait
pu se passer ainsi pendant un long temps de signes graphiques des-
tinés à les représenter aux yeux dans la parole écrite (3). Il y a plus.
Cet accent n'affectait et nécessairement ne pouvait affecter que les
voyelles. On comprend en effet que ces sons, produits de l'émission
la plus simple de la voix, peuvent seuls être graves, élevés ou se
tenir dans le médium : la consonne sans voyelle n'est qu'une articu-
lation sourde. Eh bien ! ces voyelles, dans des langues où, dans cer-
tains cas, leurs diverses sortes, dans d'autres leurs diverses intona-
tions, quelque vagues , quelque nuageuses qu'elles soient , agissent
sur le sens des mots ; ces voyelles, en hébreu et dans d'autres
idiomes, sont souvent supprimées dans l'écriture (4). En vérité, on a
peine à concevoir comment les sons, qr.i exercent une action si im-
portante dans le langage, qui par l'emploi de leurs différentes es-
pèces, de leurs différents degrés de gravité ou d'acuité, déterminent,
fixent le sens des paroles, on comprend difficilement que dans la
langue écrite, les signes qui les représentent aient pu non-seulement
ne pas recevoir d'indication particulière pour chaque nuance de vo-
calisation, mais encore, ce qui est bien plus surprenant, être même
parfois supprimas. Cela ne peut s'expliquer que par un usage bien
déterminé et constant de ces intonations. C'est là un premier fait
majeur que j'ai dû m'attacher à établir. Ainsi donc, les nuances dans
le son des voyelles étaient connues, appréciées, employées unifor-
(1) Voir le n° 51 de l'année 1863 et le n° 4.
(2) Wiel et Benloew, Accent, lai., pag. 295, 312, 314, 318.
Encycl., t. VIII, pag. 78 et 79; t. XII, pag. 870, col. 1 et 2. Court de Gébelin,
Orig. du long., pag. 466 et suivantes.
(3) On voit encore quelque chose de semblable dans la musique italienne, où
certaines aopogiatures, qui ne sont autres que des accents, se font généralement
par tous les chanteurs sans qu'il soit besoin de les écrire.
(4) Balbi, Atlas elhnog., t. III. Encycl., t. VIII, pag. 78, 79; t. XII, pag. 870,
col. 1. Court de Gibelin, Orig. des long., pag. 446 et suivantes, 454. Pour
l'importance des voyelles en hébreu, voy. Benloew, Aperçu général de la science
cornp. des langues, pag. 31.
DE PARIS.
37
mément par tous ceux qui parlaient la même langue, et dans la
pratique ne laissaient aucun doute.
MM. Wiel et Benloew nous disent aussi qu'en sanscrit on passe su-
bitement, et comme par un bond, des sons graves à l'accent aigu,
ce qui est bien un des caractères de la note musicale, qui est tou-
jours très-distincte de celle qui la précède ou qui la suit. Ils ajoutent
encore que clans cet idiome on ne se sert que de ces deux accents,
le grave et l'aigu, et qu'on n'y emploie pas l'accent circonflexe pro-
prement dit (1), qui paraît pour la première fois dans le grec, et qui
plus tard, dans le latin, devient d'un usage fréquent (2). Or, la dif-
férence est grande entre cet accent circonflexe et les deux premiers.
Pour ceux-ci, la voix se pose sur une intonation basse ou élevée,
s'y arrête ou s'en écarte peu, de telle façon que même dans nos
langues modernes, si faiblement accentuées, cette intonation pour-
rait en quelque sorte être notée, et que dans les langues anciennes,
bien plus harmonieuses, elle se rapproche encore davantage de l'in-
tonation musicale au point de pouvoir, à mesure qu'on remonte les
siècles, lui être presque entièrement assimilée. Pour l'accent circon-
flexe, au contraire, la voix, sur une seule syllabe, ou mieux encore
sur une seule voyelle, pa*se en glissant du grave à l'aigu et revient
de la même manière au grave, sans que l'on puisse saisir, entre les
points extrêmes, un point, un sou déterminé intermédiaire. Ainsi,
voilà une différence bien tranchée entre ces deux sortes d'accents :
d'une part, l'accent grave et l'accent aigu se posant chacun sur un
son distinct qui sert d'appui à la voix; de l'autre, l'accent circon-
flexe où la voix glisse d'un son bas à un son élevé et revient au
grave par des nuances d'intonation dont les degrés sont insaisissa-
bles. Ces deux sortes d'accent caractérisent, la première, les langues
les plus anciennes, entre autres le sanscrit; la seconde, les idiomes
moins anciens tels que le grec et le latin (3) ; l'une est éminemment
musicale, l'autre a conduit à notre débit oral moderne (4).
D. BEAULIEU.
(La suite prochainement.)
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg le 14/26 janvier.
Si je ne vous ai pas écrit depuis quelque temps, c'est que rien qui
valût la peine de vous être mandé ne s'est passé au théâtre italien.
Fausto y a été donné deux ou trois fois, et il n'est pas accueilli avec
plus d'enthousiasme qu'à la première représentation. Everardi (Me-
phisto) y a rencontré une création remarquable, et c'est lui qui chaque
soir a les honneurs de la représentation. — Les répétitions de li Dama
bianca marchent lentement. L'opéra de Boieldieu ne paraît pas devoir
passer avant la première quinzaine de février (style russe). On n'en
jouira donc pas longtemps, puisque le carême commencera bientôt
après et viendra clore une saison qui, en somme, n'aura pas été très-
brillante.
En revanche, les concerts commencent. Chaque hiver on en donne
deux, qui se ressemblent par le but, sinon par le programme ; l'un orga-
(1) Wiel et Benloew, Accent, lai., pag. 107, 108 et 109. Benloew, Accent, des
lang. indo-europ., pag. 51 et suivantes.
(2) Wiel et Benloew, Accent, lat. Tout le chapitre II, particulièrement les pag.
1S, 19, 20, 21, 23, 108.
Benloew, Accent, des lang. indo-europ., pag. 171, 293.
(3) Voir à la page précédente les Dotes 1 et 2.
(4) Wiel et Benloew, Accent, lat., page 112.
J'ajouterai ici une observation qui me semble avoir de l'importance. Dans un
traité de musique de la fin du xivc siècle ou du commencement du xve, intitulé:
la Calliopée légale, en parlant des divers mouvements de la voix dans le chant,
lesquels sont nommés aigu, grave et circonflexe, on expose des principes qui ont
un rapport très-remarquable avec ce que disent les auteurs au sujet des accents
du même nom, sauf la différence qui existe entre la voii parlée et la voix chan-
tante.
nisé par notre Société philharmonique, au profit de ses veuves et de ses
orphelins; l'autre tout militaire, au profit des invalides de l'armée.
Le premier a eu lieu, hier dimanche, dans la magnifique salle de la
Noblesse, avec une grande solennité. La Cour tient à honneur d'y as-
sister et l'aristocratie se garde bien de ne pas l'imiter. Le programme
était d'ailleurs splendide et l'exécution confiée à l'élite des artistes ita-
liens. Je ne vous donnerai pas la nomenclature des quatorze morceaux
qui le composaient, mais je vous dirai qu'un de ceux qui a produit le
plus grand effet a été l'admirable trio du Pardon de Ploermel chanté
par Mme Fioretti, Calzolari et Graziani ; citer ces trois noms, c'est dire
avec quelle perfection ce trio a été interprété ; aussi l'a-t-on écouté
dans un silence et avec une attention qui témoignaient de l'intérêt qu'y
prenait tout l'auditoire ; il faut dire encore que depuis deux ans nous
sommes privés du dernier chef-d'œuvre de Meyerbeer, en sorte, que ce
morceau avait de plus le charme de la nouveauté ; à peine fini, il a été
salué par un immense et unanime applaudissement. Le grand air de
Stradella (10e siècle) chanté délicieusement par Calzolari, et la romance
de Marta, dite avec beaucoup d'expression par Giuglini, le quatuor de
Don Pasquale, par Mme Fioretti, MM. Calzolari, Everardi et Fioravanti
ont été ensuite les plus goûtés.
En dehors du répertoire italien, une jolie valse de Ciardi, VAmo,
chantée par Mme Fioretti, et une romance russe fort en vogue de la
princesse Kotschoubey, Skafi itï (Dites-lui), dite avec beaucoup d'âme
par Tamberlick et qui terminait le programme, ont fait grand plaisir.
La salle était complètement remplie et la recette a été considérable
En fait de réceptions, celle du ministre d'Italie, le marquis Pepoli,
mérite d'être citée, comme exceptionnelle. Tout Saint-Pétersbourg était
là, tout le Saint-Pétersbourg aristocratique, élégant, et le personnel
complet de notre scène italienne y exécutait une grande cantate en
l'honneur de l'Italie. Si la Itosati ne fût partie, nous aurions eu la
danse. L'auteur de la cantate, le maestro Ricci, était au piano, entouré
de Mme Fioretti, de Tamberlick, Calzolari, Giuglini, Graziani, Malvezzi
Fioravanti, Meo et Angelini.
La seconde partie du concert, composée de morceaux choisis de
maîtres illustres, a été applaudie comme la première. Vers deux heu-
res du matin seulement on s'est séparé, chacun louant à l'envi l'orga-
nisation et l'éclat de cette fête à laquelle rien n'avait manqué, et dont
le ministre d'Italie et Mme la marquise Pepoli, aidés de leurs char-
mantes filles, ont fait les honneurs avec l'exquise cordialité et l'affec-
tueuse bonne grâce qui distinguent leurs habitudes d'hospitalité.
D.
NOUVELLES.
*** Au théâtre impérial de l'Opéra, les Huguenots ont exercé, lundi
dernier, leur influence ordinaire sur le public, et la représentation du
chef-d'œuvre de Meyerbeer a été très-brillante. M. et Mmes Geymard,
Faure et Belval s'y sont notamment distingués. Dans la Juive, qu'on a
donnée mercredi, Mlle Sax et Villaret ont eu les honneurs de la soirée
et vendredi Moïse, dont l'indisposition de Mlle Battu avait interrompu
les représentations, avait attiré une grande affluence.
**,,. Le titre du nouveau ballet, dont la première représentation doit
avoir lieu cette semaine, est la Maschera ou les Xuits de Venise.
i** Le nouvel ouvrage en un acte de MM. Corrnou, Carré et Boulan-
ger intitulé provisoirement Daniel, suivra de près ce ballet et sera
chanté par Mlle Leveilli, MM. Warot, Cazaux et Grisy.
t% La nouvelle publiée par plusieurs journaux, que Meyerbeer se
proposerait de donner l'opéra de Judith au théâtre Lyrique, est tout
à fait dénuée de fondement.
**„. A l'Opéra-Comique, la Fiancée du roi de Garbe continue de remplir
la salle. Un succès durable paraît de plus en plus assuré à la char-
mante partition d'Auber.
»% L'engagement d'Adelina Patti a été prolongé jusqu'à la fin du mois
d'avril. A sa seconde apparition dans il Barbiere elle a dû répéter la Gioja
insolita, la charmante valse de Strakosch qu'elle avait intercalée dans la
leçon de chant.— Le début du baryton Aldighieri qui devait avoir lieu
dans la Traviata est ajournépar suite de son indisposition. — Mme Spe-
zia, soprano dramatique, fort renommée en Italie, va débuter prochai-
nement dansA'orma.
*** Au premier jour, le théâtre Italien reprendra Maria di Rohan,
de Donizetti, chantée par MMmes Charton-Demeur, Méric-Lablache,
MM. Delle-Sedie et Nicolini.
*** Après ses représentations d'il Barbiere, Mlle Patti abordera Marta,
pour la première fois à Paris, avec Mario, Delle-Sedie et Mme Lablache
pour partenaires.
*** La reprise des Bavards, le grand succès de l'année dernière aux
38
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Bouffes-Parisiens, retardée par indisposition de Mme Ugalde, a eu lieu
vendredi derant une nombreuse assemblée qui avait envahi toutes les
places, et avec le succès le plus brillant. Le joyeux ouvrage d'Offen-
bach a paru encore mieux placé dans le cadre agrandi de la nouvelle
salle, et l'effet y a dépassé celui qu'il avait produit sur l'ancienne scène,
beaucoup trop étroite pour les chœurs et les personnages assez nombreux
de cette opérette. Mme Ugalde aussi en a profité pour s'y faire mieux
entendre : elle y semblait plus a l'aise, et elle a déployé une verve
et un talent vraiment admirables dans le rôle de Roland qui restera cer-
tainement l'un des meilleurs de sa brillante carrière. Elle a été fêtée et
applaudie de la manière la plus chaleureuse, et a obtenu, notamment
dans les fameux couplets bachiques : C'est. l'Espagne, un vrai triomphe.
Interrompue à plusieurs reprises par des bravos unanimes, elle a dû
les répéter à la demande générale et reparaître à la fin du spectacle.
Désiré et Georges, l'alcalde et son greffier, Mlles Tostée et Taffanel,
qui a remplacé avantageusement Mlle Thompson, complétaient l'excel-
lent ensemble, et les Bavards, ainsi interprétés, fourniront, selon toute
apparence, une longue série de représentations fructueuses.
„,% La semaine passée, Desmonts a remplacé Désiré, indisposé, dans
Lischen et Fritzehen, dont le succès augmente à chaque représentation
et qui tend à devenir populaire.
*% Deux opérettes en un acte, Rosette, musique de Canoby, et la Barbe
de Bétasson, composée par Georges Douay. ont été représentées avec suc-
cès au théâtre des Champs-Elysées. Ces œuvres légères ne manquent
pas d'un certain mérite.
*% Voici le programme du 7e concert de musique classique qui aura
lieu aujourd'hui au Cirque Napoléon : Ouverture de Médèe, de Cheru-
bini; Symphonie (n° 51), de Haydn; Ouverture de Coriolan, de Bee-
thoven; Adagio du quintette (op. 108), de Mozart, exécuté par M. Au-
roux (clarinette), et tous les instruments à cordes; le Songe d'unenuit
d'été, de Mendelssohn. L'orchestre sera dirigé par M. Pasdeloup.
»% Dimanche dernier, l'excellent violoncelliste Piatti s'est fait en-
tendre pour la seconde fois au concert du Cirque Napoléon. 11 a joué
une sonate de Boccherini, avec un simple accompagnement de piano
Dans ce morceau, dont le premier mouvement surtout est rempli de ce
charme mélodieux que Boccherini savait imprimer à presque toutes
ses œuvres, l'habile virtuose a tiré de son instrument des sons d'une
puissance égale à celle de la voix humaine. Il a été plusieurs fois
salué des applaudissements de la salle entière. L'andante d'Haydn, qui
venait ensuite, n'a pas été moins généralement goûté.
*% Plusieurs journaux annoncent qu'une magnilique statue en bronze
de Rossini, due au ciseau du célèbre sculpteur Marochetti, a été offerte
à la ville de Pesaro par M. le marquis de Salamanca et M. Delahante,
directeurs des chemins de fer romains. A cette occasion, il s'est formé
une société qui a pris le nom de Société llossini, et s'est chargée de
pourvoir à tous les frais de l'inauguration de cette statue. Le monu-
ment sera élevé sur la place la plus voisine de la station du chemin de
fer, et cette place prendra le nom de place Rossini. On pense que la
fête d'inauguration aura lieu le 29 février, jour anniversaire de la nais-
sance de l'illustre auteur de Guillaume Tell et du Barbier.
*** J. Offenbach a eu l'honneur d'être reçu en audience par S. M.
l'empereur d'Autriche, qui a daigné permettre au compositeur de tant
d'œuvres populaires de lui dédier son nouvel opéra, les Sylphides du Rhin,
en ce moment à l'étude au théâtre de la cour.
j *** La reine d'Espagne, qui avait récemment décoré M. Strakosch de
l'ordre de Charles 111, a accordé la même distinction à MM. Mario et
Na.udin.
**» On annonce la prochaine arrivée à Paris d'un pianiste d'une grande
distinction, M. Prulkner, élève de Liszt. M. Prulkner donnera un con-
cert chez ErarJ, le 1er mars.
*% Roger continue de charmer le public bruxellois. Dans le rôle de
Raoul des Huguenots son succès a été immense ; ses représentations au
théâtre de la Monnaie se prolongeront probablement pendant un mois.
*** Un nombreux public assistait, samedi passé, à l'audition donnée
àlasallePleyel par E. Ketterer, quia été souvent etjustement applaudi.
Des morceaux de chant d'A. Mutel, parmi lesquels la Chanson du mar-
chand de mouron, chantée par M. Archainbaud et Mme Peudefer, ont
également beaucoup plu.
»% Mme Volpini vient de débuter au théâtre del Liceo, à Barcelone,
dans le rôle de Marta, et y a été accueillie brillamment. Elle a été rap-
pelée plusieurs fois, et a dû répéter l'air de la Rose, qu'elle a chanté
avec beaucoup de charme.
*% Mlle Tietjens s'est trouvée à Paris la semaine passée, se rendant
à Naples, où elle est engagée au théâtre de San-Carlo pour une série de
représentations.
»** M. Chauvet, orgauiste de Saint-Bernard, vient d'être nommé au
grand orgue de Saint-Merry, à la suite d'un concours.
*** François Kullack, excellent pianiste et fils du célèbre Th. Kul-
lack, à Berlin, se propose de donner un concert le 17 février dans les
salons d'Érard. Un vif intérêt s'attache à cette audition du jeune pia-
niste.
„,** Au concert que donnera Mme Robinson, jeudi prochain, dans les
salons d'Érard, l'excellente pianiste anglaise jouera deux fantaisies de
Tlialberg et quatre morceaux de sa composition intitulés : la Constance,
les Etincelles, Marche funèbre et Fête rustique.
„,% MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Mas donneront, avec le con-
cours de Mme Massart, leur deuxième séance mercredi prochain :
Le trio, en ré mineur, de Mendelssohn; le premier quatuor, de Beet-
hoven, la sonate, en soi mineur, de Mozart, pour piano et violon; et le
70e quatuor de Haydn, y seront exécutés.
**» La fantaisie pour le piano, que Paul Bernard a composée sur des
thèmes de Moïse, à peine publiée, se trouve déjà entre les mains d'un
très-grand nombre d'amateurs du talent si distingué de l'excellent com-
positeur-pianiste. Les principaux thèmes de l'opéra de Rossini y sont
traités d'une manière fort ingénieuse, et en font un morceau d'un très-
grand effet.
*% Au dernier concert donné par le Cercle de l'Union artistique, on a
exécuté plusieurs œuvres inédites fort remarquables : un chœur, les
Dryades, du prince de Polignac; des fragments d'une symphonie inédite,
d'Hector Salomon, et un chœur, Otahiti, d'Aristide Hignard.
*** La composition la plus récente d'Alfred Jaëll, qui obtient tant de
succès dans ses concerts, vient de paraître et se trouvera bientôt sur
tous les pianos. Nocturne dramatique en est le titre.
*% C'est demain, lundi, que le concert de Sarasate aura lieu dans
la salle Herz.
a,** Le Musical World de Londres rend compte d'un premier concert
public qui a eu lieu dans l'empire du Japon, dans la ville de Yokohama.
C'est au mois de septembre que ce concert, ainsi que plusieurs autres,
a été donné par des artistes anglais, miss Bailey, cantatrice, et M. Mar-
quis-Chisholm, pianiste. Les habitants les plus distingués de la ville y
assistaient, et c'est le cas de dire que les artistes ont fait sensation.
Le journal anglais ne donne qu'un aperçu succinct , mais promet
pour son prochain numéro un compte rendu détaillé.
„** Le premier concert de M. Camille Saint-Saëns aura lieu dans les
salons Pleyel-Wolff et C% le vendredi 22 février, avec le concours de
Mme Talvo-Bedogni et de MM. White et Lasserre. En voici le pro-
gramme : 1. Premier concerto (ut majeur,), de Mozart; E. Camille
Saint-Saëns ; 2. Le lac, mélodie de M. C. Saint-Saëns : Mme Talvo-
Bedogni ; 3. Morceau de fantaisie pour piano, violon et violoncelle, de
R. Schuman : MM. Saint-Saëns, "Withe et Lassere ; 4. A. Le Sommeil
des Fleurs, B. L'Attente, mélodies de M. C. Saint-Saëns : Mme Talvo-
Bedogni ; 5. Sixième concerto (mi bémol), de Mozart : M. Camille
Saint-Saëns. L'orchestre sera conduit par M. Seghers.
*** Notre excellent pianiste W. Kruger donnera, le 22 février, un
concert avec orchestre à la salle Herz. M. Kruger y fera entendre, entre
autres œuvres, son deuxième concerto pour piano, qui a obtenu un si
grand succès au concert donné par l'éminent artiste, l'été dernier, à
Stuttgard.
*% Mardi prochain aura lieu, dans les salons de Pleyel, Wolff etCie,
un grand concert vocal et instrumental, donné par Henri Ketten, avec
le concours de MlleRosa Ketten, MM. Elie Pilo, Vizentini, Gradewohl et
S. Lee. Le programme en est fort intéressant, et le jeune virtuose l'est
encore davantage.'
„.*„, Demain soir, M. Silvestro Nicosia, excellent violoniste, donnera
un concert dans la salle de Pleyel-Wolff.
„*<[ La librairie Castel va mettre en vente, le 5 février prochain, un
nouvel ouvrage de M. A. Elvvart, qui nous paraît destiné à obtenir un
véritable succès. C'est l'Histoire de la société des concerts populaires de
mufique classique. Joli volume in-18 de trois cents pages, dans lequel
nous avons remarqué les programmes annotés des trois années ; six es-
quisses sur la vie des grands maîtres de la symphonie et quelques
pièces de vers qui ne dépareraient pas YAlmannch dei muses, s'il était
encore de ce monde. Pour garantir au livre de M. Elwart la popularité
la plus étendue, l'éditeur en a fixé le prix à 50 c.
*% L'Athénée musical, boulevard Saint-Germain, tient toutes ses pro-
messes. Chaque soir, une foule compacte se réunit dans ce bel établis-
sement pour entendre et applaudir les œuvres vocales et instrumentales
des meilleurs compositeurs. La semaine passée, deux nouveaux chœurs
ont paru sur l'affiche: le Co7iscrit,àe Kiicken, et, Près du Fleuve étran-
ger, de Gounod. Ils ont été bien accueillis par le public.
„,*.,, La dixième séance de musique de chambre de la Société na-
tionale des Beaux-Arts, 26, boulevard des Italiens (section de musique),
sous la présidence de M. Félicien David, n'aura lieu que dans les pre-
miers jours de février, à l'époque de l'ouverture de l'exposition inédite
des peintures, sculptures, gravures et dessins des artistes sociétaires.
„% Sous ce titre : Aventures d'un imprésario, la librairie Dentu met
en vente un charmant volume, qui contient tout un roman d'aventures
en miniature. Contrairement aux écrivains ordinaires de ces petits
livres, l'auteur, M. Octave Féré, a visé à l'intérêt et non au scandale.
Ce récit, où figurent les noms les plus renommés du théâtre contem-
porain, offre un entrain et une gaieté qui en garantissent le succès.
L>E PARIS.
s g
„,*„ Le Prophète de Meyerbeer doit être joué bientôt en langue
hongroise à Klausenbourg. Les meilleurs artistes du théâtre de cette ville
hongroise sont : la prima donna Mlle Eéhérvari, engagée précédemment
à l'opéra de Turin, et les deux tinors Dalnoky et Fckter.
,% Le mardi 2 février, à II heures, jour de la présentation de Notre
Seigneur et de la purification de la sainte Vierge, l'Association des artistes
musi- ciens de France célébrera cette fête en faisant entendre, en l'église
Saint-Vincent-de-Paul, et sous la direction de l'auteur, la deuxième
messe de M. V. F. Verrimst, à grand orchestre, avec soli et chœurs.
Les chœurs seront dirigés par M. Mulot, maître de chapelle de cette
église. Le grand orgue sera tenu par M. Durand, et l'orgue d'accom-
pagnement par M. Taite. Le produit des chaises et de la quête est destiné
à la caisse de secours de la Société des artistes musiciens. Les person-
nes qui désireraient se procurer à l'avance des places réservées, peuvent
s'adresser à il. Bolle-Lasalle, agent-trésorier de l'œuvre, rue de Uondy, 68.
*% Strauss a fait entendre, au bal de l'Opéra d'hier, pour la pre-
mière fois sa grande valse sur Lischen et Fritzchen, qu'il a dû répéter.
„% Dans le courant de l'année dernière, M. Edm. Van der Straeten
d'Audenarde, jeune musicologue, qui s'est déjà signalé par plusieurs
importantes découvertes, a été attaché aux Archives générales du
royaume , à Bruxelles. Quelques mois à peine se sont écoulés, et voilà
qu'il annonce un ouvrage des plus intéressants, tout plein de documents
nouveaux sur l'histoire musicale des provinces belges. La Musique aux
Pays-Bas avant le XIX* siècle, tel est le titre du livre dans lequel
M. Vau der Straeten donne le catalogue des compositions que pos-
sédait l'un des musiciens dont il esquisse la biographie, J.-B. Dan-
deleu, surintendant du comte de Furstemberg, décédé à Bruxelles
en 1667. Les archives du royaume possèdent deux listes de ces com-
positions, l'une vraisemblablement faite par le propriétaire lui-même,
et l'autre, plus détaillée, donnant presque textuellement le titre des
ouvrages possédés par J.-B. Dandeleu. M. Van der Straeten publie
ces listes, et il met ainsi au jour des centaines d'oeuvres inconnues. Les
grands maîtres d'Italie et de Flandre y sont représentés par des pro-
ductions magistrales : madrigaux, chansons à diverses parties, compo-
sitions instrumentales, livres de science, musique sacrée, musique
profané, instruments divers, il y a tout dans ce catalogue, et nous
n'hésitons pas à dire qu'il forme à lui seul une mine précieuse pour
l'histoire de l'art du moyen âge.
„% M. J.-J. Soubre, le doyen des marchands de musique en Belgique
et le père du directeur du Conservatoire de Liège, M. Etienne Soubre,
est mort à l'âge de soixante- seize ans.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
„% Bordeaux, 25 janvier. — M. Biche-Latour, directeur des théâtres
de cette ville ayant suspendu ses paiements, a été déclaré en état de
faillite. Les artistes abandonnés à eux-mêmes ont prié M. Mézeray,
l'excellent chef d'orchestre, qui depuis vingt ans dirige avec autant
de talent que de zèle le grand opéra, de se mettre à leur tête comme
directeur gérant. M. Mézeray a accepté cette mission, et à ce sujet
il. le maire de Bordeaux lui a fait l'honneur de lui écrire une lettre
que les journaux ont publiée. Dans la représentation des Noces de Fi-
garo, donnée dernièrement par ses soins et à son bénéfice, une très-
belle couronne en or avait été déposée sur son pupitre par les acteurs
aux applaudissements de toute la salle. On annonce que M. Bernard,
directeur à Strasbourg, est nommé directeur à Bordeaux pour la campa-
gne prochaine.
t*t Rennes. — Le concert donné par le ténor Altavilla et les frères
Lainoury leur a valu de chaleureux bravos. M. d'Altavilla a obtenu
de vifs applaudissements en chantant les principaux morceaux de son
répertoire, où il a montré une voix remarquable de timbre et d'éten-
due, une ^méthode irréprochable. Les frères Lamoury ont été vive-
ment applaudis dans une fantaisie de Vieuxtemps, un duo sur les Hu-
guenots et le rondo militaire de Servais. Même succès pour ces ar-
tistes dans le concert donné à Laval le 21 janvier.
%% La Rochelle. — La Société philharmonique a donné au théâtre
un premier concert populaire qui a parfaitement réussi. On remarquait
parmi les auditeurs bon nombre de marins, de mousses, d'ouvriers en
blouse, de paysans qui ont très-chaleureusement applaudi les œuvres
capitales qu'on a exécutées. Les loges étaient occupées par toutes les
dames de la haute société; moins celles qui, en fort brillantes toilettes,
faisaient partie des chœurs. C'est un exemple que toutes les sociétés
philharmoniques des départements feront bien d'imiter.
„% Lille. — Mlle de la Pommeraye a donné plusieurs représentations
et y a fait preuve de talent. Mme Barbot s'est fait entendre dans 3a
guarita et y a obtenu un très - beau succès. On monte l'Étoile du
Nord; Mme Barbot chantera le rôle de Catherine.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*% Bruxelles.— Roger est en ce moment le hérjs du théâtre de la
Monnaie. Après de grands succès, qu'il a obtenus dans Lucie et la Fa-
vorite, il vient d'exciter l'enthousiasme dans le rôle de Raoul des
Huguenots. — Une brillante reprise des Dragons de Villars a eu lieu.
Mlle Borghèse, qui avait créé d'une façon si originale le rôle de Rose
au théâtre Lyrique, à Paris, s'y est produit pour la première fois à
Bruxelles, et, sans faire oublier Mme iiayer-Boulard qui a chanté tant
de fois ici aux applaudissements unanimes le mélodieux opéra de
Maillart, elle a su gagner tous les suffrages. —Mme Ferraris vient d'être
engagée et est attendue. — Le concert du Conservatoire nous adonné la
deuxième symphonie ae M. Fétis. L'auteur dirigeait, c'est-à-dire que
l'exécution a été supérieure, digne des interprètes et de l'ouvrage dont
une seconde audition vient de confirmer le succès de la première.
La brillante pianiste, Mme Grœver, et une jeune cantatrice, Mlle Ver-
cken, se sont fait entendre au même concert. Mme Grœver a exécuté
le concerto national hollandais de Litolff : une des premières places
lui appartient parmi les femmes virtuoses. Le public a tenu à le
lui prouver par d'unanimes applaudissements. Une bonne méthode
distingue surtout Mlle Vercken. Elle a chanté le grand air de Cvociaio
et a été récompensée par un succès légitime — M. Brassin a repris, au
Cercle artistique, ses séances de musique classique. 11 y a joué trois so-
nates de Beethoven, l'ouv. 7, l'ouv. 18, n. 2 et l'ouv. 27, n. 2. Un au-
ditoire nombreux lui a témoigné la plus vive admiration pour son beau
talent.
»% La Haye. — Mlle Ella de Schultz, la brillante pianiste russe, qui
s'était signalée, dès l'année dernière, dans un concert à la salle Dili-
gentia, vient de se faire entendre de nouveau à la cour ; elle a aussi
donné un concert avec Mlle Artot. Dans une soirée où M. Servais re-
paraissait dans toute la force et tout l'éclat de son talent de compo-
siteur et de virtuose, Mlle Ella Schultz a été rappelée trois fois. Des
ordres supérieurs l'obligeant à retourner en Russie, elle n'a pu se ren-
dre aux pressantes invitations de plusieurs villes importantes, telles
qu'Amsterdam et Utrecht.
„% Cologne. — Carlotta Patti vient de se faire entendre ici et a
obtenu un très-grand succès. La célèbre cantatrice n'a pas produit
moins d'effet à Aix-la-Chapelle, où elle a donné un brillant concert.
Au sixième concert d'abonnement, Alfred Piatti a joué un concerto de
sa composition et a été beaucoup applaudi. Mlle Julie Rothenberg a
parfaitement chanté l'In/lammatus du Slabat de Rossini. Dans la
deuxième partie du concert a été exécutée la neuvième symphonie de
Beethoven.
„.'% Mayence.] — Un nouvel opéra en trois actes, Rosita, composé par
M. R. Gênée, chef d'orchestre de notre théâtre, a obtenu un franc
succès.
„** Hambourg. — Mlle Tietjens nous a quittés, après nous avoir fait
ses adieux dans le rôle de Valentine. On attend Mlle Lucca qui doit
donner une série de représentations depuis le 30 janvier jusqu'au 14 fé-
vrier : toutes les loges et stalles sont louées d'avance.
„,** Berlin. — A propos de la fête de l'ordre, le théâtre royal de
l'Opéra a donné le deuxième acte du Camp de Silésie, précédé de l'ou-
verture, par Meyerbeer. Au théâtre F. Wilhelmstadt, une Société ita-
lienne doit commencer une série de représentations, sous la direction
du maître de chapelle Orsini. Voici le personnel de cette Société :
Mmes Kennet et Lustani, Mmes Agretti, Fagotti, Revi et Marini.
,.% Vienne. — Quoique les répétitions de la Rhein Nixe d'Offenbach
aient été interrompues un moment, on annonce la première représen-
tation pour le 30 janvier. Au cinquième concert philharmonique Bauer
a joué le concerto en mi bémol mineur de Beethoven, et l'éminent
pianiste a obtenu un vrai triomphe. Dans la même soirée a été exécutée
une ouverture â'Aladin, œuvre inédite de L. Keinecke.
„,% Dresde. — A la fin d'une représentation d'Armide, de Gluck, le
feu prit aux vêtements de Mme Burde-Ney, pendant qu'elle se tenait
debout dans son char traîné par des dragons. Le machiniste Haenel
parvint à étouffer les flammes, non sans se blesser assez grièvement aux
mains. Mme Burde-Ney en fut quitte pour quelques brûlures au bras.
Le Directeur : S. DtlFOCK.
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31e Année,
N° 6.
7 Février 1861
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Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui,
les titres et la table analytique des matières pour
l'année 18G3.
Au prochain numéro sera jointe une nouvelle com-
position d'ALFRED JAEIiL : Nocturne dramatique,
pour le piano.
SOMMAIRE. — La liberté des théâtres au point de vue musical (2e article ),
par Paul Smith. — Théâtre impérial italien : Don \Pasqualc et Maria di
Rohan. —Auditions et concerts. — Revue critique. — Revue des théâtres,
par O. A. O. Sinînt-Yves. — Nouvelles et annonces.
DE LA LIBERTÉ DES THÉÂTRES
Au point de vue musical .
(2S article) (1).
En résumé, nous l'avons vu, dix années de liberté théâtrale et
musicale n'enrichirent pas notre grand Opéra d'un seul chef-d'œu-
vre. Pendant la crise révolutionnaire, les compositeurs étrangers
avaient fui, et ils ne revinrent qu'avec le privilège. De ces dix an-
nées, il ne sortit qu'un compositeur nouveau pour l'opéra-comique,
Boïeldieu, qui certainement serait arrivé sous tout autre régime.
Mais l'exemple souvent n'est qu'un miroir trompeur,
Et l'ordre du destin, qui gêne nos pensées,
N'est pas toujours écrit dans les choses passées. . .
Entre la fin du dernier siècle et notre époque, il existe des diffé-
rences dont nous devons tenir compte. D'abord, l'institution du con-
cours annuel pour les prix de composition musicale que décerne
l'Académie des beaux-arts, ne date que de 1803 : auparavant il n'y
avait pas de musiciens allant à Rome et en revenant périodiquement.
A cette heure où, dans une vive controverse, les avantages de ces
concours, dont la peinture, la sculpture, l'architecture et la gravure
(1) Voir le n" 52 de l'année 1863.
étaient en possession longtemps avant l'art musical, viennent d'être
plutôt amoindris que rehaussés, nous dirons à notre tour ce que
nous en pensons, l'œil fixé sur la liste des cinquante et quelques
musiciens qui, par la grâce de Napoléon Ier, ont joui des honneurs du
laurier accadémique. A moins d'être convaincu que, dans l'intérêt de
l'art, on ne saurait trop décourager ceux qui aspirent à devenir ar-
tistes, nous ne concevons rien de mieux qu'un système dans lequel
tout est calculé pour éveiller l'espérance, exciter l'émulation , hâter
les progrès. Ne voulons-nous plus de maîtres, plus d'écoles ? C'est
un système comme un autre. Alors déclarons-le sans scrupule et
entrons résolument dans cette voie ; mais tant que nous resterons
dans celle où nous sommes, gardons-nous de changements qui pour-
raient la gâter; ménageons les choses et plus encore les per-
sonnes : si nous tenons à de bons jugements, ne déconsidérons pas
les juges.
Le plus grave reproche que l'on puisse faire au prix de Rome,
c'est de ne pas nous avoir donné, depuis 1803, un grand composi-
teur par année, et même deux grands compositeurs pour les années
où le prix était double. Mais qui a jamais espéré cela? Etait-ce dans
le programme et dans la pensée du fondateur ? Le malheur commun
aux concours et aux écoles, c'est qu'on met également à leur charge
les médiocrités qui en sont le produit, et les sommités qui viennent
d'ailleurs. Avec le même argument on battrait en brèche les collèges,
qui fournissent des écrivailleurs par centaines, et qui n'ont formé ni
Jean-Jacques, ni Mme de Staël, ni Georges Sand, ni Béranger.
Ce fut seulement à sa neuvième année que le prix de Rome ren-
contra sa première illustration. Hérold remporta ce prix en 1812;
jusque-là on l'avait décerné à des hommes d'un mérite réel, comme
Androt, qui mourut presque le lendemain de son triomphe ; Dour-
len, qui vivait encore il y a peu de jours ; Gosse, Bouteiller, Blon-
deau, Daussoigne, Beaulieu, Chelard, tous destinés à une carrière
honorable, mais non éclatante. D'après le début on peut juger du
reste : le prix de Rome continua comme il avait commencé. Sur neuf
lauréats, Hérold seul eut plus que du talent ; Hérold seul se montra
vraiment doué de génie dramatique. Pour la suite, nous nous abs-
tiendrons des noms propres, afin de ne pas tomber dans la person-
nalité; mais ce qu'il y a de certain, c'est que les proportions demeu.
rèrent toujours à peu près les mêmes : sur huit ou neuf artistes de
talent, un seul compositeur s'élevaut au premier ordre ou en appro-
12
Revue et gazette musicale
chant ; un seul appelé à se, signaler au théâtre par de grands succès.
Un tel résultat ne suffl.'t-il pas à la justification du prix de Rome?
Où trouver un fonds de meilleur rapport' Si l'on se récriait sur la
rareté des musiciens dramatiques, il faudrait s'en prendre, non au prix
de Renie, mais à te nsture même, si avare des qualités par lesquelles
on réussit au théâtre. Pour consommer cette œuvre du démon qu'on
nomme un opéra, il faut un instinct naturel plus fort que toutes les
études ; il faut une intuition, une divination toute particulière qui
vous mette en rapport avec le public, et, quand elle vient à man-
quer, tout manque. Dans la vie des compositeurs les plus féconds,
Auber excepte, nous avons vu des lacunes de ces divinations heu-
reuses. Dans celle de quelques grands compositeurs, Cherubini en-
tre autres, la divination n'est apparue qu'une fois, et la conjonction
entre le public et lui ne s'est opérée que dans les Deux Journées.
Justement, à cette époque, le théâtre Feydeau payait fort mal les droits
d'auteur, et ce n'était pas un des moins fâcheux effets de la con-
currence.
Notre unique grief contre le prix de Rome, ce sont les illusions
qu'il ne peut manquer de créer. Comment le jeune musicien dont
on couronne la cantate se défendrait-il de l'idée qu'il est né tout
exprès pour briller au théâtre, pour y récolter à pleines mains
la gloire et la fortune? Cependant quoi de plus incertain? Nous
n'avons jamais cessé de le dire aux lauréats qui s'acheminent vers
Rome. Nous voudrions qu'une fois pour toutes il fût bien entendu
que le couronnement d'une cantate n'est autre chose qu'un examen
subi avec succès, qu'une étape sur la route de l'artiste, et nulle-
ment un,f brevet qui lui garantisse l'avenir. Il est encore un mirage
qui contribue à tromper les jeunes gens : c'est ce libretto, ce poëme,
qu'on leur promet au retour de leur voyage, et que jamais on ne
leur donne, que moins que jamais on pourra leur donner. Pourquoi
ne pas rayer des cahiers de charges une clause inexécutable, par cette
simple raison que ni l'Etat ni les directeurs n'ont droit de contrainte
sur les auteurs, et que nous n'avons pas encore d'atelier où l'on
confectionne des libretti sur mesure? De quoi le lauréat pourrait-il
se plaindre? L'Etat n'a-t-il pas fait assez pour lui en le désignant
au public par une distinction, une récompense, en l'aidant par une
pension de cinq années à terminer son éducation ? Il faut
empêcher le prix de Rome de se convertir en créance à terme
fixe, dont tout lauréat vient réclamer le paiement ; et si on ne le
satisfait pas, il proteste avec bruit et scandale. Le pensionnaire de
Rome ne doit pas tendre à se transformer en pensionnaire à per-
pétuité, dont l'Etat s'engage à faire les affaires, accepte la tutelle et
assure le pain quotidien jusqu'à la fin de ses jours. L'éducation
donnée, le mérite constaté, n'est-il pas bon que le lauréat sache
que le moment est venu de voler de ses propres ailes et de pour-
voir lui-même à ses intérêts, à ses besoins?
Moyennant ces légères corrections, nous trouverions le prix de Rome
à l'abri de toute critique. En serait-il de même, si on lui appliquait les
amendements introduits récemment dans les conditions des grands prix
de peinture, de sculpture, d'architecture, de gravure, les quatre aînés du
grand prix de musique ? Il ne faut pas être un grand clerc pour recon-
naître sur-le-champ que le concours ne gagnerait rien à changer de
juridiction, et à passer de l'aréopage d'une académie à celui d'un jury
composé de membres dont les noms seraient tirés au hasardjsur une
liste dressée par une autorité quelconque. Le prix n'en aurait pas
plus de valeur, ni le jugement plus d'indépendance. On objecte que
dans l'Académie des beaux-arts il n'y a que six musiciens, et que leurs
trente-quatre confrères sont peintres, sculpteurs, architectes, graveurs.
Mais voilà précisément le jury que nous demanderions pour toute œuvre
poétique et musicale du genre delà cantate. S'il s'agissait de pur con-
tre-point, de fugue, un jury spécial serait indispensable, tandis que
pour une production qui se présente sous forme théâtrale, il faut un
auditoire varié, comme celui du théâtre : des artistes et des gens du
monde. Les six musiciens sont là pour signaler les fautes d'orthogra-
phe que les concurrents ont pu commettre, pour constater que les
règles techniques ont été ou non observées ; quant au sentiment, à
l'expression, à l'effet, leurs confrères en jugent aussi bien qu'eux,
souvent mieux. Qui ne sait le danger du jugement des hommes spé-
ciaux, uniquement préoccupés de certaines parties de leur art? Ecou-
tez notre illustre et savant collaborateur, M. Fétis (1) : « Les artistes,
les savants en musique, en peinture, ne sont pas plus exempts de pré-
ventions et de préjugés que les ignorants : seulement ces préventions
et ces préjugés sont d'une autre espèce. Il n'est que trop ordinaire d'en-
tendre les musiciens soutenir sérieusement qu'eux seuls ont le droit, non-
seulement de juger la musique, mais de s'y plaire. Etrange aveugle-
ment, qui fait qu'on croit honorer son art en limitant sa puissance! »
Nous nous permettons d'ajouter : On n'évoque les procès, on ne des-
saisit les tribunaux que pour cause de suspicion légitime. Où sont les
faits qui motivent celle qu'on ferait planer sur l'Académie des beaux-
arts? Où sont les concurrents qui, toujours méconnus par elle, tou-
jours privés des palmes du concours, lui ont démontré son aveuglement,
en s'emparant triomphalement de nos théâtres, en conquérant un
siège dans son enceinte ? Non, rien de tel ne s'est jamais produit. Si
l'Académie a mérité d'être accusée, ce n'est que d'une indulgence
trop grande. Et par qui donc remplacer ces six musiciens, aujour-
d'hui chargés de juger en première instance le concours de musique ?
Nous défions qui voudra de trouver parmi les compositeurs de Paris,
de toute la France, six noms qui inspirent autant de confiance que
ceux de MM. Auber, Carafa, Ambroise Thomas, Reber, Berlioz, Cla-
pisson. Et ces six noms représentent l'Institut : ceux qu'on leur subs-
tituerait, que représenteraient-ils ?
Donc, il n'y aurait aucun profit à déposséder l'Académie des beaux-
arts du jugement des concours de musique. Serait-il plus utile d'a-
baisser de cinq ans, comme on l'a fait pour les autres concours, la
limite d'âge, et de déclarer qu'au-delà de vingt-cinq ans les musi-
ciens ne pourraient plus concourir, et aussi d'abréger d'un cinquième
le voyage de Rome et la pension dont les lauréats jouissaient pen-
dant cinq ans ? Tout cela est de peu d'intérêt. Sur la totalité des
grands prix, c'est à peine si trois ou quatre concurrents avaient plus
de vingt-cinq ans ; et même on en a vu qui n'en comptaient pas
plus de quatorze ou quinze. Quant au voyage, la plupart l'abrègent
eux-mêmes. Qu'importe que la pension dure moins longtemps, si
l'on en grossit le chiffre ? Reste la suppression des seconds prix, en,
faveur desquels il a été fait des libéralités nombreuses. D'autres
que nous examineront s'il y a justice et convenance.
Aujourd'hui, nous n'avons plus assez d'espace pour traiter de la
situation que les compositeurs, les auteurs et les artistes font aux
théâtres, ainsi que des projets d'établissement d'opéras populaires et
de leurs chances de succès.
Paul SMITH.
{La suite prochainement.)
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN.
MËott IBftsfjunle et Mafia «f» Mtohan.
Il y a tout justement huit jours que Don Pasquale nous est revenu
avec Mlle Patti dans le rôle de Norina, qui lui avait valu l'un de ses plus
beaux succès de l'année dernière. Faut-il dire ce qu'il lui a valu cette
année, où, de l'aveu général, sa voix a gagné en force, en éclat, sa
méthode en richesse étincelante et variée ? Quant à la comédienne,
elle ne pouvait faire de progrès. Mlle Patti est une Norina telle qu'on
(1) La Musique mise à la portée de tout le monde, p. 296.
DE PARIS.
63
en chercherait vainement une autre dans toutes les régions drama-
tiques. C'est la coquetterie, la séduction, la ruse féminine dans son
expression la plus haute et la plus triomphante ! Il y a là de quoi
faire tourner la tète à tous les barbons les plus sages et les plus forts,
sauf à les frapper ensuite, sans scrupule et sans pitié, du coup
mortel.
Le nouveau buffo Scalese n'a pas moins réussi dans le rôle de
don Pasquale que dans celui de Bartolo. C'est décidément un artiste
qui a marqué son rang dans la troupe parisienne. Il a dit à merveille,
avec son adorable et terrible préLendue le duo du soufflet. Delle-Sed ie
chante et joue parfaitement le rôle du docteur Malatesta ; en revoyant
Mario dans celui d'Ernesto, le coquin de neveu, nous avons oublié
que vingt et un an se sont écoulés depuis la première représentation
de l'ouvrage ; nous l'avons encore oublié bien mieux en l'entendant
chauler la printanière et juvénile sérénade : Corn' è gentil — in notte
a wezzo april, qu'on lui a redemandée unanimement et qu'il a re-
dite au milieu des bravos.
De toute la saison, nous n'avons pas eu d'opéra aussi bien monté
que Don Pasquale. Et puis c'est chose si amusante, si bonne qu'une
musique spirituelle et franche, rappelant les vieux chefs-d'œuvre de
l'école italienne, sans cependant trop les copier !
Maria di Rohan a été jouée deux jours après Don Pasquale :
c'est encore du Donizetti, mais d'un tout autre style. On y trouve
plus de savoir-faire et de talent que d'inspiration vraie. Le Duel
sous Richelieu était un drame trop serré, trop violent pour qu'un
compositeur y eût ses coudées franches. Donizetti s'y est servi d'un
procédé qu'il n'a employé que trop souvent quand les idées ne lui
venaient pas, pour faire des opéras à peu près sans musique. Du
reste , Maria di Rohan n'a eu qu'à se louer de ses interprètes, et,
d'abord, de Mme Charton-Demeur, dont la voix a le double avantage
de la vigueur et de la légèreté. Nulle autre qu'elle n'aurait pu rendre
mieux l'air du troisième acte,, qui a enlevé tant de bravos. Sans éga-
ler Ronconi qui était inimitable dans le rôle d'Enrico,Delle-Sedie y a
montré un profond senliment; et le jeune Nicolini a fait encore un
pas en avant dans le rôle de Ricardo , le Chalais de la pièce fran-
çaise.
P. S.
ADDITIONS ET CONCERTS.
Sarasate. — Mlle Mêlante Etterlin. — il, et lime Ar-
chatnbaud. — Henri Ketteii. — Silvestrïo Slicosio. —
Mme Joseph Ronlnson.
Un des concerts les plus intéressants de la saison, du moins jus-
qu'à ce jour, c'est celui que le violoniste Sarasate a donné lundi
dernier dans la salle Herz, en présence d'un nombreux auditoire. Ce
jeune artiste a tenu toutes les promesses de ses débuts. C'est aujour-
d'hui un virtuose complet, joignant à la pureté, à la justesse, à
l'énergie du son, un sentiment exquis, un charme pénétrant. Les
quatre morceaux exécutés par lui, dans sa soirée de lundi, ont am-
plement confirmé notre appréciation. La fantaisie sur différents motifs
de la Forza del destino, a été dite avec une perfection rare. Ses
souvenirs de Faust l'ont pourtant mieux servi encore ; on y retrouve
tous les sentiments dramatiques, tous les gracieux accents qui ont valu
tant de sympathies à ce bel opéra de Gounod. Nous en dirons autant
du duo pour piano et violon, composé sur des motifs de la Juive,
par Sarasate et L. Diémer. Ce morceau a clos dignement ce concert,
dont Sarasate a eu, comme de raison, les honneurs principaux. Ne
négligeons pas toutefois de signaler les artistes qui lui ont prêté leur
concours, et qui tous, sans exception, ont mérité d'avoir leur part
dans les bravos qu'on lui a prodigués.
La partie vocale était confiée à trois artistes, recommandables cha-
cun dans son genre. Le mezzo-soprano de Mme Gagliano a fait par-
ticulièrement merveille dans le magnifique arioso du Prophète.
Léon Duprez a, peut-être, été moins heureux ; sa voix n'a pas conquis
la force, la sonorité qui lui manquaient au théâtre Lyrique ; mais en
revanche, il la conduit avec un art qui trahit, à chaque émission,
l'influence des leçons paternelles. Quant à Berlhelier, tout le monde
sait avec quel entrain , et quelle verve, nous dirons plus , avec
quelle finesse spirituelle il dit ses amusantes chansonneLtes.
— Mlle Mélanie Etterlin est une jeune pianiste qui mérite d'être
distinguée pour la netteté et l'élégance de son jeu. Le concert
qu'elle a donné a été des plus satisfaisants, et le choix des morceaux
qu'elle y a exécutés, n'a pas peu contribué à ce résultat. Comme
artiste, elle a conquis tous les suffrages dans la sonate en la majeur
de Scarlatti, dans une très-jolie saltarelle de Dreyschock et dans
une brillante fantaisie de Thalberg. La musique d'ensemble ne lui a
pas été moins favorable, et elle a dit, en excellente musicienne, le
deuxième trio pour piano, violon et violoncelle, de Mayseder, avec le
concours des frères Lamoury, ainsi qu'une grande fantaisie pour
piano et violon, sur Oberon, par Wolff et Vieuxtemps, avec Fran-
çois Lamoury. Ce dernier a, en outre, interprété d'une manière re-
marquable une Fantaisie appassionaia de Vieuxtemps, et son frère
Philippe a fait applaudir sur son violoncelle, VAndanle religioso et
le Rondo du beau concerto militaire de Servais. Le chant était
représenté par Mme Alard-Guérette et par le sopraniste Bollaërt qui,
en dépit de l'étrangeté de sa voix, a forcé les bravos de l'auditoire
par le goût qu'il a mis dans l'interprétation de deux charmantes
mélodies de J. Cressonnois, Regrets, et Riche et Pauvre.
— M. et Mme Archainbaud sont fidèles à la bonne habitude qu'ils
ont prise de faire intervenir l'opérette de salon dans leurs con-
certs de chaque awiée. La première partie de la soirée donnée
par eux, ces jours derniers, dans les salons de Pie yel- Wolff, était
remplie par un choix excellent de morceaux, qui, tous, ont fait
le plus grand plaisir.
L'opérette d'A. Mutel, qui composait la deuxième partie, a été
accueillie par d'unanimes bravos. Elle a pour titre : Promenade
dans un salon, et ne comporte que deux personnages, joués ce
soir-là par le couple Archainbaud. Il s'agit, dans cette bluette, d'un
M. Albert qui, pour fuir les fureurs jalouses de sa maîtresse, se
réfugie chez une jeune veuve, locataire de sa maison, dont il trouve
les portes ouvertes, et qui finit par se retirer en emportant l'es-
poir de lui faire bientôt oublier son veuvage. Ce petit acte, leste-
ment conduit, est semé de jolis morceaux, parmi lesquels nous
avons remarqué une très-gracieuse romance et un duo fort bien
fait et rempli d'agréables détails. M. et Mme Archaimbaud se sont
acquittés de leurs rôles en vrais comédiens, tout à fait en état de
soutenir victorieusement la comparaison avec plus d'un artiste de
nos scènes parisiennes.
— Le concert donné, mardi, par Henri Ketten, dans les salons de
Pleyel-Wolff, a été de sa part un continuel enchantement. Après avoir
supérieurement fait sa partie dans le quatuor en mi bémol de Beetho-
ven, qui a été couvert d'applaudissements, il a exécuté, avec un talent
inimitable, trois fort jolis morceaux de sa composition, la Cascade, le
Chant des Pêcheurs et une Mazurka. Dans la seconde partie, il
s'est encore surpassé, s'il est possible; en jouant avec M. Joseph
Wbite le beau duo sur Guillaume Tell, arrangé par Osborne et de
Beriot, puis, seul, une mélodie hongroise de Schubert, le nocturne
en fa dièze de Chopin, et la délicieuse fantaisie de Thalberg sur l'E-
lisire d'amore.
La partie vocale nous a révélé une toute jeune cantatrice, Mlle Rosa
hh
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Ketten, la sœur du bénéficiaire, dont la voix pure et bien timbrée
donne déjà plus que des espérances.
— A son concert donné dans la salle Pleyel-Wolff, M. Silvestrio
Nicosio, qui s'intitule lui-même violoniste italien, a joué plusieurs
morceaux fort bien choisis et dont l'effet ne saurait. être contesté. Nous
persistons toutefois dans l'opinion que nous avons émise sur les iné-
galités de cet artiste, qui sait parfois tirer de son instrument des sons
purs et suaves, mais qui trop souvent sacrifie le bon goût à d'excen-
triques fantaisies, à des traits dont l'audace heureuse ne peut faire
excuser la singularité. Nous excepterons de cet arrêt qui, d'ailleurs,
nous est tout personnel, la sonate de Beethoven pour piano et violon,
que M. Nicosio a exécutée avec M. Steiner d'une façon irréprochable;
ce n'est cependant pas ce morceau qui lui a valu le plus de bravos.
— L'Angleterre, qui a aussi ses virtuoses, pratique avec nous le
libre-échange en fait d'art comme en fait de commerce, témoin
Mme Joseph Robinson, une gracieuse et brune Anglaise, qui nous ar-
rive précédée par une réputation dont elle vient chercher la consé-
cration à Paris. Naturellement, un grand nombre de ses compatriotes
l'assistait, jeudi dernier, dans les salons Erard, où avait lieu sa soirée
d'épreuve. Encouragée sans doute par leur présence, Mme Robinson
s'est parfaitement tirée de son premier contact avec un public pari-
sien, et son triomphe a été des plus complets. Dès le début, on a re-
connu qu'on avait affaire à une habile musicienne, possédant de rares
et précieuses qualités. L'expression, la netteté, la délicatesse, voilà
ce qui frappe d'abord dans son jeu, auquel on ne pourrait souhaiter
qu'un peu plus d'énergie et d'ampleur. La perfection avec laquelle
elle a interprété, en compagnie d'Armingaud, l'andante, les variations
et le presto de la sonate de Beethoven pour piano et violon, nous a
prouvé qu'aucun secret de la science des maîtres ne lui était étranger.
Les seuls partenaires de Mme Robinson, dans cette soirée, étaient
le violoniste Armingaud, qui a dit avec un grand charme de style
la romance en sol de Beethoven, et Iules Lefort, qui a chanté avec un
"oût parfait plusieurs mélodies, et entre autres :,Page, écuyer, capi-
taine, de Membrée, et Comme à vingt ans, de Durand, qui lui ont
valu des bravos unanimes.
REVUE CRITIQUE.
Stcpticn Heller. — Feolles d'automne, pour piano.
« S'il est quelque chose qui console au point où l'art est par-
venu, c'est de rencontrer un esprit vigoureux, un sentiment actif
qui, dans l'exiguïté de la dimension, sache placer le grand et le
beau , lesquels résultent toujours de l'originalité de la pensée :
Stéphen Heller est cet esprit-là. » Ces lignes, que nous empruntons à
la biographie de cet éminent artiste, sont de M. Fétis, le juge le plus
autorisé en matière musicale. Si nous les rappelons ici, c'est qu'elles
sont la meilleure préface de l'œuvre nouvelle qui nous occupe.
Feuilles d'automne, tel est le titre de cette exquise composition, tout
empreinte d'un charme rêveur, d'une expression élégiaque, dont l'affi-
nité dans les idées explique peut-être l'identité de ce titre avec celui
d'un des recueils de poésies les plus célèbres de Victor Hugo. Stéphen
Heller, poëte autant que musicien, est du très-petit nombre de ces
hommes exceptionnels qui, dans leur art, peuvent affronter un rappro-
chement avec le grand génie que la politique nous a fait perdre, et que
nous regrettons de voir se consumer vainement dans un exil volon-
taire.
Par un autre point de ressemblance, Stéphen Heller s'est aussi exilé
de l'arène militante ; pianiste hors ligne, il a pour ainsi dire renoncé à
se faire entendre en public, si ce n'est dans de bien rares circonstan-
ces, comme celle qui l'a décidé à rompre, cet été, le silence en faveur
de nos voisins d'Angleterre. Mais, du moins, le temps qu'il refuse à l'in-
terprétation de ses œuvres, il le consacre utilement à produire de
charmantes choses, dont les plus exiguës, les plus modestes contien-
nent encore plus d'inspirations nobles et élevées que certains grands
morceaux prônés avec fracas, mais bientôt oubliés.
Feuilles d'automne, par exemple, c'est à peine un morceau de quel-
ques pages, et qui, néanmoins, se subdivise en deux parties, un allegro
assai et un andante tenero. Bien peu de compositeurs seraient capables
de réunir dans une œuvre aussi courte autant de pensées mélodiques,
variées dans leur forme et dans leur caractère, jamais vulgaires, jamais
banales, exemptes surtout de ces difficultés prétentieuses qui fatiguent
et rebutent l'auditoire, quand l'exécutant n'y succombe pas lui-même.
En somme, cette dernière œuvre de Stéphen Heller, que nous n'osons
analyser de peur d'en détruire le prestige, obtiendra les sympathies
des connaisseurs aussi sûrement que la plupart des précédentes pro-
ductions de ce maître, dont le talent est celui qui se rapproche le
plus du genre de Chopin. C'est un digne corollaire de ces inimitables
Préludes dont l'éclatant succès est bien loin d'avoir dit son dernier
mot. Tous les pianistes qui les ont admirés avec juste raison, vou-
dront connaître les Feuilles d'automne. La renommée de Stéphen Hel-
ler ne pourra pas grandir puisqu'elle est à son apogée, mais elle y
gagnera, sans nul doute, une nouvelle et glorieuse consécration.
P. 3.
REVUE DES THÉÂTRES.
Odéon : une Journée à Dresde, comédie en un acte et en vers, de
M. Manceau . — Vaudeville : Monsieur et Madame Fernel, comé-
die en quatre actes , avec prologue , par MM. Louis Ulbach et
Crisafulli. — Gaité : la Maison du baigneur, drame en cinq actes
et douze tableaux, par M. Auguste Maquet. — Théâtre impérial du
Chatelet : Reprise du Naufrage de la Méduse, de MM. Dennery
et Ch. Desnoyers.
A cette époque de l'année les nouveautés sont rares ; le carnaval
a ses indulgences, et 1er épertoire courant, qu'il soit bon ou mauvais,
suffit au public, qui réserve ses sévérités pour le carême. En atten-
dant, la moisson de notre quinzaine se réduit à deux pièces de quel-
que importance et à un petit acte en vers, assez insignifiant. Ce der-
nier a été joué à l'Odéon, sous le titre d'une Journée à Dresde.
Trop d'actualité n'est certes pas le reproche qu'on puisse lui faire ;
on serait plutôt porté à se demander où est l'à-propos de ce souvenir
anedoctique de la campagne de 1813.
La pièce est signée du nom de M. Alexandre Manceau, déjà
connu comme graveur de talent dans le monde artistique. Il
avait fait courir le bruit qu'une illustre collaboration l'avait aidé à
se produire au théâtre. Mais , grâce à un plus ample informé , il
paraît que, du fond de sa retraite de Nohant, Mme Sand s'est bornée
à patronner le jeune auteur, dont l'œuvre, après tout, semée ça et là
de vers heureux, a réussi suffisamment pour dégager la responsabilité
de sa généreuse protectrice.
Sous le titre de Monsieur et Machine Fernel, il existe un roman
dans lequel M. Louis Ulbach a fait preuve de qualités analytiques qui
rappellent, dans plus d'un passage, la manière de Balzac. Le succès
du livre a déterminé l'auteur à le dramatiser, et en cela, nous croyons
qu'il pourrait avoir fait un mauvais calcul. A la scène il faut
de l'action, du mouvement; l'analyse, quelque fine, quelque ingé-
nieuse qu'elle soit, n'est pas de saison. Balzac est là pour le prou-
ver , ses plus charmantes créations n'ont pu prendre même au théâ-
tre, la Comédie-Française n'a pas oublié le triste sort du Lys dans
la vallée, ce chef-d'œuvre du genre. jOr, en élaguant du roman
de M. Ulbach la peinture délicate des mœurs provinciales, qui cons-
titue son principal mérite , que reste-t-il ? Une intrigue assez pro-
saïque, assez commune qui n'a plus, pour la sauver, le prestige
des développements littéraires. M. Fernel, un ancien notaire de pro-
vince, a épousé une jeune femme parfaitement honnête, dont l'idéal
ne semble pas s'élever au-dessus des soins du ménage et de l'éduca-
tion de ses enfants. Survient un journaliste, un jeune homme instruit,
distingué, formé aux façons du monde; et voilà la paix du cœur de
Mme Fernel à tout jamais compromise. Elle aime Jules Renaut sans
oser l'avouer, et celui-ci l'adore sans le lui dire. Il est bien en-
tendu que, selon l'éternel usage, l'ancien notaire ne voit et ne soup-
çonne rien. Ses yeux sont, d'ailleurs, fortement fascinés par les coquet-
DE PARIS.
Zi5
teries d'une charmante Parisienne qui est venue lui rendre visite. Mais
si le mari est aveugle , il y a dans la maison un ami, le docteur
Bourgoin, dont la vue est excellente. Il a deviné l'amour concentré de
Mme Fernel pour le brillant journaliste, et dès lors, il se fait la
promesse de ne plus prendre de repos avant d'avoir détourné l'o-
rage qui gronde sur la tète de son ami Fernel. Le moyen qu'il em-
ploie est bien simple et ne lui coûte pas un trop grand effort
d'esprit. 11 a remarqué que Mme de Soligny, la Parisienne échouée
sur ce récif départemental, n'était pas éloignée de prendre du goût
pour Jules Renaut; en conséquence, il met tout en œuvre pour les
rapprocher l'un de l'autre, pour leur persuader qu'ils se convien-
nent, et finalement, il les marie, sans tenir compte de l'opposition
jalouse de M. Fernel, ni des douleurs secrètes de sa femme. Il sait,
en bon médecin, que le temps guérira sa blessure.
Telle est, en substance, la donnée de la pièce et du livre de M. Louis
Ulbach. N'avions-nous pas raison de dire que les détails étaient tout
dans un pareil sujet? et les détails, à la scène, disparaissent forcé-
ment à travers les exigences d'une marche rapide. Nous n'en avons
pas moins à constater un succès contre lequel n'a surgi aucune pro-
testation. Mais, en dépit de ce résultat, nous doutons que M. et Mme
Fernel obtiennent au théâtre la vogue persistante qu'ils ont con-
quise en librairie. Les artistes, d'ailleurs, ne sont pas tous à leur place
dans cet ouvrage, et ils y font de vains efforts pour conjurer les vices
d'une malencontreuse distribution. Ce qu'on y a le plus remarqué,
ce sont, il faut l'avouer, les toilettes un peu tapageuses de Mlle
Francine Cellier. Ah ! s'il suffisait de quatre ou cinq robes élégantes,
portées par une jolie femme, pour faire réussir un pièce , comme
celle-ci irait aux nues !
— C'est encore d'un roman que le nouveau drame de la Gaîté est
tiré. La Maison du baigneur, de M. Auguste Maquet, fait suite à la
Belle Gabrielte, ouvrage du même auteur. 11 y a, dans ce dernier li-
vre, un certain chevalier de Pontis, personnage très-sympathique,
qui a le malheur de tuer, au dénoûment, le meilleur de ses amis.
Le chevalier est allé ensevelir sa douleur, mêlée de remords, à Gre-
noble, où il est investi du titre de lieutenant du roi. Mais il a laissé
à Paris son beau-frère, l'avocat Du Bourdet et ses deux fils. Ceci se
passe quelque temps avant l'avènement de Louis XIII au trône de son
père, assassiné par Ravaillac. Le fanatique, en subissant son horrible
supplice, a protesté, jusqu'au dernier moment, contre toute espèce de
complicité; mais l'opinion publique murmure tout bas des noms
abhorrés, et l'avocat Du Bourdet a le droit d'attester que l'instinct
populaire ne fait pas fausse route. Le hasard lui a livré le secret d'un
conciliabule tenu, dans la maison d'un baigneur, entre l'assassin du
roi et quatre personnes de haut rang, à la veille de la catastrophe.
Ces personnes sont la marquise de Verneuil, ancienne maîtresse de
Henri IV ; d'Épernon, l'un de ses principaux gentilshommes ; Con-
cini, le favori du jour; et un Espagnol, qu'on appelle le comte de
Siete-Iglesias. Il est, de plus, avéré que la reine Marie de Médicis
n'est pas restée étrangère à cette ténébreuse machination.
Tout le drame nouveau de M. Maquet est dans la lutte qui s'établit
entre les complices de Ravaillac et l'homme qui peut les dénoncer et
les perdre. Une demoiselle de Comon, dont les mémoires de l'époque
ont parlé, connaît aussi le secret de l'avocat Du Bourdet ; mais l'au-
teur de la Maison du baigneur n'a pas jugé à propos de la mettre en
scène. Du Bourdet seul supporte le poids de la haine de ses puis-
sants ennemis, et finit par y succomber. Alors, son fils Bernard fait
le serment de le venger. Malheureusement, son bras est bien faible
pour une pareille tâche, et, vingt fois, il y laisserait sa vie, comme
son père, s'il n'était protégé secrètement par une femme attachée au
service de la reine mère. Poursuivi et traqué par ses adversaires, il
est sur le point de périr, lorsque le chevalier de Pontis sort enûn
de sa retraite, force les portes du Louvre, et vient, à lui seul, éclairer
la religion du jeune roi : car Pontis accompagnait son beau-frère dans
la maison du baigneur, le jour de la fameuse révélation. Le roi veut
des preuves, et Pontis le conduit dans cette même maison, où il lui
fait voir les mêmes individus occupés, cette fois, à comploter sa dé-
chéance et peut-être sa mort. Louis XIII rentre au Louvre aussi
mystérieusement qu'il en est sorti, et le lendemain Paris apprend, en
se réveillant, que Concini a été tué sur le seuil de l'habitation royale,
et que la reine-mère est exilée à Blois. Le comte de Siete-Iglesias a péri,
écrasé dans la maison du baigneur où il s'était réfugié, et Bernard est
libre d'épouser sa veuve, qui n'est autre que la femme inconnue à
laquelle il doit la conversation de sa vie et de celle de son jeune
frère.
Ce drame, bâtons-nous de le dire, a obtenu un éclatant succès,
grâce à l'intérêt qui y règne d'un bout à l'autre, et à l'habileté dont
M. Maquet y a fait preuve presque â chaque scène. La direction n'a
rien épargné pour les décors et les costumes. Quant à la distribution,
tout le monde s'est accordé à la trouver irréprochable; mais les
bravos ont surtout été prodigués, et c'était justice, à Mlle Lia Félix,
chargée du rôle de la comtesse, et â Dumaine, qui représente le che-
valier de Pontis.
— L'importante reprise du Naufrage de la Méduse attire du monde
au théâtre impérial du Châtelet. Cette pièce, jouée pour la première
fois à l'Ambigu, il y a plus de vingt ans, a bien un peu vieilli; mais
les magnificences d'une mise en scène réglée par M. Hostein qui est,
comme on sait, passé maître en ce genre, font oublier tout le reste.
On se préoccupe fort peu de l'action ; on ne voit qu'un spectacle
fait pour charmer les yeux bien plus que les oreilles, et on applaudit
à toute outrance le tableau qui reproduit l'œuvre célèbre de Géricault,
ainsi que celui du baptême de la ligne, où l'on a intercalé un ballet
fort original, de M. Honoré.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
„.** Au théâtre impérial de l'Opéra, Moise a rempli seul les trois re-
présentations de la semaine. Toujours même admiration pour l'œu-
vre, même exécution remarquable et même recette. Mme Zina-
Mérante avait remplacé Mlle Vernon dans le pas de trois; elle y a été
beaucoup et justement applaudie.
„% On annonce pour cette semaine la première représentation du
nouveau ballet en trois actes, la Maschera.
*** Mlle Sax est en ce moment en représentations à Nantes. Elle a
chanté successivement dans Robert, le Diable et le Trouvère, avec un
grand et légitime succès.
*% La Fiancée du roi de Garbe obtient de plus en plus la faveur du
public ; les recettes du dernier opéra-comique d'Auher ont été jusqu'à
présent d'environ 6,100 francs par représentation.
„.*„. Mlle Darcier a débuté mercredi dans la Fille du régiment. Cette
jeune cantatrice , qu'on a vue aux Bouffes-Parisiens, ne manque pas
d'habitude ni d'aplomb, mais sa voix est tout à fait insuffisante pour
l'opéra-comique.
*** IX. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont assisté dimanche passé
à la représentation du Barbure où jouait Adelina Patti, et ont daigné
souvent donner le signal des applaudissements. Après la Gioja insolita.
Mlle Patti a chanté aux bravos unanimes la Calesera, que le public a
également redemandée. — Les sœurs Marchisio, qui débuteront dans
Semiramide, Mme Spezia, Agnesi et Pagans doivent se faire entendre
incessamment.
*** Hier le baryton Aldighieri a débuté dans le Trovatore, chanté par
Mmes Charton, Méric-Lablache et Musiani.
*** Au théâtre Lyrique, où les représentations de Rigoletto sont très-
suivies, on annonce pour ce soir la dernière représentation de Faust et
la très-prochaine apparition du nouvel ouvrage de Gounod, Mireille,
qui, dit-on, sera donnée le 20 de ce mois.
*% Les Bavards et Mme Ugalde, Lischen et. Fritzckcn et Signor Fagotto
attirent la foule aux Bouffes-Parisiens. Le Violoneux, d'Offenbach, tou-
m
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
jours revu avec plaisir, et le Duel de Benjamin, la charmante opérette de
Jonas, ont été repris à ce théâtre.
*% Mme Frezzolini, qui se trouve à Venise à la tête d'une troupe
d'opéra italien, a donné au théâtre San Benedetto plusieurs représenta-
tions dont le résultat a été très-satisfaisant pour l'éminente cantatrice.
„*„, M. Auber est complètement rétabli de l'indisposition dont plu-
sieurs journaux ont parlé. Il a pu présider le dîner qu'il donnait pour
le 82e anniversaire de sa naissance.
*** Le Théâtre-Royal de Bruxelles vient de monter avec un grand
succès un ballet féerique qui dépassera tout ce qu'on a vu à Bruxelles
par la splendeur de la mise en scène et par l'éclat des talents, etc. Les
journaux signalent dans ce ballet, intitulé Flamma, une nouveauté, l'in-
troduction à l'orchestre d'un instrument qui a produit le plus bel effet.
Les variations exécutées par M. Beeckmans sur le saxophone ont dé-
routé une bonne partie du public. M. Beekmans les a jouées avec une
sûreté, une justesse, une élégance, une précision et un éclat incom-
parables.
**» Mlle Lagrua vient d'être engagée par M. Gye à l'opéra italien de
Covent-Garden, à Londres, pour trois saisons. C'est une bonne fortune
pour le théâtre. .
*** L'excellent ténor Reichardt, l'auteur de la romance : Oh belle
étoile ! qui récemment a obtenu tant de succès dans une tournée ar-
tistique entreprise en Angleterre avec Carlotta Patti, se trouve à Paris,
où nous aurons bientôt occasion d'aprécier son talent de chanteur et
de compositeur.
*** La Société philharmonique de Saint-Pétersbourg avait engagé
Henri Litolff à venir diriger deux de ses concerts, mais le célèbre
artiste n'a pu accepter cette offre brillante. Il ne quittera pas Paris
cet hiver; il met la dernière main à plusieurs ouvrages importants,
destinés à nos scènes lyriques, et consacrera ses moments de loisir à
donner quelques leçons de composition et de piano chez lui.
*** Le troisième concert du Conservatoire a lieu aujourd'hui, diman-
che. En voici le programme : 1. Symphonie en ré, de Beethoven; 2. Frag-
ments de Fernand Cortez, scène de la révolte, de Spontiui; solo chanté
par M. Gueymard: 3. Concerto pour violon, de Mendelssohn, exécuté
par M. Maurin; 4. Les Ruines d'Athènes, de Beethoven; Guillaume Tell,
de Rossini.
*** Camille Sivori, qui se fait entendre aujourd'hui au Cirque,
donnera, le 15 février, un concert à la salle Herz. Le célèbre violo-
niste sera secondé par Mme Gagliano, Mlle Perez , professeur au
Conservatoire de Marseille, M. Braga et M. Stroheker.
*** Voici le programme du concert populaire de musique classique,
qui aura lieu aujourd'hui au Cirque-Napoléon : symphonie en fa ma-
jeur, de Beethoven ; marche turque, de Mozart ; la chasse, de Haydn ;
concerto en si mineur pour violon, de Paganini, exécuté par Sivori ; ou-
verture d'Oberon, de Weber.
*** On annonce une soirée de musique de chambre donnée, le jeudi
18 février dans les salons Erard par Mme Tardieu de Malleville,
MM. Sivori et Piatti. De pareils noms dispensent de tout commentaire.
*% La Société des quatuors français donnera sa deuxième séance
le 11 courant, dans les salons de Pleyel. L'intéressant programme dû
aux œuvres de nos compatriotes est des mieux choisis ; on peut en
juger : 1° huitième quatuor de Ch. Dancla ; 2° troisième trio de
H. Reber; 3° huitième quintette de G. Onslow, connu des amateurs
par sa dédicace au baron de Pounat.
*** Louis Lacombe se dispose à donner, le 24 de ce mois, un grand
concert dans les salons d'Erard. Ce sera le premier, après un silence
de trois ans.
.% C'est le vendredi 12 février et non le 22, comme on l'a écrit par
erreur, que doit avoir lieu, dans les salons Pleyel, le premier concert
de M. Camille Saint-Saens. M. Portheaut conduira l'orchestre.
*% Le 16 février, dans les salons Erard, concert de M. et Mme Wilhelm
Langhans, avec le concours de Mme Ernest Bertrand et de M. Lee.
,% Mlle Marie Perez, professeur au Conservatoire de Marseille, don-
nera le 23 février un concert à la salle Herz. Mlle Perez, dont le ta-
lent est, dit-on, fort remarquable, aura le concours de Sivori, de G.
Braga et de divers artistes de mérite.
„,% Une Saltarelle pour le piano composée par Scotson Clark, auteur
anglais d'un talent réel, obtient en ce moment un succès très-mérité.
,,** Le bal annue', organisé par le comité de l'association de secours
mutuels des artistes dramatiques et patronné par LL. MM. l'Empereur
et l'Impératrice aura lieu, le 27 février, dans la salle de l'Opéra-Co-
mique.
„..** La transcription du finale du troisième acte de Moïse par D. Ma-
gnus est très-recherchée par les amateurs de musique de piano bien
faite et à effet.
*** Les éditeurs E. Challiot et C° ont traité avec M. Auber pour la
partition de la Fiancée du roi de Garbe.
s** Un ouvrage nouveau de M. Edouard Grégoir , d'Anvers . L'His-
toire de la facture et des facteurs d'orgues, suivi d'une Biographie générale
de tous les organistes, et la nomenclature des ouvrages didactiques et histori-
ques publiés sur l'orgue, va paraître prochainement. Ce livre comprendra
principalement l'histoire de l'orgue dans les Pays-Bas et la Belgique.
*** Une famille d'artistes qui ont habité la Havane et la Nouvelle-
Orléans, où ils donnaient des leçons de piano, désirent trouver dans une
ville du entre Cou du Midi, un fonds de magasin de musique à céder.
S'adresser pour les renseignement au Nouvelliste, à Alençon.
„,** L'Agenda musical de 1864 (Musical directorg) donne les indica-
tions suivantes sur les personnes, à Londres, dont les occupations
touchent à la musique. Professeurs de chant, d'instrument et d'harmo-
nie, environ 1,450; éditeurs et marchands de musique, 129; fabricants
de pianos, 160; facteurs d'orgues, 45; facteurs d'instruments et luthiers,
80. A Londres il existe environ 60 sociétés musicales, plus ou moins im-
portantes, parmi lesquelles nous citerons l'Académie royale, l'Académie
de Londres ; la société de musique sacrée, fondée en 1832 ; la société
Bach (1840); la société chorale de Handel, la société de musique sacrée
de Londres, la société chorale nationale, la société de musique de Lon-
dres (1858). Les chœurs dirigés par Leslie; l'Union musicale, l'Associa-
tion vocale (1836); la société philharmonique (1S13), la nouvelle société
philharmonique (1852), la société royale des musicieus de la Grande-
Bretagne (1738), etc., etc.
*** Tandis que la valse de Strauss sur Lischen et Fritzchen ainsi que
ses quadrilles sur Moïse et le Brésilien et les Bavards font fureur aux
bals de l'Opéra, la polka d'Arban sur la Conversation alsacienne d'Offen-
bach n'obtient pas moins de succès dans le monde dansant.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
**% Amiens, 1er février. — Le premier concert donné cette année par
la Société philharmonique a parfaitement réussi. M. le président de la
Société philharmonique avait eu l'heureuse idée de varier le pro-
gramme ordinaire de ces concerts, en remplaçant par un quatuor
d'instruments à cordes les cantatrices et les chanteurs en renom
qu'il nous fait entendre d'ordinaire pendant ces heureuses soirées ;
cette innovation a été généralement approuvée, et le 7e quatuor de
Mozart, la Sérénade de Beethoven, l'Hymne de Haydn, magistralement
exécutés par MM. Alard, Franchomme, Ney et White (ce dernier rem-
plaçant M. Magnin, retenu à Paris par une assez grave indisposition),
ont été applaudis avec enthousiasme.
„,*„. Lyon. — M. Luigini, le successeur de George Hainl à l'orchestre
du grand théâtre, annonce son premier concert qu'il organise à l'instar
de ceux que donnait avec tant de succès son prédécesseur. En voici
l'Intéressant programme : fragments du Songe d'une nuit d'été, de Men-
delssohn ; la prière, des Bardes, de Lesueur, avec accompagnement de
harpe; l'ouverture de Ruy-Blas, de Mendelssohn ; la Marche du cou-
ronnement, composée par Meyerbeer à l'occasion du sacre du roi de
Prusse. — Les reprises des Martyrs et les Dragons de Villars ont plei-
nement réussi. — Mme Cabel s'est rendue dans le Midi pour y hâter le
rétablissement de sa santé.
*% Niort. — Un éclatant hommage a été rendu à la mémoire de
M. Beaulieu, membre correspondant de l'Institut, grand prix de Rome
et fondateur des congrès de l'Ouest. A l'occasion d'un service, la So-
ciété philharmonique, à laquelle s'était adjoint un grand nombre de
musiciens des villes de l'association, a exécuté la messe :de Requiem,
que l'élève de MéhuI avait composée pour son maître. Cette œuvre
remarquable, déjà deux fois entendue à Paris, se distingue par l'éléva-
tion de la pensée, un sentiment religieux profond, un style sévère et
une instrumentation dont la sobriété n'exclut pas la puissance. Sous la
conduite de M. E. de Lavault, les chœurs et l'orchestre ont rendu les
moindres détails de (cette magistrale composition avec un ensemble
parfait et une grande intelligence. Aussi l'œuvre de M. Beaulieu a-t-elle
produit une vive impression sur l'auditoire distingué qui se pressait
dans l'église de Saint-André. Une quête faite au bénéfice des indigents
a produit une somme de 900 francs.
»*„ Poitiers, 3 février. — Le conceit annuel au profit des pauvres a
DE PARIS.
47
eu lieu vendredi 2(J janvier. Il y avait foule. L'habile violoniste E. Le-
vôque a fait littéralement furore. On a entendu aussi avec plaisir le ténor
Peschard, et M. Clavel, baryton. Mlles Mezeray, filles de l'excellent chef
d'orchestre du grand théâtre de Bordeaux, que nous connaissions déjà,
ont été fort bien accueillies. Nous constatons avec plaisir les progrès de
notre Société chorale. Deux ouvertures convenablement exécutées, sous
la direction de M. Purais, complétaient le programme de la soirée.
CHRONIQUE ETRANGERE.
„*» Londres. — Le premier concert que la Société musicale de Lon-
dres vient de donner cet hiver a été très-remarquable. L'ouverture de
Struensée, de Meyerbeer, et de Coriolan, de Beethoven, une scène de la
cantate de Bénédict Richard-Cœur-de-Lion, la symphonie de Spohr,
Die Weihe dir Tœne et un concerto de Mozart en étaient les princi-
paux éléments. — Vieuxtemps s'est fait entendre au dernier concert po-
pulaire du lundi ; il y a partagé son succès avec Arabella Goddard et
M. Santley.
- „*„. Berlin. — Robert le Diable avait attiré la foule au théâtre de la
cour. Mme Braunhofer, du théâtre de Karlsruhe, a chanté le rôle d'Isa-
belle ; Mlle Santer, celui d'Alice. — La troupe italienne est inférieure à
celles que nous avons entendues précédemment. Jusqu'ici elle a repré-
senté deux opéras au théâtre Wilhelmstadt : Le Trovatore, avec Mme
Keneth (Léonore), et la Somnambule, Mme Lustani (Adine). — Dans la
deuxième soirée du Domchor on a entendu entre autres : 0 Magnum mys-
terium, de Scarlatti ; Requiem, de Jomelli; motets de Melchior Frank et
de S. Bach ; air et chœur du Stabat, de Joseph Haydn. — Un concerta eu
lieu à la cour dans la salle blanche. On y a exécuté : Le chœur à'An-
tigonc, de Mendelssohn; ouverture de Struensée, de Meyerbeer; sextuor
de Un ballo in maschera, de Verdi ; fantaisie sur Don Juan, de Fr. Liszt,
etc. — Les représentations de Mlle Artot commenceront prochainement
au théâtre de la cour.
*** Francfort. — Carlotta Patti vient de donner son premier concert
en société avec Laub, Jaell etKellermann. Une foule immense remplis-
sait la salle. Un grand nombre d'amateurs des environs de la ville
étaient accourus à cette brillante soirée, pour y admirer les quatre ar-
tistes hors ligne.
»% Vienne. — Le 2 février, une messe vocale, de Franz Schubert,
a été chantée à l'église des Augustins. Le même jour, à l'église natio-
nale italienne, on a exécuté une messe nouvelle de Laurent Weiss. —
Au théâtre de la cour, on a représenté les Huguenots, avec Mlle Dust-
mann (Valentine) et Walter (Raoul). L'opéra de Gluck : Iphigénie en
Àidide, lequel est en répétition, sera représenté vers la fin de février.
t% Leipzig. — Au treizième concert du Gewandhaus, on a entendu
une œuvre inédite de Norbert Burgmuller ; c'est l'ouverture d'un opéra
nouveau de sa composition, intitulé Denys. L'accueil qu'on lui a fait a
été des plus honorables pour l'auteur.
„% Prague. — Mlle Brenner avait choisi pour son bénéfice l'Etoile du
Nord, de Meyerbeer. La salle était comble, et le succès de la bénéfi-
ciaire a été des plus brillants. M. Gustave Schmidt à Francfort a été en-
gagé comme chef d'oichestreau théâtre national de Prague.
%*% Milan. — Le nouvel opéra de Rota, Ginevra di Scozia, a fait un
fiasco complet à la Scala. Le ballet Gazelda, de Perrot, représenté au
même théâtre, n'a pas eu un meilleur sort.
*** Moscou — Les représentations de Roberto il Diavolo sont toujours
très-suivies. Vialetti, dans le rôle de Bertram, y obtient surtout un suc-
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calculés pour être chantés pendant une messe basse. . 12 »
Op. 86. Salve Rcgina à, trois voix égales, accompagnement d'orgue,
dédié à M. l'abbé Moreau, publié dans la Lyre angélique 3 »
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L'immense succès que les Pianos de la Maison Henri HERZ ont obtenu à l'Exposition universelle de Paris, en 1855,
vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, il.
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14 Février 1864.
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GAZETTE MUSICAL
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Nos abonnés reçoivent, avec te numéro d'aujourd'hui,
une nouvelle composition d'ALFRED J,\ELLi : ifoc-
tui'ne étramatiQue, pour le piano.
SOMMAIRE . — Robert Schumann, par le baron lïrnonf. — Théâtre impérial
italien: Sémiramide et les sœurs Marchisio; Mme Spezia dans Norma. —
Correspondance : Bruxelles, lettre de M. Fétis père ; Marseille, le Pardon de
Ploermel. — Nouvelles et annonces.
ROBERT SCH01ANN 0).
. . . Enfin, vers le milieu de l'année 1830, Schumann (il était né
le 8 juin 1810), ne pouvant vaincre sa répugnance pour l'étude du
droit, trouva le courage de se déclarer positivement à ce sujet. Jus-
que-là, en s'adressant au redouté parrain, il évitait même de pro-
noncer le mot de musique, bien qu'il ne fût guère question que de
cela dans le reste de sa correspondance. Au mois de juillet 1830,
tout en le remerciant d'un envoi d'argent, il ose insinuer que « pour-
tant il voudrait bien ne pas abandonner tout à fait l'étude du piano.»
Le temps était à l'émancipation ; le jour même où s'accomplissait à
Paris une mémorable révolution, Schumann faisait à Heidelberg sa
petite révolution tout intime. Le 30 juillet, il écrivait à sa mère
pour lui annoncer qu'il était décidé à rester musicien, rien que mu-
sicien.
a Cetle lettre, dit-il, est la plus importante que j'aie encore écrite,
que j'écrirai jamais. Ma vie est présentement une lutte entre la poésie
et la prose, la musique et le droit. Dans le cercle des études prati-
ques, j'avais également mon idéal. Là aussi, je voulais devenir maî-
tre, arriver à une position honorable et enviée ; mais est-il possible
que j'y réussisse jamais en Saxe, moi qui ne suis ni noble ni riche,
qui n'ai ni protecteurs puissants ni goût pour ces allures de mendiant,
pour ces chipotages juristiques par lesquels il faut passer pour faire
(1) Dans le dernier numéro de la Revue contemporaine (31 janvier) M. le baron
Ernouf a publié sur ce célèbre et malheureux artiste, une remarquable étude,
dont nous reproduirons quelques fragments.
son chemin dans cette carrière. A Leipzig, je n'avais rien fait qui
vaille ; ici, tout en travaillant davantage, je me sens de plus en plus
impérieusement dominé par ma vocation artistique. Me voilà au carre-
four, et c'est en tremblant que je me demande : Où vais-je? Un pen-
chant secret, une voix intime me sollicite du côté de l'art, et je crois
que c'est ma voie véritable. Au fond, et tu le sais (ne te fâche pas,
je te dis cela bien bas et bien tendrement), cette vocation fut tou-
jours la mienne. C'est toi qui m'en avais détourné ; tu avais pour cela
de graves raisons, que moi aussi je comprenais, un avenir incertain,
des moyens d'action insuffisamment garantis. Mais, après tout, est-il
une torture intime plus cruelle pour un homme qu'un avenir dé-
charné, misérable, mort-né, auquel il s'est condamné lui-même? C'est
vers un semblable avenir que m'entraîne l'étude forcée d'une science
que je n'aime pas, que je puis à peine estimer... »
Schumann s'efforçait ensuite de prouver à sa mère qu'avec six
années d'études il pouvait devenir un pianiste de première force, et
peut-être un compositeur. Il la suppliait de lui donner une réponse
favorable et prompte surtout, « car, ajoutait- il, il y a des moments
où je pense avec amertume, avec désespoir, à tout le temps déjà
perdu. » Enfin, il la conjurait de consulter, sur la réalité de sa voca-
tion musicale, le professeur Wieck, qu'elle connaissait de réputa-
tion. Cette consultation eut lieu en effet, et fut pleinement favorable
à Robert ; mais il regretta toujours, avec trop de raison, de n'avoir
pas agi avec cette décision trois ans plus tôt. Ainsi qu'il l'avait es-
péré, l'opinion de Wieck détermina Jeanne Schumann à accéder aux
vœux de son fils. Il n'y eut que le parrain qui tint bon jusqu'à la
fin pour la jurisprudence. Voyant enfin que ses représentations de-
meuraient sans effet, bien qu'appuyées d'arguments qu'on répute en
général irrésistibles, il se fâcha tout de bon, et rompit tout commerce
avec son filleul. Celui-ci, ivre de joie, ne se tourmenta guère de cet
abandon. Sa lettre de remercîment à Wieck (21 août 1830) respire
l'enthousiasme le plus vif et le plus pur : « Je retrouve enfin assez
de calme dans la joie pour pouvoir écrire. . . Il me semble que j'ai
un soleil dans le cœur. . . Le sentier de la science escalade des mon-
tagnes âpres et stériles ; celui de l'art a aussi les siennes, mais ce
sont des collines d'Orient, où affluent les rêves, les espérances et les
fleurs. Croyez-moi, je n'ai pas, et pour cause, de folle présomption,
mais j'ai le courage, la patience, la confiance, la docilité. Aucune cri-
tique ne saura m'abattre, aucun éloge m'énerver. . . Ah! comment
50
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
peut-on donc (Ire quelquefois si heureux dans ce monde ? » Quelques
jours après, nous le retrouvons installé à Leipzig et livré tout entier
à l'étude du piano. Mais les bonheurs du pauvre Schumann n'étaient
jamais de longue durée. Son fougueux empressement à réparer le
temps perdu, à surmonter ou plutôt à rompre les difficultés maté-
rielles d'exécution lui occasionna un accident qui n'a pas été sans
influence sur sa destinée.
Nous croyons devoir nous arrêter un moment au détail technique
de cet accident ; rien ne peut mieux donner l'idée de la résolution
opiniâtre qu'apportait Schumann dans tout ce qui concernait l'art
musical. On sait que la rigidité naturelle des deux quatrièmes
doigts, et particulièrement de celui de la main droite, est un des
plus grands obstacles qui se rencontre dans le mécanisme du piano;
sans cette difficulté providentielle, le monde appartiendrait aux pia-
nistes. Cette roideur ne peut être corrigée que par un exercice
assidu, commencé dès le jeune âge. Ce n'était malheureusement
pas le cas de Schumann, qui, entraîné par son ardeur juvénile,
avait pris de très-bonne heure l'habitude de se lancer en casse-
cou, sans doigter réglé, dans l'exécution des morceaux les plus dif-
ficiles. Aussi se trouva-t-il cruellement gêné par ce doigt rebelle
quand il entreprit de régulariser son Jeu. Ce fut alors qu'il imagina
et mit à exécution, à l'insu de son professeur, le singulier et dange-
reux procédé que voici. Au moyen d'un appareil fixé au plafond, il
maintenait, pendant des heures entières d'étude, le troisième doigt
suspendu en l'air, et se forçait à travailler ainsi les passages les plus
difficiles pour dompter son quatrième doigt. Schumann arriya à un
résultat bien différent de celui qu'il espérait. Le quatrième doigt ne
devint pas beaucoup plus flexible, irais le doigt suspendu contracta
une rigidité douloureuse, qui s'étendit même à toute la main et le
contraignit de discontinuer ses leçons ; il ne put même jamais s'en
débarrasser tout à fait, en ce sens qu'il lui devint impossible, sans
risquer d'être arrêté par quelque crampe, d'exécuter de la main
droite de ces traits brillants et soutenus qui exigent une grande flexi-
bilité de doigter. Le grand et malheureux artiste se révèle tout en-
tier dans ces incidents : il comprenait son avenir d'exécutant en
voulant en faire trop à la fois et trop vite. Ainsi il devait plus tard,
par la surexcitation imprudente de la faculté créatrice, user préma-
turément son cerveau et abréger sa vie.
On peut du moins, dans l'intérêt de sa gloire, se consoler de cet
accident. S'il a empêché Schumann de devenir un des plus grands
pianistes de son siècle, il l'a violemment rejeté vers les hautes études
musicales, qui étaient sa véritable vocation. 11 a même contribué à
donner un tour particulièrement original à ses compositions pour le
piano, en l'obligeant à remplacer par des effets nouveaux les bril-
lantes fusées chromatiques, les rapides séries d'arpèges qui caracté-
risent les œuvres des Pixis, Moscheles, Kalkbrenner, œuvres qui ré-
clament avant tout des mains légères et des doigts indépendants. Ne
pouvant les égaler pour le fini et le brillant de l'exécution, Schumann
marcha résolument dans une voie toute différente. Il reconnut que
les véritables maîtres de l'art, depuis le colossal Sébastien Bach
jusqu'au maladif et gracieux Schubert, ont toujours considéré comme
secondaire le mérite de la difficulté vaincue. Préoccupés surtout de
la conception et du développement de la pensée, ils vont droit au
but, sans s'inquiéter de la facilité et de l'àpreté du chemin, sans
redouter ni rechercher les obstacles. Ce système austère et magis-
tral, qui s'applique aussi bien à toute espèce de musique qu'à celle
de piano, n'a rien à voir avec les caprices et les ovations éphémères
de la mode, mais il mène aux succès élevés et durables.
Ce fut dans cet ordre d'idées que travailla Schumann ; il s'attacha
surtout à intéresser l'auditeur et l'exécutant par la nouveauté des
tournures mélodiques et des rhylhmes, par la richesse hardie des
combinaisons et des transitions harmoniques. Cette musique fait par-
ois l'effet d'une course de haies. Pour se dédommager des traits liés
qu'il ne veut pas risquer, Schumann procède par bonds prodigieux,
par séries d'accords plaqués, que les transitions harmoniques sur-
chargent à chaque moment de doubles dièzes ou bémols, et qui
exigent une profonde habitude de lecture et du clavier, une rare sûreté
d'élan. Il fait, comme Mozart, un très-grand usage de la main gauche,
qu'il avait extraordinairement exercée, pour se consoler des mésa-
ventures de la droite. De tous les pianistes contemporains, Chopin est
le seul qui, grâce à la conformation exceptionnelle de ses mains, ait
osé risquer parfois de toutes les deux, des écarts semblables à ceux
que Schumann exige sans relâche de la gauche. Il l'emploie surtout
fréquemment à frapper des basses redoublées de deux octaves ou
d'octave et de dixièmes, ce qui produit sur le piano un effet compa-
rable à celui de la contre-basse soutenant le violoncelle. Il fait aussi
un grand et heureux usage des croisements de mains, des répliques
et contre-répliques, et de ces chants soutenus dans le médium, qu'il
nomme des « voix intérieures ». On rencontre encore dans l'exécu-
tion de la musique de Schumann une autre difficulté, plus intellec-
tuelle en quelque sorte que mécanique ; nous voulons parler des
modifications qu'il introduit plus souvent qu'aucun autre dans la me-
sure : intercalant, par exemple, dans un morceau écrit en six-huit ou
douze-huit une mesure ou fraction de mesure à deux temps, et réci-
proquement, ou même faisant marcher ensemble deux ou trois
rhythmes différents. Schumann use peut-être trop fréquemment de
ces licences romantiques, non-seulement dans ses œuvres pour piano
seul, mais dans ses symphonies et autres œuvres à grand orchestre,
et c'est là une des causes de leur extrême difficulté d'exécution.
Robert accepta donc avec une courageuse résignation son rôle de
pianiste invalide : « Je considère cela comme une épreuve et n'ai
que ce que je mérite, écrivait-il à un de ses amis. C'est une dange-
reuse erreur de vouloir escamoter par des procédés mécaniques et
un travail forcé des résultats qui ne peuvent être que l'œuvre du
temps. » D'après le conseil de Wieck lui-même, il se livra presque
entièrement à l'étude de la .haute composition. Il eut le bonheur de
trouver à Leipzig un des plus savants musiciens de l'Allemagne,
Henri Dorn, alors chef d'orchestre du grand théâtre, et depuis maître
de chapelle du roi de Prusse. Avec un pareil maître, Schumann fit
de rapides progrès. On s'en aperçoit en comparant les productions de
sa première jeunesse avec celles où se montrent déjà les résultats de
cette forte et saine éducation musicale. Ce n'est pas que le charme et
surtout l'originalité fassent défaut à ces essais juvéniles, notamment
au recueil intitulé les Papillons (œuvre 2, publiée dès 1832), suite de
petits morceaux caractéristiques dédiés à ses trois belles-sœurs, Thé-
rèse, Rosalie et Emilie. Dans ces caprices, de même que dans beau-
coup d'œuvres subséquentes, Schumann a voulu faire de ces portraits
musicaux dont nous avons déjà parlé. Ainsi, le nn 10 des Papillons,
par la brusque opposition d'accords bruyants et précipités avec des
ondulations de valse, donne clairement l'idée des contrastes d'une
nature féminine, où des élans de vivacité presque violente alternent
avec des retours d'effusion sentimentale. Pour rendre ses portraits
plus reconnaissables, Schumann ne dédaignait pas quelquefois, dans
les premiers temps, un artifice matériel de composition, consistant à
prendre pour sujet des notes qui, dans l'alphabet musical allemand,
correspondaient aux lettres composant le nom des personnes aux-
quelles il avait songé. Ainsi, dans le thème varié qu'il fit graver sous
le nom d'œuvre 1", les cinq premières notes du thème, la, si, mi,
sol, sol, donnent dans l'alphabet musical allemand, la série de lettres
a, b, e, g, g, qui forme précisément le nom de la personne à la-
quelle l'œuvre est dédiée. Ce procédé pourra sembler puéril, mais
il est juste de dire que Schumann en avait trouvé des exemples dans
les anciens maîtres, et notamment dans Bach lui-même, qui a écrit
une fugue célèbre, dont le sujet désigne ainsi son propre nom.
Schumann avait passé sous le toit de Wieck ces deux années de
labeur dévorant (1831,1832). Le jeune compositeur, qui commençait
DE PARIS.
51
à être connu, grâce au succès des Papillons et de quelques autres
blueltes, fit, dans l'hiver de 1832-1833, une petite excursion dans son
pays natal, et, malgré le proverbe, il y fut accueilli en prophète.
« Il n'y a pas, écrivait-il a Wieck, jusqu'au bourgmestre R..., celui
qui me traitait de fainéant, propre à rien (Sckliugel), etc., qui main-
tenant me tire son chapeau. » dette année 1833 est une date mémo-
rable, à plus d'un titre, dans la vie de Schumann. Ce fut au mois
d'août que parut l'œuvre la plus remarquable qu'il eût écrite encore
pour le piano, la série d'impromptus sur une romance de Clara Wieck.
Ainsi que l'observe justement son biographe, cette composition ma-
gistrale, où Schumann à mis à profit, pour la première fois, les leçons
de Dorn, se rapproche beaucoup, pour les détails de facture, des
célèbres variations de Bach et de celles de Beethoven sur le motif
du finale de la symphonie héroïque. Comme eux, Schumann se plaît
à décomposer son sujet, reprend alternativement la basse, le chant,
les notes intermédiaires, pour les associer à de nouvelles combinai-
sons mélodiques et harmoniques, ramenant ainsi à l'unité toutes les
fantaisies d'une imagination flexible et puissante. Quinze ans plus tard,
Schumann publia, de cette œuvre, une édition corrigée, dans laquelle
il a fait disparaître quelques témérités incorrectes, et remanié en-
tièrement le finale, qui était effectivement la partie la plus défectueuse.
A l'époque de la publication de cet ouvrage, Robert n'habitait
plus chez le père de la jeune virtuose, qui accomplissait déjà sa quin-
zième année. Cette séparation, qu'exigeaient les convenances, fut mal-
heureuse pour lui. Il avait trouvé, pour la belle saison, un pavillon
isolé au milieu d'un jardin, dans un des faubourgs de Leipzig ; là, il
consacrait au travail les matinées et une grande partie des après-
midi, et allait généralement passer ses soirées dans une sorte de ta-
verne demi-citadine, demi-champêtre [Restaurationslokal).
Ce fut à cette époque qu'il commença à contracter l'habitude de
boire quotidiennement une quantité immodérée de bière et de fumer
des cigares très-forts, qu'il nommait ses diablotins. »
B<"> ERNODF.
THEATRE IMPERIAL ITALIEN.
Setniramitle et les sœurs Marcliiaio. —
Mme Spezia dans IVorma.
C'est au mois de juillet 1860 que les sœurs Marchisio. Carlotta
le soprano et Barbara le contralto, ont fait leur première apparition
sur notre grande scène lyrique dans Semiramis, traduite en français
et montée exprès pour elles. Justice leur fut alors pleinement rendue,
et nous ne fûmes pas les derniers à reconnaître ce qu'il y avait de
remarquable dans cette alliance de voix et de talents, commencée
par une étroite parenté, achevée et consacrée par un succès univer-
sel. Aujourd'hui, les voilà qui nous reviennent dans le même opéra,
mais non sur le même théâtre ; elles rentrent en quelque sorte dans
leur patrie, en reprenant leur idiome natal. Elles ne pouvaient qu'y
gagner, et aussi l'accueil qu'on leur a fait n'a rien laissé à désirer
en chaleur sympathique. La voix de Carlotta nous a paru avoir plus
de force, d'éclat, de souplesse, malgré l'émotion qui lui en dérobait
encore une bonne partie : Barbara, plus calme et plus ferme, a dit
magistralement son rôle tout entier. Dans le fameux duo du troisième
acte : Ebben, ferisci, les deux sœurs se sont partagé les bravos et
l'enthousiasme ; l'entente cordiale des voix ne saurait aller plus loin,
ni rien produire de plus ravissant.
Dans cette brillante représentation de Semiramide, M. Pagans, té-
norinode la plus mince espèce, etM.Agnesi, basso robuste et solide,
excellent musicien d'ailleurs, subissaient l'épreuve du début. Déjà,
l'année dernière, il nous semble bien avoir entendu M. Agnesi dans
ce même rôle d'Assur, où il ne manque ni d'intention, ni d'effet.
Quelques jours auparavant, deux autres débutants, MM Musiani,
ténor, et Aldighieri, baryton, s'étaient essayés dans le Trovatore.
Ce ne sont point des artistes sans talent, ni sans défauts non plus.
Pour les juger plus sûrement, on aurait besoin de les entendre en-
core. Mais au théâtre Italien, les débuts se précipitent, et l'on pour-
rait dire à M. Bagier, le directeur :
Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre.
Ainsi, par exemple, le lendemain même du grand succès des
sœurs Marchisio, nous avons dû faire connaissance avec Mme Spezia
dans le rôle de Norma. Mme Spezia est une célébrité; depuis long-
temps Paris sait son nom, et vraiment nous regrettons qu'elle ait
tant attendu pour se présenter à nous en personne. Aujourd'hui on
retrouve encore en Mme Spezia un très-beau talent de cantatrice
et de tragédienne, mais ses moyens ont faibli, c'est surtout lors-
qu'elle aspire aux notes élevées que la fatigue de sa voix se fait sen-
tir. Comme actrice, par son physique, par son jeu, par ses gestes,
Mme Spezia rappelle souvent Mme Ristori, dont toutefois elle exa-
gère les plus saillantes qualités.
Nous n'admettons la reprise d'une œuvre aussi connue que
Norma, qu'avec des artistes hors ligne, un ensemble parfait, et,
il faut le dire. Mme Spezia n'était pas assez bien secondée jeudi
soir. Le rôle d'Adalgisa est au-dessus des moyens de Mme Van der
Beck; M. Antonucci ne nous fera pas oublier Lablache, et M. Nico-
lini n'a pas ce qu'il faudrait pour rendre supportable le rôle ingrat
de Pollion. Les chœurs de Norma ne sont pas bien difficiles, et
pourtant ils marchaient mal. En somme la représentation a été fai-
ble, et, comme si le public l'eût pressenti, la salle ne s'est remplie
qu'à moitié.
P. 3.
REVUE CRITIQUE.
D. Magnus. — Moïse , transcription de concert pour piano.
La reprise récente de Moise, à l'Opéra, en faisant revivre les mélodies
de ce chef-d'œuvre, trop longtemps négligé, a inspiré plusieurs trans-
criptions que nous sommes heureux de signaler à l'attention des
admirateurs du génie de Rossini, c'est-à-dire à l'universalité des
musiciens et des amateurs de musique. L'un des premiers, D. Magnus,
jaloux de retrouver le succès qui a accueilli ses excellentes transcrip-
tions des Huguenots et du Pardon de Plocrmel, s'est emparé du grand
finale du troisième acte de Mo'ise pour le traduire en un brillant mor-
ceau de concert. Certes, le sujet prêtait assez pour que l'arrangement
de ces admirables pages fût un travail des plus faciles. Mais l'intelligent
transcripteur ne s'est pas borné à une imitation servile, et, tout en res-
pectant les principaux motifs de ce finale célèbre, il y a mis son cachet
personnel. Toutes les richesses de l'harmonie sont surtout prodiguées à
la reproduction de la fameuse phrase de Moïse : Redoublez d'amour et de
sèœ, que la basse et le dessus s'empruntent tour à tour, de même que
dans l'opéra, où le chœur succède aux accents inspirés de l'envoyé de
Dieu. Puis éclate l'explosion finale, dont le pianiste-compositeur a tiré
un parti remarquable. Il y a là des effets d'autant plus certains qu'ils ne
sont pas entravés par ces énormes difficultés d'exécution, dont l'abus
ne sert le plus souvent qu'à déguiser une disette absolue de pensée et
de style.
Paul Bernard. — Moïse, fantaisie pour piano.
Cette fantaisie, plus compliquée que la transcription de D. Magnus,
n'est pas non plus dénuée de qualités sérieuses et substantielles. On sait
que M. Paul Bernard est un professeur distingué, qui ne se contente pas
de faire de très-bons élèves, mais qui aspire, non sans y avoir acquis
déjà des droits nombreux, au titre de compositeur. Lui aussi, il a atta-
ché son nom à une transcription fort estimée du Pardon de Ploërmel. Sa
fantaisie sur Moïse ne lui vaudra pas moins de suffrages. C'est un mor-
ceau qui se recommande par un arrangement ingénieux, par d'heureuses
modulations, par une forme élégante et par une science d'harmonie des
plus incontestables. Il débute brillamment par un fragment du grand
52
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
duo d'Aménophis et d'Anaï, au premier acte de l'opéra. Les ornements
que le compositeur a jugé à propos d'adjoindre au motif de l'andantino
ne font que lui prêter un charme de plus. L'allégro est également traité
avec un goût parfait. Quant au motif de l'introduction qui vient ensuite
et qui donne lieu à de charmantes variations, nous ne pouvons qu'en
approuver le choix. C'est une bonne et belle conclusion , empruntée à
l'une des inspirations les plus saillantes de cette œuvre de génie qui en
compte un si grand nombre. M. Paul Bernard ne pouvait mieux termi-
ner sa fantaisie, qui prendra assurément place parmi les plus agréables
morceaux de salon transcrits d'après les opéras en vogue.
Pascal tiorvilh'. — Rêverie de jeune fille, pour piano.
Le nouveau morceau de M. Pascal Gerville dénote, comme tout ce que
fait cet auteur, un sentiment Jouable et un travail consciencieux. Le
thème qui lui sert de début est d'une extrême simplicité et d'une fran-
chise non moins grande. C'est une véritable Romance sans paroles, plus
digne de ce nom que bien des œuvres médiocres qui se l'attribuent sans
y avoir aucun droit. Amplifié avec beaucoup de soin, ce thème reparaît
toujours, clair et lucide, sous les élégantes broderies dont le composi-
teur l'a entouré. Très-sobre dans ses développements, M. Pascal Gerville
semble n'avoir songé qu'à prouver à quel point on peut, avec certaines
combinaisons basées sur la science la plus aimable et la plus ingénieuse,
se passer de ces interminables longueurs, et surtout de ces bizarreries
pénibles qui n'ont d'autre effet que de fatiguer les oreilles et d'épuiser
la patience des malheureux condamnés à les entendre.
Y.
CORRESPONDANCE.
Lettre de M. Fétis père.
Bien qu'il n'entre pas dans nos habitudes de publier des lettres par-
ticulières, d'un caractère presque confidentiel, nous ferons une excep-
tion pour la lettre que l'on va lire, tant à cause de son auteur que de
l'artiste qu'elle concerne. Nous aurions trop de regret et nous croirions
même commettre une injustice, si, par un scrupule exagéré, nous pri-
vions Mme Graever de l'avantage si légitime d'un jugement émané du
plus illustre et du plus compétent de tous les juges. De son côté, nous
l'espérons, notre savant collaborateur ne pourra nous en vouloir de
notre indiscrétion, qui n'est au fond qu'un hommage à son autorité et
à ses lumières.
Voici le texte de sa lettre :
Bruxelles, le 2 février 1864.
Cher Monsieur Monnais,
Vous avez recommandé Mme Johnson Graever à ce que vous appe-
lez ma protection : j'ai fait honneur à votre patronage, en accueillant
cette dame avec toute la distinction qu'elle mérite aussi bien par sa
personne que par son talent.
Avant la réception de votre leLtre, mon attention avait été flxée sur
le nom de Mme Graever, par les comptes rendus des concerts donnés
par elle à Paris, notamment par la Gazette musicale. J'avoue que le
titre d'élève de Litolff, qu'on lui donnait, me mettait un peu en dé-
fiance ; car Litolff, artiste plein de feu, de verve et d'entrain, n'est
pas un homme d'école et ne se pique pas beaucoup de correction
dans son jeu ; lorsqu'elle me remit votre lettre, elle me demanda de
l'entendre et me joua la grande fantaisie de Hummel. J'y reconnus
aussitôt des traditions de style et de sonorité qui ne sont pas celles du
maître qu'on lui donne ; je m'en expliquai avec elle et j'appris qu'elle
avait reçu les leçons de Litolff, qui a toujours été fort bon pour elle,
mais qu'elle a reçu aussi des conseils de Moschelès et de Thalberg,
et qu'en Amérique, elle a travaillé pendant plusieurs années pour
acquérir l'ampleur du son, dont ce dernier artiste offre un parfait
modèle.
Je ne pouvais seconder activement Mme Graever dans ses projets
de concerts à Bruxelles, parce que, bien que les sociétés musicales
qui possèdent les salles où se donnent les concerts dans cette ville
m'aient fait l'honneur de me nommer un de leurs membres hono-
raires, je m'abstiens en toute circonstance d'y intervenir de manière
à blesser la susceptibilité de leurs chefs d'orchestre. Je ne pouvais
être utile à Mme Graever que pour un des concerts du Conservatoire ;
elle désirait vivement s'y faire entendre, ce que je lui accordai très-
volonliers, ne doutant pas du succès qu'elle y obtiendrait. Elle fit son
début à Bruxelles dans un concert de la société de la Grande-Har-
monie, où elle joua trois morceaux du quatrième concerto-symphonie
de Litolff avec un brio qui enleva la salle, et le Caprice, de Chopin,
qu'elle exécuta avec une grande délicatesse. Après un voyage en
Hollande, elle revint à Bruxelles pour acquitter l'engagement qu'elle
avait pris de jouer pour l'Association des artistes musiciens. Elle exé-
cuta dans leur concert le concerto en si mineur de Hummel, et s'y
montra sous un aspect tout différent de celui où elle avait paru au
concert de la Grande- Harmonie; car son jeu y prit le caractère de
la musique classique qu'elle exécutait. Au deuxième concert du Con-
servatoire, donné le 4 janvier dernier, Mme Graever a joué le troi-
sième concerto-symphonie de Litolff, connu sous le nom de Concerto
hollandais. Secondée par le puissant et valeureux orchestre qui l'ac-
compagnait, elle y a produit une vive impression sur les artistes
comme sur le public. Son articulation a une singulière puissance, et
son rhythme une rare énergie. Je ne doute pas que sa renommée ne
s'étende bientôt dans le monde musical européen, où son nom ne ré-
sonne que depuis peu de temps. Elle a la conscience des vrais artis-
tes, et se livre chaque jour au travail avec ardeur pour y chercher
la perfection, but idéal de l'art, vers lequel les organisations d'élite
s'avancent pas à pas, sans jamais l'atteindre.
Ce que j'ai pu faire pour votre protégée, cher monsieur Monnais,
est peu de chose, puisque cela s'est borné à faire connaître son ta-
lent aux abonnés des concerts du Conservatoire; si j'avais pu lui
être plus utile, je l'aurais fait avec grand plaisir ; mais il ne faut pas
se dissimuler que le beau temps pour les virtuoses est passé pour
jamais. L'immense quantité de sociétés musicales, qui couvre main-
tenant l'Europe, a rendu partout les concerts particuliers à peu près
impossibles. Les plus grands artistes sont obligés d'accepter les en-
gagements que leur offrent les sociétés, et le chiffre de ces engage-
ments s'abaisse chaque année.
Votre amitié m'autorise à vous parler un peu de moi en confidence:
ma deuxième symphonie (en sol mineur) a été exécutée au second
concert du Conservatoire et y a produit une profonde impression.
Malgré les immenses difficultés de cet ouvrage, l'excellence de l'exé-
cution par l'orchestre a été telle, que j'ai pu me faire une opinion
certaine sur la valeur de l'œuvre. Depuis longtemps je suis préoccupé
de voies nouvelles à ouvrir dans les formes de l'art : je crois avoir
réalisé cette fois ce que j'ai voulu faire.
Je vous réitère, mon cher monsieur Monnais, l'assurance de mes
sentiments affectueux.
FETIS père.
Marseille, 10 février.
lie Pardon de Ploërniel.
(Première représentation.)
Si le Pardon de Ploërmel arrive un peu tard au Grand-Théâtre de
Marseille, on aurait tort d'en accuser les directeurs qui se sont succédé
chez nous depuis 1859, époque où parut, pour la première fois, la
dernière partition de Meyerbeer, à l'Opéra-Comique.
Les directeurs dont nous parlons, il faut leur rendre cette justice,
pleins de respect et de déférence pour l'œuvre du maître, à qui la scène
lyrique française doit une grande partie de sa gloire et de sa fortune,
n'auraient pas voulu sacrifier le Pardon en confiant les rôles principaux
de la pièce à des artistes insuffisants ou incomplets, et cette raison
seule a pu les empêcher de satisfaire jusqu'à ce jour le désir du pu-
blic, qui attendait avec impatience le dernier opéra de l'auteur de
Robert, des Huguenots et du Prophète.
Enfin l'heure propice a sonné : le Pardon de Ploërmel a pu être re-
DE PARIS.
53
présenté dignement et dès le premier jour le succès en a été magni-
fique ; applaudissements, rappels, rien n'y a manqué.
Je ne vous parle pas de l'œuvre. Vous la connaissez et vous l'admi-
riez bien avant nous. Je ne m'occupe donc que de sa triomphale appa-
rition dans notre ville.
Pour cette fois, le directeur, M. Halanzier, s'est surpassé, de l'aveu
de toutes les personnes qui ont pu voir le chef-d'œuvre monté avec le
môme soin, le même goût qu'à l'Opéra-Comique de Paris. Les décors
nouveaux font honneur à M. l'onson, celui du deuxième acte surtout,
dominé par la fameuse cascade dont l'effet a été complet.
Quant aux artistes, nous pouvons dire qu'ils ont réussi comepléte-
ment. Mme Gasc surtout mérite une mention exceptionnelle comme
chanteuse et comme comédienne. La grâce, l'énergie ne lui ont pas
fait défaut un seul instant, et la scène de l'ombre, enlevée par elle, lui
a valu des applaudissements unanimes, suivis d'un rappel, où l'appui
officiel des descendants de César et d'Auguste n'entrait pour rien.
Le rôle de Hoël ne pouvait rencontrer un plus habile interprète que
M. Barré; il a soutenu vaillamment, jusqu'au bout, sa partie sans faiblir,
et dit son grand air en artiste exercé, pour qui l'art du chant et de la
déclamation n'ont plus de secrets. M. lloltzem, outre sa jolie voix, est
un excellent musicien; il l'a prouvé de reste dans les deux premiers
actes. Les couplets de la Peur l'ont fait applaudir à deux reprises par la
salle entière.
Enfin, nommer MM. Vanhuflen, Metzler, Mines Poncer et Arquier dans
le Braconnier, le Faucheur et les deux jeunes Pâtres, c'est dire que ces
rôles secondaires ont été rendus à la satisfaction du public, de même
que les morceaux d'ensemble confiés à nos choristes.
L'orchestre a été très-remarquable, et l'on ne saurait trop louer le
talent, le zèle et le dévouement qu'a déployés M. Momas, secondé d'ail-
leurs par une phalange d'excellents instrumentistes.
La seconde représentation, donnée lundi 10 février, a pleinement
confirmé le grand effet de la première.
NOUVELLES.
*** Au théâtre impérial de l'Opéra, cinq représentations ont été don-
nées la semaine dernière. La Favorite, suivie du Marché des Innocents,
ballet dans lequel Mlle Fioretti a remplacé avec succès Mlle Vernon,
Robert le Diable et Moïse ont tour à tour attiré la foule. Le chef-d'œuvre
de Meyerbeer, donné le mardi gras devant une salle comble, a été su-
périeurement interprété par Mlle Sax, Mme Vandenheuvel-Duprez, Guey-
mard et Belvai.
**„. Le nouveau ballet ne sera probablement représenté que la semaine
prochaine.
*** On annonce que Mme Vandenheuvel-Duprez va, pour cause de
santé, quitter prochainement l'Opéra.
„*„. On a eu des' craintes à Saint-Pétersbourg pour les jours de la
charmante danseuse Mme Petipa. Prise au sortir d'une représentation
du ballet : la Belle du Liban, d'un violent transport au cerveau, elle a
eu pendant plusieurs jours le délire, et la fièvre typhoïde paraissait
imminente. Le danger a heureusement disparu, et elle est depuis quel-
ques jours entrée en convalescence.
„*„ Lara, le nouvel ouvrage en trois actes d'Aiméplaillart, sera inter-
prété par Montaubry (Lara), Crosti (Ezzelin), Gourdin (Lambro), Trillet
(Antonio) ; Mmes Galli-Marié (Kaled), Baretti (Camille), Tuai (Casilda),
Casimir (Barbara). La première représentation en aura lieu au com-
mencement du mois prochain.
,.** Mlle Marimon doit quitter l'Opéra-Comique pour se consacrer à la
carrière italienne.
»% Adelina Patti a chanté, la semaine passée, dans Don Pasquale et
il Barbierc di Scviglia, et elle y a produit un effet prodigieux. La célè-
bre cantatrice va maintenant aborder le rôle de Marta, qu'elle chantera
pour la première fois à Paris : Mario, Délie Sedie, et Mme Méric-La-
blache rempliront les autres rôles de l'opéra de Flotow.
#% On annonce que le nouvel opéra de Gounod ne sera donné qu'au
commencement du mois prochain. Faust et Rigoletto continuent donc à
occuper l'affiche du théâtre Lyrique.
„.% Toujours la même affluence aux Bouffes-Parisiens, avec les Bavards,
Lischen et Fritzchen et Fagotto.
*** Plusieurs des artistes que l'on applaudissait tout récemment en-
core au théâtre Italien de Paris, viennent de faire brillamment leur
rentrée à Madrid. Dans Lucia, le baryton Giraldoni n'a pas reçu un
accueil moins flatteur que Fraschini, Mme.de la Grange et Bouché.
*** On cite parmi les engagements d'artistes faits pour la saison pro-
chaine par M. Benazet : Mmes Charton-Demeur et Faure-Lefebvre ;
Mlle Battu, MM.Naudin, Délie Sedie, Jourdan, Sainte-Foy, Petit et Raynal.
„,** M. Bettini et Mme Trebelli-Bettini se sont fait entendre avec un
très-grand succès à Bordeaux, au Cercle philharmonique.
*** Dimanche dernier, au concert du Cirque Napoléon, Sivori a exé-
cuté le concerto en si mineur de Paganini, que nous lui avions déjà
entendu jouer, il y a deux ans, dans le même local. Comme la première
fois, l'effet a été merveilleux, extraordinaire. Sivori s'est montré plus
que jamais le digne élève et continuateur de l'auteur du célèbre con-
certo. Les applaudissements et les rappels ont été innombrables. Au-
jourd'hui Sivori doit jouer la Mélancolie, de Prume.
*** Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui au Cirque Napoléon : marche religieuse, de
A. Adam; symphonie en la mineur, de Mendelssohn ; hymne, de Haydn
(par tous les instruments à cordes); ouverture de Léonore, de Beethoven;
la Mélancolie, de Prume, exécutée par C. Sivori ; ouverture de Guillaume
Tell, de Rossini.
*** Nous avons assisté récemment à l'audition d'une œuvre dont
l'idée vraiment neuve appartient â notre excellent confrère, J. d'Or-
tigue. Nous ne croyons pouvoir mieux en faire comprendre la
portée et le mérite qu'en reproduisant l'espèce de programme, que l'au-
teur s'est tracé à lui-même, et qu'il a suivi toujours avec un remar-
quable talent: — Messe sans Paroles, pour piano ou orgue, violon ou
violoncelle, adaptée aux messes basses. C'est, pour ainsi dire, une suite de
cinq méditations musicales appropriées aux cinq parties de la messe.
1° Depuis la sortie du prêtre de la sacristie jusqu'à l'Évangile. — Con-
fiteor. — Kyrie Eleison. — Gloria. — Le morceau est en ré mineur et
se termine en majeur. L idée principale du Gloria est comprise dans le
majeur. Néanmoins, il y a, dans le Gloria, des choses qui rentrent dans
l'expression du Kyrie : par exemple, ces paroles : Suscipe deprecationem
nostram qui tollis peccata mundi, miserere nobis. — 2° Depuis l'Evan-
gile jusqu'à la Préface. Credo. — Offertoire. — Affirmation du dogme.
— Offrande du sacrifice en mémoire de la passion. — Le morceau est
un solo de basse en sol mineur. Il est coupé par un épisode en si bé-
mol. En écrivant cet épisode, l'auteur a été dominé par l'idée du mys-
tère de l'incarnation et des sentiments d'abandon, de douce et tendre
confiance qu'il doit inspirer. — 3° Préface. — Sanctus. — Hosanna. —
Benedictus. — Les anges descendent sur l'autel. La victime va paraître
aux paroles de la consécration. Le trait de violon en si, c'est V hosanna.
— 4° Elévation. — Anéantissement. — Profonde adoration. — 5° De-
puis l'Agnus Dei jusqu'à la fin. — Agnus Dei. — Communion. — Sortie.
— Sentiments de douce paix : donu nobis pacem.... Domine, non sum
dignus ut intres sub tectum meum, sed tantum die verbum et sanabitur anima
mea. — Vers le milieu du morceau, la messe est achevée, mais le
chrétien reste quelque temps encore en prières, il repasse dans son
esprit les pensées qui l'ont le plus touché durant le sacrifice. La réca-
pitulation des divers motifs des morceaux précédents a lieu dans les
mêmes tons des morceaux, et elle se fait au moyen de quelques
phrases de récitatif d'une extrême simplicité. Le chrétien se retire l'âme
contente et recueillie.
*** Le concert de Camille Sivori reste fixé au 15 février et aura lieu
à la salle Herz, qui ce soir sera trop petite pour contenir la foule qui
voudra entendre le grand violoniste.
*** M. Georges Pfeiffer, qui a obtenu un si brillant succès à Favant-
dernier concert de la société du Conservatoire, prépare pour le 29 fé-
vrier un grand concert avec orchestre et chœurs. Il y fera entendre,
entre autres morceaux de sa composition, son deuxième concerto, ap-
prouvé par le Conservatoire, et une ouverture. Nous donnerons le pro-
gramme de cette soirée qui aufa lieu dans les salons Pleyel, WolffetCe.
*% Le concert de L. Lacombe reste fixé au 24 février.
*** Une audition tout intime et par invitations a eu lieu ces jours
derniers à la salle Pleyel. M. Wekerlin y a fait entendre quelques com-
positions nouvelles de musique vocale, dont quelques-unes encore inédi-
tes. On a chanté en trois langues : en italien, en français et en indien.
Et, voyez l'attrait que le public trouve aux innovations, c'est la chan-
son indienne précisément qui a obtenu les honneurs du bis avec quel-
ques autres morceaux. Trois cantatrices de salon auxquelles le talent ne
fait certes pas défaut, ont concouru à cette soirée musicale : Mme Ch.
Ponchard a dit une pastorale sur des paroles de 1600, le Bouquet de vio-
lettes ; Mme Barthe Banderali une valse italienne, Licinda, et une Aubade
béarnaise; Mme E. Bertrand la Rosée de mai et Désir, nouvelle tyrolienne ;
M. Félix Lévy Combien j'ai douce souvenance ; M. Archainbaud J'avais
quinze ans et le duo de la Herse avec M. Mortier. Des trios et des qua-
tuors complétaient le programme, qui a débuté et s'est terminé par des
chœurs chantés par l'orphéon Pleyel-Wolff, sous la direction deM. O'Kelly.
Le public a témoigné la plus flatteuse sympathie aux exécutants et au
compositeur, M. Wekerlin.
*** Mlle Marie Perez est arrivée à Paris ; son concert est fixé au 1er
mars, salle Herz. Nous en ferons connaître le programme complet.
*** Le concert de W. Krûger reste fixé au lundi 22 février, salle Herz.
M. Krûger y fera entendre les œuvres suivantes de sa composition :
Deuxième concerto en la majeur pour piano et orchestre (inédit) ; Ber-
ceuse, air de ballet (inédits) ; l'Echo de la vallée, la Coupe d'or (deman-
dés). M. Krûger exécutera en outre le rondo de Mendelssohn avec ac-
m
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
compagnement d'orchestre. Mme Gagliano et M. Vincent sont chargés
de la partie vocale.
*** Depuis deux mois, Ernest Nathan a ouvert son salon à un choix de
dilettantes, qui viennent y chercher la bonne musique, interprétée avec
un vrai talent. La semaine dernière, M. Charles Poisot et lui jouaient
ensemble au concert de Mlle Léa Karl le duo de Alartha, composé par
Nathan, et qui a été vivement applaudi par une nombreuse assemblée.
(S'athan a dit aussi une autre fantaisie de sa composition sur Norma,
qui met en relief toute l'expressive sensibilité de son jeu.
**„, M. Pruckner, pianiste fort distingué, donnera le 1 er[inars un con-
cert dans les salons Erard.
*% Le célèbre flûtiste, Gariboldi, s'est fait entendre récemment à la
villa Mackenzie à Saint-Germain : il y a joué une fantaisie sur le Trova-
tore. Dans la même séance, plusieurs fragments du Marchand de Venise,
de Shakspeara, ont été fort bien déclamés par M. Beaumont.
*** Le jeudi, 18 février, salons Erard, soirée de musique de chambre;
donnée par Mme Tardieu de Malleville, C. Sivori et A. Piatti. On y en-
tendra le trio en si bémol, de Beethoven; sonate, de Boccherini, pour
piano et violoncelle; sonate, de Mozart, pour piano et violon; air
varié en ré mineur, de Haendel, pour piano; trio en sol, de Haydn.
»% M. Edmond Hocmelle, organiste de Saint-Philippe du Roule et de
la chapelle du Sénat, donnera, le vendredi 26 courant, salle Herz, une
brillante soirée musicale et littéraire. Un proverbe de Mlle Jenny Sa-
batier, interprété par Samson, un opéra par M. Hocmelle et un concert
composé d'artistes d'élite donnent à cette fête artistique un intérêt tout
spécial.
*%Les frères Emile et Auguste Sauret, habiles pianistes et violonistes
bien qu'âgés seulement de dix et onze ans, dont nous avons eu souvent
occasion d'enregistrer les succès, donneront, le 7 mars prochain, dans
les salons d'Erard, un concert qui offrira un grand attrait.
**„ A la prochaine séance donnée par MM. Armingaud, Jacquard,
Lalo et Mas, qui aura lieu mercredi prochain avec le concours de
M. Lubeck, on exécutera un trio de Mozart, deux quatuors de Schu-
bert et Mendelssohn, et la sonate op. 33 pour le piano par Beethoven.
**, Après de longs séjours à l'étranger, Alexandre Billet, dont nous
annonçons le retour à Paris, vient s'y fixer décidément. Nos concerts
vont y gagner un élément de vogue et le monde des pianistes un grand
professeur.
*% La Société des quatuors français tiendra jeudi prochain sa
deuxième séance. On entendra MM. Albert Ferrand, Lée, Rinck, Ernest
Bernhard et Mme A. Ferrand.
*** Burgmuller vient de composer une délicieuse valse de salon pour
le piano sur : Je suis Alsacienne, le duo devenu si vite populaire de Lis-
chen et Fritzchen.
*** L'éminent organiste G. Romano, que nous avons"applaudi l'hiver
dernier, vient d'arriver à Paris où il se fera probablement entendre.
„*, Le legs d'une rente annuelle de 700 francs pendant cent ans avait
été fait à l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut, par M. Chartier, pour
être décerné en prix ou encouragements aux auteurs des meilleures
œuvres de musique de chambre ou aux éditeurs reproducteurs des chefs-
d'œuvre du genre. Les héritiers de M. Chartier ont proposé de payer
une somme de 10,000 francs au secrétaire perpétuel de l'Académie en
échange de cette rente. L'Académie des Beaux-Arts a accepté cette
offre dans sa séance du 31 octobre 1863, et un décret impérial du
27 janvier vient d'autoriser cette transaction. La somme de 10,000 fr.
sera placée en rente 3 0/0 sur l'Etat français et conservera la destina-
tion spécifiée par le testament de feu M. Chartier.
Ji La marche religieuse des Ruines d'Athènes et le finale de la sym-
phonie héroïque de Beethoven, transcrits pour orgue, qui ont été exé-
cutés par M. Edouard Batiste et ont produit un si grand effet à la
fête solennelle de Sainte-Cécile, viennent de paraître chez Richault. 'ij
*** L'excellent pianiste compositeur Vincent Adler obtient en ce
moment de très-grands succès à Lyon, où il s'est fait entendre dans la
salle philharmonique.
„% Mlle Anna Bertini prêtera son concours au concert de François
Kullack, que ce jeune pianiste donnera mercredi prochain dans les sa-
lons Erard. 11 y exécutera : prélude et fugue en la pour orgue, de Bach;
nocturne en fa mineur, de Chopin; Psyché, étude fantastique de Th.
Kullack; sonate en (a bémol (op. 110), de Beethoven; polonaise] de
Chopin.
*% Sous le titre: Souvenir cVun songe, M. Emile Jonas vient de pu-
blier une mélodie pour piano très-originale qui mérite d'être vivement
recommandée.
„% Mlle Marie Deschamps, organiste de la meilleure école, a donné,
dimanche dernier, une matinée musicale dans les salons des bains de Tivoli.
On a beaucoup admiré la belle qualité de son qu'elle tire de son instru-
ment, et son succès a été très-grand. Mlle Nina Gaillard, une des meil-
leures élèves de Herz, a joué de la manière la plus élégante un beau
morceau sur Faust. Les deux charmantes artistes ont été fêtées, rappe-
lées et applaudies comme elles le méritaient.
„% La Société des gens de lettres se réunira en assemblée générale
ordinaire et extraordinaire, le 21 février 1 86i, dans les salons de Le-
mardelay, rue de Richelieu, 100.
„.% M. Joseph Franck, de Liège, donnera le 15 mars un concert dans
la salle Herz, où on entendra divers morceaux de sa composition.
**„ La veuve de Nicolo Isouard, l'auteur de Ccndrillon, Joconde, Jean-
not et Colin, les Rendez-vous bourgeois, etc., vient de mourir à Paris, à
l'âge de soixante- dix-huit ans.
„*„. On annonce la mort du compositeur de musique sacrée Michèle
Puccini, contre-pointiste distingué. Il a écrit des mémoires relatifs à di-
vers points d'histoire et de théorie musicale. Puccini était élève de
Mercadante ; il est mort à Lucques, âgé de cinquante-huit ans.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
%% Arras. — Un grand concert a été donné par la Société philhar-
monique, avec le concours de plusieurs chanteurs et instrumentistes de
renom. Parmi ces derniers se trouvait M. Wuille, de l'orchestre de
Strasbourg, qui était venu se faire entendre chez nous, il y a deux ans;
nous l'avons retrouvé ce que nous l'avions connu, toujours admirable.
Sous ses doigts, la clarinette devient un violon, pour la douceur des
sons, pour les doubles notes qu'il en tire. Tous ses morceaux sont d'une
excessive difficulté, notamment l'air de Marlborough si digne de son
titre de Trille diabolique, et il les joue avec la plus grande aisance.
M. Wuille a été applaudi, bissé, rappelé avec enthousiasme, comme il
le méritait.
,.*„ Strasbourg. — La reprise du Comte Ory vient d'avcir lieu avec un
grand succès. M. Warnot, Mme L. Cyriali et Mlle Latouche y ont été
justement applaudis.
„% Rordeaux. — Le concert donné le 30 janvier dernier par la Société
philharmonique a été très-brillant. Parmi les morceaux les plus applau-
dis nous devons citer la belle Ouverture de concert, de Bouleau-Neldy, et
la cantate que ce lauréat du dernier concours de la Société de Sainte-
Cécile a composée en l'honneur de notre président, l'honorable M. H.
Brochon, nommé maire de Bordeaux. Peschard a fort bien chanté les
solos de ténor; et les choristes de Sainte- Cécile, sous la direction de
M. Sarreau, leur chef, ont rendu, avec beaucoup d'énergie, cette partie
de l'œuvre de l'éminent organiste de Saumur.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„,% Londres, 9 février. — M. Howard Glover, le compositeur popu-
laire, en Angleterre le critique excellent du Morning-Post, a donné la
semaine dernière son concert annuel dans la salle de spectacle de
Drury-Lane. Ce qui nous a paru le plus original dans l'immense
programme, c'est la symphonie pastorale de Beethoven, illustrée par des
danses et des paysages. — Au théâtre de Sa Majesté, M. Marchesi conti-
nue de chanter avec beaucoup de succès le rôle de Méphisto dans Faust,
Mme Lemmens-Sherrington montre infiniment de goût dans le rôle
de Marguerite. — M. et Mme Marchesi sont engagés par Cramer et Beale
pour une tournée provinciale, qui durera depuis la fin de mars jus-
qu'en mai. Avant leur départ, ils donneront un concert historique.
„.% Bruxelles. — Mme Ferraris est à la veille de débuter dans Giselle,
au théâtre de la Monnaie, où le succès de Roger ne diminue pas. Après
plusieurs représentations des Huguenots, il va se faire entendre dans le
Trouvère et le Prophète qu'on répète activement. — Une réunion d'ar-
tistes les plus distingués a eu lieu dimanche dernier, dans les salons de
Mme Pleyel. Cette grande et incomparable artiste a fait entendre sur
le piano l'œuvre capitale de Hummel, la fantaisie du Cor enchanté
d'Oberon. Mme Pleyel a électrisô son auditoire. Une perfection déses-
pérante dans son exécution, et une sonorité dont elle seule possède le
secret, sont les qualités qui ont excité la plus vive admiration. Elle a
exécuté ensuite la délicieuse polonaise en nu bémol de Chopin; jamais
on n'a entendu jouer cette artiste avec tant de charme et de délicatesse.
L'orchestre, composé des principaux professeurs du Conservatoire royal
de musique de Bruxelles, était dirigé par leur savant chef M. Fétis.
„% Gand. — Roucluird d'Avesnes, grand opéra national en cinq actes
et sept tableaux, de MM. Van Pee et Miry, a été représenté samedi,
pour la première fois sur notre théâtre. La nouvelle partition de
M. Miry constate un immense progrès comme inspiration mélodique et
comme science orchestrale. Le grand finale du second acte , la mar-
che du troisième et le chœur de l'anathème qui termine l'ouvrage, sont
des morceaux d'une importance capitale et que le public a surtout
applaudis. Ses interprètes, MM. Carman, de Quercy, Filliol, Mmes Baibi,
DE PARIS.
55
Baudier et Geoffroy, ont leur part à revendiquer dans la réussite de
l'ouvrage. Compositeur, poète et artistes ont été rappelés a grands cris
à la chute du rideau et accueillis par des acclamations sans fin. Les
chœurs, qui occupent dans la partition une place importante, ont tous
été irréprochablement chantés, et Porchestre, sous la direction de
M. Singelée, a accompli sa tacha à la satisfaction générale.
„*„, Hambourg. — Mlle Lucca de Berlin a débuté, le 2 février, par le
rôle de Valentine dans les Huguenots, avec un succès qui tenait du fana-
tisme. Joachim se fera entendre au prochain concert philharmonique.
*% Berlin.— Mlle Désirée Artot a continué auec beaucoup de succès
ses débuts par le rôle de Marie dans la Fille du Régiment. Elle avait
débuté par le rôle de Rosine dans le Barbier.
*% Vienne, 8 février. — Le nouvel opéra de J. Offenbach, la Fée du
Rhin (Rhcin nixe), vient d'obtenir le plus grand succès. Toute la cour
assistait à la première représentation, qui a été des plus brillantes. Le
compositeur a été rappelé jusqu'à huit fois avec acclamations. La se-
conde représentation n'a pas été moins heureuse ; dès cinq heures du
matin on assiégeait les bureaux pour avoir des billets. A la troisième,
égal empressement, égale affluence. Nous empruntons les détails sui-
vants aux journaux viennois : « Dès le début, un chœur de
paysans, une marche, un grand air, dit par Mme Wildauer, et un air
du baryton Beck, ont obtenu le succès le plus franc, le plus animé.
Le chant de la patrie (Vaterland) et un splendide finale avaient, dès le
premier acte, assuré le triomphe de l'œuvre. Le second acte n'a pas
laissé refroidir un seul instant l'effet de ce début. Coup sur coup, une
romance de ténor, un grand duo, un chœur d'Elfes, une ballade du ba-
ryton et un chœur de lansquenets, ont excité les applaudissements les
plus bruyants. Le troisième acte, le plus court des trois, n'a pas été le
moins fêté. Il présente quatre morceaux d'une importance capitale et
d'un effet saisissant : c'est un duo, puis un chœur et un air du ténor,
tous les trois merveilleusement réussis, et enfin, dans le finale, le re-
tour de ce fameux chant du Vaterland, qui a porté au comble l'émotion
et l'enthousiasme des assistants. »
*** Stuttgard. — Au concert d'abonnement, de la Chapelle -Royale,
a été exécuté : Christophe Colomb, tableau symphonique, par J. Abert.
Ce jeune compositeur, avantageusement connu par deux symphonies
et deux opéras : Anna de Landskron et le Roi Ensio, a de nouveau fait
preuve d'un talent des plus remarquables. Ce n'est pas un événement
historique qu'il a voulu peindre en forçant les limites de son art ; son
but a été de rendre les diverses impressions pendant un voyage sur mer :
le Départ au matin, Chant des matelots, la Nuit, la Tempête. C'est une série
de tableaux pleins de poésie et richement colorés, où la forme la plus
correcte et une savante instrumentation s'allient à la verve du poète.
Un accueil enthousiaste a été fait à la nouvelle symphonie, qui ne tar-
dera pas à faire le tour de l'Allemagne. Malheureusement le triomphe
du jeune compositeur a été troublé par un cruel accident. Invité à se
rendre à Loewenberg pour y diriger l'exécution de Christophe Colomb,
pour la chapelle du prince, il s'était mis en route. A une lieue de
Loewenberg, le cheval attelé au traîneau qui le conduisait, a pris le
mors aux dents ; le traîneau fut renversé et le pauvre artiste resta éva-
noui sur la route par un froid rigoureux. Un voyageur l'ayant trouvé
dans cet état une heure après, le fit conduire à Loewenberg, où les
soins d'un médecin le rappelèrent à la vie. Aujourd'hui encore, Abert
est très-mal, et l'on ignore combien de temps il faudra pour son
entier rétablissement.
„*» Leipzig. — Au Gewandhaus a eu lieu un concert au profit des
pauvres. On y à surtout applaudi Mme Viardot quia chanté deux noc-
turnes de Chopin, avec paroles espagnoles ; inutile d'ajouter que son
succès a été complet.
*% Mayence. — Enfin, nous avons entendu Carlotta Patti : notre at-
tente a été dépassée : l'effet a été très-grand. A. Jaell a enthousiasmé
le public en jouant, avec le talent que vous lui connaissez, sa fantai-
sie de Dinorah. Le célèbre violoncelliste Kellermann et Laub, violo-
niste, ont également obtenu un grand succès. Un deuxième concert est
annoncé.
..„% Darmstadt. — L'opéra de Gluck : Iphigénie en Aulide, qu'on n'avait
pas entendu depuis de longues années, a été repris avec le plus brillant
succès,
„.** Milan, 6 février. — La gracieuse et sympathique prima donna,
Osea Legramenti, qui a déjà chanté avec succès à Saint-Pétersbourg et
autres villes, est de retour ici. Pendant huit mois, elle a pris à Paris
des leçons de perfectionnement de Panofka, le célèbre professeur.
*** Florence. — La commission du Royal Institut musical a décerné
le premier prix du concours ouvert par le duc de San Clementi pour
la mise en musique de la prose Victimœ Pascali à M. Tomadini. Le
second prix a été mérité par A. Bazzini l'excellent violoniste. Les deux
œuvres couronnées vont être exécutées en public.
„% Florence, 3 février. — Dans sa cinquième matinée, la Société del
quartetto a exécuté le premier quintette pour deux violons, deux altos
et violoncelle, de la composition de M. Fétis père. Cet excellent mor-
ceau a réuni tous les suffrages. — Mme La Grua vient de chanter
Gemma di Vcrgy qui lui a valu un nouveau triomphe. Rarement la cé-
lèbre cantatrice ne s'est montrée plus dramatique et a produit une plus
grande impression. Elle a été fort bien secondée par le téuor Négrini.
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Le Saxotromba ou le Saxhorn est supérieur à ses analogues existant précédemment, comme son, comme
' justesse, comme création de famille complète, comme facilité et unité de doigté, comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument, comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'audi-
teur de recevoir tous les sons avec la même puissance) ; supérieur, en ce que quelques jours suffisent pour
former, avec des amateurs ou de simples conscrits militaires, une musique passable; supérieur, en ce que
les plus gros instruments comme les petits se tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras
gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres et dans la meilleure position pour le jeu des
doigts sur les pistons ou cylindres ; supérieur, en ce que, quand un élève a déjà fait des études et qu'il est
obligé de changer d'instrument, soit faute de disposition des lèvres ou pour tout autre motif, ses études ac-
quises servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument; supérieure, en
ce que, dans les Sociétés de fanfares ou dans un régiment, surtout lors des congés, il arrive souvent que tous
les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer en prenant des musiciens dans les parties
les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes, supérieur, en ce que la musique en marche conserve la même sonorité
qu'au repos, par suite de la fixité de l'embouchure sur les lèvres; supérieur pour les régiments, en ce que tout le monde se trouve dans la
même position, toutes les mains à la même hauteur et tous les instruments penchés de gauche à droits ; supérieur, pour la musique à cheval
ou de cavalerie en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient à faire un écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans
déranger l'instrument de sa p'osition. — (Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe SAX, consulter la notice qui
se distribue à sa manufacture, rue Saint-Georges, 50.) • ^g^|
Toui le» instrument» sortant de la fabrique pnrient l'inscription suivante : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, Vrfeh
le numéro d'ordre de l'inilrumenl et le poinçon ci-après : JKAîiL
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Jardin zoologique de Bruxelles. Fantaisie.
Pour paraître incessamment :
Savari, chef de musique au 34e. Fantaisie.
Arban, chef d'orchestre au Casino. Fantaisie.
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MUSIQUE POUR INSTRUMENTS SAX
a pistons et a tube indépendant.
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Demerseman. Fantaisie sur le Désir, de Bee-
thoven, pour Trombone Sax à pistons et
à tube indépendant 6 »
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trombone et saxhorn ; Fantaisie pour basse
(air varié sur Don Juan); deux duos... » »
J.-B. Singelée. 1e' solo de concert pour Trom-
bone Sax à pistons et à tube indépendant. 7 50
B.-C. Faoconier. Messe solennelle vocale et in-
strumentale (musique militaire), à l'usage
de toutes les localités, quelle que soit leur
importance, comprenant la messe dite de
Dumont et cinq morceaux : cantabile, of-
fertoire, élévation, communion et sortie.. 36 »
MUSIQUE MILITAIBE
fantaisies, Variations, Quadrilles, Morceaux
reilglcux, Marches et Pas redoubles.
Fessy. Six fantaisies pour la cavalerie en deux
suites, chacune 12 »
— Pas redoublé 7 50
— 2e Fantaisie à S. M. Léopold 1=' 20 »
— Fantaisie à M. le comte de Rumigny 25 »
Mohr, chef de musique des guides de la garde
Gr.fant. sur Quentin Durward (Gevaèrt). 20 »
— Quadrille sur Quentin Durward 15 »
— Fantaisie id 15 »
Grande valse sur Faust, de Ch. Gounod.. 25 »
Chœur des Soldats, de Faust, id 15 »
B.-C. Faoconier. 5 morceaux religieux :
N°l. Cantabile. N° 2. Offertoire. Chaque. 6 »
N" 3. Élévation 5 »
N° 4. Communion. N" 5. Sortie. Chaque. 6 »
J. Cressonnois, chef de mus. du 2° cuirassiers
delagarde. La France, avec chant, à S. M. 5 »
Léon Chic, chef de musique aux équipages de la
flotte. Fantaisie sur Gil Blas (Semetj... 18 »
François Donkler, directeur de la musique
des grenadiers et chasseurs, à la Haye.
Grandes fantaisies :
Sur Philémon et Baucis, de Ch, Gounod. 30 »
Sur Yvonne, de Limnander 30 »
Pablcs, chef de musique de la garde de Paris.
Elias, de Mendelssohn 20 »
Léon Magnibr, chef de musique du 1e' grena-
diersdela garde. La Fête du premier pas,
à S. A. le Prince Impérial 6 n
Léon Magnier. Retraite de Crimée 9 »
— Souvenir deConstantinople, marcheturque. 10 »
— Les Petits Oiseaux, fantaisie 20 »
— Le Jeune soldat, marche 12 »
— L'Abeille , marche 9 i>
— Miss Flattery, fantaisie 10 a
— L'Alouette, fantaisie 18 »
— Les Pupilles, marche 7 50
— Emilie, redowa 12 »
— Faustina, marche 15 »
François Dunkler. Grande fantaisie sur Lalla-
Roukh, de Félicien David 30 »
— Grande fantaisie sur les Petits Prodiges,
d'Emile Jonas 25 »
— Pas redoublé sur le Roi boit, d'Emile Jonas. 10 »
H. Close, chef de musique de l'artillerie de la
garde. Marche de Puebla, d'Arban 12 a
avec accompagnement fie piano.
Arran. Fantaisie et variations sur le Carna-
val de Venise 9 »
— Caprice et variations (si b.) 7 50
J. Cressonnois. La Chanson du Printemas,
pour chant et Saxophone 3 »
— La France, piano et chant 3 »
— Id. grand orch 5 »
V ARIATIONS HT EANTAISIES
pour Saxophones, avec accompagnement de
piano.
Léon Chic. Tyrolienne variée (alto mi b.) 7 50
Arban. Caprice et variations (alto mi b.)... 7 50
H. Klosé. Solo (mi b.) 7 50
Savari. Fantaisie sur le Freychûtz lalto mi b.) 7 50
— lr" fantaisie sur un thème original (mi b.). 7 50
— 2e fantaisie sur un thème original (mi bJ. 7 50
— 3e fantaisie sur un thème original (si b.'. 7 50
J. B. Singelée. Op. 49. Fantaisie [si b.) 6 »
— Op. 50. (si b.) G a
— Op. 51. Sur un thème suisse (alto mi b.). . 6 »
— Gp. 55. Duo concertant (2 saxophones :
soprano si b., alto mi b.)
1" partie 9 a
2e partie. Andante .' 6 »
3= partie. Final 7 50
— Op. 56. Fantaisie pastorale (si b.) 7 50
— Op. 57. Concerto (si b.) 6 »
— Op. 60. Fantaisie (mi b.) 5 n
— Op. 63. Adagio et rondo (si b.) 6 »
— Op. 73. Souvenir de la Savoie, fant. (si b.) 6 »
— Op. 74. Solo de concert (mi b.) 5 »
— Op. 75. Fantaisie brillante [si b.J ,. 5 »
— Op. 77. Solo de concert (mi b.) 6 »
— Op. 78. Concertino (mi b.) 6 »
— Op. 80. Caprice (soprano si b.) 6 »
— Op. 83, 3e solo de concert (baryton mi b.) 7 50
— Op. 84. 4e solo de concert Jténor si b.).. 5 »
— Op. 80. Fantaisie brillante (alto mi b.)... 6 »
DUOS POUR SAXOPHONES
Singelée. Op. 55. Duo concertant (2 saxopho-
nes : soprano si b., alto mi b.):
V partie 9 »
2e partie. Andante 6 »
3» partie. Final 7 50
Savari. Soprano et alto, ou ténor et basse... 3 »
TRIOS POUR SAXOPHONES.
Savari. En 3 parties: 1" partie 5 »
2e et 3e partie. Chaque 3 75
J. Cressonnois. Romance de Proserpine 3 a
QUATUORS POUR SAXOPHONES.
Savari. En 4 parties. 1" et 4e partie, chaque 4 50
2e partie 6 »
3° partie 3 a
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J. Cressonnois. Pifferari 3 »
Emile Jonas. Quatuor ou sextuor 5 »
J.-B. Singelée. En 4 parties, chaque 5 »
— Grand quatuor concertant en 3 parties :
1" partie 7 50
2e partie. Andante 5 »
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Prix net 2 25
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Léon Kreutzer. lrc partie ; petite part., net . 3 75
QUINTETTES POUR SAXOPHONES.
Savari. 2 sop. , alto, ténor et basse, 4 parties,
chaque 5 »
Limnander. lrc partie, petite part., net 1 50
SEXTUORS POUR SAXOPHONES.
Savari. 2 sop., 2 altos, ténor et basse 5 »
Emile Jonas. Sextuor ou quatuor 5 a
SEPTUORS POUR SAXOPHONES.
Savari. 2 sop., 2 altos, 2 ténors et 2 basses. 7 50
OCTUORS POUR SAXOPHONES.
Savari. 2 sop., 2 altos, 2 ténors et 2 basses . 9 a
PIANO SOEO.
J. Cressonnois. Retraite de cavalerie 4 50
Léon Magnier. Souvenir de Conslanlinople . . 6 a
— La Fêle du premier pas, à S. A. le Prince
Impérial 4 »
— Retraite de Crimée 4 »
— Tambour et Trompctl» 6 a
— Emilie, redowa 5 »
— Les petits oiseaux, fantaisie 6 »
— Le jeune soldat, marche 4 50
— L'Abeille, marche 3 a
— Miss Flattery, fantaisie 3 a
— L'Alouette, fantaisie 5 »
— Les Pupilles, marche 3 a
— Faustina, marche 4 50
Arban. Les Eperons 4 50
— Puebla, marche 7 20
Pour paraître prochainement, nouvelles Tablatures
et Petites Méthodes pour tous les instruments et pour
les instruments à 6 pistons et tubes indépendants.
PARIS — II1P1U1IEBIE centrale de nipoiéon cnAlx ET c«, rue bergère, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dan» les Dityortemcnts et a l'Étranger,
chex tous les Marchands de Musiqur, 1rs Libr
et aui Bureaux des Messageries et doF Po?!.
N° 8.
REVUE
21 Février 1861
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 2* r.pwu
Départements, Belgique el Suisse.... 30» id.
Étranger 31 " id-
Le Journal paraît le Dimanche.
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: la Maschera ou les Nuits de
Venue, ballet-pantomime en trois actes et six tableaux de MM. de Saint-Geor-
ges et Rota, musique de M. Giorza, par Paul Smith. — Auditions et con-
certs. — Lettres de Félix Mendelssohn, traduites par «ï. Duesberg. —
* Trésor des pianistes, lettre à M. Fétis père, par A.. Farrenc. — Revue des
t théâtres, par O. A. D. Saint- Yves. — Nouvelles et annonces.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
IiA. IflASCHERA. OIT ILES NUITS DE VENISE,
Ballet-pantomime en trois actes et six tableaux de MM. de Saint-
Georges et Rota, musique de M. Giorza, décors de MM. Cambon,
Thierry et Desplechin.
(Première représentation le 19 février 1804.)
Que de nouveautés dans ce ballet ! Une danseuse nouvelle ! Un
nouveau chorégraphe ! Ua compositeur nouveau ! Parlons d'abord de
la danseuse, Amina Boschetti, dont le nom avait franchi les Alpes
depuis deux ou trois ans. On dit qu'elle en a vingt-cinq ou vingt-
six : on la vieillit peut-être. Ce que nous dirons, avec pleine assu-
rance, c'est qu'au premier aspect elle ressemble à une seconde édi-
tion de la Cerrito, revue et augmentée surtout quant à la dimension
des jambes. En la voyant d'abord apparaître sous la protection d'un
masque noir, nous doutions de son visage, et nous pensions qu'elle
avait ses raisons pour le cacher : tout au contraire elle en avait
pour le découvrir ; cette dissimulation n'était de sa part qu'une co-
quetterie. Amina Boschetti, la Milanaise, est dotée d'un profil anti-
que; l'arête du nez est fine, les yeux sont vifs, la physionomie mo-
bile, expressive ; à tout prendre, on ne saurait critiquer en elle
qu'un léger excédant de rondeur et de force. L'Opéra ne se conduit-
il pas à peu près comme le seigneur Don Juan, d'humeur si chan-
geante ?
Vuol d'estate la magrotta
Vuol d'inverno la grassotta.
L'été dernier, il nous avait donné Mlle Mourawieff, de nature
presque diaphane, la fée Mab de la danse. Cet hiver, il nous pré-
sente Amina Boschetti, symbole de la vigueur et de la solidité. Ce
qu'elle exécute avec une sorte de furie et de volubilité , c'est une
fantasia d'entrechats horizontaux, qui éblouissent comme des éclairs.
Elle a aussi des pointes extraordinaires, sur lesquelles elle s'en va
sautillant à reculons. Nous l'aimons moins, quand d'un bout de la
scène à l'autre elle s'élance sur son danseur et s'installe dans ses
bras : c'est le commencement de la pyramide humaine, plus
convenable en tout autre lieu qu'à l'Opéra. Quand donc aussi les
danseurs renonceront- ils à emporter leurs danseuses sous le bras,
comme des bottes de" paille, et à les promener la tête en bas? En
vérité, cela n'est nullement gracieux et rappelle trop la place publique.
Faut-il expliquer en quelques lignes le sujet de ta Maschera ? Voici
ce qu'en dit la notice placée en tête du programme : « En 1730,
Venise possédait une célèbre ballerine, appelée la Zanzara. Chaque
soir, une foule nombreuse encombrait le théâtre, où la belle danseuse
recueillait de magnifiques présents et de frénétiques applaudisse-
ments. Cette femme était riche et habitait un splendide palais dans
lequel, à la prière de ses admirateurs intimes, les sénateurs et les
plus grands personnages de Venise, elle se plaisait à reproduire quel-
ques scènes des ballets où elle paraissait. Un incident étrange vint
distraire l'attention publique des succès de la Zanzara.. Une rivale de
son talent surgit tout à coup. Une sorte de zingarelle, de danseuse
bohème, parut en Italie, au Ridotto, sur la place Saint- Marc, et ravit
la foule pendant toute la durée du carnaval par la fougue de son ta-
lent et l'originalité de sa danse. Cette femme était toujours masquée.
Elle portait un loup de velours noir qu'elle ne quittait jamais. Un
jeune seigneur voulut un jour soulever ce masque, mais le poignard
de la danseuse se teignit aussitôt du sang de cette main téméraire.
Ce ne fut que longtemps après le carnaval de 1730 que l'on connut
le secret de la mystérieuse ballerine, qui n'était autre que la Zanzara
elle-même. Différentes versions circulèrent sur cette bizarre aventure.
Les uns prétendirent, qu'éprise d'un f jl amour pour un beau gondo-
lier du port, la Zanzara, sous ce travestissement cherchait à le cap-
tiver par des succès populaires ; d'autres affirmèrent que l'artiste,
passionnée pour son art, après avoir enthousiasmé la cour et la no-
blesse, avait voulu obtenir les mêmes triomphes parmi le peuple de
Venise. »
De cette anecdote est issu le ballet dont l'origine étrangère se trahit
à chaque instant. Le nom de M. de Saint-Georges figure à côté de celui
de M. Rota ; mais le célèbre auteur n'est, sans doute, intervenu que
58
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pour soumettre à la discipline française les idées italiennes de son
collaborateur. M. Rota est en ce moment le grand confectionneur de
ballets à Turin, à Milan, à Gênes, à Florence. On le demande partout
à la fois, lui et ses œuvres, et on ne lui a même pas laissé le temps
de voir à Paris la première représentation de sa Maschera.
La Maschera n'est pas sans analogie avec l'Étoile de Messine et la
Fond, deux ballets qui avaient aussi des danseuses pour héroïnes,
mais le troisième diffère des autres en ce qu'il se termine par un
sacrifice et non par une mort. Lucilla, c'est le nom de la danseuse,
commence par tourner la tête à un jeune peintre, Donato Rizzi, qui
doit épouser Marietta, sa jolie cousine; elle pousse même fort loin la
séduction, puisqu'elle l'attire dans sa demeure sous prétexte de lui
faire faire son portrait, et qu'elle s'amuse à jouer pour lui quelques-
unes de ces scènes dont il est question dans la notice. Quelle maison
que celle de Lucilla, si l'on pouvait y donner de tels spectacles, y
exécuter de tels changements à vue ! Imaginez que Lucilla se montre
successivement à Donato dans quatre tableaux, comme déesse de
Y air, de l'eaw, de la terre, et Reine du feu! Ne serait-ce pas là une
idée italienne à laquelle nous ne trouvons qu'un petit inconvénient :
c'est que Lucilla perd à changer de costume un temps qu'elle pouvait
employer bien mieux, et que Donato reste forcément en conversation
avec ses femmes de chambre. Les tableaux n'en sont pas moins
charmants, éblouissants, et ne risqueraient d'être refusés à aucune
exposition d'Italie ou de France.
Du boudoir de la danseuse, on se rend à une fête au Lido, puis à
l'atelier de Donato, où la pauvre Marietta se rencontre avec sa dan-
gereuse rivale. Quand elle est bien convaincue de son malheur et
qu'elle n'espère plus rien en ce monde, elle ouvre une fenêtre et se
précipite dans le canal. Ce désespoir a ému Lucilla, qui d'abord sauve
la jeune fille, avec l'aide de deux gondoliers ; ensuite, elle l'emmène
au bal où elle a donné rendez-vous à Donato. Lucilla et Marietta ont
revêtu un domino exactement pareil, avec même nœud de rubans sur
l'épaule et même bouquet.
Devine si tu peux et choisis si tu l'oses.
Une idée vient à l'esprit du] jeune artiste, une idée italienne
ou française ? nous la croyons italienne.
11 pose sa main sur le cœur de l'un des dominos et compte ses
battements.
Puis après un instant d'indécision, il recommence le même jeu de
scène avec l'autre femme, dont le cœur bal encore plus fort que le
premier, et il tombe à ses genoux. Bientôt Donato reconnaît sa cou-
sine Marietta, presque évanouie de saisissement et de joie. — Voilà
celle que tu dois aimer, dit Lucilla en ôtant son masque, et alors,
saisissant une des couronnes d'or, gage et souvenir d'un de ses plus
beaux triomphes, elle dit adieu à l'amour, pour se livrer plus que
jamais à la danse et à la gloire, sic itur ad astra! Un galop général
termine la fête et le ballet.
Peut-être nos lecteurs se souviennent-ils de ce qu'un de nos colla-
borateurs leur a dit l'année dernière de M. Paolo Giorza, qui a écrit
la musique de ce ballet (1), comme il a écrit celles de beaucoup
d'oeuvres du même genre, presque toujours en société avec M. Rota,
l'infatigable chorégraphe. Evidemment M. Paolo Giorza ne manque
ni de facilité, ni d'habitude, mais nous ne lui trouvons pas beaucoup
de gaieté. La persistance du rhythme ternaire répand sur sa musique une
couleur monotone, que les cuivres de l'orchestre augmentent quelquefois
par latristesse de^leurs accompagnements. Cette musique, faut-il le dire,
prend trop au sérieux l'idée du drame ; elle a trop l'air de croire que
c'est arrivé, tandis que nos musiciens français, comme Adolphe Adam
(1) Voir Revue et Gazelle musicale, 14 juin 1863, n" 24.
par exemple, avaient l'art de tout faire passer, de tout excuser,
même l'absurde, en se permettant d'en rire les premiers.
Mérante et Coralli, Mmes Sanlaville, Caroline et Fiocre remplis-
sent, avec Mlle Amina Boschetti les principaux rôles de la Maschera :
mais comment nommer toutes les jeunes et jolies ballerines, qui tien-
nent leur place dans des pas nombreux et brillants, comme le Brindisi,
les Cartes, les Eléments, la Furlana, etc,, etc.? nous nous dispen-
serons de parler des décors et des costumes, qui sont aussi soignés,
aussi variés que possible. On a vivement applaudi et rappelé la
danseuse nouvelle : on a bien accueilli les noms des auteurs.
LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice assistaient à la représentation
lune des plus brillantes que l'on ait vues,
Paul SMITH.
ADDITIONS ET CONCERTS.
Camille Saint-Saens (audition de» concerto* de Mo-
zart). — Camille Sivori. — François Knllack. —
lime Tardien de Halleville (musique de chambre).
Cette année, sans renoncer tout à fait à nous faire entendre quel-
ques-unes de ses compositions, M. Camille Saint-Saens s'est proposé
de passer en revue, dans une série de six concerts avec orchestre,
les concertos de Mozart. Voilà, certes, une heureuse idée, à laquelle
nous applaudissons d'autant plus volontiers, qu'elle semble dénoter à
la fois , chez celui qui l'a conçue, une certaine abnégation et un
amour déclaré pour les chefs-d'œuvre classiques. Au premier concert,
qui a eu lieu chez Pleyel-Wolff, M. Camille Saint-Saens a débuté par
le 1er concerto en ut majeur et par le 6e en mi bémol ; les autres
viendront successivement et deux par deux. Il faut de., rares et
nombreuses qualités pour interpréter dignement cette admirable mu-
sique de l'auteur de Don Juan; M. Saint-Saens les possède à peu
près toutes, et si son talent, très-fini, très-correct, avait un peu plus
de souplesse et d'animation, nous n'aurions absolument rien à lui
reprocher. Secondé avec un remarquable ensemble par l'orchestre de
M. Portehaut, composé en grande partie d'artistes du théâtre Italien,
il a, en résumé, conquis tous les suffrages de l'auditoire, non-seule-
ment pour le compte de Mozart, mais aussi pour le sien propre. Tout
en reconnaissant que le concerto en ut majeur a fait grand plaisir,
nous devons constater que le second, celui en mi bémol, a été mieux
accueilli encore, principalement l'andante et le finale, qui ont produit
un effet prodigieux.
Entre ces deux morceaux, M. Saint-Saens a très-bien dit, avec
MM. White et Lasserre, un trio fantaisiste de Robert Schumann, dans
lequel on retrouve, à côté de charmants détails, l'inégalité et parfois
l'obscurité de ce musicien d'outre-Rhin. Trois mélodies de M. Saint-
Saens, chantées par Mme Talvo-Bedogni, avec beaucoup de goût et
de méthode, ont eu aussi leur bonne part de bravos, sur lesquels le
compositeur a pu revendiquer ses droits, moins peut-être pour le
mérite de ses idées mélodiques que pour la grâce et la distinction de
son accompagnement.
— Nous n'étonnerons personne en disant que le concert de Sivori
avait attiré à la salle Herz un auditoire tellement nombreux qu'il y
avait foule jusque sur l'estrade des artistes. C'est qu'il y a bien
peu d'artistes, même parmi les mieux doués, qui sachent, comme
lui, s'emparer du public, le passionner, le dominer par les qualités
exceptionnelles qui caractérisent son admirable talent.
Tout a été dit sur la perfection vraiment magique avec laquelle
Sivori exécute certains morceaux de son répertoire, sa fantaisie sur
le Trovatore, la magnifique prière de Moïse et le thème varié de Pa-
ganini, sur une seule corde, le Carnaval de Venise surtout, ce tour
de force merveilleux qu'on ne se lasse pas de lui demander et qu'il est
DE PARIS
50
impossible d'entendre après lui, tant il y fait preuve d'une déses-
pérante supériorité. Tous ces morceaux figuraient sur le pro-
gramme de son concert, sauf le Carnaval, qu'il a eu la gracieuseté
d'ajouter après coup, pour répondre aux vœux du public, qui l'en a
remercié par des applaudissements non moins prolongés que fréné-
tiques.
Mais, en dehors de ces brillants caprices du soliste, l'éminent vir-
tuose tient toujours à prouver, et avec juste raison, que son talent
multiple ne le cède à aucun autre dans l'interprétation de la musique
d'ensemble. Il est certain que personne n'aurait pu mieux dire sa
partie dans le trio de salon de G. Braga, qu'il a exécuté avec l'auteur
et Mlle Marie Perez, non plus que dans l'andanle et le finale de la
sonate en si bémol de Mendelssobn, où il a eu encore Mlle Perez
pour partenaire.
Puisque nous avons prononcé les noms de G. Braga et de Mlle Marie
Perez, hàtons-nous de dire que leur concours n'a pas peu contribué
aux plaisirs de cette belle soirée. Comme compositeur, M. Braga,
malgré les succès bien plus importants auxquels il est habitué , doit
être satisfait des suffrages qui ont accueilli son trio de salon, tout
plein de détails piquants, gracieux et distingués. Comme exécutant, il
a fait en outre applaudir un très-joli caprice de sa composition.
Mlle Marie Perez, qui nous vient du Conservatoire de Marseille, où
elle professe le piano, est une charmante personne, dont la physio-
nomie agréable n'a certainement pas nui aux favorables dispositions
que l'auditoire lui a témoignées. Elle possède, d'ailleurs, un talent réel
et qui aurait suffi à son triomphe. Nous en parlerons à l'occasion du
concert qu'elle se propose de donner bientôt. La partie vocale étai1
fort bien représentée, dans cette soirée, par Mme Gagliano et par un
jeune ténor, du nom de Stroheker.
— Dans le concert donné, à la salle Erard, par M. François Kullack,
avec le seul concours de Mme Anna Bertini, ce jeune pianiste s'est fait
connaître avantageusement au public parisien, en plaçantses débuts sous
l'invocation des maîtres tels que J.-S. Bach, transcrit par Liszt,
Beethoven et Chopin. M. F. Kullack appartient à l'école allemande ;
son jeu est ferme, expressif, très-bien nuancé et s'élève parfois jus-
qu'au pathétique, mais il n'a peut-êLre pas encore l'originalité qui fait
les grands artistes ; M. F. Kullack est assez jeune pour perfectionnerson
talent par de sérieuses études, et, avant tout, pour acquérir une netteté
d'exécution qui pourrait être plus complète. Néanmoins, nous n'avons
que des éloges à lui donner pour la manière dont il a dit la sonate
en te bémol (op. 110) de Beethoven, qui était le morceau capital de
la soirée. Il nous a prouvé qu'en digne compatriote, il en comprenait
l'esprit véritable dans toute sa variété et sa puissance. Une étude
fantastique, Psyché, de Théodore Kullack, le pianiste de la cour de
Berlin, lui a valu aussi des bravos unanimes. Quant à Mme Bertini,
nous lui savons gré de nous avoir révélé une charmante valse de
F. Abt.
— La musique de chambre a aujourd'hui de nombreux adeptes, et il
en surgit chaque jour de nouveaux qui trouvent des auditeurs. Nous
l'avons constaté plusieurs fois avec plaisir, parce que c'est un signe
infaillible des progrès immenses que le goût musical fait dans toutes
les classes de la société. Mais s'il existe des concerts populaires pour
initier les profanes à la connaissance des maîtres, il y en a aussi qui
s'adressent à un monde spécial dont l'éducation est faite, et qui ne
compte que des appréciateurs éclairés. La soirée que Mme Tardieu
de Malleville a donnée jeudi, dans les salons Erard, est de ce nom-
bre. L'éminente pianiste, secondée par Sivori et Piatti, nous a fait
faire, on peut le dire sans trouver de contradicteurs, une ravissante
excursion dans le passé. Le trio en si bémol (op. 97), de Beethoven,
interprété avec une rare perfection de style par les trois virtuoses,
a ouvert brillamment la séance, et le trio en sol, d'Haydn, l'a ter-
minée d'une façon non moins remarquable.
Entre ces deux morceaux d'élite, le choix le plus heureux d'oeu-
vres empruntées aux mêmes sources, a mis tour à tour en relief le
talent de chaque concertant. Piatti, le premier, a électrisé l'audi-
toire avec une délicieuse sonate de Boccherini, pour violoncelle et
piano, où il a développé, en grand artiste qu'il est, toute la grâce,
toute la légèreté de son jeu correct et pur. Aussi les bravos ont-ils
été largement partagés entre l'exécutant et le compositeur. Puis est
venue la belle sonate en si bémol (n° 4), de Mozart, où le violon
prestigieux de Sivori a donné la réplique au piano de Mme Tardieu.
L'andante cantabile de celte sonate, une mélodieuse inspiration, a été
divinement traduite par tous les deux, et a particulièrement excité
l'enthousiasme des auditeurs. Enfin, Mme Tardieu a joué seule un
air varié de Haendel, dont la puissante originalité a été trôs-goûtée,
et qui a été détaillé par la charmante pianiste, tantôt avec une am-
pleur magistrale, tantôt avec une entraînante dextérité. A la suite de
cette intéressante soirée, qui n'a donné lieu, chose bien rare, à au-
cune déception, tout le monde est parti enchanté, et en se promet-
tant d'assister à la seconde séance que Mme Tardieu doit organiser
prochainement.
Y.
LETTRES DE FÉLIX IEHDELSS0M
(Suite et fin.)
Birmingham, le 26 août 1846.
Dès le principe tu t'es si vivement intéressé à mon Elie, et
par là tu m'as si puissamment encouragé à le terminer, qu'après
la première exécution qui a eu lieu hier, il faut que je t'écrive et
que je t'en rende compte. Jamais aucun de mes ouvrages n'a si bien
marché dès la première fois, et n'a été accueilli par les musiciens et
par les auditeurs avec autant d'enthousiasme que cet oratorio. A la
première répétition à Londres, il était facile de voir qu'ils en étaient
contents et qu'ils avaient du plaisir à le chanter et à le jouer;
mais qu'à l'exécution il prendrait un tel essor, je l'avoue, je ne m'y
attendais pas moi-même. Que n'étais-tu présent? pendant tout le temps
que cela a duré — deux heures et demie — toute cette vaste salle
avec ses deux mille personnes et le nombreux orchestre étaient si
complètement dirigés vers la seule chose dont il s'agissait, qu'on
n'entendait pas le plus léger bruit dans l'auditoire, et qu'avec ces
masses énormes de l'orchestre, des chœurs et de l'orgue, je pouvais
aller en avant et en arrière, à mon gré. Que de fois n'ai-je pas
pensé à toi! mais surtout au moment où vient la pluie, et lorsqu'ils
jouèrent et chantèrent le chœur final comme des enragés, de sorte
qu'après la fin de la première partie il nous fallut répéter ce morceau.
Pas moins de quatre chœurs et de quatre airs ont été bissés. Pas une
faute dans toute la première partie ; il y en eut quelques-unes dans
la deuxième, mais elles étaient insignifiantes. Un jeune ténor anglais
chanta si admirablement le dernier air, que je dus rassembler toutes
mes forces pour ne pas me laisser émouvoir, et pouvoir continuer
à battre exactement la mesure. Je le répète, que n'étais-tu là 1 mais
demain je me mets en route pour revenir. Au mois d'octobre j'espère
te voir à Berlin, et j'apporterai la partition pour la faire exécuter,
ou, en tout cas, pour vous la jouer à toi, à Fanny et à Rebecca, ou
l'un et l'autre.
Adieu, cher frère, pardonne si ma lettre est sotte, mais j'ai été
dérangé souvent; dans le fait, je voula;s simplement te dire, que je
te sais gré de t'être intéressé à mon Elie et de m'avoir aidé à
l'écrire.
Ton Félix.
60
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Après la première exécution cïElie à Londres, le prince Albert
écrivit les paroles suivantes sur le librelto dont il s'était servi dans
celte occasion, et l'envoya comme souvenir à Mendelssohn : « Au
noble artiste, qui, au milieu du culte de Baal de l'art mensonger,
grâce à son génie et à l'étude, a su conserver fidèlement le culte
de l'art vrai : et habituer de nouveau notre oreille, énervée par le
chatouillement de sons vains et frivoles, aux purs accords du senti-
ment et de l'harmonie normale ; et dans le développement paisible
de sa pensée fait passer devant nous les frémissements les plus
doux comme la redoutable tempête des éléments, — ces lignes sont
adressées comme souvenir de reconnaissance.
Signé : Albert.
A Paul Mendelssohn.
Leipzig, 25 octobre 1847.
Cher frère,
Quant à mes projets, je ne sais trop qu'en dire. A la vérité, grâce
à Dieu, ça va mieux de jour en jour, et mes forces reviennent de
plus en plus; mais l'idée de partir d'aujourd'hui en huit pour Vienne,
et ce serait au plus tard, pour pouvoir assister encore à une répé-
tition du festival, cette idée-là, je ne saurais m'y faire. (Il s'agissait
pour Mendelssohn d'y diriger une exécution à'Elië). Sans doute il
est fâcheux qu'on ait fait tous les préparatifs, et que mon voyage
manquât pour la seconde fois. J'ai déjà écrit à ces messieurs, et leur
ai demandé s'ils pouvaient attendre huit jours : mais , comme je
te l'ai dit, je ne crois pas trop à la possibilité de la chose, etje pense
que je resterai ici. En aucun cas je ne peux songer à me mettre en
route avant huit jours, et quant à mon voyage à Berlin, M. d'Arnim
ne t'a-t-il pas rapporté ma réponse en détail ? Si je ne puis aller à
Vienne, par les mêmes motifs qui m'empêchent de m'y rendre, je
suis forcé de rester encore quinze jours ou trois semaines ici, et
de remettre l'exécution (à'Etie) jusqu'à fin novembre : et d'ailleurs si
je vais à Vienne, cet ajournement est également nécessaire, etc.
— Maintenant il s'agit encore de savoir si je te reverrai samedi ? Dis
que oui, je t'en prie : tu me ferais plus de bien que mon médecin.
— Et écris-moi bientôt deux lignes, et fais en sorte que tu peux
me promettre de venir, et dis-leur bien des choses à tous, et conserve
ton affection à ton Félix.
Le 30 octobre suivant un nouvel accès qu'éprouva Mendelssohn ap-
pela son frère à Leipzig, et le k novembre Mendelssohn avait cessé
de vivre.
Traduit par 1. DUESBERG.
TRÉSOR DES PIANISTES (').
A M. F.-J. Fétis, maître de chapelle de S. M. le roi des Belges, et directeur
du Conservatoire royal de musique de Bruxelles.
Cher et illustre maître,
Vous avez jugé digne de toute votre attention l'œuvre que j'ai entre-
prise, et vous lui avez accordé des éloges dont j'apprécie la haute va-
leur. Votre parole, qui a tant d'autorité partout où l'on cultive la mu-
sique comme art et comme science, a grandement contribué au succès
du Trésor des pianistes, et l'hommage éclatant que vous rendez aux
grands artistes dont je publie les couvres est à la hauteur de leur mé-
rite.
Mais je vous dois, cher maître, bien plus que ce qui est connu de
'f (1) Nos lecteurs n'ont pas oublié les excellents articles publiés par M. Fétis
père sur cet intéressant recueil, et dont le dernier a paru dans notre numéro du
6 décembre 1863. C'est à cette occasion que M. Farrenc a adressé à notre illustre
collaborateur la lettre que l'on va lire.
tout le monde, et j'éprouve en ce moment le besoin d'acquitter ma
dette de reconnaissance. La publication à laquelle je me suis dévoué
n'eût vraisemblablement jamais été exécutée sans vous, sans vos doctes
et intéressants écrits, qui ont donné un élan si puissant à la littérature
musicale, et sans vos célèbres concerts historiques. Apre? ces séances
mémorables où des trésors de créations toutes originales interprétées
par les Rubini, les Lablache, les Schrœder-Devrient, les Dorus-Gras, les
Baillot et d'autres grands artistes, nous faisaient découvrir un monde
nouveau ; qui donc, parmi ceux qui aiment l'art avec passion, pouvait
ne pas éprouver un grand désir : celui de pénétrer dans ces archives
du passé que de nouvelles générations toujours engouées de la mode
avaient dédaignées, malgré les immenses richesses qu'elles renferment?
Si, aux personnes peu instruites de l'histoire de l'art et de ses vicissi-
tudes, je devais donner des preuves de ce que j'avance, je n'aurais be-
soin que de citer, parmi une foule d'exemples, les noms de Sébastien
Bach, ceux de ses deux fils Philippe-Emmanuel et Wilhelm Friedemann;
ceux de Kuhnau, du Père Martiui, de Kirnberger, des deux Muffat, de
Chambonnières, de Froberger, de Frescobaldi et de tant d'autres artistes
célèbres dont j'ai tiré les œuvres de la poussière des bibliothèques, où
depuis des siècles elles semblaient condamnées à un oubli et à un si-
lence éternels.
Dès que vous avez connu notre plan et reçu notre première livraison,
vous avez mis à notre disposition, avec une bonté infinie, les trésors
de votre riche bibliothèque, la plus importante, je pense, que de nos
jours possède un particulier. Les rarissimes sonates de Kuhnau que nous
avons données dans notre deuxième livraison ; le second recueil des
pièces diverses du même auteur, que nous publierons plus tard; les
pièces de Théophile Muffat qui entreront dans la septième livraison;
voilà en partie ce que nous vous devons. Ces ouvrages, il est vrai, se
trouvent dans quelques grandes bibliothèques, et nous savons qu'ils
existent dans celle de Berlin : on pouvait les faire copier ; mais quelle
différence pour le nouvel éditeur de posséder des copies quelquefois
très-incorrectes, ou d'avoir à sa disposition les éditions originales que,
pour des cas douteux, on peut consulter à chaque instant!
Tels sont, cher maître, les services importants que vous nous avez
rendus et qui nous ont procuré un inappréciable avantage. Mais il en
est un autre qui ajoutera sans doute un grand prix au Trésor des pia-
nistes : je veux parler des nombreuses sonates manuscrites d'Emmanuel
Bach qui n'ont jamais été publiées. Sans vous, ces compositions eussent
été disséminées et peut-être perdues, totalement ou en partie. Votre
amour pour tout ce que l'art a d'intéressant dans ses produits, en vous
faisant faire l'acquisition de la bibliothèque de Westphal, organiste à
Schwerin, et l'ami intime d'Emmanuel Bach, vous a mis à même de
conserver, pour en faire généreusement jouir le monde musical, cette
belle collection que l'ardent collecteur avait en partie copiée de sa
main lorsque les œuvres n'avaient point été publiées ou qu'il n'avait
pu se procurer celles qui étaient déjà imprimées. Vous savez combien
les copies de Westphal sont précieuses par leur exactitude et remarqua-
bles sous le rapport de la calligraphie. C'est à ce digne ami d'Emmanuel
que nous devons également cet admirable catalogue raisonné et théma-
tique de l'œuvre entier du grand musicien. Ce beau catalogue que,
grâce à vous, j'ai constamment sous les yeux, me met à même de sa-
voir, pour chaque morceau : en quelle année et en quelle ville il a été
composé ; si l'œuvre a été publiée, et par quel éditeur ; enfin, il nous
permet de distinguer les compositions inédites de celles qui ont vu le
jour.
Lorsque vous m'accordiez tant d'éloges comme éditeur, il m'était pé-
nible, cher maître, de ne pas satisfaire le désir que j'éprouvais de faire
connaître au public tout ce que je vous dois et tout ce que vous doit
cette collection pour laquelle j'ai le bonheur de recevoir chaque jour
des témoignages de vive sympathie, cette collection jugée enfin par
vous-même comme la plus belle dont, en musique, on ait eu l'idée.
Veuillez agréer, cher et illustre maître, l'hommage de ma profonde
reconnaissance.
A. FARRENC.
REVUE DES THÉÂTRES.
Variétés : La Fiancée du corps de garde, vaudeville en trois actes,
par MM. Clairville et Siraudin. — Palais-Royal : Fallait pas
qu'y aille ou la Famille du Bœuf gras, à-propos carnavalesque,
mêlé de chants et de danses, des mêmes auteurs; Monsieur
boude, comédie de M. Delacour. — Ambigu : Les Fils de Char-
les-Quint, drame en cinq actes, avec un prologue en deux par-
ties, par M. Victor Séjour.
Plus une pièce est grave et sérieuse, plus elle prête à la paro-
die ; les meilleures bouffonneries en ce genre ont été inspirées par
DE PARIS.
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Hernani, par Atigelo, tyran de Padoue et par quelques autres dra-
mes ou tragédies , estompés au fusain le plus noir. Mais que l'on
espère obtenir des effets comiques en ^avertissant une œuvre folle
et parfois burlesque, c'est ce qu'il est difficile de comprendre. Les
Variétés ont fait, à leurs dépens, l'apprentissage de ce principe, en
voulant parodier la Fiancée du roi de Garbe. Cet infortuné monar-
que est devenu un vieux procureur au Châtelet; et la barbière Fi-
garina a été transformée en une cuisinière répondant au nom de
Javolte ; ainsi du reste. Suivant pas à pas le livret de l'Opéra-
Comique, la fille du procureur et sa compagne sont lancées dans
des aventures qui ont été tout uniment calquées sur celles des
héroïnes de M. de Saint-Georges. Des clercs de procureur, des
brigands affiliés à la bande de Mandrin, des cadets du régiment de
Bourgogne remplacent le personnel de l'Opéra, et au lieu du collier
qui s'égrène a chaque infidélité de la fiancée, ou plutôt de sa ser-
vante, ce sont des oeufs blancs qui passent au rouge à chaque baiser
reçu par Javotte. Pour justifier le titre de la Fiancée du corps de
garde, qui, dans tout cela, est peut-être la seule parodie, un peu
réussie, il a fallu entrer dans des détails incohérents qui ont achevé
d'indisposer le public de la première représentation. On a beaucoup
sifflé, les auteurs ont refusé de se faire connaître, et répondant le
lendemain, leurs noms étaient sur l'affiche, où, depuis, la pièce n'a
pas cessé de se maintenir. Nous ne nous expliquons ce singulier ré-
sultat que par les séductions de l'escadron volant de jolies femmes
qui figurent dans ce vaudeville, et par la gentillesse de ses deux
principales interprètes, Mlles Toudouge et Martine.
— Le Palais -Royal a enterré le carnaval, avec un à-propos qui
n'avait pas beaucoup de sel pendant les jours gras, et qui en a
encore bien moins depuis que nous sommes en carême. Cela s'ap-
pelle : Fallait pas qu'y aille, d'après un refrain idiot chanté à
l'Alcazar par Joseph Kelm, et dont les gamins se sont emparés pour
l'agacement des gens qui ont le malheur de posséder des nerfs. Nous
userons de discrétion à l'endroit de cette famille de charcutiers et
de bouchers, bien dignes assurément d'escorter le boeuf gras à l'a-
battoir, mais qui n'auraient pas dû en sortir.
Comme compensation, le même théâtre nous a offert un assez
gentil tableau de mœurs, par M. Delacour. Monsieur boude.... et il
a tort, parce qu'une femme bien avisée saura toujours lui faire payer
les frais de sa bouderie. Mme Livarot gagne un bracelet à ce jeu, et
voici comment : Elle excite la jalousie de son mari par une lettre
supposée, pour lui faire rompre le mutisme qu'il a contracté à la
suite d'une querelle de ménage, puis, quand elle a remporté la vic-
toire, elle lui prouve que ses craintes étaient chimériques. Livarot
s'humilie et promet de ne plus bouder ; si sa femme l'y reprend ja-
mais, il s'engage à lui payer un bracelet magnifique. A compter de
ce moment, Mme Livarot peut, en toute sûreté, recevoir de vérita-
bles missives galantes; Livarot fermera obstinément les yeux, parce
qu'il croira à une nouvelle épreuve. Par bonheur, il a affaire à une
honnête femme, et, forcé de se rendre à l'évidence, il en est quitte
encore une fois pour la peur.... et pour le bracelet que Mme Livarot,
convenons-en, a bien mérité. Ce petit mot anodin est agréablement
joué par Hyacinthe, Lassouche et Mlle Paurelle, une jolie femme qui,
depuis sa sortie des Délassements, est devenue comédienne.
— Les drames historiques semblent vouloir reprendre aujourd'hui
quelque crédit. Le temps n'est plus pourtant où Victor Hugo et
Alexandre Dumas faisaient fanatisme en reconstruisant le moyen âge
à la Porte- Saint- Martin. Mais ils ont laissé des disciples qui s'évertuent,
avec plus ou moins de bonheur, à marcher sur leurs traces.
L'autre jour, c'était M. Maquet qui, à la Gaîté, se faisait le propa-
gateur d'une hypothèse, très-controversable, il est vrai, mais du moins
fort intéressante, à propos de l'assassinat d'Henri IV. A l'Ambigu,
c'est à présent M. Victor Séjour qui nous a fait l'histoire des Fils de
Charles- Quint, en prenant pour ainsi dire le contre-pied des tragédies
célèbres que ce même sujet a inspirées à Schiller et à Alûeri. Don
Carlos, conspirant contre son père, n'est plus ici cet amoureux idéal
qui fait excuser sa faute par l'entraînement de la passion la plus pure
et la plus désintéressée. Les fortes études des historiens modernes,
en redressant une foule d'erreurs populaires, en élucidant une mul-
titude de faits restés dans l'ombre, ont opér.'- bien des métamorphoses.
Don Carlos, par exemple, dépouillé de son auréole, a été connu pour
ce qu'il était, c'est-à-dire pour un fils ingrat, pour un fou ambitieux
et cruel. S'il eût régné, c'eût été peut-être pour la ruine et la déso-
lation de l'Espagne. En revanche, Philippe II a gagné dans l'estime de
la postérité, tout ce que son fils y perdait, et en lui conservant son
masque sombre et austère, on n'a plus vu en lui qu'un père malheu-
reux et un grand politique. Ces nuances ne sont pas très-rigoureuse-
ment observées, sans doute, dans la pièce de M. Victor Séjour, parce
qu'il faut bien faire la part des nécessités de l'action dramatique;
mais elles sont indiquées d'une manière suffisante. Si l'infant don Carlos
n'est pas précisément un maniaque aux instincts féroces, c'est tout
au moins un ambitieux sans entrailles, qui se laisse entraîner dans
une conspiration contre son père, par un des plus implacables enne-
mis de l'Espagne, par le fils de ce comte de Horn, dont le duc
d'Albe a fait tomber la tête sur Téchafaud. C'est donc très- justement
que son père, Philippe II, l'accuse et le maudit, et que la main de
Dieu le fait mourir par le poison. Nous aurions souhaité que M. Victor
Séjour lui épargnât ce luxe de sentences libérales, qui n'est pas dans
la vérité du personnage et qui est presque un anachronisme; mais il
faut accepter cet auteur avec ses qualités et ses défauts. Il est du
petit nombre de ceux qui savent creuser un sujet, avec recueillement,
avec conscience, et qui savent en tirer des situations grandes et pa-
thétiques ; à ce prix, on peut bien lui passer quelques déclamations
hors de propos. C'est sa manie ; que voulez-vous? on n'est pas parfait.
Il y a, dans ce drame, autour de l'intrigue politique, une action
secondaire et cependant très-développée, dans laquelle il est question
d'enfants perdus, de courtisanes, de bohémiennes, etc., enfin de
tous les ingrédients ordinaires de ces sortes de pièces. Nous ne nous
en occuperons que pour constater l'éclatant succès de Mlle Rousseil,
dans le rôle de la maîtresse du comte de Horn, et l'excellent ac-
cueil fait à Mlle Pauline Cico dans celui de la bohémienne Belferada
qui est malheureusement fort court. Don Carlos, le principal person-
nage du drame, est représenté par Taillade, avec un mélange de
bonnes et mauvaises qualités. Beauvallet, qui n'est que des deux der-
niers actes, reproduit, avec son talent habituel, la physionomie his-
torique du roi Philippe II. En résumé, les Fils de Charles-Quint ont
complètement réussi, et nous avons tout lieu de croire qu'ils four-
niront une carrière honorable.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
,% Au théâtre impérial de l'Opéra Mlle Marie Sax et Villaret ,
Mme Gueymard et Michot ont chanté dimanche et lundi avec leur
talent habituel les principaux rôles de la Juive et de la Favorite. Mer-
credi, Mlle Battu et Faure ont eu les honneurs de la soirée dans Moïse,
dont l'attrait est toujours très-grand pour le public. Vendredi on a
donné la Maschera, le nouveau ballet dont nous rendons compte plus
haut.
„*„ Les opéras de Meyerbeer jouissent en Italie d'une vogue de plus
en plus marquée. En ce moment, tes Huguenots sont en répétition au
théâtre de la Scala à Milan, et Robert le Diable à Parme.
„,% L'opéra en un acte dont l'auteur est M. Ernest Boulanger passera
dans une quinzaine de jours et Roland à Roncevaux quelques semaines
après.
„% Fra Diavolo a été repris à l'Opéra Comique, avec Montaubry qui
y obtient un grand et légitime succès. La Fiancée du roi de Garbe est
jouée trois fois par semaine devant une salle constamment remplie.
a.% On a lu aux artistes l'opéra en trois actes de MM. V. Sardou
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et Cevaert : le Capitaine Benriot, qui ne sera représenté que l'automne
prochain. La distribution dos rôles n'en est pas encore entièrement
arrêtée .
,% Mme Charton-Demeur a quitté Paris pour Madrid, où elle va
chanter au théâtre de l'Oriente. — Naudin est attendu aujourd'hui et
fera sa rentrée dans Cosi fan lutte.
*** Adelina Patti n'a chanté la semaine passée que dans Don Pasqualc,
et elle y a enthousiasmé le public qui ne se lasse pas d'applaudir la nou-
velle Norina, l'une des meilleures, sinon la meilleure qu'il ait entendue.
Le grand succès que les sœurs Marchisio ont obtenu à la reprise de
Sémiramide n'a fait qu'augmenter aux représentations suivantes.
Mme Spezia a reparu hier dans Lucrczia Borgia.
»% Aujourd'hui la reprise de Maria, de Flotow, chantée par Mlle
Patti et Mme Merie-Lablache, Mario, Delle-Sedie et Scalese.
„% Mlle Sannier vient d'être engagée au théâtre Lyrique pour y créer
le principal rôle dans l'opéra la Captive, de Félicien David, dont la pre-
mière représentation doit avoir lieu au commencement d'avril.
„% On répète au théâtre Lyrique un opéra comique en un acte :
Fanchette, dont les paroles sont de MM. Nuitter et Desarbres et la mu-
sique du comte Gabrielli. Mmes Faure-Lefebvre et Duclos, MM. Guyon
et Cabel en rempliront les rôles.
„% Aux Bouffes-Parisiens on a repris la Clianson de Fortunio qui
accompagne les Bavards, et Lischen et Fritzcken, les pièces en vogue.
*% Dans le budget de 1865, distribué aux Chambres, figurent les al-
locations suivantes : subventions à l'Opéra, 820,000 francs ; à l'Opéra-
Comique, 240,000 francs; au théâtre Lyrique, 100,000 francs; au Con-
servatoire et succursales des départements, 195,000 francs; indemnités
et secours aux auteurs et artistes, 90,000 francs; encouragements,
47,000 francs.
»*» La direction de l'Opéra de la cour, à Vienne, a commandé à J.
Offenbach deux nouveaux opéras, l'un comique, l'autre romantique.
*% Mme Tedesco vient de chanter à Lisbonne le rôle de Rosine du
Barbiere, et y a obtenu un très-grand succès.
»% C'est à Barcelone et non à Florence, comme par une erreur ty-
pographique on le lisait dans notre dernier numéro, que Mlle Lagrua a
chanté Gemma de Vergy avec un immense succès.
t% Cinq représentations consécutives données devant une salle com-
ble, ont confirmé l'éclatant succès que le Pardon de Ploërmel avait ob-
tenu à sa première représentation à Marseille.
*** Inès de Portugal, un nouveau grand opéra en quatre actes, a été
représenté à Nancy. Les paroles en sont de M. Duchène, la musique
de M. Gérolt. C'est un ouvrage correctement écrit , mais n'offrant que
peu de morceaux saillants.
*% Le programme du quatrième concert de la Société des concerts
du Conservatoire est composé de la manière suivante : 1° 52e symphonie
en si bémol de Haydn ; 2° marche et chœur de Joseph, de Méhul ;
3° finale du premier acte d'Obcron, de Weber, air, duo et chœur, soli
chantés par Mme Vandenheuvel-Duprez et Mlle de Taisy ; 4° ouverture
du Retour au pays, de Mendelssohn; 5° récit et chœur tfldoménée, de
Mozart, solo par Mme Vandenheuvel-Duprez ; 6° symphonie en ut ma-
jeur, de Beethoven.
»*. M. Alexandre Basset a été nommé membre de la commission d'exa-
men des ouvrages dramatiques, en remplacement de M. Dulong, décédé.
Avant d'arriver à la direction de l'Opéra-Comique, M. Basset avait été,
pendant dix ans, membre de la commission d'examen. Donc.ce choix ne
pourra qu'être approuvé par les auteurs dramatiques, qui connaissent
l'honorabilité du nouveau censeur, et, en outre, retrouveront en lui un
ancien confrère.
*** Dans une brillante soirée chez Rossini, les nouveaux morceaux
de sa composition ont été exécutés sans préjudice de quelques anciens
chefs-d'œuvre. Adelina Patti a chanté à Grenade, chanson espagnole,
et Gardoni il Farinello Smarrito, sonetto. A l'Hôtel de ville, la Bénédic-
tion des Poignards, des Huguenots, a produit beaucoup d'effet. Chez
S. Exe. le ministre de l'intérieur, parmi les morceaux les plus applau-
dis, il faut citer la romance de l'Etoile du Nord, de Meyerbeer, et les
Rameaux, chantés par Faure.
t*„ Sivori a encore obtenu dimanche dernier au Cirque Napoléon
un succès d'enthousiasme, en jouant la Mélancolie, de Prume. La sym-
phonie en la mineur de Mendelssohn a été exécutée mieux que jamais.
*** Voici le programme du concert populaire de musique classique,
au Cirque Napoléon, pour aujourd'hui dimanche, 21 février : Ouverture
de Fidelio, en mi majeur, de Beethoven; Andante sostenuto (op. 45)
4'e audition, de Gade; Concerto n° 8, en ré mineur, pour piano, de
Mozart, exécuté par Mme Tardieu de Malleville; Ouverture de la Belle Mé-
lusine, de Mendelssohn ; Fragment de quatuor, adagio en mi majeur, de
Haydn, par tous les instruments à cordes ; Symphonie en ut mineur, de
Beethoven.
*** Les excellentes transcriptions pour piano des mélodies de Schu-
bert, par Stephen Heller, sont depuis longtemps entre les mains de tous
les pianistes et leur mérite est universellement reconnu. C'est ce qui a
fait naître l'idée de les arranger également pour harmonium, et M. F.
Brisson s'est acquitté de cette tâche avec son habileté ordinaire. Plus
que tout autre instrument l'harmonium se prête d'ailleurs à reproduire
les simples et suaves mélodies de Schubert, toujours si chantantes.
**„ La cantate pour laquelle Bazzini, le célèbre violoniste, a obtenu
un prix dans le concours ouvert à Florence par le duc de San-Clemente,
est à quatre voix et orchestre dans le style religieux. Elle comprend
cinq chœurs, tantôt avec orchestre, tantôt pour les voix seulement, un
grand solo pour soprano aussi avec chœur, etc., etc. L'œuvre a eu les
honneurs de l'exécution aux frais du fondateur.
„•» Brasseur et Berthelier ont eu l'honneur de chanter, lundi passé,
aux Tuileries devant LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice qui ont sou-
vent daigné les applaudir et complimenter. Outre plusieurs morceaux
de leur nouveau répertoire, les excellents chanteurs comiques ont dit :
C'est ma Fille, le Brésilien, et autres chansons qui ont fort diverti l'as-
semblée, composée de quatre cents personnes.
*** Le 22 mai aura lieu à Lyon un grand concours d'Orphéons de
musique d'harmonie et de fanfare ouvert à toutes les Sociétés musi-
cales de France et de l'étranger.
*% Dans la troisième séance de la Société des quatuors français qui
est annoncée pour le jeudi 25 février, on entendra un quatuor inédit
pour instruments à cordes de Léon Gastinel; un nouveau trio pour piano,
violon et violoncelle exécuté par l'auteur, G- Mathias, et le huitième
quatuor de Ch. Dancla qui a été très-apprécié à la dernière séance
des quatuors français et qui a été redemandé.
*** MM. Seligmann, Lebouc et Nathan exécutent de préférence une
très-belle sonate de Félix Godefroid, pour piano et violoncelle ou violon,
dans laquelle ils produisent le plus grand effet.
,,% Le concert dé M. Pruckner, pianiste élève de Liszt, reste fixé au
mardi 1er mars, dans les salons Erard. MM. Lamoureux et Rignault se-
conderont M. Pruckner.
„% Jeudi prochain, 25 février, aura lieu, dans les salons d'Erard,
une deuxième, soirée de musique de chambre, donnée par Mme Tardieu
de Malleville, Sivori et Piatti.
*** Vendredi prochain, 26 février, dans les salons Pleyel, deuxième
des concerts consacrés par M. Camille Saint-Saens à l'exécution des
concertos de Mozart.
*** Le 29 février, dans les salons Erard, concert des frères Poznanski,
pianiste et violoniste.
„,*„, M. Diomède Zompi, pianiste d'un talent très-apprécié dans le
monde artistique, va bientôt épouser Mlle Marie Barrant ; la célébra-
tion de ce mariage aura lieu le 25 février à midi précis, en l'église de
la Trinité.
,,*, Dans le courant de février on a célébré à Berlin les anniver-
saires de la naissance de Paganini (né le 18 février 1784), de Mendels-
sohn (13 février 4809), de Clara Heinefetter (O février 1811, morte le
24 février 1851); les anniversaires de la mort de Chelard (12 février
1856) et de Mme Schroeder-Devrient (26 février 1861).
„% Les succès de Bazzini comme virtuose se continuent en Belgique
et en Hollande. Il se fera entendre le mois prochain à Bruxelles.
*** M. Lefeuve, dans une livraison nouvelle des Anciennes maisons de
Paris, signale une maison de la rue des Tournelles comme ayant été une
sorte de Conservatoire de la musique sous Henri IV, appelée alors Lo-
gis de la musique du roi, et comme ayant appartenu, en 1684, à Antoine
Dupuis, chantre ordinaire du roi.
**# Le concert de L. Lacombe reste fixé au 24 février. En voici le
très-intéressant programme: Première partie: 1° Andante con moto et
scherzo du trio en mi bémol, de F. Schubert, exécutés par MM. Garcin,
Lebouc et Lacombe ; 2° Enfant, si fêtais roi et Chanson du Fossoyeur,
de L. Lacombe, mélodies chantées par M. Archaimbaud ; 3° Élégie pour
violon, de L. Lacombe; 4° Mes vers fuiraient doux et frêles et Viens I
une flûte invisible, poésie de Victor Hugo, musique de L. Lacombe, chan-
tées par Mme Anna Barthe ; 5° Scherzo (op. 33), de Beethoven ; Scherzo
de la sonate en la bémol, de Weber ; Scherzo de la sonate en sol, de
F. Schubert ; Scherzo en si bémol mineur, de Chopin ; 6° Scherzo pour
deux violons, alto et violoncelle, de L. Lacombe. — Deuxième partie :
1° Adagio et allegretto scherzando de la sonate en ré, de Mendelssohn,
exécutés par MM. Lebouc et Lacombe ; 2° La Source et la Mer ; Au clair
de la lune, musique de L. Lacombe, mélodies chantées par M. Archaim-
baud ; 3° Adagio et scherzo du trio en la mineur, de L. Lacombe, exé-
cutés par MM. Garcin, Lebouc et l'auteur; 4° Ahl si fêtais la brise et
Si vous n'avez rien à me dire; la CJumson de Barberine, musique de L.
Lacombe, chantées par Mme Anna Barthe; 5° Scherzo et finale de la
symphonie en ut mineur, de Beethoven, arrangés à deux pianos par
Eberwein, et exécutés par MM. Ravina et Lacombe.
*** M. Jules Dulong, membre de la commission d'examen, agent ho-
noraire de la société des auteurs et compositeurs dramatiques, est mort
dimanche dernier. Ses obsèques ont eu lieu mardi à l'église Saint-Eu-
gène. M. Jules Dulong était âgé de soixante-sept ans, et avant de suc-
DE PARIS.
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céder à M. Michel comme agent dramatique, il avait beaucoup travaillé
pour le théâtre.
t% Stefhen C. Foster, auteur de ballades anglaises justement re-
nommées, est mort à New-York.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„% Londres. — C'est chose rare chez nous que l'apparition d'un ou
vrage original et d'un compositeur anglais. Cette bonne fortune est
échue cependant à M. Macfarren, un de nos musiciens les plus distin-
gués. Un opéra nouveau de sa composition, en trois actes, vient d'être
représenté à l'Opéra anglais avec un succès aussi brillant que légitime.
Le libretto est tiré de la comédie de Goldsmith, She stoops to conquer,
dont le parolier anglais, M. Fitzball, a conservé le titre. C'est donc
sous tous les rapports un ouvrage essentiellement anglais. Le succès,
nous l'avons dit, a été complet ; les applaudissements ont commencé
avec l'ouverture et n'ont cessé qu'à la chute du rideau. On a rap-
pelé le compositeur trois fois et huit morceaux ont été bissés. Les in-
terprètes de l'œuvre de M. Macfarren, Mlles Louisa Pyne et Hiles, et
MM. Harrisson, Weiss, Perren et Corri, ont eu leur bonne part des
applaudissements, et l'ouvrage se joue tous les soirs à l'Opéra anglais.
— 11 s'est formé ici une Compagnie par actions avec un capital de près
d'un million pour l'exploitation en grand de V abonnement à la lecture
musicale, généralement négligé par nos éditeurs de musique, qui aiment
mieux vendre leurs éditions que de les louer. La nouvelle entreprise
comprendra tout genre de musique, mais son utilité sera surtout sen-
tie par les nombreuses sociétés de province pour lesquelles l'exécution
des grands oratorios, si en faveur chez nous, sera éminemment facilité
par les moyens que l'établissement projeté mettra à leur disposition.
Le prix d'un simple abonnement ne sera que d'une demi-guinée (13
francs) par an. D'ailleurs, M. Willert Beale étant un des directeurs de
l'établissement, l'affaire ne peut manquer de prospérer et de profiter
à la propagation de la musique en Angleterre.
„** Bruxelles. — Le succès que Mme Ferraris a obtenu dans Giselle,
a dépassé toutes les espérances. Rarement danseuse a eu un triomphe
pareil au théâtre de la Monnaie. L'étoile de Messine, le ballet dont la
musique est due au comte Gabrielli, va être montée pour la célèbre
danseuse qui en avait créé à Paris le rôle principal. — Roger, qui se
prépare à chanter le Prophète, a été accueilli avec une grande faveur
dans le Trouvère.
*** Liège. — Le premier concert du Conservatoire donné sous la di-
rection de M. Soubre, l'excellent directeur du Conservatoire, a été très-
brillant. Le programme s'est composé de symphonies de Haydn et Beetho-
ve.n, de l'ouverture d'Euryanlhe, des fragments de Samson, de Haen-
del, du chœur des Ruines d'Athènes, et de deux chœurs de F. Hiller,
qui était venu de Cologne pour assister à ce concert.
t*t Amsterdam, 19 février. — Au dernier festival de la Société pour
l'encouragement de l'art musical, l'oratorio Josué, de Haendel, a été
exécuté avec un immense succès ; le docteur Gunz, de Hanovre, un
des premiers ténors que l'Allemagne possède aujourd'hui, a chanté la
partie de Josué et a transporté l'auditoire, qui l'a rappelé après chaque
morceau ; les autres parties ont été confiées à Mlle Schreck, de Bonn,
Mme Offermans, de la Haye, et M. Lindeck, de Cologne. L'orchestre et
les chœurs, sous la puissante direction de Verhulst, ont fait merveille.
Les concerts populaires continuent a attirer la foule, et à chaque con-
cert la salle du Parc est comble. Au troisième concert, une nouvelle
ouverture d'Edouard de Hartog, Pompée, admirablement exécutée,
a été acclamée par le nombreux auditoire et couverte d'applau-
dissements. — Carlotta Patti a commencé la série de ses concerts
avec Laub et Jaell, deux grands maîtres ; à chaque concert la salle est
comble, et la Patti, si exceptionnellement douée par la nature, est vi-
vement applaudie. Quant à Laub et Jaell, leur succès est très-grand ;
ils électrisent le public à chaque concert. C'est de la perfection ! — On
parle d'un grand festival musical, qui aura lieu, au mois de septembre,
à Amsterdam, pour l'inauguration du palais de l'industrie, et qui du-
rera trois jours comme les festivals rhénans. — Au premier concert
donné par Mlle Carlotta Patti on a exécuté, avec beaucoup de succès,
l'ouverture triomphale à grand orchestre de M. A. Berlyn, et la marche
du Prophète, de Meyerbeer.
**„, Berlin. — La Bose d'Erin, de Jules Benedict, vient d'être repré-
sentée pour la première fois au théâtre royal de l'Opéra. C'est le même
ouvrage qui, sous le titre de Lilly of Killarney, a obtenu il y a deux
ans un succès si éclatant à l'opéra anglais de Londres, et ce succès le
public berlinois vient de le ratifier complètement. MM. Betz et Formes
et Mlle Santer remplissaient les principaux rôles, et c'est M. Betz, sur-
tout dans le rôle de Myles, qui a eu les honneurs de la soirée ; Formes
se sentit un peu à l'étroit dans le rôle de Harry, tandis que pour
Mlle Santer, une toute jeune artiste, un rôle aussi important que celui
de Nora, était peut-être trop fort. Mais Mlle Santer possède une belle
et fraîche voix de soprano, que la musique de Benedict, si bien disposée
pour les voix, a admirablement fait ressortir. La direction a prouvé,
par une magnificence inouie, de décors et de mise en scène ainsi que
par un ballet intercalé et réglé par Taglioni, toute l'importance qu'elle
attachait à l'œuvre de Benedict. Trois représentations consécutives ont
confirmé le succès de la première, et tout semble présager que la Rose
d'Erin se maintiendra longtemps sur le répertoire de notre Grand-
Opéra.
*% Vienne. — Le succès des Rheinnixen, le nouvel opéra d'Offen-
bach, ne fait qu'augmenter au théâtre de la cour, où il est à sa
sixième représentation. L'empereur l'a entendu quatre fois. Au Theater
an der Wien on a donné : Vécuyère, imitation de l'opérette : Une demoi-
selle en loterie, pour laquelle Oflenbach a écrit plusieurs nouveaux mor-
ceaux, qui ont été fort applaudis. Enfin au Karltheater, Il signor
Fagotto a été représenté avec beaucoup de succès. Offenbach, pendant
son court séjour ici, a pu ainsi assister à la première représentation
de trois ouvrages de sa composition.
»*„. Dresde. — Dans le courant de l'année 1863, Il y a eu au théâtre
de la cour cinquante et une représentations d'opéras. Ont été données
pour la première fois : Feramors, de Rubinstein ; la Clochette de l'er-
mite, par A. Maillart, et la Reole, par G. Schmidt. On annonce pour la
semaine prochaine la représentation d'un opéra nouveau de Louis Schu-
bert : le Devin. — Robert le Diable vient d'être représenté avec beaucoup
de succès au théâtre de la Cour, pour les débuts de M. Scarria, qui a
parfaitement rendu le rôle de Bertram.
%% Saint-Pétersbourg. — Une solennité musicale tout exceptionnelle
a été organisée au profit d'une famille, dont le chef est mort l'été der-
nier, à l'étranger, ne laissant d'autre fortune qu'un nom cher à tous ceux
qui aiment les arts. Charles Schubert était non-seulement violoncelliste
distingué, mais compositeur d'un mérite réel. Quand il a été question
d'un concert à donner pour le maître dont l'obligeance n'avait jamais
fait défaut à personne, tous les artistes se sont empressés d'offrir leurs
services. On entendra donc dans le concert, qui aura lieu le dimanche
2/14 février, Mmes Barbot, Fioretti, Nantier-Didiée ; MM. Angelini, Gra-
ziani, Giuglini, Everardi, Calzolari, Tamberlick, Fioravanti, Wieniawsky.
Davydovv, Dreyscchok et Rubinstein. L'orchestre et les chœurs seront
ceux du Grand Théâtre. Le maestro Baveri dirigera le concert.
le Directeur : S. DDFOUR.
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AIRS VARIES, FANTAISIES, ETC.
Adam (A.) . Fantaisie sur la Muette de Par-
tiel, composée par S. Thalberg, ar-
rangée pour le mélodiutn et piano .
Aida; (F.). Op. 15. Les Huguenots, fan-
taisie brillante pour harmonium. . .
— Fantaisie de salon sur l'Etoile du Nord
Badarzewska ( T. ) . La Prière d'une
vierge, pour harmonium
Brlsson. Adagio de Beethoven , transcrit
pour harmonium ou orgue et piano.
— Casta Diva, cavatine de Norma, trans-
crite pour harmonium ou orgue ,
piano et violon
— La Somnambule, trio pour harmonium
ou orgue, piano et violon
— La Charité, chœur de Rossini , trans-
crit pour harmonium ou orgue, piano
et violon .
— Op. 66. Maria, trio pour piano, orgue
et violon
— Op. 69. Robert le Diable, grand duo
caractéristique pour piano et orgue .
— Op. 70. Le Pardon de Ploërmel, duo
de concert pour piano et orgue. . .
— Op. 71. Méditation sur le chœur reli-
gieux du Pardon de Ploërmel,
transcription pour piano, orgue et
violon ou violoncelle
Durand Première romance sans paroles de
Mendelssolin, en trio pour violon, or-
gue et piano
— Ouverture de la Sirène, pour harmo-
nium et piano
Engel (L.). Fantaisie pour harmonium sur
l'Etoile du Nord
— Grande fantaisie pour orgue-harmonium
sur le Pardon de Ploërmel ....
— Grand duo pour piano et harmonium
sur le Pardon de Ploërmel ....
Fessy. Fant. sur le chœur du Domino noir
— Réminiscence du Stabat Mater de Rossini
— Andante et boléro
— Cavatine de Torqualo Tasso et caprice
— Six morceaux sur des motifs de Rossini,
Auber et Donizetti, 2 suites, chaque.
Uerz et Fessy. Deux duos concertants,
pour harmonium et piano, 2 suites,
chaque
1. Cavatine de Vaccaj.
2. Thème de Beethoven.
7 50
7 50
7 50
7 50
12 »
10 »
7 50
7 50
6 <>
7 50
7 50
7 50
7 50
Frelon. Trois marches pour orgue expressif
à percussion :
1. Marche du sacre du Prophète. . .
2. Marche de Robert Bruce
3. Marche de te Muette de Portici. .
— La Part du Diable, fantaisie pour or-
gue et piano :
— Le Prophète, fantaisie de concert pour
orgue avec accomp. de piano obligé. :
— Romance sans paroles de Thalberg pour
orgue et piano
Lebeau. Op. 42. L'Abandon, romance sans
paroles pour harmonium
— Op. 45. Danse bretonne, villanelle pour
harmonium:
— Op. tili. La Rosée du matin, caprice
pour harmonium
— Op. 45. Sylvie, souvenir d'autrefois,
pour harmonium
— Op. 46. En mer, chant maritime, pour
harmonium
— Op. 47. Impromptu pour harmonium..
Iionis. Op. 271. Entretiens familiers pour
orgue et piano, 3 suites, chaque. . .
Marias Cinelt. Op. 34. Cinquante mor-
ceaux de différents caractères, classés
ton par ton, et disposés de manière à
pouvoir servir d'Antiennes ou de Ver-
sets aux chants de l'office divin, pour
orgue ou harmonium, 2 suites, chaq. :
■lereanx. Op. 65. Grand caprice sur Ro-
bert le Diable, pour harmonicorde ,
piano et violon :
Sloreau. Ouverture de Giralda, pour orgue
et piano
— Ouverture des Diamants de la Cou-
ronne, pour orgue et piano
Iliolan. Fantaisie sur Moïse, composée par
S. Thalberg, arrangée pour mélodium
et piano
Riballier. Cavatine du sommeil de la
Muette de Portici, pour orgue, piano
et violon, ou violoncelle
Romano (Giuseppe). La Carita, chœur re-
ligieux de Rossini, pour harmonium
Ave Maria, de Schubert, pour harmo-
nium seul
Prière de Slradella {Piela signor),
pour harmonium seul
Harmonium seul :
F. BUISSON
LES DÉLASSEMENTS DE L'ÉTUDE
NOUVELLE ÉDITION.
48 MÉLODIES OU AIRS FAVORIS)
Tirés des opéras de
AD. ADAM, AUBER, FLOTOW, HALÉVY, MAILLART, MEÏER-
BEER, MOZART, ROSSINI, A. TIIOMAS et WEBER.
lre SUITE.
3e SUITE.
1.
Le Prophète.
25.
Dragons de Villars.
2.
Pardon de Ploërmel.
26.
Pardon Je Ploërmel.
3.
Stradella.
27.
Le Roman d'Elvire.
4.
La Muette de Portici.
23.
Le Comte Ory.
5.
Zerline.
29.
La Fiancée.
6
Robert le Diable.
30
Pardon de Ploërmel.
7.
Oberon.
31.
La Muette de Portici.
8.
Le Postillon de lonjjnintau
32.
L'Etoile du Nord.
9.
Le Prophète.
33.
Nozze di Figaro. -"^
10.
La Muette de Portici.
34.
Haydée
11.
Marta.
35.
Pardon de Ploërmel.
12
La Sirène.
36.
Le Roman d'Elvire.
2e SUITE.
4e SUITE.
13.
Le Philtre.
37
L'Ambassadrice.
14
Guillaume Tell.
38
Les Huguenots.
15.
Lestocq.
39.
La Fée aux Roses.
16.
L'Etoile du Nord.
40.
Guillaume Tell.
17
Haydée.
41
La Fiancée.
18
Marta.
42.
Pardon de Ploërmel .
19
La Fiancée.
43.
Le Roman d'Elvire,
20
Le Postillon de Longjnmeau
44.
Robert le Diable.
21
Le Domino noir.
45.
Fra Diavolo.
22
La Muette de Portici
46
Le Domino noir.
23
Les Huguenots.
47
Le Roman d'Elvire.
24
Le Prophète.
48
Le Cheval de bronze.
Trente Mélodies de F. Schubert
Transcrites
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HARMONIUM SEUL
PAR
F. BRISSON
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4 . Adieu .
2. La Jeune Mère.
3. Eloges des larmes.
4. La Rose.
5. Sur le bord du lac.
6. La plainte du pâtre.
7. Les larmes.
15.
PUBLIÉE :
1™ SÉRIE.
8. Les astres.
9. La berceuse.
10. La jeune Fille et la Mort.
1 1 . Rosemonde.
12. La sérénade.
13. Ave Maria.
14. La cloche des agonisants .
Mes rêves sont finis.
SOUS PRESSE :
1 . Le Chasseur des Alpes.
2. Tu es le repos.
3. L'illusion.
4. L'Exilé.
5. A Mignon.
6. Impatience.
7. Dans le bosquet.
2e SÉRIE.
8. Les plaintes de la jeune fille.
9. Le voyageur.
10. Bonjour.
1 1 . Le pêcheur.
12. Chanson des chasseurs.
13. La Truite
14. Le joueur de vielle.
15. Sois toujours mes seules amours.
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28 Février 1864.
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REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
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Départements, Belgique et Suisse.... 'M » id.
Étranger 3-1 » id-
Le Journal parait le Dimanche
GAZETTE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique impérial: reprise de Maria, Mlle Adelina Patti ;
Mme Spezia dans Lucrezia Borgia. — Concerts populaires de musique classique
au cirque Napoléon, par Paul Smith. — Auditions et concerts. — Martini
(8* et dernier article), par Arthur Pougin. — Le Pardon de Ploërmel à
Marseille, par <S. Bénédict. — Correspondance : Saint-Pétersbourg. — Nou-
velles et annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Reprise de Maria. — aille Adelina Patti. — Urne Spe-
zia dans M/Ucrczia Borgia.
Le rôle principal de Marta semblait fait exprès pour Adelina
Patti. Cette nouvelle marquise de Clainville, qui s'ennuie au point
de ne savoir par quelle extravagance elle pourrait se distraire, qui
ne trouve rien de mieux que d'aller au marché où s'engagent les
servantes, et que de s'y enrôler elle-même sous les ordres d'un
maître inconnu, en vérité c'était un personnage fabriqué à
souhait pour une jeune artiste dont le talent a quelque chose
de si original, de si spontané! Ce qui nous a toujours paru
curieux dans l'immense succès de Mlle Patti, ce sont les arguments
qu'employaient ses adversaires pour l'amoindrir. Et, notez que ses
adversaires n'étaient pas seulement parmi les artistes, dont au moins
la jalousie s'expliquait ; on en rencontrait aussi chez les grandes
dames, qui s'indignaient que l'on se passionnât pour une enfant ! —
Calmez-vous, Mesdames, l'enfant vient d'atteindre sa majorité ! quant
aux artistes, c'était autre chose; elles n'admettaient pas que l'on
réussît plus qu'elles en s'y prenant autrement qu'elles, et pourtant
c'était le vrai moyen ! Elles ne cessaient de se récrier sur le défaut
d'art, et ne comptaient pour rien la nature! — Mais où a-t-elle étu-
dié? quels sont ses maîtres ? à qui la comparer ? comment la clas-
ser? Ce dernier point embarrassait surtout les critiques de pro-
fession à qui leurs profondes lectures et leur vaste mémoire ne
rappelaient rien d'analogue.
Après son merveilleux avènement de l'année dernière, dans la
Sonnambula, 11 Barbiere, Don Pasquale et même Don Giovanni, il ne
manquait à Mlle Patti que de se montrer dans de nouveaux rôles.
Elle a eu grandement raison de commencer par celui de Marta, qui
ouvrait une si libre carrière à la variété de ses inspirations tout
individuelles. La jeune artiste s'y est élancée avec son vif et sûr
instinct, sa verve de comédienne et de cantatrice : elle n'avait pu
voir aucune des artistes de mérite, Mme Frezzolini et Mlle Ma-
rie Battu surtout, qui avaient joué le rôle à Paris : elle l'a donc
joué à sa manière, comme elle le comprenait et le sentait : c'est ce
qui fait qu'elle y a été charmante, et que ce rôle restera l'un de ses
meilleursparce qu'il est un de ceux qui lui appartiennent le plus.
Mario, lui aussi, doit aimer cette Marta, qui lui est si favorable,
et ce rôle de Lionello, qu'il chante si bien, sans effort, sans fatigue.
Il y a été applaudi, rappelé avec pleine justice. La délicieuse ro-
mance de la Rose assure toujours au chanteur et à la cantatrice une
de ces ovations qui, pour n'être pas difficiles à conquérir, n'en son t
pas moins agréables à mériter. Dans sa romance du troisième acte '
Mario a produit aussi beaucoup d'effet. Sans égaler Graziani, dont la
belle voix résonnait si bien dans la chanson du Porter et dans tout
le rôle de Plumkett, Delle-Sedie n'y déroge pas à sa louable habitude
de faire bien tout ce qu'il fait, de ne jamais déserter son poste.
Mme Méric-Lablache et Scalese, le nouveau bouffe, sont tout à fait
à leur place dans les rôles de Nancy et de lord Tristano.
Quant à la partition de Maria, que le théâtre Italien de Paris nous
a fait entendre pour la première fois, au moisde février 1858, le pu-
blic l'a trouvée aussi jeune, aussi mélodique, aussi séduisante qu'il y
a six ans. Voilà encore un succès, qui par sa continuité, son uni-
versalité, déconcerte bien des jugeurs !
La musique de M. de Flotow ne ressemble ni à celle de Kossini,
ni à celle de Bellini, de Donizetti, de Verdi ? Comment se fait-il donc
qu'elle plaise à tous ceux qui l'entendent, et que, quand on l'a en-
tendue, on soit heureux de l'entendre encore? Cela pourrait venir
de ce qu'elle est la musique de M. de Flotow.
Dans Lucrezia Borgia, Mme Spezia s'est montrée éminemment
douée du sentiment dramatique dont elle avait déjà fait preuve dans
Norma. Nicolini s'est fort bien acquitté du rôle de Gennaro, qu'il
n'avait pas rempli encore.
66
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
CONCERTS POPULAIRES LE MUSIQUE CLASSIQUE
au Cirque Napoléon.
Les programmes de M. Pasdeloup sont composés avec un soin ex-
trême et de telle sorte que les noms des plus illustres compositeurs,
Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Mendelssohn, Meyerbeer, s'y ren-
contrent presque toujours, tantôt dans un ordre , tantôt dans un
autre. Dimanche dernier, immédiatement après le nom de Beethoven,
venait celui d'un musicien jeune encore, dont nous connaissons peu
de choses, et ce peu, nous le devons à l'orchestre de M. Pasdeloup,
du temps qu'il préludait dans la petite salle Herz aux grandes solen-
nités du Cirque. Nous voulons parler de M. Niels Gade, maître de
chapelle du roi de Danemark. Un amiante sostenuto (op. 15), de sa
composition, exécuté pour la première fois, il faut bien le
dire, a été reçu très-froidement : on l'a écouté avec attention et
laissé finir dans un silence, troublé seulement par quelques chuts.
A ce sujet, nous recevons de l'un de nos honorables collaborateurs,
M. Maurice Cristal, une espèce de protestation contre l'accueil,
très-immérité, suivant lui, dont une œuvre de Gade a partagé
l'affront avec les productions de Schumann, entendues dans le même
lieu.
Est-ce la faute des œuvres ? est-ce celle du public ? Nous qui
avons été du même avis que lui, nous n'hésiterons pas à décider la
question contre les musiciens et leur musique. Vainement nous nous
sommes recueilli pour suivre sans distraction cet andante sostenuto
de couleur terne et d'allure monotone : nous n'avons pu en deviner
le sens ; nulle idée ne s'en est dégagée à nos yeux, et nos conscien-
cieux efforts ne nous ont procuré qu'une certaine dose d'ennui, de
fatigue. Après cela, que faire ? Entendre une seconde fois le morceau
et nous constituer en cour d'appel vis-à-vis de nous-même ? Nous
ne demandons pas mieux, et, en attendant, pour faire preuve d'im-
partialité, nous communiquerons à nos lecteurs quelques renseigne-
ments que nous transmet notre collaborateur sur le musicien, auteur
de Yandanle :
« Gade raquil en 1819, à Copenhague. Il chercha, tout d'abord,
à se créer, au sein de l'Allemagne musicale, un point d'appui, pour
se faire ensuite victorieusement reconnaître par son pajs. Pauvre et
sans protecteurs, il fut mal accueilli. Sa musique n'éveilla que doute
et prévention ; ses démarches ne lui suscitèrent que des antipa-
thies.
» Désespéré, il écrivit à Mendelssohn et joignit à son épître sa
symphonie préférée. Mendelssohn étonné, ravi, mit aussitôt cette
œuvre à l'étude et, quelques jours après, il écrivit à Gade : « Vous
commencez par où j'ai fini, et pour que vous soyez convaincu de la
sincérité de mon compliment, apprenez que votre symphonie vient
d"être exécutée aux applaudissements de tout ce que Leipzig compte
de dilettanti. » En effet, le succès avait été immense. L'écho en ar-
riva à Copenhague et, de ce jour, les Danois, qui, comme les hom-
mes de tous les pays du monde, ont besoin pour croire à la valeur
d'un compatriote, que les étrangers viennent les en informer, —
s'enthousiasmèrent pour le musicien et le proclamèrent un grand
maître. Bientôt l'Allemagne disputa Gade à sa patrie. Quand Men-
delssohn mourut, la ville de Leipzig le chargea de la direction de la
société des concerts, et il y fut établi jusqu'au moment où la guerre
du Sleswig le rappela en Danemark. Si l'on y réfléchit, un pareil
poste, en Allemagne est significatif, et la succession du chantre
d'Elie et du Songe d'une nuit d'Eté est d'autant plus honorable que
ce fut Mendelssohn lui-même qui désigna son héritier.
» Nous connaissons de M. Gade : Mariotta, partition facile et agréa-
ble, mais qui n'accuse pas suffisamment sa personnalité ; l'ouverture
in the HUjhlands, résumé admirable d'impressions produites par
l'Ecosse romantique; Comala, intermède symphonie, œuvre instru-
mentale mêlée de récits, de cavatines et de chœurs, création capitale
où le génie de Gade se révèle dans son originalité et dans sa force,
et qu'on nous a promise pour l'hiver prochain à Paris ; plusieurs
symphonies remarquables à divers titres, parmi lesquelles nous signa-
lerons celle qui a pour thème principal un air national danois, et
celle en la, qui est très-renommée à Leipzig; enfin X andante soste-
nuto (op. 15), qui vient d'être exécuté à Paris.
» La puissance de l'instrumentation, la verve mélodique, l'origina-
lité de la composition, la combinaison des effets imprévus , sont les
qualités incontestées de M. Gade. Ce qui leur donne leur cachet, c'est
qu'elles se révèlent par un style âpre, abrupte, sauvage même, qui est
le caractère particulier des artistes du Nord. Mais cette rudesse que
nous signalons n'est pas sans_ charme ; elle s'allie avec une ^tristesse,
une mélancolie qui envahit peu à peu l'auditoire et le retient charmé,
fasciné. L'art a abusé en France de la mélancolie de convention, de
la sauvagerie affectée. Chez .M. Gade, la mélancolie est à sa source
primitive. Elle n'a rien à démêler avec un faux sentimentalisme, avec
cette rêverie grêle et maladive que l'esprit d'imitation dicte trop sou-
vent aux artistes de second ordre. La sauvagerie de son style n'a rien
de fardé, c'est plutôt une énergie salubre et fécondante, la tristesse
dans la force, l'énergie et la verdeur dans la mélancolie, une rêverie
austère et grave qui rappelle une superbe création, la Mélancolie
d'Albert Durer. »
Voilà comment s'exprime l'apologiste de M. Gade, et notre vœu le
plus sincère est qu'il ne se trompe ni dans ses appréciations, ni dans
ses éloges. Mais pour le moment, nous ne pouvons faire autre chose
que persister dans notre sentiment à l'égard de Yandanle sostenuto.
Pour l'enthousiasme, de même que pour la foi, la bonne volonté ne
suffit pas.
Dans le même concert, il y a huit jours, Mme Tardieu de Malle-
ville a fort honorablement joué le concerto (n° 8) en ré mineur pour
piano, de Mozart. Nous nous rappelons le temps où cette pianiste
habile et distinguée frappait inutilement aux portes de la Société
des concerts, qui la congédiait sans trop de politesse, elle et ses
partisans. Aujourd'hui, la Société est moins fière, si l'on en juge par
les virtuoses qu'elle accueille, mais peut-être Mme Tardieu de Malle-
ville l'est-elle devenue davantage, en voyant les concerts populaires
lui accorder si gracieusement l'hospitalité. Le seul tort qu'elle ait eu,
selon nous, c'est de choisir un concerto que Mozart n'avait pas écrit
certainement pour une si vaste salle.
Paul SMITH.
AUDITIONS ET CONCERTS.
M. W. Krùger.
M. Louis liacoraibe. — Mlle Hélène et
91. Hugo Heermann.
Il y a toujours dans les soirées que donne M. W. Krùger,
le pianiste de S. M. le roi de Wurtemberg, un attrait double, parce
que, à côté du virtuose dont le talent est depuis longtemps reconnu,
on rencontre le compositeur, dont les qualités spéciales prêtent un
intérêt puissant à l'audition de ses œuvres nouvelles. Ainsi, dans son
concert à grand orchestre de lundi dernier, M. W. Kriiger nous a fait
enlendre un concerto inédit en la majeur, qui est vraiment fort beau
et fort brillant. Nous en avons surtout remarqué l'introduction, es-
sentiellement mélodique, pleine de hardiesse et d'élégante franchise.
Le chant des violoncelles, repris par les violons, est une charmante
inspiration. Le piano joue, dans ce morceau, un rôle des plus écla-
tants, et l'exécution prestigieuse du pianiste-compositeur n'a pas peu
contribué à en faire ressortir la variété et la richesse. Dans un ordre
inférieur, M. W. Krùger a ravi l'auditoire avec deux ouvrages égale-
DE PARIS.
67
ment inédits, et de plus courte haleine, une Berceuse et un air de
ballet, qui ne tarderont pas à obtenir la vogue.
Mais M. W. Kriiger ne s'est pas borné à l'exécution de ses œuvres
originales ; on lui avait en quelque sorte imposé l'obligation d'y
joindre l'Echo de la vallée et la Coupe d'or, délicieux caprices, et
de chaleureux bravos l'ont amplement récompensé.
En sa qualité de virtuose, il lui restait à prouver que ses compo-
sitions ne sont pas les seules dans lesquelles il sache déployer toutes
les ressources de son magnifique talent. Le rondo en mi bémol, avec
orchestre, de Mendelssohn, a donc été pour lui l'occasion d'un
triomphe d'autant plus complet que l'enthousiasme provoqué par le
choix de ce splendide morceau, a nécessairement réagi sur les excel-
lentes dispositions de ses auditeurs. L'orchestre, conduit par M. Pas-
deloup, l'a supérieurement secondé.
La partie vocale de cette belle soirée était représentée par M. Vin-
cent, dont la voix sympathique et la bonne méthode ont été très-goû-
tées, et par Mme Talvo-Bedogni qui, prévenue au dernier moment,
n'en a pas moins consenti à remplacer Mme Gagliano, qu'une indis-
position retenait chez elle. L'aimable cantatrice n'a pas eu à se re-
pentir de cet acte de complaisance.
— Parmi les pianistes de l'école française, il en est peu qui puis-
sent être comparés à Louis Lacombe. Son talent hors ligne est au-
dessus de tout éloge ; son style est large et pur ; il a tour à tour de
la grâce, de l'énergie, du sentiment ; dans les plus grandes difficultés,
il est toujours clair et précis ; enfin, [c'est un exécutant parfait. A
son concert qui a eu lieu mercredi dans les salons Erard, il a élec-
trisé l'auditoire rien qu'avec quatre fragments de modeste étendue,
des scherzi empruntés à Beethoven, à Weber, à F. Schubert et à
Chopin. Ce dernier surtout, qui ne se laisse pas facilement aborder,
n'a peut-être été jamais mieux interprété que par 1 eminent virtuose.
Il semblait, à l'entendre, que ce fût la chose du monde la plus sim-
ple et la plus naturelle. Louis Lacombe a fait en outre sa partie de la
manière la plus remarquable dans l'andante et le scherzo du trio en
mi bémol de Schubert, pour piano, violon et violoncelle, dans l'ada-
gio et l'allégretto scherzando de la sonate en ré de Mendelssohn,
pour violoncelle et piano, et dans un admirable fragment de la sym-
phonie en ut mineur de Beethoven, arrangée pour deux pianos par
Eberwein. Le second piano était tenu par Ravina, très-digne émule
du bénéficiaire et non moins applaudi.
Mais on sait que Louis Lacombe n'est pas seulement un très-ha-
bile pianiste ; comme compositeur, il a aussi des litres sérieux à faire
valoir. Ses œuvres nombreuses pour le piano, l'orchestre et le
chant sont assez connues pour que nous n'ayons pas besoin de les rap-
peler ici. Nous ne citerons que celles qui ont été exécutées à la soi-
rée de mercredi, et qui nous ont fait généralement beaucoup déplai-
sir. Et d'abord l'adagio et le scherzo de son trio en la mineur, pour
piano, violon et violoncelle, et une élégie pour le violon, deux mor-
ceaux qui nous ont paru réunir à un haut degré le mérite de l'idée
et celui de la forme. Ils ont d'ailleurs parfaitement été joués par le
compositeur ainsi que par MM. Lebouc et Garcin. Plusieurs mélodies
chantées par Archainbaud et par Mme Anna Barthe n'ont pas été
moins applaudies, quoique leur élévation poétique, un peu trop va-
gue, trop idéale, ne les mette pas à la portée de toutes les intelligen-
ces. Mme Barthe, douée d'une voix pure et bien timbrée, a produit
beaucoup d'effet, notamment avec la Chanson de Barberine, l'une des
meilleures et des plus originales inspirations de Louis Lacombe.
— M. Hugo Heermann, violoniste, et sa sœur Mlle Hélène Heer-
mann, harpiste, sont à peu près inconnus à Paris, mais en revan-
che, ils sont fort appréciés de l'autre côté du Rhin, à Bade, à
Leipzig, à Francfort, à Brème, etc., où ils ont laissé une très-bonne
impression de leur passage. Le concert qu'ils ont donné vendredi,
chez Erard, nous a mis à même de les juger à notre tour, et de
confirmer leurs triomphes germaniques. M. Hugo Heermann est encore
fort jeune ; mais il possède un sentiment musical très-développé ;
il a du style, de l'expression ; il ne lui manque peut-être qu'un peu
plus de fermeté et de chaleur; cela viendra sans doute avec le
temps. Il a dit à merveille sa partie de premier violon dans un
quatuor d'Haydn, où il avait pour exécutants MM. Muller, Bauer-
keller et Hunnemann. Il s'est très-bien tiré aussi de la fantaisie
d'Ernst sur la marche et la romance d'Otello. Mlle Hélène Heer-
mann est, dit-on, une des meilleures élèves de M. Théophile Kri'i-
ger, de Stuttgard. Elle a, dans son jeu, infiniment de grâce, de dis-
tinction et de délicatesse. Les qualités charmantes dont elle a fait
preuve dans le Rêve et dans les Adieux de Félix Godefroid, ainsi
que dans une très-jolie mélodie irlandaise de John Thomas, lui ont
conquis tous les suffrages. Les plaisirs de cette soirée ont été com-
plétés par Ernest Lubeck, qui a joué avec un brio tout à fait magis-
tral la polonaise en la bémol de Chopin, par M. Muller, habile vio-
loniste, qui a remarquablement interprété deux agréables mélodies
d'Ehmant, et par un M. Wagner, chanteur allemand, dont la belle
voix de basse a fait oublier l'inconvénient de ne pouvoir le com-
prendre.
Y.
MARTINI.
(8e et dernier article) (1).
Le talent de Martini, talent qui fut réel, incontestable, s'exerça sur
une foule de sujets, dans des genres très-différents. On a vu qu'il
fit représenter un assez grand nombre d'opéras, auxquels je dois
ajouter encore l Amant sylphe, ouvrage en trois actes qui fut donné
sur le théâtre particulier de la cour, à Versailles, en 1785. J'ai si-
gnalé ses productions de musique religieuse, au sujet desquelles
M. Fétis s'exprime ainsi : « La musique d'église de Martini a eu
beaucoup de renommée , mais elle a été trop vantée : son carac-
tère est plus brillant que religieux; d'ailleurs, elle manque de sim-
plicité et de netteté dans l'harmonie. » L'appréciation de M. Fétis
est très-juste; mais il faut reconnaître, ainsi qu'il le fait lui-même,
que les œuvres sacrées de Martini jouirent, du vivant de leur auteur,
d'un très-grand renom, et produisaient une vive sensation. 11 est
certain qu'elles concouraient avec celles de Zingarelli, d'Haydn, de
Paisiello et de Lesueur à former le répertoire de la chapelle impé-
riale.
Je n'ai fait jusqu'ici que mentionner ses romandes ; ses nombreuses
productions en ce genre démontrent qu'il y était passé maître. Il a
publié six s recueils de petits airs de chant, avec accompagnement
de piano-forte ou de harpe. » On peut dire que sous ce rapport il
fut novateur, en ce sens que non-seulement il remplaça les simples
basses chiffrées que l'on se contentait alors d'indiquer sous la partir
de chant par un véritable et intéressant accompagnement de piano,
mais encore en ce qu'il fit précéder et suivre ces petits morceaux
d'élégantes ritournelles, moyen dont on n'usait pas non plus avant
lui.
J'ai sous les yeux quatre de ces recueils. Le « deuxième » est
« dédié à Mme Le Brun, de l'Académie royale de peinture . »
Ce deuxième recueil est composé de treize morceaux , parmi les-
quels je remarque le n" 6 :
Cruels moments qui pénétrez mon âme . .
véritable fragment dramatique qui semble appeler le secours de l'or-
chestre, et celui intitulé le Novice de la Trappe, écrit sur des paro-
(1) Voir les n0' 49, 50, 51 de l'année 1863, et les n01 2, 3, h et 5.
68
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
les de Florian, comprenant deux strophes musicales alternées, l'une
mineure, l'autre majeure, et qui respire une douleur profonde.
Dans le quatrième recueil, divisé en deux parties, contenant cha-
cune sept romances, chansons et cavatine.s — car Martini ne se ren-
fermait pas dans un genre étroit et unique — et dédié à « la citoyenne
Théis-Pipelet, » je citerai les Amants heureux (n° 1), inspiration
d'une grâce sans pareille ; le Vieux Robin Gray (n° 2), sorte d'élégie
dont la musique, aussi bien réussie que les charmants vers de Flo-
rian, respire la même simplicité douloureuse, la même résignation
plaintive, et la « Chanson » (u° 3), chantée par Mlle Contât dans
une comédie de Vigée représentée au Théâtre-Français, la Matinée
d'une jolie femme, chanson dont la mélodie est remplie de délica-
tesse, de charme et d'élégance. Je m'arrête dans cette énumération ;
mais je ne saurais m'empêcher de faire remarquer que , par ces pe-
tits chefs-d'œuvre, Martini ouvrit la voie aux musiciens qui se sont
le plus distingués dans le genre de la romance et que, notamment,
il précéda Ferrari, Garât, Blangini et Boïeldieu.
Martini mit aussi en musique, en collaboration avec Dalayrac, De-
vienne et Foignet, les romances de Berquin, qui furent ainsi publiées
en 1788 (1). Je dois mentionner encore une cantate intitulée Arca-
bonne, avec accompagnement d'orchestre.
Martini composa, de plus, un assez grand nombre d'oeuvres de
musique de chambre, trios et quatuors pour instruments à cordes,
quelquefois avec flûte, d'autres fois avec clavecin, parfois encore
avec accompagnement d'orchestre.
Enfin, il me reste à parler de ses ouvrages didactiques, qui sont
au nombre de trois. Sa Mélopée moderne ou l'Art du chant réduit
en principes, arracha à Grétry, peu flatteur de sa nature, ces lignes
louangeuses : « Tout ce que dit cet habile homme est dans l'exacte
vérité. C'est avec regret que je ne vois pas Martini assis à côté de
moi au Conservatoire de musique... (2). Il méritait mieux que moi
d'occuper une place dans cet établissement utile : il est plus métho-
dique, plus didactique. » Mais à côté de ces éloges, il faut placer
une réflexion de M. Fétis, qui dit que « les principaux matériaux de
cet ouvrage ont été puisés dans le traité du chant de Hiller, » auquel
cas la gloire de Martini sous ce rapport se réduirait à peu de chose.
Pour ce qui est du deuxième ouvrage, Partition pour accorder le
piano et l'orgue, je me contenterai de le nommer, et quant au troi-
sième, Ecole d'orgue, divisée en trois parties et résumée d'après
les ouvrages des plus célèbres organistes de l'Allemagne, publiée
chez Imbault, je rapporte encore les paroles de M. Fétis : « Ce titre,
dit l'infatigable écrivain, n'est point exact, car on ne trouve dans
l'ouvrage de Martini qu'une traduction de YOrgelschule, de Knecht,
où le livre allemand est bouleversé sans que le traducteur y ait mis
plus d'ordre. »
Enfin, Martini avait laissé en manuscrit un Traité élémentaire
d'harmonie et de composition qu'on a retrouvé dans ses papiers, en
même temps qu'une collection considérable d'extrails et de traduc-
tions d'ouvrages allemands portant sur ce sujet.
Par tout ce qui précède, on peut se convaincre que la vie de
Martini ne fut pas moins laborieuse que longue. Les travaux de cet
artiste distingué sont loin d'avoir été sans utilité pour l'art musical,
car, en même temps qu'il continuait au théâtre les bonnes et saines
traditions de l'opéra-cornique français, en même temps qu'il se fai-
sait remarquer par des qualités véritables, quoiqu'un peu mondaines,
dans ses nombreuses productions de musique d'église, il réformait
le genre de la romance, répandait le goût de la musique d'ensemble
(1) V. le Calendrier musical de 1789, page 253.
(2) On a va que Martini y occupa la place même de Grétry, lorsque celui-ci eut
donné sa démission.
pour instruments à cordes, et, enfin, faisait faire les premiers pas à
la réforme de nos musiques mililaires, réforme que Devienne accom-
plit à sa suite. Voici comment s'expriment à ce sujet Choron et
Fayolle, dans leur Dictionnaire historique des musiciens •' « M. Mar-
tini est un de ceux qui ont le plus contribué à former des corps de
musiciens, dans les régiments de France, par la grande quantité de
morceaux de musique pour les instruments à vent qu'il a composés
à l'époque où il était chez le prince de Condé, et que tous les co-
lonels de ce temps lui ont demandés pour leurs régiments. »
« Martini était à la fois, dit Mme de Salm, homme instruit et
homme de société; son esprit était actif, son jugement sûr et
prompt. On lui reprochait de la brusquerie et de l'emportement, sur-
tout quand il était contrarié, ou plutôt blessé dans ce qui tenait à son
art; mais ce défaut, commun à presque tous les grands arlistes, n'avait
point d'influence sur sa conduite dans le monde, ni dans les fonc-
tions qu'il avait à remplir, et son équité naturelle, la véritable bonté
de son cœur, le ramenaient à l'instant à des sentiments bienveillants
et généreux. Ces qualités essentielles, qui lui méritaient autant que
son talent supérieur l'estime générale, lui avaient acquis des amis
sincères qu'il conserva jusqu'aux derniers moments de sa vie. »
Mme de Salm a montré évidemment dans ce portrait toute l'in-
dulgence d'une amie dévouée.
Ce qui paraît certain, c'est que Martini était quinleux envers ses
égaux, envieux et jaloux de ses confrères, dur et hautain avec ceux
qu'il considérait comme ses inférieurs. A la suite de la réforme de
l'an X, dans laquelle il avait été compris, il nourrit jusqu'à ses der-
niers jours un sombre ressentiment contre Méhul et Catel, qu'il sup-
posait — à tort, je crois — lui avoir nui dans cette affaire. « Au
surplus — dit M. Fétis qui l'a connu, et faisait ses études au
Conservatoire lorsque Martini y était encore inspecteur — il aurait
été difficile de deviner, à la brusquerie, à la dureté de ses manières
et au despotisme qu'il affectait avec ses subordonnés, l'auteur d'une
multitude de mélodies empreintes de la plus douce sensibilité. »
C'est par une petite histoire fort piquante que M. Fétis nous fait
surtout connaître un côté curieux du caractère de cet artiste. Comme
elle le peint à merveille, c'est par elle que je veux terminer ce long
travail :
ci Je me souviens, dit-il, que lorsque j'étudiais l'harmonie au Con-
servatoire de Paris, sous la direction de Rey, Martini vint inspecter
la classe, et qu'il corrigea une leçon que je lui présentai. Je lui fis
remarquer que dans un endroit sa correction n'était pas bonne parce
qu'elle donnait lieu à une succession de quintes directes entre l'alto
et le second violon. « Dans le cas dont il s'agit, on peut faire des
» quintes consécutives (me dit-il). — Pourquoi sont-elles permises?
» — Je vous dis que dans ce cas on peut les faire. — Je vous crois,
» Monsieur; mais je désire savoir le motif de cette exception. — Vous
» êtes bien curieux !» A ce mot, dont le ridicule n'a pas besoin
d'être commenté, tous les élèves partirent d'un éclat de rire, et la
grave figure de notre professeur même se dérida. Depuis ce temps,
chaque fois que je rencontrai Martini, il me lança des regards pleins
de courroux. »
Arthur POUGIN.
LE PARDON DE PLOEBJEL
A Marseille.
Voici la conclusion du second article publié dans le feuilleton du
Sémaphore par notre excellent confrère G. Bénédicl. En la transcri-
vant, nous regrettons vivement de ne pouvoir reproduire son appré-
ciation entière du chef-d'œuvre, dont nous avons annoncé déjà le
grand succès.
o On le voit, il n'est pas dans cette partition, où l'on ne compte pas
OR PARIS.
69
moins de vingt morceaux, une seule scène négligée par le compositeur,
il a tenu compte de tout en donnant à chaque personnage, à chaque si-
tuation son caractère et sa couleur locale.
Maintenant que dire de cette merveilleuse instrumentation qui atteint
l'apogée de l'art dans ses plus poétiques sommets? Renferme-telle
assez de rhythmes nouveaux, d'effets assez piquants et d'heureux con-
trastes! liais ce qui frappe surtout les connaisseurs dans cette partition
du Pardon, où est si scrupuleusement respecté le septième commande-
ment du décalogue : « Le bien d'autrui lu ne prendras, » c'est l'unité
du style et l'harmonie des proportions musicales. Là, point de longueurs
fastidieuses, chaque morceau a sa durée logique et ne dépasse jamais
les développements qu'il comporte dans ses rapports avec l'ensemble de
l'œuvre entière.
Parlerons-nous de la clarté du style de Meyerbeer, où l'on cherche-
rait en vain la moindre obscurité, la plus petite broussaille? L'opéra
tout entier est écrit d'une main libre et sûre qui exclut les embarras
et les tâtonnements; aussi quelle netteté dans sa marche! comme l'air
et la lumière circulent à travers tous ces accompagnements d'un tissu
si fin et si habilement ouvragé!
Pour la couleur, elle se montre partout, sans qu'une teinte criarde
et disparate vienne en compromettre l'éclat et la douceur. Loin de ces
musiciens qui croient intéresser l'audiloire par l'emploi fréquent de
certains effets excellents en soi, mais qu'ils reproduisent sans cesse au
risque d'en saturer et de compromettre leur harmonie, Meyerbeer, qui
mieux que personne connaît jusqu'aux dernières ressources de l'art in-
strumental, n'en abuse jamais systématiquement au point d'entacher ses
œuvres par l'uniformité et la monotonie. A l'égal des compositeurs
modernes et comme eux il emploie tour à tour les procédés en usage :
trémolo, sourdines, tenues de cor et de basson, mais ave3 quelle intel-
ligence, avec quel esprit et quelle discrétion ! C'est à peine si dans le
Pardon Meyerbeer se sert des trombones. Comment s'étonner dès lors
qu'il arrive à soutenir l'attention de ses auditeurs sans malaise, sans fa-
tigue et sans ennui? Le premier acte du Pardon ne dure pas moins d'une
heure et quart montre en main, et pourtant, oserait-on réclamer contre
la longueur de cette partie de l'ouvrage, qui file sur les rails du ca-
price et de la fantaisie avec la légèreté d'un simple vaudeville? A ce
propos, nous en appelons aux partisans de la musique impossible, et
nous les invitons à faire une étude spéciale des œuvres de Meyerbeer.
Ils y apprendront comment, avec une science aussi vaste et aussi pro-
fonde qu'il soit donné à un musicien de posséder ; on peut être acces-
sible à tous les esprits et charmer toutes les oreilles humaines en de-
hors des formules stéréotypées des platitudes et des banalités de cer-
taines œuvres par trop faciles. Ce qui n'est pas compréhensible en fait
de science musicale, ce sont les problèmes et les équations algébriques,
les syllogismes obscurs et les cavernes sombres où se complaisent les
extravagants et les fous dans l'impuissance où ils sont de pouvoir fixer
la lumière.
Une chose digne de remarque dans le Pardon de Ploe'rmel, et qu'il n'est
pas inutile de signaler, c'est la partie du biniou, instrument local dont
Meyerbeer s'est si bien servi au premier acte de son ouvrage, qu'en l'é-
coutant on rêve malgré soi aux charmants poëmes de Brizeux, transporté
en esprit aux lieux où se déroule le drame nouveau de l'auteur de
Robeit. Ah! Monsieur, nous disait un jeune Breton à la dernière repré-
sentation du dernier chef-d'œuvre du maître, ces airs me rappellent mon
pays et m'attendrissent jusqu'aux larmes; comprendre de la sorte un
instrument, ce n'est pas seulement écrire pour lui, c'est l'inventer.
G. BÉNÉDICT.
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg, 10/22 février 1864.
Vendredi a été donnée, au bénéfice de Calzolari, la première repré-
sentation de la Dame blanche de Boïeldieu, traduite en italien sous le
titre de la Dama bianca, avec récitatifs de notre chef d'orchestre, Ba-
veri. Cette tentative, il faut bien l'avouer, n'a pas eu le succès sur le-
quel on comptait. Dépouillée de son dialogue spirituel, la jolie comédie
de Scribe a paru froide, et malgré le talent des artistes éminents char-
gés d'en interpréter la musique, cette impression s'est maintenue toute
la soirée. C'est en vain que Calzolari avait mis au service du rôle de
Georges tout le charme de sa voix, que dans ce!ui d'Anna Mme Fioretti
déployait sa brillante vocalisation ; que Mme Bernardi se montrait la
plus séduisante Jenny, Everardi un remarquable Gaveston; qu'enfin
l'orchestre faisait de son mieux, la salle est restée silencieuse ; ses rares
applaudissements s'adressaient visiblement aux artistes aimés et non
à l'œuvre elle-même. Sous ce rapport du moins, Calzolari, le bénéfi-
ciaire, a été largement partagé, et plusieurs rappels accompagnés de
couronnes et de bouquets, l'ont dédommagé de l'insuccès d'une initia-
tive qui avait pour but honorable d'introduire au répertoire de notre
scène italienne un des chefs-d'œuvre de l'opéra français. Après lui
Mme Bernardi s'est fait légitimement applaudir, en donnant à la bal-
lade, d'ailleurs fort bien dite, une expression de vérité qui a produit
beaucoup d'effet.
Le physique de Mme Fioretti se prêtait défavorablement au person-
nage d'Anna; on s'est étonné avec raison qu'il n'eût pas été revendiqué
avec empressement par Mme Barbot, à laquelle sa qualité de Française
imposait le devoir de soutenir à l'étranger la gloire d'un de ses compa-
triotes; elle l'eût peut-être moins bien chanté que Mme Fioretti, mais
on lui eût certainement tenu compte du sentiment auquel elle aurait
obéi. La deuxième représentation de la Dama bianca a lieu ce soir.
Hier dimanche, un magnifique concert, organisé au profit de l'asile
du prince d'Oldenbourg, remplissait à 2 heures l'immense et magnifique
salle de la noblesse. Tous les artistes italiens figuraient au programme,
qui était aussi riche que varié. Calzolari y a chanté entre autres l'arioso
ajouté par Meyerbeer à la partition italienne de rEtoile du Nord avec
un sentiment et une expression qui ont soulevé des tonnerres d'ap-
plaudissements. Rubinstein a exécuté plusieurs morceaux de piano et
ta Marche des ruines d'Athènes, et Wieniawski des airs russes sur le
violon.
S. D.
NOUVELLES.
**„ Au théâtre impérial de l'Opéra, deux représentations de la Mas-
chera, le nouveau ballet, ont été données la semaine dernière. Vendredi,
Moïse avait attiré une grande affluence.
*** Aujourd'hui par extraordinaire, les Huguenots.
*** Au théâtre de l'Opéra-Comique, le Postillon de Lonyjumeau a été
repris. Montaubry s'y montre toujours aussi bon acteur que chanteur.
Les répétitions générales de Lara, l'opéra nouveau de Maillart, ont
commencé vendredi ; la première représentation en est donc très-pro-
chaine.
.,** Aujourd'hui dimanche, au théâtre Italien, rentrée de Naudin dans
Rigoletto, arec Carlotta Marchisio dans le rôle de Gilda.
„..** S. M. l'Impératrice assistait dimanche dernier à la reprise de
Marta, et a daigné exprimer sa satisfaction à M. Bagier qu'elle avait
fait appeler dans sa loge.
*** Adelina Patti a rempli mercredi, pour la seconde fois, le rôle de
Marta, et hier celui de Rosine du Barbier. La célèbre cantatrice doit
prochainement chanter la Traviata.
*% Au théâtre Lyrique impérial, Mireille doit paraître bientôt.
„.% Le Violoneux a remplacé la Chanson de Fortunio sur l'affiche des
Bouffes-Parisiens et complète le spectacle composé tous les soirs des
Bavards et de Lischen et Fritzchen.
*% Plusieurs représentations consécutives de l'opéra nouveau de Bé-
nédict, la Rose d'Erin. ont tout à fait consolidé son succès à l'opéra
royal de Berlin. C'est par suite d'une erreur typographique que la dis-
tribution des rôles de cet ouvrage a été mal indiquée dans notre dernier
numéro. C'est M. Formés qui joue le rôle de Myles et M. Betz celui de
Sullivan.
**, Un opéra en quatre actes la Gitana, composé par M. Rey, vient
d'être représenté avec succès au théâtre de Bordeaux. M. Eey est le
mari de la cantatrice connue sous le nom de Rey-Balla, et qui rem-
plissait le principal rôle de l'ouvrage.
*** Au deuxième concert donné mardi dernier aux Tuileries, se sont
fait entendre des artistes de l'Opéra-Comique et du théâtre Lyrique :
Mme Cico et Mme Miolan Carvalho, MM. Achard et Ismael. Les artistes
du Théâtre-Italien et de l'Opéra doivent chanter au concert prochain.
**„ Comme d'habitude depuis plusieurs années, Mme la baronne
Vigier (Sophie Cruvelli) a organisé à Nice un concert de bienfaisance
qui a eu lieu dans la salle du théâtre avec le concours de sa sœur Marie
Cruvelli et d'autres artistes distingués. Dans l'air Casta diva, l'air final
de la Sonnambula et quelques autres morceaux de son répertoire,
l'ancienne prima donna a prouvé ,qu'elle n'a rien perdu, ni de sa
voix ni de son talent, et le résultat du concert a été sous tous les
rapports très-brillant. La recette s'est élevée au chiffre de -17,000 francs.
4*t On s'occupe avec le plus vif intérêt de la prochaine audition
d'une messe à quatre voix, soli et chœur composée récemment par
Rossini, et qui doit être exécutée pour l'inauguration du nouvel hôtel
que le comie Pillet-Will a fait construire, rue Moncey.
*** Nous avons assisté samedi dernier à une brillante soirée musicale
donnée par M. et Mme Melchior Mocker ; on y a beaucoup applaudi le
second trio de Damcke, œuvre magistrale, et diverses pièces de Ch.
Mayer, Chopin, etc., interprétées avec beaucoup de charme et d'élé-
gance par M. Mocker. La partie vocale y était dignement représentée
par Mlle Girard et Gourdin, qui ont dit à ravir diverses mélodies et
le duo bouffe du Caïd, ainsi que par le spirituel chansonnier Nadaud,
dont les productions sont toujours fort appréciées du monde élégant.
70
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
*% Le Conseil de préfecture de la Seine a rendu son jugement jeudi
dernier, dans l'affaire des directeurs des théâtres de Paris contre l'ad-
ministration des droits des pauvres à percevoir sur les billets d'au-
teurs. Les requêtes des directeurs ont été rejetées; donc, ils seront
tenus d'acquitter les droits réclamés.
,.*„ Mlle de La Pommeraye, dont les représentations à l'Opéra ne
sont pas oubliées et qui récemment a obtenu de beaux succès sur les
principaux théâtres de la province, renonce à la carrière théâtrale
pour se vouer à l'enseignement musical. Nous sommes convaincus que
les élèves ne feront pas défaut à l'excellente cantatrice.
,*, Voici le programme du troisième concert populaire de musique
classique qui aura lieu aujourd'hui au Cirque Napoléon : Symphonie en
ré majeur, de Beethoven ; solo de cor (boléro), de Mohr; ouverture de
la Grotte de Firigàl, de Mendelssohn ; symphonie en mi bémol, de Mo-
zart ; invitation à la valse (orchestrée par M. Berlioz), de Weber.
t% L'élite des peintres et sculpteurs inaugurait, jeudi soir, les
réunions de la Société des Beaux-Arts. Les tableaux de l'exposition du
boulevard des Italiens étaient éclairée, et la musique était venue se
joindre aux attraits de la soirée. Mme Miolau Carvalho, MM. Faure et
Warot représentaient la partie vocale, M. Georges Pfeiffer la partie ins-
trumentale, avec les quatuors si appréciés de Jacobi et Loys.
„% Demain lundi, dans les salons Pleyel, grand concert avec or-
chestre et chœurs donné par M. Georges Pfeiffer, avec le concours de
Mme Peudefer et de la Société chorale Pleyel- Wolff. M. Pasdeloup con-
duira l'orchestre.
*% Mardi, salon Erard, concert de M. Dionys Pruckner, avec le con-
cours de Mlle Rahier et de MM. Lamoureux et E. Rignault.
t*t Vendredi 4 mars, salons Pleyel, troisième concert avec orches-
tre donné par M. Camille Saint-Saens, avec le concours de M. Bus-
sine. M. Saint-Saens fera entendre les 3e et 8e concertos de Mozart.
t,*t Le 8 mars, salons Pleyel, concert de notre excellent violon-
celliste Emile Norblin.
*** Jeudi 10 mars, If. Henri Fissot donnera un concert avec orches-
tre dans la salle Herz, avec le concours de Mlle Lea Karl et de M. Piatti ;
M. Charles Lamoureux conduira l'orchestre.
**„. Paul Bernard vient de composer une transcription-fantaisie fort
réussie sur le chœur religieux de Rossini, la Foi, qui paraîtra cette se-
maine. On se rappelle le grand succès qu'a obtenu l'année passée la
fanlaisie du même auteur sur le chœur de la Charité, de Rossini.
*** Le célèbre pianiste Billet donnera le 1t mars un concert dans
la salle Herz. Ce nom, qui est celui d'un maître, éveille toutes les sym-
pathies. Nous pouvons annoncer dès aujourd'hui que M. Billet fera en-
tendre des compositions musicales de divers styles et de diverses époques,
et qu'il sera entouré d'artistes de premier ordre.
*% Mme Béguin Salomon donnera son concert dans les salons d'E-
rard, le 4 9 mars prochain, avec le concours de MM. White, Poëncet,
Gouffé, Brunot, Rose, Mohé et Espeignet.
t*t Mardi prochain aura lieu dans la salle Herz le concert de Mlle
Marie Perez, avec le concours de Mme Tardieu de Malleville, MM. Si-
vori, Piatti et Costanti. Ce sera l'un des plus brillants concerts de la
saison.
*% Nous annonçons un concert à grand orchestre qui sera donné
dans le courant de mars, salle Herz, par Mlle Charlotte Jacques, jeune
compositeur dont le répertoire est assez varié pour lui permettre de ne
faire entendre que ses œuvres. On se rappelle que cette artiste
s'est déjà signalée par une^charmante opérette, la Veillée, représentée
avec succès l'an dernier au théâtre Déjazet.
„% Dans une belle soirée musicale, donnée il y a quelques jours chez
M. Roubier, dont la fiile, élève de Chopin, se distingue comme pia-
niste, la Messe sans paroles de M. J. d'Ortigue a été exécutée d'une
manière remarquable et chaleureusement applaudie. Mlle Marie Roubier
tenait le piano, M. Maurin le violon et M. Chevillard le violoncelle.
»% Sivori et Mlle Dorus se sont fait entendre à Cambrai, et Mlle Marie
Battu à Lille, aux concerts des Sociétés philharmoniques où leur talent
a été justement apprécié.
»% Mlle Marie Beaumetz donnera des séances de musique classique
pour piano et instruments à cordes, les h et 18 mars. Une séance sem-
blable, donnée par l'excellente pianiste, où l'on a entendu bon nom-
bre de chefs-d'œuvre fort bien exécutés, avait réuni un nombreux au-
ditoire.
t*„ La nouvelle édition, revue et perfectionnée du Manuel des princi-
pes de musique, ouvrage excellent de M. Fétis, paraîtra cette semaine.
«** Une lettre de M. Farrenc, insérée dans notre dernier numéro,
appelait l'attention du monde artistique et musical sur le Trésor des
pianistes, dont le succès grandit chaque jour. Lundi dernier, pour
propager la connaissance des six premières livraisons de ce recueil,
Mme Farrenc avait réuni dans la salle Erard un auditoire choisi, devant
lequel une jeune pianiste de beaucoup de talent, Mlle Mongin, a fait
entendre plusieurs fragments fort peu connus et fort curieux du
Dr Bulle, de Chambonnières, de Kuhnau, de Couperin, de Scarlatti,
de Porpora, de F. Bach, de Lindemann, de Rameau, etc. Rien de plus
piquant, de plus original que l'audition de ces gaillardes, de ces cou-
rantes, de ces gigues, de ces sarabandes qui ont fait danser nos pères
et qui ne sont plus aujourd'hui que des souvenirs historiques d'un très-
haut intérêt. Pour varier la séance, le violoniste Sighicelli a joué avec
Mlle Mongin une très-remarquable sonate de Mme Farrenc, et une ro-
mance de Beethoven. Le bon effet de cette soirée ne peut manquer
d'en amener le renouvellement prochain.
„.% La faculté de philosophie à l'Université d'Iéna vient d'accorder
le diplôme de docteur honoraire à M. Hans de Bulow, comme son plus
éminent pianiste de l'Allemagne.
»% M. Ferdinand Schœn donnera son concert, le 12 mars, dans les
salons d'Erard. Entre autres morceaux de sa composition, l'excellent
pianiste-compositeur fera entendre sa Berceuse et sa Mazurka (Souvenir
de Berlin).
**„, A la quatrième séance de MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Mas,
qui aura lieu mercredi prochain avec le concours de Mme Massart, un
trio de Schubert, le septième quatuor et la sonate op. 69 de Beetho-
ven, et les variations de Haydn, sur un thème autrichien pour deux
violons, alto et violoncelle, seront exécutés.
*** Le tome sixième de la Biographie universelle des musiciens, par
M. Fétis, vient de paraître: entre autres articles remarquables, nous
citerons ceux de Martini, Maitei, Mattheson, Méhul, Mendelssohn-Bar-
tholdy, Mercadante, Meijerbeer, etc. Nous reviendrons bientôt sur cette
intéressante livraison.
»% On lit le fait suivant dans un journal hebdomadaire belge, le
Messager d'ixelles: « Une expérience des plus curieuses, à laquelle le
monde musical refusait de croire, a eu lieu lundi, chez M. V. Capouil-
let, rue aux Laines. Cette expérience avait pour but de constater l'effet
des instruments de musique sur les lampes à l'huile de pétrole, qui
s'éteignent instantanément à une note donnée par un instrument de
| cuivre. A certains passages d'un quatuor exécuté par MM. J. de Boeck,
Pape, Crully et Duyelk, trois ou quatre lampes s'éteignaient simultané-
ment. L'expérience a été répétée plusieurs fois à la demande de l'as-
sistance, composée d'une trentaine de personnes, parmi lesquelles se
trouvaient plusieurs artistes musiciens et quelques savants ; ceux-ci
placèrent eux-mêmes à distance les lampes à huile de pétrole sur la
cheminée et sur les meubles du salon. M. Duhem, professeur au Con-
servatoire royal de musique de Bruxelles, voulant convaincre les spec-
tateurs, a éteint successivement huit lampes avec sa trompette. »
**» Nous nous faisons un véritable plaisir d'annoncer aux amateurs
de la belle musique le concert tout à fait exceptionnel qui aura lieu le
lundi 7 mars, salle Herz, à huit heures du soir. Dans ce concert, donné
au bénéfice de VOrphelinat de Saint-Roch, par la Société académique de
musique sacrée, on entendra les plus belles œuvres des anciens maîtres
des diverses écoles (xvie, xvne, xvnie siècles). Le succès obtenu par
cette société d'amateurs, l'année dernière, à pareille époque, dans son
concert annuel, nous assure encore cette fois une solennité des plus
intéressantes. Les soli, les chœurs et l'orchestre seront conduits par
M. Charles Vervoitte, président-directeur de la Société.
*** L'éditeur Adolphe Catelin vient de publier sous le titre de Bi-
bliothèque du violoniste, six fantaisies faciles avec accompagnement de
piano ad libitum, par M. Guichard. Nous recommandons la première
série de cet ouvrage.
„,*„, Un habitant de la ville de Lyon, ancien élève de l'Ecole polytech-
nique, vientd'inventerunclavier depianodans lequelles touches blanches
et noires se succèdent régulièrement, de sorte que les douze demi-tons
de la gamme sont représentés par six touches blanches et six touches
noires. Pour éviter la confusion que produirait pour l'œil l'aspect d'un cla-
vier où tout serait conforme, un mécanisme fort simple fait apparaître à
volonté, au milieu des touches noires, une ligne blanche indiquant, pour
la gamme en do, la quarte, la quinte, la sixte et la septième, et, pour
la gamme en do dièze, la tonique, la seconde et la tierce.
*%, L'Histoire des concerts populaires de musique classique, par A. El-
wart, a paru dimanche dernier à la librairie Castel, passage de l'Opéra.
Un volume grand in-18 de 250 pages, prix net : 1 franc. — Outre les
programmes des concerts et six esquisses sur la vie et les œuvres des
grands compositeurs symphonistes, ce livre contient un Guide de V ama-
teur de musique dans Paris. Cet appendice renseigne sur tout ce qui
peut intéresser les personnes qui s'occupent de l'art musical. Nous ren-
drons un compte plus détaillé du livre de M. A. Ehvart.
„,** Mme Anna Widemann, ancienne artiste de l'Opéra et de la So-
ciété des concerts, est décédée à l'âge de quarante-neuf ans, le 24 fé-
vrier 1864, après une longue et douloureuse maladie. — Ses obsèques
ont eu lieu le 26 courant, au milieu d'un petit cercle d'amis. Le deuil
était conduit par ses deux fils, et au cimetière du Nord quelques mots
de touchants adieux ont été adressés à cette artiste distinguée, par
M. A. Elwart, ami de sa famille.
„** A Munich vient de mourir dans sa dix-neuvième année Mlle Eich-
berg, harpiste de Stuttgard , qui tout récemment s'était fait entendre
au troisième concert d'abonnement. Cette intéressante artiste avait un
talent réel.
DE PARIS.
71
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
„*„ Lyon. — L'événement de la semaine a été le concert du nouveau
chef d'orchestre Luigini, qui avait attiré un brillant et nombreux audi-
toire au grand théâtre. Vincent Aider, l'excellent pianiste-compositeur,
les sœurs Delepierre, Mmes Lacombe et Dulaurens, des fragments
d'une messe, de Luigini, le chant des Bardes, de Lesueur, l'ouver-
ture de Rug Blas et la marche du Songe a'unc nuit d'été, de Wendels-
hon, ont été tour à tour applaudis; mais l'attrait principal du con-
cert consistait dans la première audition de la marche triomphale com-
posée par Meyerboer pour la fètedu cour jnnement du roi Guillaume I''.
L'effet de cette œuvre magistrale a été immense; l'exécution à laquelle
avait concouru la fanfare lyonnaise n'a, du reste, laissé rien à désirer.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
3% Bruxelles. — Roger, engagé depuis un mois au théâtre de la
Monnaie pour y donner trois représentations, en est maintenant à sa
quinzième, et son succès ne fait qu'augmenter. La cour avait demandé
cette semaine une représentation des Huguenots qui a eu lieu avec une
grande pompe, et dont Roger a été le héros. Au concert de la Grande-
Harmonie, où il s'est fait entendre, son succès n'a. pas été moins grand,
et il en a été de même à la représentation au bénéfice de la veuve d'un
artiste de ce théâtre, où, dans le quatrième acte des Huguenots, Roger et
Mme Meillet ont enthousiasmé la salle. Mme Ferraris, qui est toujours
fort applaudie, a eu également de chaleureux bravos à cette représen-
tation.
*% Cologne. — MmeTuczek,qui est ici en représentation, a débuté par
le rôle de Suzanne dans les Noces de Figaro. Le nom de la cantatrice
avait attiré beaucoup de monde, et le succès a été des plus flatteurs.
t% Hambourg. — Nous avons entendu Joachim au dernier concert
philharmonique. L'éminent violoniste a joué son concerto hongrois et
la sonate de Tartini. Le concerto hongrois est une des plus remarqua-
bles compositions qu'on ait écrites.
*% Berlin. — Une très-belle reprise de la tragédie de Struensée, avec
la musique de Meyerbeer, vient d'être donnée au théâtre royal. La salle
était comble et le drame a été admirablement joué par M. Hendrichs et
Mme .lachmann. La belle musique de Meyerbeer, touchant hommage de
piété fraternelle, a vivement impressionné un auditoire d'élite.
*** Leipzig. — Au dix-huitième concert du Gewandhaus nous avons
entendu deux compositions nouvelles pour nous : La Nixt, par An-
toine Itubinstein, et chant d'Héloïse et des religieux au tombeau d'Abai-
lard, par Hiller. La Nixc a beaucoup de charme et aurait eu un succès
d'enthousiasme si l'exécution en eût été moins faible. — M. de Bu-
low a donné sa dernière soirée pour musique de piano, ancienne et mo-
derne. Le programme n'indiquait absolument que des oeuvres de Bee-
thoven. M. deBiilow les a exécutées de mémoire, sans se permettre la
moindre altération, restant toujours fidèle au texte avec la plus scru-
puleuse exactitude. Un succès complet a récompensé l'artiste.
*** Vienne. — Le théâtre de la cour a repris Robert le Diable, avec
Walter, Mme Krauss et Mlle Wildauer, dans les rôles de Robert, d'Alice
et d'Isabelle. L'auteur des Pages de Versailles, Mme de Ilornstein, vient
de présenter une nouvel'e opérette au Carhheater.
„.*„, Prague. — La cantatrice polyglotte, Mlle Tiefensée, a donné , le
17 courant, une séance où elle a tout à fait justifié sa renommée. Après
des compositions de Haendel, Mozart, Rossini et Bellini, dans la langue
originale, Mlle Tiefensée a fait entendre des chants nationaux hongrois,
espagnols et tchèques, en s'accompagnant elle-même au piano. Son suc-
cès a été des plus brillants.
«** Mayence. — La Réole, opéra de G. Schmidt, a été donné ici
avec succès. Le compositeur a été rapp.lé après la chute du rideau.
*** Naplcs. — Mlle Titjens a reparu au théâtre de San-Carlo en chan-
tant Lucia, et a été accueillie avec une grande faveur..
** ^.Barcelone. — Mme Volpini a obtenu un nouveau succès dans Faust,
qui a été très- favorablement accueilli.
*** Moscou. — Dix-sept opéras ont déjà été représentés au théâtre :
Le ténor Vialetti a chanté dans douze de ces ouvrages : Les Huguenots,
Robert le Diable, Moïse, Don Juan, la Muette, la Favorite, te Barbier,
Norma, le Comte Ory, Marta, les Puritains, et il a concouru à soixante
représentations avec un zèle égal à son talent. C'est l'artiste infatigable,
que le public soutient par sa faveur.
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justesse, comme création de famille complète, comme facilité et unité de doigté, comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument, comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'audi-
teur de recevoir tous les sons avec la même puissance) ; supérieur, en ce que quelques jours suffisent pour
former, avec des amateurs ou de simples conscrits militaires, une musique passable; supérieur, en ce que
les plus gros instruments comme les petits se tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras
gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres et dans la meilleure position pour le jeu des
doigts sur les pistons ou cylindres; supérieur, en ce que, quand un élève a déjà fait des études et qu'il est
obligé de changer d'instrument, soit faute de disposition des lèvres ou pour tout autre motif, ses études ac-
quises servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument; supérieure, en
ce que, dans les Sociétés de fanfares ou dans un régiment, surtout lors des congés, il arrive souvent que tous —
les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer en prenant des musiciens dans les parties
es mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes, supérieur, en ce que la musique en marche conserve la même sonorité
qu'au repos, par suite de la fixité de l'embouchure sur les lèvres ; supérieur pour les régiments, en ce que tout le monde se trouve dans la
même position, toutes les maius à la même hauteur et tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval
ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient à faire un écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans
déranger l'instrument de sa position. — (Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe SAX, consulter la notice qui
se distribue à sa manufacture, rue Saint-Georges, 50.) /f^
Tooi U> instruments sortant de la fabrique portent l'inscription suivante : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, |o^à
le numéro d'ordre de l'initrument et le poinçon ci-après : JP- v v:
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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, i\.
31e Année,
N° 10.
6 Mars 1861
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et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
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Étranger 34 » '<!•
Le Journal pami le Dimanche.
GAZETTE
DE PARIS
SOMMAIRE. — De l'éducation musicale préventive pendant la première et la
seconde enfance (1er article), par Maurice Cristal. — Auditions et con-
certs. — Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et
annonces.
DE L'ÉDUCATION MUSICALE PRÉVENTIVE
PENDANT LA PREMIÈBE EX LA SECONDE ENFANCE.
(Gymnastique de l'ouïe et de la voix.) (1).
(Premier article.)
La vulgarisation de la musique, dans les classes populaires, est
une des grandes choses accomplies dans notre époque. L'éducation
musicale est mise à la portée de tout le monde ; des cours gratuits,
les orphéons sollicitent partout les ouvriers, les cultivateurs, et cha-
cun constate les facilités immenses qui chaque jour sont mises à leur
disposition pour qu'ils fournissent à leurs enfants une éducation sé-
rieuse, et spécialement pour la musique, une instruction à la portée
de la jeunesse. Tout cela c'est très-bien, mais on oublie l'enfant, on
néglige les années premières de la vie, celles où les impressions se
gravent inelTaçablement en nous ; on laisse gaspiller l'époque la plus
profitable pour l'éducation, surtout pour l'éducation musicale; on ne
songe point à la mère de famille qui, même antérieurement à l'âge
où les enfants vont à l'école, veut et sent qu'il est de son devoir de
préparer son petit enfant à cette éducation musicale qu'elle projette
de lui faire donner plus tard complète et définitive.
Tel est le problème : influencer dès la première enfance, dès la
naissance, les sens musicaux de l'enfant, les empêcher de se fausser,
les diriger sainement, et, en un mot, maintenir dans une hygiène
musicale, au moyen d'une gymnastique et d'une éducation appro-
priées, le sens et le sentiment de l'ouïe, de la parole, du chant et
(1) Sous ce titre, M. Maurice Cristal a composé un véritable traité, rempli de
curieuses observations et d'enseignements utiles. Ne pouvant, à raison de son
étendue, le publier tout entier, nous en détacherons quelques fragments pour le
faire connaître. Nous rappellerons que M. Maurice Cristal est l'auteur des deux
remarquables articles sur la Musique dans les cités ouvrières, qui ont paru l'an-
née dernière dans ce journal.
de la musique, de telle sorte que, lorsque arrive l'étude sérieuse de
l'art, l'enfant n'aborde pas en ignorant un monde inconnu.
Ce problème intéresse l'avenir musical tout entier. Bien des mères
l'ont résolu chacune selon son pouvoir et à sa manière. Nous avons
été frappés de tous les essais que nous avons vu faire, et, pour fa-
ciliter leur devoir aux mères qui comprennent si bien l'éducation de
leurs enfants, nous avons réuni tout ce que nos études, nos ob-
servations et notre position douloureuse de père veillant à l'éduca-
tion d'une enfant dont la mère n'est plus, nous a pu donner d'ex-
périence. Nous avons déjà fait un semblable travail pour l'éducation
préventive de l'œil et de la main dans les arts du dessin et de la
sculpture. L'accueil qu'on lui a fait nous donne à espérer qu'on sera
bienveillant pour cette étude, où nous apportons toute notre cons-
cience et toute notre sincérité.
L'art, dans son aspiration la plus élevée, tend à remonter à Dieu,
en qui est sa source première. C'est donc pour ainsi dire rapprocher
l'enfant du divin auteur de toutes choses, que de l'initier aux jouis-
sances intellectuelles qui répondent aux besoins de son âme, et le
font entrer dans une voie où se complète la destinée de son être. Il
nous y invite d'ailleurs lui-même par ses sourires ou par ses pleurs.
Pleurer est une loi commune à tous les âges, et la source des larmes
n'est jamais entièrement tarie. Les larmes restent longtemps le
seul langage de l'enfant. Par elles il dit sa faiblesse, ses souffrances,
ses besoins. Pour arrêter les cris de l'enfant, pour sécher ses
larmes, le moyen le plus efficace que puisse employer une mère,
c'est le chant. Assise près de la couchette dans laquelle l'enfant
s'agite, qu'elle chante de sa douce voix de femme, sans le bercer,
quelques-unes de ces vieilles ballades composées par les mères
d'autrefois. Son chant ne sera pas longtemps troublé par les
plaintes du petit être qu'elle est venue consoler ; soudain il se
calmera ; il fermera les yeux pour se recueillir, et il écoutera en si-
lence le chant maternel; sur sa joue ses larmes se sécheront, le sou-
rire s'épanouira sur ses lèvres ; entre l'âme de la mère et l'âme à
peine éclose de l'enfant, la musique aura ajouté de nouveaux liens.
Et maintenant, tous les jours de sa vie encore si peu nombreux, les
chants de sa mère le berceront doucement, et par son oreille de plus
en plus sensible aux bruits qui l'entourent, le mettront en commu-
nication avec le monde extérieur, que ses yeux lui révéleront plus
tard.
74
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
La musique, c'est là le merveilleux témoignage de son action puis-
sante et féconde, agit sur l'âme. Elle provoque l'émotion salubre et sainte.
Elle nous console et essuie nos pleurs, elle les fait doucement couler.
Elle endort dans le repos l'enfant qui souffre ; plus tard elle assoupit les
cuisantes douleurs, elle repose des agitations de l'existence, elle élève
aux célestes sphères, dans de saintes aspirations, les désespoirs d'ici-
bas, et elle offre à la mère le moyen le plus facile, le plus puissant
d'élever son enfant, de communier sans cesse avec lui, d'être en con-
tact immédiat et incessant avec l'âme de son enfant.
La musique est donc une aptitude naturelle que les enfants possè-
dent à des degrés différents, il est vrai, et qu'il faut développer au
profit de leur intelligence, de leur raison et de leur cœur. Si quelques-
uns seulement sont appelés à être virtuoses et à créer des chefs-d'œu-
vre, tous peuvent devenir capables de les comprendre, d'en ressentir
les bienfaisants effets. C'est donc cette pensée qu'il faut inspirer dès
le premier âge, faire sucer avec le lait maternel, le sentiment du beau
en toutes choses et dans l'art, parce que là est le vrai, et que le vrai
conduit au bien.
On ne songe point assez à l'utile parti que les mères peuvent tirer
de la musique employée comme moyen d'éducation. Le but suprême de
l'éducation est d'établir une entière harmonie entre toutes les facultés
humaines. La musique tend à soumettre les sens à une loi analogue.
Elle met en jeu nos sensations, elle fait palpiter en nous toutes les
fibres sacrées : nos sensations, soumises à l'action de la musique,
n'ont-elles donc pas aussi un rôle dans la grande loi d'harmonie mo-
rale vers laquelle tend l'éducation ? Entre ces deux puissances, l'édu-
cation et la musique, n'y a-t-il pas des liens secrets, mystérieux, in-
times ?
Montaigne nous a appris que dans son premier âge, son père le
faisait éveiller chaque malin au son d'une musique italienne. Mon-
taigne eut-il l'oreille juste ? Je le crois; mais combien son esprit était
juste, chacun le sait; et toute la vie il eut la mémoire embaumée
des concerts qui avaient bercé toute son enfance dès les premiers
jours de sa vie.
Thomas Moore, le plus grand poëte de l'Angleterre après Byron,
fut également bercé pendant sa première enfance, par les incompa-
rables mélodies irlandaises que sa mère chantait près de son berceau.
Au collège, il eut pour ami Robert Emmet qui, comme lui, avait pen-
dant toute son enfance entendu sa mère calmer ses pleurs en lui chan-
tant les mélodies natales. Ils parlaient souvent entre eux de ces airs
ravissants. Moore, sans jamais avoir reçu de leçons de musique, ap-
prit à jouer sur le piano quelques-uns de ces airs. Emmet s'asseyait
à côté de lui pendant qu'il jouait. Un jour, après s'être longtemps
enivré tous les deux de ces refrains qui évoquaient pour eux la pa-
trie dans sa force et dans sa gloire, Emmet se leva précipitamment
comme un homme qui sort d'un rêve, et s'écria : < Oh! que ne
suis-je à la tête de vingt mille hommes marchant au son de cet air ! »
Ils n'avaient pas dix ans ni l'un ni l'autre. Plus tard, ces souvenirs
d'enfance inspirèrent si bien Moore qu'il composa pour les airs na-
tionaux chantés par sa mère à son berceau, les immortelles Mélodies
irlandaises qui, au jugement de Byron, ratifié déjà par la postérité,
survivront à tous les siècles, et dureront aussi longtemps que la musi-
que et '.a poésie.
Pour la mère prévoyante, la musique sera une ressource immense
pour former l'oreille et le goût, et préparer pour l'homme, dans l'en-
fant, un langage doux, correct, harmonieux. Un jour, en effet, bien-
tôt, les lèvres de l'enfant vont s'ouvrir; il assemblera des syllabes,
son gosier rendra des sons, sa voix subira des métamorphoses succes-
sives, s'arrêtera, enfin, à un timbre déterminé et qui ne variera plus.
Sera-t-elle fausse? sera-t-elle juste? Elle sera juste; elle aura des
notes harmonienses et profondes, elle sera souple, expressive et vi-
brante, si, déjà bien douée par la nature, elle a pu se former sur le
chant d'une mère intelligente. Or, une voix rude, disgracieuse, vio-
lente est un obstacle dans la vie ; une voix juste, forte, pénétrante,
bien timbrée, est un moyen de persuasion, de séduction même, une
cause à peu près certaine de supériorité et de succès. Nous ne par-
lons pas des joies intimes que peut procurer l'art de l'élévation des
sentiments dont il est l'occasion, et de l'enrichissement qu'il donne à
l'intelligence toujours inquiète quand elle sent qu'il lui reste des
horizons à découvrir et à explorer.
A tous ces titres, la musique doit prendre place dans l'éducation
du premier âge, et la mère prudente ne négligera jamais, si elle se
préoccupe de la santé, de l'intelligence, du bonheur et de l'artistique
sensibilité de son enfant, de faire entrer dans son éducation la gym-
nastique de l'oreille, de l'ouïe, du langage et de son appareil.
Maurice CRISTAL.
{La suite prochainement.)
AUDITIONS ET CONCERTS.
Si. Georges Pfeiffer. — M. Edmond Ilocmelle. — lies
frères Poznanthi, — SEIIc marie Perese. — M. Dyonis
Prucliner. — Conceit de la loge maçonnique les
Frères- Unis i-nséttaraWes, an profit de son œuvre
d'adoption d'orpnelins.
Georges Pfeiffer nous a fait assister lundi, dans les salons de
Pleyel-Wolff, à une nouvelle audition de son deuxième concerto,
pour piano avec orchestre, qui faisait déjà partie du programme de
son concert de l'an dernier. Ce morceau, qui dénote chez son au-
teur, un esprit formé à bonne école et nourri de la substance des
maîtres, a été écouté avec une satisfaction marquée. L'allégro est
bien traité; le compositeur, toujours dominé par son sujet, et sa-
chant le présenter sous des aspects divers, ne se laisse pas entraîner
à des caprices hors de propos, comme cela arrive si souvent en pa-
reille matière; c'est une page sérieuse et recommandable. Néanmoins,
la barcarolle, dont le principal motif est très- heureusement trouvé,
a rencontré plus d'appréciateurs, ainsi que le finale, pièce fine et
élégante, dans laquelle le retour de 'la barcarolle amène une péro-
raison des plus neuves et des plus saisissantes. Georges Pfeiffer,
dont le talent acquiert chaque jour plus de puissance et plus d'am-
pleur, a joué son concerto avec une verve peu ordinaire, et l'orches-
tre, supérieurement conduit par M. Pasdeloup, l'a non moins bien
accompagné.
L'ouverture du CM, que Georges Pfeiffer faisait entendre pour la
première fois, a vivement impressionné l'auditoire. On y reconnaît un
incontestable mérite d'harmonie qui trahit le musicien habile et ins-
truit.
Le Chêne et le Roseau, fable, et la kermesse de Faust, sont des
morceaux de plus courte haleine qui ont d'ailleurs de la grâce et de
la fraîcheur. Georges Pfeiffer les a parfaitement interprétés, ainsi
que le nocturne en ré bémol de Chopin et l'allégro du concerto en
ut mineur de Beethoven.
Outre Mme Peudefer, très-agréable chanteuse, qui a détaillé avec
beaucoup de goût et de méthode l'air des bijoux de Faust, la so-
ciété chorale Pleyel-Wolff, sous la direction de M. Joseph O'Kelly,
s'est fort bien acquittée de l'exécution du chœur des Prêtres, des
Mystères d'Isis et du Tyrol, scène dramatique de M. Ambroise
Thomas. L'orchestre de M. Pasdeloup a aussi contribué à l'éclat de
cette soirée par la façon dont il a dit la si gracieuse ouverture du
Matrimonio segreto.
DE PARIS.
75
— Dans sa soirée musicale et littéraire, donnée à la salle Herz,
M. Edmond Hocmelle, l'organiste de la chapelle du Sénat, a joué
sur l'orgue d'Alexandre plusieurs petits morceaux de sa composition,
une Romance sans paroles, une Tarentelle, une Méditation et une
Marche, qui ne sont pas sans mérite, mais qui n'ont pas une bien
grande portée ; ce sont d'agréables bagatelles, élégantes et correctes,
dont les développements, nécessairement bornés, ne laissent à l'au-
ditoire qu'une impression fort vague. Pour mieux apprécier les qua-
lités sérieuses de M. Hocmelle, il nous aurait, sans doute, fallu en-
tendre son trio sur une Fièvre brûlante pour orgue, piano et violon ;
mais l'absence de M. "While n'a pas permis de remplir cette pro-
messe du programme. Quant à ses romances avec paroles, pourquoi
M. Hocmell j s'obstine-t-il à les chanter lui-même ? Nous croyons
que, dans l'intérêt de ses mélodies, il ferait mieux d'en confier l'in-
terprétation à d'autres voix que la sienne.
Quoique la partie exclusivement musicale de ce concert ne com-
portât pas moins d'une dizaine de morceaux, la partie littéraire se
composait de deux ouvrages dramatiques, un proverbe et un opéra-
comique. Le proverbe, intitulé Un bon tiens vaut mieux que deux
tu l'auras, était joué par l'auteur, Mlle Jenny Sabatier et par Sam-
son, l'ex-artiste du Théâtre-Français. Tous deux ont fait le plus grand
plaisir, et Mlle Jenny Sabatier a été doublement fêtée comme auteur
et comme actrice. L'opéra-comique, Un service d'ami, dont elle avait
fait aussi les paroles, et dont la musique est de M. Hocmelle, n'a
pas été moins bien accueilli. On y a particulièrement applaudi des
couplets du baryton, un air bouffe par Castel, et un trio contenant
de très-jolis motifs. Le rôle féminin de cette opérette , à trois
personnages , était tenu par Mlle Adam-Boisgontier, jeune et char-
mante cantatrice , qui , dans l'une et l'autre partie de la soirée, a
obtenu des applaudissements très-mérités.
— Les frères Poznanski, pianiste et violoniste américains, de Char-
lestown.quise sont produits ces jours derniers dans les salons d'Erard,
sont des artistes d'avenir qui ont droit aux plus sympathiques encou-
ragements. Le pianiste, Joseph Poznanski, est un tout jeune homme,
dont l'exécution ne manque ni de netteté, ni de souplesse ; quand d'o-
piniâtres études lui auront fait^acquérir les qualités de style, sanslesquel-
les il n'y a pas d'individualité possible, il forcera bien certainement
la critique de compter sérieusement avec lui. La manière dont il a inter-
prété les variations de Thalberg sur la barcarolle de YElisire d'amore,
a été très-goûtée, et d'unanimes bravos ont accueilli une Bourrée et
une Rêverie de sa composition. Son frère, J.-B. Poznanski, le violo-
niste, a, selon nous, plus de fini, plus de brio, plus d'expression dans
son jeu. Il a parfaitement dit la magnifique Fantasia appassionata de
Vieuxtemps, ainsi qu'un Nocturne et une Sérénade composés par
lui, et dans le grand duo sur des motifs de Don Juan, qui a terminé
la soirée, c'est encore son violon qui a eu l'avantage sur le piano de
son frère. M. Kleczynski et, pour le chant, M. Alphy Morel et
Mlle Bellerive, prêtaient leur concours à cet intéressant début.
— Dernièrement, nos lecteurs s'en souviennent sans doute, nous
avons eu occasion de constater l'apparition dans nos concerts pari-
siens d'une nouvelle étoile en la personne de Mlle Marie Perez, pro-
fesseur de piano au Conservatoire de Marseille. Cette jeune et jolie
virtuose a donné mardi, dansla salle Herz, un très-brillant coneert, qui
a confirmé les connaisseurs, et ils étaient nombreux, dans la très-
bonne opinion qu'elle avait fait concevoir de son talent. Remarquable
musicienne, Mlle Marie Perez possède en outre les plus précieuses
qualités d'exécution : de la grâce, de l'élégance, et, lorsqu'il le faut,
de l'énergie, mais par-dessus tout un goût exquis et un style distin-
gué. Aussi a-t-elle été plus appréciée encore par les pianistes émi-
nents qui assistaient à sa soirée que par le reste de l'auditoire, et ce
n'est pas là un triomphe facile non plus que vulgaire. Selon la cou-
tume, elle a débuté par un morceau concertant qui n'était autre que
le trio en ut mineur de Beethoven, où elle avait pour partenaires Si-
vori et Piatti. Il ne faut pas demander si cette œuvre grandiose, in-
terprétée d'une façon irréprochable, a été chaleureusement acclamée.
Mlle Marie Perez a dit ensuite avec un charme infini la Deuxième
barcarolle d'Edouard Wolff, ravissant morceau de concert qui a plu-
sieurs fois soulevé l'enthousiasme du public, en dehors de l'exécu-
tion de l'artiste; puis, avec Mme Tardieu de Malleville, que l'on ren-
contre toujours dans les fêtes d'élite, elle a joué la belle sonate en
ré, de Mozart, pour deux pianos, qui a procuré à ses aimables inter-
prètes un partage égal de bravos. Pour finir, Mlle Marie Perez a mer-
veilleusement dit deux morceaux de moindre importance, mais qui
ont eu pour effet de prouver l'extrême variété de son exécution.
Tour à tour Sivori et Piatti, alternant avec la bénéficiaire, ont
passionné l'auditoire, le premier avec sa brillante fantaisie sur II
Ballo in maschera, le second avec ses délicieuses variations sur la
barcarolle de Marino Faliero. Comme couronnement de celte ma-
gnifique séance, Sivori a enlevé avec un entrain sans pareil les dia-
boliques variations de Paganini sur Nel cor piu non mi sento. C'é-
tait le dernier morceau de la soirée, et personne, avons-nous besoin
de le dire, n'a quitté sa place avant d'avoir témoigné au succes-
seur du plus étonnant violon de ce siècle, l'admiration qu'on avait
éprouvée à l'entendre.
— Le premier concert donné à Paris par M. Dyonis Pruckner
avait réuni un assez nombreux auditoire dans les salons d'Erard,
et la soirée a été bonne pour ce nouveau pianiste, qui ne s'est pas
montré indigne de l'intérêt qu'on semblait lui porter. Après avoir
fait convenablement sa partie avec MM. Lamoureux et Rignault,
dans le trio en mi bémol de Schubert pour piano, violon et violon-
celle, il a rendu avec un bon sentiment musical plusieurs morceaux,
parmi lesquels on a surtout applaudi la Rapsodie hongroise de Liszt,
une chanson de Mcndelssohn et la valse du Faust, transcrite également
par Liszt. M.D. Pruckner a, dans son jeu, de la franchise unie à une
certaine délicatesse; si nous en jugeons par l'effet qu'il a produit, c'est
plutôt dans la fantaisie gracieuse et légère qu'il réussira que dans
les morceaux de force et de bravoure. Cependant, il s'agit d'une
première audition, et ce n'est pas le cas de prononcer un jugement
sans appel. Le succès obtenu par M. Pruckner a rejailli sur
Mlle Mathilde Rahier, qui a très-bien chanté deux airs des Noces de
Figaro, en français, et de la Linda, en italien.
— Tous les ans, la loge maçonnique les Frères-Unis-Inséparables
donne une grande matinée musicale, au profit de son œuvre d'a-
doption d'orphelins. Cette solennité excite toujours un très-vif inté-
rêt, non-seulement en raison de son but humanitaire, mais aussi
parce qu'elle est organisée avec un soin, avec un éclat tout à fait
exceptionnels. Où trouver, par exemple, une réunion de talents plus
complète que celle qui avait répondu, dimanche dernier, à l'appel
de cette bienfaisante association, dans la salle du Grand-Orient? Ci-
tons d'abord MM. Triebert et Jancourt, qui ont ouvert la séance avec
une fantaisie concertante pour hautbois et basson sur des motifs de
Sémiramide ; puis le charmant violoniste Sighicelli , qui a exécuté
avec une rare perfection des Souvenirs de Bellini, une Mélodie de
sa composition et des Variations excellentes de Mayseder ; Ravina et
Mlle Louisa Barnard, son excellente élève, une de nos meilleures
pianistes, qui, dans un morceau à quatre mains, sur Euriante, ont
conquis d'unanimes suffrages, et enfin le harpiste inimitable F. Go-
defroid.
Mais ce n'est pas tout; la partie vocale, confiée à Mme G. Grisi,
à Mario et à Delle-Sedie, aussi zélé maçon qu'il est excellent chan-
teur, a été vraiment magnifique, et ces trois artistes se sont prodi-
gués avec une générosité exemplaire. Chacun d'eux, après avoir
chanté un air, a encore fait sa partie dans un duo et dans un trio,
et avec quel goût, quel élan, quelle maestria! Mme Grisi était vi-
siblement souffrante, et l'on a su qu'elle avait quitté sa chambre de
76
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
malade pour faire honneur à sa parole. Aussi a-t-elle été applaudie
avec ardeur, et, nous devons le proclamer, jamais la grande canta-
trice, électrisée sans doute par ces bravos légitimes, n'a mieux
chanté, ni avec plus de charme, ni avec plus de suave expression,
la romance irlandaise de la rose, de Maria, qui lui a valu tant de
succès en Irlande même.
Nous croyons bien fermement que cette matinée musicale sera
comptée au nombre des plus belles qui aient été données par les
Frères-Unis-Inséparables. C'était du moins l'impression générale
d'un auditoire dans lequel on remarquait d'éminents appréciateurs,
et, en première ligne, l'illustre auteur des Huguenots qui, en sa
qualité de membre de la loge, occupait une place voisine de celle
de S. Exe. le maréchal Magnan, grand-maître de la maçonnerie
française et Vénérable d'honneur de la loge des Frères-Unis- Insé-
parables. Les membres organisateurs du concert, et à leur tête
M. Aronssohm, le digne président de la loge, ont bien mérité des
orphelins, car la recette en leur faveur, y compris la quête gra-
cieusement faite par Mme Grisi et par la fille du maréchal Magnan,
s'est élevée à un chiffre très-considérable.
Y.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre Français : reprise de H ne faut jurer de rien, comé-
die en trois actes, d'Alfred de Musset ; début de Mme Victoria
Lafontaine. — Odéon : le Marquis de Villemer, comédie en qua-
tre actes et en prose, par George Sand. — Vaudeville : reprise
des Lionnes pauvres , comédie en cinq actes, par MM. Emile Augier
et Edouard Foussier. — Variétés : le Petit de la rue du Pon-
ceau, comédie en deux actes, par MM. Edouard Martin et Albert
Monnier ; la Vieillesse de Brididi , vaudeville de MM. Adolphe
Choler et Henri Rochefort ; un Bal d' Alsaciennes , mascarade mê-
lée de chant et de danse, par MM. Siraudin et Rlum. — Palais-
Royal : la Cagnotte, comédie-vaudeville en trois actes, par MM. de
Labiche et Delacour. — Porte-Saint-Martin : Faustine, drame
en cinq actes et neuf tableaux, par M . Louis Bouilhet. — Théâ-
tre Déjazet : la Nuit de la mi-carême, opérette en un acte , de
M. Emile Abraham, musique de M. Eugène Déjazet.
Il y a eu, dans le cours de cette quinzaine, un début fort impor-
tant à la Comédie française, celui de Mme Victoria Lafontaine, pour
qui l'on a repris un des plus charmants proverbes d'Alfred de Mus-
set, Il ne faut jurer de rien. Le rôle de Cécile, joué primitivement
par Amédine Luther , offre des éléments tellement variés , que
Mme Victoria Lafontaine a pu, tout à son aise, y déployer les qua-
lités précieuses qui lui ont valu tant de succès au Gymnase, la grâce,
la décence, l'ingénuité et la sensibilité la plus exquise. Elle a, d'ail-
leurs, été merveilleusement secondée, dans cette délicate épreuve,
par Provost, Delaunay, Got et Mlle Augustine Brohan qui, pour la
première fois, a franchement abordé l'emploi des caractères et ré-
colté une glorieuse moisson de bravos, en récompense de son abné-
gation féminine.
— Tout le monde connaît le Marquis de Villemer, ce roman de
George Sand, dont la date est récente et qui pourtant semble avoir
été écrit à la meilleure époque de la vie et du talent du célèbre
écrivain. Le sujet, comme on sait, en est fort simple, et rappelle à
certains égards celui de Jeane Eyre, l'un des grands succès de
la littérature moderne en Angleterre. Nous dirons, en quelques
mots, qu'il s'agit dans ce livre, d'une jeune lectrice placée près
d'une marquise, mère de deux Dis qui sont issus d'un noble mariage.
L'aîné se nomme le duc d'Aleria, et le second est marquis de Ville-
mer. Tous deux deviennent épris des charmes de Mlle Caroline, mais
chacun selon son tempérament, c'est-à-dire que le duc n'a qu'un
caprice éphémère, et que le marquis éprouve, au contraire, une pas-
sion profonde et respectueuse. La vieille marquise, qui adore son
dernier fils, est prête à capituler en sa faveur avec tous ses préju-
gés nobiliaires, et à autoriser son union avec Caroline. Mais la ca-
lomnie jette sa boue sur la vie innocente et pure de la lectrice, et
les projets du marquis sont entravés jusqu'au jour où reconnaissant
l'injustice de ses soupçons, il obtient le consentement définitif de sa
mère et épouse !a jeune fille, dont le duc d'Aleria repentant s'est ins-
titué le plus vaillant et le plus intéressé protecteur.
Cette donnée, en apparence si pauvre d'incidents dramatiques, est
traitée avec une extrême délicatesse de plume, et l'étude approfondie
du cœur humain y remplace avec avantage les péripéties à effet, les
coups de théâtre imprévus qu'on y rechercherait en vain. Mais cette
sobriété d'événements est-elle de mise à la scène ? On aurait pu parier
pour la négative, et cependant le Marquis de Villemer a réussi,
l'autre soir, d'une manière éclatante, à l'Odéon. Par un de ces tours
de force, dont Mme Sand est peut-être seule capable, l'intérêt s'y sou-
tient sans faiblir un instant, depuis le premier acte jusqu'au dernier.
On est ému, subjugué par un drame d'intérieur bien plus cent fois
que par ces pièces à spectacle, où les combinaisons les plus terribles,
les plus inattendues se succèdent sans pitié ni merci, sous les yeux
du spectateur aux aboi?.
Le renom immense et mérité de l'auteur du Marquis de Villemer,
avait fait de cette représentation une véritable solennité. Les portes
du théâtre étaient assiégées de bonne heure par une foule considé-
rable, dont la majeure partie, ne pouvant trouver place dans la salle,
a stationné, pendant toute la soirée, devant le péristyle, et s'est
portée ensuite au domicile de George Sand pour lui décerner une
ovation qui n'a manqué que par l'absence de l'heureux triomphateur.
La crainte d'un tout autre dénoûment, basée sur la publication sin-
gulièrement controversée de son dernier roman, Mlle de la Quinlinie,
s'était insinuée à tort dans l'esprit de quelques trembleurs. Tout s'est
passé à merveille ; au dedans comme au dehors, il ne s'est produit
aucune manifestation hostile, bien loin de là ; le public a applaudi
frénétiquement ; l'Empereur et l'Impératrice, qui assistaient au spec-
tacle, ont fait transmettre leurs félicitations à l'auteur ainsi qu'à
ses principaux interprètes, Mlle Thuillier, Berton, Ribes, et grâce
à Mme Sand, voilà l'Odéon à flot pour tout le reste de sa cam-
pagne.
— Le Vaudeville a eu l'excellente idée de reprendre les Lionnes pau-
vres, une des pièces hardies et fortement accentuées, comme M. Emile
Augier sait les faire dans ses jours d'imagination. Félix et Mlle Far-
gueil ont conservé leurs rôles, à la satisfaction générale. Parade a
hérité de celui de Chotel, et en a fait une sorte de création. Tous
les soirs on renvoie du monde, et rien ne fait présager que ce re-
gain de prospérité ait un terme prochain.
— En une semaine, les Variétés ont complètement renouvelé leur
affiche, et ont retenu, par cette activité opportune, le public prêt à
s'enfuir. Le Petit de la rue du Ponceau, la pièce de résistance, n'est
pourtant point un chef-d'œuvre ; mais il y a quelques bonnes scènes
dans cette odyssée en partie double d'un clerc de notaire à la re-
cherche d'une dot et d'une étude, et de cet Antony désespéré qui, au
moment de se jeter par la fenêtre, trouve un père et devient son ri-
val heureux. Cette situation est à peu près la même, au comique,
bien entendu, que celle de Jean Baudry ; mais il faut convenir que
si les auteurs de la comédie des Variétés ont eu l'intention de paro-
dier le drame de M. Vacquerie, ils s'y sont pris un peu tard.
La Vieillesse de Brididi est une amusante bouffonnerie qui a un
point de départ réel. Il y a environ quinze ou vingt ans, on remar-
quait, dans les bals publics, un danseur excentrique qui, sous le nom
de Brididi, essayait de balancer la colossale réputation de Chicard.
Un beau jour, ce danseur a disparu, et comme nous ne voyons au-
cun inconvénient à supposer qu'il se soit rangé et qu'il ait fait une
fin bourgeoise, nous voulons bien' croire, sur la foi de MM. Cho-
DE PARIS.
77
let et Rochefort, qu'il s'est tout bonnement marié, sans révéler 5 sa
femme ses précédents légers, et qu'il aspire aujourd'hui à la gloire
d'être élu maire d'Argenteuil et de couronner des rosières. Mais hé-
las ! il existe de par le monde une demoiselle Trafalgar qui a connu
jadis Brididi et qui prétend le forcer à enseigner à un jeune cocodès
qu'elle protège, son fameux pas du Serpent et du Dragon volant. De
là, tempête dans le ménage du futur maire d'Argenteuil. Sa femme,
qui gémit sous le sceptre sévère de l'ex-Brididi, se sert du secret
qu'elle a surpris pour le contraindre à lui octroyer une charte plus
libérale. Mme Emilie Durand est charmante dans ce rôle de femme
révoltée contre la tyrannie conjugale, et elle danse à ravir le pas fas-
cinateur du Serpent.
Mais il paraît qu'il en est de la danse comme du galop, et que
lorsqu'on en prend, on n'en saurait trop prendre. Les Variétés
pour célébrer la mi- carême, ont donné à la Vieillesse de Brididi un
pendant qui s'appelle un Bal d'Alsaciennes ; c'est un de ces à-pro-
pos sans prétention, où l'on parle peu, mais où l'on s'agite beaucoup,
où l'on polke, où l'on chante et où l'on exhibe un bataillon de
jolies femmes en jupons courts.
— Qu'est-ce qu'une cagnotte ? Si vous ne le savez pas, le Palais-
Royal vous répondra que c'est une modeste cotisation que des
joueurs, habitués à faire la partie ensemble, s'imposent chaque soir,
pour l'employer, au bout d'un certain temps, à quelques bonnes
œuvres ou à quelques joyeux plaisirs. Après bien des débats, une
société de braves bourgeois de la Ferté-sous-Jouarre adopte, sinon
le meilleur, du moins le plus gai de ces deux moyens, de dépenser
leur cagnotte, et l'on vote, d'enthousiasme, une visite à la Babylone
moderne, style local pour désigner Paris. Mais que de déceptions
cachées sous ce mot à la fois redoutable et magique ! A peine arri-
vés, nos excursionnistes, écorchés dans un restaurant, sont arrêtés
comme des voleurs et conduits à la préfecture. Ils s'échappent en
route, vont le soir au bal, en sont chassés par la tête de Méduse
de leur dénonciateur, passent la nuit dans une maison en construc-
tion, y sont de nouveau traqués, et l'on ne sait vraiment où s'arrê-
terait le cours de leurs mésaventures, si un jeune notaire amoureux
n'apparaissait tout à coup, comme le dieu de l'opéra dans sa gloire,
et ne venait les délivrer, sous bénéfice de mariage.
Cette comédie, ullrà-bouffonne, qui n'est qu'un éclat de rire per-
pétuel, nous paraît destinée à ressusciter la vogue du Chapeau de
paille d'Italie, le prototype de ces folles et divertissantes gageures
contre le sens commun. Tous les bons comiques du Palais-Royal y
font assaut de verve et d'entrain ; il faut y voir surtout Brasseur
dans son rôle de paysan abruti et ahuri. C'est plus fort que nature,
mais c'est bien amusant !
— Dans ce moment, comme aux beaux jours du romantisme, les
études historiques ont envahi tous les théâtres du drame. A la Gaîté,
c'est le règne de Louis XIII ; à l'Ambigu , celui de Philippe II ; au
Châtelet, c'est la Jeunesse de Henri IV que l'on prépare. La Porte-
Saint-Martin fait mieux les choses; elle remonte d'emblée jusqu'à
l'époque romaine, et nous révèle, jusque dans ses plus minutieux
détails, la vie intime de l'empereur Marc-Aurèle et de sa chaste
épouse Faustine. Néanmoins, il faut l'avouer, les chroniqueurs de la
Rome impériale ont été plus loin que M. Louis Bouilhet dans la sa-
tire de cette cour, où le vertueux Marc-Aurèle représentait, sans le
savoir, le personnage d'un de ces maris tant bafoués par Molière. La
Faustine de la Porte-Saint-Martin ne donne pas précisément des
coups de canif dans le contrat; elle escompte seulement son pro-
chain veuvage, et jette d'avance son dévolu sur le bel officier Avidius
Cassius pour l'épouser en secondes noces. L'empereur, prévenu de
ce joli marché, se fait passer pour mort, et les amants ravis tombent
dans la nasse. Mais à quoi bon, puisque Marc-Aurèle dédaigne de
se venger ? N'est-ce pas là un excès de bonté assez encourageant
pour Faustine qui, dès le lendemain, ne se privera sans doute pas
du plaisir de recommencer l'épreuve.
Ce drame littéraire, suscité, selon toute apparence, par le succès
de Salamm'bo, se distingue principalement par une peinture de mœurs
fort curieuse, qui ne doit pas nous surprendre chez l'auteur de Mé-
lœnis. On se demande seulement pourquoi il ne l'a pas écrit en vers.
A cela on pourrait dire peut-être qu'ayant fait parler le langage des
dieux à ses acteurs en habit noir, il est assez rationnel qu'il réserve
sa prose pour les porteurs de toge; c'est une innovation tout comme
une autre. Du reste, la direction de la Porte-Saint-Martin n'a rien
négligé pour entourer cette pièce d'un grand éclat. Outre les déco-
rations, qui sont fort belles, on y admire des fontaines d'eau lu-
mineuse et prismatique d'un effet très-original, et l'on y applaudit
un ballet de Psylles, dont les serpents ont été pris par les loustics
du paradis pour des anguilles de Melun. Faites donc pour ces mes-
sieurs des frais de chorégraphie antique !
Plaisanterie à part, le drame de Faustine, remarquablement joué
par Clarence, par Mlle Agar et par Mlle Duguerret, qui a fait ses
premières armes à l'Odéon, mérite d'être vu, et nous ne serions pas
étonné qu'il exerçât une notable influence sur les recettes de la
Porte Saint-Martin.
— Nous ne terminerons pas sans adresser quelques mots d'éloges
à la Nuit de la mi-carême, opérette dont M. Eugène Déjazet a fait
la musique, et qui varie fort agréablement son spectacle, en attendant
la pièce de M. Victorien Sardou, pour la rentrée de sa mère.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
.j,.** Au théâtre impérial de l'Opéra, les Huguenots, Muse et la Mas-
chera ont composé le programme des spectacles de la semaine passée
auxquels assistait un très-nombreux public. — Le Docteur Magnus, l'ou-
vrage nouveau, dont la musique est de M. Boulanger, sera donné mer-
credi.
*% Mlle Marie Sax est de retour de Lyon, où elle vient de jouer
avec un éclatant succès le rôle de Valentine des Huguenots. •
„.% Il est de nouveau question de reprendre le Dieu et la Bayadére,
d'Auber, avec Mlle Mourawieff qui doit prochainement faire sa rentrée.
„,** Lara, le nouvel opéra de Maillart, passera probablement vers la
fin de cette semaine. En attendant, Lalla Roukh, où Capoul et Mlle Mon-
rose remplacent Montaubry et Mlle Cico, a été reprise avec succès.
s% A la troisième représentation de la reprise de Marta et dans le
Barbiere, Adelina Patti a obtenu de nouveaux succès la semaine der-
nière. Hier au soir, Carlotta Marchisio a débuté daus le Trovatore. Nau-
din chantera ce soir avec Mlle Paiti dans la Sonnambula.
**„ On annonce l'engagement du ténor Reichardt au théâtre Italien.
Son début doit avoir lieu dans Uathilde di Shabran, qu'on remonte en
ce moment.
à.** Mmes Miolan-Carvalho, Faure-Lefèbvre, MM. Ismaël, Morini et
Petit rempliront les principaux rôles de Mireille, le nouvel opéra de
Gounod, dont la première représentation aura lieu incessamment.
x** Les Bavards ont fêté la semaine passée leur centième représen-
tation aux Bouffes-Parisiens. — Lischen et Fritzchen en sont à leur cin-
quantième.
„** Dans quelques jours, les Bavards, malgré leur vogue constante
et le joyeux talent de Mme Ugalde, devront céder la place au grand
ouvrage depuis longtemps annoncé, les Géorgiennes, de MM. J. Moi-
naux et J. Offenbach. Les répétitions sont poussées avec la plus grande
activité. Tout fait espérer un succès qui fera époque. Le principal rôle
des Géorgiennes, celui de Férosa, la générale en chef, servira de début
à Mlle Saint-Urbain. Celui de la capitaine Nani sera rempli par Mlle Zulma
Bouffar, qui aura sous ses ordres tout le personnel féminin, notamment
Mlles Taffanel, Simon, etc., et plusieurs débutantes. Pradeau, Désiré,
Léonce, Edouard Georges, Duvernoy et Desmonts, joueront aussi dans
les Géorgiennes, pour lesquelles rien n'aura été épargné.
„*, On prépare activement, au théâtre Begio de Turin , le nouvel
opéra du maestro Petrella. Le poëme de cet ouvrage est tiré du drame
de M. Octave Feuillet, Dalila, et a été écrit par l'un des meilleurs li-
brettistes italiens, M. Giovanni Peruzzini. Pendant ce temps M. Ferrari,
l'auteur du Pipelet et du Menestrello, écrit une nouvelle partition, il Ca-
78
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
detto di Guascogna, qui doit être entendue au théâtre Victor-Emmannel
le printemps prochain.
„** Mmes Gueymard et Battu, Faure, Gueymard, Obin et Warot, ainsi
que le violoniste White, ont concouru au concert donné mardi passé aux
Tuileries devant LL. MM. Impériales. On choix de morceaux très-re-
nommés du répertoire de l'Opéra, la mélodie les Rameaux, de Faure, un
chœur de Cristophe-Colomb et une fantaisie sur Nabuco, d'Alard, jouée
par White, en composaient le programme.
*** Aujourd'hui aura lieu le cinquième concert de la Société du Con-
servatoire; en voici le programme : 1° symphonie en fa de Beethoven ;
2° fragments de Joseph, de Méhul; romance de Benjamin et trio,
par Mlle Dorus, MM. Warot et Bussine; 3° morceau de concert de Weber,
exécuté par Mme Massart; i° air des Abencérages, de Chérubin!, chanté
par M. Warot ; grande symphonie en sol mineur de Mozart.
*** La commission du concours de composition musicale, ouvert par
M. Adolphe Sax, a commencé ses séances pour l'examen des œuvres
musicales qui lui ont été adressées. Cette commission se compose de
MM Georges Kastner, membre de l'Institut, président ; le général Mel-
linet, vice-président; Ambroise Thomas, Clapisson, membres de l'Ins-
titut-, Félicien David, Limnander, Elwart, Emile Jonas et Jules Simon,
secrétaires. Nous ferons connaître prochainement le résultat de ce con-
cours.
*% M. Gye, le directeur de l'Opéra de Covent-Garden était à Paris la
semaine passée, et vient de compléter sa troupe pour la saison prochaine.
Elle se composera de limes Patti, Lagrua, Lucca, Battu, Fricci , Dell'
Agnese, Nantier-Didiée, Tati, Rudersdorf et Tagliafico; MM. Tamber-
lic, Mario, Naudin, Wachtel, Neri-Baraldi, Graziani, Ronconi, Ciampi,
Atry, Capponi, Schmidt, Lucchesi, Bossi, Tagliafico, Colonese. Nous pu-
blierons prochainement le programme de sa saison théâtrale, dans le-
quel on trouvera la reprise de la Stella dcl Nord, dont Mlle Lucca et
Faure chanteront les principaux rôles.
*** Des concerts classiques ont lieu depuis quelque temps à Milan
sous la direction d'un jeune élève de Mercadante, M. Adolfo Noseda.
Le programme du dernier de ces eoucerts contenait la symphonie en
ut majeur de Beethoven, l'ouverture du l'reyschutz, celle des Noces de
Figaro, une symphonie fantastique de M. Noseda, et l'ouverture d' Ali-
Baba, de Cherubini.
*** Le programme du concert populaire de musique classique qui sera
donné aujourd'hui au cirque Napoléon, se compose de la symphonie en si
bémol (op. ci2), de Haydn ; allegretto scherzando de la symphonie en
fa de Beethoven ; suite pour orchestre en ré majeur, de F. Lachner (pre-
mière audition); d'un andante de Mozart et de l'ouverture de Leonore
(op. 72, n° 3), de Beethoven.
.,,** Un grand concert spirituel, chœur et orchestre (cinq cents exé-
cutants), sera organisé par M. Pasdeloup pour le vendredi saint. —
Les festivals Beethoven, Mendelssohn et Haydn auront lieu les 3, 10 et
17 avril.
$*■„ Pendant l'année 1863, il y a eu au théâtre royal de l'Opéra, à
Berlin, 162 représentations d'opéras et 6b de ballets.
±% Le pianiste Charles Wehle et Féri Kletzer, violoncelliste , ont
donné leur premier concert à Bombay.
„,% L'inauguration du monument élevé à la mémoire d'Halévy aura
lieu le jeudi, 17 mars, jour anniversaire de la mort de l'illustre com-
positeur.
*% Mmes Marchisio, Gardoni et Agnesi chanteront, le 14 mars, les
soli de la messe composée par Rossini, dans le nouvel hôtel du comte
Pillet-Will. Les chœurs du Conservatoire concourront à l'exécution de
cette œuvre. L'accompagnement sera joué sur l'orgue Alexandre et deux
pianos par M. Lavignac, Peruzzi et Jules Cohen, qui dirigera l'œuvre
entière.
„*.,. On annonce un concert de Schulhoff, dansi les salons d'Erard,
pour le 9 mars.
*** Ravina donnera un concert le 8 mars à la salle Herz.
**„ L'excellent organiste-compositeur J. Romano, donnera une mati-
née musicale le 15 mars, qui aura lieu chez Mme Alboni , avec le con-
cours de MM. Sivori et Piatti.
.,% Nous rappelons le concert qui aura lieu lundi 7 mars, salle Herz,
à huit heures du soir, au bénéfice de l'Orphelinat de Saint-Roch, et
sera donné par la Société Académique de musique sacrée- Les soli
seront chantés par MM. Battaille, Bussine, Stoheker et Mmes Brezil,
Bernard-Desportes et Teudefer.
»*, Une indisposition de Mme Rossini a empêché lundi dernier le
concert auquel devaient concourir Mlles Patti, Marchisio, Battu ; MM.
Faure, Villaret, Delle-Sédie, Berthelier et autres artistes, pour célébrer
l'anniversaire de la naissance de Rossini, qui atteignait sa soixante-
douzième année.
»*„. Mardi prochain 8 mars, concert de notre éminent violoncellist3
Emile Norblin.
*% Mercredi 9, dans les salons Erard, Slme Tardieu de Malleville,
Sivori et Piatti donneront une soirée de musique classique et moderne
dans les salons Erard.
„,% Jeudi 10, à la salle Herz, concert avec orchestre donné par
M. Henri Fissot, avec le concours de Mme Peudefer.
„** Samedi 12, salons Erard, concert de M. Ferdinand Schœn.
»% M. Lafuente, jeune pianiste espagnol, dont nous venons d'ap-
plaudir le vrai talent dans une soirée intime où l'on faisait d'excellente
musique, donnera, avec le concours des sœurs Clauss, le 14 mars, dans
la salle Pleyel-Wolff, un concert qui sera l'un des plus intéressants de
la saison. Nous en publierons le programme dimanche prochain.
»% Mardi, 15, salons Erard, concert de M. Désiré Dolcroix, pianiste,
élève de Thalberg, avec le concours de Mme Anna Bertini, et autres
artistes distingués.
**„ La messe à grand orchestre, composée par Th. Manry, sera
exécutée à l'église de Saint-Eustache le 10 mars, au profit de la caisse
des écoles du IIe arrondissement.
*** La violoniste Wilhelmine Néruda a reçu du roi de Suède la
grande médaille en or.
„.*„. Un fort beau concert a été donné samedi dernier par M. Henri
Kowalski. Ce jeune et brillant pianiste polonais n'a guère exécuté que
des morceaux de sa propre composition. Parmi ceux qui ont été le plus
applaudis, nous citerons : l'Impromptu de concert, la Bmse des Farfadets,
une grande Polonaise, un Nocturne, et surtout une valse charmante, in-
titulée les Souvenirs de Champigny. Une scène dramatique du même
compositeur portant le nom de Jeanne d'Arc, et chantée avec beaucoup
d'âme par Mlle Azimon, a produit le plus grand effet. Un trio de Men-
delssohn, pour piano, violon et violoncelle, exécuté par MM. Kowalski,
Lebrun et Poëncet, avait magistralement ouvert la séance.
**,,. Le concert annuel de M. Léopold Dancla et de Mme Dancla, aura
lieu dans la salle Pleyel-Wolff, le 18 mars, avec le concours de Mme
Sabatier-Blot, MM. Poincet, Flamand, Bach et E. Fauvre.
*** La musique a eu sa part de la représentation donnée la semaine
passée dans la salle du- Conservatoire au profit de l'œuvre de Sainte-
Anne, et organisée par Mme la princesse de Beauveau. Après la tragé-
die des Enfants d'Edouard, on a applaudi M. Franceschi, Mme la mar-
quise Jules d'Aoust et Mme Moulton, la brillante élève du professeur
Panofka, qui a chanté avec un sentiment exquis, une voix délicieuse et
une excellente méthode l'air de Chérubin des Noces de Figaro. Le con-
cert s'est terminé par le quatuor du rouet de Uarta dit avec autant de
verve que de talent par les artistes dilettanti.
„.** Sivori, Godefroid, Lubeck et Reichardt se sont fait applaudir di-
manche dernier dans les beaux salons de Mme Erard, où, entre autres
artistes de grand mérite, Edouard Wolff a obtenu tant de succès cet
hiver. L'excellent ténor Richardt a dit d'une manière délicieuse l'n'-
aura amorosa de Mozart, la Truite de Schubert et sa gracieuse ro-
mance 0 belle Etoile, qui a été le grand succès de la soirée.
a,** Arban donnera le samedi 12 mars, dans les salons du Casino, son
grand festival annuel, dont le programme se distingue, comme toujours,
par la richesse et la variété. Entre autres morceaux remarquables, on y
entendra pour la première fois une ouverture de concert composée par
M. Josse, une symphonie de L.-L. Schmidt, la première Marche aux
Flambeaux, de Meyerbeer, une fantaisie de Thalberg, exécutée par M. Da-
vid Laurent, du Conservatoire, une cantate de Charles Constantin, David
Rizzio, une Orgie aux enfers, galop expressément composé par Litholff.
Enfin Arban lui-même exécutera ses variations sur le Carnaval de Venise,
et fera entendre une grande fantaisie vocale et instrumentale sur le
Clialet, d'Ad. Adam, ainsi que les Echos de Berlin, valse de concert de
sa composition.
*** La tournée artistique d'Alfred Jaell en Hollande est fabuleuse par
le nombre et le produit des concerts. Partout salle comble, bravos et
enthousiasme. Carlotta Patti n'est pas la moins bien partagée dans ce
succès extraordinaire. On l'applaudit surtout lorsqu'elle chante l'air de
Linda et la valse d'Ascher. Laube produit beaucoup d'effet dans le con-
certo de Mendelssohn. On redemande toujours à Alfred Jaell sa valse-
caprice du Pardon de Ploêrmel.
*% M. de la Nux, un de nos pianistes les plus distingués, donnera un
concert le 17 de ce mois dans les salons Pleyel, avec le concours de
MM. White et Gueymard. Le programme sera très-intéressant.
*** Un concours international d'orphéons et de fanfares, dans lequel
seront admises les Sociétés chorales de France et d'Espagne, aura lieu au
mois de juillet à Bayonne, à l'occasion de l'exposition franco-espagnole.
,*i La méthode pour cornet à pistons et saxhorn de M. Arban, a été
approuvée pour le Conservatoire de musique par le comité des études
musicales, et adoptée pour l'enseignement.
t% Un nouveau quadrille très-facile de Valiquet, intitulé la Chasse
du prince Impérial, obtient en ce moment la vogue. L'auteur de la Mois-
son d'or et des Fleurs de la danse compte un succès de plus.
„/** Au dernier bal de l'Opéra, donné jeudi dernier, Strauss a fait mer-
veille avec son nouveau répertoire : La Muette de l'ortici, les bavards
et le Brésilien, les Chusses, la valse de Lischen et Frilzchen, la Polka des
DE PARIS.
79
Horloges et autres danses nouvelles auxquelles la vogue est désormais
acquise.
,*. Chez l'éditeur do musique C. A. Spina, à Vienne, a été ouverte
une souscription au bénéfice de la veuve et des enfants de Ferdinand
Schubert, frère ds François Schubert ; c'était uu artiste de mérite, et
qui a laissé sa famille dans la misère.
*** Le compositeur suédois Otto Lindblad vient de mourir dans sa
quarante-quatrième année; il s'est surtout fait connaître par ses lie-
der.
„% Le compositeur-amateur W. -Henri Veit, président du tribunal du
Cercle, e>t mort le 15 février à Leitméritz (Bohème); il laisse un grand
nombre d'ouvrages, entre autres une messe, une symphonie, neuf qua-
tuors, une ouverture, des compositions pour piano et des lieders. Veit
avait surtout étudié les reuvres d'Onslow et de Mendelssohn.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*% Londres. — La saison musicale commencera de très-bonne heure
cette année, et déjà les deux théâtres Italiens se préparent à la lutte,
Covent-Garden ouvrira le 29 mars, et Her Majeslifs théâtre huit jours
après. En attendant, la Société philharmonique (l'ancienne, la classique)
vient de donner son premier concert, et le comité de cette Société
d'artistes, émule de la Société des concerts de Paris, a choisi le 29 fé-
vrier, anniversaire de la naissance de Rossini, pour son jour d'ouver-
ture. Cette première séance était presque entièrement consacrée à
l'auteur de Moise. attention d'autant plus remarquable que la Société
philharmonique, qui se pique, avant tout, d'être classique, n'a peut-
être pas, dans tout le cours de ses cinquante années d'existence produit
autant d'ouvrages du maître qu'elle en a exécuté dans cette seule séance.
Les morceaux choisis étaient : les ouvertures de Sémiramis et du Siège
de Corinthe, l'air de Zelmirc et celui de la Gazza ladra a di piacer »
chantés par aille Parepa, le Cujus animam du Stabat mater, chanté par
M. Wilbie Cooper, et le duo de Guillaume Tell, par M. W. Cooper et
Mlle Parepa. Ces deux artistes se sont supérieurement acquittés de la
partie vocale du concert, et les deux ouvertures ont été rendues dans
la perfection , comme c'est l'habitude de l'orchestre que dirige
M. Sterndale Bennett. Deux œuvres d'une importance non moindre que
le reste du programme complétaient le concert. C'était d'abord une
symphonie inédite de Cherubini, composition extrêmement intéres-
sante, et que le grand contre-pointiste composa dans le temps précisé-
ment pour la Société philharmonique de Londres qui en possède le ma-
nuscrit. Cette symphonie ne fut jamais publiée, le maître en a
cependant utilisé les principaux motifs dans son quatuor pour instru-
ments a. cordes, le seul, si je ne me trompe, qui existe de lui. L'autre
œuvre était le concerto pour piano, en ré mineur, de Mozart, l'un des
beaux concertos de l'immortel auteur qui a été rendu noblement,
simplement et admirablement par Mme Arabella Goddard, la grande
interprète des grands maîtres.
„% Bruxelles. — Le troisième concert du Conservatoire donné sous
la direction de M. Fétis avait, comme d'habitude, attiré un auditoire
fort nombreux, et l'exécution a été excellente. L'ouverture du Songe
a"une nuit d'été, de Mendelssohn, la symphonie pastorale, de Beethoven,
et des fragments de Judas Machabée, étaient les principaux morceaux
du programme. — Servais et Brassin ont obtenu de grands succès au
concert de la Philharmonie. — Les séances musicales données par Bras-
sin au cercle artistique pour l'audition des sonates de Beethoven, sont
de plus en plus appréciées. — M. Dupont annonce quatre séances dans
lesquelles il fera entendre une série de petites pièces pour virginal et
clavecin ; il donnera un aperçu de musique historique, à commen-
cer de 1563 jusqu'à nos jours. — Mme Johnson Graever a été jus-
tement applaudie au concert annuel des dames de la Charité, et va
donner une brillante soirée musicale dans les salons du ministre des
Pays-Bas. — Au théâtre de la Monnaie, Quentin Durward, de Gevaert, a
été repris avec succès; Jourdan y a mérité de chaleureux bravos.—
Mme Ferraris, en attendant l'Etoile de Messine, est fort applaudie dans
le ballet la Vivandière. — Une cantate assez remarquable, composée par
Pellaert, Hommage à Rossini, a été exécutée avant la représentation du
Comte Ory, l'anniversaire du jour de la naissance de l'auteur.
„% Vienne. — Lundi 29 février a eu lieu au profit du fonds de pen-
sions de l'opéra de la cour, la 16i° représentation du Prophète; Ander
a été magnifique d'énergie et de puis>.ance dramatique dans le rôle de
Jean de Leyde. Mlle Destinn a également rendu celui de Fidès avec
beaucoup d'intelligence et d'expression. — Dans la salle de l'opéra de
la cour a eu lieu un fort beau concert au profit des indigents de Hon-
grie; on y a entendu Tausig, qui a joué le Carnaval de Peslh de
Franz Liszt et M. Carini, du théâtre national de Pesth ; l'orchestre
a joué l'ouverture du Roi Etienne, de Beethoven, et celle de l'opéra
Ilka, par François Doppler.— La charmante bluette alsacienne Litschen e't
Fritzchen, doit être jouée au Carltheater dans le courant du mois.
„% Berlin. — Notre illustre compatriote Meyerbeer, quelque habitué
qu'il soit aux triomphes du théâtre, en obtient en ce moment d'un
genre nouveau par la reprise du drame de Struensée, dont le succès
dépasse toutes les prévisions. Tous les jeudis — (les exigences du ré-
pertoire courant de l'Opéra ne permettant de jouer le drame qu'une
fois par semaine), — tous les jeudis la vaste salle de notre grand Opéra
est remplie jusqu'aux combles ; et cet immense succès est d'autant plus
à remarquer, que, dans la disposition actuelle des esprits, il était à
craindre que l'élément danois qui joue un si grand rôle dans le drame
ne provoquât quelque démonstration hostile. Mais qui songerait à des
différends politiques, en écoutant cette ouverture magistrale, cette mu-
sique grandiose et sévère des entr-'actes, cette polonaise entraînante
ces accents majestueux et inspirés des récits? — Le Domchor vient de
donner sa troisième et dernière soirée dans la salle de l'Académie du
chant. Parmi les morceaux qui ont été exécutés, on a remarqué sur-
tout le Credo à huit voix, par Cherubini ; le psaume 22, par Mendels-
sohn, et VAoe nerum, de Mozart. Dans la salle de l'Opéra de la cour a
eu lieu la huitième soirée de symphonie, la deux centième depuis' la
fondation en 1841 .
**„. Brème. — Gèdéon, nouvel oratorio, composé par M. Meinardus,
a été exécuté avec succès sous la direction de M. Engel. M. Meinardus
est l'auteur de deux autres oratorios, Petrus et Salomon, qui ne sont
pas dépourvus de mérite.
**„, Florence. — On s'occupe au théâtre de la Pergola de la prochaine
représentation de l'Âidea (Haydée), l'opéra-comique d'Auber.
„*„. Parme. — Roberto il Diavolo vient d'être accueilli avec le plus
grand enthousiasme. Le public qui remplissait la salle n'a pas cessé
d'applaudir le chef-d'œuvre de Meyerbeer, et les artistes qui l'ont in-
terprété avec un très-grand talent. Plusieurs morceaux ont dû être ré-
pétés, et les bravos et les rappels étaient aussi fréquents que chaleu-
reux. Mmes Berini etSanzi, ainsi que M. Atry, ont surtout fait preuve
d'un très-grand talent. L'orchestre et le metteur en scène méritent éga-
lement les plus grands éloges.
*% Madrid. — Mme Charton-Demeur a fait un très-brillant début
dans le Trovatore. Secondée par Fraschini et Guicciardi , l'éminente
cantatrice a obtenu des applaudissements unanimes. Le ténor Baragli
s'est fait entendre avec succès dans / Puritani, avec Mme de Lagrange,
Giraldoni et Bouché. Giraldoni vient d'obtenir un succès d'enthousiasme
dans Rigoletlo. Il s'y montre de tout point remarquable.
„*„. Constantinople. — Un nouvel opéra du maestro Foschini, Giorgio
il bandito, a été favorablement accueilli.
%*„, Saint-Pétersbourg. - La Dame blanche, jouée au théâtre Italien,
ne paraît devoir s'y établir. Calzolari et Mme Bernardi y obtiennent ce-
pendant des applaudissements très-mérités. A l'Opéra russe, c'est la
reprise de Martha, de Flotow, qui remplit la salle, et dont une nou-
velle distribution de rôles a fourni un nouvel élément de succès.
Le Directeur : S. DDFOUR.
En vente chez CHALLIOT et Ce, éditeurs, rue Saint - Honoré , 376.
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1 . Adieu .
2. La Jeune Mère.
3. Eloges des larmes.
4. La Rose,
o. Sur le bord du lac.
6. La plainte du pâtre
7. Les larmes.
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8. Les astres.
9. La berceuse.
10. La jeune Fille et la Mort.
1 1 . Rosemonde.
12. La sérénade.
13. Ave Maria.
14. La cloche des agonisants.
15. Mes rêves sont finis.
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1. Le Chasseur des Alpes.
2. Tu es le repos.
3. L'illusion.
4. L'Exilé.
5. A Mignon.
6. Impatience.
7. Dans le bosquet.
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des toutes p'tits balais
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4. Fable chantée par Mlle Bouffar : Einmal eine rat de ville
invite eine rat!? des champs .
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MICHEL (G.) Polka-mazurka. STRAUSS. Grand galop ) q" '
LECARPENTIER. Bagatelle 5 »
HESS (GH.). Caprice-valse 6 »
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FAVABëEB. — Fantaisie pour le piano 9 »
liECARPENTIER. — Bagatelle S »
RUBlllESi. — Fantaisie pour piano et à quatre mains, chaque 6 »
VALIQUET. — Morceau très-facile pour piano et à quatre mains 3 »
VOS** (Cm.). — Op. 106. Fantaisie brillante pour le piano . . 7 50
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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, i\.
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ON S'ABONNE:
Dans les Départements et à l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraires,
et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
N° H.
REVUE
13 Mars 1861
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 2* r.parffl
Départements, Belgiquo et Suisse.... 30» a.
34 » a.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: le Docteur Magnus, opéra en un
acte, paroles de MM. Eug. Cormon et Michel Carré, musique de M. Ernest
Boulanger. — Théâtre impérial Italien. — Concerts populaires de musique
classique, par Paul Smith. — Société des concerts, par A. Elwart. —
Correspondance: Saint-Pétersbourg. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
IiE DOCTEUR MAGNUS,
Opéra en un acte, paroles de MM. Eug. Cobmon et Michel Carré,
musique de M. Ernest Boulanger.
(Première représentation le 9 mars 1864.)
Croiriez-vous jamais, si l'Opéra ne vous en fournissait la preuve,
que, dans un petit village de la forêt Noire, le docteur Magnus est
venu à bout d'établir une discipline telle qu'on y entendrait une
souris trotter, une mouche voler? Quel homme que ce docteur, par
qui s'est accomplie une réforme si extraordinaire ! Dans tout le vil-
lage, pas d'époux infidèles, pas d'amants téméraires ; on ne boit que
quand on a soif, et jamais on ne s'enivre ! jamais on ne s'embrasse!
jamais on ne dit à une jeune fille qu'on la trouve jolie! bien plus,
les miroirs même en sont bannis ou restent cachés au fond des ti-
roirs! Et pour récompense de tant de vertus, pour dédommage-
ment de tant de privations, quels plaisirs l'excellent docteur pro-
cure-t-il donc à ses clients, à ses administrés, à ses paroissiens, car
le docteur remplit les fonctions de ministre ? Il les berce de sa pa-
role, il les endort de ses lectures, si bel et si bien qu'au lever du
rideau nous voyons tout son auditoire, les hommes d'un côté, les
femmes de l'autre, plongé dans le plus doux sommeil, auquel le
docteur lui-même, abandonnant sa bible, juge à propos de se livrer.
Voilà certainement un tableau singulier, un début original ! Que va-
t-il sortir de cet assoupissement universel, du genre do celui de la
Belle au bois dormant ?
Tandis que ces braves gens ronflent à qui mieux mieux, arrive
un certain Daniel, neveu du docteur, qui trouve que le village a le
sommeil un peu dur. Parmi les dormeuses; il reconnaît Rosa, sa
jeune cousine, et il essaie de la réveiller par un baiser, mais Rosa,
les yeux encore à demi clos, paye le baiser d'un soufflet appliqué
sur la joue d'un M. Fritz, qu'elle en suppose l'auteur. L'auteur pré-
tendu jette un cri, et le cri fait l'effet d'un réveil-matin. Tout le vil-
lage est enfin sur pied, et vous avouerez que ce n'est pas sans peine.
Daniel s'empresse de dire a ses anciens compagnons :
Oui, mes amis, me voici revenu !
Les beaux jours vont renaître,
J'ai su vous reconnaître,
Vous m'avez reconnu.
Et les amis répondent du même style :
Il sait nous reconnaître,
Nous l'avons reconnu !
Près de nous, près du maître,
Qu'il soit le bien venu I
Evidemment ces gens croient rêver et ne savent pas encore
trop ce qu'ils disent. Le docteur propose à son neveu de lui succé-
der : il le croit très-savant, très-sage, et il lui affirme que sa mission
sera extrêmement facile. Tout le village ne demande qu'à dormir
debout :
Mes conseils ont porté leurs fruits, et j'ai la joie
De voir chacun suivre la bonne voie.
11 appelle cela la bonne voie ; mais Daniel ne pense pas de même .
Le docteur est convaincu que le diable perdrait son temps s'il s'a-
visait de vouloir déranger l'ordre des choses. Daniel a envie de jouer
un peu le rôle du diable :
Mon cher docteur, j'ai trompé votre attente;
La science n'est pas ce que j'aime le mieux !
Mais pour me rendre excusable à vos yeux,
Je veux ramener en ces lieux
les amours, la gaîté, le plaisir et la vie !
Soufflons le feu qui dort! après tout, pourquoi non?
Ils en seront meilleurs et j'aurai mon pardon.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Daniel commence par sa cousine Rosa,
qu'il embrasse derechef et en réitérant. Rosa, s'éveillant par degrés,
prend du goût aux baisers, et ne tarde pas à devenir coquette. Son
amoureux transi et somnolent, M. Fritz, ne lui avait jamais rien dit
d'aimable, de gracieux; il la laissait dormir sur les deux oreilles.
82
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Aussi Rosa n'hésite-t-elle pas à s'écrier, dans un trio, le plus joli
morceau de la pièce :
Pour monsieur Fritz, ma foi, tant pis!
Qu'il se désole ou qu'il s'emporte,
Won cher cousin, peu nous importe;
Ainsi que vous gaîment j'en ris.
Daniel ne s'arrête pas en si beau chemin. Il engage les jeunes
tilles à vider le ballot d'un colporteur, qui jamais ne faisait d'af-
faires dans le village; il emmène les garçons au cellier et les exhorte
à vider un tonneau du plus vieux vin de son oncle :
maintenant, le verre en main,
Voyons si dans notre mémoire,
Nous n'avons pas quelque joyeux refrain :
Le lutin de la forêt Noire 1
Jeunes filles et garçons se mettent à danser une ronde en plusieurs
couplets, parmi lesquels il est juste de remarquer celui-ci :
Du lutin qui passe
Suivons la leçon.
Le diable qu'on chasse
A parfois raison.
Où allons-nous? dirait le pauvre docteur, s'il entendait ces maxi-
mes subversives. Le désordre lui semble déjà bien assez grand pour
qu'il s'en plaigne à Daniel, et lui demande s'il est venu tout exprès
pour réduire son œuvre à néant?
Veux-tu, pour l'enfer et ses flammes,
Chercher ici de pauvres âmes ?
Alors, Satan, retire toi !
Mais Daniel, qui n'est pas Satan, entreprend à son tour de convertir
son oncle, en lui rappelant qu'il a été jeune, qu'il a aimé, lui aussi,
à jaser, à boire, à danser. Le docteur en convient, et, l'indulgence
lui revenant avec la mémoire, il ne tient rigueur à personne. Il par-
donne aux jeunes filles qui se sont parées de dentelles et de bijoux,
aux jeunes gens qui n'ont pas épargné sa cave. Il pardonne à son
neveu qui, au lieu d'accepter sa survivance, va décrocher son vieux
fusil, et l'on entend résonner les fifres, les tambours. Bone Deus,
Daniel s'est enrôlé ! Daniel est soldat, comme à vingt ans le fut son
oncle, et son exemple entraîne M. Fritz, le pacifique. Comptez donc
sur quelqu'un ici-bas ! Les deux jeunes gens partent pour la guerre.
Le docteur les presse entre ses bras, et Daniel dit à sa cousine :
« Mais alors quel sera ton mari? — Devinez, réplique la cousine» ; et
elle lui donne son bouquet en prononçant ce mot. Alors le silence
succède au bruit ; les bancs et les chaises sont remis en place; chacun
se rassied, comme au lever du rideau. Le docteur se réinstalle dans
son fauteuil, il reprend sa bible, et tout l'auditoire se rendort.
Belle conclusion, et digne de l'exorde ! C'était fort bien de débuter
par le sommeil, mais il fallait se garder de finir par là ! Est-il pos-
sible que le sentiment dramatique abandonne à ce point les auteurs
d'une œuvre de théâtre ? Ce n'est pas un opéra que le Docteur Ma-
gnus; c'est une potion calmante, dans laquelle les pavots sont em-
ployés à si fortes doses qu'il n'en doit plus rester dans les officines
d'alentour ! Si la pièce eût duré un peu plus, la salle entière faisait
chorus avec les personnages.
Comment qualifier une production de cet ordre ? Et pourtant quel
jibretto répondit jamais mieux à sa destination, si cette destination
consiste à faire désirer impatiemment le ballet qui vient ensuite ?
Nous voudrions pouvoir dire que le compositeur, M. Ernest Bou-
langer, a écrit une partition de beaucoup supérieure à son poëme,
mais ce ne serait pas la vérité ; nous attendions mieux de l'auteur
du Diable àl'Ecole et des Sabots de la Marquise. Il n'y a de morceau
qui se détache un peu de la monotonie grise et terne du fond musi-
cal, que celui dont tout à l'heure nous citions les paroles. Du reste,
il faut moins blâmer que plaindre M. Boulanger : il a subi bon gré
mal gré l'influence de sou libretto, et comme il y avait nécessité de
préparer le dénoûment, c'est-à-dire le retour du sommeil, rien de
moins gai, de moins épanoui, de moins jeune que les réminiscences
de jeunesse du vieux docteur.
Je dors en vous contant la chose seulement.
Le rôle du docteur est chanté par Cazaux, qui, le premier jour,
était enrhumé de telle sorte qu'il lui eût été cent fois plus aisé de
faire une pirouette qu'une gamme. Warot (Daniel), avait tousses moyens,
et ne s'est pas mal acquitté de sa tâche. Une cantatrice nouvelle,
Mlle Levielly ( comment s'appelle-t-on Levielly ? ) nous apparaissait
pour la première fois sous le costume de Rosa. Elle arrive, dit-on,
non d'un théâtre, mais du casino de Vichy : elle a de la voix, .une
jolie voix de soprano, dont toutes les notes sonnent facilement : sa
bouche est [grande, mais c'est un avantage pour bien chanter. Elle a
de l'aisance dans sa tenue, dans son jeu, et ce sera peut-être une
artiste; raison de plus pour changer de nom. Eose Chéri n'était-elle
pas d'abord Mlle Cizos, et sa métamorphose ne contribua-t-elle pas
à sa fortune ?
THEATRE IMPERIAL ITALIEN,
Rentrée «le Nandin. — Les scenrs IBarcliïsio dans le
Trovatore. — Adelina Pattt dans la Traviata.
Depuis que Naudin nous est revenu, il s'est déjà montré dans plu-
sieurs ouvrages : c'est par Eigolelto qu'il a fait sa rentrée, il y a
quinze jours, et ce même soir, Carlotta Marchisio chantait le rôle de
Gilda, non pas d'abord, il faut bien l'avouer, avec tout l'effet qu'on
se promettait de sa voix si belle ; mais bientôt le Trovatore lui a
offert l'occasion de prendre une éclatante revanche et elle y a re-
trouvé son succès habituel. Le rôle de Léonora lui est on ne peut
plus favorable, et celui de la bohémienne Azucena ne l'est pas
moins à sa sœur Barbara. Comme Semiramide, le Trovatore est donc
un ouvrage acquis à leur communauté fraternelle.]
Naudin n'a rien perdu de sa voix ni de son talent; le public pa-
risien l'a reçu à bras ouverts dans la Sonnambula. qu'il a chantée
avec Mlle Patti, ainsi que dans Rigoletto. C'est un des artistes
qui a su le mieux s'assurer chez nous une belle et bonne place,
parce qu'avec lui tout est franc comme l'or et qu'on peut toujours
l'écouter avec pleine confiance.
Quanta Mlle Patti, voilà qu'elle vient encore d'aborder un nouveau
rôle! On sait comment elle a réussi dans Maria, où elle se montre
si gaie, si folle, si élincelante. Eh bien ! dans la Traviata, c'est tout
autre chose. Au premier acte, elle éclate en verve, en jeunesse,
elle chante son air avec un brio sans égal, et la salle entière le lui
redemande à l'unanimité; mais au second, elle cède au chagrin,
qui tout à coup la frappe, et, au troisième, elle en meurt avec tant
de douleur, une douleur si vraie, si naturelle, que le réalisme ne
saurait être porté plus loin ! Quelle actrice que cette jeune fille, qui
n'imite personne et que personne ne saurait imiter! Marta et la
Traviata, quel contraste ravissant et touchant ! quels beaux fleurons
ajoutés à une couronne déjà si riche 1
CONCERTS POPULAIRES DE MUSIQUE CLASSIQUE.
M. Pasdeloup ne se renferme pas dans le cercle des chefs-d'œu-
vre consacrés par le temps et par l'illustration des grands maîtres. II
tend sans cesse à l'élargir et à nous initier aux productions plus ré-
DE PARIS.
83
centes et moins connues, à la musiqne contemporaine. C'est ainsi
que dimanche dernier il nous a fait entendre une suite d'orchestre ,
dont l'auteur est Franz Lachner, maître de chapelle de S. M. le roi de
Bavière. Cette suite d'orchestre se compose de quatre morceaux :
Prélude, menuet, variations et marche. Ce n'est pas une symphonie,
mais c'est quelque chose d'aualogue. Le plus développé, le plus re-
marquahle des quatre morceaux, ce sont les variations, écrites pour
divers instruments avec une distinction rare, et qui s'enchaînent fort
heureusement. L'œuvre entière, marquée au cachet d'une main ha-
bile et maîtresse de son art, a été fort bien écoutée, fort bien jugée,
et couronnée par de chaleureux applaudissements. Franz Lachner,
de quatre ans moins âgé que le siècle, est un des meilleurs musi-
ciens dont s'honore l'Allemagne ; il a écrit beaucoup de musique ins-
trumentale et plusieurs opéras, parmi lesquels on distingue Catarina
Cornaro, dont le sujet est le même que celui de la Reine de Chypre,
d'Halévy, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque les deux livrets sont
de M. de Saint-Georges.
Paul SMITH.
SOCIETE DES CONCERTS-
(5e concert.)
La séance a commencé par la symphonie en fa (la huitième), de
Beethoven, et l'allégretto si plein de charme et de grâce a été bissé.
Ensuite Mlle Dorus a chanté, non sans terreur, la romance de Ben-
jamin, du Joseph, de Méhul.
Dans le trio du même opéra, la jeune cantatrice, moins émue, a
beaucoup mieux interprété la pensée du maître. Elle avait pour
partenaires Bussine et Warot. Ce dernier a déclamé et chanté l'air
sublime des Abenceracjes, de Cherubini, avec une expression vraie et
une voix dont les accents pathétiques ont excité les applaudissements.
Mme Massart, l'habile et expressive pianiste, avait choisi le concert,
stuck de Weber, et elle s'y est montrée constamment la digne in-
terprète du chef-d'œuvre. Assez visiblement émue en commençant,
Mme Massart s'est bientôt remise, et elle a été magnifique dans le
finale si chaleureux, si joyeux, de l'œuvre de Weber. Le piano
d'Erard frémissait sous les doigts de la belle virtuose : que de style
d'une part, et que de sonorité de l'autre ! Les sons tenus semblaient
laisser après eux une trace lumineuse et sonore, et la rapidité des
traits était à vous donner le vertige. Trois salves d'applaudissements
universels ont fait à Mme Massart une de ces ovations qui datent
dans la vie d'une artisLe. C'est par la symphonie en sol mineur de
Mozart que le concert s'est terminé. Quel chef-d'œuvre, que de
mélodies inspirées ! que de science et de poésie dans Vandante !
Le minuetto, dont le trio est si lumineux, a été bissé. — M. Georges
Hainl a dû être satisfait de l'orchestre, qui l'a placé à sa tête. Chef
et soldats ont mérité, connue du temps d'Habeneck, les applaudisse-
ments d'un public enthousiaste.
A. ELWART.
AUDITIONS ET CONCERTS.
Société académique de musique sacrée. — SI. I*. I*, De-
lahaye. — M. Henri Fissot. — II. Alexandre Billes.
La Société académique de musique sacrée, sous la direction de
M. Charles Vervoitte, poursuit avec succès la tâche qu'elle s'est im-
posée l'année dernière, en faisant intervenir la charité dans l'audi-
tion des chefs-d'œuvre classiques qui forment la base principale de
son programme. Une énorme affluence se pressait au troisième con-
cert que cette Société donnait lundi dans la salle Herz, au profit de
l'orphelinat de la paroisse Saint-Roch, et témoignait ainsi de la fa-
veur et de l'empressement avec lesquels sont accueillies toutes les
tentatives de progrès sérieux dans n'importe quelle branche de l'art
musical. Il s'agissait ici presque exclusivement de chant religieux,
et les morceaux, choisis avec goût par M. Vervoitte, appartenaient
en grande partie aux maîtres les plus illustres parmi ceux qui ont
écrit pour l'Église. L'exécution en était confiée à des chœurs d'hommes
et de femmes qui, bien qu'on y remarquât une certaine quantité de
personnes du monde, manœuvraient avec l'ensemble et l'habileté de
véritables artistes. Un excellent orchestre accompagnait plusieurs de
ces morceaux, dont les soli étaient chantés par MM. Battaille , Bus-
sine, Stroheker, par Mmes Peudefer, Brésil et par Mlle Bernard des
Portes. Nous ne pouvons citer trois autres dames qui ont dit à mer-
veille le trio des anges, dans VElie de Mendelssohn, et qui ont cru
devoir cacher leur modestie sous le voile de l'anonyme. L'orgue était
tenu par M. Camille Sainl-Saëns et le piano par M. Charles Poisot.
Avec de tels éléments, parfaitement mis en œuvre par M. Charles
Vervoitte, comment cette belle séance aurait-elle pu manquer son
effet? Outre les fragments de l'oratorio A'Elie, on y a applaudi des
fragments de Samson de Haendel, du Miserere de Jomelli, du Dixit
Dominus de Pergolèse, d'un psaume fort curieux d'Ayblinger, puis,
en totalité, le Tantum ergo de Borniantski, un Domine Deas de l'abbé
Clari, le Gaudeamus de Carissimi et un délicieux chœur sans accom-
pagnement, de Palestrina, qui se chante le vendredi saint à la cha-
pelle Sixtine.
Pour jeter un peu de variété sur ces hymnes admirables, d'un
style si noble et si élevé, les chœurs ont dit, encore sans accompa-
gnement, deux morceaux d'un tout autre genre, qui ont ravi l'audi-
toire. Le premier est une chanson française à quatre voix, intitulée
les Vendanges, et composée au commencement du xvie siècle par Or-
lando de Lassus. Le second est plus connu: c'est cet air de Lully
qui, sous le titre de l'Hiver, a été sans doute l'un des premiers es-
sais de musique imitative qu'on ait faits. On grelotte rien qu'à l'en-
tendre, ce qui n'a pas empêché les auditeurs, engourdis par le froid,
de le redemander unanimement et M. Vervoitte de le faire reprendre
en triplant, au troisième couplet, la note tremblée qui d'abord avait
été chantée en doubles croches.
Cette soirée a donc été bonne, non-seulement au point de vue de
la propagation du goût de la musique religieuse, mais aussi dans
l'intérêt de pauvres petits orphelins qui ont dû, à en juger par l'as-
pect de la salle, y récolter une abondante recette.
— On a remarqué, aux derniers concours du Conservatoire, un
jeune pianiste de la classe de M. Marmontel, qui a laissé bien au-
dessous de lui tous ses rivaux, et qui, de haute lutte, a remporté le
premier prix. Une excellente organisation musicale, une grande sû-
reté d'exécution, un doigté d'une extrême délicatesse, et, au besoin,
d'une rare énergie, de l'expression sans enflure, et de la distinction
sans afféterie, telles étaient les qualités qui ont alors assuré son
triomphe. Ce jeune pianiste, M. L.-L. Delahaye , a prouvé, dans la
soirée qu'il a donnée mardi, à la salle Erard, qu'il n'avait pas démé-
rité du jugement porté par le jury, et que, bien au contraire, de nou-
velles et sérieuses études l'avaient encore fait progresser. Après avoir
ouvert la séance par le trio en si bémol (op. 11) de Beethoven, qu'il
a parfaitement interprété, avec M. Vizentini, du théâtre Lyrique, et
M. Rabaud, de l'Opéra, il a fait entendre successivement la fantaisie
de Thalberg, sur Moïse, la fantaisie-impromptu en ut dièse mineur
de Chopin, et la marche du Songe d'une nuit d'été, transcrite par lui,
de Mendelssohn. En outre, il a joué deux petites pièces de sa façon
qui ont fait grand plaisir, et qui sont d'un très-bon augure pour son
avenir de compositeur. Il y a de charmants détails dans sa Ronde du
Sérail, et le principal motif de sa mazurka en la bémol ûe manque
pas de brio. En somme, cette première audition a été très-favorable
à M. L.-L. Delahaye, et nous pouvons, en toute assurance, prédire
84
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
que l'école française comptera bientôt en lui un virtuose de plus. La
partie vocale de ce concert était dignement représentée par Mme Anna
Bertini et par M. Hermann-Léon, le fils du chanteur de ce nom que
l'on a longtemps applaudi à l'Opéra-Comique. Parmi les morceaux
qu'ils ont interprétés, nousjignalerons deux très-gracieuses inspira-
tions de M. Henri Salomon, l'accompagnateur du théâtre Lyrique, et
spécialement la mélodie : Rossignol, si tu voulais te taire, chantée
par Mme Bertini, et accompagnée, d'une manière remarquable, par
la flûte obligée de M. Donjon.
— M. Henri Fissot est aussi un jeune, et même un très-jeune pia-
niste, qui donne un peu plus que des espérances. Il est bon musi-
cien, son jeu est net et sûr; ses doigts parcourent le clavier avec
dextérité, et parfois avec grâce, mais il manque de fougue ; il n'a pas
cette étincelle qui se dégage pour produire la commotion par laquelle
se manifestent les grands artistes. Cela viendra sans doute avec l'âge,
avec l'expérience. Du reste, son concert de jeudi à la salle Herz a
été fort satisfaisant. Nous ignorons si M. Henri Fissot s'est déjà es-
sayé dans la composition, mais, à la différence de la plupart de ses
confrères, il n'a joué, dans sa soirée, que des œuvres de maîtres :
un concerto de Mendelssohn, avec orchestre, un rondo capriccio
du même auteur, des fragments de J.-S. Bach et de Beethoven. Le
violoncelle de Piatti, la jolie voix de Mme Peudefer, l'ouverture du
Matrimonio segreto, très-bien exécutée par l'orchestre de M. Charles
Lamoureux, ont complété la partie musicale. Dans la seconde partie,
Mme Armand a dit le Caniche et le Lévrier, fable de M. Charles
Royer, et M. Saint-Germain, du Vaudeville, a joué, avec Mlle Garait,
de l'Opéra-Comique, C'était Gertrude, petite comédie de M. Vercon-
sin, dont on sait le succès à la place de la Bourse. Tout cela est fort
bien ; mais nous ne quitterons pas M. Henri Fissot sans l'engager à
mieux surveiller une autre fois la distribution de ses billets, et à ne
pas laisser à la porte la moitié des personnes qui se dérangent pour
aller l'entendre. Il faut qu'il sache qu'on n'est pas dupe de ce con-
cours extraordinaire d'auditeurs qui fait plus de mécontents que le
talent du bénéficiaire ne lui peut faire d'amis.
— Le talent de M. Alexandre Billet n'est pas de ceux dont on a
besoin de faire les honneurs au public ; il se recommande de lui-
même par une longue série de succès, tant en France qu'à l'étranger.
Nous n'avons donc rien à apprendre sous ce rapport à nos lecteurs,
et nous ne pouvons que constater l'intérêt puissant qui accueille
chaque manifestation de ce talent que les dernières séances annuelles
de M. A. Billet ont placé si haut dans l'estime des connaisseurs. Sa
soirée de vendredi, qui a eu lieu à la salle Herz, avait réuni une
société d'élite que l'éminent pianiste a constamment tenue sous le
charme par le fini, par l'expression, par l'étonnante variété de son
exécution. Changeant de style selon les époques, il a joué tour à
tour, avec les accents divers qui sont propres à chacun, un grand
trio de Mendelssohn, où il avait pour concertants MM. Camille et Er-
nest Demunck, la belle sonate en ut dièse mineur de Beethoven, une
polonaise de Chopin, le Réveil des fées d'Emile Prudent, et plusieurs
morceaux de Hœndel, de Weber, de Litolff et de Fumagalli. Les plus
intelligents et, par instants, les plus enthousiastes bravos ont prouvé
à M. A. Billet que son auditoire savait apprécier comme il convient
ses qualités rares et solides.
Dans cette soirée, on a entendu et applaudi légitimement Mlle Hé-
lène de Katow, cette charmante élève de Servais, qui joue du vio-
loncelle de manière à rendre jaloux bien des virtuoses de l'autre sexe,
Elle a interprété avec beaucoup de grâce et de sentiment la jolie fan-
taisie de son maître sur la Muette, et le choix de ce morceau n'a pas
été indifférent à l'effet qu'elle a produit. Mlle des Iles el Mlle Léo
Karl, deux fort belles personnes — ce qui ne gâte rien — s'étaient
chargées de la partie vocale et ont eu aussi leur part d'applaudisse-
ments.
A dimanche prochain le compte rendu du brillant concert donné
par Schulhoff, mercredi.
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg, 24 février (7 mars) d864.
Nous entrons dans la semaine grasse (ici folle) qui précède le carême.
La saison finit dans huit jours et les théâtres jouent deux fois par jour.
C'est donc la dernière correspondance que je vous adresserai cet hiver.
La Dame blanche (Dama bianca) a été donnée une seconde fois, et l'effet
en a été beaucoup meilleur qu'à la première représentation. Lorsque
notre public sera revenu de sa prévention contre ce chef-d'œuvre qu'il
qualifie de petite musique, je ne doute pas qu'il ne le goûte suivant son
mérite, et que sa place ne soit marquée la saison prochaine, au réper-
toire, à l'égal des plus favorisés. Cette opinion se serait même déjà fait
jour si une indisposition de Malvezzi, éloigné depuis dix jours de la
scène, n'était venue retarder la troisième représentation, qui sera seule-
ment donnée ce soir.
La semaine dernière a eu lieu le bénéfice de Mme Fioretti, qui avait
choisi la Linda. Elle a chanté admirablement le principal rôle ; mais
cet ouvrage, qui n'avait pas été donné depuis une dizaine d'années, n'a
pas exercé d'attraction sur le public, et la salle était à moitié vide.
Aujourd'hui dimanche, c'était le tour du bénéfice de Mme Barbot.
Otello a été donné pour cette solennité à midi ; la salle était comble et
la représentation a été l'une des plus belles de la saison. Tamberlick
avait retrouvé tous ses moyens, Graziani est un superbe îago, et Calzo-
lari est parfait dans Rodrigo. Une salve réitérée d'applaudissements, ac-
compagnée de bouquets et de rappels a accueilli ce dernier après son
grand air. Dn incident [arrivé la veille, et dont le public avait connais-
sance, n'a pas été étranger à cette démonstration plus accentuée que de
coutume. On savait que Calzolari, aussi honorable comme homme privé
qu'éminent artiste, avait administré la veille une sévère correction à un
individu qui, grâce à une favorable homonymie, s'est introduit ici en se
faisant passer pour un célèbre chanteur Italien , mais dont le métier,
depuis trois ans, est beaucoup moins de donner des leçons de chant que de
faire des dupes et surtout de faire chanter les artistes. Déjà Tamberlick
avait dû lui donner l'année dernière un avertissement significatif, dont
il n'avait pas tenu assez de compte. Cette fois la leçon qu'il a reçue de
Calzolari a valu à ce dernier des félicitations qui ont grossi d'autant
les applaudissements dus à son talent. — Mais revenons à Otello; on sait
que le rôle de Desdemona est un de ceux qui ont valu le plus de succès à la
cantatrice française ; il ne s'est pas démenti aujourd'Ôui, et le public lui
a témoigné sa satisfaction en lui offrant un très-beau diadème composé
de marguerites en brillants, produit d'une souscription des habitués du
théâtre Italien, et de magnifiques bouquets, sous le poids desquels la
cantatrice a littéralement plié.
Je crois vous avoir parlé des débuts très-heureux, au théâtre de
l'opéra russe, d'un ténor indigène, AI. Commissarjewsky. envoyé en
Italie pour y faire ses études musicales, et revenu avec une charmante
voix et un véritable talent. Une intrigue amoureuse, qui s'est dénouée
par un mariage, vient de le mettre subitement en évidence. Bien accueilli
dans quelques salons aristocratiques, il n'avait pas tardé à se voir
distingué par la fille d'un personnage haut placé, avec laquelle il faisait
fréquemment de la musique. Il était plus que douteux que les parents
de la jeune fille consentissent à la donner à un artiste, et surtout à un
chanteur de théâtre. Aussi n'essaya-t-il même pas de faire une demande
qui avait si peu de chances de réussir, et dont le résultat devait pour
toujours l'éloigner de celle qu'il aimait. Il préféra user de la méthode
anglaise, et comme la demoiselle était majeure, un beau jour les deux
amants se rendirent à Tsarskoe-Celo, résidence d'été de la famille
impériale et d'une partie de l'aristocratie, à cinq ou six lieues de la
capitale, où les attendaient des témoins et un prêtre, et où ils reçurent
la bénédiction nuptiale. Le nouvel époux avait déjà disposé un appar-
tement convenable pour recevoir sa femme et, lorsque, rentrée chez
ses parents après la cérémonie, il s'agit le soir de les quitter, comme
d'habitude, pour se retirer dans sa chambre, quelle ne fut pas leur
surprise en la voyant mettre tranquillement son schall et son chapeau
et prendre congé en disant qu'elle se rendait chez elle. — Comment
chez toi . . . ? — Mais oui, chez moi ; chez mon mari, qui m'attend. —
Quel mari ?. . . Le coup était porté. En présence d'un fait accompli, une
esclandre n'aurait remédié à rien. L'enfant était aimée; les parents
pardonnèrent, et voilà comme le premier ténor de notre opéra se trouve
bel et bien marié. La chronique ne dit pas s'il renoncera à
sa profession.
L'événement de la semaine dernière a été le bénéfice de la Mourawief,
que l'été va bientôt vous ramener. Un nouveau ballet, Fiammetta, com-
posé par Saint-Léon pour le théâtre de Moscou, remanié pour la scène
de Saint-Pétersbourg, et le premier acte de la Péri, composaient la
représentation qui avait rempli la salle jusqu'aux combles.
S. D
DE PARIS.
85
L'inauguration du monument élevé à la mémoire d'Halévy aura
lieu jeudi prochain 17 mars, second anniversaire de la mort de l'il-
lustre compositeur, au cimetière Montmartre, à trois heures précises.
L'exécution du monument a été conflée à M. Lebas, et celle de la
statue à M. Duret, tous deux membres de l'Institut.
Les élèves du Conservatoire, auxquels s'adjoindront des Sociétés
orphéoniques, et la musique de la Garde de Paris exécuteront des
morceaux tirés des œuvres d'Halévy.
M. le comte de Niewerkerke, surintendant des beaux arts, pronon-
cera un discours.
Sur la présentation d'une lettre d'invitation, on sera admis dans
l'enceinte réservée.
NOUVELLES.
*** Au théâtre impérial de l'Opéra, Moïse, dont le succès ne diminue
pas, et la Maschera, précédés du Docteur Magnus, ont défrayé le réper-
toire de la semaine passée.
*% Aujourd'hui, par extraordinaire, Moïse, pour les dernières repré-
sentations de Mlle Battu avant son départ pour Londres.
*** Mercredi prochain doit avoir lieu à l'Opéra-Comique la première
représentation de Lara, le nouvel ouvrage de Maillart, qui aproduit le
plus grand effet aux répétitions générales.
*** Le lendemain, jeudi, doit être donné, au théâtre Lyrique, Mireille,
l'opéra en cinq actes de Gounod.
*** Au théâtre Italien, il est question de monter Don Giovanni, qui
serait chanté par Délie Sedie, Mario, Scalese, Antonucci, Marchetti,
Mmes Patti, Carlotta Marchisio et Calderou.
**„ On va mettre en répétition, au théâtre Lyrique impérial, Erostrate,
l'opéra de Méry et d'Ernest Reyer. Mlle de Maësen jouera le rôle prin-
cipal de cet ouvrage, qui sera donné avec la Captive, de Félicien
David.
*% On annonce pour mardi prochain la première représentation des
Géorgiennes, le nouvel ouvrage d'Offenbach.
*** Les recettes des théâtres, concerts et spectacles de tout genre,
se sont élevées pendant le mois de février à la somme de 1,945,352 fr.
80 c.
*% Mme Cabel, entièrement rétablie d'une assez grave indisposition
qui l'éloignait de la scène depuis plus de deux mois, a fait une
rentrée très-brillante au théâtre de Lyon, par le Pardon de Ploérmel. Le
public l'a reçue avec enthousiasme, et l'a souvent applaudie, notamment
après la Berceuse et l'air de l'Ombre. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer,
supérieurement rendu par Mmes Cabel, Melchissédec et Mirai, a ainsi
repris sa place au répertoire, dont il sera longtemps l'un des ouvrages
favoris. Hier a dû avoir lieu le vingt-quatrième concert annuel de
Georges Hainl, l'ancien chef d'orchestre du théâtre de cette ville.
*** Les artistes de l'Opéra italien, le pianiste Wieniawski et le vio-
loniste de la Roncheraye se sont fait entendre au concert des Tuileries,
lundi dernier. Adelina Patti a ravi l'auditoire dans le brindisi du Tro-
vatore, l'air Non credea, de la Sonnambula, le duo de l'Elisire et le qua-
tuor du rouet de Marta ; Délie Sedie a été applaudi après la romance
Eri tu,, du Ballo in maschera, et le duo de Don Pusquate, chanté avec
Scalese; Mario a eu de chaleureux bravos dans la romance M'appari
tuWamore deMarta, Mme de Méric Lablache, dans le rataplan delà Forsa
del destina. Wieniawski a délicieusement joué plusieurs morceaux de sa
composition, et n'a pas été le moins bien partagé dans ce brillant concert.
*** Le comité de l'Association des Artistes musiciens a choisi cette
année la messe à trois voix de François Bazin pour la solennité religieuse
qui doit avoir lieu à Notre-Dame, le jour de l'Annonciation.
**„. Jeudi dernier, la troisième messe solennelle de M. Charles Manry
a été exécutée à Saint-Eustache, sous la direction d'Hurand, par une
masse chorale imposante et un excellent orchestre. C'est au bénéfice de
la Caisse des écoles du deuxième arrondissement que cette belle œuvre
a été entendue pour la seconde fois à Paris. Les solos ont été chastes par
Mlle Marie Sax et MM. Warot et Bussine; le grand orgue était touché par
M. Ed. Batiste. Mgr l'archevêque de Paris a officié, et la quête a été faite
par les jeunes pupilles de l'Œuvre. L'église était littéralement comble.
*** Vivier se dispose à donner un concert. Beaucoup de gens s'en
étonneront, d'autres refuseront d'y croire, et pourtant rien n'est plus
certain. Le concert est fixé au H avril, et aura lieu dans la salle Herz.
Nous en publierons le programme, quand le moment sera venu.
*** Au second concert de la Société philharmonique d'Amiens,
Mlle de Taisy et M. Caron, de l'Opéra, se sont fait entendre, ainsi que
M. Brunot, le brillant flûtiste. L'orchestre, vaillamment dirigé par
M. Lacoste, a exécuté la polonaise de Struensée, de manière à charmer
et h enthousiasmer l'auditoire.
*% Edouard Wolff donnera son concert le 9 avril, dans les salons
d'Erard. C'est la meilleure nouvelle que nous puissions annoncer aux
admirateurs du célèbre pianiste, qui nous a rapporté de ses voyages un
talent singulièrement grandi et d'un irrésistible effet. Le programme se
composera uniquement de morceaux inédits et composés par lui.
*** Samedi dernier a été exécuté, dans les salons de M. d'Algarra,
devant une nombreuse et élégante société, un opéra-comique inédit
de MM. Henri de Bornier et Charles Lartigue. Nous pouvons cons-
tater que la pièce a obtenu un succès complet et très-mérité. Elle
est intitulée : La Reine des Gitanos. L'action est simple, mais conduite
avec esprit et entrain d'un bout à l'autre. Quant à la musique, elle a
surpassé de beaucoup notre attente; on nous annonçait une opérette et
c'est un bel et bon opéra-comique que nous avons entendu. Il nous
serait difficile de faire un choix parmi les sept ou huit morceaux dont
se compose la partition : partout la mélodie est fraîche et originale, les
accompagnements, écrits pour piano et quatuor, sont riches et soi-
gnés, sans que l'on y trouve trace de recherche ou d'effort. M. Lartigue,'
qui dirigeait lui-même l'exécution de son ouvrage, a dû être satisfait
de la manière dont il a été interprété.
»** Voici le programme du cinquième concert populaire de musique
classique de la troisième et dernière série, qui aura lieu aujourd'hui
dimanche : 1° symphonie en mi bémol, de Gounod. 2° Allegretto un poco
agitato de l'op. 58, de Mendelssohn. 3° Ouverture du Siège de Corin-
the, de Rossini. 4° Adagio du quintette (op. 108), de Mozart, exécuté
par M. Grizez (clarinette), et tous les instruments à cordes. 5° Le Comte
d'Egmont, tragédie de Goethe, musique de Beethoven.
**„ De retour de Bordeaux où il a été princièrement fêté par le Cer-
cle philharmonique, Louis Diémer annonce son concert annuel, salons
Erard, pour le mercredi soir, 16 mars. Il y fera entendre ses belles
transcriptions symphoniques des concerts du Conservatoire et des con-
certs populaires, ainsi que les pièces des classiques Marmontel et des
clavecinistes Méreaux, qui ont obtenu un si grand succès aux deux
séances déjà données par ce remarquable virtuose. MM. Alard et Fran-
chomme prêteront le concours de leur talent à leur habile partenaire
de musique de chambre, et Mlle Maria Brunetti, MM. Léon Duprez et
Jules Lefort rempliront la partie vocale.
»% L'excellent contre-bassiste Gouffé donnera mercredi prochain son
concert annuel dans les salons de Pleyel-Wolff.
*% Mlle Marie Trautmann, jeune pianiste d'un talent exceptionnel,
donnera un concert, le lundi 21 mars, dans la salle Herz.
*% La bénédiction du nouvel orgue que la maison Cavaillé-Coll vient
de placer dans l'église des Lazaristes, a eu lieu mercredi avec beaucoup
de solennité. M. Bazille, organiste de Sainte-Elisabeth, chargé de faire
entendre l'instrument, a été fort remarquable pendant toute la céré-
monie. La puissance de son jeu, la variété de ses improvisations, ont
fait admirablement valoir les qualités de ce nouvel orgue.
„.%. Du 1er janvier au 31 décembre 1863 on a donné au théâtre de la
cour à Dresde cinquante et un opéras, dont trois nouveaux : Ferramors,
par Rubinstein; la Clochette de l'ermite (les Dragons de Villars), par
A. Maillart ; la Réole, par G. Schmidt. Parmi les reprises, on a surtout
remarqué celle de Stradella, de M. de Flotow.
*% La cinquième séance de quatuors d'Armingaud, Jacquard, Lalo
et Mas, aura lieu mercredi prochain, avec le concours de M. Lubeck.
*** Un compositeur français, résidant à Florence depuis quelques
années, M. Gabriel Gaston, vient de fonder en cette ville une société
vouée à l'exécution des chefs-d'œuvre classiques de la musique de
chambre. La Société Sbolci, régulièrement constituée, s'appuie sur un
excellent quatuor composé de MM. G. Bruni (premier violon), J. Sbolci
(violoncelle), V. Monnier (second violon), L. Laschi (alto). Elle se livre
à de sérieuses études, et va donner des auditions publiques. M. Gabriel
Gaston, littérateur et musicien fort instruit, n'est pas inconnu de la
presse parisienne : il fut à Paris, il y a quinze ans, le fondateur et le
directeur d'un journal spécial, intitulé le Moniteur dramatique, musical
et littéraire, que les circonstances ne lui permirent pas de soutenir au-
delà de quelques mois.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
„*» La partition originale de la Flûte enchantée, en manuscrit, est à
vendre en ce moment à Dresde, à la suite d'une faillite.
*** Ferdinand Laub. le célèbre violoniste-compositeur, l'émule de
Joachim, obtient en Uollande un immense succès. Sa Saltarelle et sa
Polonaise sont de vrais perles musicales, que chaque violoniste voudra
posséder. Laub a l'intention de visiter Paris pendant la saison pro-
chaine.
*% Edouard .de Hartog, le jeune compositeur hollandais, retenu en
Hollande par des raisons de famille, sera de retour à Paris dans les
premiers jours d'avril. Il s'occupe d'un psaume pour chœurs, soli et
orchestre, sans compter le libretio d'un opéra-comique en trois actes,
que Jules Barbier vient de lui confier.
**» On lit dans la Gironde, journal de Bordeaux : « M. Sarasate a
obtenu hier au soir un véritable triomphe au Grand-Théâtre. Accueilli
d'abord avec sympathie par les personnes qui l'avaient déjà entendu au
concert du Cercle philharmonique, il n'a pas tardé à se faire également
apprécier par ceux qui ne le connaissaient pas. Dès le commencement
de son premier morceau, par la sûreté de son tcoup d'archet, par la
correction de son jeu, par son aisance à triompher des difficultés et à
exprimer les plus fines et les plus délicates nuances, il a fait admirer
par les spectateurs un talent hors ligne, et a soulevé les plus chaleu-
reux applaudissements. »
*** M. et Mme E. Ettling ont donné dimanche dernier leur douzième
matinée musicale, avec le concours de M. Lutz, du théâtre Lyrique,
qui a chanté, avec le talent qu'on lui connaît, la scène de Ricjoletto.
Mlle Géraldine Bodin a vocalisé dans la perfection les variations de
Rode et l'air du Barbier. — Une mélodie de Schumann et la Screnata
de Braga ont été fort bien chantées par Mlle Lee. L'accompagnement
de la Screnata sur le violoncelle, ainsi que la fantaisie sur Faust , et
une petite valse, exécutés par l'auteur, M. Lee, ont été vivement ap-
plaudis. M. Ettling a fait entendre plusieurs de ses élèves, qui se sont
distingués. La séance s'est terminée par la représentation d'une opé-
rette intitulée : Un jour de noce, musique de M. Ettling. M. A. Philibert,
l'auteur des paroles, a joué et chanté avec infiniment de verve et
d'esprit, et il était fort bien secondé par le charmant baryton, M. La-
font. La musique de cette opérette est très-jolie. Les mélodies abon-
dent, et deux duos surtout sont parfaitement traités.
*** Le concert de Georges Jacobi aura lieu mardi prochain, dans la
salle Herz, avec le concours de Mme Massard, de M. Eluni et de MM. les
membres de la section de musique de la société nationale des Beaux-
Arts. M. Jacobi fera entendre son nouveau concerto en trois parties,
pour violon et double quintette.
„,% C'est jeudi 17, qu'aura lieu, dans la salle Erard, avec le concours
de MM. Alard, Diémer, Berthelier, Soumis et Mme Peudefer, la soirée
musicale d'Alexandre Batta. Le célèbre violoncelliste ne se fait que
rarement entendre à Paris. Les nombreux admirateurs de son talent ne
voudront donc pas manquer cette occasion de l'applaudir, ainsi que
les artistes éminents dont il est entouré.
*** W. Kruger va bientôt se faire entendre à Bruxelles. L'éminent
pianiste-compositeur y est engagé pour le concert que l'Association des
artistes donnera le 2 avril.
*** M. Giorza, l'auteur de la musique de la Maschera, donnera, le
dimanche 3 avril, un concert à la salle Herz.
„,% Un nouveau ballet de Rota, intitulé Velleda, a été représenté avec
un très-grand succès au théâtre de la Scala, à Milan. A Turin la Cléo-
pâtre, ballet nouvellement composé par Rota, musique de Giorza, n'a
pas moins réussi.
„..*» Le concert de M. Giuseppe Romano reste fixé au 15 de 'ce mois.
Sivori, Ratti et Carlo Unia prêteront leur concours à l'éminent orga-
niste, qui fera entendre, sur un orgue Alexandre, les ouvertures du
Pardon de Ploërmel, de Sémiramis et de Guillaume Tell.
*% Le 15 mars, concert du pianiste Delcroix dans les salons Erard,
avec le concours de Mme Anna Bertini, MM. Stroheker, Jules Méné-
trier, Vander Gucht, Max-Meyer, Goufifé et Schlottmann.
*% Le concert de M. Joseph Franck, de Liège, reste fixé au 15 mars,
dans les salons Pleyel. MM. Camille et Ernest Demunck exécuteront
avec M. Franck son premier trio pour piano, violon et violoncelle.
**„ Vendredi 18 mars, concert historique de M. et Mme Marchesi,
salle Ilerz, à 2 heures.
.t*t Dimanche 20, salle Ilerz, concert donné par Mlle Winnen Or-
lowska, prima donna du théâtre San Carlo de Naples, et M. Soko-
lowski, le célèbre guitariste. On y entendra, outre les bénéficiaires,
Mme et M. Langhans, MM. Costanti, et Ernest Demunck.
*** Le 22, concert de Mlle de Vattelette, harpiste, salle Herz, avec
le concours de Sivori.
»** M. Vincent Adler, de retour de Lyon où son talent a fait sensa-
tion, donnera le jeudi, 31 mars, un concert avec orchestre dans les sa-
lons Pleyel.
*** M. et Mme Ernest Bertrand donneront, aujourd'hui une matinée
musicale, à 1 heure et demie, dans les salons Erard.
**« L'intéressante notice sur Martini, publiée dans ce journal, vient
de paraître en brochure. C'est la continuation du travail consacré aux
musiciens français par notre collaborateur, Arthur Pougin.
*** Un nouveau journal de musique et de théâtre : Boosefs musical
and dramatic Review, vient de paraître à Londres. Le prix d'un numéro
n'est que d'un penny (10 centimes).
*% Mme Simonin-Pollet, artiste de réputation, qui avait été succes-
sivement harpiste de l'impératrice Joséphine et du roi de Naples Mu-
rat, vient de mourir à l'âge de quatre-vingt ans, à Châtillon, près Paris,
dans une communauté où elle s'était retirée.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Bordeaux. — Le succès de l'opéra de Rey, la Gitana, se soutient.
Le Cheval de bronze, d'Auber, a été repris et accueilli avec une grande
faveur. Le ténor Peschard, Mme Sallard et Mlle Nordet s'y sont sur-
tout très-distingués.
„** Alger. — Le Pardon de Ploërmel vient d'être représenté pour la
première fois au théâtre de la ville. L'opéra de Meyerbeer a obtenu
un succès magnifique, bien que l'exécution en ait laissé à désirer.
L'ouverture et la plupart des morceaux de chant ont été applaudis
avec enthousiasme.
CHRONIQUE ETRANGERE.
*** Londres. — Le théâtre royal italien de Covent-Garden ouvrira sa
dix-huitième saison le 29 de ce mois. Voici la liste exacte des artistes
qui composeront la troupe, réunion sans pareille des plus grands noms
des théâtres lyriques de l'Europe : Soprani et contralli : Mmes Adelina
Patti, Pauline Lucca, Emmy Lagrua, Marie Battu, Nantier-Didiée, Anto-
nietta Fricci, Destinn. Giuseppina Tati, Garulli, Rudersdorff, Anese et
Tagliafico. — Ténors : Mario, Tamberlick, Naudin, Wachtel, Neri-Baraldi,
Lucchesi et Bossi. — Barytons : Faure, Graziani, Ronconi et Colonese.
— Basses : Schmidt (de Vienne), Attri, Scalese, Ciampi, Tagliafico, Po-
lonini, Fallar et Capponi. La danse comptera, parmi ses principaux re-
présentants, Mlles Zina Richard et Salvioni. Comme toujours, M. Costa
dirigera l'orchestre, et M. A. Harris la mise en scène. Les ouvrages qui
seront représentés pendant cette saison sont . La Norma (débuts de
Mlle Lagrua), le Prophète (débuts de Wachtel), Il Barbiere (Mlle Patti),
Il Trovatore, le Pardon de Ploërmel (Mlle Patti), les Huguenots (Mlle Lucca),
Don Juan (Faure), Faust, Otello, Robert le Diable (débuts de M. SchmiiJt
dans le rôle de Bertram), l'Elisire d'amore (Patti et Ronconi), le Nozze di
Figaro (avec Mlles Lucca, Patti et Battu), la Favorite (Mario et Lagrua),
Fidclio, Guillaume Tell, la Fille du régiment, Don Pasquale. Deux ouvra-
ges nouveaux sont annoncés : la Forza del destina, de Verdi, et les Joyeu-
ses commères de Windsor, de Nicolaï; enfin on mettra entièrement de
nouveau en scène VEtoile du Nord, dans lequel Mlle Lucca jouera le rôle
de Catherine, Mlle Battu, Prascovia, et Faure le rôle de Peters.
„.** Bruxelles. — Roger vient de faire ses adieux au public du théâtre
de la Monnaie, dans la Favorite. Le Nouveau Seigneur du village y a été
repris avec succès. Lundi prochain aura lieu la rentrée de Mme Meyer
Boulart dans la reprise du Pardon de Ploërmel. On répète VEtoile de
Messine, le ballet du comte Gabrielli, qui est venu ici présider aux ré-
pétitions.
t*t Vienne. — C'est un véritable événement que la reprise du Prophète
à notre théâtre impérial, après deux années d'interruption. Par quelles
circonstances une telle œuvre a-t-elle pu disparaître pendant si long-
temps du répertoire d'un théâtre où jamais ouvrage, ancien ou mo-
derne, n'a obtenu de succès plus éclatant, ni joui d'une popularité plus
grande ? Nous l'ignorons. Toujours est-il que la reprise du chef-d'œuvre
a été accueillie avec une satisfaction évidente, et que la salle s'est
trouvée envahie comme pour une première représentation. Ander
DE PARIS.
87
a repris possession de son rôle de Jean de Leyde, qu'il a créé à
Vienne, et il le joue avec la même perfection que le premier jour;
Mlle Krauss est excellente dans le rôle de Bertne, et M. Schmidt,
qui vient d'être engagé au théâtre de Covent-Garden, de Londres, est,
sans contredit, ie meilleur Oberthal qu'on puisse imaginer. Mlle Des-
tinn, qui nous quitte également pour Londres, remplissait le rôle de la
mère du prophète. Cette jeune artiste ne manque certainement pas de
talent, mais le public se rappelle Mme Csillag, qui a laissé de si beaux
souvenirs dans ce beau rôle de Fidôs. — Le directeur de l'Opéra
italien vient de publier le programme de la saison. La troupe est com-
posée des ténors Mongini, Graziani, Pardini et Guidotte; des prime
donne : Barbot, Artot, Lotti délia Santa et Volpini, et des barytons et
basses, Bartolini, Everardi, randolfini, Saccomano, Angelini et Cor-
nago. — Le premier des concerts historiques de Zellner, qui ont
reçu un accueil si favorable, a eu lieu le 6 mars. On y a exécuté des
morceaux du xm0, xviL', xvii0 et xvme siècle, entre autres deux chan-
sons de Thibaut, roi de Navarre; deux duos de l'abbé Clari (1GG0); air
de Nicolo Tomelli (xviii0 siècle); sonate de Richelmann (xvm° siècle).
M. Zellner, virtuose sur l'harmonium, a accompagné sur cet instrument:
Chant de la pénitence, par Meyerbeer, pour solo de basse-taille avec
chœur à six voix. Ce dernier morceau, si grave et si solennel , a fait
une impression profonde.
„** Stettin. — Notre jolie salle de spectacle, reproduction en minia-
ture de celle du grand opéra de Berlin, s'est remplie jusqu'aux combles
h l'annonce des Huguenots, que Mlle Otto avait choisis pour son béné-
fice. Il va sans dire que les Huguenots n'étaient point une nouveauté
pour nous; à Stettin, aussi bien que sur tous les théâtres du monde ci-
vilisé, le chef-d'œuvre de Meyerbeer est depuis de longues années un
des soutiens les plus solides du répertoire. Mais ce qui donnait un at-
trait nouveau à cette représentation, et ce qui excitait au plus haut de-
gré la curiosité, c'était un air nouveau que Mlle Otto, qui remplissait
le rôle du page, faisait entendre pour la première fois à notre public;
c'est le rondo que l'illustre maître a ajouté, à Londres, au deuxième acte,
pour Mme Alboni. Mlle Otto y a obtenu un succès d'enthousiasme, et,
ce qui n'arrive presque jamais à notre théâtre, on l'a obligée de chanter
une seconde fois cette ravissante inspiration. Désormais les Huguenots
ne pourront plus être joués sans le Rondo du page. Parmi les autres
artistes qui ont brillamment contribué à l'éclat de la représentation, il
faut citer en première ligne Mme Rœske-Lund (Valentine) et Mlle Zschie-
sche (la reine); une bonne part d'éloges revient de droit à M. Saar,
notre excellent chef d'orchestre.
„.*,, Franeforl-sur-Mcin. — Mlle Georgina Schubert a donné ici six re-
présentations. Le rôle où elle a le plus de succès c'est celui de Dino-
rah, gracieuse création qui convient tout à fait au talent plein de
charme et de poésie de Mlle Schubert. — Au dixième concert du musée,
le violoniste Bott a joué le 12e concerto de son maître, Louis Spohr.
*** Olmutz.— Dinorah, de Meyerbeer, ne cesse pas d'exercer une grande
puissance d'attraction sur le public ; cette partition magistrale n'a pas
eu moins de vingt représentations, et la vogue en est toujours la même.
— Après une interruption de trois années, la reprise du Prophète a été
accueillie avec enthousiasme ; trois représentations consécutives ont eu
lieu devant un auditoire qui ne cessait de donner presque à chaque
scène des marques bruyantes de son admiration.
* Brunsirick. — Au huitième concert d'abonnement, la chapelle du-
cae a exécuté l'ouverture de Benvenuto Cellini, et la Fée Mab, de Ber-
lioz. Ce dernier morceau a été bissé.
*** Schivcrin. — L'opéra nouveau, Claudine, texte de Goethe, musique
de Franz, vient d'être joué pour la première fois au théâtre de la cour.
Mlle de Anna, de l'opéra royal de Berlin, chantait le rôle de Pedro ;
elle a été souvent applaudie et a eu les honneurs du rappel après la
cavatine du deuxième acte.
»*„ Lisbonne. — Pour la représentation à son bénéfice, Mme Tedesco
avait choisi le Prophète, de Meyerbeer, et le succès du chef-d'œuvre que
l'on jouait ici pour la première fois pendant cette saison, a été prodi-
gieux. Celui de la cantatrice, admirablement secondée par Mongini, Ga-
rulli et Beneventano, a dépassé tout ce qu'on pouvait attendre. L'or-
chestre, sous la direction du nouveau chef, Emilio Lami, a fait mer-
veille, ainsi que les chœurs. Plusieurs passages du rôle de Fidès, Yarioso
du second acte, la grande scène du quatrième, l'air du cinquième,
ont fourni à Mme Tedesco l'occasion de soulever des transports d'en-
thousiasme. Rappelée à grands cris, elle a partagé plusieurs de ses ova-
tions avec Mongini, l'éminent ténor. Les couronnes et les fleurs ne lui
ont pas manqué non plus. Des notabilités de l'ordre le plus élevé assis-
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N° 12.
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REVUE
20 Mars 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 2* r. par ai
Départements, Belgique et Suisse.... 30 " id.
Étranger 34 » '<•■
Le Journal parait le Dimanche.
ET
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
Avec le prochain numéro nos abonnés recevront
une nouvelle composition (l'EUlLE «JONAS, Souvenir
(f'tin songe, mélodie pour le piano.
SOMMAIRE. — Inauguration du monument à la mémoire d'Halévy. — Messe
composée par Rossini, par Cï. Héquet. — Théâtre des Bouffes - Parisiens :
te Géorgiennes, opéra-bouffe en trois actes, paroles de MM. Jules Moineaux,
musique M. Jacques Offenbach. — Concert de J. Schulhoff. — Auditions et
concerts. — Correspondance: Saint-Pétersbourg. — Nouvelles et annonces.
IHAUGURATION DU MONUMENT A LA MÉMOIRE D'HALÉVY.
(17 mars.)
La touchante et unanime manifestation qui s'est produite aux ob-
sèques d'Halévy s'est renouvelée à l'inauguration du monument qui
a été élevé à la mémoire de l'illustre compositeur par les soins pieux
de ses admirateurs et de ses amis. La même foule qui se pressait, il
y a deux ans, autour d'un cercueil, se pressait aujourd'hui autour
d'une statue.
Le monument a été construit par un maître, M. Le Bas, que des
liens de famille rattachaient à Fromental Halévy. Le tombeau s'élève
à l'extrémité du cimetière israélite et se présente avec un imposant
caractère de simplicité et de grandeur. Sur un piédestal de granit
rouge s'étagent trois gradins de marbre blanc, ornés de trente-deux
couronnes formant écussons et contenant les titres des œuvres qui
ont porté si haut le nom d'Halévy. La statue se dresse au-de°sus de
ees courounes qui, selon les heureuses paroles de M. le comte de
Nieuwerkerke, étaient le seul piédestal qui convînt à une semblable
image. Cette statue se distingue parmi les œuvres les plus remar-
quables de notre célèbre sculpteur Duret ; l'artiste a été inspiré par
l'ami.
Halévy est représenté dans le costume de membre de l'Institut, et
sur l'habit moderne vient se draper un manteau dont les larges plis
donnent à cette belle œuvre l'aspect sculptural de la statuaire an-
tique.
Avant l'heure fixée pour la cérémonie , une foule innombrable
avait envahi l'enceinte du cimetière israélite. L'Institut, la société
des auteurs et des compositeurs dramatiques, le Conservatoire, le
héâtre, tout ce qui se rattache aux arts etj aux lettres, avaient
tenu à honneur de venir rendre ce suprême hommage au musicien et
à l'écrivain. Nous renonçons à donner ici les noms marquants, parce
qu'il faudrait citer tout le monde.
A 3 heures précises, la commission, chargée de l'érection du
monument, s'est réunie autour du mausolée. Cette commission, pré-
sidée par M. Auber, était composée de MM. le général Mellinel, le
comte de Nieuwerkerke, le prince Poniatowski, le baron Taylor,
vice-présidents ;
De MM. Edouard Bertin, le colonel Cerfbeer, Joseph Cohen, Jules
Cohen, Couder, membre de l'Institut, Camille Doucet, Duret, membre
de l'Institut, Marchai de Calvi, Emile Pereire, Isaac Pereire, Emile Per-
rin, Charles Rety, Edouard Rodrigues, Alphonse Royer, de Saint-
Georges, Ambroise Thomas, membre de l'Institut. L. Véron et Edouard
Monnais, secrétaire.
Les élèves du Conservatoire ont aussitôt fait entendre, avec un
chaleureux ensemble, le magnifique chœur de l'acte des tombeaux
dans Guido et Ginevra, sur lequel on avait adapté les paroles d'un
chant funèbre traduit de l'hébreu en français. Au moment où s'ache-
vait h dernière strophe, le voile qui recouvrait le monument est tombé,
et la statue, éclairée par un rayon de soleil, a rendu à toute l'assis-
tance émue et recueillie les traits du maître et de l'ami.
M. le com'e de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts, a pris
alors la parole et a prononcé le discours suivant :
« Messieurs, s'il est vrai que les hommes de génie ne meurent
pas tout entiers, s'il est vrai que même après l'heure cruelle qui
met un terme à leurs créations magnifiques, ils continuent parmi
nous l'œuvre d'enchantement pour laquelle ils étaient venus sur
cette terre, on peut dire d'Halévy que longtemps encore il vivra
pour nous charmer et charmer après nous bien des générations.
» Au pied de la statue d'Halévy, nous sommes donc partagés entre
le sentiment d'un regret profond et celui d'une joie sereine et grave.
Nos cœurs s'unissent ici pour rendre un hommage solennel à l'homme
aimable que nous avons tous aimé en effet, et à l'homme supérieur
qui a écrit tant de compositions où une science merveilleuse s'allie
aux inspirations musicales les plus variées et les plus riches, à l'au-
teur de la Juive,
90
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» J'ai rappelé les qualités morales d'Halévy avant de rappeler les
œuvres de son génie. Vous me le pardonnerez, Messieurs, et vous le
comprendrez. L'homme de génie, la postérité l'admirera comme nous
l'avons admiré. Par ses ouvrages, il lui appartiendra comme il nous
appartient à nous-mêmes. Mais nous avons joui d'un privilège dont
elle sera bien jalouse ; elle nous enviera certainement d'avoir connu
celui dont elle ne connaîtra que les mélodies immortelles, cet homme
d'esprit, cet homme de cœur qui, par sa gracieuse modestie, s'ef-
forçait de faire oublier son éclatante supériorité.
» N'éprouvons-nous pas tous les jours ce regret de n'avoir pu
connaître les grands hommes du passé ? Qui ne voudrait avoir vu,
ne fûl-ce qu'un instant, Mozart, Raphaël, Michel-Ange? Hélas! nous
ne pouvons toujours satisfaire notre pieuse curiosité à cet égard ; les
traits de beaucoup d'hommes illustres des siècles écoulés ne sont
point parvenus jusqu'à nous; leurs contemporains ont négligé de
nous les transmettre.
» La postérité ne nous accusera pas d'une semblable négligence.
Si le génie d'Halévy a réservé de nombreuses jouissances à coux qui
viendront après nous, nous leur laisserons du moins une reproduc-
tion fidèle de ses traits. Remercions donc M. Duret de les avoir re-
produits avec tant de conscience et de talent.
» Mais, en voyant Halévy revivre dans ce beau marbre, j'oublie
l'œuvre d'art pour ne plus me souvenir que de celui qu'elle repré-
sente. En le voyant ici, revêtu du costume de l'illustre compagnie
dont il était une des gloires, je me reporte au jour où il fut appelé
à ce poste important de secrétaire perpétuel par les suffrages de ses
confrères de l'Académie des beaux-arts. Ce fut une heureuse nou-
veauté de voir cette classe de l'Institut choisir son secrétaire sans
sortir de chez elle. Si l'innovation étonna tout d'abord, on n'eut
bientôt qu'à s'en féliciter; car non-seulement Halévy apporta dans
l'exercice de ces délicates fonctions une haute intelligence, une éru-
dition charmante, facile, ennemie du pédantisme, un goût exquis pour
toutes les formes du beau, qu'il goûtait toutes, étant passé maître au
moins dans l'une ; un art de bien dire dont témoigne le recueil des
Eloges qu'il a prononcés aux séances annuelles de l'Académie ; il sa-
vait encore, par sa bonne grâce, son aménité parfaite, son aimable
simplicité et sa grande expérience, il savait, dis-je, adoucir toutes les
aspérités des situations difficiles. Sur cette pente, Messieurs, je m'ar-
rête, car, malgré moi je sens que je me laisse gagner à exprimer
des regrets, et, je vous l'ai dit, cette cérémonie ne saurait avoir un
caractère de deuil.
» Souvenons- nous plutôt que les Hébreux nomment d'un nom tou-
chant le terrain où nous sommes ; ils l'appellent la Maisondes vivants.
Ne parlons donc que de ce qui ne périra pas dans Halévy, ne par-
lons que de sa gloire.
» Je ne vous redirai pas les difficultés de toutes sortes qui accom-
pagnèrent ses débuts dans la carrière musicale. Il est peu de grands
hommes qui n'en aient souffert de pareilles, et il semble que ces dif-
ficultés qui abattent les fausses vocations soient au contraire le plus
sûr aiguillon des hommes supérieurs. A vingt ans, il avait remporté
le grand prix de composition aux concours de l'Institut. A Rome, il se
lia avec Rossini, à Vienne il connut Reethoven : prédestination singu-
lière qui mettait son génie naissant en contact avec les représentants
du génie de l'Allemagne et du génie de l'Italie. En y ajoutant la
clarté, la sobriété de l'esprit français, et son originalité propre, c'est
entre la haute et savante inspiration de Reethoven et la magnifique
abondance des mélodies de Rossini que le talent d'Halévy a conquis
une place à part.
» Notre mémoire est encore tout enivrée des beautés de la Juive,
de cette œuvre puissante qui fut en France et bientôt en Europe la
révélation d'un mérite de premier ordre, d'une organisation musi-
cale exceptionnelle, faite pour embrasser les plus vastes créations,
comme le prouvèrent depuis Gicido et Ginevra, la Reine de Chypre,
la Magicienne, et cette grande œuvre, aux accents héroïques, l'opéra
de Charles VI. Parmi tant de créations mélodieuses, échappées aux
lyriques effusions de nos maîtres français, en est-il une seule qui ait
agité plus profondément la sympathie populaire? Quel triomphe que
ces chœurs de Charles VI, faisant passer dans l'âme de tout un peu-
ple les sublimes émotions du sentiment patriotique!
» Après de tels élans, Halévy se laissait aller, comme en se jouant,
aux gracieux caprices de son imagination tour à tour pathétique et
souriante; il nous charmait par les élégantes mélodies de l'Eclair,
des Mousquetaires de la Reine, de la Fée aux Roses, de Jaguarita
l'Indienne. En 1848, au milieu des préoccupations publiques les plus
graves, n'avait-il pas réussi à ramener aux paisibles jouissances de
son art une société troublée qu'il subjuguait par les naïfs et tendres
échos du Val d'Andorre!
» Je n'insiste pas davantage, Messieurs, car, parmi ses confrères
de l'Académie, il appartiendrait à de plus autorisés que moi de parler
dignement du génie musical d'Halévy. On l'a fait d'ailleurs en ter-
mes émus, dignes de son talent, le jour même où nous avons rendu
à sa dépouille mortelle les douloureux et derniers honneurs. J'ai
voulu seulement rappeler quelques-unes des couronnes de ce génie fé-
cond. M. Le Ras, l'architecte qui a élevé ce monument, a bien com-
pris que nul trophée n'était plus glorieux que ces couronnes ; il s'est
dit justement qu'elles étaient le seul piédestal qui convînt à une sem-
blable image.
» Entourer de lauriers le titre de tant de chefs-d'œuvre, c'était
formuler le jugement de l'Europe contemporaine sur Halévy. Ce ju-
gement, nous en sommes convaincus, sera celui de la postérité. Nous
pouvons donc dès aujourd'hui, sans craindre d'être démentis par les
âges à venir, mettre l'auteur de la Juive et de Charles VI aux pre-
miers rangs de ceux qui ont charmé, élevé, consolé l'humanité par
leur art, remplissant ainsi leur glorieuse mission. C'est Halévy, en
effet, qui a dit de la musique, qu'elle était « un art que Dieu semble
» nous avoir donné pour que toutes les voix, confondant leurs ac-
» cents, lui portent les prières de la terre unies dans un rhythme
» harmonieux. »
Ce discours, qui répondait si bien aux sentiments intimes d'un im-
mense auditoire, a été interrompu à plusieurs reprises par les mar-
ques les plus vives de sympathiques approbations.
La musique de la garde de Paris a ensuite exécuté la grande
marche de la Reine de Chypre et plusieurs autres morceaux tirés des
ouvrages d'Halévy. Longtemps après la fin de cette belle cérémonie,
qui portait en elle ses tristesses et ses consolations, la foule station-
nait encore autour de l'image de celui que chacun aimait à faire re-
vivre dans sa pensée et qui ne mourra dans aucun souvenir.
(Moniteur du vendredi 4 8 mars.)
MESSE COMPOSÉE PAR ROSSINI \
Voici un grand événement musical. Rossini a composé une messe
solennelle à quatre parties vocales, avec solos ou soli, et cette messe
vient d'être exécutée pour la première fois dans le grand et magni-
fique hôtel que M. le comte Pillet-Will a fait bâtir dans la rue de
Moncey. Je ferais un volume si je voulais décrire toutes les splen-
deurs de cette demeure digne d'un roi. Mais qu'est-ce que le marbre,
et l'or, et le velours, et le brocart, au prix du glorieux éclat qui a
signalé son inauguration, et de cette manifestation inattendue d'un
génie qui se transforme et se révèle sous un nouvel aspect, lorsque
l'on croyait qu'il avait dit depuis longtemps son dernier mot?
(1) Nous empruntons à notre collaborateur G. Héquet l'article que l'on va
lire et qui a déjà paru dans l'Illustration.
DE PAKIS.
91
Rossini a eu le 29 février dernier soixante-douze ans révolus, et
c'est dans le courant de l'été passé qu'il a écrit tranquillement , et
sans le moindre effort, cette œuvre admirable que j'ai eu le bonheur
d'entendre il y a peu de jours. On y sent, dès les premières me-
sures, le souffle puissant qui animait ce grand artiste il y a trente
ans, lorsqu'il lui plut de s'arrêter tout à coup au point culminant de
sa glorieuse carrière. L'auteur de Guillaume Tell se dresse devant
vous de toute sa hauteur, et vous vous apercevez avec étonnement
que ni le temps ni l'inaction n'ont rien fait perdre à cette intelli-
gence si merveilleusement douée. Même facilité d'invention, même
abondance mélodique, même noblesse de style et même élégance,
même nouveauté de tour, même richesse harmonique, même har-
diesse et même bonheur dans la modulation, même vigueur de con-
ception et d'expression, même habileté dans la conduite et l'agence-
ment des voix, même art magistral et souverain dans le plan général
de l'ouvrage, et dans le plan particulier de chaque morceau.
Les croque-notes qui croient tout savoir parce qu'ils ont écrit,
tant bien que mal, une certaine quantité de fugues à quatre parties,
tout en reconnaissant à Rossini le génie qu'il aurait été difficile de
lui contester, se dédommageaient en l'accusant de manquer de science.
Ils oubliaient le mot de Grétry, qui aurait dû suffire, à mon sens,
pour résoudre la question : « Celui qui a le génie sans la science a
le tout, dont il ne sait que faire. » Rossini, dans sa musique dra-
matique, se servait peu des formules scolastiques, parce qu'elles y
auraient été déplacées. Mais pouvait -on imaginer qu'il fût arrivé à
cette fermeté de touche, et à cette perfection de forme sans avoir
fait toutes les études dont les maîtres de l'art ont tracé le programme,
sans avoir parcouru le cercle entier de la rhétorique musicale? Le
genre religieux admettant, appelant même ce que le genre théâtral
repousse, Rossini a fait, dans sa messe, à la fugue, au style fugué, au
style concerté, la place qui leur était due. Son Christe eleison est
écrit avec cet art savant dont Palestrina a tracé de si beaux modèles.
On trouverait difficilement un tissu plus serré et plus fin d'imita-
tions canoniques. Le Credo finit par une pièce fuguée, digne des plus
grands maîtres, et que Cherubini lui-même ne désavouerait pas.
Enfin, le Gloria in excelsis a pour conclusion une fugue d'un dé-
veloppement immense, d'un effet grandiose et d'un intérêt inouï.
Tout compositeur bien appris peut disposer un sujet et un contre-
sujet, les promener en entier ou par fragments dans les tons rela-
tifs, et les condenser à la fin dans un streito agencé avec plus ou
moins d'adresse. Mais donner au fruit de ce travail presque mathé-
matique du caractère, de l'expression, de la couleur, y mettra de
la variété, des nuances, des contrastes, satisfaire les oreilles les plus
exercées, et en même temps tenir en haleine les auditeurs les plus
étrangers à ces combinaisons, voilà ce que le ciel n'a daigné accor-
der, depuis deux siècles, qu'à un très-petit nombre de privilégiés
tels que Haendel, Haydn, Cherubini ou Mozart. Aussi bien inspiré
qu'aucun de ces puissants artistes, Rossini a fait de sa fugue une
œuvre de génie plus encore que de science, un tableau qui éblouit
l'imagination, un hymne qui saisit le cœur, l'émeut et l'enflamme .
Le début de ce Gloria, qui reparaît après la fugue, a une ardeur
et une majesté incomparables.
Après cette belle introduction viennent successivement un trio
pour contralto, ténor et basse, un air de ténor, un air de basse, un
duo pour soprano et contralto. Tous ces morceaux diffèrent de rhy-
thme, de couleur et d'expression, selon le sens des paroles et le
sentiment à exprimer. Le duo pour soprano et contralto : Qui tollis
peccata mundi, miserere nobis, a une tendresse, une mélancolie et
une grâce inexprimables.
Dans le Credo, Rossini a suivi l'exemple donné par Cherubini dans
la messe du sacre. Il fait répéter au chœur : Credo ! Credo ! après
l'énoncé de chaque article de foi. Mais l'imitation s'arrête là, et le
compositeur y déploie des trésors de mélodie dont Cherubini n'a ja-
mais eu la clef à sa disposition. Le Crucifixus a servi de texte h un
air de soprano. Les mots passus et sepullus est y sont rendus avec
une profondeur d'expression dont rien n'approche. Le chœur reprend
ensuite à ces mots : et resurrexit lertiâ die. C'est un chant triom-
phal d'un élan et d'un éclat extraordinaires.
V Offertoire est un morceau d'orgne digne, pour la facture, de S.
Bach. Mais il y règne un charme mélancolique et rêveur dont Bach
lui-même a trouvé bien rarement le secret. Le début brillant et ma-
jestueux du Sanctus est suivi d'un Benediclus à deux voix, d'une
élégance et d'une grâce merveilleuses. Enfin, YAgnus Dei, phrase
d'une tendresse infinie, commencée par le contralto et terminée par
le chœur, sur les mots : miserere nobis, — dona nobis pacem, rem-
plit l'âme, tout à la fois, de tristesse et d'espérance.
Cette œuvre magistrale attend un accompagnement d'orchestre
qui n'est pas encore écrit. Il n'y avait, pour soutenir les voix, que
deux pianos et un harmonium. L'exiguïté de ces moyens d'exécution
n'en a pas empêché l'effet, — quelques passages exceptés, où la vi-
gueur, l'éclat et l'accent des violons auraient été nécessaires. Mais
ces moments ont été rares, car M. Georges Mathias tenait le piano
principal, et personne ne sait donner à cet instrument une voix plus
sonore et plus mélodieuse.
Les deux sœurs Marchisio chantaient les solos avec MM. Gardoni
et Agnesi. le puis donc me dispenser d'ajouter que l'exécution vocale
a été à peu près parfaite.
Le brillant auditoire a voulu entendre deux fois le Cum Sanclo,
le Sanctus et YAgnus Dei. Les applaudissements les plus chaleureux
ont éclaté après chacun des morceaux capitaux dont se compose cette
messe magistrale.
G. HÉQUET.
THEATRE DES BOUFFES-PARISIENS.
JL.ES» GÉORGIENNES,
Opéra bouffe en trois actes, paroles de Jules Moineaux,
musique de Jacques Offenbach.
(Première représentation le 16 mars 1864.)
En agrandissant son cadre, la direction des Bouffes-Parisiens a
compris qu'elle devait en même temps élever son genre, et c'est
dans ce but qu'elle a donné aux Géorgiennes les proportions d'un
véritable opérac-omique, monté avec un soin, avec un luxe qui,
jusqu'à ce jour, semblaient ne pouvoir être accessibles qu'à des
théâtres subventionnés.
Ce n'est pas à dire pour cela que la fantaisie en ait été exclue ;
elle y règne au contraire plus que jamais, et c'est par ce seul lien
que les Géorgiennes se rattachent à l'ancien ordre de choses. M. Ju-
les Moineaux, l'auteur des Deux Aveugles, s'est souvenu de son
premier succès, et c'est aux mêmes éléments bouffons qu'il a puisé
les effets de son libretto. Comment raconter de pareilles énormités,
qui déroutent le bon sens, mais qui désarment, par le rire, la cri-
tique la plus intraitable? Nous essaierons pourtant de nous recon-
naître à travers ce dédale de drôleries les plus excentriques.
Les Géorgiennes sont, dit-on, les plus belles femmes de l'Orient,
et, à ce titre, elles excitent les convoitises des grands seigneurs
turcs. Or, l'illustre pacha Rhododendron a jeté son dévolu sur nous
ne savons quelle cité de la Géorgie pour repeupler son harem.
Tous les hommes sont appelés aux armes pour la défense de leurs
chastes moitiés ; mais, à l'aspect des trente-deux bachi-bozoucks et
et des trente-deux éléphants de Rhododendron, ils battent coura-
geusement en retraite et regagnent leurs foyers.
Les femmes, furieuses de cette désertion, ne veulent pas d'abord
les recevoir, et ce n'est qu'en les voyant tous revenir écloppés,
92
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
avariés, borgnes ou boiteux, que leur tendre cœur s'émeut de pitié
et qu'elles consentent à leur ouvrir les portes de la ville.
Avons-nous dit que le féroce Rhododendron s'était aussi introduit
dans la place? Pourquoi? Comment? Peu importe, ce n'est pas notre
affaire.
Toujours est-il que, déguisé en tambour-major, il s'enrôle dans
l'armée de femmes, organisée par la belle Féroza, pour remplacer les
maris invalides, et qu'il découvre à sa générale la ruse ourdie par
ces messieurs.
Féroza, indignée comme de raison, ordonne que l'on chasse tous
les hommes, et Rhododendron, trahi par ses propres aveux, est con-
damné à être fusillé.
— Bien joué, Marguerite ! s'écrie-t-il en marchant à la mort.
Et cette allusion, empruntée à la Tour de Nesle, est à l'instant
saisie par toute la salle, qui se tourne en riant vers la loge où
Alexandre Dumas assiste, comme un simple mortel en goguette, à la
représentation de ce drame cocasse.
Mais Rhododendron a la vie dure ; il échappe à la fusillade, et,
grâce à l'intervention d'un traître, il va rejoindre ses trente- deux
bachi-bozoucks et ses trente-deux éléphants. Puis, d'accord avec les
maris évincés, il reparait dans la forteresse gardée par les Géor-
giennes, en employant un nouveau stratagème.
Pour charmer les loisirs du corps de garde, ces dames y ont ad-
mis une troupe de bohémiennes qui, à un moment donné, se sai-
sissent de leurs armes, et après les avoir réduites à l'impuissance, se
jettent sur Rhododendron et sur ses odieux satellites, privés du se-
cours de leurs éléphants.
Est-il besoin d'expliquer que ce sont les maris qui ont pris ces
costumes de bohémiennes, et à qui la peur a rendu l'énergie néces-
saire pour rentrer en possession de leurs droits méconnus ?
La partition qu'Offenbach a écrite sur ce canevas joyeusement in-
sensé, est des mieux réussies. Elle fourmille de motifs piquants, ori-
ginaux, et dans plusieurs passages elle affecte des formes vraiment
sérieuses et distinguées, comme par exemple dans la Marseillaise des
femmes, qui se chante au troisième acte, et que l'on a bissée avec
enthousiasme.
Il nous serait difficile de signaler tous les morceaux saillants qui
ont été applaudis à outrance par la salle entière.
Nous citerons néanmoins le gracieux chœur de femmes qui succède
à l'introduction ; l'air d'entrée du pacha Rhododendron; de jolis cou-
plets chantés par Nani, le finale du premier acte, dans lequel sont
habilement encadrés une prière et le chœur comique des maris
écloppés.
Au second acte, nous avons remarqué les couplets du tambour-
major, avec accompagnement d'une douzaine de tambourins, encore
des couplets de Nani, très-fins, très-spirituels, et un charmant duo
de situation entre Féroza et son époux Jolidin.
Mais si nous nous en rapportons à l'impression générale, le troi-
sième acte l'emporte sur les deux autres. Tout y est ravissant, le
chœur des dormeuses, le rondo du pacha, le bel ensemble de la
Marseillaise des Géorgiennes et le finale, composé d'une aragonaise
entraînante et du retour de la Marseillaise, pour le baisser du ri-
deau.
L'interprétation de l'ouvrage, paroles et musique, est d'ailleurs
excellente. Mlle St-Urbain, que nous avons vue aux Italiens et à l'O-
péra-Comique, a débuté avec éclat dans le rôle de Féroza ; Mlle
Zulma Bouffar est fort gentille dans celui de Nani. Quant aux hom-
mes, on ne peut rencontrer nulle part, si ce n'est au Palais-Royal,
une réunion de comiques plus divertissants que Pradeau, Désiré,
Léonce, Edouard-Georges, etc.
Les chœurs très-nombreux (on affirme qu'il y a plus de soixante
personnes en scène) sont formés, pour la partie féminine, d'une foule
de très-jolies filles, fort agréables à voir et à entendre.
Enfin, les décors sont d'un très-bel effet, et les costumes sont
d'une richesse extrême et d'un excellent goût.
Si, avec tant de motifs de succès, les Géorgiennes ne vont pas
jusqu'à deux ou trois cents représentations, c'est que le public pari-
sien sera devenu tout à coup aveugle et sourd, comme les maris de
ces dames.
D.
CONCERT DE J. SCHOLHOFF.
Mercredi, 9 mars.
Un concert donné par Schulhoff excite toujours à Paris un vif
sentiment de curiosité. A voir le grand nombre d'artistes qui se pres-
sait l'autre soir autour de son piano, on sentait d'avance qu'il s'a-
gissait d'entendre un pianiste original et exceptionnel, un virtuose
d'un talent incontesté, un maître, en un mot, un maître véritable,
dont les œuvres ne sont pas destinées à mourir avec le temps qui
les a vu naître.
Si Schulhoff se contentait de vaincre les difficultés les plus ardues,
on pourrait lui chercher des rivaux ; ce serait toujours un grand vir-
tuose, mais il ne rallierait pas à lui tant de suffrages, et il n'aurait
pas conquis la place qu'il occupe aujourd'hui. Heureusement pour
l'art, Schulhoff est plus qu'un virtuose, car il a le grand avantage de
résumer en lui la pensée et la forme, c'est-à-dire la conception et
l'exécution, et cela dans une si large mesure, que son talent y puise
une supériorité que nul ne songe à lui disputer. Son organisation
d'élite, sa nature rêveuse et poétique, son profond savoir musical,
l'étude qu'il a faite des grands maîtres dont il rappelle, sans les
imiter, les plus pures traditions, donnent à son jeu comme à ses
compositions quelque chose qui tient tout à la fois du classique et
de la fantaisie romantique. C'est le rare assemblage de deux ma-
nières réunissant la correction et l'originalité, la force et la grâce.
Si nous considérons spécialement Schulhoff comme un compositeur,
nous ne craignons pas de répéter que ses œuvres le rapprochent
de Chopin. Nous savons que de nos jours un grand nombre de pia-
nistes-compositeurs possèdent un talent auquel il faut rendre un juste
hommage ; mais on en compte peu qui, comme Schulhoff, aient
résisté à la tentation de produire en vue de ces succès faciles et
éphémères, comme la mode qui les patronna un moment.
Le concert de Schulhoff n'a été qu'un long applaudissement, et il
nous faut, pour trouver l'équivalent d'un pareil triomphe, reporter
nos souvenirs à l'époque où Liszt faisait admirer son incomparable
talent d'exécution. Les artistes, ceux-là même qui occupent le plus
haut rang, étaient les premiers à donner le signal des bravos. Tous
suivaient avec une avide curiosité ces mains de velours et d'acier
qui, après avoir doucement caressé les touches d'ivoire, les serrent
sous de puissantes étreintes, # quand doivent succéder aux pas-
sages de délicatesse et de grâce ceux qui réclament la vigueur et
l'éclat. Les compositions de Schulhoff n'ont pas excité moins d'en-
thousiasme. Dans le nombre de celles que le programme annonçait,
quelques-unes étaient nouvelles pour le public, entre autres l'ouver-
ture d'Oberon, de Weber, arrangement d'une conception étonnante,
et où Schulhoff a poussé jusqu'à ses dernières limites l'art de l'a-
daptation au piano des grandes compositions instrumentales. En en-
tendant cet arrangement remarquable, on ne sait ce qu'il faut le
plus admirer du morceau même ou de la perfection avec la-
quelle il est rendu par l'artiste. Le Capriccio, la belle sonate en fa,
ont soulevé les mêmes transports, et le public a fait bisser par ac-
clamation un scherzo adorable de Mendelssohn et une délicieuse
chanson slave que Schulhoff faisait entendre à Paris également pour
le première fois.
DE PARIS.
93
Et maintenant que nous avons applaudi au succès du compositeur
et du pianiste, qu'il nous soit permis d'adresser un hommage mé-
rité à Mlle Peudefer, cantatrice de goût, de style et d'expression, qui
sera bientôt de tous les beaux concerts, et qui a su se faire applau-
dir à côté de Schulhoff. Cela suffit à classer son remarquable talent.
AUDITIONS ET CONCERTS.
H. Ferdinand Schoen. — M. Lamente et les sœurs
eianss. — SI. Ci. Jacobi. — H. Salvador Daniel (audi-
tion de musique arabe). — 91. Louis Diémer.
Les deux compositions que M. Ferdinand Schœn a fait entendre
pour la première fois dans son concert de l'an dernier, la Berceuse et
le Souvenir de Berlin, mazurke, ont encore eu les honneurs de la soirée
qu'il a donnée récemment dans les salons Erard. Ces deux morceaux,
parfaitement interprétés par M. Ferdinand Schoen, ont été fort ap-
préciés par ses auditeurs, qui lui ont fait aussi redire une charmante
Etude, toute pleine de verve et d'élégance. Ce même soir, M. Al-
fred Lebrun a obtenu un succès des plus flatteurs, sur l'orgue, en
jouant deux morceaux de sa composition, une Prière et Y Appel des
pâtres, qu'on lui a fait bisser. Mme Gagliano, qui chante si agréable-
ment YAy Chiquita, d'Yradier, a prêté un grand attrait à la partie
vocale de cette séance intéressante.
A la soirée qu'elles ont donnée, cette semaine, dans les salons
Pleyel-Wolff, avec le pianiste Lafuente, les deux sœurs Clauss, s'empa-
rant de vive force des sympathies de l'auditoire, ont d'ailleurs fait preuve
d'une habileté peu commune. Elles ont de l'ampleur et de la no-
blesse. 11 serait difficile d'exprimer une préférence sur le mérite de
chacune d'elles ; leur jeu est à peu près le même, et lorsque après
avoir entendu Mlle Fanny dans une fantaisie de Vieuxtemps , et
Mlle Jenny, dans la fantaisie d'Alard sur la Fille du régiment, on
les voit aux prises ensemble dans une symphonie de Dancla , pour
deux violons, il faut absolument se contenter de leur décerner une
part égale de bravos, sans chercher à qui donner la palme.
M. Lafuente est un pianiste de bonne race ; son exécution, correcte
et pure, s'élève parfois jusqu'aux effets les plus brillants. Dans un
concerto de sa composition, qu'il a joué avec Mlle Jenny Clauss, il a
tout d'abord conquis la bienveillance générale, et son succès n'a fait
que grandir, avec sa fantaisie sur la Traviata, son Souvenir d'Haydn,
et sa valse de concert pour deux pianos, dans laquelle le jeune Harry
Benson, son élève, s'est fait justement applaudir à côté de lui.
Tous ces morceaux, dus à l'inspiration de M. Lafuente, ont fait le
plus grand plaisir, et ont laissé une favorable impression de son ta-
lent de compositeur.
— Pour son concert de mardi, à la salle Herz, M. G. Jacobi s'était
assuré le concours de plusieurs membres de la Société nationale des
beaux-arts. M. Jacobi n'est pas un nouveau venu, et les connaisseurs
savent ce qu'il faut penser de l'expression, de l'agilité, de l'ampleur de
son jeu. Le concerto de sa composition qu'il a exécuté mardi, est
très-bien fait, très-savamment distribué, et écrit dans un style
brilhnt, qui accuse de fortes études. La valse de concert qu'il a en-
suite interprétée, n'a pas été moins bien accueillie.
Nommer Mme Massart, c'est dire le triomphe remporté par cette
excellente pianiste, dans l'interprétation de deux fragments de Men-
delssohn. La grâce et le charme de son beau talent ont, à plusieurs
reprises, provoqué l'enthousiasme de ses auditeurs.
— Une audition vraiment curieuse, c'est celle qui a eu lieu, ces
jours derniers, à la salle Herz, par les soins et sous la direction de
M. Salvador Daniel. Il s'agissait de morceaux de musique arabe re-
cueillis par cet artiste dans les provinces d'Alger et de Constantine.
Nos oreilles, peu faites à la mélopée bizarre de ces chants accompa-
gnés par un frôlement de tambours de basque, par quelques notes
soutenues des chœurs et par les sons aigus du hautbois, ont protesté
contre quelques-uns d'entre eux, dont l'effet ressemble assez à celui
de certains airs bretons ou auvergnats avec accompagnement de bi-
niou ou de musette. Mais en revanche, plusieurs chansons maures-
ques ou kabiles, remarquablement interprétées par Mme Barlhe-Ban-
derali et par M. Pascal Lamazou, ont été fort goûtées, non-seulement
par nous, mais par tout l'auditoire. Nous citerons le Ramian, en
mode Irack, La Gazelle, Zohra et Yamima. M. Salvador, violoniste
distingué, et au besoin, bon pianiste accompagnateur, s'est multiplié
avec le zèle le plus louable pour faire arriver à heureuse fin son in-
téressante audition. M. Barthélémy, le hautbois de l'Opéra, M. Krù-
ger, le pianiste du roi de Wurtemberg, M. Goblin, M. Fissot et la
société chorale de l'Odéon, dirigée par M. Delafontaine, lui ont prêté
leur aide efficace, et tout a marché à souhait. En somme, cet essai
de propagation de la musique essentiellement primitive des Arabes,
tenté déjà, dans une mesure restreinte, par M. Félicien David, mé-
rite d'être encouragé, et nous ne saurions trop engager M. Salvador
Daniel à renouveler l'épreuve, en lui conseillant surtout de n'en pas
abuser.
— La soirée musicale que le brillant pianiste Louis Diémer a don-
née mercredi dans les salons Erard, a été de tout point charmante.
Nous avons eu plusieurs fois l'occasion d'apprécier, depuis le com-
mencement de l'hiver, le talent très-distingué de ce jeune virtuose ;
nous ne pourrions que nous répéter en détaillant les grandes et so-
lides qualités dont il a fait preuve de nouveau à son concert. Tous
les maîtres, Beethoven, Mozart, Haydn, Mendelssohn, Weber et Cho-
pin, et jusqu'à Rameau, ont tour à tour passé par ses mains presti-
gieuses, et lui ont valu les bravos les plus chaleureux. Alard et Fran-
chomme, Jules Lefort, Léon Duprez et Mlle Maria Brunetti ont pris
leur large part aux succès de la soirée.
— A dimanche prochain les concerts de M. et Mme Marchesi, de
Léopold Dancla et autres, dont le défaut d'espace nous empêche de
nous occuper aujourd'hui.
Y.
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg.
Je reprends ma lettre interrompue il y a huit jours par le départ du
courrier, tout juste au moment où j'allais vous dire en quelques mots ce
que c'est que la Fiammetta, ballet mythologique. L'auteur du scénario,
fort peu compliqué, Saint-Léon, l'a rendu intéressant par la variété
des danses et des pa^ dont il l'a orné. Les danses classiques des divers
pays et les leçons de coquetterie données à I-'iammetta par l'Amour et
Terpsichore au premic-r tableau sont fort gracieusement composées. Le
deuxième tableau est le mieux partagé; on y remarque tine introduc-
tion, une tyrolienne, un intermède, une Tsigane-Berceuse et une
chanson à boire en action. Mlle Mouravieff y accomplit des pro-
diges de force, de grâce et d'imprévu; cette jeune danseuse
fait chaque jour de nouveaux progrès qui vous étonneront.
Aussi chacun de ses écots a-t-il été accueilli par des tonnerres d'applau-
dissements et des rappels sans fin. L'enthousiasme s'est, d'ailleurs, tra-
duit par des témoignages plus substantiels. Par l'intermédiaire du chef
d'orchestre, d'immenses bouquets de roses et de camellias noués par
de longs rubans, couverts eux-mêmes de riches dentelles ; un service
complet d'argenterie, présent des dames de la société russe avec cette
devise : A la Sagesse, et une broche en diamants de 7 à 8,000 francs,
produit d'une souscription des admirateurs de son talent, ont été suc-
cessivement offerts à l'artiste chérie de notre public, laquelle, en proie à
la plus vive émotion, succombait sous le poids de ces splendides cadeaux.
Mais revenons à ce second acte dans lequel la Tsigane a fait surtout
briller Fiammetta. C'est une sorte de gnia-gnia semblable à celle que
Saint-Léon avait introduite dans Diavolina représentée sur la scène de
votre Opéra, mais beaucoup plus complète et d'un effet d'autant mieux
réussi qu'elle s'exécute sur une musique délicieuse, admirablement
appropriée au caractère de cette chorégraphie. Elle a été applaudie à
-ZZ.
»
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tout rompre et unanimement redemandée. Les deux derniers tableaux,
quoiqu'inférieurs à celui-ci, contiennent néanmoins un joli pas dit des
fleurs, une polka-galop et un grand pas d'action final dans lequel repa-
rait Mlle Mouravieff pour y faire assaut de poses renversées, d'une har-
diesse inouïe, avec une jeune danseuse, Mlle Kemmerer, qui s'est
révélée récemment, et dont le talent s'annonce de la façon la plus
brillante, et pour terminer enfin par un pas ravissant dansé sur les
variations du Carnaval de Venise, qui a de nouveau soulevé la salle
entière. Je vous disais à propos de la Tsigcme-Herccusè que la musique
en était délicieuse; je dois ajouter que M. Minkus, premier violon du
théâtre de Moscou, auquel est due la partition tout entière du nouveau
ballet, s'y est montré compositeur de mérite et a contribué pour sa
bonne part au succès. Ce n'est pas là de la musique banale et à la toise;
c'est de la musique distinguée, vive , mélodieuse, colorée et parfaite-
ment appropriée aux situations. Si je ne me trompe, c'est le coup
d'essai de M. Minkus, mais c'est un coup de maître.
On a voulu, dans le troisième tableau, nous faire faire connaissance
avec les spectres introduits dans diverses pièces jouées à Paris; mais la
tentative n'a pas été heureuse. Les apparitions qui, d'ailleurs, ne se
lient pas suffisamment à l'action, ont mal réussi. En somme, le. ballet
de Fiammetta fait honneur à Saint-Léon qui, me dit-on, vient d'être
engagé pour cinq mois à votre théâtre impérial de l'Opéra pour y mon-
ter le ballet dans lequel Mlle Mouravieff doit se montrer de nouveau au
public parisien.
Il n'y a qu'heur et malheur en ce monde. Pendant que Mlle Mouravieff
est tout entière à ses joies et à ses triomphes, sa rivale, Mme Petipa,
qui partage avec elle la sympathie et l'affection du public, languit et
se désespère. Reprise de la maladie qui tout récemment a effrayé
ses amis et ses admirateurs, elle leur donne de nouveau de l'inquié-
tude et paraît devoir rester longtemps éloignée de la scène.
Je termine cette lettre en mentionnant la soirée magnifique que
vient de donner l'ambassadeur d'Angleterre, lord Napier, et à laquelle
assistaient l'empereur et toute la famille impériale. Le principal attrait
de cette soirée consistait dans un concert exécuté par l'élite de la
troupe italienne, et qui se composait d'un programme aussi riche
qu'admirablement choisi.
J'apprends à l'instant que tous les artistes italiens sont rengagés
pour la saison prochaine. Cédant à des instances flatteuses, Calzolari,
qui avait jusqu'à cette heure refusé les offres de la direction, a promis
de revenir également.
Mme Clara Schumann vient d'arriver. Elle se fait entendre après -
demain pour la première fois à la deuxième matinée du quatuor donné
par la direction de la Société musicale russe.
Et maintenant adieu jusqu'à l'hiver prochain.
S. D
NOUVELLES.
t*% La deuxième représentation du Docteur Magnus, l'opéra nouveau
d'Ernest Boulanger, a eu lieu lundi. Bonnesseur y a remplacé Cazeaux
dans le rôle principal, et l'ouvrage a beaucoup gagné à ce changement.
Il est possible que, malgré la faiblesse du poëme, te Docteur Magnus,
dont une meilleure exécution a permis de mieux apprécier la musique,
se soutienne au répertoire. La Maschera complétait le spectacle que
les autres jours de la semaine Moïse remplissait tout entier. Mlle Battu
y chantera demain lundi pour la dernière fois avant de prendre son
congé, et les représentations de Moïse seront suspendues.
„.*„, Mlle Marie Sax et Villaret chanteront prochainement les rôles de
Valentine et de Raoul dans les Huguenots.
»% La première représentation de Lara, le nouvel opéra de Maillart,
est annoncée pour demain lundi.
„% Capoul a remplacé à l'improviste Achard indisposé, dans la
Fiancée du roi de Garbe, et s'est fort bien tiré de cette tâche difficile.
*% Adelina Patti s'est fait entendre la semaine passée dans la Tra-
viata, Don Pasquale et Marta, et chacun de ses rôles a été un nouveau
triomphe pour elle. LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont fait re-
mettre à la gracieuse artiste un magnifique cadeau par M. le comte
Bacciochi.
»*» Mercredi, Mme Carlotta Marchisio a remplacé avec beaucoup de
succès dans Lucrczia Borgia Mme Spezia-Aldighieri.
„** Le théâtre Lyrique impérial se propose de donner, le jeudi saint
et le samedi saint, deux grands concerts spirituels avec le concours de
tous les artistes du chant, Mme Carvalho en tête, chœur et orchestre
doublés. Les programmes de ces deux concerts, donnés par M. Car-
valho au bénéfice des artistes de l'orchestre et des chœurs de son
théâtre, comporteraient les œuvres célèbres des plus grands maîtres,
soli et morceaux d'ensemble.
**, Hier samedi Mireille a été représentés. Nousen rendrons com-
pte dimanche prochain.
*% Au concert de la Société du Conservatoire, qui sera donné au-
jourd'hui, on entendra une symphonie d'Haydn ; psaume, double chœur
de Mendelssohn ; fragments du ballet de Prométhée, de Beethoven ;
chœur des génies i'Obéron, de Weber; symphonie en si bémol de
Beethoven; chœur de Judas Macchabée, de Haendel.
^% Voici le programme du sixième et dernier concert populaire de
musique classique , qui aura lieu aujourd'hui dimanche : 1° sym-
phonie en ré majeur, de Mozart; 2° adagio de la symphonie en si
bémol, de Beethoven; 3° ouverture de Ruy-Bla*, de Mendelssohn; Man-
dante, d'Haydn; 5° symphonie en la, de Beethoven.
„*,,. L'auteur de l'opéra : Claudine, qui, ainsi que nous l'avons annoncé,
vient d'être représenté avec succès à Schwerin, est le comte Hoehberg,
jeune homme de vingt ans à peine, qui en ce moment fait son droit
à Berlin.
t*t La classe des Beaux-Arts de l'Académie de Belgique laisse en-
core sur son programme de concours, pour 1864, la question sui-
vante qui jusqu'ici n'a pas été résolue. « Faire l'éloge de Grétry, dé-
terminer ce qui caractérise son talent dans les cinq genres de musique
dramatique, à savoir : la comédie sérieuse, la comédie bouffonne, la pas-
torale, le grand opéra de demi-caractère et la tragédie lyrique. >■■ Le prix
sera une médaille d'or de la valeur de 600 francs. Les mémoires doi-
vent être écrits lisiblement, rédigés en français, en latin ou en fla-
mand, et adressés, franco de port, au secrétaire perpétuel, avant le
1er juin 1864.
t:*i Le cinquième concert annuel de la Société de chant classique,
fondée par M. Beaulieu (de Niort), aura lieu cette année le jeudi 31
mars à 8 heures du soir, dans la salle Herz. Les principaux morceaux
tirés des œuvres de Palestrina, Jomelli , Haendel, Jennequin, Mozart,
Cherubini et Beaulieu, seront interprétés par Mme Vandenueuvel-Du-
prez et MM. C. Battaille et Paulin.
f*t Mlle Christine Nillson, jeune suédoise, élève de Wartel, douée
d'une très-jolie voix de soprano, vient d'être engagée dans la compa-
gnie italienne dirigée par Merelli. Sou début doit avoir lieu à Bruxelles
dans un Ballo in Maschera.
#*„ Le festival annuel au bénéfice d'Arban a eu lieu samedi dernier
au Casino. Un programme des plus variés avait attiré une foule com-
pacte. A l'intérêt de noms connus et justement admirés venait se join-
dre l'attrait de nouvelles compositions, et surtout la première audition
en public du David Rizzio, de M. Charles Constantin. La cantate acadé-
mique assez bien interprétée par MM. Colomb, Bussine et Mlle de Beaunay
a produit un bon effet; on a surtout remarqué l'orchestration savante
et colorée du jeune musicien. Peut-être eussions-nous préféré un peu
moins de science et un peu plus d'inspiration mélodique ; signalons
toutefois la sérénade à deux voix de la deuxième scène. Passons rapi-
dement sur les ouvertures de concert de MM. Josse et Th. Dubois, deux
bonnes pages, et sur la symphonie de M. Schmidt, pour arriver à la
première Marche aux flambeaux, de G. Meyerbeer, arrangée pour orchestre
ordinaire par Wieprecht et exécutée d'une façon remarquable par l'ex-
cellent orchestre d'Arban. La symphonie du maître a été chaleureuse-
ment et unanimement applaudie. Signalons aussi une Orgie aux enfers,
galop très-réussi de Litolff, brillant et bruyant au possible, et dont les
gammes chromatiques, éclatant comme les fusées d'un feu d'artifice, ne
sont pas l'effet le moins original. Nous ne terminerons pas sans parler
du triomphe remporté par Arban comme instrumentiste ; chacune de
ses variations sur le Carnaval de Venise a été saluée par de vifs ap-
plaudissements. Signalons enfin une gracieuse valse, les Souvenirs de
Berlin, composée par Arban, et le chœur des soldats de Faust, chanté
avec un ensemble remarquable par les enfants de Lutèce à la fin de la
soirée.
*** Jusqu'ici, les nouveaux instruments de M. Adolphe Sax se sont
principalement produits dans des morceaux solos ou conceriants desti-
nés à faire ressortir leurs qualités exceptionnelles. Henri Litolff vient
de les employer à l'orchestre. A l'occasion du bénéfice d'Arban,
(voir plus haut), il a écrit ur galop intitulé Une Orgie aux enfers,
avec trombones Sax à six pistons indépendants obligés. Entre au-
tres passages intéressants, ces trois trombones exécutent à l'unis-
son une série de gammes chromatiques ascendantes, puis des gammes
chromatiques ascendantes et descendantes d'un effet foudroyant. Dans
un mouvement aussi précipité, ce tonnerre roulant de cuivres n'offre
aucune confusion, mais procède, au contraire, avec un trait net, franc,
arrêté, comme pourrait le faire l'instrument le plus agile. Il ne faut, pas
traiter d'indifférent, ni regarder comme peu sérieux ce premier essai né
d'une circonstance. Il tranche résolument la question et démontre de la
façon la plus évidente l'utilité de l'introduction du nouveau système
dans l'orchestre de symphonie, la richesse et l'originalité des effets nou-
veaux qu'il est permis d'en attendre. Une fantaisie sur des motifs du
Chalet a également mis en son jour le plus favorable un nouveau saxhorn
basse en si à six pistons indépendants chantant la partie de Max dans le
duo du défi. Nous le répétons, ces deux exemples nous paraissent con-
cluants et de nature à convaincre les plus incrédules.
DE PARIS.
M
i*» Une brillante réunion assistait dimanche passé à la dernière des
matinées musicales de Mme Clara l'feifl'er; une séance publique de son
cours d'études symphoniques a complété la série des concerts privés de
cette artiste, aussi distinguée par son talent de virtuose que son mérite
de professeur. Comme les années précédentes, Mme l'feifl'er a été
favorisée du concours d'artistes de premier ordre. MM. Chaine, White,
Lebouc, Rignault, Gouffé, Mmes Bertrand, Peudefer et Comettant, et
plusieurs autres que nous y avons entendus, ont rivalisé de talent de-
vant une société d'élite; Sivori, le lion de la saison, y a délicieusement
interprété avec Mme Pfeifler l'une des belles sonates de Mozart, G. Pfeiffer
a aussi contribué de son magnifique talent à l'éclat de ces réunions;
nous y avons réentendu son trio op. U, le beau point d'orgue du 3" con-
certo de Beethoven, exécuté au Conservatoire, et une transcription fort
originale de la fable du Chêne et le Roseau, qui nous paraît appelée à
autant de succès que la Huche, du même compositeur.
»*„ Un brillant concert doit être donné le 30 mars, à 8 heures du
soir, dans la salle Herz, par Mlle Peudefer. On y entendra, outre la
bénéficiaire, M. Marochetti comme chanteur, et comme instrumentistes
MM. F. Batta, Demerssemann, Barthélémy, Ernest Altès et Edmond Du-
vernoy.
»% Félix Godefroid donnera, le 7 avril, unconcert chez Erard.
Un trio pour piano, violon et violoncelle, composé par Félix Goden
froid, et plusieurs tutres compositions inédites du même, y seront
exécutés.
„% M. Dionys Pruckner donnera, mercredi prochain 23 mars, un
deuxième concert dans les salons Erard avec le concours de Krù-
ger, Mme Ernest Bertrand et M. Wagner.
„*"» Ce soir, concert du célèbre guitariste Sokolowski, et de
Mlle Wienneu-Orlovvska, à la salle Herz.
„% Mardi prochain, 22 mars, un brillant concert sera donné à la
salie Herz par Mlle de Vattelette , harpiste , avec le concours de
Mme Tardieu de Malleville, de M VI. Sivori, Pons et Mme Fleury-Gcesy.
*% Un concours d'orphéons, de musiques d'harmonie et de fanfares,
auquel seront admises à prendre part toutes les sociétés musicales de
France, aura lieu à Bar-le-Duc (Meuse) le dimanche 1er mai prochain.
6e concours sera organisé par l'administration municipale de Bar-le-Duc
et par l'association des Artistes musiciens présidée par M. le baron Tay-
lor, membre de l'Institut. Au nombre des jurés se trouveront : pour les
orphéons, MM. Clapisson, membre de l'Institut; Bazin, Elwart, Battaille,
Batiste et Lebel, professeurs au Conservatoire ; Laurent de Bille, composi-
teur; Ermel, membre de la commission de surveillance du chant de la ville
de Paris; Michel Lévy et Proust, professeurs de chant de la ville de Paris,
et Thomas aîné et Jules Simon, membres du comité de l'association des
Artistes musiciens; et pour les musiques d'harmonie et les fanfares,
MM. Meifred, Dauverné et Triébert, professeurs au Conservatoire; bu-
fresne, capitaine de musique de la garde nationale de Paris ; Couder,
chef d'orchestre du Gymnase ; Paulus, chef de musique de la garde de
Paris, et Jancourt, membre de la société des Concerts. Les chefs des so-
ciétés qui désireraient prendre part à ce concours sont priés d'adresser
une déclaration avant le 25 mars, terme de rigueur, à M. le maire
de Bar-le-Duc; il leur sera envoyé immédiatement un exemplaire du
règlement.
%*t M. Endres donnera un concert avec orchestre et chœurs, le lundi
28 de ce mois, dans la salle de l'hôtel du Louvre. L'excellent pianiste
compositeur se présente au public, après un silence de quelques an-
nées, avec un grand concerto pour piano et orchestre, une symphonie
et un Rêve, fragment pour orchestre, soli et chœurs.
*** M. Ch. Dancla a fait entendre chez lui, la semaine dernière, le
premier quintette de M. Fétis, et le premier quatuor de Léon Kreutzer.
Ces deux œuvres ont été fort goûtées et accueillies suivant leurs mé-
rites.
*% Le savant organiste professeur Lemmens doit passer la semaine
sainte à Paris, où il fera entendre ses nouvelles compositions destinées
à paraître dans un grand ouvrage intitulée l'Organiste catholique.
„.% Joseph Wieniawski donnera le lundi 4 avril, à 2 heures de l'a-
près midi, dans la salle Pleyel, une matinée musicale avec le concours
de Mme Miolan-Carvalho et de MM. Sivori et Piatti.
.„% M. Adolphe de Groot ouvrira, le samedis avril, un nouveau cours
d'harmonie, à la succursale Pleyel, Wolff et O, 93, rue Richelieu. Le
professeur y fera l'explication de la théorie des accords, de leur enchaî-
nement, etc., de telle façon qu'au bout de quelques mois ceux qui sui-
vront cet enseignement pourront, non-seulement se livrer à des essais
écrits, mais encore à des préludes improvisés, exempts de ces fautes
qui attestent une connaissance insuffisante des lois constitutives de
l'harmonie.
*** Les concerts de jour donnés au Pré-Catelan ont été le grand
succès des deux dernières années. Ces matinées musicales vont être
inaugurées les 27 et 28 mars. Le dimanche de Pâques Paris aura donc
son premier concert de printemps.
*** Le Dr Arnold, avantageusement connu par ses vastes connais-
sances dans le domaine de l'histoire de la musique, est mort le 12 fé-
vrier à Elberfeld. D'incessantes recherches dans les bibliothèques de
l'Allemagne lui avaient fourni de précieux matériaux pour l'histoire du
lied populaire en Allemagne.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Lyon. — Le concert donné par Georges Hainl au Grand-Théâtre,
dont il a dirigé l'orchestre avec tant d'éclat, a été fort brillant. Après
l'ouverture des Vêpres siciliennes (le premier morceau symphonique dont
le bénéficiaire ait eu à diriger l'exécution à Paris), Mme Vandenhen-
vel-Duprez a chanté avec son talent habituel plusieurs morceaux, dont
l'un, le grand air de la Iraviata, a été accompagné sur le violoncelle
par G. Hainl, qui s'est fait applaudir ensuite dans les Souvenirs de Spa,
de Servais, et une fantaisie de Bohrer sur la Fiancée. MM. Dulaurens
et Mme Charry, Melchisédec, Mlles Lagye et Laurentis, artistes du théâ-
tre, ainsi que Mlle Besse, ont concouru à ce concert exceptionnel, dont
la symphonie en ut majeur de Beethoven et le finale du premier acte
A'Obéron formaient les points culminants.
*** Marseille. — L'opéra le Philtre vient d'être repris avec succès. Fort
bien chanté par MM. Dufrêne, Dumestre, Van Hufiler et Mme Gasc, le
charmant ouvrage d'Auber a été écouté avec grand plaisir. Le succès
du Pardon de Ploërmel se consolide ; à chaque représentation de l'œuvre
de Meyerbeer, le public accourt en foule.
t% Pau. — L'opéra italien acquiert de plus en plus la faveur du pu-
blic. Maria, représentée pour la première fois et convenablement in-
terprétée, attire beaucoup de monde ; Mme Sinico et M. Tombesi y sont
justement applaudis.
*% Colmar. — La plus belle soirée que nous ait donnée la troupe de
M. Dermilly a été la représentation au bénéfice de M. Duwast. Il avait
choisi le rôle d'Edgard dans Lucie, et notre jeune ténor s'est rallié les
plus sympathiques suffrages : ampleur, étendue, justesse, expres-
sion, rien n'y manquait, pas même cette aisance qu'on ne ren-
contre ordinairement que chez des artistes moins jeunes. Rappelé, après
Vanathcmc, par la salle entière, il a été rappelé une seconde fois à la
fin et salué d'acclamations enthousiastes. Les principaux succès de
M. Duwast avant son bénéfice, ont été obtenus dans les Mousquetaires,
la Dame blanche, les Dragons, la Sirène, le Domino, Faust, Fanchon.
nette, Martha et Don Pasquale. Mlle Dessalles a été parfaite dans le rôle
de Lucie.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t% Londres (correspondance particulière). — Vous avez déjà publié
dans votre dernier numéro le programme complet du théâtre royal ita-
lien de Covent-Garden, qui ouvrira la saison le 29 de ce mois par la
Norma, ouvrage dans lequel Mlle Lagrua fera son début à Londres. Le
théâtre de Her Majesly commencera ses représentations quinze jours
plus tard, le 9 avril, et son directeur, M. Mapleson, vient à soa tour
de publier son programme. Voici les noms des artistes engagés : so-
prani : Mmes Tietjens, Vitali, Volpini, Liebhardt (de Vienne), et Har-
riers-Wippern (de Berlin); mezzo-soprani et contralti : Mmes Trebelli,
Grossi et Bettelheim (de Vienne) ; ténors : MM. Giuglini, Alessandro Bet-
tini, Fancelli, Volpini et Geremia Bettini; barytons: MM. Gassier,
Santley et Fagotti ; basses : MM. Mazzetti, Junca, Fricca et Gasperoni.
M. Arditi dirigera l'orchestre, et parmi les principales danseuses nous
remarquons Mlles Beretta et Arinavari (de Milan). La direction promet
trois ouvrages nouveaux : la Forza dcl destino, de Verdi, le Spose aile
gre, de Nicolaï, et le Tanhauser, de Richard Wagner.
^*t Bruxelles. — La reprise du Pardon de Ploërmel a eu lieu au théâ-
tre de la Monnaie avec beaucoup d'éclat. Mme Mayer-Boulard y a fait
une rentrée très-brillante; la voix de l'excellente cantatrice a paru
plus fraîche que jamais, et elle s'en est servie de manière à enthou-
siasmer le public dans l'œuvre de Meyerbeer. — Au quatrième concert
du Conservatoire, on a beaucoup applaudi une ouverture de M. Fétis,
œuvre pleine d'idées et de combinaisons harmoniques les plus heureu-
ses. Un Ave Maria, de Nicolas Gambert (un des plus grands musiciens
de la Belgique du xve siècle), ainsi qu'un morceau de concert de Prat-
tin, joué sur la flûte par M. Dumont, n'avaient produit que peu d'effet.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
La jeune pianiste Anna Meyer obtient du succès à la Société philhar-
monique. Au théâtre du Cirque, on annonce les prochaines représen-
tations d'une troupe d'opéra italien, dont les principaux artistes sont
Mlles Guerra, Nilson, de Ponti, MSI. Musiani, Corsi, Zacchi et Cam-
piani.
„% Genève, 1 i mars. — Le concert destiné a servir d'épilogue aux
concerts officiels du Conservatoire, se composait de la brillante ouver-
ture du Pré aux clercs, d'un concerto symphonique de M. Bergson, le
nouveau professeur de piano du Conservatoire, et du Stabat mater, de
Rossini. M. Bergson, qui tenait le piano, tandis que M. Bergalonne di-
rigeait l'orchestre, s'est fait connaître et applaudir comme compositeur
sérieux et comme écrivain musical. Ce concerto, composé par lui
pour inaugurer son début à Genève, a été fort goûté, particulièrement
dans sa première et sa seconde partie, l'une pour son travail habile
d'orchestration, l'autre pour la grâce de son mouvement. Ce début
distingué assure immédiatement à M. Bergson, parmi ses collègues et
dans l'estime du public, une place des plus honorables.
»% Hambourg. — Au théâtre de la ville, Mlle Adèle Henkel a débuté
avec succès par le rôle de Léonore, dans Alessandro Stradella, de Flotow.
Au dernier concert philharmonique, nous avons entendu Mme J. Grae-
ver, pianiste, qui a joué admirablement le Capriccio, de Mendelssohn,
et le quatrième concerto de Litolff.
t% Berlin, — Mlle Artot a continué avec succès ses représentations
dans le rôle de Marie (la Fille du régiment) ; prochainement elle chan-
tera celui d'Henriette, dans l'Ambassadrice. d'Auber. M. Wieprecht a
organisé pour le 20 mars un concert monstre ; l'orchestre se composera
de trois cents artistes appartenant aux corps de musique de la garni-
son ; on y exécutera des œuvres de Beethoven, Meyerbeer, Spontini, etc.
— Une représentation fort intéressante du Prophète a été donnée le 15,
avec Mlle Lucca dans le rôle de Berthe. Le drame de Struensée conti-
nue d'attirer la foule.
t*t Leipzig. — Au dix-neuvième concert d'abonnement on a entendu,
entre autres morceaux, le concerto pour violon, de Beethoven, exécuté
d'une manière magistrale par Joachim. La seconde partie du concert
a été consacrée à l'exécution d'une composition de François Schubert ;
primitivement c'était un duo pour piano, dont Joachim a fait une
symphonie.
„*, Brcslau. — On vient de donner la centième représentation de
Martha au théâtre de la ville, et cet événement, extraordinaire ici, avait
excité une vive curiosité.
„*„ Munich. — Au dernier concert d'abonnement de la chapelle
royale, nous avons eu le plaisir d'entendre Christophe Colomb , cette
belle symphonie d'Abert, qui est destinée à faire le tour de l'Allema-
gne. Combinaisons ingénieuses, intéressantes modulations, abondance
de motifs, cette œuvre remarquable offre tout ce qui peut séduire la
masse du public et satisfaire aux exigences des gens du métier. Le
succès a dépassé toutes les prévisions. En l'absence de l'auteur qui est
toujours souffrant, le public, dans son enthousiasme, a rappelé le direc-
teur de la chapelle royale, Franz Lachner, digne à tous égards de ce
témoignage d'estime et de sympathie.
„,% Turin. — La Comtesse d'Amalfi, le nouvel opéra de Petrella, a été
favorablement accueilli au théâtre Regio. L'auteur et les interprètes,
Mines Benduzzi et Grosso, MM. Graziani , Colonese et Junca ont été
rappelés à plusieurs reprises.
i*t Milan. — Au théâtre de la Scala, l'opéra de Chelard, Aguile Ro-
mane, a été représenté sans succès, et va probablement bientôt dispa-
raître de l'affiche.
i*i Parme. — Roberto il Diavolo poursuit le cours du grand succès
qu'il avait obtenu à son apparition sur notre théâtre. M. Artry, M mes
Berini et Sanzi se montrent de plus en plus remarquables dans le chef-
d'œuvre de Meyerbeer.
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N° 13.
27 Mars 1861
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t oui Bureaux des Kessageries et des Postes.
REVUE
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Paris 24 r. par ai
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Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui,
une nouvelle composition d'EMIIiB JONAS, Souvent»'
tl'iitt songe, mélodie pour le piano.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : Lara, opéra - comique
en trois actes et six tableaux, paroles de MM. Cormon et Michel Carré, musique
de M. Aimé Maillart, par D. A. D. Saint-YTes . — Théâtre Lyrique im-
périal : Mireille, opéra en cinq actes, paroles de M. Michel Carré, d'après le
poème de M. F. Mistral, musique de M. Charles Gounod, par Paul Smith. —
Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
THEATRE I1DPÉRIA1 DE l'OPÉRÀ-COIIQDE.
LARA,
Opéra-comique en trois actes et six tableaux, paroles de MM. Cormon
et Michel Carré, musique de M. Aimé Maillart.
(Première représentation le 21 mars 1864.)
Le poëme de Lara est certainement l'une des plus singulières et
des plus énigmatiques productions de lord Byron. On le regarde gé-
néralement comme la suite du Corsaire ; mais on ne trouve pas un
seul mot, dans le texte, qui puisse changer cette opinion en certi-
tude. Lord Byron se plaisait à ces agaceries piquantes qui remuaient
la bile de ses glossateurs, et le malicieux poêle se gardait bien de
leur venir en aide.
Le champ reste donc ouvert aux suppositions, et nous ne pouvons
blâmer MM. Cormon et Michel Carré d'avoir adopté celle qui con-
siste à faire de Lara la continuation du Corsaire, non plus que
d'avoir puisé à leur propre fonds la plupart des éléments qui en-
trent dans l'économie de leur drame. En effet, les personnages tra-
cés par l'admirable pinceau de lord Byron, agissent peu, surtout au
point de vue du théâtre, et les auteurs dramatiques qui s'emparent
de leur individualité toute-puissante, sont bien forcés de lui trouver
un cadre.
Depuis dix ans le jeune Lara, entraîné par la fougue de ses pas-
sions, par son besoin d'indépendance, a déserté le manoir paternel,
et nul ne peut dire ce qu'il est devenu. Son père est mort en lais-
sant une riche succession, et comme au bout d'un si long temps
l'héritier naturel ne s'est pas présenté pour la recueillir, le roi a
décidé que la comtesse Camille de Flor, cousine de Juan de Lara,
serait mise en possession de ses domaines, et que le mari qu'elle dé-
signerait elle-même prendrait le nom et les titres de l'absent.
Tel est l'état des choses, au début de l'ouvrage, quand la com-
tesse de Flor, escortée de ses nombreux prétendants, vient frap-
per à la porte du château de Lara, pour se la faire ouvrir. Mais
derrière cette porte veille un vieux serviteur qui, à l'exemple de
dame Marguerite, dans la Dame blanche, ne croit pas à la mort de
son jeune maître, et attend son retour. Persuadé que chaque jour il
va le voir apparaître, le fidèle Lambro tient ses appartements tout
prêts à le recevoir, et consacre à cet usage les redevances qu'il n'a
pas cessé de toucher ponctuellement. Que lui importe la volonté
royale? Juan de Lara a seul le droit de pénétrer dans le manoir de
ses pères, et la comtesse de Flor n'y entrera pas, quoiqu'il l'ait vue
enfant, quoiqu'il l'ait bercée dans ses bras et qu'il lui garde au fond
du cœur une tendre affection.
Camille ne veut pas employer la force, et tandis qu'elle déli-
bère, avec sa société, exposée aux ardeurs du soleil, survien-
nent deux voyageurs harassés de fatigue ; l'un, jeune homme au
teint bronzé, à l'aspect noble et sévère, porte un costume de soldat;
l'autre, un adolescent, aux traits fins et délicats, est vêtu à l'orien-
tale. Après un instant de repos, le soldat entraîne son compagnon vers
le manoir, et bientôt, au milieu d'un orage qui vient d'éclater, les
fenêtres s'illuminent, les portes roulent sur leurs gonds, et le vieux
Lambro, le visage rayonnant, accourt une torche en main pour
prier, de la part de son maître, la comtesse, ainsi que sa suite,
d'accepter l'hospitalité qu'on leur offre au château ; hospitalité royale
dont Lara, vêtu d'habits magnifiques, fait les honneurs à la comtesse
avec d'autant plus d'empressement que sa vue lui a rappelé les ten-
dres souvenirs de son enfance et de leur union projetée. Mais les
deux amants ont compté sans la jalousie du marquis Ezzelin, l'un
des prétendants de la comtesse, et sans la passion ardente d'une
jeune esclave arabe, Gulnare, qui, sous le costume de page et le
nom de Kaled, est devenue le compagnon inséparable de Lara dans
ses courses aventureuses.
Dominée par cette passion, Gulnare révèle au marquis Ez-
08
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
zelin un secret terrible qui doit perdre Lara, et comme dans
le poëme de Byron , c'est pendant une fêle que le comte Juan se
voit jeter 5 la face, par son rival, l'accusation d'avoir volé un nom,
un titre, une fortune qui ne lui appartiennent pas. Ivre de rage ,
Lara défie Ezzelin de prouver son dire, et celui-ci promet d'apporter
le lendemain ses preuves sur le champ clos où cette querelle se
videra.
Qu'y a-t-il de vrai dans l'assertion d'Ezzelin ? Le sommeil agité
de Lara va peut-être nous l'apprendre. Il rêve à sa vie mystérieuse
et se revoit, sous le nom de Conrad le corsaire, à la tête d'une
troupe de forbans, dont les jours se partagent entre le pillage et
l'orgie. Une balle, qui le jette sanglant entre les bras de Kaled-
Gulnare, le réveille en sursaut.
Nous savons donc ce qui a occupé les dix dernières années
de Lara. Mais en est-il moins pour cela le ûls du vieux comte,
mort de douleur, en confiant à Lambro son testament et son épée
pour les remettre à ce fils ingrat, s'il revient jamais s'asseoir au
foyer de ses aïeux ?
En ouvrant le testament paternel, l'ancien corsaire y a vu sa
condamnation. « Je te lègue mon épée, lui dit son père, mais
brise-la plutôt que de la tirer pour défendre une cause injuste
ou pour soutenir un mensonge. » Le devoir de Lara lui est tracé
par ces paroles dignes et austères. Il reprend son humble cos-
tume, va au rendez-vous fixé la veille par Ezzelin, et là, devant son
rival, devant la comtesse, devant tous ceux qui l'entendent, seigneurs
et vassaux, il reconnaît qu'il a menti en se parant du nom de Lara,
auquel il n'avait aucun droit; son vrai nom est Conrad le corsaire.
Puis, appuyé sur l'épaule de Kaled, dont il a reçu l'aveu et par-
donné la faute, il reprend tristement le chemin de l'exil.
Ce drame, un peu trop sombre, selon nous, pour le cadre de
l'Opéra-Comique, a néanmoins de grandes et fortes qualités. Il est
habilement conduit, l'intérêt n'y languit pas un seul instant, et les
situations y abondent, sous toutes les formes.
M. Aimé Maillart, l'auteur populaire des Dragons de Villars,
avait donc sous la main tout ce qu'il faut pour inspirer une
belle et bonne partition, digne d'une scène de premier ordre,
et nous devons dire qu'il n'est pas resté au-dessous de ce qu'on
était en droit d'attendre de lui. On retrouve dans Lara cette ri-
chesse de mélodie, cette harmonie savante et colorée, cette instru-
mentation pleine d'éclat et de variété, qui l'ont placé si haut dans
l'estime des connaisseurs. Plusieurs parties de son œuvre sont
même traitées avec une puissance avec une largeur auxquelles il
n'avait pas encore atteint, et qui prouvent que son talent ne serait
pas déplacé à l'Opéra.
Lara n'a pas d'ouverture ; après une introduction pompeuse, con-
fiée principalement aux cuivres, la toile se lève sur un chœur brillant
et bien rhythmé, auquel succède une ballade, accompagnée par les rires
incrédules des auditeurs. Il y a de très-jolis détails, mais le fond n'a
rien de saillant. Nous n'insisterons pas davantage sur les couplets
d'Ezzelin : Insoucieuse de l'amour, où le chœur intervient. L'arrivée
de la comtesse de Flor, avec les dames de sa suite, donne lieu à un
charmant ensemble, dont la reprise est dominée par les gracieuses
vocalises de Camille. Puis vient un air de basse chanté par Lambro,
dont il faut louer la couleur expressive.
Le duo de Lara et de Kaled, à leur entrée, débute par une phrase
magnifique, mais ne se soutient pas à la même hauteur, quoiqu'il soit
fait avec infiniment d'habileté; il est suivi d'un ravissant dessin d'or-
chestre, en sourdine, sur lequel Kaled s'endort peu à peu. Ce mor-
ceau est, à tout prendre, l'un des meilleurs de l'ouvrage.
Le petit trio et le finale qui terminent ce premier acte, reconnu
généralement comme le moins riche des trois, sont plus faibles,
quoique l'orage, l'apparition de Lambro avec sa torche, la surprise
des invités du comte de Lara, prêtassent assurément à l'inspi-
ration. En revanche, nous n'avons plus, pour ainsi dire, que des
éloges à donner aux deux autres actes.
Le chœur qui ouvre le second, la phrase de Camille : Qu'il tarde
à paraître, l'air de Lara et l'ensemble sur un mouvement de valse,
forment un morceau brillant et bien mouvementé.
Les couplets de Lambro : Bientôt les cloches sonneront, est d'un
excellent caractère ; on l'a bissé avec justice.
L'air de Camille n'est pas sans élégance, et il y a aussi de fort
bonnes choses dans le duo : 0 rêve •' qui se termine en trio drama-
tique. Mais rien, absolument rien, dans la partition de M. Maillart,
n'est comparable à la délicieuse ballade arabe chantée par Kaled :
A l'ombre des vents, platanes. Ce n'est pas seulemsntun air distingué,
original, destiné à faire applaudir la voix d'une chanteuse , c'est un
morceau de situation, dans lequel se révèlent les passions qui agitent
le cœur d'une femme amoureuse et jalouse. Le contraste des allu-
sions du couplet, menaçantes et acérées comme le fer d'une dague,
avec le nonchaloir, avec la morbidezza du refrain, a été si merveil-
leusement saisi par le musicien, et si admirablement interprété par
Mme Galli-Marié , qu'on leur a fait une ovation des plus enthou-
siastes, qui s'adressait non moins à l'un qu'à l'autre.
Le duo de la jalousie qui vient ensuite est aussi très-remarquable,
mais surtout dans son début.
Bien différent du finale du premier acte, celui du second est tout
entier parfaitement réussi. Il s'agit de la fête donnée par Lara pour
célébrer son retour. Après un chœur plein d'éclat, encore sur un
mouvement de valse, Lara chante un brindisi dont le refrain est d'un
fort bel effet. Il est interrompu par le déû d'Ezzelin , très-large et
très-solennel ; puis , à la suite d'un ensemble où chacun exprime,
comme il convient, le sentiment approprié à la situation, Lara re-
prend sa chanson joyeuse, et la toile tombe sur ce nouveau contraste,
non moins heureux et non moins saisissant que celui de l'air arabe.
Quoique le troisième acte soit composé de trois tableaux, il est
moins fourni de musique que les autres, mais ses qualités ne sont
pas inférieures. L'air de Kaled : Douce pensée! est d'une grâce et
d'une délicatesse extrêmes. C'est un chant doux et calme qui berce
le sommeil de Lara. Puis tout à coup la scène change ; nous voilà
au milieu des rochers, sur une rive inconnue, Conrad le corsaire pré-
side une fête donnée par ses forbans, et chante avec eux les plaisirs
du métier de flibustier; soudain le canon tonne, on court aux armes,
on s'excite, on s'anime, l'action s'engage, et Conrad est frappé d'un
coup mortel. Tout ce tableau, vif, rapide, tumultueux, est traité de
main de maître ; c'est là encore un des bons morceaux de la partition.
Peut-être faut-il regretter qu'après tant de mouvement, on nous
fasse assister à un dénoûment qui n'est certes pas sans grandeur,
mais qui paraît un peu froid au sortir de l'orgie et du combat des
flibustiers. Cependant la romance de Lara : Oui, votre volonté pour
moi sera sacrée, a du charme et de l'expression, et, dans la scène
finale, lorsque Lara s'accuse lui-même d'imposture, le retour de la
phrase sur laquelle Ezzelin l'a défié est habilement ménagé, et pro-
duit un très-bon effet. En fin de compte, il était difficile de mieux
terminer un ouvrage dans lequel l'auteur a prodigué assez de mérite
pour qu'on ne puisse pas lui demander davantage.
C'est Montaubry qui joue Lara, et ce n'est pas pour lui une tâche
médiocre. Le rôle, très-lourd à porter, mais en même temps très-
avantageux, appartient à l'emploi des grands ténors, et nous ne
voyons guère, dans le répertoire de l'Opéra-Comique, à lui opposer
que Zampa. Montaubry y est parfait ; sous la cape grossière de l'a-
venturier, comme sous l'habit de satin du comte féodal, il a une ai-
sance, un naturel qui éloignent toute idée de fatigue. Et pourtant il
est toujours en scène, et, ù l'exception du premier acte, le poids de
la pièce et surtout de la musique repose presque entièrement sur
lui. Plein de force et de noblesse dans le finale du deuxième acte,
DE PARIS.
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il fait encore une incroyable dépense d'énergie dans le lableau des
flibustiers, et, au dénouement, sa voix s'élève plus que jamais sûre
et puissante, pour proclamer son indignité. A deux ou trois reprises,
le public de la première représentation a rappelé Montaubry, dans le
cours de la pièce, et, sans mentir, il l'avait bien mérité.
A côté de lui, Mme Galli-Marié, dans le rôle de Kaled-Gulnare,
son compagnon, ou, si l'on veut, sa compagne fidèle, s'est révélée
sous un aspect nouveau et tout à fait inattendu. Depuis ses débuts
dans la Servante maîtresse, on la connaissait comme une comédienne
agréable, comme une chanteuse de bonne race; mais rien jusqu'à ce
jour n'aurait pu faire soupçonner en elle les qualités dramatiques
qu'elle a déployées dans Lara. Sa chanson arabe, animée avec une
passion sauvage et profonde, a, du même coup, surpris et électrisé
toute la salle, qui a traduit ses impressions par plusieurs salves d'ap-
plaudissements.
Mlle Barelti est une charmante comtesse de Flor, et, à la voir,
on comprend que Lara se décide si vite à l'épouser. Mais, à l'en-
tendre, ce n'est pas tout à fait la même chose. Cette jeune cantatrice
semble avoir déjà besoin de repos, et les notes tremblées dont elle
abuse ne sont pas faites pour nous rassurer sur la solidité de ses
moyens. — Crosti est un Ezzelin consciencieux et intelligent, qui ne
laisserait rien à désirer dans son rôle de jaloux, s'il voulait bien un
peu maigrir. — Gourdin sera peut-être un jour un bon acteur-, pro-
visoirement, il se contente de chanter ses couplets du deuxième acte
avec une voix très-franche et très-bien timbrée. — Trillet, Nathan et
Mlle Tuai font preuve de bonne volonté; il leur serait difficile, dans
leurs personnages effacés , d'avoir une autre prétention que celle-là.
— La direction n'a rien épargné pour donner un grand éclat à l'œu-
vre nouvelle de Maillart. La mise en scène est très-soignée; les
décors du deuxième et du troisième acte sont fort remarquables ; la
richesse des costumes ne laisse rien à désirer. — Quant à l'orchestre
de M. Tilmant, il marche toujours avec une si rare perfection, qu'il
faudrait faire stéréotyper les louanges qu'il mérite.
!). A. D. SAINT-YVES.
THÉÂTRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
HflREIIil/E,
Opéra en cinq actes, paroles de M. Michel Carré, d'après le poëme
de M. F. Mistral, musique de M. Charles Gounod.
(Première représentation le 19 mars 1864.)
Rien de plus simple au monde et au théâtre que le sujet de Mi-
reille . une jeune fille riche et un jeune homme pauvre : un amour
contrarié par le père de la jeune fille, qui refuse d'accepter pour
gendre le fils d'un humble vannier ; la jeune fille quittant le toit pa-
ternel pour aller prier au tombeau des saintes Maries, patronnes de
la Provence, frappée en chemin par un coup de soleil, et mourant
d'une mort radieuse, sous les yeux de son amant. Voilà en résumé
tout le poëme de Mireio, dont l'auteur, M. Frédéric Mistral, n'est pas
un villageois, un homme du peuple, ne connaissant que son idiome
natal, et l'employant, faute de mieux. Non, M. Frédéric Mistral est un
homme distingué, qui a fait ses études pour être avocat, ce nous
semble, mais qui, sentant que la nature l'avait fait poëte, a choisi
de propos délibéré le patois provençal pour écrire son poëme, comme
avant lui d'autres avaient choisi le patois bourguignon, ou autres
jargons populaires, comme plus colorés, plus souples, et se prêtant
mieux à leurs poétiques fantaisies que les langues académiques.
« Je chante une jeune fille de Provence; —dans les amours de la
jeunesse, — à travers la Crau, vers la mer, dans les blés, — humble
écolier du grand Homère, — je veux la suivre. Comme c'était seu-
lement une fille de la glèbe — en dehors de la Crau il s'en est peu
parlé. »
C'est ainsi que commence l'humble écolier du grand Homère, et
il a quelque raison de se donner ce titre, M. Frédéric Mistral, car à
beaucoup d'égards, par la forme comme par le fond, son poëme est
homérique. Plusieurs chants rappellent l'Odyssée : le cinquième, ce-
lui du combat d'Ourrias, le terrible dompteur de taureaux, et du
jeune Vincent, c'est de \' Iliade. Le seul embarras pour nous, en appre-
nant qu'on avait taillé dans ce poëme cinq actes de drame musical,
c'était de savoir comment on aurait fait pour suppléer à ce que le
poëme avait d'insuffisant, pour en remplir les lacunes, pour en allon-
ger l'étoffe avec des morceaux bien assortis. Mais M. Michel Carré ne
s'est pas donné tant de peine : il n'a rien rempli, rien allongé. Tout
au contraire : il a encore renchéri sur la simplicité du poëte. Boileau
l'avait dit, il y a deux siècles :
N'offrez pas un sujet d'incidents trop chargé,
Le seul courroux d'Achille, avec art ménagé,
Fournit abondamment une Iliade entière.
Souvent trop d'abondance appauvrit la matière.
M. Michel Carré s'est conformé rigoureusement à la lettre du
précepte, et certainement, s'il s'est appauvri, ce n'est pas par excès
d'abondance : sa pièce est l'indigence même.
Du poëme original il n'a conservé que le tronc et trois ou quatre
branches, élaguant, émondant, saccageant à grands coups de serpe
le feuillage, les fleurs et les fruits. Sans doute on ne pouvait lui
demander qu'il transportât sur la scène tous les détails prodigués
par le poëte et qui donnent la vie à son œuvre, mais n'a-t-il pas
rogné sans pitié, sans scrupule? Et comment ne pas regretter celte'
charmante scène de la cueillette, où la passion de Mireille et de
Vincent se déclare avec tant de candeur? Les jeunes gens
s'aperçoivent qu'ils ont fait peu de besogne : « Eh bien ! dit Vin-
cent, qui cueillera plus vite — mademoiselle, nous allons voir! »
Et courage ! des deux mains, passionnés, ardents au travail — et
de tordre et de traire ramée.... Le mûrier qui les porte est cueilli
tout à l'heure. Ils firent, pourtant, bientôt halte. — Quand on est
jeune, la belle chose, — comme dans le même sac ils mettaient la
feuille ensemble, — une fois les jolis doigts effilés — de la fillette
dans le cerceau — se rencontrèrent emmêlés avec les doigts brû-
lants, les doigts de Vincent. Elle et lui tressaillirent, leurs joues se
colorèrent de la fleur d'amour — et tous deux à la fois, d'un feu
inconnu sentirent l'échappée ardente. — Et la scène continue ainsi,
de surprise en surprise (ce sont bien les surprises de l'amour), jus-
qu'à ce que Mireille s'écrie : « Vincent, Vincent, veux-tu le savoir ? —
Je suis amoureuse de toi !.... »
Le drame musical débute aussi par la cueillette des feuilles de
mûrier, mais le duo des amoureux y marque à peine sa place ; en re-
vanche nous avons un cœur ravissant de jeunes filles, dont les voix
fraîches et sonores s'unissent à celle de Mireille pour répéter ce re-
frain :
Chantez, chantez, magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants.
La mélodie entonnée par toutes ces voix est une des plus heu-
reuses que le compositeur ait trouvées pour un ensemble féminin,
et l'on sait que M. Gounod est doué d'un talent tout particulier pour
les morceaux de ce genre. On n'a pas oublié le chœur des sabéennes
et des juives dans la Reine de Saba ; celui de Mireille est pour le
moins aussi riche de coloris et d'effet. Une ouverture pastorale, dans
laquelle s'entrelacent quelques motifs de l'ouvrage, précède le premier
acte, qui n'a que la valeur d'une introduction animée et joyeuse.
Vincent et Mireille y échangent quelques mots de tendresse. Vincent
parle de sa sœur Vincenette, qui a quinze ans. — « Lui ressembles-
tu à ta jeune sœur? dit Mireille. — Qui, moi?... qu'il s'en faut! elle
est blondine, et je suis, vous le voyez, brun comme un cuceron...
elle n'est pas laide non plus, ma sœur, ni endormie, mais vous,
combien êtes-vous plus belle ! »
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Dès ce premier acte, Mireille dit à Vincent :
Si jamais le malheur vient frapper l'un de nous,
Aux Saintes tous les deux, aux Saintes à genoux !
Et la conclusion du drame est ainsi annoncée d'avance. Les Saintes-
Mariés de la mer (en provençal II Santo), sont une petite ville de
cinq cents âmes, située dans l'île de Camargue, au bord de la mer,
entre les embouchures du Rhône. Une antique tradition y attire, le
25 mai de chaque année, une innombrable affluence de pèlerins.
Suivant la légende, après la mort du Christ, les Juifs contraignirent
quelques-uns de ses plus fervents disciples à monter sur un navire
désemparé, et les livrèrent à la merci des flots. Le navire conduit
par Dieu vint aborder en Provence. Marie-Madeleine, l'une des trois
Maries, se retira dans le désert de la Sainte-Baume. Les deux autres,
Marie Jacobé, mère de saint Jacques-le-Mineur, et Marie Salomé,
mère de saint Jacques-le-Majeur et de saint Jean l'Evangéliste, après
avoir converti quelques peuplades voisines, revinrent mourir au lieu
où elles avaient touché terre. C'est là aussi que Mireille dira son
dernier adieu à Vincent : l'assistance des saintes ne lui aura servi
qu'à mourir comme elles.
Le second acte, le plus robuste et le plus attachant des cinq, se
passe dans les arènes d'Arles. La farandole s'agite et tourbillonne.
Mireille et Vincent sont invités à chanter, et ils disent la chanson de
Magali qui, pour éprouver son amant, se métamorphose, comme
Protée.
0 Magali, ma tant amado
Mete la testo au fenestroum !
Escouto un pau a questo aubado
De tambourin et de viouloun.
Taven, la sorcière, prenant par le bras Mireille, lui murmure à
demi voix de délicieux couplets :
Voici la saison, mignonne,
Où les galants font leur choix.
Mireille, plus que jamais résolue, et s'élevant jusqu'à l'héroïsme,
s'écrie du ton le plus véhément :
Mon cœur ne peut changer : souviens-toi que je t'aime.
Enfin le père de Vincent, le tresseur d'osier, accompagné de la
sœur Vincenette, hasarde sa demande avec toute la dignité modeste
que son état comporte. Maître Ramon le refuse avec la hautaine ma-
jesté du père de famille, qui croit accomplir un devoir en mettant
la mort au cœur de son enfant. La scène est large et belle, bien
dialoguée, bien accentuée. Mireille s'y exprime avec l'éloquence du
désespoir ; elle invoque le souvenir de sa mère, et sa douleur sup-
pliante trouve de l'écho dans tous les cœurs.
Pourquoi faut-il que tout à coup le drame, si vivement engagé, fai-
blisse et tombe en langueur ? Le troisième et le quatrième acte ne
sont en quelque sorte que deux solos, deux monologues, dont nous
nous dispenserons de parler longuement aujourd'hui. On comprendra
que si nous en étions plus satisfaits, nous en dirions davantage ; mais
dans le doute où ils nous ont laissé, ne vaut-il pas mieux prendre
le public pour arbitre, et lui soumettre la question ? Dans le troi-
sième acte, Ourrias, le farouche Ourrias, attend son rival dans un ra-
vin profond, et le perce traîtreusement de son trident. L'assassin,
fuyant à toute bride, veut se hâter de traverser le Rhône, mais la
barque du passeur se cabre et bondit comme une carpe : « Tu as tué
quelqu'un, misérable! — Moi?... qui te l'a dit? Que Satan, — si
cela est vrai, — avec son fourgon, me tire sur-le-champ au fond des
abîmes! — Ah! poursuit le pilote livide, c'est moi qui me trompe!
J'oubliais — que c'est la nuit de Saint-Médard. Tout malheureux noyé,
des tourbillons sombres, — dans quelques profondeurs que l'eau l'en-
sevelisse, — sur cette terre, cette nuit, doit revenir. — La longue
procession déjà se développe. » Ici le drame imite trop exactement
le poëme ;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux.
M. Michel Carré avait donc oublié cet autre précepte du clas-
sique Boileau! Dans l'acte suivant, le quatrième, Mireille s'enfuit
de la maison de son père, où Vincenette est venue lui appren-
dre que son frère a failli mourir. Mireille veut à tout prix le re-
voir : elle s'élance éperdue à travers la plaine dévorante : elle y
envie le sort du petit berger, forcé de s'abriter, lui et ses chèvres,
sous la bruyère, pour échapper au soleil meurtrier. Atteinte par un de
ses traits, elle n'en poursuit pas moins sa course vertigineuse ; elle
aperçoit à l'horizon les Saintes, et trouve assez de force pour y ar-
river, mais expirante, et elle y succombe entre son père et' son
amant. Tout le cinquième acte est une admirable et pittoresque re-
production de la solennité qui se célèbre chaque année aux Saintes.
Il y a là, comme aux deux actes précédents, un magniûque déploie-
ment d'art pittoresque : mais il n'y a pas assez de drame , ni dans
la pièce, ni dans la musique, pas assez de ce qui constitue les
forces vives d'un opéra.
C'était sans doute une excessive témérité que de choisir pour texte
une bucolique en cinq actes, sans avoir à y jeter d'autres épisodes
qu'une morgue ambulante et une insolation ; le grand succès de Faust
a pu exagérer la confiance du compositeur dans le prestige de ses
inspirations, mais quelle différence entre le sujet de Faust et celui
de Mireille! M. Gounod n'en a pas assez tenu compte. Heureusement
il nous semble avoir profité de la leçon que la Reine de Saba lui a
donnée. Dans Mireille, il a fait un peu moins de cette musique im-
personnelle, que l'école de l'avenir voudrait substituer à la tradition
des Gluck, des Mozart et de leurs héritiers. Cependant il ne s'est pas
encore assez défendu contre la fatale tendance à peindre des gri-
sailles, au lieu de dessiner, de colorer des physionomies vivantes.
En musique, la faculté de créer des mélodies qui laissent un souve-
nir équivaut à celle de créer des personnages et de leur imposer
des noms dans les œuvres littéraires, les poëmes et les romans. Si
vous ne savez représenter sur la toile que des masses confuses, d'où
nulle individualité ne se détache, vous n'atteignez pas le but de votre
art; vous en restez aussi loin que le musicien, qui n'excelle qu'à en-
chaîner des myriades d'harmonies et de modulations. Pour varier
cette monotonie, M. Gounod a un procédé dont il se sert avec une
habileté rare : c'est le chœur de femmes, ou bien le chœur dans la
coulisse, accompagné comme le chant du pifferaro, ou bien encore la
chanson du pâtre. Prenons garde à la chanson du pâtre ! les imita-
teurs ne tarderont pas à la gâter. Au quatrième acte de Mireille, il
y a quelque chose dans ce genre : Le jour se lève et fait place à
la nuit, et à propos de ce morceau, l'un de nos confrères a dit qu'on
ne manquera pas de le comparer à la chanson du pâtre de Sapho,
en lui préférant celle-ci ; de même que l'on eût préféré celle de Mi-
reille, si elle avait précédé celle de Sapho. Qu'est-ce que cela
prouve? qu'il ne faut pas mettre partout des chansons de pâtre, ne
ne fût-ce que pour éviter le danger des comparaisons.
La partition de Mireille commence mieux qu'elle ne finit : voilà
son tort. Un de ses plus grands mérites, c'est d'avoir pour inter-
prète Mme Carvalho, la première de nos cantatrices françaises,
l'artiste dont la voix et la méthode n'ont cessé d'être en pro-
grès. A côté d'elle, Mme Faure-Lefebvre se multiplie, en remplissant
successivement deux rôles, celui de Taven, la sorcière, et celui du
berger Andrelon ; elle ne réussit pas moins dans l'un que dans
l'autre. Ismaël, chargé du rôle ingrat d'Ourrias, s'en acquitte sans
broncher. Morini n'a que peu de chose à faire dans le rôle singu-
lièrement revu et diminué de Vincent; Mlle Reboux joue la sœur
Vincenette; Petit et Wartel se font remarquer dans les rôles des
deux pères.
Faut-il dire et répéter que l'ouvrage est monté avec un soin
merveilleux ; que tous les décors sont autant de dioramas ;
DE PARIS.
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que les chœurs, chantés et dansés, charment à la fois l'oreille et les
yeux ? Une chose que nous avons omise, c'est que le dialogue est
en vers : beaucoup de gens seraient capables de ne pas s'en douter.
Paul SMITH.
REVUE DES THEATRES.
Théâtre -Français : Voltaire au foyer, à-propos en un acte et en
vers, par M. Amédée Rolland ; Moi, comédie en trois acte et en
prose, par MM. Eug. Labiche et Ed. Martin — Gymnase : l'Ami
des femmes, comédie en cinq actes, par M. Alexandre Dumas fils.
— Vaudeville ; l'Amour qui dort, comédie en un acte, par
M. Pagésis; reprise de Louison, comédie en trois actes et en vers
d'Alfred de Musset. — Variétés : l'Homme n'est pas parfait,
comédie-vaudeville, en un acte, par M. Lambert Thiboust. —
TnÉATRE ALLEMAND.
La Comédie-Française a inauguré, tout récemment, son nouveau
foyer, qui complète d'une manière splendide la restauration à la-
quelle ont donné lieu les travaux entrepris sur la rue Saint-Honoré.
La statue de Voltaire, ce chef-d'œuvre d'Houdon, que l'on voyait
sous le péristyle du théâtre, a été transportée dans le foyer, et
cette circonstance a fait éclore un à-propos en un acte et en vers,
qui a été représenté le soir même de l'inauguration. M. Amédée
Rolland, l'auteur de Voltaire au foyer, a dignement pris en mains
la défense du temps présent, trop souvent sacrifié au passé par d'in-
justes critiques, et pour étayer sa thèse d'une autorité imposante, il a
fait sortir de leurs tombes toutes les illustrations de la Comédie,
acteurs et auteurs, sans oublier, bien entendu, Molière. Toute la
troupe a figuré dans cette solennité, et les vers de M.' Amédée Rol-
land ont été fort applaudis. On a fait spécialement une ovation très-
méritée à Mlle Favart, qui, sous les traits d'Adrienne Lscouvreur, a
décerné un touchant hommage , on ne. peut mieux placé dans la
bouche de la célèbre tragédienne, à la mémoire de Rachel.
Quelques jours après, MM. Labiche et Edouard Martin, deux au-
teurs très -appréciés au Gymnase et au Palais-Royal, ont abordé no-
tre première scène française avec une comédie en trois actes, inti-
tulée Moi, qu'on a favorablement accueillie. Les deux types de
l'égoïste qui cache son vice sous des dehors hypocrites et de celui
qui, au contraire, s'en pare comme d'une vertu, sont un peu forcés;
mais, ainsi présentés, ils ne donnent que plus de relief au contraste
heureux qui résulte de l'abnégation généreuse de deux jeunes rivaux,
amoureux de la même personne, et voulant se sacrifier mutuellement
à l'amitié et à la reconnaissance. L'égoïste par tempéramment vit
séparé de sa femme, et plutôt que de la subir dans le domicile con-
jugal, il s'enfuit au bout du monde; car les gens de son espèce
n'ont ni patrie ni famille, mais du moins celui-là ne fait de mal à
personne. L'autre est puni par l'abandon de tout ce qui l'entoure ;
mais, dans son aveuglement irrémédiable, ce n'est pas lui-même
qu'il accuse : Ce sont tous des égoïstes ! dit-il en voyant ses victimes
échapper à son joug. Le trait ne manque pas dans ces trois actes,
mais par la faute du sujet sans doute, il porte à peine au delà de la
rampe. Et pourtant Régnier et Got n'ont rien à se reprocher ; ils
font tout ce qu'ils peuvent pour dissimuler le côté odieux de leurs
rôles.
— L'Ami des femmes, de M. Alexandre Dumas fils, est le grand
événement littéraire du mois. Cette comédie, longtemps prônée à
l'avance, comme tout ce que fait l'auteur du Demi-monde, était at-
tendue avec une vive et impatiente curiosité. Nous dirons plus, elle
avait pour elle toutes les sympathies préventives qui se groupent
autour d'un nom aimé et presque constamment favorisé par le succès.
Comment a- 1- elle répondu à ces marques d'unanime bienveillance?
La presse entière s'est prononcée à cet égard, et à l'heure où nous
arrivons, il ne nous reste plus guères qu'à résumer ces impressions,
qui sont d'ailleurs en parfait accord avec les nôtres.
M. Alexandre Dumas fils, en débutant au théâtre, a eu le rare
bonheur d'y introduire un genre nouveau, et d'y découvrir un monde
jusque là inexploré. Mais, encouragé par l'accueil fait à ses premiers
ouvrages, il s'est attardé dans ce monde, et quand il a voulu en
sortir pour aborder une région plus noble et plus élevée, il s'est
trouvé que son esprit avait gardé l'empreinte reçue dans ce milieu
impur, et qu'il lui était désormais impossible de l'effacer complète-
ment. Le grand tort de l'Ami des femmes est donc d'avoir déserté
la compagnie des courtisannes ou même des grandes dames four-
voyées dans un atelier d'artiste. Il n'est pas fait pour vivre dans la
bonne société, où l'on ne saurait pas plus admettre son langage que
ses mœurs. Mais, cette restriction posée, M. de Ryons est-il bien
réellement, comme il s'en vante, l'ami des femmes ? Il est permis
d'en douter en voyant la manière dont il traite toutes celles qui lui
tombent sous la griffe. La seule Mme de Simerose lui inspire un in-
térêt qui se traduit par de singulières excentricités ; la connaissant à
peine de la veille, M. de Ryons s'impose de vive force à son inti-
mité, se fait le directeur de sa conscience, lui arrache ses secrets
les mieux enfouis dans le fond de son cœur, et finalement la rend à
son mari dont elle s'est séparée après quelques jours de ménage.
Car c'est là toute l'intrigue de cette pièce, et l'on conviendra que
c'est bien peu de chose.
Il est vrai que l'auteur a compté, pour remplacer l'action absente,
sur ses procédés ordinaires qui consistent à donner aux détails l'im-
portance que n'a pas le fond. Demandez aux gastronomes ce qu'ils
pensent d'un dîner où, à défaut de rôti, on ne leur servirait que des
hors-d'œuvre ! Telle est cependant la poétique actuelle non-seule-
ment de M. Dumas fils, mais aussi de quelques-uns de ses imita-
teurs. Malheureusement pour eux, le public commence à se montrer
moins accommodant, et à dédaigner cette exhibition de photographies
plus ou moins ressemblantes. Qu'il existe, dans le monde, un imper-
tinent, un fat, un bavard de la force de M. de Ryons, c'est possible,
mais ce doit être une exception. De même, si l'on rencontre beau-
coup de belâtres taillés sur le patron de M. de Chantrin, où trouver
une jeune fille comme cette petite Balbine, admiratrice passionnée
de la barbe blonde de ce monsieur, et prise, à son aspect, d'un at-
taque nerveuse assez difficile à expliquer? Ce n'est assurément pas
dans la bonne société. Des ménages à trois, il y en a partout, c'est
convenu ; mais pourquoi se complaire à nous présenter le tableau de
ces unions interlopes sous les couleurs les plus crues et les plus re-
poussantes ? Passe encore pour le portrait de cette belle fille élé-
gante, et riche de trois millions, qui ne peut parvenir à se marier,
parce qu'elle est trop connue, et qu'elle s'est trop affichée dans tous
les lieux où la publicité s'acquiert. Ce type est vrai, et il est du do-
maine de la bonne comédie.
Mais nous n'avons encore rien dit du principal personnage féminin
de cette pièce, et nous ne savons vraiment de quelle façon le pré-
senter à nos lecteurs. Mme de Simerose est pourtant une femme
charmante, et si elle a quitté son mari, c'est que M. de Simerose lui
avait donné, par sa conduite légère, le droit de prendre ce parti
extrême. Elle jouit de la considération universelle, et depuis qu'elle
vit seule, on n'a jamais rien eu à lui reprocher. Mais plus elle est posée
en honnête femme, et moins on comprend comment l'auteur a pu
lui faire accepter, en moins de vingt-quatre heures, la tutelle im-
provisée de M. de Ryons, qui apprend bientôt, de son propre aveu,
qu'elle a été si peu, si peu mariée qu'en bonne conscience il se croit
autorisé à la saluer du titre de mademoiselle. Ah ! par exemple,
nous devons constater que cet oubli des bienséances, qui est un in-
concevable mépris de la morale la plus vulgaire, a failli révolter
pour de bon le public.
L'impression ressentie par toute la salle, à la première représen-
102
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tation de l'Ami des femmes, n'a pas été, par conséquent, très-sym-
pathique à cette comédie. Néanmoins, on ne peut pas dire qu'elle
soit tombée; il serait plus juste d'avouer qu'en dépit de son immora-
lité ou plutôt de sa brutalité, elle a plus d'une fois provoqué des
bravos de bon aloi, qui s'adressaient non à l'action dramatique, mais
au talent, à l'esprit de l'auteur. Jamais, en effet, il n'a été plus
prodigue de saillies fines, spirituelles, ou de mots saillants, à l'em-
porte-pièce. C'est une pyrotechnie éblouissante, qui vous force à fer-
mer les yeux pour ne pas être aveuglé par son éclat, mais qui, par
cela même, nous contraint à descendre en nous-même et à déplorer
l'abus de cet esprit merveilleux et de ce talent incontestable.
L'Ami des femmes a pour principaux interprètes P. Deshays, Lan-
drol, P. Berton, Dieudonné, Mlles Delaporte, Montaland et Céline
Chaumont. 11 suffit d'écrire leurs noms pour attester que si la nou-
velle pièce de M. Alexandre Dumas fils ne se décide pas à faire de
l'argent, ce ne sera point la faute des acteurs.
— Un petit cousin et une petite cousine s'aiment sans le savoir ;
survient un prétendu dont la seule présence leur révèle ce qui se
passe clans leurs cœurs, et voilà ce que le Vaudeville appelle l'A-
mour qui dort.
Cette comédie anodine a été accompagnée, le premier soir, par
la reprise à ce théâtre de Louison, comédie en vers d'Alfred de Mus-
set, qui a été déjà essayée à la Comédie française, il y a une quin-
zaine d'années.
— Hélas! nous ne le savons que trop, l'Homme n'est pas par-
fait; mais la femme n'est pas parfaite non plus, témoin le ménage
Michon, un fort de la halle et une marchande de marée, qui ne
s'entendent pas très-bien ensemble sur le chapitre de la fidélité
conjugale.
Ce petit acte populaire, joué avec beaucoup de verve et d'entrain
par Christian, Grenier et Mlle Alphonsine, est tout à fait à sa place
dans le répertoire des Variétés, où les vaudevilles de ce genre , un
peu trop délaissés aujourd'hui, étaient naguère en grand honneur.
C'est un très-bon appoint à la Vieillesse de Brididi, et l'ancien théâtre
de Brunet ne peut que gagner à persévérer dans cette voie.
— A la représentation extraordinaire donnée au Théâtre-Allemand,
au bénéfice de M. Wernhardt, on a entendu, pour la première fois,
le Paria, de Michel Béer ("le frère de Meyerbeer), avec deux autres
pièces du répertoire. Un intermède musical, auquel a concouru le
charmant talent de Mlle Etterlin sur la zither, a augmenté l'attrait
de cette soirée.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*% La réouverture du théâtre impérial de l'Opéra aura lieu demain
par Robert le Diable. — JMoïse et la Maschera y ont été donnés lundi et
mercredi avant sa clôture. — A la représentation de Moïse, la dernière
par suite du départ pour Londres de Mlle Battu, une magnifique cou-
ronne de fleurs a été offerte à la jeune artiste, par deux artistes du
théâtre, au nom de leurs camarades, et le public s'est associé chaleureu-
sement à cette sympathique manifestation.
,j% Un opéra en trois actes, paroles de M. Labiche, musique de
F. Bazin, vient d'être reçu à l'Opéra-Comique.
a% Naudin a fait dimanche ses adieux au public dans une représen-
tation composée de fragments d'ouvrages du répertoire de l'excellent
ténor. — Fraschini va rentrer très-prochainement.
„*t Adelina Patti s'est fait entendre et applaudir la semaine dernière
dans II Barbiere et Don l'asquale. Ce soir, elle chantera Marta, et ce
sera la cinquième représentation pendant cette saison de l'opéra de
Flotow.
»% Mario chantera ce soir dans Marta pour la dernière fois avant
son départ pour Londres.
*** Mme Penco est engagée par M. Bagier jusqu'à la fin de la saison
de l'opéra à Madrid.
*** Mlle Lagrua a passé par Paris se rendant à Londres où un bril-
lant engagement l'appelle au théâtre de Covent-Garden.
*** Mme Ugalde a reparu la semaine passée dans les Ravards, qui
étaient accompagnés de Lischen et Fritzchen. L'excellente artiste rem-
placera ce soir, dans les Géorgiennes Mlle Saint-Urbain. Nous ren-
drons compte dimanche prochain de cette représentation.
*** L'opéra de salon, Tout est bien qui finit bien, a été joué dimanche
dernier à la salle Pleyel, par Mme Tillemont et Sainte-Foy. La musique
de M. Wekerlin est une des mieux réussies dans ce genre d'ouvrage;
l'élément mélodique y abonde, et la verve ne fait pas défaut. C'est u n
succès des plus francs et des mieux mérités.
*** La reprise de l'Etoile du Nord à Lille a eu lieu avec beaucoup
d'éclat. Mme Barbot s'est montrée très-remarquable dans le rôle de
Catherine et a contribué au brillant succès du chef - d'œuvre de
Meyerbeer.
t*x Le programme du concert spirituel donné hier au théâtre Lyrique
se composait ainsi : ouverture à'Euryante ; chœur de Paulus, de Men-
delssohn ; Ave Maria, de Bach, par Gounod; Ave verum, de Mozart;
marche religieuse, d'kd. Adam; Benedictus, d'Auber, chanté par
Mme Miolan-Carvalho ; marche et chœur de Lohengrin, de Wagner ;
septuor des Troyens, de H. Berlioz; SAierzo, de Bizet; Sanctus, de Che-
rubini, chanté par MM. Lutz et Pils ; Marche de la communion du roi,
de Cherubini; Stabat mater, de Rossini; Pro peccatis , chanté par
M. Petit; Injlammatus, chanté par Mlle de Maësen; le Jugement dernier,
de Félicien David.
*% Un décret en date du 2 mars, fixant les noms d'un certain' nom-
bre de rues nouvelles, contient ce qui suit : « Les voies ouvertes aux
abords de l'Opéra, suivant les plans approuvés par les décrets des 14
novembre 1858 et 46 juillet 1862, prendront les dénominations suivantes:
La première, partant du boulevard des Capucines et aboutissant à la
rue de la Chaussée-d'Antin, celle de rue Halévy ; la deuxième, ouverte
entre le boulevard des Capucines et la rue de la Ferme-des-Mathurins,
celle de rue Auber ; la troisième, prolongeant la rue de Mogador de la
rue Neuve-des-Mathurins au boulevard des Capucines, celle de rue
Scribe; la rue ouverte derrière le théâtre Lyrique, entre le quai de
Gèvres et l'avenue Victoria, recevra le nom de rue Adam.
*** Au concert spirituel du Conservatoire donné le vendredi saint, on
a exécuté : symphonie héroïque de Beethoven; Pie Jesu et Agnus Dei
du Requiem de Cherubini; aria di chiesa de Stradella, chanté par
M. Achard; thème varié, scherzo et finale du septuor de Beethoven;
motet (double chœur) de S. Bach ; ouverture de Freyschiïtz.
**„.. Le concert donné le vendredi saint au Cirque Napoléon était comme
un prélude aux grandes solennités que M. Pasdeloup prépare pour trois
dimanches consécutifs Au dernier concert, après l'ouverture d'Ofte-
ron, dont l'exécution a été admirable, ainsi que celle des fragments
du septuor de Beethoven, des chœurs religieux de Marcello, de Gounod
de Bach et de Haendel, ont pleinement satisfait l'auditoire, plus nom-
breux que jamais. Sous avons à signaler le début d'une jeune et jolie
personne, Mlle Rose, élève du Conservatoire, qui a dit d'une voix
charmante, mais un peu émue, un Ave Maria, de Cherubini. Sivori est
venu ensuite étonner, ravir, électriser tous les assistants avec la prière
de Moïse, sur la quatrième corde, qu'on lui a redemandée ; mais le
prodigieux virtuose a joué en échange des variations délicieuses, qui
ont soulevé encore des tempêtes de bravos. — Le festival Beethoven aura
lieu le 3 avril, au cirque Napoléon. Cinq cents exécutants prendront
part à cette solennité. Le programme contiendra la 9° symphonie de
Beethoven (avec chœurs), et les Ruines d'Athènes. M. Vieuxtemps, qui ne
s'est pas encore fait entendre cet hiver à Paris, vient expressément
d'Allemagne pour y jouer le concerto de Beetnoven. — Le 10 avril,
au festival Mendelssohn, on exécutera l'oratorio Elie. Mme Rudersdorff,
appelée expressément d'Angleterre, y chantera ainsi que Mme Talbot
et M. Petit. Le violoniste Becker exécutera le concerto de Mendelssohn.
*** Le Stabat Mater, de Rossini, a été exécuté le vendredi saint dans
l'église de Saint-Eustache, sous la direction du maître de chapelle,
M. Hurand.
**„ Les concerts spirituels donnés le jeudi saint et hier au théâtre
Italien étaient composés de sept morceaux du Stabat mater, de Pergo-
lèse et Haydn, et du Stabat mater, de Rossini . Mmes Marchisio, Méric-
Lablache, Calderon ; MM. Mario, Agnesi, Pagans, Antonucci et Aldi-
ghieri, ont concouru à l'exécution très-brillante de ces œuvres magis-
trales.
3% La fécondité d'Offenbach commence à devenir proverbiale. Ainsi le
12 mars 1863, à Paris, il donne la première représentation des Bavards.
— Le 11 juillet, à Ems, Il signor Fagolto; le 18, Lischen et Fritzchen;
— le 5 janvier 1864, les Bouffes s'ouvrent avec Lischen et Fritzchen, et
l'Amour chanteur ; le 4 février, à l'Opéra-Impérial de Vienne, il donne la
première de la Rheinnixe, grand opéra en trois actes; le 11 février, au
Carl-Theater, la première de Fagotto; le 15 février, au théâtre an der
Wien, la première de la Demoiselle en loterie, avec sept morceaux nou-
veaux, inédits, sur dix; enfin le 15 mars, à Paris, les Géorgiennes, opéra-
bouffe en trois actes. Notez que ce bulletin de campagne est un bulle-
tin de victoire. L'autre soir on fêtait la 100e représentation des Bavards.
%*% La société chorale de Saint-Quentin s'était assuré le concours de
Henri Uerz pour son dernier concert. Le grand pianiste, en cette occa-
DE PARIS.
103
sion, n'a pas failli à sa supériorité habituelle. Son jeu pur et élégant,
ses chants si habilement phrasés ; la netteté, la légèreté unies à la force
et à l'ampleur; ses admirables traits de piano se détachant sur l'accom-
pagnement de l'orchestre, ont produit une profonde impression sur
l'assemblée, qui le lui a témoigné par des applaudissements réitérés et
en lui redemandant la tarentelle et sa charmante fantaisie sur la Fille du
régiment. Il l'avait fait précéder de son 5" concerto en fa mineur, œuvre
magistrale dans laquelle le compositeur se montre à la hauteur de l'exé-
cutant, et comme opposition et témoignage de la variété de son talent,
H. Herz a terminé par la Californienne, polka entraînante de sa compo-
sition. Inutile d'ajouter qu'un magnifique piano de sa fabrique, envoyé
exprès sur les lieux, concourait encore, par la beauté et la puissance de
ses sons, à l'effet produit par l'artiste.
»*, Le dernier programme de M. Lebouc était particulièrement attrayant :
le quintette de Schumann a été rendu avec beaucoup d'ensemble
et de fougue par MM. G. Pfeiffer, White, Lebouc, Trombetta-et Com-
tat ; le trio en sol mineur de G. Pfeiffer, dans toutes ses parties, a été
accueilli avec une faveur très-marquée par l'auditoire; M. E. Du-
rand, l'auteur de Comme à vingt ans, a fait connaître ses Chansons à
l'ocaliscf, délicieusement rendues par Mme Peudefer; puis, après un
brillant solo de violoncelle, exécuté avec grand succès par le maître
de la maison, la séance s'est terminée par le Chêne et le Roseau, la
dernière et poétique inspiration de Georges Pfeiffer.
*% Le concert de Vivier reste fixé au 14 avril : « une heure de mu-
sique » est annoncée sur l'unique affiche imprimée qui se trouve à la
sa!le Erard. Ce sera donc, sous beaucoup de rapports, un concert hors
ligne.
„,% L'association des artistes musiciens de France fera célébrer le
lundi, i avril prochain, jour de l'Annonciation, à midi, dans l'église
Notre-Dame, une messe solennelle en musique de la composition de
M. François Bazin. Cette messe, précédée de la marche religieuse, avee
accompagnement de harpes, d'Ad. Adam, sera chantée par l'Orphéon
de la ville de Paris, au nombre de six cents exécutants. A l'offertoire,
on entendra un Ave Maria, composé spécialement pour la circonstance
par M. François Bazin. La musique de la garde de Paris, sous la direc-
tion de son chef, M. Paulus, exécutera plusieurs morceaux religieux de
son répertoire. Le produit de la quête et des chaises sera versé dans la
caisse de secours de l'Association.
*** Même soir, salons Erard, concert de M. Waldemar de Tour, pia-
niste polonais, avec le concours de Mlle Marie des Isles et de MM. Val-
sovani, White et Albert Lavignac.
*% Programme du quatrième concert de M. Camille Saint-Saens , le
vendredi, 1er avril, salons Pleyel : seizième concerto de Mozart, exécuté
par M. C. Saint-Saens; Souvenance, Bêverie, la Mort dOphélie, Soirée en
mer, mélodies de M. C. Saint-Saens, chantées par Mme Barthe-Bande-
rali ; duo concertant pour violon et violoncelle (inédit), de Vieuxtemps,
exécuté par MM. Camille et Ernest Demunck; Momenlo capriccioso, de
Weber, et 9e concerto de Mozart, exécutés par M. C. Saint-Saens.
*** Mercredi, 30 mars, salle Herz, concert de Mme Peudefer.
,„** Demain lundi, 28 mars, concert de Mme Rossi-Gallieno dans les
salons Erard, avec le concours de Mlle Dubois et de MM. Charles La-
moureux et Emile Rignault.
**t Jeudi 31 mars, concert avec orchestre donné par M. Vincent
Adler dans les salons Pleyel. M. Adler fera entendre le concerto de
Chopin et le Cor enchanté, de Hummel. Il exécutera en outre, avec
M. Ernest Lubeck, la Rhapsodie hongroise, de sa composition, et seul
ses morceaux les plus justement estimés : valse rococo, barcarolle,
marche-tarentelle et sérénade hongroise.
.j,** Un opéra inédit en deux actes, paroles de M. Nessler et musique
de M. Febvrol, a été représenté avec succès au théâtre de Strasbourg.
*% M. Lemmens, le célèbre organiste, se trouve à Paris, et a fait
entendre, devant un auditoire choisi, de nouvelles compositions desti-
nées à paraître dans son nouvel ouvrage l'Organiste catholique. Son suc-
cès a été aussi grand que mérité. — Demain lundi à une heure, M. Lem-
mens jouera le grand orgue à l'église de Saint-Sulpice.
*** W. Goldner, jeune pianiste, donnera une soirée musicale le sa-
medi 2 avril, dans la salle Erard. On entendra, outre le bénéficiaire
qui jouera quelques-unes de ses compositions, MM. Telesinski, Mohr,
Lassère et Mme Boisgontier.
*** M. Alfred Quentin, artiste du théâtre impérial de l'Opéra, vient
de faire paraître un Traité d'orchestration, ouvrage remarquable, dont
nous nous occuperons prochainement.
*** La sixième et dernière séance de MM. Armingaud, Jacquard, Lalo
et Mas aura lieu mercredi prochain, avec le concours de Lubeck.
Deux quatuors de Mozart et de Beethoven, la sonate pour piano et
violoncelle, œuvre 58 de Mendelssohn, et un trio de Beethoven en com-
posent le programme.
*** Le Stabat Mater de Pergolèse a été exécuté le jeudi saint aux
Tuileries. Les parties principales ont été interprétées par Mlles Marie
Sax, MM. Troy et Warot; les chœurs par les élèves du Conservatoire.
**, Mme Céline Kurtz, professeur de piano, donnera le 4 avril pro-
chain, dans la salle Beethoven, une brillante soirée musicale et litté-
raire avec le concours d'artistes distingués.
**# L'excellent violoniste W. Bauerkeller donnera un concert le S
avril dans la salle Herz; il sera entouré d'artistes très-distingués.
*** Joseph Wieniawski vient d'être nommé par S. M. I. le schah de
Perse, chevalier d'un ordre de ce pays.
**„. On annonce une audition musicale donnée par M. Thurner le
jeuae pianiste compositeur, le 6 avril, salle Pleyel.
a,** Le chœur de Rossini, la Foi, transcrit et varié pour le piano par
Paul Bernard, à peine publié, se trouve déjà entre les mains d'un
grand nombre de pianistes, et paraît destiné à un très -grand succès.
.,,% James Wehli, pianiste-compositeur anglais, se trouve en ce mo-
ment à Paris, et y donnera un concert jeudi prochain, salle Erard. On
dit le plus grand bien de son talent.
*** La partition de Lara, l'opéra nouveau de Maillart, a été acquise
par l'éditeur Girod.
*% G. Pfeiffer est parti cette semaine pour une grande tournée en
Angleterre, en Ecosse et en Irlande ; il est engagé par un entrepreneur
anglais. Avant son départ, il a concouru à l'éclat de la dernière grande
soirée donnée salle du Louvre, avec MM. Delle-Sedie et Engel.
„.*„ Le sixième volume de la Biographie universelle des musiciens (se-
conde édition), par M. Fétis père, est un de ceux qui renferment le plus
grand nombre d'articles intéressants et traités avec une supériorité de
talent qui, chez l'auteur, ne cesse de grandir et de s'élever. Nous nous
occuperons bientôt et avec détail de ce volume, dans lequel, au pre-
mier coup d'oeil, on distingue les noms de Méhul, Mendelssohn, Mcyer-
beer, Monteverde, Mozart, Paganini, Palestrina, Paisiello, Pergolesn, sans
compter ceux de Mattheson, Mersenne, Merulo et d'Okeghem.
*** La succession de Schindler, l'ami et le biographe de Beethoven,
a passé aux mains de sa sœur, à Manheiin; il s'y trouve diverses reli-
ques de l'illustre compositeur : sa montre, ses lunettes, sa canne ; des
manuscrits, lettres, notices, etc.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t*^ Bruxelles. — La première représentation de VEtoile de Messine,
ballet dont la musique si réussie est du comte Gabrielli, vient d'avoir
lieu avec un éclatant succès. Mme Ferraris a été applaudie à outrance ;
rappelée à plusieurs reprises, elle a dû danser deux fois quelques-uns
des pas dans lesquels elle avait aussi obtenu tant de succès à Paris. —
Les représentations du Pardonde Ploërmel sont très-suivies; Mme Meyer-
Boulart y est de plus en plus applaudie. — L'opéra Lucrezia Borgia,
a été repris avec succès ; Mmes Meillet et Borghèse, MM. Bertrand
et Perin s'y montrent très-remarquables.
„% Berlin. Du 14 au 20 du courant, le théâtre de la cour a donné
Struensée, drame de Michel Béer, avec la musique de Meyerbeer; Czar
et Charpentier, de Lortzing ; Robert le Diable, de Meyerbeer, et le Do-
mino noir, d'Auber. Mlle Artot poursuit le cours de ses succès dans le
rôle d'Angèle. — Le nombre des concerts est infini; concert de l'associa-
tion des Dames, de la nouvelle académie musicale, de la Société de
chant Erk, de la Société de chant Stern, etc. — Le vendredi saint, la
Société de chant Grell exécutera la Passion de saint Mathieu, par Séb.-
Bach. — Dans Robert, qui avait comme toujours attiré la foule, une de-
moiselle de Therey a chanté le rôle d'Isabelle; sa voix sympathique,
perfectionnée par de bonnes études musicales, n'a pas assez de volume
pour remplir la vaste salle du théâtre de la cour.
*** Hambourg. — Une apparition intéressante dans le monde musi-
cal, est celle de la jeune pianiste Mary Krebs, fille du maître de
chapelle à la cour de Dresde. En société avec sa mère, l'excellente
cantatrice Krebs-Michalesi, Mary, qui n'a que douze ans à peine, a
donné un concert, où elle a joué avec un aplomb, une sûreté vraiment
merveilleuse, les compositions les plus difficiles de Hummel, Weber,
Liszt, etc.
#% Mayence. — Enfin a eu lieu l'exécution annoncée depuis long-
temps de Josué, oratorio de Haendel, par la Liedertafel, et la Société des
Dames ; cette œuvre grandiose a été accueillie avec enthousiasme.
à*j Naples. — VAlbergo délia speranza (l'auberge de l'espérance)
opéra nouveau du maestro Lombardini, n'a pas réussi au théâtre de
San Carlo. On l'avait donné pour la représentation au bénéfice de De-
bassini. Le principal tort reproché à la musique, c'est celui d'être
trop légère.
%*% Lisbonne. — Il Projeta, avec Mme Tedesco et Mongini dans les
rôles principaux, excite constamment l'enthousiasme au théâtre du Li-
ceo. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer est souvent représenté, et la foule
remplit toujours la salle.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
MANUFACTURE D'INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN CUIVRE ET EN BOIS (Fondée en 1843)
SO, rue Saint-Georges, à Paris.
Maison ADOLPHE SAX
* #
Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Auteur du système d'organisation et fournisseur breveté de la musique des Guides et des autres régiments
de la Garde impériale. — Inventeur des instruments à pavillon tournant, des instruments à six pistons in-
dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc.
Tous Us instruments portent le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^Kïï
le numéro d'ordre de l'initrument el le poinçon ci-après :
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851, 1855
et 1S62, relatifs aux Saxophones (BREVET BE 1846.)
et Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leurs sons, et ils portent au plus haut degré de ferfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grant progrès. » (Exposit. 1831.)
« Famille complète des Saxothones, inventée pau M. Adolphe Sax. — L'instrument se joue avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
Saxophone l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
alto 911 bémol. habile clarinettiste Wuille eyéeuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance ; car cet instrument est nouveau par les proportious de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble renferment,
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur orignine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions ; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, eut né d'hier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » {Exposit. 18SS.)
œ M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » (Exposit. i862.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musique de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plus part des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, «OO fr. — Saxsplione ténor, «S5 fr.— Saxophone alto, ««5 fr. — Saxophone baryton, «5© fr.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et baryton à
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au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
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mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
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Étranger 34 - i
Le Journal paraît le Dimanche.
DE PARIS
SOMMAIRE. — Société des concerts de chant classique, fondation Beaulieu, par
Paul Smith. — Auditions et concerts. — De l'éducation musicale préven-
tive pendant la première et la seconde enfance (2e article), par Maurice
Cristal. Nouvelles et annonces.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS DE CHANT CLASSIQUE.
Fondation Beaulieu (5e année).
Le plus bel hommage que l'on puisse rendre à la mémoire de
ceux qui ne sont plus, c'est de continuer l'œuvre qui leur était chère,
d'épouser leur pensée favorite, et de leur succéder avec tant d'af-
fection et d'amour qu'ils semblent ne pas avoir cessé d'exister. La
fondation des Concerts de chant classique avait fini par être la
grande, l'unique affaire de M. Beaulieu, cet homme si distingué, ce
musicien si éminent, qui n'avait eu dans sa vie d'autres affaires que
celles de l'art et des artistes. Elève de Méhul, lauréat de l'Institut
en 1810, il ne lui avait manqué, pour prendre place au nombre des
compositeurs militants, que cet aiguillon de la nécessité, dont l'af-
franchissait une fortune indépendante. Profitant de la position qui
le dispensait de songer à lui-même, il se voua tout entier aux inté-
rêts de son pays, de ses concitoyens, parmi lesquels il comptait de
si nombreux amis, et il ne travailla qu'à leur être utile. D'abord il
fonda l'Association musicale de l'Ouest, qui réunit dans un cercle
mélodieux les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la
Charente, de la Haute-Vienne et de la Vendée. Puis il s'occupa de
créer à Paris cette Société, qui remplit les derniers temps de
son existence, et à laquelle son nom restera toujours attaché.
C'est bien la moindre récompense qui doive lui revenir pour prix
de son zèle, de son talent et de ses sacrifices ! M. Beaulieu présidait
aux progrès de cette Société, comme à ceux d'un enfant adoré : sa
joie, son orgueil, c'était de la voir grandir.
Une mort inattendue l'a enlevé trop tôt, sans doute ; du moins il
aura emporté avec lui la certitude que son œuvre lui survivrait, car
il l'avait élevée assez haut pour qu'elle ne fût plus en danger. D'ail-
leurs, il laissait sur cette terre une épouse tendre et pieuse , qui
avait été la compagne de sa vie entière, et qui regarde comme un
devoir, comme un honneur, l'accomplissement des idées et des vœux
de son mari.
Le concert donné jeudi dans la salle Herz est le meilleur gage de
cette volonté de maintenir, d'achever l'institution commencée. Le
programme en était composé de morceaux dont chacun avait sa
valeur, et qui peut-être avaient été indiqués d'avance par M. Beau-
lieu lui-même, à l'exception d'un seul, qu'il se serait refusé à ins-
crire sur la liste, p^r cette raison péremptoire qu'il était de lui ! Donc
il a fallu que le fondateur mourût pour que la société fît en-
tendre un Dies irai de sa composition, et que ne désavouerait au-
cun des maîtres de la musique religieuse. Ce morceau, largement
écrit, d'une inspiration spontanée et facile, nous a paru le meilleur
spécimen de la manière du maître, qui évitait, plutôt qu'il ne cher-
chait l'occasion de se produire. MmeVandenheuvel-Duprez, Mlle Bon-
nias et M. Marié, chantaient les soli, et la première surtout se dis-
tinguait par la beauté d'un style dont elle possède si bien la tradition.
Dans un air à'Idoménée, de Mozart, elle en a donné une nouvelle
preuve avec plus d'éclat encore, et l'assemblée l'en a récompen-
sée par une triple salve de bravos.
Le finale à'Eliza, de Cherubini, un air de Satil, de Haendel, un
air à'Aetius, du même, fort bien chantés, le premier par M. Paulin,
le second par M. Battaille, ont été écoutés avec beaucoup d'intérêt;
la Bataille de Marignan, chœur sans accompagnement, de Janne-
quin, offrait un attrait plus vif encore. Constatons avec plaisir que
l'exécution en a été plus satisfaisante que l'on ne s'y serait attendu.
La solidité avec laquelle les basses ont gardé l'intonation a sauvé la
masse chorale, et cette espèce de mêlée harmonique a produit un
excellent effet.
A travers tous ces morceaux de chant, il n'y avait qu'un seul mor-
ceau instrumental, un octuor de Mozart pour deux hautbois, deux
clarinettes, deux cors, deux bassons : MM. Triebert, Barthélémy, Le-
roy, Rose, Baneux, Rousselot, Jancourt et Villanfret se sont enten-
dus à merveille pour interpréter cet octuor qui, par les idées et le
style, semblerait avoir été composé dans un enlr'acte des Nosze di
Figaro ou de Don Giovanni. C'est Mozart que l'on retrouve dans ce
morceau trop peu connu, et que l'on eût redemandé, si l'on n'eût
craint de fatiguer les artistes.
La fondation de M. Beaulieu a donc fait un pas de plus, malgré
l'absence de son créateur, qui eût été si heureux d'assister à cette
bonne soirée. Et quand on songe que cet homme, que cet artiste
106
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
si honorable, si généreux, est mort sans avoir obtenu la distinction
que méritaient ses services ! La croix d'honneur eut été si bien pla-
cée sur un cœur que faisaient battre tant de nobles sentiments!
Paul SMITH.
ADDITIONS ET CONCERTS.
M. et Urne Léopold Dancla. — M. et Mme Marcliesi (con-
cert historique). — M. Tito Mattei. — Mme Béguln-
Salomon.— M. SoUolowsfei et Mme Winnen-OrlowsUa.
— Mme KouBi-Galieno.— M. F.-*. Endrès. — Mlle Cnar-
lottc Jacques. — M, James Wel»lî.— M. Vincent Adler.
— Concerts de jour du Pré-Catelan.
Tous les ans, M. Léopold Dancla nous offre l'occasion de l'enten-
dre et de nous convaincre qu'il n'a pas cessé d'être l'un des plus
dignes représentants de notre école française pour le violon. Son jeu
est élégant, correct et pur, énergique au besoin et toujours sympa-
thique. Comme compositeur, il ne manque ni de savoir ni de dis-
tinction. L'élégie et la polonaise qu'il a exécutées à son dernier
concert, dans les salons de Pleyel-Wolff, ont obtenu un succès très-
mérité, ainsi que V Adieu et le Départ de Schubert, transcrits par lui,
pour piano, orgue, violon et violoncelle. Un Ave Maria, adapté au
prélude de Bach, par Gounod, pour voix, piano, orgue et violon, un
trio de Charles Dancla, pour piano, violon et violoncelle, ont encore
permis à M. Léopold Dancla de prendre sa part des bravos décernés
à ses partenaires. Enfin, dans un air du Pré aux clercs, avec ac-
compagnement de violon obligé, il a fait preuve des qualités les
plus brillantes. Mme Léopold Dancla, chanteuse de goût et de mé-
thode, a fort bien dit cet air, et, en outre, avec M. Bach, un très-
joli duo des Dragons de Villars. On a aussi beaucoup fêlé le piano
de Mlle Sabatier-Blot, le violoncelle de M. Poëncet, l'orgue de M. Fla-
mant, et les chansons comiques de M. Eugène Fauvre.
Avant leur départ pour l'Angleterre, où ils sont attendus, M. et
Mme Marchesi ont donné, dans la salle Herz, un concert historique
des plus intéressants. Prenant l'ancienne école italienne à ses débuts,
ils ont voulu nous montrer l'origine et le développement de l'air et
du duo, de 1600 à 1730. Tous les maîtres illustres, depuis Jacopo
Péri jusqu'à Pergolèse, ont donc fourni leur contingent à cette audi-
tion, où )e chant était représenté par le mari et la femme, le cla-
vecin par M. Alexandre Billet et le violon par M. Schérek. Plusieurs
morceaux, parmi lesquels nous citerons la Gelosia de Luigi Rossi, et
Viltoria, de Carissimi, cantates supérieurement rendues par M. Mar-
chesi, ont charmé l'auditoire, et le duo de la Serva padrona, qui a
dignement terminé la séance, a été dit par le couple voyageur de
manière à nous faire regretter que la direction des Italiens ne l'ait
pas disputé aux bravos et aux guinées de nos heureux voisins.
— Le grand attrait de la soirée donnée, à la salle Herz, par M. Tito
Mattei, pianiste 'du roi d'Italie, était l'audition des trois ouvertures
de Raimondi, que le bénéficiaire avait arrangées pour trois pianos à
quatre mains. Cette belle transcription, qui a produit un effet im-
mense, était interprétée par Mlle Louise Murex, par M. Mattei, par
M. et Mme Giorza, par Mlle Roulle et par M. Lafuente. Outre
ce morceau capital, M. Tito Mattei, compositeur distingué non
moins qu'habile exécutant, nous a fait entendre deux grandes fantai-
sies, transcrites par lui, sur des motifs du Ballo in maschera et de
la Norma. Un style brillant, de la netteté, de l'expression, de la sou-
plesse, telles sont les qualités que nous avons applaudies chez ce vir-
tuose italien, qui nous a fourni, en outre, un curieux échantillon de
son extrême agilité dans un nocturne de sa façon, varié pour la main
gauche, et dans un gracieux galop, intitulé le Diable noir.
Une fantaisie de violon, par M. Favilli, et une fantaisie de Servais,
pour violoncelle, par M. Lasserre, divers morceaux chantés par
MM. Bettini et Verger, par Mlles Fortuna et Roulle, puis, pour cou-
ronner la séance, l'admirable quatuor de Rigoletto, interprété par ces
quatre artistes, ont contribué à rendre ce concert l'un des plus char-
mants de la saison.
— L'audition annuelle de Mme Béguin-Salomon, qui a eu lieu dans
les salons Erard, a fait de nouveau briller les qualités sérieuses qui
distinguent l'éminente pianiste, son style pur et élevé, sa grande sû-
reté d'exécution, sa grâce et sa délicatesse. Deux transcriptions du
Miserere d'il Trovatore et du Tannhauser, le trio en si bémol (op. 11)
de Beethoven, une sonate pour piano et clarinette, de Weber, le
scherzo en la bémol, du même auteur, ont valu à Mme Béguin-Sa-
lomon d'unanimes et de sincères applaudissements. Elle a, de plus,
fait sa partie dans un sextuor d'Onslow, pour piano, flûte, clarinette,
cor, basson et contre-basse. M. White, avec une fantaisie sur Faust,
pour violon, et M. Poëncet, avec une fantaisie de Schumann, pour
violoncelle, ont complété les plaisirs de cette soirée, dont le seul dé-
faut était de n'avoir pas de chant, pour y jeter un peu plus de va-
riété.
— Le guitariste polonais Sokolowski, dont nous avons plus d'une
fois entretenu nos lecteurs depuis le commencement de la saison
s'est fait entendre pour son propre compte, en société de Mme Win-
nen-Orlowska, prima-donna du théâtre San-Carlo, de Naples. Les
merveilleux effets que M. Sokolowski sait tirer de sa guitare double,
font oublier la monotonie de cet instrument, et lui prêtent une sorte
d'attrait qui n'est pas seulement celui de la difficulté vaincue. Des
transcriptions variées de morceaux d'opéra, tels que l'Elisired'amore
ou le Pirate, fournissent la preuve d'un sentiment musical très-dé-
veloppé, et en les écoutant, on est presque tenté de regretter que
leur auteur, malgré la perfection de son jeu, n'ait pas donné un autre
but à ses efforts.
Mme Winnen-Orlowska, qui possède une assez belle voix de mezzo-
soprano, peut-être un peu sourde dans le médium, a successivement
interprété le grand morceau de la Favorite : 0 mon Fernand, l'air
de Stradella : Pieta, siguore, et des mélodies polonaises d'une ori-
ginalité piquante. En somme, l'épreuve a été assez favorable à ces
deux artistes étrangers, pour qu'ils n'aient pas à se repentir de "l'a-
voir tentée. Parmi les solistes qui les ont secondés, nous devons une
mention à M. Ernest Demunck, jeune violoncelliste, qui a joué re-
marquablement la fantaisie de Servais sur des motis de la Fille du
régiment.
— Dans sa soirée, chez Erard, avec une modestie peu usitée
en pareille occurrence , Mme Rossi-Galieno, qui donnait , à ce
que nous croyons, son premier concert à Paris, a négligé les
grands morceaux d'étude et de bravoure, pour ne nous offrir en
quelque sorte que des fragments, que des pages détachées : un im-
promptu de Chopin, une berceuse de Robert Schumann, la sérénade
espagnole de Fumagalli, puis trois gracieuses bluettes de sa compo-
sition, parmi lesquelles l'auditoire a fait un accueil tout spécial à la
tarentelle qui terminait la séance. Mme Rossi-Galieno, agréable pia-
niste, au doigté agile et sûr, est aussi une fort bonne musicienne, à
en juger par la manière dont elle a dit sa partie dans le charmant
trio en si mineur, de Mayseder, qui a produit beaucoup d'effet.
MM. Charles Lamoureux et Emile Rignault, ses coexécutants, ont
joué ensuite, avec leur talent habituel, un solo de violon et deux
airs pour violoncelle, parfaitement choisis, et Mme Isabelle de Boïs
a conquis tous les suffrages, en chantant un air des Noces de Fi-
garo : Ce doux martyre, et un air de la Lucie.
— Lundi dernier, le grand salon de l'hôtel du Louvre déployait
toutes ses splendeurs pour l'audition des œuvres d'un jeune compo-
siteur, M. F.-J. Endrès, qui est, en outre, un pianiste d'assez belle
force. Après avoir rendu justice à son talent d'exécution que l'on
DE PARIS.
107
a vivement applaudi, nous lui dirons qu'il s'est peut-être un peu
trop pressé de livrer à l'appréciation du public ses premiers essais,
qui comprennent un concerto, une symphonie et des fragments dra-
matiques ayant pour titre Un Rêve. Nous lui accorderons volontiers
une certaine science harmonique, une louable entente d'instrumen-
tation, d'excellentes intentions, parfois suivies d'effet, dans les dé-
tails. Mais il manque à tout cela ce cachet d'inspiration originale,
individuelle, auquel on reconnaît les élus. C'est surtout dans ses
fragments pour orchestre, soli et chœurs, que M. Endrès nous a
démontré l'insuffisance de ses efforts. Scènes, récits, ensembles,
chœurs de pèlerins ou de lutins, orage, etc., tout est coulé dans le
même moule. Mûri par l'expérience, M. Endrès se défiera sans
doute une autrefois de sa fécondité facile et monotone, et ce jour-
là, nous l'engageons aussi à mieux choisir ses interprètes.
— Un concert du même genre, donné à la salle Herz par
Mlle Charlotte Jacques , pour y faire entendre exclusivement plu-
sieurs nouveaux morceaux de sa composition, a été plus heureux.
Elève très-distinguée de M. Leborne, cette jeune musicienne n'est
pas tout à fait une débutante; elle a publié quelques mélodies qui
ont été remarquées, et nous avons gardé le souvenir d'une fort gen-
tille opérette qu'elle a fait représenter, il y a deux ans, au théâtre
Déjazet. Un bon orchestre, dirigé par M. Placet, soixante choristes,
des soli confiés à MM. Henry Adam, baryton, et Eugène Guidon,
ténor, tels étaient les éléments qui concouraient à sa dernière audi-
tion. L'absence imprévue de M. Auguste Guidon et de Mlle Torini
ont malheureusement privé l'auditoired'une partie des promesses
de l'affiche. Mais ce que nous avons entendu, — et principalement
un allegro symphonique en mi bémol majeur, un air à grand
orchestre sur un sonnet inspiré par Alfred de Musset, une berceuse
et une cantate, — nous a suffi pour apprécier les qualités solides
et variées de Mlle Charlotte Jacques, et pour nous confirmer dans
nos espérances les mieux fondées sur son avenir de compositeur.
— Un pianiste anglais échappé à la catastrophe de Sheffield !
Quel texte pour les petits journaux qui voudraient que l'on fît une
Saint-Barthélémy de tous les pianistes sans exception ! Nous qui
n'avons pas le cœur aussi féroce, nous nous félicitons sincèrement
de l'heureuse chance à laquelle nous devons la visite de M. James
Wehli. Précédé en France par la réputation qu'il s'est acquise dans
le comté d'Yorck, et placé sous le patronage de quelques éminents
artistes de notre nation qui l'ont entendu à Sheffield , ce virluose
étranger est venu chercher à Paris la consécration de ses triom-
phes britanniques, et l'a obtenue pleinement au concert qu'il a
donné mercredi dans la salle Erard. M. James Wehli possède un jeu
brillant, plein de vigueur, de souplesse et d'élégance. Ses doigts
d'acier parcourent le clavier avec une agilité peu commune et ne
connaissent aucune difficulté. Tour à tour énergique et délicat, on
pourrait peut-être lui reprocher de ne savoir pas assez se défendre
de l'excès de ses qualités. Il en résulte des inégalités d'expression
et de style, qui sont surtout sensibles dans l'interprétation de mor-
ceaux dont l'effet est connu, comme ceux de Chopin, de Mendels-
sohn, de Haydn. Les compositions de M. James Wehli lui sont bien
plus favorables, et, le cadre admis, il ne nous reste plus qu'à louer
le charme entraînant de son exécution, soit qu'il joue, de sa main
gauche seulement, sa fantaisie-caprice sur la Lucia, ou bien encore
sa grande fantaisie sur Norma, soit qu'il dise des ouvrages de moin-
dre importance, tels que sa gracieuse et légère mélodie du Papillon,
ou sa polka di bravura. En somme, l'intérêt excité par l'annonce
de la soirée de M. Wehli n'a pas été trompé, nous n'en voulons pour
preuve que la persévérance avec laquelle ses auditeurs ont affronté
jusqu'au bout les inévitables longueurs d'une séance tout entière
consacrée au piano et à l'audition du même artiste.
— M. Vincent Adler est un des pianistes-compositeurs qui ne se
prodiguent pas, et qui, par cela même, ont le rare privilège d'éveiller
à un haut degré l'attention du public connaisseur. Sa soirée annuelle,
qui avait attiré une nombreuse affluence à la salle Herz, nous offrait,
comme les précédentes, deux attraits puissants : l'audition des œuvres
du bénéficiaire, unie à sa propre interprétation. On sait que M. Vin-
cent Adler n'est pas seulement un exécutant habile et doué des qua-
lités les plus rares et les plus variées, que ses compositions sont aussi
marquées au coin de cette science aimable qui n'exclut ni le charme
de l'idée, ni la grâce et l'originalité des détails. Sous ce double rap-
port, le succès le plus vif et le mieux mérité ne lui a pas fait défaut
un seul instant. La perfection avec laquelle il a interprété le Cor en-
chanté, fantaisie de Hummel, pour piano et orchestre, ainsi que l'an-
danteet le Dnale du concerto, avec orchestre, de Chopin, a ravi l'audi-
toire qui ne l'a pas moins applaudi lorsqu'il a fait entendre plusieurs
de ses ouvrages, et entre autres une délicieuse Valse rococo, et une
charmante Rhapsodie hongroise pour deux pianos, qu'il a exécutée
avec M. Lùbeck. Sa Sérénade hongroise, pour piano et violoncelle, lui
a valu aussi bien des bravos, dont une partie notable s'adressait éga-
lement au talent si justement estimé de M, Léon Jacquart. La blonde
Mlle Litschner, chargée de la partie vocale, s'est brillamment ac-
quittée de sa tâche avec un air des Nosze di Figaro et un air de
Freyschiitz.
— En dépit du froid qui avait recommencé à sévir le jour de Pâ-
ques, la direction du Pré Catelan n'a pas voulu retarder l'inaugura-
tion de ses concerts de jour, dont l'annonce avait été accueillie avec
joie par les promeneurs habituels des Champs-Elysées et du bois de
Boulogne. Aussi n'a-t-elle pas eu à se repentir d'avoir maintenu son
appel au public, qui s'est empressé d'y répondre. L'orchestre de
M. Forestier a bravement accompli son devoir; MM. Daubé et Mo-
reau, deux artistes d'un talent remarquable sur le violon et sur l'o-
phicléide, ont fait unanimement applaudir des fantaisies inspirées du
Trovatore et à'Ernani, et, pour couronner la fête , un très-joli bal
d'enfants a eu lieu sous les grands arbres, dont les premiers souffles
du printemps avaient déjà reverdi les feuilles.
Y.
LE L'ÉDUCATION MUSICALE PRÉVENTIVE
PEXDANT LA FRESIIËBE ET LA SECONDE ENFANCE.
(G yninnaUque de l'ouïe et de la voix.)
(2« article) (1).
La question que j'aborde le premier en France a sollicité en Alle-
magne et en Angleterre les plumes les plus vaillantes et les plus
habiles. Je ne lutterai point avec elles. Je ne me prévaudrai que de
ma bonne foi dans mon travail, et de mon désir d'être utile.
L'éducation, considérée comme art de donner aux êtres vivants
leur complet développement physique et moral, a pour mission de
rendre la jeunesse des deux sexes belle, saine, forte , intelligente et
honnête. Si ce programme, restreint à l'éducation musicale, était
rempli, le sentiment grandirait dans des proportions incalculables ;
l'abâtardissement que l'on remarque trop souvent dans les masse st
disparaîtrait bien vite, et l'âme subirait forcémen le contre-coup des
impressions bienfaisantes de la musique.
Sans doute il ne faut pas admettre que l'enfance soit semblable à
la cire molle que l'on pétrit et que l'on modèle à volonté ; mais il
est prouvé par l'expérience que, sauf de rares exceptions, une édu-
cation soigneuse, affectueuse, prévenante et habile peut neutraliser
les dispositions les plus fâcheuses, renouveler des sens faussés,
et, selon les cas, prêter aide au génie latent dans des sens
(1) Voir len- 10.
108
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
non encore éveillés. Chaque fois que nous observons une bande d'é-
coliers ou de jeunes filles se précipitant de la classe ou de l'étude,
criant, hurlant comme des fous, nous mesurons avec terreur ce qu'il
a fallu de contrainte pour produire ce délire de voix aigres, de cris
assourdissants, de hurlements qui n'ont rien d'humain; nous voyons ces
enfants gesticuler, se démener, épanouir à l'air la poitrine, et nous
analysons les tortures subies par ces membres qui secouent, avec
des gestes désordonnés, l'engourdissement fatal d'une longue immo-
bilité ; nous calculons combien d'air vicié ont respiré les poumons qui
recherchent avec tant d'avidité l'atmosphère vitale, et nous son-
geons combien les hommes gagneraient à une large émission de sons
bien pondérés, harmonieux et justes, qui seraient une joie si profita-
ble pour l'oreille, un avantage si grand pour la santé.
Pour ce qui tient aux ressorts de la vie humaine , l'oreille
ne le cède à aucun des autres organes. Si nous comparons son in-
fluence à l'influence de la vue, par exemple, nous trouvons que l'œil,
en guidant les mouvements et en indiquant, à distance, la position
exacte des corps extérieurs, veille plus immédiatement à l'intégrité
de l'organisme, tandis que l'ouïe tient de plus près au développement
de l'âme, en servant de moyen principal de communication pour
les idées et pour les sentiments. C'est, en effet, dans l'ouïe que se
trouve l'origine des sensations exprimées par les mots ton, timbre,
harmonie, accent, cadence, etc. L'oreille est le sens de la poésie et
de la musique. Elle est la porte par où pénètre ce qu'il y a de plus
élevé dans l'intelligence.
A la naissance, l'organe de l'ouïe est obtus et demande quelques
semaines pour donner et recevoir des sensations distinctes ; mais
alors il sollicite vivement l'attention, il influe beaucoup sur l'état de
gaieté ou de tristesse et, plus que tout autre, il a le don de provoquer
le rire ou les pleurs. Chaque bruit nouveau, chaque cri, chaque
froissement influence cette oreille pour qui chaque impression est
une nouvelle merveille. Il est prudent alors d'éviter à l'enfant des
cris aigres, des bruits discordants. Les déchirants aboiements
d'un chien que l'on frappe effraient cette ouïe sensible; on voit
le front de l'enfant se rider ; il souffre, il pleure. L'impression
a été nuisible. Le tic-tac des pendules douces, discrètes; la
sonnerie s'épandant en ondes suaves, lui plaisent et le font sou-
rire. Le bruit des instruments attire son attention, et il se prête
avec joie aux petits bonds que lui fait faire la mère ou la nour-
rice au rhythme de la musique. Les chants de nourrice, les ber-
ceuses répondent à ce besoin instinctif de salis faire le sens déjà
éveillé de l'oreille. La Jeune mère, de Schubert, est un chef-
d'œuvre du genre. Il est rare que les tout petits enfants ne
marquent leur satisfaction de l'entendre bien chanter ; on les voit
tendre tant qu'ils peuvent leur petite tête et leur oreille vers la voix
douce et veloutée qui murmure cette simple et ravissante mélodie.
Je me rappelle un effet tout contraire produit par un chant expres-
sif et pathétique : bien que j'eusse adouci l'expression et la voix,
l'effet fut énergique. L'enfant, qui avait dix à onze mois, eut un
spasme nerveux et pleura. Je repris tout de suite la Jeune mère,
de Schubert, et un moment après le calme était revenu sur la placide
figure de l'enfant.
Le piano agace les enfants. L'orgue, dans sa manifestation la plus
adoucie, les charme, les fait reposer. L'air du Sommeil, de la Muette,
accompagné avec l'harmonium, atténué par les sourdines et surtout
par le souffle à peine expiré de l'expression, a toujours ravi les
petits enfants devant qui je l'ai entendu bien chanter. J'en ai con-
seillé une fois l'expérience à Toulouse à Mme Didot. L'enfant écouta,
s'apaisa et ferma les yeux. Quand l'air fut fini dans un smorzando
exagéré pour faciliter l'action du repos, l'enfant rouvrit les yeux. Il
avait écouté et non pas dormi.
La disposition extérieure de l'appareil de l'ouïe suppose un pavil-
lon mince, mobile et légèrement tourné en avant. II faut donc désap-
prouver les mères qui appliquent pendant de longues années sur les
oreilles de leur enfant un bandeau destiné à en aplatir la conque et
à l'assujettir contre la tête. Elles achètent au prix de mille ennuis
pour elles-mêmes et de tortures pour l'objet de leurs soins, un em-
bellissement fort contestable, et le principe d'une infirmité réelle. Les
mères doivent laisser les oreilles de l'enfance parfaitement libres,
éviter la compression des bonnets, repousser enfin tout ce qui peut
empêcher l'accès de l'air extérieur et intercepter les sons. A cette
règle il n'y a d'exception que pour les organisations dévolues, soit
par l'hérédité, soit par disposition acquise, aux maladies des oreilles.
Dans ce ca-s, on protégera l'oreille malade contre l'action de l'air
froid et humide, contre les rayons d'un soleil brûlant, contre le choc
des agents extérieurs, contre les bruits très-forts et très-éclatants,
tels que les produisent les détonations des pièces d'artillerie, la réu-
nion des tambours et les instruments de cuivre.
Nous conseillons, pour ce qui regarde l'hygiène de l'organe,
de consulter un médecin qui joigne à son titre la qualité de musi-
cien. Mais il ne suffit pas de conserver à l'oreille sa santé maté-
rielle, il faut aussi en surveiller les fonctions. L'oreille est réel-
lement le sens de la poésie, du moins pour ce qui concerne le
rhythme et l'harmonie. Elle est le sens de la musique. Avec les im-
pressions qu'elle reçoit directement, elle a le privilège de diriger la
voix, la parole, le chant, d'en varier les inflexions et l'accent, d'in-
troduire dans l'âme, plus que tout autre sens, ce qui émeut, ce qu;
passionne. 11 suffit d'entendre le langage articulé que des efforts
persévérants parviennent à enseigner au sourd (on ne peut plus dire
muet) de naissance; il faut avoir frémi à l'audition de ces sons ai-
gres, monotones, discords et cependant distincts, pour comprendre
ce que l'harmonie peut ajouter à la parole. Ce n'est point par image
que l'on dit que les anciens, quand ils parlaient en public, se fai-
saient accompagner par une flûte chargée de maintenir leur voix au
même diapason, dans la même intonation mesurée, suave.
Une oreille instruite est un trésor précieux. La douceur si sou-
vent remarquée du parler méridional dans les relations de la vie,
étonne toujours les gens du Nord et s'explique par l'habitude qu'ont
tous les enfants d'être toujours à chanter, à entendre faire de la
musique et à en faire eux-mêmes. Mais une oreille instruite ne s'ob-
tient qu'avec des efforts persévérants et commencés dès la mamelle.
Il n'est pas indifférent que le petit enfant entende toute espèce
de sons. Les animaux eux-mêmes tout petits, les oiseaux jeunes ne
peuvent entendre sans une espèce d'horreur les cris glapissants, ai-
gus, faux; au contraire, ils se plaisent aux sons graves, pleins, har-
monieux. A plus forte raison, l'enfant éprouvera-t-il les mêmes im-
pressions. Les sons justes et doux lui sont favorables ; les sons faux,
aigres, lui sont nuisibles. S'il se calme dans ses chagrins et s'endort
sous la voix de sa mère disant une de ces ballades monotones et
douces dont l'adulte aime encore la cadence naïve, en revanche il se
fâche, se roidit, se désespère d'une chanson aigre et discordante.
Le son ne peut concerner en rien la figure, l'image, la tempéra-
ture ; il n'indique qu'une qualité des corps ; il a quelque chose de
plus spécial encore que la couleur, mais il n'offre d'analogie avec
aucune autre sensation. Cette spécialité même en fait un précieux agent
de rapports dans l'animalité et dans l'humanité. Grâce à lui, l'animal
peut être averti à grande distance de l'existence d'êtres fort divers.
Quand ses yeux sont paralysés par le manque de lumière, quand les
arbres d'une forêt ou les hautes herbes d'une prairie arrêtent sa
vue, l'ouïe veille et l'avertit de l'approche d'un ennemi. Elle donne
à la perdrix le moyen de réunir toute sa couvée dispersée par le
milan ou le renard; elle donne à une foule d'oiseaux et de quadru-
pèdes les moyens d'échanger des appels; elle entre pour beaucoup
dans la conservation d'une foule de races animées, et pour l'homme,
outre les jouissances musicales, elle est l'agent de communication.
Voyez le sourd de naissance ou d'accident, presque toujours il est
Dfc PARib.
109
triste et taciturne. Plus que l'aveugle, il est étranger à la vie de
ceux qui l'entourent, et pour l'initier aux progrès de l'esprit humain,
il faut d'immenses efforts. A peine si, depuis un siècle, le sourd-muet
peut devenir un homme instruit et s'initier aux sciences et à la civi-
lisation. Jusque-là, le fait physique lui était acquis par ses sens,
sauf le son, la musique, la parole et ce qui s'y rapporte; mais, n'ayant
pas le langage à sa portée, il était dépourvu des moyens de géné-
raliser et d'abstraire, il restait un enfant au milieu de l'état adulte.
De nos jours il n'en est pas de même : le signe écrit et accessible
à l'œil remplace le son et la parole; mais le sourd muet, tout en
ayant les moyens de développer son intelligence, n'en est pas moins
privé des jouissances de la musique, comme l'aveugle reste étranger
à la peinture et à l'architecture.
Maurice CRISTAL.
(La suite prochainement.)
NOUVELLES.
**„ Le théâtre impérial de l'Opéra a rouvert lundi, après le chômage
de la semaine sainte, par Robert le Diable. Le chef-d'œuvre de Meyer-
beer avait attiré une foule considérable, et la recette s'est élevée à près
de 11,000 fr. La représentation a été d'ailleurs magnifique. Mlle Marie
Sax, qui recevait quelques jours auparavant, à Lyon, une véritable
ovation, a mis dans le rôle d'Alice tout son talent de grande canta-
trice et de tragédienne. Gueymard a été fort remarquable dans le rôle
principal; Belval, indisposé, a été remplacé au dernier moment par,
Cazaux dans le rôle de Bertram. — Mercredi, Mlle Vernon a fait sa
rentrée dans la Muette de Portici, et vendredi on a donné le Docteur Ma-
gnus et la Muschera. — Aujourd'hui, dimanche, par extraordinaire,
Robert le Diable.
**„, Mlle Marie Sax vient de faire connaître, par l'envoi de billets de
faire part, son mariage avec M. Castan Castelmary.
*** La représentation des Huguenots avec Mlle Sax et Villaret aura
lieu au premier jour.
,,*» Lara continue d'obtenir beaucoup de succès au théâtre de
l'Opéra-Comique, où il fait de grosses recettes.
*** L'indisposition dont Mario souffrait déjà samedi au concert spi-
rituel, a forcé la direction du théâtre Italien de changer le spectacle
annoncé pour dimanche dernier; on a substitué Don Pasquale à Marta.
On sait que le rôle de Norina est un des plus charmants du répertoire
d'Adelina Patti ; on l'a donc énormément fêtée. Scalese et Délie Sedie ont
eu leur part du succès ; mais le ténor Pagans s'est montré bien faible.
— Si Mario et Naudin eont partis pour Londres, Fraschini est venu
brillamment les remplacer. Sa rentrée dans le Trovalore lui a valu une
véritable ovation, dont il était d'ailleurs digne à tous égards. Ses pre-
miers couplets dans la coulisse, l'air di quella pira, la cantilène du Mi-
serere, le duo final ont été dits tour à tour par le célèbre ténor avec
un charme, une énergie et un sentiment tels que les applaudissements
n'attendaient pas la fin du morceau. Mme Carlotta Marchisio s'est mon-
trée fort belle et fort dramatique dans le rôle de Leonora; elle a chanté
surtout le Miserere et le duo final en grande artiste. Aldighieri a eu
de beaux moments dans le rôle du comte de Luna. — Fraschini nous
reste jusqu'à la fin de la saison; il doit chanter avec Adelina Patti
dans Lucia, Marta et la Traviata. En outre, on a repris pour lui hierRigo-
letlo, et il va chanter dans la Lucrezia et un Ballo in maschera. Enfin,
la direction compte donner dans ce mois à ses abonnés la reprise de
la Cenereniola, celle de l'Italiana in Algieri, il Matrimonio segreto et Don
Giovanni.
*% Mme Charton-Demeur est arrivée à Paris pour prendre part aux
répétitions d'un Ballo in maschera.
*% Quelques coupures intelligentes ont été faites dans le nouvel
opéra de Gounod ; les représentations de Mireille données cette semaine
ont attiré beaucoup de monde,
*% Mme Ugalde a donné au rôle de Feroza, des Géorgiennes, un ca-
chet dont s'est avantageusement ressenti le nouvel opéra d'Offenbaeh.
La salle est remplie chaque fois qu'on le donne.
„** L'empereur d'Autriche a permis de céder la moitié de la recette
de la 9e et 10e loterie de l'Etat à la Société des Amis de la musique,
pour la construction d'une salle de concerts digne de la capitale de
l'empire.
„** Tous les journaux font mention de l'essai qui va être tenté par
le théâtre de l'Opéra pour substituer à la ramDe actuelle une nouvelle
rampe de l'invention d'un professeur de mathématiques, M. Subra, le-
quel paraît avoir résolu le problème longtemps cherché de préserver les
danseuses de l'accident qui a enlevé si malheureusement Mlle Livry et
qui fait encore si fréquemment des victimes. Le système de M. Subra
est aussi simple qu'ingénieux. Le bec d'où jaillit le gaz, au lieu d'être
placé à l'extrémité inférieure du verre, se trouve à l'extrémité supé-
rieure. Le verre communique par le bas avec un conduit hermétique
qui sollicite un grand tirage. Alors le gaz en combustion, non seulement
ne répand plus d'émanations, puisque la flamme est descendante, mais
encore il attire l'air de l'appartement qu'il assainit en même temps
qu'il l'éclairé davantage, car, par la chaleur concentrée du siphon, le gaz
brûle à une température plus élevée. Telle est l'heureuse disposition
des flammes descendantes de M. Subra que les tissus le3 plus inflam-
mables ont été suspendus au-dessus d'une rampe de cent becs de gaz
pendant plusieurs heures et qu'ils n'étaient même pas chauds, quoique
les flammes répandissent une clarté deux fois plus intense que l'an-
cienne rampe. Si l'expérience réussit, et tout porte à croire qu'elle
réussira, les autres théâtres n'attendront pas que ce système leur soit
imposé pour l'adopter. L'invention de M. Subra va d'ailleurs révolu-
tionner aussi l'ornementation des salons dans les appareils d'éclairage,
car mille avantages en ressortiront.
*** Un chanteur comique, très-connu en Angleterre, M. Sam-Corwell
et M. Nadaud, longtemps directeur des ballets au théâtre de Sa Ma-
jesté et au théâtre royal italien, viennent de mourir à Londres.
*** H. Eerlioz abdique décidément les fonctions de critique musical
qu'il remplissait depuis si longtemps au Journal des Débats; elles seront
désormais confiées complètement a M. d'Ortigue. M. Berlioz apportait
dans ses feuilletons, outre son remarquable talent d'écrivain et sa
grande autorité comme compositeur, une originalité et une humour
qui les rendaient fort remarquables, et qui les feront vivement re-
gretter.
„.% Aujourd'hui à deux heures, au Cirque Napoléon, le Festival de
Beethoven, avec 500 exécutants, sous la direction de Pasdeloup. En voici
le programme : 9e symphonie avec chœurs; soli par Mmes de Maësen,
Talvo et MM. Capoul et Troy. — Air de ballet de Prométhée. — Adélaïde,
cantate chantée par Capoul. — Concerto pour violon, exécuté par Vieux-
temps. — Scène et air : O perfido spergiuro barbaro, chantés par Mme de
Maësen . — Les Ruines d'Athènes.
#% Dimanche dernier, dans une réunion d'artistes et de connais-
seurs distingués, nous avons eu l'occasion d'entendre le deuxième trio pour
piano, violon et violoncelle, de la composition de B. Damcke, et exé-
cuté par l'auteur, MM. J. Servais et Chaîne. L'auteur ne pouvait cer-
tainement désirer d'auxiliaires plus zélés et plus habiles. Disons tout de
suite que Servais, dans l'exécution de quelques morceaux de sa com-
position (entre autres un duo pour deux violoncelles, pour lequel il
s'est adjoint un jeune élève, M. Jonas, qui promet de marcher sur les
traces de son maître), s'est montré digne du rang que l'Europe lui
assigne parmi les plus brillants virtuoses de ce temps. Quant au nou-
veau trio de M. Damcke, le caractère noblement mélancolique du pre-
mier morceau, la fougue passionné? du scherzo, le charme plein de
suavité du thème avec variations qui forme l'andante, le finale enfin par
sa facture ingénieuse autant que savante, ont provoqué d'unanimes ap-
plaudissements de la part des auditeurs, parmi lesquels se trouvaient
MM. Berlioz, d'Ortigue, Léon Kreutzer, Stephen Heller, Jules Schulhoff,
J. Wieniawski, etc. Cette œuvre de B. Damcke est un digne pendant de
son premier trio, de sa sonate pour piano et violoncelle, de la sonate
à quatre mains, et assignent à leur auteur une des meilleures places
parmi les compositeurs sérieux de notre époque.
»*,, Rossini, Auber, Meyerbeer et Ambroise Thomas ont honoré
de leur présence les ateliers de MSI. A. Cavaillé-Coll et Ce pour enten-
dre le savant professeur Lemmens sur un nouvel orgue de ces habiles
facteurs. Dans trois séances consécutives, M. Lemmens a joué plusieurs
de ses compositions fort remarquables par l'élévation du style et par
la richesse de la mélodie. Nos illustrations musicales et la société dis-
tinguée qui assistaient à ces intéressantes auditions ont affirmé par de
nombreuses marques de satisfaction le degré de perfection exception-
nelle des instruments de MM. A. Cavaillé-Coll et la magistrale exécution
du grand organiste.
„** Deux célébrités de l'art du violon sont à Paris en ce moment.
Jean Becker, qui se fait entendre aujourd'hui au concert du Conserva-
toire, et Henri Vieuxtemps, qui joue au festival de Beethoven.
4*# Le neuvième numéro de l'autographe qui a paru vendredi der-
nier contient un croquis du monument élevé à la mémoire d'Halévy,
par MM. Lebas, l'architecte, et Duret, le sculpteur. Le fac-similé de
deux lettres écrites par ces deux artistes est joint au croquis; le tout
accompagne la reproduction des charmantes lettres d'Halévy, adressées
de Nice, le 4 et le 31 janvier 18B2, à M. Edouard Monnais, et que l'on,
a pu lire dans les Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'un frère.
(Voir Gazette musicale, mai 1863.)
110
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
*** La célèbre cantatrice, Ida Bertrand, donnera samedi prochain,
9 avril, une soirée tout exceptionnelle par le nom et le talent des ar-
tistes. Elle s'y fera entendre, ainsi que sa sœur, Mme Marias; Giulia
Grisi , Levasseur, Gardoni , Geraldy chanteront à côté d'elle et avec
elle : M. White jouera du violon. M. Samson et Mlle Dupont y diront
des scènes de comédie : rien ne manquera donc à la fête.
t*+ Voici le programme de l'intéressant concert que l'excellent pia-
niste-compositeur Edouard Wolff donnera à la salle Erard, et dont tous
les morceaux sont de sa composition: Elégie, mélodie-étude, deux chan-
sons polonaises, nocturne, impromptu. Sérénade de concert (inédite),
barcarolle pour le piano et deux duos pour piano et violon sur Orphée
et les Noces de Figaro, par Vieuxtemps et Wolff.
„% Nous avons entendu hier, dans les salons de M. Mortureux,
Lisehen et Fritzohen, par M. Berthelier et Mlle Frasey. Ils ont obtenu un
très-grand succès; on leur a fait bisser le duo. M. Berthelier et
Mlle Frasey sont demandés à Arras et à Amiens pour exécuter cette
pièce à la Société philharmonique.
„,% La semaine dernière, le célèbre docteur Trousseau donnait dans
ses salons une soirée musicale qui réunissait Mme la baronne de Caters,
sa belle-sœur, Mme Meric-Lablache, Gardoni, Délie Sedie, Armingaud et
Charles de Beriot. Le programme était aussi riche que bien choisi : le
quatuor de Marta; celui de Rigoletto; le quatuor bouffe, Vadasi via, de
Martini ; le Stabat, de Rossini, et plusieurs autres morceaux non moins
remarquables ont été exécutés avec la perfection attendue de semblables
artistes. Rarement fête musicale a été si complète et a si bien réussi.
+% On annonce pour demain lundi à \a] salle Herz, une intéres-
sante soirée donnée par Mlle Hélène de Katow, violoncelliste , et
MM. Guidon frères, avec le concours de Mmes Wekerlin-namoreau,
Ernest Bertrand, MM. L. Diémer et A. Durand. On finira par une nou-
velle comédie en vers de M. Théodore de Banville. S'adresser pour les
billets à l'avance, au Ménestrel, '■Ibis, rue Vivienne.
**„ A l'imitation des concerts que M. Pasdeloup a organisés en der-
nier lieu avec tant de succès, M. Dejean donnera pendant l'été des
concerts classiques au Cirque de l'Impératrice. M. Deloffre, chef d'or-
chestre du théâtre Lyrique, aura la direction de ces concerts, où se-
ront exécutées les œuvres des grands maîtres. On annonce les deux
premiers pour le 10 et le 17 avril.
„.*» Résultat des concours de composition musicale, ouverts par le
Comité du Progrès artistique, le 15 juillet 1863, et clos le 15 janvier
1864. — Ouverture. Prix: épigraphe, Over Mil, Over dale, etc. (Shaks-
peare), à M. A. Dcvin-Duvivier. — Mention honorable : épigraphe, Puis-
sant Palcstrina, vieux maître, etc. — Chœur. Prix : épigraphe, La mu-
sique est un art divin, à M. Charles Dancla, professeur au Conservatoire.
— Membres du jury : MM. Henri Reber, de l'Institut, président; Besozsi,
Deldeve:, de l'Opéra; Foulon, Gevaért, Gustave Lefèvre. A. Elwart, rap-
porteur.
„*„ Le concert donné par M. de la Nux dans les salons Pleyel a été
très -brillant. M. de la Nux est un de nos pianistes les plus distingués ;
excellent musicien, il sait donner à chaque composition la couleur et
le style qui lui appartiennent. Il a joué le trio en sol de Beethoven
avec MM. Jacquard et White. La finesse et le brio des exécutants leur
ont valu les suffrages de l'auditoire entier. Dans une ravissante sonate
à deux pianos, de Mozart, qu'il a jouée avec sa petite fille de douze
ans, son élève, il nous a prouvé qu'il est aussi excellent professeur. En
outre, M. de la Nux a joué une polonaise triomphale, de Wieniawski,
un nocturne, de Chopin, la Fikuse, de Mendelssohn, et la Danse des
Sylphes, de Rqsenhain, d'une manière très-remarquable. Ce dernier
morceau lui a été redemandé aux applaudissements de la salle entière.
MM. Jacquard et White ont fait, comme toujours, très-grand plaisir
par l'exécution de leurs solos.
„*» On nous écrit de Barcelone qu'un jeune chanteuse, Mlle Linas
Martorelli, a fait son début avec un très-grand succès; saluée par les
bravos après la cavatine, on l'a rappelée plusieurs fois.
±% La Revue musicale du journal espagnol la Epoca, du 28 de ce
mois, contient un article des plus élogieux sur l'abécédaire vocal de
Panofka qui a paru tout récemment traduit en langue espagnole. L'au-
teur de l'article exprime l'espoir que le Conservatoire royal de Madrid
adoptera cet excellent ouvrage. Nous ne doutons pas que cela ne se fasse
bientôt; car cet établissement compte parmi ses directeurs M. Valde-
mosa, réminent compositeur, maître de chapelle de S. M. la reine qui,
comme l'on sait, est un homme de progrès.
„** L'éditeur Adolphe Catelin vient de publier trois nouvelles livrai-
sons de la collection des chefs-d'œuvre des grands maîtres, pour piano
(petites mains) : l'une sur le Dilettante d'Avignon, d'Halévy, par J.-L.
Battmann, et les deux autres sur 11 Crociato, de Meyerbeer, par H. Wol-
fart.
„.% S. Exe. le ministre de l'instruction publique vient de nommer
une commission chargée de mettre l'enseignement de la musique en
rapport avec le plan général des études. Cette commission est compo-
sée de : M. Ravaisson, inspecteur général de l'Université, membre de
l'Institut; M. Félicien David, compositeur; M. Gevaërt, compositeur;
M. Laurent de Rillé, compositeur; M- Marmontel, professeur au Con-
servatoire ; M. Georges Hainl, chef d'orchestre de l'Opéra; M. l'Epine,
chef du cabinet de S. Exe. le président du Corps législatif; M. Blan-
chant, chef du cabinet de S. Exe. le ministre de l'instruction publique.
„% L'association des Artistes musiciens fera célébrer demain lundi,
jour de l'Annonciation, à midi, dans l'église Notre-Dame, une messe
solennelle en musique, de M. François Bazin. Cette messe, qui sera
chantée par six cents exécutants de l'Orphéon de la ville de Paris, sera
précédée de la marche religieuse , avec accompagnement de harpes,
d'Adolphe Adam. A l'offertoire, M. Warot chantera un Ave Maria, com-
posé spécialement pour la circonstance par M. François Bazin. La mu-
sique de la garde de Paris, sous la direction de son chef, M. Paulus,
contribuera par son concours à l'éclat de cette solennité, dont le pro-
duit est destiné à la bienfaisance. On peut se procurer à l'avance des
billets d'enceinte réservée, chez M. Bolle-Lasalle, trésorier de l'œuvre,
rue de Bondy, 68.
„*„ Le concert de Joseph Wieniawski reste fixé à demain 2 heures.
L'éminent artiste exécutera, en compagnie deSivori et l'iatti, le deuxième
trio de Mendelssohn, et seul la Tarentelle inédite de Rossini, un adagio
de Beethoven, une gavotte de Bach, ainsi qu'une mazurka et polonaise
triomphale, composées par lui-même. Outre Sivori et Piatti, qui joue-
ront la Mélancolie de Prume, et la barcarolle de Marina Falicro, Mme
Miolan-Carvalho se fera entendre dans ce remarquable concert en y
chantant l'air d'Actéon.
*** Le compositeur Abert, l'auteur de la symphonie Christophe Co-
lomb, dont il a été plusieurs fois question dans ce journal, est entière-
ment rétabli ; il vient de quitter Loewenberg pour retourner à Stutt-
gard, sa ville natale.
„,% M. Oechsner donnera, par invitations, vendredi 8 avril, à 8 heures
1/2 du soir, salle Pleyel, une séance de musique de chambre de sa
composition, avec le concours de Mlle Caroline Lévy, Mme E. Ber-
trand, et de MM. Norblin, Lebrun et CoJblain.
„*» Dimanche 10 avril, salle Erard, concert donné par M. Melchior
Mocker, avec le concours de MM. Jacquard et Lebrun pour la partie
instrumentale ; de Mlle Marie Deternoy, de MM. Bach, Caron et Lyonnet
frères pour la partie vocale.
**„ M. Ch. Lebouc annonce son quatuor annuel pour le dimanche 10
avril, à 2 heures, salle Herz, avec le concours de Mmes Wekerlin-Da-
moreau et Ernest Bertrand, de Mlle Rémaury, de MM. Dorus, Triébert,
Rousselot, White, Ad. Blanc, Gouffé et Maton.
„% M. A. Bessems donnera une séance musicale du plus grand in-
térêt le 12 avril, dans les salons de Pleyel. M. Bessems y fera exécuter
plusieurs de ses nouvelles compositions, ainsi que M. Ch. de Bériot, qui
s'y fera entendre.
„*„. M. Henri Potier, professeur au Conservatoire, vient d'ouvrir un
cours spécial d'harmonie et d'accompagnement pratique, divisé en har-
monie pratique appliquée au piano, accompagnement de basse chiffrée,
transposition, lecture de la grande partition. — Les cours pour les
hommes auront lieu les lundis et vendredis, de neuf heures à onze heu-
res du matin. — Les cours pour les dames, de midi à deux heures, les
mardis et samedis. Personne mieux que M. Henri Potier ne serait en état
de professer cet enseignement, que lui ont rendu si familier ses fonc-
tions d'accompagnateur à l'Opéra et ses leçons au Conservatoire ; c'est
un véritable service qu'il rend à l'art musical.
„** Le Pré Catelan donne aujourd'hui, dimanche, une grande mati-
née musicale, dans laquelle se feront entendre MM. Moreau, Mosen,
Garrimond et Dufour, solistes de premier mérite. On sait que l'orchestre
de symphonie et le gracieux bal d'enfants du Pré Catelan sont volon-
tiers le rendez-vous des promeneurs et des brillants équipages qui se
pressent le dimanche au bois de Boulogne.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„% Londres, 31 mars. — L'ouverture du théâtre de Covent-Garden s'est
faite hier au soir avec autant d'éclat et d'affluence que l'on peut se l'i-
maginer. La salle a subi une restauration, ou plutôt une métamorphose
complète pendant les quelques jours de clôture. Tout le monde était à
sa place avant le lever du rideau, et les bravos ont accueilli l'entrée de
Costa et l'hymne national admirablement chanté par le chœur On jouait
Norma, et Mlle La Grua s'y est posée comme l'artiste appelée à rem-
placer Giulia Grisi dans ce rôle immense. Cependant son succès ne
DE PARIS.
111
s'est pas prononcé dans le premier acte avec autant de force que dans
le second; on se contentait d'admirer ses attitudes, ses gestes de grande
tragédienne, jusqu'à ce qu'on rendît pleine justice à l'expression pathé-
tique et grandiose de sa voix dans les scènes capitales de l'œuvre. Nau-
din chante le rôle de Pollion avec une rare énergie, et Mlle Battu met
beaucoup de charme dans celui d'Adalgise. Norma a dû être rejouée,
et samedi Masanielh était annoncé pour la rentrée de Mario et de Gra-
ziani.
„,% Bruxelles. — La Compagnie italienne a commencé ses représenta-
tions au théâtre national du Cirque par la Traviata. Un accident a
failli compromettre cette représentation. Des plâtras se sont tout à
coup détachés du plafond et sont lourdement tombés au milieu des
spectateurs ; heureusement ces derniers étaient clair-semés et personne
n'a été blessé. — La société de la Réunion lyrique donnera, le 16 avril,
un brillant concert dans lequel se feront entendre M. et Mme Léonard.
On y exécutera le Désert, de Félicien David. Les engagements succes-
sifs de M. et Mme Léonard, par les diverses sociétés de la capitale, sont
le meilleur témoignage du cas qu'on fait de leur talent ; s'ils se déci-
daient à donner des concerts, nul doute que la faveur générale ne
leur fût acquise d'avance. La saison est presque à son déclin, il n'y a
pas de temps à perdre. M. Léonard a joué à Lille, au Cercle du Nord,
avec un succès enthousiaste. Le 28 mars, il était, avec Mme Léonard,
à Valenciennes, où depuis nombre d'années on ne se lasse pas d'applau-
dir au talent si distingué des deux éminents artistes. — Une audition
des œuvres de Pierre Benoît a eu lieu au Palais ducal devant un public
nombreux. L'orchestre, sous la direction de M. Fischer, a exécuté un
Noël, inspiration poétique et pleine de charme, un Te Deum aux accents
imposants, pleins de verve et d'imagination, et des fragments d'un Re-
quiem, l'œuvre la plus remarquable de l'auteur. Rappelé à plusieurs re-
prises, M. P. Benoît a donné dans cette séance une haute opinion de
son genre, et il a reçu de son côté les témoignages les plus sympa-
thiques de son nombreux auditoire.
*% Hanovre. — Au huitième et dernier concert d'abonnement , Joa-
chim a joué la sonate de Tartini avec la précision et l'entrain qui ca-
ractérisent son beau talent. M. Gunz a chanté un air de Rose et Colas3
par Monsigny. Cet échantillon de l'ancien style d'opéra-comique a
charmé l'auditoire par sa fraîcheur et sa simplicité.
„% Brunswick. — Le théâtre de la cour vient de donner un opéra
nouveau en deux actes : la Meunière de Marly, par M. Tésier, pseudo-
nyme sous lequel se cacherait un diplomate haut placé.
*% Leipzig. — A l'église Saint-Thomas on a exécuté, selon l'usage,
pendant la semaine sainte, la Passion, de Sébastien Bach, d'après l'é-
vangile de saint Matthieu.
„% Darmstadt. — Iphigénie en Aulide, par Gluck, a eu le plus grand
succès au théâtre grand- ducal. Mme Nimbs-Michaëlis a eu des moments
admirables dans le rôle de Clytemnestre. — Il y avait foule au concert
de Carlotta Patti, et de MM. Jaell et Laub.
t*# Vienne. — La saison de l'opéra allemand va finir; pour les trois
dernières représentations on a choisi le Postillon de Longjumeau, Don
Juan et le Prophète. Le 30 de ce mois doit avoir lieu une représenta-
tion extraordinaire du chef-d'œuvre de Meyerbeer, au bénéfice des
établissements publics de bienfaisance. — Johann Strauss est parti avec
son orchestre pour Saint-Pétersbourg ; il s'arrêtera dans les principales
villes qui se trouvent sur sa route pour y donner des concerts, à com-
mencer par Berlin. — Le règne de Strauss semble du reste toucher à
son terme; un autre compositeur de danses et directeur d'un orchestre
parfaitement exercé attire, en ce moment, l'attention de tout Vienne.
C'est M. C.-M. Fiehrer, dont les deux premières compositions, une
valse, les Modes viennoises, et une polka , la Chasseresse, sont devenues
populaires en peu de jours.
,*4 Berlin. — A l'occasion de l'anniversaire de la naissance du roi, le
théâtre de la cour a représenté l'Ambassadrice, d'Auber. Mlle Artot a
récité et chanté le rôle d'Antoinette en allemand; l'éminente canta-
trice a été rappelée à la fin de chaque acte. — Au théâtre Wilhelms-
tadt a eu lieu la reprise d'un opéra presque centenaire : la Chasse, par
Hiller; la musique, quoique surannée et comme idées et comme forme,
a conservé un certain charme, un air de naïveté et de candeur, qui
ont fait plaisir. On attend le célèbre ténor Niemann, qui doit chan-
ter les rôles de F. Cortez, du Prophète, et de Joseph en Egypte, etc.
**„, Turin. — Le succès de l'opéra de Petrella, la Contessa d'Amalfi,
s'est changé en véritable enthousiasme ; à chaque représentation le
théâtre est pris d'assaut, et le public ne se lasse pas d'applaudir et de
bisser la plupart des morceaux. On nous écrit que jamais succès n'a été
plus mérité, et qui connaît la sévérité du public de Turin doit reconnaî-
tre que la réussite de l'opéra à Turin est la meilleure garantie pour son
avenir. Comme Jone et Precauzioni, du même auteur, la Comtesse d'A-
malfi aura bientôt fait le tour de l'Italie. — Les directeurs de nos diffé-
rents théâtres ont formé leurs troupes pour la saison du printemps et
publié leurs programmes. Ils n'offrent rien de saillant. — L'établisse-
ment de Francesco Lucca vient de publier la partition pour piano et
chant A" Aida (Ilaydée), d'Auber. La traduction italienne a été faite par
M. Marcello.
„.% Rome. — Mme Trebelli-Bettini et son mari sont engagés ici pour
la saison d'automne.
„% Naplcs. — Mlle Titjens a terminé ses représentations au théâtre
San Carlo par celle de Norma donnée, en sus de son engage-
ment, à la prière du directeur et du public auquel elle a fait ses
adieux et qui lui a montré la plus grande sympathie, lui tenant ainsi
compte de ses efforts pour soutenir, au milieu de l'entourage le plus
médiocre, le fardeau d'une saison complètement dépourvue de nou-
veautés, et même des premiers éléments d'une bonne exécution pour
les vieilleries représentées.
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et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
N° 15.
REVUE
10 Avril 1861
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r.parai
Départements, Belgique et Suisso.... 3(1» id-
Btraaser 34 . id.
Le Journal parait le Dimanche,
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Giacomo Meyerbeer (1" article), par Fétis père. — Semaine
musicale, par Paul Smith. — Auditions et concerts. — Nouvelles et an-
nonces.
Nous empruntons au sixième tome de la Biographie universelle des
musiciens (seconde édition), la notice entièrement neuve que l'au-
teur, M. Fétis père, a consacrée à l'une des plus grandes illustra-
tions de notre siècle.
MEYERBEER (Giacomo).
(Premier article.)
Compositeur de musique dramatique et chef d'une école nouvelle,
Meyerbeer est né à Berlin, le 5 septembre 1794 (1), d'une famille
riche et honorable, dont plusieurs membres ont cultivé les scien-
ces et les arts avec succès. Guillaume Béer, second frère de
l'artiste qui est l'objet de cette notice, est compté parmi les bons
astronomes de l'Allemagne, et s'est fait connaître au monde savant
par une carte de la lune qui a obtenu le prix d'astronomie à l'Aca-
démie des sciences de Berlin. Michel Béer, autre frère du célèbre
compositeur, mort à la fleur de l'âge, était considéré comme un des
jeunes poètes allemands dont le talent donnait les plus légitimes es-
pérances. Sa tragédie du Paria et son drame de Struemée ont eu
du retentissement dans sa patrie.
Dès l'âge de quatre ans, l'intelligence musicale de Meyerbeer se
manifestait déjà par des signes non équivoques : saisissant les mélo-
dies des orgues ambulantes, il les transportait sur le piano et les
accompagnait harmonieusement de la main gauche. Étonné de voir
de si heureuses dispositions dans un enfant de cet âge, son père ré-
solut de ne rien négliger pour en hâter le développement. Lanska,
élève de Clementi et pianiste distingué, fut le premier maître auquel
(1) La Gazette générale de Leipsick (38e année, page 876) et le Dictionnaire de
la Conversation, suivis par Schilling, Gassner et d'autres, ont fixé l'année de la
naissance de Meyerbeer en 1791 ; cette erreur provient de ce que, dans le compte
rendu d'un concert donné à Berlin, le li octobre 1800, où Meyerbeer avait fait
admirer son habileté sur le piano, on le dit âgé de neuf ans, quoiqu'il ne fût que
dans sa septième année.
il le confia. Aux principes rationnels de mécanisme, puisés dans l'é-
cole de son illustre professeur, Lanska unissait l'art de bien ensei-
gner. Ce fut vers cette époque qu'un ami intime de la famille Béer,
nommé Meyer, et qui avait voué à cet enfant une affection toute pa-
ternelle, lui laissa par testament une fortune considérable, sous la
condition qu'au nom de Béer il ajouterait celui de Meyer, d'où est
venu le nom de Meyerbeer. Déjà, la Gazette générale de musique,
de Leipsick, rendant compte d'un concert donné à Berlin le 14 oc-
tobre 1800, où le jeune artiste s'était fait entendre pour la première
fois en public avec un succès extraordinaire, avant d'avoir accompli
sa septième année, l'appela de ce nom. Les renseignements recueillis
sur les lieux par l'auteur de cette notice prouvent que les progrès
de cet enfant avaient été si rapides, qu'à l'âge de six ans il étonnait
déjà les professeurs, et que dans sa neuvième année il était compté
parmi les pianistes les plus habiles de Berlin. La même Gazette mu-
sicale dit, dans l'analyse de deux concerts donnés au théâtre de
cette ville, le 17 novembre 1803 et le 2 janvier 1804, que Meyer-
beer y avait fait preuve d'une habileté et d'une élégance de style
remarquables. L'abbé Vogler, organiste et théoricien alors fort re-
nommé en Allemagne, l'entendit à cette époque. Frappé de l'origi-
nalité qu'il remarquait dans les improvisations de l'enfant, il prédit
qu'il serait un grand musicien. Plus tard, démenti visita Berlin, et
l'exécution de Meyerbeer lui inspira tant d'intérêt que, malgré son
aversion plus prononcée chaque jour pour l'enseignement, il lui
donna des leçons pendant toute la durée de son séjour dans la ca-
pitale de la Prusse.
A peine âgé de douze ans, et quoiqu'il n'eût jamais reçu de leçons
d'harmonie, Meyerbeer avait déjà, sans autre guide que son instinct,
composé beaucoup de morceaux de chant et de piano. Des amis éclai-
rés y reconnurent le germe d'un beau talent, et décidèrent ses pa-
rents à lui donner un maître de composition Celui qu'on choisit fut
Bernard-Anselme Weber, élève de Vogler et chef d'orchestre de
l'Opéra de Berlin. Admirateur enthousiaste de Gluck, passionné pour
la belle déclamation musicale de ce grand artiste, fort expert d'ailleurs
en matière de style dramatique, Weber pouvait donner d'utiles con-
seils à son élève sur la coupe des morceaux, sur l'instrumentation
et sur les applications esthétiques de l'art d'écrire ; mais, faible har-
moniste et manquant d'instruction dans la didactique des divers gen-
res du contre-point et de la fugue, il lui était impossible de le guider
114
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dans ces études difficiles. Pendant quelque temps, Meyerbeer fit, un
peu à l'aventure, des efforts pour s'instruire. Un jour, il porta une
fugue à son maître : émerveillé de ce morceau, Weber le proclama
un chef-d'œuvre, et s'empressa de l'envoyer à l'abbé Vogler, afin de
lui prouver qu'il pouvait aussi former de savants élevés. La réponse
se fit longtemps attendre; enfin arriva un volumineux paquet qui fut
ouvert avec empressement. 0 surprise douloureuse ! au lieu des élo-
ges qu'on espérait, on y trouva une sorte de traité pratique de la
fugue, écrit de la main de Vogler et divisé en trois parties. Dans la
première, les règles pour la formation de ce genre de morceaux de
musique étaient exposées d'une manière succincte. La seconde par-
tie, intitulée la Fugue de l'élève, contenait celle de Meyerbeer, ana-
lysée dans tout son développement : le résultat de l'examen prouvait
qu'elle n'était pas bonne. La troisième partie, qui avait pour titre :
la Fugue du maître, était celle que Vogler avait écrite sur le thème
et les contre-sujets de Meyerbeer. Elle était aussi analysée de me-
sure en mesure, et le maître y rendait compte des motifs qui lui
avaient fait adopter telle forme et non telle autre (1).
Weber était confondu; mais pour Meyerbeer la critique de Vogler
fut un trait de lumière. Après la lecture des deux analyses compa-
ratives, un bandeau lui tomba des yeux. Tout ce qui, dans l'ensei-
gnement de Weber, lui avait paru obscur, inintelligible, lui devint
clair et presque facile. Plein d'enthousiasme, il se mit à écrire une
fugue en huit parties, d'après les principes de l'abbé Vogler, et la
lui envoya directement. Ce nouvel essai ne fut plus accueilli de la
même manière par le maître. « Il y a pour vous un bel avenir dans
l'art, écrivait-il à Meyerbeer. Venez près de moi ; rendez-vous à
Darmstadt ; je vous recevrai comme un fils, et je vous ferai puiser à
la source des connaissances musicales. »
Après une invitation si flatteuse et si formelle, le jeune musicien
n'eut plus de repos qu'il n'eût obtenu de ses parents la permission
d'en profiter; enfin, il fut au comble de ses vœux. Il avait quinze
ans lorsqu'il devint élève de l'abbé Vogler. Ce maître, qui jouissait
alors de la réputation du plus profond musicien de l'Allemagne, avait
fondé une école de composition où s'étaient formés autrefois des ar-
tistes de mérite, parmi lesquels on remarquait Winter, Ritter, Knecht
et plusieurs autres. Dans la nouvelle école établie à Darmstadt, Gansba-
cher, qui fut plus tard maître de chapelle de l'église Saint-Etienne, à
Vienne, était, ainsi que Ch. Maria de Weber, le condisciple de Meyer-
beer. Incessamment occupés d'études sérieuses, les élèves de Vogler
avaient chez lui une existence tout artistique et scientifique. Après sa
messe, le maître les réunissait et leur donnait une leçon orale de contre-
point ; puis il les occupait de la composition de quelques morceaux de
musique d'église sur un thème donné, et terminait la journée par l'exa-
men et l'analyse de ce que chacun d'eux avait écrit. Quelquefois Vogler
allait à l'église principale, où il y avait deux orgues. Là, ils improvi-
saient ensemble, sur les deux instruments, chacun prenant à son tour
le sujet de fugue donné, et le développant. C'est ainsi que se fit
pendant deux ans l'éducation technique de l'auteur de Robert le Dia-
ble. Au bout de ce temps, Vogler ferma son école et se mit en route
avec ses élèves pour visiter les villes principales de l'Allemagne,
puisant dans ce qu'ils entendaient des sujets d'entretien et de leçons.
Avant de quitter Darmstadt, Meyerbeer, alors âgé de dix-sept ans,
fut nommé compositeur de la cour. Le grand-duc lui accorda cette
distinction après avoir entendu un oratorio {Dieu et la nature) que
le jeune artiste venait d'achever, et qui fut exécuté à Berlin, le 8 mai
(1) Ce travail a été imprimé après la mort de Vogler, sous ce titre : System
Jûr den Fugenbau, als Einleitung zur harmonischen Gesang-Verbindungs Lehre
(Système de la construction de la fugue, comme introduction à la science du chant
harmonique concerté). Offenbach, André, in-8" de 75 pages de texte et 35 pages
de musique, malheureusement l'analyse du maître manque souvent de justesse, et
sa propre fugue n'est pas des meilleures.
1811, dans un concert donné par Weber au Théâtre Royal. Les solos
furent chantés par Eunike, Grell et Mlle Schmalz. On Irouve une
analyse thématique de cet ouvrage dans la Gazette musicale de Leip-
sick (13e année, p. 570), où l'on voit que déjà Meyerbeer cherchait
des formes nouvelles et des effets inconnus. Cette partition n'était
pas la seule qu'il eût écrite dans l'école de Vogler, car il avait com-
posé beaucoup de musique religieuse qu'il n'a pas fait connaître jus-
qu'à ce jour (1862).
Le temps de la production active était arrivé pour Meyerbeer. A
dix-huit ans, il fit représenter à Munich son premier ouvrage dra-
matique, intitulé : la Fille de Jephté. Le sujet, développé en trois
actes, était plutôt un oratorio qu'un opéra. Encore tout saturé des
formes scolastiques, Meyerbeer ayait mis peu de charme mélodique
dans cette composition : elle ne réussit pas. Jusqu'alors il avait ob-
tenu de brillants succès comme pianiste et comme improvisateur ; il
résolut de se rendre à Vienne, la ville des pianistes, et de s'y faire
connaître comme virtuose. Le soir même de son arrivée, il eut oc-
casion d'entendre Hummel, alors dans tout l'éclat de son talent. Ce
talent n'avait ni le caractère majestueux, ni l'éclat qui se faisaient
remarquer dans l'exécution de démenti, et qui se reproduisaient
avec plus de jeunesse et de feu dans le jeu de Meyerbeer ; mais c'é-
tait une émanation pure, claire et d'un charme inexprimable. Le
jeune artiste comprit tout d'abord l'avantage qu'avait, à cet égard,
sur lui l'école viennoise, et, ne voulant pas être vaincu, il prit la ré-
solution de ne se produire en public qu'après avoir réuni aux qua-
lités propres de son talent, celles de sis rivaux. Pour atteindre le but
qu'il se proposait, il s'enferma pendant dix mois, se livrant à de con-
tinuelles études sur l'art de lier le jeu harmoniquement et faisant
subir à son doigter les modifications nécessaires. Après ces efforts,
dont une conscience dévouée d'artiste était seule capable, Meyer-
beer débuta dans le monde élégant et fit une impression si vive, que
le souvenir s'en est longtemps conservé. Moschelès, qui l'entendit,
m'a dit plusieurs fois que si ce grand artiste s'était posé alors uni-
quement comme virtuose, peu de pianistes auraient pu lutter avec lui;
mais déjà, d'autres vues occupaient son esprit. C'est ici le lieu de
mentionner une idée bizarre qui tourmenta sa jeune tète à celte
époque (1813). Frappé du succès que l'originalité de ses composi-
tions et la nouveauté de ses traits brillants avaient obtenu, il se
persuada que les pianistes voulaient s'en emparer, et pour échapper
à ce danger imaginaire, il se décida à retarder de quelques années
la publication de sa musique de piano. Dans la suite, préoccupé de
ses travaux pour le théâtre, il cessa de se faire entendre et mêvoe de
jouer du piano, en sorte qu'il finit par oublier la plus grande partie
de sa musique instrumentale, dont il n'avait rien écrit, et que cette
musique fut perdue pour l'art. Cependant il a dû écrire certains ou-
vrages dont les journaux ont parlé avec de grands éloges, et dont
les manuscrits se retrouveront peut-être quelque jour; par exemple,
des variations sur une marche originale, exécutées par l'auteur dans
un concert donné à Leipsick, ainsi qu'une symphonie concertante pour
piano, violon et orchestre, composée par Meyerbeer, et exécutée par
lui et le violoniste Weit, à Berlin, le 4 février 1813.
Je viens de dire que Meyerbeer cessa de jouer du piano comme
virtuose; mais il lui est resté de ses études sur cet instrument le talent
le plus parfait d'accompagnateur que j'aie entendu. Je fus frappé de
la beauté de ce talent dans les concerts de salon donnés par le roi
de Prusse aux châteaux de Brûhl, de Stolzenfels et à Coblence, en
1845, pour la famille royale de Belgique et pour la reine d'Angle-
terre. En sa qualité de premier maître de chapelle, l'auteur des Hu-
guenots avait organisé ces concerts et y tenait le piano. Par les nuan-
ces fines, délicates et poétiques de sa manière d'accompagner, je
compris alors la multiplicité des répétitions exigées par lui pour la
mise en scène de ses opéras. Je doute qu'il soit jamais complètement
satisfait des chanteurs et de l'orchestre.
DE PARIS.
115
L'éclat qu'avaient eu à Vienne les succès de Meyerbeer comme
pianiste et comme auteur de musique instrumentale, enfin, les beau-
tés qu'on avait remarquées dans un monodrame avec chœurs, inti-
tulé : les Amours de Thecelinde, lequel fut chanté par Mlle Harlas,
à Vienne, en 1813, inspirèrent la pensée de lui confier la composi-
tion d'un opéra-comique pour le théâtre de la cour. Il était intitulé :
Abimeleck, ou les Deux Califes. La musique italienne était seule en
faveur alors près de M. de Motternich et des courtisans auxquels il
donnait le ton; or, la partition à' Abimeleck était écrite d'un style ab-
solument différent et dans un système assez semblable à celui de
la Fille de Jephté ; elle fut accueillie avec beaucoup de froideur, et
le résultat de la représentation dut être considéré comme une chute.
Salieri, qui avait pour le jeune musicien une tendre affection, le con-
sola de cet échec en lui donnant l'assurance que, nonobstant la coupe
vicieuse de ses chants, il ne manquait pas d'heureuses dispositions
pour la mélodie, mais qu'il n'avait pas assez étudié le mécanisme de
la vocalisation, et qu'il écrivait mal pour les chanteurs. Il lui con-
seilla d'aller en Italie s'instruire dans l'art de composer pour les
voix, et lui prédit des succès quand il aurait appris cet art dif-
ficile.
FÉTIS père.
(La suite prochainement.)
SEMAINE MUSICALE.
Festival Beethoven, au cfrqne Napoléon. — Mfesse
«le l'Orgtnéon, par F. Bazin, à Notre-Dame. — TJuéà-
tre impérial Italien : Frascliinl dans Rigotetto, et
les *œurs Marcliïsio dans Cenerentoia.
La symphonie avec chœurs de Beethoven est une énigme sublime
dont on cherche toujours le mot. Voilà plus de vingt-cinq ans que je
l'étudié, et je me flatte d'avoir fait quelques progrès, surtout grâce
à M. Pasdeloup, qui l'a exécutée deux années de suite, mais je suis
encore loin de la comprendre et de me l'expliquer à livre ouvert.
En écoutant cette œuvre immense, en m'appliquant de toutes mes
forces à la saisir, à l'embrasser, il me semble toujours que l'auteur
l'a composée pour des hommes plus hauts que nous d'un quart de
mètre et doués d'une faculté d'attention plus longue que la nôtre
d'une bonne demi-heure. Un chef d'orchestre bien connu ne disait-
il pas d'un de nos chanteurs les plus célèbres qu'il était né d'un
quart démesure en retard? Après tout, ce n'était pas la faute du
chanteur, et ce n'est pas non plus la mienne quand, au milieu de
mes efforts désespérés, je me sens défaillir et que le vertige me
prend. Cela explique la diversité des jugements portés sur la neu-
vième symphonie. « Certains critiques, a écrit Berlioz, la regardent
comme une monstrueuse folie ; d'autres n'y voient que les dernières
lueurs d'un génie expirant; quelques-uns, plus prudents, déclarent
n'y rien comprendre quant à présent, mais ne désespèrent pas de
l'apprécier, au moins approximativement, plus tard; la plupart des
artistes la considèrent comme une conception extraordinaire , dont
quelques parties néanmoins demeurent encore inexpliquées ou sans
but apparent. » A la bonne heure! Cette opinion me paraît de tout
point acceptable; mais, pourquoi ne l'avouerai-je pas? Ce qui m'a
toujours inspiré une certaine méfiance, c'est le ridicule excès de quel-
ques admirations fanatiques comme, par exemple , celle d'un M. de
Lenz, l'auteur de Beethoven et des trois styles, qui trouvait décent,
c'est son expression, d'entendre un tel chef-d'œuvre, non pas assis
mais par terre, et ne pas dîner après l'avoir entendu. L'éloge est
un reflet qui, plus que la critique, donne souvent la mesure des dé-
fauts de la chose louée ; presque toujours un peu d'extravagance en-
traîne beaucoup d'exagération.
M. Pasdeloup a bien fait de remettre encore sur le tapis l'éter-
nelle question de la symphonie avec chœurs. Nous disons éternelle,
parce qu'il ne tient ni à lui ni à son orchestre d'en avancer la so-
lution. Dès l'année dernière, sa phalange instrumentale s'était mon-
trée au niveau de sa rude tâche. A la tête de ses chanteurs, il avait
placé Mmes Viardot et Simon, MM. Bussine et Capoul ; celui-ci est
resté seul à son poste, tandis que les trois autres ont eu pour
remplaçants Mlle de Maesen, Mme Talvo-Bedogni et M. Troy. Ce
choix valait mieux que l'autre en ce que les voix de femmes étaient
de qualité plus tranchée ; celles de Troy et de Capoul formaient aussi
un excellent contraste. Les chœurs se sont distingués par leur union
et leur force, ce qui fait que la quatrième partie de la sympho-
nie n'a pas été moins triomphante que les trois autres, bien que la
tâche des chanteurs soit autrement rude que celle des instrumentis-
tes; nous n'insisterons pas sur celle des auditeurs.
Pour leur procurer le repos dont ils avaient besoin, rien de mieux
que l'air délicieux du ballet de Prométhée, et les moelleux accents
que M. Poëncet tire de son violoncelle. M. Capoul est ensuite venu
dire l'Adélaïde avec une voix pure et fraîche qui a causé un vrai
plaisir. Pour produire plus d'effet, il n'a manqué au jeune chanteur
que l'aplomb qu'un artiste doit à une réputation dès longtemps éta-
blie ; mais il n'est pas fâché d'avoir à l'attendre encore.
Vieuxtemps avait fait le voyage tout exprès pour venir jouer le
concerto en ré majeur, qui fut exécuté pour la première fois par le
violoniste allemand, Klement, à Vienne. Ce concerto porte le n° 61
des œuvres de Beethoven et occupe dans le catalogue la place qui
suit la quatrième symphonie en si bémol. Par malheur, rien ne
vieillit plus vite que les concertos, et l'admirable talent de l'artiste
n'a pu dissimuler la longueur, la froideur de l'œuvre du grand
maître. Un concerto en trois parties, après une symphonie énorme !
Ce n'est pas Beethoven qui eût disposé ainsi le programme, lui qui,
à propos de la symphonie héroïque, donnait cet avis en forme de
préface : « Questa sinfonia essendo scritta apposta più Iunga délie
solile, si deve eseguire più vicino al principio ch' al fine di un aca-
demio e poco dopo un overtura, un aria ed un concerto, accioche,
sensita troppo tardi non perda per l'auditore già faticato dalle pré-
cèdent produzioni, il suo proprio proposto effetto (1). » Pour avoir
négligé une règle si sage, le concerto n'a pas été écouté comme il
méritait de l'être : Vieuxtemps a droit à une revanche, et il l'obtien-
dra facilement. Il faut en dire autant de Mlle Maesen, la chanteuse
si applaudie au IhéàLre Lyrique, la Gilda si pathétique du Rigo-
letto français. Elle avait à chanter un air bien fait, mais sans
éclat, sans idée saillante, dont l'instrumentation décèle un bon élève
de Mozart. Il n'y avait pas là de quoi remuer profondément un au-
ditoire dont la moitié ne s'est pas sentie en état d'entendre ces
merveilleux fragments que l'on appelb les Ruines d'Athènes. C'était
la conclusion du festival, qui péchait par un excès de richesse et
qu'on aurait pu alléger d'un tiers. Tel qu'il était, ce festival comp-
tera au nombre des plus belles manifestations musicales dont Paris
ait été le théâtre. Et l'infatigable directeur, M. Pasdeloup, ne s'en
tient pas là! Aujourd'hui, c'est le Festival Mendelssohn; dimanche
prochain, ce sera le Festival Haydn, toujours avec plusieurs cen-
taines d'exécutants et plusieurs milliers d'auditeurs !
Lundi, la foule se portait à l'église Notre-Dame, où l'association des
artistes musiciens faisait exécuter une messe de M. F. Bazin, composée
pour l'orphéon de la ville de Paris. Cette production sage, élevée,
que le sentiment religieux anime, réunit les conditions essentielles
(1) o Cette symphonie, ayant été faite exprès plus longue qu'à l'ordinaire, doit
être exécutée plutôt au commencement qu'à la fin d'un concert, et peu après une
ouverture, un air ou un concerto, pour éviter que, si on l'entendait trop tard,
elle ne perde, pour l'auditeur déjà fatigué par les morceaux précédents, l'effet
qu'elle est destinée à produire, s
116
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
d'une œuvre de ce genre, la simplicité, la clarté, la facilité. Plusieurs
morceaux se distinguent par un caractère plus vif, plus hardi, et four-
nissent à des solistes l'occasion de déployer leurs voix et leur talent.
M. Warot, de l'Opéra, mérite une mention toute spéciale pour la ma-
nière dont il a chanté à l'offertoire un Ave Maria expressément écrit
par M. Bazin. La solennité, qui s'ouvrait par la marche religieuse
d'Adolphe Adam, avec accompagnement de harpes, s'est terminée par
le Noël du même maître. M. Paulus et l'excellente musique militaire
qu'il dirige prêtaient leur concours aux orphéonistes.
Vers la fin d'une saison laborieuse et brillante, remarquable
surtout par le nombre, la variété des artistes et des spectacles,
le théâtre Italien semble redoubler d'activité. Tandis qu'Adelina
Patti continuait d'exercer son irrésistible prestige, Fraschini nous est
revenu, et Mme Charton-Demeur n'a pas tardé à le suivre. Fraschini
s'est montré dans un rôle qu'il n'avait pas encore abordé à Paris,
celui du duc de Mantoue dans Rigoletto, et s'il ne l'a pas joué avec
cet abandon, cette légèreté familière d'un grand seigneur en certain
lieu, dont Mario lui donnait l'exemple, il l'a chanté avec toute la
puissance de sa voix, et il a su mettre une certaine grâce dans la
chanson Jfameuse la donna è mobile. Ce soir, nous le reverrons
dans le Ballo in maschera avec Mme Charton-Demeur, qui sera une
excellente Amélie.
Nous avons eu l'autre jour une curieuse et belle représentation de
Cenerentola : c'était Barbara Marchisio qui remplissait ce rôle de
jeune fille, elle que nous n'avions encore vue que sous le costume
masculin, elle que nous devions croire de Babylone et condamnée à
perpétuité au rôle du fils de Ninus ! Eh bien, la petite Cendrillon n'a
pas semblé le moins du monde embarrassée de ses nouveaux habits,
de sa situation nouvelle. Nous ne dirons pas qu'elle est l'idéal du
personnage, mais elle ne joue pas mal et chante avec la magistrale
correction qu'on lui connaît. A côté d'elle, on était tout surpris de
trouver deux artistes, deux cantatrices, Carlotta, sa vraie sœur, et
Mme Méric-Lablache, qui n'avaient pas dédaigné de lui donner la
réplique. Jamais Cenerentola n'avait rencontré des partenaires de
ce mérite, et le chef-d'œuvre rossinien s'en trouvait à merveille.
Giraldoni a reparu dans le Trovatore et dans le Barbier. Alessan-
dro Bettini s'est amusé à remplir en passant le rôle du comte Alma-
viva : il n'avait prévenu personne ; mais ceux qui par hasard ont pu
l'entendre, nous ont dit qu'il avait été bien modeste, et qu'une autre
fois il aurait tort de ne pas renoncer à l'incognito !
Il serait possible encore que nous eussions l'ouvrage nouveau
qu'on nous avait promis pour la saison actuelle. On parle de la
Forza del Destino ou de Boccanegra.
Paul SMITH.
AUDITIONS ET CONCERTS.
SI. Albert Vfcenllnl. — M. «Joseph Telezinskl et II. W.
Goldner. — Mlle Hélène de Katow et MM. Cinldon
frères. — 91. W. Banerkeller et Mlle Marie Trant-
mann. — M. Félix Ciodefroid.
A mesure que nous avançons dans la saison des concerts, nous
retrouvons des physionomies déjà entrevues parmi celles des nom-
breux artistes de tout genre qui ont passé devant nous. Ainsi, nos
lecteurs se souviennent sans doute de M. Albert Vizentini, violon
solo du théâtre Lyrique, un brillant élève de Léonard, et l'un des
lauréats les plus distingués du Conservatoire de Bruxelles. Ce jeune
virtuose a prouvé l'autre soir, à la salle Herz, que M. Carvalho
n'avait pas été trop mal inspiré en lui confiant la position excep-
tionnelle qu'il occupe dans l'orchestre de son théâtre. Son jeu a de
l'éclat et de la variété; son style est pur et ne manque pas d'élé-
vation. La grâce et la légèreté de son archet, le brio de son exécu-
tion, l'ont parfaitement servi dans les divers morceaux qu'il nous a
fait entendre, et par dessus tout , dans le Souvenir de Donizelti
d'H. Vieuxtemps, et dans la ravissante Berceuse de Reber. Nous
croyons que son succès eût été plus complet encore s'il avait voulu
se borner à interpréter la musique d'autrui, sans viser à la double
gloire d'exécutant et de compositeur. Ses Souvenirs de Gluck, mor-
ceau de concert avec accompagnement de double quatuor, et sa Rê-
verie sur VEclair, d'Halévy, renferment d'excellentes choses, mais
sont, au total, d'un effet médiocre. Nous préférons le duo pour violon
et piano sur Mireille, le nouvel opéra de Gounod, qu'il a composé
et exécuté avec M. L.-L. Delahaye, encore un nom que nous retrou-
vons sous notre plume comme un des meilleurs souvenirs de cet
hiver. M. Delahaye, premier prix de notre Conservatoire, est un pia-
niste merveilleusement doué ; la perfection avec laquelle il a joué
la fantaisie de Thalberg sur Moïse lui a fait obtenir un succès des
plus légitimes et des plus enthousiastes.
Il en a été de même pour Mlle de Maësen, la nouvelle étoile du
théâtre Lyrique, qui a chanté avec infiniment de talent un air
à'Ernani et une cavatine des Pêcheurs de perles, charmante épave
d'un naufrage dans lequel il se pourrait bien faire que le musicien
ait été entraîné par ses librettistes. M. Stroheker, qui possède une
fort jolie voix de ténor, a dit aussi, d'une manière remarquable, un
air de Jérsusalem et une mélodie de Stigelli. La Légende de saint
Nicolas, cette adorable et naïve complainte de M. Armand Gouzien,
si bien chantée par les frères Lyonnet, a été redemandée par tout
l'auditoire, et les Cendres, des vers de Victor Hugo récités par
Mlle Agar, ont porté au comble la satisfaction générale.
— M. Joseph Telesinski , premier violon de l'Opéra , et M. W.
Goldner, le pianiste, dans leur concert annuel qu'ils ont donné chez
Erard, ont débuté ensemble, avec le violoncelliste Lasserre, par le
grand trio en ré mineur de Mendelssohn, qu'ils ont interprété en
musiciens consommés et pénétrés du sentiment de cette œuvre si
belle et si sérieuse. Puis, séparément, M. Goldner, compositeur dis-
tingué non moins qu'exécutant habile, a fait applaudir plusieurs
morceaux de sa façon, une Élude caractéristique, un duo de la Tra-
viata et le boléro des Vêpres siciliennes, deux élégantes transcrip-
tions qu'il a dites avec beaucoup d'art et de charme. De son côté,
M. Telesinski a parfaitement joué la fantaisie d'Alard sur le Trova-
tore, et deux morceaux de Bériot et de Chopin, qui ont fait le plus
grand plaisir. On a, en outre, redemandé une transcription pour le
cor, sur des motifs du Pré aux clercs, par M. Mohr, dont le talent
remarquable a provoqué d'unanimes bravos, et l'on a fêté, selon son
mérite, M. Lasserre, jeune violoncelliste, qui tire de son instrument
les sons les plus purs et les plus expressifs. Le chant était repré-
senté par la jolie Mlle Adam-Boisgontier, qui a dit d'une manière
fort gracieuse l'air du Billet de loterie : Non, je ne veux pas chan-
ter, et par M. Gustave Bloch, dont les chansonnettes ont été très-
go ûtées.
— Après avoir prêté gracieusement son concours à quelques-uns
des bénéficiaires dont l'audition a eu lieu, dans ces derniers temps,
Mlle Hélène de Katow a donné, à son tour, en société de MM. Guidon
frères, une charmante soirée musicale qui n'a eu qu'un défaut, celui de
paraître trop courte au gré du nombreux auditoire qu'elle avait attiré
dans la salle Herz. En digne élève de Servais, Mlle de Katow s'est fait
entendre dans les deux fantaisies bien connues que ce maître a ti-
rées de la Fille du régiment et de la Muelle. Nous ne pousserons pas
l'hyperbole jusqu'à prétendre qu'aucun violoncelliste ne surpasse cette
jeune fille dans les passages qui exigent un jeu rapide et énergique ;
mais nous affirmons qu'il est difficile de jouer mieux qu'elle , avec
plus d'âme et d'expression, la romance de Tonioou l'air du Sommeil.
Nous devons aussi constater qu'elle a fait irréprochablement sa partie
PE PARIS.
117
dans la Méditation, de Félix Godefroid, sur la prière des Bardes, pour
violoncelle, piano et orgue.
Les deux frères Guidon sonl d'agréables chanteurs qui ont du goût
et de la méthode. Ils s'entendent à merveille pour faire valoir des
petites chansonnettes écrites en duos, à leur intention, comme les
Amoureux et Ma mie Annelle, très-gracieux badinages de F. Gode-
defroid, ou encore Bonsoir, bonne nuit, bonjour, couplets inédits
d'Henri Potier, ou enfin cette délicieuse Légende de saint Nicolas,
qui n'a pas moins de succès avec eux qu'avec les frères Lyon-
net. Outre ces duettinos, M. Eugène Guidon, le ténor, nous a of-
fert, dans cette soirée, la primeur de deux nouvelles mélodies de
M. Théodore Ymbert, un jeune compositeur, qui a fait jouer au
théâtre Lyrique impérial les Deux Cadis, et qui a mis en musique
quelques fables choisies parmi les plus populaires de la Fontaine. Le
charme et la distinction de ses mélodies, et particulièrement de sa
Berceuse, ne peuvent qu'accroître les sympathies que ses débuts lui
ont conquises.
Pour la partie instrumentale, Louis Diémer et Auguste Durand, deux
virtuoses dont on connaît le talent sur le piano et sur l'orgue ; pour
la partie vocale, Mme Damoreau-Wekerlin et Mme Ernest Bertrand,
qu'il suffit de nommer, ont puissamment contribué aux plaisirs de
cette intéressante séance, qui s'est terminée par une piquante comé-
die en vers, de M. Théodore d2 Banville, représentée tout récemment
aux Tuileries pour la première fois. Interprétée avec beaucoup d'en-
train et de verve, par Coquelin , de la Comédie française, et par
Mlle Damain, du Gymnase, cette spirituelle contre-partie de la scène
du sac des Fourberies de Scapin a été chaleureusement applaudie,
et c'était justice.
— Presque toujours, ce sont les pianistes qui ont le premier rang
dans nos revues de concerts; cette fois, par exception, les violonistes
ont l'avantage du nombre. M. W. Bauerkeller, qui s'est fait con-
naître, l'an dernier, par un coup d'éclat, à l'Hôtel du Louvre, a acquis
de nouveaux droits à l'estime des connaisseurs, dans la soirée qu'il
a donnée mardi chez Herz. L'air hongrois d'Ernst et la fantaisie
d'Alard sur la Valse du désir, supérieurement exécutés par ce
jeune soliste, ont mis en relief ses heureuses qualités : la sûreté,
l'expression de son jeu et la vélocité de son archet. Dans un très-
beau quintette de Schumann, il a partagé les bravos de ses auditeurs
avec Mlle Marie Trautmann, pianiste d'un graDd talent, qui a rem-
porté, comme on sait, un premier prix dans ses études au Conserva-
toire. Non-seulement ce soir-là, mais dernièrement encore, à l'occa-
sion de son concert annuel, nous avons pu constater chez Mlle Marie
Trautmann de très-louables progrès qui ne tarderont pas à lui assi-
gner une place des plus honorables parmi les virtuoses du piano. Nous
puisons cette conviction dans l'immense effet qu'elle a produit avec
la transcription du Roi des Aulnes, par Liszt, et avec la tarentelle de
Henri Herz. La harpe de Mlle Hélène Heermann, le violoncelle de
M. Muller, la jolie voix de Mlle Félix Thuot, ont eu également leur
moisson de bravos.
— II y aurait un volume à écrire sur la grandeur et la déca-
dence de la harpe, qui a brillé d'un si vif éclat sous le premier em-
pire, et qui est descendue peu à peu du salon dans l'orches-
tre, d'où elle ne sort plus guère aujourd'hui. Nous n'avons pas à
nous enquérir des causes qui ont amené cet abandon ; cela nous
conduirait beaucoup trop loin; mais nous déclarons sans ambage
que nous comprenons l'engouement de nos grand'mères pour ce
prototype des instruments séraphiques, quand nous voyons les pro-
digieux effets qui en jaillissent, comme par magie, sous les doigts
de Félix Godefroid. C'est un talent, du reste, qu'on n'a plus à ju-
ger. Il est tellement consacré par une longue série de succès,
qu'on ne saurait trouver de termes assez nouveaux pour ajouter
quelques fleurons à sa couronne d'artiste. Félix Godefroid n'est pas
moins connu par ses productions, qui sont désormais classées parmi
les plus saillantes des instrumentistes-compositeurs de notre époque.
Nous nous bornons donc à dire que, dans sa soirée de jeudi, chez
Erard, Félix Godefroid, toujours inimitable, a joué d'une façon dé-
licieuse plusieurs de ses ouvrages, tels que la Mélancolie, les Gouttes
de rosée. Jeune et Vieille, Home sweet home, et ce merveilleux Car-
naval de Venise, qui ne le cède en rien à celui de Paganini. Nous
signalerons encore quelques autres morceaux de lui. où sa harpe
ne joue qu'un rôle secondaire, comme son Açjnus Dei et sa médita-
tion sur la Prière des Bardes, et auxquels ou a fait néanmoins le
plus flatteur accueil. L'Abeille et les Arpèges, deux pages ravissan-
tes pour le piano, ont en outre été jouées par Louis Diémer avec
la maestria qui distingue ce jeune artiste, dont le brillant concours,
ainsi que celui de l'éminent violoncelliste Léon Jacquart, n'ont
pas failli à l'interprétation de l'allégro, du thème varié et du finale
de la sonate du même compositeur. Bonnehée s'était chargé de
dire l'Agnus Dei, et il s'en est acquitté avec la voix, le goût qui le
font tant applaudir à l'Opéra, et dont il a donné une nouvelle
preuve dans l'interprétation de l'air du laboureur des Saisons,
d'Haydn.
Y.
NOUVELLES.
,,% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné de nouveau dimanche une
splendide représentation de Robert le Diable. Mme Marie Sax, Gueymard
et Cazaux en faisaient les honneurs. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer a
reçu du public nombreux, accouru pour l'entendre, son accueil accou-
tumé. — Lundi , la Muette de Portici ; mercredi , la Maschera et le
Docteur Magnus ; vendredi, la Favorite, ont défrayé les représenta-
tions de la semaine. — Aujourd'hui dimanche, la Muette est annoncée.
— Les Huguenots seront vraisemblablement donnés vendredi avec
Mme Marie Sax.
t*t Nous avons oublié d'annoncer l'arrivée de Saint-Léon, maître de
ballets des théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg. — Mlle Moura-
vieff est également à Paris et rentrera mercredi par Giselle.
*** Le feu a pris hier pendant la journée à l'Opéra, dans un des pla-
cards de la loge des machinistes, placée sur le cintre de la salle. L'a-
larme a été donnée par un sape'jr-pompier qui, en faisant sa rondo,
sentit une forte odeur de brûlé. Le poste tout entier accourut ; on en-
fonça la porte du placard, d'où les flammes jaillirent avec force, mais
elles furent promptement éteintes, et on n'a à regretter que la perte
des effets contenus dans l'armoire.
*% Mme Tedesco vient d'arriver à Paris, de retour de Lisbonne, où
l'éminente cantatrice a obtenu de brillants succès. Elle y a, entre au-
tres, «hanté douze fois le rôle de Fidès, dans le Prophète; son parte-
naire dans le chef-d'œuvre de Meyerbeer, Mongini, vient également de
passer deux jours à Paris. Il est reparti pour Vienne.
*** On dit qu'à l'expiration de son engagement avec le théâtre im-
périal de l'Opéra, Mme Vandenheuvel-Duprez a l'intention de renoncer
au théâtre et de rentrer dans la vie privée.
*** L'état de vétusté dans lequel se trouve la décoration intérieure
de la salle du théâtre impérial de l'Opéra-Comique, nécessite des répa-
rations; on parle de l'intention qu'aurait la direction de fermer ce
théâtre pendant deux mois de l'été pour cette opération.
»** Mlle Adelina Patti terminera ses représentations au théâtre Ita-
lien le 15 de ce mois par une représentation à son bénéfice.
.,.% Alessandro Bettini, dont le début au théâtre Italien dans le rôle
d'Almaviva, du Barbier de Séville, a été si favorablement accueilli, chan-
tait il y a quelques jours au concert donné par le Cercle philharmonique
de Bordeaux, et il y a été très-applaudi. Ce concert, dans lequel Servais
s'est fait aussi entendre, a d'ailleurs été fort remarquable.
*** M. Bagier vient d'adresser à S. Exe. M. le ministre de la maison
de l'Empereur une requête fortement motivée, dans laquelle il demande
que la subvention de 100,000 francs accordée ajx précédents directeurs
du théâtre Italien lui soit rendue. A l'appui de sa réclamation, M. Bagier
expose que la situation qui lui sera faite par la loi accordant la li-
berté des théâtres, diffère essentiellement de celle qu'il a acceptée au
commencement de son exploitation; que cette liberté lui fait redouter
des concurrences à peu près certaines, et qu'en présence d'un avenir
aussi périlleux, il ne lui est même pas loisible de se retirer, puisqu'il
a signé un bail de huit années pour la salle Ventadour, acheté un ma-
tériel considérable, et contracté des engagements dont les dédits ne
s'élèvent pas à moins d'un million de francs.
118
KRVUE KT GAZETTE MUSICALE
£% Une indisposition de Mme Carvalho avait forcé de suspendre les
représentations de Mireille; elles viennent d'être reprises.
»% Lischen et Fritzchen est décidément l'opérette en vogue. Dans les
théâtres, dans les concerts, dans les salons, tout le monde veut enten-
dre l'œuvre si naïve et si charmante d'Offenbach. A. la dernière soirée
de Rossini, elle faisait partie du programme, et l'illustre maestro avait
attendu qu'elle commençât pour faire son apparition au milieu de ses
invités. Il n'a pas été un des derniers à l'applaudir, il est vrai de dire
que Berthelier et la gentille Mlle Frazey se sont admirablement appro-
prié ces deux rôles, et qu'ils y sont étonnants de naturel et de
gaieté. Déjà créateur des Deux Aveugles. Berthelier n'a pas été moins
heureux dans Lischen et Fritzchen: aussi le demande-t-on partout, et di-
manche dernier il avait été mandé avec Mlle Frazey à Arras pour
terminer par cette opérette le beau concert que donnait ce jour-là la
société philharmonique. Inutile d'ajouter que les deux artistes ont été
couverts d'applaudissements.
t*[ Mercredi, 13 avril, dans les salons Pleyel-Wolff, aura lieu une
soirée intéressante donnée par Mme Lippi-Caristie, avec le concours de
plusieurs artistes de mérite. Mme Lippi est une cantatrice qui a fait
son éducation musicale au Conservatoire, et qui s'est déjà fait entendre
dans plusieurs concerts.
„% Un opéra inédit, paroles et musique du cru, vient d'être repré-
senté avec succès sur le théâtre de Strasbourg. Le titre de. l'ouvrage
est Fleurette ; l'ouvrage met en scène les premières amours de Henri IV ;
il est dû à la collaboration de deux jeunes étudiants en théologie.
M. Wessler est le nom du musicien ; le librettiste s'appelle M. Febriel.
*% Margarita, opéra-comique espagnol , musique du maestro Clito
Moderati, vient d'être joué à la Zarzuela de Madrid, avec un grand
succès. On s'apprête à monter cet ouvrage à Barcelone, à Valence, Xé-
rès et Valladolid.
t% La représentation du Templier, qui devait être donnée cette se-
maine à Bordeaux, a été ajournée par suite de difficultés pécuniaires
avec l'administration, tombée en déconfiture, et d'une indisposition de
Aille Elmire, chargée d'un des principaux rôles. — Le maire de Bor-
deaux vient de présenter au conseil municipal un projet de restauration
de la salle des concerts et des deux foyers du grand théâtre ; le devis
s'élève à 440,000 francs.
*** Mercadante, le célèbre compositeur aveugle, l'auteur du Bravo et
des Brigands, vient de composer une grande ouverture : l'Insurrection
polonaise, qui a été exécutée à Florence.
*** La Fuite en Egypte, d'Hector Berlioz, figurait dimanche dernier
dans* le piogramme de la Société des concerts du Conservatoire. Exé-
cutée avec cette perfection qui ne se trouve que là, l'œuvre du célèbre
compositeur, dont pas une nuance n'était négligée par ses habiles in-
terprètes, a été accueillie par cet auditoire de connaisseurs avec ^ un
véritable enthousiasme, qui s'est traduit par de nombreuses salves d'ap-
plaudissements. Achard, de l'Opéra-Comique, a supérieurement chanté
les soli.— Ce n'était point à ce concert, ainsi que nous l'avions dit par
erreur, mais au concert précédent, que le violoniste allemand Becker
s'était fait entendre, et il y avait joué le beau concerto en ut mineur
de Beethoven pour violon. Si ce que nous apprenons est vrai, dégoûté
par les sévérités de la critique parisienne, cet artiste, envers lequel on
a peut-être été injuste, se serait décidé à quitter Paris pour n'y plus
revenir. Quoi qu'on en puisse dire, M. Becker avait d'incontestables
qualités, et c'est toujours une perte regrettable.
t% Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, festival
Mendelssohn, par cinq cents exécutants, sous la direction de Pasdeloup.
Programme: Ouverture d'Athalie. — Le Départ, chœur. — Concerto en
sol mineur pour piano, exécuté par Alf. Jaëll. — Elic, oratorio, traduc-
tion de Maurice Bourges. — Les soli par Mme Rudersdorff (la veuve de
Sarepta), Mme Talvo-Bedogni (un ange), M. Petit (Elie).
J*, Le Journal de Rouen a consacré la semaine dernière un feuilleton
à l'examen des productions musicales des compositeurs rouennais. Il y a
cité avec beaucoup d'éloges celles de M. Alfred Mutel, l'auteur de la
Rose et la Marguerite, du Credo des Quatre Saisons, et de beaucoup d'au-
tres compositions qui ont fait à M. Alfred Mutel une réputation mé-
ritée.
,** Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque de l'Impératrice, a
lieu l'inauguration des concerts classiques. En voici le programme :
Symphonie en sol mineur (allegro, andante, menuet et finale) de Mozart;
— Andante de la symphonie en la de Beethoven ; — Concerto pour
violoncelle, exécuté par M. Piatti ; - Ouverture du Freyschiitz de We-
per; _ Fragments du Songe d'une Nuit d'été de Mendelssohn. — L'or-
chestre sera dirigé par M. Deloffre, chef d'orchestre du théâtre Lyrique
impérial.
»*„ Après s'être tû pendant cinq ans, du moins pour le public des
concerts, voilà que le stradivarius de Seligmann se décide à rompre le
silence ! On nous donne la bonne nouvelle que samedi, 23 de ce mois,
à la salle Pleyel, nous l'entendrons chanter quelques-unes de ces ro-
mances si pleines de sentiment et d'expression qui ont placé Seligmann
au premier rang des violoncellistes contemporains. Nous doutons que
la salle puisse contenir tous ceux qui voudront jouir de cette soirée.
„,% Mlle Paule Gayrard a donné chez Erard, lundi dernier, un très-
brillant coucert. Ce début, accomDli devant un auditoire d'élite, a été
des plus remarquables. Le Concert-StUck, de Weber, avec orchestre, la
Sonate pathétique, de Beethoven, une œuvre de Mozart, merveilleuse-
ment accompagnée sur le violon, par Mlle Castellan, plusieurs compo-
sitions modernes de Prudent, Ravina et Lefebure-Vély, ont révélé chez
la jeune pianiste autant de style que de talent. A la grâce et à l'élégance.
Mlle Paule Gayrard joint une rare énergie et l'aplomb d'un maître. Les
difficultés les plus ardues et les plus rapides, les phrases d'expression et
de chant, elle les interprète avec une égale supériorité, et donne à tout
un charme infini. Tous les succès sont assurés à cette jeune et char-
mante virtuose, fille du célèbre sculpteur, Paul Gayrard, enlevé subi-
tement, il y a quelques années, dans tout l'éclat de sa carrière, l'an-
niversaire du jour où il avait été décoré.
,.*„. On nous écrit de Saint-Pétersbourg qu'au concert donné le 11-23
mars par la société philharmonique dans la belle et vaste salle de la
Noblesse, au profit de.ses veuves et de ses orphelins, sous la direction de
M. dans de Bulow, et avec un orchestre de 150 musiciens appartenant
aux théâtres impériaux, on a entendu pour la première fois l'ouverture
en forme de marche, composée par Meyerbeer, pour l'exposition uni-
verselle de Londres. C'était le morceau capital du concert, et si nous
en croyons notre correspondant, l'effet en a été immense. L'auditoire,
qui remplissait la salle jusques dans les parties les plus reculées, et
qui comptait toutes les notabilités de l'aristocratie, a surtout été frappé
du caractère de grandeur qui règne dans les trois parties de cette
magnifique composition. 11 a admiré le savant contraste, établi entre
chacune d'elles : pompe et majesté pour la marche triomphale, sévérité
et recueillement pour la marche religieuse, et le tout venant se fondre
dans le chant d'allégresse si bien accentué du pas redoublé final. « Sur
les bords de laJN'ewa, comme sur ceux de la Tamise, — ajoute notre cor-
respondant,— un tonnerre d'applaudissements a salué cette œuvre gran-
diose du génie sublime à qui nous devons Robert et les Huguenots. »
*** Alf. Jaell et Mlle Carlotta Patti viennent d'arriver à Paris, de re-
tour de leur excursion en Hollande.
*** L'imprésario Ullmann a fait d'excellentes affaires en Hollande, ce
qui n'a rien d'étonnant avec une société d'artistes tels que Carlotta
Patti, Jaell et Laub ; à Amsterdam ils ont donné dix concerts.
t% S. M. le roi d'Italie vient d'accorder à M. Emilien Pacini la dé-
coration des Saints Maurice et Lazare.
**„, L'heure de musique annoncée modestement par Vivier pour le 14,
dans les salons d'Erard, promet, outre le talent du bénéficiaire, l'attrait
du concours de Faure et de Mme Tardieu de Malleville. On parle d'un
duo d'un effet merveilleux, qui serait exécuté par Vivier et par Faure.
i*» M. Camille Saint-Saens fera entendre à son cinquième concert,
fixé à vendredi prochain 15 avril, dans les salons Pleyel, les 7e et 20°
concertos de Mozart, et, en outre, le rondo en si bémol de Beethoven,
avec accompagnement d'orchestre.
„..% Mercredi 20 avril, concert de Mlle Octavie Caussemille dans les
salons Erard.
*% S. M. l'empereur d'Autriche vient de donner une somme de S00
florins au comité institué pour l'érection de la statue en bronze du
grand compositeur Joseph Haydn.
„*„, Voici la liïte complète des membres de la commission chargée
par M. le ministre de l'instruction publique de mettre l'enseignement
de la musique avec le plan général des études : MM. Ravaisson, inspec-
teur général de l'Université, membre de l'Institut; Reber, de l'Institut;
Félicien David, compositeur; Gevaërt , compositeur; Félix Clément,
compositeur; Laurent de Rillé, compositeur ; Marmontel, professeur au
Conservatoire; Georges Hainl, chef d'orchestre de la Société des concerts;
Ernest l'Epine, chef du cabinet de S. Exe. le président du Corps légis-
latif; Glachant, chef du cabinet de S. Exe. le ministre de l'instruction
publique.
„,** Le Messager d'Odessa raconte le fait plaisant que voici : Derniè-
rement on donnait au théâtre d'Odessa, pour la première fois, l'opéra
de Verdi, Un Ballo in marchera. Tout à coup, vers la fin du spectacle, le
théâtre fut envahi par une foule de masques et de messieurs en tenue
de bal, évidemment dans l'intention de passer la soirée au bal masqué.
Il se trouva que plusieurs personnes avaient été induites en erreur par
l'affiche; qu'elles avaient confondu le titre de l'opéra avec l'annonce
d'un bal masqué ordinaire, et qu'elles étaient venues pour danser. On
peut se figurer leur étonnement et leur désappointement.
„% M. Vincent Adler donnera, le 18 avril, un deuxième concert dans
les salons Pleyel.
*% Le premier volume de la vie de Beethoven par Ludvvig Nohl vient
de paraître; il comprend la période de 1770-1792.
t*t M. Eugène Ketterer donnera, le vendredi soir 15 avril, dans les
salons Erard, une soirée musicale avec le concours de MM. Archain-
baud, Herman, A. Durand, A. Duvernoy et Maton. On entendra dans
la deuxième partie un opéra-comique inédit intitulé : Une Promenade
dans un salon, paroles de J. Ruelle, musique d'Alfred Mutel.
** Le célèbre chef d'orchestre du théâtre de Covent-Gardeu à Lon-
I>E PAKlb.
119
dres, Costa, a composé sous le titre de Nuaman un nouvel oratorio qui
sera exécuté au festival de Birmingham, le 7 septembre.
„*, A côté de la musique classique et des chefs-d'œuvre des grands
maîtres, la romance et la chansonnette comique ont pris place dans le
nouveau répertoire de l'Athénée musical, où chaque soir un public
d'élite applaudit Mlles Praldi, Chenest, Castel et' Mme Danneville, puis
Lavignc, Collongues, Miraoont, etc.
»*.„ Un concours de composition musicale avait été ouvert par l'Or-
phéon sous les auspices de M. Adolphe Sax pour un chœur à quatre
voix d'hommes, avec accompagnement de saxhorns. Le jury chargé de
juger le concours était ainsi composé : MM. Georges Kastner, président;
le général Mellinet, vice-président; Ambroise Thomas, Clapisson, Félicien
David, Limnander, Elwart, Emile Jonas, et Jules Simon, secrétaire.
Après avoir consacré plusieurs séances à examiner les nombreux ma-
nuscrits qui lui ont été adressés, le jury a décerné les récompenses
suivantes : le premier prix, une médaille d'or, de 200 francs, à M. A. Le-
prévost, organiste à Saint-Uoch ; le deuxième prix, médaille d'or de
100 francs, à M. L. Dessone, à Paris; en outre, le jury a accordé
quatre accessits et trois mentions honorables, à MM. d'Azémar, lieu-
tenant au 64e ; Adolphe Blanc, à Paris; Jos.-H. Beltjens, à Rotterdam
(Hollande); Léon Magnier, chef de musique au rr grenadiers; José
Barrière, à Cherbourg ; Devin-Duvivier et Albert Anschutz, à Paris. —
Il y a eu aussi une mention exceptionnelle en faveur d'un compositeur
dont l'ouvrage a attiré toute l'attention du jury, mais qui ne s'était pas
maintenu dans les limites du concours : chœur pour quatre voix
d'hommes avec accompagnement de cinq saxhorns. — Les prix, consis-
tant en deux médailles d'or de 200 et de 100 francs, ont été donnés par
M. Sax. — Le même concours proposait au génie des musiciens français
un chant sans paroles pour les voix, avec accompagnement de piano,
propre a devenir un chant national. Le jury a déclaré qu'il n'y avait pas
lieu, de ce chef, à une récompense. M. Adolphe Sax met de nouveau
au concours ce chant, pour lequel il offre toujours une médaille d'or
de 500 francs.
„% Le théâtre Robin continue à être le rendez-vous de la haute so-
ciété, qui s'y porte en foule, tous les soirs, pour admirer et applaudir
les nouvelles expériences que M. Robin exécute avec la machine pneu-
matique, ainsi que les intéressants tableaux représentant l'isthme de
Suez.
t** Au Pré Catelan, malgré l'incertitude du temps, la foule a été
grande dimanche dernier. L'exécution de la grande faitaisie sur la Muette
et le solo d'ophicléide par M. Moreau, ont été religieusement écoutés
et admirablement rendus par la vaillante cohorte d'artistes que dirige
avec une sûreté remarquable M . Forestier. Des programmes aussi bril-
lants et une exécution aussi parfaite assurent la vogue et les recet-
tes des matinées musicales du Pré Catelan. — Aujourd'hui dimanche
10 avril, grande fête d'inauguration; aune heure, fanfares par
le 9e bataillon de chasseurs à pied et musiques militaires ; à 2 heures
concert par l'orchestre de symphonie dirigé par M. Forestier ; pre-
mières auditions d'oeuvres capitales; soli par MM, Moreau, Garrimond
et Mousen; à 3 heures et demie, grand bal d'enfants, avec orchestre
champêtre et musique d'harmonie militaire ; de i heures et demie à
6 heures, festival concertant par les musiques réunies.
.,,** Notre excellent collaborateur Gustave Héquet vient d'être frappé
dans ses plus chères affections. Mme Héquet a succombé à une longue
et cruelle maladie. Ses obsèques ont eu lieu jeudi en l'église de Sainte-
Clotilde au milieu d'un concours de littérateurs et d'artistes em-
pressés de donner à un ami ce témoignage de sympathie dans une
si douloureuse épreuve.
**„ M. Edouard Stein, maître de chapelle de la cour à Sondershau-
sen, est mort dans la nuit du 15 au 16 mars: c'est une grande perte
pour l'orchestre qu'il dirigeait avec une habileté et un dévouement di-
gnes d'éloges.
»*„ A Rotterdam vient de mourir l'organiste Tours, un des musiciens
les plus distingués de la Hollande; depuis une trentaine d'années il
dirigeait les concerts Eruditio musica.
*** Le maître de chapelle de la cour M. Schindelmeister, à Darms-
tadt, est mort le 29 mars dernier.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*% Lille.— Dimanche dernier a eu lieu dans la grande salle de l'Acadé-
mie de musique une seconde séance de musique de chambre non moins
goûtée que la première. Au nombre des artistes qui s'y sont fait en-
tendre, Mme Français de Larroqua a conquis tous les suffrages par son
jeu à la fois pur, fin et énergique, aussi bien que par une qualité de
son admirable et une variété de style toujours approprié au senti-
ment de chacune des œuvres qu'elle exécutait. C'est un grand succès.
— M. le préfet du Nord, vient d'aviser M. le maire de Lille que
S. M. l'Empereur, sur la proposition de S. Exe. le maréchal Vaillant,
ministre des beaux-arts, a conféré au Cercle orphéonique de Lille le
titre de Société impériale des Orphénisles lillois. — il ne pouvait être
rendu un hommage plus mérité au talent de nos chanteurs et à la ré-
putation musicale de notre ville, qui possédera ainsi la seule société
musicale de France à laquelle le gouvernement ait accordé le titre de
Société impériale.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.*,, Bruxelles. — Au dernier concert de l'association des artistes mu-
siciens, qui rivalise avec ceux de notre Conservatoire royal, l'éminent
pianiste compositeur Krùger avait été invité à se faire entendre. Il a
joué un nouveau concerto pour piano et orchestre, la Chanson du
Chasseur, la Berceuse et un air de ballet pour piano, a\ec!e charme la
force, la délicatesse de toucher et la grâce qui le distinguent. Son succès
a été décisif, et il a reçu les félicitations empressées de MM. Fôtis
Dupont et Hanssens, compositeur de grand talent, qui dirigeait l'or-
chestre et qui avait donné le premier, après l'exécution du concerto
le signal des applaudissements. — Au dernier concert du Conservatoire
royal de musique, a été exécutée l'ouverture à grand orcheslre com-
posée par son vénérable et savant directeur. A en juger par les ap-
plaudissements qui l'ont accueillie, le public a dû reconnaître une fois
de plus que la science unie au talent, loin de nuire à la mélodie, lui
prête un charme de plus et lui donne ce cachet de suprême distinc-
tion qui constitue les véritables œuvres d'art — La première partie du
concert était terminée par le Concertstuck, pour flûte et orchestre, de
Pratten, joué par M. Dumon, professeur à notre Conservatoire, avec
une supériorité qui lui a valu de longs et unanimes applaudissements.
M. Dumon a retrouvé, dans cette occasion, devant ses compatriotes,
l'accueil enthousiaste qu'il avait rencontré à Paris, l'année dernière.
— Servais nous a quitté pour aller remplir en France de nombreux
engagements. Il est accompagné de son élève M. Ernest Jonas, fils d'un
riche banquier de Berlin, qui obéit à une vocation musicale impérieuse.
Ce n'est déjà plus un amateur du reste, et le public de l'Institut vient
de prouver au jeune virtuose qu'il le considérait comme un artiste qui
pouvait sans crainte aller demander aux autres publics de l'Europe la
consécration de son talent. — Mme Ferraris nous quitte; vendredi,
elle a brillamment clos la série trop courte de ses représentations par
VEtoile de Messine, ballet dans lequel elle remplit si délicieusement
le rôle de Gazella.
*% Liège. — Roger vient d'arriver pour donner ici quelques repré-
sentations.—Nous sommes dans l'époque des bénéfices accordés aux ar-
tistes. Celui de Wicart a été très-brillant ; il avait choisi les Huguenots
qui exercent toujours une grande attraction sur notre public ; le rôle
de Raoul a été pour notre premier ténor une longue et continuelle
ovation. — On nous a rendu les Dragons de Yillars avec Mme Ceret dans
le rôle de Rose Friquet. L'opéra de Maillart a été rendu avec beaucoup
d'ensemble, et il a fait un véritable plaisir.
u% Londres. — Jeudi, au Théâtre royal italien, le célèbre ténor alle-
mand Wachtel a fait sa réapparition dans le rôle de Maniïco du Trovatorc,
qui lui a valu de grands succès à Vienne. En 1862, M. Wachtel chanta
deux fois le rôle d'Edgard dans la Lucia, et il ne produisit que peu
d'impression. Il en a appelé jeudi, et il a fait, à la lettre, fureur. Sans
entrer aujourd'hui dans plus de détails, nous pouvons dire que si le
nouveau ténor n'est pas un chanteur accompli, si. sa voix n'est pas par-
faite, il n'en a pas moins un organe magnifique , une puissante
énergie, et qu'il n'en est pas moins l'artiste fait pour enthousiasmer
les masses. — Deux représentations de Norrna , données cette se-
maine, n'ont fait que confirmer le succès obtenu par Mlle Lagrua.
Les Anglais ont le culte de leurs anciennes divinités. En voyant
aborder un rôle dans lequel a triomphé si longtemps Mme Giulia Grisi,
leur première impression a été toute aux souvenirs ; mais le talent si
dramatique de Mlle Lagrua, son grand style de chant, n'ont pas tardé
à vaincre cette hésitation; la vaillante artiste a désormais conquis
sa place, et elle l'occupera brillamment. Samedi soir, Mlle Lagrua
a chanté la Favorite; il paraît qu'à la répétition elle avait, le matin,
produit une grande impression. — Mardi, on a donné Masaniello, avec
Mario dans ce rôle. Malheureusement, la voix du célèbre ténor n'est
plus qu'une ruine, comparativement à ce qu'elle était autrefois; mais
son jeu toujours fin fait oublier les défaillances de son chant, et il
charme encore le public. — Samedi, le Théâtre de Sa Majesté, a fait sa
réouverture par Rigoletto.
*% Carlsruhe. — Mme Viardot vient de nous donner une représen-
tation d'Orphée, dans laquelle le sentiment dramatique et l'inspiration
poétique déployés par la grande artiste ont ravi le public. Elle doit
chanter incessamment le Prophète. — Pendant la semaine sainte, a eu
lieu au théâtre un grand concert spirituel composé du Christ aux Oli-
viers, de Beethoven, et de la nouvelle symphonie d'Abert : Christophe
Colomb. L'œuvre sublime de Beethoven a été, comme toujours, non
moins admirée que bien sentie. — Après le grand succès du Roi Enzio,
devenu l'opéra favori du public, on était très-curieux d'entendre une
symphonie que nous promettait le jeune et déjà célèbre compositeur.
120
REVUE ET CAZETTE MUSICALE DE PARIS,
Nos espérances ont été dépassées. C'est une œuvre vraiment grandiose ;
l'adagio surtout se distingue par une instrumentation et des mélodies
aussi neuves qu'originales ; le finale n'est pas inférieur, et le public
l'a redemandé par quatre salves d'applaudissements.
t*t Stuttgard. — Le vendredi saint, la Société de musique classique a
exécuté la Passion d'après saint Jean, par Sébastien Bach, avec le con-
cours de la chapelle royale. Schiittky a chanté la partie du Christ avec
une émotion profonde et communicative.— Dans son dernier encert
d'abonnement, la chapelle royale a fait entendre la Création, par Haydn;
l'exécution, snus la conduite de M. Eckert, £ été digne du chef-d'œuvre.
**„ Hambourg. — La Société de quatuors Boyé et Lee a donné sa
seizième et dernière séance. On y a exécuté un octuor de Franz Schu-
bert, un quatuor de Haydn et le septuor de Beethoven. C'est la cen-
tième soirée de quatuors à laquelle M. Lee prêtait son concours : aussi
son pupitre était-il orné de fleurs et d'une couronne de laurier.
t\ Weimar. — L'opéra nouveau, le Cid, par Pierre Cornélius, n'ayant
pas été terminé à temps, c'est la Statue, de Reyer, compositeur fran-
çais, que l'on donnera pour l'anniversaire de la naissance de la grande-
duchesse.
»% Berlin. — Du 28 mars au 3 avril, le théâtre de la cour a donné
l'Ambassadrice, d'Auber, les Huguenots, Guillaume Tell et le Porteur d'eau (les
Deux Journées), de Cherubini. M. Grill, du théâtre de la cour à Munich,
après avoir débuté dans le rôle de Robert, s'est fait applaudir successive-
ment dans les Huguenots et dans Guillaume Tell, Mlle Lucca, dans le rôle
de Valentine, a, comme toujours, électrisé la salle qui était comble. Le
ténor, M. Th. Formés, quitte l'opéra de Berlin, le t'r mai prochain.
»% Vienne. — Le théâtre italien a débuté par Un ballo in maschera,
de Verdi. Les principaux rôles ont été chantés par Graziani et
Mme Lotti délia Santa. Graziani a reçu un accueil favorable ; sa voix,
quoique un peu fatiguée, est sympathique, et l'artiste la conduit fort
habilement, de manière à en masquer les côtés faibles. Mme Délia
Santa n'a obtenu qu'un succès contesté. — On annonce pour les repré-
sentations suivantes Otcllo et le Barbierc— Mlle Désirée Artôt est atten-
due prochainement.
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chez tous les Marchands de Musique, les Libraires,
et am Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
lï Avril 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r.parai
Départements, Belgique et Suisse.... 3û « id.
Étranger. 34 » id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE PflUSICÂ
DE PARIS
SOMMAIRE. — Giacomo Meyerbeer (2e article), par Fétis père. — Théâtre
impérial de l'Opéra: les Huguenots, Mlle Marie Sax dans le rôle de Valentine;
— Théâtre impérial Italien : un Ballo in maschera, Fraschini et Mme Charton-
Demeur; bénéfice de Mlle Patti; — Concert de Vivier; — Concerts du cirque
Napoléon et du cirque de l'Impératrice, par Paul Smith. — Auditions et
concerts. — Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles
et annonces.
MEYERBEER (Giacomo).
(2e article) (1).
Jusqu'alors la musique italienne avait eu peu d'attraits pour
Meyerbeer. Il faut avouer que la plupart des opéras de Nicolini, de
Farinelli, de Pavesi et quelques autres, qu'on jouait alors aux théâ-
tres de Vienne et de Munich, étaient peu faits pour plaire à une
oreille habituée à l'harmonie allemande. Le jeune artiste ne com-
prenait donc pas bien la portée des conseils de Salieri; cependant,
plein de confiance en ses lumières, il partit pour Venise, où il ar-
riva lorsque Tancredi, délicieuse production de la première manière
de Rossini, jouissait du succès le plus brillant. Cette musique le
transporta d'admiration, et le style italien, qui lui inspirait aupara-
vant une invincible répugnance, devint l'objet de sa prédilection. Dès
ce moment, il fit subir à sa manière une complète transformation,
et, après plusieurs années d'études sur l'art de donner de l'élégance
et de la facilité aux formes mélodiques, sans nuire au sentiment
d'une harmonie riche et puissante, il fit représenter à Padoue, en
1818, Romilda e Costanza, opéra semi-seria, écrit pour la Pisaroni.
Les Padouans firent un brillant accueil à cet ouvrage, non-seulement
à cause de la musique et du talent de la cantatrice, mais parce que
Meyerbeer était considéré par eux comme un rejeton de leur école,
en sa qualité d'élève de Vogler, qui l'avait élé du P. Valotti, maître
de chapelle de Saint-Antoine. Romilda e Costanza fut suivi, en 1819,
de la Semiramide riconosciuta, écrite à Turin pour l'excellente ac-
trice Caroline Bassi. En 1820, Emma di Resburgo, autre partition de
Meyerbeer, fut jouée à Venise et y obtint un succès d'enthousiasme,
peu de mois après que Rossini y eut donné Eduardo e Cristina. Ce
(1) Voir le n" 15.
fut le premier pas remarquable de Meyerbeer dans une carrière qu'il
devait parcourir avec tant de gloire. Son nom retentit bientôt avec
honneur dans toute l'Italie : Emma fut jouée sur les théâtres princi-
paux ; on traduisit cet ouvrage en allemand, sous le titre à' Emma
von Leicester, et partout il fut considéré comme une des bonnes
productions de l'école moderne.
Cependant les opinions n'étaient pas toutes favorables, en Alle-
magne, au changement qui s'était opéré dans la manière de Meyer-
beer. Ce n'était pas sans une sorte de dépit qu'on le voyait délaisser
les traditions germaniques pour celles d'une école étrangère. Cette
disposition des esprits, qui se manifesta quelquefois par des paroles
amères, augmenta à chaque nouveau succès de l'auteur d'Emma.
Charles-Marie de Weber, depuis longtemps son ami, partagea ces
préventions, et peut-être agirent-elles sur lui plus que sur tout autre.
Il ne pouvait en être autrement; car Weber, artiste dont le talent
puisait sa force principale dans une conception de l'art tout absolue,
était moins disposé que qui que ce soit à l'éclectisme qui fait ad-
mettre comme également bonnes des déterminations opposées par
leur objet. La hauteur de vues qui conduit à l'éclectisme est, d'ail-
leurs, une des qualités les plus rares de l'esprit humain.
J'ai vu presque toujours les génies capables des plus belles inspi-
rations se convertir en esprits étroits lorsqu'ils portaient des juge-
ments sur les productions d'une école différente. On ne doit donc
pas s'étonner de voir Weber condamner la direction nouvelle où
Meyerbeer s'était engagé. Il ne comprenait pas la musique italienne :
on peut même dire qu'elle lui était antipathique, comme elle l'a été
à Beethoven et à Mendelssohn. C'était donc une opposition de con-
viction qu'il faisait à la transformation du talent de Meyerbeer, et ce
fut, en quelque sorte, pour protester contre les succès obtenus par
son ancien ami dans sa voie nouvelle, qu'il fit représenter à Dresde,
avec beaucoup de soin, sous le titre allemand Wirth und Gast (Hôte
et Convive), l'opéra des Deux Califes, si froidement accueilli par les
habitants de Vienne. Au reste, son amitié pour Meyerbeer ne se dé-
mentit jamais. On le voit heureux d'une visite qu'il en reçut, dans
ces passages d'une lettre qu'il écrivait à Gottfried Weber, leur ami com-
mun : «Vendredi dernier, j'ai eu la grande joie d'avoir Meyerbeer tout
un jour chez moi : les oreilles doivent t'avoir tinté ! C'était vraiment un
jour fortuné, une réminiscence de cet excellent temps de Manheim....
Nous ne nous sommes séparés que tard dans la nuit. Meyerbeer va à
122
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Trieste pour mettre en scène son Crociato. Il reviendra, avant un an, à
Berlin, où il écrira peut-être un opéra allemand. Dieu le veuille ! J'ai
fait maint appel à sa conscience. »
Weber n'a pas assez vécu pour voir réaliser ses vœux : huit ans
plus tard, il eût été complètement heureux. Quoiqu'il eût déjà écrit
de belles choses et qu'il eût goûté le charme des succès de la scène,
Meyerbeer était encore, en 1824, à la recherche de son individualité;
circonstance dont il y a plus d'un exemple dans l'histoire des grands
artistes, particulièrement dans celle de Gluck. Comme il était arrivé
à cet homme illustre, un éclair est venu, tout à coup, illuminer Meyer-
beer; et, comme Gluck, c'est h la scène française qu'il a trouvé l'a-
liment de son génie. Quoiqu'il désapprouvât la route que Meyerbeer
avait prise, Weber connaissait bien la portée de son talent ; car lors-
qu'il mourut, il exprima le désir que ce fût son ami qui terminât
un opéra qu'il laissait inachevé.
Le succès d'Emma di Resburgo avait ouvert à Meyerbeer l'accès
des scènes principales de l'Italie, parmi lesquelles le théâtre de la
Scala, de Milan, est au premier rang. Il écrivit pour ce théâtre, en
1826, Margherita d'Anjou, drame semi-sérieux de Romani, qui fut
représenté le 14 novembre de la même année, et dont les rôles
principaux furent chantés par Tacchinardi, Levasseur et Rosa Ma-
riani. Les préventions peu favorables qu'un artiste étranger inspire
presque toujours aux Italiens cédèrent cette fois au mérite de la mu-
sique, et le succès fut complet. Une traduction française de cet opéra
a été faite plusieurs années après, pour le théâtre de l'Odéon, et a
été jouée sur tous les théâtres de la France et de la Belgique. A
Marguerite succéda VEsule di Granata, opéra sérieux de Romani,
dont la première représentation eut lieu au même théâtre, le 12 mars
1822. Les rôles principaux furent chantés par Adélaïde Tosi, Mme Pi-
saroni, Caroline Bassi-Manna, Lablache et le ténor Winter. Déjà le
nom de Meyerbeer avait acquis assez de retentissement pour que
l'envie fût éveillée : elle essaya de faire expier à l'auteur à' Emma
et de Margherita d'Anjou les applaudissements obtenus par ces ou-
vrages. L'Esidc di Granata fut mis en scène avec beaucoup de len-
teur, et ne put être joué qu'à la fin de la saison. La même iufluence
qui avait retardé l'apparition de la pièce en prépara la chute par
mille ressorts cachés. Tout semblait en effet la présager. Le premier
acte échoua, et le second paraissait destiné au même sort, quand un
duo, chanté par Lablache et la Pisaroni enleva tout l'auditoire. Aux
représentations suivantes, le triomphe ne fut pas un moment dou-
teux.
La saison terminée, Meyerbeer se rendit à Rome pour y écrire Al-
mansor, opéra sérieux en deux actes, dont Romani avait écrit le li-
bretto ; mais pendant les répétitions, le maître fut atteint d'une ma-
ladie grave et ne put achever la partition pour l'époque déterminée.
Il ne retrouva la santé qu'en allant passer l'année 1823 à Berlin et
aux eaux. Pendant ce temps de repos, il écrivit l'opéra allemand in-
titulé » la Porte de Brandebourg. Il était destiné vraisemblablement
au théâtre de Kcenigstadt, où l'on jouait habituellement ces sortes
d'ouvrages; mais par des motifs inconnus, cet opéra, auquel le com-
positeur attachait, sans doute, peu d'importance, ne fut pas repré-
senté.
Ici finit ce qu'on pourrait appeler la seconde époque de Meyer-
beer : elle avait eu pour lui d'heureux résultats : car, d'une part,
elle avait marqué ses progrès dans l'art d'écrire pour les voix, et il
avait acquis l'expérience des conditions de la musique dramatique,
ainsi que des effets de la scène, qu'on n'apprend qu'en s'y hasar-
dant. D'autre part, la confiance dans son talent s'était accrue par
le succès. Sa réputation n'était pas celle d'un maître vulgaire. Emma
di Resburgo avait paru avec éclat et avait été reprise plusieurs fois à
Venise, à Milan, à Gênes, à Florence, à Padoue ; elle avait été tra-
duite en allemand sous le titre d'Emma von Leiccster, et jouée à
Vienne, à Munich, à Dresde, à Francfort, sous ce titre, tandis qu'une
autre traduction, intitulée : Emma de Roxburg, était chantée à Berlin
et à Stuttgart. Marguerite d' Anjou était jouée avec un succès égal à
Milan, Venise, Bologne, Turin, Florence et Trieste ; en allemand, à
Munich et à Dresde; en français, à Paris et sur presque tous les
théâtres de France et de Belgique; à Londres, en anglais et en ita-
lien. Toutefois l'artiste n'avait pas encore découvert sa propre per-
sonnalité ; il marchait dans des voies qui n'étaient pas les siennes; il
était devenu plus habile, mais il n'était pas encore original ; il avait
du savoir et de l'expérience, mais l'audace lui manquait.
Remarquons cepsndant cette année 1823; elle est significative dans
la vie de Meyerbeer, comme artiste. Nul doute que, méditant alors
sur ce qu'il avait produit depuis son arrivée en Italie, et faisant un
retour sur lui même, il n'ait senti ce qui manque à ces ouvrages pour
en compléter les qualités esthétiques; car on verra, dans la suite de
cette notice, ses efforts tendre incessamment vers une manifestation
de plus en plus prononcée de son individualité. C'est à la même
époque qu'il fit à Weber la visite dont il est parlé dans la lettre de
l'auteur du Freyschûts, citée précédemment, et sans doute cette
journée de causerie intime de deux grands musiciens n'a pas été
perdue pour l'auteur de Robert, des Huguenots, de Struensée et du
Prophète.
De retour en Italie, Meyerbeer y donna son Crociato, non à Trieste,
comme le croyait Weber et comme l'avaient annoncé plusieurs jour-
naux allemands, mais à Venise, où il fut représenté le 26 décembre
1824. Les rôles principaux avaient été écrits pour Mme Meric-Lalande,
alors dans tout l'éclat de son talent, et pour Velluti et Lablache. L'exé-
cution fut bonne, et le succès surpassa l'attente du compositeur, qui
fut appelé plusieurs fois et couronné sur la scène. Toutes les grandes
villes de l'Italie accueillirent avecla même faveur II Crociato, et l'on
ne peut douter que, si Meyerbeer eût fait succéder quelques opéras
à cette partition, il ne se fût placé à la tête des musiciens qui écri-
vaient au-delà des Alpes ; mais déjà d'autres projets occupaient son
esprit.
FÉTIS père.
{La suite prochainement.)
THÉÂTRE IMPERIAL DE L'OPERA.
Ejffa Xfugi&enots. MBlc Marie Sas dans le rôle de
Valentine.
L'ambition naturelle de Mlle Marie Sax , après tous les succès
qu'elle avait obtenus, notamment dans le rôle d'Alice, de Robert le
Diable, c'était de s'essayer, à son tour, dans celui de Valentine des
Huguenots. De son côté la direction de l'Opéra est toujours dans son
droit et dans son devoir, lorsqu'elle cherche à s'assurer deux artistes
pour le même rôle, ou, comme on disait jadis, un premier sujet et
un remplacement, ce qui n'excluait pas le double. Il avait donc été
résolu que Villaret et Mlle Marie Sax débuteraient le même soir,
l'un comme nouveau Raoul, l'autre comme nouvelle Valentine. Les
études et les répétitions avaient été combinées à cette fin ; mais, il
y a peu de jours, Villaret s'étant trouvé pris de l'enrouement épidé-
mique, on a jugé prudent de lui accorder du repos et même de l'en-
voyer dans le Midi pour y réparer les dommages du climat et de la
saison. Mlle Marie Sax, étant prête, on n'avait nulle raison de la
faire attendre, et elle y a gagné d'avoir pour partenaire, non pas un
débutant comme elle, mais Gueymard, un artiste aguerri par quinze
ans de services : quand Villaret reviendra, c'est elle qui sera en état
de le soutenir et de l'encourager.
Les Huguenots ont été joués vendredi, et nous devons dire tout
d'abord que depuis longtemps nous n'avions assisté à une représen-
tation aussi belle, aussi complètement soignée de l'immortel chef-
DE PARIS.
123
d'oeuvre. Mlle Marie Sax y a déployé cette grande et riche voix, qui
n'a pas de rivale; cette voix dont l'étoffe est d'une solidité, d'une
égalité qui jamais ne se démentent. On savait à quoi s'en tenir dès le
magnifique duo du troisième acte, où pourtant l'émotion lui a fait
descendre un peu trop vite la gamme qui suit la tenue de Vut aigu.
Dans tout le quatrième acte, elle a supérieurement chanté, supérieu-
rement joué : elle a enlevé les bravos, les rappels, et le cinquième
acte lui a valu un nouveau triomphe. Gueymard aussi a été ap-
plaudi, rappelé avec justice. Belval est toujours un excellent Marcel;
mais qui jamais a rempli le rôle de Ne vers de manière à pouvoir
être comparé à Faure? le chanteur et l'acteur y sont accomplis. Ca-
zaux, dans le rôle de Saint-Bris, a été fort bien, sauf un lapsus de
mémoire au quatrième acte. Mmes Hamackers et deTaisy ont brillé par
leurs jolies voix. Ce qui fait le plus d'honneur à M. Georges Hainl,
le chef d'orchestre, c'est la parfaite ordonnance du finale si compli-
qué du troisième acte; les instruments d'Adolphe Sax (ne pas con-
fondre avec Marie Sax) y ont fait merveille sur le bateau nuptial, et
en somme la soirée a pleinement satisfait la grande affluence des
spectateurs.
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
l'tt JBalto in tnaschera, — Frascnini et Muie Cnar-
ton-Demenr. — Bénéfice de 9111e Patti.
Nous avions eu déjà un Ballo in maschera avec Fraschini, mais
non avec Mme Charton-Demeur, qui manquait au rôle d'Amélia :
maintenant elle ne lui manque plus, et l'ouvrage a repris tout son
effet, tout son charme. La cantatrice, fort belle à voir, est aussi fort
bonne à entendre dans les actes principaux. Avec elle et Delle-
Sedie, Fraschini n'a plus qu'à se louer de son entourage.
Vendredi, c'était la représentation au bénéfice de Mlle Patti, véri-
table bénéfice celui-là, car la salle était remplie et brillante au su-
prême degré. Le spectacle ne se composait que de fragments em-
pruntés à Don Pasquale, à la Traviaia, à Don Giovanni, à l'Elisire
d'amure, dont la bénéficiaire chantait pour la première fois à Paris
le meilleur duo avec Scalese. Que l'on s'imagine des bravos sans fin,
des bis, des rappels, des pluies de fleurs et de couronnes, et l'on
aura une idée de cette soirée exceptionnelle dans laquelle. Mlle Patti
s'est montrée ce qu'elle est toujours, charmante, ravissante, pour ne
pas faire d'exception.
Concert de Vivier.
Une heure de musique ! C'est ainsi que Vivier avait annoncé le
rendez-vous par lui donné dans les salons d'Erard, à la fleur, à !a
crème, à l'élite de la société parisienne. Les programmes sont tou-
jours un peu trompeurs, mais on ne leur en veut pas, quand ils
trompent en plus et non en moins. Une heure de musique ! II serait
bien possible que le concert en eût duré deux, mais personne ne
s'en est aperçu, tant on a eu de plaisir, sans mélange aucun de fa-
tigue. Vivier, toujours original, s'est avisé de vouloir l'être plus que
jamais et d'étonner son auditoire par la simplicité, par la sagesse !
Il a voulu jouer du cor, non plus comme Vivier, mais comme un
artiste rigoureusement classique. Cette seconde manière ne lui a pas
moins réussi que la première. II a redit l'Eloge des larmes, de façon
à enchanter Schubert lui-même. Dans Une Plainte, que l'on a bissée,
il a lutté, ou plutôt il s'est identifié avec la voix de Faure : c'était
un solo et tout à la fois un duo. Avec Mlle Marimon, il a entonné
le Cerf est venu boire, et les bravos ont redoublé. Le piano de
Mme Tardieu de Malleville, le violoncelle de M. Poëncet, dans un
amiante et finale de Mendelssohn, dans un andante de Beethoven
et une valse de Hnopin, une mélodie maritime de Quidant, Ma
barque, admirablement chantée par Faure, tout cela dans Une heure
de musique! Mais savez-vous ce que Vivier a pu gagner dans cette
heure ? environ 4,000 francs. Vous concevez qu'il n'ait pas regardé
à quelques minutes par-dessus le marché.
CONCERTS
Du cirque Napoléon et du cirque de l'Impératrice ..
C'est M. Pasdeloup qui, le premier, nous a fait connaître l'Elie de
Mendelssohn : alors il n'avait pas créé les concerts populaires de
musique classique, mais déjà, sans doute, il en avait l'idée, et il pré-
ludait dans le cirque des Champs-Elysées aux solennités qu'il devait
fonder plus tard sur le boulevard du Temple.
Pour le festival dédié à Mendelssohn, il était tout simple que son
grand oratorio reparût sur le programme. La séance commençait
par la belle ouverture à'Athalie, composition majestueuse et sévère,
dans laquelle l'auteur a reproduit musicalement le caractère de la
poésie biblique. Un charmant chœur, le Départ, fort bien exécuté par
les masses vocales, faisait contraste avec l'ouverture, et plaisait gé-
néralement par sa grâce naïve. Ensuite venait le concerto en sol
mineur, qui n'a été qu'un jeu et un triomphe pour Alfred Jaëll. Voilà
bien par quelles mains puissantes doit être touché le piano dans un
pareil local ! Le grand artiste n'a rien omis, rien laissé dans l'ombre ;
il a tout compris et tout fait comprendre avee une facilité qui
doublait son mérite : aussi a-t-il été plusieurs fois salué d'unanimes
bravos.
Dans l'oratorio, nous entendions pour la première foi? une canta-
trice célèbre en Angleterre, Mme Rudersdorff, dent la belle voix et
le talent exercé ont produit le meilleur effet sur l'auditoire. Elle
chantait le rôle de la veuve de Sarepta ; M. Petit n'a pas moins
réussi dans le rôle d'Elie ; Mme Talvo-Bedogni disait celui de l'ange,
et il n'y avait que des éloges à donner à cette distribution, de même
qu'à l'ensemble. On sentait qu'une direction supérieure, un soin ex-
trême, avaient présidé aux répétitions de la grande œuvre, et pourtant
on ne pouvait dissimuler que la froideur et l'ennui régnaient dans la
salle. A qui s'en prendre ? au genre même de l'œuvre. L'oratorio ne
va pas à notre nature : le sentiment dramatique est trop éveillé, trop
exigeant chez nous pour se satisfaire de vaines apparences. Nous ne
sommes pas de ces populations que les scrupules religieux dominent
et qui transigent avec le ciel, en acceptant une scène sans dé-
cors, des acteurs sans costumes, un drame sans action. « Fuyons
l'opéra, disent nos pieux voisins, mais prenons toujours l'oratorio
et, comme l'Héloïse de Colardeau, nous rêverons le reste ! » Nous
ne voulons rien rêver, nous autres : nous aimons les réalités, et
il n'y a pas de milieu pour nous entre l'orchestre et le théâtre. A
moins d'une profonde révolution dans nos mœurs, et rien n'en
indique le symptôme, il en sera l'année prochaine comme il en a
été les années précédentes. Avis à ceux qui fonderaient sur l'oratorio
des espérances de fortune ; autant vaudrait bâtir sur le sable, ou se-
mer sur le bord de la mer.
N'est-ce pas vraiment chose heureuse que l'on ait compris à Paris
la nécessité de construire des cirques pour les chevaux? Sans cela,
nous n'aurions pas encore une vraie salle de concert, et au lieu
d'une, nous en avons deux : cirque d'hiver, cirque d'été! Par exem-
ple, ce qui nous étonne, c'est l'usage auquel on veut employer ce
dernier. Comprend-on qu'il vienne à l'idée d'entreprendre des con-
certs à l'époque de l'année où tous les concerts finissent? Quand le
soleil brille, quand le vent agile les feuilles et les fleurs, quand l'oi-
seau chante sur la branche, qui donc irait se renfermer, en plein
jour, dans une enceinte quelconque? Cependant M. Deloffre et son
orchestre ont inauguré dimanche dernier leurs concerts classiques au
124
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cirque de l'Impératrice. Ils y ont joué, comme de braves et vaillants
musiciens qu'ils sont, la symphonie en sol mineur de Mozart, dont
on a même bissé le minuetto; l'ouverture du Freischiitz , de Weber;
les fragments du Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn. Ceux qui
ont entendu tout cela nous ont dit que de plus Piatti a supérieure-
ment redit l'andante et le rondo du concerto de Molique, avec les-
quels il avait déjà obtenu tant de s'iccès dans le cirque du boulevard
du Temple, dont le cirque des Champs-Elysées se fait, l'écho. Il en
est bien le maître assurément; mais pourtant serait-ce la peine, si
l'écho ne résonnait que dans le désert, et il nous semble que cela
pourrait bien arriver.
Paul SMITH.
ADDITIONS ET CONCERTS.
il. Joseph ITîenlatvskf . — SI. Edouard Wolir. — SI. Char-
les Lebonr. — SI. SIelcbior Sloeker. — SI. A. Bessens. —
Slme Lippi-Caristle.
Joseph Wieniawski a montré dans son concert de cette année,
qu'il avait amplement mis à profit le temps écoulé depuis son début
en France. Après avoir interprété de la manière la plus brillante, en
compagnie de Sivori et de Piatti, le deuxième trio de Mendelssohn,
et seul, une tarentelle inédite de Rossini, un adagio de Beethoven, et
une gavotte de Bach, il a fait entendre une mazurka et une polo-
naise [triomphale de sa composition, qui ont obtenu un très -grand
succès. L'intérêt très-grand qui s'attachait à cette soirée a été jus-
tifié non-seulement par le bénéficiaire, mais aussi, ce qui ne sur-
prendra personne, par Sivori et Piatti, qui ont joué, avec leur per-
fection habituelle, la mélancolie de Prume, et la barcarolle de Marino
Faliero.
— Lorsque, à défaut de variété dans le programme, on peut of-
frir au public des noms tels que ceux de Vieuxteraps et de Levas-
seur, ce que M. Edouard Wolff a fait à sa brillante soirée, dans les
salons d'Erard, on peut se passer de tout autre attrait. Nous n'a-
vons rien à apprendre à nos lecteurs sur les qualités exceptionnelles
qui distinguent le talent d'Edouard Wolff; on sait que c'est un de
nos pianistes les mieux doués et les plus complets, qui joint à la
pureté, à l'élégance, à l'énergie de l'exécution, une rare perfection
de style. Comme compositeur, il donne à toutes ses productions un
cachet d'originalité et de distinction tout à fait caractéristique. Ses
idées mélodiques sont encore rehaussées par un travail harmonique
des plus intéressants. Tout le monde connaît sa délicieuse Barca-
rolle, qu'on ne se lasse pas de lui faire répéter. Plusieurs mor-
ceaux inédits qu'il avait mis en réserve pour la circonstance, n'ont
pas été moins bien accueillis. Une Mélodie-étude, un Impromptu,
un Nocturne, une Chanson polonaise, une Elégie et en première li-
gne une fort belle Sérénade de concert, lui ont mérité d'enthou-
siastes bravos. Ses duos sur Orphée et sur les Noces de Figaro, com-
posés et exécutés avec Vieuxtemps, ont également ravi l'auditoire.
— M. Charles Lebouc, le violoncelliste, possède un talent doux et
sage, un jeu sobre et contenu qui lui assignent un rang très-hono-
rable, sinon parmi les virtuoses, du moins parmi les musiciens sé-
rieux et gardiens des bonnes traditions. Dans son concert, donné à
la salle Herz, avec l'aide de Mlle Caroline Rémaury et de MM. Do-
rus, Triébert, Rousselot, While, Adolphe Blanc et Gouffé, il a passé
successivement en revue le grand septuor en ré mineur, de Hummel,
le quintette en ré, de M. Adolphe Blanc, dont l'andante a produit
une très- vive sensation, le boléro d'un quintette de Boccherini,
charmante page que l'on a bissée, et où M. White s'est particuliè-
rement distingué, l'air de Batti, de Don Juan,, chanté à merveiile
par Mme Damoreau-Wekerlin, et accompagné par le violoncelle, et
enfin des airs russes variés, par Ries, pour piano et violoncelle.
Le lendemain de ce brillant concert, M. Lebouc donnait chez lui
une séance entièrement composée de musique nouvelle. Un troisième
quatuor d'Ad. Blanc et deux trios de MM. de Rémusat et Raoul de
Boisdeffie, ont parfaitement réussi. La partie de piano de ces ouvrages
a été rendue d'une manière magistrale par Mlle Mongin, qui a ter-
miné la séance par une étude et un scherzo de Mme Farrenc.
C'est M. Mortier, un de nos bons professeurs de chant, qui était
chargé de la partie vocale de la séance ; il a fait entendre le Chant
du berger, mélodie de Meyerbeer, avec accompagnement de clari-
nette. Cette mélodie, à la fois large et suave, a causé le plus grand
plaisir, et sera certainement chantée souvent dans les soirées et con-
certs ; M. Surdun en a parfaitement rendu la partie de clarinette.
M. Mortier a chanté aussi une idylle chaldéenne de M. Emile Durand,
l'auteur de tant de jolies mélodies. Nous ne saurions trop engager
M. Lebouc à renouveler souvent ces séances, si intéressantes pour les
compositeurs et les amateurs.
— En ne jouant pas un seul solo, et en se bornant à faire sa par-
tie dans une sonate de Mozart et dans des fragments de Mendelssohn
et de Damcke, M. Melchior Mocker, le neveu du charmant comédien
de ce nom, a voulu sans doute nous prouver, à son concert chez
Erard, qu'il était un musicien consommé, et il y a pleinement réussi.
A considérer la netteté, l'élégance de son jeu, les nuances délicates
de son exécution, nous trouvons même qu'il s'est montré bien mo-
deste.
— La soirée musicale, donnée par M. A. Bessems, dans la salle
Pleyel avait réuni un très-nombreux auditoire, qui n'a pas épargné
ses applaudissements à ce violoniste-compositeur, dont le talent sé-
rieux est depuis longtemps connu et apprécié. Sa fantaisie nouvelle
et sa Plainte de Mignon, chantée par M. Lhérie, avec accompagne-
ment d'alto, ont fourni à M. A. Bessems l'occasion de faire entendre
sa musique interprétée par lui-même, et l'épreuve a été des plus sa-
tisfaisantes.
— Nous devons des encouragements sympathiques à Mme Lippi-
Caristie, jeune et belle cantatrice, qui s'est fait entendre, ces jours
derniers, à la salle Pleyel- Wolff. Sa voix a de la force et de l'éten-
due; on reconnaît qu'elle est à bonne école, et lorsque l'étude lui
aura fait acquérir un peu plus de légèreté et de souplesse, nous
croyons pouvoir lui prédire de grands succès. Celui qu'elle a obtenu
dans son air de la Muette et dans sa cavatine du Giuramento, de
Mercadante, sont déjà d'awsez favorables augures. Dans la partie ins-
trumentale de cette soirée, se sont distingués deux jeunes virtuoses
qui ont conquis de nombreux bravos : M. Albert Vizentini, en exécu-
tant sur le violon une fantaisie de son maître Léonard et une très-
jolie berceuse, de Reber; M. L.-L. Delahaye, en jouant magistralement,
sur le piano, la fantaisie sur Don Juan, de Thalberg, et son duo sur
Mireille.
Y.
REVUE DES THEATRES.
Porte-Saint-Martin : le Capitaine Fantôme, drame en cinq actes
et huit tableaux, par MM. Anicet Bourgeois et Paul Féval. —
Théâtre impérial du Chatelet : la Jeunesse du roi Henri, drame
en cinq actes et sept tableaux, par M. le vicomte Ponson du Ter-
rail. — Ambigu : le Comte de Saulles, drame en cinq actes,
par M. Edouard Plouvier.
Les théâtres de drames ne sont plus aujourd'hui que des succur-
sales de la librairie ; sur trois pièces qui arrivent aux honneurs de la
représentation, il y en a deux qui ont commencé par être des romans,
et dent les titres s'étalent à la fois sur l'affiche et sur les couver-
tures jaunes du cabinet de lecture voisin. Cette dualité, passée à
l'état de coutume, depuis qu'Alexandre Dumas en a pris l'initiative,
DE PARIS.
125
simplifie étrangement la besogne des dramaturges, en même temps
qu'elle épargne an public bien des efforts d'intelligence. Il nous
est difficile d'accepter cela comme un progrès; mais l'art étant à peu
près désintéressé dans la question présente, le dommage est de peu
d'importance. Ceux de nos lecteurs qui connaissent déjà le Capitaine
Fantôme, de M. Paul Féval, dans sa forme de livre, auront donc la
bonté de nous excuser si, en parlant du drame qui porte le même
nom, nous ne leur apprenons rien de nouveau. César de Cabanil est
un officier qui, pendant la guerre d'Espagne, s'est fait fusiller pour
" avoir insulté et tué en duel un de ses supérieurs. Effacé de la liste
des vivants, Cabanil, qui a racheté secrètement son existence au prix
de son honneur de soldat, ressuscite comme fantôme pour les uns,
mais en réalité comme espion pour les autres. Il est vrai qu'il se
venge de la triste nécessité dans laquelle il s'est mis, en faisant le
plus de mal possible aux Anglais et en protégeant une jeune Espa-
gnole dont la beauté et la fortune ont éveillé les convoitises d'un
parent traître et avide. Cabanil, secondé dans ses expéditions mysté-
rieuses par quatre dragons d'un dévouement à toute épreuve, passe à
travers mille dangers, distribuant çà et là de terribles coups de
sabre et brisant tous les obstacles pour sauver Lilias, qu'il arrache
enfin à son persécuteur au moment où celui-ci est parvenu à l'en-
traîner sur un navire que le capitaine Fantôme prend, lui cinquième,
à l'abordage.
Ce drame de cape et d'épée a pour pivot Mélingue le mousque-
taire, Mélingue le bossu, qui a occis tant de monde qu'on a fini par
ne plus trop s'en émouvoir. César de Cabanil, ce brave continuateur
de d'Artagnan, n'a qu'un tort, c'est celui de venir après tant d'au-
tres fiers-à-bras dont les hauts faits ont escompté les siens. Il y a
quelques années le Capitaine Fantôme eût assurément fait la for-
tune du théâtre qui l'aurait accueilli; à présent, 1a chose est moins
certaine, quoique Mélingue dépense dans ce rôle de Cabanil autant
et même plus de talent qu'il n'en a jamais eu, quoique Mme Doche
le seconde de son mieux, et quoique enfin la direction de la Porte-
Saint-Martin n'ait rien négligé pour la mise en scène de cette pièce,
à laquelle pourtant il manque un petit bout de ballet.
— De même que le Capitaine Fantôme, le nouveau drame du
théâtre du Châtelet a été arrangé par M. le vicomte Ponson du Ter-
rail, comme dit orgueilleusement l'affiche, sur un de ses romans, le-
quel a été arrangé sur l'histoire de la Jeunesse du roi Henri, le
monarque populaire de la poule au pot, qu'on a mis tant de fois à
la scène et dont on ne se lasse jamais. Soit qu'on s'égare avec lui
dans ses montagnes du Réarn, soit qu'on le suive au milieu des in-
trigues et des périls de la cour de Charles IX, il y a sans cesse au-
tour de ce jeune prince, qui sera bientôt le maître de la France et
le père de ses sujets, une auréole sympathique dont l'influence est
toute-puissante sur l'esprit du public. Ainsi, la pièce de M. le vi-
comte Ponson du Terrait est loin d'être un chef-d'œuvre; elle est
longue et diffuse; les incidents dont elle se compose sont mal atta-
chés; des tableaux entiers pourraient disparaître sans gêner la mar-
che de l'action. N'importe! le personnage du jeune roi Henri est là
pour tout sauvegarder. On le voit avec plaisir, toujours gai, toujours
habile, échapper aux embûches que lui tend le parfumeur René,
l'assassin aux gages de Catherine de Médicis, et lorsque, au dénoû-
menl, Jeanne d'Albret meurt empoisonnée, l'intérêt qu'il inspire re-
jaillit sur sa mère.
Il faut d'ailleurs en convenir, la réussite de ce drame est due en
grande partie aux soins artistiques, au bon goût et au luxe avec
lesquels il a été monté. On y assiste notamment à une vraie chasse
qui est, sans contredit, l'une des plus curieuses choses qu'on puisse
voir au théâtre. Une véritable meute de chiens, tenus en laisse par
leurs piqueurs, s'élance, à un signal donné, sur un cerf que la cara-
bine du roi vient d'abattre, et alors, à la lueur des flambeaux, au
bruit des fanfares et des aboiements, a lieu une curée qui est la
représentation exacte de ce qui se passe en pareille rencontre. L'il-
lusion est d'autant plus complète que les chiens ne se font pas prier
pour jouer consciencieusement leurs rôles.
Un autre attrait de cette pièce, c'est la pavane que l'on y danse,
d'après les traditions du temps, et aussi le gracieux ballet de l'esca-
dron volant de la reine, figuré par de jeunes et jolies femmes en
riches et brillants costumes. Enfin tout concourt, sans en excepter
la distribution, dans laquelle il faut citer besrieux, Mlle Suzanne La-
gier et Mlle Esclozas, à assurer à la Jeunesse du roi Henri un suc-
cès qui ne sera pas seulement, quoi qu'on en dise, un succès de
chiens.
— Voici, du moins, à l'Ambigu, un drame qui ne doit rien à per-
sonne, et dont la représentation n'a pas été déflorée par la lecture.
Le Comte de Saulles est une œuvre sérieuse et littéraire qui, par ses
tendances morales, fait le plus grand honneur à l'imagination de
M. Edouard Piouvier. C'est la question de l'adultère envisagée sous
un aspect tout à fait neuf et saisissant. Avant d'être vice-amiral, le
comte de Saulles a aimé Mme d'Hortal et l'a rendue mère. Plus tard,
M. d'Hortal est mort, et le comte, pour réparer autant que possible
le mal qu'il a fait, a épousé la veuve de l'homme qu'il a aidé à
tromper. Mais il ne lui est pas possible de donner son nom à l'en-
fant qu'il a eu de Mme d'Hortal et qui est né sous le régime du
premier mariage. Or, c'est là qu'est l'expiation. Le malheureux père,
qui adore son fils, a la douleur de ne pouvoir gagner sa confiance.
Léon d'Hortal le regarde comme un intrus dans la maison mater-
nelle, et plutôt que d'accepter de lui la dot sans laquelle sera rompu
son mariage avec Mlle Marthe Fromont, il ira demander an asile à
un vieux docteur, ami de sa famille, et cherchera à se créer une
position par son travail d'avocat.
Malgré tous les signes d'aversion que lui donne Léon, le vice-
amiral redouble, mais en vain , d'efforts pour le fléchir. Enfin
une cause se présente dont il confie la défense au jeune avocat,
les explications qu'elle nécessite ont révélé à Léon le secret de
sa naissance. Il s'opère alors dans l'esprit du jeune homme une réac-
tion, et sa haine pour M. de Saulles fait place à la tendresse ; mais
il faut soigneusement cacher à sa mère qu'il est instruit de sa faute.
Paraissant donc en cela céder à ses suggestions, il supplie le comte
de renoncer au projet qu'il a annoncé de quitter pour jamais la
France, et pour l'y déterminer, il accepte, à titre de rémunération
de ses soins dans le procès qu'il a gagné, la somme exigée par les
parents de Marthe pour lui donner leur fllle. Ce dénoûment, satisfai-
sant à un certain point de vue, mais n'apportant qu'un allégement
fort incomplet à la fausse position du comte et de sa femme, est la
conséquence logique d'une faute de jeunesse, dont la juste punition
les poursuivra, sous les traits de leur fils, jusqu'à la fin d'une exis-
tence abrégée peut-être par les remords. Tous les sentiments que
comporte le rôle du comte de Saulles sont admirablement indiqués
par Frederick Lemaître; mais le célèbre comédien n'est plus que
l'ombre de lui-même, et ses facultés d'interprétation ne sont plus à
la hauteur de son intelligence dramatique. C'est d'ailleurs un spec-
tacle plein d'intérêt que le rapprochement du père, dont la carrière
est à son déclin, et du fils qui marche à côté de lui dans la glorieuse
voie que son exemple lui a tracée. Le personnage de la comtesse
est rempli par Mlle Camille Lemerle, dont la rentrée a été des plus
brillantes.
L'espace nous manque pour rendre compte des deux succès de la
semaine : Aux crochets d'un gendre, au Vaudeville, et le Dégel, au
théâtre Déjazet; ce sera pour dimanche prochain.
». A. D. SAINT-YVES.
126
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
NOUVELLES.
*** Au théâtre impérial de l'Opéra, la Muette a été représentée lundi;
mercredi on a donné la Uascherà, précédée de deux actes de Lucie,
et vendredi les Huguenots, chantés par Mlle Marie Sax, Gueymard, Faure,
Belval, et Mmes Hamackers et Taisy. — Aujourd'hui, par extraordi-
naire, la Muette. — Lundi, les Huguenots.
t% Les répétitions de Roland à Honcevaux se poursuivent avec acti-
vité; cependant l'opéra de M. Merraet ne sera pas prêt avant la fin de
mai au plus tôt. •
**» Nous avons rendu compte il y a quelque temps du ballet de
Fiametta, composé par Saint-Léon et représenté à Saint-Pétersbourg
au bénéfice de Mlle Mouravieff, et nous avons dit que ce ballet avait
été pour elle l'occasion d'un succès et même d'ovations extraordinaires.
Il va être complètement remanié et monté à l'Opéra. Saint-Léon s'est
associé pour ce travail deux de nos plus spirituels auteurs dramatiques,
MM. Meilhac et Ludovic Halévy. Il va sans dire que le rôle de Fia-
metta, qui pourra bien changer de nom, sera dansé par Mlle Mouravieff.
,% è. M. l'Empereur, dont la bienveillance pour les lettres et les
arts est inépuisable, vient, à la demande du président et de la com-
mission des auteurs et compositeurs dramatiques, d'accorder une re-
présentation sur le théâtre de l'Académie impériale de musique, au bé-
néfice de la caisse de secours de cette grande et honorable association.
C'est la première fois qu'une pareille faveur lui est faite. Les princi-
paux théâtres de Taris contribueront d'une façon splendide à cette so-
lennité dramatique, à l'occasion de laquelle M. le comte Bacciochi,
surintendant général des théâtre?, a daigné donner à la Commission les
témoignages de la plus vive sympathie. Nous ferons connaître, sous peu
de jours, le programme de cette représentation.
t% On a joué lundi au théâtre impérial de l'Opéra-Comique le Songe
d'une nuit d'été, avec Achard, Crosti, Capoul et Mlle Monrose; le chef-
d'œuvre d'Ambroise Thomas fait toujours un grand plaisir. — Lara et
la Fiancée du roi de Garbes ont été donnés alternativement les autres
jours.
»% M. Bagier vient de rengager Mlle Adelina Patti pour la saison
prochaine. Le départ de la charmante cantatrice qui, à son bénéfice
donné vendredi, a été littéralement couverte de bouquets et de cou-
ronnes, aura lieu vers la fin de la semaine. Elle est attendue avec im-
patience au théâtre italien de Covent-Garden.
t*t lîarielle, dont l'engagement à l'Opéra-Comique est expiré, donne
en ce moment des représentations à Toulouse. Il est engagé à Lyon
pour la saison prochaine.
»% Au théâtre Lyrique, la Captive, de Félicien David, est annoncée
pour samedi prochain.— Ismael a repris le rôle principal de Rigoletto.—
Mme Miolan-Carvalho continue à faire le succès de Mireille.
t% On assure qu'à la suite d'un inventaire dressé judiciairement à la
requête d'un des héritiers de Schneitzhoffer, pendant vingt ans musi-
cien de l'orchestre à l'Opéra et auteur de la musique du ballet la Syl-
phide, on aurait trouvé dans les innombrables paperasses laissées par le
défunt, les différents morceaux constituant la musique d'un opéra dont
il avait accepté le poëme en 1833, écrit par un littérateur distingué,
M. Berthé, et qui avait pour titre Imagine.. Comme avant sa mort il n'a-
vait pas livré la partition, on avait cru qu'il ne s'en était pas même
occupé et on n'y avait plus songé. Or, il parait qu'elle était parfaite-
ment terminée. Cette œuvre posthume aurait été présentée à la direction
du théâtre Lyrique impérial, qui lui aurait fait le meilleur accueil.
„% Mardi dernier a eu lieu au théâtre Lyrique l'audition d'un grand
opéra, Jeanne d'Arc, composé à Carcassonne par M. Germain. MM. Bonne-
hée, Capoul, Battaille et Mlle Rignault, élève du Conservatoire, s'étaient
chargés de l'interpréter, et quoiqu'exécutée au piano, cette partition a
produit une excellente impression. Plusieurs fragments ont été chaleu-
reusement applaudis.
„** Notre correspondant de Marseille nous écrit que M. Aug. Charles,
ex-flûte solo des théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg, a donné der-
nièrement dans la belle salle de l'Union des arts, avec le concours des
artistes de l'Opéra et des artistes les plus distingués de Marseille, un
concert des plus brillants et dont tous les journaux du Midi ont fait
l'éloge. M. A. Charles vient d'arriver à Paris.
**» Un élève du professeur Croscet, qui a renoncé à l'état militaire
par vocation pour la musique, M. Cazaux, a chanté la semaine dernière
pour la première fois dans un concert donné à la salle Beethoven. 11 a
dit l'air de la Juive de façon à donner de grandes espérances.
„% La séance annuelle de l'Orphéon de Paris (rive gauche) aura lieu
îe 2fc de ce mois, au cirque de l'Impératrice, sous la direction de
M, Fr. Eazin.
**„ voici le programme du huitième concert de la Société du Con-
servatoire : 1° Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn. Ouverture, alle-
gro appassionato, — adagio, — couplets et chœur, - scherzo, — mar-
che. Soli chantés par Mmes Yandenheuvel-Duprez et Barthe Benderali. —
2" Chœur d'Eurianthe, de Weber, solo chanté par M. de Wast. —
3" Hymne d'Haydn , exécuté par tous les instruments à cordes. —
4° Air d'Idoménée, de Mozart, chanté par Mme Vandenheuvel-Duprez.
— 5° Symphonie en la, de Beethoven. — 6° Psaume (chœur), de Marcello.
*** Le 24 avril, dernier concert populaire de M. Pasdeloup, donné, à
2 heures précises, au Cirque-Napoléon, boulevard des Filles-du-Calvaire,
au profit de l'œuvre de Sainte-Geneviève. Cette œuvre a pour but de
fonder des maisons de sœurs de charité dans la banlieue, pour l'insti-
tution d'écoles, salles d'asile, patronages. Les sœurs visitent et secou-
rent les pauvres et les malades. Mme Rudersdorff, qui a eu tant de
succès au festival de Mendelsohn et qui est partie pour Londres où
l'appellent plusieurs engagements, reviendra exprès pour ce concert
dont voici le programme : Ouverture de Semiramis ; — symphonie en
ut mineur de Beethoren ; — scène d'Oberon, chantée par Mme Ru-
dersdorff; — hymne d'Haydn, par tous les instruments à cordes; —
air de l'oratorio Elie de Costa, chanté par Mme Rudersdorff; — thèmes
variés et marche de Lachner.
*% Sivori est allé à Londres continuer le cours de ses succès; il
s'est fait entendre le 9 aux Monday popular concerts, dirigés par Cha-
pel. Toute la presse de Londres est unanime pour féliciter le célèbre
violoniste.
**„. Aujourd'hui dimanche il avril, deuxième séance des concerts
classiques du cirque de l'Impératrice. En voici le programme: sym-
phonie en ré (n° 51), d'Haydn; Concerto en sol mineur, avec accompa-
gnement d'orchestre, de Mendelssohn, exécuté par M. E. Lubeck; Ou-
verture d'Oberon, de Weber; Symphonie en ut mineur, de Beethoven.
L'orchestre sera dirigé par M. Deloffre, chef d'orchestre du théâtre
Lyrique impérial.
»*„ M. Costa, compositeur italien très-distingué et auteur de plu-
sieurs opéras qui ont été représentés avec succès en Italie, se trouve à
Paris où, sollicité par d'anciens élèves, il s'occupe d'organiser un cours
de chant et d'harmonie.
„% Le concert annuel des frères Binfield est retardé par suite d'in-
disposition.
*** Au concert donné à son bénéfice, Arban avait fait exécuter par
son orchestre la première Marche aux Flambeaux, de Meyerbeer. De-
puis lors, il avait fait exécuter la deuxième et, avant-hier, il a fait
jouer la quatrième qu'on ne connaissait encore à Paris que par l'arran-
gement au piano. Cette dernière n'a pas été moins appréciée que ses
aînées ; elle avait d'aiileurs été l'objet de la sollicitude toute particu-
lière d'Arban, et la belle œuvre de Meyerbeer a été rendue par
l'excellent orchestre du Casino, de manière à électriser l'auditoire qui l'a
applaudie avec enthousiasme.
*** On annonce la construction prochaine à Munich d'un théâtre po-
pulaire qui contiendrait au moins seize cents places, dont le tarif serait
tellement modique, que le parterre ne coûterait qne 60 centimes, l'or-
chcsse 1 fr. 25 c, les loges 2 fr. 50 c, les galeries d'avant-scène 2 fr.
60 c, et la dernière galerie 45 centimes. Voilà le vrai spectacle à bon
marché.
»*t L'Athénée musical vient d'entrer dans une phase nouvelle. M. Gé-
rault succède à M. de Raoussel-Boulbon, et le nouveau directeur vient
d'ajouter à son programme de musique des grands maîtres, la romance
et la chansonnette. Un nombreux auditoire applaudit tous les soirs,
Darcier, Chenest, Mlle Praldi, Mmes Lider et Danneville, Castel, chan-
teur comique, etc.
„,** Jeudi dernier a eu lieu, pour MM. les membres des sociétés sa-
vantes, une séance d'audition du grand orgue de Saint-Sulpice, com-
plètement reconstruit et enrichi de tous les perfectionnements de l'art
moderne, par la maison A. Cavaillé-Coll, et qui est aujourd'hui le plus
considérable de l'Europe. M. Lefébure-Wely, organiste titulaire du grand
orgue, a fait entendre cet incomparable instrument avec son talent ha-
bituel, liossini et plusieurs membres de l'Institut assistaient à cette
séance, qui avait réuni un grand nombre de personnes de distinc-
tion.
t.** Nous exprimions dimanche nos regrets de la résolution que ré-
minent violoniste Jean Becker, blessé de quelques critiques trop sévè-
res, aurait prise de quitter tout à fait Paris. Nous apprenons donc avec
plaisir que son départ a été motivé par des engagements qui le rappe-
laient à l'étranger, et que nous aurons de nouveau le plaisir de l'enten-
dre l'hiver prochain.
**„, Lundi dernier a eu lieu l'inauguration des salons de la manu-
facture de pianos de Philippe Henri llerz neveu et C% fondée l'an
dernier, rue Scribe. Une foule de notabilités y assistait ; l'espace nous
manque aujourd'hui pour rendre compte de cette soirée qui a été fort
brillante, mais nous le ferons dimanche prochain.
t*s Le succès qu'a obtenu le premier concert donné par Louis La-
combe a décidé lVminent pianiste compositeur à en donner un second,
également dans les salons d'Erard, le 26 de ce mois, à « heures. M. La-
combe y fera entendre exclusivement des morceaux de sa composition
exécutés par lui. et avec le concours de MM. Armingaud, Jacquard,
Arcnainbaud, Mortier, Wacquez, Mass ; Mme Arnould-Plessy et Mlle Hus-
tache.
DE PAK1S.
127
,,% Mme Louise Lagnier, pianiste de beaucoup de talent, vient de
se l'aire entendre a la cour de Turin, avec le plus grand succès. Sa
Majesté le roi d'Italie, pour lui prouver sa satisfaction, a envoyé à
Mme Lagnier, un magnifique bracelet, enrichi de diamants, avec une
lettre des plus flatteuse? pour notre compatriote.
„*, La fille de M. Thys, Mme Sébault, auteur d'œuvres gracieuses, la
pomme de Turquie, le Pays de Cocagne, elc, achève en ce moment un
opéra-comique en trois actes, intitulé Manetlc. Les personnes qui ont
entendu des fragments de ce nouvel ouvrage, s'accordent à en dire le
plus grand bien, et sans doute nous ne tarderons pas à être à même de
l'applaudir sur une de nos scènes lyriques.
**„ Mercredi 20, dans les salons d'Erard, aura lieu le concert donné
par Mlle Octavie Caussemille, l'éminente pianiste, avec le concours de
MM. Sighicelli, comte de Plouvier, Mass, Franceschi, Lévy, Wieniavski ;
Mmes Numa-Blanc et Dreyfus.
„% Dans le compte rendu du concert de M. Bauerkeller, notre col-
laborateur a indiqué par erreur Mlle Félix Thuot, comme ayant chanté
dans cette soirée, tandis que c'était Mlle Bellerive, à laquelle reviennent
dès lors les éloges donnés à son talent.
«% Un jeune pianiste compositeur de Florence, M. Ch. Ducci, vient
de passer quelques jours à Paris, avant de se rendre à Londres, où il
est appelé par de brillants engagements, résultat des concerts qu'il a
donnés en Italie et notamment à Rome, où, dans la grande salle du
palais Braschi, en présence du prince de Galles, il a obtenu un beau
succès. M. Ducci s'est surtout attaché à l'étude des classiques, et peu
d'artistes les possèdent comme lui. Sa Chronologie de l'art musical ap-
pliquée au piano est un travail très-remarquable; elle lui fournit des
sujets de programme fort curieux que nous serons appelés à apprécier
l'hiver prochain.
*** Après un silence de quatre années, qu'il a consacrées à la com-
position, Litolff, cédant aux sollicitations des nombreux admirateurs de
son magnifique talent de pianiste, s'est décidé à se faire entendre de
nouveau en public, et vient de visiter plusieurs villes de Belgique où
les Sociétés s'étaient empressées d'obtenir son concours. Il a été ac-
cueilli avec le plus grand enthousiasme. Son quatrième concerto, le
Chant de la Filcuse. la Valse di Bravura, le Scherzo (inédit), le Carnoval
de Paris, etc., ont obtenu partout les suffrages unanimes de l'auditoire.
Les bravos, les bis, les chaleureuses ovations, rien n'a manqué. Li-
tolff est encore attendu à Bruxelles, le (6 courant, pour un grand
concert qui s'organise au profit des indigents.
g*^ A la dernière séance du cours d'ensemble de Mme Clara Pfeiffer,
l'habile phalange de jeunes pianistes qu'elle dirige avec sa supériorité
habituelle, a exécuté à quatre pianos la symphonie de Georges Ma-
thias, avec des nuances d'une telle finesse, que l'effet ne peut en
être surpassé que par la variété des timbres de l'orchestre. L'auteur
qui assistait à l'exécution de son œuvre, a donné les plus grands éloges
aux élèves qui y ont concouru, et dont quelques-unes se sont fait éga-
lement remarquer dans des solos joués avec une pureté de style et de
mécanisme, qui fait le plus grand honneur à l'enseignement si appré-
cié de Mme Clara Pfeiffer. Mme Ernest Bertrand a bien voulu prêter
l'appui de son talent sympathique à cette séance pleine d'intérêt.
»% Aujourd'hui dimanche, grand festival musical au Pré-Catelan. —
Prochainement, inauguration des matinées musicales du jeudi par une
fête magnifique.
3*,,. Le machiniste du théâtre de la cour, à Dresde, M. Haenel, qui a
sauvé avec un dévouement vraiment héroïque Mme Btirde-Ney au mo-
ment où elle allait périr dans les flammes, vient de mourir par suite
des brûlures dont il fut atteint lui-même à cette occasion.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Bordeaux. — Nous avons eu enfin la première représentation du
Templier, de Nicolaï. C'est en 4 840, à Turin, que l'auteur, Othon Nicolaï,
qui était de Kcenigsberg et qui étudia longtemps en Italie les œuvres des
maîtres, fit représenter cet ouvrage. Il contracta leur manière et leurs
procédés et l'on peut reconnaître à chaque pas, dans ses partitions, les for-
mes d'accompagnements, les rhythmes et même des mélodies de Donizetti
et de Bellini.La partition du Templier est sans contredit la meilleure de cel-
les que Nicolaï a composées; elle avait été, lors de l'apparition de l'ou-
vrage, publiée en Italien à Paris; la traduction française a été faite par
M. Danglars, qui a déjà approprié à la scène française Martha et plu-
sieurs autres opéras étrangers. Le succès a été très-grand et nous
avons rarement vu un ouvrage nouveau plus applaudi à sa première re-
présentation. La musique le mérite d'ailleurs, car elle contient de fort
beaux morceaux, et l'on a fait répéter le sextuor du deuxième
acte. Le Templier était interprété par M. Peschard (Ivanhoe), Mlle El-
mire (Rebecca) , M. Marthieu (Cedric le saxon), M. Meric (Brian),
Mme Ferd. Sallard (Lady Rowena). Ils y ont mis tout leur zèle et tout
leur talent; aussi ont-ils tous été rappelés à plusieurs reprises; les
chœurs ont bien marché, surtout à la deuxième représentation qui a
confirmé le succès de la première. La mise en scène est fort soignée.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,%, Londres. — Samedi a eu lieu l'ouverture du théâtre de Sa Majesté
par Kigoletto. Giuglini a été charmant dans le rôle du duc de Mantoue,
et Mlle Vitali, très-jeune artiste qui vient de Bologne, a été accueillie
avec bienveillance. Son talent do comédienne est médiocre, mais elle a
une jolie voix, et malgré son inexpérience, elle pourra devenir une
bonne acquisition pour M. Mapleson. Un baryton pour lequel Verdi a
écrit le rôle de Rigoletto, M. Varese, quoique grand artiste, a perdu une
partie de sa puissance ; néanmoins il s'est montré dramatique et éner-
gique. Un nouveau contralto, Mlle Bettelheim, qui arrive de Vienne
précédée d'une belle réputation, a chanté le rôle de Maddalena. Kigolelto
a été donné une seconde fois mardi, et jeudi on a joué Marta avec Giu-
glini, Santlej', Mlle Vitali et Mlle Bettelheim. Cette représentation a été
très- brillante. — Au théâtre royal italien aura lieu samedi Guillaume Tell,
avec le ténor Wachtel. — Jeudi on a donné eu l'honneur de Garibaldi, qui
y assistait, une représentation de Norma et de deux actes de Masa-
niello.
„,% Bruxelles. — Le Conservatoire royal donnera, dimanche 47 avril,
un concert dans lequel on exécutera l'ouverture et les entr'actes de
Sirucnsée, de Meyerbeer. Joseph Wieniavski y jouera un concerto de piano
de sa composition. — Après la Traviata, la Compagnie italienne adonné
au théâtre national un Ballo in maschera. Mlle Poch y a débuté et son
succès a été des plus chaleureux. Déjà cette vaillante cantatrice avait
brillamment réussi à Gand, dans le rôle de Leonora du Trovature, en
compagnie de Zucchi, Muriani et de Ponti. — Mme Ferraris n'a pu ré-
sister aux sollicitations de notre public; elle a consenti à prolonger
son séjour ici jusqu'à la fin du mois et naturellement ses représenta-
tions auront pour objet VEtoile de Messine, le charmant ballet du comte
Gabrielli, dans lequel ia célèbre danseuse a constamment provoqué
l'enthousiasme des spectateurs.
*** Liège. — Roger nous a quittés. Le soir de sa dernière représen-
tation, les artistes de notre théâtre lui ont fait une véritable ovation, à
laquelle s'est associé le public. Un magnifique bouquet lui a été remis
sur la scène par Mlle Duprez, et une couronne lui a été offerte par
MM. Wicart et Achard.
*% Anvers. — C'est par Martha que s'est clôturée notre saison théâ-
trale. L'opéra de Flotow a été pour les artistes principaux l'occasion
de nombreux témoignages de sympathies de la part des abonnés. Mlle
Delmary et Mlle Castan; MM. Dussargues et Sapin ont reçu de fort
beaux cadeaux.
**„, Cologne. — Le 10e et dernier concert d'abonnement a eu lieu à la
salle du Gûrzenich. Le célèbre violoniste J. Joachim y a joué avec un
art consommé le concerto de Beethoven.
*** Wiesbaden. — Malgré toutes les splendeurs de la mise en scène,
Ondine, opéra-féerie de Lortzing, n'a eu qu'un faible succès.— Joseph en
Egypte, par Méhul, a toujours toutes les sympathies du public— On an-
nonce comme prochaine la représentation de Rizzio, opéra nouveau de
Schliebner.
*** Zurich. — Parmi les opéras donnés ici dans le courant de la
la saison, nous citerons: Norma, Dinorah, le Prophète et Faust, de Gou-
nod.
*** Berlin. — La reprise des Huguenots a fait salle comble. Mlle de
Ferey, qui débutait pour la troisième fois dans le rôle de Marguerite,
ne parait pas avoir réussi à se concilier la faveur du public. Par contre,
Mlle Lucca, ainsi que nous l'avons dit dans le numéro précédent, a eu
des élans admirables ; elle a été rappelée trois fois de suite.
t*t Vienne. — Après le Ballo in maschera, les Italiens ont donné Lu-
cia. La signora Volpini, chargée du rôle principal, s'est fait applaudir
dans quelques passages. Quant à Graziani, il a rendu avec beaucoup
d'expression et de goût celui d'Edgardo.
*** Munich. — Le ténor Niemann a reçu de l'intendant du théâtre
de la cour de Bavière une magnifique coupe incrustée d'argent, et d'un
précieux travail, représentant des emblèmes de chasses. On sait que
M. Niemann a une grande réputation de chasseur.
*% Saint-Pétersbourg. — Le grand concert donné annuellement au
profit des Invalides a eu lieu le 19-31 mars au grand théâtre. 11 comp-
tait 640 musiciens des orchestres de l'armée et 334 chantres de la cha-
pelle impériale, sous la direction de Doerfeldt. La salle, dont la déco-
ration avait été disposée avec un luxe et une somptuosité féeriques,
offrait le spectacle le plus imposant. L'empereur occupait sa loge de
gala entouré de la famille impériale; tous les généraux et dignitaires
de l'empire étaient en grande tenue, et les dames en toilette de cour
ou de bal. Le programme était splendide. La marche, composée par
Meyerbeer, pour le couronnement du roi de Prusse, y figurait en per-
mière ligne; elle a produit un effet immense.
182
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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GASIBOGI FBÈBES, éditeur»., 11%, rue de Richelieu (maison Frascati), a l'entrée du boulevard Montmartre.
Pour paraître le lendemain de la première représentation
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dépendants, des nouvelles limbolles, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc.
Toqe Us insirumenti portem le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la mdson militaire de l'Empereur, H5H?
[e numéro d'ordre de l'initrumenl el le poinçon ci-après :
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851, 1855
et 1S62, reSsttife. aux Saxophones (BREVET DE 18-flG.)
« Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sons celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » (Exposit. 4851.)
a Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se jou« avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
Saxophone l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
alto MI bémol, habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance ; car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès; celui-ci, au contraire, est né d'hier; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges a donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » {Exposit. 1Sôo.)
œ M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » [Exposit. <86i.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les mosioues d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, %OD fr.— Saxophone ténor, %%5 fr. — Saxophone alto, ««5 fr. — Saxophone baryton, %SO fr.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de b' pour 100 sur les prix.
Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Sax, consulter la notice qui se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
PARIS — nirmSIEKIE CENTS/LIE DE NIPOIEOIV CIIA1X ET C", RCE BERGE
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
W 17.
24 Avril 1864.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et ft l'Étranger,
chez tous les Marchands do Musique, lis Libraires,
et aux Bureaux des Messageries et des Poslos.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r.parm
Départements, Belgique et Suisse..., 30 » id.
Étranger 3i " "•
Le Journal parait le Dimanche.
TTEMU
DE PARIS
SOMMAIRE. — Giacomo Meyerbeer (3e article), par Fétis père. — Théâtre
impérial de l'Opéra : rentrée de Mlle Mourawief dans Giselle. — Théâtre im-
périal Italien : reprises diverses et représentation extraordinaire; Mlle Patti
dans un acte de Faust, de Gounod, par Paul Smith. — Auditions et con-
certs. — Manufacture de pianos de Philippe-Henri Herz neveu et C°. - Sur
la neuvième symphonie de Beethoven, par ILéopolii Sonnleithner. —
Nouvelles et annonces.
MEYERBEER (Giacomo).
(3e article) (1).
Si l'on examine avec attention la partition du Crotiato, on y dé-
couvre des signes non équivoques de la réaction opérée dans la ma-
nière du compositeur, et de sa tentative d'une fusion de ses ten-
dances primitives avec le style italien qui caractérise Emma di
Resburgo et Marguerite d'Anjou. L'individualité du talent de
Meyerbeer tendait à se prononcer, et son heureux penchant pour
l'expression énergique des situations dramatiques se faisait aperce-
voir. Pour se développer, son talent n'avait plus qu'à se livrer à
l'étude de la scène française ; une circon=lance favorable se présenta
dans 'invitation reçue par Meyerbeer de la part de M. de la Roche-
foucauld, pour qu'il dirigeât à Paris la mise en scène de son Cro-
ciato; car ce fut à Paris même que s'acheva la transformation des
idées de l'artiste.
Le Crociato n'eut point à Paris le succès d'enthousiasme qu'il avait
obtenu à Venise, à Rome, à Milan, à Turin, dans toute l'Italie, enOn,
et qu'il eut plus tard en Espagne, à Lisbonne, à Londres ainsi qu'en
Allemagne. Les circonstances ne le favorisaient pas. A Paris, on ne
partage pas les couronnes : elles tombent toutes sur une seule tête.
En 1826, les habitués du théâtre Italien ne voulaient pas qu'il y eût
d'autre compositeur possible que Rossini, ni d'autre musique que la
sienne. Trop sérieuse pour la plupart des dilettantes, la musique du
Crociato ne fut appréciée à sa juste valeur que par un petit nombre
de connaisseurs, qui firent avec impartialité la part des beautés et
celle des défauts. Personne même, il faut l'avouer, ne devina la por-
(1) Voir les n01 15 et 16.
tée du talent de l'auteur de cet ouvrage ; personne n'aperçut dans
le Crociato le génie qui devait produire les opéras, dont les larges
conceptions régnent sur toutes les scènes des deux mondes depuis
1831. Ceux qui estimaient cette partition, la considéraient comme le
degré le plus élevé du talent de l'auteur ; en quelque sorte comme
son dernier mot. Le silence gardé par Meyerbeer pendant plusieurs
années sembla justifier leur jugement. Son mariage et la perte dou-
loureuse de deux enfants avaient suspendu ses travaux; il y revint,
enfin, en 1828; mais lorsqu'il reprit sa plume, sa nouvelle route
était tracée ; mûri par plusieurs années de méditations, son génie
s'était transformé, et son talent avait le caractère qui lui est propre.
Tout le monde sait aujourd'hui quels ont été les résultats de modi-
fications si radicales.
L'achèvement de Robert le Diable, retardé par de fréquents
voyages, fut enfin complet vers la fin de juillet 1830, et cette parti-
tion, écrite pour le grand Opéra de Paris, fut déposée, par Meyer-
beer, à l'administration de ce théâtre, vers la même époque. La
révolution, qui venait de s'achever en trois jours à Paris, en avait
fait naître une autre dans les coulisses des théâtres. A la direction
royale de l'Opéra succéda bientôt une entreprise particulière qui, dans
les clauses et conditions de son contrat, n'admit que comme une
charge onéreuse l'obligation de faire jouer l'ouvrage de Meyerbeer.
Ce ne fut qu'au mois de novembre 1831 que cet opéra fut représenté;
en dépit du dénigrement dont il avait été l'objet, avec lui commença
la fortune de ce qu'on appelait alors l'Académie royale de musique.
Les dernières répétitions générales se signalèrent par des incidents
fort curieux. Une multitude de ces critiques de profession, sans con-
naissances suffisantes de l'art, qui abondent à Paris plus qu'en aucun
autre lieu, s'y trouvaient et immolaient l'œuvre du musicien le plus
gaiement possible. C'était à qui dirait le mot le plus plaisant, ou
ferait l'oraison funèbre la plus spirituelle et la plus grotesque de la
partition. Au résumé, la pièce ne devait pas avoir dix représenta-
tions. L'entrepreneur, dont l'oreille avait été frappée de ces tristes
présages, aperçut dans la salle l'auteur de celte notice, et alla lui
confier sos craintes. « Soyez sans inquiétude, lui dit celui-ci; j'ai bien
écouté, et je suis certain de ne pas me tromper. Il y a là dedans
beaucoup plus de beautés que d'imperfections. La scène est saisie ;
l'impression sera vive et profonde. Cela ira aux nues et fera le tour
du monde. »
130
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
L'événement a prouvé que ce jugement était le bon; jamais œuvre
dramatique ne fut plus populaire ; jamais succès ne fut plus univer-
sel. Ajoutons avec certitude qu'il n'en est pas dont l'heureuse for-
tune ait eu une durée comparable ; car elle s'est soutenue pendant
plus de trente ans jusqu'au moment où ceci est écrit (1862), et vrai-
semblablement elle n'est pas près de finir. Avec Robert le Diable
ont commencé, à l'Opéra, les recettes de dix mille francs, qui y
élaient auparavant inconnues. Traduit en italien, en allemand, en an-
glais, en hollandais, en russe, en polonais, en danois, cet opéra a été
joué partout et vingt fois repris dans les petites villes comme dans
les grandes ; partout il a excité le même enthousiasme ; son succès
n"a pas été limité à l'Europe seule : à la Nouvelle-Orléans, Robert le
Diable a été joué pendant plusieurs mois sur les deux théâtres anglais
et français ; la Havane, Mexico, Lima, Alger, ont aussi voulu l'en-
tendre, et l'ont salué par d'unanimes applaudissements.
Un homme nouveau s'est révélé dans cet ouvrage. Ce n'est plus le
Meyerbeer de l'Allemagne, élève roide et guindé de Vcgler ; ce n'est
plus celui de l'Italie, se jetant violemment hors de ses habitudes
d'école pour apprendre, par imitation de Rossini, l'art de faire chan-
ter les voix et de colorer les effets de l'instrumentation; ce n'est pas
même la fusion des deux manières pour arriver à des- effets variés ;
c'est une création tout entière, où il ne reste à l'artiste, de ses pre-
mières époques, que l'expérience acquise dans ses travaux. Six.an-
nées de repos, ou plutôt d'études, six années de méditation, d'obser-
vation et d'analyse ont enfin coordonné en un tout complet, original
et puissant, ce que la nature a mis de sentiments énergiques dans
son âme, ce que l'audace donne de nouveauté aux idées, ce que la
philosophie de l'art prête d'élévation au style, et ce qu'un méca-
nisme exercé procure de sûreté à l'artiste dans les effets qu'il veut
produire.
Après l'éclatant succès de Robert le Diable, l'administration de
l'Opéra avait compris que les productions de Meyerbeer exerce-
raient désormais une heureuse influence sur son entreprise ; elle ne
négligea rien pour le déterminer à écrire un nouvel ouvrage, et le
livret des Huguenots lui fut confié ; mais, afin d'avoir la certitude
que le compositeur ne mettrait pas trop de lenteur dans son tra-
vail, un dédit de trente mille francs fut stipulé pour le cas où la
partition ne serait pas livrée dans un délai déterminé. Pendant que
Meyerbeer était occupé à écrire cet ouvrage, la santé de sa femme,
sérieusement altérée par une affection de poitrine, l'obligea, d'après
l'avis des médecins, à [fixer momentanément son séjour en Italie.
Dans cette situation, il demanda un délai de six mois pour la mise
en répétition de son opéra ; mais cette juste demande fut repoussée ;
alors Meyerbeer retira sa partition, paj a le dédit et partit. Bientôt,
cependant, l'entrepreneur comprit la nécessité de donner les Hu-
guenots, pour empêcher le public de s'éloigner de son spectacle ; il
rendit le dédit, et le nouvel opéra de Meyerbeer fut représenté le
21 février 1836.
Les dispositions du poëme des Huguenots n'ont pas d'analogie
avec celles de Robert le Diable ; l'action s'y développe avec lenteur,
et l'intérêt ne commence que vers le milieu du troisième acte; jus-
que-là, c'est de l'opéra de demi-caractère, où le musicien seul a dû
soutenir l'attention dans des scènes vides d'action. Un talent supé-
rieur pouvait seul triompher de ces difficultés. Au premier abord, tii
le public, ni la plupart des critiques ne comprirent le mérite que
Meyerbeer y avait déployé. Quoiqu'on avouât que le duo de Valen-
tine et de Marcel, au troisième acte, la scène du duel, tout le qua-
trième acte et une partie du cinquième, ont des beautés de premier
ordre, et bien qu'on déclarât qu'on ne connaissait rien d'aussi pa-
thétique que la dernière scène du quatrième acte, il fut convenu que
la partition des Huguenots était inférieure à celle de Robert le Diable.
Plus lard, les gens désintéressés ont abjuré leur erreur ; pour eux,
la valeur de l'ouvrage s'est accrue d'année en année, et les plus ré-
calcitrants ont dû se rendre à l'évidence d'un succès constaté par
plusieurs milliers de représentations, données pendant vingt-cinq
ans dans toutes les parties du monde. Après les deux premières an-
nées de ce grand succès, un parti qui avait des intérêts contraires
a exercé la rigueur et l'injustice de sa critique avec plus d'acharne-
ment que dans la nouveauté de l'œuvre. Qu'en est-il résulté ? La
partition des Huguenots, avec les quelques défauts et les beautés
inhérentes au talent du maître, s'est maintenue dans toute sa re-
nommée.
Après les Huguenots, un intervalle de treize années s'écoula sans
que Meyerbeer fît représenter aucun ouvrage nouveau sur la scène
française. Ce long silence eut plusieurs causes. La première paraît
avoir été dans les modifications du personnel chantant de l'Opéra et
dans son affaiblissement progressif. Une autre cause explique l'é-
loignement où l'illustre maître resta du théâtre de sa gloire pendant
une période si longue , elle se trouve dans l'intérêt que le roi de
Prusse lui témoigna, à l'époque de son avènement au trône, et dans
les fonctions actives que Meyerbeer eut à remplir près de ce
prince, après sa nomination de premier maître de chapelle. La com-
position d'un grand nombre de psaumes et de cantates religieuses,
avec ou sans accompagnement d'orchestre, de musique d'église et
de mélodies de différents genres, dont il sera parlé plus loin, avait
occupé une partie de ce temps. Le premier ouvrage officiel qu'il
écrivit pour la cour de Berlin fut une grande cantate avec tableaux,
intitulée : la Festa nella cortc di Ferrara, pour une fête donnée par
le roi, en 1843. Le 7 décembre 1844, le maître fit représenter,
pour l'inauguration du nouveau théâtre royal de cette ville, un opéra
allemand en trois actes, intitulé : Ein Feldlager in Schlesien (un
camp en Silésie). Cet ouvrage de circonstance ne produisit tout
l'effet que s'en était promis Meyerbeer que lorsque la célèbre can-
tatrice Jenny Lind fut chargée du rôle principal. Il eut surtout un
brillant succès lorsqu'elle le chanta à Vienne, sous le titre de
Wiellca> avec beaucoup de changements et d'augmentations en 1847.
FÉTIS père.
{La suite prochainement.)
THEATRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
Rentrée de Mlle Monrawîef dans Gîselle.
Dans quelques jours, il y aura une année que Mlle Mourawief a
fait ses débuts à Paris dans ce ballet qui vient de servir à sa ren-
trée. On sait quels furent depuis ses succès dans son pays natal,
et de quels adieux ses admirateurs se sont permis de saluer son
départ. A Saint-Pétersbourg, on se permet tout; à Paris, l'enthou-
siasme est tenu de s'observer; tout à l'heure nous en aurons la
preuve. Si donc Mlle Mourawief n'a pas retrouvé sur les bords de la
Seine les mêmes démonstrations que sur ceux de la Néwa, c'est tout
simplement que les mœurs y sont différentes, car la charmante
ballerine nous est revenue telle que nous l'avions admirée, applaudie:
elle n'a rien perdu en talent, rien gagné en embonpoint; la préci-
sion de ses pas est toujours ce que nous avons vu de plus extraor-
dinaire, et elle nous semble avoir fait de grands progrès dans
l'expression de sa pantomime.
Il n'y a eu qu'un sentiment sur la manière dont elle a rempli
tout son rôle ; on le lui a témoigné par des bravos et des rappels
unanimes. Deux bouquets seulement ont été jetés pendant le spec-
tacle, deux énormes bouquets, mais sans aucun mélange de diamants
ou autres pierreries. Pour ne pas faire de jalouses, le premier
est tombé aux pieds de Mme Zina Richard, le second à ceux de
Mlle Mourawief; et nulle réclamation n'aurait pu s'élever contre l'im-
partialité de cet hommage, que le suffrage universel a confirmé.
DE PARIS.
131
Mlle Laure Fonta, MM. Mérante, Coralli et Chapuy ont concouru pour
leur bonne part à l'éclat de la soirée, dont l'honneur principal re-
vient à la jeune artiste russe, qui promet d'être si utile à notre
ballet français.
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Reprises diverses et représentation extraordinaire. —
Bille Patti dans un acte du #•'«•#»?, de Gounotl.
Rien de plus varié, de plus accidenté que le répertoire du théâtre
Italien depuis une semaine. Nous en sommes restés à la représentation
au bénéfice de Mlle Patti, et nous avons dit qu'elle avait été des plus
belles, sans parler des masses de fleurs qui lui ont été prodiguées.
La représentation avait lieu le vendredi, mais deux jours après, di-
manche dernier, c'était bien autre chose. On jouait le Barbier de
SêvUle, et bientôt un feu roulant de bouquets se mit à partir d'une
loge d'avant-scène. Les bouquets se succédaient si vite et tombaient
si dru qu'on eût juré qu'un prestidigitateur, comme Robert Houdin,
les tirait d'un chapeau par douzaines. Mais des colliers, des brace-
lets brillaient parmi ces fleurs : c'était donc autre chose que de la
magie blanche. Il y avait là quelque méprise : un étranger se croyai^
dans son pays et ne se conformait pas à nos usages. C'est ce dont
on s'aperçut, peut-êtri un peu tard, et 1a batterie démasquée fut
aussitôt démontée. Le lendemain, les bijoux ont été rendus à qui de
droit par un commissaire de police.
De la reprise de l'Italiana in Algieri, nous ne dirons rien, sinon
qu'elle a eu lieu mardi, et heureusement sans récidive.
Mercredi, seconde édition du spectacle donné le vendredi précé-
dent.
Jeudi, Poliuto a reparu avec Fraschini, Giraldoni et Carlotta Mar-
chisio.
Enfin, vendredi est venue la représentation exlraordinairs au-
profit de l'œuvre des Enfants convalescents. Si nous avions le temps,
nous commencerions par décrire la salle, qui était ce jour-là plus que
jamais brillante, aristocratique et remplie jusqu'aux derniers recoins.
L'événement de la soirée, c'était le troisième acte du Faust, de
Gounod, dans lequel Mlle Patti jouait le rôle de Marguerite. D'abord,
figurez-vous que Mlle Patti avait une perruque blonde : l'Espagne
s'était germanisée ! Et puis, elle a pris le rôle tout autrement que
Mme Miolan. Elle y a semé des traits de naïveté enjouée, de coquet-
terie enfantine, au lieu d'être constamment triste et rêveuse. Lequel
vaut le mieux ? Dans la romance du Roi de Thulé , dans les cou-
plets des Bijoux, dans la dernière scène, Mlle Patti a délicieuse-
ment chanté, un peu à l'italienne: son succès a été immense ! On n'a-
vait rien négligé pour la mise en scène. Morini jouait le rôle de
Faust et Mme Méric- Lablache celui de Siebel. En somme, le troi-
sième acte de Faust a produit beaucoup d'effet, mais pas plus qu'au
théâtre Lyrique.
Dans le concert qui précédait, Mmes Charton et Marchisio ont
chanté des morceaux du Stabat; Alard a joué sa fantaisie sur la
Muette, Délie Sedie a dit son air du Ballo, Mme Charton le prélude
de Bach, accompagnée par Alard et un harmonium. Après Faust,
dans le troisième acte du Trovalore, Fraschini s'est montré admira-
ble, et la soirée s'est terminée par le premier acte de la Traviata,
que chantait Mlle Patti. En sa qualité de reine de la fête, la jeune
artiste a été applaudie, rappelée, acclamée et fleurie sur nouveaux
frais.
Paul SMITH.
ADDITIONS ET CONCERTS.
La signora Fanny Gordosa. — II. Eugène Kettercr. —
Mille Octavie CausseiniUc. — II. Charles Jeltscb. —
M. Tapie-Brune.
La signora Fanny Gordosa, cantatrice italienne, patronnée par l'au-
teur de Monte-Chrislo, a donné chez Herz un fort beau concert, dans
lequel elle s'est prodiguée jusqu'à quatre reprises, à la très-grande
satisfaction du nombreux auditoire accouru pour l'entendre. Elle est
douée en effet de moyens dramatiques très-puissants et très-éten-
dus; elle a du feu, de l'âme, de la légèreté an besoin, et l'on ne
peut guère lui reprocher que de se laisser entraîner à des éclats de
voix dont le luxe est parfois hors de saison. Ajoutons d'ailleurs
qu'elle n'est dépourvue ni de grâce ni de jeunesse, ce qui n'a pas
nui à l'accueil qu'on lui a fait. Après un duetto de Verdi, qu'elle a
dit avec M. Giuliani, comme pour s'assurer du terrain, elle a parfai-
tement chanté, en italien, l'air de Grâce ! de Robert le Diable; puis,
passant du grave au doux, elle a lutté victorieusement avec la flûte
de M. Taffanel, dans un joli morceau de Fischetti, intitulé la Can-
tatrice et l'Usiguolo, après quoi elle a interprété en français, mais
avec un accent fo/tement prononcé, deux jolies bluettes de M. Henri
Potier, un boléro espagnol et un caprice ayant pour titre : la Li-
notte.
Le succès obtenu par la signora Fanny Gordosa n'a pas empêché
le public de garder en réserve d'unanimes bravos pour Mlle Wer-
theimber qui s'est fait entendre dans deux morceaux de nature très-
diverse : une charmante Berceuse de Weber et le Brindisi de Lu-
cresia Borgia, ainsi que pour Faure qui a magistralement chanté,
avec accompagnement de piano et d'orgue Alexandre, un air des
Rameaux, qui n'a pas fait moins d'honneur ù son interprétation qu'à
son inspiration, car cet air est de lui. Mlle Marie Trautimnn, l'é-
lève distinguée de Henri Herz, et M. Albert Vizentini, le jeune vio-
lon solo du théâtre Lyrique, ont eu aussi leur part d'applaudisse-
ments, et les frères Lyonnet ont, selon leur coutume, charmé les
spectateurs avec leur Légende de Saint Nicolas et avec une nouvelle
Complainte des neveux de Jean-Bart, recueillie par M. de la Lan-
delle.
— Cette année, comme les précédentes, M. Eugène Ketterer a
joué, dans les salons Erard, un certain nombre de ses transcriptions
anciennes ou nouvelles, qui ont fait généralement plaisir. Le style
en est clair et facile ; il amuse agréablement l'oreille du public, sans
soumettre son attention à de trop grands efforts. Le qualuor de Ri-
golelto, le Chant du bivouac, de Kucken, la Chanson arabe de Lara,
et la Marche slyrienne sont dans des conditions favorables. Mais
l'inspiration de M. Eugène Ketterer sait grandir, lorsqu'il le faut,
avec son sujet, et elle atteint alors un certain degré d'élévation et de
développement dans le travail harmonique. Nous citerons, à l'appui
de notre dire, un brillant Morceau de concert, pour deux pianos, sur
l'introduction et la marche du Songe d'une nuit d'été, de Mendels-
sohn. L'effet de cette œuvre a été grand, non-seulement parce qu'elle
est heureusement réussie, mais encore parce qu'elle a été, l'autre
soir, interprétée d'une manière remarquable par MM. A. Duvernoy
et E. Ketterer. Deux autres morceaux, qui ne sont pas non plus sans
valeur, bien qu'ils n'aient pas eu tout à fait le même succès, doi-
vent être comptés, en outre, pour moitié à l'actif du bénéficiaire ; le
premier est une fantaisie pour piano et orgue sur la Favorite, com-
posée et exécutée avec M. Auguste Durand, et le second est un duo
concertant pour piano et violon sur Olello, avec M. Herman.
— Dans le grand concert donné chez Erard par Mlle Octavie
Caussemille, le morceau capital a été un Rondo pour deux pianos,
œuvre posthume de Chopin, exécuté pour la première fois par elle
et par Joseph Wieniawski. Cette page, comme presque toutes celles
132
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qu'a écrites l'illustre compositeur polonais, empreinte d'une rare
distinction et d'une vague mélancolie, a produit une sensation d'au-
tant plus pénétrante qu'elle a été interprétée avec une perfection
vraiment [exceptionnelle, et que les deux éminents pianistes y ont
mis un soin, un fini, une conviction dont on ne saurait, sans les
avoir entendus, se faire une juste idée. Aussi ont-ils été, l'un et
l'autre, couverts de chaleureux applaudissements. Le succès de
Mlle Oclavie Caussemille n'a pas été moindre dans les morceaux
qu'elle a exécutés seule ; on y a retrouvé cette pureté, cette grâce,
cette énergie, cette variété de style qui distinguent son talent, et
qui lui ont assigné une si honorable place parmi les virtuoses du
piano.
— La soirée musicale donnée par M. Charles Jeltsch, dans les salons
Erard, a confirmé la bonne opinion que ses auditions antérieures
nous avaient fait concevoir des qualités estimables de ce pianiste-
compositeur. Après avoir interprété , avec M. Le Cieux, une sonate
en sol majeur de Beethoven, il a joué plusieurs morceaux de moindre
étendue, dont un seul de lui, une polonaise en ré bémol majeur,
nous a permis de l'applaudir sous le double aspect de son talent.
Au nombre des transcriptions classiques qu'il a exécutées avec beau-
coup de netteté et d'élégance, l'auditoire lui a fait redire la marche
des Ruines d'Athènes, arrangée par Rubinstein. De joyeuses chanson-
nettes, dites par Berthelier avec sa verve accoutumée, ont clos la
séance de la manière la plus satisfaisante.
— Nous avons lieu de croire que M. Tapie-Brune, qui s'est fait
entendre, ces jours derniers, à la salle Pleyel-Wolff, se destine au
théâtre, et nous ne serions pas étonné de l'y voir réussir. Sa voix
de baryton possède toutes les qualités qu'il faut à la scène; elle est
expressive, énergique , parfaitement timbrée , et elle arrive sans
effort à l'effet dans plus d'un genre. Trois morceaux empruntés aux
opéras de Verdi l'ont surabondamment démontré. En dehors de la
musique dramatique, M. Tapie-Brune a chanté avec infiniment de
goût une Extase de M. Huton Salomon qui a eu les honneurs du bis
et qui en était vraiment digne.
Y.
MANUFACTURE DE PIANOS
DE
PHILIPPE -HEHRI HERZ NEVEU ET Ce.
Nous avons dit dans notre dernier numéro que nous rendrions
compte de la soirée donnée la semaine dernière par MM. Philippe-
Henri Herz, neveu et Ce, pour inaugurer les beaux salons qu'ils
viennent d'ouvrir dans la rue Scribe et pour y produire leurs premiers
instruments.
Le chef de cette maison est le propre neveu de Henri Herz, dont
la réputation comme compositeur, virtuose et facteur de pianos, est
populaire dans les deux mondes, et lui a valu, à juste titre, une
position très-élevée aussi bien dans l'art musical que dans l'in-
dustrie.
Son neveu a longtemps été attaché à sa manufacture. Des contes-
tations regrettables ont séparé les deux parents; ces contestations
sont soumises à l'appréciation des tribunaux, qui n'ont point encore
dit leur dernier mot à ce sujet ; nous n'avons point à nous en préoc-
cuper. — Mais l'ouverture d'un établissement fondé avec le concours
et l'appui d'hommes d'une honorabilité incontestable, et qui se pré-
sente entouré de garanties sérieuses, ne nous est pas indifférente. La
propagation des pianos a fait des pas trop immenses depuis vingt-cinq
ans, les perfectionnements dans l'art de les fabriquer ont été trop
importants ; ils sont trop profitables aux artistes pour que l'on ne
suive pas avec intérêt les débuts et les efforts de ceux qui viennent
résolument consacrer de grands capitaux, leur expérience acquise et
leur activité aux progrès d'une industrie à laquelle on doit les Erard,
les Pleyel et les Henri Herz.
C'était certainement une pensée identique à celle que nous venons
d'exprimer qui avait réuni à cette soirée d'inauguration une société
aussi nombreuse d'hommes distingués, de femmes élégantes et d'ar-
tistes. Tout en y circulant à l'aise malgré la foule, on admirait avec
raison les belles proportions de ces salons vastes et élevés, splendi-
dement décorés, et que les excellentes qualités acoustiques qui les
distinguent, rendent particulièrement propres à des expositions per-
manentes dans lesquelles la sonorité joue un si grand rôle.
L'attention s'est tout d'abord portée sur les pianos exposés, et l'on
a pu se convaincre qu'ils sont construits sur des plans entièrement
nouveaux et d'après une forme qui n'appartient qu'à MM. Herz neveu
et Ce. Le piano à demi-queue, style Louis XV, a surtout été l'objet
d'une admiration méritée : non -seulement, comme meuble, c'est un
véritable objet d'ait, soigné dans les plus petits détails ; mais comme
égalité et comme qualité de son, comme perfection du mécanisme,
il peut soutenir la concurrence avec les instruments du plus grand
modèle. — Edouard Wolff et ensuite Tito Matei s'étaient chargés de
faire valoir ces belles qualités. Le premier a accompagné Vieuxtems,
jouant sa fameuse polonaise avec cette verve et cet entrain qui ne
manquent jamais de provoquer l'enthousiasme pour le célèbre vio-
loniste. M. Tito Matei, de son côté, n'a pas procuré moins de plaisir
à l'auditoire par la manière brillante dont il a tiré parti de cet échan-
tillon des produits du nouveau facteur. La partie musicale de la soi-
rée a d'ailleurs été fort agréablement variée par le concours de
M. Agnesi, qui a dit d'une voix superbe un morceau des Nozze ; de
Mlle Astieri et d'une cantatrice allemande, récemment arrivée à Pa-
ris, Mlle Tipka, qui s'y est déjà fait entendre dans quelques con-
certs, et qui a mérité les plus vifs applaudissements par la façon
dont elle a chanté un air de Semiramide.
Les invités ne se sont retirés que fort tard et non sans avoir offert
aux chefs de la nouvelle fabrique leurs chaleureuses félicitations et
leurs souhaits pour la prospérité de leur entreprise. Au surplus ,
ceux-ci n'ont rien négligé de ce qui pouvait en assurer le succès.
Leurs ateliers, construits rue Marcadet, à Montmartre, sont immenses
et parfaitement montés ; le personnel des ouvriers a été soigneuse-
ment choisi, et ils fonctionnent sous la surveillance d'un contre-maî-
tre dont la capacité reconnue est hors ligne ; une direction intelli-
gente et primesautière, nourrie des traditions de la haute facture,
secondée par des capitaux suffisants, forte ds sa loyauté et du suf-
frage d'hommes compétents, présidera à leurs travaux. Avec de pa-
reils éléments, M. Henri Herz neveu ne tardera pas à conquérir
une belle place dans la facture de pianos.
S. D.
SDR Là NEUVIÈME SYMPHONIE DE BEETHOVEN ' .
A M. le Directeur de la Gazette musicale de Leipzig.
Par votre lettre du 19 courant, vous m'invitez à vous donner des
renseignements sur la mesure dans laquelle Beethoven faisait exé-
cuter les récitatifs des contre-basses dans la dernière partie de sa
neuvième symphonie, d'après mes souvenirs personnels.
Je ne tarde pas à répondre à vos désirs, et vous fais observer avant
tout, qu'au printemps de 1824 j'assistai à la plupart des répétitions
(1) En parlant, il y a quinze jours, du Festival Beethoven, donné au cirque
Napoléon par Pasdeloup, nous avons exprimé, sur la symphonie avec chœurs, une
opinion que son auteur lui-même n'était pas loin de partager. On en trouvera la
preuve dans la lettre que nous lisons dans l'Allgemeine musikalische Zeitung
du 6 avril 1864, et dont nous publions la traduction.
DE PARIS.
Î33
d'orchestre de la neuvième symphonie, exécutée pour la première
fois le 7 mai de la même année.
Beethoven était à la tête de l'orchestre ; mais c'était Umlîuf qui
le dirigeait avec le bâton de mesure; Schuppanzig tenait le premier
violon. De plus, j'ai assisté, comme auditeur, à toutes les exécu-
tions qui eurent lieu à celte époque et par la suite. Je puis donc
certifier, d'après ma propre expérience, que Beethoven faisait jouer
les récitatifs en question assez rapidement, c'est-à-dire pas précisé-
ment presto, mais non plus andante. Dans les commencements, l'or-
chestre, quoiqu'il y eût parmi les exécutants des artistes de premier
ordre, tels que Mayseder, Bôhm, Jansa, Link, etc., eut beaucoup de
peine à comprendre la symphonie, notamment la première partie.
Les contre-basses ne savaient absolument que faire des récitatifs. On
n'entendait qu'un sourd grognement des basses, comme si le com-
positeur avait voulu prouver par la pratique que la musique ins-
trumentale est absolument incapable de parler. A mesure que, par
la suite, les exécutions de l'œuvre colossale se multipliaient, les mu-
siciens et les auditeurs finirent par s'y reconnaître, et maintenant,
à l'exception de quelques passages de chant tout à fait contre na-
ture, la symphonie marche parfaitement et sans encombre. Plus tard
les chefs d'orchestre ont pris en particulier les récitatifs des con-
tre-basses dans un mouvement plus calme que ne l'avait indiqué Bee-
thoven : on lia les intervalles partout où cela était praticable, tandis
que, précédemment, chaque note était marquée ; et c'est ainsi qu'on
parvint à rendre ces récitatifs parfaitement clairs (comme tels) pour
les auditeurs, et (musicalement) intelligibles ; mais quant à une exé-
cution lente, il n'a jamais pu en être question à Vienne, les musi-
ciens âgés n'ayant pas oublié la mesure choisie par Beethoven lui-
même.
A cette occasion, je ne saurais passer sous silence un fait que feu
mon ami Charles Czerny, un disciple bien-aimé de Beethoven, m'a
raconté plusieurs fois, et dont il m'a certifié l'authenticité. Quelque
temps après la première exécution de la 9e symphonie, Beethoven,
dans une réunion peu nombreuse d'amis intimes, parmi lesquels se
trouvait Czerny, aurait déclaré qu'il voyait bien que dans la dernière
partie de cette symphonie il s'était fourvoyé; qu'il se proposait de
la biffer, et de la remplacer par une composition instrumentale, dont
il avait déjà l'idée dans sa tête.
Bien que l'accueil moins favorable fait à cette partie finale avec
chœur ait pu être pour quelque chose dans ces paroles de Beetho-
ven, il n'était pas homme à se laisser dérouter dans ses opinions par
les critiques du jour ou par des applaudissements plus réservés. Il pa-
raît donc qu'en effet il sentait qu'il avait fait fausse route. En tout
cas, il est à regretter que son dessein n'ait pas été exécuté. La com-
paraison de ce second travail avec la partie avec chœur, eût à coup
sûr été aussi instructive qu'intéressante.
Je suis, etc.,
Signé: Léopold SONNLEITHNER, Dr.
Vienne, 24 mars 1864.
Lorsque, le mois dernier, nous inaugurions ce beau monument
élevé à la mémoire d'Halévy, qui de nous aurait prévu que la pre-
mière personne destinée à en franchir le seuil, c'était sa fille, Es-
ther, à peine âgée de vingt ans, et dans laquelle revivait, avec
l'image de ses traits, un souvenir de son esprit, un germe de ses
talents ? Eh bien, jeudi dernier , après quelques jours d'une souf-
france imprévue, la fille allait rejoindre le père au milieu d'une foule
d'amis, dont ce coup si soudain, si terrible, renouvelait toutes les
douleurs ! Esther Halévy n'aura passé sur cette terre que pour y
laisser d'ineffaçables regrets !
NOUVELLES.
„,% Dimanche le théâtre impérial de l'Opéra a donné la Muette devant
un nombreux auditoire. S. A. le duc de Brabant y assistait; il a fait
complimenter Mlle Vernon.— Lundi et mercredi, les Huguenots ont été
joués, et chaque fois la salle était comble. Ces deux représentations ont
vu grandir le succès de Mlle Marie Sax dans le rôle de Valentine. L'émotion
qu'elle éprouvait à la première avait disparu. Complètement maîtresse
d'elle-même, elle a pu se confier pleinement à l'ampleur de son chant,
au magnifique timbre de son organe, et se montrer tragédienne lyrique
de premier ordre. D'unanimes bravos et trois ovations bien méritées ont
salué son triomphe, Gueymard l'a dignement secondée, et il s'est sur-
passé dans le duo du quatrième acte. On sait ce que Faure a fait du
rôle de Nevers; et quant à Belval et Cazaux, ils ont été à la hauteur de
leurs rôles ; c'est tout dire. Mlle Hamackers a tenu très-convenable-
ment celui de la reine de Navarre.— Vendredi, Mlle Mouravief a fait sa
rentrée dans Giselle, précédée du Docteur Magnus.
„** Un journal annonce que les répétitions A'Erostrate, de Reyer, se-
raient suspendues, et que cet ouvrage pourrait bien passer à l'Opéra où
se trouvent trois artistes qui l'ont chanté à Bade, Mme Sax, Cazaux et
Michot.
*** Samedi 30 de ce mois aura lieu à l'Opéra la grande représenta-
tion donnée par autorisation supérieure au bénéfice de la caisse de
secours des auteurs et compositeurs dramatiques. — Le programme
sauf modifications probables, se composerait de l'ouverture du Tan-
hauser, de Psyché, jouée par les sociétaires de la Comédie française,
avec la musique de Lulli, que chanteraient les élèves du Conservatoire-
du duo de la Reine de Chypre, par Gueymard et Faure; d'un intermède
musical, par les principaux chanteurs de nos trois grands théâtres ly-
riques; des Deux Chiens de f agence, par Dupuis et Alphonslne, des Va-
riétés, et d'un grand divertissement final, par la danse de l'Opéra.
„** Il avait été question pour Michot de rentrer au théâtre Lyrique •
mais il paraît certain qu'il ne quittera pas l'Opéra.
**„. Villaret est parti il y a quelques jours pour Nîmes.
.** On dit que l'engagement de Mme Zina Merante ne sera pas
renouvelé à son expiration.
„*., Mlle Amina Boschetti, dont l'engagement à l'Opéra est terminé
va donner quelques représentations à Bordeaux, après quoi elle se
rendra à Rome et à Naples, où elle est engagée pour la saison
d'hiver.
*% il est question d'une œuvre lyrique importante en cinq actes
dont les paroles sont de MM. de Leuven, Michel Carré et Hadot • Féli-
cien David en composerait la musique, et elle serait destinée au théâtre
de l'Opéra-Comique.
»** Nous avons parlé de l'audition au théâtre Lyrique de Jeanne d'Arc
opéra de M. Germain, organiste de la cathédrale de Carcassonne II
paraît que cette œuvre a beaucoup de chances d'être représentée à
Paris. M. Germain est l'auteur de l'opéra en cinq actes Simon de Mont-
fort, exécuté à Toulouse et à Montpellier, et dont la partition a été
gravée aux frais du ministère d'Etat.
*** La représentation au bénéfice des sœurs Marchisio, au théâtre
Italien, est fixée au vendredi 29 de ce mois. Cette représentation se
composera du premier acte et du duo du deuxième acte de Norma du
troisième acte du Trovatore, du rondo de la Cenerentola, et du duo de
Matilda di Sabran.
*** A. Bettini part le 10 du mois de mai pour Londres, où il don-
nera quelques représentations au théâtre de Sa Majesté. De là il se
rend à Rome, puis successivement à Berlin et à Vienne, où il s'e fera
entendre. Enfin, au commencement de la saison d'hiver, il reviendra
à Londres, où il est engagé au théâtre de Sa Majesté.
„*; Il n'y aurait rien d'étonnant que Martha fût représentée avant la
clôture de la saison au théâtre Lyrique. Les rôles pourraient être dis-
tribués à MM. Monjauze, Ismaël, à Mmes Maesen et Faure-Lefebvre. Il
y a dans cette idée un succès assuré et qui ferait pendant à celui de
Rigoletto.
*% Mme Borghi-Mamo est engagée pour l'inauguration du nouveau
théâtre de Grenade.
„*„ Ou nous écrit de Stockholm que le ténor Severini a débuté au
tnéâtre royal dans la Favorite, et qu'il y a obtenu un brillant succès. Il
a déjà chanté quatre fois le rôle de Fernand, et il doit inces;amment
chanter ceux d'Edgardo, de la Lucia, et du duc, dans Rigoletto. Toute
la presse de Stockholm est unanime dans ses éloges pour le débutant.
M. Severini est élève d'H. Panofka.
„*„ Mme Scribe a voulu interdire à M. Bagier de représenter le
Ballo in maschera, VElisire d'amore et la Sonnambula, sous prétexte que
ces opéras sont des contrefaçons de Gustave III, du Philtre et de la
Somnambule. Le tribunal a débouté Mme Scribe de sa demande et l'a
condamnée aux dépens, alléguant comme principal motif la prescription
des trois années qui protège les contrefaçons.
134
REVUE ET GAZETTE MUSJCALE
*% C'est mercredi au plus tard que sera donnée la Captive au
Théâtre-Lyrique-Impérial. D'abord en deux actes sous le titre de
l'Esclave, elle est maintenant en trois actes avec ballet. Le principal
rôle sera chanté par Mlle Sannier qui se fit entendre, il y a quelques
années, à l'Opéra et qui a beaucoup gagné, dit- on. L'œuvre n'en
comporte que quatre; les trois autres sont dévolus à Montjauze, Petit
et à Mlle Hébrard. Le poëme est de M. Michel Carré.
„% On assure que le -15 mai doit s'ouvrir le théâtre Lafayette sous
la direction de M. Eug. Moniot. Il contiendra 1,200 personnes. Le pro-
gramme d'ouverture se compose d'un prologue en trois actes de
M. A. de Jalais; d'une pièce aussi en trois actes {Marguerite), de
MU. Clairville et J. Dornay, et d'une opérette de M. Fr. Barbier : la
Trompette du jugement dernier.
*** En vertu de l'article 29 du règlement de l'Académie des beaux-
arts, le concours pour le grand prix de composition musicale que
décerne l'Académie, commencera le 7 mai, a midi. — Les concurrents
devront se faire inscrire avant cette époque au secrétariat de 1 Institut,
et justifier qu'ils remplissent les conditions requises.
„,** La grande séance annuelle de l'orphéon de la ville de Paris, rive
gauche, sous la direction de M. François Bazin et la présidence de
M. le préfet de la Seine , a lieu aujourd'hui 24, à 2 heures, au
cirque de l'Impératrice. Seront chantés les chœurs : Uthal, de Méhul ,
— te Montagnard, de Silcher, — Castor et Pollux, de Rameau, —
Chanson hongroise et Rosemondc, de Schubert, — Sanctus, de Pales-
trina, — les Traîneaux, d'Ambroise Thomas, — Marche, de Mozart,
— Moisc, prière, de Rossini, — Vive l'Empereur, de Gounod.
*** C'est aujourd'hui à 2 heures qu'a lieu au cirque Napoléon le
dernier concert populaire de musique classique, au bénéfice de
l'œuvre de Sainte-Geneviève, sous la direction de Pasdeloup. Nous en
avons donné le programme.
,** Dimanche, lct mai, aura lieu au Cirque Napoléon la séance de la
première division de l'orphéon, sous la direction de M. Pasdeloup et sous
la présidence de M. le préfet de la Seine. Le programme comprendra
les œuvres de Mozart, Mendelssohn, Schubert, Abt, A. Thomas, etc.
a.** Le Souvenir d'un songe, d'Emile Jonas, a été orchestré par M. A.
Berlyn, d'Amsterdam, qui doit faire exécuter ce morceau dans l'un de
ses prochains concerts.
*** On nous écrit de la Haye que Roger vient de s'y produire dans
le s divers opéras de son répertoire de grand opéra et d'opéra-comique.
Les Huguenots et le Prophète ont surtout valu au célèbre chanteur des
ovations enthousiastes.
**„ Mlle Carlotta Patti, qui s'est reposée une semaine à Paris, part
mardi pour Londres, où elle va se mettre à la disposition de M. Gye.
*„ On a donné à Liège le 1 9 un grand opéra en cinq actes et sept
tableaux, qui a pour titre Bouchard d'Avesne, dont les paroles sont de
M. Van Peene, de Gand, et la musique de M. Ch. Miry, professeur au
Conservatoire de cette ville. Cette œuvre, qui avait été pour la pre-
mière fois représentée sur le grand théâtre de Gand, vient d'obtenir
un succès de bon aloi. Elle était interprétée par Wicard, Raynal,
Mmes Rodrigues, Ster et Briol. La partition contient énormément
de musique; elle gagnerait à des coupures.— Cet opéra sera monté à
Bruxelles.
J% Nous rappelons à nos lecteurs le beau concert annoncé par M. La-
combe, pour le 26 de ce mois, dans les salons d'Erard; Mme Wekerlin-
Damoreau y remplacera, pour la partie vocale, Mlle Hustache. Mme
Arnould Plessy, qui avait promis son concours à M.Lacombe, se trouve,
à son grand regret, empêchée.
* A Prague, vont paraître les œuvres musicales inédites de feu
M. Vsit, amateur des plus distingués: il était, en dernier lieu, président
du tribunal civil à Leitmeritz, en Bohême.
* La signora Laura Bon, cantatrice qui s'est fait entendre avec
succès à Milan, Naples et Rome, est attendue à Vienne avec une troupe
d'opéra italien; elle donnera une série de représentations au théâtre
Josephstadt.
t*2 On nous écrit de Saint-Pétersbourg : « Le concert de Henri Vie-
niawski avait réuni hier au soir, au grand théâtre, un public nom ■
breux ; la salle était comble. Les admirateurs du célèbre violoniste lui
ont offert un stradivarius qui lui a été présenté au début de la soirée, au
bruit d'applaudissements prolongés. C'est un instrument de grande va-
leur, sous tous les rapports, qui a été acheté à l'aide d'une souscription
à laquelle les adhésions sont venues nombreuses et empressées. Vie-
niawski, déposant l'instrument qu'il'avait apporté, a immédiatement ac-
cordé ce stradivarius, sur lequel il a joué tous les morceaux du pro-
gramme, en y ajoutant un morceau non promis en forme de remercî-
ment. »
*** Le samedi 30, M. Camille Stamaty donnera une soirée musicale
salle Pleyel-Wolff, avec le concours de Mme Peudefer et de M. Ale-
xandre Batta.
„.% Sept ans à l'Opéra, souvenirs anecdotiques d'un secrétaire par-
ticulier, par M. Nérée Desarbres, tel est le titre piquant d'un joli vo-
lume illustré de quarante vignettes, qui vient de paraître chez Dentu
et à la Librairie centrale.
x*2 Un des plus beaux concerts, et probablement un des derniers de
la saison musicale, se prépare en ce moment à la salle Herz. La Société
académique de musique sacrée, dirigée par M. Charles Vervoitte, et
composée d'artistes distingués et d'amateurs, et de dames du monde,
y donnera son dernier concert de bienfaisance le vendredi 6 mai, à 8
heures du soir. Indépendamment des soli, confiés à des chanteurs d'é-
lite, les plus beaux chœurs des xvi°, x-vir3, xviiic et xix« siècles y
seront chantés avec accompagnement d'orchestre par plus de deux
cents voix.
„*„ Oin lit dans te Précurseur d'Anvers, 11 avril : « Nous avons cons-
taté le grand succès obtenu par Mlle Anna Meyer, jeune pianiste de
quatorze ans, dans la matinée musicale donnée par elle. Les applaudis-
sements les plus vifs ont salué chacun des morceaux du programme,
et Mlle Anna Meyer a été plusieurs fois rappelée. Déjà à Bruxelles, le
même triomphe l'avait accueillie, et Roger, en lui prêtant son concours,
avait montré combien il estimait le talent de la jeune artiste. »
*% Un élégant auditoire se pressait dernièrement à la salle Beetho-
ven où Mlle Jenny Molidoff faisait entendre, pour la seconde fois, sa
belle voix de soprano guidée par une méthode sûre et un goût excel-
lent. Dans la même soirée, M. Ilocmelle a parfaitement fait valoir un
orgue de la maison Alexandre, et a chanté, en s'accompagnant au piano,
deux mélodies très-originales de sa composition.
2*2 La commission instituée pour juger le concours de composition
musicale ouvert par l'Union des Arts, de Marseille, a consacré de nom-
breuses séances à l'examen des cinquante ouvertures envoyées à ce
concours. Cette commission, composée de MM. Auber, président; Am-
broise Thomas, Georges Kastner, François Bazin, Ernest Reyer et Jules
Cohen, a décerné les prix et mentions dans l'ordre suivant : 1er prix,
M. Ermel (Paris), ancien pensionnaire de France à Rome. 2e prix,
M. Charles Constant (Paris), lauréat de l'Institut. — 4™ mention, ex
œquo, MM. Justinien Viallon (Paris) ; Paul Lacome (au Houga, Gers).
2e mention, ex œquo, M. Louis Canoby (Paris). — L'auteur de l'ouverture
jugée digne de la seconde mention ex œquo ayant déclaré vouloir garder
l'anonyme, ne peut être désigné que par son épigraphe : Borne ta
gloire au combat d'harmonie, accompagnée de trois lettres alphabétiques
S. N. C. 3e mention, M. Charles Dancla (Paris), professeur au Conser-
vatoire et lauréat de l'Institut.— M. Ermel avait eu la généreuse inspiration
de prier l'Union des Arts de verser la valeur du prix à la caisse de se-
cours de l'association des artistes musiciens, présidée par M. le baron
Taylor. — Les deux ouvertures qui ont mérité les 1er et 2e prix, seront
exécutées lors du prochain concert de l'Union des Arts, et dans cette
même séance, seront proclamés les noms des lauréats et distribués les
prix et mentions.
*** On nous écrit de Saint-Peter -bourg que l'éminent pianiste com-
positeur Magnus a donné, dans les salons du comte Kouchelevv-Besbo-
rodko un concert auquel assistait une société choisie. Magnus en
faisait seul les frais et il a obtenu un grand succès. On a surtout vi-
vement applaudi son caprice sur les Huguenots, et le morceau original
qui a pour titre la Tarabouka.
2*2 Au théâtre Naum, à Géra, le compositeur turc Marasse a fait re-
présenter un opéra intitulé : Les Cgclopes amoureux, qui a été favora-
blement accueilli.
*% La direction de l'Athénée musical vient de traiter pour une série
de représentations avec Renard, le chanteur, qui s'est fait, il y a peu
d'années, applaudir à l'Opéra
*** Le percement de l'isthme de Suez a donné naissance à une ville
appeiée Isinaïlia, du nom du vice-roi d'Egypte. La Compagnie y a fait
construire, par l'habile ingénieur M. Jules Siama, une belle habitation
qu'il a voulu inaugurer par une fête musicale. On s'y était rendu d'A-
lexandrie, du Caire et de Damiette, et, malgré une chaleur de 42 de-
grés, plus de cinq cents personnes y ont assisté : aussi a-t-elle été aussi
brillante qu'elle eût pu l'être à Paris. Elle a commencé par des chœurs
fort bien chantés. Puis on a joué les Deux Aveugles des Bouffes-Pari-
siens, et l'on a dansé jusqu'à 7 heures du matin.
2*2 On connaît la sollicitude et le soin que M. Deneux apporte à la
composition et à la direction des concerts de la Société philharmonique
d'Amiens. Celui qu'elle a donné hier était des plus remarquables, et il
s'est terminé de la façon la plus amusante par l'exécution des deux
charmantes œuvres d'Offenbach, les Deux Aveugles et Lischen et Fritx-
chen. Sainte-Foy, Berthelier et Mlle Frasey avaient été mandés pour les
interpréter, et c'est aux grands éclats de rire et aux applaudissements
les plus unanimes, que les trois artistes ont accompli leur joyeuse mis-
sion.
2*2 Le concert des Champs-Elysées ouvrira le dimanche 1e1' mai.
M. de Besselièvre a choisi cette année, pour, dirigerson orchestre, M. Eu-
gène Prévost, musicien consommé, chef d'orchestre distingué, com-
positeur aimé et estimé de tous. Le programme d'ouverture est
composé tout entier de morceaux nouveaux, au nombre desquels deux
grandes fantaisies sur le Caïd et le Songe d'une nuit d'été, composées par
DE PARIS.
135
M. Eug. Prévost, feront sensation. Une symphonie descriptive (la fête
à Aranjuez), une fantaisie sur le Clialct de M. Alfred Brillant, violoniste;
plusieurs symphonies de M. de Billemont sur les grandes partitions des
Huguenots, de la Juive et de Guillaume-Tell, etc., une marche et une
polka nouvelle de l'auteur du Fremesberg, une valse inédite d'Offenbach :
tes Feuilles du soir (Abendblaetter), et une foule d'autres morceaux de
Duprato, Jonas, Bazin, etc., etc.; tel est le bagage avec lequel M. de
Besseliùvre va commencer une campagne que tous les amateurs de
bonne musique lui souhaiteront, de grand cœur, fructueuse et pros-
père.
*** Au pré Catelan, dimanche 24 avril, de 1 heure à 6 heures, grand
concert au pavillon d'harmonie ; bal d'enfants sous le quinconce; inau-
guration des séances de prestidigitation par M. Léopold, au théâtre de
magie ; galerie de jeux nouveaux sur la pelouse de l'Aquarium ; fan-
fares militaires dans tout le pré. — Le jeudi 28 avril, inauguration des
matinées musicales avec bal d'enfants. Grande fête
*% Vendredi soir, M. Jules Lecomte, qui a écrit longtemps le courrier
de Paris à l'Indépendance belge et en dernier lieu au Monde illustré, l'au-
teur de plusieurs romans et pièces de théâtre le Luxe, Une loge d'Opéra,
a succombé à la douloureuse maladie dont il était atteint depuis un an.
*** D'après un acte de décès authentique de François Schubert dont
parlent plusieurs journaux, il paraît que l'auteur des célèbres Lieder est
mort en «828, à l'âge de trente-deux ans; qu'il fut enterré en l'église
de Saint-Joseph à Vienne ; qu'il laissa pour tout héritage quelques
nippes sans valeur ; son enterrement coûta en tout 44 florins et 45
kreutzer.
*% Philippe Brooch, chef d'orchestre du théâtre An der Wien, est
mort le 18 avril.
*** Le 16 du courant est mort à Dresde l'organiste de la cour, Schnei-
der, dans sa soixante-quinzième année.
**„ M. Régnier-Canaux, éditeur d'œuvres musicales religieuses, vient
de mourir. Il n'était âgé que de quarante-deux ans.
»** A Breslau vient de mourir dans sa cinquante-septième année,
Auguste Kahlert, professeur à l'Université ; il s'était fait connaître
avantageusement par de nombreux écrits sur la musique.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Bordeaux. — Le succès qu'a obtenu le Templier d'Otto Nicolaï, à
la première représentation, n'a fait que grandir aux représentations
suivantes, et depuis longtemps nous n'en avions vu un pareil à notre
théâtre. Tous les soirs, de véritables ovations sont faites aux artistes qui
sont rappelés avec enthousiasme. — Notre direction a eu l'excellente
idée de clore l'année théâtrale en nous rendant aussi le dernier chef-
d'œuvre de Meyerbeer, le Pardon de Ploérmel ; tous nos dilettantes ont
conservé le souvenir de l'admirable partition de l'illustre maître, et ils
étaient impatients d'en entendre de nouveau les délicieuses mélodies.
La première représentation a valu à Mlle Bléau et à MM. Meric et Four-
nade, qui en sont les principaux interprètes, les marques les plus
chaleureuses de satisfaction ; acclamés, applaudis, des bouquets ont été
jetés à Mlle Bléau, qui a été rappelée.
4% Marseille. — Après quinze ans de sommeil, la délicieuse partition
du Cheval de bronze vient de nous être rendue. M. Halanzier a voulu
clore brillamment l'année théâtrale par un des plus charmants opéras
d'Auber, et il ne pouvait mieux réussir. Le succès a été complet, et il
n'y a que des éloges à donner aux interprètes, MM. Dufrêne, Nief,
Van-Hufflen, Holzem, et Mmes Dumestre, Moreau, Gasc et Poncer.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
.j,*t Bruxelles. — Au concert de la Société royale de la Réunion-
Lyrique, après l'exécution du Désert, de Félicien David, et de l'ou-
verture à'Obcron, M. et Mme Léonard, qui ont le tort de se faire trop
rarement entendre ici, ont obtenu chacun un succès d'enthou-
siasme, le premier en jouant magistralement deux fantaisies de sa
composition, pour violon et orchestre ; la seconde, en chantant avec
une fraîcheur de voix et une bravoure incomparable, la cavatine du
premier acte de la Somnambule, et des variations d'Ad. Adam. M. Du-
pont a joué deux parties d'un nouveau concerto symphonique, que nous
appellerons un chef-d'œuvre complet, dès que nous l'aurons entendu en
entier. Le succès de nos trois artistes, nous le répétons, a eu toutes les
proportions d'un triomphe. ~ Le théâtre de la Monnaie a repris lundi,
avec un grand succès, l'un des meilleurs opéras d'Auber, le Cheval de
bronze. — Le concert supplémentaire donné dimanche 17 a été fort in-
téressant ; après l'exécution admirablement réussie de la 6e symphonie
de Mozart, on a entendu M.Joseph Wieniawski. qui a joué un concerto
de piano composé par lui. OEuvre et compositeur ont trouvé devant
le public connaisseur des concerts du Conservatoire, un accueil
des plus favorables, qui doit décider M. Wieniawski à revenir bien-
tôt à Bruxelles pour y produire ses charmantes compositions de
salon, qui jouissent partout de la plus grande vogue. La seconde partie
du concert était consacrée entièrement à l'audition de la musique de
Struensée, de Meyerbeer, œuvre magnifique, dans laquelle se retrouve à
chaque ligne le génie inventif et harmoniste du maître. — Mme Fer-
raris continue d'enthousiasmer le public dans l'Etoile de Messine. — - La
troupe italienne de Merelli vient de nous quitter pour se rendre à Liège
où elle a dû commencer ses représentations le 20. De là, l'imprésario
compte se rendre à Riga avec les sœurs Marchisio, Minetti et le baryton
Zacchi.
*% Cassel. — La Clochette de l'Ermite {les Dragons de Villars), par
Maillart, a eu plusieurs représentations qui ont attiré chaque fois
beaucoup de monde.
*% Francfort-sur-le-Mein.— La statue de Schiller, modelée par Diel-
inann et fondue par Miiller, à Munich, sera inaugurée le 9 mai, jour
anniversaire de la mort du poète.
»** Dresde. — Le 10 avril a été représenté pour la première fois au
théâtre de la Cour : La Forêt d'Hermanstadt, opéra nouveau en trois
actes par Westmeyer. Les rôles principaux étaient interprétés par
Mme Burde-Ney, Mlle Baldamus, M. Schnorr de Carolsfeld et Mitten-
wurzer. Ce n'est pas, sans doute, une œuvre parfaite, mais il y a bon
nombre de morceaux réussis, auxquels le public a rendu pleine justice.
„,** Berlin. — La chapelle royale a donné sa neuvième et dernière
soirée de symphonie. On y a exécuté, entre autres, la musique
à'Egmont, par Beethoven ; ouverture, entr'actes et lieder, avec le texte
explicatif de Mosengeil. Mme Harriers-Wippern a chanté les lieder
avec beaucoup de charme et d'expression. — Le 7 avril, il y a eu à la
cour un concert où se sont fait entendre les sœurs Brousil ; elles ont
eu du succès. — Au théâtre de la cour, on reprend Olympie, de Spon-
tini, avec Mme Harriers, Mlle de Ahna, MM. Woworsky, Fricke et
Salomon. — Mlle Lucca part le 20 pour Londres; elle donnera deux
représentations au théâtre italien sous la direction de Merelli , à
Bruxelles.
,% Zurich. — Au 5e et 6e concert d'abonnement, la société de chant
Kirchner a fait entendre le finale de Loreley et un chœur du 42" psaume
de Mendelssohn. Pruckner, pianiste de Stuttgard, s'est fait applaudir
en jouant un Concert stùck, de Weber, etc.
**., Genève. — Au 3e concert du Conservatoire, s'est fait entendre
avec un grand succès l'éminent violoniste Jean Becker.
*** Vienne. — Le Barbier, toujours le Barbier, et parfois un Ballo in
maschera ou Lucia, voilà ce que nous a offert l'opéra italien dans ces
derniers temps. Le public ne se montre pas très-empressé ; à la der-
nière représentation de Lucia, on comptait une dizaine de banquettes
vides, — Le 19, Mme Barbot doit débuter dans Otello par le rôle de
Desdémone. — Le ténor Mongini débutera dans Moïse; puis viendra la
Traviata avec Mlle Artot. — Les répétitions de Sa/fo ont commencé.
Au Carltheater on va représenter Lischen et Fritzchen, d'Offenbach,
avec paroles allemandes, et sous le titre : les Souabes français. — Le
2° concert historique de Zellner n'a pas offert moins d'intérêt que le
précédent. Dans la première partie, on n'a exécuté que des composi-
tions dues à des souverains ou à des personnes d'un sang princier :
Ferdinand 111, Léopold Ier, Charles VI, l'empereur d'Autriche, Fran-
çois Ier et Louis XIII, rois de France ; de Maurice-Auguste, landgrave
de Hesse-Cassel, mort en 1662; de l'archiduc Rodolphe, élève de Bee-
thoven. Dans la deuxième partie : Madrigaux de Fallis et de Donati;
morceaux de chant, par Fasse et Rubinstein, etc.
,.% Barcelone.— Le pianiste Gennaro Perrelli, après avoir donné une
suite de brillants concerts à Valladolid, Alicante et Valence, est arrivé
ces jours derniers dans notre ville et, samedi dernier, il donnait, dans
la vaste salle de la Bourse, un concert, l'un des plus beaux qu'on ait
entendus à Barcelone, et dans lequel il a été rappelé à plusieurs re-
prises.
t*tNew-York,'ïa.ml.— Notrethéâtre,sous la direction deM. Juignet, fait
de très-bonnes affaires.— On a déjà donné plusieurs fois les Deux Aveugles,
Tromb-al-Cazar, Bataclan, et le Mariage aux Lanternes, d'Offenbach,
ainsi que les Noces de Jannette, et Pianella, de Flotow; l'Eclair, d'Ha-
levy,sera donné la semaine prochaine. C'est à Maillet qu'est dû le suc-
cès du Mariage aux Lanternes. La symphonie Harold en Italie, de Ber-
lioz, a été répétée avec le même succès que l'hiver passé, et une
symphonie de Liszt a été fort mal accueillie au dernier concert de la
Société philharmonique.
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AVlij. meilleurs magasins de musique fondé depuis environ cin-
quante ans dans une de nos plus grandes villes de France. C'est même
dans ladite ville le seul établissement spécial de ce genre. — S'adresser,
pour les renseignements, au bureau de la Gazette musicale.
Le Directeur : S. DIJFOUK.
136
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1er Mai 1864.
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Dons les Départements et à l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraire
et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r.parm
Départements, Belgique et Suisse. ... 30. id.
Étranger 3< » id.
Le Journal parait le Dimanche.
MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Giacomo Meyerbeer (4e article), par Fétîs père. — Subven-
tion du théâtre Italien. — Orphéon, première séance solennelle sous la direc-
tion de M. F.Bazin. —Concerts populaires de musique classique. — Auditions
et concerts. — Restes mortels de Haydn. — Revue des théâtres, par D. A.
D. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
MEYERBEER (Giacomo).
(4e article) (1).
L'année 1846 fut marquée par une des plus belles productions du
génie de Meyerbeer ; œuvre complète dans laquelle il n'y a pas une
page faible : je veux parler de la musique composée par le maître
pour Struensée, drame posthume de Michel Béer, frère de l'illustre
artiste. Cette belle conception, où l'originalité des idées du composi-
teur se révèle dans toute sa puissance, renferme une ouverture ma-
gnifique, du plus grand développement, quatre entr'actes où tout le
drame se peint, et neuf morceaux qui s'intercalent dans le dialogue,
à la manière des mélodrames. Quelques-uns des motifs de ceux-ci
sont traités dans l'ouverture et développés avec cet art de progres-
sion d'effet dans lequel Meyerbeer n'a point d'égal. Les artistes, qui
ne jugent pas la musique sur des impressions fugitives, comme le
public, et qui sont capables d'analyser, savent, en effet, que le
talent du maitre prend par cette qualité son caractère le plus élevé.
Le plan de cette ouverture est à lui seul un chef-d'œuvre en ce
genre : tout y est disposé de main de maître et avec une connais-
sance profonde de l'effet que doit produire le retour des idées par
la variété des formes. Lorsque je l'ai fait jouer par l'orchestre du
Conservatoire de Bruxelles, un auditoire de deux mille personnes a
été jeté dans des transports d'admiration.
II faudrait, résumer tout le drame pour faire comprendre ce
qu'il y a de poésie dans les entr'actes et dans les morceaux de
musique dont Meyerbeer a fortifié l'ouvrage de son frère. Chaque
morceau est un tableau scénique, ou exprime un sentiment particu-
(1) Voir les n°' 15, lfi et 17.
lier avec une puissance, une originalité de conception, de moyens
et d'accents dont l'effet est irrésistible. Cette admirable composition
a été exécutée pour la première fois à Berlin, le 19 septembre
4846.
Dans la même année, Meyerbeer écrivit, pour le mariage du roi
de Bavière avec la princesse Gulllelmine de Prusse, une grande pièce
intitulée Fackeltanz (danse aux flambeaux) , pour un orchestre d'ins-
truments de cuivre. Cette danse prétendue est une marche pour un
cortège d'apparat qui se fait le soir aux flambeaux, à l'occasion du
mariage des princes de Prusse, et qui est, traditionnel dans cette
cour. Le caractère de cette composition est d'une originalité remar-
quable : elle est riche de rhythmes et d'effets nouveaux. Une autre
pièce du même genre a été composée par le maître pour le mariage
de la princesse Charlotte de Prusse, et, en 1853, il en a écrit une
troisième pour le mariage de la princesse Anne.
Après une longue attente, le Prophète, souvent annoncé sous des
noms différents, fut enfin représenté le 16 avril 1849. C'était le troi-
sième grand ouvrage écrit par Meyerbeer pour l'Opéra de Paris : là,
l'illustre compositeur se retrouvait sur le terrain qui lui est néces-
saire pour la production de ses puissants effets. Ainsi qu'il était ar-
rivé pour Robert et pour les Huguenots, il y eut d'abord de l'incer-
titude, non-seulement dans le public, mais aussi parmi les artistes et
les critiques de profession, concernant le jugement qui devait être
porté de la partition du Prophète; mais à chaque représentation,
l'ouvrage, mieux compris, produisit de plus sn plus l'effet sur lequel
le compositeur avait compté. L'incertitude provenait de ce qu'on
cherchait dans le troisième grand ouvrage du maitre des beautés ana-
logues à celles qui avaient fait le succès des deux premiers; mais
Meyerbeer est toujours l'homme de son sujet. Dans Robert, il avait
eu à exprimer le combat des deux principes, bon et mauvais, qui
agissent sur la nature humaine ; dans les Huguenots, il avait opposé
les nuances délicates et passionnées de l'amour aux fureurs du fa-
natisme religieux. Dans le Prophète, c'est encore le fanatisme, mais
le fanatisme populaire mis en opposition avec les ruses de la politi-
que, et celles-ci, par un concours inouï de circonstances, arrivant par
degrés à la plus haute expression de la grandeur. L'élément prin-
cipal de ces trois ouvrages est la progression de l'intérêt, mais d'un
intérêt de nature très-différente. Les beautés de sentiment et les
beautés de conception constituent les deux grandes divisions esthéti-
138
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ques de la musique théâtrale ; car s'il y a un art de sentiment, il y
a aussi un art de pense'e. Trois facultés de l'organisation humaine,
à savoir, l'imagination, la sensibilité et la raison, correspondent aux
trois conditions qui, tour à tour, dominent dans les produits de l'art
dramatique, c'est-à-dire l'idéal, le passionné et le vrai relatif au
au sujet. L'imagination s'allie tantôt au sentiment, tantôt à la rai-
son : dans le premier cas, elle nous émeut d'une impression vive,
mais vague dans son objet et en quelque sorte indéfinissable ; dans
l'autre , elle s'élève jusqu'au grandiose et nous saisit de l'idée de
puissance. Or, c'est le premier de ces effets qui domine dans la scène
d'amour du quatrième acte des Hvguenols, c'est l'autre qui se pro-
duit dans la conception du Prophète. De ces deux formes de l'art,
l'une n'a pas d'avantage sur l'autre; leur mérite relatif consiste dans
une juste application au sujet. Ému par l'exaltation de l'amour qu'il
avait à exprimer, le grand musicien a trouvé, pour le sentiment dont
les amant* sont pénétrés, des accents de tendresse, de passion et même
de volupté , dont le charme est irrésistible ; mais, placé en face des
caractères vigoureux du seizième siècle, ainsi que delà rudesse des
mœurs de ce temps, et ayant à colorer le tableau d'une des époques
les plus saisissantes par le merveilleux accord de circonstances ex-
traordinaires, l'artiste s'est pénétré de la nécessité de donner à son
œuvre le grand caractère qui s'y développe progressivement, afin
de frapper l'imagination des spectateurs et de saisir leur esprit de la
vérité objective du sujet représenté. Cette œuvre est donc le fruit de
l'alliance de l'imagination et de la raison, et non celle de la pre-
mière deces facultés avec la sensibilité. Rien ne peut mieux faire naître
l'idée de la grandeur et de la puissance du talent que le développe-
ment du motif si simple : Le voilà le roi prophète, chanté par les
enfants de chœur, dans la cathédrale de Munster, au quatrième acte,
et qui , transformé de diverses manières dans les scènes suivantes,
finit par devenir le thème principal des formidables combinaisons du
finale. Meyerbeer seul parvient à ces effets de progression fou-
droyante.
Après le succès du Prophète, Meyerbeer retourna à Berlin et y
écrivit, sur une poésie du roi Louis de Bavière, une grande cantate
pour quatre voix d'hommes et chœur, avec accompagnement d'ins-
truments d3 cuivre, sous le titre de Bayerischer Schiitzen Marsck
(Marche des archers bavarois). Cet ouvrage fut suivi d'une ode au
célèbre sculpteur Rauch, à l'occasion de l'inauguration de la statue
de Frédéric le Grand, composition de grande dimension avec solos
de chant, chœur et orchestre, qui fut exécutée, le 4 juin 1851, à
l'Académie royale des beaux-arts de Berlin. Dans la même année
l'illustre compositeur écrivit un hymne de fête à quatre voix et
chœur (a Capella), qui fut exécuté au palais pour le vingt-cinquième
anniversaire du mariage du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV.
L'altération sensible de la santé de Meyerbeer, vers la fin de 1851,
l'obligea à suspendre ses travaux. Au commencement de l'été de
l'année suivante, il alla prendre les eaux de Spa, dont l'usage lui a
toujours été favorable. Il s'y condamna à l'observation rigoureuse du
régime indiqué par les médecins, faisant de longues promenades so-
litaires le matin et le soir, tantôt à pied, tantôt monté sur un âne.
Dans les longs séjours qu'il a faits à Spa, pendant plusieurs années
consécutives, le maître est resté presque continuellement isolé, n'ap-
prochant jamais des salles de réunion et de jeu, prenant du repos
après ses promenades et ses repas, travaillant mentalement pendant
qu'il marche, ne recevant pas de visites pour n'être pas interrompu
quand il écrit, mais allant voir lui-même ses amis lorsqu'il y a de
l'amélioration dans sa santé, se promenant avec eux et causant vo-
lontiers de toute autre chose que de musique. Meyerbeer est la
grande figure de Spa pendant la saison des eaux ; lorsqu'il s'y rend,
on se le montre de loin, et l'on entend dire de toutes parts :
Avez-vous vu Meyerbeer? Chaque ouvrage nouveau qu'il met en
scène lui rend nécessaire l'air pur des montagnes qui entourent ce
séjour, ou bien les solitudes de Schwalbach, le calme de ses prome-
nades et l'effet salutaire des eaux et du régime ; car chacun de
ses succès amène une altération sensible de sa santé. Les répéti-
tions qu'il fait faire avec des soins inconnus aux autres composi-
teurs, et les morceaux nouveaux qu'il écrit avec rapidité pendant
les études de l'ouvrage, lui occasionnent une grande fatigue. A voir
son exquise politesse envers les artistes de la scène et de l'orches-
tre pendant les répétitions, on n'imaginerait pas ce qu'il y a de
souffrance et d'impatience dans son âme, lorsque les fautes de
l'exécution gâtent l'effet qu'il s'est proposé et qu'il veut obtenir à
tout prix. Cette contrainte agit d'une manière pénible sur son orga-
nisation nerveuse. Quand la première représentation Fa affranchi de
ces douloureuses étreintes, de nouveaux soins viennent le préoccu-
per; car alors commencent les luttes de ses convictions et de sa con-
science d'artiste avec les jugements de la critique, qui, rarement, il
faut le reconnaître, possède les connaissances nécessaires pour se
placer au point de vue de sa philosophie de l'art, et qui, parfois
aussi, subit les influences peu bienveillantes des coteries, dont les
colères ne manquent jamais d'éclater contre l'auteur toujours heu-
reux. Des maux aigus, ou tout au moins l'abattement des forces,
succèdent à ces crises; c'est alors que Meyerbeer éprouve le besoin
impérieux de se séparer du monde, de se retremper, et de pui-
ser dans le calme et dans les soins donnés à sa santé l'énergie
nécessaire pour des luttes nouvelles.
FÉTIS père.
(La suite prochainement.)
SUBVENTION DU THÉÂTRE ITALIEN.
On se rappelle le temps où un directeur du théâtre Italien aima mieux
renoncer à la subvenlion, laquelle était alors de 50 ou 60,000 francs,
que de montrer à la commission du budget les livres constatant sa
situation et le chiffre exact de ses bénéfices. Le directeur se nom-
mait Severini, et il avait une troupe dont les artistes principaux
étaient Rubini, Lablache, Tamburini, Mmes Giulia Grisi et Per-
siani, qui ne coûtaient guère plus, à eux cinq, qu'un seul ne coûterait
maintenant.
Aujourd'hui , le directeur du même théâtre, M. Bagier, ne de-
mande qu'à montrer ses livres et à prouver, ses comptes à la main,
qu'une subvention lui est indispensable. M. Bagier n'a eu qu'un
tort, celui de croire un instant qu'il pourrait se passer de secours
et que le fardeau n'excéderait pas ses forces. Disons toute la vé-
rité : déjà directeur du théâtre Italien de Madrid, M. Bagier a pu
se flatter qu'il trouverait dans la combinaison de deux entreprises
du même genre des ressources que n'avaient pas ses devanciers. De
plus, il savait que des concurrents plus ou moins sérieux offraient
de prendre gratis la direction du théâtre Italien de Paris. Pour
entrer en lutte avec eux, il fallait au moins se présenter dans des
conditions égales. M. Bagier se présenta et l'emporta; mais il ne
tient qu'à vous de savoir ce qu'il y a perdu : la subvention lui
ayant été retirée, il ne lui restait plus que son privilège, et le décret
qui établit la liberté des théâtres vient de le réduire à néant.
Évidemment les choses ne sont plus au point où elles étaient,
lorsque M. Bagier a traité : il a souscrit des engagements considérables
sur la foi d'un régime qui a cessé d'exister. Est-ce le moment de
l'abandonner, en se bornant à lui dire : Tant pis pour vous ! 11 fallait
savoir, il fallait prévoir! Ou plutôt ne convient-il pas de reconnaître
DE PARIS.
139
sa bonne volonté, de l'indemniser de ses sacrifices, et, sans
trop se préoccuper du directeur, de songer à l'avenir du théâtre Ita-
lien. Or, si M. Bagier se retirait, quel autre plus capable que lui
s'empresserait de prendre sa place? Le théâtre Italien n'est-il pas
soumis à la loi qui régit en France toutes les scènes lyriques sans
exception ? Les dépenses n'y dépassent-elles pas toujours les re-
cettes dans une proportion plus ou moins forte? En France, nous
l'avons dit il y a longtemps, on aime beaucoup la musique, on en
demande, on en exige, mais on ne veut pas la payer ce qu'elle vaut.
C'est vainement que pendant de longues années, M. Carvalho et les
directeurs qui l'avaient précédé, se sont épuisés en efforts inouïs
pour conjurer la loi fatale. C'en était fait du théâtre, si l'invincible
nécessité d'une subvention n'eût été reconnue. On lui a donné celle
du théâtre Italien, parce qu'on a supposé que celui-ci pouvait s'en
passer. Mais si l'on s'est trompé ? Le vieil axiome, ne dit-il pas :
erreur n'est pas compte?
En principe, on était d'avis que, par des motifs dont l'énuméra-
lion serait trop longue, et que d'ailleurs tout le monde connaît, le
théâtre Italien méritait d'être encouragé, soutenu, et à ces } causes,
il y a environ douze ans, une subvention lui fut de nouveau votée ;
la somme en était fixée à 100,000 francs. MM. Lumley, Corti , Ra-
gani et Calzado en ont joui les uns après les autres : combien y
ont-i'.s gagné? Quel est celui d'entre eux qui s'est retiré pour vivre
de ses rentes? Quel est celui qui, comme Severini, eût pu renoncer à
la protection de l'Etat et à ses munificences? Tout ce que nous di-
rons, c'est que le rétablissement de la subvention promis à M. Vatel,
lorsqu'il se fit directeur, ne cessa d'être réclamé par lui avec ins-
tance. A défaut de la subvention, on lui accorda la permission de
construire des loges nouvelles de chaque côté du théâtre, et cette
permission lui rapporta beaucoup. M. Vatel augmenta, comme di-
recteur, la fortune qu'il avait faite comme agréé, mais les circons-
tances étaient bien différentes; les artistes d'alors rapportaient tou-
jours plus qu'ils ne coûtaient. Remettez-les au prix de cette époque,
et nous ne doutons pas que M. Bagier ne consente à diriger le
théâtre Italien aussi longtemps qu'il plaira au ministre de le lui
laisser, sans la moindre subvention, et même avec la liberté des
théâtres.
ORPHÉON.
Première séance solennelle sous la direction de
M. F. Bazin.
L'Orphéon de la ville de Paris se divise, comme on sait, en rive
droite et en rive gauche. La rive gauche, que dirige M. F. Bazin, a
tenu dimanche dernier sa séance au cirque de l'Impératrice ; au-
jourd'hui la rive droite, à laquelle M. Pasdeloup préside, se réunira
au cirque Napoléon.
Dix morceaux seulement, sans compter le Domine salvum, compo-
saient le programme de la première séance; on ne peut qu'en
approuver le choix et l'exécution. Parmi ces morceaux, qui se dis-
tinguaient tous par un style élevé, simple et sévère, on a remarqué
un chœur à' U thaï, de Méhul; un autre choeur de Castor et Pollux,
de Rameau ; un Sanctus de Palestrina ; une marche de la Flûte
enchantée, de Mozart, et la prière de Moïse, de Rossini. Toutes ces
compositions ont été rendues avec une correction parfaite et un bon
sentiment ; le progrès continue, d'ailleurs, à se manifester dans la
prononciation des élèves. Comme diversion et contraste à ces mor-
ceaux de grand style, l'auditoire a vivement accueilli une chanson
hongroise, pour voix d'hommes, de F. Schubert, un chœur général
du même, intitulé Rosemonde, et un autre chœur d'Ambroise
Thomas, les Traîneaux, inspiration gracieuse et légère, saluée d'un
bis unanime. L'auteur lui-même a reçu en personne les témoignages
de satisfaction que provoquait son œuvre, et il a dû en remercier à
la fois ses auditeurs et ses interprètes.
A dimanche prochain le bulletin de la seconde séance.
CONCERTS POPULAIRES DE 1H0SIQUE CLASSIQUE.
Un concert supplémentaire, qui avait pour prétexte un appel à la
bienfaisance en faveur de l'œuvre de Sainte-Geneviève, a dignement
terminé la brillante saison. L'affluence s'était portée surtout dans les
hauteurs de la salle, où nul fidèle n'avait déserté son poste.
Mme Rudersdorff s'est fait entendre avec un nouveau succès dans un
air d'Elie, non de Mendelssohn, mais de Costa, et dans une scène
d'Oberon. Il est juste de dire que l'ouverture de Sémiramis, l'hymne
d'Haydn, et la symphonie en ut mineur, exécutées d'une manière ir-
réprochable, ont produit un immense effet. Le public a aussi fort
bien reçu et chaleureusement applaudi le thème varié, suivi d'une
marche, dont F. Lachner est l'auteur, et que l'orchestre jouait
pour la seconde fois.
P. 3.
AUDITIONS ET CONCERTS.
M. Seligmann. — M, ï.oulss Lacouine (deuxième concert).
Mlle Iiouisa Barnard.
Le concert de Seligmann, pour être venu des derniers, n'en a pas
moins été l'un des meilleurs et l'un des plus charmants de la sai-
son. L'éminent violoncelliste est du petit nombre des privilégiés qui
exercent une attraction positive sur le public ; toutes les sympathies
sont acquises à son talent pur, distingué, expressif et souvent ins-
piré. On aime à l'entendre, à l'applaudir, non parce qu'il est plus
habile que bien d'autres, mais parce qu'il ne foule pas les sentiers
battus, et qu'il y a en lui un sentiment poétique qui l'élève et le fait
planer au-dessus des régions accessibles à la plupart de ses con-
frères.
Ses compositions, frappées au coin d'une originalité à la fois élé-
gante et gracieuse, ne sont d'ailleurs pas sans influence sur les suc-
cès qu'il obtient en les interprétant. Parmi elles, nous citerons le
morceau de concert sur les Huguenots, qu'il a intitulé Hommage à
Meyerbeer; la Chanson havanaise, la Guzla, la Captive, et surtout
cette délicieuse mélodie arabe, la Kouitra, où son violoncelle a si
souvent rivalisé avec les vocalises limpides de Mme Cabel. L'autre
soir, c'était Mme Barthe Banderali qui lui donnait la réplique, et nous
devons dire qu'elle s'en est acquittée avec un goût parfait.
Dans le duo en ré de Mendelssohn qui ouvrait la séance, Selig-
mann a partagé les suffrages de l'auditoire avec Ernst Lubeck, le
pianiste entraînant et souple, qui s'est fait ensuite applaudir dans
deux jolis morceaux de sa façon, une Berceuse et une Etude de style.
M. Alfred Lebeau, l'organiste, n'a pas été moins bien accueilli avec
sa Chapelle et son Appel des pâtres. Lui, Seligmann et Soumis ont
dit enfin de la manière la plus remarquable la chanson de Rigoletto,
transcrite pour violoncelle, orgue et piano.
Le chant était représenté, dans cette belle soirée, par Mme Barthe
Banderali, dont la voix agréable et la méthode exquise ont fait une
véritable sensation, ainsi que par Jules Lefort, qui, malgré un rhume
lftO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
obstiné, a plusieurs fois provoqué d'unanimes et d'enthousiastes
bravos.
— Dans un premier concert donné il y a deux mois, Louis La-
combe, dont le talent d'exéeution est trop connu pour qu'il nous
semble nécessaire de revenir sur l'éloge très-mérilé que nous en
avons fait à cette occasion, avait eu pour but principal l'interpréta-
tion des maîtres, dans laquelle il excelle, et avait relégué au second
rang l'audition de ses propres œuvres. Il n'y a donc pas lieu de lui
faire un crime d'avoir exclusivement consacré sa soirée de mardi à
des morceaux de sa composition. Leurs qualités, très-diverses, quoi-
que toujours empreintes d'une individualité des plus caractéristiques,
justifient cette prétention qui, chez tout autre que lui, pourrait pas-
ser pour téméraire. Plusieurs de ces morceaux,' entendus à son con-
cert de février, étaient d'ailleurs redemandés et ne lui laissaient pas
même, à leur égard, la liberté du choix. Tels étaient, par exemple,
le largo et le finale de son trio en la mineur, qu'il a joués, cette fois
encore, avec une rare perfection, en compagnie d'Armingaud et Jac-
quard. Sauf deux courtes mélodies et une Polonaise en ré, dont on
sait l'effet, Louis Lacombe n'a fait entendre aucun autre de ses ou-
vrages pour piano seul. En revanche, il n'a pas dû être médiocre-
ment flatté des bravos qui ont accueilli le piquant scherzo de son
ouverture en la, exécuté par Armingaud, Wacquez, Mas et Jacquard,
ainsi que l'élégie pour violon, Au tombeau d'un héros, et la Romance
pour violoncelle, où Armingaud et Jacquard se sont grandement dis-
tingués.
De nombreuses mélodies, chantées par Marie Wekerlin-Damoreau,
dont la méthode rappelle si bien celle de son illustre mère, par
Archainbaud et par M. Mortier, un ténor à la voix juste et sympa-
thique, ont défrayé la partie vocale de ce concert. Ne pouvant les
nommer toutes, nous signalerons comme ayant été plus particulière-
ment applaudies la Source et la mer, Viens, Une flûte invisible, la
Chanson de Thérésine et Au clair de la lune.
— Mlle Louise Barnard, couronnée, il y a deux ans à peine, aux
concours du Conservatoire, est déjà connue, en France et en Angle-
terre, comme pianiste dont le présent est assez riche de promesses
pour garantir un avenir brillant. Après avoir fait preuve, au début
de sa soirée, qui a eu lieu rue Cadet, dans la salle des fêtes du
Grand-Orient, de la plus heureuse organisation musicale , en jouant
le trio en mi majeur de Mozart, avec MM. White et Poëncet, elle a
interprété, avec non moins de distinction que de grâce et de légèreté,
le Mouvement perpétuel, de Weber, la Fantaisie-Impromptu, de
Chopin, et le Souvenir de Varsovie, de Schulhoff; puis, avec Bernard
Rie, elle a supérieurement exécuté les Mages et les Oiseaux, deux
charmantes études artistiques à quatre mains par H. Ravina. Outre
MM. White et Poëncet, qui ont fort bien secondé Mlle Louisa Bar-
nard et qui se sont fait applaudir pour leur propre compte, on a
entendu avec plaisir M. Campiani et Mlle Rahier, à qui le chant était
confié dans cette soirée.
Y.
RESTES MORTELS DE HAYDN.
A l'occasion du monument qu'on projette d'élever à Joseph Haydn
devant l'église du canton dans lequel il avait son habitation, plu-
sieurs journaux allemands contiennent des particularités très-curieuses
au sujet de l'exhumation du corps de Joseph Haydn, qui eut lieu
en 1820 par les soins du prince Esterhazy.
« Le corps d'Haydn resta de longues années dans le cimetière de la
localité où il était décédé, jusqu'à ce qu'en 1820 le prince Paul Ester-
hazy, avec le consentement des autorités, le fit exhumer et transporter
dans une de ses propriétés.
» A l'exhumation du corps, on ne trouva que le tronc ; la tête man-
quait, et les recherches de la police n'amenèrent aucun résultat. Com-
ment Haydn perdit-il sa tête, et quel fut le sort de celle-ci? Il paraîtrait
que ce fut J.-N. Peter, administrateur de la prison de la Basse-Autriche,
qui s'appropria d'abord la tête d'Haydn. J.-N. Peter donne, dans ses
dispositions testamentaires, en 1832, de grands détails sur ce crâne.
» Comme il était partisan enthousiaste de la science de Gall, et
comme il collectionnait des têtes, le désir lui était venu de posséder
aussi celle de Haydn. Dans ce but, il avait gagné le fossoyeur et, par
une nuit obscure, huit jours après l'enterrement, il s'était rendu avec
son ami Charles Rosenbaum, secrétaire du prince E.-terhazy, et deux
autres de ses connaissances dans le cimetière. Le tombeau et le cercueil
avaient été ouverts, la tête avait été séparée du tronc au moyen d'un
couteau et emportée par Peter chez lui. Il prépara et blanchit le crâne
dans son jardin, le mit ensuite dans une espèce de sarcophage élégant
et le conserva ainsi.
» Plusieurs années après, forcé de se séparer de sa collection de
crânes, il la partagea entre ses amis, et donna le crâne d'Haydn à
Charles Rosenbaum. C'est à cette époque qu'eurent lieu les recherches
de la police pour découvrir le crâne de Haydn, recherches dirigées
tout d'abord chez Peter, car la police avait appris que c'était lui qui le
possédait. Il dit au commissaire de police que ce n'était pas lui, mais
Rosenbaum, qui avait co qu'il cherchait. Mais Rosenbaum avait eu vent
de la visite qui le menaçait et avait pris ses précautions pour sauver
son trésor. Et en effet, sa femme avait caché la cassette contenant le
crâne d'Haydn dans sa paillasse et s'était ensuite mise au lit.
i Plus tard, quand un envoyé du prince Esterhazy se présenta chez
Peter pour lui demander ce crâne, Peter et Rosenbaum lui en remirent
un comme étant celui d'Haydn. Mais il résulta de l'examen fait par un
anatomiste que c'était le crâne d'une personne âgée d'à peine vingt
ans, tandis que Haydn était mort à l'âge de soixante-dix-sept ans. Un
second crâne qu'ils remirent alors n'était pas encore le véritable, mais
il fut malgré cela placé avec les restes d'Haydn dans la tombe.
» Rosenbaum garda jusqu'à la fin de sa vie le véritable crâne d'Haydn;
il le rendit alors à Peter à la condition de le donner, quand il mour-
rait, au Conservatoire de musique de Vienne. Bien que, dans un testa-
ment olographe, Peter l'eût légué au Conservatoire, il le donna à son
médecin, le docteur H..., qui offrit cette relique « à un des plus célè-
bres instituts anatomiques d'Europe, à la tête duquel est une personna-
lité scientifique bien connue, » et c'est là que se trouve encore au-
jourd'hui le crâne. »
REVUE DES THEATRES.
Gymnase : un Mari qui lance sa femme, comédie en trois actes, par
MM. Eug. Labiche et Raymond Deslandes; la Question d'amour,
Comédie en un acte, par MM. Paul Bocage et Aurélien Scholl. —
Vaudeville : Aux crochets d'un gendre, comédie en quatre actes,
par MM. Théodore Barrière et Lambert Thiboust. — Variétés :
Le Joueur de flûte, vaudeville romain de M. Jules Moineaux, mu-
sique gauloise de M. Hervé. — Théâtre Déjazet : le Dégel, co-
médie - vaudeville en trois actes, par M. Victorien Sardou. —
Folies- M arignï : la Tsigane, opérette en un acte, par MM. Eug.
Moreau et Valnay; les Virtuoses du pavé, bouffonnerie musicale,
de M. W. Busnach et de M. Léveillé.
On retrouverait, sans chercher beaucoup, dans la Comédie hu-
maine, de Balzac, l'idée première du Mari qui lance sa femme; seu-
lement, la main qui a écrit le Lys dans la vallée ressemble si peu
à celle qui a griffonné les drôleries du Chapeau de paille d' Italie,
qu'on ne saurait reprocher à M. Labiche un emprunt déguisé au
point de le rendre méconnaissable. Du reste, à travers leurs fantaisies
les plus désopilantes, il y a presque toujours dans les pièces de l'au-
teur de Moi, une intention morale qui les rapproche de la bonne et
vraie comédie. Dans cette circonstance, il s'agit d'un brave bour-
geois qui, par amitié, exige que sa femme fréquente un monde pour
lequel elle n'est pas faite, affiche un grand luxe de toilette, se mon-
tre au bois, aux courses, dans les théâtres, et s'expose ainsi à des
dangers dont il ne reconnaît l'existence que lorsqu'ils sont suspendus
sur sa propre tête. Cette leçon est en trois actes; par conséquent,
nous n'en donnons que la substance; il nous faudrait bien plus d'es-
pace que celui dont nous disposons pour en raconter les détails
épisodiques. Us ne sont pas tous heureux, mais ils sont esquissés
avec une verve, avec une bonne humeur qui désarment la critique.
DE PARIS.
141
La Question d'amour est un charmant petit tableau de mœurs,
traité avec beaucoup d'esprit et de délicatesse. Daniel a une maî-
tresse; sa famille veut le forcer à la quitter, pour lui faire contracter
un engagement plus sérieux, et dans ce but, elle dépêche auprès de
lui un ambassadeur chargé d'aplanir les difficultés à l'aide de quel-
ques billets de mille francs. Le moyen n'est pas nouveau ; il a été
employé avec succès par l'ami du père de Daniel. Mais il se trouve
que la femme délaissée par le ci-devant jeune homme a eu de lui
une fille, et que cette fille est justement la maîtresse qu'il a pour
mission d'évincer. La Question d'amour prend alors le dessus, et
aboutit à un mariage. Cette comédie, ainsi que l'autre, est merveil-
leusement jouée par l'excellente troupe du Gymnase.
— On a bien souvent mis au théâtre les tribulations d'un gendre en
butte aux exigences tyranniques de son beau-père ou de sa belle-
mère. C'est un sujet rebattu, et dont néanmoins certains aspects
peuvent encore sembler neufs, lorsqu'ils sont présentés avec le tact
et l'esprit que MM. Théodore Barrière et Lambert Thiboust ont dé-
ployés dans leur pièce du Vaudeville, Aux crochets d'un gendre.
C'est un véritable paradis que l'intérieur du ménage Fontelais, et la
lune de miel ne cesserait de luire sur lui, si une catastrophe, causée
par la lutte fratricide des Américains du Nord et du Midi, ne venait
tout à coup lui mettre sur les bras le père de madame, un arma-
teur du Havre, flanqué de sa digne moitié, et, un peu plus tard, de
deux amis, MM. Moutonnet père et fils. Tout ce monde-là, installé
chez Fontelais, substitue ses volontés à la sienne, l'annihile com-
plètement, et le pousse si bien à bout que le pauvre gendre exas-
péré finit par s'insurger et par se débarrasser de ses bons parents et
de leur séquelle. Cette comédie, pleine de détails gais, mordants,
ingénieux, et fort bien jouée par Félix, Parade, Saint-Germain et tutti
quanti, n'a qu'un défaut, mais il est grave. Son sujet comportait un
seul acte, et elle en a quatre; tant il est vrai, nous l'avons dit bien
des fois, que MM. les auteurs, pour avoir à eux seuls tous les bé-
néfices de la soirée, sacrifient trop souvent l'intérêt de leur gloire à
celui de leur bourse.
— Le vaudeville , ou plutôt l'opérette nouvelle des Variétés, qui
pourrait s'appeler Une récompense nationale, mais qui se nomme
tout simplement le Joueur de flûte, ni plus ni moins qu'une comédie
de M. Emile Augier, ridiculise effrontément l'un des sentiments les
plus honorables de l'humanité, et personne ne s'en fâche, parce que
la bouffonnerie des détails empêche de songer au fond très-sérieux
du sujet. Le consul Duillius a rendu un signalé service à la patrie
en remportant une grande vicLoire sur les Carthaginois, et pour l'en
récompenser, le sénat romain a décrété qu'il ne marcherait plus qu'ac-
compagné partout d'un joueur de flûte. Le malheureux triomphateur,
d'abord très-flatté de cette distinction originale, ne tarde pas à s'a-
percevoir des inconvénients qu'elle entraîne après elle. Il ne peut
faire un pas sans avoir à ses trousses l'enragé flûtiste, qui trouble
ses rendez-vous d'amour, qui le dénonce à la jalousie des maris, et
qui, après l'avoir mis dans un affreux pétrin, lui joue encore aux
oreilles, d'un ton gouailleur, l'inévitable refrain : Fallait pas qu'il
y aille ! Que fait le consul Duillius pour se délivrer d'un tel supplice ?
11 a recours à l'argument si souvent employé par les Léandres
du vieux théâtre à l'envers des Scapins et des Mascarilles, et le
joueur de flûte s'en va, sans demander son reste.
Le comique de cette parodie romaine réside dans l'emploi sau-
grenu des termes classiques mêlés aux' expressions argotiques les
plus prononcées ; cela fait un contraste plaisant dont il faut rire
quoi qu'on en ait. La musique gauloise de M. Hervé procède exacte-
ment de même et arrive au même résultat. Commencée d'une façon
sérieuse, elle aboutit à quelque pont-neuf bien connu, bien caracté-
ristique, qui n'est peut-être pas gaulois, mais qui est digne de l'être.
Les acteurs des Variétés, Dupuis en tête, sont bien drôles dans leurs
toges de mardi-gras et dans leurs tirades cocasses, tant parlées que
chantées.
— M. Victorien Sardou, en devenant un des auteurs les plus ac-
crédités de ce temps-ci, n'a pas oublié qu'il a fait ses premières ar-
mes au théâtre Déjazet, et, quoique fort occupé ailleurs, il ne dédai-
gne pas de redescendre parfois jusqu'à la petite scène qui lui a servi
de point de départ. Son dernier acte de gratitude s'appelle le Dégel,
c'est une charmante comédie d'intrigue, dans laquelle le jeune comte
de Bassompierre, petit-fils de l'ancien ami de Henri IV, emprunte
les traits de Virginie Déjazet, comme le prince de Conti dans les
Frés Saint-Gervais. Le grand-père d'Hector de Bassompierre, ayant
eu à se plaindre des femmes vers la fin de sa vie, l'a si bien mis
en défiance contre la plus belle moitié du genre humain, que le
jeune comte se présente à la cour avec la ferme intention de ne
pas laisser fondre les glaces de son cœur au soleil des œillades de
ces dames. Mais le roi a quitté Marly, et en se faisant suivre de
tous ses courtisans, il n'a pu emmener leurs femmes ; Hector tombe
donc au milieu de ces veuves très-consolables qui partagent leurs
loisirs entre l'exercice du patin sur la grande pièce d'eau, et la
préparation d'un ballet pour le retour du roi. La présence d'Hector
dans leur solitude est une bonne fortune pour elles; car on a be-
soin d'un Adonis pour figurer dans le ballet, et le jeune Bassom-
pierre a tout ce qu'il faut pour bien remplir ce rôle. C'est à qui
s'empressera de lui en faire comprendre toutes les finesses. Mais
Adonis reste impassible et glacé jusqu'au moment où Vénus, mieux
avisée que toutes ses compagnes, trouve moyen d'amener le dégel.
Virginie Déjazet, toujours jeune, toujours spirituelle, est l'âme et
la joie de cette pièce ; inimitable comme comédienne, elle a une ma-
nière à elle de dire le couplet et de faire valoir la musique vieille
ou nouvelle qu'elle est chargée d'interpréter, qui prête à sa voix
un attrait des plus piquants. Aussi l'a-t-on couverte de fleurs et l'a-
t-on rappelée à chaque acte pour la cribler d'applaudissements. Ce-
pendant, nous devons le dire, le Dégel est un peu long, et gagnera
beaucoup à durer moins.
— Le petit théâtre construit aux Champs-Elysées par le physicien
Lacaze et qui a été le berceau des Bouffes- Parisiens, semble,
après bien des vicissitudes, vouloir revenir au genre qui, jus-
qu'à ce jour, lui a le mieux réussi. La nouvelle direction vient
d'inaugurer ses Folies- Marigny par deux pièces où la musique
joue un assez grand rôle et auxquelles , par conséquent, nous
devons une mention particulière. MM. Eugène Moreau et Val-
nay, les auteurs de la Tsigane, sont deux artistes dramatiques
qui ont passé plusieurs années en Russie. Ils en ont rapporté
des mélodies populaires qu'ils ont placées tout naturellement dans un
cadre emprunté aux mœurs de ce pays. La philippine est un gage
d'amour essentiellement russe qui se compose d'une amande coupée
en deux. Souvent les morceaux s'en égarent, et il ne faut rien
moins que l'intervention d'une tsigane ou bohémienne pour qu'ils se
rendent à leur véritable adresse. Sur cette donnée, à la fois naïve
et sentimentale, les airs russes, marqués en général de ce double
cachet, sont d'un effet excellent, et l'on dirait qu'ils ont été faits
pour elle, tandis que c'est tout le contraire. Il n'y a que la Tchigui-
rigui-Tchek, espèce de ronde finale, qui sort un peu de ce moule,
et encore trouve-t-on comme une saveur de mélancolie sauvage dans
le cri joyeux qui l'accompagne. Rien n'est plus curieux que d'en-
tendre ces mélodies adroitement orchestrées par M. Albert Vizentini,
et chantées avec goût par des artistes intelligents, dont plusieurs ont
été pensionnaires des Bouffes. Nous citerons dans ce nombre
Mlle Macé et Mlle Darcier, la fille du chanteur.
Les Virtuoses du pavé sont une amusante bouffonnerie à trois
personnages, basée sur un usage parisien qui consiste à laisser
pénétrer les musiciens ambulants dans les cours des maisons, sans
respect, sans pitié pour le repos de leurs habitants. Montrouge, le
142
REVUE ET GAZETTE MUSFCALE
directeur de ce petit théâtre ; Caillât, encore un transfuge des
Bouffes, et Mlle Macé jouent avec beaucoup d'ensemble et de verve
cette opérette dont M. Leveillé a écrit la musique. Il s'était déjà fait
connaître par celle de Léonard qu'on chantait au boulevard du
Temple, il y a deux ans. Plusieurs de ses airs et, entre autres, la
ronde des Virtuoses de la rue, sur laquelle la pièce se termine,
auront le même sort que ceux de Léonard, et seront popularisés par
les médaillés de la préfecture dont on se moque aux Folies- Marigny :
ce sera leur vengeance.
!). A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
4% Lundi, le théâtre impérial de l'Opéra a donné la Favorite, chan-
tée par Mme Gueymard , et ensuite Diavolina. — Mercredi, la Muette
avait rempli la salle.— Vendredi, Mlle Sax a chanté de nouveau le rôle
de Valentine, des Huguenots; le chef-d'œuvre a produit son effet ac-
coutumé, et Mlle Saxa été applaudie et rappelée. La recette s'élevait à
près de 10,000 francs. — Hier soir a eu lieu la représentation au bénéfice
de la caisse de secours de l'association des acteurs et compositeurs
dramatiques. Elle se composait de la comédie du Théâtre-Français, Moi,
— du deuxième acte de Charles VI, — du premier acte de Giselle,
avec Mile Mourawieff, — du troisième acte de la Maschera avec
Mlle Boschetti, d'un intermède musical avec Mmes Gueymard et Sax,
MM. Faure et Warot, et des deuœVhiens de Faïence, pièce des Variétés
jouée par Alphonsine et Dupuis. On a de plus exécuté les ouvertures
de la Muette et du Tannhauser.
Jff. On a pu se convaincre à la représentation des Huguenots, donnée
lundi dernier à l'Opéra, de la supériorité qu'offre le système d'éclairage
à flamme renversée, inventé par M. Subra, sur celui en usage jusqu'à
présent pour les rampes de théâtre. Un des côtés de celle de l'Opéra
était éclairée d'après le nouveau procédé et l'autre d'après l'ancien.
Tandis que la lumière renversée se projetait avec le plus grand éclat
sur les costumes des artistes, les anciens becs semblaient ne donner
qu'une lumière fauve et désagréable. Ce résultat étant concluant, il est
probable que tous les théâtres adopteront l'invention de M.. Subra.
„,% Le théâtre de l'Opéra-Comique a repris dimanche Haydée. Le
charmant opéra d'Auber, chanté par Achard (Loredan),et Eugène Bat-
taille, qui remplissait pour la première fois celui de Malipieri, avait at-
tiré beaucoup de monde.
„,% M. Bagier vient de rengager pour le mois de mai Aldighieri ei
sa femme, Mme Spezzia-Aldighieri ; ces deux artistes se rendront à
Paris aussitôt que le théâtre de l'Oriente de Madrid aura fait sa clôture.
— Mlle Luigia Varesi, dont on commence à parler comme d'une jeune
étoile du chant italien, a remplacé au pied levé dans un Ballo in maschera
Mlle Calderon indisposée et elle l'a fait de façon à satisfaire le public
et le directeur; aussi doit-elle se produire incessamment dans VElisire
d'amore, avec Bettini, Giraldoni et Scalese. — En attendant, Frascliini
continue à passionner le public du théâtre Italien ; il a merveilleuse-
ment chanté cette semaine le rôle de Poliuto et il y a été merveilleu-
sement secondé par Mme Carlotta Marchisio ; au troisième acte elle a
transporté la salle.
j% Nous reverrons la saison prochaine Zucchini au Théâtre-Italien ; il
a été engagé par M. Bagier en même temps que le ténor Negroni.
„% Le premier usage que vient de faire de sa majorité Mlle Adelina
Patti a été, avant de quitter Paris, de constituer, par acte passé chez
Me Acloque, notaire, 6,000 francs de rente à son père et autant à sa mère.
Tout commentaire serait superflu devant un pareil acte de tendresse et
de reconnaissance filiales.
t% Nous avons parlé des bonnes dispositions manifestées par M. Car-
valho aux auteurs de Jeanne d'Arc. Le directeur du Théâtre-Lyrique a
demandé à MM. Metge et Germain un opéra en deux actes ; qu'il fera
représenter, et s'il réussit, il montera Jeanne d'Arc immédiatement
après.
.% L'opéra de Félicien David, la Captive, dont la première représen-
tation était annoncée pour mercredi dernier, a été retiré par les au-
teurs.
*** Les répétitions de Fanchette, pièce de MM. Nuitter et Desarbres,
musique de M. le comte Gabrielli, viennent d'être reprises avec activité
au théâtre Lyrique, et l'ouvrage ne tardera pas à être représenté. On
en dit un grand bien.
.% Les recettes des théâtres impériaux et secondaires, des con-
certs, spectacles -concerts, etc., pendant le mois de mars, se sont
élevées à 1,952,861 fr. A7 c.
»■% Nous constations le succès obtenu dernièrement à Amiens par Ber-
tbelier et Mlle Frasey, jouant au concert de la Société philharmonique
Lischen et Frilzchen. Ce succès vient de se reproduire encore plus grand
à Nantes, où les deux charmants artistes ont représenté le petit chef-
d'œuvre d'Offenbach, d'abord au concert donné par la Société des
Beaux-Arts, puis le lendemain, au Grand-Théâtre, où.le programme,
qui n'annonçait que Nos alliées, un intermède musical et Lischen et
Fritzchen, avait attiré une telle affluence, que la recette s'est élevée à
2,800 francs. Dans chacune de ces représentations, on fait répéter le
duo alsacien avec acclamation.
„% Les journaux de Madrid constatent le triomphe obtenu par
Mme Borghi-Mamo dans la Favorite et dans Safo, donnés à son bénéfice.
Leurs Majestés et l'infant Don Sébastien assistaient à la représentation,
et la célèbre cantatrice a reçu de la reine un magnifique collier comme
témoignage de satisfaction, en même temps que les habitués du théâtre
lui offraient une couronne d'or.
„.% L'élégante salle des Folies-Marigny est pleine tous les soirs,
grâce aux Virtuoses du pavé, une bouffonnerie de M. Busenach, dont
nous avons déjà parlé. La vogue est assurée pour tout l'été à cf petit
théâtre dont P. Legrand, Montrouge, Caillât, Mmes Macé et Darciersont
les soutiens habituels.
„% La commission nommée à Florence pour examiner les quatorze
partitions envoyées au concours, ouvert pour le choix d'un opéra nou-
veau à représenter au théâtre de la Pergola, a décidé qu'aucune ne
méritait cet honneur et a consigné dans un procès-verbal les raisons de
cette décision. Les intéressés pourront en prendre connaissance et en
faire leur profit.
t*t S. M. l'empereur Maximilien 1er a chargé M. Auber de composer
la musique de l'hymne national mexicain, dont le texte est dû à la
plume de M. Aguilar, ancien ministre d'Etat au Mexique, aujourd'hui
envoyé extraordinaire près le Saint-Siège.
^% Plusieurs concerts sont encore à l'ordre du jour, malgré la sai-
son avancée. On annonce :
— Pour demain lundi, salons Pleyel-Wolff, une deuxième soirée don-
née par Jules Schuloff, dans laquelle il exécutera ses plus charmants
morceaux, avec le concours de Seligmann et de Mme M. Banderali.
— Pour le même jour, à la salle Herz, concert de l'excellent pianiste
Ferraris.
— Pour le 3 mai, salle Herz, concert avec comédie, par des artistes
du Théâtre-Français, au bénéfice de réminent professeur, M. Ch. Pollet
et de ses enfants. MM. Saint-Saëns, Ketterer, Delahaye, David, Herman,
Altès, Sokolowski, Lasserre, Bussine et Mme Peudefer prêteront leur
concours au bénéficiaire. — Stances de Méry à la mémoire de Mme Pol-
let-Jouvante récitées par M. Jouanni.
— Pour le mercredi 4, salle Herz, concert de la charmante pianiste
Adrienne Peschel, avec le concours de MM. Giuliani et White. Mlle Au-
vray et M. Félix y joueront un proverbe de Marc Constantin : A cor-
saire, corsaire et demi.
— Pour le 6 mai, quatrième concert de bienfaisance par la Société
académique de musique sacrée, sous la direction de Charles Vervoitte,
avec le concours de MM. Marochetti, Bussine, Mlle Bernard des Portes.
Programme, très-riche et très-curieux, de musique classique des xvi° au
xixe siècles.
„,*„, Lors du récent séjour de M. Dunkler dans notre capitale, la
musique de la garde de Paris, dirigée par M. Paulus, a fêté la présence
de l'habile maestro, par une excellente exécution de plusieurs de ses
œuvres. M. Dunkler, directeur des musiques militaires de Sa Majesté le
roi des Pays-Bas, n'est pas seulement un soliste et un chef hors ligne;
il peut être cité, à bon droit, comme l'un des meilleurs compositeurs
de musique militaire. Ses productions sont aussi estimées que recher-
chées à l'étranger; elles alimentent les premiers orchestres régimen-
taires d'Allemagne, de Russie, d'Angleterre et même de France. C'est
qu'en effet, indépendamment de ses œuvres originales, M. Dunkler n'est
pas du tout un arrangeur vulgaire; ses fantaisies, sur des opéras ou
des morceaux connus, ne sont point simplement une suite de motifs
se succédant les uns aux autres. Maintenant que les dernières et si
brillantes inventions de M. Adolphe Sax sont venues compléter la pa-
lette et augmenter les ressources des musiques dites d'harmonie,
M. Dunkler, qui d'ailleurs avait principalement effectué son voyage
dans le but d'étudier ces importantes créations, aura de nouvelles ri-
chesses à sa disposition, et il nous semble même entrer déjà dans les
idées du célèbre inventeur, relativement à l'emploi des instruments par
timbres, autrement dit par famille. Parmi les anciennes fantaisies de
M. Dunkler, nous avons entendu et applaudi celle sur les motifs de
Don Juan, qui peut être considérée, — aussi bien que celle sur la Muette,
comme un des chefs-d'œuvre du genre ; impossible d'allier plus de
charme à plus de savoir, plus de franchise à plus d'effet. Dans des
styles différents, M. Paulus a encore fait exécuter un arrangement sur
les Petits prodiges, de M. Jonas, l'ouverture de Stradella, de M. de Flo-
tow, et deux marches, dont l'une empruntée à une valse à la mode.
M. Dunkler a reçu les félicitations de ses auditeurs, qui se pressaient
dans la jolie salle de la rue Saint- Georges, et parmi lesquels nous avons
remarqué M. Georges Kastner, M. le général Mellinet, M. Jonas, et plu-
sieurs chefs de musique de l'armée.
DE PARIS.
143
„*„ Lefranc, ténor du grand théâtre de Marseille, vient d'être en-
gagé comme premier ténor au théâtre royal de Turin.
J*4 La future saison de Bade se prépare splendidement. Les œuvres
lyriques et dramatiques y occuperont la plus grande place. On parle
de quinze opéras français et de cinq italiens. Trois opéras nouveaux,
composés expressément pour Bade : De par le Roi, de Gustave Héquet ;
la Fleur de lotus, de Prosper Pascal, et le Rouet, musique d'une dame
de la haute société, y seront en outre représentés.
»*„ Un compositeur qui a fait ses preuves au théâtre avec beaucoup
d'éclat, M. B. Pisani, vient demander à Paris la consécration des suc-
cès qu'il a obtenus à l'étranger. C'est à lui qu'on doit cette belle parti-
tion de Ladislao, composée à Constantinople, où elle fut accueillie avec
enthousiasme, et plus tard exécutée à Florence. M. Pisani, cédant aux
instances de ses amis, s'est décidé à organiser un concert à grand or-
chestre et avec chœurs, dans lequel il fera entendre plusieurs œuvres
inédites de sa composition avec orchestre, chœurs et soli. Ce concert
aura lieu demain lundi dans le grand salon du Louvre. Mme Peudefer,
et MM. Stroheker et Marochetti prêteront leur concours au bénéfi-
ciaire. M. Castagneri, l'habile chef d'orchestre du théâtre Italien, diri-
gera l'exécution. Ce sera une grande et belle fête musicale.
•,/% La Société philharmonique d'Angoulème vient d'appeler une élève
distinguée du célèbre E. Prudent, Mlle Murer, pour prendre part au
concert qu'elle donne le 9 mai prochain.
*% L'éminent pianiste-compositeur Magnus est de retour de Saint-
Pétersbourg, où il s'est fait entendre plusieurs fois avec grand succès.
Il a reçu de S. M. l'impératrice une bague en brillants, en témoignage
de sa haute satisfaction. M. Magnus lui avait dédié une de ses nou-
velles compositions.
*% La compagnie artistique formée par Willert Beale pour donner
des concerts dans les principales villes d'Angleterre, a commencé son
excursion, et tous les journaux des localités où elle apparaît en font les
plus grands éloges. Ou le comprendra aisément en apprenant que la
partie instrumentale est confiée à deux artistes de l'école française, le
jeune violoniste Lotto et le pianiste-compositeur Georges Pfeiffer, et la
partie vocale à Mmes Marchesi et Pyne. Nous manquons d'espace pour
reproduire les comptes rendus de ces magnifiques soirées qui sont sui-
vies avec un empressement justifié par le mérite de pareils virtuoses.
Leeds, Birmingham, Scarborough les ont déjà entendus, et dans ces di-
verses localités, on n'a pas moins particulièrement distingué l'exécu-
tion de M. Georges Pfeiffer que ses compositions, applaudies avec en-
thousiasme par un public de 2,500 personnes, de même que le parti
qu'il sait tirer de l'admirable piano mis à sa disposition par la maison
Pleyel, Wolflf et Cc.
,*., On lit dans la Gazette des Eaux : « Les bains de mer vont compter
un Casino de plus. L'inauguration du Casino et des bains de mer de
Cherbourg est maintenant prochaine. Grâce à l'active impulsion qui a
été donnée aux travaux, on peut déjà se rendre compte, non-seulement
de l'aspect général de l'édifice, mais aussi, au moins d'une manière
sommaire, des appropriations intérieures, aménagements pour l'hydro-
térapie, logements des baigneurs, au nombre de plus de vingt. Le Ca-
sino avec ses salons de fête, lecture et, autres, sa salle de billard, son
restaurant, etc.; tout nous a paru être conçu en vue de satisfaire com-
plètement aux conditions d'hygiène, de confort et ds plaisance que doit
indispensablement remplir un établissement de ce genre dans une ville
de premier ordre. Cherbourg est tout à fait en position de présenter
aux haigneurs et aux touristes les mêmes avantages que les villes
plus ou moins rapprochées et qui sont hantées par de nombreuses
et brillâmes sociétés. Cherbourg a, sur toutes les autres villes d'eau,
l'incontestable supériorité que lui assurent sa rade magnifique, son port
militaire, la plus proche de Paris, auquel il est directement lié, son
voisinage de l'Irlande, de l'Angleterre et des îles anglaises. *>
**„. A l'audition donnée par M. Fr. Ketterer, le 13 avril dernier, on a
exécuté un opéra-comique en un acte, intitulé Promenade dans un salon,
paroles de M. Jules Kuelle, musique d'Alfred Mutel, chanté par Ar-
chainbaud et Mlle Bloringhem, élève de Duprez et accompagné au piano
par Matton. C'est la seconde fois, cet hiver, que l'on exécute ce petit
opéra, qui a été beaucoup et légitimement applaudi.
t% On a vendu tout récemment à Londres, à un prix fou, un violon
de Nicolas Amatl (grand patron), accompagné d'une déclaration en due
forme, attestant que le violon avait appartenu à Tartini, et que c'est sur
cet instrument qu'il a créé la Sonate du Diable, connue de tout violo-
niste.
,,,% Le 2 mai prochain, l'éditsur E. Gérard (ancienne maison Meis-
sonnier) mettra en vente la Chanson slave, de J. Schulhoff.
*% M. Dauverné, professeur de trompette au Conservatoire impérial
de musique, vient de faire paraître , chez les éditeurs G. Brandus
et S. Dufour, une méthode spéciale ou théorie-pratique de trompette
chromatique, terminée par une collection de nouvelles études carac-
téristiques et mélodiques; le tout extrait de son grand ouvrage histo-
rique et didactique sur la trompette, approuvé par la section de mu-
sique de l'Académie des Beaux-Arts (Institut de France) et adopté pour
l'enseignement au Conservatoire. M. Fétis, directeur du Conservatoire
royal de Bruxelles, après examen attentif de cet ouvrage, a écrit à
M. Dauverné une lettre très-flatteuse pour l'informer qu'il en avait
également prescrit l'adoption dans les classes du Conservatoire.
„,** Le préfet de la Gironde vient, par un arrêté, de supprimer les
débuts, attendu que le principe de libre concurrence, proclamé par le
décret du 6 janvier dernier, sur la liberté des théâtres, entraîne l'a-
brogation des prescriptions de nature à lier l'indépendance des direc-
teurs dans le choix des artistes devant composer leurs troupes.
*% On nous écrit de Madrid, que M. Engel, le célèbre professeur
d'harmonium, a été appelé, de préférence à un grand nombre d'artistes,
à jouer chez la reine. M. Engel est resté une heure chez Sa Majesté, et
il a exécuté neuf morceaux divers de sa composition. Le roi l'a chau-
dement félicité et lui a demandé de lui envoyer tousses ouvrages.
*** Nous disions, dans notre dernier numéro, que M. Berlyn, d'Ams-
terdam, avait orchestré le Souvenir d'un Songe, charmante composition
d'Emile Jonas; nous rappellerons que cette mélodie a été écrite d'a-
bord pour le piano, et que, depuis sa publication, elle a obtenu un vé-
ritable succès de vogue. Avant quelques mois, le Souvenir d'un Songe
sera devenu populaire.
*** Au théâtre Robin, les nouvelles expériences et les nouveaux ta-
bleaux de l'isthme de Suez continuent d'attirer tous les soirs une foule
nombreuse. La semaine dernière, M. Ferdinand de Lesseps est venu,
avec une Société d'élite, honorer ce spectacle de sa présence. Il n'a
cessé, à plusieurs reprises, de témoigner par ses bravos combien il
était émerveillé de la vérité et de l'exactitude des tableaux. C'est le
plus beau suffrage auquel M. Robin pouvait aspirer.
t*i Mme A. de Lagrange, du théâtre Italien, vient d'avoir la douleur
de perdre son père.
*** A Dresde est mort, le 13 avril, M. J. Schneider, organiste
de la cour, dans sa soixante-quinzième année. C'était peut-être le
plus remarquable des organistes contemporains ; il était excellent
improvisateur ; par contre, ses compositions sont insignifiantes.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
%*4 Marseille. — Avant la clôture théâtrale, M. Halanzier a voulu nous
donner le nouveau ballet de M. Montplaisir, l'Ile des amours, deux actes
et quatre tableaux. Le sujet du ballet est que plus faible, mais tel
quel, il a fourni un triomphe de plus à la charmante Mlle Pitteri, et
un succès à notre maître de ballets qui a su y trouver des pas et des en-
sembles ravissants pour notre corps de ballet. Les costumes et les dé-
cors sont magnifiques. Le tableau final est surtimtadmirablementréussi.
*** Alger. — Un de nos meilleurs artistes, M. Chambon, avait choisi
les Huguenots pour son bénéfice. Cette reprise a eu le plus grand suc-
cès. Le chef-d'œuvre de Moyerbeer a été fort bien interprété. Des cou-
ronnes ont été jetées au bénéficiaire, et tous les artistes rappelés.
— Nous avons eu en outre une très-belle représentation du Prophète,
dans laquelle Mlle Boullard chantait le rôle de Fidès. Elle y a été fort
applaudie.— On nous promet avec elle la reprise du Pardon de Ploërmel,
attendue avec impatience.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„*, Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie ne fermera ses portes qu'à
la fin de mai. Depuis sa rentrée , notre excellent ténor, M. Bertrand,
a chanté les rôles de Raoul, dans les Huguenots, et d'Arnold, dans Guil-
laume Tell. L'indisposition dont il a souffert n'a laissé aucune trace, et
sa voix n'a jamais été plus belle. On l'a chaleureusement applaudi.— De
son côté, Mme Mayer-Boulard nous est revenue , et avec elle Dinorah,
qu'elle a chantée deux fois au milieu d'un enthousiasme qui s'est tra-
duit par des acclamations prolongées, des rappels et une avalanche de
bouquets. La représentation du Pardon de Ploërmel avait lieu au béné-
fice d'un de nos meilleurs artistes, M. Aujac. — Brassin a donné di-
manche, dans les salons de Mme la princesse de Chimay, une brillante
matinée, dans laquelle il a joué entre autres, avec Léonard, une sonate
de Bach, merveille d'ensemble et de perfection. La princesse de C... a
voulu à son tour être la partenaire de Brassin, et l'on peut dire, sans
excès de galanterie, qu'elle l'a égalé en talent. Les deux magnifiques
instruments, modèles de perfection sortis des ateliers d'Erard, semblaient
n'en faire qu'un ! — Le grand succès obtenu par Léonard à la dernière
soirée de la société de la Grande-Harmonie, à Anvers, avait décidé
la commission à convier de nouveau le grand artiste à celle qu'elle
donnait mercredi. Léonard s'y est surpassé dans le 10e quatuor de
Beethoven et dans le trio en si bémol du même maître. Il a été digne-
ment secondé, dans la partie de piano, par Joseph Gregoir. — Le cé-
lèbreLitolff s'est fait entendre,le 16 courant, au concert maçon-
nique organisé au profit de la caisse de bienfaisance. Virtuose et
compositeur, hors ligne, Litolff avait, sous ce double rapport, de glo-
rieux précédents à justifier. Son succès a été énorme. Jamais peut-être
l'adagio et le scherzo de son quatrième concerto symphonique — une
VA
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
oeuvre capitale — n'ont été joués plus admirablement par lui. Le piano
de Henri Herz, qui a servi au maître, a lutté, avec aulant de charme
que de puissance, contre l'orchestre aguerri de l'Association des musi-
ciens, dirigé par M. Hanssens.
4% Ems. — 11 est déjà question de notre prochaine saison. Le di-
recteur de notre établissement thermal, M. Briguiboul, en ce moment
à Paris, s'est assuré une brillante série de concerts et de représenta-
tions dramatiques, en engageant les principaux artistes du théâtre des
Bouffes-Parisiens et plusieurs du théâtre Lyrique. On représentera une
opérette nouvelle d'Offenbach, le Soldat magicien, et une de M. Deffès,
Jeanne qui pleure et Jeanne qui rit.
„,*,,, Weimar. — A l'occasion de l'anniversaire de la naissance de la
grande duchesse, l'opéra de Reyer : la Statue, a été représenté au
théâtre de la cour. Cette charmante partition a eu beaucoup de suc-
cès ; la mise en scène était splendide.
*% Hambourg. M. Schlager a chanté, sans grand succès, le rôle de
Marcel, des Huguenots; mais on a écouté avec beaucoup d'intérêt
Mme Schroeder (Valentine) et Mme Rùbsam (Marguerite).
»% Brestau. — Le 16 avril a été représenté, pour la première fois,
le Dernier jour de Pompéïa, opéra en quatre actes, musique de
A. Gabst.
.,,% Berlin. — Avant de prendre son congé annuel, Mlle Lucca a chanté
dans les Noces de Figaro, le rôle de Chérubin, et dans le Trovatore celui
de Léonora. La 'aile était comble chaque fois, et retentissait d'ap-
plaudissements enthousiastes. Dans le Trovatore, M. Adams, Améri-
cain d'origine, a chanté avec succès le rôle de Manrico. A côté
de Mlle Lucca , Mme Harriers-Wippern (Susanne) et Mlle de Ahna
(la comtesse) se sont fait applaudir dans le charmant opéra de Mozart.
. *% Vienne. — Après avoir débuté avec succès dans Moïse, Mongini
doit chanter le rôle d'Elvino, dans la Sonnambula. — L'opérette d'Offen-
bach, Lischen et Fritzchen, continue son succès de fou-rire au Carl-
theater. Mme Treumann y remplit avec beaucoup de talent et de verve
le rôle de Lischen.
x*tDusseldorf. — A propos du trois centième anniversaire de la
naissance de Shakespeare , il y a eu brillant concert à la Tonhalle.
Après l'ouverture de Coriolan, par Beethoven, le professeur Springer,
de Bonn, a prononcé l'éloge du poète; ensuite on a exécuté la musi-
que de : Comme il vous plaira, par Tausch, avec un texte explicatif de
Nielo ; la solennité a été close par la symphonie en ut mineur, de
Beethoven.
„% Saint-Pétersbourg. — A. Rubinstein vient de donner, à la salle
de la Douma (mairie), un grand concert dans lequel on a beaucoup
applaudi un nouveau quatuor de sa composition — Le grand effet
produit par la Marche de l'Exposition, de Meyerbeer, au concert donné
par Hans de Bulow, a déterminé le célèbre pianiste-compositeur à la
faire répéter dans le concert qu'il a été donner à Moscou. L'œuvre
magnifique de Meyerbeer y a été acclamée comme à Saint-Pétersbourg.
il 17IC ^ous annonÇ°ns ^ nos lecteurs le projet de vente d'un des
ilVlkj. meilleurs magasins de musique fondé depuis environ cin-
quante ans dans une de nos plus grandes villes de France. C'est même
dans ladite ville le seul établissement spécial de ce genre. — S'adresser,
pour les renseignements, au bureau de la Gazette musicale.
le Directeur : S. DUFOUR.
CHEZ G. BRANDUS ET S. DUFOUR, ÉDITEURS, 103, RUE DE RICHELIEU, AU I
École de Chant de H. PANOFKA
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31e Année,
N° 19.
8 Mai 1861
ON S'ABONNE :
Dons les Départements et n L'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraire
et aux Hureaux des Messageries et des postes.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 2* r. parai
Départements, Belgique et Suisse — 30 <> id.
Étranger 34 m id.
Le Journal puruît le Dimanche.
GAZETT
DE PARIS
SOMMAIRE. — Meyerbeer, par Edouard Ilonnais. — Décret relatif au
concours de composition musicale. — Orphéon, seconde séance solennelle sous
la direction de M. Pasdeloup. — Nouvelles et annonces.
Meyerbeer n'est plus!!!
Nous avions entrepris de raconter avec M. Fétis, notre illustre
collaborateur, l'histoire de sa glorieuse vie, de ses magnifiques tra-
vaux ; mais la mort est venue le frapper d'un de ces coups soudains
et terribles dont le génie même ne préserve pas !
Bientôt nous la reprendrons, cette histoire, que nous devons tout
entière à nos lecteurs ; nous la continuerons, comme on continue le
récit d'un drame dont le dénoùment funeste est connu d'avance,
mais qui n'en excite pas un intérêt moins vif, qui ne mérite que
mieux d'être étudié curieusement dans toutes ses phases et ses pé-
ripéties.
En ce moment nous ne pouvons parler que de la manière dont a
fini le grand artiste qui a créé d'immortels chefs-d'œuvre ! Quomodo
cecidit homopotens ? Hélas ! il a fini comme il avait toujours vécu, s'oc-
cupant uniquement de son art, lui consacrant toutes les forces de sa
pensée et de son âme, se dévouant à l'œuvre que lui dictait une
inspiration supérieure, et s'y attachant tout entier, sans réserve,
comme s'il n'eût encore rien fait.
Après Robert le Diable, les Huguenots, le Prophète, Meyerbeer ne
croyait pas avoir accompli sa tâche : il voulait encore donner
l'Africaine !
« Un dernier ouvrage de Meyerbeer est attendu », écrivait M. Fé-
tis dans la savante notice dont on verra plus tard la conclusion ; « il
eut d'abord pour titre r Africaine; mais les auteurs du livret, ayant
refait la pièce, lui ont donné le titre de Vasco de Gama. » Que de
choses n'a- t-on pas dites et imprimées sur cet opéra, dont quelque-
fois on allait jusqu'à nier l'existence et auquel s'applique si bien le
mot de la reine Christine : Chi lo sa non scrive; chi lo scrive non
lo sa. Dès l'année 18ft0, la direction de l'Opéra était en possession
de deux ouvrages, de deux poëmes qui auraient pu se disputer les
honneurs du pas : le Prophète et l'Africaine. Le Prophète ayant
obtenu l'avantage, peu de temps après la première représentation,
Meyerbeer nous confia le manuscrit de l'Africaine, dont la partition
était déjà écrite, en nous priant de lui communiquer nos observa-
tions, qu'il transcrivit de sa propre main pour les soumettre à Scribe.
C'est ainsi que fut retouché le livret; et à propos des modifications
que les changements du poëme entraînerait dans la musique :
« Qu'importe! » disait Meyerbeer; «je suis toujours prêt à changer
mes morceaux; j'en ai changé bien d'autres dans le Prophète ! »
Le nouveau manuscrit de l'Africaine fut remis au compositeur en
mai 1852 et la partition était complètement terminée en 1860. Dès
lors, il ne s'agit plus que de faire jouer l'ouvrage. Meyerbeer n'était
pas venu à Paris depuis quelques années, et l'on peut dire que son
dernier voyage n'a eu pour unique but que la représentation de
l'Africaine,
C'est au commencement du mois de septembre que Meyerbeer ar-
riva. Le soir même, malgré la fatigue du voyage, il se rendit à
l'Opéra pour entendre Mlle Tietjens dans les Huguenots. A compter
de ce moment, il ne se passa pas un jour sans qu'il fût question
de l'Africaine. Mais les soins qu'il donnait au choix des artistes, à la
distribution des rôles, aux détails de la mise en scène, ne suffisaient
pas encore à l'activité de cette organisation infatigable, et il se plai-
gnait sans cesse de n'avoir rien à composer. Il cherchait avec ardeur
un libretto d'opéra-comique, et il affirmait que ce serait un délasse-
ment pour lui que d'en écrire la musique. Pour lui le repos n'exis-
tait que dans la variété du travail !
Conformément à ses habitudes, il avait voulu que sa partition fût
copiée chez lui, et les copistes s'étaient installés dans son apparte-
ment de la rue Montaigne. La besogne touchait à son terme : tous
les grands rôles étaient copiés, ainsi que la plupart des petits rôles
du premier acte, les autres pouvant l'être facilement au fur et
à mesure des besoins de la scène. Meyerbeer répétait souvent que
par ce système de copie anticipée, il faisait gagner un mois pour le
moins à M. Emile Perrin.
Lors de la dernière reprise des Huguenots, Meyerbeer avait assisté
à plusieurs répétitions et dirigé les études de Mlle Marie Sax, choi-
sie et désignée par lui pour le principal rôle de femme dans V Afri-
caine.
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REVUE F.T GAZKTTF. MUSICALE
Rien n'annonçait la moindre altération dans la santé du grand
artiste. Le vendredi 22 avril, il avait dîné solitairement chez lui et
son repas avait été frugal. Le lendemain samedi 23 avril, se sentant
indisposé, il manda son médecin ordinaire, le docteur Oterbourg,
qui ne remarqua pas de symptôme alarmant. Cependant le mardi
soir, il jugea convenable d'appeler le docteur Rayer, qui ne trouva
pas l'état du malade plus grave. Seulement il y avait chez lui une
grande faiblesse qui, jointe à son âge, pouvait rendre dangereuse
une médication énergique, s'il y avait nécessité d'y recourir.
Meyerbeer n'en continuait pas moins de s'occuper de l'Africaine.
Il en parlait à ceux qui venaient le visiter, et il dit même à l'un
d'eux : « Je n'avais écrit d'abord qu'une introduction, mais on m'a
conseillé d'y substituer une ouverture. Elle est faite, entièrement
faite : je l'ai là, et il ne me reste plus qu'à en terminer l'orchestration :
quelle contrariété que cette indisposition m'en empêche ! »
Le dimanche, quoique la faiblesse augmentât sensiblement, il fut
mécontent de ce qu'un copiste, le seul qui eût encore quelque
chose à faire, se fût dispensé de venir.
Lors de la première visite du docteur Rayer, répondant à un com-
pliment que le docteur lui adressait sur ses œuvres, Meyerbeer lui dit:
« — Vous êtes trop indulgent ; mais j'ai là , ajouta-t-il en appuyant
ses doigts sur son front, bien des idées et bien des choses que je
voudrais faire ! — Vous les ferez, et bien d'autres encore , reprit le
docteur. — Vous croyez ?. . . Eh bien, tant mieux ! »
Le dimanche, vers midi, l'obstruction intestinale parut céder, mais
ce fut aux dJpens des forces générales. Dès le matin , deux de ses
filles étaient arrivées de Bade, et elles ont pu assister à ses derniers
moments, ainsi que M. Jules Béer, son neveu, et M. Brandus. Meyer-
beer n'ayant pas voulu qu'on inquiétât sa famille, Mme Meyerbeer,
tardivement avertie , n'arriva que lundi , accompagnée de sa fille
aînée et de son gendre, le baron de Korf.
Le dimanche soir, vers 8 heures, alors que tout espoir était perdu,
Meyerbeer, comme les jours précédents, se tourna vers les personnes
qui entouraient son lit, et prit congé d'elles en leur disant avec un
sourire : « — Maintenant, je vais vous souhaiter une bonne nuit à
tous, et à demain matin. » — 11 se retourna, et on fit semblant de
s'éloigner.
Le lundi, vers 5 heures et demie du matin , le pouls et la respira-
tion étaient devenus presque insensibles, et à 5 heures 40 minutes,
un soupir, qui fut ls dernier, annonça que la vie venait de s'éteindre!
Quelques heures après, Rossini, arrivant de Passy, où il avait ap-
pris la maladie du maître, se présenta rue Montaigne pour demander
de ses nouvelles. En apprenant brusquement du concierge le triste
événement, il fut obligé de s'asseoir et versa d'abondantes larmes.
11 embrassa Mlle Meyerbeer, qui, sur l'avis de sa visite, était descen-
due pour le recevoir.
Tout en cherchant un librelto pour l'opéra-comique qu'il voulait
écrire, Meyerbeer s'occupait d'arranger un texte pour relier entre
elles les différentes parties de la musique de Slruensée.
Le jour où il tomba malade , il devait partir pour un petit voyage
à Bruxelles.
Immédiatement après l'instant suprême, on s'empressa de chercher
si Meyerbeer n'avait pas laissé quelques dispositions , et l'on trouva
dans son portefeuille de voyage un pli cacheté avec cette suscription:
Pour être ouvert après ma mort. Ce pli renfermait un écrit en al-
lemand de la main du défunt, et dont voici la traduction littérale :
Je veux que les points suivants soient observés après mon décès :
On doit me laisser couché sur mon lit la figure découverte, tel que
j'étais avant de mourir, pendant quatre jours, et le cinquième jour on
pratiquera des incisions sur l'artère brachiale ainsi qu'au pied. Après
quoi on conduira mon corps à Berlin, où je veux être enterré dans
la tombe de ma bien-aimée mère. Si la place y manquait, je prie de
me coucher à côté de mes deux chers enfants, morts à un âge peu
avancé.
Si je devais mourir éloigné des miens, les mêmes dispositions doivent
être observées, et deux gardiens veilleront mon corps jour et nuit afin
d'observer si je ne donne aucun signe de vie.
Si, par l'effet des circonstances, je dois être transporté dans une
maison d'observation {Lekhenhaut), on me mettra, comme c'est l'ha-
bitude, de petites sonnettes aux mains et aux pieds, afin de tenir les
gardiens en éveil.
Ayant toujours redouté d'être enterré vivant, j'ai voulu par les dis-
positions qui précèdent empêcher tout retour à la vie.
Que la volonté de Dieu soit faite et que son nom soit sanctifié et
béni dans le ciel et sur la terre. Amen.
Meyerbeer avait, en outre, dans ses papiers, plusieurs prières d'un
style éminemment religieux et touchant, composées par lui et à son
usage particulier.
D'ailleurs, aucun autre acte de volonté quelconque exprimée par
Meyerbeer n'a été aperçu. Ainsi tombent tous les bruits déjà répétés
par quelques journaux relativement à ses œuvres posthumes, et no-
tamment à l'Africaine. Il ne reste d'évident, de certain que sa per-
sistance invariable à hâter la mise en répétition de cette œuvre,
objet d'une si constante et si vivace affection. Meyerbeer est mort
comme Mozart, achevant son Requiem, qu'il ne devait pas entendre,
comme Sacchini laissant OEdipe à Colone, son chef-d'œuvre, qu'il
ne lui a pas été possible de voir représenter !
La fatale nouvelle retentit dans Paris comme un coup de foudre!
Une commission se forma aussitôt pour rendre aussi solennels que
possible les honneurs que la France doit a Meyerbeer. Cette commis-
sion se composait de MM. Camille Doucet, Aubef, baron Taylor,
Edouard Monnais, Georges Kastner, de Saint-Georges, Emile Perrin,
Fiorentinoi Jules Béer et Louis Brandus.
Ainsi Paris aura vu pour la seconde fois en deux années les funé-
railles d'un grand artiste célébrées avec autant de pompe et au mi-
lieu d'un concours populaire aussi nombreux que si l'on eût honoré
une des puissances de la terre.
Comme aux obsèques d'Halévy, un soleil radieux n'a cessé d'illu-
miner la douloureuse cérémonie.
Une tenture noire, ornée d'écussons aux initiales du défunt, enca-
drait la porte de la maison mortuaire.
A 1 heure précise, le cortège s'est mis en marche pour se rendre
à la gare du Nord dans l'ordre suivant :
Un peloton du 3e bataillon de la garde nationale, les sapeurs, les
tambours et la musique de ce bataillon ;
Les musiques du 1er grenadiers et de la gendarmerie de la garde
impériale.
Le char, traîné par six chevaux , venait ensuite. Les cordons du
poêle étaient tenus par LL. Exe. le comte de Goltz, ambassadeur de
Prusse; le comte Bacciochi, surintendant des théâtres, qui ont été
remplacés pendant le trajet par le premier secrétaire de l'ambassade
et par M. Camille Doucet; — par MM. de Gisors et Beulé, représen-
tant l'Institut ; — par MM. de Saint-Georges et baron Taylor, repré-
sentant, l'un, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques,
l'autre, l'Association des artistes-musiciens, et par MM. Auber et
Emile Perrin, représentant le Conservatoire et l'Opéra.
A la suite du char avaient pris place les membres de la famille, les
députations officielles, la section des beaux-arts de l'Institut, les dé-
putations des théâtres lyriques, du Conservatoire, delà Société cho-
rale Teutonia.
Parmi les illustrations et notabilités que l'on distinguait soit à la
maison mortuaire, soit dans le cortège, nous devons citer LL. Exe. le
maréchal Vaillant, ministre de la maison de l'Empereur et des Beaux-
Arts ; le maréchal Magnan, le général Mellinet.
DE PARIS.
^m
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Le cortège a suivi l'avenue des Champs-Elysées, la rue Royale, les
boulevards, la rue Drouot, la rue Lafayette.
Par les soins de M. de Rothschild, les travaux de démolition de
l'ancienne gare du Nord avaient été suspendus. A 3 heures, le cortège
entrait dans cette gare, dont les murs étaient tendus de draperies fu-
nèbres ornées du chiffre du défunt et de cartouches où on lisait les
titres de ses œuvres. A l'entrée, un orgue élevé sur une tribune do-
minait le quai de départ. Enfin, et sur la voie, était établi un magni-
fique cénotaphe entouré de sept lampadaires d'argent. Derrière
le cénotaphe et à une certaine distance, on voyait le wagon funèbre,
tout tendu de draperies noires, qui devait emporter le corps de l'il-
lustre maître. Entre ce wagon et le cénotaphe, on avait dressé une
tribune destinée aux orateurs.
Au moment de l'arrivée du cercueil tout chargé de couronnes,
la musique de la garde de Paris exécuta la Schiller marsch, la
marche du Prophète et celle du Pardon de Ploermel.
Les artistes et l'orchestre de l'Opéra ont fait entendre le grand
chœur de l'église et la marche du Prophète ; ceux de l'Opéra-Co-
mique un chœur du Pardon de Ploermel.
Des discours ont été prononcés par MM. Beulé, de Saint-Georges,
baron Taylor, Emile Perrin, le colonel Max Cerfbeer, Camille Doucet;
C'était pour nous un devoir de les reproduire; mais nous regrettons
de n'avoir pu en faire autant pour les paroles de M. Ullmann, grand
rabbin de France, de M. Cerfbeer, et pour la chaleureuse improvisa-
tion de M. Emile Ollivier, l'avocat, le député, l'ami des arts, qui a
développé ce thème ingénieux et vrai : si la politique divise, la mu-
sique rapproche.
La cérémonie était terminée à quatre heures, et, à six, un train
spécial emmenait loin de France les restes précieux du grand artiste,
que MM. Emile Perrin, Jules Reer et Louis Rrandus escorteront jus-
qu'à Rerlin, où demain lundi, aura lieu leur réception solennelle.
Edouard MONNAIS.
Discours de II. Beulé.
Messieurs,
Ce n'est point sans un effort douloureux que nous laissons
s'éloigner des restes mortels que la terre française avait le droit de
recueillir ; car la France a toujours traité Meyerbeer comme un de ses
fils d'adoption. C'est en France qu'il a rompu les derniers nœuds qui
entravaient son génie lyrique. C'est la France qui lui a révélé ce
goût supérieur qui conciliait la profondeur savante de l'Allemagne
avec la mélodie de l'école italienne, et cette couleur qui exprimait si
fortement la vérité des situations et toutes les passions de l'âme
humaine. C'est à Paris qu'il a trouvé les encouragements qui échauf-
fent un artiste, les poèmes qui l'inspirent, le théâtre qui l'effraye et
qui l'exalte, les chanteurs qui l'interprètent, le public difficile qui lui
décerne d'abord le succès le plus enivrant, bientôt la gloire la plus
durable. Enfin, l'Institut de France, en appelant Meyerbeer dans son
sein, lui a conféré un titre dont il était fier et qui valait des lettres
de naturalisation : car dès lors il était pour nous plus qu'un citoyen ,
il prenait le nom de frère.
De toutes les luttes qui s'élèvent entre deux nations, en est-il une
plus louable que de se disputer la présence et les œuvres d'un grand
homme, tant qu'il vit, le droit d'honorer sa cendre, quand il est
mort? Noble rivalité, qui rapproche les peuples au lieu de les
diviser ! Combat généreux qui ne fait couler ni le sang, ni les
larmes, mais développe de chaque côté des frontières l'amour des
belles choses et le respect du talent! Aussi la France aurait-elle
retenu la dépouille mortelle du grand compositeur qu'elle perd aussi
bien que l'Allemagne, si le vœu d'un mourant n'était sacré.
Meyerbeer, qui savait tout prévoir, tout régler, même le lendemain
de la vie, a voulu que le sol natal abritât son dernier sommeil.
Inclinons-nous donc, Messieurs, et consommons le sacrifice. Qu'il
parte, ce triste et glorieux convoi, qui traversera tant de populations
désolées! Qu'il parte, accompagné du concert de nos regrets et de
tous les honneurs qu'il nous est permis de lui rendre ! Cette céré-
monie n'est que le prélude de la cérémonie suprême qui l'attend à
Rerlin : mais le deuil qui l'attend à Rerlin ne sera là-bas ni plus
profond ni plus sincère. Notre pensée, du moins, suivra Meyerbeer
dans son funèbre retour, et s'associera à la douleur de ses compa-
triotes. Ainsi, deux nations seront penchées à la fois sur une seule
tombe, héritières chacune d'un lot inégal : l'Allemagne sera gar-
dienne du corps du maître illustre qui lui devait la vie ; la France
gardera la meilleure part de lui-même, ses chefs-d'œuvre, que per-
sonne ne peut disputer à la scène française, et qui sont inscrits sur
une des pages les plus éclatantes de notre Livre d'or.
Discours de II. de Saint-Georges.
Messieurs,
Une grande lumière vient de s'éteindre ! . . .
L'un des plus beaux génies de ce siècle est remonté au ciel, source
inépuisable de toutes les sublimes inspirations de l'humanité.
La Commission des auteurs et compositeurs dramatiques, qui eut
l'honneur de compter Meyerbeer parmi ses membres, a chargé son
président de venir joindre un tribut aux immenses regrets qui ont
éclaté de toutes parts à la nouvelle de cet événement cruel et inat-
tendu.
Le monde perd une de ses gloires, l'art un de ses plus vaillants
soutiens.
Si '.'Allemagne vit naître Meyerbeer, la France vit naître cette re-
nommée qui, depuis, a retenti dans l'univers entier.
Les chefs-d'œuvre de l'illustre musicien furent donnés pour la
première fois en France.
Ce sont des Français qui les ont inte/prétés.
Notre enthousiasme a salué le premier ces pages magistrales; la
France est donc la vraie patrie de Meyerbeer puisqu'elle est celle de
ses triomphes !
Ce fut par son plus populaire chef-d'œuvre, Robert le Diable, que
Meyerbeer ouvrit la série de ses magnifiques opéras.
L'Académie royale de musique avait alors pour directeur un de
ces esprits merveilleusement intelligents qui comprit sans peine le
trésor que le grand maître lui apportait.
L'admiration croissait à chaque répétition de cet ouvrage.
Un seul homme doutait : cet homme était son auteur.
Il doutait, le modeste génie, que sa part fût assez grande pour le
succès, et appelait à son aide toutes les ressources que sa féconde
imagination lui fournissait.
II lui semblait, quand il avait tout fait en écrivant cette partition
immortelle, qu'il n'avait pas encore fait assez pour le public, pour
ce public de choix qui donne le baptême aux plus brillantes renom-
mées : baptême, il faut le dire à la gloire de notre pays, que vien-
nent lui demander les grands auteurs et les grandes œuvres. Noble
consécration accordée au mérite par la nation la plus impressionna-
ble et la plus difficile de l'Europe.
Après Robert, les Huguenots ; après les Huguenots, le Prophète.
Admirable trilogie, dont les capitales du monde, comme les plus
pauvres hameaux, ont répété les chants.
Œuvres exceptionnelles, exécutées sur les plus somptueux théâtres
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
comme dans la modeste grange transformée en arène dramatique et
retentissant des applaudissements d'une foule surprise et ravie.
Ce que nous disons ici, nous l'avons vu ; et ces applaudissements-
là n'eussent pas été les moins chers à celui dont les accents s'adres-
saient à tous les esprits et à tous les coeurs.
D'où pouvait donc venir cette immense popularité? Comment des
ouvrages où l'auteur ne recourait jamais aux vulgarités de l'art,
charmaient-ils à la fois les plus fines intelligences et les plus primi-
tives natures?
C'est là le secret de ce génie puissant ! C'est ce que des voix
plus compétentes que la mienne vous diront, Messieurs.
Ce que nous pouvons dire, nous qui l'avons d'autant plus admiré
que nous l'avons intimement connu et sincèrement aimé, c'est que
son noble cœur était à la hauteur de son talent ; c'est que, dans sa
vie errante et souvent solitaire, il semait son or et ses bienfaits sans
jamais s'inquiéter s'il récolterait la reconnaissance ou l'ingratitude.
Ce que nous pouvons dire encore, Messieurs, c'est la prodigieuse
conscience qu'il apportait dans ses vastes travaux; c'est ce doute
pénible que lui causaient ses plus belles inspirations : martyre intime,
incessant, qui nous a peut-être enlevé quelques-unes de ses années,
en usant, en abrégeant cette splendide organisation.
« Quand j'aurai terminé tel ou tel ouvrage, disait-il huit jours
avant sa mort à l'un de nos plus chers amis, je n'aurai plus rien à
faire. »
Et il tremblait à l'idée de ce far niente qu'il n'avait jamais connu.
Or, les travaux dont il parlait auraient suffi à remplir la vie du
plus laborieux compositeur.
L'heure du suprême adieu va sonner ! Ces chères et illustres dé-
pouilles, que réclame la patrie de Meyerbeer, vont nous être enle-
vées ! Le tombeau de ses pères appelle celui dont nous aurions été
ûers de conserver les cendres !
C'est avec une profonde douleur que la France s'en sépare !
En les rendant au sol natal, gardons du moins cette consolation
que là de glorieux et chers compatriotes, morts avant lui , l'at-
tendent : Guillaume et Alexandre de Humboldt, le célèbre sculpteur
Rauch, et ce noble roi Frédéric-Guillaume IV, dont la tendre solli-
citude ne se démentit jamais, et qui, pour Meyerbeer comme pour
les esprits supérieurs que je viens de citer, fut moins un prince qu'un
ami !
Mais s'il ne nous est pas donné d'abriter ses restes précieux sous
le marbre funéraire que lui aurait élevé notre admiration nationale,
nous conservons de lui toutes ses divines inspirations!
Ses œuvres sont bien à nous, puisque c'est à nous qu'il les a ré-
vélées, avant que le monde s'en emparât; puisque ses plus beaux
triomphes lui furent décernés par notre pays.
Robert le Diable, les Huguenots, le Prophète, l'Etoile du Nord, le
Pardon de Ploérmel, sont des chefs-d'œuvre français !
L'âme de leur auteur reste avec nous, planant sur ces enfants ché-
ris de sa muse, et jouissant encore dans les cieux de la gloire impé-
rissable qu'ils lui ont acquise.
L'histoire vraie des hommes de génie ne s'écrit qu'après leur
mort
La lumière de la vérité ne luit, resplendissante et pure, que sur
les tombeaux. . . et la vérité sur Meyerbeer, c'est :
L'Immort alité I...
Discours de il. le baron Taylor, membre de l'Institut,
Les grands hommes qui ont illustré notre siècle se pressent dans
la tombe. La mort inexorable brise nos plus douces, nos plus ten-
dres affections. Ce sont surtout nos maîtres qui nous quittent, et rien
ne paraît en Europe, dans les beaux-arts, pour combler les vides
qui se font chaque jour. L'intelligence humaine s'étend , mais ne
s'élève pas.
L'un des compositeurs les plus illustres de notre époque nous est
enlevé au moment d'un nouveau triomphe. Ce n'est pas seulement un
grand musicien que nous perdons : c'est un poëte.
Comme Gluck, Meyerbeer avait compris que la scène française
était indispensable à son esprit éminemment dramatique ; la France
lui en a témoigné sa reconnaissance en consacrant sa gloire.
Semblable à Mozart, il fut un enfant prodige. Weber, son condis-
ciple et plus tard son ami, devina ce génie, l'encouragea, et prédit
que les œuvres de Meyerbeer feraient l'admiration des deux mondes.
Mais ce n'est pas devant ces dépouilles mortelles qui vont nous
quitter pour toujours, que nous essayerions d'énumérer tant de chefs-
d'œuvre et de succès. Ce que nous voulons exprimer ici, devant cette
foule de ses amis et de ses admirateurs, c'est notre profonde grati-
tude pour ses bienfaits sans nombre. Jamais un malheureux ne l'a
imploré, qu'il ne lui tendit à l'instant une main secourable. Confident
de ses généreuses actions, personne mieux que nous n'a connu la
bonté de son cœur et ne sait mieux qu'une partie de sa fortune a
souvent servi à secourir les artistes de tous les pays, de toutes les
communions.
Il était pénétré de ces paroles sacrées de la Bible : « Faites du bien
à la veuve, à l'orphelin, à l'étranger, et Dieu bénira vos œuvres. »
Nos adieux sont donc des actions de grâce et de reconnaissance, La
Providence a écouté les prières que nous lui adressions chaque jour,
et a donné à Meyerbeer l'immortalité.
Discours de H. Emile Perrin.
Messieurs,
Je viens à mon tour, au nom de l'Opéra, au nom de cette grande
famille d'artistes dont Meyerbeer fut un des chefs victorieux, adres-
ser à ses restes mortels un dernier adieu.
Que tous ceux dont le talent faisait cortège à son génie; que ces
artistes qui ont traduit sa pensée, qui se sont nourris de ses inspi-
rations ; que cet orchestre, instrument merveilleux dont il savait à
son gré soulever les tempêtes et apaiser les plus doux murmures;
ces chœurs dont il mêlait en combinaisons savantes les multiples ac-
cents, que tous ceux en un mot qui ont pu concourir à l'éclat de
ses œuvres, qui l'ont admiré, respecté, aimé pendant sa vie, me par-
donnent si, en parlant en leur nom, j'exprime faiblement leur dou-
leur.
Quelle perte immense, irréparable ! Quel vide effrayant et sou-
dain ! Quand de tels hommes disparaissent, quand s'éteignent une de
ces lumières placées comme des points de repère sur la route de
l'art, quelle tristesse et quelle nuit ! En effet, quel rare assemblage
de dons naturels et de persistants labeurs; que de forces réunies à
tant de bonheurs; que d'années d'attente et de moissons stériles ne
faut-il pas avant que se produisent les artistes semblables à celui
que nous pleurons.
Mais aussi quels rayonnements autour d'eux ! A leur clarté souve-
raine tous les arts s'animent et s'éclairent. Comme une sève fécon-
dante leur génie s'épand en mille canaux, portant partout un courant
DE PARIS.
d'idées nouvelles, créant de nouvelles formes, révélant un idéal
nouveau. Nul plus que Meyerbeer n'eut, de notre temps, cette puis-
sance d'initiative. Que de talents, et des plus élevés, n'a t— Il pas
entraînés dans son aire, les guidant vers des horizons non encore
entrevus avant lui.
Je n'ai point à parler de ses œuvres. Vivantes dans toutes les
mémoires, nous vivons par elles, elles sont l'essence même de notre
existence : Robert, les Huguenots, le Prophète. Sur ces trois points
d'appui , solides comme des colonnes d'airain, l'Opéra a fondé les
bases d'une prospérité jusqu'alors sans exemple. Et le succès de
ces œuvres grandit chaque jour. Il ira, grandissant dans l'avenir, se
renouvelant sans s'épuiser, trouvant dans unu admiration incessante
une inépuisable vitalité.
Hélas ! ces belles œuvras, le plus cher souci de sa vie, voici que
la mort l'en sépare. On lui reprochait de les trop aimer ! Eh ! com-
ment reprocher à un si grand artiste de porter si loin son respect
envers le public? Comment lui défendre de s'honorer lui-même en
s'immolant tout entier dans ce sublime égoïsme de l'art qui est bien
une part du génie ?
Je ne sais point d'exemple d'un sacrifice plus absolu. Les joies de
la famille, les douceurs du repos au seuil de la vieillesse ne pou-
vaient le dissuader du travail.
Une grande fortune, les honneurs, la renommée, lui étaient peu de
choses. Vous savez de quelle vie simple il vivait parmi nous; avec
quelle modestie, par quelle affabilité il tâchait à se faire pardonner
sa gloire.
Pourtant, cet hôte si modeste, Paris ne le recevait jamais sans une
émotion, une espérance. Car c'était la France que Meyerbeer avait
choisie pour patrie à ses œuvres. Depuis la complète maturité de son
génie, jamais il n'a voulu qu'un de ses ouvrages parût sur aucun
théâtre avant de l'avoir fait représenter sur la scène de l'Opéra
français. Seule, il la jugeait digne d'inaugurer ses succès.
C'était pour tenir une promesse faite depuis longtemps à la France,
qu'il vint au mois d'octobre dernier, apportant avec lui une œuvre
bien impatiemment attendue. Qui m'eût dit alors, quand je vins le
recevoir aux portes de l'Opéra, où il se flattait de dérober sa pré-
sence, où, après quelques instants, chacun saluait son retour, qui
m'eût dit que nous devions sitôt lui faire ce triste cortège ?
Il nous revenait joyeux, plein de projets, dissimulant à peine, sous
d'apparentes hésitations, une volonté bien arrêtée. Vous l'avez vu
durant l'hiver entier, suivant nos représentations, applaudissant sou-
vent à vos succès, étudiant, et avec quel intérêt, quelle attention,
quelle prévoyance les ressources qu'il allait employer, essayant, pour
ainsi dire, les forces de ce théâtre dont il allait de nouveau prendre
possession.
Il s'est endormi dans la mort, comme s'il devait s'éveiller à son
heure accoutumée de travail... Mais sa volonté survit, son désir
subsiste. Ce sera continuer sa pensée que de représenter à l'Opéra
l'œuvre qu'il nous a léguée en mourant. La France l'a reçue de ses
mains défaillantes, l'œuvre est ici sur sa terre d'adoption ; elle ne
la quittera plus avant que Paris l'ait acclamée, ne l'ait faite française
comme ses sœurs aînées. Ses amis, ses proches qui ont pieusement
veillé au chevet du mourant ont connu son désir, ils témoignent de
sa volonté suprême.
Adieu, cher et illustre maître. On semblait parfois vous reprocher
de tenir dans le monde des arts une trop grande place! Hélas! que
bien plus grand encore est le vide que vous laissez.
Diacoura «le M. Camille Doucet.
Messieurs,
Chargé d'adresser ici un dernier adieu à l'illustre maître que tant
de justes et glorieux hommages viennent de saluer au départ, j'ac-
cepte avec orgueil la tâche de prendre un moment la parole, au
nom de l'administration française, pour déplorer avec vous, comme
un malheur national, la perte d'un de ces rares génies dont l'appa-
rition fait toujours monter le niveau de l'art, et dont la mort menace
trop souvent de le faire descendre.
Cette crainte s'ajouterait à notre douleur, sans la pensée conso-
lante de voir se survivre à lui-même par ses anciens et par ses nou-
veaux ouvrages le grand compositeur, l'artiste inspiré qui, pour ja-
mais, hélas! va disparaître dans sa gloire.
Ce n'est pas un étranger qui nous quitte, Messieurs; c'est un Fran-
çais que nous pleurons, puisque, depuis plus de trente ans, par une
préférence volontaire et qui nous honore, Meyerbeer avait adopté la
France en la dotant de ses chefs-d'œuvre.
Au ncm de la reconnaissance et de l'admiration de cette patrie
de votre choix, de cette patrie de votre cœur, de cette patrie de
vos succès, adieu, cher et grand homme, que la mort a frappé trop
tôt sur le champ d'honneur des artistes, à la veille d'une dernière
victoire.
Vos cendres nous sont enlevées ; mais nous gardons vos œuvres !
L'immortalité qui commence aujourd'hui pour vous, a depuis long-
temps commencé pour elles.
Les règlements de l'Opéra ne permettaient pas à ce théâtre, dé-
pendant de la maison de S. M. l'Empereur, de faire relâche ven-
dredi , jour des obsèques de Meyerbeer. Le directeur, M. Emile
Perrin, a voulu que du moins ce jour fût marqué par un hommage
solennel rendu à la mémoire et au génie de l'illustre compositeur.
Les Huguenots ont été choisis pour la représentation. Averti par
une dépêche, Faure, qui jouait à Londres jeudi le rôle de Nevers, a
pris le chemin de fer après le spectacle, pour venir le lendemain le
chanter à Paris, de sorte que le personnel était au complet. Jamais
peut-être la salle n'avait été aussi remplie. La représentation a été
magnifique; on eut dit que l'âme de Meyerbeer, planant sur la scène,
électrisait les interprètes de sa grande œuvre. MlleSax, Gueymard,
Faure, Beival, se sont surpassés. — Après le quatrième acte, le ri-
deau s'est levé, l'orchestre a joué la marche triomphale du Prophète,
et le buste du maître, placé sur une console drapée de noir, a été
couronné par les artistes. Le public, encore tout ému du spectacle
de ces grandes funérailles, a éclaté en transports enthousiastes, aux-
quels s'est associé tout entier l'orchestre des musiciens. La cérémo-
nie terminée, il a fallu relever le rideau aux acclamations de la
salle, empressée de dire un dernier adieu au grand homme que la
mort vient de nous ravir.
La famille de Meyerbeer a annoncé le coup qui la frappait, dans
la personne de son illustre chef, par une lettre de part dont voici
la teneur :
« Monsieur,
» Mme veuve Meyerbeer, Mlles Cécile et Cornélie Meyerbeer,
M. le baron et Mme la baronne de Korf et leur fils, M. et Mme Geor-
ges Béer, M. et Mme Jules Béer et leurs enfants, M. et Mme Ale-
xandre Oppenheim, M. et Mme S. de Haber, Mlle Laure de Haber,
Mlle Anna Eberty, ont l'honneur de vous faire part de la perte dou-
loureuse qu'ils viennent de faire en la personne de M. Giacomo
150
REVUE ET GAZETTE MUSFCALE
Meyerbeer , leur époux , père , beau-père , grand-père , oncle et
grand-oncle, décédé à Paris, le 2 mai 1864, à l'âge de soixante-
douze ans. »
Par un effet du hasard, l'itinéraire le plus direct qu'avait à suivre
la translation des dépouilles mortelles de Meyerbeer, de la rue Mon-
taigne à la gare du Nord, faisait successivement passer le cortège
devant le théâtre de l'Opéra-Comique, la maison occupée par les
éditeurs de ses œuvres et l'entrée d'honneur du théâtre impérial de
l'Opéra.
Mme Meyerbeer a quitté Paris ce matin. Au moment de son dé-
part, elle a reçu une lettre de condoléance de S. A, la princesse
royale de Prusse.
On nous écrit de Berlin en date du 2 mai :
« La nouvelle arrivée aujourd'hui par le télégraphe de la mort de
Meyerbeer, a produit dans notre ville, où il est né, une douloureuse
sensation. D'après les registres de la commune israélite, le célèbre
compositeur est né le 23 septembre 1791, et non en 1 794, comme
l'annoncent la plupart des biographes du maître. »
On nous écrit de Toulouse en date du 5 mai :
« La perte immense que l'art musical vient de faire a été doulou-
reusement ressentie à Toulouse. M. Dulaurens, précédemment ténor
au théâtre impérial de l'Opéra, a pris immédiatement l'initiative d'une
série de représentations composées des chefs-d'œuvre de Meyerbeer.
Pour la première, on a représenté Robert le Diable. A peine l'intro-
duction était-elle jouée qu'une magnifique couronne de lauriers en-
tremêlée d'immortelles et voilée d'un crêpe, est venue tomber sur la
scène ; déposée religieusement sur la partition de l'illustre maître,
elle y est restée pendant toute la représentation, dans laquelle
M. Dulaurens s'est surpassé. La mort de Meyerbeer a fait d'autant
plus de sensation à Toulouse que c'est une des premières villes qui
ait salué de ses applaudissements les chefs-d'œuvre de ce sublime
génie. »
L'arrangement pour harmonie militaire du Chœur des Moines du
cinquième acte de Robert, exécuté à la cérémonie funèbre de
Meyerbeer, est dû à M. E. Jonas, qui n'a eu que quarante-huit
heures pour accomplir ce travail et le faire copier.
RAPPORT A L'EMPEREUR.
Sire,
Le décret du 13 novembre 1863, qui a réorganisé l'École impé-
riale et spéciale des Beaux-Arts, a modifié, sous plusieurs rapports,
les conditions des concours aux grands prix de Rome, et celles du
séjour des lauréats à l'Académie impériale de France à Rome, en ce
qui concerne la peinture, la sculpture, l'architecture et la gravure.
Le moment arrive où vont commencer les concours aux grands
prix de Rome pour la composition musicale. Votre Majesté pensera
sans doute que les règles adoptées pour les peintres, sculpteurs, ar-
chitectes et graveurs, doivent être également appliquées aux musi-
ciens; car, à toutes les époques, une analogie complète a existé
entre la situation des uns et des autres. Je viens donc présenter à
l'approbation de l'Empereur un projet de décret qui a pour objet
d'établir et de consacrer celte assimilation.
Je suis avec un profond respect, Sire, de Votre Majesté le très-
humble, très-obéissant serviteur et fidèle sujet,
Le maréchal de France, ministre de la maison de l'Empereur
et des Beaux-Arts,
Vaillant.
Fait au palais des Tuileries, le k mai 1864.
NAPOLÉON,
Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Fran-
çais,
A tous présents et à venir, salut :
Vu l'arrêté du gouvernement de la République, en date du 3 plu-
viôse an II (23 janvier 1803) ;
Vu le règlement du Conservatoire impérial de musique et de dé-
clamation, en date du 22 novembre 1850;
Vu le décret impérial du 13 novembre 1863, portant réorganisa-
tion de l'Ecole impériale et spéciale des Beaux-Arts ;
Vu le décret impérial du 6 décembre 1863 ;
Sur le rapport du ministre de notre maison et des Beaux-Arts,
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er — Les concours annuels aux grands prix de Rome, pour
la musique, se font au Conservatoire impérial de musique et de dé-
clamation.
Tous les artistes musiciens âgés de quinze à vingt-cinq aas, qu'ils
soient ou non élèves du Conservatoire, peuvent concourir aux grands
prix de Rome, après avoir réussi dans deux épreuves préalables,
pourvu qu'ils soient Français.
Toutefois, la condition d'âge prescrite par le paragraphe qui pré-
cède ne sera obligatoire qu'à partir du concours de 1867.
Art. 2. — Les résultats des épreuves préparatoires et du con-
cours définitif sont jugés par un jury composé de neuf membres.
Ce jury sera tiré au sort sur une liste qui sera présentée par le
surintendant général des théâtres.
Cette liste, après avoir été arrêtée par le ministre, sera insérée au
Moniteur.
Art. 3. — 11 ne sera décerné qu'un premier grand prix; mais
pour les concours des années 1864, 1865, 1866, il pourra être ac-
cordé deux premiers grands prix, dans le cas où l'élève qui obtien-
drait le premier numéro du classement dans l'épreuve définitive au-
rait dépassé l'âge réglementaire.
Art. 4- — Sont et demeurent applicables aux jeunes gens qui au-
ront remporté les grands prix de musique, les dispositions du para-
graphe 6 de l'article 14 de la loi sur le recrutement de l'armée.
Art. 5. — A l'avenir, les jeunes gens qui auront obtenu les
grands prix de musique, et qui seront envoyés à Rome, ne seront
pensionnés que pendant quatre années.
Ils resteront à Borne, obligatoirement, deux années au moins. Pour
les deux autres années, ils pourront, selon leur goût et leurs con-
venances, les consacrer à des voyages instructifs, en prévenant à
l'avance l'administration supérieure de leurs intentions.
Art. 6. — Le directeur de l'Académie impériale de France à Rome
adresse, tous les six mois, un rapport au ministre sur les travaux
et sur le degré d'instruction des élèves lauréats .
Art. 7. — Les jeunes gens actuellement en possession de la qua-
lité de pensionnaires du gouvernement conserveront tous leurs droits
en ce qui concerne la durée de leur séjour à l'Académie impériale
de France à Rome; mais ils seront soumis pour leurs travaux aux
dispositions qui seront jugées nécessaires.
Art. 8. — Sont abrogées les dispositions des ordonnances et rè-
mmsfâm
DE PARIS.
151
glements anlérieurs, en tant qu'elles sont contraires au présent dé-
cret, dont le ministre de notre maison et des Beaux-Arts est chargé
d'assurer l'exécution.
Fait au palais des Tuileries, le h mai 1864.
NAPOLÉON.
Par l'Empereur :
Le maréchal de France minisire de la maison de l'Empereur
et des Beaux-Arts,
Vaillant.
ORPHEON.
Seconde séance solennelle sous la direction de
SH. Pasdelou».
Quatre morceaux déjà entendus le dimanche précédent se retrou-
vaient dans le second programme : chœur de Castor et Pollux, de
Rameau ; Rosemonde, de Schubert ; les Traîneaux, d'Ambroise Tho-
mas; le Soldat, de Scilcher. Pour la seconde fois, les Traîneaux,
fort bien chantés, ont excité les bravos et mérité à leur auteur une
ovation des plus flatteuses. En général, les morceaux pour voix
d'hommes se sont fait remarquer par la vigueur et le relief du
style. Dans Y Ave Maria, d'Arcadet, les jeunes filles ont baissé d'une
manière trop sensible : c'est un de ces accidents contre lesquels la
prudence humaine ne peut rien.
Un chœur tiré du Phi/émon et Baucis avait nécessité, pour cette
fois seulement, une innovation que défend l'esprit de l'institution
orphéonique. Un piano avait été introduit pour sonner les deux
notes obstinées de l'accompagnement, et non-seulement un piano,
mais encore une petite flûte et un triangle. C'était plus qu'il n'en
fallait pour un effet médiocre ! non que le chœur ne soit fort joli,
mais il y en a beaucoup de meilleurs qui se contentent à moins
de frais.
P. S.
Le défaut d'espace nous oblige à remettre -à la semaine prochaine
le compte rendu des derniers concerts.
NOUVELLES.
*** Lundi, le théâtre impérial de l'Opéra a donné la Maschera, pré-
cédé des deux' premiers actes de Lucie de Lammermoor. — Les ambas-
sadeurs japonais assistaient à la représentation. — Mme Ferraris, de
retour de Bruxelles et pour quelques jours à Paris, qu'elle a quitté mer-
credi pour se rendre à Florence, y assistait également. Elle a fort
applaudi Mlle Amina Bosclietti. — Mercredi, la représentation de Robert
le Diable avait attiré une grande affiuence. — Vendredi, les Huguenots.
Nous avons parlé plus haut de cette représentation.
*% La représentation donnée le samedi 23 avril à l'Opéra, au béné-
fice de la Caisse de secours des auteurs et compositeurs dramatiques,
a produit une recette de 12,200 francs.
,..** On annonce comme très-prochaine au théâtre de l'Opéra-Comique
la première représentation de Sijlvie, opéra-comique en un acte, de
MM. Jules Adenis et J. Rostaing. M. Guiraud, lauréat de Rome, en a
composé la musique. Les rôles seront joués par Ponchard, Sainte-Foy et
Mlle Girard.
*% Troy quitte le théâtre de l'Opéra-Comique. Il est engagé au théâtre
Lyrique, où il serait question de monter le Mariage secret, de Cimarosa,
pour ses débuts. En attendant, jusqu'à la clôture, la direction se propose
de passer en revue les principaux ouvrages de son répertoire, tels que
Faust, les Noces de Figaro, et l'on reprendrait pour le 45 la Reine
Topaze, remontée à cet effet avec beaucoup de soin, et qui serait inter-
prêtée par Mme Carvalho, Monjauze, Ismaël, Lutz et Fromant.
*** L'administration du théâtre Italien a fait savoir à ses abonnés que
l'ouverture de la saison n'ayant commencé que le 14 octobre dernier,
les abonnements ont dû être prolongés jusqu'au 14 mai courant pour
compléter les sept mois qu'elle devait durer, et que la jouissance de ces
abonnements aura lieu conséquemment jusqu'à cette époque.
»*'„ Plus le théâtre Italien approche du jour de la clôture et plus il
redouble d'efforts pour que ses spectacles ne manquent ni de variété ni
d'éclat. Fraschini et Mme Anna de Lagrange ont eu de très-belles soi-
rées dans plusieurs ouvrages du répertoire.
„*„ Mme Fanny Gordoza, la cantatrice qui s'est produite à Paris sous
le patronage d'A. Dumas et qui a donné un concert dans lequel elle a
eu du succès, éiait annoncée pour samedi, comme devant remplir le
rôle de Violetta dans la Traviata au théâtre Italien, mais on a donné
Maria di Rohan.
„,** Mlle A. Patti est partie lundi 2 mai pour Londres, où elle devait
faire sa rentrée au théâtre de Covent-Garden par Rosine d'il Barbiere.
La charmante cantatrice a été choyée partout avant son départ. M. et
Mme de Rothschild ont donné jeudi un grand dîner en son honneur.
De plus, elle a chanté, selon son habitude, dans deux concerts de bien-
faisance, et elle a fait distribuer une somme de 1,000 francs aux cho-
ristes des Italiens et autant à divers employés. Quoique les plus bril-
lantes propositions lui soient faites de toutes parts, et notamment de
l'Italie, nous espérons bien que la préférence est acquise à M. Bagier,
et que notre théâtre Italien la possédera toute la saison prochaine.
„*,,, Lorsque la Gazette musicale énonce un fait qui touche à la vie
privée d'un artiste, elle ne le fait que sur renseignements authentiques.
C'est donc avec regret que nous avons vu notre confrère de la Revue et
gazette des théâtres taxer d'inexactitude notre assertion relative à la li-
béralité de Mlle Adelina Patti envers ses père et mère ; il a été évidem-
ment induit en erreur. Nous maintenons donc dans son entier ce que
nous n'avons avancé qu'après avoir eu communication de l'acte notarié
constitutif de la rente.
*% On répète au théâtre des Bouffes-Parisiens une opérette en un
acte, intitulé Jérôme Pointu, paroles d'A. Huart, musique de G. Douay.
**„ Les deux sœurs Marchisio sont parties dimanche pour Riga, ville
par où elles doivent commencer l'excursion dramatique qu'elles ont
entreprise. Les sœurs Marchisio, ont vu singulièrement grandir, cette
saison, leur réputation à Paris. Mlle Carlotta surtout s'est principa-
lement fait remarquer dans les différents rôles qu'elle y a abordés.
*** Notre collaborateur Arthur Pougin fera paraître, mardi prochain,
à la librairie J. Tresse (Palais-Royal, galerie de Valois, 2 et 4), une
brochure intitulée : Meyerbeer, notes biographiques, dont nous nous oc-
cuperons prochainement,
*** A propos de l'avènement de l'archiduc Maximilien au trône impé-
rial du Mexique, a été exécutéee dans les jardins de Miramar une can-
tate espagnole, paroles de M. Aguilar, musique de Mazotti. Les chœurs
ont été accompagnés par le corps de musique du régiment dont le pro-
priétaire est l'archiduc François-Charles, père du nouvel empereur.
„,** Le festival du Bas-Rhin aura lieu cette année à Aix-la-Chapelle,
pendant les fêtes de la Pentecôte. Sous la direction du maître de cha-
pelle, M. Rietz, on y exécutera: BeUazar, par Haendel; deuxième
suite pour orchestre , par Lachner. Le deuxième jour : Magnificat , de
Bach; scènes iTIphigénie en Tauride, de Gluck; 114e psaume de Men-
delssohn, 9e symphonie de Beethoven. — Les chanteurs solistes seront :
Mme Dutsmann, de Vienne ; Mlle Schreck, de Bonn ; Mlle Edelsberg,
de Munich; MM. Gunz, de Hanovre, et Hili, de Francfort. Joachim, l'ex-
cellent violoniste, a également promis le concours de son beau talent.
**„. Dimanche 45 mai, jour de la Pentecôte, M. Hurand, maître de
chapelle de Saint-Eustache, fera exécuter dans cette église une messe
de la composition de M. Félix Godefroid. A l'Offertoire , M. Batiste
fera entendre sur le grand orgue une fugue du même compositeur. Une
quête sera faite au profit des pauvres du 1e'' arrondissement.
*% Mercredi a eu lieu au théâtre des Arts, à Rouen, la première
représentation du Jugement de Dieu, grand opéra de M. Aug. Morel,
directeur du Conservatoire de Marseille. L'auteur était venu à Rouen
pour en surveiller les répétitions et assister à la représentation.
**, En rappelant à nos lecteurs la souscription ouverte pour l'érec-
tion d'un monument à Rameau dans sa ville natale, nous devons ajouter
qu'une ouverture du grand maître vient d'être arrangée à quatre mains
par M. Charles Poisot, et se vend au profit de l'œuvre chez Benoît, à
Paris, et chez Bernaudot, à Dijon.
*** Aujourd'hui dimanche 8 mai, l'orchestre de symphonie, si habile-
ment dirigé par M. Forestier, exécutera un concert de jour au Pré Ca-
telan : deux nouveautés des plus remarquables : une grande fantaisie
sur Zampa, composée et jouée sur l'ophicléide par Moreau, le soliste
sans rival, et une brillante mosaïque sur des motifs choisis de Robert le
Diable, exécutée pour la première fois par Monsen sur la nouvelle trom-
pette-Sax à pistons indépendants. — L'excellente musique du 2Blanciers
fera entendre, sous la vaillante direclion de son chef, M. Pontet, vir-
tuose du plus rare mérite, son magnifique répertoire. — Au bal d'en-
fants, dix sémillants bébés danseront, aux sons de la musette alpestre,
la Calabrésienne, nouvelle polka des salons.
*% On nous écrit de Saint-Pétersbourg que le célèbre pianiste An-
toine de Kontski vient d'être décoré par S. H. le sultan, auquel il avait
152
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
dédié un morceau de sa composition, de l'ordre du Medjedié. L'envoi
de cette flatteuse distinction témoigne que même eu Turquie la musique
est en grand honneur.
„% Le nouveau chef d'orchestre au théâtre de Mayence, M. Bach, est
frère du ministre d'Autriche à Rome, et de plus un chaud partisan de
la musique de l'avenir, autrement dite néo-germanique.
t*m On monte en ce moment à Bruxelles, au théâtre de la Monnaie,
un opéra en deux actes et trois tableaux : l'Héritage de Jean des Isles.
Les paroles sont de M. Ch. Réty, l'ex-directeur du théâtre Lyrique de
Paris; la musique, de M. Bryon-d'Orgeval. Le rôle principal est confié
à Jourdan.
»** Le compositeur Louis Schubert, à Dresde, vient de terminer un
opéra en trois actes, la Veille du jour des noces.
»% A Prague s'est formée, sous le nom d'Euterpe, une association de
dames appartenant à la haute aristocratie, dont le but est de faire ap-
prendre gratis aux filles des parents pauvres à jouer du piano.
*% Depuis leur inauguration, les salons de la fabrique de pianos de
Philippe-Henri Herz neveu et Ce sont journellement visités par de nom-
breux amateurs et acheteurs venus de la France et de l'étranger, et des
commandes importantes sont faites aux nouveaux facteurs.
,*.,. Le concert des Champs-Elysées a fait sa réouverture d'une façon
brillante. Trois mille personnes au moins assistaient à cette belle soi-
rée, dans laquelle M. Eugène Prévost, le nouveau chef d'orchestre, s'est
signalé. Pour qui connaît le passé de cet éminent maestro, cela n'a
rien de surprenant. Le programme était des plus variés, et M. Gobert,
dans un concerto de de Bériot, a soulevé une tempête de bravos. La
grande fantaisie de M. Demerssemann, Une Fêle à Aranjues, a été très-
applaudje, ainsi qu'une fort jolie valse et une vive saltarelle, composées
par l'éminent chef d'orchestre de M. de Besselièvre.
*** Aujourd'hui dimanche a eu lieu la réouverture du Casino d'As-
nières, avec d'importants changements et de nouveaux embellissements.
Chemin de fer, rue Saint-Lazare, toutes les demi - heures, retour à
minuit. — Les fêtes musicales et dansantes ont lieu tous les dimanches.
»*„ A Munich, vient de mourir Mme Mortier de Fontaine, cantatrice
jadis célèbre sous le nom de Marguerite Limbach ; elle était attachée,
il y a une trentaine d'années, au théâtre Kœnigstadt, à Berlin. C'était
alors une belle et charmante personne, douée d'une voix merveilleuse;
la première, en Allemagne, Mlle Limbach a chanté , dans la Juive, le
rôle de Recha, qui est resté le plus brillant de son répertoire.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
**„ Cologne. — La célèbre prima-donna du théâtre royal de Berlin,
Mlle Lucca, a trouvé ici l'accueil le plus flatteur; elle s'est montrée dans
le rôle de Valentine et dans celui de Marguerite (Faust, de Gounod)
cantatrice consommée; mais c'est surtout par la puissance dramatique
de son jeu qu'elle a électrisé la salle.
*** Vienne. — Mme Barbot a déployé beaucoup d'énergie et de pas-
sion dans le rôle de Norma; par malheur, sa voix a souffert des
rigueurs de la saison. Mlle Artot avait bien voulu se charger de
l'humble rôle d'Adalgise, et sa modestie lui a porté bonheur. — Dans
la Traviata, Mme Artot a été superbe : au premier acte elle a chanté
avec une élégance, une distinction et une délicatesse de nuances qu'on
ne saurait trop louer. Au deuxième, elle a enthousiasmé toute la
salle par la puissance dramatique de son jeu. Cette représentation a été
pour l'éminente cantatrice l'occasion d'un vrai triomphe. En général, la
Société italienne n'a pas à se plaindre du public : dans le courant
d'avril elle a fait 22,000 florins, près de 50,000 francs de recettes, ce
qui est beaucoup pour la saison.
Le Directeur : S. DUFOUR.
MANUFACTURE D'INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN CUIVRE ET EN ROIS (Fondée en 1843)
50, rue Saint-Georges, à Paris.
Maison ADOLPHE SAX*
Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Auteur du système d'organisation et fournisseur breveté de la mmique des Guides et des autres régiments
de la Garde impériale. — Inventeur des instruments à pavillon tournant, des instruments à six pistons in-
dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc. *-\
Ton» lu instruments portent le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^£â
le numéro d'ordre de l'inilrumenl et le poinçon ci-après :
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851,
et 1862, relatif* aux. Saxophones (BREVET DE 18-lfi.)
a Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » {Exposit. 4831.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument' se joue avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
Saxophone l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
alto MI bémol. habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance ; car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions ; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, est né d'hier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » (Exposit. 1855.)
a M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la juslesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » (Exposit. 1862.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophone3 sont les suivants :
Saxopbone soprano, «Ou fr. — Saxophone ténor, «»5 fr. — Saxopbone alto, "i'tr» fr. — Saxophone baryton, %SO fr.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de 6 pour 100 sur les prix.
Pour tes ■propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Sax, consulter la notice qui se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITAUENS, 1.
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et a l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique* les Libraire
et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
N° 20.
REVUE
15 Mai 1861
PRIX DE L'ABONNEMENT:
paris 24 r.parni
Départements, Belgique et Suisse... 30-» id.
Étranger M » id
Le Journal parait le Dimanche
GAZETTE MUS
DE PARIS
Wos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui,
l'Atliett, formant le premier numéro de la collection
de 30 mélodies de Schubert, transcrites pour le pian o
par Stephen nieller, et arrangées pour harmonium
par Frédéric Brisson,
SOMMAIRE. — Obsèques de Meyerbeer à Berlin. — Théâtre impérial de l'O-
péra-Comique : Sylvie, opéra-comique en un acte, paroles de MM. Jules Adenis
et Jules Rostaing, musique de M. Ernest Guiraud, par Léon ES u rocher. —
Ministère de la Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts. — Nouvelles et
annonces.
OBSÈQUES DE MEYERBEER À BERLIN.
Le train spécial qui portait la dépouille terrestre d'un génie im-
mortel quittait vendredi, à 6 heures 5 minutes du soir, la gare du
chemin de fer du Nord pour se diriger à grande vitesse vers la fron-
tière de Prusse, en passant par la Belgique.
Il arrivait à 1 heure et 1/2 à la station de Huy, près de Namur, lors-
que le silence de la nuit fut tout à coup interrompu par des chants
empreints d'un caractère religieux que des voix d'hommes accompa-
gnées d'instruments d'harmonie faisaient entendre. C'étaient les so-
ciétés de chant et d'harmonie du pays qui avaient attendu le passage
du convoi funèbre à l'embarcadère pour rendre ce dernier hommage
à l'illustre mort. Le chef de ces sociétés, M . Camauer, musicien fort
distingué, s'avança et offrit à M. Jules Béer, le neveu du défunt, une
couronne de lauriers voilée d'un crêpe, en lui adressant en même
temps quelques paroles bien senties, dont j'ai retenu les mots sui-
vants : « Notre ville est petite, mais nos cœurs sont grands pour res-
sentir votre douleur. »
Et c'est précisément parce que la ville est petite que cette pieuse
manifestation, qui avait lieu à la lueur des torches, et tous les
chanteurs et instrumentistes la tête découverte au milieu de la nuit,
m'a paru d'autant plus touchante !
A la station de Minden, en Prusse, une députation est venue éga-
lement offrir une couronne, et enfin, à l'avant-dernière station avant
Berlin, à Brandenbourg, la société chorale de la ville, composée des
hommes les plus distingués de la localité, a exécuté d'une façon vrai-
ment admirable le beau choeur de Mendelssohn, l'Adieu, en offrant
une troisième couronne.
A l'arrivée à Berlin, une démonstration était également préparée,
et plusieurs sociétés de chant s'étaient donné rendez-vous à la gare,
mais pour 9 heures 3//j, heure à laquelle arrive ordinairement le train
express, tandis que le train spécial qui formait le convoi mortuaire
entrait deux heures plus tôt dans la gare. Le précieux cercueil fut
porté dans le corbillard qui attendait dans une cour particulière, suivi
des personnes qui l'avaient accompagné de Paris à Berlin, des mem-
bres de la famille et de quelques amis intimes, et conduit silencieuse-
ment à la demeure de Meyerbeer à Berlin, Pariser-Platz. Il y resta
jusqu'au lundi à midi, heure fixée pour l'inhumation solennelle.
Le grand salon du vaste appartement était transformé en chambre
ardente : toute la pièce était tendue de noir. Des candélabres d'ar-
gent entouraient le catafalque, et éclairaient seuls cette obscurité fac-
tice, projetant leur lumière sur une forêt d'arbustes et de plantes exo-
tiques qui entouraient le cercueil, couvert lui-même de fleurs et de
couronnes. S. M. la reine de Prusse elle-même, ainsi que la princesse
Frédéric-Charles et d'autres dames de la cour, avaient voulu y joindre
les leurs. Une députation de la chapelle royale de Dresde était venue
pour y ajouter une immense couronne de lauriers, et une autre fut
apportée par le maître de chapelle, M. Taubert, au nom de la cha-
pelle royale de Berlin. Le buste en marbre du défunt, couvert d'un
voile noir, était placé au fond de la salle. La famille de Meyerbeer
se tenait debout autour du catafalque ; d'un côté, les trois filles et le
baron de Korf ; de l'autre, les deux neveux et quelques proches pa-
rents.
Dès 11 heures du matin, les nombreuses députations et les
personnages distingués qui tenaient à rendre un dernier hommage à
Meyerbeer, commençaient à remplir les spacieux appartements. Tout
ce que Berlin compte d'éminent dans toutes les classes de la société
s'y trouvait représenté. On y remarquait S. A. R. le prince Georges
de Prusse, l'ambassadeur de France avec tout le personnel de Kam-
bassade, le ministre résident d'Italie et beaucoup d'autres membres
du corps diplomatique, le ministre de la maison du roi M. de Schlei-
154
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nitz, M. le comte de Roedern, premier chambellan de la cour; le
grand maître des cérémonies et conseiller intime comte de Stillfried-
Alcantara ; le chambellan baron de Dachrœden, le premier bourg-
mestre à la tête d'une députation du conseil municipal, une députa-
tion de l'Académie des beaux-arts et des députations de presque tous
les corps constitués de Berlin.
A midi, la cérémonie commença par un chœur arrangé pour voix
d'hommes d'après l'un des Sept chants religieux de Meyerbeer, par
M. Radeke, un des chefs d'orchestre de l'Opéra royal, et chanté par
les artistes de cet établissement. Après l'exécution de ce chœur, le
rabbin M. Joël, de Breslau, orateur célèbre en Allemagne, prononça
un discours des plus saisissants, que vous trouverez plus loin.
A la suite de ce discours, le seul qui ait été prononcé, un nouveau
chœur se fit entendre, pendant l'exécution duquel le cercueil fut
porté sur ou plutôt dans le simple corbillard, qui est ici le même
pour tout le monde, sans distinction de classe ; des palmes attachées
sur les tentures noires en faisaient la seule distinction. A 1 heure,
le cortège se mit en mouvement. En tête marchaient les corps de
musique de tous les régiments de cavalerie en garnison à Berlin, les
instruments entourés de crêpes, sous la conduite du directeur gé-
néral des musiques militaires prussiennes, M. Wieprecht. Pendant
tout le trajet, ces musiques exécutèrent alternativement la marche
funèbre de Beethoven (tirée de la sonate en la bémol); un choral et
une marche funèbre de la composition de M. Wieprecht. Venaient ensuite
les deux premiers chefs d'orchestre de l'Opéra et de la chapelle royale,
MM. Dorn et Taubert, portant sur des coussins: l'un les décorations
du défunt, l'autre une couronne de lauriers; ils étaient accompagnés
de l'administration supérieure et suivis de tout le personnel de
l'Opéra et de la chapelle royale. Des deux côtés du char funèbre
qui suivait, marchaient les douze plus jeunes membres de la chapelle,
portant des palmes.
Le deuil était conduit par le gendre de Meyerbeer, M. le baron
de Korf, et par ses deux neveux, MM. Georges et Jules Béer, suivis,
un peu pêle-mêle, il faut le reconnaître, de toutes les députations,
des invités et d'une foule immense. A l'exception de M. de Hulsen,
absent de Berlin, tous les directeurs des théâtres figuraient dans le
cortège, et parmi eux tout le monde remarquait M. Emile Perrin,
le directeur de l'Opéra impérial de Paris, venu exprès à Berlin pour
rendre les derniers devoirs à Meyerbeer. En tête de la file innom-
brable des voitures marchaient, après la voiture du défunt, les voi-
tures de gala de LL. MM. le roi et la reine de Prusse, attelées cha-
cune de six chevaux, et celles de tous les autres princes et princesses
de la maison royale à quatre chevaux; Ja voiture de gala de l'am-
bassadeur de France se faisait également remarquer par son extrême
élégance.
L'Opéra, qui faisait relâche ce jour-là, avait arboré un immense
drapeau noir qui s'inclinait du toit de l'édifice jusque sur la porte
d'entrée, et, à l'approche du cortège, les chœurs, postés d'avance sur
les grands escaliers qui conduisent au péristyle, entonnèrent le choral
« Was Gott thut, das ist wohlgelhan» (Ce que Dieu fait est bien
fait), après lequel ils se joignirent au cortège. Sur la maison de
M. Schlesinger flottait également un drapeau noir, et ses magasins,
ainsi que ceux de son confrère, M. Bock, restèrent fermés toute la
journée. Une haie compacte se pressait incessamment sur les côtés
du cortège, durant le long trajet à faire pour gagner le cimetière
situé devant la porte de Schœnhausen, trajet plus long encore que
celui que nous parcourions trois jours auparavant, à Paris, de la
rue Montaigne à la gare du Nord.
Arrivé au cimetière, les chœurs de l'Opéra se détachèrent du cor-
tège et chantèrent la belle composition de Bernard-Anselme Weber,
sur les paroles de Schiller « Rasch tritt der Tod den Menschen an »
(la mortfrappe l'homme rapidement); le cercueil fut porté ensuite
dans la chapelle du cimetière, également tendue entièrement de noir
et remplie de fleurs ; le rabbin y prononça encore une courte et
touchante allocution et récita les prières de la lithurgie. Puis le cer- •
cueil fut descendu dans le tombeau de la famille, lequel avait été
agrandi depuis peu de temps seulement par les ordres du défunt lui-
même, et où il repose aujourd'hui près de sa mère. . .
De même que le jour de ses funérailles à Paris, le soleil, qu'il
aimait tant, n'a pas cessé un seul instant de briller de tout son éclat.
Les deux dernières ovations qui devaient être décernées à Meyer-
beer à Paris et à Berlin différaient de caractère en ce que, gran-
dioses toutes deux , celle de Berlin semblait un cortège en deuil
accompagnant un grand homme à sa dernière demeure, tandis qu'à
Paris c'était une marche triomphale qui le conduisait à l'immor-
talité.
L. B.
DISCOURS DE M. LE Dr JOËL, RABBIN DE BRESLAU.
Devant le cercueil d'un homme dont la réputation remplit les deux
mondes, qui s'est élevé au faîte de la perfection et dont les œuvres
ont reçu toutes les consécrations, la plainte ne nous est pas permise.
Suivant un ancien adage : « Il est des hommes auxquels il n'a été
départi dans leur existence qu'une heure pendant laquelle ils ont
atteint la supériorité, » la vie de Meyerbeer, elle, ne se compose que
d'heures semblables; chacune d'elles fut un succès. Le monde entier
en a été le témoin, car la langue qu'il parlait n'avait pas besoin d'in-
terprète; pour elle les nations n'avaient point de frontières; elle sub-
juguait les cœurs de ceux qui l'entendaient et faisait pénétrer l'émotion
jusque dans leurs plus profonds replis. Sa harpe, semblable à celle
de David, faisait entendre les accords les plus suaves ou soulevait les
plus ardentes passions; il pouvait s'écrier avec le prophète, dont il
avait atteint l'âge : « Le souffle de l'inspiration parle par ma bouche, et
sa parole vit sur ma langue. » Il est inutile de rappeler les événements
de sa vie; ce qu'il avait voulu et atteint, tout noble cœur sensible l'a
compris et le comprendra dans l'avenir le plus reculé. Sympathique à
tous, honoré de la faveur de son roi, du trône à la chaumière, il fut
acclamé de tous. Ce n'est donc pas lui que nous devons plaindre, c'est
nous; nous qui le perdons. Quand surgira-t-il de nouveau un disciple
de l'art allemand auquel les nations offriront spontanément de sembla-
bles suffrages? Quand sortira-t-il du sein de la communauté israélite
un homme de génie, pour constater que la religion mosaïste n'em-
pêche pas de participer à tout ce qui est beau, à tout ce qui est noble
et sublime, enfin à tout ce qui exalte le cœur de l'homme? Issu d'une
famille qui éleva plus d'un fils pour l'honneur de la patrie et de l'hu-
manité, et qui de tout temps se fit remarquer par l'élévation de ses
tendances et de ses idées : doué d'un génie qui s'est révélé dès sa plus
tendre jeunesse, Meyerbeer a résumé en lui le plus heureux concours
de circonstances pour briller comme un météore lumineux dans le ciel
de l'art allemand. Sa mémoire illustre et ses œuvres impérissables
seront la meilleure, la seule consolation pour nous de l'avoir perdu ; et
cette consolation exercera son action vivifiante sur les siens comme
son influence sur l'avenir, tant que les hommes conserveront le culte
du beau et de l'Idéal !
Nous reproduisons aujourd'hui l'improvisation chaleureuse pro-
noncée par M. Emile Ollivier sur le cercueil de Meyerbeer, et que
nous n'avions pu nous procurer à temps pour la donner dans notre
dernier numéro.
DISCOURS DE M. EMILE OLLIVIER.
Cette triste cérémonie serait incomplète si, après que vous avez
entendu les paroles officielles, celles de l'art, de l'amitié, de la religion,
une voix ne se faisait entendre au nom du grand public français que
Meyerbeer a pendant tant d'années charmé, ému et fortifié.
Oui, Messieurs, bénissons d'un cœur reconnaissant et attendri les
hommes inspirés qui, pendant que nous sommes aux prises avec les
luttes, les difficultés, les douleurs, les amertumes de la vie, s'absorbent
dans leur génie, et s'élèvent par lui jusqu'aux régions sereines où ils
trouvent, pour nous les rapporter, les chants de consolation et d'apai-
sement. Ils ne donnent pas seulement aux âmes fatiguées la rosée qui
DE PARIS.
155
rafraîchit, ils sont comme des médiateurs entre les nations. L'intérêt
les divise, ils les unissent dans une admiration commune. La passion
les éloigne, de la passion ils font jaillir des accents divins qui partout
rapprochent les cœurs et leur créent comme une patrie commune.
Prophètes mélodieux des destinées pacifiques de l'humanité, ils ont été
envoyés parmi nous afin que l'amour l'emporte sur la haine.
Réjouissons-nous, — si un tel mot peut être prononcé dans une telle
cérémonie! — que ce soit un enfant de l'harmonieuse Allemagne qui
depuis si longtemps enchante de ses accents souverains cette noble
France. Entre les deux pays, c'est une cause de plus de sympathique
accord Que le nom de Jfeyerbeer, que le souvenir de notre deuil se
mêlent à celui qui va accueillir au-delà du Rhin cette précieuse
dépouille ! Que tous ces tristes et pieux souvenirs soient un gage
d'union entre deux nations sœurs que rien ne devrait jamais diviser;
6t qu'un lien fort et durable s'établisse de plus en plus entre la patrie
de Beethoven, de Mozart, et celle d'Hérold, d'Halévy et d'Auber !
Au moment de donner à nos lecteurs la fin de la notice biogra-
phique sur Meyerbeer, que nous avions commencée sans pressentir,
hélas ! le degré d'actualité qu'elle était destinée à rencontrer, nous
avons reçu du savant appréciateur de l'illustre défunt, de son ami,
de M. Fétis, des notes complémentaires qui nous forcent à ajourner
jusqu'à dimanche prochain la publication de ce dernier article.
Mais notre vénérable collaborateur y a joint un témoignage de re-
gret et de douleur pour le grand maître, dont nous ne voulons pas
reculer d'un jour l'impression :
Bruxelles, 9 mai 1864.
11 est donc vrai? Sans que rien pût le faire prévoir, la biographie
dont on va bientôt lire la conclusion est devenue une notice nécrolo-
gique ! Au moment où le grand artiste dont elle esquisse rapidement
l'histoire se préparait à de nouveaux triomphes, la mort est venue
inopinément le frapper. Le 2 mai 186-1, à 6 heures du matin, le xixe siècle
avait perdu une de ses illustrations les plus considérables, et j'avais à
pleurer un ami dont, pendant quarante ans, j'avais vu grandir le ta-
lent et la renommée. La tristesse qui m'oppresse le cœur a besoin de
s'épancher. Après les éloquentes paroles prononcées sur le cercueil de
Meyerbeer; après les expressions de regret qui retentissent de toutes
parts, ce que j'ai à dire n'ajoutera rien à la gloire de son nom; mais
j'aurai rempli le devoir de l'amitié et semé quelques fleurs sur une
tombe qui ne devait pas s'ouvrir si tôt.
Meyerbeer, tu fus l'artiste véritable, car tu aimas l'art et vécus pour
lui. Comblé des biens de la fortune, tu n'en recherchas pour toi-même
ni les jouissances ni les vanités; une existence simple, modeste, suffi-
sait à tes besoins. Ton esprit distingué, qu'ornaient des connaissances
variées, ne prit pas plaisir à s'étaler : tu ne voulus manifester ta puis-
sante organisation que par la musique. Sensible au succès de tes pro-
ductions, comme tous ceux qui cultivent l'art, sous quelque forme
que ce soit, tu n'en étais pas enivré. Après les plus tclatantes
ovations, tu te retrouvais avec joie dans le calme de la solitude et dans
les délices de tes méditations, dérobant ta personne aux témoignages
de l'admiration universelle. Le besoin de produire était pour toi celui
de tous les moments et n'était égalé que par ton désir du progrès dans
le développement de tes grandes facultés, comme dans les formes de
ton style. Car en cela encore, tu étais l'artiste digne de sa mission,
l'artiste comme le furent ceux des époques des grandes choses. Sévère
envers toi-même, ta pensée était incessamment préoccupée du soin de
perfectionner tes ouvrages. Le sacrifice d'un morceau, de parties en-
tières même d'une partition, ne te coûtait pas, lorsque tu croyais pou-
voir faire mieux. Portant tes soins jusque dans les moindres détails de
l'art d'écrire, tu n'étais satisfait que lorsque tu avais fait disparaître les
plus légères imperfections aperçues par toi dans ton œuvre.
Dans les diverses périodes de ta glorieuse vie, tu as eu, Meyerbeer,
à souffrir : d'une part, lorsque tu étais à la recherche de ta voie pour
aller à l'immortalité, et que tes déceptions te démontraient que tu ne
l'avais pas encore trouvée ; de l'autre, lorsqu'après y être entré et être
parvenu à la révélation complète de ton talent, tu te vis méconnu,
déprécié par ceux qui font métier de critique, sans avoir l'impartialité
nécessaire, ni les connaissances suffisantes. Que tu en aies éprouvé de
pénibles impressions, cela n'est pas douteux; mais, semblable à quelques
grands hommes, tes prédécesseurs, tu as eu, dans ces circonstances, la
dignité de la conscience sûre d'elle-même ; la confiance que donne à
l'artiste supérieur, sans orgueil, la connaissance intime de sa propre
valeur; enfin, la patience d'un sage, qui sait que le temps met à sa
place chaque chose et chacun. Il n'a pas tardé à te faire rendre la jus-
tice qui t'était due. D'illustres compositeurs, des génies sublimes, n'ont
trouvé que dans la postérité l'attention et l'intelligence requises pour
l'appréciation de leurs œuvres immortelles; plus heureux qu'eux, tu as
joui de ta gloire avant que la mort vînt te toucher. Le suffrage uni-
versel, qui t'a couronné, a étouffé la malveillance; et maintenant,
frappé de la perte immense qu'il vient de faire, le monde musical mêle
à son admiration de sincères et profonds regrets.
Cependant, tu n'as pas dit ton dernier mot; ta puissante voix doit se
faire entendre encore, ton Africaine, œuvre complexe d'inspiration,
d'expérience et de méditation, nous est promise. Si, comme il y a lieu
de l'espérer, rien n'est négligé pour que l'interprétation soit digne de
l'ouvrage, ton ombre jouira d'un triomphe connu de peu de vivants,
et, par une douce illusion, nous pourrons croire que le génie antique
de la mort n'a pas encore éteint son flambeau.
FÉTIS père.
Nous avons mis sous les yeux de nos lecteurs les discours pro-
noncés sur le cercueil de Meyerbeer par nos premières notabilités
artistiques et administratives; il est de notre devoir de reproduire
également les parties les plus saillantes des articles inspirés aux
principaux organes de la presse parisienne — si unanime dans ses
regrets — par la perte immense que l'art vient de subir.
« La semaine est au deuil et aux regrets. Lundi matin , de bonne
heure, le bruit s'est répandu, avec cette rapidité foudroyante qui em-
porte et propage les sinistres nouvelles, que Meyerbeer venait de suc-
comber à une courte maladie, ignorée de ses plus intimes amis. Ce
grand malheur a d'abord causé un douloureux étonnement. On refusait
d'y croire, on courait aux renseignements; on s'abordait, on s'interro-
geait avec une lueur d'espérance qui dut bientôt faire place à la plus
cruelle certitude. Dans cette vie si affairée de Paris, il semble qu'on
ait vu la veille les personnes que l'on n'a point rencontrées depuis cinq
ou six jours. Tous ces derniers temps, on voyait assez souvent Meyer-
beer soit sur les boulevards, soit aux abords de l'Opéra. Il redoublait
d'activité et d'énergie à mesure que ses forces s'épuisaient et que sa
santé s'affaiblissait, sans qu'il y prît garde. Une volonté indomptable le
soutenait; jamais il n'a compté avec le temps; il paraissait croire que
son corps était indestructible comme sa renommée est immortelle. . .
» Sa bienveillance et son indulgence étaient extrêmes; d'un accès
facile, de manières charmantes, jamais sa porte (et Dieu sait si elle
était assiégée!) n'a été fermée à aucun artiste. Homme du monde ac-
compli et maître incomparable, placé au premier rang par son génie,
par sa grande position de fortune, par ses succès, par les honneurs
dont tous les souverains de l'Europe l'avaient comblé, il était d'une af-
fabilité rare, d'une réserve et d'une politesse qui ne se démentaient ja-
mais, même quand sa patience était à bout. Aux répétitions, on ne l'a
jamais vu parler aux musiciens que le chapeau à la main; s'il devait
reprendre ou redresser un artiste, il le faisait doucement, en particu-
lier, et avec des ménagements infinis. Jamais il n'a blessé volontaire-
ment ni contristé personne.
» Exemple illustre et mémorable à ceux qui, nés dans l'opulence ou
dans les grandeurs, vivent dans l'obscurité et dans l'oisiveté ! Jamais,
on peut le dire, il n'a connu de repos qu'à l'heure suprême où il a
rendu le dernier souffle. Sa vie entière, depuis l'âge de quatre ans, a
été une suite de travaux, de voyages et d'études. Partout où quelque
œuvre nouvelle se produisait, où quelque artiste de talent faisait parler
de lui, dans les grandes villes et dans les plus humbles bourgades,
Meyerbeer accourait; il voulait tout voir, tout entendre, tout juger
par lui-même; il voulait se rendre compte de tout; il traduisait à sa
manière le mot de Térence : « Je suis artiste, et rien de ce qui touche
à l'art ne m'est étranger. » Ses deux grandes passions ont été l'amour
du beau et le soin trop légitime de sa gloire si noblement acquise. Il
adorait son art, il respectait son œuvre et son génie; il n'a point laissé
périr entre ses mains les dons que Dieu lui avait départis
» On vous a raconté ses funérailles ; vous avez pu lire les discours
prononcés à la gare. Une foule immense, où l'on remarquait tout ce
qu'il y a d'illustre et de grand dans les lettres, dans les arts, dans les
plus hautes classes et les plus distinguées de la société parisienne ;
un grand nombre de membres de l'Institut, des députations de la
Société des auteurs, de calle des compositeurs et des artistes drama-
tiques, des illustrations de tout genre, tout ce grand peuple enfin qui
admirait et applaudissait ses chefs-d'œuvre, a suivi le convoi funèbre !
et de la maison mortuaire à la gare le trajet a été triomphal. Meyer-
beer est une gloire française, et si son génie appartient au monde, s'il
est juste que sa dépouille mortelle soit rendue au pays qui l'a vu
naître, la France, sa patrie adoptive, la France qu'il a tant aimée,
pour laquelle il a écrit tant d'œuvres immortelles, a le droit de reven-
diquer sa pensée et son cœur. »
(Moniteur.) A. de Rovrat.
156
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
§ « Lorsqu'une de ces grandes lumières qui éclairent tout un siècle
s'éteint subitement, l'âme est d'abord plongée et comme abîmée dans
une nuit sombre et dans une douloureuse stupeur. Puis on revient à
soi, et deux courants se forment : d'un coté, les parents, les amis, tous
ceux que des liens d'une affectueuse intimité ou d'une admiration pro-
fonde attachaient à l'illustre mort, voudraient le pleurer en silence et
détourner de cette tombe, autour de laquelle ils se pressent, respec-
tueux et recueillis, toute pompe importune et tout bruit extérieur ;
d'un autre côté, la foule, non pas indifférente, mais plus curieuse qu'é-
mue, avide de détails, les cherchant ou les inventant, s'il le faut, moins
touchée de la perte de l'homme qu'éblouie par sa gloire, comprimant
ses regrets sous son enthousiasme, suit le char funéraire comme elle
suivrait un char de triomphe.
^ » Ces deux sortes d'hommages, le deuil privé et le deuil public, les
larmes sincères et l'éclatante apothéose, n'ont pas manqué à Meyer-
beer. Sa famille et ses amis ont respecté ses volontés dernières; le corps
est parti pour Berlin, mais la France, représentée par ses plus grandes
illustrations, par ses écrivains, par ses artistes, par ce peuple intelli-
gent et sympathique dont le maître à jamais regretté recherchait et ap-
préciait les suffrages, la France a suivi le convoi, jusqu'où il lui a
été permis de le suivre, et ne pouvant lui rendre tous les honneurs
qu'elle eût voulu, ne pouvant faire à l'auteur immortel de Robert et des
Huguenots des funérailles dignes de sa gloire et de son génie, elle n'a
point voulu se séparer de lui sans lui adresser une dernière acclamation
et un suprême adieu
» Destinée singulière ! Le hasard est souvent profond dans ses incom-
préhensibles lois. Meyerbeer avait, à Berlin, un palais princier qu'il
n'habitait presque jamais. Artiste cosmopolite, voyageur infatigable,
dédaignant pour l'amour de son art les soucis vulgaires et les mol-
lesses de la vie, lui qui roulait sans cesse sur les grandes routes et sur
les chemins de fer, il meurt dans un hôtel garni, et les honneurs fu-
nèbres lui sont rendus dans une garel Et quelle salle, fût-elle aussi
grande qu'il eût pu la rêver pour la représentation d'un de ses chefs-
d'œuvre, aurait pu contenir les milliers de spectateurs en deuil qui
sont venus le saluer et l'acclamer une dernière fois !
» Ses funérailles ont été, pour ainsi dire, improvisées. Une commission
s'est réunie à la hâte, pour qu'au moins ce grand cercueil fût conve-
nablement escorté, puisque le maître a voulu que son corps reposât
loin de nous. S'il n'y avait point songé, s'il n'en avait point ordonné
ainsi expressément dans ses dispositions dernières, qui se fût souvenu
que Meyerbeer n'était pas né en France !
» Grande et triste journée I Voilà tout un peuple, 1 élite d'une nation,
qui se presse à l'entrée d'une gare pour ne point manquer l'heure des
adieux. Ne dirait-on pas des amis allant conduire un ami qui part
pour un voyage ordinaire? Coïncidence étrange ! Le catafalque est
posé sur les mêmes rails où sifflaient naguère les locomotives ; des
wagons drapés de noir attendent le cercueil ; et tandis que des voix
émues, des voix éloquentes prennent congé de l'auteur de tant de su-
blimes harmonies, le bruit des machines et le grincement des roues
couvrent la moitié de leurs paroles. La cloche du départ retentit
comme un glas funèbre. « Les voyageurs en voiture ! » Hélas ! les morts
vont vite I Le signal est donné, et le train qui s'éloigne emporte à toute
vapeur le peu de cendre qui reste de tant de gloire et de tant de
génie ! »
(La France.) P.-A. Fiorentino.
« A partir de la représentation de Robert le Diable, la vie de
Meyerbeer est toute dans ses ouvrages et connue de tout le monde.
» Essayons maintenant de caractériser son œuvre.
» Il résuma et accomplit en musique la grande révolution qui venait
de se faire en littérature. Le drame remplaçait partout la tragédie, ad-
mise enfin à faire valoir ses droits à la retraite. Depuis l'avènement
des idées modernes, on s'était apeiçu qu'au point de vue de la passion
et de la douleur les simples mortels étaient aussi intéressants que les
rois, et que les yeux de la Marguerite de Goethe, pour rappeler ici
une expression de Chateaubriand, contenaient autant de larmes que
ceux de la Phèdre de Racine.
» Que vint donc faire Meyerbeer? La musique, on le sait (nous par-
lons de la musique des temps modernes), retarda d'un siècle sur la re-
naissance des lettres. On peut toutefois dire que chaque poète a son
musicien, ou, si l'on veut, qu'un musicien répond à chaque poète, peu
importe l'intervalle qui les sépare. Le mot se complète par la note,
l'idée exprimée éveille une sensation, que le musicien saisit et fixe. De
même que Gluck et Spontini furent en musique ce que Racine et Cor-
neille avaient été dans la tragédie ; de même Lully et Rameau représen-
tent les vieux tragiques Garnier et Rotrou.
D Meyerbeer fut le musicien de Shakspeare, de Goethe et de Schiller.
Il laisse trois modèles du drame lyrique, et son œuvre partagera l'im-
mortalité des trois grands génies que nous venons de nommer.
» Il aura été le résumé le plus complet et le plus éclatant des connais-
sances musicales depuis le xvr2 siècle jusqu'à nos jours. Sans rien per-
dre de son originalité, il a employé, en se les assimilant et en les por-
tant au plus haut de degré de perfection , tous les moyens et
tous les . procédés des maîtres anciens ou contemporains. C'est
ainsi qu'il a pris de Sébastien Bach l'habileté de l'écriture mu-
sicale, l'énergie et l'originalité de l'harmonie; de Hœndel, le sentiment
de la grandeur et de la sonorité des effets ; de Weber, la couleur lo-
cale et la sincère conviction du fantastique ; enfin de son illustre rival
lîossini, le brillant du coloris et le charme de la phrase. 11 posséda, en
outre, la faculté d'éprouver et de peindre la passion avec une force et
des moyens inconnus avant lui. Nous en attestons ce duo du quatrième
acte des Huguenots, écrit tout entier avec de la flamme, et qui, évitant
la coda dite à effet, se termine, dans un si sublime désordre, sur une
note sensible qui ne va pas même à la tonique, laissant l'orchertre ache-
ver la phrase.
» Meyerbeer nous a quittés au moment peut-être où nous commen-
cions tous à pénétrer enfin dans la merveilleuse complexité de son
génie.
» Rossini a abdiqué, Halévy a succombé à la tâche, Meyerbeer est
mort sans laisser de successeur. La musique est sans maître. Il y a in-
terrègne. Et lorsque, sur les marches du caveau funéraire où va des-
cendre Meyerbeer, on brisera le sceptre et la main de justice de ce
souverain de l'art, nous ne pourrons crier comme autrefois : Le roi est
mort, vive le roi !
» Lorsqu'un grand deuil est entré dans une maison, lorsqu'un être
aimé a disparu pour jamais, il se fait, après la terrible émotion de son
départ, une sorte d'apaisement dans la douleur de ceux qui lui survi-
vent ; aux sanglots, aux lamentations du jour, succèdent un entretien
tendre et pénible, une oraison funèbre intime, faite en commun, avec
les souvenirs et les récits de la famille.
» Après les hommages publics rendus à l'illustre Meyerbeer, j'ai
goûté un charme indicible à me recueillir, à me le rappeler tout entier,
tel que Je le connaissais depuis trente ans, à le dépouiller de son appa-
reil mortuaire pour lui rendre les habits de la vie, l'entendre encore et
le voir.
» Les traits de Meyerbeer ne frappaient pas par leur originalité.
J'observais ce front, véritable front de musicien, cette mâchoire puis-
sante et déterminée et ces lèvres jointes et closes avec précision comme
la fermeture d'un coffre d'où rien ne doit sortir au hasard. C'était un
visage dont l'agrément avait choisi le haut, laissant le bas à la volonté.
» Sa conversation polie et engageante était servie par le plus char-
mant organe et les façons les plus distinguées. Son instruction me parut
aussi profonde que variée. Habile à parler les langues courantes de l'Eu-
rope, l'allemand, le français, l'anglais, l'italien, il savait tout ce qui a été
dit ou écrit en histoire, en philosophie, en théâtre, en politique, et en
causait avec sens, esprit et modération
» Meyerbeer apportait dans sesrelations privées, dans l'accomplissement
de tous les devoirs du monde et de l'amitié une courtoisie, une sûreté
irréprochable.. .
» Pendant les séjours qu'il fità Paris il vivait avec une simplicité re-
marquée de tous, critiquée par quelques-nns.
» — Pourquoi donc, mon cher maître, lui disais-je, avec vos trois
» ou quatre cent mille francs de rentes, vivez-vous ici, dans un hôtel
» garni, sans train, sans voiture, servi par un seul domestique ?
»— Avant tout, me répondit-il,je suis artiste; et c'est une de mes sa-
» tisfactions de me dire que j'aurais pu vivre de ma musique depuis
» l'âge de sept ans. J'ai à Berlin un état de maison proportionné à ma
» fortune ; je ne veux pas à Paris effacer mes confrères et jouer à l'a-
» mateur riche. Je ne demande pas de prime pour mes ouvrages, et si
» je touche les droits d'auteur réglés par les traités, c'est pour ne pas
» laisser dire que je travaille au rabais par dédain des bénéfice; du
» théâtre. «
(Le Constitutionnel).
Nestor Roqueplan.
« La mort inattendue de Meyerbeer met en deuil l'art qu'il a si vail-
lamment servi et qui comptait encore sur lui comme sur un de ses
appuis les plus fermes. Tandis que d'autres ne sont plus que les débris
d'un passé glorieux qu'on honore par reconnaissance, il restait, malgré
son âge avancé, la ressource du présent et l'espoir de l'avenir. Dans
la détresse où sont les théâtres lyriques, on jetait les yeux sur Meyer-
beer, et l'on voyait dans les partitions dont il pouvait encore enrichir
la scène leur seule chance de salut
DE PARIS.
157
» On admire Meyerbeer pour son mérite ; il faut l'admirer aussi pour
son caractère. Possesseur d'une immense fortune qui lui permettait de
n'attacher aucune importance au produit de ses ouvrages, il aurait pu
se donner les douceurs d'une luxueuse oisiveté; accepter à la cour de
Berlin la charge honorifique de maître de chapelle, s'il avait voulu ne
pas perdre complètement le fruit des études de sa jeunesso , livrer
même de temps en temps au public les œuvres du premier des musi-
ciens amateurs, sans se mettre fort en peine de leur sort. Au lieu de
cela, il a pris la vie d'artiste au sérieux; il l'a prise avec les enivre-
ments de la gloire c'est vrai, mais au?si avec ses soucis et ses fatigues,
avec ses émotions qui abrègent l'existence
» Il y a quelque chose de rare et de beau dans le spectacle de cette
force de volonté de l'homme qui se propose un noble but et qui, pour
l'atteindre, ne recule pas même devant le sacrifice du plus précieux
des biens : la santé. D'autres ne travaillent que pour parvenir à la
fortune et n'aspirent qu'au repos qu'ils pourront goûter lorsqu'ils se
seront enrichis. Meyerbeer est riche, lui, et il se prive volontairement
de toutes les jouissances que l'or procure, pour courir après l'idéal
de son rêve d'artiste. 11 était ambitieux à sa manière, dira-t-on; il
trouvait dans l'éclat de ses succès les récompenses de ses sacrifices et
de ses efforts. Qu'importe? L'ambition de la gloire, l'ambition de l'hon-
neur est une noble ambition. Lorsqu'on voit tant de gens ne prendre
souci que de la foi tune et placer l'argent au-dessus de l'honneur même,
on tient en haute estime l'homme dont l'ambition s'est élevée jusqu'à
la gloire, jusqu'à cette gloire pure de l'artiste, qui, différente de celle
du conquérant, ne coûte ni sang ni larmes, et dont la victime est par-
fois celui au génie duquel plusieurs générations sont redevables des
jouissances délicates de l'esprit.
(Indépendance.) Ed. Fétis fils. »
Mme Meyerbeer, qui s'était d'abord rendue à Bade, est partie de
là, hier samedi, pour Berlin.
Avant de quitler Paris, Mme Meyerbeer a adressé aux membres
de la commission instituée pour les obsèques de son mari, une lettre
de remercîments dont voici la teneur :
« Messieurs,
» Si quelque chose peut adoucir l'amertume da la perte immense
que je viens de faire, c'est l'hommage rendu hier à la mémoire de
mon bien-aimé mari, et dont vous, Messieurs, avez si spontanément
pris l'initiative.
» En voyant tout ce que la France compte de plus illustre s'as-
socier à ma douleur, ma reconnaissance est si grande que je ne
trouve point de paroles pour l'exprimer. Elle restera gravée dans
mon cœur, aussi immuable qu'elle est vive.
» Agréez, Messieurs, l'expression de la considération la plus
avouée et la plus haute.
» MlNNA MEYERBEER*.
» Paris, ce 7 mai. »
Le testament de Meyerbeer, qui, selon la loi prussienne, est dé-
posé au tribunal spécial des successions, sera vraisemblablement ou-
vert demain lundi.
M. E. Perrin, directeur de l'Opéra, et M. Jules Béer, qui avaient
accompagné jusqu'à Berlin la dépouille mortelle de Meyerbeer, sont
revenus à Paris.
Roger, l'un des artistes les plus estimés de Meyerbeer et qui
créa le Prophète avec tant d'éclat, n'a pu, à son immense regret, as-
sister à ses funérailles. II venait de partir pour Alger, où il est en
représentation pour un mois.
C'est à Londres, au milieu de la répétition des Huguenots à Co-
vent-Garden, que Mlle Lucca, l'une des artistes les plus aimées de
Meyerbeer, et qui devait jouer le rôle de Valentine, a appris la
funeste nouvelle ; elle en a ressenti une si vive impression, partagée
d'ailleurs par les autres artistes, qu'elle s'est trouvée mal.
Outre la partition de l'Africaine (Vanco de Gama) Meyerbeer avait
aussi, dès l'année dernière, entièrement terminé celle de la mu-
sique qu'il avait composée pour un drame d'Henri Blaze de Bury, la
Jeunesse de Goethe ou l'Etudiant de Strasbourg (le choix de l'au-
teur n'étant pas encore arrêté sur l'un ou l'autre de ces titres). Ce
drame aurait été donné à l'Odéon immédiatement après la représen-
tation au théâtre de l'Opéra de V Africaine ; la musique se compo-
sait d'une ouverture et de morceaux adaptés aux situations, d'une
façon analogue à celle que le maître avait écrite pour Struensée.
M. le baron Taylor nous communique une lettre touchante qui
vient de lui être adressée par le poëte Emile Deschamps, l'ami et le
collaborateur de Meyerbeer, à l'occasion de la mert de l'illustre maî-
tre. Nous nous empressons de la reproduire :
et Versailles, 6 mai 1864-
» Cher et illustre ami, j'ai le cœur navré! La mort de Meyerbeer, ce
deuil imprévu, est un cruel chagrin pour moi plus que pour personne.
» Son ami et son collaborateur depuis tant d'années, j'avais reçu,
trois jours avant la maladie fatale, une lettre de lui si remplie d'ami-
tié que je ne la quitterai plus. Je venais d'écrire les paroles d'un can-
tique sur une musique qu'il m'avait envoyée, et il s'en disait heureux.
» Hélas!
» Pour comble de douleur, les tristes caprices de ma santé me pri-
vaient de me joindre au long cortège, d'amis, à la tête desquels vous
étiez. Ce m'eût été une belle consolation de pouvoir vous serrer votre
main amie et glorieuse. A vous de tout moi.
» Emile Deschamps. »
Une vaste place s'ouvrira devant la façade du nouvel Opéra, lors-
que la construction en sera terminée. On assure que l'Empereur
aurait exprimé l'intention qu'elle prît le nom de place Meyerbeer.
Litolff vient de composer à la mémoire de Meyerbeer une admi-
rable Marche funèbre pour piano.
Un congrès des directeurs des théâtres d'Allemagne s'est tenu ces
jours derniers à Leipzig. Il était présidé par M. de Hulsen (ce qui est
sans doute un des motifs pour lesquels M. l'intendant des théâtres
royaux de Berlin a été empêché d'assister aux funérailles de Meyer-
beer). Entre autres résolutions il a été décidé dans ce congrès qu'il
sera fondé une œuvre ayant pour but de venir en aide aux jeunes
compositeurs allemands et de faciliter la représentation de leurs ou-
vrages, et que cette œuvre prendra le titre de Fondation-Meyerbeer
(Meyerbeer-Stiftung) .
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÊBl-COffllQUE.
SYLVIE,
Opéra-comique en un acte , paroles de MM. Jules Adenis et
Jules Rostaing, musique de M. Ernest Guiraud.
(Première représentation le 11 mai 1864.)
Jolie petite pièce, écrite avec esprit et sans prétention, où le su-
jet est clairement exposé, où les incidents sont adroitement préparés,
158
REVDE ET GAZETTE MUS'CALF
où l'action, suffisamment nouée, est ingénieusement dénouée, où
tout est simple, naturel et vrai.
Il n'y a que trois personnages : M. Jérôme Desroses, autrefois
piqueur du prince de Condé, aujourd'hui rentier, vieux et fort bon
homme; — mademoiselle Sylvie, sa filleule, sa pupille, et de fait,
sinon de droit, sa fille adoplive : il l'a recueillie orpheline, l'a pré-
servée de la misère, l'a élevée convenablement, et se dispose à la
marier; — M. Germain, jeune paysan, fort amoureux et passable-
ment niais. Il a évidemment tout ce qu'il faut avoir pour être un
bon mari, et Mlle Sylvie, qui est une fille avisée, n'a point hésité à
lui donner la préférence.
C'est le jour de saint Jérôme, et les jeunes gens, armés de deux
gros bouquets, attendent que le bonhomme soit levé pour lui sou-
haiter sa fête. Ravi de cette attention, il se décide à ne pas faire
attendre plus longtemps le mariage, et, à ce propos, il leur fait une
petite narration. Les vieillards aiment à conter. — J'ai eu plus de
peine que vous à me marier, mes enfants. Madeleine — ma pauvre
Madeleine!— était bien jolie, mais elle n'avait rien, et mes parents
me refusaient leur consentement. Ils cédèrent enfin à mes supplica-
tions, mais en protestant qu'ils n'assisteraient point à la cérémonie,
de sorte que j'étais bien triste. Enfin le grand jour arriva. Je mis
mon bel habit rouge de piqueur et mon beau tricorne galonné. Ma-
deleine, en costume de mariée, était charmante. Avant d'aller à
l'église, j'imaginai d'entrer chez mes parents, je la leur présentai,
et je dis : « Père, regardez-la bien. Avez-vous jamais vu une fille
plus jolie, plus fraîche, plus modeste et plus avenante? Soyez de
bonne foi. Soyez juste. Est-ce qu'il ne faut pas unir la jeunesse à la
jeunesse et l'amour à l'amour ? Mes enfants, mon père fut vaincu.
Il pleura un brin. Il ouvrit ses bras à Madeleine, et lui dit : « Ma
fille! » Il a fallu donner l'analyse de ce récit, qui est nécessaire
au dénoûment. Que n'ai-je pu le reproduire en entier, et textuelle-
ment ! C'est un petit chef-d'œuvre de naïveté, de sentiment et de
grâce.
Les deux amants alors ajoutent chacun à leur bouquet un de ces
petits cadeaux qui entretiennent l'amitié : Germain, un foulard, ce
qui ne tire pas à conséquence; Sylvie, une paire de lunettes, ce qui
est plus dangereux. Depuis longtemps son parrain se plaint de ne
plus voir clair, et elle a trouvé chez l'opticien des verres d'un nu-
méro convenable. Jérôme voit Sylvie -telle qu'elle est. Elle lui paraît
adorable. 11 se retourne, examine Germain, et le déclare outrageuse-
ment laid. Ces perfides besicles lui ont ouvert les yeux, et l'esprit
du mal est entré dans son cœur par cette porte. — Comment! c'est
à toi que j'allais donner ma filleule ? En vérité, j'étais aveugle ! Tu
n'es pas fait pour elle, mon garçon. Elle mérite de trouver mieux,
et je me charge de trouver ce qu'il lui faut. Germain, fort marri,
s'en prend aux maudites lunettes, et veut les briser. Sylvie défend
son cadeau. Querelle entre les deux amants, qui rappelle en petit la
scène du Dépit amoureux et celle du Tartufe ; mais on revoit tou-
jours avec plaisir ces tableaux naïfs et piquants où le cœur humain
est pris sur le fait. Germain s'en va furieux, et laisse Sylvie fort
courroucée, si bien qu'un moment après, quand le père Jérôme, que
les charmes de sa filleule ont rendu fou , vient lui offrir son cœur
et sa main, elle ne trouve aucune objection à lui faire. Elle consent
à tout, et commence seulement à réfléchir, lorsque le bonhomme lui
dit : « Je vais chez le tabellion, » Comment obtenir sans le blesser,
car elle le respecte et le chérit, qu'il renonce à cette visée ?
J'ai déjà dit que Sylvie est une fille d'esprit.
Il y a au fond de la chambre une armoire qui ne s'ouvre que dans
les grandes occasions, et qu'on appelle l'armoire aux reliques. Ces
reliques, c'est l'habit de noces de Jérôme, et celui de Madeleine, soi-
gneusement enveloppés. — On se doute bien que Germain est revenu,
et que le raccommodement n'a pas été difficile. Sylvie s'empare de
la robe et du voile blancs; elle donne à Germain l'habit rouge, le
tricorne et le reste. Ils disparaissent; puis ils reviennent, bras dessus,
bras dessous, se présenter au bonhomme, qu'ils réveillent en sur-
saut, et dont ils interrompent le rêve. — « Allons, père, soyez rai-
sonnable autant que vous êtes bon :
Il faut unir, de Dieu dit la sagesse,
L'amour avec l'amour,
La jeunesse avec la jeunesse.
A ces paroles, à ce spectacle, le vieillard revient à lui, et le sou-
venir lui rend la raison.
Tout cela n'est pas bien neuf, dira peut-être quelque critique de
méchante humeur. J'en conviens. Mais cela est relevé par une foule
de détails agréables : cela intéresse, cela amuse. Nous arrive-t-il
souvent de rencontrer pareille bonne fortune? Il y a quelque vingt
ans, à l'époque où Scribe prodiguait sans les épuiser les trésors de
son imagination et de son esprit, il nous était permis de faire les
difficiles. Maintenant, nous devons être modestes.
La musique est le début d'un jeune compositeur qui a obtenu le
grand prix de Rome au concours de 1859. Il n'a donc attendu que
cinq années en tout le moment solennel qui l'a mis en contact avec
le public. C'est un des favoris de la fortune, et peut-être l'approche
du régime de liberté qui est promis aux théâtres n'a-t-elle pas été
étrangère à son bonheur. Dans sa partition , tous les morceaux ne
sont pas remarquables, mais aucun n'est ennuyeux. Il a le style fa-
cile et l'allure leste. Il affectionne les rhythmes vifs ; c'est par là
surtout qu'il a réussi. Si son ouverture est un peu longue, et si le
coloris instrumental n'y est ni brillant ni varié, le premier air de
Sylvie ne manque pas de grâce; la ronde que Jérôme, Germain et
Sylvie chantent en dégustant le vieux vin de... (je me suis moins
inquiété du cru que de la musique) est naturelle et franche, comme
les airs à boire du siècle dernier. Elle est pleine d'eotrain et de
bonne humeur. Les couplets de Jérôme : Tous deux nous avons ri,
ont le même caractère et les mêmes qualités. Le duo de Sylvie avec
Germain : Pour qu'il soit heureux, etc , renferme des passages fort
agréables. Mais le morceau que les musiciens remarqueront le plus,
et dont ils sauront le plus de gré à l'auteur, est probablement le
chœur qui se chante un peu dans la coulisse, un peu au fond de la
scène, et qu'accompagne une symphonie villageoise. Cela est spiri-
tuellement conçu, habilement exécuté, coloré aussi vivement que le
voulait la circonstance. Il y a là du talent et de la mesure, par
conséquent, du goût. Or, le goût n'est-il pas le don le plus rare chez
les musiciens que les douze ou quinze dernières années ont fait
éclore ?
M. Ponchard est fevt convenablement placé dans le rôle de Ger-
main. Mlle Girard, fidèle à ses habitudes, met beaucoup d'esprit, de
finesse et de verve dans celui de Sylvie, et M. Sainte-Foy nst un
père Jérôme parfait de tout point. Il faut l'entendre dans le petit
récit dont j'ai parlé ! Vraiment, il le dit en maître.
Léon DUROCHER.
MINISTERE DE LA MAISON DE L'EMPEREUR
ET DES BEAUX -ARTS.
Surintendance des Eeain-.irts.
Une médaille en or, de la valeur de 500 francs, est offerte à
l'auteur des paroles de la cantate qui sera choisie pour être donnée,
cette année, comme texte du concours du grand prix de Rome, pour
la composition musicale.
Cette cantate doit être à trois personnages ; elle est destinée à
être chantée par un soprano, un ténor et un baryton ou basse-taille ;
elle devra renfermer un ou au plus deux airs, un seul duo et un
DE PArllb.
159
trio final, chacun de ces morceaux étant séparé du morceau suivant
par un récitalif.
Les cantates devront être adressées, par paquet cacheté, au secré-
tariat du Conservatoire impérial de musique, rue du Faubourg-Pois-
sonnière, 15, avant le mercredi 8 juin, terme de rigueur. Chacune
des pièces de vers contiendra, dans un billet cacheté, le nom de
l'auteur et l'épigraphe placée en tête du manuscrit.
Il ne sera reçu à ce concours que des pièces inédites. Les ma-
nuscrits ne seront point rendus.
Les concours pour les musiciens auront lieu ainsi qu'il suit ;
Concours d'essai. — Entrée en loges le samedi 28 mai, à 10
heures du matin.
Concours définitif. — Entrée en loges le samedi 11 juin, à midi ;
sortie de loges le mardi 5 juillet, à midi. Jugement préparatoire le
vendredi 15 juillet; jugement définitif le samedi 16 juillet.
NOUVELLES.
**„ L'Opéra a donné lundi une belle représentation de la Muette ;
mercredi, le Trouvère et Diavolina ; vendredi, le Docteur Magnus, Giselle
et le Marché des Innocents,
*** Villaret, de retour à Paris, rentre demain dans le rôle d'Eléazar
de la Juive.
*** On pense que l'opéra de Mermet, Roland à Roncevaux, pourra
être représenté vers la fin du mois.
*** On annonce l'engagement à l'Opéra d'une cantatrice, Mme Pascal,
qui débutera dans le rôle de Mathilde, de Guillaume Tell,et dans celui
de Berthe, du Prophète. On en dit beaucoup de bien.
t*t Lorsque le ballet de Fiametta fut donné à Saint-Péterbourg, sur
le théâtre impérial, le correspondant de la Gazette musicale lui en en-
voya le compte rendu. C'est ce même ballet que Saint-Léon s'occupe
de monter à présent à l'Opéra, en y apportant quelques modifications.
La musique est d'un violoniste attaché à l'orchestre du grand théâtre de
Moscou; il se nomme Mincus.
„** Le titre définitif de l'opéra-comique de M. Clapisson qui va en-
trer en répétitions est : On ne meurt pas d'amour. Les paroles sont de
MM. de Leuven et J. Moinaux. — On annonce pour mercredi la re-
prise de l'Eclair, chanté par Achard, Capoul, Mmes Cico et Bélia.
*** Mardi on a donné, au théâtre italien, Rigolclto. On sait que ce
rôle avait été écrit en Italie pourVaresi. Ce chanteur l'avait choisi
pour se faire entendre à Paris, où il paraissait pour la première fois. 11
Ta interprété en homme de talent ; toutefois il lui eût été plus avanta-
geux de ne pas attendre si tard pour se produire à Paris. — Delle-Sedie
a quitté Paris pour se rendre à Londres— Puisque Mme Fanny Gordoza
tenait à se faire entendre au moins une fois avant la clôture du théâtre
Italien, constatons qu'elle y est parvenue et qu'elle n'a eu qu'à s'en
féliciter. C'est dans le rôle de Violetta, de la Traviaia, que Mme Gor-
doza s'est essayée, et elle a prouvé qu'elle ne manquait ni de voix ni de
sentiment dramatique.
»** On annonce le rengagement par le directeur du théâtre Italien
pour la saison prochaine de Mmes Marchisio et Charton-Demeur, de
même que de MM. Agnesi, Antonucci et Marchesi.
„% La caisse de secours de la Société des auteurs et compositeurs
dramatiques avait obtenu de la gracieuseté de S. M. l'Empereur qu'une
représentation à son bénéfice aurait lieu au théâtre impérial de l'Opéra.
M. Bagier a voulu, de son propre mouvement, venir aussi en aide à
cette utile association, et les artistes du théâtre Italien ont tenu à
honneur d'y prêter leur concours. Donc, mardi, 19, aura lieu cette re-
présentation extraordinaire. Fraschini chantera trois rôles de son ré-
pertoire : le deuxième acte de Lucrezia Borgia, avec Mme Spezzia et
M. Aldighieri ; le deuxième acte du Ballo in Maschera, avec Mmes
Spezzia, de Méric-Lablache et Vanderbeck, MM. Aldighieri, Antonucci,
Marchetti, Mercuriali et Arnoldi; le quatrième acte de Rigoletto, avec
Mmes de Lagrange et de Méric-Lablache, MM. Varesi et Marchetti.— Les
artistes du Gymnase, Mmes Mélanie et Delaporte, MM. Derval et Dieu-
donné, joueront une comédie en un acte de M. de Saint-Rémy : les Bons
conseils ; Louis Diemer exécutera une Tarentelle inédite de Rossini (avec
traversée de la procession) ; un intermède de danse dont l'affiche don-
nera le détail, et Un mari dans du colon, joué par Dupuis et Alphonsine,
du théâtre des Variétés, compléteront ce programme aussi varié qu'at-
trayant. Le prix des places ne sera pas augmenté.
„% Mme Ugalde est engagée pour la saison prochaine au théâtre Ly-
rique.
„** La fermeture du théâtre des Bouffes-Parisiens aura lieu à la fin
de ce mois, et les Géorgiennes continueront jusque-là d'être jouées.
3% Notre savant collaborateur M. Fétis vient d'arriver à Paris.
.„*„ A la suite des concerts de la saison aux Tuileries, S. M. l'Empe-
reur a envoyé à Mme Carvalho deux magnifiques vases de la manufac-
ture impériale de Sèvres.
+% Le ténor Severini continue ses débuts au théâtre royal de Stock-
holm avec le plus grand éclat. Le succès qu'il vient d'obtenir dans le
Trovalore est en même temps un succès pour son maître M. Panofka.
Les journaux font ressortir l'excellente méthode, la belle diction et la
variété du coloris de la voix de ce jeune artiste à qui le public a rede-
mandé l'adagio du grand air, et qu'il a rappelé après le Miserere. Par
le temps de disette actuelle de ténors, l'apparition d'un artiste jeune,
intelligent, à voix fraîche et sympathique et qui sait chanter, est une
véritable bonne fortune.
*** Une circulaire portant réglementation de la liberté des théâtres,
proclamée en principe par un décret de l'Empereur, vient d'être adres-
sée à MM. les préfets. Cette circulaire maintient le principe de la li-
berté des théâtres, mais elle la limite aux théâtres seuls, en ce sens
qu'aucun établissement quelconque qui ne serait pas un théâtre n'est
autorisé à jouer les pièces qui constituent particulièrement une repré-
sentation théâtrale. — Ainsi les cafés chantants, non-seulement n'au-
raient pas le droit de jouer des opéras ou des comédies, mais les dan-
ses, les travestissements, les chansons mêlées de prose et de vers leur
seraient interdits. Ils pourront empiéter sur le domaine des théâtres,
mais à la condition de se transformer en théâtres, c'est-à-dire d'avoir
des salles de spectacle construites dans les conditions d'hygiène, de
salubrité et de sécurité publique prescrites par la circulaire.
j.*,, Une manifestation analogue àcelle qui s'estproduite au théâtre de
la Monnaie, à Bruxelles, a eu lieu au Grand-Théâtre de Marseille, le jour où
y est parvenue la nouvelle de la mort de Meyerbeer. Elle a été accueillie
par les plus enthousiastes démonstrations.
„,** Nous avons plusieurs fois constaté le talent que Mme Charlotte
Dreyfus a acquis comme organiste. Dans une très-belle soirée musicale
et dramatique donnée dernièrement à la salle Herz, elle en a de nou-
veau donné une preuve éclatante en jouant sur l'orgue Alexandre
deux nouveaux morceaux de sa composition (car Mme Dreyfus n'est
pas seulement une virtuose hors ligne), une fantaisie sur Guillaume Tell
et la marche militaire du 101e. Les effets tirés de l'instrument par
Mme Dreyfus, les nuances obtenues ont enthousiasmé l'auditoire qui l'a
chaleureusement applaudie. — Dans un proverbe et une comédie joués
comme intermèdes, Mme Armand a également obtenu beaucoup de
succès.
n?* Louis Engel, de retour de Madrid, a passé par Paris cette semaine
pour se rendre à Londres, où l'attendent ses nombreux élèves. La veille
de son départ, Sa Majesté la reine d'Espagne lui avait fait remettre six
magnifiques boutons en brillants « en souvenir du plaisir que le talent
de M. Engel avait fait à Leurs Majestés. »
„,** Dans un procès intenté à M. B. Ullmann, directeur des concerts de
Mlle Carlotta Patti, ce dernier a été appelé à justifier des recettes qu'il
avait faites du 7 janvier au 7 avril. 11 a été constaté que le produit
des concerts qu'il a donnés durant cette courte période de trois mois,
s'était élevé à 221,395 francs. Dans cette somme, Bruxelles (3 concerts)
figure pour environ 10,000 francs, la Belgique pour 24,000 francs,
Amsterdam (9 concerts) pour 45,000 francs, Cologne (1 concert) pour
7,000 francs; Aix-la-Chapelle, Elberfeld, d'autres villes de même impor-
tance, chacune pour 4,000 francs. Les honoraires touchés par Mlle Car-
lotta Patti, durant ces trois mois, se montent à près de 80,000 francs.
Cette somme pourrait paraître énorme : mais il faut se rappeler que
cette artiste, en quatre-vingt dix jours, a chanté au moins dans
soixante concerts.
**„. L'assemblée générale des membres de l'Association des artistes
musiciens aura lieu le jeudi 19 mai, à 1 heure, dans la grande salle
du Conservatoire impérial de musique et de déclamation. Les sociétaires
sont convoqués pour entendre la lecture du rapport sur les travaux de
l'année 1863 et procéder à l'élection de douze membres du comité.
*% A. Jaëll, le célèbre pianiste, vient de signer avec M. L'ilmann,
l'imprésario américain, un engagement pour la saison musicale de 1864-
1865.
„,*„. Un jeune ténor, M. Paul Valbert, vient de se produire avantageu-
sement dans un concert donné par lui la semaine dernière, à la salle
Pleyel-Wolff, avec le concours de Bussine, Telesinski, Gariboldi et
Mlles Chaudesaigues et de Verginy. M. Valbert a chanté plusieurs
morceaux d'un style différent qui ont fait apprécier le charme et la
flexibilité d'une voix qu'il conduit avec une bonne méthode. Il y a de
l'avenir dans ce jeune artiste qui a été fort applaudi.
**„, Nous apprenons que trois séances musicales d'un haut intérêt ont
eu lieu les 10, 11 et 12 mai, à l'occasion de l'inauguration du grand
orgue qui vient d'être placé dans l'église du pensionnat des Chartreux,
à Lyon, par la Société anonyme ; Etablissements Merklin-Schùtze. Les
organistes appelés à faire ressortir les avantages de cet instrument
160
RKVL'E ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
étaient: MM. Ed. Batiste et Renaud de Vilbac, de Paris, et MM. Widor
et Ruest, de Lyon.
*% Le Jugement de Dieu, dont nous constatâmes le succès lors de sa
première apparition à Marseille, n'a pas été moins bien accueilli à
Rouen. Le critique distingué du Journal de Rouen, M. Amédée Mereaux,
dont l'opinion fait autorité, nous adresse sur cette œuvre de M. Morel
les lignes suivantes :
« M. Auguste Morel est un artiste convaincu ; il est épris de son art;
il l'a étudié à fond et avec amour, conservant après de longs travaux
toutes ses illusions musicales. Aussi est-il mélodiste distingué; aussi sa
mélodie est-elle toujours en situation et bien appropriée au caractère,
à la physionomie, à l'expression scénique des figures qu'elle anime musica-
lement. Quant à l'orchestration, il la traite avec la supériorité d'un
maître et f.n musicien qui a écrit d'excellents quatuors pour instruments
à cordes ; avec un colons plein de goût, d'effet et de vérité.
» C'est dans ces conditions tout à fait artistiques qu'il a écrit sa par-
tition du Jugement dernier. La facture en est correcte et large, le sen-
timent dramatique y est énergiquement développé, l'action scénique est
graduée avec infiniment d'art. Cette partition est l'œuvre d'un grand
musicien. »
*% M. Vincent, membre de l'Institut, a communiqué à l'Académie
des inscriptions et belles-lettres, dans sa séance du 27 janvier dernier,
des recherches très-intéressantes faites par 1 ui sur la Messe grecque qui
se chantait autrefois à l'abbaye royale de Saint-Denis, le jour de l'oc-
tave de la fête patronale. Cette communication, insérée d'abord par la
Revue archéologique, vient de paraître en brochure in-8" chez Didier et
C, libraires-éditeurs.
+% Notre collaborateur Arthur Pougin a résumé en quelques pages,
sous le titre de Notes biographiques, la vie artistique de Meyerbeer. et il y
a joint le catalogue complet de ses œuvres. C'est une publication dont
l'intérêt n'a pas besoin d'être signalé.
**« Le pré Catelan offre aujourd'hui, dimanche de la Pentecôte, à ses
élégants habitués, un concert dont le riche programme mérite l'atten-
tion des amateurs de bonne musique. Tout Paris pourra applaudir ce
jour-là les solistes sans rivaux qui portent les noms de : Danbé, Taffanel,
Moreau et Touzard. — Demain, lundi de la Pentecôte, grande fête de
bienfaisance pour le tirage de la loterie annuelle de l'œuvre des appren-
tis et jeunes ouvrières de la ville de Paris. Les préparatifs sont mer-
veilleux : la fête sera splendide.
*** On nous écrit de Bruxelles que Mme veuve Garcia vient d'y mourir
subitement. Femme du célèbre chanteur et professeur de chant de l'épo-
que, elle était la mère de Mme Malibran, de Mme Pauline Viardot et de
M. Garcia. C'était une femme de grand mérite. Elle a écrit les paroles
des chansons espagnoles que son mari composait avec tant de succès.
Morte à quatre-vingt-deux ans, elle ne connaissait aucune des infirmi-
tés de la vieillesse.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
+% Boulogne. — Le concert donné le 6 de ce mois par la Société
philharmonique au profit des pauvres a été des plus brillants. On y a
entendu M. Agnesi, baryton, qui a chanté avec une belle voix et beau-
coup de talent l'air de Maometto, la chanson à boire du Songe et le
Fils du Corse; Mlle Astieri, jeune cantatrice d'avenir, et l'excellent vio-
loniste Sighicelli, fort aimé de notre public, qu'il a une fois de plus
enthousiasmé. L'orchestre, sous la direction de M. Cliordard, a exécuté
avec beaucoup d'ensemble les ouvertures de la Sirène et de Poète et
musicien, de Suppé.
CHRONIQUE ETRANGERE.
„*, Bruxelles. — Une scène touchante s'est passée mardi 10 mai au
théâtre royal de la Monnaie, à propos de la représentation des Hugue-
nots. M. Bertrand et Mme Meillet, rappelés après le grand duo du qua-
trième acte, qu'ils avaient du reste admirablement chanté, sont rentrés
en scène avec une couronne d'immortelles voilée d'un crêpe funèbre.
Ils l'ont remise au chef d'orchestre, M. Hanssens, qui l'a déposée reli-
gieusement sur la partition de Meyerbeer. Puis, s'éloignant de son
pupitre, M. Hanssens s'est incliné avec respect devant cotte œuvre
impérissable du maître. Des applaudissements unanimes et prolongés
ont accueilli cette manifestation aussi simple qu'imposante; il semblait
que le public et l'orchestre se confondissent dans un même sentiment
d'admiration et de regret pour adresser un triste et dernier adieu à
l'illustre compositeur. — La soirée de mercredi dernier comptera parmi
les plus brillantes de l'année au théâtre delà Monnaie. La reprise de Gi-
ralda, le délicieux opéra d'Ad. Adam, a obtenu un immense succès. Les
Rendez-vous bourgeois, qui terminaient le spectacle, ont été accueillis par
le public avec une faveur marquée — La distribution des prix aux
élèves du Conservatoire a eu lieu dimanche dans la salle du palais du-
cal. Elle a été honorée de la présence du roi et des princes. M. Talion,
président de la commission administrative, a pris la parole et a con-
staté les progrès immenses accomplis dans l'établissement depuis 1833,
époque à laquelle la direction en fut confiée à M. Fétis. Un très-beau
concert, sous la direction de M. Fétis, a brillamment clos la solennité.
**„ Londres. — C'est samedi qu'Adelina Patti a reparu sur le
théâtre italien de Covent-Garden. Avec elle est revenue la foule qu'elle
a le privilège d'attirer. Elle avait choisi le Barbier pour sa rentrée ; la
représentation a été splendide et a offert une surprise couronnée d'un
très-grand succès. La jeune et charmante cantatrice avait remplacé, dans
la leçon de musique, les chansons espagnoles qui lui valaient des applau-
dissements certains, par l'air plus sérieux de BcV raggio de Semiramide,
que Rossini lui-même avait voulu arranger pour elle cet hiver et qu'elle
a remarquablement chanté. En général, la presse anglaise s'accorde
à constater qu'Adelina Patti, sans rien perdre de l'éclat et de la
fraîcheur de ses notes élevées, a beaucoup gagné depuis la saison der-
nière en force et en douceur, particulièrement dans le médium et dans
les notes basses, et qu'elle a fait de grands progrès dans l'art de nuan-
cer son chant. Tous les journaux la proclament d'ailleurs o la chan-
teuse sans pareille. » — Au théâtre de Sa Majesté, les Joyeuses Com-
mères de Windsor, sous le titre de Falstaff, ont été représentées déjà
deux fois. L'opéra de Nicolaï a été fort bien accueilli; il était inter-
prété par Giuglini, Junca, Santley, Gassier, Aless. Bettini, Mlle Vitali,
Mlle Bettleheim et Mme Tietjens qui ont rivalisé de talent. Les cos-
tumes et les décors sont d'une grande vérité et très-beaux. — La
tournée artistique de M. et Mme Marchesi est accomplie. Le couple
chanteur est revenu ici, après avoir parcouru l'Angleterre, l'Irlande,
l'Ecosse, et chanté avec beaucoup de succès dans les principales
villes des trois royaumes des airs classiques et des duos bouffes sou-
vent bissés. — La troisième matinée de l'Union musicale devait un
nouvel intérêt à la présence de Léon Jacquard, l'habile violoncelliste
français. Dans le quatuor en fa, de Beethoven, il a montré surtout les
qualités qui le distinguent : belle sonorité, justesse parfaite, archet
élégant, style exempt d'affectation, de recherche. Trois études caracté-
ristiques de sa composition lui ont valu de chaleureux bravos. — Les
frères Henri et Joseph Wieniawski sont attendus ici. — Lotto est de
retour à Londres après un voyage des plus brillants.
t* ^Francfort-sur-le-Mein, 9 mai. — Aujourd'hui, à midi, a été inaugurée
la statue de Schiller, au milieu d'un concours immense. Les bourg-
mestres régnants, le Sénat, le Corps législatif, les officiers et généraux
assistaient à cette cérémonie. Tous les regards se fixaient avec intérêt
sur un petit-fils du grand poëte, M. de Gleichen-Thienen. La fête a
commencé parle chœur de Mendelssohn « Aux Artistes, » exécuté, par
la Liederkranz et l'élite des sociétés de chant. Après le discours pro-
noncé par M. Momsen, on a chanté des strophes de M Hornseck, mises
en musique par M. Bischoff.
*** Leipzig. — Dans le courant d'avril, le théâtre de la ville a donné
deux représentations de Martha, de Flotow, et deux cVAlessandro Stra-
della ; on a joué aussi le Vampire et la Fille du Régiment.
*** Berlin. — Au théâtre royal, nous avons eu une représentation
satisfaisante de Fidelio. Dans le rôle principal. Mlle Marie Schmidt s'est
montrée excellente cantatrice, et, de plus, elle a rendu la partie si
dramatique de ce rôle avec l'accent le mieux senti de la passion. — La
reprise à'Olympic, opéra de Spontini, a été froidement accueillie ;
Mme Harriers-Wippern et Mlle de Ahna ont cependant déployé toutes
les ressources de leur talent pour faire valoir les rôles d'Olympie et de
Statire. — Le célèbre ténor Niemann donnera des représentations au
théâtre de la cour. Pour ses débuts il a choisi Fernani Cortcz ; puis il
chantera Robert le Diable.
ç** Vienne. — Le Prophète, qui a été donné pour la première fois le
28 février 1850, en est aujourd'hui à sa cent soixante-septième repré-
sentation. — Au théâtre Italien on avait préparé Parisina ; mais une
indisposition ayant empêché MmeBarbot d'en suivre les répétitions, on
remplacera cet opéra par celui de Sa/fo.— Le Trovatore a été joué le 9
mai avec Mongini et la Lotti-Santa. La signora Lotti était en voix et a
très-bien chanté. Mongini a été constamment applaudi.
„,*„ Munich. — Le chambellan baron de Perfall vient d'être nommé
intendant de la musique de la cour. — Mme Dustmann, dont un fâcheux
enrouement paralysait les moyens, a fait ses adieux au public dans le
rôle de Valentine ; le ténor Ferenezy a eu du succès dans celui de
Raoul.
illlTC ^ous annonÇ°ns ^ nos lecteurs le projet de vente d'un des
AVlJj. meilleurs magasins de musique fondé depuis environ cin-
quante ans dans une de nos plus grandes villes de France. C'est même
dans ladite ville le seul établissement spécial ne ce genre . —S'adresser,
pour les renseignements, au bureau de la Gazette musicale.
Le Directeur : S. DUl'OUR.
PARIS — llirniNEBIE CENTRALE DE NA.POILON CHA.IX ET Cc, HUE DERGEHE, 20.
BUREAUX A PARIS "■ BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dons les Départements et q l'Étranger,
lez tous les Marchands de Musique, les Libraire:
et aui Bureaux des Messogcries et des Postes.
W 21.
REVUE
22 Mai 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r.paran
Départements, Belgique et Suisse — 3Û . id.
Étranger M " "L
Le Journal paraU le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Giacomo Meyerbeer (5e et dernier article), par Fétis père.
— Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : reprise de l'Eclair, par Léon Bu-
rocher, — Association des artistes musiciens, assemblée générale. — Audi-
tions et concerts. — Concours d'orphéons, de musiques d'harmonie et de fanfares,
ouvert à Saint-Denis, le 8 mai 1854, par Em. Mathieu de Monter. —
Ministère de la Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts, surintendance générale
des théâtres. — Nouvelles et annonces.
MEYERBEER (Giacomo).
(5* et dernier article) (1).
Depuis longtemps Meyerbeer s'était proposé d'aborder la scène de
l 'Opéra-Comique et d'essayer son talent dans le domaine de la comédie.
A cette pensée s'était associée celle de trouver un cadre à la scène
française pour y introduire une partie de la musique du Camp de
Silésie; mais, ainsi qu'on l'a vu pour d'autres ouvrages, le sujet de
V Etoile du Nord, choisi dans ce but, a fini par transformer les idées
du compositeur, et, de toute la partition du Camp de Silésie, il n'est
resté que six morceaux dans la partition française.
L'Étoile du Nord fut représentée à Paris le 16 février 1854. Dès
le premier soir, le succès fut décidé ; les morceaux principaux de la
partition furent accueillis avec des transports d'enthousiasme ; deux
cent cinquante représentations n'en ont pas diminué l'effet. Cepen-
dant, l'entreprise avait été hasardeuse pour le maître ; car ce ne fut
pas sans un vif déplaisir que les compositeurs français lui virent
aborder une scène qui semblait devoir lui être interdite par la na-
ture même de son talent. Depuis longtemps 1 opéra-comique est
considéré avec raison comme l'expression exacte du goût français en
musique. Pour y obtenir des succès, il y faut porter des qualités plus
fines, plus élégantes, plus spirituelles que passionnées ; qualités qui
ne paraissaient pas appartenir au talent de Meyerbeer, dont l'expres-
sion dramatique est éminemment le domaine.
En voyant ce talent s'engager dans une voie qui n'avait pas été la
sienne jusqu'alors, il n'y eut pas seulement du mécontentement parmi
les artistes : l'espoir consolant d'une chute s'empara de leur esprit.
(1) Voir les n"' 15, 16, 17 et 18.
Certains journaux s'associèrent à ces sentiments ; ils atténuèrent le
succès autant que cela se pouvait, affectant de le considérer comme
le résultat de combinaisons habiles, et prédisant, comme on l'avait
fait pour les autres ouvrages du maître, la courte durée de ce même
succès. Cette fois encore, les prédictions se trouvèrent démenties
par le fait, de la manière la plus éclatante. En général, la critique
n'a pas été favorable à Meyerbeer ; pendant trente ans environ, elle
s'est exercée sans ménagement sur son talent et sur ses produc-
tions ; mais il est remarquable que la plupart de ses jugements ont
été cassés par le public. J'entends ici par le public les habitants de
tous les pays ; car la légitimité des succès n'est inattaquable qu'au-
tant que le suffrage universel la constate.
Les mêmes dispositions des artistes et de la presse, les mêmes
circonstances, le même résultat, se reproduisirent lorsque Meyerbeer
fit représenter à l'Opéra-Comique de Paris, le U avril 1859, uu nou-
vel ouvrage intitulé : le Pardon de Ploërmel. A vrai dire, il n'y a
pas de pièce dans cette légends bretonne mise sur la scène : tout le
mérite du succès appartient au musicien. Ce succès n'a pas eu moins
d'éclat que les précédents obtenus par l'illustre compositeur. Son ta-
lent n'y avait pas trouvé, comme dans les ouvrages précédents, à
faire usage de ses qualités de grandeur et de force ; c'est par un cer-
tain charme mélancolique, la grâce et l'élégance, qu'il y brille ;
mais, bien que le style soit différent, le maître s'y fait reconnaître
par mille détails remplis d'intérêt dont il a seul le secret.
Dans le conflit d'opinions diverses qui s'est produit depuis le pre-
mier grand succès de Meyerbeer, une seule chose n'a pas été con-
testée, à savoir, l'originalité de son talent. Ses antagonistes les plus
ardents ne la lui ont pas refusée. On a dit qu'il n'a pas d'inspira-
tion spontanée ; que ses mélodies manquent de naturel et qu'il se
complaît dans les bizarreries ; enfin, on lui a reproché de faire aper-
cevoir partout dans sa musique l'esprit de combinaison et d'analyse
au lieu de l'essor d'une riche imagination ; mais personne n'a pu lui
refuser cette qualité précieuse d'une manière si originale qu'elle ne
rappelle rien de ce qu'ont fait les autres maîtres. Tout ce qu'il a
mis dans ses ouvrages lui appartient en propre ; caractère, conduite
des idées, coupe des scènes, rhythmes, modulations, instrumenta-
tion, tout est de Meyerbeer et de lui seul, dans Robert le Diable,
dans les Huguenots, dans le Prophète, dans Struensée, dans l'Etoile
du Nord et dans le Pardon de Ploërmel. Que faut-il davantage pour
162
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
être compté au nombre des plus grands artistes mentionnés dans
l'histoire de la musique ? Qu'on ajoute à cela ses succès universels
et prolongés, et qu'on juge de ce qui reste de l'opposition que ses
adversaires lui font depuis si longtemps!
Membre de l'Institut de France, de l'Académie royale de Belgique,
de celle des beaux-arts de Berlin, et de la plupart des académies
et sociétés musicales de l'Europe, Meyerbeer est premier maître de
chapelle du roi de Prusse. Il est décoré de l'ordre du Mérite de
Prusse, qui n'a qu'un seul grade ; et commandeur des ordres de la
Légion d'honneur, de Léopold, de Belgique, et de la Couronne de
Chêne, de Hollande; chevalier de l'ordre du Soleil, du Brésil, de
l'Etoile Polaire, de Suède, de l'ordre de Henri de Brunswick, et de
plusieurs autres.
La liste générale des œuvres de ce maître se compose de la ma-
nière suivante :
Opéras et musique dramatique : 1° les Amours de Thevelinde (en
allemand), monodrame pour soprano, chœur et clarinette obligée,
dont l'instrumentiste figurait comme personnage du drame, exécuté
à Vienne, en 1813, par Mlle Harlass et Baermann. 2° Abimeleck, ou
les Deux Califes (en allemand, Wirth und Gast), opéra bouffon en
deux actes, au théâtre de la cour de Vienne, en 1813. 3° Romilda e
Costansa, opéra sérieux italien, représenté, le 19 juillet 1813, au
théâtre Nuovo de Padoue. 4° Semiramide riconosciuta, opéra sérieux
de Métastase, représenté au théâtre royal de Turin, pour le carna-
val de 1819. 5° Emma diResburgo, opéra sérieux, représenté, pen-
dant la saison d'été, au théâtre San Benedetto de Venise, et traduit
en allemand sous le titre d'Emma di Leicester. 6° Margherita d'An-
jou, opéra semi-seria, de Romani, représenté au théâtre de la Scala,
à Milan, le 14 novembre 1820, puis traduit en allemand et en fran-
çais. 7° L'Esule di Grandta, opéra sérieux de Romani, représenté au
même théâtre, le 12 mars 1822. 8° Almansor, opéra sérieux de
Romani, écrit à Rome dans la même année, mais non terminé, à
cause d'une maladie sérieuse du maître. 9° La Porte de Brandebourg,
opéra allemand en un acte, écrit à Berlin, en 1823, mais non re-
présenté. 10° Il Crociato in Egitto, opéra héroïque, de Rossi, re-
présenté au théâtre de la Fenice, à Venise, au carnaval de 1824.
11° Robert le Diable, opéra fantastique en cinq actes, par Scribe et
Delavigne, représenté à l'Académie royale de musique de Paris, le
21 novembre 1831. En 1839, Meyerbeer y a ajouté une scène et une
prière pour le ténor Mario, dans la traduction italienne. 12° les Hu-
guenots, opéra sérieux en cinq actes, de Scribe, représenté au
même théâtre, le 21 février 1836. Le rôle du page, chanté par l'Al-
boni, à Londres, en 1848, a été augmenté d'un rondo par Meyerbeer.
13° Le Camp de Silésie, opéra allemand de Rellstab, représenté le
7 décembre 1840, pour l'ouverture du nouveau théâtre royal de
Berlin. 14° Struensée, musique pour la tragédie de ce nom, compo-
sée d'une grande ouverture, de quatre entr'actes très-développés,
dont un avec chœur, et de scènes de mélodrame, exécutée à Berlin,
le 19 septembre 1846, pour l'ouverture du théâtre royal. 15° le Pro-
phète, opéra sérieux en cinq actes, représenté à l'Académie natio-
nale de musique, le 16 avril 1849. 16° L'Étoile du Nord, opéra de
demi-caractère, en trois actes, de Scribe, représenté au théâtre de
l'Opéra-Comique de Paris, le 16 février 1854- 17° Le Pardon de
Ploërmel, opéra-comique, représenté à Paris, le 4 avril 1859.
18° L'Africaine, grand opéra en cinq actes, refait sur un sujet nou-
veau, et non encore représenté.
Oratorios : 19° Dieu et la Nature, oratorio allemand, exécuté à
Berlin, le 8 mai 1811. 20° Le Vœu de Jephté, oratorio en trois actes
et en action, représenté au théâtre royal de Munich, le 27 janvier
1813.
Cantates : 21° Sept cantates religieuses de Klopstock, à quatre
voix sans accompagnement. 22° A Dieu, hymne de Gubitz à quatre
voix. 23° Le Génie de la musique à la tombe de Beethoven, solos avec
chœurs. 24° Cantate à quatre voix avec chœur pour l'inauguration
de la statue de Gutenberg, à Mayence, exécutée, en 1838, par un
chœur de douze cents voix d'hommes. 25° La Fête à la cour de Fer-
rare, grande cantate, avec des tableaux, composée pour une fête
donnée par le roi de Prusse, à Berlin, en 1843. 26° Marie et son
génie, cantate pour des voix solos et chœur, composée pour les fêtes
du mariage du prince Charles de Prusse. 27° La Fiancée conduite à
sa demeure (sérénade), chant à huit voix (a capella), pour le ma-
riage de la princesse Louise de Prusse avec le grand-duc de Bade.
28° Marche des archers bavarois, grande cantate, poésie du roi Louis
de Bavière, à quatre voix et chœur d'hommes, avec accompagne-
ment d'instruments de cuivre, exécutée à Berlin en 1850. 29° Ode
au sculpteur Rauch, pour voix solos, chœur et orchestre, exécutée à
l'Académie des beaux-arts à Berlin, le 4 juin 1851, à l'occasion de
l'inauguration de la statue de Frédéric le Grand. 30° Hymne de fête
à quatre voix et chœur, chantée le 4 juin 1851, au palais royal de
Berlin, pour le vingt-cinquième anniversaire du mariage du roi de
Prusse. 31° Amitié, quatuor pour voix d'hommes.
Musique religieuse : 32° Le 91e psaume, à huit voix, composé
pour le chœur de la cathédrale de Berlin, et publié en partition,
à Paris, chez Brandus et Ce. 33° Douze psaumes à deux chœurs
sans accompagnement, non publiés. 34° Stabat mater (inédit). 35°
Miserere (idem). 36° Te Deum (idem). 37° Pater noster (a capella).
Mélodies (avec accompagnement de piano) : 38° Le Moine, pour
voix de basse. 39° La Fantaisie. 40° Le Chant de mai. 41° Le Poêle
mourant. 42° La Chanson de Floh. 43° Le Cantique du Dimanche.
44° Rans des Vaches d'Appensell, à deux voix. 45° Le Baptême.
46° Le Cantique du Trappiste, pour voix de basse. 47° Le Pénitent.
48° La Prière des Enfants, à trois voix de femmes. 49° La Fille de
l'air. 50° Les Souvenirs. 51° Sule'iha. 52° Le Sirocco. 5S° Le Pre-
mier amour. 54° Elle et Moi. 55° La Sicilienne. 56° A une jeune
Mère. 57° Nella. 58° Printemps caché. 59° La Barque légère. 60° La
Mère-grand' , à deux voix. 61° Ballade de la reine Marguerite de Va-
lois. 62° Le Vœu pendant l'orage. 63° Les Feuilles de rose. 64° Le
Fou de Saint-Joseph. 65° Rachel à Nephtali. 66° La Marguerite du
poète. 67° La Sérénade. 68° Sur le balcon. 69° La Dame invisible,
à deux voix. 70° Chanson des moissonneurs vendéens. 71° Le Délire.
72° Seul. 73° C'est elle. 74° Guide au bord ta nacelle. 75° Le Jardin
du cœur. 76° Mina, chant des gondoliers vénitiens. Tous ces mor-
ceaux ont été réunis avec le Génie de la musique au tombeau de
Beethoven, dans le recueil intitulé : Quarante Mélodies à une et plu-
sieurs voix, etc.; Paris, Brandus, 1849, un volume grand in-8°.
77° Neben dir (Près de toi), Lied pour ténor avec violoncelle obligé.
78° Der Jager Lied (le Chant du chasseur), pour voix de basse, avec
des cors obligés. 79° Dichters Wahlsprach (Devise du poëte), canon
à trois voix. 80° A Venezia, barcarolle. 81° Der Schafers Lied
(Chanson du berger), pour ténor, avec clarinette obligée. 82° Trois
chansons allemandes, Murillo, les Lavandières, Ja und nein (Oui et
non). 83° Beaucoup de pièces vocales pour des albums, et autres
choses de moindre importance.
Musique instrumentale : 84° Première danse aux flambeaux pour
un orchestre d'instruments de cuivre, composte pour les noces du
roi de Bavière avec la princesse Guillelmine de Prusse, en 1846.
85° Deuxième danse aux flambeaux, pour les mêmes instruments,
composée pour les noces de la princesse Charlotte de Prusse, en
1850. 86° Troisième danse aux flambeaux , pour les mêmes instru-
ments, composée pour les noces de la princesse Anne de Prusse, en
1853. 87° Flusieurs morceaux de piano, composés à l'âge de dix-
sept ans, pendant le premier voyage de l'auteur à Vienne.
Depuis l'impression de cette notice dans la Biographie universelle
des musiciens, Meyerbeer a publié : N° 88 Ouverture en forme de
marche, composée pour le grand concert donné à Londres, à l'inau-
guration de l'exposition internationale de 1862. 89° Quatrième danse
DE PARIS.
163
aux flambeaux, composée pour les fiançailles du prince royal de
Prusse avec la princesse Victoria, d'Angleterre. 90° Pater noster
(chœur à quatre voix). 91° Cantique tiré de Y Imitation de Jésus-
Christ, par Thomas a Kempis (d'après la paraphrase de Corneille),
pour un chœur à six voix et une basse solo récitante. 92° Il primo
amore : aria di caméra. 93° Cantate et Schiller-Marsth, composées
pour le 100e anniversaire de la naissance de Schiller, célébré à Paris
le 10 novembre 1859. 94o Marche du couronnement pour deux or-
chestres, exécutée à Kœnigsberg en 1861, pour le sacre du roi
Guuillame 1er.
Plusieurs biographies de Meyerbeer ont été publiées ; celles quj
offrent de l'intérêt, soit par les faiis, soit par le mérite du style,
sont : 1° M. Meyerbeer, par un homme de rien (M. Louis de Lomé-
nie); Paris, 1844, in -8°. 2° Notice biographique sur la vie et les Ira.
vaux de M. Meyerbeer ; Paris, 1846, in-8°. 3" Pawlowski (W.), No-
tice biographique sur G. Meyerbeer; Paris, 1849, in-8° (Extrait de
l'Europe théâtrale). 4° I.-P. Lyser, Giacomo Meyerbeer. Sein Streben,
sein Wirken und seine Gegner (Giacomo Meyerbeer, sa force (de pro-
duction), son influence et ses adversaires). Dresde, 1838, in-8° de
61 pages.
FÉTIS père.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPERA-COMIQUE.
Reprise de l'JEelair.
Est-ce réellement une reprise? Peut-on dire que l'Eclair ait
jamais cessé de figurer au répertoire? On passe, en effet, de temps
en temps, quelques mois sans jouer cette œuvre charmante ; on la
laisse reposer, mais elle est toujours là. Un soldat en congé n'a pas
pour cela quitté le service. Quand on a joué, l'année dernière,
la Fausse Magie, c'était incontestablement une reprise. Si l'on
remettait en scène le Guillaume Tell de Grétry, Stratonïce,
Euphrosine et Coradin, Montano et Stéphanie, Aline, Ma Tante
Aurore, BeniowsM, ou tel autre ouvrage qui a été l'honneur de
l'école française, et qu'on laisse, nous ne savons pourquoi, dans
l'oubli, ce seraient des reprises. Mais y a-t-il donc si longtemps
que l'Eclair a brillé à l'horizon de l'Opéra-Comique?
Reprise ou non, à notre avis on fera toujours bien de jouer
cette pièce habilement faite et spirituellement écrite, où l'intérêt,
concentré sur quatre personnages, ne languit pas un seul instant;
partition pleine de mélodies tantôt légères, fines, gracieuses, tantôt
énergiques et passionnées, qu'accompagnent toujours la plus savante
harmonie et l'instrumentation la plus vivement colorée. Au reste, le
mérite de l'Eclair a été constaté par quelques centaines de repré-
sentations et n'a jamais été contesté sérieusement par personne.
C'est un point établi, universellement reconnu, et sur lequel il paraît
superflu d'insister.
Ce qui semblait donner à cette représentation l'air d'une reprise,
c'est que la distribution des rôles y était entièrement nouvelle.
Mme Bélia joue celui de la jeune veuve avec intelligence et souvent
avec gaieté. Le timbre de sa voix est malheureusement un peu
criard; mais elle prononce bien, et vocalise, quand il le faut, très-
agilement. Mlle Cico est un type de distinction et d'élégance. On
peut lui souhaiter seulement un geste plus précis, une diction plus
naturelle, un accent plus vrai, plus ému. Il n'y a que des compli-
ments à faire à M. Capoul et à M. Léon Achard. La voix de
M. Capoul n'est pas très-forte ni très-étendue : mais il n'y a pas
dans tout son rôle un seul prétexte pour pousser des cris. Il n'y faut
qu'une prononciation agile et nette, une vocalisation facile, de la
gaieté, de l'esprit, le talent de saisir la pensée du compositeur et de
la rendre dans une juste mesure. M. Capoul a tout cela, et l'on
conviendra qu'il n'est pas mal partagé. Il laisse seulement désirer
un peu plus de légèreté, à certains moments, non pas dans son
chant, Dieu merci ! mais dans son débit et dans son jeu. Cela lui
viendra sans doute quand il sera plus maître de lui et qu'il aura plus
complètement pris possession de son rôle.
Celui de Lionnel n'a pas été écrit pour M. Léon Achard. Il demande
des notes graves qu'avait Chollet, et qui manquent à son remplaçant
d'aujourd'hui. En revanche, M. Léon Achard fait vibrer des sons de
poitrine éclatanls comme ceux d'une trompette, mais dont la
vigueur ne dégénère jamais en dureté , dans maint passage
où Chollet se servait à peu près exclusivement de sa voix de
fausset, qu'il liait à sa voix de poitrine par des portamenli
d'un goût contestable. Le rôle de Lionnel a donc aujourd'hui
— musicalement parlant — un tout autre caractère qu'à l'époque de
sa création. Nous le remarquons sans nous en plaindre. Si certaines
phrases graves ont moins d'énergie, les phrases élevées sont plus
accentuées et plus brillantes. Somme toute, il y a compensation.
M. Achard — bien qu'un peu ému peut-être — a fort bien dit le
premier air et notamment la prière qui en forme le milieu. (Nous
nous permettrons seulement de ne point approuver le zèle excessif
qui le pousse à s'agenouiller pour chanter cet andante. Lionnel
raconte que l'on prie à bord avant de se battre, mais, comme il ne
va pas se battre, il ne prie pas. Il est dans le salon d'une maison
de campagne, et non sur le pont de son navire. Il n'a pas devant lui
les canons de l'ennemi, mais la bouteille bordelaise de son interlo-
cuteur. Cet accès de dévotion qui le prend n'est donc pas précisé-
ment à sa place : cela est affecté.) M. Achard ne mérite que des éloges
dans le duo du second acte. C'est là que sa voix de poitrine produit
un effet merveilleux qui a fait crier : bis ! bis ! dans l'orchestre et
dans les loges, aussi bien qu'au parterre. Il n'a pas moins réussi
dans la romance du troisième acte, qu'il chante mezza voce avec
beaucoup de douceur et de sentiment, un excellent style et un
goût exquis. Bref, les interprètes ont plu au public autant que
l'ouvrage.
Léon DDROCHER.
ASSOCIATION DES ARTISTES MUSICIENS.
Assemblée générale.
Le compte rendu présenté par M. Emile Réty, l'un des secrétaires,
commençait en ces termes :
« L'année 1863 a été heureuse pour notre Association.
» La recette, supérieure de plus de 10,000 francs à celle des an-
nées précédentes, s'est élevée à 74,776 fr. 52 c.
» Les dépenses ordinaires ont été de 40,821 fr. 94 c.; et bien que
nous ayons dû en outre affecter une somme de 10,352 francs au
paiement des quatre derniers termes de la soulte à verser au Trésor
pour la conversion de la rente 4 1/2 en 3 0/0, il nous a encore été
possible de consacrer 24,303 fr. 34 c. à l'acquisition de 79 obliga-
tions produisant 1,185 francs d'intérêt annuel et garanti par
l'Etat.
» Au 31 décembre 1863 notre Société possédait 27,690 francs de
rentes.
» Ce développement progressif et constant de notre prospérité
financière, en assurant l'avenir de notre Association, lui permet
aussi d'étendre de plus en plus le cercle de son action bienfai-
sante.
» Il a été distribué en secours et pensions 28,488 fr. 95 c. ; les
frais funéraires et de pharmacie ont été de 541 fr. 50 c. ; les frais
judiciaires, de 180 francs. C'est un total de 29,210 fr. 45 c. réparti
entre 217 sociétaires.
164
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» Les cotisalions ayant produit 21,689 fr. 50 c, les sociétaires
se trouvent avoir reçu 7,520 fr. 95 c. de plus qu'ils n'ont versé. »
A côté d'un résultat si satisfaisant se place un regret trop légi-
time. Croirait-on que sur les quatre mille sept cent soixante-cinq
membres dont l'Association se composait en 1863, plus de mille
aient négligé d'acquitter la faible cotisation fixée par les statuts ?
6 francs par an, 10 sous par mois, 2 sous 1/2 par semaine : c'est
pourtant bien peu; mais ce peu multiplié par le chiffre de 1,000,
aarait donné 6,000 francs de plus à distribuer en pensions et en
secours.
» Après avoir signalé le mal, ajoutait M. Emile Réty, nous aimons
à dire le bien.
» Un certain nombre d'artistes et d'amateurs ne s'en tiennent pas
à la lettre de notre contrat, et s'imposent volontairement un chiffre de
cotisation supérieur à celui que nous serions en droit d'exiger.
» Le premier nom que nous avions à vous citer était celui de
Meyerbeer, ce maître illustre que la mort vient de prendre au mo-
ment où notre scène lyrique espérait, attendait de lui un nouveaa
chef-d'œuvre. 11 appartient à des voix plus autorisées que la nôtre
de parler de ses œuvres impérissables, de dire la grandeur de cette
perte pour l'art que nous servons, pour cet art qu'il aimait, qu'il
honorait, auquel il avait consacré toutes ses veilles, toutes ses pen-
sées, et dont il avait tant agrandi le domaine. Le respectueux hom-
mage que nous venons rendre ici à cette mémoire universellement
honorée, est avant tout un pieux souvenir de reconnaissance. Meyer-
beer n'était pas seulement pour l'association des artistes musiciens
une grande célébrité qui la couvrait de sa gloire. Il était aussi l'un de
ses premiers, de ses plus constants bienfaiteurs. Il y a quelques jours
à peine, fidèle à une habitude de vingt deux années, il nous faisait
parvenir son don annuel. C'était, hélas ! la dernière marque d'intérêt
que nous étions appelés à recevoir de ce génie qui allait sitôt s'é-
teindre en laissant dans nos rangs un vide immense. »
Parmi les membres du comité chez qui la générosité est une ha-
bitude, MM. Manry, Chatenet, Dufrêne, Ermel, Jancourt, Thomas
aîné, Colmet d'Aage, Debez, Richart d'Ambricourt, Delzant, le rap-
porteur distinguait avec raison M. Georges Kastner, qui, dans le cours
de l'année, n'a pas donné moins de 320 francs, et dont la contribu-
tion volontaire, depuis l'origine de l'association, s'élève à près de
5,000 francs.
Le compte rendu de M. Emile Réty, remarquable par l'ordre et
la clarté, a de plus le mérite de rendre une justice exacte à tous les
services rendus, et de ne laisser dans l'ombre aucun des noms aux-
quels une mention était due. « Aimons notre œuvre, a-t-il dit en
terminant : travaillons sans cesse à l'enrichir, en nous appliquant à
la perfectionner sans cesse, et, tout en nous dévouant sans réserve
à la recherche des améliorations possibles, restons fermement atta-
chés à nos grands principes fondamentaux ; à ces principes dont l'in-
telligente application nous a fait réaliser, depuis la fondation de l'As-
sociation, une recette générale de 1,176,323 fr. Z|3 c, et nous a
permis de distribuer en pensions et secours de toutes sortes une
somme totale de 32^,206 fr. 05 c. , tout en amassant un capital de
603,910 fr. 69 c, produisant un revenu de 27,690 francs, et assu-
rant dès à présent et à tout jamais 105 pensions à nos confrères
infirmes ou malheureux.
» Soyons fiers de ce passé. Espérons plus encore de l'avenir, car
nous approchons du moment où les premières pensions de droit
pourront et devront être accordées. »
Des applaudissements prolongés ont accueilli ce rapport, que cou-
ronnait une allocution chaleureuse à M. le baron Taylor, fondateur
et président des cinq associations d'artistes. Ensuite M. le baron
Taylor a pris lui-même la parole pour remercier l'auditoire de ses
témoignages sympathiques et l'engager à suivre son exemple, en
continuant une propagande si féconde en bienfaits.
Plus de cent vingt membres assistaient à la séance, et le scrutin
pour l'élection ou la réélection de douze membres du comité s'est
résumé comme il suit : M. Debez a obtenu 107 voix ; Triebert, éga-
lement 107; Dufrêne, 101 ; Deffès, 97; Jancourt, 96; Emile Rety, 95;
Ratiste, 89; Reine, 88; Strauss, 86; Jules Simon, 84; Marie, 75;
Quantinet, 5?. MM. Strauss et Quantinet ont été nommés en rem-
placement de deux anciens membres.
Quelques jours auparavant, le samedi H mai, la fête de M. le ba-
ron Taylor avait été célébrée pour la quinzième fois dans un ban-
quet nombreux et brillant, donné dans les salons de Douix au Palais-
Royal. Là, d'excellentes paroles avaient encore été prononcées, des
toasts portés à l'homme providentiel qui n'a pas trop mal doté les
associations, qui sont ses filles, puisqu'il a versé dans leurs caisses
une somme ronde de 4 millions.
P. S.
AUDITIONS ET CONCERTS.
H. B. Pisani. — II. Jules Schulhoff («° concert). —M. Fr.
Ferraris. — Hlle Adrienne Pescnel. — Audition an-
nuelle des élèves de SI. W. Krûger. — Quatrième
concert de bienfaisance de la Société académique
de musique sacrée.
Nous voici parvenus à la fin de la saison des concerts, et sans la
catastrophe inattendue qui a mis en deuil le monde musical, et dont
le récit a rempli presque exclusivement nos colonnes, nous aurions
déjà réglé nos comptes avec la plupart des artistes qui ont fait appel
au public dans ces derniers temps. En dépit des jours écoulés, nous
essayerons néanmoins de combler cette lacune, en consacrant quel-
ques lignes à ceux dont nous avons gardé le souvenir.
Le premier nom que nous trouvons sous notre plume est celui de
M. Pisani, qui a donné une fort belle soirée dans la grande salle de
l'hôtel du Louvre, pour y faire entendre quelques-unes de ses com-
positions. Nous ne connaissions M. Pisani que comme l'auteur d'un
opéra de Ladislas, représenté à Constantinople, et l'on conviendra
que c'était une assez mince recommandation que celle d'une noto-
riété conquise sur les rives du Bosphore, lesquelles ne sont pas en-
core considérées comme un centre de dilettantisme, quoiqu'on y
jouisse d'une troupe italienne et que le frère de Donizetti y ait,
pendant un certain nombre d'années, dirigé la musique militaire du
sultan. Mais ce que nous ignorions et ce que nous nous empressons
de constater, c'est qu'avant d'aller briguer les suffrages des enfants
de Mahomet, M. Pisani avait déjà fait ses preuves en Italie, où il
était cité comme un des meilleurs disciples de Mercadante. Cette
circonstance explique les sympathies que ce jeune compositeur a
rencontrées, à Paris, chez les artistes de sa nation, dont le concours
n'a pas été inutile à l'interprétation de ses œuvres. L'excellent or-
chestre des Italiens, conduit par M. Castagnari, ainsi que les chœurs
de ce théâtre, s'étaient mis à ses ordres, et au nombre des solistes
du chant, on comptait M. Marochetti, secondé par Mme Peudefer et
M. Stroheker. Il ne faut donc pas s'étonner si, avec de pareils élé-
ments, les compositions de M. Pisani ont produit tout l'effet dont
elles sont susceptibles. Elles ont généralement fait le plus grand
plaisir. Des chœurs à quatre voix, sans accompagnement, l'ouver-
ture de Ladislas, des mélodies qui rappellent, sans le copier,' le
genre de Félicien David, ont été tour à tour fort applaudis. Mais le
morceau qui a été le mieux accueilli, c'est une fantaisie orientale à
quatre voix, soli et chœurs, et à grand orchestre, composée sur la
poésie de Victor Hugo, intitulée les Djinns. Cette œuvre importante,
qui a les proportions d'un véritable oratorio, révèle un beau et sé-
rieux talent, très-apte aux combinaisons dramatiques les plus éle-
DE PARIS.
165
vées : aussi croyons-nous fermement que le jour où M. Pisani fera
son apparition sur une de nos grandes scènes lyriques, on le saluera
comme un maître.
— Le second concert de Jules Schulhoff n'avait pas excité un moins
vif intérêt que le premier. L'éminent pianiste, qui, soit comme exé-
cutant, soit comme compositeur, ronnaît peu de rivaux, a tenu cons-
tamment son auditoire sous le charme, en jouant plusieurs de ses ou-
vrages qu'on avait entendus déjà, mais qu'on ne se lasserait jamais
de lai faire répéter. Sans parler de la belle sonate de Beethoven,
op. 102, pour piano et violoncelle, qu'il a dite avec Seligmann, et qui
a* été rendue avec une perfection réelle et un sentiment exquis, nous
signalerons, entre autres, sa Polonaise, sa Chanson slave, et cette
magnifique transcription de l'ouverture d'Oberon qui avait soulevé
des transports d'enthousiasme à sa première audition. La voix gra-
cieuse et pure de Mme Barthe-Banderoli a eu sa part des bravos
décernés au bénéficiaire, et ce n'était pas une tâche facile que de se
faire applaudir après Schulhoff, comme elle l'a fait avec les Tre Giorni,
de Pergolèse.
— A la soirée musicale, donnée par M. Fr. Ferraris dans la salle
Herz, on a fêté en lui non-seulement un pianiste élégant et correct,
remarquable surtout par ses qualités de style, mais aussi un compo-
siteur plein de grâce poétique et de savante originalité. Son Souvenir
de Donizetti et sa Monferrina, danse italienne du plus piquant effet,
ont ravi tous les assistants, et le succès de M. Ferraris a été com-
plété par trois morceaux de moindre dimension, une mélodie intitu-
lée les Boses, une barcarolle et une tarentelle, dont on ne peut faire
un éloge plus mérité qu'en disant qu'on les a trouvés trop courts.
— Mlle Adrienne Peschel, qui s'est fait entendre dernièrement chez
Herz, est une jeune et charmante pianiste dont les études au Conser-
vatoire ont été couronnées par un premier prix, et dont le talent,
mûri par une application sérieuse, a encore grandi depuis cette épo-
que. Son jeu distingué et sympathique, qu'on a pu apprécier dans ses
nombreuses auditions, tant en France qu'en Allemagne et en Angle-
terre, lui a valu, l'autre soir, un nouveau triomphe. En abordant à
peu près tous les genres, elle a montré qu'elle savait se plier avec
le même bonheur aux exigences de chacun, et elle n'a pas été moins
bien inspirée en interprétant le cinquième concerto de Henri Herz,
ou la sonate de Beethoven, dédiée à Kreutzer, avec l'aide du violon
de M. White, qu'en jouant plusieurs petits morceaux fort bien choisis
de Chopin, de Mendelssohn et de Bériot fils. Le souvenir de cette
soirée restera comme un des plus agréables de la saison.
— Une audition intime avait réuni, dimanche dernier, dans les
salons Erard, les élèves amateurs qui suivent les cours de M. W.
Kruger , dont on connaît les mérites non moins comme professeur
que comme pianiste compositeur. Tous les morceaux qui ont été
exécutés dans cette séance ont témoigné de la manière la plus bril-
lante en faveur de l'enseignement de M. W. Kruger. Quelques-uns
de ses élèves, qui appartiennent au grand monde, ont interprété en
véritables virtuoses des œuvres de Chopin, de Beethoven, de We-
ber, du prince Poniatowski. Le professeur lui-même a ouvert la
séance en jouant, avec une jeune personne d'un talent fort distingué,
un duo de Lysberg sur Don Juan, pour deux pianos. Dans un se-
cond duo de Mozart, pour piano et violoncelle, M. Eug. Rignault a
prêté à une autre élève de M. Kruger un appui fort digne d'é-
loge. A la suite du concert, deux amateurs ont joué avec infiniment
de verve les Deux Aveugles, cette bouffonnerie d'Offenbach, dont la
représentation est toujours d'un effet irrésistible.
— La Société académique de musique sacrée, dont nous avons
déjà entretenu nos lecteurs cet hiver, destine, comme on sait, le
produit de chacun de ses concerts à une œuvre de bienfaisance. Le
quatrième, qui a eu lieu récemment dans la salle Herz, avait pour
but d'aider à l'achèvement de l'église de Pont-Leroy et de la cathé-
drale de Boulogne-sur-Mer. On y a entendu, comme d'habitude, avec
soli, chœurs et ouvertures, des morceaux de musique classique em-
pruntés aux maîtres des trois derniers siècles, et entre autres, un
très-beau choral à quatre voix, des frères Moraves ; un fragment de
l'oratorio de Salomon, de Hœndel; un Dixit Dominus, de Léonard
Léo, et plusieurs autres ouvrages de l'abbé Clari, de Bononcini, de
Jomelli, de J. J. Gastredi, de Victoria, etc., dont l'interprétation
était confiée à MM. Bussine et Lafont, à Mme Peudefer , à Mlle Ber-
nard des Portes et à Mme la baronne de F., excellente musicienne,
dont bien des artistes envieraient le goût et la méthode. M. Charles
Vervoitte, qui dirige avec tant d'habileté et de zèle ces séances de
charité musicale, a dû être satisfait du résultat de celle-ci, et c'est
avec raison qu'il peut dire que ce qui distingue et honore la Société
dont il est le digne président, c'est qu'elle se sert très-heureuse-
ment de la musique pour faire le bien.
Y.
CONCOURS D'ORPHÉONS,
DE MUSBQBJE D'HABHOmE ET DE FANFARES.
Ouvert à Saint-Denis, le 8 mai 1864.
Saint-Denis a brillamment ouvert, le 8 mai dernier, la campagne
orphéonique de Tannée. Son concours musical marquera dans l'his-
toire de l'art populaire en France. Huit mille chanteurs et instru-
mentistes avaient répondu, d'Algérie et de tous les points de la
France, à l'appel de la Commission d'organisation : leur défilé sur
la place d'armes a duré deux heures. Jamais aucun concours n'avait
atteint de telles proportions; elles ne seront désormais que bien
rarement dépassées.
Les jurys des Sociétés chorales, sous la présidence de MM. Cla-
pisson, François Bazin, EIwart, Ermel et Delsarte, étaient formés
par MM. Bezozzi, Laurent de Rillé, Léo Delibes, Gustave Héquet,
Blanc, G. Lefèbvre, A. Boïeldieu, Gastinel, Bienaimé, Rocheblave et
Jules Monestier.
Les présidents et jurés des musiques d'harmonie et des fanfares
étaient : MM. Dauverné, Cokken, Arban, Dorus, de Groot, Gautrot
aîné, Sellenick, Léon Magnier, Thibaut, Brunet, Leroy, J. Simon,
Genin, Lepoivre, Rigaud.
La distribution des récompenses a eu lieu le lundi 9 mai. Par une
innovation très-appréciée, chaque prix se composait de deux mé-
dailles d'or, de vermeil ou d'argent, suivant son importance, mé-
dailles du même module destinées, l'une à la société, l'autre à son
directeur.
Les orphéonistes de Saint-Omer ont remporté la couronna de 500
francs, prix d'honneur, offerte par les dames de la ville.
Les premiers prix ont été ainsi décernés :
Sociétés chorales. — Enfants de Lutèce, Choral de Belleville,
Choral des Arts-et-Métiers , Orphéon de Puteaux, Sociétés chorales
de Clermont, d'Elbeuf, de Cormeilles-en-Parisis, de Fontenay-sous-
Bois et de Guebwiller (Haut-Rhin) .
Musiques d'harmonie. — Valenciennes , Montmartre , Beaumont-
sur-Oise.
Fanfares. — De la Garde nationale à cheval de Paris, de Senlis,
de Joigny, de Hermès, de Fécamp, de Villiers-Saint-Sépulchre et de
Béthisy-Saint- Pierre.
Les prix de solo ont été décernés à Valenciennes, à la Garde na-
tionale de Paris, à Beaumont et à Reims.
L'aspect de la ville était magnifique.
En. Mathieu DE MONTER.
166
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
MINISTÈRE DE LA MAISON DE L'EMPEBEDR
ET DES BEAUX -ARTS.
Surintendance générale des théâtres.
Aux termes d'une clause introduite le 5 juin 1863 dans son ca-
hier des charges, et à raison de la subvention qui lui fut alors al-
louée au nom de l'Etat, le directeur du théâtre Lyrique impérial
doit, chaque année, faire représenter au moins une pièce en trois
actes, dont la musique aura été composée par des élèves pension-
naires ou anciens pensionnaires de France à Rome n'ayant encore eu
aucun ouvrage joué à Paris. Cet ouvrage peut être mis au concours
entre les lauréats.
En conséquence, un concours est ouvert au théâtre Lyrique.
Le sujet est un poëme nouveau en trois actes, intitulé la Fiancée
d'Abydos.
Les lauréats de Rome qui voudraient prendre part à ce concours
sont invités à se présenter à la direction du théâtre Lyrique pour y
recevoir de plus amples renseignements.
Les compositions musicales des concurrents seront soumises à une
commission nommée par le ministre de la Maison de l'Empereur et
des Beaux-Arts.
L'œuvre qui aura été jugée la meilleure sera exécutée du 1er sep-
tembre au 30 décembre de cette année, sur le théâtre Lyrique im-
périal.
S. M. le roi de Prusse a écrit à Mme Meyerbeer une lettre au-
tographe dans laquelle il lui exprime ses regrets et sa sympathie à
l'occasion de la mort du célèbre compositeur, son mari.
Après la mort de Meyerbeer, le bruit avait couru que ses dernières
volontés interdisaient la représentation de l'Africaine. — Il n'en est
rien. — Dans son testament ouvert cette semaine à Berlin, l'illustre dé-
funt autorise au contraire la représentation et la publication de son
œuvre, en soumettant seulement cette autorisation à l'accomplisse-
ment de certaines clauses artistiques.
NOUVELLES.
,% Le théâtre impérial de l'Opéra a joué deux fois la Juive cette
semaine. Villaret y a reparu, après l'absence nécessitée par les soins à
donner à sa santé. On l'a accueilli par les témoignages les plus flatteurs
de sympathie, et il les a justifiés par la manière dont il a chanté le
rôle d'Eléazar, et surtout la belle romance du quatrième acte. On sait
avec quelle puissance dramatique Mme Marie Sax rend celui de Rachel;
elle y a provoqué un véritable enthousiasme. Belval, comme toujours,
a été fort applaudi dans le rôle du cardinal et Warot dans celui de Léo-
pold. Ces représentations ont été fort belles et ont attiré beaucoup de
monde, malgré la chaleur précoce de la température. — Mercredi on
a représenté la Uuette de Portici.
*** Le poëme de M. de Lamartine, Fior d'Aliza, a fourni à Victor
Massé, l'un de nos compositeurs les plus distingués, le sujet d'un opéra
dont il vient de terminer la partition et qui sera représenté au théâtre
de l'Opéra-Comique.
*% Pendant la durée des réparations qui doivent être faites dans la
salle du théâtre de l'Opéra-Comique, les représentations auront lieu
dans celle de l'Odéon.
*** La direction du théâtre Lyrique paraît décidée à continuer ses
représentations pendant le mois de juin.
*** C'est prématurément qu'on a annoncé l'engagement de Mme Ugalde
au théâtre Lyrique.
„** Il est de plus en plus question pour l'hiver prochain d'un second
théâtre italien, spécialement consacré au genre bouffe. MM. Caïmi et
de Filippi, tous deux anciens secrétaires du théâtre italien de Paris,
formeraient cette entreprise, déjà en possession d'un terrain et pour-
vue d'un architecte pour la construction de la salle.
*** De tous côtés, en France, des hommages sont rendus à la mé-
moire de Meyerbeer; les directions théâtrales de toutes les grandes
villes tiennent à honneur de témoigner, par d'éclatantes manifestations,
leurs regrets de la perte immense et peut-être irréparable que vient de
faire l'art musical.
a** Le festival qui aura lieu demain à Lyon sera des plus impo-
sants. Une des Marches aux flambeaux de Meyerbeer y sera exécutée
comme hommage à la mémoire de l'illustre maître, par toutes les so-
ciétés instrumentales lyonnaises, deux cents exécutants, sous la direc-
tion de M. Joseph Luigini.
t% L'opéra de Reyer, la Statue, vient d'être joué à Weiinar, avec
un succès de bon aloi et qui s'est établi par plusieurs représentations
successives. M. de Hulsen, directeur des théâtres royaux de Berlin, as-
sistait à la septième. Les journaux allemands donnent de grands éloges
à l'œuvre de l'éminent compositeur.
*** Le 15 juin s'ouvrira à Madrid, pour la saison d'été seulement,
le nouveau théâtre Rossini exploité par les propriétaires de la salle.
Les artistes engagés sont MM. Tamberlick, Mongini, Vidal, Bartolini,
Vialetti; Mmes Tedesco, Poch et Garulli. Mme Tedesco part cette se-
maine pour se mettre à la disposition des directeurs ; un des principaux
rôles qu'elle chantera sera celui de Fidès du Prophète, qui n'a pas en-
core été représenté à Madrid. On a engagé exprès pour celui de Bertha
Mlle Garulli, jeune artiste de talent et qui l'a déjà chanté avec succès à
Lisbonne. On donnera en outre Guillaume Tell pour l'inauguration du
théâtre, Anna Bolena et Otello.
*% Un journal annonce que M. Guiraudavendu 3,500 francs, à l'édi-
teur Lemoine, la partition de son opéra Sylvie qui vient d'être repré-
senté avec succès au théâtre de l'Opéra-Comique.
**„. Par arrêté préfectoral en date du 16 mai, M. Gérault (Louis-Ber-
nard) a été nommé directeur de l'Athénée musical, en remplacement de
M. de Raousset-Boulbon. —L'Athénée fermera le 31 mai et rouvrira le
■15 septembre.
„% L'éminent pianiste compositeur Edouard Wolff fait partie du jury
désigné pour le grand concours de Lyon ; il est parti hier pour cette
ville.
„** En sa double qualité d'artiste et de voyageur, notre excellent
confrère, Oscar Comettant, nous a déjà fait faire beaucoup de chemin
à travers les deux mondes. Mais, comme il ne se repose jamais, le
voilà qui nous invite encore à de nouvelles tournées, dans un rayon
moins vaste il est vrai. Sous ce titre séduisant et rempli de promesses :
En vacances, il nous conduit par la main dans le Béarn, aux Pyrénées,
à Arcachon, et autres lieux, tout en nous contant des histoires aussi
variées qu'amusantes, notamment celle d'une certaine société philhar-
monique, dont le modèle n'a peut-être jamais existé. En vacances de-
viendra le vade mecum d'un grand nombre de gens qui veulent s'a-
muser et s'instruire sur la route, -r- Profitons de l'occasion pour
annoncer une bonne nouvelle. Mme Oscar Comettant, remise de l'in-
disposition qui ne lui avait presque pas permis de chanter cet hiver, a
retrouvé une voix meilleure que jamais, et va nous le prouver dans
les beaux jours, en parcourant les villes d'eaux et les sociétés musi-
cales.
*** La ville d'Amiens annonce pour le dimanche 3 juillet, à 1 heure
précise, un grand concours d'harmonie, de fanfares et d'orphéons. Les
corps de musique d'harmonie et de fanfare, ainsi que les sociétés cho-
rales, qui accepteront l'invitation de M. le maire de la ville d'A-
miens, sont priés d'en donner avis au secrétariat de la mairie,
en faisant connaître leur catégorie ( harmonie, fanfare ou or-
phéon). Vingt-neuf médailles, la plupart aux armes de la ville
d'Amiens, en or, en vermeil et en argent, de valeurs différentes, sui-
vant le rang des prix (300 francs, 250 francs, 200 francs, etc.), et
représentant ensemble une somme de plus de 3,000 francs, seront dis-
tribuées. — S'adresser, pour de plus amples renseignements, à la
mairie d'Amiens.
*** La Société philharmonique de Troyes a donné la semaine der-
nière son deuxième concert de l'année. Mlle de la Pommeraye,
M. Dussargues et M. Pesme en faisaient les principaux frais avec
M. U. Cardon. Mlle de la Pommeraye, que nous connaissions déjà, s'est
fait fort applaudir dans les couplets de la Reine de Saba, le duo de
Faust, avec M. Pesme, la ballade de Charles VI, et dans une charmante
DE PARIS.
16'
romance de sa composition, Mam'zelle Madeleine. Ce concert a été un
des plus remarquables de la saison.
„,% Au deuxième concert de la Société philharmonique d'Angoulême,
Mme Rey-Balla se distinguait comme cantatrice, et Mlle Murer, comme
pianiste. Cette dernière, en digne élève de Prudent, obtenait avec la
Danse des Fées une de ces ovations qui auraient permis de douter si c'é-
tait l'élève ou l'émule du maître à qui l'on doit ce charmant morceau.
„% De retour de Londres, où il a obtenu ses succès accoutumés, Ca-
mille Sivori va séjourner quelque temps à Paris. Au concert populaire
de lundi, Sivori avait enthousiasmé comme toujours son auditoire,
par cette force cette magie d'arshet qui est son secret comme c'était
celui de Paganini. Il avait pour partenaires Mlle Arabella Goddard, pia-
niste; MM. Webb, Ries et Piattl, l'inimitable violoncelliste qui a laissé
de si profonds souvenirs à Paris. Sims Reeves et miss Banks ont bien
chanté, mais de la musique sans valeur, qui jurait avec l'élévation des
morceaux exécutés par les instrumentistes.
„% Des fêtes orphéoniques s'organisent sur tous les points de la
France. Voici la liste des concours et festivals qui sont annoncés :
Lyon, 22 mai; Epinal, 22 mai; Beaumont-sur-Oise, 12 juin; Angers,
19 et 20 juin; Villejuif, » 9 juin; Limoges, 26 juin; Amiens, 23 juillet;
Nantes, 10 juillet; Pantin, 7 août; Vincennes, 14 août; Arras, 28 et
29 août; Bayonne, 28 et 29 août; Dijon, 10 et 12 septembre.
,% Dimanche dernier on a exécuté à l'église Saint-Etienne, sous la
direction de M. Durand, une messe à grand orchestre, chœurs et soli
composée par M. Godefroid. Cette œuvre, qui renferme des pages de
grande valeur, a produit une vive sensation par son caractère gran-
diose, son style élevé. Les soli ont été chantés par MM. Perrier et
Guyot.
„% La grande fête musicale d'Aix-la-Chapelle est finie, et l'on s'ac-
corde à dire que depuis nombre d'années les chœurs n'avaient marché
avec autant d'ensemble et de précision ; ils étaient formés de 122 so-
prani, 96 contralti, 98 ténors et 135 basses. C'était merveilleux, et
quiconque n'a point assisté à de pareilles exécutions ne peut se faire
une idée de l'effet magique produit par une masse vocale qu'une pensée
seule guide et anime, celle de bien faire. Un orchestre formidable (il
comptait 52 violons, 18 altos, 17 violoncelles' et 12 contre-basses) soute-
nait ce chœur imposant, sous la magistrale direction de M. Julius Rietz,
de Dresde. L'espace nous manque pour donner aujourd'hui les détails
de cette magnifique exécution ; mais nous devons dire que les artistes
auxquels elle était confiée se sont montrés à la hauteur de leur tâche, et
que la foule considérable qu'avaient attirée ces solennités s'en est re-
tournée satisfaite de tous points.
»% A partir du 1er mai, les musiques des régiments en garnison à
Paris exécutent des morceaux d'harmonie sur un des emplacements
ménagés à cet effet dans le jardin du palais des Tuileries et donnant du
côté de la rue de Rivoli, près de la place Vendôme. Ces concerts mili-
taires ont lieu tous les jours de la semaine (le dimanche excepté), de
S à 6 heures du soir.
,% Mlle Carmelina Poch, dont nous avons constaté les succès récents
à Bruxelles et à Gand, vient d'être engagée pour le nouveau théâtre
Rossini de Madrid. Cet engagement, fait par M. le chevalier Barbieri,
compositeur de grand talent et chargé de former la troupe, est la meil-
leure attestation du mérite de Mlle Poch.
**„ En remplacement de feu Schindelmeister, M. Neswadba, jusqu'ici
maître de chapelle à Hambourg, a été nommé chef d'orchestre au
théâtre de la cour à Darmstadt.
*** Le festival de chant aura lieu à Cologne les 12 et 13 juin ; vingt-
huit sociétés y prendront part.
„*» M. Henri Herz, officier de la Légion d'honneur, vient de recevoir
le titre de fournisseur de S. M. l'Impératrice. Cette faveur est une nou-
velle récompense due à la perfection des produits de sa manufacture
de pianos.
*** Les deux commissions instituées l'une à Paris et l'autre à Dijon,
pour l'érection d'une statue à Rameau, font les efforts les plus zélés
pour atteindre le but honorable qu'elles se sont proposé. Elles sol-
licitent par des circulaires adressées aux directions théâtrales, aux so-
ciétés chorales, etc., des représentations ou des concerts au profit de
l'œuvre. M. Poisot a transcrit une ouverture de Rameau pour piano à
quatre mains, dont le produit a la même destination ; enfin on ne né-
glige rien pour activer les souscriptions.
*** Notre collaborateur, M. G. Kastner, membre de l'Institut, qu'on
est toujours certain de trouver là où il y a une idée généreuse à faire
prévaloir, vient de souscrire pour 100 francs à l'érection de la statue
de Rameau.
„.% Mardi dernier, au théâtre Robin, LL. Exe. les ambassadeurs ja-
ponais sont venus avec toute leur suite, assister à l'une des charmantes
représentations de ce théâtre. A la fin de la soirée, ils ont témoigné à
M. Robin toute leur satisfaction, et ne se sont retirés qu'après avoir
obtenu de lui l'autorisation de revenir pour visiter en détail les ingé-
nieux appareils qui les avaient tant émerveillés.
„*, C'est dimanche dernier qu'a eu lieu l'ouverture des soirées dan-
santes du Casino d'Asnières. Une foule considérable s'y était donné
rendez-vous. L'orchestre, sous la direction de M. Rochefort, a joué les
morceaux les plus entraînants de son répertoire, et a dû bisser
plus d'une fois la dernière figure du quadrille à la mode. Bal tous
les dimanches.
„*„ Mlle Marie Pfotzer, jeune artiste qui créa, il y a trois ans environ,
le rôle principal dans la Chanson de Fortunio, opérette d'Offenbach,
jouée avec grand succès aux Bouffes-Parisiens, vient de succomber, à
peine âgée de vingt-deux ans, à une maladie de poitrine.
**t Le docteur d'Alquen, qui vient de mourir à Mùlheim, sur la Ruhr,
possédait des facultés musicales peu communes. Dans les papiers de sa
succession on a trouvé de nombreuses compositions, des sonates, des
quatuors, des oratorios, des messes et environ quatre cents lieder.
„** Nous avons à déplorer la mort presque subite d'un jeune artiste,
qui avait déjà donné la mesure d'un talent musical destiné à un bel
avenir. M. Jules de Groot, pianiste et compositeur distingué, frère de
M. A. de Groot, l'excellent chef d'orchestre, est mort le 9 mai, à Ma-
drid, où il se trouvait depuis huit jours seulement en fonctions de chef
d'orchestre du Cirque du prince Alphonse. Si cet artiste est mort sur
une terre étrangère, ses amis ont au moins la consolation de savoir
que ses funérailles ont été dignes des sympathies qu'avaient déjà exci-
tées son talent et son caractère. Tous les membres français du Cercle
international, et la plupart des Hollandais, ses compatriotes, résidant à
Madrid, ont tenu à suivre son convoi funèbre. De son côté, M. de Las
Rivas, banquier et propriétaire du Cirque, a voulu faire les frais de la
maladie de J. de Groot et de ses funérailles. C'est là un acte des plus
honorables et qui témoigne d'un cœur noble et généreux. J. de Groot
n'était âgé que de trente-quatre ans ; il laisse une jeune veuve et un fils
qui compte six ans à peine.
„** Un ancien marchand de musique, qui a dirigé à Anvers et à
Bruxelles de grands établissements, et qui a fait beaucoup pour la pro-
pagation en Belgique des éditions françaises, M. J.-A. Meerens père,
vient de succomber à une longue et douloureuse maladie. Il avait dû
quitter les affaires il y a quelques années.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
3% Marseille, 18 mai. —La mort de l'illustre maître qui vient de
nous être enlevé est devenue l'occasion d'une cérémonie imposante
qui, grâce à l'intelligente sollicitude de M. Halanzier, a dignement
répondu aux regrets universels. Le troisième acte de Robert le Diable,
le deuxième du Pardon de Ploèrmel et le quatrième des Huguenots com-
posaient le spectacle. La représentation a commencé par une marche
funèbre de M. Audran fils qui, lui aussi, a voulu payer son tribut à
Meyerbeer. Après le quatrième acte des Huguenots et pendant la
marche du Prophète, le rideau s'est levé sur un tableau des plus émou-
mants. Tous les artistes, revêtus de costumes empruntés aux person-
nages des œuvres du maître, étaient rangés autour de son buste,
et Mme Ecarlat, qui avait joué les rôles d'Alice et de Valentine,
est venue lire une pièce de vers, non comme une artiste ordinaire,
mais en muse inspirée. L'effet a été magnifique. Le buste de Meyerbeer,
remarquable à tous égards, avait été fait en trois jours par M. Boutoux,
professeur à l'Ecole des beaux arts.
„*» Fontainebleau, 16 mai. — Dans la soirée musicale donnée par
M. et Mme Mohr-Dietsch, avec le concours de l'excellente musique des
guides, que dirige M. Mohr père, M. Micnot, l'artiste de l'Opéra,
MM. Batta et Garcin, Duverger et Triebert ont rivalisé de talent et de
charme. Quant à Mme Mohr-Dietsch, l'école de Mme Damoreau n'a pas
produit d'élève qui rappelât davantage la célèbre cantatrice par le
goût, le fini du style, par la modestie et aussi par la timidité.
*** Tours. — A l'occasion des fêtes régionales de Tours, l'ancienne
église Saint-François avait été transformée en salle de concert et féeri-
quement décorée. Elle contenait plus de mille personnes accourues pour
entendre l'élite des meilleurs artistes de Paris. Mme Faure-Lefebvre a
chanté avec un sentiment exquis VAir des saisons de Victor Massé et celui
du Domino noir. Ismaël l'a merveilleusement secondée dans un duo de
168
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Clapisson (Gibby la Cornemuse) et a été très-applaudi. Séligmann et son
violoncelle ont obtenu une véritable ovation. Ses Souvenirs des Hugue-
nots (hommage de circonstance à leur illustre auteur), ont produit le
plus grand effet. Herman et Ketterer, l'un dans sa fantaisie sur la
Muette, et l'autre dans ses charmantes compositions, ont fait le plus
grand plaisir. L'orchestre, habilement dirigé par Van Gelder, a complété
cette belle solennité.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
»*„ Londres. — Le théâtre royal italien a donné cette semaine et
successivement les trois grands chefs-d'œuvre de Meyerbeer, Robert le
Diable, les Huguenots et le Prophète. Nous ne tarderons pas à entendre
Stradella, qui est en répétition ; le rôle principal de l'opéra de Flotow
sera chanté par Naudin, qui l'a créé avec beaucoup de succès à Paris.
— Les concerts du Palais de Cristal ont commence samedi. Le premier
de la série des dix concerts que doit donner M. Gye à Sydenham, a été
des plus brillants. On y a beaucoup applaudi Mmes Carlotta Patti, Fricci,
Giuseppina Tati, MM. Neri, Baraldi, Graziani et signor Sivorl.
,*» Vienne. — La nouvelle de la mort de Meyerbeer a produit
une impression profonde. L'illustre maestro se trouvait ici chez
lui, tout comme à Paris et à Londres. C'est le premier artiste qui
ait été décoré par le gouvernement autrichien.— Joseph Strauss prépare
une manifestation funèbre en l'honneur de Meyerbeer. — Mongini paraît
s'acclimater parmi nous ; son organe gagne de jour en jour ; dans les
notes élevées il produit parfois des effets vraiment surprenants. La
troupe italienne doit donner encore Saffo et Don Pasquale, et de cette
façon elle aura rempli son programme. — Au commencement de juin,
l'opéra tchèque (Bohême) de Prague doit arriver ici pour donner une
série de représentations.
*% Berlin. — L'académie de chant se propose de donner une fête
comméinorative en l'honneur de Meyerbeer, sous la direction de M.
Grell. — Le directeur de musique Wieprecht vient d'arranger une marche
funèbre sur des motifs tirés des œuvres de Meyerbeer. — M. Reymond
et le directeur de musique Truhn se sont associés pour la publication
d'un manuscrit littéraire, dédié à Meyerbeer, sous le titre de « Giacomo
Meyerbeer, considéré comme artiste et comme homme. »
„■%. Mayence. — Bazzini a donné un concert dans la salle de la
Liedertafel ; depuis longtemps les plus célèbres virtuoses n'ont eu chez
nous un aussi brillant succès. Après avoir tenu sa partie dans un trio
de Beethoven et joué une sonate de Mozart avec un art consommé,
Bazzini nous a fait entendre quelques-unes de ses propres compositions,
un nocturne et un scherzo, qui ont été salués d'applaudissements en-
thousiastes.
*% Leipzig. — Les conférences des directeurs de théâtres, sous la
présidence de M. de Hiilsen, ont abouti à d'heureux résultats. Il est
question de la création d'une école de théâtre à Berlin, et d'un institut
Meyerbeer, qui serait fondé dans le but de venir en aide à des compo-
siteurs allemands, et de faire exécuter leur œuvre.
.tttq Nous annonçons à nos lecteurs le projet de vente d'un des
AVlo. meilleurs magasins de musique fondé depuis environ cin-
quante ans dans une de nos plus grandes villes de France. C'est même
dans ladite ville le seul établissement spécial de ce genre. — S'adresser,
pour les renseignements, au bureau de la Gazette musicale.
Le Directeur : S. DLFOUR.
CHEZ G. BRANDUS ET S. DUFOUR, ÉDITEURS, 103, RUE DE RICHELIEU, AU
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31e Année,
N° 22.
ON S'ABONNE :
Dons le» Départements et û l'Étranger,
chez tous les Marchands de MuGique, 1rs Libraires,
et aux Bureaux des Heesngerics et des Postes.
29 Mai 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r.parai
Départements, Belgique et Suisse.... 3Û n id.
Élransor 3* " id-
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETT
USICA
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mendelssohn-Bartholdy (1er article), par Fétis père.— Théâ-
tre impérial de l'Opéra: Guillaume Tell, dcSbut de Mme Pascal dans le rôle
de Mathilde. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : stances à la mémoire
d'Halévy . — Concours d'orphéons à Lyon. — Manuel des principes de musique,
de M. Fétis, par Maurice Cristal. - Revue des théâtres, par D. A. D.
Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
IENDELSSOHN-BARTHOLDY.
(Biographie universelie des musiciens.
(Premier article.)
Seconde édition . )
Ce compositeur célèbre, fils d'un riche banquier, naquit à
Hambourg, le 5 février 1809. Il n'était âgé que de trois ans
lorsque sa famille alla s'établir à Berlin. Dans ses premières an-
nées Mendelssohn montra de rares dispositions pour la musique.
Confié à l'enseignement de Berger, pour le piano, et de Zelter, pour
l'harmonie et le contre-point, il fit de si rapides progrès, qu'à l'âge
de huit ans il était capable de lire toute espèce de musique à pre-
mière vue, et d'écrire de l'harmonie correcte sur une base donnée.
Une si belle organisation promettait un grand artiste. Le travail lui
était d'ailleurs si facile en toute chose, et son intelligence était si
prompte, qu'à l'âge de seize ans il avait terminé d'une manière bril-
lante toutes ses études littéraires et scientifiques du collège et de
l'université. Il lisait les auteurs latins et grecs dans leurs langues ;
à dix-sept ans, il fit une traduction en vers allemands de Y Andrientie
de Térence, qui fut imprimée à Berlin sous les initiales F. M. B.
Enfin, les langues française, anglaise et italienne lui étaient aussi
familières que celle de sa patrie. De plus, il cultiva aussi avec succès
le dessin et la peinture, et s'en occupa avec plaisir jusqu'à ses der-
niers jours. Egalement bien disposé pour les exercices du corps, il
maniait un cheval avec grâce, était habile dans l'escrime et passait
pour excellent nageur. Obligé de satisfaire à tant d'occupations, il
ne put jamais donner à l'étude du piano le temps qu'y consacrent
les virtuoses de profession ; mais ses mains avaient une adresse na-
turelle si remarquable, qu'il put briller par son habileté partout où
il se fit entendre. Il n'y avait pas de musique de piano si difficile
qu'il ne pût exécuter correctement, et les fugues de J.-S. Bach lui
étaient si familières, qu'il les jouait toutes dans un mouvement ex-
cessivement rapide. Son exécution était expressive et pleine de nuan-
ces délicates. Dans un séjour qu'il avait fait à Paris à l'âge de seize
ans, il avait reçu de Mme Bigot des conseils qui lui furent très-utiles
pour son talent de pianiste; jusqu'à la fin de sa carrière, il con-
serva pour la mémoire de cette femme remarquable un sentiment de
reconnaissance et d'affection.
On a vu ci-dessus que l'éducation de Mendelssohn pour la com-
position fut confiée à Zelter, qui parle de son élève avec un véri-
table attachement dans ses lettres à Gœthe. Le jeune artiste resta
longtemps dans son école ; trop longtemps peut-être, car la science
roide et scolastique du maître ne paraît pas avoir laissé à la jeune
imagination de l'élève toute la liberté qui lui aurait été nécessaire.
En 1821, Zelter fit avec Mendelssohn un voyage à Weimar etle pré-
senta à Gœthe, qui, dit-on, s'émut en écoutant le jeune musicien-né.
Déjà il jouait en maître les pièces difficiles de Bach et les grandes
sonates de Beethoven. Quoiqu'il n'eût point encore atteint sa treizième
année, il improvisait, sur un thème donné, de manière à faire naître
l'étonnement. Avant l'âge de dix-huit ans, il avait écrit ses trois qua-
tuors pour piano, violon, alto et basse ; des sonates pour piano
seul ; sept pièces caractéristiques pour le même instrument ; douze
Lieder pour voix seule avec piano; douze chants idem, et l'opéra en
deux actes, intitulé : les Noces de Gamache, qui fut représenté à
Berlin quand l'auteur n'avait que seize ans. S'il y avait peu d'idées
nouvelles dans ces premières œuvres, on y remarquait une facture
élégante, du goût, et plus de sagesse dans l'ordonnance des mor-
ceaux qu'on n'eût pu l'attendre d'un artiste si jeune. Plus heureux
que d'autres enfants prodiges, à cause de la position de fortune de
ses parents, re voyait pas son talent exploité par la spéculation,
et toute lits lui était laissée pour le développement de ses facultés.
Le succès es Noces de Gamache n'ayant pas répondu aux espé-
rances det amis de Mendelssohn, il retira son ouvrage de la scène;
mais la partition, réduite pour le piano, fut publiée.
En 1829, Mendelssohn partit de Berlin pour voyager en France, en
Angleterre et en Italie. Je le trouvai à Londres au printemps de
cette année, et j'entendis, au concert de la Société philharmonique,
sa première symphonie (en ut mineur). Il était alors âgé de vingt
ans. Son Àtérieur agréable, la culture de son esprit et l'indépen-
dance de sa position le firent accueillir avec distinction, et commen-
170
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cèrent ses succès, dont l'éclat s'augmenta à chaque voyage qu'il fit
en Angleterre. Après la saison, il parcourut l'Ecosse. Les impres-
sions qu'il éprouva dans cette contrée pittoresque lui inspirèrent son
ouverture de concert connue sous le litre de Fingalhœhlc (la Grotte
de Fincjal). De retour sur le continent, il se rendit en Italie par
Munich, Salzbourg, Linz et Vienne, en compagnie de Hildebrand, de
Hubner et de Bendemann, peintres de l'école de Dusseldorf. Arrivé à
Rome, le 2 novembre 1830, il y trouva Berlioz, avec qui il se lia
d'amitié. Après cinq mois de séjour dans la ville éternelle, qui ne
furent pas perdus pour ses travaux, il partit pour Naples, où il ar-
riva le 10 avril 1831. Il y passa environ deux mois, moins occupé
de la musique italienne que de la beauté du ciel et de ses sites, qui
exercèrent une heureuse influence sur son imagination ; puis il re-
vint par Rome, Florence, Gênes, Milan, parcourut la Suisse, et revit
Munich au mois d'octobre de la même année. Arrivé à Paris vers le
milieu de décembre, il y resta jusqu'à la fin de mars 1832. On voit
dans ses lettres de voyage qu'il n'était plus alors le jeune homme
modeste et candide de 1829. Il se fait le centre de la localité où il
se trouve et se pose en critique peu bienveillant de tout ce qui l'en-
toure. Parlant d'une des soirées de musique de chambre données
par Baillot, à laquelle il assista, et dans laquelle ce grand artiste
avait exécuté le quatuor de Mendelssohn en mi majeur, il dit : Au
commencement on joua un quintette de Boccherini, une perruque !
(Den Anfang machte ein Quintett von Boccherini, eine Perruche!)
11 ne comprend pas que sous cette perruque il y a plus d'idées ori •
finales et de véritable inspiration qu'il n'en a mis dans la plupart
de ses ouvrages.
Mécontent, sans doute, de n'avoir pas produit à Paris, par ses
compositions, l'impression qu'il avait espérée, il s'écrie, en quittant
cette ville : Paris est le tombeau de toutes les réputations (Paris sei
das Grab aller Reputationem). Le souvenir qu'il en avait conservé fut
sans aucun doute, la cause qui lui fit prendre la résolution de ne
retourner jamais dans cette grande ville, tandis qu'il fit sept longs
séjours en Angleterre, pendant les quinze dernières années de sa
vie, parce qu'il y était accueilli avec enthousiasme. En toute occa-
sion, il ne parlait de la France et de ses habitants qu'avec amer-
tume, et affectait un ton de mépris pour le goût de ceux-ci en mu-
sique.
Un des amis de Mendelssohn ayant été nommé membre du comité
organisateur de la fête musicale de Dusseldorf, en 1833, le fit choisir
pour la diriger, quoiqu'il n'eût pas encore de réputation comme chef
d'orchestre ; mais le talent dont il fit preuve en cette circonstance
fut si remarquable, que la place de directeur de musique de cette
ville lui fut offerte : il ne l'accepta que pour le terme de trois an-
nées, se réservant d'ailleurs le droit de l'abandonner avant la fin, si
des circonstances imprévues lui faisaient désirer sa retraite. Ses
fonctions consistaient à diriger la Société de chant, l'orchestre des
concerts et la musique dans les églises catholiques, nonobstant son
origine judaïque. C'est de cette époque que date la liaison de Men-
delssohn avec le poëte Immermann, beaucoup plus âgé que lui. Des
relations de ces deux hommes si distingués, résulta le projet d'écrire
un opéra d'après la Tempête de Shakespeare. Les idées poétiques
ne manquaient pas dans le travail d'Immermann ; mais ce littérateur
n'avait aucune notion des conditions d'un livret d'opéra ; son ou-
vrage fut entièrement manqué sous ce rapport. Mendelssohn jugea
qu'il était impossible de le rendre musical, et le projet fut aban-
donné. Cependant le désir de donner au théâtre de Dusseldorf une
meilleure organisation détermina les deux artistes à former une as-
sociation par actions ; les actionnaires nommèrent un comité direc-
teur qui donna au poëte Immermann l'intendance pour le drame, et
à Mendelssohn pour l'opéra. On monta Don Juan de Mozart, et les
Deux Journées de Cherubini; enfin, Immermann arrangea pour la
scène allemande un drame de Calderon, pour lequel Mendelssohn
composa de la musique qui ne fut pas goûtée et qui n'a pas été
connue .
De mauvais choix d'acteurs et de chanteurs avaient été faits, car
ces deux hommes, dont le mérite, chacun en leur genre, ne pouvait
être contesté, n'entendaient rien à l'art dramatique. Des critiques
désagréables furent faites; Mendelssohn, dont l'amour-propre n'était
pas endurant, sentit qu'il n'était pas à sa place, et donna sa dé-
mission de directeur de musique, au mois de juillet 1835. Je
l'avais retrouvé, en 1834, à Aix-la-Chapelle, où il s'était rendu à
l'occasion des fêtes musicales de la Pentecôte. Une sorte de rivalité
s'était établie entre lui et Ries, parce qu'ils devaient diriger alterna-
tivement ces fêtes des villes rhénanes. Malheureusement, il n'y avait
pas dans cette rivalité les égards que se doivent des artistes distin-
gués. Mendelssohn parlait de la direction de son émule en termes
peu polis qui furent rapportés à celui-ci. Ries me parla alors des
chagrins que lui causait le langage inconvenant de son jeune rival.
Mendelssohn avait écrit à Dusseldorf la plus grande partie de son
Paulus, oratorio : il l'acheva, en 1835, à Leipsick, où il s'était re-
tiré, après avoir abandonné sa position. Ayant été nommé directeur
des concerts de la Halle-aux-Draps (Gewandhaus), dans la même
ville, il prit possession de cet emploi le 4 octobre, et fut accueilli,
à son entrée dans l'orchestre, par les acclamations de la foule qui
remplissait la salle. Dès lors, la musique prit un nouvel essor à
Leipsick, et l'heureuse influence de Mendelssohn s'y fit sentir non-
seulement dans les concerts, mais dans les sociétés de chant et dans
la musique de chambre. Lui-même se faisait souvent entendre comme
virtuose sur le piano. Par reconnaissance pour la situation florissante
où l'art était parvenu, grâce à ses soins, dans cette ville importante
de la Saxe, l'université lui conféra le grade de docteur en philoso-
phie et beaux-arts, en 1836, et le roi de Saxe le nomma son maître
de chapelle honoraire. En 1837 , Mendelssohn épousa la fille d'un
pasteur réformé de Francfort-sur-le-Msin , femme aimable dont la
bonté, l'esprit et la grâce firent le bonheur de sa vie.
Appelé à Berlin en qualité de directeur général de la musique du
roi de Prusse, il alla s'y établir et y écrivit pour le service de la
cour la musique intercalée dans les tragédies antiques l'Antigone,
VOEdipe roi, ainsi que dans Athalie. Ce fut aussi à Berlin qu'il com-
posa les morceaux introduits dans le Songe d'une nuit d'été de Sha-
kespeare, dont il avait écrit l'ouverture environ dix ans auparavant.
Cependant les honneurs et la faveur dont il jouissait près du roi ne
purent le décider à se fixer dans la capitale de la Prusse, parce
qu'il n'y trouvait pas la sympathie qu'avaient pour lui les habitants
de Leipsick. Berlin a toujours, en effet, montré peu de goût pour
la musique de Mendelssohn. Nul doute que ce fut ce motif qui le
décida à retourner à Leipsick, où, à l'exception de quelques voyages
à Londres ou dans les villes de provinces rhénanes, il se fixa pour
le reste de ses jours. Les époques de ses séjours en Angleterre fu-
rent 1832, 1833, 1840, 1842, 1844, 1846, où il ût entendre pour
la première fois son Elie, au festival de Birmingham, et, enfin, au
mois d'avril 1847. Cette fois, il ne resta à Londres que peu de jours,
car il était de retour à Leipsick à la fin du même mois. Il avait
formé le projet de passer l'été à Vevay ; mais au moment où il ve-
nait d'arriver à Francfort pour y retrouver sa femme et ses enfants,
il reçut la nouvelle de la mort de Mme Hansel, sa sœur bien-aimée.
Celte perte cruelle le frappa d'une vive douleur. Mme Mendelssohn,
dans l'espoir de le distraire par les souvenirs de sa jeunesse, l'en-
gagea à parcourir la Suisse : il s'y laissa conduire et s'arrêta d'abord
à Baden, puis à Laufen, et, enfin, à Interlaken, où il resta jusqu'au
commencement de septembre. Peu de jours avant son départ, il im-
provisa sur l'orgue d'une petite église de village, sur les bords du
lac de Brienz : ce fut la dernière fois qu'il se fit entendre sur un
instrument de cette espèce. Peu d'amis se trouvaient réunis dans
l'église : tous furent frappés de l'élévation de ses idées, qui sem-
DE PARIS.
171
blaient lui dicter un chant de mort. Il avait eu le dessein d'aller à
Fribourg pour connaître l'orgue construit par Moser ; mais le mau-
vais temps l'en empêcha. L'hiver arrive, dit-il à ses amis; il est
temps de retourner à nos foyers.
Arrivé à Leipsick, il reprit ses occupations ordinaires. Bien que
l'aménité de son caractère ne se démentit pas avec sa famille et ses
amis, on apercevait en lui un penchant à la mélancolie qu'on ne lui
connaissait pas autrefois. Le 9 octobre, il accompagnait quelques
morceaux de son Elie chez un ami, lorsque le sang se porta tout à
coup avec violence à sa tête et lui fit perdre connaissance ; on fut
obligé de la transporter chez lui. Le médecin, qu'on s'était empressé
d'aller chercher, n'hésita pas à faire usage des moyens les plus
énergiques dont l'heureux effet fut immédiat. Rétablijdans un état
de santé satisfaisant, du moins en apparence, vers la fin du mois,
Mendelssohn reprit ses promenades habituelles , soit à pied, soit à
cheval ; il espérait même être bientôt assez fort pour se rendre à
Vienne, pour y diriger l'exécution de son dernier oratorio, et il s'en
réjouissait; mais le 28 du même mois, après avoir fait une prome-
nade avec sa femme et dîné de bon appétit, il subit une seconde
attaque de son mal, et le médecin déclara qu'il était frappé d'une
apoplexie nerveuse et que le danger était imminent. Les soins qui
lui furent prodigués lui rendirent la connaissance. Il eut des moments
de calme et dormit d'un sommeil tranquille; mais, le 3 novembre,
l'attaque d'apoplexie se renouvela, et dès ce moment il ne reconnut
plus personne. Entouré de sa famille et de ses amis, il expira le
lendemain, h novembre 1847, à 9 heures du soir, avant d'avoir ac-
compli sa trente-neuvième année. On lui fit des obsèques somptueu-
ses, auxquelles prit part toute la population de Leipsick, en témoi-
gnage du sentiment douloureux inspiré par la mort prématurée d'un
artiste si remarquable. L'Allemagne tout entière fut émue de ce
triste événement.
FÉTIS père.
(La suite prochainement.)
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
Guillaume Tell.— Début de lime Pascal dans le rôle
de Matbilde.
La débutante, Mme Pascal, chantait dans ces derniers temps, et
avec beaucoup de succès, à Versailles. Elle n'avait qu'un pas à faire
pour venir à Paris, et elle y est venue. C'est une femme très-jolie,
mais jolie avec un peu trop d'ampleur ot de rondeur. Au premier
coup d'œil, nous avons trouvé qu'elle rappelait Mme Tedesco pour
la taille et la physionomie, sinon pour la voix; car Mme Pascal est
un soprano de qualité bien franche, de timbre bien net, auquel no
manquent ni l'agilité ni le brio. La romance et le duo du second acte
ont mis suffisamment en relief ses mérites principaux. Si le finale du
troisième acte lui a été moins favorable, il faut en rejeter la faute
sur les difficultés du morceau, non moins que sur l'émotion de l'ar-
tiste. Mais, émotion à part, Mme Pascal est-elle destinée par la nature
à tenir une des premières places de notre scène lyrique? A dire le
vrai, nous ne voyons en elly qu'une Boschetti chantante, et nous
craignons les inconvénients d'un embonpoint qui n'a que trop de
chances d'augmenter : les exemples l'attestent ! Chaque genre a ses
conditions, ses lois , et ce n'est pas à l'Opéra que l'on doit recher-
cher avant tout les santés par trop Qorissanles. Du reste, nous ne
demandons pas mieux que d'attendre une seconde épreuve, et peut-
être Mme Pascal ne sera-t-elle pas fâchée non plus de déposer la
lourde robe de velours dont Mathilde a toujours été affublée, pro-
bablement comme princesse destinée au gouvernement \de la Suisse,
c'est ainsi que le livret la qualiûe ; sous un autre costume, on ju-
gera peut-être mieux son avenir.
Villaret a reparu dans le rôle d'Arnold, et sa belle voix s'y est
déployée avec tous ses avantages. C'est surtout dans le duo avec Ma-
thilde et dans le trio suivant qu'il a obtenu un succès légitime. Il
ne lui faudrait qu'un peu plus de chaleur dans le second mouve-
ment de l'air fameux : Asile héréditaire, pour y mériter un triomphe
complet.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPËRA-COMIQUE.
Stances A la mémoire d'Halévy.
La reprise de l'Eclair a fourni l'occasion d'un touchant hommage
à la mémoire d'un grand artiste dont la mort est encore récente.
Cette fois, on a voulu fêter le jour de sa naissance, et vendredi 27
mai, avant la représentation de l'un de ses chefs-d'œuvre, trois in-
terprètes choisis, MM. Couderc, Ponchard et Mlle Révilly, sont venus
dire de belles stances composées par M. Léon Halévy, le poëte,
frère de l'illustre compositeur.
Premiers combats, luttes sans trêve,
0 maître aimé, tu les connus !
Mais l'heure sonne, où tout s'oublie !. . .
Je vous évoque, ô vous qu'anima son génie !
Le marbre, le pinceau, donnent aussi le jour,
Mais moins que toi, sainte harmonie,
Qui des sons fais sortir la lumière, la vie,
La joie et la douleur, l'espérance et l'amour !
Lionel, accours au plus vite;
Du soleil voici les rayons I
Viens effeuiller la marguerite,
Rose de mai, nous t'appelons ! . . .
Et ainsi tour à tour étaient appelés tous les héros, toutes les héroï-
nes que le génie d'Halévy a dotés d'une popularité mélodieuse :
la Fée aux roses, les Mousquetaires, Eléasar, Rachel, Catarina
Odette, et tant d'autres dont les noms défilaient sur un accompagne-
ment d'orchestre, dans lequel M. Jules Cohen, l'un des meilleurs
élèves du maitre, avait enchâssé avec beaucoup d'art et de talent
les plus saillants motifs de ses opéras.
L'hommage du frère et de l'élève a été fort bien reçu par le pu-
blic. La salle était comble, et la recette a dépassé le chiffre des plus
riches soirées.
CONCOURS D'ORPHÉON A LYON.
Deux mots seulement sur cette solennité exceptionnelle, unique en
son genre, dans laquelle, grâce à l'intelligente initiative de M. Gui-
mest fils, l'industrie vient de contracter avec l'art une si noble
alliance. Deux cent cinquante sociétés orphéoniques avaient répondu
à l'appel, et il n'a pas fallu moins de vingt locaux préparés à l'a-
vance pour recevoir autant de jurys qui comptaient parmi leurs mem-
bres MM. Clapisson, Bazin, Duprez, Boïeldieu, Victor Massé, Georges
Hainl, Edouard Wolff, Arban, Paulus, Elwart, etc. Au premier rang
des sociétés qui se sont distinguées, on cite la Chorale forésienne,
de Saint-Etienne, dirigée par M. Dard, et l'Avenir, de Marseille, di-
rigé par M. Bertot ; les Enfants de la Loire, de Saint-Etienne, se
sont signalés dans le concours d'harmonie. L'aspect de la place Bel-
lecour était admirable : on y comptait plus de cent mille personnes,
devant lesquelles on a exécuté des chœurs et des morceaux d'har-
monie, accueillis par des bravos sans fin. Jusqu'ici l'Orphéon n'avait
pas eu de solennité plus grande. L'exemple est bon à suivre, et il
sera suivi.
P. S.
172
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
MMÏÏEL DES PRINCIPES DE MUSIQUE
Par M. Fétis.
(Deuxième édition.)
Dans la multitude des travaux si nombreux et si divers qui ont
occupé notre illustre collaborateur, M. Fétis père, son œuvre spé-
cialement didactique embrasse toutes les branches de l'art. C'est lui
qui a publié le Traité d'harmonie et de composition de Beethoven,
en l'accompagnant d'une annotation critique qui rend le travail du
maître accessible etproûtable au compositeur le plus jeune et le moins
érudit ; c'est lui qui a écrit la savante Esquisse de l'histoire de l'har-
monie, considérée comme art et comme science systématique, et le
Traité complet de la théorie et de la pratique de l'harmonie, suivi du
Traité du contre-point et de la fugue, dont l'apparition produisit une
si vive sensation en France et à l'étranger.
Là ne s'arrête pas l'œuvre didactique de M. Fétis. Dès son avène-
ment à la direction du Conservatoire de: Bruxelles, il ne négligea rien
pour la prospérité de l'école qui lui était confiée. Grâce à son admi-
nistration active, clairvoyante, créatrice, cette école, qui depuis plus
de trente ans est entre ses mains, jouit d'une réputation universelle.
Elle a formé un nombre considérable d'élèves distingués de tous
genres, et elle exerce la plus heureuse influence sur l'esprit de l'art
et sur les progrès de l'éducation musicale. Outre cette administration,
M. Fétis a dû faire constamment un cours de composition, diriger
les études d'orchestre et les répétitions de concert. C'est encore à
lui qu'on doit une Méthode des méthodes de piano, analyse des meil-
leurs ouvrages publiés sur l'art de jouer de cet instrument, et une
méthode des méthodes de chant calquée sur le même système, des
solfèges, etc. ; un Traité de chant en chœur; un Manuel des jeunes
compositeurs, directeurs de musique et chefs d'orchestre; la Musique
mise à la portée de tout le monde, que la contrefaçon a répandue
partout, et enGn son Manuel des principes de musique, dont la se-
conde édition vient de paraître et sur lequel nous appelons une at-
tention toute particulière, parce que nous sommes convaincu que ce
livre peut rendre d'innombrables services à l'éducation, et que, dans
sa spécialité, le mérite en sera difficilement égalé.
Cet ouvrage est, d'après l'aveu de M. Fétis — et nous sommes
tout porté à l'en croire sur parole — celui qui lui a coûté le plus
de méditation et de travail. C'est que rien n'est plus périlleux que
de s'engager à exposer les éléments de la science musicale. Les
ignorants et les maladroits s'aventurent avec audace à travers ces
difficultés excessives, et c'est ainsi que l'œuvre reste toujours à re-
commencer, et que s'accumulent tous ces ouvrages imparfaits et
plutôt nuisibles qu'instructifs dont sont encombrés les catalogues des
éditeurs que ne guident pas le sentiment de l'art et la saine intelli-
gence des besoins de l'éducation.
Dans l'enseignement élémentaire, deux méthodes sont en présence :
l'une emploie la forme d'exposition, l'autre la forme dialoguée.
Chacune de ces méthodes a ses défauts et ses qualités. M. Fétis a
trop d'expérience, il a trop vu à l'œuvre toutes les pratiques de l'en-
seignement pour ne pas apercevoir les vices des sysièmes, et ce qu'un
adroit professeur peut tirer d'avantage de leur emploi habile. En
conséquence, dans son manuel, il a réuni les deux méthodes d'ex-
position et de dialogue, et il a utilisé ce qu'elles présentent de profi-
table en même temps qu'il en a évité les inconvénients. Dans la mé-
thode d'exposition, c'est le maître qui parle; dans la forme dialoguée,
c'est l'élève qui rend compte de ce qu'il a appris, et il est logique que
ce dialogue suive l'instruction. C'est cette distribution qu'a suivie M. Fé-
tis; il s'est astreint à employer, au commencement de chaque chapitre
et sur chaque matière, la forme de l'exposition, et à faire suivre
cette instruction d'un dialogue qui en est le résumé et comme la
mise en relief. Le manuel se présente donc tour à tour sous ces
deux aspects. Les deux méthodes réunies forment un enseignement
double, mais qui se divise continuellement et dont chaque division
reste parfaitement distincte, de telle sorte qu'on peut suivre à vo-
lonté soit la méthode d'exposition, ?oit la méthode dialoguée, soit
les deux méthodes simultanées.
Cette double forme a obligé M. Fétis à faire son manuel plus
étendu que s'il n'en avait employé qu'une seule ; mais son livre est
resté aussi concis que possible, et cette concision est la première qua-
lité qui le recommande. L'esthétique la plus expérimentée, la logique
la plus sage y coordonnent les faits dans l'ordre le plus rationnel, en
déduisent les principes généraux, et les exposent dans un langage où
la simplicité et la clarté s'allient à l'exactitude et à la précision.
L'auteur, on le sent, a contrôlé toutes les définitions admises par les
errements d'une tradilion mauvaise ou fourvoyée, et ses définitions à
lui, tout empreintes du sentiment philosophique le plus élevé, sem-
blent porter dans leur flanc l'ensemble de l'enseignement musical,
tel que l'auteur l'a mis en lumière dans ses autres ouvrages didac-
tiques, que l'élève pourra parcourir au sortir de cette initiation à
l'art qu'il vient d'aborder. Il me paraît, en effet, que ce manuel, tel
qu'il est, n'a pu être composé que par le philosophe qui a écrit et la
la Bibliographie universelle des musiciens, et les traités d'harmonie, de
contre-point et de fugue, dont a été si fort émerveillé le monde mu-
sical. Quand je l'ai lu, ces jours-ci, dès sa publication, il m'a semblé
que ja ne m'éloignais pas des ouvrages de haute science que je
viens de citer, et, que du faîte d'un grandiose et splendide édifice,
je descendais au péristyle qui en facilite l'entrée.
Aussi je n'hésite pas à le dire, de tous les livres élémentaires qui
ont été écrits sur la musique, le manuel de M. Fétis est — j'in-
siste ici sur chaque mot — le mieux pensé et le plus logique, le
mieux écrit et le plus lucide, le plus concis et le plus complet, le
plus prévoyant et le plus utile que nous connaissions. Il a triomphé
des mille difficultés qui rendent presque impossible le succès de ce
genre d'ouvragos. C'est l'opinion de professeurs de grand mérite
qu'avait enthousiasmés la publication de la première édition, et que
satisfera bien plus cette seconde édition soigneusement revue et per-
fectionnée.
11 est d'ailleurs à la hauteur des autres ouvrages du même auteur;
il complète et rehausse le cycle didactique de M. Fétis. L'élève qui
aura appris les éléments de l'art dans le manuel que nous préconisons
avec sincérité, y puisera une instruction féconde qu'il développera
dans tous ses détails techniques.
Je signale donc le Manuel des principes de musique aux professeurs de
toutes les écoles de musique, et particulièrement des écoles primaires
pour qui l'auteur l'a spécialement composé. Je le signale aux direc-
teurs d'orphéons. Les orphéonistes, les ouvriers, les hommes du
monde, tous ceux qui veulent, sans secours de professeurs, apprendre
la musique, peuvent avec ce manuel si court, si clair, si peu coû-
teux, s'instruire sans fatigue ni grand travail. Je le signale surtout
aux mères qui s'occupent de l'éducation musicale de leurs enfants.
Gœthe l'a dit plusieurs fois, à propos de la musique : toute l'é-
ducation est facile, mais il faut qu'elle soit dirigée par des maîtres
qui soient à la fois savants, artistes et paternels. Toutes ces qualités
se trouvent dans l'œuvre didactique de M. Fétis, et surtout dans
son Manuel des principes de la musique, qui, à ce point de vue, est
un véritable chef-d'œuvre.
Maurice CRISTAL.
Nous extrayons du Moniteur des fragments d'une notice intéres-
sante qu'il vient de publier sur la fabrication des pianos en France:
« Au commencement du xvme siècle, un facteur de clavecins à
Taris, nommé Maiïus, présenta à l'examen de l'Académie royale des
DE PARIS.
173
sciences les plans de deux instruments horizontaux qu'il appelait cla-
vecins à maillets; c'est de ces grossiers clavecins à maillets que dérivent
les pianos.
» Depuis trente ans, la fabrication des pianos a augmenté dans des
proportions énormes; mais, sous le rapport commercial, l'Angleterre,
jusqu'en 1851 , n'avait été égalée par aucune autre nation ; elle ne fa-
briquait pas moins de vingt mille pianos droits, environ, qui, expédiés
dans toutes les parties du monde, produisaient près de 24 millions de
francs; la France n'en produisait que pour 8 millions.
» Mais, depuis l'Exposition de 1851, où les piano français l'ont em-
porté si victorieusement sur les produits des autres pays, non-seule-
ment le commerce des pianos fabriqués s'est accru dans des propor-
tions énormes, mais encore comme perfection des instruments et
comme qualité de son; leur supériorité est attestée par des récompenses
accordées à notre industrie à toutes les Expositions universelles.
» Il est certain que la quantité des produits fabriqués en France
tend encore à augmenter. Pendant que les anciennes maisons grandis-
sent, de nouvelles manufactures sont fondées ; il y a quelques jours
encore, les journaux annonçaient la création de la maison Philippe-
Henri Herz neveu et Ce et l'inauguration de ses magnifiques salons de
la rue Scribe, n° 7 ; et les maîtres de l'art ont proclamé la beauté, la
puissance, l'éclat de ses produits; indépendamment de la forme parti-
culière des instruments, le jeune fondateur de cette maison a adopté
un système de barrage nouveau, et il est parvenu aussi, avec la col-
laboration d'un contre-maître éminent et bien connu dans la facture,
M. Marcus Knust, à la solution de ce problème d'acoustique si long-
temps et toujours en vain cherché : la suppression dans les pianos dits
à queue de la vibration de la septième dans les notes graves, vibration
qui produisait une dissonance désagréable pour l'oreille.
» Ainsi, les progrès sont incessants dans cette industrie, les efforts
ne se ralentissent pas, et chaque jour est marqué par un pas nouveau
fait en avant.
REVUE DES TEÊÂTRES.
Théatrr-Français : reprise du Gendre de M. Poirier, comédie en
quatre actes, par MM. Emile Augier et Jules Sandeau. — Variétés :
les Coiffeurs, vaudeville en trois actes, par MM. Eug. Grange et
Elie Sauvage. — Palais-Royal : la Maison rouge, comédie-vaude-
ville de M. Ch. Newil. — Porte-Saint-Martin : la Nonne san-
glante, drame de MM. Anicet-Bourgeois et Maillan. — Ambigu : re-
prise de la Prière des naufragés, drame de MM. Dennery et F.
Dugué. — Gaité : reprise de Paris la nuit, drame de MM. Du-
peuty et Cormon.
Autrefois, à cette époque de l'année, les théâtres mettaient toutes
voiles dehors, et acceptaient bravement la lutte contre l'influence
hostile du soleil ; il y avait chez eux un redoublement d'énergie qui
se traduisait par un déluge de nouveautés et par des merveilles
de mise en scène. Il n'en est plus ainsi maintenant; à l'approche de
la saison chaude, MM. les directeurs s'endorment du sommeil du
juste, pour ne se réveiller qu'en septembre. Plus de pièces nou-
velles, plus de comédiens en renom. A quoi bon? Paris est sur les
grands chemins, et pour la province qui vient à Paris, n'y a-t-il pas
la ressource des reprises ? C'est toujours assez bon pour elle, et la
preuve c'est qu'elle ne proteste pas.
A son exemple, résignons-nous, et, puisqu'il le faut, enregistrons
les faits et gestes du théâtre rétrospectif. Quatre reprises pour deux
nouveautés, dont une un peu rancie déjà, tel est notre bilan.
Ce fut il y a dix ans que le Gendre de M. Poirier fit sa première
apparition au Gymnase, sous le patronage de deux futurs académi-
ciens qui avaient éprouvé le besoin de donner un pendant à l'Ecole
des bourgeois, de d'Allainval. Dans l'une et l'autre de ces deux co-
médies, il s'agissait de mésalliance; seulement la leçon n'était pas
la même. Voyez la bizarrerie : au siècle dernier, quand l'aristocratie
tenait le haut du pavé, c'élait le grand seigneur qu'on bernait fina-
lement au profit des bourgeois ; en l'an de grâce 1854, au contraire,
sous le règne de la bourgeoisie, c'était le gentilhomme qui avait les
honneurs de la guerre. Ce qui prouve qu'en toute occasion, et sous
tous les régimes, la raison du plus fort n'a pas été la meilleure. ..
au théâtre. Le Gendre de M. Poirier, transplanté à la Comédie
française, n'a pas été moins goûté qu'au Gymnase. Il est vrai que
l'élément Gymnase s'y retrouve dans la personne de Bressant et
dans celle de Lafonlaine, qui n'ont point créé leurs rôles, mais qui
les jouent presque aussi bien que Berton et Dupuis. Ajoutez à cela
Provost, qui est bien le plus parfait de tous les bourgeois passés,
présents ou futurs, et Mlle Favart , dont la distinction, simple et
touchante, n'est pas trop écrasée par le souvenir de Mme Rose
Chéri.
— Toutes les corporations sont, à ce qu'il paraît, destinées à défiler
les unes après les autres sur les planches des Variétés. Nous avons
vu les Médecins, puis les Domestiques, puis les Portiers, et voici
venir messieurs les Coiffeurs. En réalité, ce n'est pas d'aujourd'hui
que cette intéressante classe des artistes capillaires a pris rang
parmi les types comiques. Depuis Figaro, le célèbre barbier de
Beaumarchais et de Rossini, jusqu'à Léonard, le coiffeur historique
de Marie-Antoine Ite, dont Bouffé a un jour emprunté les traits, com-
bien n'avons-nous pas compté de ces industriels charmants dans nos
vaudevilles, voire même dans nos drames' Les auteurs delà pièce
nouvelle des Variétés ont eu la prétention de les réunir dans un
cadre général, dans une étude complète, et ils n'y ont qu'à moitié
réussi. Les salons du coiffeur Marius, où se succèdent tous les gen-
res connus de pratiques singulières, sont cependant d'une ressem-
blance assez bien saisie. Mais les coiffeurs de théâtre ne sont pas aussi
favorablement traités que leurs confrères du monde. L'imbroglio
inextricable auquel ils servent de prétexte est de nature à les com-
promettre sérieusement. Par bonheur, toutes les nuances fondues
dans le bal de coiffeurs où se dénoue l'intrigue de ce vaudeville
composent un tableau dont l'effet est suffisant pour renvoyer le
spectateur à peu près content. Avant la représentation des Coiffeurs,
on avait parlé d'une cabale; mais le temps des Calicots est passé,
et ce nouveau Combat des montagnes en est réduit à regretter peut-
être le calme dont on l'a laissé jouir.
— Un joyeux petit vaudeville , intitulé la Maison rouge, s'est
glissé au Palais-Royal, dans une représentation de dimanche, et
sert aujourd'hui de lever de rideau à la Cagnotte. C'est ce qu'on ap-
pelle, en termes d'atelier, une scie montée par des artistes, qui se
font passer pour des voleurs , dans le but de dégoûter une famille
de bons bourgeois de la location d'une maison de campagne où ils
ont établi assez indûment leur quartier général. Les mots drôles se
succèdent comme un feu de file dans cette bluette, signée d'un
pseudonyme qui cache un homme de lettres connu par d'honorables
succès au théâtre et ailleurs.
— Le célèbre épisode du Moine, de Lewis, qu'on nomme la Nonne
sanglante, a eu plus de bonhear en drame qu'en opéra. Malgré les
beautés de premier ordre qui sont éparses dans la partition de
M. Gounod, nous doutons qu'on lui fasse jamais les honneurs d'une
reprise, et depuis trente ans que M. Anicet Bourgeois a traité
le même sujet à la Porte-Saint-Martin, voici la troisième ou quatrième
fois qu'il revienne sur l'eau. Cette pièce sombre était jouée dans
l'origine par Mlle Georges et par Lockroy ; à présent, elle a pour
principaux interprètes Mlle Karoly et M. Taillade. Du reste, on y a
fait peu de changements; tout au plus a-t-on rajeuni pour Mlle Ma-
riquita le rôle de la bohémienne Thécla, et a-t-on introduit au mi-
lieu de l'action, sous le titre de Pleurs et Papillons, un ballet dansé
par un M. Carrey de la Scala et de San -Carlo, et par une demoiselle
Cassani, de l'opéra de Vienne.
— A l'Ambigu, on a repris la Prière des Naufragés, un drame
très-émouvant, dont la mémoire s'était un peu perdue au boulevard
et qui est presque une nouveauté pour la génération présente. Le
radeau de glace qui porte Mlle Page est toujours d'un effet immense
sur la foule, et le brillant début de Raynard, qu'on a tant applaudi
174
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
naguère dans les Chevaliers du pince-nez, ajoute un attrait de plus
à la résurrection de cet ouvrage, qu'on n'a pas joué, nous dit l'af-
fiche, depuis 1853.
— A la Gaîté, on a rerais en scène Paris la nuit, une pièce mixte
où l'intérêt marche de pair avec le rire. De nombreuses modifications
y ont été faites par un nouveau collaborateur qui a modestement
gardé l'anonyme. Le chorégraphe a eu aussi sa part d'innovations,
et vraiment nous ne savons trop si nous devons le féliciter d'avoir
exhibé, dans son ballet, des célébrités de bal public , telles que
MM. Flageolet, Clodoche, Lacomète et Normande. Que ne nous
ramène-l-on tout de suite à Rigolboche ?
Quoi qu'il en toit de cette avalanche de vieilleries, on fait un
peu d'argent partout, le ciel aidant ; mais n'en ferait-on pas davan-
tage en tirant de la poussière des cartons quelques-uns des manus-
crits qui les encombrent ? Nous verrons cela sans doute, et bien
d'autres choses encore, avec la liberté des théâtres, dont le règne
approche.
D. A. D. SAINT-YVES.
IOUVELLES.
*„ L'Opéra a donné lundi le Docteur Magnus et Giselle; mercredi, la
Favorite et Diavolïna; vendredi, Guillaume Tell, avec Villaret et Mme Pas-
cal, qui débutait dans cet ouvrage. — Aujourd'hui, le Trouvère et Dia-
volina.
* Les Bouffes-Parisiens annoncent pour mardi 31 mai une grande
solennité musicale au bénéfice de Mme Ugalde. La représentation sera
ainsi composée : un fragment de Galathée; le second acte du Caïd; un
fragment du second acte des Bavards ; le chant de guerre du troisième
asie des Géorgiennes. Un intermède par les frères Lyonnet et un lever
de rideau compléteront ce spectacle, qui terminera dignement la saison
théâtrale.
% Les recettes brutes faites pendant le mois d'avril 1864 dans les
théâtres impériaux subventionnés, les théâtres secondaires, petits spec-
tacles, concerts, etc., se sont élevées à 1,919,760 fr. 87 c.
t% Les concours pour le grand prix de composition musicale ayant
lieu maintenant au Conservatoire impérial de musique et de déclama-
tion, hier samedi a commencé le concours d'essai, et sept concurrents
ont été mis en loge par le comité des études musicales, pour y rester
jusqu'à vendredi prochain.
*„ On vient de représenter au théâtre de Dijon une opérette dans
le genre de celles d'Offenbach, qui a pour titre les Orangs-outous. Elle
est due à la collaboration de MM. d'Izy pour les paroles et de M.Louis
François pour la musique. Cette bouffonnerie, fort bien jouée par
M. Victor Vallée et Mlle Lemaire, a été accueillie avec beaucoup de
faveur.
*„ Les hommages rendus à la mémoire de Meyerbeer dans les jour-
naux de Londres ont prouvé les regrets de la perte immense que vient
de faire l'art lyrique. M. Davison, dans le Musical World; M. Clarke, dans
le Daihj tclegraph; M. Chor'ey, dans VAthenœum, et M. Gruneisen dans le
Queen, ont témoigné leur admiiation du grand maître et leur respect
pour son caratère. M. Gruneisen prépare une biographie plus étendue
que le petit livre qu'il a écrit lors de la première représentation des
Huguenots à Covent-Garden (1848), et l'article qu'il a écrit il y a trois
ans dans le New Quartley Rewiew.
t*tA la nomenclature des œuvres de Meyerbeer que contient la biogra-
phie écrite par M. Fétis, et reproduite par la Gazette musicale, il faut ajou-
jouter ; Sept chants religieux à quatre voix, un volume in-4\— Nice à
Stéphanie, cantate. — Chœurs pour voix d'homme : A la Patrie ! Invoca-
tion à la terre natale, les Joyeuv chasseurs, le Citant des Exilés, Adieu aux
jeunes mariés, sérénade pour deux chœurs à huit voix (ce dernier
chœur, dont les paroles sont de M. E. Deschamps, se trouve sous
presse également sous le titre de Prière du matin); — le Revenant du châ-
teau de Bade, ballade, paroles de Méry.
**„. L'assemblée générale de la Société des auteurs, compositeurs et
éditeurs de musique aura lieu dimanche prochain, 5 juin, à 1 heure
après midi, chez M. Souffleto, facteur de pianos, rue Montmartre, 161.
MM. les sociétaires sont instamment priés d'assister à cette réunion.
*% L'Académie de chant, à Berlin, a célébré, le 24 mai, unesolennité
musicale consacrée à la mémoire de Meyerbeer. On y a exécuté le
choral de Fasch : A Dieu, o mon âme, élève toi ! du motet de Gallus :
Ecce quomodo morilur justus ; un verset de L. Hellwig; le Requiem de
Mozart, et le 23e psaume pour deux chœurs, composé par Meyerbeer
en 1807, spécialement pour l'Académie de chant, où il était entré deux
ans auparavant (1805) comme élève du professeur Zelter.
*% Le comité du district Auf der Wieden, à Vienne, a décidé que la
fontaine monumentale qui s'élève au centre de la place Mozart serait
décorée d'une statue du grand compositeur, sculptée en pierre dite
kaiserstein.
*** Arban va profiter des loisirs que lui laissent les vacances du
Casino pour aller diriger, pendant un mois à Nantes, les concerts du
Sport qui auront lieu au cercle; de là il se rendra à Marseille, où il di-
rigera l'orchestre du Château des fleurs ; après quoi il passera le reste
de la saison h Ems et dans les diverses eaux thermales de l'Allemagne,
où il a de très-beaux engagements.
*% Un nouveau théâtre dont les proportions seront suffisantes pour
recevoir trois mille spectateurs, va s'élever à Marseille. On y jouera
Topéra-comique, l'opérette, le ballet, la comédie et le vaudeville. Il
prendra le nom de Grand Théâtre des Arts.
*** Une représentation solennelle, organisée en l'honneur de Meyer-
beer et composée d'un acte de chacun des chefs-d'œuvre de l'illustre
compositeur, a eu lieu au grand théâtre de Nantes. A cette occasion,
la Société des beaux-arts de Nantes a offert à la famille de Meyerbeer,
comme témoignage du deuil général des théâtres de France, une ma-
gnifique couronne d'immortelles, de feuilles de chêne et de lauriers
attachée par des nœuds de satin blanc, rehaussé de glands d'or.
*%. La transformation de l'Athénée musical en salle de spectacle vient
d'être décidée. Il prendra le titre, d'Athénée dramatique ; on y jouera
exclusivement les vaudevilles et les revues, sous la direction de M. Os-
car, ex-régisseur des Délassements-Comiques. L'ouverture est annoncée
pour le mois d'août.
„% Demain aura lieu à la Sorbonne, sous la présidence de M. Dupin
aîné, sénateur, la 49e assemblée annuelle de la Société pour l'instruc-
tion élémentaire. Cette solennité sera, comme d'usage, accompagnée
des chants de l'Orphéon, sous la direction de M. Pasdeloup.
*% Les divertissements de tout genre offerts par M. Benazetaux tou-
ristes qui visitent annuellement Bade l'emportent habituellement sur
tout ce qui se fait dans les eaux thermales de l'Europe. Le programme
de ceux qui doivent défrayer la saison de 1864 vient de paraître, et
laisse encore bien loin les précédents. Les représentations théâtrales y
tiennent naturellement la première place et elles formeront trois caté-
gories, la première consacrée à l'opéra-comique, la seconde à l'opéra
italien, la troisième à la comédie française. Seize opéras-comiques se-
ront joués, au nombre desquels on remarque Zampa, Joconde, la Fille
du régiment, Fra Diavolo, la Dame blanche et les Noces de Jeannette; de
plus trois opéras nouveaux : De par le roi, un acte de Laurencin et feu
Ancelot, musique de Gustave Héquet; la Fleur de lotus, un acte de
J. Barbier, musique de Prosper Pascal; le Rouet, un acte de Michel Carré,
musique de la comtesse de Grandval. La troupe italienne jouera Rigo-
letto, I Puritani, Il Trovalore, Don Pasquale et la Gazza ladra; la Co-
médie française, les plus jolies pièces de son répertoire et trois nouveau-
tés, l'une en trois actes de M. Ernest Feydeau, et deux en un acte de
MM. A.Decourcelles et Verconsin. — Les principaux artistes engagéssont
MM. Jourdan, Crosti, Sainte-Foy, Warnots, Jules Petit; Mmes Faure-
Lefèvre, Henrion, Géraldine, Doria; MM. Naudin, Delle-Sedie, Agnesi,
Léon Duprez, Frizzi; Mmes Charton-Demeur, Marie Battu, Sanchioli;
MM. Bressant, Régnier; Mmes Madeleine Brohan, Bremond, etc.— Les
concerts ne seront pas nombreux ; cependant il y aura pour le jour
anniversaire de S. A. R. le grand-duc une fête musicale où se feront
entendre Mmes Charton, Battu, Delle-Sedie et Duprez. — Le mois de
septembre sera consacré aux brillantes courses d'Iffezheim.
**„ Berthelier a chanté quatre fois, au théâtre de Nantes, Lischen et
Fritzchen, avec Mlle Frazey ; à la dernière représentation on lui a jeté
une couronne de feuillage d'or. — A Rennes, il a joué cette opérette
d'abord au concert des courses, où Mlle Sax s'est fait également enten-
dre, et au théâtre.— Enfin, à Melun, Berthelier a dû répéter Lischen et
Fritzchen au concert donné à l'occasion du comice agricole.
*** Le prix qui avait été mis au concours par la Liedertafel d'Aix-la-
Chapelle pour la meilleure composition de chœur pour voix d'hommes
avec orchestre et solos, a été décerné ex œquo à M. Wùllner, direc-
teur de musique à Aix-la-Chapelle, et à M. Brambach, directeur de
musique à Bonn.
*** Les trois mélodies de J. J. Masset, le professeur de chant du Con-
servatoire, composées sur les paroles de MM. Victor Lacrampe et Adol-
phe Catelin, ont un véritable succès. Elles ont pour titres : H est de
retour, Si tu voulais niaimer, Voici le printemps.
„*„. Un grand concours de chant d'ensemble, organisé par la société
royale l'Echo de l'Escaut et la société chorale Grétry, est annoncé à
Anvers pour le dimanche 21 août. Six médailles d'or de 150 à 300 fr.,
et trois de vermeil, de même qu'un prix d'honneur composé d'une mé-
daille d'or et d'une prime de 1,000 francs, seront distribués. Toutes
les sociétés devront faire connaître, avant le 5 août, les titres et les
noms des auteurs des chœurs qu'elles se proposent de chanter et qu'elles
sont tenues d'exécuter. — Toutes les pièces relatives au concours, ou
demandes de plus amples détails, doivent être adressées franco aux se-
DE PARIS.
175
crétaires du comité d'organisation, café-restaurant de la Bourse, rue des
Douze-Mois, à Anvers.
.,% Un concours pour la place d'organiste doit avoir lieu prochaine-
ment à Clamecy (Nièvre), sur un nouvel orgue de la maison A. Cavaillé-
Coll, de Paris. Pour les renseignements, s'adresser à M. le secrétaire
du conseil de fabrique, à Clamecy (Nièvre).
,** M. Eug. Prévost continue à diriger avec beaucoup de succès
l'orchestre des concerts Besselièvre aux Champs Elysées. Pendant les
quelques jours de chaleur qui nous avaient donné, lu. semaine dernière,
les avant-goùts de l'été, la foule y était si nombreuse, qu'on avait peine
à y circuler et à y trouver des sièges. Le réperloire musical est choisi
avec beaucoup de goût et très-varié, et de plus l'exécution est excel-
lente. Vienne donc de nouveau un temps supportable, et ce beau jardin
restera le rendez-vous de la meilleure et de la plus élégante compa-
gnie de Paris.
*% Aujourd'hui dimanche 29 mai, grande fête de bienfaisance, au
Pré-Catelan, donnée au profit de la commune modèle de Frotey-lez-
Vezoul, sous le haut patronage de Son Exe. Hassan-Ali -Khan, ambassa-
deur de Perse. Toute l'ambassade assistera à la fête. On tirera une
riche tombola, et avec 1 franc, prix du billet d'entrée, on jouira d'un
splendide spectacle, on fera une bonne œuvre, et l'on pourra gagner
des lots d'une valeur artistique et réelle. Les grands chanteurs et les
grands virtuoses donneront leur concours à ce concert unique.
*** C'est le 15 juin que sera inauguré le bel établissement de bains
de mer élevé sur la place des Miellés, à Cherbourg, et dont nous avons
déjà parlé. Nous ne pouvons entrer dans le détail de tout ce qui a été
réuni par les entrepreneurs pour faire de cet établissement un des
plus agréables et des plus confortables de la France et de l'étranger,
mais nous pouvons affirmer qu'ils ont mis à contribution tous les per-
fectionnements que pouvaient leur offrir ceux du même genre pour
faire du leur un établissement modèle. Après le point essentiel, les
bains, le Casino a été surtout l'objet de soins tout particuliers; son
grand salon, décoré dans un goût très-pur, sobre, et en même temps
d'un grand effet, est merveilleusement approprié aux exécutions musi-
cales, aux bals, aux fêtes, etc. C'est M. Alwood, ancien inspecteur des
bains de Boulogne-sur-Mer, çui a été choisi pour diriger l'établisse-
ment, et on peut s'en fier à son expérience pour donner bientôt la
vogue aux bains de mer de Cherbourg.
*** A Prague, vient de mourir une ancienne actrice du théâtre de
cette ville, Mme Brunetti-Knize, dont la réputation datait d'un peu
loin ; elle avait brillé sur la scène de 1807 à 1817. Mme Brunetti, veuve
du maître de ballet de ce nom, est morte dans sa quatre-vingt-deuxième
année.
„.% Le compositeur Ruggero Manna, de Trieste, est mort le 13 du
courant à Crémone, dans sa cinquante-cinquième année. Manna passait
pour un des plus savants contrapontistes de l'Italie.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Lyon. — Les diverses séances musicales qui viennent d'avoir lieu
à l'occasion de l'inauguration de l'orgue construit par la Société ano-
nyme: Établissements Merklin-Schùtze, dans l'église du pensionnat des
Chartreux, ont mis les auditeurs à même d'apprécier le magnifique
instrument livré par ces facteurs justement renommés et qu'il devient
superflu de louer, après les éloges si souvent répétés et si connus du
patriarche de la science musicale, M. Fétis. MM. Ed. Batiste, Renaud de
Vilbac, Ruest et Widor ont fait valoir avec talent les nombreuses res-
sources qu'offre l'instrument. Les chants ont achevé de rendre inté-
ressantes ces belles séances. On a remarqué, même entre les beaux
chœurs de Rinck et de Palestrina, une suave composition de l'abbé
Neyrat. Ce cantique est l'heureux épanouissement de la piété et du ta-
lent musical du maître de chapelle de la cathédrale.
„.% La Rochelle, 25 mai. — Mardi dernier, on donnait Martha. Après
l'ouvrage de Flotow, une cantate ayant pour titre Hommage à Meyerbeer,
a été exécutée et accueillie comme elle méritait de l'être. Les paroles
sont de M. Paul Gaudin, la musique de Léon Meneau. Après le premier
chœur, des récitatifs amènent un air de ténor, fort bien chanté par
M. Pascal, mari de la cantatrice qui vient de débuter à Paris. Plusieurs
motifs tirés des œuvres de Meyerbeer figurent dans un intermède ins-
trumental. Les artistes et l'orchestre, conduit par M. Meneau, ont reli-
gieusement accompli leur tâche.
*% Bordeaux, 24 mai. — Au concert du Cercle philharmonique, le
célèbre clarinettiste Wuille, que nous ne connaissions pas encore, a ob-
tenu un succès complet. Dans les deux fantaisies de sa composition et
le morceau de concert de Demersseman, il a constamment tenu son au-
ditoire sous le charme. Digne émule des Leroy et des Cavallini, il pos-
sède une exécution merveilleuse, incomparable, qui l'a justement fait
surnommer le Paganini de la clarinette. Il faut entendre ces trilles ad-
mirables, ces cascades de notes perlées, ces pianissimo ravissants,
cette bravoure étourdissante, pour comprendre l'exactitude parfaite de
la comparaison. Et ces qualités étonnâmes, M. Wuille ne les possède
pas au détriment du charme et du style; sa manière de phraser est
aussi claire qu'élégante, et au milieu des difficultés les plus ardues, il sait
conserver un calme, une majesté qui n'en produisent que plus d'effet.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„** Londres. — Les Huguenots et Robert le Diable ont été donnés pour
la seconde fois la semaine passée au théâtre de Covent-Garden, où l'on
s'occupe activement des répétitions de Stradella et de l'Etoile du Nord.
Mlle Lucca, dont le succès a été si éclatant dans le rôle de Valentine,
et qui vient de chanter, aux bravos unanimes, la Marguerite de Faust,
jouera Catherine dans l'opéra-comique de Meyerbeer. Mlle Lagrua ex-
cite l'enthousiasme dans Robert le Diable par le talent supérieur qu'elle
déploie dans le rôle d'Alice; Naudin a été un excellent Robert et on
l'a justement applaudi; Mlle Battu n'a pas moins bien réussi dans les
rôles d'Alice et d'Isabelle, qu'elle a rendus avec une véritable supério-
rité. Mlle Patti est toujours la favorite du public; ses représentations
dans la Sonnam\ula et le Barbier avaient complété le répertoire de la
semaine. — Au théâtre de Sa Majesté, les Huguenots, avec Mme Tietjens,
Mlles Trebelli et Giuglini, Lucie, Faust et le Barbier ont été donnés ;
Falstaff (les Joyeuses Commères de Windsor) a disparu de l'affiche
après quelques représentations. — La saison de s concerts a commencé.
Wieniawski et Joachin se font entendre et app audir aux concerts po-
pulaires du lundi.— Au concert de la Société philharmonique, Mme God-
dard a été applaudie comme d'habitude; VOuverture de l'exposition, com-
posée par Auber, y a eu également un très-grand succès.
*** Vienne. — Pour mercredi 25, la Société italienne annonçait la
première représentation de Saffo, avec Mmes Barbot et Artot, M. et
Mme Pardini et Sacco-Mano; une seconde représentation aurait lieu le
vendredi suivant, en cas de succès. — Au Karltheater, une opérette de
Conradin, Goliath, a eu un succès d'estime, grâce à deux ou trois mor-
ceaux passables. — Mlle Tiefensee, à son concert du 19 mai, a eu beau-
coup de succès. La bénéficiaire a chanté avec sa belle voix de mezzo-
soprano un air de Don Juan, l'air de Fidés, etc.; des variations de Proch
et des chansons hongroises, bohèmes, russes, etc.
*** Berlin. — Le directeur de musique "Wieprecht a organisé une fête
commémorative en l'honneur de Meyerbeer. On y a exécuté : marche
funèbre, par Wieprecht, sur des motifs de Robert, Struensée et l'Etoile
du Nord; finale du quatrième acte des Huguenots; marche du Prophète;
chant de guerre (l'Étoile du Nord) et la Marche aux flambeaux.— Le ténor
Niemann, qui a donné ici une série de représentations, a débuté par
le rôle du Tannhaeuser. — Par suite de divers empêchements, la re-
prise à'Olympie a été remise à la saison prochaine. — Avec la fête de
la Pentecôte ont commencé les représentations théâtrales à la salle Kroll-
on a donné jusqu'ici la Dame blanche et Freyschiitz.
*** Gotha. — L'opéra nouveau, Hlyna, par un compositeur nommé
Dœrstling, a été donné au théâtre de la cour sans grand succès.
*** Darmstadt. — A l'occasion du mariage du grand-duc de Meck-
lenbourg avec une princesse de Hesse, le théâtre de la cour a re-
présenté la Statue, opéra de Eeyer.
*** Milan. — L'auteur de Don Bueefalo, le maestro Cagnoni, vient de
faire représenter au théâtre S. Radegonde un nouvel opéra, Michèle
Perrin (Michel Perrin), dont le sujet est emprunté à un vaudeville fran-
çais. Le livret est intéressant et fait honneur au traducteur, M. Marcello.
Quant à la musique, c'est certainement une des plus belles pages sor-
ties de la plume du compositeur. Les motifs en sont légers, et surtout
neufs et originaux ; l'instrumentation élégante et on ne peut plus soi-
gnée. L'œuvre a été très-bien exécutée, aux grands applaudissements
du public, par Teresina Pozzi, le ténor Tintoret, les barytons Altini et
Archinsi, et les basses Anselmi et Bottero. C'est un succès réel et qui
promet d'être de longue durée.
le Directeur : S. DCFOUR.
176
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Collection des Œuvres de
GIAGOMO WIEYEŒtBEESt
Publiées par G. BRANDUS et S. DUFOUR, éditeurs, 103, rue de Richelieu, au 1«.
ROBERT 1E DIABLE, LES HUGUENOTS, LE PROPHETE,
L'ÉTOILE DU NORD, LE PARDON DE PLOERMEL
Grandes partitions. — Parties d'orchestre.
Partitions ponr piano et cbant,Çavec paroles françaises; les mêmes, avec paroles italiennes et allemandes.
Partitions ponr piano seul et à quatre mains. — Airs détachés de chant. — Chœurs. — Ouvertures. — Marches. — Airs de ballet.
OIITEBTUBG
Grande partition, parties d'orchestre,
piano, à quatre mains.
STRUENSÉE
POLONAISE
Grande partition, parties d'orchestre,
piano, à quatre mains.
IL CROCIATO
Partition chant et piano. — Prix net : 12 fr.
Airs détachés de chant.
40 MÉLODIES
In-8». — A une et à plusieurs voix. — Net : 12 fr.
MARGUERITE D'ANJOU
Partition chant et piano. — Prix net : 42 fr.
Airs détachés de chant.
MÉLODIES DÉTACHÉES AVEC PAROLES FRANÇAISES ET ALLEMANDES
Fantaisie 4 i
Seule, pour voix de basse 4 !
La Marguerite du poète 3 !
Suleika 4 :
Le Jardin du cœur 2 :
Guide au bord ta nacelle 4 :
Sirocco 4
La Chanson de maître Floh. ... 4
Chanson des moissonneurs vendéens 4
D« ma première amie 2
Elle et moi 2
Chanson de mai 4
La même, avec paroles italiennes.
Rachel à Nephtali
A une jeune mère
Le Moine, pour voix de basse. . .
La Barque légère
Ballade de la reine Marguerite . .
La Folle de Saint-Joseph
Mère grand, nocturne à deux voix.
Le même, avec paroles italiennes
Le Ranz des vaches d'Appenzell. .
Le Vœu pendant l'orage
Le Poëte mourant
La Fille de l'air
Nella
C'est elle
Les feuilles de rose
Mina
Les souvenirs
La même, avec paroles italiennes.
Le Pénitent
Sérénade
La Dame invisible
Sur le balcon
Cantique du trappiste, pour basse.
La même, avec paroles italiennes
Prière d'enfants.
Printemps caché
Chant du dimanche 2 50
Confidences 3 50
Délire 3 50
Le même, avec paroles italiennes.
Le Voyageur au tombeau de Bee-
thoven 5 a
Le Baptême 3 n
Aimez 2 »
Sicilienne 3 »
A Venise, barcarolle, paroles fran-
çaises de Paccini 5 •
La même, avec paroles italiennes
de Baltrame 5 »
liE CHANT DU BERGER, lied avec ac-
compagnement de clarinette obligée 6 »
PRÈS DE TOI, lied avec accompagnement de
violoncelle obligé 6 »
LE REVENANT DU VIEUX CHATEAU DE BADE,
Légende et ballade, 9 i
CHŒURS POUR VOIX D'HOMME
1WROI.ES françaises et allemandes.
A la Patrie, chœur avec soli net. 2 »
Invocation a la terre natale, chœur sur un thème anglais \ 50
Les Joyeux Chasseurs, chœur à quatre voix 1 »
JL* Amitié, quatuor i •
lie Citant des Exilés, chœur avec solo de ténor 2 »
Adieux aux jeunes mariés, sérénade à huit voix 2 »
Prière du matin, pour deux chœurs à huit voix 2 »
Chant guerrier, de Struensée, chœur à quatre voix < »
Le Ol» Psaume, motet à huit voix (en deux chœurs), in-8°. 5 »
Sept ebants religieux, à quatre voix, 1 vol. in-
15
MORCEAUX DE CHANT DIVERS
A Schiller, cantate composée pour la célébration du 100» an-
niversaire de la naissance de Schiller, in-80, net 5
Nice à Stéphanie, cantate composées pour l'anniversaire de
S. A. I. Mme la grande-duchesse Stéphanie do Bade 9
Scène et Prière, composées pour Mario dans Robert le Diable. 6
Scène et Cavatlsie du Crociato, composée pour Mme Pasta. G
Rondo composé pour Mme Alboni dans les Huguenots 6
Parmi les pleurs, romance intercalée dans les Huguenots. . . 6
Polonaise et Arloso, ajouté à V Etoile du Nord, chfque 9
Scène et Canzonelta, ajoutées au Pardon de Ploërmel 9
Pas de la bouquetière, air dansé, ajouté à Robert le Diable 6
SCHILLER -MARSCH
Composée pour la célébration du K 00e anniversaire de la naissance de Schiller .
Grande partition, parties d'orchestre, piano, a quatre mains.
MARCHE DU COURONNEMENT
Composée pour le sacre du roi Guillaume I" de Prusse.
Grande partition, parties d'orchestre, piano, à quatre mains.
4 MARCHES AUX FLAMBEAUX
Grandes partitions, parties d'orchestre, piano, à quatre mains.
(La 3° marche pour musique militaire.)
OUVERTURE EN FORME DE MARCHE
Composée pour l'inauguration de l'Exposition universelle de Londres.
Grande partition, parties d'orchestre, piano, à quatre mains.
-^g^g^eigfe-
PORTRAIT LITHOGRAPHIE DE GIACOMO MEYERBEER,
dessiné d'après nature par Desmaisons,
Prix net : 5 fr.
ARIS — luriuWE
BUREAUX A PARIS "• BOULEVARD1 DES ITALIENS, 1.
31e Année,
N° 23.
5 Juin 1864.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et a l'Étranger,
cher tous les Marchands de Musique, les Libraire:
et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24r.pnran.
Départements, Belgique et Suisse. ... 30 n id.
Étranger 3* » '*•
Le Journal paraît le Dimanche.
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mendelssohn-Bartholdy (2e et dernier article), par Fétis père.
— Théâtre Lyrique impérial : reprise de la Reine Topaze, par Léon BSuro-
cher. — La musique, le théâtre et la danse à l'Exposition des Beaux-Arts,
salon de 1864 (1er article), par Em. Mathieu de Monter. — Nouvelles
compositions de M. F.-J. Fétis, par A. Elwart. — Concours pour le grand
prix de composition musicale. — Nouvelles et annonces..
MENDELSSOHN-BARTHOLDY.
(Biographie universelle des musiciens. — Seconde édition .)
(2e et dernier article) (1).
Si Mendelssohn ne posséda pas un de ces génies puissants, ori-
ginaux, tels qu'en vit le dix-huitième siècle ; s'il ne s'éleva pas à la
hauteur d'un Jean-Sébastien Bach, d'un Haendel, d'un Gluck, d'un
Haydn, d'un Mozart, d'un Beethoven ; enfin, si l'on ne peut le pla-
cer au rang de ces esprits créateurs, dans les diverses déterminations
de l'art, il est hors de doute qu'il tient, dans l'histoire de cet art,
une place considérable immédiatement après eux, et personne ne lui
refusera jamais la qualification de grand musicien. Il a un style à
lui et des formes dans lesquelles se fait reconnaître sa personnalité .
Le scherzo élégant et coquet, à deux temps, de ses compositions in-
strumentales, est de son invention. Il a de la mélodie ; son harmo-
nie est correcte et son instrumentation colore bien ses idées, sans
tomber dans l'exagération des moyens. Dans ses oratorios, il a fait
une heureuse alliance de la gravité des anciens maîtres avec les res-
sources de l'art moderne. Si son inspiration n'a pas le caractère de
grandeur par lequel les géants de la pensée musicale frappent tout
un auditoire, il intéresse par l'art des dispositions, par le goût et
par une multitude des détails qui décèlent un sentiment fin et déli-
cat. Malheureusement il était préoccupé d'une crainte qui doit
avoir été un obstacle à la spontanéité de ses idées ; cette crainte
était de tomber dans certaines formes habituelles par lesquelles les
compositeurs les plus originaux laissent reposer de temps en temps
l'attention : il la portait jusqu'à l'excès. Dans la plupart de fes compo-
sitions, on sent qu'elle lui fait éviter avec soin les cadences de termi-
(1) Voir le n° 22.
naison, et faire un constant usage de l'artifice de Yinganno, appelé
communément cadence rompue; aux conclusions de phrases, qui
sont de nécessité absolue pour la clarté de la pensée, il substitue
avec une sorte d'obstination ce même artifice, et multiplie, par une
conséquence inévitable, les modulations incidentes. De là un enche-
vêtrement incessant de phrases accessoires et surabondantes, dont
l'effet est de faire perdre la trace de la pensée première, de tomber
dans le vague, et de faire naître la fatigue. Ce défaut, remarquable
surtout dans les œuvres instrumentales de Mendelssohn, est un, des
traits caractéristiques de sa manière. Il y a de belles pages dans un
grand nombre de ses compositions ; mais il est peu de celles-ci où
l'intérêt ne languisse en de certaines parties, par l'absence d'un rhy-
thme périodique bien senti.
Parmi les œuvres de musique vocale de Mendelssohn, ses orato-
rios Paulus et Elie ne sont pas seulement les plus importantes par
leurs développements ; elles sont aussi les plus belles. Ses psaumes
42e, 65e, 98e et 114% avec orchestre, renferment de belles choses,
principalement au point de vue de la facture. Il a fait aussi des
chœurs d'église avec orchestre, qui sont d'un beau caractère, ainsi
que d'autres psaumes sans instruments, composés pour le Dom-Chor
de Berlin; enfin, on a de lui des motets pour une, deux ou quatre
voix avec orgue. Sa grande cantate de Walpurgisnucht a de la
réputation en Allemagne; elle y a été exécutée dans plusieurs gran-
des fêtes musicales. Pour moi, après l'avoir entendue deux fois, j'en
ai trouvé le style lourd. Mendelssohn avait écrit cet ouvrage à Rome,
dans le mois de décembre 1830, à l'âge d'environ vingt-deux ans;
mais il le changea presque entièrement quatre ou cinq ans avant sa
mort. C'est sous sa dernière forme qu'il est maintenant connu. A
l'égard da la musique de YAntigone et de Y Œdipe à Colone, de So-
phocle, ainsi que de YAlhalie de Racine, écrits à la demande du roi
de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, on ne les a publiés qu'en parti-
tion pour le piano. Ces ouvrages sont peu connus; cependant
YOEdipe a été essayé au théâtre de l'Odéon, à Paris, mais sans
succès.
Ainsi qu'il a été dit dans cette notice, le génie de Mendelssohn
n'était pas essentiellement dramatique; il avait lui-même conscience
de ce qui lui manquait pour l'intérêt de la scène, car son goût ne se
portait pas vers ce genre de composition. On sait que les Noces de
Gamache, ouvrage de sa première jeunesse, n'ont pas réussi. Après
178
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cet essai, la plus grande partie de sa carrière d'artiste s'écoula sans
qu'il produisît rien pour le théâtre. 11 écrivit pour sa famille une sorte
d'intermède, intitulé : Die Heimkehr aus der. Fremde (le Retour du
voyage à l'étranger) ; il ne le destinait pas à la publicité et l'avait
gardé dans son portefeuille ; mais ses héritiers l'ont fait graver au
nombre de ses œuvres posthumes. On y trouve quatorze morceaux
écrits d'un style gracieux et léger, dont une romance, six Lieder
pour différentes voix, un duo pour soprano et contralto, deux trios,
un chœur et un finale. Cette composition, à laquelle Mendelssohn ne
parait pas avoir attaché d'importance, est néanmoins une de ses
meilleures productions, au point de vue de l'inspiration originale. Il
est un autre ouvrage mélodramatique de cet artiste qui a droit aux
éloges, non-seulement des connaisseurs, mais du public, et qui fut
écrit daas le même temps que celui qui vient d'être mentionné : je
veux parler de la musique composée pour la traduction allemande du
drame si original de Shakespeare, le Songe d'une Nuit d'été (Ein
Sununernachtstraum). L'ouverture inspirée par ce sujet était écrite dès
1829, mais le reste de la partition ne fut composé que longtemps
après, pendant le séjour de Mendelssohn à Berlin, comme directeur
général de la chapelle du roi de Prusse. Tout est bien dans cet ou-
vrage : les pièces instrumentales des entr'actes, la partie mélodrama-
tique des scènes, la chanson avec le chœur de femmes, la marche ;
tout est plein de verve, de fantaisie et d'élégance.
Mendelssohn a peu réussi dans la symphonie, une seule exceptée.
La première (en ut mineur) n'est que le travail d'un jeune homme
en qui l'on aperçoit de l'avenir. Le Chant de louange (Lobgesang),
ou Symphonie cantate (op. 52), comptée par le compositeur comme
sa seconde symphonie, n'est pas une heureuse conception : on y
sent plus le travail que l'inspiration. Les essais qu'on en a faits à
Paris et ailleurs n'ont pas été satisfaisants. La troisième symphonie
(en la mineur) est la meilleure production de l'artiste en ce genre.
Le premier morceau est d'un bon sentiment ; il est écrit avec le ta-
lent connu du maître. Le vivace, ou scherzo, à deux temps, est une
de ces heureuses fantaisies dans lesquelles sa personnalité se mani-
feste quelquefois. Dans V adagio, la pensée est vague, diffuse, et l'ef-
fet est languissant. Le mouvement final a de la verve , il est traité
de main de maître ; mais la malheureuse idée qu'a eue Mendelssohn
de terminer cette partie de son ouvrage par un thème anglais qui
ne se rattache en rien au reste de l'œuvre lui enlève la plus grande
partie de son effet. La quatrième symphonie (en la majeur), œuvre
posthume, ne fait apercevoir dans aucun de ces morceaux le jet de
l'inspiration. Cette symphonie n'a eu de succès ni en Allemagne, ni
à Paris, ni à Bruxelles.
Dans le concerto, sorte de symphonie avec un instrument princi-
pal, Mendelssohn a été plus heureux; son concerto de violon, parti -
culièrement, et son premier concerto de piano (en sol mineur), ont
obtenu partout un succès mérité et sont devenus classiques. Le se-
cond concerto de piano (en ré mineur), dont le caractère général
n'est pas exempt de monotonie, a été beaucoup moins joué que le
premier. Parmi ses œuvres les plus intéressantes de ce genre, il
faut citer sa Sérénade et Allegro giojoso pour piano et orchestre,
composition dont l'inspiration se fait remarquer par l'élégance, la
délicatesse et par les détails charmants de l'instrumentation. Il ne
faut pas plus chercher dans ces ouvrages que dans les autres pro-
ductions de cet artiste ces puissantes conceptions, ni celte originalité
de pensée qui nous frappent dans les concertos de quelques grands
maîtres, de Beethoven en particulier; mais après ces beaux modèles,
Mendelssohn tient une place honorable.
Les ouvertures de ce maître ont été beaucoup jouées en Allemagne
et en Angleterre ; mais elles ont moins réussi en France et en Bel-
gique. Elles sont au nombre de cinq, dont les titres sont : le Songe
d'une nuit d'été, qui est incontestablement la meilleure; la Grotte de
Fingal (ou les Hébrides), en si mineur, bien écrite et bien instru-
mentée, mais monotone et languissante ; la Mer calme et l'heureux
retour (Meeresstille und gliickliche Fahrt), en ré majeur ; la Belle
Mélusine, en fa majeur, et Ruy Blas. Il y a de l'originalité dans ces
compositions, mais on sent, à l'audition comme à la lecture, qu'elle
est le fruit de la recherche; la spontanéité y manque.
La musique de chambre est la partie la plus riche du domaine
instrumental de Mendelssohn; la plupart de ses compositions en ce genre,
soit pour les instruments à archet, soit pour le piano accompagné, ou
seul, ont de l'intérêt. La distinction de son caractère s'y fait recon-
naître. Il y est plus à l'aise que dans la symphonie, et, pour qui
sait comprendre, il est évident qu'il y porte plus de confiance dans
la suffisance de ses forces. Un otletto pour quatre violons, deux altos
et deux violoncelles ; deux quintettes pour deux violons, deux altos
et violoncelle, et sept quatuors (œuvres 12, 13, hh, 80 et 81) com-
posent son répertoire dans cette catégorie de musique instrumentale.
L'ottetto, qui est une des productions de sa jeunesse, était une de
celles qu'il estimait le plus dans son œuvre; il s'y trouve des choses
intéressantes ; mais le talent s'y montre inégal. Son second quintette
(en si bémol, œuvre posthume), et les trois quatuors de l'œuvre Zi4e
sont, à mon avis, les plus complets et ceux où l'inspiration se sou-
tient sans effort. Dans la musique pour piano accompagné, on trouve
d'abord trois quatuors pour cet instrument, violon, alto et violon-
celle (op. 1, en ut mineur; op. 2, en fa mineur; op. 3, en si mi-
neur). Si l'on songe à la grande jeunesse de l'artiste au moment où
il écrivit ces ouvrages, on ne peut se soustraire à l'élonnement qu'un
pareil début n'ait pas conduit à des résultats plus beaux encore que
ceux où son talent était parvenu à la fin de sa carrière. De ces deux
grands trios pour piano, violon et violoncelle, le premier, en ré mi-
neur, op. 49, a eu peu de succès; son caractère est monotone; les
mêmes phrases s'y reproduisent fréquemment sans être relevées par
des traits inattendus; enfin, ce n'est qu'un ouvrage bien écrit; le
second, en ut mineur, op. 66, est beaucoup mieux réussi ; on y trouve
de la verve et de l'originalité. On ne connaît de Mendelssohn qu'une
sonate pour piano et violon (en fa mineur, op. h); ce n'est pas un
de ses meilleurs ouvrages ; mais ses deux sonates pour piano et vio-
loncelle renferment de belles choses.
Je me suis souvent demandé pourquoi, avec un talent si distin-
gué, Mendelssohn n'a pu éviter une teinte d'uniformité dans l'effet
de sa musique instrumentale ; en y songeant, j'ai cru pouvoir attri-
buer cette impression au penchant trop persistant du compositeur
pour le mode mineur. En effet, sa première symphonie est en ut
mineur ; la troisième, en la mineur ; l'ouverture intitulée : la Grotte
de Fingal est en si mineur; le premier morceau du concerto de
violon est en mi mineur ; le premier concerto de piano est en sol
mineur ; le second, en ré mineur ; la sérénade pour piano et or-
chestre est en si mineur; le premier quatuor pour piano, violon, alto
et violoncelle est en ut mineur; le second, en fa mineur; le troisième
en si mineur ; la sonate pour piano et violon est en fa mineur ; le
premier trio pour piano, violon et violoncelle est en ré mineur ; le
second, en ut mineur. Son deuxième quatuor est en la mineur; le
quatrième, en mi mineur, et le sixième, en fa mineur. Sur quatre
caprices qu'il a écrits pour piano seul, trois sont en modes mineurs;
sa grande étude suivie d'un scherzo pour le même instrument est en
/«mineur; deux de ses fantaisies sont également en mode mineur;
son premier scherzo est en si mineur; le second, en fa dièse mi-
neur; enfin, de ses Lieder sans paroles, seize sont en mineur. Si
l'on voulait faire une récapitulation semblable dans la musique de
chant de Mendelssohn, on constaterait la même tendance. Je viens de
parler de ses Lieder sans paroles; il est créateur dans ce genre de
petites pièces instrumentales, dont il a publié sept recueils ; celui
qui porte le numéro d'oeuvre 38 me paraît supérieur aux autres. J'en
ai donné l'analyse dans le quatorzième volume de la Bibliothèque
classique des pianistes.
DE PARIS.
179
Les chants à voix seule avec piano, de Mendelssohn, et ses Lieder
à deux, trois et quatre voix, ont de la distinction, quelquefois même
de la franche originalité; cependant son imagination ne s'élève ja-
mais dans ce genre à la hauteur de François Schubert. Comme tous
les compositeurs allemands du xix° siècle, Mendelssohn a écrit un
grand nombre de ces chants, soit pour les quatre genres de voix de
femmes et d'hommes, soit pour quatre voix d'hommes sans accom-
pagnement.
FÉTIS père.
Meyerbeer a légué à l'Association des artistes musiciens 10,000
francs, et pareille somme à la Société des auteurs dramatiques et
compositeurs.
Voici en quels termes Mme Meyerbeer a fait connaître ce legs à
M. le baron Taylor :
a Berlin, ce lor juin 1864.
» Monsieur,
» C'est un devoir doux à mon cœur que je remplis en vous an-
nonçant que mon mari a destiné par une dernière disposition la
somme de 10,000 francs à l'Association des artistes musiciens. Il
m'a répété bien souvent que c'est grâce à votre dévouement éclairé
que cette Société est devenue la providence des artistes.
» Je cite ici textuellement le paragraphe que j'extrais du testa-
ment de mon mari.
» Je lègue à l'Association des artistes musiciens, présidée par le
» baron Taylor, à Paris, dont je suis membre depuis de longues an-
» nées, la somme de 10,000 francs, argent de France. Cet argent
» doit être placé comme capital inaliénable, les intérêts seulement
» doivent en être versés pour les musiciens nécessiteux dans la caisse
» de secours de la Société. »
» Veuillez agréer, Monsieur le baron, l'assurance de ma parfaite
considération.
» Ninna Meyerbeer. »
Tous les manuscrits laissés par Meyerbeer, à l'exception de l'A-
fricaine, doivent être réunis et conservés pour être remis à celui de
ses petits-fils qui se montrera doué d'une vocation musicale. Dans
le cas où la circonstance ne se produirait pas, Meyerbeer en fait don
à la bibliothèque royale de Berlin.
S. Exe. M. le maréchal Vaillant, ministre de la Maison de l'Em-
pereur et des Beaux-Arts, vient de commander à Dantan jeune le
buste en marbre de Meyerbeer pour être placé au Conservatoire im-
périal de musique.
THÉÂTRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
Reprise de ta Reine Togtase.
Cette reprise n'étonnera personne. La Reine Topas*?, jouée à la fin de
1856, si notre mémoire est fidèle, a été l'un des plus brillants succès
du Ihéâtre Lyrique sous la direction de M. Carvalho. La pièce, où
M. Lokroy avait pour collaborateur un jeune et vaillant écrivain,
plein d'imagination et d'esprit, enlevé peu après par une mort pré-
maturée à la littérature dramatique dont il était l'espoir, dont il
aurait peut-être été la gloire, la pièce est furieusement fantastique.
L'excès du bon sens n'est pas son défaut. Mais elle pique la curiosité,
elle amuse, elle fait rire, avantage que n'ont pas toujours les œuvres
raisonnables.
Elle a de plus offert à M. Victor Massé vingt occasions de montrer
son talent sous son vrai jour, et M. Victor Massé en a profité avec
autant d'habileté que de bonheur. Il a rarement aussi complètement
réussi que dans la Reine Topaze. Le grand morceau d'ensemble du
premier acte, le duo du second, le trio du troisième sont des mor-
ceaux remarquables, où brillent à un égal degré l'invention mélodique,
la science, l'esprit et l'intelligence de la scène. La chanson de
l'Abeille et le Carnaval de Venise permettent à Mme Carvalho de
déployer toute l'étendue de son organe, et de faire apprécier l'élé-
gance, la finesse, la grâce et l'éclat de son exécution.
Ce qu'on applaudissait en elle lors de la création , on l'applaudit
encore aujourd'hui. Les huit années qui se sont écoulées depuis ne
lui ont pas fait perdre une note, ni un arpège, ni un trille.
M. Monjauze est un peu fatigué, peut-être; mais, si son tim-
bre est moins éclatant, son jeu est plus intelligent, et son exé-
cution plus habile. M. Lutz est fort convenable dans le rôle du patri-
cien mystifié. M. Wartel ne vaut pas, à beaucoup près, M. Balanqué
dont il occupe la place. Mais on a revu avec plaisir, sous le pour-
point de l'autre bohémien déguisé en noble de Venise, M. Fromant,
qui avait quitté le théâtre Lyrique, et qui vient d'y rentrer avec sa
voix fraîche et pure d'autrefois. Bref, la Reine Topaze nous a paru
plaire au public tout autant en 1864 qu'en 1856, et M. Carvalho n'a
pas dans son écrin de pierre plus fine ni de plus belle eau.
Léon DDROCHER.
LA MUSIQUE, LE THEATRE ET LA DANSE
A L'EXPOSITION DE!
BEAUX- ARTS.
Salon de 1SS-1.
(Premier article.)
Sans chercher querelle à « la ligne » et à « la couleur », sans
entrer sur un terrain qui n'est pas le nôtre, et dont les accidents
nous effraient, sans parti pris d'éloge ou de blâme , nous ferons ,
comme l'année dernière, une courte visite à l'exposition des Beaux-
Arts. Ce sera, s'il vous plaît, une visite amicale et de celles où la
causerie allant à l'aventure et le nez au vent, — ainsi qu'un pro-
meneur dans un musée — ne s'arrête qu'aux belles choses, passant
rapidement devant les vulgaires et les médiocres.
La musique peut traiter la peinture et la sculpture sur ce pied de
confraternité artistique. Leur union, que je sache, n'a jamais été
plus intime et plus féconde qu'aujourd'hui. Par une heureuse combi-
naison des plaisirs de la vue et de l'ouïe, on peut entendre mainte-
nant les grandes voix de Beethoven et d'Haydn s'élever dans cer-
tains cercles au milieu des chefs-d'œuvre de Delacroix et d'Ingres.
La critique elle-même, la critique des Beaux-Arts, immobilisée jus-
qu'à présent dans ses retours vers le passé grec ou romain, et si
souverainement indifférente, sauf de rares et illustres exceptions, au
progrès de l'art musical; la critique, oublieuse de ses dédains sécu-
laires, se prend à lui faire des avances. « Le paysage — dit la nou-
velle esthétique des Recueils spéciaux — est ce qu'il y a de plus
musical en peinture. Le paysage et la mélodie s'appellent , s'ani-
ment mutuellement et se complètent. Ne sont-ils pas, l'un et l'autre,
un langage que chacun de nous traduit selon ses émotions, un mur-
mure qui accompagne nos pensées sans nous les dicter ? Les artistes,
de leur côté, suivent ce bel élan et laissent crier dans le désert les
prêtres « de la grande manière » ; — il faut bien, hélas ! placer
avantageusement ses petits produits! Quant au public, son subit et
louable engouement de musique lui commande, en quelque sorte,
de constater avec satisfaction que sur quatre mille ouvrages exposés,
plus de cinq cents ont emprunté leurs sujets à son art favori, ainsi
qu'au théâtre et à la danse, et que ce ne sont ni les moins étudiés,
180
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ni les moins réussis, ni les moins intéressants de cette vaste exhibi-
tion à laquelle il ne manque que des peintres!
MM. Ingres, Robert, Fleury, Brascassat, Troyon, Isabey, Couture,
Léon Cogniet et bien d'autres n'ont pas exposé cette année; mais je
sais plus d'un abonné à vie des concerts populaires qui s'est consolé
de cette attention des maîtres en s'apercevant que leurs élèves lui
permettaient de suivre, de visu, un cours de flûte antique, de lyre
à sept cordes d'orchestre égyptien, voire même de charivari abyssi-
nien ! Dans la sculpture : MM. Cavelier, Debay, Dumont, Jouffroy ;
dans la gravure : MM. Calumatta, Henriquel, Dupont, Bléry se sont
également abstenus, et je le déplore vivement ; mais je dissipe ces
regrets , en songeant à mes devoirs de cicérone et en remarquant
que le salon présente le résumé épisodique et pittoresque de l'his-
toire de notre art. Quelle que soit la faiblesse de l'ébauchoir ou du
pinceau, on comprend que la musique se transforme au contact du
génie des différents peuples, comme le vismara, ce papillon du Ben-
gale, qui prend la couleur de la plante sur laquelle il vit. Certes,
je ne conseillerai .pas à l'amateur, même le plus enthousiaste, l'ac-
quisition de ces cinq cents toiles, statues, bustes, dessins, gravures ou
lithographies, dont plusieurs sont bonnes à mettre au grenier, pas
plus que je ne me propose de les passer toutes ici en revue ; il y a
néanmoins, dans cet ensemble chronologique, le résultat d'un hasard
singulier, qui, de lui-même, va diriger notre visite, en nous déga-
geant le chemin et en nous épargnant les tâtonnements. Ce ne sera
pas la première fois que le hasard — cet homme d'affaires du bon Dieu
— ainsi que l'appelait quelquefois en riant Adolphe Adam, jouera
ce rôle et rendra ce service.
Présentons d'abord, en entrant, nos hommages respectueux à nos
allégories et à nos symboles. Saluons la Musique de M. Blanc, la
Muse de la musique, d'après M. Ingres, gravée par Sudre, la Musi-
que et la Danse, bas-relief de M. Victor Vilain, qui est l'une des
œuvres les plus sérieuses du salon. Je n'en dirai pas autant de la
Comédie colossale qui trône lourdement dans sa chaise curule, à
l'extrémité du jardin. Draperie épaisse, pas d'esprit au regard, pas
d'ironie aux lèvres. La tête, cependant, observe bien dans sa tristesse
rêveuse. L'humanité n'est pas belle, en effet, et la comédie, comme
le moraliste, ressemble un peu aux astronomes qui cherchent toujours
des taches dans le soleil. La Tragédie s'est confiée au pastel de
Mme Aizelin. Elle a tous ses accessoires : le poignard, et la coupe,
et le péplum sanglant ; mais, au fond, elle est bonne fille, et je ne
suis pas dupe de ses sourcils froncés et de la peine qu'elle se donne
pour paraître terrible !
Nos devoirs de politesse ainsi remplis, nous pouvons nous enfon-
cer résolument dans le lointain brumeux de ces temps mythologiques,
où le ciel respirait et marchait sur la terre avec un peuple de quatre
mille dieux qui n'avaient pas un athée. Naïve, pure, et comme em-
paradisée sous le ciel de la Grèce, la musique éclaira de ses rayons
divins le front d'Orphée, sur le mont Rhodope : on ne s'en douterait
guère en voyant ce qu'est devenu le sublime initiateur sous la brosse
de M. Poncet. M. de Dreux-Dorcy nous montre, il est vrai, un
Berger trouvant la lyre d'Orphée sur les bords de l'Hèbre (n° 523),
au lendemain de la sanglante orgie des ménades, mais cette lyre,
cette précieuse relique, — le désespoir des antiquaires ! l'idéal du
bric-à-brac ! — n'est qu'une bien faible compensation, et si M. De-
dreux nous l'offre, c'est bien plutôt pour faire preuve d'un modelé
savant que pour venger Orphée du mauvais tour que M. Poncet lui
a joué.
C'est encore sur la lyre ionienne que Sapho chsnta ses étranges
amours; M. Goddé n'a eu garde de priver le salon de ce poncif non
moins attrayant que périodique. Voyez, cependant, la coïncidence !
M. Leloir a eu la même idée avec la moralité en plus, car à l'œil
enflammé que la pâle Lesbienne, suspendue par un prodige d'équi-
libre au rocher de Leucade, jette sur sa lyre, on devine bien qu'elle
regrette d'avoir trop... chanté! M. Leloir a remporté une médaille.
Dans ces bosquets délicieux , baignés de lueurs insaisissables et
bleuâtres, sous ces portiques d'académies, de belles nymphes , en
costume de l'âge d'or, font de la musique avec des demi-dieux blonds
et élancés, sans craindre le froid, les gendarmes, les inclémences de
l'air et du code pénal. Le beau pays que ce pays de l'idéal !
La Valkyrie, de M. Arbo, nous rejette brusquement des langues
orientales à la rude mythologie Scandinave. En Danemark, le peuple
a oublié Thor et Odin, mais il croit encore aux Valkyries, divinités
guerrières qui choisissaient dans la mêlée les braves appelés aux con-
certs du Valhall ; et, quand le vent du nord souffle dans les grands
bois; lorsque, dominant cette harmonie terrifiante, qui participe de la
vibration des instruments et de l'éclat des voix, en entend des sou-
pirs et des cris étouffés, des plaintes et des rires stridents, le paysan
dit que les Valkyries jouent entre elles.
Nous quittons la fable pour aborder la Genèse, avec M. Briguiboul,
et sa belle composition : Jubal enseignant la musique à ses enfants
(n° 251). Groupes heureusement rhythmés, torses d'attitudes variées,
sujet simple et imposant traité de main d'ouvrier. C'est une pro-
messe formelle d'avenir.
L'Appel à la danse, la Leçon de danse (Boucherville) ; les Dan-
seuses du Triclinium ; une Joueuse de flûte, statue de Choiselat, dont
le galbe rappelle le type Louis XV, rondelet, souriant et mignon,
plus saisissant par le sentiment de la vie que par la grandeur de la
pensée ; la nymphe Echo, les lèvres entr'ouvertes, la main à l'oreille,
cherchant dans l'espace les vibrations dernières de son chant, marbre
i a vissant de M. Ferrât, destiné à la cour du Louvre, et que je vou-
drais voir dans toutes les salles de théâtre et de concert, tant il a de
charme et de vérité ce style de la Renaissance , statuaire nationale
que nous n'avons jamais peut-être appréciée assez, et qui met la
France de cette époque à côté de l'Italie de Michel-Ange ! Sophocle
vainqueur à vingt ans aux jeux olympiques (Doublemard); telles
sont, aux divisions de la peinture et de la sculpture, les œuvres qui
suivent la trace lyrique dans l'antiquité grecque et latine.
Il y a beaucoup de charmeurs de serpents, en plâtre, en terre
ou en marbre, au salon de cette année. Les naturalistes du Muséum
ont fait courir le bruit que ces reptiles étaient particulièrement sen-
sibles au son de la flûte à trois trous. Les sculpteurs sont de cet
avis, et je me plais a le partager. 11 est donc hors de doute et
bien avéré que la musique civilise les hommes et les serpents à
sonnettes !
Aux temps antiques se rattachent encore deux œuvres intéressan-
tes à plus d'un titre. La première : Les Egyptiens de la XVIIIe dy-
nastie (Aima Tadeina, médaille), excentrique et subtile étude d'ar-
chéologie musicale, nous initie à un concert à la cour de Pharaon.
Parmi de nombreux instruments à la configuration baroque, apparaît,
sous ses formes multiples, le zither que l'Egypte légua à la Pales-
tine, que l'Orient transmit aux Goths et aux Burgraves, et qui, tra-
versant les âges comme un triomphateur, résonne encore sous les
doigts des tziganes moldaves et des bohémiens de la Hartz. La se-
conde a pour titre : L'hymne du soir. Sur un ciel empourpré des
teintes du couchant, se dresse Synésius, ce grand poëte grec du
ive siècle « que le peuple de Ptolémaïs élut évêque, — écrit M. Vil—
lemain, — quoiqu'il n'eut point voulut se séparer de sa femme dont
il eut deux enfants. » Synésius, ainsi entouré de sa petite famille,
chante, si l'on en croit le texte grec inscrit au bas de la toile, « le
mépris des amours terrestres. » Il n'y paraît guère, on l'avouera,
et ce beau chanteur portant à la fois la lyre d'Anacréon et le pal-
lium de l'évêque chrétien est, à mon avis, un contre-sens choquant.
Em. Mathieu DE MONTER.
{La suite prochainement.)
DE PARIS.
181
NOUVELLES COMPOSITIONS DE M. F.-J. FÉTIS,
Maître de chapelle de S. M. le roi des belges.
Premier article.
Grand sextuor ponr piano a quatre mains, deux
violons, alto' et -violoncelle (1).
Ce n'est pas sans une vive émotion que nous osons porter les re-
gards du critique sur les œuvres d'un artiste éminent qui fut notre
maître il y a trente-six ans, et qui, depuis cette époque, n'a cessé
de nous donner des preuves bien précieuses d'une bonté toute pa-
ternelle.
C'est par le grand sextuor de M. J. Fétis que nous commencerons
une série d'articles sur les diverses œuvres de ce maître. Cependant,
le grand sextuor, n'est pas une œuvre récemment composée par
l'auteur. 11 date de 1815, et fut écrit à l'occasion du retour inespéré
du frère de M. Fétis, échappé comme par miracle au désastre de
Waterloo.
Le premier morceau, allegro risoluto, débute par un unisson gé-
néral de quelques mesures; puis le rhythme de cet unisson est re-
produit à la quarte supérieure par le piano, main droite. L'auteur a
choisi le ton de mi bémol majeur et la mesure à quatre temps. Inu-
tile d'analyser mesure par mesure une œuvre que nos lecteurs ont
déjà pour la plupart sur leur pupitre ; car sa publication est le ré-
sultat d'une souscription qui a été couverte avec autant d'empresse-
ment qu'un emprunt national français. Ce que la critique intelligente
doit chercher dans une œuvre signée d'un nom célèbre, ce sont les
tendances de l'auteur, ses aspirations, la nature de ses idées, le but
auquel il veut atteindre. M. Fétis , dédaignant la servile imitation
des formes instrumentales et pianistiques mises à la mode par Stei-
belt et ses nombreux continuateurs, semble, dans ce grand sextuor,
avoir voulu, tout en respectant les traditions du beau et du vrai ,
donner un tour nouveau à sa pensée. Pianiste, habile exécutant, il a
évité avec soin d'écrire de la musique de piano proprement dite.
Enfin ces quatre mains sont plutôt dix instruments distincts mis en
œuvre avec un talent exquis. De sorte que, dans le minuetto et le
finale, on croit entendre une véritable symphonie réduite à quatre
mains avec un quatuor à cordes obligé.
h' Andaniino cantabite est d'une suavité angélique. En se rappe-
lant le motif tout fraternel qui l'a inspiré , on éprouve , lorsqu'on
écoute ce morceau, cette douce émotion qui succède à une grande
joie du cœur.
Sans être précisément un canon régulier, le motif du minuetto,
confié au piano, a tout le piquant du genre scientifique, mais sans
sécheresse. Le trio en la bémol présente un effet pizzicato donné au
quatuor à cordes, et cet effet, il y a quarante-neuf ans, dut paraître
tout nouveau. Depuis, on en a mis partout; mais, en 1815, ce dut
être une surprise pour les artistes et les amateurs intelligents. Le
rondo, ou plutôt le finale, est d'une rare élégance. L'auteur, qui
est si profondément versé dans tous les styles, semble se jouer des
plus grandes difficultés de l'instrumentation en accumulant à plaisir
les combinaisons rhythmiques les plus variées.
Il y a deux ans à peine, nous avons eu le plaisir d'entendre exé-
cuter ce sextuor chez Pleyel-Wolff, et nous n'avons pas oublié l'im-
pression délicieuse qu'il nous a causée. M. Fétis, en laissant depuis
quarante-neuf ans tant de manuscrits dans ses tiroirs, a transformé
ces derniers en véritables silos; et voilà qu'après un demi-siècle, le
grain mélodique se féconde sous les doigts d'Alard, de Franchomme,
(1) Paris, chez Schott frères, rue Neuye-Saint-Augustin, 3. A Bruxelles, Anvers,
Londres et Mayence, même maison.
de Mme Farrenc et de Mlle Mongin, et que l'œuvre du maître rayonne
en gerbes étincelantes aux yeux d'un public charmé.
Dans un prochain article, nous analyserons la première symphonie
de M. Fétis. Celle-là date de 1861. C'est assez dire que, dans cette
œuvre, M. Fétis a pu réaliser toutes les découvertes rhythmiques et
harmoniques dont il a fait l'étude constante de toute sa vie d'artiste
et de penseur.
A. ELWART.
CONCOURS POUR LE GRAND PRIX DE COMPOSITION MUSICALE.
Conformément au décret du k mai de cette année, ces concours
devant avoir lieu, non plus à l'Institut, mais au Conservatoire de
musique et de déclamation, le concours d'essai a commencé samedi,
28 mai, et sept concurrents ont été mis en loges pour y rester
jusqu'à vendredi dernier.
Voici leurs noms : MM. Ambroise, élève de M. Carafa; Ruiz, élève
de M. Leborne; Constantin, élève de M. Ambroise Thomas; Lefe-
bvre, élève du même ; Saint-Saëns, élève de M. Halévy ; Sieg, élève
de M. Amb. Thomas; Danhauser, élève de MM. Réber et Bazin.
C'est mardi prochain que sera jugé ce concours. La commission
chargée de choisir la cantate s'assemblera vendredi 10 juin, et le
concours définitif commencera le lendemain samedi.
Le Moniteur universel de lundi, 30 mai, contenait l'avis suivant ;
« Les concurrents ont été informés que, par suite d'une mesure
nouvelle adoptée par le ministre de la Maison de l'Empereur et des
Beaux -Arts, sur la proposition du surintendant général des théâtres,
ils n'auraient pas à supporter pendant le concours définitif, dont la
durée est de vingt-cinq jours, les frais de nourriture qui, jusqu'à ce
jour, étaient à leur charge dans les concours de l'Institut. »
Voici, en outre, ce qu'on lisait dans le Moniteur universel du
vendredi, 3 juin :
ministère de la Maison de l'Empereur et des
Beaux-Arts.
SURINTENDANCE GÉNÉRALE DES THEATRES.
L'article 2 du décret du 4 mai 1866, relatif aux concours annuels
pour le grand prix de composition musicale, est ainsi conçu :
« Les résultats des épreuves préparatoires et du concours définitif
sont jugés par un jury composé de neuf membres.
» Ce jury sera tiré au sort sur une liste qui sera présentée par le
surintendant général des théâtres.
» Cette liste, après avoir été arrêtée par le ministre, sera insérée
au Moniteur. »
La liste dont la formation est prescrite par l'article 2 précité, vient
d'être arrêtée par S. Exe. le ministre de la Maison de l'Empereur et
des Beaux-Arts, sur la présentation du surintendant général des
théâtres et d'après l'avis du comité des études musicales du Conser-
vatoire ; elle est composée ainsi qu'il suit :
MM. Auber, Carafa, Ambroise Thomas, Réber, Clapisson, Beriioz,
Rossini, Verdi et Georges Kastner, membres de l'Institut.
MM. Barbereau, Bazin, Benoist, Boulanger, Duprato, Elwart,
Ermel, Félicien David, Gevaërt, Gounod, Grisar, Labarre, Leborne,
Limmander, Maillart, Massé, prince Poniatowski et Reyer.
NOUVELLES.
**„, Le théâtre impérial de l'Opéra donnait lundi le Docteur Magnus
et la Maschera dans laquelle Mlle Amina Boschetti a fait ses adieux au
public. — Mercredi, Guillaume Tell; Mme Pascal y a fait son second début
et n'a pas obtenu un moins bon accueil qu'au premier. — Vendredi,
la Muette de Partici.
182
REVUE ET GAZETTE MUSFGALE
»% Le congé que vont prendre M. et Mme [Gueymard force d'a-
journer à la première quinzaine d'août la première représentation de
l'opéra de Mermet, Roland à Ronccvaux.
ij,% Mme Pascal vient d'être engagée par la direction de l'Opéra;
elle chantera de demain en huit Alice de Robert le Diable. — Une basse
de beaucoup de talent, M. David, débutera le même jour dans le chef-
d'œuvre de Meyerbeer.
„** Mlle Sannier entre décidément à l'Opéra; elle débutera dans le
Prophète par le rôle de Fidès et Mme Pascal chantera celui de Bertha.
*% Bonnehée quitte décidément le théâtre de l'Opéra, et il a fait di-
manche dernier ses adieux au public dans le Trouvère. 11 va partir pour
l'Italie, décidé à se livrer désormais au chant italien.
»% Le nouveau ballet de Saint-Léon sera représenté dans le cou-
rant du mois.
„% Sur la foi de plusieurs journaux, nous avions annoncé que pen -
dant le temps nécessaire aux réparations de la salle, le théâtre de
l'Opéra-Comique se transporterait à l'Odéon ; nous sommes autorisés à
annoncer qu'il n'en a jamais été question.
„** Un différend s'était élevé entre M. Bagier et M. Nicolini, et il
menaçait de priver pour la saison prochaine le théâtre Italien d'un très-
utile et très-agréable ténor. Nous apprenons avec plaisir que le diffé-
rend s'est aplani, et que M. Nicolini nous restera.
t% Mme Frezzolini a intenté à M. Calzado, ancien directeur du théâ-
tre Italien, un procès en paiement de 72,000 francs. Le procès doit être
plaidé cette semaine à la première chambre du tribunal de la Seine.
*% M. Agnesi, qui a été fort bien accueilli cet hiver au théâtre Ita-
lien, est engagé par M. Bagier pour la saison prochaine.
*** L'engagement de Michot n'ayant pas été renouvelé, cet artiste
vient de contracter de nouveau avec M. Carvalho, et il rentre au théâ-
tre Lyrique.
**» La représentation donnée par le théâtre des Bouffes-Parisiens au
bénéfice de Mme Ugalde a été très-brillante, et la recette a atteint près
de 5,500 francs.
*** La salie actuelle du Vaudeville doit au premier moment dispa-
raître pour cause d'utilité publique. Une indemnité de 60,0**0 francs a
été accordée au directeur, M. de Beaufort, par le Conseil municipal.
t*t Pradeau a été engagé par le directeur du théâtre du Gymnase
pour jouer un rôle dans la pièce de V. Sardou, Don Quichotte. Il y
chantera une chanson dont M. Giorza doit composer l'air. — La même
pièce comporte un ballet qui sera réglé par M. Rota et dont M. Giorza
écrit également la musique. Quinze jeunes danseuses que M. Rota est
allé exprès engager en Italie doivent y figurer.
»% Roger vient d'obtenir à Alger un véritable triomphe dans les Hu-
guenots et la Dame blanche ; il a été très-bien secondé par les artistes
du théâtre.
*% L'inauguration de l'ère prochaine de la liberté des théâtres a
suggéré au directeur de la Porte-Saint-Martin, l'heureuse idée de
donner pendant les deux ou trois mois de l'été des représen-
tations composées d'une grande comédie de Molière et d'une œuvre ly-
rique. Tartufe et l'Ecole des femmes, le Barbier, Norma, Don Pasquaie,
seraient les premiers ouvrages représentés. A cet effet, M. Chenest a
été chargé de composer une troupe lyrique qui se recrute déjà parmi
les premiers sujets des grands théâtres des départements et de l'étran-
ger. L'orchestre et les chœurs seront empruntés aux théâtres lyriques
qui ferment en été et les ouvrages seront montés avec le plus grand
soin.
»% Demain aura lieu an palais du Corps législatif, chez S. Exe. M. le duc
de Morny, la représentation de deux pièces nouvelles de M. de Saint-
Remy, l'une, jouée par les artistes du Gymnase; l'autre, dans laquelle
a été intercalée une ronde d'Offenbach, a pour titre la Succession
Bonnet. On exécutera dans la même soirée divers morceaux de Lischen
et Fritzchen.
*** Au nombre des opéras qui composeront cette saison le riche ré-
pertoire du théâtre de Bade, nous avons omis de mentionner celui de
Volage et Jalouse, de T. Sauvage et de Rosenhain. Nous devions d'autant
moins l'oublier que l'œuvre, chantée par Mme Faure-Lefèvre, a été
l'un des succès de la saison dernière.
*** J. Offenbach vient d'être nommé membre honoraire de la Société
Concordia de Vienne.
»% Le théâtre de Bude en Hongrie, qui se trouvait dans une situa-
tion des plus critiques, ayant eu l'idée de faire traduire et jouer les
plus jolies opérettes d'Offenbach, a obtenu un si grand succès que non-
seulement il a pu liquider honorablement son passé, mais encore as-
surer son avenir. Aussi par reconnaissance a-t-il envoyé à l'auteur des
Deux Aveugles et d'Orphée aux enfers le diplôme de directeur honoraire
du théâtre de Bude.
„*» Louis Engel, dont nous annoncions dernièrement le succès à la
cour de Madrid, vient de recevoir à Vienne le même honneur. Mandé
par S. M. l'impératrice d'Autriche pour donner dans les appartements
privés une audition de l'harmonium, l'éminent professeur a fait enten-
dre pendant deux heures à Leurs Majestés et à LL. AA. II. l'archidu-
chesse Sophie, les archiducs et plusieurs hauts personnages, ses meil-
leures compositions. Chaudement félicité et applaudi par l'auguste
auditoire, M. Engel a reçu le lendemain de S. M. l'impératrice, en té-
moignage de sa satisfaction, une rémunération d'une valeur inusitée en
pareil cas. Le célèbre organiste est retourné à Londres.
*% La semaine dernière a eu lieu à l'hôtel de ville la séance géné-
rale annuelle de l'Académie nationale agricole et manufacturière. Dans
le concert qui a clos la solennité, le célèbre flûtiste Gariboldi a exécuté,
aux grands applaudissements de l'auditoire, deux morceaux de sa com-
position sur Faust et le Carnaval de Venise. — Vendredi dernier, Mme la
baronne de Caters avait admirablement chanté, à l'église de la Trinité,
un Ave Maria du jeune compositeur.
„% Ems veut rivaliser de plaisirs avec Bade. Dans le programme que
M. Briguiboul réserve à ses visiteurs, figurent deux opérettes de
MM. Nuitter et Trefeu, le Soldat magicien et Jean qui pleure cl Jean qui
rit, dont OtTenbach compose en ce moment la musique. La première
sera interprétée par MM. Désiré et Guyot, Mlles Zulma Bouffar, Taffanel
et Albrecht; et la seconde par Désiré, Jean-Paul, Pelva et Mlle Bouffar.
*** M. le général Mellinet et M. Edouard Monnais ont bien voulu ac-
cepter, en remplacement de feu Meyerbeer, les fonctions de membres
du comité de Paris pour l'érection d'un monument à Rameau. — Liszt a
adressé de Rome à M. Ch. Poisot, secrétaire du comité, une lettre au-
tographe dans laquelle il lui exprime toute sa sympathie pour l'œuvre
entreprise.
*% Mlle Peschel, la jeune pianiste dont nous constations le succès
dans le dernier concert qu'elle a donné à Paris, vient d'être très-favo-
rablement accueillie à Londres. Elle a joué dans plusieurs matinées
déjà, et elle voit chaque jour s'augmenter le nombre de ses engage-
ments.
,.** Notre dernier numéro contenait une appréciation de ia nouvelle
édition du Manuel des principes de musique que vient de publier
M. Fétis. M. Amédée Mereaux a consacré également dans le journal
de Rouen un excellent article à cet ouvrage :
a Mieux que personne, dit M. A. Mereaux, le savant directeur du
Conservatoire de Bruxelles doit connaître les avantages ou plutôt l'utilité
impérieuse d'une éducation bien commencée, sur laquelle seule peut
se former un talent réel. Aussi a-t-il entrepris lui-même de faire un
livre destiné à répandre un enseignement raisonné. Le philosophe s'est
fait maître d'école, et sous ce modeste titre, Manuel des principes de mu-
sique, il a rédigé, avec sa lucidité d'exposition et sa clarté de style, un
petit cours d'enseignement primaire de la musique. Chaque leçon est
divisée en deux parties : démonstration orale du professeur, question-
naire auquel l'élève doit répondre sur toutes les règles qui viennent
d'être expliquées. Il est impossible de choisir un meilleur système d'en-
seignement que cette méthode, consistant en des leçons adressées à des
enfants qui, après avoir entendu déduire des principes et exposer des
règles avec une logique parfaite, mise à leur portée au moyen d'ingé-
nieuses comparaisons, qui les font procéder du connu à l'inconnu, sont
interrogés sur ce qu'on vient de leur apprendre et mis en demeure de
prouver qu'ils l'ont compris. « De tous mes ouvrages, dit l'auteur dans
une courte préface, celui-ci m'a coûté le travail le plus laborieux, »
En effet, il est bien difficile d'être concis sans rien omettre, de parler
aux enfants et d'être un philosophe, de se mettre à leur niveau sans
cesser d'être à la hauteur de l'art qu'on professe. M. Fétis lui-même a
reconnu ces difficultés, qui, du reste, ont été pour lui l'occasion de
faire un petit chef-d'œuvre. » Personne ne pouvait mieux qu'un pro-
fesseur aussi distingué que M. Mereaux apprécier l'œuvre du célèbre di-
recteur du Conservatoire de Bruxelles. »
*** On lit dans la Presse théâtrale: « Une méprise, qui pouvait de-
venir vraiment fâcheuse, a failli compromettre, dans un concert en
province, le succès d'une de nos cantatrices parisiennes les plus ai-
mées. Mlle de Lapommeraye, engagée ces jours derniers par la Société
philharmonique de T..., se disposait à chanter son premier morceau,
lorsqu'à son entrée dans la salle toutes les personnes présentes, comme
saisies d'une espèce de distraction générale, se chuchotaient récipro-
quement quelques mots à l'oreille, se poussaient le coude, et oubliaient
pendant ces colloques de payer en bravos la bienvenue de rigueur et
le salut courtois accordés à toute artiste en renom. La voix si sympa-
thique de Mlle de Lapommeraye rompit bientôt la glace, mais autour
d'elle circulaient ces phrases : « Elle a des larmes dans la voix ; quel
o courage 1 enfin, ce n'est pas sa faute; comment peut-elle chanter? »
Le président de la Société, remarquant la situation d'esprit du public,
s'en étonnait, quand une idée lui jaillit à l'esprit : il se mêle au public,
questionne quelques spectateurs ; plus de doute ! Les honorables habitants
de la ville de T. . ., tout pénétrés de la lecture effrayante de la Gazette
des Tribunaux, avaient cru que Mlle de Lapommeraye était parente du
docteur trop célèbre dont le nom, à peu près ideudique, vient de rem-
plir les échos de la Cour d'assises. Cette erreur éclaircie, l'enthou •
siasme reprit son cours. A quoi tient le succès d'une artiste ! A la sub-
stitution d'une syllabe à une autre ; à l'orthographe d'un nom 1
t% Strasbourg n'a pas voulu être la dernière à donner un témoi-
gnage de ses regrets de la perte de Meyerbeer ; le théâtre de cette
DE PARIS.
133
ville a organisé en l'honneur de l'homme de génie qui vient de dispa--
raître, une magnifique représentation composée d'un acte de chacun
de ses trois grands chefs-d'œuvre. Entre /e.s Huguenots et le Prophète et
devant le buste de l'illustre défunt, entouré de tous les artistes en cos-
tume, une cantate composée pour la circonstance par M. Elbel a été
chantée et couverte d'applaudissements. L'orchestre a joué ensuite la
marche du Prophète et la première Marche aux flambeaux, tandis que
M. Koubly couronnait d'un laurier d'or le buste, au pied duquel chacun
des artistes passait à son tour en s'inclinant et en déposant une couronne.
*% L'assemblée générale de la Société des auteurs, compositeurs et
éditeurs de musique aura lieu aujourd'hui dimanche, 5 juin, à 1 heure
précise, dans les salons de M. Souffleto, facteur de pianos, rue Mont-
martre, 161. MM. les sociétaires sont instamment priés d'assister à
cette réunion.
„,% Sous le titre Anna de Masovia, le théâtre Victor-Emmanuel, de
Turin, vient de représenter un nouveau ballet du chorégraphe Rota ;
la musique a été composée par M. Constantino d'all'Argine. Les jour-
naux italiens sont unanimes pour constater le succès de cet ouvrage.
*** L'empereur d'Autriche vient de conférer à Everardi le titre de
chanteur de la chambre.
„*i La famille de Meyerbeer dispose une pièce de l'hôtel qu'elle ha-
bite pour y réunir et conserver tous les objets que l'illustre défunt
préférait, et dont il se servait habituellement.
4% La partition de l'oratorio : Dieu et la nature, que Meyerbeer écri-
vit à l'âge de dix-huit ans, se trouve dans la bibliothèque du Conserva-
toire de Prague.
*** Joseph Franck, de Liège, vient de publier son œuvre 56 : Sou-
venir de Spa en 1863, solo de piano facile, qui a si bien réussi, et lui
a même valu un rappel au concert donné par lui chez Pleyel.
„** Le grand théâtre de Marseille a clos sa saison par une repré-
sentation au bénéfice de l'excellent chef d'orchestre, M. Momas. On
jouait Guillaume Tell et divers fragments d'opéras. La soirée a été des
plus orageuses et s'est partagée en bordées de sifflets ou en salves d'ap-
plaudissements, suivant les sympathies du public pour tel ou tel ac-
teur; si M. Morrère a été énergiquement sifflé, MM. Nieff, Berry et
Holtzem dans les fragments du Pardon de Ploërmcl, ont été chaleureuse-
ment accueillis. L'ovation préparée pour M. Momas a néanmoins dominé
le tumulte, et de nombreuses couronnes lui ont été offertes non-seule-
ment par les spectateurs, mais par les artistes. Parmi ces derniers,
Mme Écarlat-Geismar a voulu lui témoigner personnellement sa recon-
naissance par le don d'une belle coupe en argent ciselé, que M. Momas
a reçue avec une visible émotion.
*% Au théâtre Robin, la brillante réputation que M. Robin a su se
créer dans les pays étrangers contribue pour beaucoup à attirer dans
sa charmante salle de spectacle un grand nombre de voyageurs qui
visitent en ce moment notre capitale ; ils sont captivés par l'attrait
irrésistible des nouvelles expériences que cet habile artiste exécute, et
par ses tableaux représentant l'isthme de Suez.
*** Dès que le temps le permet, les promeneurs affluent au concert
des Champs-Elysées. L'excellent orchestre dirigé par M. Prévost a exé-
cuté dimanche dernier, entre autres morceaux fort applaudis, une fan-
taisie de M. de Billemont sur les Huguenots, qui a produit un très-
grand effet ; on n'a pas moins fêté le beau solo de flûte sur le Prophète,
exécuté par l'éminent virtuose et compositeur Desmerssmann.
„% La fête donnée dimanche dernier au Pré-Catelan au bénéfice de
la commune modèle de Frotey a supérieurement réussi. La foule était
aussi nombreuse que brillante, la musique excellente et la tombola été a
très-bien accueillie; l'autographe encadré de Meyerbeer a été gagné
par le n° 1,796. La recette a été des plus fructueuses.
„% M. Fiorentino, rédacteur du feuilleton musical au Moniteur, sous
le nom de A. de Rovray, de la chronique théâtrale au journal la France
et rédacteur en chef de l'Entracte, est mort mardi soir, à 7 heures. 11 a
succombé presque subitement à une attaque de goutte remontée dans
l'estomac. Il n'était âgé que de cinquante-sept ans et il occupait une place
considérable dans la presse parisienne. Il était, en outre, auteur d'une
excellente traduction du Dante. Ses obsèques ont eu lieu samedi à
Notre-Dame-de-Lorette, sa paroisse, au milieu d'un nombreux concours
d'hommes de lettres et d'artistes . Selon la volonté du défunt, son corps
sera transporté à Naples. En attendant il a été, après la cérémonie fu-
nèbre, déposé dans un caveau à Montmartre.
,% Joseph Netzer, qui s'est fait connaître avantageusement par ses
compositions, vient de mourir à Gratz, où il était premier maître des
chœurs du Maenner-gesang-Verein.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
»% Londres. — Nos deux théâtres d'opéra italien n'ont offert rien de
nouveau la semaine passée. A Covent-Garden on a donné Guillaume
Tell avec le ténor Wachtel, qui y est très-remarquable, la basse Schmidt
et Faivre ; les Huguenots dans lesquels Mlle Lucca subitement indiposée
a dû se faire remplacer par Mlle Fricci et le Barhiere avec Adelina
Patti, et le débutant Scalèse qui y a parfaitement réussi.— Au théâtre de
Sa Majesté, Mme Trebelli a fait sa rentrée dans le même ouvrage de
Rossini et a été accueillie avec une grande faveur. Par contre, Mlle Si-
nico a fait un assez triste début dans la Traviata. Mme Tietjens a
trouvé son succès habituel dans les Huguenots, dont les représentations
sont très-suivies. — Parmi les concerts, plus nombreux cette saison que
jamais, il faut signaler celui du directeur Wylde : Mme Carlotta Patti
y a obtenu un véritable triomphe, et l'excellent orchestre a joué d'une
façon admirable et avec un très-grand succès la belle polonaise de
Struensée. — Il ne se donne pas à Londres un concert aux grandes
réunions d'Ella, de la Musical union, de la Nouvelle Philharmonie, sans
que Alfred Jaell y soit appelé et y obtienne le plus grand succès.' Seul
ou en partie avec Wieniawski, Joachim, les violonistes en vogue, et
Jacquard, très-aimé du public anglais, Alfred Jaell est toujours sur de
provoquer des applaudissements enthousiastes. — M. Sainton et Mme
Sainton-Dolby ont donné leur concert annuel qui a été aussi brillant
que d'habitude, et M. Bénedict annonce pour le 20, le sien dont le
programme est fort intéressant.
**i Bruxelles. — Après une représentation des Noces de Figaro et du
nouveau ballet des Nymphes amazones, au bénéfice de notre éminent
chef d'orchestre, M. Hanssens, le Grand-Théâtre a fait mardi sa clôture
par les Huguenots. L'année théâtrale n'a pas été heureuse, tant s'en
faut; plusieurs artistes nous quittent et nous aurons à regretter
Mme Meillet, Mlle de Maësen, MM. Bertrand, Perié et Brion.— Le ballet
des Nymphes amazones n'a rien ajouté à la réputation de notre maître
de ballets, M. Justamant.
*% Cologne, 1er juin. — Hier a eu lieu, au théâtre de la ville, une
représentation du Prophète avec une mise en scène nouvelle ; cette fête
commémorative en l'honneur de Meyerbeer, a commencé par un pro-
logue de M. Bischoff, récité par Mme Ernst. Le prologue, ainsi que le
chef-d'œuvre de l'illustre maître, ont reçu l'accueil le plus chaleureux
et le plus sympathique.
**„ Wiesbade. — L'opéra de Schlieben, Rizzio, qu'on a déjà favorable-
ment accueilli à Prague et à Breslau, vient d'obtenir du succès au
théâtre de la cour.
*** Hanovre. — Niemann vient d'être engagé à vie pour le théâtre de
la cour, à raison de 6,000 thalers par an; dans le cas où il perdrait sa
voix, il jouirait d'une pension de 800 thalers.
*** Hambourg. — Le théâtre de la ville a donné pour ses dernières
représentations Lucie et Martha ; dans ces deux opéras on a applaudi les
demoiselles Gelpke et Nuhr. — Pour la clôture, on donnera Don
Juan.
„% Vienne. — Enfin le théâtre italien a donné Saffo, tant de fois
annoncé! L'opéra de Pacini, qu'on n'avait pas entendu depuis 1842, a
paru fort peu intéresser l'auditoire. Toutefois, le finale du troisième
acte a produit un grand effet. Mme Barbot a très-bien joué le rôle
de Saffo ; cette cantatrice a du feu, de la passion ; elle serait parfaite si
elle avait plus de voix. Mme Artot a admirablement chanté son air. —
Les chanteurs italiens ont fait leurs adieux au public viennois par un
ballo in Maschera. — Mme Czillag vient de signer un engagement pour
le théâtre de Mexico.
%*# Berlin. — Niemann a continué a\ec succès ses représentations
par le rôle de Joseph dans l'opéra de Méhûl, et par celui de Fernand
Cortèz. — M. Woltersdorf, directeur du théâtre de Kœnigsberg, doit
donner des représentations d'opéras au théâtre Kroll, à partir du 25
juin.
*** Prague. — Pour le festival du 16 mai, cent dix sociétés avec
quinze cents chanteurs s'étaient réunis dans cette ville.
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quante ans dans une de nos plus grandes villes de France. C'est même
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le numéro d'ordre de l'initrument et le poinçon ci-apr'es :
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851,
et 1862, relatif» aux Saxophones (BREVET DE 1840).
h Parmi les invent urs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » (Exposit. 1851.)
« Famille complète des Saxoi'Hones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se joue avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
Saxophone l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
alto III bémol. habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance ; car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions ; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, e<<t né d'hier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » (Exposit. 1855.)
a M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la juslesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse > {Exposit. 1862.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, %00 fr.— Saxophone ténor, •«.» fr.— Saxophone alto, *«5 fr. — Saxophone harjton, «50 fr.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de 6 pour 100 sur les prix.
Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Sax, consulter la notice qui se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
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31e Année,
N* 21
11 Jnin 1861
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et a l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Librairei,
et aui Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Pari» 2* r. por an
Départements, Belgique et Suisse.... 30 » id.
34 » M.
Lu Journal parait le Dimanche.
GAZETTE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen , par Paul
Smith. — La musique, le théâtre et la danse à l'Exposition des Beaux-Arts,
salon de 1864 (2e article), par Em. Mathieu de Hanter. — Nouvelles
compositions de M. F.-J. Fétis (2e article), par A. Eîwart. — Concours
pour le grand prix de composition musicale. — Correspondance : Berlin. —
Nouvelles et annonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par 1U. de Wolzogen.
I.
Elle n'a fait que passer devant nous, cette grande et célèbre ar-
tiste, qui vint, il y a plus de trente ans, nous révéler les chefs-
d'œuvre de son pays, Fidelio, Freischutz, Eurianthe, Oberon, mais
à tous ceux qui l'ont vue et entendue dans son apparition rapide,
elle a laissé des souvenirs ineffaçables. Contemporaine et rivale des
cantatrices les plus renommées, les Pasla, les Ungher, les Malibran,
les Sontag, elle a offert la plus haute et la plus complète personni-
fication de l'art allemand dans le drame lyrique ; nulle ne l'y a sur-
passée par le talent, le génie, la passion; mais hélas! cette passion,
qui fit sa gloire, elle lui dut aussi son malheur ; M. de Wolzogen
nous l'apprend dans une intéressante biographie, publiée l'année
dernière à Leipzig, et que nos lecteurs seront bien aises de connaî-
tre. Rien de ce qui tient au théâtre ne fut étranger à Mme Schroe-
der-Devrient : elle avait commencé par être danseuse ; devenue ac-
trice, elle quitta la tragédie pour le chant. Grandeur et décadence ;
triomphes éclatants, chagrins amers, tout se retrouve dans sa vie ora-
geuse, qui n'attache pas moins qu'un roman. M. de Wolzogen a pro-
fité de tout ce qu'on a écrit depuis la mort de la célèbre artiste ; il
a recueilli les témoignages de plusieurs musiciens et critiques dis-
tingués. Il faut le remercier surtout d'avoir reproduit, avec bon nom-
bre de lettres de Mme Schroeder-Devrient, quelques fragments des
mémoires qu'elle avait entrepris d'écrire elle-même, et dont nous
traduirons ici les premières pages comme échantillon de son style
naturel et piquant :
« Je suis née à Hambourg le 6 décembre 1804. Si nous eussions
vécu dans un siècle où les phénomènes célestes passaient pour des
présages de bonheur ou de malheur, l'heure de ma naissance eût été
regardée comme une des plus significatives, car le tonnerre gronda
et les éclairs brillèrent à travers les flots d'une neige épaisse.
» Pendant ce combat des éléments je vis le jour, et je remplis la
petite maison qu'habitaient mes parents de cris de douleur qui ne
durèrent pas moins de trois heures ; si bien qu'à la fin mon Dauvre
père n'y pouvant plus tenir, laissa échapper ces mots : « Jetez-la
» par la fenêtre, cette diablesse! » Sur quoi le médecin lui répondit
prophétiquement : « Soyez tranquille, mou cher Schroeder, vous au-
» rez là une fière chanteuse ! »
» Ma mère s'appelait Sophie Schroeder, et ce qu'elle fut, le monde
civilisé le sait de reste. Mon père, Frédéric Schroeder, occupa de
son temps une place éminente au théâtre, où on l'aimait beaucoup.
C'était un fort bel homme, grand et bien fait, possédant une ma-
gnifique voix de baryton, chanteur remarquable pour son époque.
Son meilleur rôle était celui de don Juan, et il fut le premier qui le
chanta en langue allemande.
» Aussi loin que remontent mes premiers souvenirs, je vois de
sombres nuages s'étendre sur ma vie, et leur tristesse, à l'instant
même où j'écris, se reflète dans mon âme.
» A quatre ans commença pour moi l'âge du travail, et à peine
arrivée au monde je dus commencer à gagner mon pain. La fameuse
troupe dansante de Kobler parcourait alors l'Allemagne ; elle vint
aussi à Hambourg et y réussit extraordinairement. Ma mère s'en-
thousiasmait facilement, et tout à coup, elle décida que je serais
danseuse.
» Mon maître de danse était un nègre. Amené en France, à Paris,
il entra dans le corps de ballet de l'Opéra, et plus tard il vint à
Hambourg pour y donner les leçons. Cet homme, appelé Lindau,
n'avait pas précisément un mauvais caractère, mais il était emporté,
violent, souvent cruel.
» Je me rappelle encore avec effroi les châtiments qu'il m'infli-
geait. En voici un exemple : il y avait au plafond un clou destiné à
soutenir le lustre ; il y attachait une corde et y faisait un nœud, dans
lequel il plaçait un de mes pieds, de manière à ce que j'étendisse
horizontalement la jambe, tandis que mon autre pied était retenu
dans la planche qui oblige à marcher les pieds en dehors. Dans
cette attitude je devais étendre horizontalement les bras, et demeu-
rer ainsi tant qu'il le jugeait à propos. La fatigue venait-elle à para-
186
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lyser mes petits bras ou à briser mes deux jambes, je recevais
un coup d'archet bien appliqué — il jouait du violon pour ac-
compagner ma danse — sur la main ou sur les chevilles. Lorsqu'enfin
j'échappais à ma torture, souvent je tombais épuisée, et il me fal-
lait des heures pour revenir à moi. Au contraire, si je faisais quel-
que bond qui le satisfît, il m'accablait de caresses et jouait avec
moi comme un enfant.
» Je n'avais guère plus de cinq ans, lorsqu'on me trouva
capable de danser en public ; je débutai dans un pas de châle et
dans un pas de matelots anglais; j'avais un chapeau de feutre avec
des rubans bleus et des souliers avec des semelles de bois. De ce
début, je ne me rappelle que les acclamations avec lesquelles le
public accueillit tous le3 petits artistes; je me souviens de plus
que mon maître fut très-content et que mon père me rapporta dan=
ses bras à la maison. Dès le commencement de la danse, ma mère
m'avait montré de loin une jolie poupée ou une baguette, et certai-
nement la crainte ne manqua pas d'ajouter à ma légèreté et à ma
souplesse naturelles, car les coups de ma mère ne faisaient pas de
bien.
» Ainsi se passèrent quelques années, pendant lesquelles, outre la
danse, j'apprenais quelques rôles d'enfant. Du reste, je n'ai rien à
dire de mon éducation, bien négligée sans doute, puisque jusqu'à
douze ans l'étude de la danse fut la seule à laquelle je m'appliquai
sérieusement. Mais mon imagination était déjà très— éveillée ; et la
fréquentation habituelle du théâtre m'inspirait toute sorte de jeux
fantastiques. Je tâchais de me procurer des chiffons d'espèces diffé-
rentes, quelquefois même de brillants oripeaux ; je me glissais dans
îe grenier de notre maison, d'où la vue s'étendait jusqu'aux murs de
la ville, et là, drapée aussi bien que possible dans mes magnifi-
ques haillons, j'improvisais des monologues ou des pièces entières,
que je déclamais à haute voix. Souvent je trahissais ainsi le lieu de
ma résidence, et, troublée d'une rude façon au plus fort de mon en-
thousiasme, j'étais brusquement ramenée dans ma petite chambre.
» C'était surtout la Pucelle d'Orléans qui me transportait jusqu'au
délire. Avec une cuirasse et un casque de papier, un bâton auquel
un mouchoir était attaché pour étendard, un autre bâton pour épée,
je m'élançais au combat. Ne sachant par quel langage exprimer mes
sentiments, je m'abandonnais à une léthargie rêveuse ; je restais ac-
croupie des heures entières dans un coin du grenier, le coude ap-
puyé sur mes genoux, la tête dans ma main, et je songeais !
» J'ai dit que du grenier de notre maison, la vue s'étendait jus-
qu'aux murs. Un matin, père, mère, sœur et servante y montèrent
pour voir les volontaires, qui se rassemblaient avant de partir. La
guerre d'indépendance commençait en Allemagne : quiconque était
en état de porter un havresac et un sabre n'hésitait pas à se dévouer
pour Dieu et la patrie.
» Dans la foule de ces braves, il y avait des garçons de quatorze
à quinze ans. L'un d'eux, fils d'un acteur fort lié avec mon père,
avait été longtemps compagnon de mes jeux. Je fus la première à
découvrir notre jeune ami dans son attirail guerrier, je l'appelai
par son nom, et il nous répondit par un coup d'œil d'intelligence.
D'abord je ne savais pas de quoi il s'agissait, mais, après que le
commandement de marche eut retenti, et que la Groupe se fut
mise en mouvement, tous les parents la suivirent en versant des
larmes, et moi, je demandai à mon père : « Où va donc Louis?
— A la guerre», me répliqua-t-il, Je demeurai comme frappée d'un
coup de foudre. Puis je m'écriai :« Je veux aller avec lui! »en faisant
mine d'exécuter ma résolution. Naturellement , on me retint,
et quand je vis qu'il n'y avait pas moyen de m'en aller, je me jetai
par terre, en poussant des cris de rage, et il fut très-difficile de me
calmer. Pendant plusieurs jours, je fus comme anéantie. Je me glis-
sais dans le grenier et j'y restais la tête à la fenêtre, regardant le ciel
du côté où avait disparu mon jeune camarade. Je jouais alors tout à
fait le rôle de Jeanne d'Arc : mon casque de papier et mon épée de
bois ne me quittaient presque plus.
» L'état de guerre, qui régnait alors à Hambourg (année 1813),
eut de graves conséquences pour la destinée de mes parents. Pen-
dant le siège de la ville par le général Rettenborn, ma mère, dans
une pièce de circonstance intitulée : les Russes en Allemagne, avait
porté sur la poitrine une cocarde russe. Quand le maréchal Davoustfut
entré, il exiga la substitution de la cocarde française. Ma mère tarda
longtemps à exécuter cet ordre, et lorsqu'il ne fut plus possible de
l'éluder, elle parut en scène, aux éclats de rire de tout le public, avec
une cocarde tricolore de la largeur d'une assiette. Accusée à l'instant,
elle devait être conduite en France comme prisonnière. Il nous fallut
fuir, et je me souviens que ma plus grande crainte c'était que les
Français ne prissent ma poupée, que je tenais cachée sous mon
écharpe.
» Au milieu des horreurs de la guerre, mes parents, avec quatre
petits enfants, ne savaient trop comment faire pour vivre. D'abord
ils se réfugièrent dans l'Allemagne du Nord, puis ils se rapprochèrent
du Rhin, se rendirent à. Francfort et virent de près le terrible combat
de Hanau. De là, ils allèrent à Prague et y trouvèrent enfin un en-
gagement solide. Pendant toutes ces courses, le pain quotidien était
gagné par mes gambades, et celles de Retty, ma jeune sœur, qui avait
aussi appris à danser. Nous restâmes plusieurs années à Prague, où
la réputation de ma mère, comme artiste, grandit beaucoup. Nous
autres, nous étions voués au ballet d'enfants, qui florissait à Prague,
sous la direction d'une dame Horschelt, et qui plus tard fut trans-
porté à Vienne par son fils. Mes souvenirs de ce temps me donnent
encore des serrements de cœur; nous étions exposés aux plus rudes
traitements, entourés d'exemples détestables, et nous n'apprenions
qu'à danser et à jouer de mauvais tours.
» Les plus doux moments de mon enfance furent ceux que je pas-
sai avec mon père seul, lorsque ma mère, après un séjour de deux
années à Prague, fut appelée à Vienne, et bientôt engagée au Rurg-
theater. Je ne puis me rappeler sans émotion avec quelle attention,
quelle bonté, quel zèle il s'occupait de nous au physique et au mo-
ral. Que de fois au milieu de la nuit l'ai-je vu, près de notre lit,
veillant pour s'assurer si nous dormions d'un bon sommeil ! Avec
quelle tendre fermeté ne s'efforçait-il pas de dompter notre fougue
de nous habituer à l'ordre, à la modération ! Si un tel père ne
m'eût été enlevé au moment où j'avais le plus besoin de lui, com-
bien mon existence eût été différente !
» Nous ne tardâmes pas à rejoindre notre mère à Vienne (1815),
où mon père aussi fut employé au Rurgtheater, et où mes deux sœurs
et moi nous étions sous les ordres du maître de ballet, Horschelt.
Le ballet d'enfants de Vienne jouissait alors d'un renom légitime,
car on ne pouvait rien voir de plus ravissant, de plus féerique.
Horschelt, dans son genre, était un génie, un homme d'imagination,
véritable enchanteur de son monde enfantin. Mais de quel prix ces
merveilles n'étaient-elles pas payées ! Je me souviens que pendant
des semaines entières, lorsqu'un ballet nouveau était à l'étude, nous
allions à la répétition dès 8 heures du matin et que nous n'en reve-
nions qu'à 3 heures après midi. Nous ne nous reposions pas long-
temps, car à 7 heures du soir la répétition recommençait et se pro-
longeait si tard que vers une heure seulement nous nous mettions
au lit, fatigués, harassés, et portant les traces des leçons que nous
avions reçues, car Horschelt frappait sans pitié pour maintenir l'or-
dre dans sa troupe de petits danseurs.
» J'étais du nombre des plus habiles, et je parvins bientôt au rôle
de premier amoureux, que je remplissais avec grâce et adresse. C'est
moi qui enlevai les premiers applaudissements au théâtre de Vienne,
où se pressait la foule, dans le ballet de la Fille des bois, dont le
sujet était le même que celui de Sylvana, pièce mise en musique
DE PARIS.
187
par Weber. Ce ballet fut suivi de plusieurs autres que l'on trouva
charmants et parfaitement exécutés. L'un des plus goûtés avait pour
titre la Blanchisseuse, et il amusait beaucoup par le contraste de
toutes les petites filles, dont le costume était blanc comme la neige,
avec les ramoneurs, leurs amoureux. J'étais le chef de celte bande
noire et j'avais pour amoureuse la première blanchisseuse. Son père,
sévère vieillard, s'opposait à notre amour, mais il cédait enfin, parce
que je me précipitais dans le tuyau enflammé de la cheminée de sa
maison, que j'éteignais ainsi l'incendie, et lui sauvais son bien. Aux
répétitions, j'avais peur de sauter dans cette cheminée brûlante, et
plusieurs fois le jeu de scène manqua. Le maître de ballet finit par
perdre patience, il me prit par le col et me jeta dans le tuyau.
Heureusement le garçon de théâtre vint à mon secours, il n'y eut
pas d'accident grave, et j'en fus quitte pour avoir les cheveux brû-
lés. Aux répétitions suivantes, je ne fis plus de difficultés, et je m'é-
lançai résolument dans le gouffre.
» Je devins bientôt la favorite de notre directeur, qui rendait jus-
tice à mes dispositions et à mon intelligence. En effet, pour un enfant
de dix à onze ans, j'étais vraiment remarquable dans la pantomime.
Mais autant j'avais de légèreté, de souplesse, autant je me montrais
d'un caractère fougueux, indomptable. Je m'attirais bien des châti-
ments : j'avais quelque chose de si hardi dans mes goûts, dans mes
manières que l'on crut devoir cesser de m'habiller en fille. Pour moi
nul arbre n'était trop haut, nul fossé trop large, en peu de temps mes
robes longues d'étoffe légère n'étaient que des lambeaux.
» Je me rappelle entre autres une scène de cette époque. Mon
père avait la passion du jardinage, et donnait tous ses soins à un
beau jardin, qui dépendait de notre maison .11 était inconsolable cha-
que fois qu'il s'apercevait qu'on avait foulé aux pieds ses plan-
ches et ses fleurs, ou cueilli ses fruits, ce qui, je dois l'avouer —
comme principal coupable — n'arrivait que trop souvent. Dans le
jardin, il y avait un magnifique poirier, chargé de fruits à moitié
mûrs, et leur vue m'inspirait une tentation si forte, qu'un jour, à
l'approche du soir, je bannis tout scrupule et je grimpai au plus haut
de l'arbre, où je voyais briller les poires les plus colorées, qui de-
vaient être aussi les plus savoureuses. Mon père, qui vers la nuit, fai-
sait toujours un tour de jardin, me découvrit dans mon logis aérien
dont je cherchais gaiement à atteindre le sommet, comme l'oiseau
qui se dispose à entonner son chant du soir. Je crois bien même que
j'avais fredonné un peu, sans quoi mon père n'eût pu me voir,
mais il m'avait vue, et il ne me restait plus qu'à descendre pour
subir ma juste punition. Il me parut tout à fait inadmissible que mon
bonheur se terminât par des coups : je déclarai donc tout nettement
que je ne quitterais pas ma situation élevée, où je me trouvais en
pleine sûreté et où j'avais passé une si belle soirée, si l'on ne me
promettait une amnistie entière. Cette capitulation ne convenait
nullement à mon père et je ne voulais rien en rabattre. Ma mère
était venue comme auxiliaire, mes sœurs et Iesjdomestiques attendaient
aussi le dénoûment. — Je restai inébranlable. Enfin ils se retirèrent
tous dans l'espoir que les ténèbres survenant je descendrais de moi-
même et me soumettrais au châtiment. — Mais ils se trompaient ! Il
faisait nuit : un léger vent agitait les feuilles de mon arbre ; la lune
parut et répandit une clarté magique sur tout le jardin. Des senti-
ments de nature bien diverse se livrèrent alors combat en moi-même.
Des doutes et des inquiétudes se mêlaient aux joyeuses pensées : je
planais dans la région des songes, oubliant le monde, qui était au-
dessous de moi. Tout à coup l'horloge du clocher voisin, en sonnant
minuit m'avertit que c'était l'heure des esprits, et aussitôt une terreur
enfantine s'empara de moi. Je m'attendais à chaque instant à voir
les farfadets et les fées sortir des rameaux pour commencer leur
danse au clair de la lune. Heureusement, la voix de mon père mit
un terme à ces folles appréhensions. Une crainte sérieuse l'amenait,
il m'engagea doucement à descendre et me promit de ne pas me
punir. En quelques secondes j'avais touché la terre, comme un
jeune chat, et, par une fuite rapide, je glissais entre les mains de
mon père, qui, pourtant, aurait eu grand plaisir, comme il l'a dit
souvent, à tirer un peu ma chevelure blonde. »
C'est ainsi que Mme Schroeder avait ébauché ses mémoires avec
cette franchise de ton et cette liberté de style qui font penser aux
confessions d'un écrivain illustre. Voilà l'œuvre que M. de Wolzogen
a continuée, sans manquer à la vérité, tout en s'imposant une cer-
taine réserve, car il est certain que si la célèbre artiste eût elle-même
achevé sa tâche, il lui eût bien fallu recourir au procédé dont l'hon-
neur appartient à notre célèbre Mlle Delaunay, devenue Mme de
Staal, et ne se peindre qu'en buste.
Paul SMITH.
(La suite prochainement.)
LA MUSIQUE, LE THÉÂTRE ET LA DANSE
A L'EXPOSITION DES BEAIjX-AKTS.
Salon «le a son.
(2e article) (1).
Le moyen âge se présente avec son cortège de ballades et de
scènes légendaires : la Mort du dernier barde, noël breton du xve
siècle, dont le fusain de M. Yan-Dargent a superbement rendu l'é-
nergique simplicité ; Pétrarque mort devant sa table de travail ; Faust
et Marguerite; les Chanteurs, gravés par Franck d'après le bas-
relief si naïvement fouillé de Luca délia Robbia ; Esmeralda dansant
sur la place du Parvis ; le Chant du cantique dans la salle d'armes
d'un château fort, qui pourrait bien être celui de Page, Ecuyer, Ca-
pitaine, tant souventes fois nous le vîmes ; une scène du Tannhauser,
opéra moyen âge et doublement légendaire ; la Fiancée du Timba-
lier (1525). Vous en souvenez-vous ?
Il est parti pour l'Aquitaine
Comme timbalier. . .
Elles ont marqué le pas des enthousiastes de 1830
Ces timbales étincelantes,
Qui sous sa main toujours vibrantes
Sonnent et font bondir le cœur.
Il va revenir des batailles, et sa fiancée l'attend. Le cortège dé-
file : les barons, les chevaliers, et les pages, et les timbaliers :
Puis, dans la foule indifférente,
Elle tomba, froide et mourante. . .
— Les timbaliers étaient passés.
Vous en souvenez -vous? Voilà la ballade et voilà le tableau. Le
peintre n'a pas trahi la ballade, mais il n'y a rien ajouté.
Arrêtons la série du moyen âge au moine Guy d'Arezso ensei-
gnant la gamme qu'il vient d'inventer (n° 806). Sur la toile de
M. Gilbert, Guy d'Arezzo n'est certes pas un ces moines fainéants,
pansus et verts gaillards, qui firent la joie de nos pères et qui ne
font pas la mienne. Quelle maigreur d'ascète ! Le bois de l'orgue
n'est pas plus sec! Et ses élèves? Deux grands flandrins, bleu et
rouge, plus efflanqués encore que leur maître, si c'est possible, et
ouvrant démesurément la bouche. C'est un quartier de venaison, et
non pas des notes creuses, qu'il faut à ces musiciens faméliques. La
diète et la gamme, le beau régime, en vérité ! Le3 belles épaules
de Mlle Bressant s'épanouissent près de cette osléologie.
Traversons la Renaissance avec son inévitable cortège d'amoureux
en pourpoints tailladés, chantant et raclant leur guitare sous les bal-
cons « des Espagnes » et sur les murs du salon. Il y en a, il y en a
(1) Voir le n" 23.
188
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
encore, il y en a toujours ! Romances mises en peinture : peinture
qui retourne en vignette à la romance. Je ne dis pas que tout ce
Ira los montes papillottant et sautillant à l'œil ne soit pas « d'un bon
débouché » ; mais les mantilles, les alguazils, les caslagnettes, les
pandero, le menton barbu des duègnes, le catarrhe des tuteurs, le
tromblon des brigands, les panaches sonores des mules capitanes,
les familiers du Saint-Office, les sérénades, les gallegada, les jota
aragonesa, que sais-je encore ? me paraissent avoir subi leur con-
damnation à temps de travaux forcés artistiques, et je serais assez
d'avis de renvoyer les Abencerrages à M. de Florian et tous ces
tableaux... à l'Escurial !
Un tableau fin et soigné de M. Vetter : Molière et Louis XIV
(n° 1916), nous ramène aux temps modernes. Louis XIV ayant appris
que les officiers de sa maison dédaignaient Molière et refusaient de
dîner avec lui chez le « contrôleur de la bouche », le fit asseoir un
matin à sa table, et, lui servant une aile de son « en cas de nuit »,
dit aux courtisans du grand lever : « Vous me voyez, Messieurs, en
train de faire manger Molière que les gens de ma maison ne trou-
vent pas d'assez bonne compagnie pour eux. » Le grand roi est, du
reste, escorté au salon des types les plus populaires de Molière, le
grand honnête homme. Le Médecin malgré lui, de Léman, tâte « ce
pouls qui marque que votre fille est muette » ; Scapin, Alceste, le
Malade imaginaire n'ont pas moins de succès qu'à la scène, et le
burin spirituel de M. Perrichon nous présente, d'après Rrion,
MM. Diafoirus père et fils, immortel duo !
Des sujets relatifs à la musique et se rapportant, comme costume
du moins et comme décor, à l'époque Louis XV, je ne détacherai
que quatre toiles. Dans un salon tout orné des folles et charmantes
mignardises du style Pompadour, nous entrons à la Fin d'un repas.
Les convives de M. Periez ont bu du muscat de Calabre et du mar-
sala authentique. Les femmes sourient de ce sourire du xvme siècle,
épanoui comme une fleur sur leur bouche voluptueuse et spirituelle,
qui lance l'épigramme et provoque le baiser. Déjà les violons et les
flûtes s'accordent; les basses ronflent sous l'archet; les guitares cré-
pitent dans un coin. On va faire de la musique, jouer quelque mi-
nuelto bien folâtre, quelque ariette du bon faiseur!... Chansons dans
le nuage et chanteurs au tombeau!... Mme Armand Leleux, dans sa
Répétition de musique, a traité le même sujet. Petite peinture un
peu sèche, mais jolie. Un brave homme, en culotte courte, en veste
à personnages, besicles sur le nez, virtuose consciencieux, à cheval
sur un violoncelle, étudie, au chevet de son lit, le Morceau difficile!
Ah ! qui de nous ne le connaît, ce morceau-là, et ce passage diabo-
lique qu'on répète cent fois, et qui cent fois échappe aux doigts, au
gosier, à l'archet ! Il en est là, justement, au passage maudit, le
cou tendu, l'œil fixe, embourbé, désolé. Laissons-le : quand nous re-
tiendrons, il n'en sera pas sorti, et allons écouter cet Organiste du
cloître, ému, inspiré, et remplissant la nef de ses 'puissants accords,
tandis qu'un prélat poudré, en simarre violette, écoute assis dans une
stalle de la tribune, et sourit à la pieuse exaltation du moine musi-
cien.
Alertes, nombreux, campés fièrement ou courbés sans bas-
sesse,
Drapant leur gueuserie avec leur arrogance,
ils sont revenus à l'exposition des Reaux-Arts, ces bohémiens, ces
nomades au pied léger, virtuoses du carrefour et du grand chemin,
dont le salon de l'année dernière nous avait déjà amplement révélé
la poésie vagabonde. Le Trio de la place Montanare, à Borne, exé-
cute un brindisi exlra-rossinien dont les joueurs de gusla du Café
arabe de vis-à-vis paraissent profondément surpris; les Chanteurs
napolitains donnent la réplique aux Galliciens de la Quête au loup
(G. Brion), qui chantent de leur voix de cuivre l'interminable ro-
mancero du Cid Campeador. Le soleil d'Italie bronze ces pifferari
aimés des peintres, et c'est par une nuit lugubre de décembre, dans
la brume et sous la pluie, blêmes, harassés et trempés jusqu'aux os,
que rentrent au logis inhospitalier ces Bohèmes parisiens, aboyeurs
de refrains populaires, que M. Bouchard a rencontrés sur le Pont-
Neuf. Voici bien Art et Liberté ; mais faites quelques pas, et le con-
traste, je devrais dire la vérité, est devant vous : Art et Misère. On
rit devant cette Garde-robe d'un cirque en tournée foraine ; mais cette
pauvre cigale qui a chanté tout l'été, et dont le marbre de M. Cam-
bos nous dévoile, en même temps que les formes exquises, l'expres-
sion de tristesse résignée, impressionne vivement, et devant cette
misère et cette viole brisée, on se prend à songer à tous ceux — ar-
tistes malheureux, vaillants lutteurs — qui se trouvent comme la
cigale :
Bien dépourvue
Quand la bise fut venue.
Ce n'est pas la bise, mais un vent frais et léger qui passe sous la
feuille et caresse le front des musiciens et des danseurs des Ker-
messes et des Fêtes de village. Violons et tambourins! Chansons en
chœur et rondes intrépides ! Quel entrain et quel élan ! Devant ces
toiles, les plus froids ont des revenez-y de jeunesse. Quant aux scè-
nes de chorégraphie plus intime nous avons à admirer sans réserve
l'Aimée, de M. Gérôme (n° 794), l'un des succès du salon ; la Fan-
tasia, de M. Belly (133), où se retrouve la vigueur de Ribera ou
du Buonarotti ; des Danseuses mauresques et une Ballerine du Caire
d'un charme étrange et provocant.
Em. Mathieu DE MONTER.
{La fin prochainement .)
NOUVELLES COMPOSITIONS DE M. F.-J. FËTIS,
Maître de chapelle de S. M. le roi des belges.
Deuxième article (1).
Première symphonie a grand orchestre.
La symphonie, ce véritable poëme épique instrumental, a-t-elle
revêtu une forme immuable ? Telle est la question que l'on est
amené à se faire chaque fois qu'on entend ou qu'on lit une œuvre
de ce genre. — Haydn, comme tous les hommes de génie dans tous
les genres, a, dès le principe, donné 'à la symphonie de belles et
grandes proportions. Ses émules, Mozart et Beethoven, ont marché
sur ses traces glorieuses en apportant une large part de formes de
détail et même de coupe ; mais, à part le scherzo et le finale, si
hardiment développés par Beethoven, la symphonie a gardé constam-
ment ses quatre unités ; savoir : premier allegro, — adagio, andante
ou air varié, — minuelto ou scherzo, — et finale.
Un compositeur, qui a écrit ses œuvres à la lueur des trois grands
flambeaux de l'art allemand, Mendelssohn, s'il n'a pas toujours
atteint à la hauteur où leur génie s'est élevé, a créé le scherzo à
deux- quatre, et c'est là un de ses titres à la gloire. L'obligation
d'écrire une symphonie dans un ton unique, sauf celui de l'andante,
a sans doute sa raison d'être dans ce que l'on appelle au théâtre la
couleur de l'époque ; et puisque, sans exagération, on peut assimiler
chacun des quatre morceaux d'une symphonie à l'acte correspon-
dant d'un drame, il est permis de trouver la cause de ce constant
respect pour le ton choisi dans ce que nous appelions tout à l'heure
la couleur de l'époque ; et alors le mode majeur ou mineur dans
lequel la symphonie est écrite, personnifierait, en quelque sorte, le
caractère viril ou féminin de la composition tout entière.
(1) Voir le n° 23.
DE PARIS.
189
M. Fétis, dans la première symphonie que nous allons analyser, a
remplacé le scherzo de Beethoven par un intermezzo à 9/8, allegro
molto, dont le milieu est coupé par une phrase à 3/4 ayant deux
reprises, et se reliant au motif à 9/S par de grands développements.
11 est singulier que ce soit toujours le minuetto de Haydn qui ait
exercé l'imagination de t:ius les compositeurs ; mais n'anticipons pas
sur l'ordre des morceaux de la nouvelle symphonie, objet de cette
étude ; plus loin, nous essayerons de découvrir la cause de cette
constante préoccupation des maîtres symphoniques.
Cette première symphonie est écrite en mi bémol. Le premier
morceau, allegro animât o, débute par une phrase largement exé-
cutée à l'unisson par les premiers violons et les violoncelles. Les se-
conds violons et les altos trémolent, les bassons et les clarinettes
frappent le premier temps fort, et les cors et les trompettes leur ré-
pondent sur le second temps. L'harmonie de ce début est pleine et
sonore. — Un épisode élégant le ramène, exécuté alors par les ins-
truments à vent en bois, sous lesquels les premiers violons font des
arabesques charmantes. La lettre A (lettre de repère) de ce premier
morceau offre des syncopes exécutées par les hautbois et les clari-
nettes, tandis que le quintette à cordes et le reste de l'harmonie
frappent des temps coupés d'un effet très-chaleureux. — Une jolie
phrase en mineur, proposée par l'alto, et ayant ses conséquents mé-
lodieux à la quinte au second et au premier violon, réveille l'intérêt
et prépare un très-beau tutti par lequel se termine la première par-
tie. — La seconde est habilement travaillée ; des parcelles du sujet
principal servent au développement de la pensée mère du morceau,
et une phrase en la bémol apparaît bientôt. L'auteur, en employant
à dessein quatre cors à pistons, deux trompettes à cylindres et trois
timbales accordées en si bémol, mi bémol et fa, s'est ménagé des
effets inattendus, et qui eussent été irréalisables avec les cors de
l'ancien système. En mettant en œuvre, surtout dans ce premier
morceau, les trémolos de violon et d'alto, l'auteur a peut-être donné
à sa pensée un caractère mélodramatique très-prononcé ; mais, de
nos jours, le genre lyrique envahit la salle de concerts; c'est peut-
être à cette tendance que M. Fétis aura cédé à son insu.
L'adagio à 6/8, en la bémol, est une cantilène ravissante de tout
point, d'une suavité et d'une tendresse inexprimables. L'intermezzo,
dont le lecteur a vu plus haut la coupe nouvelle adoptée par l'auteur,
est d'une belle ordonnance et d'un effet habilement calculé. Le mou-
vement à 3/4 a de la noblesse et une expression sereine très-tou-
chante. Ne serait-il donc pas possible d'innover pour les trois autres
morceaux de la symphonie ? et si le seul minuetto d'Haydn a éprouvé
plusieurs transformations, la raison n'en vient-elle pas de ce qu'il
représente l'élément joyeux dans le drame symphonique, tandis que
les autres morceaux en sont les parties essentiellement sérieuses,
sauf pourtant le finale, qui dénoue quelquefois la symphonie d'une
manière qui n'a rien de terrible ?
Le rondo à 2//i est dans ce cas ; il termine avec verve et un emploi
très-riche, mais non confus, des rhythmes cette œuvre magistrale.
Une analyse est toujours très-incomplète pour les lecteurs qui n'ont
pas en mains l'œuvre analysée ; et pour ceux qui la possèdent, elle
n'est pas toujours assez détaillée. Pour concilier toutes les opinions,
nous exprimons un désir : celui d'entendre à Paris, l'hiver prochain,
la première symphonie de notre vénérable maître. Les membres de
la Société des concerts, dont il s'est fait l'historien dans son excel-
lente Biographie des musiciens, lui doivent bien cette marque de
gratitude et de respect pour son talent encore si jeune et si vivace.
Dans un troisième et dernier article, nous analyserons la deuxième
symphonie de M. Fétis.
A. ELWART.
CONCOURS POUR LE GRAND PRIX DE COMPOSITION MUSICALE.
C'est mardi dernier, 7 juin, que le concours d'essai a été jugé.
Le jury désigné par le sort se composait de MM. Auber, prési-
dent; Berlioz, Georges Kastner, membres de l'Institut; Albert Gri-
sai-, Bazin, prince Poniatowski (en remplacement de M. Rossini,
qui s'était récusé), Barbereau, Elwart, Duprato. Tous ces noms étaient
sortis de l'urne contenant la totalité des noms portés sur la liste gé-
nérale.
M. Albert Grisar, retenu par une cause imprévue, n'a pas pris part
aux opérations du jury.
Cinq élèves ont été admis au concours définitif dans l'ordre sui-
vant : MM. Saint-Saëns. Danhauser, Constantin, Lefèvre et Sieg.
La commission chargée de choisir la cantate destinée à servir de
texte au concours musical, et composée de MM. Auber, Théophile
Gautier, de Saint-Georges, Edouard Monnais, Emile Perrin, Reber,
Nestor Roqueplan, baron Taylor, Ambroise Thomas, s'est réunie ven-
dredi et samedi au Conservatoire. Les pièces de vers envoyées étaient
au nombre de 127. La cantate choisie a pour titre Ivanhoë, et pour
auteur M. Victor Roussy.
M. de Saint-Georges n'a pu prendre part au travail de la com-
mission.
Les cinq élèves ci-dessus nommés ont été mis en loges.
Le concours définitif sera jugé le samedi 16 juillet.
CORRESPONDANCE.
Berlin, 9 juin.
Les principaux artistes de l'Opéra royal se trouvant en congé à cette
époque de l'année, aucun des ouvrages de Meyerbeer n'a pu être
donné encore depuis la mort du maître immortel, mais M. de Hulsen
vient de profiter de la présence de M. Niemann pour remonter avec le
plus grand soin le Prophète, dont la représentation a eu lieu hier soir,
et il a saisi cette occasion pour rendre un nommage fort digne à la
mémoire de l'illustre défunt. Entre le quatrième et le cinquième acte
le rideau s'est levé sur une courte introduction de l'orchestre, suivie
de la prière de l'Etoile du Nord. Au milieu du théâtre se dressait un
buste colossal du maître sur lequel planait le génie de la Musique
s'apprêtant à le voiler d'un crêpe funèbre; aux deux côtés, quatre
piédestaux, portant l'inscription des quatre ouvrages de Meyerbeer qui
sont au répertoire de l'Opéra royal, Robert, les Huguenots, le Prophète
et le Camp de Silésie, étaient entourés par les artistes représentant les
principaux personnages de ces chefs-d'œuvre qu'ils couvraient de
couronnes de laurier pendant que le génie de la Musique voilait le
buste ; l'ensemble de cette composition offrait un aspect aussi artis-
tique que pittoresque.
L'affiche n'ayant rien dit de cette cérémonie, le public a éprouvé un
moment de surprise, mais à peine le rideau s'était-il baissé, que la
salle entière retentit de cris enthousiastes; il fallut relever la toile,
et, cette fois, dans un élan spontané et comme obéissant à un choc
électrique, les quinze cents spectateurs qui remplissaient la salle et les
personnes de la cour qui occupaient les loges royales, se levèrent
simultanément pour participer une seconde fois debout et la tête décou-
verte à cette courte mais très-touchante manifestation, hommage rendu
au grand homme qui n'est plus, et qui a produit dans l'auditoire la plus
vive impression !
La direction de l'Opéra se propose, du reste, d'organiser pour le 5
septembre, jour anniversaire de la naissance de Meyerbeer, une céré-
monie plus grandiose encore à laquelle le personnel tout entier de
l'Opéra prendra part.
La représentation du Prophète, hier soir, a été, d'ailleurs, une des
plus belles auxquelles il m'ait été donné d'assister. Mlle de Anna, dans
le rôle de Fidès, possède une voix sympathique unie à un grand talent
dramatique ; et une toute jeune artiste, Mlle Santer, dans celui de
Bertha, a fait admirer une fraîche et limpide voix de soprano.
Il faut que M. Niemann ait fait de bien grands progrès depuis son
début à Paris dans le Tannhauser, car les représentations qu'il donne
en ce moment à Berlin ne sont pas seulement de simples succès, ce
190
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sont de véritables triomphes, et il me serait impossible d'énumérer la
quantité de rappels auxquels il a dû se rendre dans le courant de la
représentation du chef-d'œuvre de Meyerbeer. Il est, en effet, très-re-
marquable dans ce rôle magnifique du Prophète, qui sera joué de
nouveau demain vendredi.
La première nouveauté que nous aurons pour la saison d'hiver sera
le Pardon de Ploérmel, et la direction commence déjà à s'en occuper.
Mlle Lucca sera l'interprète du rôle de Dinorah, et M. Betz jouera celui
de Hoël.
J]lle Lucca, en revenant de Londres, que trop de fatigues l'ont forcée
de quitter, n'a fait que traverser Berlin ; la célèbre artiste s'est rendue
aux eaux de Reichenhall pour reposer sa voix et fortifier sa santé.
B.
NOUVELLES.
**„ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la Favorite et Dia-
volina. Le baryton Caron a fort bien chanté le rôle d'Alphonse.
»% Demain lundi le Trouvère et Diavolina. Un ténor oui a chanté avec
succès à l'Opéra il y a quelques années, M. Sapin, y reparaîtra dans l'o-
péra de Verdi et chantera le rôle de Manrico.
*** Les Vêpres siciliennes ont été représentées mercredi et vendredi.
Allie Marie Sax y remplissait le rôle d'Hélène et s'y montrait plus que
jamais la digne héritière de Sophie Cruvelli par la chaleur dramatique
de son jeu, par l'éclat de sa voix splendide. Bonnehée a chanté le rôle
de Montfort de manière à faire regretter le parti qu'il a pris de quitter
l'Opéra, si ce parti est irrévocable. Pour la première fois, Warot se
produisait dans le rôle de Henri, qui n'avait encore été abordé que par
Gueymard et Villaret. Le nouveau chanteur n'a rien d'héroïque dans
la physionomie, et la nature de sa voix lui interdit de grands rôles. Ce-
pendant, à force de talent, Warot est parvenu à triompher des difficul-
tés de sa tâche et à mériter les bravos par l'élégance et la pureté de
son style, surtout dans la romance et le duo du quatrième acte.
„** Mlle Camille de Maësen, du théâtre de la Monnaie, à Bruxelles,
est engagée à l'Opéra et débutera par le rôle de Marguerite, des Hu-
guenots.
*% L'engagement de Bonnehée a été prolongé d'un mois.
**» On a fait courir depuis quelque temps le bruit d'un changement
de direction à l'Opéra-Comique. Des journaux ont même accueilli, avec
une crédulité des plus naïves, cette absurde rumeur. Nous sommes au-
torisés â la démentir de la façon la plus formelle. Rien de ce qui au-
rait pu lui donner le moindre caractère de vraisemblance n'existe ni
n'a existé.
±% M. Bagier vient d'engager, pour la saison prochaine, le ténor Corsi,
frère du baryton qui créa le rôle de Rigoletto à Paris. On assure qu'il
a chanté avec beaucoup de succès sur plusieurs scènes étrangères.
t*+ Mme Borghi-Mamo, l'éminente cantatrice, est de retour à Paris.
• **,, Une indisposition de Mme Carvalho a forcé d'interrompre mo-
mentanément les représentations de la Reine Topaze, dont la reprise
obtient un véritable succès. — Ismael a été aussi atteint d'un violent
mal de gorge ayant tous les caractères d'une angine. 11 va mieux.
*% La rentrée de MmeUgalde au théâtre Lyrique s'est faite avec éclat
dans les Noces de Figaro; l'opéra de Mozart avait attiré beaucoup de
monde.— Mme Carvalho ayant repris le rôle de la reine Topaze, c'est
Mlle Ebrard qui joue celui de Chérubin.
j,% On annonce peur demain au théâtre Lyrique la première repré-
sentation de Norma, interprétée par Puget-Pollion, Mlle Charry-Norma,
et Mlle de Maesen-Adalgise.
s** C'est dans la rue Richer que va se construire la salle destinée
au nouveau théâtre Italien qui s'organise en ce moment sous la direc-
tion de M. Caïmi. On pense qu'elle pourra être prête pour le 1er oc-
tobre .
„% Le théâtre de la Porte-Saint-Martin continue à préparer sa saison
lyrique. Il vient d'engager Mlle Balbi et M. Pascal , ténor venant du
Havre, et mari de Mme Pascal, récemment engagée à l'Opéra. De plus,
la semaine dernière a eu lieu l'audition d'un opéra de M. Membrée,
paroles de MM. Foussier et Leroy, qui aurait pour titre le Moine
rouge.
t\ Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires, des concerts, spectacles concerts, etc., ont été
pendant le mois de mai, de 1,947,320 fr. 78 c.
„.*„ Nous apprenons par voie télégraphique que le Siège de Leyde, drame
lyrique en trois actes, dont Mme Tarbé des Sablons a composé la mu-
sique et qui dut un moment être joué au théâtre Lyrique, vient d'être
représenté à Florence avec un immense succès. Mme Tarbé des Sa-
blons a été rappelée huit fois par la salle enthousiasmée. Nous revien-
drons sur ce succès, si honorable pour une de nos compatriotes, et qui
prouve le cas que l'on fait en Italie de la musique française.
,,% On nous écrit de Londres qu'Adelina Patti a chanté pour la pre-
mière fois le rôle de Marguerite dans Faust, et qu'à Covent-Garden
comme à Paris, elle a enlevé la salle. A cette occasion, le Times con-
sacre à la charmante cantatrice un article tout entier d'éloges enthou-
siastes.
t*. L'académie des beaux-arts avait placé à l'ordre du jour de sa
séance hebdomadaire d'hier samedi la nomination de la commission qui
sera chargée de composer la liste des candidats aspirant à remplacer
l'illustre Meyerbeer comme membre associé étranger de l'Académie.
„*„ Pour le concours des classes de violon au Conservatoire, les pro-
fesseurs, d'accord avec le Comité, ont choisi cette année le 29e con-
certo de Viotti.
„,** Pour les concours de piano, classes des hommes, le concerto en
mi mineur de Chopin, et pour les classes de femmes le 2° concerto de
Field ont été désignés.
„.% Une mention est bien due à M. Ch. Wervoitte pour la part qu'il
a prise au concert récemment donné à Versailles au profit du Refuge,
organisé par lui et dans lequel M. Ch. Poisot s'est également distingué.
„,** Le célèbre compositeur Ferdinand Hiller vient de recevoir le
diplôme de membre honoraire de la Société des artistes musiciens à
Prague. La Musical Society à Londres l'a nommé honorary fellow.
„% Le 30 mai dernier Moschelès a célébré le 70e anniversaire de sa
naissance ; l'illustre vétéran a reçu de nombreux témoignages de vé-
nération et de sympathie. Le lendemain il y a eu, au Conservatoire,
une fête musicale où l'on a exécuté une série de compositions du
maître.
„% M. Elena, mari de Mme Penco, vient de prendre la direction du
théâtre de Cadix; sa femme y tiendra l'emploi de prima donna. Les
autres artistes sont Mme Flory, MM. Nicolini, Comberi et Bartolini.
M. Bonnetti conduira l'orchestre, et on représentera un opéra de lui,
Giovanna Shore.
„% Ainsi que nous l'avons dernièrement annoncé, Arban est à Nan-
tes et, sous sa direction, le Cercle du sport a inauguré ses concerts
d'été. Guidés à merveille par une main sure et ferme, les musiciens
ont enlevé avec beaucoup de verve l'ouverture de la Gazza ladra ; Die
Hydropaten, valse de J. Gung'l ; chœur et marche des soldats de Faust;
et d' Arban les Chants d'Allemagne, quadrille; une grande fantaisie sur
la Muette de Portici; Lischen et Frizchen, polka; l'ouverture de Si j'étais
roi; FArc-en-Ciel, de Jourdan; laMaschera, quadrille d'Arban. M. Arban
vient de justifier cette fois encore sa réputation de chef d'orchestre
habile, et comme soliste, il s'est fait vivement apprécier et applaudir
en exécutant des variations sur le Carnaval de Venise.
t% S. M. le roi d'Espagne, à qui Louis Engel vient d'envoyer les
morceaux qu'il avait eu l'honneur de jouer devant Leurs Majestés il y
a peu de temps, a daigné conférer au célèbre artiste la croix d'Isabelle
la Catholique.
*„, Un jeune flûtiste de beaucoup de talent, M. Auguste Charles, qui
a fait partie de l'excursion artistique organisée par le célèbre Julien, de
Londres, et qui a ainsi parcouru les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allema-
gne, la Hollande, la Belgique, et en dernier lieu la Russie, où il a été
nommé fiûte-solo des théâtres impériaux, est arrivé à Paris, où il s'est
fait entendre pour la première fois samedi, à une soirée donnée par
Rossini à sa villa de Passy. M. Aug. Charles y a exécuté une grande
fantaisie sur la Fille durégiment, par Briccialdi, de façnnà justifier la bonne
opinion qu'on avait conçue de lui, et sa résolution de venir demander
au public parisien la consécration de son talent.
„*„ Le premier tirage de la Marche funèbre composée par Litolff en
l'honneur de Meyerbeer est épuisé.— L'auteur vient de l'arranger pour
piano à quatre mains; elle a paru chez Brandus et Dufour.
„% L'ouverture du théâtre Rossini à Madrid est toujours fixée au
15 de ce mois, et se fera par Guillaume Tell avec Tamberlick.
s,*tOn lit dans le Moniteur de l'Exposition franco-espagnole de Bayonne:
« La commission chargée d'organiser, pour les 28 et 29 août prochain,
un grand concours d'orphéons et de musiques ne néglige aucune me-
sure propre à rehausser l'éclat de cette solennité artistique. Les jurys
qui doivent distribuer les récompenses sont ainsi formés : MM. Clapisson
(de l'Institut), professeur au Conservatoire ; Delsarte, professeur au Con-
servatoire ; Alard, professeur de violon au Conservatoire ; Armingaud,
professeur de violon et compositeur; Victor Massé, directeur des chœurs
de l'Opéra ; Duprato, prix de Rome; Camille de Vos, membre du comité
DE PARIS.
191
de patronage des orphéons de France ; Boïeldieu, fils de l'illustre au-
teur de la Dame blanche. M. DulYêne préside le jury des fanfares. Des
chœurs, composés par MM. Clapisson, Camille de Vos, Barthe et Boïel-
dieu, seront imposés aux sociétés qui prennent part au concours. «
„*„ Les Origines de la chapelle-musique des souverains de France, tel
est le titre d'un petit livre plein d'intérêt qui vient d'être mis en vente
à la librairie Claudin, 3, rue Guénégaud. L'auteur de ce petit ouvrage,
dont le titre indique suffisamment le sujet, M. Tr. Thoinan, y a fait
preuve d'une érudition solide et exempte de tout pédantisme. Son livre
sera bientôt dans les mains de tous ceux qui s'intéressent aux bonnes
recherches historiques sur l'art musical, surtout quand le résultat de
ces recherches est exposé avec clarté, dans un style sobre et soutenu.
»** Dimanche 42 juin, au Pré-Catelan, la garde impériale, spéciale-
ment autorisée par Sa Majesté, donnera dans ce splendide jardin un
concert unique avec le concours de l'orchestre de symphonie si re-
marquablement conduit par M. Forestier, au bénéfice de la Caisse de
secours des artistes musiciens. C'est à l'initiative toujours si dévouée,
toujours si vigilante de M. le baron Taylor, qu'est due l'organisation
de cette imposante solennité musicale qui n'a et ne peut avoir lieu
qu'une seule fois par an. — Tout Paris assistera à cette fête pour la-
quelle on fait des préparatifs magnifiques. On nous assure qu'avant de
quitter la capitale, LL. Exe. les ambassadeurs japonais veulent jouir du
spectacle qu'offrira ce jour-là le Pré-Catelan, le vrai salon d'été parisien.
*** L'orchestre du concert des Champs-Elysées vient de s'enrichir
d'un artiste très-remarquable, M. Levy, célèbre cornet à piston anglais,
qui a fait longtemps partie de l'orchestre de Julien. Il s'est fait enten-
dre la première fois vendredi, et il a joué le Carnaval de Venise, ar-
rangé par lui avec variations. Rarement nous avons entendu un son
plus velouté, plus égal joint à plus d'agilité, M. Levy est d'une grande
force, et pourrait être comparé sur son instrument au célèbre Wuille
sur la clarinette. M. Levy ne sera pas une des moindres attractions du
concert des Champs-Elysées.
**., Au cimetière de Dusseldorf on doit inaugurer, le 29 juin pro-
chain, le monument érigé au célèbre compositeur Norbert Burgmuller,
qu'une mort précoce a enlevé à son art.
,.** Le facteur d'orgues Karl Buckow, de Hirschberg en Silésie, est
mort le 16 mai à Comorn, où il était occupé à établir son cinquante-
quatrième orgue, dans l'église Saint-André.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
t% Londres. ■ — M. et Mme Marchesi continuent de jouir à Londres
du succès qni les avait accompagnés dans toute leur tournée provin-
ciale. Les deux éminents artistes annoncent pour le 21 de ce mois un
concert historique avec le concours de SIM. Wieniawski, Georges
Pfeiffer et Mlle Marie Wiek.
*% Leipzig. — Le théâtre de la ville vient de fermer pour trois
mois. — Dimanche, 5 juin, l'Académie de chant a exécuté le Messie,
de Haendel, au profit du fonds de pension pour les veuves des artistes
de l'orchestre.
„% Gratis. — Ander, du théâtre impérial de Vienne, donne ici des
représentations ; il a débuté par le rôle de Raoul qui a été
un triomphe pour lui ; après le célèbre duo du quatrième acte, il a été
rappelé quatre fois de suite.
„.** Stargard (Poméranie). — Parmi les papiers de la succession d'un
habitant de notre ville, on a trouvé vingt-trois manuscrits de Mozart,
Dans le nombre, il y a une comédie latine avec mélodrame (?), Apollon
et Hyacinthe, par W. Mozart, 13 mai 1766; une symphonie pour deux
violons, deux basses de viole, deux hautbois, deux cors, trois contre
basses, par Mozart, Vienne et Olmûtz, 1767. De plus, un magnifique
concerto pour piano orchestre, dédié à l'empereur Léopold, par
"W. Mozart, Vienne, 4784; enfin, plusieurs symphonies composées à
Salzbourg.
*** Stuttgard. —Au théâtre de la cour, nous avons eu une brillante
reprise des Huguenots. Les principaux rôles ont été parfaitement
interprétés par Mme Leisinger (Valcntine), par Mme Maslow (Margue-
rite), M. Sontheim (Raoul), et Wallenreiter (Marcel).
*** Vienne. — Mlle Artoc et Everardi sont partis pour Bruxelles, où ils
se reposeront de leursfatiguesjusqu'àl'automne prochain. —Au mois d août
auront lieu, au théâtre de la cour, les débuts de Ferenzi, ténor qu'on
dit célèbre en Allemagne. — Le directeur Salvi est en ce moment à
Florence pour y entendre les époux Tiberini, qui ont une grande ré-
putation en Italie. — Au Prater a eu lieu un concert populaire du
Maenner-Gesang-Verein, au profit du monument Schubert. — Au salon
Brinner, troisième concert au bénéfice de la caisse de secours des
artistes musiciens.— Une singulière apparition a eu lieu au théâtre de la
cour, c'est le danseur espagnol Donato, qui n'a qu'une jambe. On ne
saurait se faire une idée de la sûreté, de la grâce et de la vigueur de
cet artiste monopède. En fait de poses, de bonds et de pirouettes il
éclipse les plus habiles danseurs à deux pieds. Ce qu'il y a de plus
bizarre, ce sont les succès de Donato auprès du beau sexe : plusieurs
offres de mariage lui avaient été faites, avant que son cœur se fût pris
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niversaire de la naissance de Schiller, in-3°, net S
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S. A. I. Mme la grande-duchesse Stéphanie de Bade
Scène et Prière, composées pour Mario dans Robert le Diable.
Scène et Cavatinc du Crociato, composée pour Mme Pasta
Rondo composé pour Mme Alboni dans les Huguenots
Parmi les pleurs, romance intercalée dans les Huguenots. . .
Polonaise et Arioso, ajouté à V Etoile du Nord, chîque 9
Scène et Canxonetta, ajoutées au Pardon de Ploërmel 9
Pas de la bouquetière, air dansé, ajouté à Robert le Diable 6
SCHILLER -MARSCH
Composée pour la célébration du 1 00e anniversaire de la naissance de Schiller .
Grande partition, parties d'orchestre, piano, à quatre mains.
MARCHE DU COURONNEMENT
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Grande partition, parties d'orchestre, piano, à quatre mains.
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19 Juin 1861
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SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: Robert le Diable, début de M. Da-
vid dans le rôle de Bertram, et de Mme Marie Pascal dans celui d'Isabelle. —
Théâtre Lyrique impérial : Norma, par Léon Durocher. — ta musique,
le théâtre et la danse & l'Exposition des Beaux-Arts, salon de 1864 (3" et der-
nier article), par Era. Mathieu de Monter. — Lefébure-Wély. — Union
musicale. — Revue des théâtres, par». A. D. Saint- Yves. — Nouvelles
et annonces.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
Robert te niable. — Début de H. David dans le rôle
de Bertram et de Mme Marie Pascal dans celai d'I-
sabelle.
Rien d'étonnant à ce que les débuts se multiplient dans des ou-
vrages tels que Robert le Diable, les Huguenots, jusqu'à ce que l'on
retrouve à peu près l'équivalent des artistes qui en ont créé les prin-
cipaux rôles. Tout a changé depuis trente et quelques années, ex-
cepté les chefs-d'œuvre même, qui rajeunissent avec le temps ; mais
de leurs interprètes, aucun n'est demeuré ; les exemples se sont per-
dus, les traditions oubliées, sauf chez le petit nombre des amateurs
d'un goût sûr et d'une forte mémoire, dont les avis sont excellents
sans doute, mais bien moins efficaces que ne le serait un modèle
vivant !
Voici par exemple M. David, un nouveau Bertram, qui nous vient
de Marseille avec des qualités fort estimables, malgré l'insuffisance
trop sensible des cordes basses de sa voix. Du reste, il a de la physio-
nomie, l'œil expressif, le geste intelligent, et une certaine distinction
de bon augure dans un artiste. Combien lui serait- il bon et utile d'étu-
dier Levasseur dans la plus belle de ses créations 1 11 n'en donnerait
pas mieux le mi bémol grave sur ces mots : sinon la mort, parce que
la nature ne le lui permet pas, mais il apprendrait à chanter son rôle
avec plus de fermeté rhythmique, à l'articuler plus sataniquement
encore. Et que n'est-il possible de rappeler ainsi les maîtres de l'art,
rien que pour leur demander de temps à autre quelques leçons
dont le besoin se fait sentir plus que jamais !
Gueymard et Mme Marie Sax en profiteraient d'autant mieux qu'ils
sont plus avancés dans la faveur publique, et ne manquent jamais
de produire leur effet. Le cinquième acte de Robei*t en a fourni
mercredi dernier une preuve sans réplique. Le magnifique trio final
leur a permis de déployer toute la puissance de leur talent, et Mme
Marie Sax a surtout impressionné la salle entière par la manière
dont elle a dit
Fuis les conseils audacieux
Du séducteur qui m'a perdue.
C'était de l'inspiration franche et vraie, avec une voix magnifique
à son service.
En parlant de Mme Pascal nous avons dit qu'elle arrivait de Ver-
sailles, mais elle vient de bien plus loin, puisqu'elle est Sicilienne, et
l'on s'en aperçoit un peu à son accent. Après avoir débuté dans
Mathilde de Guillaume Tell, elle s'est essayée dans Isabelle de
Robert le Diable. De princesse à princesse il n'y a que la main : il
n'y a pas non plus de différences à noter dans la façon dont
Mme Pascal a rempli ces deux rôles; comme cantatrice, elle ne
paraît pas avoir un mérite assez éminent pour effacer ou racheter les
torts de sa personnalité dramatique.
P. 8.
THEATRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
Xortntt.
Le brillant succès de Rigoletto a mis le théâtre Lyrique en goût
de traduction. Après Verdi, Bellini. Après Bellini, peut-être ver-
rons-nous arriver Donizetti, ou quelque autre Italien renommé.
Une réputation établie, une gloire incontestée manquent rarement
leur effet sur l'imagination d'un directeur qui croit, en l'accueillant,
ne courir aucune aventure et n'avoir à craindre aucun mécompte.
Ces entreprises ne sont cependant pas toujours sans danger. Un
ouvrage à succès est un ouvrage connu. On sait d'avance quel en est
le style, le caractère, la couleur, quelles sensations il doit faire naî-
tre, quel effet il doit produire. Malheur à vous si le programme n'est
pas suivi, si l'auditeur désappointé secoue la tête, et dit en sortant :
«C'est ça, mais ce n'est pas ça. »La partition n'y peut rien perdre,
et l'insuccès retombe tout entier sur les exécutants.
194
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Rigoletto a très-justement réussi parce que cet opéra avait été cons-
ciencieusement étudié, répété longtemps et avec soin, que tous les
acteurs étaient entrés dans l'esprit de leur rôle, et avaient pris le
style vocal qui convient à la musique de M. Verdi, que l'orchestre
faisait valoir tous les détails et ne manquait aucun effet, en un mot,
parce que toutes les intentions du compositeur étaient remplies. Bel-
lini a-t-il été aussi bien traité ?
11 faudrait, pour le croire, ignorer complètement le caractère pro-
pre du talent de Bellini, et ce qui le distingue des autres composi-
teurs. L'énergie, la véhémence, les grands éclats ne sont pas son
fait. Sous sa douce main, la tragédie la plus terrible, le drame le
plus sombre se transforment en élégies. La simplicité, la tendresse,
la grâce ingénue, un charme mélancolique que l'on sent plus aisé-
ment qu'on ne le définit, voilà le principe de ses succès, et la source
de l'influence, incontestablement très-puissante, qu'il a exercée sur
l'art contemporain. Une seule fois, dans sa trop courte carrière, il est
sorti de sa voie, et cet effort lui a mal réussi. Ce fameux duo des
Puritains, — fameux par le bruit qu'il faisait, — qu'on devait, sui-
vant Rossini, avoir entendu de Naples, est médiocre, et fort au-des-
sous du reste de la partition. C'est la seule fois que cet aimable
compositeur se soit laissé aller à l'exagération de la sonorité. Par-
tout ailleurs il est doux et calme. La passion n'a pas chez lui ces
violents paroxysmes où se complaît l'art moderne. Dans ses partitions,
comme dans la tragédie de Quinault,
. . . Jusqu'à je vous hais, tout se dit tendrement.
Est-ce ainsi que ses interprètes du théâtre Lyrique l'ont compris?
Nous en prenons pour juges tous ceux qui les ont entendus. Mlle Maë-
sen qui, dans Rigoletto, a dû son plus grand succès à l'énergie
vocale du duo du troisième acte, a voulu absolument trouver les
mêmes effets dans le rôle naïf et mélancolique d'Adalgise. Elle a
donc transformé ce personnage et prêté des accents trop vifs à une
jeune fille ingénue. Mme Charry, pour ne pas rester en arrière
de Mlle de Maësen, a fait de nobles efforts, que le succès n'a pas
toujours couronnés. Pollion a voulu prouver qu'il était digne de tenir
tête, tout à la fois, et comme on dit à certains jeux, de faire la
chouette, aux deux druidesses. Bref, au théâtre Lyrique, on chante
Norma comme un opéra de M. Verdi. On ne saurait imaginer un
plus complet contre-sens.
On a pratiqué d'assez belles coupures dans plus d'un morceau de
cet ouvrage. On a eu bien raison ! Notre seul regret à cet égard est
qu'on n'en ait pas fait davantage.
L'orchestre est souvent confus. Les mouvements sont sou"ent alté-
rés d'une manière sensible, ce qui contribue encore à dénaturer
la pensée du compositeur. Tout cela, évidemment, a été fait trop
vite, et l'on a cueilli le fruit avant qu'il fût mûr.
Mme Andrieux-Charry vient, dit-on, de Rouen, où elle était fort
aimée, fort applaudie. Elle est sortie de l'école de M. Duprez. Elle
pousse sa voix, qui n'est pas naturellement très-vigoureuse, au point
d'en altérer le timbre. Son organe n'est agréable que lorsqu'elle
chante piano, ce qui, hélas 1 n'arrive pas assez souvent. Elle pro-
nonce de telle sorte qu'on entend assez rarement ce qu'elle dit. Elle
ne manque pourtant pas de talent. Elle a de l'instinct dramatique,
de l'expression, elle vocalise parfois correctement, et son chant parfois
aussi est assez habilement coloré. Mais elle comprend mal Bellini.
— Peut-être l'aurait-elle mieux compris si elle eût été mieux en-
tourée.
Nous avons lu sur l'affiche : Norma, opéra de M. Etienne Mon-
nier, etc. Norma est une tragédie de feu Soumet, de l'Académie
française. Il faut bien rappeler ses titres , puisqu'on paraît ignorer
son nom. Le poëte italien Romani — si nous ne nous trompons —
a fait un opéra de la tragédie, sur les indications de Mme Pasta, qui
avait vu cet ouvrage à l'Odéon, et en avait su apprécier le mérite.
M. Etienne Monnier a traduit l'imitation de Romani, et le voilà, de
par l'affiche du théâtre Lyrique, auteur unique de la pièce. L'inven-
tion du sujet, la conception des caractères, l'agencement des scènes,
l'appropriation du drame à la musique, on lui fait honneur de tout
cela ! Heureux M. Monnier ! Il peut se vanter d'avoir des amis pleins
de zèle, et même assez courageux.
Léon DUROCHER.
Nous avons fait connaître les legs de Meyerbeer à l'Association des
artistes musiciens et à la Société des auteurs et compositeurs dra-
matiques de Paris. Le testament de l'illustre défunt affecte en outre
pour Berlin :
1° Dix mille thalers (37,500 francs) à une fondation pour déjeunes
musiciens allemands, à titre de subvention pour un voyage en Italie,
à Paris et en Allemagne (dans le genre du prix de Rome établi à
Paris) ;
2° Trois cents thalers (1,125 francs) à la caisse de secours, pour
les malades de l'asociation dessmusiciens de Berlin.
Au sujet des dix mille thalers (37,500 francs) le testament s'ex-
prime en ces termes :
« 11 existe à Berlin, ma ville natale, à l'Académie royale des beaux-
arts, dont je suis membre, un prix de concours destiné à couvrir les
frais d'un voyage d'études en Italie, pour les élèves de toutes les bran-
ches des beaux-arts ; les seuls élèves de la composition musicale en
sont exceptés. Pour combler cette lacune autant qu'il dépend de moi,
j'ordonne ce qui suit :
Un capital de 10,000 thalers doit être pris sur ma fortune et placé
sous la dénomination de : fondation meverbeer pour les musiciens, de
manière à rapporter o 0/0. Tous les deux ans, les intérêts cumulés du
capital seront remis à un étudiant de composition musicale, dans le but
et les conditions qui suivent.
Chaque concurrent pour le prix doit :
1° Etre Allemand, né et élevé en Allemagne, et être âgé de moins de
vingt-huit ans; il peut appartenir à n'importe quelle religion et quelle
profession ;
2° Il doit avoir fait ses études musicales dans l'une des institutions ar-
tistiques publiques de Berlin ou au Conservatoire de musique de Colo-
gne. Je comprends dans les premières VEcole académique royale -pour la
composition musicale, dirigée actuellement par le professeur Grell ; l'Ins-
titut royal pour la musique d'église, dirigé par le professeur Bach; le
Conservatoire de musique, dirigé par M. Stem, et celui que dirige
M. Kullack. Aussi longtemps que les professeurs Marx et FI. Geyer
s'occuperont de l'enseignement des jeunes musiciens, leurs élèves de-
vront également concourir au prix en question.
Les sujets des concours doivent être simultanément :
A. Une fugue vocale à nuit voix pour deux chœurs, dont le thème
principal et le texte doivent être fournis aux concurrents par le jury
du concours;
B. Une ouverture à grand orchestre;
C. Une cantate dramatique à trois voix, pour chant et orchestre, dont
le texte inédit devra être communiqué par le jury aux concurrents, et
consistera en deux airs, un duo et un trio liés par des récitatifs
et précédés d'une introduction ou ouverture instrumentale qui expri-
mera les situations du texte. Le poëte du texte que le jury choisira re-
cevra 30 thalers, que mes héritiers auront à payer séparément. Comme
juges du concours, j'institue :
1° Tous les membres de la section de musique de l'Académie des
beaux-arts de Berlin ;
2° Les deux chefs d'orchestre de l'Opéra royal, à Berlin;
3° Les deux directeurs des conservatoires de MM. Stern et Kullack,
aussi longtemps que ces établissements existeront;
4° Les professeurs B.-A. Marx et Flodoard Geyer, aussi longtemps
qu'ils vivront.
Le concurrent qui obtiendra le prix, recevra les intérêts cumulés
pendant deux ans du capital, c'est-à-dire 1,000 thalers; il sera, par
contre, tenu à passer les premiers six mois en Italie, le second semestre
à Paris, et à partager le troisième alternativement entre Vienne, Mu-
nich ou Dresde, afin d'étudier à fond dans ces pays et dans ces villes
DE PARIS?
195
l'état de la musique à ce moment. Pendant les dix-huit mois que du-
rera son voyage, 1 élève devra envoyer à la section de musique de
l'Académie royale des beaux-arts à Berlin, comme une preuve de son
zèle pour les études musicales, deux grandes compositions : l'une pour
musique vocale, fragment d'opéra ou d'oratorio; l'autre pour musique
instrumentale , ouverture ou fragment de symphonie.
Si au concours personne n'était jugé digne du prix, le dernier con-
current couronné pourrait le recevoir une seconde fois, pour le cas
où le jury le jugerait convenable. S'il n'en était pas ainsi, la moitié de
la somme disponible serait ajoutée au plus prochain prix à donner, et
l'autre moitié au prix suivant.
Comme administrateurs et curateurs du capital de cette fondation,
je désigne : 1° le président actuel de l'Académie des beaux-arts, le pro-
fesseur Daege ; 2° le conseiller privé du gouvernement, docteur Jolîan-
nès Schulze, qui dirige d'une manière si fidèle et si sage depuis nombre
d'années la fondation pour les peintres et sculpteurs de feu mon frère
Michael ; 3° mon gendre le baron Emmanuel Korf.
Lorsqu'il y aura nécessité, ces curateurs seront remplacés : M. Daege
par son successeur à la présidence de l'Académie; M. Schulze par une
personne choisie par les deux autres curateurs, et s'il y avait désac-
cord entre eux, par celle des deux personnes proposées qu'un tirage au
sort aurait désignées ; M. le baron Korf, par un membre mâle de ma
famille, gendre, petit-fils, ou à défaut par l'un de mes neveux.
Les curateurs ainsi institués représenteront aussi la fondation vis-à-
vis des tiers, des administrations, etc., et ils sont munis de pleins
pouvoirs à cet effet. »
En même temps qu'il écrivait pour le piano sa belle marche funèbre
à la mémoire de M. Meyerbeer, Litolff destinait dans sa pensée cette
remarquable inspiration aux nouveaux instruments de cuivre d'Adolphe
Sax : Une trompette, deux trombones, un saxhorn basse en si bémol ,
un saxhorn contre-basse en mi bémol et un saxhorn contre-basse en
si bémol, tous ces instruments à six pistons et tubes indépendants.
L'effet en est aussi terrifiant que grandiose, et ces voix dont la souplesse
et l'expression le disputent à la puissance, impriment encore un plus
sombre et plus douloureux caractère à l'originale conception du mu-
sicien.
C'est dans la salle de la rue Saint-Georges que nous avons entendu cette
page émouvante. Depuis le commencement du mois , Aldolphe Sax
convie deux fois par semaine, le lundi et le vendredi , à des auditions
musicales d'un haut intérêt, tout ce que Paris renferme d'artistes , d'é-
crivains et de notabilités en tout genre : le général y coudoie le journa-
liste et le sénateur le musicien. Dans ces curieuses réunions, l'auteur
donne la meilleure explication de son œuvre en la faisant entendre ,
c'est-à-dire en mettant chacun à même d'en apprécier de auditu les
qualités exceptionnelles. Aux instruments à pistons indépendants, se
mêle la famille des saxophones dont une douzaine d'élèves militaires
composant la classe d'Adolphe Sax au Conservatoire, font très-agréable-
ment les honneurs.
Quand on réfléchit que la rapide extension, que l'immense propaga-
tion de la musique d'instruments de cuivre est due aux inventions
d'Adolphe Sax, et en particulier à la facilité et à la simplification de ses
saxhorns, on ne peut s'empêcher d'admirer l'inépuisable fécondité du
célèbre inventeur que rien ne saurait arrêter, pas même son intérêt
bien entendu, car par leur supériorité incontestable, ses derniers ins-
truments sont évidemment appelés à remplacer eux-mêmes les saxhorns,
et cette substitution ne peut se faire sans de nouvelles luttes, sans de
nouvelles résistances, toutes choses assez peu favorables, comme cha-
cun sait, aux questions pécuniaires. Mais le véritable artiste ne se laisse
pas envahir par de pareilles considérations : Il crée sans calcul et sans
arrière-pensée, comme l'arbre donne son fruit, parce que Dieu l'a mis
au monde pour cela.
LÀ MUSIQUE, LE THÉÂTRE ET LÀ DANSE
A L'EXPOSITION DES BEAUX-AKTS.
Salon de 1864.
(2e et dernier article) (1).
C'est en traversant ainsi les salles de l'Exposition que l'on ren-
contre et que l'on salue du regard bien des figures de connaissance,
qui sourient au visiteur, et semblent sortir de leur cadre d'or pour
(1) Voir les n«* 23 et 24.
venir lui souhaiter la bienvenue. Voici jjMme Anna de Lagrange ,
Mlle Karoly, Mlle Milla, le petit tambour de Marengo, en toilette cons-
tellée de diamants et de perles, et une élève du Conservatoire, dit le
livret qui n'y entend pas malice. Voici Halévy et MM. Auber, Cla-
pisson, Ambroise Thomas, Marmontel. Mlle Elvire Leroy, un gracieux
talent arrivé aujourd'hui à la perfection, a exposé une miniature qu'eût
signée Mme de Mirbel : le portrait de M. Lassabathie, du Conser-
vatoire. Je n'ai jamais beaucoup aimé la photographie ; mais les mi-
niatures de Mlle Leroy m'en éloignent chaque année davantage. Voici
MM. Jules Petit, Laferrière, Ravel, Raynard, Tisserant — en porce-
laine : il est si cassant dans ses rôles de prédilection ! — Menehaut,
Coquelin, Monrose.Samson, buste en marbre de Crauck (2567) d'une
finesse d'expression admirable. Voici en groupes heureusement dis-
tribués, et dans les costumes des œuvres où ils excellent, les so-
ciétaires actuels de la Comédie française, peints avec une remar-
quable fidélité de ressemblance par leur camarade Geffroy. Voici
M. Alexandre Dumas fils. Voici, enfin, non loin de Philidor, le fa-
meux joueur d'échecs, l'auteur de Tom Jones et du Sorcier, Cheru-
bini et Mozart, deux bustes destinés à la bibliothèque du Conserva-
toire : le premisr, par M. Oliva, est une œuvre consciencieuse ; quant
au second, de M. Eudes (2597).... Hélas !
La galerie des artistes qu'on nommait les refusés, l'année der-
nière, et qu'un euphémisme officiel appelle cette année les non ad-
mis, exhibe un Concert champêtre, un Chant du soir, la Scène de la
comédie, dans Hamlet, par Rouvière; un buste de Ligier, des instru-
ments de musique fantastiques; Fais donc fa dièse ! leçon de piano
que donne à sa poupée une artiste de cinq ans ; enfin une Vue pers-
pective d'un théâtre pour une grande ville.... chinoise, sans au-
cun doute, à en juger par le style de la bâtisse! Même avec le revoir
et le temps, ces correcteurs et moniteurs sans pareils, deviendrez-
vous jamais des peintres, ô badigeonneurs convaincus !
De cette immense exhibition que restera-t-il pour l'avenir ?
Devant tant de travaux, la foule s'est-elle émue, passionnée? Les
esprits ont-ils été frappés par une manifestation soudaine et écla-
tante? Avons-nous rencontré une impression profonde, nous arrachant
à la réalité d'hier, à celle d'aujourd'hui, nous laissant entrevoir la
perspective d'un progrès et comme l'aurore d'un génie ? Rien de tout
cela. En peinture comme en musique, on ne trouve plus aujourd'hui
que bien rarement la prépondérance de l'idée, la convenance du
fonds et de la forme, l'harmonie entre le moyen et le but se réglant
toujours sur les principes du beau. Tout le monde fait à peu près
bien, mais personne ne fait autrement que tout le monde. Qui que
nous soyons, et dans quelque genre que la vocation nous ait poussés,
musiciens, peintres, poètes, sculpteurs, critiques, tâchons donc, pour
conjurer cette monotonie, pour réveiller l'individualité, tâchons
d'être de ceux dont on dit un jour : Il s'est surpassé ! Tâchons d'ar-
river à la perfection de ce qu'il nous est donné de faire, à la réu-
nion de toutes nos forces, à la plus haute puissance de nous-mêmes ;
et comme cette heure et cet accident de grâce et de lumière n'est
pas en notre pouvoir, tenons-nous prêts et tenons-nous-en dignes en
y visant constamment.
La simple étude, approfondie et creusée dans ses plus laborieux
sillons, produit à la longue des fruits dont la postérité elle-même est
reconnaissante. Quant à ceux auxquels il fut accordé de revêtir leur
pensée d'une expression d'éclat et d'imprimer à leurs œuvres un
cachet de grandeur et d'imagination , à eux , les glorieux morts
d'hier : — Vernet et Halévy, Meyerbeer et Delacroix, — leurs
œuvres elles-mêmes sont là pour nous dire qu'ils n'y sont pas arrivés
du premier coup et sans un long et opiniâtre labeur.
Em. Mathieu DE MONTER.
196
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
LEFËBURE-WËLY.
Une séance musicale des plus intéressantes a eu lieu samedi soir
dans les ateliers de MM. A. Cavaillé-Coll, par M. Lefébure-Wély,
avec le concours de Mme Lefébure et de ses charmantes filles.
Le célèbre organiste a fait entendre un concerto de sa composition
pour piano et orchestre, parfaitement réussi : le piano était tenu
par Mlle Marie Lefébure ; la partie d'orchestre a été exécutée par
l'auteur sur le grand orgue commandé par M. le marquis de Lam-
bertye.
Le savant organiste a intercalé dans ce concerto VAdesle fidèles
avec variations alternées entre le piano et l'orgue, qui sont du plus
heureux effet.
Mme Lefébure- Wély a chanté, avec le charme qui lui est habituel
et sa voix si sympathique, plusieurs mélodies délicieuses et le célè-
bre Noël, d'Adam.
Mlles Lefébure ont exécuté avec talent divers morceaux à quatre
mains de la composition de leur père, qui ont émerveillé l'auditoire.
On entendait répéter dans l'assistance : « Elles sont jolies et elles
ont du talent. »
M. Lefébure a vivement intéressé l'assemblée par ses improvisa-
tions sur l'orgue, qui ont été chaleureusement applaudies.
Mais il était réservé à quelques amateurs qui sont restés après la
séance, et parmi lesquels nous avons remarqué MM. A. Thomas et
Lecouppey, d'entendre un magnifique offertoire, de la composition
de M. Lefébure, qui a été fort apprécié et qu'on a regretté de n'a-
voir pas entendu pendant la séance.
En résumé, cette soirée restera dans le souvenir des amateurs
comme une des plus belles de la saison, et nous devons témoigner
notre reconnaissance à M. Lefébure-Wély de nous avoir fait connaître
dans cette occasion la plus charmante famille d'artistes qu'on puisse
désirer.
UNION MUSICALE.
Les six commissions appelées à juger les six tournois du quatrième
concours de composition musicale de l'Union musicale, journal publié
par M. Charles Soullier, viennent d'être nommées comme il suit :
lre commission (opéra), MM. Ambroise Thomas (président), Léon Gasti-
nel (secrétaire) ; membres : MM. F. Bazin , Adrien Boieldieu , Deffès ,
Dietsch, Ch. Poisot.
2e commission (opérette orphéonique) , MM. Georges Kastner (président),
Laurent de Rillé (secrétaire); membres : MM. Elwart, Ermel, Ed. d'In-
grande, Saint-Saens, Wekerlin.
3e commission (théâtre), MM. Méry (président) , Sylvain Saint-Etienne
(secrétaire) ; membres : MM. de Beauregard, Ed. d'Ingrande, Stephen de
la Madeleine, Ortolan, Salin, auteur dramatique.
(Le terme de rigueur de ces trois premiers tournois est fixé au 31
décembre 1864.)
4e commission (chanson orphéonique), MM. Justinien Viallon (président),
Wekerlin (secrétaire) ; membres : MM. Ad. Blanc, Deffès, Ed. d'Ingrande,
Ch. Poisot, Louis Roger. — Terme de rigueur, 1er août.
5° commission (mélodies, romances et chansonnettes), MM. Wekerlin
(président), Ch. Poisot (secrétaire) ; membres : MM. de Beauregard, Or-
tolan, Louis Roger, Sylvain Saint-Etienne, Justinien Viallon. — Terme
de rigueur, 31 août.
6e commission (mises et polkas), MM. Ad. Boieldieu (président), Jus-
tinien Viallon (secrétaire); membres : MM. de Beauregard, Ad. Blanc,
Stephen de la Madeleine, Ortolan, Louis Roger. — Terme de rigueur,
30 septembre 186-i.
(Demander le programme au bureau du Journal, rueRicher, n° 2, à
Paris.)
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Reprise d'Héraclius, pour l'anniversaire de Cor-
neille; Adieu, panier si .. . comédie en un acte et en prose, par
M. Alphonse de Launay, — Gymnase : Les Oiseaux en cage, co-
médie en un acte, par M. de Najac. — Vaudeville : les Marion-
nettes de l'amour, comédie en trois actes, par MM. A. Rolland el
J. Moineaux ; les Fourberies de Nérine, comédie en un acte et en
vers, par M. Théodore de Ranville. — Variétés : La Postérité
d'un bourgmestre, extravagance en un acte, par M. Durand; une
Femme qui ne vient pas, scène de la vie de garçon, par M. Mon-
joye.
On a fêté, au Théâtre-Français, l'anniversaire de Pierre Corneille
en reprenant Héraclius, œuvre singulière qui, si elle n'est pas l'une
des meilleures du grand poëte, est peut-être celle qui excite le
plus d'intérêt et de curiosité. Par sa contexture c'est moins une tra-
gédie classique qu'un drame moderne, avec ses péripéties compliquées
et ses coups de théâtre inattendus. Mais, en revanche, les beaux
vers y abondent et lui donnent le cachet du génie cornélien. Ainsi
que Pstjché, cette pièce avait toute espèce de droits à une résurrec-
tion que le bon accueil du public ne peut manquer de rendre fruc-
tueuse. Elle est d'ailleurs fort convenablement rendue par ses inter-
prètes, et, en première ligne, par Mme Guyon, chargée du rôle de
Léontine.
Quelques jours avant la reprise d'Héraclius, une petite comédie
s'est modestement glissée dans le répertoire courant, sous le titre de
Adieu, paniers] avons-nous besoin d'ajouter : vendanges sont fai-
tes. Tout le monde connaît ce proverbe qui existait bien certaine-
ment avant Dancourt, mais que cet auteur a popularisé dans sa pièce
des Vendanges de Suresnes. Tombé aujourd'hui dans l'usage com-
mun, il a été ramassé par M. Alphonse de Launay pour résumer
une situation bien vieille et bien banale. Un colonel sur le retour
est amoureux d'une jeune fille qui lui préfère un galant d'un âge plus
en rapport avec le sien. Au moment de conclure son mariage, le
vieux brave est pris tout à coup d'un scrupule honorable. Adieu,
paniers ! dit- il en soupirant; et il signe le contrat comme témoin, au
lieu de le signer comme mari.
Il est à remarquer que les jeunes auteurs, qui n'ont jamais assez
de mépris pour les vieilleries de leurs devanciers, débutent la plu-
part du temps comme les autres finissent. Quelques-uns font nau-
frage au port ; d'autres s'en tirent avec des détails plus ou moins
agréables, jusqu'à ce que l'invention leur vienne avec le travail et
l'expérience. M. Alphonse de Launay, qui n'est encore connu que par
un petit acte joué à l'Odéon, trouvera sans doute un jour sa voie ;
en attendant, il se contente de faire preuve de qualités littéraires à
l'état d'espérances. Nous croyons, néanmoins, qu'il eût mieux justifié
l'indulgence de la Comédie française, en mettant son proverbe en
vers. Puisque nous en sommes sur les proverbes, n'y en a-t-il pas
un qui dit vulgairement que la sauce fait passer le poissonl
— On annonce comme très-prochaine, au Gymnase, la représentation
de Don Quichotte, par M. Victorien Sardou. Si l'on en croit les bruits
de coulisse, cette pièce fera merveille; le rôle du héros de la Manche
sera joué par Lesueur, celui de Sancho par Pradeau, engagé tout ex-
près. Il y aura des ballets réglés par le chorégraphe Rota, et les cos-
tumes seront exécutés d'après des dessins de Gustave Doré. Voilà
bien des promesses séduisantes ; nous ne tarderons pas à les voir se
réaliser. Provisoirement, on nous sert la petite pièce avant la grande,
et il n'y a pas lieu de s'en plaindre. Les Oiseaux en cage, de M. de
Najac, sont deux frères, Gérard et Philippe, qui ont été élevés sous
les regards maternels avec une tendre et jalouse sollicitude. Mme de
Chamblaye a cru faire de ses fils deux jeunes gens accomplis, mais
l'heure est venue où elle doit apprendre à ses dépens que plus les
passions ont été comprimées, plus elles tendent à faire explosion.
DE PARIS.
197
Gérard s'embarque sournoisement dans une affaire d'amour, et Phi-
lippe, impatient d'un si bon exemple, se jette à l'étourdie au milieu
des intrigues de son frère. Il attire sur sa tête la vengeance d'un
mari brutal, et il usurpe la place de Gérard sur le terrain d'un duel.
Par bonheur, tout se termine à la satisfaction générale, et Mme de
Chamblaye, pour épargner à Philippe de nouvelles aventures, se hâte
de le marier à une charmante petite cousine qui ne demande pas
mieux que de sortir aussi de sa cage.
Celte comédie a quelques points de ressemblance avec les Malheurs
d'un amant heureux ; seulement ses visées sont moins ambitieuses,
et elle nous paraît n'avoir pas d'autre prétention que celle de faire
un lever de rideau correct et sage.
— Au Vaudeville, deux nouveautés ont remplacé les Crochets
dun gendre, mais ne semblent pas destinées à rappeler le pu-
blic qui commençait à déserter. Les Marionnettes de l'amour
ont la prétention ambitieuse de réunir dans un seul et même
cadre tous les amoureux dont les types divers défrayent le théâtre
depuis qu'il existe. Le galant suranné en opposition avec l'amant
jeune et fougueux; l'amoureux naïf, le sceptique, l'extravagant, celui
des villes et celui des campagnes; puis, du côté des femmes, la coquette,
l'ingénue, la veuve qui a passé la trentaine, l'élégante et la paysanne,
tout cela mêlé dans une intrigue multiple, et mû par des fils qui
s'entre-croisent à l'infini, c'est mettre, comme on dit, tous ses œufs
dans un même panier. Il n'y a pas là, selcn-nous, une idée bien
piquante, et l'attitude presque hostile des spectateurs a prouvé qu'il
était plus aisé de la concevoir que de l'exécuter. Delannoy, Parade,
Mlle Celliez et tutti quanti ont vainement tenté le sauvetage des Ma-
rionnettes de l'amour. Honneur au courage malheureux !
On s'est montré plus indulgent, non sans raison, pour une petite
comédie de M. Théodore de Banville, les Fourberies de Nérine. Ce
n'est pas tout à fait une nouvelle connaissance, et ici même, à cette
place, nous avons eu occasion d'en parler avec éloges, à propos d'un
concert où nous l'avons vue figurer comme appoint, dans le courant
de la dernière saison. Elle était jouée, si nous avons bonne mé-
moire, par Coquelin et par Mlle Dalmain. Au Vaudeville, elle a
pour interprètes Saint-Germain et Mlle Bianca qui, ainsi que leurs
émules, font parfaitement valoir les vers faciles, ingénieux, pleins de
verve et de franchise dont M. de Banville a brillamment habillé cette
charmante contre- partie de la grande scène du sac des Fourberies
de Scapin.
— C'est aussi avec deux pièces nouvelles, jouées le même soir,
que les Variétés ont essayé de modifier avantageusement leur affiche.
Y ont-elles réussi ? Le peu d'importance de ces pièces nous laisse à
cet égard dans le doute le plus complet. La Postérité d'un bourg-
mestre est une pochade bouffonne que l'on attribue à un auteur
connu par de sérieux et honorables succès, et qui a été faite pour
le divertissement des habitués d'un cercle à la mode. Elle s'appelait
alors la Postérité d'un gendarme; mais des considérations qu'il ne
nous appartient point d'approfondir n'ont pas permis de conserver ce
gendarme, et sa postérité est devenue celle d'un bourgmestre. Ce
brave homme, ancien officier de cavalerie, a déposé un jour, en
partant pour la guerre, un petit enfant au pied d'un arbre. Vingt ans
après, il s'avise de vouloir retrouver sa progéniture qui répond au
nom de Durand. Mais comment faire un choix parmi tous les Durand
qui poussent de terre comme des champignons à l'appel du vieux
brave ? Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses! Absolument comme
dans Héraclius. Seulement, la chose, loin de tourner au tragique,
se dénoue de la façon la plus pacifique du monde, au milieu des
éclats de rire provoqués par cette spirituelle extravagance.
Quel est l'homme qui, à vingt ans, n'a pas joué au naturel cette
scène de la vie de garçon : Une femme qui ne vient pas? On est las
d'une maîtresse, on veut rompre avec elle, et on l'attend pour lui
signifier son congé. Mais l'heure du rendez-vous se passe sans
qu'elle paraisse. Qu'est-ce que cela signifie ? Lui serait-il arrivé
quelque chose? L'inquiétude s'empare de vous, et, à l'émoi qui fait
battre votre coeur, vous vous apercevez que vous adorez encore
cette femme, que vous ne pouvez vivre sans elle! Enfin, on sonne...
c'est elle... et vous courez à sa rencontre, ivre de joie et d'amour.
Ce monologue, écrit pour Dupuis, a fait plaisir parce qu'il est pris
sur le vif de la comédie humaine. Mais ce n'est, après tout, qu'une
scène !
D. A. D. SAINT- YVES.
NOUVELLES.
*%. Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Trouvère et
Diavolina. M. Sapin, qu'on se rappelle y avoir entendu il y a quelques
années, a chanté fort convenablement le rôle de Manrique. — Mer-
credi, Robert le Diable, dans lequel a débuté la basse David, et vendredi,
Guillaume Tell. — Demain lundi, pour les dernières représentations de
M. et Mme Gueymard, qui prennent leur congé le 26, la Favorite.
*** Le nouveau ballet de Saint-Léon a pour titre définitif : Nemea.
Le scénario est de MM. Léon Halévy et de Meilhac. Il est en deux actes
et sera prochainement représenté. Nous avons dit que la musique était
d'un Hongrois, M. Minkus, attaché au théâtre de Moscou.
*** C'est dans le Philtre que doit débuter très-prochainement
Mlle Camille de Maesen, engagée dernièrement. Elle chantera le rôle
de Thérésine. Dumestre y rentrera en même temps par celui de Jo-
licœur. Warot jouera Guillaume et Cazaux Fontanarose.— Mlle de Mae-
sen doit aussi chanter le rôle de Marguerite, des Huguenots, et Mlle
Levielli celui du page.
**„ Nous avons parlé de l'essai avantageux fait au théâtre impérial
de l'Opéra de la rampe à siphon lumineux et à flamme renversée de
M. Subra. Une moitié de la rampe primitive a été remplacée par l'in-
vention nouvelle, et nous apprenons que dans peu de temps l'autre
moitié le sera également. On a pu, d'ailleurs, constater la supé-
riorité du nouveau procédé sur l'ancien lors du commencement
d'incendie qui s'est manifesté la semaine dernière à la représen-
tation des Vêpres siciliennes, car c'est par les becs non remplacés qu'il
a été occasionné, les flammes, animées par un courant d'air trop vif
s'étant allongées de façon à lécher les planches de l'avant-scène et à les
mettre en combustion. Heureusement qu'avertis par la légère fumée qui
s'était produite, les pompiers se sont promptement rendus maîtres du
feu.
*** M. Saint-Léon, l'auteur d'un si grand nombre de remarquables
compositions chorégraphiques, vient de recevoir de l'empereur de Rus-
sie la médaille d'or de l'ordre de Saint-Stanislas.
*** Le ténor de l'Opéra-Comique, Léon Achard, épouse la fille du cé-
lèbre peintre Lepoittevin. Le mariage sera célébré le 2 juillet prochain.
*** Il paraît que M. Bagier, cédant aux réclamations qui lui ont été
adressées, s'est décidé à rétablir pour la prochaine saison le parterre
qu'il avait supprimé pour en reléguer les habitués à l'amphithéâtre des
troisièmes.
*** M. Castagneri quitte la direction de l'orchestre du théâtre Ita-
lien. Son successeur n'est pas encore désigné.
*** Mme Carvalho vient d'être engagée par M. Gye à de très-bril-
lantes conditions, jusqu'à la fin de la saison. La célèbre cantatrice est
demandée au théâtre Italien de Covent-Garden , principalement pour y
chanter le rôle de Catherine, dans l'Etoile du Nord, qui doit être re-
présentée le mois prochain»
*** Mlle Claudine Couqui, la charmante danseuse qui vient de dan-
ser au théâtre impérial de Vienne le principal rôle dans le ballet du
comte Gabrielli et Borri, Jotta, vient d'arriver à Paris.
*%, Hier et aujourd'hui M. Pasdeloup a dû donner à Rouen, au cir-
que Sainte-Marie, des concerts de musique classique avec le concours
de soixante-dix musiciens. Sivori s'est fait entendre dans ces deux con-
certs.
*% Le défaut d'espace ne nous avait pas permis de mentionner dans
notre dernier numéro la manifestation que le théâtre du Lycée de
Barcelone avait organisée le 31 mai en l'honneur de Meyerbeer.
Barcelone est une ville où le culte de la musique et celui de
Meyerbeer en particulier est trop en honneur pour qu'elle ne payât
pas un éclatant tribut de regrets à l'illustre compositeur qui n'est plus.
Le premier grand chef-d'œuvre du maître, Robert le Diable, avait
été choisi pour la cérémonie. Une affiche entourée de noir, en signe de
deuil, avait été à peine apposée, que l'élite de la société s'inscrivait
pour la représentation, et plus de 4,000 spectateurs remplissaient, le
soir, la vaste et belle salle du théâtre. Mmes Penco etVialetti, Mme Bar -
doni, MM. Sarti etCapello, interprétaient les rôles principaux; l'exécu-
198
REVUE ET GAZETTE MUSFCALE
tion n'a donc laissé rien à désirer. C'est au troisième acte que com-
mença l'imposante cérémonie par une symphonie fantastique composée
pour la circonstance par un jeune homme, M. Sanchez, qui annonce un
véritable talent, et dont l'œuvre a reçu l'accueil le plus favorable. La
toile se leva ensuite et laissa voir un très-beau monument funèbre i\e
sévère ordonnance, et qu'entourait tout le personnel du théâtre. Neuf des
artistes portaient chacun une lettre du nom de Meyerbeer entourée de
fleurs d'immortelles et vinrent l'écrire sur le monument où se trouvaient
déposées les partitions des trois grands chefs-d'œuvre de l'illustre maître,
après quoi elles furent couronnées par tous les artistes, en tête desquels
se trouvait Bottesini, le célèbre contre-bassiste, pendant que l'orchestre
jouait la marche du sacre, du Prophète. On se ferait difficilement une idée
de l'émotion qui parcourut l'auditoire en ce moment, et de l'enthousiasme
qui éclata dans la salle; les applaudissements étaient frénétiques; les
mouchoirs s'agitaient ; des colombes blanches, enrubannées de noir,
étaient lancées sur la scène par le public qui exprimait par toutes les
démonstrations en son pouvoir son admiration et son respect pour le
grand génie disparu. Par un hasard singulier, une de ces colombes était
venue d'elle-même se poser sur la couronne de Bottesini à l'instant où
il la plaçait sur le monument. L'agitation dura longtemps encore après
que le rideau fut baissé, et cette soirée laissera certainement une im-
pression profonde et durable dans le souvenir de tous ceux qui y ont
assisté.
*** Ismaël, le baryton du théâtre Lyrique, va beaucoup mieux. 11
est entré en convalescence.
»*„ Mme Borghi-Mamo vient de partir pour Gênes. Elle chantera à
Lisbonne l'hiver prochain.
*** Le charmant ténor Alessandro Bettini, dans Marta, et Mme Tre-
belli, sa femme, dans le rôle du page des Huguenots, obtiennent en ce
moment au théâtre de Sa Majesté, à Londres, le plus brillant succès.
**„ La célèbre cantatrice tragique Emmy Lagrua, qui occupe en ce
moment une si belle place au théâtre Italien de Covent-Garden, est en-
gagée pour la saison prochaine au théâtre de San Carlo de Naples.
*** Nous avons un nom de plus à inscrire sur la liste des cantatrices
françaises qui obtiennent de beaux succès en Italie. Mlle Simon, qui
au sortir du Conservatoire, où elle avait mérité un premier prix, s'était
distinguée dans les concerts, vient d'être applaudie dans Rigoletto ,
au théâtre de la Canobbiana de Milan. Déjà elle est engagée à Parme et
à Païenne.
*% Le troisième concert donné par la Société du Sport à Nantes a
été des plus brillants, et le principal honneur en revient à Arban, qui
a trouvé de précieux auxiliaires en MM. Piedeleu, Reinhard, Bernard,
Humai et Doudiès. M. Lacoste, corniste d'un des régiments d'artillerie
de la garde, premier prix du Conservatoire, élève favori d'Arban, a
aussi exécuté une ravissante polka de son maître.
„% Mlle Adelina Patti vient d'être engagée par la Société philhar-
monique de Boulogne-sur-Mer pour chanter dans un grand concert
qu'elle donne le 17 août. La jeune et célèbre cantatrice doit également
chanter à la fin du même mois dans un concert qui sera donné au
Havre. Elle recevra 3,500 francs pour chacun de ces concerts.
„.% Les sœurs Marchisio ont reçu l'accueil le plus sympathique à
Kœnigsberg , où la troupe de Merelli a donné de fructueuses et bril-
lantes représentations. Elles ont été fêtées et applaudies ainsi que le
baryton Zacchi. M. Merelli se rend maintenant à Francfort, où ses
représentations commenceront le 18 juillet.
„.% Esther, de Racine va être reprise au Théâtre-Français avec des
chœurs nouveaux composés par Jules Cohen ; on l'annonce pour la fin
de ce mois.
„% Le 21 août prochain sera célébrée, à Pesaro, une grande fête en
l'honneur de Rossini. A cette occasion, les admirateurs du célèbre
maestro se proposent de faire frapper une médaille en or qui devra lui
être offerte; elle portera d'un côté son effigie et de l'autre une couronne
de laurier, et un ruban sur lequel seront inscrits les titres de ses
œuvres. Une commission a été nommée à cet effet, et ceux qui vou-
dront recevoir une copie en bronze de cette médaille peuvent envoyer
cinq livres italiennes à la Gazette de Florence.
#% Nous avons dit quelques mots du Siège de Leyde (I Batavi), de
Mme Tarbé des Sablons, représenté au théâtre de la Pergola de Flo-
rence. Nous recevons de nouveaux détails à ce sujet : « Le succès,
disent les journaux italiens, a été des plus grands ; le poëme est très-
dramatique, et la musique est pleine d'inspiration ; pour l'ensemble,
particulièrement pour les chœurs, on aurait pu désirer une meilleure
exécution. Les morceaux les plus applaudis ont été ceux que les époux
Tibérini ont chantés avec leur supériorité habituelle. Ce sont eux qui ont
eu les honneurs de la soirée, et le nouveau maestro leur doit des re-
mercîments pour la manière dont ils l'ont compris et interprété. Très-
certainement le mérite de cet ouvrage ne se circonscrira pas dans
l'Italie, et il ne tardera pas à franchir les Alpes, ce que nous lui sou-
haitons sincèrement. »
*% Deux représentations de la Comtesse d'Àmalâ, du chevalier [Pe-
trella, données au théâtre ArgeDtina de Rome, ont consacré le succès
de cette œuvre, d'ailleurs remarquablement interprétée par la Bendazzi-
Secchy, Negrini, Cima et la Monti. — Tous les artistes et le maestro
ont été rappelés, et le triomphe pour ce dernier a été complet.
*** Le succès que vient d'obtenir en province le Templier a déter-
miné les éditeurs Brandus et Dufour, propriétaires de la partition ita-
lienne, à la publier avec les paroles françaises. Elle paraîtra le mois
prochaiu.
*** La fête organisée par les soins du baron Taylor et donnée di-
manche dernier au Pré Catelan, avec le concours des musiques de la
garde, a été des plus brillantes. Plus de dix mille spectateurs ont applaudi
l'excellente musique du 3e grenadiers, exécutant une ravissante fantai-
sie sur les motifs d'Haijdée; celle des dragons de l'Impératrice, la fan-
fare des zouaves, le 1er de grenadiers jouant, avec ses artistes d'élite
les ouvertures de StradMa et de Guillaume Tell , etc. La fête
a été couronnée par l'exécution de l'ouverture de la Muette et de la
Retraite de Crimée, jouées par toutes les musiques de la garde. Rien ne
saurait en rendre l'effet. Il a provoqué un hourra universel. Inutile d'a-
jouter que le chiffre de la recette n'a rien laissé à désirer.
#*s Le roman célèbre de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, vient de
fournir à un compositeur américain, M. Fry, le sujet d'un grand opéra
qui a été représenté à Philadelphie avec beaucoup de succès. A côté
de défauts dus à l'inexpérience, l'œuvre de M. Fry paraît contenir
des beautés de nature à la maintenir au théâtre.
„,** Roger est de retour à Paris. Nous avons mentionné les beaux
succès qu'il vient d'obtenir à Alger où il a constamment enthousiasmé
le public. A son avant-dernière représentation, Roger a fait un vérita-
ble tour de force. Pour ne pas faire manquer la représentation à béné-
fice d'une artiste fort aimée à Alger, Mlle Boyer, il a consenti a chanter
le rôle de Guillaume Tell. On ne saurait se faire une idée de l'effet
produit par ce bel organe de baryton qu'on était accoutumé à applau-
dir comme ténor; on n'en pouvait croire ses oreilles, et Roger a re-
cueilli un double triomphe.
„*,. On assure qu'en vertu de la liberté des théâtres, M. Eugène Dé-
jazet fera jouer aussi l'opéra-comique sur le sien, et que déjà il a
reçu une pièce en trois actes dont M. Ventôjoul , précédemment chef
d'orchestre au théâtre des Champs-Elysées, a composé la musique. Cet
opéra a pour titre : la Fille du maître de chapelle. Les artistes qui inter-
préteront l'ouvrage sont : MM. Gadilhe, Fernando, Bonnefoy, Mmes
Fleury, Jolly et Garait. M. Déjazet les a engagés pour quinze représen-
tations, qui auront lieu tous les deux jours pendant un mois.
%** M. Barbieri, chef d'orchestre du théâtre de Pesth, et qui se trouve
en ce moment à Vienne, vient de terminer un opéra en quatre actes,
intitulé : Conte d'hiver. M. Barbieri, ancien chef d'orchestre au théâtre de
la cour, à Vienne, a écrit, en outre, les opéras suivants : Christophe
Colomb (1849), joué pour la première fois au théâtre Kœnigstadt, à
Berlin ; Nisida , représenté à Hambourg ; Arabella , représenté à
Turin.
*** Par arrêté de M. le préfet de la Seine, une commission spéciale
a été chargée de juger les pièces de vers propres à être mises en mu-
sique et qui ont été présentées au concours ouvert par la ville de
Paris. Cette commission est ainsi composée : MM. Victor Foucher, prési-
dent, Camille Doucet , de Saint-Georges, Alphonse Royer, Ambroise
Thomas, Berlioz, Gounod, Edouard Monnais.
*** Le Moniteur universel du soir vient de publier un intéressant tra-
vail artistique de M. Sain-d'Arod, non moins connu comme critique mu-
sical que par ses œuvres de musique religieuse qui sont répandues dans
toutes les cathédrales d'Europe. Cet essai, formant statistique, est inti-
tulé : le Chant choral; — son organisation multiple en Allemagne; — créa-
tion de l'orphéon français. Depuis longtemps, M. Sain-d'Arod est connu
des lecteurs de la Gazette musicale qui a plusieurs fois cité les aper-
çus élevés qu'il publiait sur l'art musical dans les départements, et no-
tamment à Lyon.
*** Les nouvelles reçues de Bordeaux signalent le début de Mlle Amina
Boschetti dans le ballet de Costa, Loretta l'indovina, dont la musique
est du maestro Giaquinto, comme des plus heureux. Elle y a obtenu un
magnifique succès dans le rôle de Loretta, et elle a reçu une ovation à
la sortie du théâtre. Elle a d'ailleurs été très-bien secondée par une
de ses parentes, Mlle Valeria Griffi, élève de l'école de Milan. Un faux
pas que la célèbre danseuse a fait à la fin du ballet, sans faire inspirer
de craintes sérieuses, a néanmoins forcé d'ajourner la deuxième repré-
sentation de Loretta.
*% La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique a
tenu sa séance annuelle dimanche 5 juin ; un excellent rapport de son
président, M. Th. Sauvage, a démontré l'accroissement de prospérité de
la Société qui, pendant l'année 1863, a vu ses revenus présenter une
augmentation de 22,000 francs sur le chiffre de ceux de l'année précé-
dente, et qui a pu annoncer à l'assemblée que ses frais de perception
seraient abaissés de 27 à 20 0/0. De sorte qu'à mesure que ses recettes
augmentent ses frais diminuent. Inutile d'ajouter que l'énoncé de pa-
reils résultats a été fort applaudi. L'assemblée, sur la proposition du
syndicat, a modifié ses statuts en y ajoutant un article qui exclut de la
Société ceux de ses membres condamnés à des peines afflictives ou
DE PARIS.
199
infamantes, et ceux qui auraient été condamnés en vertu des articles
330, 334, 379, 405, 408 et 4(i3 du Code pénal.
,% Jeudi 23 juin aura lieu, à 7 heures et demie du soir, l'inaugura-
tion du grand orgue de Saint-Germain des Prés , qui vient d'être re-
construit par M. Stoltz. Il sera joué par MM. Schmitt et Chauvet. Ce
bel instrument se compose de cinquante jeux disposés sur trois cla-
viers à la main de cinquante-quatre notes; d'un clavier de pédales de
vingt-cinq notes, de douze pédales de combinaison , le tout formant
trois mille cent vingt-six tuyaux 11 a été reçu par une commission
composée de MM. Hamel, Simon et Félix Clément.
t*t A Barcelone, le quatrième grand festival d'Euterpe et lo second
concours choral ont eu lieu aux Champs-Elysées par deux mille cho-
ristes et trois cents musiciens, sous la direction de M. José Anselmo
Clave. Le Métronome, de Barcelone, consacre plusieurs colonnes au
compte rendu de ce festival et au brillant succès qu'il a obtenu.
*** Le 3 juillet prochain aura lieu à Amiens un grand concours
musical, composé d:s Sociétés orphéoniques de Paris, Lille, Valeneien-
nes, Beauvais, Boulogne, etc., et des musiques d'harmonie et fanfares
du Nord et de la Somme.
»% Le Musical and Dramatic Review, dont l'éditeur Boosey, de Lon-
dres, avait entrepris la publication, cesse de paraître.
„** Les concerts seront peu nombreux à Bade cette saison ; aussi
parle-t-on déjà de celui que doivent y venir donner M. et Mme Léonard,
en compagnie de Mme Viardot-Garcia, qui depuis l'année dernière y
fait sa résidence. Ce concert réunira certainement tous les hôtes de
Bade.
4*t Provisoirement, M. le comte H. de Viel-Castel a été chargé du
feuilleton de théâtres que M. Fiorentino écrivait au journal la France.
*% Le succès de réminent cornettiste M. Lévy, que nous avons été
des premiers à signaler, s'accroît chaque fois qu'il joue, et il est ap-
plaudi avec frénésie par le public du concert Besselièvre. Trois mor-
ceaux, d'un style complètement différent, lo Carnaval de Venise, la polka
des Moulins et la romance du Pardon de Ploërmcl, ont montré l'habile
virtuose sous toutes les faces de son rare talent.
„,** Aujourd'hui dimanche, on entendra au concert du Pré Catelan
le fameux tromboniste Nabich, virtuose sans rival, qui, selon l'expres-
sion heureuse de Berlioz, a dompté le tromboue et en a fait son esclave.
Le programme de la matinée est complètement renouvelé. Fanfares et
harmonie militaire par l'excellente musique du 2e chasseurs à cheval ;
grand bal d'enfants; scènes comiques et de magie par les deux indivi-
dualités qui portent les noms de : Klosko et Sabra.
*** M. Pépin, ancien chef d'orchestre à Marseille et plus tard chef
d'orchestre et professeur au Conservatoire de Genève, vient de mourir.
C'était un homme de mérite. Il avait aussi exploité longtemps un im-
portant magasin de musique à Marseille.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t*t Londres. — Stradella, l'opéra de Flotow, a été représenté au théâ-
tre de Covent-Garden, le ténor Wachtel y a rempli avec beaucoup de
succès le rôle principal. Après la première représentation, obligé de retour-
ner à Vienne où son engagement à l'Opéra impérial l'appelait, il a été
remplacé à la seconde représentation par Naudin, l'artiste accompli
qui a créé avec tant d'éclat le rôle de Stradella à Paris. Mlle Battu a,
dans celui de Leonora, montré toute la supériorité de son talent, et elle
a été surtout chaleureusement applaudie dans les deux airs que M. de
Flotow a composés pour elle lors de la représentation de l'ouvrage au
théâtre Italien à Paris. Ciampi et Ronconi ont su donner un cachet très-
original aux rôles des deux bandits, et Capponi a complété cet excellent
ensemble. L'ouvrage, enrichi d'un fort joli ballet au premier acte, n'a
pas été moins applaudi que les artistes qui l'ont représenté. Trois mor-
ceaux ont dû être répétés. — Otello, avec Mlle Lagrua, admirable dans
le rôle de Desdemona; Faust, avec Mlle Patti, toujours applaudie dans
celui de Marguerite; Don Giovanni et le Ballo in maschera ont été don-
nés ensuite à ce théâtre. — Au théâtre de Sa Majesté, une brillante re-
prise de Roberto il Diavolo a eu lieu pour les débuts de Mme Harriers
Wippern, de l'Opéra royal de Berlin; elle a brillamment réussi. Le chef-
d'œuvre de Meyerbeer, dignement interprété et pourvu de décors et de
costumes nouveaux, a produit un immense effet. Les Huguenots, Falstaff
et Maria ont défrayé les autres soirées de la semaine. Marta, dont le
rôle principal a été très-bien rempli par Mme Sinico, a été suivi d'un
nouveau divertissement, la Festa di ballo, qui a été fort goûté du public.
— Les concerts deviennent innombrables, et les artistes d'élite étrangers
qui s'y font entendre ne le sont pas moins. Citons Joachim, Wieniawski,
Demidoff, Mmes Leschetitski, Dustmann-Meyer, A. Jaell. Ce dernier a
obtenu de beaux succès dans le grand concert du Cristal Palace, où
Carlotta Patti a eu également son triomphe habituel, et à la Musical
Union, où il s'est fait entendre pour la troisième fois de cette saison.
Signalons aussi le dernier Mondaxj Popular Concert, qui a été donné au
bénéfice d'Ernst, et dans lequel on a exécuté un nouveau quatuor et
quelques autres compositions de lui. Les premiers artistes, tels que Benedict,
Ilallé, Sims-Reeves, Piatti, Joachim, Wieniawski et autres, ont tenu à
honneur de s'y faire entendre; l'exécution et la recette ont été plus
que satisfaisantes. — Un festival des plus intéressants a eu lieu jeudi à
la cathédrale, devant un auditoire imposant ; plus de quatre mille en-
fants (the Charittj childrcn at Saint Pauls) on fait entendre successive-
ment des prières, des hymnes avec un ensemble très-remarquable.
**„ Liège. — Samedi dernier plus de trois mille personnes assistaient
au concert donné au Casino. Cet empressement était justifié par là pré-
sence de M. et Mme Léonard, qui sont toujours accueillis chez nous
avec enthousiasme. M. Léonard a joué admirablement trois fantaisies de
sa composition, et Mme Léonard a chanté l'air de la Traviata, du To-
réador et le duo de la Sonnambula, avec M. Corin aux applaudissements
réitérés de la salle entière.
„,%. Bâle. — Notre société de chant qui, depuis quarante ans, fait tous
ses efforts pour encourager la musique sacrée, a donné le 22 mai, qua-
rantième anniversaire de sa fondation, un concert où a été exécuté le
célèbre oratorio de Haydn : la, Création. Parmi les solistes, on a sur-
tout remarqué MmeOrgeni, de Baden-Baden, qui a magistralement chanté
les parties d'Eve et de l'archange Gabriel.
*** Cologne, 10 juin. — Dans le courant de la semaine prochaine, une
société italienne commencera une série de représentations au théâtre
de la ville. Le personnel se compose ainsi qu'il suit : Mmes Vitali et de
Méric-Lablache, prime donne; Baragli, ténor; Sierbini, baryton ; An-
tonucci, basse; Orsini, chef d'orchestre.
**„. Leipzig. — L'Académie de chant a exécuté le Messie, de Haendel,
au bénéfice du fonds de pension des veuves des artistes de l'or-
chestre.
**,<, Berlin. — Au théâtre de la cour doit être représenté, l'hiver
prochain, l'opéra nouveau de Wûrtz, intitulé : VEtoilede Turan. Le texte
est tiré d'une nouvelle chinoise : les Deux Frères, par P. Heyse. — Le succès
extraordinaire obtenu ici par Niemann a décidé l'administration du
théâtre de la cour à l'engager pour la saison prochaine : le célèbre
ténor y donnera vingt représentations pour 1,000 frédérics d'or (environ
20,000 francs). — Une demoiselle de Murska, du théâtre de Pesth, a dé-
buté avec succès dans le rôle de Lucie.
„*» Graz. — Ander, qui est ici en représentation, vient d'obtenir un
véritable triomphe dans le Prophète. L'éminent ténor viennois a chanté
ce magnifique rôle de Jean de Leyde avec une verve et une puissance
dramatique qui ont, à plusieurs reprises, électrisé la salle entière.
Nous sommes priés d'insérer la note qus voici :
Occupé en ce moment à dresser un catalogue chronologique et thé-
matique de toutes les œuvres musicales de Ch.-M. de Weber, avec
notes et explications, dans le genre du travail de M. de Kœchel sur
Mozart, je prie les personnes qui posséderaient des mannscrits origi-
naux de ses œuvres, ou de toute autre pièce écrite de sa main, de vou-
loir bien — pour me faciliter l'exécution de ce catalogue — me les
communiquer pour en prendre connaissance ; ne fût-ce que le plus pe-
tit fragment d'une composition, d'une lettre ou de toute autre note y
ayant trait. Les personnes qui me les confieraient peuvent être assurées
que l'on aura le plus grand soin de ces pièces, et qu'on s'empressera
de les renvoyer immédiatement, même sous plis chargés, si elles le
désirent.
Adresser les envois soit directement à moi, soit à M. Espagne, con-
servateur à la division musicale de la Bibliothèque royale, à Berlin.
F. W. Jahns, directeur de musique,
à Berlin, Kransen strasse, n° 62.
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Deux artistes allemands (solistes), à présent engagés comme profes-
seurs de hautbois et de basson dans une ville de France, désirent
contracter un autre engagement comme solistes, professeurs, ou dans
un grand théâtre.
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Le Journal paraît le Dimanche.
ET
USICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (2e article), par
Pan! Smith. — De l'éducation musicale préventive pendant la première et
la seconde enfance (3° article), par Maurice Cristal. — Nouvelles com-
positions de M. F.-J. Fétis (3e et dernier article), par A. Elwart. —
Festival de Niort. — Nouvelles et annonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par SB. de Wolzogen (li.
II.
La jeune Wilhelmine ne devait pas rester éternellement danseuse;
ce n'était que la première étape de sa carrière théâtrale. Ce qu'elle
pouvait y apprendre de mieux, c'était l'art de s'exprimer par le
geste, les attitudes, le regard, et il est certain qu'avec ses disposi-
tions naturelles, elle y profita beaucoup ; mais elle avait autre chose
à faire. Elle touchait à sa quatorzième année, lorsque son père bien-
aimé, l'ancien Don Juan, mourut à Carlsbad, où il était allé chercher
un remède à de longues souffrances. Sophie Schroeder, sa veuve, la
grande actrice de l'Allemagne, demeura seule chargée du soin de
pourvoir à l'avenir de ses filles. Mais de son premier mariage avec
Nicolas Stollmers elle avait un fils, jeune homme très-distingué, à qui
l'on attribue une grande part dans l'éducation de Wilhelmine. Selon
M. de Wolzogen cette part a été fort exagérée , et loin d'avoir
exercé beaucoup d'autorité sur une sœur difficile à conduire, le doux
mentor qui n'avait que huit ans de plus qu'elle fut plutôt le point
de mire de ses moqueries pendant les quelques mois qu'ils se trou-
vèrent ensemble à Vienne. Il est vrai que plus tard, lorsque ce jeune
homme se fût acquis un nom comme poëte et comme écrivain, Wil-
helmine lui témoigna des sentiments affectueux qu'elle ne pouvait
avoir pour lui à l'époque où elle l'enveloppait dans son aversion
générale contre le clergé catholique.
Ce qu'il y a de curieux à noter pour l'histoire des mœurs du
temps, c'est que Nicolas Stollmers, dont le nom de famille était
Smets, avait quitté la magistrature pour le théâtre ; fort versé dans
la science du droit criminel, un mariage d'amour lui attira la dis-
(1) Voir le n° 24.
grâce de son souverain, et il se fit acteur. Sa femme étant venue à
mourir, il épousa Sophie Burger (depuis Schroeder) qui revenait de
Russie avec une troupe de comédiens, et n'avait que quinze ans. Les
deux époux jouèrent à Réval au théâtre dont Kotzebue avait la sur-
intendance. Appelé à Vienne pour diriger le théâtre de la Cour,
Kotzebue engagea le mari et la femme; cette dernière débula le 8
anût 1798 dans le Vieux Célibataire, d'Iffland; mais comme Kotzebue
avait beaucoup d'ennemis dans la ville impériale, le couple Stollmers
se rendit à Breslau, où la femme débuta de nouveau dans la même
pièce, le 29 mai 1799. Peu de temps après, une séparation juri-
dique intervint : il y avait entre les deux époux une trop grande
différence d'âge. Sophie continua de jouer la comédie; Stollmers,
au contraire, reprit son vrai nom, et en revint à son ancien état;
lorsqu'il mourut, en 1812, il était attaché comme juge à un tribunal
d'Aix-la-Chapelle.
Wilhelm Smets (fils de Stollmers), né à Reval, en 1796, eut avec son
père cette analogie qu'à une certaine époque de son existence, la fantaisie
lui prit de se faire comédien, sans autre vocation qu'un très-bel or-
gane. Il avait étudié au lycée de Bonn et montré de brillantes facul-
tés. Ses sentiments patriotiques l'entraînèrent à servir comme volon-
taire dans la guerre coutre la France. Il élait précepteur d'un jeune
gentilhomme, lorsqu'il retrouva sa mère i Vienne, et voulut abso-
lument débuter. Il débuta en effet dans une pièce de Karl Plumicke
intitulée Lana&sa; mais heureusement, Sophie Schroeder obtint de lui
qu'il renonçât au théâtre peur se vouer désormais à la théologie
et au saint ministère. Dans une profession qui convenait parfaitement
à son caractère et à ses mœurs, il ne tarda pas à parvenir aux titres
et aux dignités dont son mérite éminent le rendait digne. Par ses
nombreux travaux littéraires, il finit aussi par conquérir un rang ho-
norable parmi les écrivains de son pays.
Maintenant, revenons à la jeune Wilhelmine, dont nous ne nous
sommes éloigné que pour la faire mieux connaître, par une digression
qui semblerait empruntée à une sorte de roman comique allemand.
Elle avait quinze ans lorsqu'elle parut pour la première fois, le 13
octobre 1819, sur le Hofburgtheater ; elle jouait le rôle d'Aride dans
la Phèdre, de Schiller. On lui trouva tout d'abord un ensemble de
qualités charmantes, une intelligence dramatique extraordinaire pour
son âge, une déclamation pure, expressive, attestant l'excellence de
l'école d'où elle sortait. Rappelée à la fin de la pièce, elle fut rame-
202
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
née par son illustre mère qui la présenta elle-même aux spectateurs.
Pendant le cours de son engagement, elle se montra dans plusieurs
rôles importants : Louise, de l'Intrigue et l'amour ; Béatrice de la
Fiancée de Messine ; Ophélie, d'Hamlet. Sa jeune sœur, Betty , rem-
plit à côté de sa mère le rôle de Melitta, dans la Sapho. de Grillpar-
zer; mais elle n'avait que treize ans, et chez elle il y avait encore
plus de naïveté enfantine que de passion.
Sophie Schroeder avait trois filles à placer : Wilhelmine, Betty et
Auguste qui, elle aussi, dès l'âge de six ans, s'était signalée comme
danseuse, au point d'éclipser sa sœur aînée. Pour concilier tous les
intérêts et procurer à 'Wilhelmine le moyen de gagner plus d'argent,
il fut décidé qu'elle passerait a l'Opéra. Ce serait d'ailleurs une erreur
de croire que son talent de chanteuse se soit déclaré tout à coup, à
l'improviste, et comme par une soudaine explosion. On n'avertit pas
le public ; on ne le mit pas dans la confidence, mais on n'en fit
pas moins tout ce qu'il fallait pour cultiver les dons précieux dont
la nature avait doué la jeune fille. Sa mère lui donna les meilleurs
maîtres de musique et de chant, entre autres ce Joseph Mozatli qui
avait formé le célèbre Ungher-Sabatier, dont les débuts dans l'opéra
eurent lieu presque en même temps que ceux de Wilhelmine dans
la tragédie. De plus, elle lui faisait répéter mot à mot ses rôles, afin
qu'elle les sût dans la perfection avant d'aborder la scène. Deux an-
nées furent ainsi consacrées à l'étude, et pendant ce temps, sa mère
ne lui permit de se faire entendre nulle* part, même dans les réunions
particulières. Elle voulait que la jeune cantatrice arrivât sans avoir
été annoncée, et qu'on ne fût pas moins surpris que si elle tombait
du ciel.
Enfin, le 20 janvier 1821, elle apparut au théâtre de Kaertnerthor
dans la Flûte enchantée, de Mozart, et elle y remplit le rôle de Pa-
mina de manière à satisfaire les plus difficiles. On ne s'attendait pas
à trouver une si belle voix soutenue par une méthode si pure, exempte
de toute affectation, de tout mauvais goût. Quelques jours après cet
heureux début, elle chanta dans un concert que donnait le célèbre
contre-bassiste Dall'occa, et là, dans un air de Pavesi, dans un duo de
Rossini, elle prit un plus libre essor.
Pour son second début, elle chanta le rôle d'Emmeline dans la
Famille suisse, de Weigl, et d'un commun accord on proclama
qu'elle y était idéale, sublime à force de sentiment et de vérité. Ce
qu'elle avait de plus étonnant, c'était la facilité, la hardiesse avec
lesquelles elle triomphait des difficultés musicales : on n'aurait ja-
mais pu croire qu'elle ne faisait à peine que commencer : rien ne
trahissait la novice. Elle obtint un succès non moins grand dans
Baoul Barbe-Bleue, de Grétry, la Clochette, d'HéroId, Edmond et
Caroline, de Weigl, et dans le Frcischuts, qu'on n'avait pas encore
joué à Vienne, et qui fut représenté pour la première fois le 3 no-
vembre 1821, la veille de la fête de l'empereur.
Weber déclara qu'elle était la première Agathe du monde, et bien-
tôt nous verrons que Beethoven eut encore plus de raisons d'être
content d'elle, lorsqu'elle rendit la vie et l'âme à son Fidelio.
Paul SMITH.
{La suite prochainement.)
LE L'ÉDUCATION MUSICALE PRÉVEITIVE
PESBASÏ LA FKEMBÈSSE ET EA 8ECOWKE EXIFAWCE.
(Gymnastique tle l'ouïe et de la ■voix.,)
(3e article) (1).
Dès que l'enfant peut parler, donner de l'inflexion à sa voix, imi-
ter le langage et le chant de ceux qui l'entourent, il ne doit entendre
(i) Voir lesn"' 10 et 14.
que des intonations sonores et justes, que des mots articulés nette-
ment, que des émissions à voix sur les lèvres, sans effort, sans cri,
la poitrine bien épanouie, les poumons bien dilatés, le tout en allant,
et venant. On n'imagine pas que d'influence exerce la voix triviale,
le cri guttural, le glapissement du chien, le sifflement des locomotives,
sur l'enfant qui imite tout comme un écho. On ne peut rien suppri-
mer de tout cela ; mais du moins qu'on en combatte l'effet funeste
par un chant sainement émis.
Pendant les trois ou quatre premières années il faut demander à
l'esprit d'imitation ce que ne peut encore donner l'instinct de l'har-
monie ; mais sitôt que cet instinct commence à se manifester, son
évolution doit être favorisée par tous les moyens dont l'éducation
dispose.
Nous devons à M. Fétis une très-profitable simplification de l'en-
seignement à cet âge. Lorsque M. Fétis remplissait les fonctions de
professeur de chant et d'harmonie à l'école de Douai, il s'aperçut
que les dégoûts éprouvés par la plupart des commençants dans la
lecture de la musique, lecture dont les éléments sont difficiles et
compliqués, provenaient de ce que l'attention se fatiguait à se par-
tager dès les premiers pas entre des objets qui n'ont point d'analo-
gie. Ainsi, dans l'étude du solfège, les élèves les moins avancés
étaient obligés de reconnaître à la fois les signes et leur valeur, de
battre la mesure en faisant le calcul de la division des temps et de
chanter en cherchant la justesse des intonations. Or, distinguer des
signes et en connaître la signification, diviser des temps et déve-
lopper le sentiment de la mesure, enfin former l'oreille à la justesse
des intonations, c'est tenter des choses indépendantes les unes des
autres. Il est donc raisonnable de les enseigner séparément. C'est
d'après ces considérations que M. Fétis établit dans l'école de Douai
la division des éludes qui a servi de base aux solfèges progressifs
précédés de l'Exposé des principes de musique, publiés par lui plus
tard, et c'est cette même division, adoptée d'ailleurs par plusieurs
maîtres dans leur système d'enseignement, que nous conseillons aux
mères qui forment elles-mêmes leurs enfants à la musique. Le prin-
cipe qui a inspiré M. Fétis a dicté la méthode de M. Panofka, qui
consiste, comme chacun sait, à se préoccuper tout d'abord de la
bonne émission du son, de la facilité de la respiration, de la tenue
et de la pose de la voix ; bref, à ménager, à préparer l'organe vo-
cal, à établir solidement l'instrument, après quoi on peut, sans
craindre d'en briser les ressorts, lui faire parcourir toutes les études
qui constituent l'art du chant. Les avantages de cette méthode vo-
cale sont évidents. C'est aux mères de la mettre à profit, dans une
époque où l'éclat sonore est devenu la condition dominante de l'or-
chestration, où la beauté du son est l'idéal des écoles instrumentales,
et où la culture du timbre, le perfectionnement de la sonorité, but
et triomphe de tant d'habiles facteurs, s'étendent, comme musique
vocale, non seulement au groupe exceptionnel de voix qui se consa-
crent à la spécialité du chant envisagé comme art, mais à la multi-
tude des voix qui composent en France les masses chorales, les-
quelles augmentent et se multiplient chaque jour.
Enseignez le chant en même temps que la parole, et, si la voix est
fausse, amusez-vous à la guider avec un instrument. Certains enfants
pourront ainsi solfier dès l'âge de trois ans et demi, quatre ans.
D'autres, il est vrai, se montreront réfractaires ; mais le plus grand
nombre sera capable d'apprendre des airs simples et caractérisés.
Ils feront d'ailleurs pour les retenir des efforts qui tourneront au profit
de l'intelligence et leur donneront l'appréciation des sons sans leur
donner la possibilité de les reproduire.
En pareil cas, ce n'est pas l'oreille qui pèche, c'est le larynx. Des
musiciens incontestables ont la voix tellement fausse, qu'ils ne
peuvent rendre sans intermédiaire une seule phrase de musique.
D'autres personnes ne peuvent diriger leur parole, surtout quand
elles sont émues. Leurs intonations sont singulières et provoquent
DE PARIS.
l'hilarité. Toute tentative de discours ou d'émission musicale devient
ridicule. Cela est presque toujours le résultat d'une mauvaise éduca-
tion. L'enfant qui, dès les premières années, a été sous l'influence
d'un langage bien scandé, d'un chant harmonieux, bien rhythmé,
s'est exercé à couper les phrases convenablement, à multiplier les
voyelles et les consonnes euphoniques, à doter chaque mot de l'ac-
cent qui lui appartient, à chanter comme il faut. Par l'effet de l'ins-
tinct, aidé du milieu excellent où il a vécu, il est devenu harmonieux
parleur, chanteur distingué, musicien sensible au rhythme, à la mé-
lodie, à l'harmonie.
La voix et la parole, dans l'intervalle de la première à la seconde
enfance, réclament une éducation attentive et savante.
La voix, intimement liée aux fonctions respiratoires, résulte des
vibrations imprimées par le larynx à l'air chassé du poumon ; en se
modifiant par l'action de l'arrière-gorge de la langue et des lèvres,
elle devient la parole et le chant, si les syllabes sont prononcées
avec cadence et si la voix affecte des sons musicaux. Nul appareil
ne contribue plus à produire la supériorité humaine que celui de la
voix et du chant. Il combine par la parole et l'émission chantante le
produit des cinq sens, de manière à en faire un tout intellectuel. S'il
ne fait pas naître l'idée, il la formule, la répand et la communique,
et, comme musique, il élhérise le sentiment le plus délicat et le plus
abstrait de l'âme. Qu'on lise l'histoire des peuples, on ne tarde pas
à se convaincre de l'énorme puissance de la parole. On constate
chaque jour le charme qu'elle apporte dans la vie intérieure, dans les
réunions intimes autour du foyer. Un organe doux, sonore, musical
nous attire et nous subjugue. Les visiteurs de M. de Lamartine
songent peu à parler. La voix d'argent musicale et pleine du poëte les
fascine; ils écoutent : c'est comme une mélopée savante qu'ils en-
tendent. A travers la voix on se plaît à suivre les traces des senti-
ments et des passions. Platon disait aux étrangers qui l'abordaient :
« Parlez afin que je vous connaisse! » Sans formuler aussi nettement
notre pensée, nous sommes tous disposés à accorder notre [estime à
ceux dont le timbre de voix nous charme, notre amitié à ceux dont
la conversation est une musique parlée. Mais ces privilèges ne sau-
raient s'acquérir en un jour. De longues études et un travail opiniâtre
sont nécessaires pour vaincre une voix aigre et stridente, pour arti-
culer nettement les mots, pour appliquer aux expressions diverses
les inflexions qui leur conviennent.
Une voix forte et sonore dépend, en général, d'une poitrine bien
développée, d'une respiration profonde et facile, d'une trachée ar-
tère volumineuse et d'un larynx sainement constitué. L'arrière-gorge
n'est pas sans influence sur la voix qui peut se trouver gravement
altérée par le gonflement des amygdales ou du voile du palais, et
même par les maladies qui s'attaqueut aux fosses nasales. Tout cela
est affaire médicale. Mais il faut exposer ici ce qu'une mère doi
faire pour perfectionner la voix dès la première enfance, et pour la
plier aux nécessités de la parole et du chant. Aucun agent n'est plus
puissant, sous ce rapport, que la musique vocale. Elle donne au la-
rynx une grande flexibilité ; elle ménage la respiration et augmente
l'ampleur et le volume des sons. Sous l'influence de l'harmonie, les
intonations deviennent justes et les transitions faciles ; la voix se
met en rapport avec les paroles au moyen de l'accent ; peu à peu
les sons les plus rudes sont adoucis par cet instinct musical qui rend
la langue des peuples du Midi si persuasive et si harmonieuse.
Dans le but d'éviter l'habitude des discordances, il est bon d'in-
terdire aux enfants les cris aigus qui impressionnent si désagréable-
ment l'oreille dans la cour d'une pension. Là, cent marmots parlent
à la fois, et chacun, renchérissant sur son voisin pour se faire en-
tendre, cherche les sons les plus aigres et les plus mordants. Il est
difficile d'éviter ce travers dans les grands établissements publics,
mais dans les familles il ne faut jamais le souffrir. Les enfants doi-
vent parler lentement, sans chantonner ni se livrer à ces contorsions
des lèvres et du gosier qu'on remarque trop fréquemment. On ne
doit pas souffrir les bavardages et la loquacité intarissable de cer-
taines petites filles qui, à force de parler, finissent par s'enrouer
et par se donner des maux de gorge. Pour prévenir ou pour corriger
ces travers, l'exemple des parents est ici tout-puissant, et de même
que l'accent se communique par une espèce de contagion, le timbre
de la voix, ses inflexions, son harmonie et sa sonorité sont transmis
par simple imitation de la mère à la fille, du père au fils. La pre-
mière condition pour ceux qui ont mission de donner l'harmonie à
la voix de l'enfant, est d'avoir eux-mêmes une voix harmonieuse,
car l'enfant est imitateur avant tout, et le bon exemple est le pre-
mier principe de son éducation.
S'il est utile, pour le charme de la parole, de douer l'enfance d'un
organe juste et sonore, il est plus utile encore de veiller à l'articu-
lation complète de chaque mot. On arrive, avec plus ou moins de
facilité, à produire exactement les sons représentés par les cinq
voyelles et leurs combinaisons, mais beaucoup de personnes ne peu-
vent articuler les dix-huit consonnes. Cet acte est, en effet, très-
compliqué ; il demande le concours du larynx, de l'arrière-gorge, de
la langue, des dents, des joues et des lèvres. Quelle que soit la dif-
ficulté, il faut parvenir à rendre l'articulation correcte. On s'occu-
pera alors de donner à la parole tout le charme organique qu'elle
comporte, à rectifier les inflexions et les intonations. La lecture,
quand elle est dirigée avec intelligence, est pour y parvenir un exer-
cice avantageux. Mais les récitatifs d'opéras sont ici d'un merveilleux
effet. Je l'ai éprouvé souvent, et les enfants saisissent mieux par
exemple un récitatif bien fait, et le rendront mieux à voix sonore
et avec articulation correcte qu'une lecture de prose ou de vers.
C'est une expérience facile. Je signale comme ayant été employé
très-souvent avec succès le récitatif d'Iphigénie en Aulide, au troi-
sième acte. Mais je me propose de traiter à part cette question, qui
est plus importante qu'il ne semble.
En même temps qu'on poursuit les progrès que je viens de dé-
crire, l'attention doit se porter sur les moyens d'obtenir la finesse
et les autres qualités de l'audition. Dans les grandes villes, il est rare
que l'ouïe ne soit émoussée par le bruit incessant des voitures, par
un bourdonnement qui, nuit et jour, retentit jusqu'au fond des ap-
partements les plus reculés. C'est au point que, sur les grandes voies
de communication, chacun est contraint à des efforts de voix pour
se faire entendre de son interlocuteur. Les mêmes conditions se pré-
sentent à peu près dans un moulin, dans les usines à machines à
vapeur, dans tous les lieux où retentit un bruit fort, régulier et con-
tinu. L'oreille n'y est jamais en repos, ou plutôt elle se repose en
faisant abstraction de ses sensations.
Comment, dans ces conditions, attirer l'activité de l'ouïe vers les
sons que le silence seul rend perceptibles ? Comment la rendre atten-
tive ? Comment lui faire discerner les qualités de timbre et de ton
qui se trouvent dans les vibrations de l'air? Comment, enfin, par
l'intensité ou la mollesse de ces vibrations, lui apprendre à juger la
position et la distance des corps? Tout cela, cependant, est nécessaire
à la finesse de l'ouïe.
Bien différentes sont les circonstances d'audition dans les campa-
gnes. Si parfois l'oreille y est assourdie par le bruit d'une cataracte,
par le vent sifflant dans les forêts, par les éclats du tonnerre réper-
cutés de rocher en rocher, on y rencontre aussi des instants de si-
lence et de recueillement pendant lesquels le froissement d'une feuille
ou le vol d'un insecte suffisent pour commander l'attention. Ceux
qui, pendant une molle et splendide matinée d'avril, ont savouré les
délices de la vie contemplative sur les flancs boisés des montagnes,
savent tout le charme que l'oreille trouve à recueillir les sens fugi-
tifs et musicaux qui traversent l'air. Telle est l'élasticité de l'atmos-
phère que le chant du laboureur se perçoit à une demi-lieue de
distance, que le gazouillement du rouge-gorge remplit les profondeurs
204
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de la vallée, que tout retentit lorsque la caille jette de colline en
colline son appel sec et impératif. En cet instant l'ouïe devient le
sens prépondérant, rien ne lui échappe. Elle cherche des harmonies
dans le son de la cloche lointaine, dans le murmure de l'écluse, dans
les percussions cadencées du fléau, et surtout dans le tintement des
clochettes pendues au cou des brebis. La même tranquillité de l'at-
mosphère produit des effets analogues pendant les belles soirées de
l'automne. Le chasseur placé à l'affût sur la lisière d'un bois ou au
centre d'une clairière entend le lièvre et le lapin froisser les broussailles
bien avant qu'ils soient à portée ; il entend le loir grimper dans les
taillis, l'écureuil glisser dans les pins, le gland se détacher de sa lige
et frapper les feuilles jaunissantes qu'il entraîne dans sa chute. Pen-
dant ces longues heures du soir, l'oreille contraste, par son activité,
avec l'inertie des autres sens. Elle analyse avec patience et sagacité
les bruits les plus légers ; elle s'exerce à en reconnaître la qualité, la
distance et la direction.
Maurice CRISTAL.
{La suite prochainement.)
NOUVELLES COMPOSITIONS DE I. F.-J. FÉTIS,
Maître de chapelle de S. M. le roi des belges.
(3* et dernier article) (1).
Dans notre article précédent nous avons recherché les causes
constitutives de la symphonie ; dans celui-ci nos opinions sur le
style propre à ce genre élevé seront moins difficiles à formuler, car
les modèles abondent, et dans les œuvres de ce genre livrées
à notre admiration par les trois grands maîtres allemands, nous
n'aurons que l'embarras du choix.
Le premier allegro est presque constamment la mise en œuvre des
grandes pensées et des savants développements; Yandante, élégiaque
presque toujours, repose des agitations du premier allegro, tandis
que le scherzo efface, par sen caractère vif et passionné, les impres-
sions souvent déchirantes ou tendres de Yandante. Quant au finale,
il peut être ou grandiose, comme dans la symphonie en ut mineur
de Beethoven, ou comique même, comme dans l'Ours de Haydn.
Mais l'écueil à éviter lorsqu'on écrit une symphonie, consiste à
ne pas donner à la pensée musicale une forme purement vocale, ou
dramatique au point de vue de l'art lyrique ; c'est surtout de ne pas
écrire de la musique pittoresque de ballet là où il faut toujours être
épique. — M. Fétis, dans sa seconde symphonie en sol mineur, a
su conserver à son style celte sobriété d'expression, cette maestria
déformes si difficiles à atteindre, et lui, le professeur érudit par excel-
lence, il a évité avec un soin tout particulier l'emploi des formules,
ce véritable lierre musical qui étouffe les plus belles idées en les
banalisant.
Une introduction à 3/8 précède le premier allegro. Rù'n de plus
expressif que l'imitation du chant du hautbois, faite par les violon-
celles dans le grave de l'échelle du ton choisi par l'auteur. L'allégro
à quatre temps est rempli de passion ; les idées sont enchâssées
dans une instrumentation combinée avec une entente de l'effet qui
confond.
L'andanle à 2lh, en ini bémo', est d'une naïveté d'expression déli-
cieuse. Les contrastes les plus heureux augmentent l'intérêt sans
ôter à ce morceau rien du son caractère naïf et primordial.
La fantasia d'intermezzo, qui remplace, en l'amplifiant, le
scherzo, est également une des plus belles conceptions de M. Fétis;
et le finale allegro con moto, en sol majeur, jette une espèce de
lumière sur l'œuvre tout entière. Le début de ce finale procède un
peu de la manière de Mendelssohn; mais ses développements, la
(1) Voir les n'" rj et i.'i.
mise en œuvre des idées, leur enchaînement logique, leurs formes
aussi neuves que brillantes, tout concourt à faire de cette seconde
symphonie l'œuvre capitale du maître en ce genre.
Nous regrettons que l'espace qui nous est accordé ne nous per-
mette pas d'entrer dans de plus grands détails ; mais ce que nous
avons dit suffira pour faire partager à nos lecteurs le désir que nous
avions déjà exprimé dans notre second article : celui d'entendre
exécuter l'hiver prochain ces deux belles œuvres par le premier
orchestre de l'Europe. Elles sont dignes de cette tardive justice ; et
ce serait avec une joie causée par la reconnaissance la plus vive,
que nous consignerions, dans une troisième édition de notre His-
toire de la Société des concerts, le succès éclatant qui ne peut man-
quer de couronner la carrière si bien remplie de notre maître bien-
aimé.
A. ELWART.
FESTIVAL DE NIORT.
On sait que les fêtes musicales de l'Association de l'Ouest se compo-
sent de deux concerts donnés, l'un pendant le jour et l'autre le len-
demain soir. Le premier est un concert spirituel : c'est habituellement
celui qui intéresse le plus les musiciens sérieusement attachés à leur art.
Dans cette première journée, en effet, ont été exécutés, depuis trente
ans, tous les oratorios de Bach, ïlaendel, Haydn, BeethoveD, Mozart et
Mendelssohn. Or, il serait difficile d'obtenir en France, même a Paris,
des auditions de ces grandes œuvres qui s'appellent le Messie, Judas Ma-
chabée, les Saisons, le Christ au mont des Oliviers, David pénitent, Paulus,
autrement que par petits fragments. Le public des Congrès de l'Ouest
écoute ces grandes compositions avec le recueillement de dilettanti
d'outre Rhin. C'est ainsi que le concert spirituel a été écouté cette
année, et pourtant le programme était long et sérieux.
Le premier numéro de ce programme était l'oratorio de Haendel : la Fête
d'Alexandre ou la puissance de la musique, réorchestré par Mozart. Cette
œuvre se distingue par de très-belles pensées rendues avec une noblesse
de style qui fait que l'œuvre semble être née d'hier; aucune phrase n'a
vieilli ; toutes les mélodies semblent dues à quelques-uns de nos grands
compositeurs contemporains. Les soli étaient confiés à Mines Peudefer,
B..., F..., et à MM. Jourdan et liussine.
Après cet oratorio, nous avons eu un chœur sans accompagnement
fort bien rendu : c'était un Salve, Regina, d'Orlando Lasso; puis, venait
la cantate qui valut à M. Beaulieu, fondateur de l'Association, le prix
de Rome en 1810; elle est intitulée : Héro et Léandre. Les cantates n'a-
vaient alors qu'un seul personnage chantant; et, malgré la monotonie
qui en résultait, le compositeur a trouvé moyen d'intéresser à son
œuvre par une orchestration écrite avec un talent rare. Cette cantate a
été rendue avec beaucoup de talent par une dame amateur de Poitiers,
Mme B....
Après ces trois morceaux d'un genre tout à fait grave, MM. Dorus,
Triébert, Barbet, un des bons chefs de musique de notre armée, G. Ba -
neux fils et E. Jancourt, sont venus mettre un peu de variété dans le
programme, en exécutant d'une façon parfaite, comme on le pense bien,
un quintette de Reicha. Ceci a causé la plus vive satisfaction aux au-
diteurs qui l'ont témoignée d'une manière enthousiaste.
Le concert se terminait par les deux premières parties de la Création
du monde d'Haydn. Les solistes étaient les mêmes que pour la Fêle d'A-
lexandre. C'est dire que tout a marché à souhait, à part quelques petites
hésitations dont le public s'est à peine aperçu.
Le second jour débutait par la symphonie en ut mineur de Beethoven
qui a été dite d'une façon remarquable. L'orchestre des Congrès de
l'Ouest, qui est presque toujours composé des mêmes musiciens, com-
mence à se faire une réputation, par la manière excellente dont il joue
les symphonies du grand maître de Bonn. Cette année-ci, M. Dela-
vault, chef d'orchestre de la partie vocale, et M. Norôs, chef d'orches-
tre de la partie instrumentale, avaient sous leur direction quatre-vingt-
dix instrumentistes et plus de cent choristes, pris dans toutes les classes
de la société, du haut en bas de l'échelle des fortunes.
Le programme de ce second jour ne contenait pas moins de quinze
morceaux, et, comme les programmes mentent toujours un peu, nous
en avons eu dix-sppt. 11 était 1 heure et demie lorsque l'ouverture et
la bénédiction des drapeaux du Siège de Corinthe (qui formaient un
seul morceau) ont clôturé le concert.
i\,me l'eudefer a chanté, de façon à rappeler plus d'une fois Mme
Jliolan-Carvalho, l'air des Bijoux, de Faust; ell« a eu aussi beaucoup de
DE PARIS.
m
succès dans l'air du Billet de loterie, qui est devenu pour les soprani
ce qu'est pour les ténors l'air : « Vainement, Pliaraon », de Joseph. Mme
Peudefer possède une jolie voix et sait s'en servir. Elle a réconcilié avec
elle, par ces deux morceaux, les amateurs de la mesure et de la régularité
du rhythme, qui lui en voulaient un peu à cause de certaines infractions
qu'elle s'est permises dans Ilaendel et Haydn. Il y a de ces genres de
musique qui ne permettent pas que l'on transige avec la mesure, et les
oratorios des maîtres allemands sont de ce nombre.
M. Jourdan a dit de sa belle voix de ténor l'air de FEclair, d'Halévy,
et M. Bussine celui de Galatée; ces deux artistes ont ensuite chanté
ensemble un notable fragment du duo de la Reine de Chypre.
MM. Triébert et Jancourt ont eu un succès d'enthousiasme dans un
duo de leur composition tiré de Semiramide ; impossible d'avoir une
exécution plus finie que celle de M. Triébert, impossible de montrer
plus de hardiesse que M. Jancourt , mais cette hardiesse lui réussit
toujours, il tient constamment son public sous le charme, tout en le
surprenant à chaque trait.
M. Dorus, dans une fantaisie de Bœhm, sur un thème suisse, et
M. Baneux, dans une fantaisie composée par son père, ont soulevé des
tonnerres d'applaudissements.
M. Tolbecque a dit avec sa verve habituelle une composition de Ser-
vais.
Un des beaux succès de la soirée a été la symphonie concertante de
Mauser pour quatre violons solos et orchestre. Les solistes étaient
MM. Meilhan fils, de Tours, Rideau, de la Rochelle, Hostie, de Rochefort,
et Samie, de Limoges. Ce morceau a eu les honneurs du bis.
Un banquet a suivi le concert , et les membres de cette belle
association se sont donné rendez-vous pour l'année prochaine à Poi-
tiers.
L. Beiirnabdt.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la Favorite et .le
premier acte de Giselle; mercredi, les Huguenots, et vendredi, la quatre
centième représentation de ce même ouvrage. — Demain lundi, M. Du-
mestre reparaîtra dans Guillaume Tell. — On annonce le rengagement
de Dulaurens.
*** Les Huguenots ont été représentés mercredi et vendredi ; Mlle Ca-
mille de Maesen y débutait dans le rôle de la reine Marguerite. C'est
la jeune sœur de Mlle Léontine de Maesen, qui chante depuis quelques
mois au théâtre Lyrique impérial. Elle nous vient de Bruxelles où elle
tenait une place brillante au théâtre de la Monnaie, et nous croyons
qu'elle n'obtiendra pas moins de succès à Paris. Comme sa sœur, elle
est de taille svelte, élancée ; elle a une figure charmante, et sa voix,
soprano complet, se distingue par l'agilité, la souplesse. Lorsque l'étude
aura perfectionné les rares qualités dont elle est douée, en y ajoutant
ce qu'elle n'a pas encore, le trille par exemple, Mlle de Maesen sera
un sujet excellent, et dès aujourd'hui c'est une acquisition des plus
heureuses.
„** Deux très- agréables danseuses de l'Opéra, Mlles Pilatte et Eugé-
nie Fiocre, jusqu'à présent coryphées, passent dans les premiers sujets
de la danse.
à** Par décision judiciaire de la Cour impériale, les réparations néces-
sitées par l'état actuel de la salle du théâtre de l'Opéra-Comique, sont
mises à la charge des propriétaires, et l'on va y procéder tout de
suite. Le théâtre va donc fermer le 1er juillet pour un mois environ.
Montaubry et Achard entrent en congé le même jour.
*% A la suite du succès de Sylvie, la direction du théâtre de l'Opéra-
Comique a confié le livret d'un opéra en deux actes à M. Guiraud, et
'on assure que le directeur du théâtre Lyrique l'a chargé aussi de
composer la musique d'un ouvrage en trois actes.
*** A l'une des dernières représentations de Lara, Mme Galli-Marié
a fait au deuxième tableau du troisième acte une chute dans laquelle
elle s'est assez fortement contusionnée; toutefois, le public ne s'en est
pas aperçu immédiatement, la courageuse -artiste s'étant relevée avec
énergie et ayant continué son rûle, quoique ses mains fussent ensan-
glantées par les déchirures qu'elle s'y était faites.
*** M. Bagier vient d'engager pour la saison prochaine Mme Penco
et Mme Vestri.
%** Norma et la R'ine Topaze clôtureront dignement la saison du
théâtre Lyrique qui ferme ses portes le 30 juin ; Mme Carvalho do.t
être à Londres le 27; elle est, comme nous l'avons dit, engagée aux
appointements de 15,000 francs par mois, pour chanter le rôle de
Catherine de l'Etoile du Nord au théâtre italien de Covent-Garden.
**„, M. Varney, avec une portion de la troupe des Bouffes-Parisiens,
a commencé sa tournée en province par Orléans ; son début a eu lieu
mardi par la Chanson de Forlunio.
*** Les ouvrages annoncés par le théâtre de la Porte-Saint-Martin
Norma, le Barbier de Sécille et Tartufe, sont en pleines répétitions. — On
affirme que Capoul, profitant des loisirs qui vont lui être faits par la
fermeture du théâtre de l'Opéra-Comique, pourrait bien s'y montrer
dans l'un ou l'autre de ces deux opéras.
**„, On annonce au théâtre Lyrique, place du Châtelet, une véritable
fête littéraire pour lundi prochain 27. Mme Ristori jouera Mèdée, mais
pour cette fois seulement.
*** L'Académie des beaux-arts, dans la séance du samedi 1S juin, a
arrêté la liste suivante des candidats pour la place d'associé étranger,
vacante par suite du décès de Meyerbeer : MM. Verdi, Geefs, John Pye,
Navez, présentés par la commission. Ont été ajoutés par l'Académie*:
MM. Simonis et Gallait.
***S. Exe. le maréchal Vaillant, ministre des beaux-arts et de la maison
de l'Empereur, vient de faire extraire du garde-meuble de la couronne
pour les envoyer au musée instrumental du Conservatoire impérial d'e
musique, trois instruments précieux par leur antiquité et leur rareté.
Ils consistent en un clavecin de Han Ruker, portant la date de 1590",
i! est renfermé dans une caisse en vieux laque ; un clavecin construit
en 1790 pour la reine Marie-Antoinette, par Pascal Taslun, et un orgue
portatif à tuyaux, construit en Chine, et offert en 1S58 au Prince im-
périal.
„..% On annonce pour mardi, 28, au théâtre du Palais-Royal, une bril-
lante représentation au bénéfice de Berthelier, dans laquelle l'excellent
comique jouera, avec Pradeau, les Deux Aviugles, un de ses premiers et
grands succès du théâtre des Bouffes-Parisiens, et avec Mlle Frazey,
Lischenet Fritzchen, la charmante opérette d'Offenbach, que ces deux ar-
tistes interprètent partout depuis six mois, aux applaudissements de tous
ceux qui l'entendent.
*% On nous écrit d'Ems : « C'est hier mercredi que les représen-
tations théâtrales ont commencé sur le théâtre du Kursaaï. On a
ouvert par : le Chien du Jardinier, opéra-comique en un acte, paroles
de MM. Lcckroy et Cormon, musique de M. Albert Grisar ; Croquignolle,
opérette en un acte, paroles de M. de Forges, musique de M. Ernest
Lépine. — Offanbach vient d'arriver pour la mise en répétition de ses
deux opérettes : le Soldat magicien et Jeanne qui pleure et Jean qui rit,
interprétées par les artistes les plus aimés du public des Bouffes-Pari-
siens. — Nous aurons aussi un opéra de Deffès, la Boîte à musique; enfin
ies concerts ont été l'objet de, la sollicitude toute particulière du di-
recteur du Kursaal, et nous entendrons Vivier, Servais, Ratta, Alard>,
Vieuxtemps , Joseph Wieniavvski , Arban, Mmes Escudier-Kastner ,.
MlleMarimon et Mme Lemmens Sherrington. »
.j.** A Madrid, l'inauguration du théâtre Rossini' s'est faite dans des
conditions assez défavorables. Le gaz a manqué complètement, et c'est
dans l'obscurité que le ballet de Giselle, choisi pour l'ouverture, a dû
être dansé. Ce désappointement a été d'autant plus fâcheux que le roi
et la reine honoraient la représentation de leur présence.
t% Parmi les artistes venus cette année à Londres, il faut citer le vio-
loniste Accursi et Mme Accursi, sa femme, pianiste. Ce jeune couple,
doué d'un talent très-remarquable, et recommandé par Rossini, a été
admis d'emblée à se faire entendre dans les salons les plus aristocra-
tiques, là où les instrumentistes sont si rarement appelés, et a su y con-
quérir tous les suffrages et obtenir les plus brillants succès. Mme Ac-
cursi a d'ailleurs le privilège de faire entendre quelques-unes de ces
délicieuses compositions inédites de Rossini qu'elle interprète d'une
façon supérieure et qu'on applaudit avec enthousiasme. — C'est dans le
grand concert donné par la Scalia que Mme Accursi a joué l'admirable
Tarentelle du grand maître, aux applaudissements de toute la salle, et
que Délie Sedie et Roméo Accursi ont exécuté, pour la première fois,
une composition, inédite aussi, de Donizetti, pour voix et violon, avee
accompagnement de piano, qui a produit un effet vraiment saisissant
sur tout l'auditoire. Cette composition a pour titre r Le Violon de Cré-
mone, n
„% La société de chant de Dresde se propose d'organiser pour 1S63
un festival monstre, auquel prendrait part l'Allemagne tout entière.
Ses plus célèbres compositeu.-s seraient invités i envoyer au comité
du Maenner-Gesang-Verein des ouvrages composés pour la circonstance.
**, S. M. la reine d'Espagne vient de conférer à M. le com*e Ca-
brielli le titre de chevalier de l'ordre de Charles III. Le comte fiabrieUi
estdeNaples, et il no tarda pas* être adopté par le monde élégant et par
le monde artistique de Paris, où il. a énmposé pour le grand Opéra deux
ballets : les Elfes, dans lequel d"lmta Mme l-'erraris, et l'Etoile de
ilessine, qui obtint un briLani Huches-, et qui l'ut la dernière grande
:og
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
création de la célèbre danseuse. On doit en outre au comte Gabrielli
un opéra-comique en trois actes, Don Grcgorio, le Petit Cousin, etc.
*% Jeudi 30 juin, à S heures du soir, aura lieu l'inauguration du
nouvel orgue qui vient d'être placé dans l'église Notre-Dame de Bonne-
Nouvelle, par la Société anonyme : Etablissements Merklin-Scbutze.
MM. Ed. Batiste, Renaud de Vilbac, Hess, organiste de Saint-Ambroise, et
Burelle, organiste et maître de chapelle de la paroisse, feront connaître
les ressources de l'instrument. Les morceaux d'orgue alterneront avec
des morceaux religieux, dans lesquels on entendra M\l. Falchieri et
Cléophas qui veulent bien se joindre aux chœurs de l'église. Le jeune
B. Godard exécutera un morceau de violon avec accompagnement d'or-
gue.
*** Nous avons sous les yeux b prospectus d'une publication qui
doit, à beaucoup de titres, intéresser les amateurs de musique ; c'est
la Fanfare lyonnaise, recueil mensuel de morceaux de fanfares, fondé
sous le patronage de Georges Hainl, chef d'orchestre de l'Opéra, et de
MM. Luigini, Bazin, F. David, Ch. Gounod, Poise, Delibes et autres.
Avec de pareils collaborateurs, la Fanfare lyonnaise ne peut manquer
d'obtenir un grand succès.
»*t Dimanche passé, S. A. I. Mme la princesse Mathilde, qui réside
l'été dans sa magnifique villa de Saint-Gratien, avait réuni la Société or-
phéonique de la localité pour lui faire remise d'une magnifique bannière
aux couleurs impériales et bénie par le curé. Ce don a valu à Son Al-
teste Impériale les témoignages chaleureux de reconnaissance des or-
phéonistes.
„*„ M. Déjazet s'est assuré le concours des choristes du théâtre Ita-
lien pour l'exécution de l'opéra de MM. Ventejoul et Mestepès : la Fille
du, maître de chapelle.
t% S. M. la reine d'Espagne vient de conférer à M. Adrien Boïel-
dieu la décoration de l'ordre de Charles III.
t% L'ouverture du nouvel établissement de bains de Cherbourg s'est
faite solennellement le 15 de ce mois par un grand dîner et un bal.
Plusieurs écrivains de la presse parisienne y avaient été convies.
%% La Marche funèbre de Litolff, à la mémoire de Meyerbeer, dont
il existe un arrangement pour le piano et à quatre mains, va paraître
cette semaine arrangée par Lebeau, pour orgue-harmonium.
„.** La librairie Arnauld de Vresse vient de publier la deuxième édi-
tion des Théories complètes du chant, par M. Steplien de la Madelaine. La
première édition de cet ouvrage, fruit d'une longue expérience, était
épuisée depuis longtemps: nous ne pourrions que répéter coque nous
avons dit de l'ouvrage et lui présager un nouveau succès.
»*„ Dimanche dernier a eu lieu à Caen un très-beau festival auquel
concouraient les Sociétés orphéoniques du Calvados et leurs musiques
municipales. L'éminent violoniste Léon Lecieux et M. Caron, del'Opéra,
avaient prêté l'appui de leur talent à cette solennité qui avait lieu
en présence du préfet et des autorités, et qui a été très-brillante.
*% Au théâtre Robin, lundi 20 courant, a eu lieu l'anniversaire de
la première représentation des Spectres. Les trois cent soixante-cinq
représentations que M. Robin vient de donner sans interruption, de ce
genre de spectacle, ont été loin de suffire à la curiosité du public, qui
continue comme dans les premiers temps à se porter en foule au bou-
levard du Temple, pour les admirer et les applaudir.
t*t Aujourd'hui dimanche, 26 juin, au Pré-Catelan, grande matinée
musicale et dansante, 'avec le concours des musiques du 72e de ligne et du
2° chasseurs à cheval, dont les programmes complètement renouvelés
renferment les cnefs-d'œuvre des grands compositeurs. — Le bal d'en-
fants, dirigé par MM. Chevallier et Riguaud, commencera à i heures
précises. Grande tombola. — Incessamment ouverture du palais des
Colibris.
„% On annonce la mort, à Crémone, de Ruggiero Manna, maître de
chapelle de la cathédrale. Sa mère, Carolina Bassi, était une cantatrice
habile, pour laquelle Meyerbeer avait écrit le rôle de Sémiramidc rico-
nosciuta. 11 avait étudié la musique sous la direction du savant con-
trapuntiste Maffeï, et il reçut les conseils de Meyerbeer et d'autres
artistes célèbres allemands, Mayseder, Czerny, Stadler et Weigl, qu'il
\isita à Vienne. Après avoir donné trois opéras, Jocopo di Va'enza, à
'Irieste (1832) pour le ténor l'eina, la Preziora (1845), à Casalmaggiore,
il Profeta velato, à Trieste (1S46), pour la Barbieri Nini et de Bassin:,
M. Jlanna s'adonna tout entier à la musique sacrée. 11 a laissé en ce
genre un grand nombre de compositions estimables. Né à Trieste
le 6 avril 1808, il était membre des académies philharmoniques de Tu-
rin, Bologne, Florence, de la congrégation de Sainte-Cécile, à Rome.
**, Mme Neumann-Sessi, la plus jeune et la dernière du trio de
prime donne de ce nom, vient de mourir à Vienne dans sa soixante-
quatorzième année ; elle y avait débuté en 1805, elle parcourut ensuite
l'Iialie et obtint de brillants succès à Bologne, Florence et Naples, en
société avec ses deux securs ainées. De retour à Vienne, elle épousa
M. Neumann, négociant. L'époque la plus brillante de sa vie fut le
congrès de Vienne, où elle chanta devant un parterre de rois. En
1820, Mme Neumann-Sessi ayant perdu sa voix, quitta la scène et ren-
tra dans la vie privée.
*** M. Janniard, architecte du gouvernement, et qui, en cette qua-
lité, avait été longtemps attaché au Conservatoire impérial de musique
et de déclamation, est mort, il y a peu de jours, à Garches, près Paris.
Ses obsèques ont eu lieu dans cette commune.
_ *** Une mort prématurée vient de frapper M. le marquis de Fer-
rière-le-Vayer, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de
France près le roi des Belges. La Revue et Gazette musicale ne saurait
oublier qu'avant d'entrer dans la diplomatie, M. le marquis de Ferrière
avait été l'un de ses collaborateurs; sous le pseudonyme de Samuel
Bach, qu'il avait adopté alors, il écrivit plusieurs articles dans le genre
d'Hoffmann le fantastique. Dans l'année 1836, à l'occasion de la repré-
sentation des Huguenots, il publia dans ce journal l'histoire du château
de Chenonceaux, où se passe le second acte de l'opéra.
*** Mme Antonia Monténégro, cantatrice qui brilla au théâtre de la
Scala à Milan,— où son nom se trouve inscrit sur une plaque de marbre
placée au foyer,— et sur plusieurs autres scènes d'Italie, vient de mou-
rir à Naples.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t% Londres. — Mlle Désirée Artot vient de faire un brillant début au
théâtre royal italien (Covent-Garden) dans le rôle de Maria, de la Figliadel
Reggimento. La jeune cantatrice a dû bisser l'air Ciascun lo dice, et la
vive impression qu'elle a produite par la manière touchante dont elle a
dit les adieux, Convien partir, lui a valu un chaleureux rappel. Son
succès a été grandissint pendant tout le second acte, et cette repré-
sentation a été un vrai triomphe pour la débutante qu'on a rappelée
avec enthousiasme à la fin de l'opéra. — Au théâtre de Sa Majesté,
l'opéra Fidelio a été repris, et Mlle Tietjens, dans le rôle de Leonora,
y a obtenu un très-grand succès. Les autres représentations aux deux
théâtres italiens se sont composées des Huguenots, Robert, Faust, Maria;
un nombreux public y a chaque fois assisté. — Les salles de concert ne
sont pas moins remplies, et Saint-James-Hall, où le compositeur et
pianiste favori J. Bénédict a donné lundi dernier son grand concert
annuel, s'est même trouvée trop petite pour faffJuence qui s'y était
portée. L'intérêt et la curiosité du public étaient du reste bien justifiés
pur un programme très-remarquable sous beaucoup de rapports. Il
n'offrait pas moins de cinquante numéros, exécutés par un nombre
presque égal d'artistes de premier ordre, de sorte que, commencé à
1 heure et demie, le concert n'était pas encore terminé à 6 heures et
demie du soir.— Arditi avait, quelques jours auparavant, donné un con-
cert semblable. — Parmi les autres concerts de la semaine, on a remar-
qué celui de Blumenthal, donné avec le concours de Delle-Sedie; — le
concert historique de Marchesi ; — celui de Musical Union, dans lequel
le m'aniste russe Leschetitski a débuté avec beaucoup de succès; enfin
le dernier concert du Cristal-Palace où, à côté de Carlotta Patti, s'est
fait entendre aux applaudissements unanimes, Emmy Lagrua. — Amalia
Patti, sœur des deux cantatrices si applaudies, est attendue et doit
chanter au festival de Birmingham. C'est à ce festival que doit être
exécuté l'oratorio de Costa, Naaman, composé exprès pour Adelina
Patti, et pour lequel le maestro a trouvé, assure-t-ou, des inspirations
dignes de Haendel et de Mendelssohn. — M. Balfe travaille en ce mo-
ment à un nouvel opéra : The sleeping queen, destiné à une des grandes
scènes de Londres.
„% Bruxelles. — Voici les principales mutations qui vont s'opérer
dans le personnel du théâtre de la Monnaie pour la prochaine saison :
MM. Jourdan, Roudil, Mengal et Dryane nous restent, ainsi que
Mmes Meyer-Boulart et Faivre ; M. Wicart vient reprendre l'emploi'
qu'il occupait il y a quatre ans. A M. Perié succède M. Coulon, qui
depuis un an a quitté le grand Opéra de Paris pour la province.
M. Jiéderic, première basse noble à Lyon, vient prendre la place de
M. Bryon, et M. Baré, baryton à Marseille, celle de M. Meillet. M.Hol-
zem, second ténor à Marseille, remplace M. Aujac. 11 y aura en outre
un troisième ténor dont le nom n'est pas encore connu. Enfin, M. Du-
bouchet aura pour successeur M. Uanglès.— L'emploi de première chan-
teuse légère sera partagé entre Mme Boulart et une artiste que nous
ne connaissons pas encore. Mme Elmire remplace Mme Borghèse, et
l'emploi de Mlle Demaesen sera tenu par Mlle Moreau, qui vient de
Lyon, et qui, au besoin, chantera l'opéra-comique. Nous ne savons pas
encore d'une façon positive qui succédera à Mme Meillet ; mais il est
probable que ce sera Mme Rey-Balla, qui a laissé à Bruxelles d'excel-
lents souvenirs.— Le ballet sera renouvelé en entier : l'emploi de pre-
DE PARIS.
mière danseuse sera tenu pendant la moitié de la saison par Mme Bos-
chetti, qui vient de créer à Paris le premier rôle de la Maschera, et
pendant la seconde moitié par Mme Laurati, première danseuse des
théâtres de Vienne et de Florence. Il y aura cinq autres danseuses,
plus un corps de ballet entièrement renouvelé et recruté tant en Angle-
terre et en Italie que sur les principaux théâtres de France. Le maître
de ballet sera M. Monplaisir. — Pour couvrir le surcroît de frais qui vont
incomber à la direction, eile a été autorisée, à défaut d'une augmenta-
tion de subvention qu'on ne pouvait lui accorder, à élever le prix des
places.
**.,. Cologne. — Le 16 juin, la société italienne a commencé ses re-
présentations par la Somnambule. Mlle Vitali a chanté le rôle d'Aminé
avec une grâce et une expression qui lui ont valu tout d'abord les
sympathies du public. Aussi l'a-t-il rappelée à plusieurs reprises. On a
également applaudi le ténor Baragli et Antonucci, basse-taille. Somme
toute, c'est un début qui promet beaucoup. — Les 12 et 13 juin a eu
lieu le deuxième festival du Rhin.
*% Spa. — Le violoncelliste Seligmann, Mlle de la Pommeraye et
Lebeau sont engagés pour le grand concert qui aura lieu dans les beaux
salons de la Redoute, le 9 septembre.
*** Bade. — Nous comptons déjà bon nombre d'artistes, et les con-
certs vont commencer le 28 par celui de M. et Mme Léonard, avec le
concours de Mme Viardot. — Le 6 juillet aura lieu celui de M. et de
Mlle Heerman, auquel la célèbre cantatrice et Mme Clara Schumann
prendront part. — En attendant, Ant. Rubinstein, qui vient de se repo-
ser à Bade des fatigues de sa saison d'Iïiver à Saint-Pétersbourg, donne
des matinées artistiques dans lesquelles il charme ses nombreux admi-
rateurs en leur jouant les morceaux les plus variés avec le génie qui le
caractérise. Enfin, le célèbre orchestre de Koennemann et la musique
militaire prussienne de Itastadt ravissent, chacun à leur tour, le matin
et le soir, les nombreux étrangers qui se pressent déjà sur la terrasse
du salon de conversation.
,,*„ Hambourg. — Le Kursaal ne désemplit pas, et la liste des étran-
gers se couvre des noms les plus illustres, surtout dans l'aristocratie
anglaise. Le magnifique théâtre va être inauguré. On y représentera
Maria, Ernani, Don Juan, la Fille du régiment, Don l'asqualc, Slradclla
et Sémiramis. MM. Gindreau et Fouilleron sont infatigables. Grâce à
eux, chaque année amène de nouveaux plaisirs et de nouvelles séduc-
tions pour nos illustres hôtes. Le violoncelliste Seligmann est engagé
pour le grand concert du 8 juillet. Nous aurons aussi la musique d'un
régiment autrichien. L'orchestre des concerts sera toujours dirigé par
l'habile Garbe.
**„ Stuttgard. — Le théâtre royal a donné récemment la Flûte en-
chantée et Ilobert le Diable. Dans ces deux pièces s'est fait entendre
M. Robieck, de Hambourg, qui a chanté avec succès les rôles de Saras-
tro et de Bertram. La clôture aura lieu fin juin.
**„, Manheim. — Wachtel, qui doit donner ici plusieurs représenta-
tions, a débuté avec un succès extraordinaire dans le rôle de Chapelou
(Postillon de Long jumeau); il a continué par celui de Raoul, qui a été
pour le célèbre ténor l'occasion d'un vrai triomphe.
**,. Berlin. — Mlle de Miirska a continué ses représentations par le
rôle de Léonore, du Trouvère, et celui d'Aminé, dans la Somnambule.
Les artistes du Carltheater de Vienne donnent ici, au Frédéric-Wilhelms-
tadt-Theater, des représentations qui sont très-suivies. Mme Grobecker
et Mlle Marek ont obtenu de brillants succès dans la chanson de For-
iunio, le Violoneux, et dans il Signor Fagotto.
„,*„, Milan. — Après être resté longtemps sans rien produire, le maes-
tro Casati vient de nous donner au théâtre de la Cannobiana un nou-
veau ballet qui a pour titre Shakespeare, et dans lequel figurent le
grand poëte, la reine Elisabeth, Falstaff, etc. C'est une œuvre élégante,
où brillent le talent et l'imagination; une œuvre de bon goût dans la-
quelle ne se rencontrent pas ces effets péniblement cherchés auxquels
le millionnaire Rota ferait bien de renoncer. Casati a été rappelé plu-
sieurs fois, de même que la Rossetti-Durand qui a bien mérité cet hon-
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Le Journal parait le Dimanche.
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DE PARIS
SOMMAIRE. — Delà sonorité dans la musique d'orchestre, comme élément de
variété, de coloris et d'expression (1" article), par Fétis père. — MmeSchroe-
der-Devrient, de M. de Wolzogen (3e article), par Paul Smith. — Les pre-
miers concerts publics à Vienne, par Ed. Hansbeeck . — Cliarles-J osepli-
Gustave Héquet, par Fétis père. — Nouvelles et annonces.
DE LÀ SONORITÉ DANS U MUSIQUE D'ORCHESTRE,
COMME ÉLÉMENT DE VARIÉTÉ, DE COLORIS ET D'EXPRESSION.
(Premier article.)
La création de l'idée musicale, simple dans l'origine de l'art, de-
vient de plus en plus complexe en raison du nombre d'éléments dont
cet art s'enrichit. L'erreur vulgaire consiste à supposer qu'il n'y a
en musique de création géniale que dans la mélodie : celle erreur
provient de l'insuffisance d'éducation musicale chez la plupart des
peuples. A l'audition d'une composition, l'homme peu avancé dans
la connaissance de l'art ne perçoit que la partie mélodique de
l'œuvre. Loin d'ajouter au plaisir qu'il y trouve, l'harmonie, les mo-
dulations incidentes, leurs cadences inattendues, le dessin des parties
d'accompagnement, les oppositions de sonorités et de timbres, sont
pour lui une cause de trouble, un obstacle à la libre conception de
la seule chose qui soit à sa portée. Ajoutons que si cette mélodie,
objet de ses prédilections, a de la distinction, elle lui est moins sym-
pathique que celle dont les allures plus vulgaires lui rappellent mieux
des formes qui lui sont déjà familières. A ce propos, je me sou-
viens d'un mot fort original de ce bon Blanchard, qui fut un de mes
collaborateurs à la Gazette musicale. Nous étions l'un près de l'autre
à la première représentation d'un de ces opéras-comiques dont on
garde à peine le souvenir, en dépit du succès qu'ils ont obtenu dans
la nouveauté : voyant le public applaudir chaleureusement des choses
qui traînent partout, Blanchard se pencha à mon oreille et me dit
de son air narquois : Quel avantage d'être commun , tout le monde
vous comprend.
La création en musique est d'autant plus élevée , d'autant plus
complexe, que le nombre de ses éléments est plus considérable. Il
n'y a pas moins de génie dans l'invention de l'harmonie qui accom-
pagne la mélodie, dans le choix des modulations par lesquelles on
fait toucher cette mélodie à tous les tons, sans lui enlever son unité
tonale, dans les formes de l'instrumentation, dans les combinaisons
des sonorités, que dans l'inspiration mélodique; ou plutôt, il n'y a
qu'une seule création, qui est celle de la totalité simultanée de ces
parties distinctes. Le compositeur qui, dès les premières mesures
de son œuvre, n'entend pas toutes les voix, tous les instruments,
ne distingue pas tous les timbres de l'orchestre, comme si cet or-
chestre exécutait réellement, qui, enfin, ne peut suivre le développe-
ment de sa pensée pendant cette exécution toute mentale, celui-là,
dis-je, n'est qu'un musicien incomplet. Les ressources du piano, dont
beaucoup d'artistes font usage pour la composition , non-seulement
n'ont plus les avantages qu'elles avaient pour seconder l'inspiration
lorsque les combinaisons de l'instrumentation étaient bornées aux
ressources du quatuor des instruments à archet, auxquels s'adjoi-
gnaient, dans de rares occasions, des trompettes pour les effets guer-
riers, ou des flûtes et des hautbois pour les pastorales. A vrai dire,
la musique instrumentale, c'est-à-dire la plus haute manifestation
de la puissance idéale, n'existait pas alors. L'orchestre accompa-
gnait et soutenait le chant ; rien de plus. Dans le drame, il était né-
cessaire qu'il en fût ainsi, parce que l'attention, déjà préoccupée
par l'intérêt de l'action théâtrale, ne pouvait, à une époque où l'é-
ducation musicale des populations était à peine ébauchée, se parta-
ger sur les détails de l'harmonie et de l'instrumentation. Le chant
en tant que langage dramatique, était seul compris alors par les
spectateurs. De là vient que les instruments ne faisaient point de
dessins diversement combinés sur la mélodie ; ils se bornaient à sui-
vre à l'unisson les parties vocales, à l'exception des ritournelles, et
la masse de l'orchestre ne se faisait entendre que dans les chœurs.
La lecture des partitions des plus grands maîtres de la fin du xvua
siècle et du xvin", à l'exception de Jean-Sébastien Bach, et la com-
position des orchestres à cette époque, fournissent la démonstration
de la vérité que je viens d'établir. Prenons pour exemple l'orchestre
de l'opéra en 1736 : on y trouve, pour l'accompagnement du récitatif
et des airs, un clavecin, deux premiers violons, deux seconds violons
ou violes, deux quintes de violon, deux tailles de violon (montées
de 6 cordes accordées par quartes et tierces), une basse de viole et
un violone ou contre-bssse de viole. Cela s'appelait le petit chœur.
Le grand chœur, qui se réunissait au petit pour les chœurs et pour
210
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
la danse, était composé de quatre violons pour la partie des dessus,
quatre gainions (violes à 5 cordes) pour les secondes parties, quatre
quintes de viole, quatre tailles de viole, quatre basses de viole, deux
violoncelles, deux violone. une contre-basse de violon, quatre pre-
miers hautbois, deux seconds hautbois et quatre bassons. Les haut-
bois jouaient à l'unisson des violons et des quintons , les bassons à
l'unisson des basses. On ne trouve dans les registres de l'Opéra ni
cors, ni cornets, ni trompettes. Quand il y avait des fanfares de
trompettes dans quelque scène d'un opéra, on les prenait dans l'écu-
rie de la maison du roi. Il n'y avait donc pas alors d'instrumenta-
tion proprement dite, mais seulement des instruments réunis aux
voix, sauf dans les ritournelles et dans les airs de danse.
Dans un système semblable, la sonorité n'est employée ni pour le
but de la variété, ni pour celui du coloris des idées dramatiques, ni,
enfin, pour celui de l'expression. On n'y trouve que l'opposition sys-
tématique des effets de piano et de forte. Faible sonorité pour les
airs et le récitatif; sonorité plus puissante pour les chœurs et pour
la danse. Par une conséquence de la situation de l'art à la même
époque, les nuances du jorte et du piano n'étaient pas employées
comme éléments d'accentuation, mais comme une simple formule.
C'est ainsi que jusques vers 1775, on voit dans la plupart des par-
titions les mêmes phrases marquées pour être dites une fois piano,
puis une fois forte, ou le contraire. On se tromperait toutefois si l'on
concluait, de ce qui précède, que l'art était alors dans un état d'in-
fériorité en comparaison de son état actuel; car les belles œuvres
d'un temps, comme celles d'un autre, sont produites par le génie
qui ne progresse pas, mais qui, suivant les temps et les circons-
tances, invente dans un ordre d'idées ou dans un autre. Nous avons
aujourd'hui les ressources de la variété et le coloris de la sonorité,
mais nous n'avons plus ni la naïveté de pensées des anciens maîtres,
ni la grandeur souveraine de Haendel. Tous nos effets de puissance
sonore s'anéantissent en présence de l'effet de quelques chœurs de
ce grand homme, lesquels sont accompagnés simplement par le qua-
tuor d'instruments à cordes auquel se réunissent les hautbois, comme
dans le système de l'orchestre de l'opéra dont je viens de parler.
Cette grandeur colossale, attribut de Haendel, vient uniquement de
la pensée et du sentiment; elle requiert la simplicité des moyens
dont il s'est servi et repousse les nuances de variété sonore, dont le
principe est la sensibilité organique. C'est pour cela que Mozart, le
plus complet des musiciens, reconnaissait, dans ses dernières années,
qu'il s'était trompé en donnant une instrumentation nouvelle à plu-
sieurs oratorios de Haendel : Je n'ai réussi, disait-il, qu'à colorer
quelques airs, et j'ai gâté le reste.
Successivement introduits dans l'instrumentation vers le milieu du
xviii6 siècle, pour la réalisation d'effets particuliers, les hautbois,
réduits au rôle de solo, les flûtes, les clarinettes, les cors de chasse
et les bassons, n'y interviennent d'abord qu'avec beaucoup de dis-
crétion. Leur usage trouve de l'opposition chez quelques peuples
dont les penchants étaient alors exclusivement mélodiques, tels que
les Italiens et les Français. Il est assez curieux de lire certaines dé-
clamations de cette époque, où l'on ne cesse de répéter que l'or-
chestre n'est tolérable qu'à la condition d'accompagner les voix sans
les étouffer. On ne peut s'empêcher de rire aujourd'hui en voyant
les partitions auxquelles s'adressait le reproche d'exagérer les effets
de sonorité.
Cependant le domaine de la musique instrumentale venait de s'a-
grandir; le génie de Haydn avait créé la symphonie véritable, où
les instruments à vent remplissent un rôle important par la diversité
de leurs timbres appropriée au caractère des phrases. Après lui
vint Mozart, à qui il fut donné de créer l'art nouveau, l'art complet
de la musique moderne. Nul, avant lui, n'avait aussi bien compris, ou
plutôt senti (car tout est sentiment chez cet homme extraordinaire),
nul, dis-je, n'avait aussi bien saisi les rapports de la spécialité des
sonorités avec la nature des idées, et n'en avait su tirer les accents
d'expression découverts par son génie. Tout ce qui a été fait après
lui, sous ce rapport, vient de lui.
L'art d'instrumenter la musique, dont Mozart avait laissé le mo-
dèle dans les partitions des Noces de Figaro, de Don Juan, de la
Flûte enchantée et de ses symphonies, était encore tel qu'il l'avait fait,
Iorsqu'eh 1827, me préoccupant d'idées générales sur la sonorité en
musique, comme je le faisais depuis longtemps à l'égard des lois de
la tonalité, de l'harmonie et du rhythme, je publiai dans la Revue
musicale (avril 1827, n° 11), sous le titre : Des révolutions de l'or-
chestre, l'aperçu de ce qui restait à faire pour être en possession
d'un système complet des effets possibles de la sonorité des voix et
des instruments. Après un résumé historique de la création et des
transformations de l'art d'instrumenter, je disais (p. 277) :
« La variété, comme on sait, est ce qu'on désire le plus dans les
arts, et ce qui est le plus rare. Le moyen d'obtenir le meilleur effet
de l'orchestre, serait donc d'établir cette variété dans l'instrumenta-
tion, au lieu d'adopter un système qui se représente à chaque mor-
ceau, comme on l'a fait depuis l'invention du drame musical... Les
formes de l'instrumentation ont toujours été les mêmes dans chacun
des systèmes qui se sont succédé. De nos jours, il est rare de trou-
ver un air, un duo, une romance même, qui n'aient pour accompa-
gnement deux parties de violon, alto, violoncelle, contre-basse, flûtes,
hautbois, clarinettes, bassons, cors, trompettes, timbales, etc. En
cela comme en toute chose, toujours la formule, l'inévitable formule.
Quelle source de monotonie qu'une semblable obstination à reproduire
toujours les mêmes sons, les mêmes accents, les mêmes associations !
Pourquoi, avec des moyens bien plus développés, n'imiterait-on pas
l'idée si heureuse de Monteverde, de donner à chaque morceau une
physionomie particulière, par la différence de sonorité des instruments?
On aurait des airs, des duos, des romances, des quatuors même,
accompagnés seulement par des instruments à cordes d'espèces
différentes, ou même d'une seule, telle que des violoncelles ou des
violons et altos, ou enfin de doubles quatuors dont un serait à sons
soutenus et l'autre à sons pinces. On pourrait également employer
des flûtes ou des clarinettes seules, des hautbois avec des cors an-
glais ou des bassons. Mais pour user de ces moyens, il faudrait com-
pléter certains systèmes d'instruments....
» On pourrait user de la variété d'effets que je propose, non-seu-
lement dans des morceaux différents, mais dans le cours d'une même
scène. La réunion de toutes les ressources aurait lieu dans les situa-
tions fortes,, dans les finales, etc. ; on en tirerait d'autant plus d'effet
que cette réunion serait plus rare.
» Tout cela, dira-t-on, n'est pas le génie! Je le sais bien, et cela
est heureux ; car s'il y avait des procédés pour faire de bonne mu-
sique, ce ne serait plus un art. Mais pourquoi ne pas offrir à ce génie,
sans lequel on ne peut rien, toutes les ressources que l'expérience
et la raison font trouver ? Pourquoi borner son domaine ? Réduisez
Mozart et Rossini au quatuor de Pergolèse : ils trouveront de beaux
chants, une harmonie élégante et suave, mais ils ne pourront pro-
duire les effets si énergiques que vous admirez dans leurs composi-
tions. Comment supposer l'existence de la dernière scène de Don Juan
ou du finale de il/o'ise avec des violons, des altos et des basses ?N'en
doutons pas, ces beaux effets sont le résultat d'un grand orchestre et
du génie qui a su le mettre en œuvre. Les grands maîtres des an-
ciennes écoles ont aussi inventé des effets d'un autre genre avec des
moyens bien plus simples : c'est pourquoi je demande qu'on ne re-
nonce point à ces moyens. Je désire qu'on use de tout : le reste est
l'affaire du talent. »
Le jour où parut cet article, Meyerbeer, alors à Paris, m'écrivit
ce billet :
DE PARIS.
211
« Cher Maître,
» Je suis encore sous l'empire de l'émotion causée par la lecture
que j'ai faite ce matin, dans la Revue musicale, de votre.... article
sur les révolutions de l'orchestre. Votre idée ouvre un monde nou-
veau d'effets aux compositeurs. J'en entrevois toute la portée, et
j''espère bien ne pas la perdre de vue désormais et en faire mon
profit. Continuez, cher maître, continuez de nous etc. »
L'illustre artiste qui m'écrivait alors ces lignes n'a point oublié, en
effet, l'impression que lui avait faite l'idée jetée par moi sommaire-
ment sur un sujet si neuf. Pour moi, il est devenu évident, depuis
la mise en scène de Robert le Diable, que son auteur s'est inces-
samment préoccupé de la variété des effets de la sonorité dans
l'instrumentation de ses grands ouvrages. Celui que je viens de
citer, les Huguenots, le Prophète, Struensée, l'Étoile du Nord, le
Pardon de Ploërmel, et ses grandes Marches aux flambeaux,
écrites pour la cour de Prusse, abondent en richesses de ce genre.
L'analyse des moyens employés par son génie pour la réalisation
des effets qu'il se proposait de produire fournirait la matière d'une
curieuse et instructive étude. Avec Meyerbeer s'est opérée une
transformation de l'art au point de vue de la sonorité ; transforma-
tion dans laquelle l'instrumentation créée par Mozart n'est plus qu'un
des éléments d'un système plus complet. Avec Robert le Diable
surgit une école nouvelle où l'inventeur est suivi par Halévy, Félicien
David, Verdi et Gounod ; école où l'exagération de la puissance sonore
s'est quelquefois fait remarquer, mais dans laquelle cet excès n'est
qu'un accident, et qui a surtout pour principe la variété de l'accen-
tuation et du coloris dramatique.
Je disais, dans l'article du 11 avril 1827, que pour la réalisation
absolue de mes idées concernant l'emploi des instruments de toute
espèce par familles, il était nécessaire de compléter certains systèmes
de sonorités. J'étais loin de prévoir alors que non-seulement ces
systèmes seraient bientôt complétés, mais que des instruments bornés
à un petit nombre de sons acquéreraient une échelle chromatique
complète, et que de nouvelles familles de timbres auparavant incon-
nus seraient créées par un homme qui n'était pas encore sorti de
l'enfance et dont le nom n'avait jamais frappé mon oreille. Cepen-
dant, dans l'espace de trente-sept ans écoulés depuis lors, il s'est
fait une régénération prodigieuse de tous les genres de sonorités ,
dans la catégorie des instruments à vent. Quelques-uns, perfection-
nés dans la justesse de leur échelle et dans leur doigté, sont entrés
d'une manière plus large et plus satisfaisante dans le domaine de
l'art : par l'ingénieuse invention des pistons et des cylindres, les
cors et les trompettes ont acquis, au lieu de quelques notes harmo-
niques, une échelle chromatique dont ils étaient dépourvus, une
octave tout entière de sons graves qui donne une basse à leur sys-
tème et des sons homogènes dans toute leur étendue. Le cornet,
dont la véritable destination n'a pas été comprise jusqu'à ce moment,
et dont on a fait malheureusement une vulgarité de guinguette et de
cabaret, a pourvu d'un soprano la famille des cors, bornée aupara-
vant à l'alto, au ténor et à la basse. Le génie de Sax, après avoir
donné aux clarinettes la basse et la contre-basse qui leur manquait,
est entré par intuition dans mon idée primitive de chaque timbre par
famille complète, l'a élargie et, l'appliquant à des créations de sono-
rités dont je n'avais pas prévu l'existence possible, a doté la
musique d'une variété de voix de laquelle sortiront des effets non
encore prévus. Du bugle britannique, à la sonorité grossière et sau-
vage, il a fait, en le perfectionnant dans ses proportions, une famille
nombreuse qui comprend deux voix aiguë et suraiguë ; le soprano,
dans ses conditions ordinaires, le contralto, le ténor, le baryton, la
basse et des contre-basses de deux diapasons. L'homogénéité de
timbre (sui generis) et l'unité de doigté sont les conquêtes de Sax
dans la création de cette famille à laquelle il a donné le nom de
saxhorn. Par une modiûcation des proportions des tubes de cette
famille, il a fait celle des saxotromba dont le timbre, moins rond
que celui des saxhorn et moins strident que celui de la trompette,
fournit une nuance de demi-caractère dont il y a des effets à tirer.
Ces deux familles donnent d'excellentes basses pour la musique
d'harmonie.
Par les recherches de Sax, la famille des trombones, qui se rat-
tache à celle des trompettes, étant armée de ses six cylindres, n'a pas
seulement acquis la faculté de chanter avec douceur, sans rien per-
dre de son énergie lorsque celle-ci est nécessaire, mais est aujour-
d'hui pourvue d'une rapidité d'articulation égale à celle de la flûte.
Pour compléter, enfin, la série de tant de timbres distincts par lé
plus sympathique de tous, Sax a créé la famille complète des saxo-
phones, qui, seule, peut former un orchestre aussi remarquable par
sa puissance que séduisant par son charme.
On voit donc qu'à l'exception de la flûte, à laquelle on ne pour-
rait rendre le contralto, le ténor et la basse qu'en revenant pour ces
voix à la forme de la flûte à bec du moyen âge, tous les instruments
présentent aujourd'hui des familles complètes, non plus pour en faire
des catégories d'instruments d'orchestre, de musique d'infanterie ou
de cavalerie, mais pour faire entrer toutes ces voix dans la grande
et noble musique, pour y chercher des nuances, et pour en faire la
palette du compositeur. Ne bouchez pas vos oreilles ; soyez convain-
cus au contraire qu'il ne s'agit pas d'augmenter le bruit, ce qu'à
Dieu ne plaise, mais bien de trouver d'heureuses oppositions dans
cette immense variété de timbres, d'ouvrir des voies nouvelles à
l'expression, par des accents inconnus, enfin, de rendre l'art inépui-
sable dans le domaine de la sonorité, comme il l'est dans celui du
sentiment de la pensée.
Dans un second et dernier article, je dirai quelles sont mes idées
pour la réalisation de ces aperçus.
FÉTIS père.
[La suite prochainement.)
MME SCHROEDER-DEVRI ENT,
Par M. de Wolzogen (1).
III.
Ce n'est pas toujours à l'artiste qui le premier a joué un rôle
qu'appartient l'honneur de l'avoir créé; nous en avons par devers
nous plusieurs exemples. Créer un rôle c'est lui donner sa physio-
nomie la plus vraie, son expression la plus haute; c'est en tirer
tout ce qu'il contient pour le succès de l'œuvre et la gloire de l'au-
teur. On n'a pas oublié ce que Duprez fit pour Guillaume Tell.
Wilhelmine Schroeder avait fait plus encore pour Fidelio, qui de-
puis longues années languissait sous une réprobation trop absolue
pour être juste. Le grand compositeur en avait écrit le principal rôle
pour Anna Milder-Hauptmann, cantatrice dont la voix était magnifi-
que, le jeu plein de noblesse, mais qui par sa froideur exagérait
encore les défauts tant reprochés à la musique. Représenté à Vienne
le 20 novembre 1805, repris le 29 mars 1806, Fidelio, qui du reste
arrivait dans des circonstances peu favorables, ne produisit qu'un
médiocre effet; il en fut tout autrement le 9 novembre 1822, jour
où il fut repris encore et donné pour la fête de l'impératrice.
Beethoven s'était montré peu satisfait en apprenant qu'une enfant
de dix-sept ans serait chargée du grand rôle de l'ouvrage ; mais pour
le rassurer on lui dit que Sophie Schroeder présiderait aux études
de sa fille, et les répétitions commencèrent. Beethoven avait mis
pour condition qu'il conduirait lui-même, et à la répétition générale
(1) Voir les n" 24 et 25.
212
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
il tenait le bâton. Wilhelmine ne le connaissait pas : elle vil avec
tristesse ce maître, dont l'oreille était désormais inaccessible à tous
les sons, gesticulant avec violence, les cheveux en désordre, les
traits renversés et lançant des regards farouches. S'il fallait jouer
piano, il disparaissait presque sous le pupitre; pour un forte, au
contraire, il se levait tout droit et poussait des cris étranges. L'or-
chestre et les chanteurs ne savaient où ils en étaient ; à la fin de
la répétition, force fut bien de déclarer au compositeur qu'il n'y
avait pas moyen de le laisser conduire. Le soir de la représentation,
il était assis derrière le chef d'orchestre, enveloppé dans son man-
teau, de telle sorte qu'on n'apercevait que l'éclair de ses yeux. Wil-
helmine en était effrayée, et cette vue lui causait une émotion ex-
trême. Mais à peine eût-elle dit les premiers mots qu'elle sentit
s'opérer une merveilleuse transformation. Beethoven et le public
disparurent tout d'un coup : ses préoccupations, ses craintes s'éva-
nouirent ; elle oublia le théâtre, le personnage, le rôle pour devenir
Léonore elle-même, pour vivre de sa vie, souffrir de ses douleurs.
Et plus l'illusion se prolongeait, plus elle se sentait en possession
d'une force jusqu'alors inconnue : plus elle tenait l'auditoire sous
le charme, et cela dura jusqu'à son entrée dans la prison; mais à
ce moment la force lui manqua : elle craignit de ne pouvoir attein-
dre au but de ses efforts, mais sa figure, son attitude n'en étaient
que mieux d'accord avec la situation. Léonore s'élance entre son
époux et le poignard du meurtrier, c'est l'instant redoutable! Les
instruments se taisent ; le courage du désespoir exalte Léonore qui
s'écrie : Frappe d'abord sa femme ! Le meurtrier recule, et Léonore
tire de son sein le pistolet qu'elle dirige sur Pizarro ; celui-ci recule
encore, et l'épouse intrépide, ne cesse de le menacer. Alors reten-
tissent les trompettes annonçant la fin de la crise et l'arrivée des
libérateurs. Wilhelmine était à bout de son énergie : ses mains cris-
pées ne pouvaient plus tenir l'arme qui s'en échappa ! Ses genoux
pliaient; chancelante elle porta ses mains à sa tête et laissa échap-
per ce fameux cri, si peu musical, que toute artiste jouant Fidelio
s'est crue, depuis, obligée de reproduire! Chez Wilhelmine, ce cri
n'était ni prémédité ni volontaire. Avec les autres, ce ne fut qu'une
tradition, une habitude à laquelle nulle ne voulut déroger, et voilà
comme les inspirations les plus heureuses se changent souvent en
vulgaires conventions.
Cette représentation de Fidelio fut un événement capital pour l'ar-
tiste et pour l'œuvre. Beethoven avait enûn trouvé sa Léonore : à la
vérité, il n'entendait pas le son de sa voix, mais il voyait rayonner
l'âme de son chant dans son jeu : l'actrice lui révélait la cantatrice.
Après le spectacle il s'approcha d'elle, ses sombres regards s'étaient
un peu éclaircis; il l'embrassa sur les joues , la remercia pour Fi-
delio, et lui promit d'écrire pour elle un autre opéra ; promesse qui
ne devait pas, hélas! être accomplie. Wilhelmine ne rencontra plus
Beethoven, mais le peu de mots qu'il lui avait dits resta comme le
plus cher de ses souvenirs dans le nombre -des compliments dont
elle fut accablée.
C'est à Wilhelmine que Fidelio dut son admission au répertoire de
l'Europe, et le rôle de Léonore fut toujours le meilleur de ses rôles,
celui qui, partout où elle le joua, en France, en Angleterre, comme
dans son pays, la plaça au-dessus de toutes ses rivales, sans en
excepter Mme Malibran, malgré son génie musical et drama-
tique. En Allemagne, la célèbre Nanette Schechner s'était aussi éle-
vée très-haut dans ce même rôle, mais on l'y admirait surtout
comme cantatrice et pour la rare beauté de sa puissante voix. Wil-
helmine Schroeder joignait à tous ses mérites un avantage que rien
ne peut donner : elle semblait avoir été créée et mise au monde tout
exprès pour jouer le rôle d'une femme qui se déguise en homme.
Impossible de porter mieux qu'elle le costume masculin , auquel la
nature et l'éducation l'avaient également prédisposée. Avec tous les
charmes de son sexe, elle possédait ce je ne sais quoi de noble et de
hardi, qui rend le doute possible, et sauve le ridicule du travestisse-
ment. Sous ses habits de jeune garçon Wilhelmine laissait eitrevoir,
sans trop l'accuser, une femme adorable.
Nous avons dit que Weber avait été très-content d'elle, lorsqu'elle
joua la première à Vienne le rôle d'Agathe, dans l'année même où
le Freischuts avait vu le jour à Berlin. M. de Wolzogen s'inscrit en
faux contre certains détails d'une prétendue visite de Weber à la
jeune artiste et à sa famille le lendemain de la représentation. Ce
qu'il y a de vrai , c'est que Weber fut invité à dîner par Sophie
Schroeder, et qu'il reçut de tous les convives les plus chaleureux
compliments sur son ouvrage : il n'est pas moins vrai qu'à compter
de ce jour Wilhelmine ne cessa d'admirer et d'honorer le grand
maître , bien que par la suite leurs relations aient souffert
quelques froissements , légers en apparence , et qui pourtant
laissèrent une impression trop durable pour ne les attribuer qu'à
des causes frivoles. Pourrait-on supposer que la cantatrice gardât
rancune au compositeur d'une scène ridicule qui s'était passée de
1823 à 1826, et dont, longtemps après, elle ne parlait pas sans don-
ner des signes de colère?
Il s'agissait d'une représentation de Fidelio a Dresde où ils étaient
engagés tous les deux. C'était Weber qui conduisait l'orchestre;
pendant le dernier finale un chat sortit de la coulisse précisément
à l'endroit le plus pathétique et lorsque sa présence devait contrarier
le plus la cantatrice. Weber, de sa place dans l'orchestre, fit tout
ce qu'il put pour chasser l'animal, mais il s'y prit si mal que ses
psch-psch continuels engagèrent le chat à s'avancer davantage, et que
le public, égayé par la manière dont il dressait les oreilles et pa-
raissait répondre à l'appel de Weber, ne se trouva plus dans les
conditions requises pour l'audition d'un chef-d'œuvre et l'ad-
miration de son auteur. Certainement, si l'artiste en voulait au chef
d'orchestre, elle n'accusait pas ses intentions et ne s'en prenait qu'à
sa maladresse. Notez que Weber était placé, non pas au milieu, mais
à l'extrémité de l'orchestre, suivant l'ancien système italien, et qu'il
ne dominait pas le théâtre de manière à y exercer facilement son
action.
Le petit événement dont le récit précède avait dû être fort dé-
sagréable à la jeune artiste. On le concevra quand on saura jusqu'à
quel degré elle portait ce qu'on pourrait appeler l'héroïsme du dé-
vouement dramatique. Rien ne lui coûtait pour remplir ce qu'elle
considérait comme son devoir, sa consigne, son mot d'ordre. On ra-
conte les peines qu'elle se donna pour corriger sa prononciation et
se défaire du grasseyement. Sa mère, qui avait un R admirable, lui
donnait des leçons de mécanisme, et Wilhelmine travaillait sans re-
lâche, même en se promenant ; on la voyait s'élancer tout à coup,
laissant derrière elle ceux qui l'accompagnaient, et revenir à eux,
lorsqu'elle se croyait sûre de son fait, en s'écriant : « Tenez, le voilà,
votre R : Rrrrr (1). »
A Dresde, où elle chantait pour la première fois le Raoul Barbe-
Bleue, de Sédaine et de Grétry, pour donner plus d'effet à la der-
nière scène où lé terrible Raoul entraîne Isaure pour la jeter dans le
fatal cabinet, elle était convenue que l'acteur qui jouait avec elle au-
rait l'air de la saisir par les cheveux, tandis qu'il ne saisirait qu'une
ceinture artistement cachée sous les flots de son abondante chevelure.
Mais, dans la chaleur de l'entraînement théâtral, l'acteur oublia ce
qu'il devait faire, et ce qui ne devait être qu'une imitation devint
une réalité. 11 saisit la pauvre Isaure et la traîna de telle sorte que
ses cheveux et son sang restèrent comme preuves de la torture qu'elle
avait subie sans sourciller. La scène eut un succès immense, mais on
ne fut pas tenté de la recommencer. Elle produisit toujours un effet
(1) En allemand : Da habt ihr euere Schnarre, Rrrrr. Mot à mot : Vous avez
votre crécelle.
DE PARIS.
213
d'enthousiasme. Mais on s'arrangea pour que les spectateurs n'y per-
dissent rien ni l'artiste non plus.
Paul SMITH.
{La mite prochainement.)
HÉQUET (Charles-Joseph-Gustave) (').
(Biographie universelle des musiciens. — Seconde édition .)
Littérateur et compositeur, né à Bordeaux le 22 août 1803,
M. Héquet fit ses études au collège de Troyes, puis alla suivre les
cours de l'Ecole de droit à Paris en 1821, et fut reçu avocat à la
Cour royale de cette ville en 1824; mais il ne plaida jamais. Doué
d'instinct pour la musique, il l'étudia d'abord à peu près seul
jusqu'au moment où Paer se chargea de lui enseigner la compo-
sition.
Ses premiers essais de musique datent de 1830 ; il écrivit alors un
grand nombre de morceaux de musique nouvelle pour des vaude-
villes dont la plupart étaient d'Ancelot, et parmi lesquels on re-
marque la Mendiante, le Favori, la Comtesse d'Egmont, etc. Quel-
ques-unes de ces légères productions ont obtenu un succès
populaire. M. Héquet écrivit, en 1834, pour le théâtre de Versailles,
un opéra en deux actes dont Carmouche, alors directeur de ce
théâtre, avait fait les paroles. C'était un vaudeville joué autrefois au
théâtre de la rue de Chartres et au théâtre des Nouveautés de Paris,
sous le titre : la Fiancée de la Clyde. L'ouvrage fut représenté en
1835, à Versailles, et les connaisseurs remarquèrent dans la
musique de la fantaisie et de la vérité dramatique. Une maladie de
foie, dont M. Héquet fut atteint vers le même temps, lui fit perdre
presque entièrement plusieurs années pour ses travaux. En 1844, la
Société des concerts du Conservatoire fit exécuter dans une de ses
séances le Roi Léar, grande scène lyrique de cet artiste pour voix
de basse, avec chœurs et orchestre, qui fut chantée par Barroilhet.
En dépit des préventions des habitués de ces concerts contre toute
musique dont les auteurs ont le tort de n'être pas encore enterrés^
l'ouvrage de M. Héquet fut si bien applaudi qu'il fut exécuté de nou-
veau dans un des concerts de l'année suivante, et chanté avec un
égal succès par Hermann Léon. En outre, M. Héquet avait écrit plu-
sieurs partitions : il ne put en faire entendre une seule. Je me
trompe, le Braconnier, charmant petit acte mélodieux, bien écrit et
bien instrumenté, fut joué au théâtre de l'Opéra-Comique, au mois
d'octobre 1847. Un bon quatuor, un duo, un air de femme, une ro-
mance de ténor et d'excellents couplets rhythmiques firent le succès
d'une pièce d'ailleurs assez médiocre. La carrière semblait enfin ou-
verte pour le compositeur ; mais bientôt arrivèrent les brutalités de
la révolution de 1848 qui la fermèrent de nouveau. Repoussé des
voies du musicien, M. Héquet dut rentrer dans celle du littérateur,
qu'il avait déjà suivie avec honneur, esprit et talent, et neuf années
s'écoulèrent avant qu'il put de nouveau aborder la scène comme
compositeur. Le 24 juin 1856, il fit jouer, au théâtre des Bouffes-
Parisiens, Marinette et Gros- René, opérette en un acte. Un caractère
bouffe plein de gaieté, une rare distinction dans les idées, enfin,
une harmonie élégante et pure, sont les qualités qui se font remar-
quer dans ce petit ouvrage. On a de M. Héquet des morceaux dé-
tachés, parmi lesquels se fait remarquer la ballade de Marie Tudor,
publiée en 1833.
(1) Notre collaborateur Gustave Héquet étant sur le point de faire représenter
à Bade, un nouvel opéra de sa composition, nous profitons de cette circonstance
pour reproduire la notice biographique que M. Fétis père lui a consacrée dans
la seconde édition de son excellent ouvrage.
Le début de M. Héquet dans la littérature fut sa collaboration avec
Ancelot dans une jolie comédie, Mme du Châtelet, jouée avec beau-
coup de succès en 1832. Attaché en 1833 au Courrier français, alors
dirigé par V. Lapelouze, il y a publié, pendant deux ans, des nou-
velles en feull etons. Des morceaux du même genre furent aussi don-
nés par lui au Journal du commerce et au Capitale. En 1841, il suc-
céda à Mainzer pour la critique musicale au National, et la continua
jusqu'à la "uppression de ce journal par le coup d'Etat du mois de
décembre 1851. Il y avait fait aussi de la critique littéraire, et de-
puis 1848 jusqu'à la fin de l'été de 1850, il avait pris une part très-
active à la politique de ce journal. L'éditeur de musique Troupenas
ayant fondé, en 1842, la Mélodie, journal hebdomadaire, ce fut M. Hé-
quet qui en fit la plus grande partie pendant toute son existence. Ce
fut lui aussi qu'on chargea de tout ce qui concernait la musique dans
l'Illustration, dès sa création, en 1843. Il y continua sa collabora-
tion jusqu'en 1847, où Bousquet lui succéda. Après la mort préma-
turée de cet artiste, M. Héquet reprit .sa position dans cette revue il-
lustrée. Au moment où cette notice est publiée, il y continue la cri-
tique mus'cale. La Revue et Gazette musicale de Paris compte aussi
cet artiste littérateur au nombre de ses collaborateurs. On a de M. Hé-
quet une Histoire de Mme de Maintenon (Paris, Hachette etCe, 1853),
bon livre dont la première édition a été rapidement épuisée, et dont
on prépare la seconde.
FÉTIS père.
LES PREMIERS CONCERTS PDRLICS Â VIENNE (').
A partir de 1772, pendant le carême et l'avent, on donnait des
académies musicales où se faisaient entendre des chanteurs italiens
et des virtuoses nationaux ou étrangers. Il n'y avait pas de salle
spécialement affectée à ces concerts, qui avaient lieu au théâtre. Pen-
dant les entr'acles ou lorsqu'il y avait relâche, on y jouait des sym-
phonies de Kohaut, Ordonnez, Martini, Haydn, Mozart, Dittersdorf,
Wranitzky, Weigl. On y joua aussi deux symphonies de Gluck. Les
airs et les chœurs qui faisaient partie du répertoire de ces concerts,
étaient, pour la plupart, de Salieri, Gluck, Wagenseil, Weigl, Haen-
del, Haydn, Sacchini, Hasse, etc. Parmi les artistes de chant — Ita-
liens pour la plupart — on cite : Mme Nicolini (Cesariui), le soprano
Muschietti, les époux Madini. Dans les académies du Burgtheater, on
entendit : en 1780, la célèbre Mara; en 1783, la Storace; en 1795,
Mme Blomer, une Anglaise. Les plus connus parmi les instrumentis-
tes étaient : les violoncellistes Reicha et Weigl (le père du compo-
siteur); Stadler, clarinettiste ; Triebensée et Lebrun, hautbois; les vio-
lonistes Paisible, Schlesinger, Franzel, Marchand ; enfin, les pianistes
Mozart, Mlle Thérèse Paradies, et en 1795, 1798 et 1800, Beethoven.
Une notabilité de cette époque était Benda, l'auteur des mono et
duo-drames Ariane à Naxos, etc. Au concert qu'il donna, le 14 mars
1779, au théâtre Kartner-Thor, il fit entendre des airs et des duos
de ses opéras Walder et Romeo et Juliette. Parmi les apparitions
bizarres, il faut signaler une Mme Schindler qui chantait des airs
et jouait de la flûte traversière ; 1783 : Roth, de Nuremberg, qui
tambourinait sur seize timbales à la fois; une « géante d'une taille ex-
traordinaire », cantatrice; enfin, une symphonie intitulée : Werther,
roman mis en musique par Pugnani, inspecteur de la musique du roi
de Sardaigne (1796). Joseph Weigl fit exécuter dans un concert une
cantate avec ce singulier titre : Les émotions de mon cœur, et la mu-
sique d'un ballet : Richard Cœur de lion.
Le créateur des concerts de virtuoses est Mozart. Il en donnait
régulièrement un, pendant le carême, à partir de l'année 1782 où il
(1) Quatrième volume de la Revue autrichienne.
214
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
s'était fixé à Vienne. Pins tard nous le voyons s'associer avec
Marlin pour une série de matinées dans l'Augarten. C'est depuis lors
seulement que la musique instrumentale commença à entrer dans le
domaine de la publicité ; jusque-là elle avait été restreinte aux
sociétés particulières. Parmi les virtuoses de cette époque le cheva-
lier Charles de Dittersdorf mérite une mention particulière; il jouis-
sait d'une grande réputation comme violoniste. Aujourd'hui il n'est
guère connu que comme auteur de quelques opéras -bouffes, et on
n'apprendra peut-être pas sans étonnement que le compositeur à
qui l'on doit le Médecin et l'Apothicaire a écrit quatre oratorios :
Job, Esther, David, Isaac, qui étaient en grande faveur. De plus,
en 1786, Dittersdorf fit exécuter à l'Augarten une œuvre bizarre :
les Métamorphoses d'Ovide, une série de douze symphonies caracté-
ristiques. Vers le même temps nous voyons figurer au répertoire de
la musique instrumentale plusieurs œuvres symphoniques de Gluck,
lesquelles sont aujourd'hui complètement oubliées.
Dans les dix premières années du xixe siècle, il n'y avait point de
concerts publics réguliers pour l'exécution de symphonies et autres
œuvres de musique d'orchestre, tels que trios, quatuors. Mais peu
à peu les grandes chapelles princières s'étaient dissoutes ; les mécè-
nes haut placés avaient disparu, la musique se mit sous la protec-
tion des classes moyennes. Dans la maison de M Joseph Hochenadel,
employé au ministère de la guerre, on se réunissait régulièrement
pour faire de la musique de chambre ; parfois on y exécutait même
des oratorios, des cantates, et d'anciens opéras avec accompagne-
ment de piano, depuis 1810-1824. Parmi les dilettanti qui s'y fai-
saient entendre on signale la cantatrice, depuis célèbre, Caroline
Ungher; le violoniste Georges Hellmesberger, le père, plus tard
premier violon à l'orchestre du théâtre de l'opéra de la cour; et le
conseiller aulique Kiesewetter, qui chantait, et en outre, arrangeait
des oratorios, etc., pour le piano. A certains jours de fête, une so-
ciété d'amateurs se réunissait chez Kiesewetter ; ces réunions ont été,
à Vienne, les premiers concerts historiques, et à la rigueur, elles
sont restées les derniers. Ils ont commencé, probablement, en 1817,
et ont été continués jusqu'en 1838. Un des principaux centres de
réunions musicales privées, de 1815-182(i, c'était la maison de l'avo-
cat Ignace de Sonnleithner; comme son père et son fils, c'était un
jurisconsulte et un musicien distingué. On y exécutait de la musique
de chambre, des airs, des chœurs, et des symphonies et ouvertures,
et même des oratorios et opéras entiers, arrangés en quatuors. C'est
dans ces réunions qu'on entendit pour la première fois les lieder et
compositions à quatre voix de François Schubert. Sonnleithner pu-
blia, à ses frais, le Roi des Aulnes, et ouvrit ainsi la carrière au cé-
lèbre compositeur,
Dans la maison de son père avaient également lieu des réunions, où
le vieux maître d'école et ses fils, avec le concours de quelques amis,
faisaient de la musique de chambre. Plus tard on se réunit chez un
négociant nommé Frischling, puis chez un violoniste, Hattwig; en
1818 on y jouait des symphonies de Haydn, Mozart, Romberg, et les
deux premières de Beethoven. C'est pour ces réunions, qui cessèrent
en 1820, que François Schubert écrivit la symphonie en si majeur,
celle en ut majeur, et l'ouverture dans le style italien. Ce fut Schup-
panzig qui le premier, à Vienne, organisa des séances régulières de
quatuors, par abonnement. Ses collègues étaient Linke, violoncelle ;
Sina (deuxième violon); Frainz Weilss (basse de viole). Le prix d'a-
bonnement pour huit soirées était de 10 florins. Jacob Boehm, qui
s'était fait entendre pour la première fois au Burg theater, dans les
entr'actes, ouvrait, le 20 novembre 1816, une série de six séances de
quatuors.
Le professeur, Ed. Hansleck.
NOUVELLES.
„*„ Lundi dernier, le théâtre impérial de l'Opéra a donné Guillaume
Tell. Dumestre, qui vient de tenir pendant plusieurs années l'emploi de
baryton à Marseille, y a reparu dans le rôle de Guillaume, et a été
revu avec plaisir; mercredi, le Trouvère et Diavolina; Vendredi, le Doc-
teur Magnus et Giselle.
»** Mardi aura lieu la répétition générale de Nemea ou l'Amour vengé,
et probablement mercredi la première représentation de ce ballet,
composé par Saint - Léon pour Mlle Mouravieff. Mlle Eugénie Fiocre
remplira le rôle de l'Amour. Mmes Rousseau, Villeroy, Stoïkoff et
Brach danseront un pas de quatre qu'on dit fort joli.
t*t C'est M. Castelmary qui a chanté à la dernière représentation des
Huguenots le rôle de Saint-Bris. Cazaux, dans la précédente, s'était, en
tombant, fortement contusionné le genou au troisième acte, et, par suite
de cette chute, il est forcé de garder le lit pendant quelque temps.
„*„ Le théâtre lyrique a fermé ses portes et l'Opér a-Comique a fait
de même. Les ouvriers ont déjà pris possession de cette dernière salle
pour y commencer les réparations ordonnées.
„% Mlle Marimon quitte l'Opéra-Comîque pour le grand théâtre de
Lyon, avec lequel elle vient de contracter un engagement pour la sai-
son prochaine.
*% Le théâtre de la Porte-Saint-Martin a inauguré vendredi et sa-
medi par le Barbier de Sévilk et Norma l'ère de liberté dont vont
jouir désormais les théâtres. La salle était remplie comme à ses plus
beaux jours, et l'on a chaleureusement applaudi Capoul, Baynal, Fal-
chieri et Mlle Balby. C'est un grand succès. Nous en rendrons compte
dans notre prochain numéro.
„,% La représentation donnée le 28 juin, au théâcre du Palais-Royal,
au bénéfice de Berthelier, avait attiré une foule considérable, quoique
les prix eussent été doublés. Elie ne s'est terminée qu'à 1 heure du
matin; Pradeau et Berthelier se retrouvaient dans cette création inimi-
table de leurs débuts à Paris, les Deux Aveugles ; ils y ont été admi-
rables de naturel, de verve et d'entrain, et ils ont dû répéter l'étour-
dissant boléro d'Offenbach aux acclamations de toute la salle. Berthelier
et Mlle Frazey, la plus jolie Listchen qui se puisse voir, n'ont pas été
moins applaudis dans Lischen et Fritzchen, et ils ont dû redire le char-
mant duo : Je suis Alsacienne. La soirée s'est terminée par des chanson-
nettes de l'excentrique Thérésa qui a été fort goûtée.
*% La première chambre du tribunal civil de la Seine, sous la prési-
dence de M. Benoist-Champy, a rendu son jugement dans le procès
pendant entre les directeurs des théâtres de Paris et la Société des
auteurs et compositeurs dramatiques, au sujet du droit à payer à
l'administration de l'assistance publique sur les billets d'auteur, et il a
été jugéquece droit devait être à la charge des directeurs. Ce jugement
vi nt de trancher une question d'une haute importance. Me Kicolet a
plaidé pour la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Les
directeurs étaient soutenus par Me" Lachaud, Desmarets et Caraby.
*** Au nombre des questions soulevées par la liberté des théâ-
tres, celle qui concerne le prix des places vient d'être résolue.
Les directeurs ont le droit d'augmenter ou de diminuer leurs prix, à
la condition de les faire figurer sur les affiches. Ils ne pourront les
modifier sans que le public soit prévenu en temps utile. Toute location
faite à l'avance devra l'être à un prix déterminé et invariable, le pu-
blic ne devant en aucun cas être victime d'une surprise ou d'un malen-
tendu.
*% Samedi dernier, l'Académie des beaux-arts a procédé à l'élection
d'un membre étranger, en remplacement de Meyerbeer. Trente-sept
membres étaient présents. La majorité absolue était de dix-neuf voix.
M. Verdi, compositeur, résidant à Gênes, a été élu par 23 voix ; M. Si-
monis, statuaire, a obtenu 7 voix; M. Navez, peintre, à voix; M. Gal-
lait, peintre, 2 voix, et M. Geefs, statuaire, 1 voix.
t*i Nous sommes heureux de pouvoir annoncer qne notre éminent
collaborateur, Georges Kastner, membre de l'Institut, s'occupe de réunir
les matériaux nécessaires pour écrire l'histoire complète de la vie et
des ouvrages de Meyerbeer. C'est un engagement que le savant écrivain
avait pris avec l'illustre maître, sur le désir exprimé par celui-ci. Nous
n'avons pas besoin de dire avec quelle conscience et quel talent cette
mission sera remplie. L'ouvrage entier se composera de deux ou trois
volumes in-8°.
*** Les concours à huis clos commencent à partir de ce jour au
Conservatoire de musique et de déclamation. Comme à l'ordinaire, ce
sont les concours d'harmonie, de contre-point et de fugue qui auront
lieu les premiers.
»%. Les vingt-cinq jours de travail accordés aux concurrents pour le
grand prix de composition musicale expirent mardi prochain, mais il
est possible qu'une prolongation leur soit accordée à cause de l'état de
santé de l'un d'eux.
t\ On a représenté le 28 juin, à Bordeaux, le nouveau ballet de
Costa, Olympia ; il avait attiré beaucoup de monde, et il a valu de cha-
DE PARIS.
215
leuïeux applaudissements à Mlle lioschetti ; mais le ballet même a
obtenu un médiocre succès.
»*, Le poétique hommage rendu à F. Halévy par Léon Halévy, son
frère, sous forme d'intermède, et exécuté à l'Opéra-Comique le 27 mai der-
nier, a paru en brochure, et les admirateurs du grand compositeur
pourront le joindre à ses œuvres, ainsi qu'aux notices publiées sur
sa vie.
**.,, A plusieurs reprises, divers journaux ont annoncé que Liszt avait
embrassé la vie monastique. Une lettre spirituelle écrite de Rome par
le célèbre pianiste-compositeur dément catégoriquement cette nouvelle.
**» L'empereur d'Autriche à décerné à M. de Weber, l'auteur du
livre récement publié, la Vie de Charles-Marie de Weber, et fils du cé-
lèbre compositeur, la grande médaille en or du mérite pour les arts et
les sciences.
„** J. Moschelès a été décoré par le roi de Saxe de l'ordre d'Al-
brecht.
„.** M. Charles Dancla avait convié la semaine dernière, dans les
salons Pleyel-Wolff de la rue de Richelieu, une réunion d'artistes et
d'amateurs pour leur faire entendre quelques morceaux nouveaux de
sa composition, et surtout son cinquième quatuor en la mineur pour
instruments à cordes qui renferme un andante et un finale très-remar-
quables. On n'a pas moins applaudi son trio en mi bémol pour piano,
violon et violoncelle, et dans les fragments du sixième quatuor qui a
clos la séance, un minuetto délicieux. M. Dancla, dont le mérite comme
violoniste est depuis longtemps apprécié, était secondé pour l'exécution
de ces morceaux par MM. Lenepveu, Altés, Lee et Mlle Sabatier-Blot.
C'est dire qu'elle a été irréprochable.
„,** Le Comité d'organisation du concours orphéonique de Seine-et-
Oise a imposé aux sociétés chorales qui doivent prendre part à cette
fête deux chœurs de Félix Godefroid : les Pirates et la Grenouille.
**„ C'est aujourd'hui qu'auront lieu, à Amiens, les concours de mu-
sique d'harmonie, de fanfares et d'orphéons, ouverts par cette ville. Voici
la composition des jurys : MM. Amb. Thomas, membre de l'Institut,
président ; Bazin, Dorus, Elwarl, Grosset, Jonas, Klosé, le Couppey,
Triébert, professeurs au Conservatoire de musique, Ermel, membre de
la commission de surveillance du chant ; Foulon, inspecteur de l'en-
seignement du chant; Blaquière, Gustave Chouquet, Laurent de Rillé,
A. Vialon, compositeurs; Brunot, première flûte à l'Opéra-Comique;
Sauvage-Trudin (de Boulogne); Gustave d'Hangest (d'Amiens) ; Bous-
quet, chef de musique du 4e cuirassiers, Schwartz et Dennery, chef et
sous-chef de musique du 10' de ligne ; Antoine Mohr, Paul Montmert et
Stoupe, professeurs de musique. La distribution solennelle des prix se
fera le soir, à 6 heures, sur la place de l'Hôtel-de-Ville.
*** Le Moniteur reproduisait dernièrement l'article ex-professo publié
par M. A. Méreaux dans le Nouvelliste de Rouen, au sujet des deux con-
certs que Pasdeloup est venu donner dans cette dernière ville, avec son
excellent orchestre du Cirque Napoléon. Les détails que donne M. Mé-
reaux sur le triomphe obtenu par M. Pasdeloup sont des plus intéres-
sants, et ce triomphe est de nature à encourager l'éminent et persévé-
rant chef d'orchestre à propager en France l'initiative qu'il a si heu-
reusement prise à Paris. Deux mille personnes assistant à chacun de ces
concerts — dont les programmes étaient d'ailleurs parfaitement choi-
sis — c'est un fait inouï dans la capitale de la Normandie, qui ne passe
pas précisément pour aimer les concerts, et M. Pasdeloup peut regar-
der l'épreuve comme décisive.
„*.,, Les délibérations qui ont eu lieu le 19 juin dans la maison dite
Feldberg-haus, sont importantes pour les pays que traverse le Taunus ,
chaîne de montagnes qui part de Hombourg et dont les vallées pittores-
ques produisent les célèbres vins du lîhin. Tous les ans, le premier
dimanche de juillet, il y aura sur le Feldberg, l'une des sommités de
la chaîne, un festival de chant avec exercice gymnastique. De tous les
points de l'Allemagne, même les plus éloignés, on envoie des prix pour
les vainqueurs.
**„, Les personnes qui ont reçu des cartes d'invitation pour les audi-
tions du muis de juin chez M. Adolphe Sax, 50, rue Saint-Georges,
sont averties que ces auditions se continueront jusqu'au 15 juillet in-
clusivement.
*** Jeudi 23, comme nous l'avions annoncé, a eu lieu l'inauguration
des grandes orgues de Saint-Germain dss Prés, reconstruites par l'ha-
bile facteur, M. Stoltz. La so'ennité avait attiré beaucoup de monde et
elle a été des plus intéressantes. Chacun à leur tour, M. Bazille, orga-
niste de Sainte-Elisabeth ; M. Schmitt, ancien organiste de Saint-Sulpice,
et M. Chauvet, organiste de Saint-Jléry , dans des morceaux appropriés
à la circonstance et admirablement exécutés, ont fait valoir les beau-
tés du magnifique instrument auquel M. Stoltz vient d'attacher son
nom.
*% Toutes les personnes qui ont fréquenté l'été dernier les bains de
Fécamp, ont été unanimes pour louer l'habileté avec laquelle a été di-
rigé l'établissement par un artiste de mérite, M. E. N. Nous avons
sous les yeux le programme de toutes les séductions que M. E. N. se
propose d'offrir cette année aux visiteurs de Fécamp, et nous pouvons
assurer qu'elles enchérissent sur celles de l'année passée. Outre les
avantages incontestables du site qui les y attirera tout naturellement,
le directeur s'est souvenu qu'il était artiste avant tout, et il a fait une
large part à la musique. 11 y aura tous les jours concert avec orches-
tre ; deux fois par semaine représentation théâtrale; grands bals et
bals d'enfants, outre les fêtes exceptionnelles qui seront splendides.
./\ Félix Godefroid vient d'être engagé pour les trois grandes fêtes
musicales qui auront lieu prochainement à Wiesbaden, Troyes et Spa.
„% On annonce le retour à Paris de Mme Tarbé des Sablons, l'auteur
de /. Batavi, qui ont clôturé d'une façon si brillante la saison du théâ-
tre de la Pergola.
*% Alfred Jaell a passé quelques jours à Paris; il se rend à Hom-
bourg, Ems et Spa, où il est attendu pour remplir divers engagements,
après quoi il ira se reposer quelque temps à Trieste, sa ville natale.
*** M. Guidi, l'éditeur de Florence, a poursuivi toute cette saison,
avec une persévérance digne des plus grands éloges, l'exécution de la
musique de chambre qu'il a fondée sous le titre de Société des qua-
tuors de Florence, et dont le Boccherini est l'organe. Grâce à cette utile
entreprise et à la fondation du prix Basevi, obtenu cette année par
Anichini et Bottesini, l'art musical marche dans cette belle portion de
l'Italie à une véritable régénération.
*** Le concert des Champs-Elysées est toujours particulièrement
favorisé du public. Le bon ton et l'élégance de ces réunions, où se ren-
contrent, chaque soir, toutes les notabilités parisiennes, non moins que
le bon goût qui préside à la rédaction du programme, assurent , pour
toute la belle saison, au concert Besselièvre, un grand et légitime
succès.
ft% L'un des meilleurs élèves de de Bériot, Charles Wynnen, vient de
mourir à Marseille. Il était né à Tongres, province de Liège, et il n'était
âgé que de trente-sept ans. M. Winnen s'était fait entendre sur presque
tous les points principaux des deux mondes où l'entraînaient ses goûts
d'aventures et de voyages , qui n'avaient pas été refroidis par les
plus désagréables incidents, tels que le naufrage du Yictor-Jacquemont,
à bord duquel il se trouvait. C'est ainsi que M. Wynnen visita le Brésil,
où il reçut le titre de premier violon de l'empereur ; la Plata, le Chili,
le Pérou, Maurice, le Cap ; il accompagna même Livingstone dans une
de ses dangereuses explorations de l'Afrique centrale jusqu'au lac
Nyami.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
4% Londres. — Excepté le début de Mme Volpini, du théâtre de Sa
Majesté, dans le rôle de Marta, début fort brillant pour la jeune canta-
trice, rien de nouveau ne s'est passé sur nos scènes italiennes. Le Pro-
phète a fourni à Tamberlick et à Mme Nantier-Didiée uue nouvelle occa-
sion de se distinguer, et Mlles Patti, Lagrua et Battu se sont fait en-
tendre avec leur succès habituel dans les ouvrages du répertoire, parmi
lesquels Stradella, qui y a conquis désormais sa place, a été représenté
mardi dernier devant une salle comble. — On s'entretient beaucoup
dans le monde musical et financier delà mise en actions, — au capital de
deux millions cinq cent mille francs (100,000 liv. st.), divisé en 100,000
actions de 40 liv. chacune, — de la célèbre maison d'édition de mu-
sique connue sous la raison Cramer, Beale et Ce. Le propriétaire
actuel, M. Wood, s'oblige à rester attaché pendant trois années à cet
important établissement, l'un des plus anciens et des plus honorables
de l'Europe, et pendant ce laps de temps , il garantit aux action-
naires un dividende annuel de 10 0/0. En outre, toutes les personnes,
— et particulièrement les artistes, — qui ont eu des relations avec
M. Willert Beale, apprendront avec plaisir qu'il figure en tête de la
liste des gérants de la nouvelle société.
*** Cologne. — L'opéra italien s'affermit de plus eu plus dans la
faveur du public, qui, à chaque représentation, accourt en plus grand
nombre et applaudit souvent avec un véritable enthousiasme. Ce sont
le Trouvère et Lucia qui jusqu'ici ont obtenu le succès le plus complet. —
Au Thalia-Theater, la Part du Diable et les Diamants de la Couronne ont
été accueillis avec une faveur marquée. Prochainement Théodore For-
més doit ouvrir à ce théâtre une série de représentations; il chantera
ses principaux rôles : Masaniello, George Brown, Edgard, Lionel, etc.
„,% Berlin. — L'opérette d'Offenbach, Lischen et Fritzchen, vient d'être
donnée au théâtre Frédéric-Guillaume, et a obtenu le plus franc succès.
C'est Mme Crobecker qui remplit avec beaucoup de talent et de verve
le rôle de Fritzchen. — Le maître de chapelle Taubert vient d'être dé-
coré de l'ordre de l'Aigle rouge, troisième classe. — La troupe du
théâtre de la ville à Kœuigsberg a commencé à donner une série de
représentations au théâtre Victoria. Les deux premières se sont com-
posées de deux opéras de Flotow : l'Armurier et le Meunier de Méran,
et la troisième du Dieu et la Bayadé.re, d'Auber. Le succès des ouvrages
et des interprètes a été aussi grand que mérité.
Le Directeur : S. DUFOUR.
216
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Chez G. BRANDUS et S. DUFOUR, éditeurs, à Paris, 103, rue de Richelieu, au 1°
Opéra
en quatre actes
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9 bis. Le même, transposé
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11. Récit et chœur : 11 va venir
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* *
Facteur de la Maison militaire de V Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Auteur du système d'organisation et fournisseur breveté de la musique des Guides et des autres régiments
de la Garde impériale. — Inventeur des instruments à pavillon tournant, des instruments à six pistons in-
dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc.
Tom Ui iosiramenli portent le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de. la maison militaire de l'Empereur, '^fe
le numéro d'ordre de l'initrument et le poinçon ci-après :
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851, 1855
et 1862, relatifs aux Saxophones (BREVET DE 1S4G).
<r ....'. Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » {Exposit. 4851.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se jou? avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
Saxophone l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
alto MI" bémol. habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'inte"sité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance ; car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions ; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, est né d'bier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » {Exposit. 1865.)
« M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » {Exposit. y««2.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et tontes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, %00 fr.— Saxophone ténor, %%5 fr.— Saxophone alto, ««5 fr. — Saxophone baryton, «5© te.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de 6 pour 100 sur les prix.
Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Sax, consulter la notice qui se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
. — 1UPRIMERIE CEIÏTRAIE DE NAPOIEOV «
! BEHGERE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et n l'Étranger,
chez tous les Mnrchands de Musique, 1rs Libraire
et mu Bureaux des Messageries et dos Posles.
N° 28.
REVUE
10 Juillet 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r. par m
Départements, Belgique et Suisse..., 30 n id.
Étranger 34 » id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE
ICALE
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui ,
une mélodie, Villanella, paroles d'Emile Deschamps,
musique de J. Rosenhaïn , tirée «lu recueil : les
Echos tles Catngtagne», des mêmes auteurs.
SOMMAIRE. — Théâtre de la Porte-Saint-Martin: le Barbier de Séville et
Norma, par D. A. O. Saint-Yves. — Revue critique : Prière du ma-
tin, double chœur à huit parties, paroles de M. E. Deschamps, musique de G.
Meyerbeer; Marche funèbre, pour le piano, dédiée à la mémoire de Meyerbeer,
par Henri Litolff, par Maurice Bourges ; — Dépari et Retour, nouveau
chœur de concours, paroles de M. A. Vialon, musique de G. Kastner, par A.
lilnart. — Saison musicale de Bade. — Revue des théâtres, par D. A. D.
Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE DE U PORTE-SAÏNT-HÀRTIN.
Mie Barbier île Séville et JVorma.
L'inauguration de la liberté théâtrale a amené, dès le premier
jour, un résultat partiel qu'il nous importe de signaler. Ce n'est, à
tout prendre, qu'un essai, un jalon pour l'avenir ; mais il a une por-
tée qu'on ne peut méconnaître. Le théâtre de M. Marc Fournier, en
inscrivant sur son drapeau les noms illustres de Rossini et de Bel-
lini, semble vouloir indiquer la voie à suivre pour associer la musi-
que au mouvement de popularisation tenté par Pasdeloup pour la
musique symphonique. Et à voir l'énorme afïïuence qui s'est em-
pressée de répondre à l'appel du directeur de la Porte-Saint-Martin,
il n'est pas permis de douter que cette idée ne soit aussi féconde
que généreuse. C'est une affaire de temps pour qu'elle produise tous
ses fruits; mais le premier pas est fait, et le drame n'est plus seul
à captiver l'intérêt du public à bon marché ; l'opéra est admis au
partage.
Avec les immenses ressources dont ce théâtre dispose, avec les
traditions de luxe et de goût qui ont fait le renom de la direction
actuelle, il eût sans doute été à souhaiter que le 1er juillet vît éclore
une de ces œuvres grandioses qui portent coup, non moins par le
choix du musicien et du librettiste que par la richesse et l'éclat de
la mise en scène. Mais il faut bien tenir compte des difficultés
qu'entraîne une si complète innovation dans un théâtre peu préparé
aux merveilles lyriques, et qui n'a eu que quelques mois pour créer
une troupe, lorsque les théâtres spéciaux emploient des années à
trouver un ténor ou une première chanteuse. Il ne faut pas oublier
non plus que M. Marc Fournier a des traités avec ses dramaturges
pour la saison prochaine, et que, par conséquent, i! n'a que peu de
jours à consacrer à cette nouvelle acclimatation de Topera au bou-
levard. Ne lui demandons pas plus qu'il n'a pu faire, et sachons-lui
gré de ce qu'il a fait.
C'est le Barbier de Séville, avec la traduction et l'arrangement de
Castil-Blaze, ainsi qu'il a été joué jadis à l'Odéon, qui a ouvert la
marche. On sait que dans cet ouvrage, la prose étincelante de Beau-
marchais n'est pas complètement effacée par les délicieuses mélodies
de Rossini ; ce n'est pas, comme aux Italiens, un opéra avec récitatifs;
l'auteur prend parfois la parole, tout comme le compositeur, ainsi
que cela se pratique à l'Opéra - Comique, et cette succession de
scènes éminemment spirituelles et de morceaux toujours jeunes, tou-
jours ravissants, constitue un double plaisir pour l'auditoire. Aussi
l'effet a-t-il été complet, sous le rapport de l'intelligence du public,
qui n'a laissé échapper aucune occasion d'applaudir, selon leurs
mérites, l'opéra et la comédie.
A leur tour, les interprètes ont eu leur part de bravos, dans les
mêmes conditions. Capoul, prêté par l'Opéra-Comique, était chargé
du rôle d'Almaviva, qui lui a valu une véritable ovation. La voix
pure et sympathique de ce jeune ténor a conquis tous les suffrages,
et rien n'aurait manqué à son triomphe si la tenue du comédien eût
été en parfaite harmonie avec les accents suaves du chanteur.
On a trouvé généralement que Mlle Balbi, depuis deux ans qu'elle
a quitté Paris pour la province, avait fait de sérieux et réels progrès.
La force ne lui est pas venue ; mais elle a acquis un charme, un goût,
une agilité de vocalises qui pourraient se passer, pour être mis en
relief, de certaines imitations de la Patti. Elle a d'ailleurs fort bien
dit l'air de la Sonnambula, intercalé dans la scène de la leçon de
chant.
Raynal, qui s'est fait connaître au théâtre Lyrique, a accepté un
218
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
bien lourd fardeau en se chargeant du rôle de Figaro. S'il suffisait, en
semblable occurence, d'avoir du zèle, il y serait sans reproche.
Falchisri est un Bartholo trop triste, et Guillot est bien placé dans
le rôle de Basile, à cela près de quelques tics nerveux qui exagèrent
le jeu de sa physionomie.
Pour parler en toute franchise, nous devons dire que la représen-
tation de TSorma n'a pas été aussi satisfaisante que celle du Barbier.
Un sujet sérieux et peu connu, quoiqu'il soit emprunté à une tragé-
die française d'Alexandre Soumet, l'absence du dialogue qui ne cor-
rige pas cette obscurité, et par-dessus tout, l'insuffisance de l'inter-
prétation, en voilà plus qu'il n'en faut pour expliquer la tiédeur du
public en présence des beautés devenues classiques de ce chef-
d'œuvre de Bellini. Il y a un mois à peine, le théâtre Lyrique essayait
de s'approprier la traduction du même opéra, et n'était pas beaucoup
plus heureux que la Porte-Saint-Marlin.
Rendons toutefois justice à Mme Ecarlat-Geismar qui possède de
brillantes qualités comme tragédienne, et qui, comme cantatrice, a du
style et de la couleur. Mme Ismaël a droit aussi à nos éloges pour
la manière dont elle a chanté le rôle d'Adalgise ; sa voix est bonne
et bien timbrée; elle a de l'âme et de l'énergie.
Mais le ténor Picot, mais la basse Guillot ! Le mieux est de n'en rien
dire et de les ajourner à quelque opéra qui leur soit plus favorable.
Espérons que l'orchestre nous fournira en même temps un prétexte
pour chanter ses louanges.
D. A. D. SAINT-YVES.
REVDE CRITIQUE.
Prière du matin, double chœur à huit parties, paroles de
M. Emile Deschamps, musique de G. Meyerbeer.
Marcïte funèbre, pour le piano, dédiée à la mémoire de
Meyerbeer, par Henry Litolff.
Pour un ouvrage de circonstance, survivre à l'occasion qui l'a fait
naître, n'est-ce pas la preuve la moins douteuse d'une valeur incon-
testable, d'un mérite supérieur? Les grandes intelligences, amantes
passionnées de leur art, ont seules le rare courage d'apporter à la tra-
duction de toutes leurs pensées, si éphémère qu'en soit la destination,
si limité qu'en soit le cadre, un soin studieux toujours égal, une cons-
cience toujours vigilante, gardienne jalouse des intérêts cie leur re-
nommée. Ainsi sont demeurées debout, longtemps après l'événement
passager qui leur servit de prétexte, quelques compositions d'élite,
où l'artiste ne voulut pas se montrer inférieur à lui-même, ne fût-ce
qu'un seul jour. On peut citer entre autres la belle ouverture de We-
ber Jubelgesang, les meilleurs fragments des Ruines d'Athènes de Bee-
thoven, et surtout ces admirables Marches aux flambeaux de Meyerbeer,
que la postérité applaudira encore alors que le cérémonial suranné de
la cour de Berlin ne sera plus qu'un souvenir d'antiquaire.
L'illustre maître semblait prendre plaisir à composer pour des solen-
nités qui pourtant ne devaient pas se renouveler ; ainsi fit-il la Mar-
che du couronnement, les Génies au tombeau de Beethoven, la cantate pour
l'anniversaire de Schiller. Ce qu il cherchait avant tout, c'était l'origi-
nalité et l'attrait du sujet. L'inspiration le saisissait alors ; il écrivait.
11 a écrit de la sorte beaucoup de morceaux de circonstance, mais
toujours avec cette distinction de pensées, ce fini de style qui immor-
talisent ses œuvres à vastes proportions. Un de ceux qu'on peut dire
le mieux réussis, c'est un chœur double, à huit voix, chanté à l'occa-
sion d'une cérémonie nuptiale, qui fit en son temps quelque bruit.
Mais qu'ils sont rares les mariés assez épris de musique pour en vou-
loir de vraiment belle à leurs noces, et pour se passer la fantaisie
princière d'une phalange de choristes ! Cette exquise composition cou-
rait donc grand risque de rester à peu près sans emploi. Meyerbeer le
pressentit tout le premier ; et le premier il eut l'idée de faire adapter
à ce chœur vocal des strophes poétiques, d'un sens moins exception-
nel, d'une application plus étendue et plus haute.
Un charmant poëte, dont le grand musicien s'est mainte fois associé
le talent ingénieux et flexible, M. Emile Deschamps, consentit à se
charger de cette tâche délicate. Personne ne connaît plus à fond que
M. Desshamps l'art de donner une allure dégagée, svelte, élégante aux
vers qu'il découpe avec tant d'adresse sur une cantilène déjà écrite, en
dépit des entraves du mètre, du rhythme, de la prosodie. La Prière du
matin est un nouveau témoignage d'une dextérité de plume si peu
commune.
Ces trois strophes, d'un noble langage, reproduisent avec fidélité l'es-
prit profondément religieux, la suave onction de toutes les phrases mé-
lodiques. Nul doute que le compositeur, d'habitude si difficile à con-
tenter en pareille matière, n'ait trouvé sa pensée musicale pleinement
reflétée dans le sujet et le style de ce petit poëme. La sereine douceur,
le charme séraphique de ce chant majestueux, de ces amples harmo-
nies, s'y montrent dans leur véritable lumière, pour rayonner d'un
éclat plus transparent et plus pur. La grâce de la mélodie est ici rehaus-
sée par les artifices de la mise en œuvre.
Indiquons, en courant, le caractère solennel du choix des accords,
l'habile contraste des nuances, l'ingénieuse enharmonie qui promène
l'oreille du ton de ré bémol au ton de la bécarre majeur et vice versa,
l'heureuse alternative enfin du groupe vocal des femmes opposé â celui des
hommes dans la deuxième strophe , avant que toutes les voix ne se
confondent dans le pompeux ensemble de la troisième. La gradation
des moyens est curieusement ménagée ; l'effet n'en devient que plus
saisissant. Aussi ce cantique , à la fois grandiose et doux , écrit à huit
parties, sans accompagnement obligé, et conçu pour deux masses cho-
rales, est-il assurément appelé à tenir le premier rang dans le réper-
toire de toute société musicale qui a le sentiment du beau. Les concerts
du Conservatoire particulièrement, les concerts populaires du Cirque y
trouveront la certitude d'un nouveau succès, et le public une occasion
nouvelle de déplorer l'irréparable perte du génie fécond et puissant
qui posséda mieux que nul autre le secret de le toucher, de le passionner,
de l'enthousiasmer.
A cet immense tribut de regrets, un pianiste-compositeur éminent,
M. Henry Litolff, a voulu associer l'accent de son deuil personnel. La
Marche funèbre qu'il a dédiée à la mémoire de Meyerbeer est une sorte
de lamento , très-digne de cette glorieuse mémoire.
Les grands sujets sinistres, on le sait, sont loin d'effrayer M. Litolff.
Sa plume ne recule pas devant les teintes les plus sombres. Il rencontre
souvent des chants et des sonorités instrumentales, tristes comme les Nuits
d'Young. En cela son génie se rapproche du génie tragique anglais.
Jugez si les épouvantements de la mort, et d'une telle mort, devaient
être rendus dans toute leur austère solennité par un interprète aussi
pénétré, aussi éloquemment expressif! Rien de plus douloureux en
effet, de plus imprégné de larmes, rien qui respire plus amèrement la
morne désespérance d'une âme navrée, que la physionomie générale de
cette Marche funèbre.
Tout ce que le crayon de Barbizet s'est plu à mélanger dans le des-
sin du titre, urne cinéraire, mausolée, saule pleureur, couronne tumu-
laire, palme renversée, lyre aux cordes détendues, tous ces symboles
décourageants, de la tombe, qui nous répètent comme le trappiste,
« Frère, il faut mourir », — prennent, au souffle inspiré du musicien,
une voix lamentable. Naturellement cette composition lugubre est conçue
en do mineur comme toute marche qui connaît son devoir de marche
funèbre. Mais à la mélancolie de cette tonalité presque consacrée,
M. Litolff sait encore ajouter par des rhythmes et des associations d'ac-
cords d'un lugubre à troubler et remuer le cœur.
La persistance du mode mineur par exemple {do mineur pour le pre-
mier chant, sol mineur pour le second) suffirait à revêtir le morceau
tout entier d'une couleur sépulcrale. A peine le mode majeur apparaît-
il un instant, pâle et douloureux sourire, avec la troisième phrase en
mi bémol. Encore l'artiste y glisse-t-il à dessein des dissonances inci-
sives, tranchantes comme la faux de la mort; parfois aussi l'équivoque
d'une tonalité nuageuse, voilée comme le regard au travers des pleurs.
La mélodie du début, très-accusée dans la nuance fortissimo, contraste
vivement avec le chant plaintif et gémissant qui la suit, et sous lequel
un dessin de trois notes (si bémol, la, sol), obstinément murmuré à la
basse, vingt fois de suite peut-être, exprime l'abattement et la conster-
nation. Plus loin, un petit dessin sangloté de trois sol consécutifs porte
à l'âme une irrésistible impression de défaillance.
De ces observations réunies, le lecteur doit conclure que la Marche
funèbre, dédiée à la mémoire de Meyerbeer, est essentiellement dra-
matique. Quoique écrite tout simplement pour le piano, soit à deux,
soit à quatre mains, elle renferme de véritables effets d'orchestre. La
conception en est noble; la couleur forte et vraie; la forme claire et
précise; le style caractéristique et généralement inattaquable, malgré
quelques-unes de ces témérités que l'auteur paraît affectionner, mais
dont l'âpreté un peu trop crue fera toujours plus de tort à sa pensée
qu'elle ne lui ajoutera d'originalité réelle. Ceci réservé, nous n'hésitons
pas à considérer cette Marche funèbre comme une composition fort re-
marquable, qui doit certainement compter parmi les meilleures pages
tracées par la plume pittoresque de M. Litolff.
Maurice BOURGES.
DE PARIS.
219
Dcpnrt et Retour , nouveau chœur de concours , ■paroles de
A. Vialon, musique de G. Kastner, membre de V Institut.
11 appartenait à l'auteur des Chants de la vie plus qu'à tout autre
compositeur choral, de continuer son œuvre en enrichissant nos con-
cours d'orphéons de compositions nouvelles qui, par leur forme, leur
importance, fussent dignes de figurer dans ces luttes si pacifiquement
achevées.
Le chœur nouveau de G. Kastner est écrit à quatre voix d'hommes.
Il est divisé en deux parties bien distinctes, l'Hiver et le Printemps.
Les deux basses commencent en ut mineur par un bel et sombre unis-
son, qui dure seize mesures ; puis, les quatre voix se groupent en har-
monisant l'unisson du début. Un joli six-huit rompt la monotonie que
pourrait faire naître un quatre temps trop prolongé, et cette partie de
l'œuvre n'en est pas la moins pittoresque. Le Printemps s'annonce par
le ton frais d'ut majeur à quatre temps; et comme, de nos jours, toute
musique destinée au public se termine par une valse, G. Kastner, qui
a autant d'esprit que de science, a terminé son chœur par un mouve-
ment à trois temps. Le début de cette jolie coda est original. Vous
croyez peut-être que l'auteur entre en matière par la tonique d'ut tout
simplement? Détrompez-vous, candides harmonistes; c'est par l'accord
passionné de septième dominante, dont le troisième renversement frémit
à la basse, que l'auteur a commencé sa jolie valse. Sur ces paroles :
J'aime à l'entendre, G. Kastner a écrit une charmante phrase en sol ma-
jeur, qui inonde de lumière la masse chorale. Le motif principal appa-
raît encore pour se fondre dans une conclusion dont les derniers ac-
cords retardent la tonalité générale avec une indécision calculée du
plus heureux effet.
Ce chœur a été exécuté avec succès le 3 juillet 1864 au concours
d'Amiens, où il avait été imposé; et son effet a été si général, qu'on
peut affirmer qu'avant la saison prochaine, Départ et Retour fera partie
du répertoire de toutes les bonnes et fortes sociétés de la France et de
la Belgique.
A. ELWART.
SAISON MUSICALE DE BÂDE.
Bade, 7 juillet.
Le début de notre saison musicale s'est annoncé avec éclat par les
deux concerts de M. et Mme Léonard, avec le patronage et le concours
de Mme Viardot, et de M. et Mlle Heermann. — C'est la première fois que
M. et Mme Léonard viennent nous visiter; mais nous n'avons pas tardé
à reconnaître dans le célèbre violoniste l'émule de Vieuxtemps et l'un
des plus brillants représentants de l'école belge; quant à Mme Léonard,
nièce de lime Garcia et cousine par conséquent de Mme Viardot, il lui a
suffi de se montrer pour conquérir la faveur du public. Charmante et
gracieuse comme femme, elle est en même temps chanteuse de premier
ordre. Sa voix de soprano est mélodieuse et étendue; sa méthode est
celle des Garcia, à l'école desquels elle a été instruite. Quoique légère-
ment indisposée, elle a montré avec avantage toutes ses brillantes qua-
lités dans l'air de la Traviata, et surtout dans les variations concertantes
d'Adam avec accompagnement de flûte, qu'elle a dites avec une rare
perfection. Elle a ensuite enlevé l'auditoire en disant en duo avec
Mme Viardot los Officialitos et la Jota de los estudiantes, ces airs popu-
laires espagnols si pleins d'imprévu et de gaieté que les deux artistes
rendent avec toute la verve, l'entraîn et la couleur du pays. Mme
Viardot avait auparavant chanté avec ce talent dramatique qu'elle pos-
sède à un si haut degré, le Roi des Aunes, de Schubert, et un lied de
Schumann. Quant à Léonard il a joué trois morceaux de sa composition;
une fantaisie pastorale avec orchestre sur des motifs de Richard Cœur
de Lion; un duo pour violon seul, véritable tour de force, et enfin un
souvenir de Haydn avec quatuor d'instruments à cordes, et dans chacun
de ces morceaux nous avons pu apprécier et applaudir la correction
et la sûreté merveilleuse de son jeu, la pureté et l'admirable qualité
du son, l'ampleur ,et l'élégance de son coup d'archet, l'agilité des
traits et l'exquise suavité du chant ; en un mot toutes les qualités qui
font de Léonard un artiste accompli. Aussi les bravos et les acclama-
tions ont-ils, pendant toute la durée de ce concert, témoigné aux deux
artistes la satisfaction et l'enthousiasme de l'auditoire aristocratique
qui remplissait le salon Louis XIII.
Le second concert, qui a eu lieu hier, a été donné par M. et
Mlle Heermann, deux beaux talents. M. Heermann, quoique fort jeune
encore, joue supérieurement du violon. L'énergie ne lui manque pas. Il
tire un beau son de son instrument; il a beaucoup de goût et un fort
bon style. Il a merveilleusement chanté , c'est le mot, la belle ballade
et la polonaise de Vieuxtemps, et son succès n'a pas été moins grand
ici que celui qu'il obtint à Paris l'hiver passé. Sa sœur, MllelIeermanD,
est une toute gentille et gracieuse blonde de dix-sept ans. Assise
derrière sa belle harpe d'Erard, elle parait une ravissante miniature. Elle
a déjà beaucoup de talent, et elle ira loin si elle continue. Chose re-
marquable, elle ne fait pas de grimaces comme la plupart des harpistes.
Sa physionomie reste souriante, ce qui n'exclut pas le sentiment et la
grâce, voire même l'énergie, de son exécution. C'est ce dont le public
a pu se convaincre aisément en entendant la jeune virtuose exécuter
deux charmantes fantaisies sur des airs anglais de Thomas et d'Ober-
thiir. La grande pianiste, Mme Clara Schumann, nous a fait entendre
le beau quintelto de son mari, et il est à regretter que cette œuvre plus
que remarquable ne soit pas plus connue. Mme Viardot a dit deux lieder
allemands de sa composition, avec violon et violoncelle, accompagnés
par MM. Ilermann et Oudsborn, et deux autres de R. Schumann, dont
l'accompagnateur naturel était Mme Schumann. Vous comprenez la per-
fection qui a signalé l'exécution de deux talents pareils. La salle était
comble; l'élite de nos aristocratiques visiteurs s'y était donné rendez-
vous. On y remarquait, entre autres, le grand-duc et la grande-du-
chesse de Bade, le duc de liesse avec la duchesse. Le premier a donné,
après chaque morceau, le signal d'applaudissements enthousiastes.
Pour le 15, nous aurons la représentation du Déserteur et la première
de De par le roi, musique de G. Héquet. — La deuxième représentation
de cette nouveauté aura lieu le 18 avec Richard Cœur de JÀon. — l'ourle
22, on annonce les Papillotes d.e M. Benoit, les Noces de Jeannette, et la
première de la Fleur de lotus. — Pour le 25, les Sabots de la marquise, Maître
Wolfram et la deuxième do la Fleur de lotus.— Enfin, pour le 29, Zampa
et Volage et Jaloux, de Rosenhain. Vous voyez que notre menu lyrique
est aussi riche que varié.
M. S.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Reprise de la Comtesse d'Escar baguas, comédie,
et de Mélicerte, intermède, de Molière. — Variétés : Les Mémoires
d'une femme de chambre, comédie-vaudeville en deux actes, par
MM. Siraudin, Clairville et Blum ; les Pinceaux d'Héloïse, vaude-
ville en un acle, par MM. Adolphe Choler et Henri Rochefort. —
Palais-Royal : Les Femmes sérieuses, comédie-vaudeville en trois
actes, par MM. Siraudin, Delacour et Blum. — Ambigu : La Fille
du maudit, drame en cinq actes et sept tableaux, par M. Jules
Barbier.
La liberté des théâtres est un fait consommé ; depuis six mois, la
date du 1er juillet était fixée pour le début de cette ère nouvelle;
les entrepreneurs, les directeurs, les auteurs ont donc eu le temps
de s'y préparer, et cependant nous ne comptons pas aujourd'hui une
scène de plus que sous le régime des privilèges. Ce n'est pas préci-
sément un regret que nous formulons; c'est un fait qu'il est bon de
constater pour répondre aux craintes exagérées de quelques esprits
chagrins qui croyaient voir dans l'avènement de cette liberté le si-
gnal d'un cataclysme universel. Nous ne savons ce que l'avenir nous
réserve ; car nous n'ajoutons qu'une foi médiocre à tous les projets
qui sont dans l'air ; pour le moment, il n'y a rien de changé, et sauf
quelques variations de genres, nous restons dans le statu quo.
Par une anomalie assez étrange, et qui n'est peut-être qu'une épi-
gramme à l'adresse de ses confrères émancipés, le Théâtre-Français
va chercher dans les œuvres de Molière ce qu'il a produit de moins
saillant, à l'instant même où la Porte-Saint-Martin fait jouer YAvare
par Moutdidier, et où le théâtre Déjazet montre Tartufe et le Dépit
amoureux, de compte à demi avec les artistes de l'Odéon en vacan-
ces. Quoi qu'il en soit, nous ne comprenons guère l'utilité de cette
reprise de la Comtesse d'Escarbagnas, que la Comédie française
avait eu le bon goût de laisser dormir depuis un grand nombre d'an-
nées, et encore moins celle du fragment de Mélicerte, qu'elle a cru
devoir intercaler dans la pièce en question. 11 faut bien l'avouer, en
dépit du respect que l'on doit à Molière, la Comtesse d'Escarbagnas
est une froide caricature de la noblesse de province, que l'on ne
comprend plus aujourd'hui, et Mélicerte est une insipide pastorale
qui, de tout temps, a été considérée comme l'une des rares erreurs
de ce génie incomparable. Pour justifier un pareil caprice, les comédiens
du Théâtre-Français n'ont pas même l'excuse d'une interprétation
satisfaisante; il est vrai que là où il n'y a rien, ou du moins peu
de chose, le roi perd ses droits.
220
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
— Aux Variétés, on a joué les Mémoires d'une femme de chambre,
qui n'ont aucun rapport avec le livre dont la publication récente a causé
un moment de scandale bien vite étouffé. Le titre seul est identique,
mais le sujet est d'invention; c'est ce qu'on appelle, en termes de
coulisses, une pièce à côté. M. Dumoulin, bourgeois enrichi, veut
donner à sa femme le luxe d'une femme de chambre; par malheur
il met la main sur une demoiselle Martin, qui n'est autre chose qu'un
bas-bleu déguisé, et dont le but est de s'introduire dans une famille
bourgeoise, afin d'en étudier les habitudes et les mœurs. M. Du-
moulin, secrètement instruit des projets de Mlle Martin, et peu jaloux
de se voir imprimé tout vif dans le déshabillé de sa caste, prend
devant la femme de chambre des allures qui ne sont pas les siennes,
et finit par tomber dans de tels excès que Mlle Martin s'aperçoit
qu'elle a fait fausse route, et qu'il lui faut aller chercher ses études
chez un autre bourgeois, moins fantasque et moins excentrique.
Ce vaudeville est amusant ; mais comme bouffonnerie, il est bien
loin de valoir les Pinceaux d'Hélo'ise, dont la représentation a eu
lieu quelques jours après. Ici, il s'agit encore d'un bon bourgeois,
dont la femme, vouée en apparence aux calmes douceurs du pot-
au-feu, se livre mystérieusement à l'amour effréné de l'art. Quand
son mari est sorti, elle se transforme en peintre, et elle brosse un
tableau qui doit faire un jour révolution ; c'est le sujet de Joseph
chez Mme Puiiphar. Mais il lui faut un modèle, et sa servante
lui amène en cachette un ténor qui s'est trompé d'étage, et qui, se
croyant en bonne fortune, se laisse complaisamment affubler du cos-
tume de Joseph. Le véritable modèle arrive à son tour et se travestit
également en personnage biblique. Puis, le mari tombe au milieu de
ces échappés de Bicêlre, et le quiproquo prend alors des proportions
insensées. Bref, lorsqu'on a bien ri, la farce se termine par un em-
brassement général, et l'on rappelle Alphonsine et Dupuis, pour les
cribler d'applaudissements, tout comme à l'Opéra.
— Il y a une idée à la fois physiologique et morale au fond de la
comédie des Femmes sérieuses que le Palais-Royal a risquée der-
nièrement pour remplacer son éternelle Cagnotte; mais, bon Dieu!
comme cette idée s'est égarée en chemin, et quelles jambes il fau-
drait pour la rattrapera la course! Les femmes légères, parvenues
à un certain jalon de leur carrière joyeuse, enfourchent presque
toutes le même dada: devenir des femmes sérieuses, congédier les
amants, empaumer un vrai mari et acquérir une position quelconque,
en dehors de leur quart de monde; tel est leur rêve. Pour celles
qui, en petit nombre, atteignent la réalité, il en est d'autres, et c'est
la foule, qui n'ont pas le courage de persévérer dans la bonne voie ;
c'est pour celles-là qu'on a fait le proverbe : « chassez le naturel, il
revient au galop. » Mlle Henriette, par exemple, s'est engagée résolu-
ment à se convertir, comme son amie Mlle Charlotte ; en attendant
un mari, elle a pris déjà un professeur de français, une maîtresse de
maintien; elle s'est installée derrière un comptoir de marchande de
tabac, enfin elle a fait peau neuve. Mais au premier choc, l'é-
tincelle jaillit, et la femme légère reprend feu, à l'instar d'une bougie
mal éteinte. Mlle Henriette ferme sa boutique pour tailler un baccarat
avec ses anciennes compagnes ; puis les voilà qui se font toutes en-
semble comédiennes, et qui vont se promener au bois, trop heureuses
de trouver finalement un refuge dans une crémerie fondée par l'an-
cien domestique d'Henriette.
Cette comédie mal venue, et, ce qu'on ne voit guère au Palais-
Royal, jouée faiblement, n'a pas été accueillie avec beaucoup de fa-
veur. Sans être sorcier, on peut prédire qu'elle n'aura pas le quart
des représentations de la pièce à laquelle elle succède, et qui n'était
pourtant point un chef-d'œuvre.
— M. Jules Barbier est très-connu à l'Opéra-Comique, où il a été
longtemps le collaborateur à peu près exclusif de M. Michel Carré. Il
paraît que cette association est aujourd'hui rompue ; car, tandis que
M. Michel Carré continue à travailler pour les théâtres lyriques,
M. Jules Barbier fait des drames pour le boulevard et y trouve des
succès sans partage. La Fille du maudit, qu'il vient de faire repré-
senter à l'Ambigu, est une œuvre un peu longue peut-être, mais qui
dénote d'eKtimables et solides qualités. C'est à peu près la même si-
tuation que celle de Jean Valjean dans les Misérables, de Victor Hugo.
Un homme que la fatalité a mis au ban de la société a-t-il le droit
de goûter les joies de la famille et de confisquer à son profit la ten-
dresse d'une jeune fille qui n'est pas marquée, comme lui, du sceau
de la malédiction universelle ? Jean Valjean est un galérien ; plus à
plaindre encore que cet infortuné qui. après tout, a payé sa dette,
Wilson a été bourreau, et rien ne peut effacer la tache sanglante
qu'il porte au front. C'est lui qui, sous le nom d'Hewlet, a fait tom-
ber la tête du roi Charles Ier, ainsi que celle des principaux royalistes
condamnés par la politique de Cromwell. En vain a-t-il vécu depuis
dans l'isolement et s'esl-il consacré à l'éducation d'une jeune orphe-
line qu'il a recueillie au pied même de l'échafaud. Un jour arrive où
son passé vient mettre une barrière infranchissable entre lui et sa fille
d'adoption. Il apprend tout à coup qu'Anna doit l'existence au duc
Hamilton, un des grands seigneurs qu'il a frappés de sa hache, et
alors se reproduit le combat que Victor Hugo a si admirablement
tracé dans la dernière partie de son livre, entre le devoir de l'homme
et le cœur du père. De même que dans les Misérables, Wilson se ré-
signe à une séparation nécessaire, et ce jour-là même, il sort volon-
tairement de la vie.
Nous n'avons fait qu'indiquer la donnée principale du drame de
M. Jules Barbier. Les innombrables péripéties qui s'y succèdent nous
entraîneraient beaucoup trop loin. La Fille du maudit est une pièce
habilement charpentée, toute pleine d'un intérêt puissant, et, de plus,
littéraire. Elle est, en général, fort bien interprétée, et l'on y applau-
dit notamment une jeune débutante nommée Mlle Heyman, qui pos-
sède tout ce qu'il faut pour devenir une des étoiles du genre.
!). A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi les Vêpres Siciliennes,
mardi Guillaume Tell et vendredi Robert le Diable, pour le début de
Morère et la rentrée, après son congé, de Belval.
**„, On jeune chanteur, qui avait fait ses débuts à l'Opéra, en sortant
du Conservatoire, Morère, nous est revenu vendredi, après avoir ob-
tenu de grands succès, notamment à Marseille. C'est dans Robert le
Diable quil a reparu, et le choix de ce rôle prouve qu'il voulait
donner au public parisien une idée complète de ses progrès et de
son talent. En effet, Morère a' beaucoup gagné comme acteur et
comme chanteur : il s'est distingué dans plusieurs parties de la tâche
difficile et brillante qu'il avait entreprise; au troisième acte, il a mon-
tré beaucoup de chaleur et d'éclat dans le duo : Des chevaliers de ma
patrie. Une vive émotion, que l'on concevra sans peine, ne lui a pas
permis de rester toujours au même niveau. Mais cette première épreuve
en fait désirer prochainement une seconde, dans laquelle le succès du
nouveau ténor ne pourra qu'augmenter. — Belval, qui rentrait par le rôle
de Bertram, y a souvent mérité des bravos.
x** Demain première représentation de Nemea. Mlle Mouravieff et Me-
rante danseront les deux principaux rôles. — Mlle Parent étant en congé
sera remplacée dans le ballet par Mile Louise Fiocre. — Une très-jolie dan-
seuse du corps de ballet, Mlle Elise Volter, y débutera dans un pas char-
mant — A la répétition générale, qui a eu lieu hier soir, on a été émerveillé
de deux écots de Mlle Mouravieff, traduisant en pas d'une singulière
originalité et d'une difficulté inouïe, un solo de flûte et une chanson à
boire. — Une berceuse, ayant de l'analogie avec la Nia-Ma de Diavo-
lina, mais du plus délicieux effet, a été applaudie avec enthousiasme.
**„. Bonnehée, dont l'engagement vient d'expirer, quitte définitive-
ment l'Opéra où il a chanté onze ans avec un succès soutenu. Il est
parti pour sa ville natale; il s'y reposera quelque temps. Il se rendra
ensuite en Italie, son intention étant, comme nous l'avons dit, d'em-
brasser la carrière italienne.
*% Mme Zina-Merante, dont l'engagement à l'Opéra va finir, vient
d'en signer un pour la saison du carnaval et du carême au théâtre de
la Scala à Milan. Son mari profitera de son congé pour l'y conduire.
DE PARIS.
221
„*„ Mlle Camille de Maesen doit continuer ses débuts dans le Comte
Ory.
„% En mrme temps qu'on procède activement aux réparations de la
salle de l'Opéra Comique, la direction de ce théâtre s'occupe avec solli-
citude de sa saison prochaine. Si nous sommes bien informés, la réou-
verture se ferait par une reprise du Pré aux Clercs remonté avec éclat,
et dans lequel Achard chanterait le rôle de Mergy. — Les nouveautés
qui entreront successivement à l'étude seraient : D'abord la pièce de
Félicien David, Tout est bien qui finit bien, dont MM. de Leuven, Michel
Carré et lladot ont écrit les paroles ; ensuite, l'opéra de MM. Sardou
et Gevaert, le Capitaine Gaston, et enfin les Trésors de Pierrot, paroles
de Michel Carré et Trianon, musique de M. Eugène Gautier.
**t La Comédie française vient de reprendre avec un grand luxe de
décors, de costumes et de mise en scène, Esther, tragédie de Racine.
Nous n'avons point à faire l'historique de l'œuvre d'un de nos premiers
poètes tragiques, non plus qu'à l'apprécier. Depuis Rachel, qui fut loin
d'y réussir comme dans Athaliè, Esther n'avait pas été représentée. Trop
simple d'action, partant d'un médiocre intérêt, il ne fallait pas moins
que la splendeur dont on vient d'entourer cette reprise pour la rendre
supportable au public d'aujourd'hui. Mais le Théâtre-Français qui a
voulu honorer le maître, l'a fait avec une magnificence et une recher-
che archéologique dignes des plus grands éloges. Cette recherche se
fait sentir dans trois belles décorations et dans l'exactitude des costu-
mes, qui sont d'une grande richesse. Comme interprétation, c'est
Mlle Favart qui a eu les honneurs de la soirée : elle est d'une adorable
candeur dans ce rôle d'Esther, auquel elle prête un charme inexpri-
mable. Elle a été très-bien secondée par Mmes Ponsin, Tordeus et De-
voyod , MM. Maubant et Guichard ; on ne se représente pas bien Aman
dans la personne de M. Gibeau. — M. Jules Cohen a écrit pour Esther,
comme il l'avait fait pour Athalie, la musique des chœurs. Le jeune
compositeur s'est bien pénétré de son sujet ; sa musique a la couleur
biblique voulue; elle est soigneusement faite, mais on y voudrait plus
d'originalité et d'inspiration. Toutefois, c'est une composition qui lui
fera honneur. Nous ne l'avons entendue qu'à la deuxième représenta-
tion, et nous constatons avec plaisir le bon accueil qu'elle a reçu. On
a particulièrement remarqué le chœur chanté derrière la toile et le
finale du second acte; on a fait répéter ce dernier, dans lequel
Mlle llauduit, du Conservatoire, a chanté le solo avec une belle voix et
beaucoup d'expression. La salle était pleine de fort beau monde à cette
représentation, qui sera certainement suivie de beaucoup d'autres sem-
blables.
»** M. Bagiera confié la direction des chœurs du théâtre Italien, pour
la prochaine saison, à M. Hurand, contre-bassiste de l'orchestre et orga-
niste à Saint-Eustache.
„.** Plusieurs candidats postulent la succession de M. Castagneri
comme chef d'orchestre au théâtre Italien : on cite Bottesini, le célèbre
contre-bassiste, qui l'a déjà conduit, et qui vient d'arriver à Paris ;
M. Bosoni et M. Orsini.
*% C'est hier soir qu'a du avoir lieu, au théâtre Déjazet, la première
représentation de la Fille du maître de chapelle, le nouvel opéra de
M. Ventejoul. Si l'on doit juger du mérite de l'ouvrage par l'effet qu'il
a produit à la répétition générale qui a eu lieu jeudi, il obtiendrait un
beau succès. Nous en rendrons compte dimanche prochain. C'est Mlle Ga-
rait, qu'on a entendue à l'Opéra-Comique, qui chante le rôle principal.
*** M. Eugène Déjazet paraît vouloir faire prédominer l'opéra-corni-
que dans son théâtre. Outre l'opéra de M. Ventejoul, la Fille du maître
de cluipelle, on annonce que le directeur a reçu deux nouveaux ouvra-
ges : l'Esprit familier, opérette en un acte, paroles de M. Hippolyte
Lucas, musique de M. Henri Carben, et le Réveillon à la glace, livret
de M. Adolphe Guenée, musique de M. Alb. Vizentini, violon-solo au
théâtre Lyrique.
*% La troupe des Bouffes-Parisiens va donner des représentations au
Théâtre-Français de Bordeaux.
*** Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires, concerts, spectacles -concerts, etc., se sont éle-
vées dans le mois de juin à 1,100,396 fr. 04 c.
a** Les concours à huis clos au Conservatoire se continueront de-
main lundi et jours suivants, jusqu'à jeudi inclusivement. Les concours
publics commenceront le mercredi 20 juillet.
*% Au moment où passait sous les fenêtres de Rossini le convoi de
Meyerbeer, l'illustre auteur de Guillaume Tell payait son tribut de re-
gret à la mémoire du génie qui venait de s'éteindre, et pour lequel il
avait une véritable amitié, en improvisant un hommage funèbre qui
traduisait éloquemment son profond chagrin. Rossini a voulu complé-
ter cet hommage, et sur sa demande, M. Emilien Pacini vient d'y
ajuster des paroles.
*% La marche funèbre de Litolff à la mémoire de Meyerbeer a le
sort de toutes les belles choses. Plus on l'entend et plus on en appré-
cie la conception grandiose et profondément triste. Vendredi dernier,
nous l'avons encore écoutée dans la salie d'Adolphe Sax, où on l'exé-
cutait devant un auditoire d'élite. On ne saurait trop féliciter les ar-
tistes, qui l'interprètent si bien, MM. Monsen, Hollebeke, Vasseur, Ro-
byns, Verleye et Clayette. D'autres morceaux exécutés dans la même
séance, et surtout le duo sur des motifs de Robert le Diable, ont pro-
duit un effet extraordinaire : on n'admirait pas moins le rare talent
des artistes que la colossale puissance des instruments.
„..% Le Trovatore annonce que S. M. le roi Victor-Emmanuel vient de
conférer au ténor Calzolar:, l'un des artistes les plus distingués du
théâtre impérial italien de Saint-Pétersbourg, l'ordre des saints Maurice
et Lazare. Calzolari a déjà reçu il y a quelques années rie S. M.
l'empereur de Russie la grande médaille d'or, pour le mérite, à l'effigie
de l'Empereur; cette médaille, qui fut donnée à Lablache, à Mme Bo-
sio, et dont Tamberlick est également décoré, se porte au cou, sur le
ruban de Saint- André; elle est entourée de diamants d'une valeur de
10,000 francs.
**« Un grand concours d'artistes et d'amis se pressaient samedi de la
semaine dernière dans l'église de Saint-Eugène pour assister au mariage
de M. Achard et de Mlle Lepoitevin; pendant la messe, Mme Vanden-
heuvel-Duprez a chanté à l'orgue un O Salutaris qu'on disait être de
la composition de son mari.
*** M. Charles Rety, qui succéda à M. Carvalho dans la direction du
théâtre Lyrique, vient d'épouser Mlle Amélie Faivre, qui a chanté
plusieurs années à ce théâtre. Le mariage a eu lieu à Saint-Vincent de
Paul Léo DeliDes tenait les orgues.
„*,, Charles Wehle a passé par Paris, venant de Soenabaja (île de Java).
L'intrépide voyageur était forcé de se rendre sans retard dans sa ville
natale ( Prague J, où l'appellent des affaires de famille, autrement il
aurait, de Java, continué sa route pour la Chine, le Japon et l'Australie,
d'où il serait revenu par le Cap Horn. M. Kletzer, le partenaire de
M Wehle dans cette immense excursion, visitera probablement tout
seul ces lointains pays, mais nous publierons incessamment quelques
détails intéressants sur le voyage de M. C. Wehle, qui reviendra à Paris
pour la saison d'hiver; c'est une bonne nouvelle pour ses amis et élèves.
t*t Henri Wieniawski, le violon solo des théâtres impériaux de Saint-
Pétersbourg, est en ce moment à Paris.
*% On nous écrit d'Amiens que soixante-quinze sociétés ont pris
part au grand concours d'orphéons et de musique instrumentale orga-
nisé dans cette ville. Sept jurys, dont nous avons donné la composition
dans notre dernier numéro, ont décerné deux prix d'honneur à la Grande
Harmonie de Roubaix et à la Société philharmonique de Maubeuge. Un
grand banquet a clos cette solennité.
„** La Société des quatuors à Florence a organisé récemment un
festival-Mendelssohn, où l'on n'a exécuté que des compositions de l'au-
teur à'Elie. C'est son octuor qui a produit le plus d'effet.
s,** L'éminent pianiste compositeur Kruger vient de recevoir de S.
A. I. et R. Mme la duchesse de Brabant, une magnifique épingle en
brillants comme témoignage de sa haute satisfaction pour la dédicace
de son morceau intitulé : Air de ballet.
„.% Aujourd'hui, à l'occasion de la fête patronale de Charenton,
grand festival organisé par la commune pour les orphéons , sociétés
chorales, musiques d'harmonie et fanfares de Paris et de la banlieue.
Une fête vénitienne, un feu d'artifice et un bal termineront la solen-
nité.
^*t M. Panofka vient de partir pour l'Italie, où il passera ses vacan-
ces. Avant son départ, le célèbre professeur a envoyé à M. le secrétaire
perpétuel de l'Académie des sciences une lettre cachetée avec prière
de la garder en dépôt. Cette lettre renferme des observations scienti-
fiques sur la voix humaine, que M. Panofka se propose de faire con-
naître à son retour.
*% Nous lisons dans le Journal de Maine-et-Loire, à propos de la fête
d'Angers : «Le magnifique concert donné le 26 juin dans le jardin du
Mail laissera d'ineffaçables souvenirs. M. Arban conduisait l'orchestre
composé de 12b musiciens.- Au commandement de sa baguette magique,
tout a marché avec cet ordre, cette discipline, indispensables à l'exécu-
tion et au caractère magistral de la musique sérieuse. On se ferait dif-
ficilement une idée de l'ampleur et de la majesté avec lesquelles le
chœur magnifique de la.Bénédiction des poignards a été enlevé, et de l'effet
produit par cette œuvre sublime du génie de Meyerbeer. Lorsque en-
suite, dépouillant ses fonctions de chef d'orchestre , Arban s'est pro-
duit comme virtuose, il a déployé dans deux fantaisies sur le Carnaval
de Venise et /( Trovatore toutes les richesses, toutes les coquetteries du
jeu le plus brillant. Il fait littéralement parler le cornet à pistons, son
instrument traduit les larmes du trouvère et les joies folles du carnaval
de Venise, avec une expression, une âme, une suavité qui font douter si
l'on entend un instrument à vent ou un instrument à cordes. Aussi,
le nombreux auditoire qui remplissait la salle était-il dans l'enthousiasme,
et cette belle soirée a été un véritable triomphe pour Arban. — Le
succès de l'éminent artiste n'a pas été moindre au cercle du Sport,
de Nantes. La société du Sport, ainsi que l'orchestre de Nantes, lui ont
offert deux riches couronnes.
»** Si l'on en doit croire le Phare de la Loire, il se formerait en ce
moment à Paris une Société pour faire entendre, dans des conditions
222
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
exceptionnelles de bonne exécution et à des prix réduits, tous les chefs-
d'œuvre des maîtres anciens et modernes, français et étrangers. Les
programmes de la nouvelle société comprendraient, dans leur infinie
variété, des spécimens de tous les genres : symphonies, odes-sympho
nies, fragments d'opéras, de messes, d'oratorios, chœurs, cantates,
chants nationaux (des pays étrangers?...), sans parti pris d'aucun genre,
et en tenant la balance égale entre les trois écoles allemande, italienne
et française. Le local, admirablement choisi au cœur de Paris et à
deux pas du boulevard Montmartre, pourrait contenir trois mille per-
sonnes. Le directeur général serait Félicien David; le directeur, Magnus,
pianiste-compositeur; le secrétaire général, Ch. de Lorbac. L'inaugura-
tion de ce nouvel établissement aurait lieu au mois de novembre. La
société nouvelle fera appel à tous les musiciens de talent, et permettra
aux solistes les plus renommés de se faire entendre. Les compositeurs
auront le droit de diriger en personne l'exécution de leurs œuvres. On
ne peut que souhaiter bonne chance à cette entreprise.
,*. On nous mande de Hagnères-de-Bigorre que la saison thermale
s'y prépare d'une façon brillante. On y attend Sivori, le célèbre- vio-
loniste; Mme Escudier-Kastner, l'éminente pianiste; Bonnehée, de l'O-
péra; enfin, un ténor sacré, pour ainsi dire, le père Cahuzac, qui mêle
plusieurs fois par semaine sa voix (elle rappelle celle de Rubini) au son
de l'orgue des Carmes.
»** L'inauguration du nouvel orgue construit par la société anonyme
Etablissements Merklin-Schiitze, pour l'église Bonne-Nouvelle, a eu lieu,
comme nous l'avions annoncé. Un grand concours de fidèles et d'ama-
teurs assistaient à cette cérémonie religieuse et artistique. L'instrument
a été admirablement touché par MM. Ed. Batiste, Renaud de Vilbac,
Burelle et Henri Hess, qui a joué avec talent une fugue de Bach. Cet
orgue fait le plus grand honneur à ses habiles facteurs, car il réunit à
la perfection du mécanisme et de toutes ses parties une pureté et une
plénitude de sons véritablement remarquables. Un morceau de violon
avec accompagnement d'orgue a été parfaitement exécuté par le jeune
B. Godard.
»% Dans un grand concert donné à la Scala de Milan vers la fin du
mois dernier, on a exécuté l'ouverture du Pardon de Ploërmel, de
Meyerbeer. Les journaux italiens constatent l'immense effet qu'a pro-
duit ce chef-d'œuvre, véritable poëme champêtre, dans lequel la nature
se reflète avec toutes ses beautés, son charme et ses accidents. L'or-
chestra s'est supérieurement acquitté de sa tâche difficile, en interpré-
tant cette ouverture, qui a eu les honneurs de la troisième partie du
concert.
»% Limoges a été, le 3 de mois, le théâtre d'un tournoi musical qui
restera célèbre dans les fastes orphéoniques C'est dans la vaste salle du
manège que deux des plus importantes sociétés chorales de France, les
Orphéonistes lillois et la Sainte-Cécile de Bordeaux s'étaient donné rendez-
vous et se sont mesurées. Le jury, composé exceptionnellement de cinq
membres, était formé de M. Camille de Vos, président ; Dufresne, Bou-
langer, Triébert et Jancourt. Le chœur imposé, la Paix, de M. Camille
de Vos, et le Tyrol, de M. Ambroise Thomas, devaient être également
exécutés par les deux sociétés rivales. Les orphéonistes lillois ont com-
mencé : leur succès a été immense ! La Sainte-Cécile de Bordeaux a été
vaincue; mais cette défaite n'a rien que d'honorable. Les orphéonistes
lillois ont atteint la perfection, et peuvent maintenant rivaliser avec les
sociétés allemandes, chez lesquelles ils sont allés chercher des conseils
et des modèles. Devant cette manifestation éclatante, l'exécution des
autres sociétés qui ont pris part au concours n'a offert qu'un intérêt se-
condaire. 11 faut citer cependant, parmi les fanfares, les Enfants de Ja-
vart, la fanfare de Sainte -Foy-la-Graude, la Sainte-Cécile de Brives, la
fanfare de Confolens, la musique de Saint-Junien qui ont mérité les pre-
miers prix, et parmi les sociétés chorales, la société de Sainte-Foy-la-
Grande, la société chorale de Brives, les Enfants de Vésone, l'orphéon
de Libourne, la société de Villeneuve-sur-Lot, et surtout les Enfants de
Saint-Junien, dirigés par une très-habile dame, Mme Tillet, dont les
efforts ont eu des premiers prix pour récompense. Trente mille person-
nes s'étaient rendues à ce concours. Le lendemain, les sociétés réunies
ont donné un concert qui a été pour les orphéonistes lillois un vérita-
ble triomphe, et a rapporté aux pauvres une somme de 5,000 francs.
»% Le journal le Monde constatait ces jours-ci un effet, bien singulier
et heureusement très-rare, produit par la musique. Nous le rapportons
sans autre garantie. « On vient de constater la mort subite, dans un de
nos établissements hospitaliers, d'une femme atteinte d'un genre de fo-
lie des plus singuliers. Habitant un village pauvre et isolé du Morbihan,
dont elle n'était jamais sortie, cette femme, âgée de vingt-deux ans,
nommée Marguerite D..., fut subitement amenée à Paris il y a huit
mois par une dame riche à qui une circonstance fortuite lui avait per-
mis de rendre un service et qui voulait se l'attacher. Dès le lendemain
de son arrivée, Marguerite, pour la première fois de sa vie, entendit de
la musique à une fête champêtre et dansa au son d'un orchestre choisi.
Pendant trois jours que dura la fête, elle ne manqua pas une contre-
danse, et elle s'abandonna sans réserve au plaisir inouï que lui causait
la musique. Quand tout fut fini, les impressions qu'elle avait reçues, et
qui avaient singulièrement ébranlé ses nerfs, ne cessèrent pas. Le jour,
la nuit, à ses promenades, dans son lit, toujours, les différents airs
qu'elle avait entendus revenaient à son oreille dans l'ordre où ils avaient
été exécutés, et, malgré sa volonté, elle les répétait, en imitant avec
une perfection étrange le son des instruments. Quelques notes discor-
dantes, que le premier violon s'était amusé plusieurs fois à tirer de son
instrument, se reproduisaient de temps en temps, et Marguerite, te-
nant alors sa tête dans ses mains, s'écriait : « Ohl quelle fausse note !
elle me fend la tête. » De ce désordre mental, contre lequel échouèrent
tous les traitements, résultaient une insomnie continuelle, le trouble
dans les fonctions digestives, l'amaigrissement, la faiblesse, les sueurs
nocturnes. Les sons que la malade croyait entendre et qu'elle répétait
devenaient de plus en plus forts. Enfin, tombée dans le marasme, elle a
succombé subitement, comme nous l'avons dit, sans que ses intolérables
sensations lui eussent laissé un seul instant de répit. »
»*„ Notre collaborateur, Gustave Héquet, vient de partir pour Bade,
où il va assister à la représentation de son opéra, De par le Roi.
*%. L'orchestre du concert des Champs-Elysées doit exécuter pro-
chainement une fort jolie composition d'Emile Jonas : Souvenir d'un songe,
écrite d'abord pour le piano et qu'a fort bien instrumentée M. A. Ber-
iyn, chef d'orchestre à Amsterdam. Ce morceau, qui a été plusieurs
fois exécuté à Amsterdam et à Utrecht, y a obtenu beaucoup de succès
et il est presque toujours bissé.
*% Au nombre des morceaux remarquables exécutés récemment au
concert des Champs-Elysées, nous devons une mention exceptionnelle à
la grande marche de Magenta, composition de M. le chevalier Piermarini,
compositeur distingué et l'un de nos plus éminents professeurs de chant.
Le caractère de cette marche est très-beau et la coupe en est fort
originale. A l'introduction, qui est majestueuse, succède un motif mar-
tial pour les pistons et cuivres d'une élégance rare. La stretta est pleine
de feu, l'orchestration en est magistrale. D'ailleurs, on y retrouve le style
mélodique qui distingue toutes les compositions du célèbre professeur,
et chaque soir elle est saluée par les applaudissements de la foule.
*** Aujourd'hui dimanche, à quatre heures précises, le remarquable
orchestre de symphonie du Pré Catelan, secondé par les excellentes mu-
siques du 72e de ligne et 2e chasseurs à cheval, exécutera pour la pre-
mière fois le grand quadrille militaire, Aux Armes! composé par M. Fo-
restier, l'éminent chef d'orchestre que les vrais artistes et les amateurs
consciencieux vont chaque dimanche fêter et applaudir au Pré Catelan,
rendez-vous choisi entre tous par la bonne et belle compagnie. — L'ad-
ministration prévient le public que tout enfant porteur d'un billet de
tombola délivré dimanche dernier jouira d'une entrée gratuite aujour-
d'hui dimanche, le tirage de la Tombola ayant été ajourné en raison du
mauvais temps.
„% Les personnes qui se destinent au théâtre sont informées que
M. Hurand, chef des chœurs du théâtre impérial Italien, fera un cours
de musique vocale entièrement gratuit. Les choristes ou comparses des
théâtres de Paris sont invités à se faire inscrire au plus tôt chez M. Hu-
rand, 5, rue Sainte -Anne (tous les jours avant midi). Le cours aura
lieu au théâtre Italien trois fois par semaine, et commencera le
lundi 11 courant.
*** Au théâtre Robin, l'intérêt puissant des merveilleuses soirées de
ce directeur attire toujours la foule, et le force à renoncer au pro
jet qu'il avait formé de faire un temps de relâche pendant les mois
d'été, ainsi que l'ont toujours été obligés de faire ses devanciers. La
continuation des soirées de M. Robin pendant les chaleurs est la preuve
la plus palpable de leur immense succès.
*** Les restes mortels de l^iorentino sont arrivés à Naples où se
prépare un service funèbre en l'honneur du célèbre écrivain ; ils seront
ensuite déposés dans un caveau du Campo-Santo, sur lequel sera élevé
un monument commandé par la famille du défunt.
»** La Revue et Gazette musicale vient de perdre un de ses collabo-
rateurs les plus anciens et les plus assidus, celui dont nos lecteurs ont
rencontré si souvent le nom au bas d'articles traduits de l'allemand.
Henri-Joseph-Maria Duesberg était né le 20 septembre 1793 à Munster
en Prusse. Egalement versé dans la littérature de son pays et celle du
nôtre, il écrivait la langue française avec autant de facilité que de
correction. 11 était l'un des rédacteurs de la Gazette d'Augsbourg et des
Morgenblaetter , journaux importants de l'Allemagne : on a de lui
des traductions et des poésies. Il avait aussi écrit une Histoire de
France, une Histoire générale du commerce, et un ouvrage sur les châteaux
impériaux. Notre collaborateur mérite nos regrets par son talent et
par son caractère. Frappé d'une mort presque soudaine, ses obsèques
ont eu lieu vendredi matin.
„,*„, La veuve d'un illustre compositeur, dont l'Italie et la France
s'honorent à titre égal, Mme Cherubini, née Cécile Tourette, est morte
la semaine dernière, dans sa quatre-vingt-onzième année. C'est à
Neuilly que cette femme si regrettable et si regrettée a fini ses jours.
Ses obsèques ont été célébrées avec une extrême simplicité, sans qu'un
avertissement y eût convié personne. Le deuil était conduit par MM. Sal-
vador-Cherubini, inspecteur des Beaux-Arts, accompagné de ses deux
fils, et par M. Duret, de l'Institut, petit-gendre de la défunte. Selon le
vœu formel de Mme veuve Cherubini, une simple messe basse a été
DE PARIS.
223
dite pour le repos de son âme. « Pénétrée de cette pensée, avait-elle
dit, dans ses dernières volontés écrites de sa main, que l'heure dernière
nous rend tous égaux devant Dieu, je demande en grâce et avec instan-
ces que l'on n'apporte aucune ostentation à mes obsèques. Pour toute
cérémonie je désire une messe basse et des prières, sans nulle tenture
dans l'église, car je ne puis supporter ces apparats pour être conduite
dans l'éternité, but auquel je veux arriver sans démonstration de va-
nité. Je demande de plus que cette cérémonie ait lieu aux premières
heures du jour, en évitant les invitations inutiles. Que ceux qui ap-
prendront que je n'existe plus accompagnent ma famille, mais que ce
ne soit pas une contrainte. » M. Auberétaità la têtedu petit nombrede
personnes qui ont conduit l'iliustre veuve à sa dernière demeure.
„*, Une autre veuve, qui portait noblement un nom célèbre, Mme Or-
fila, vient d'être enlevée aussi, peu de jours après que la nouvelle de la
mort de M. Antonio Orfila, son beau-frère, était arrivée de Madrid à
Paris. C'est une perte pour les artistes auxquels le salon de Mme Or-
fila était toujours ouvert. Plusieurs y ont commencé ou confirmé leur
renommée.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„,% Londres. — Mirella (Mireille), l'opéra de Gounod, vient d'être
représenté au théâtre de Sa Majesté avec Mme Tietjens dans le rôle
principal. Le succès a été douteux à la première représentation, sur
laquelle nous reviendrons. — Arditi, l'excellent chef d'orchestre de ce
théâtre, a fait exécuter dans son concert-mons/re donné récemment,
trois nouvelles compositions qui ont été fort goûtées par le public: un
duo pour piano et violon, admirablement exécuté par Mme Arabella-
Goddard et M. Carrodus, et deux morceaux de chant : II Désio, duo, et
YOrologio, scherzo vocal, interprétés par Mmes Trébelli, Lemmens-Sher-
rington et Volpini. Ces deux dernières compositions, pleines de charme et
à très-grand effet, ont dû être répétées. — Au théâtre de Covent-Garden
on s'occupe activement des répétitions de la Stella delNord et rien ne sera
négligé pour rendre d'une manière digne le chef-d'œuvre de Meyerbeer,
dont les principaux rôles seront tenus par Mmes Miolan-Carvalho, Bru-
netti et Faure.— MllePatti vient de chanter pour la dernière fois, avec
son talent habituel et devant une salle comble, la Margherita de Faust,
et Mme Artot, dont le succès augmente à chaque représentation, vient
de se produire dans le rôle de Violetta de la Traviata. Les deux canta-
trices ont été chaudement applaudies et rappelées à plusieurs
reprises.
„*» Ems, 5 juillet. — Après l'ouverture du théâtre du Kursaal, qui
s'est faite par le Chien du Jardinier, et la charmante opérette d'Offen-
bach, Lischen et Fritzchen, dans laquelle Désiré et Mlle Zulma Bouffar
se sont montrés inimitables, nous avons eu les Pantins de Violette, de
M Léon Battu, et M. Choufleuri, de MM. de Saint-Rémy et J. Offenbach.
On sait que les Pantins de Violette, la dernière partition de notre si
regretté Adam, est une de ses œuvres les plus spirituelles et les plus
finement travaillées. — Quant à M. Choufleuri, le public en a demandé
une seconde représentation. Ce petit chef-d'œuvre bouffe, dont la
musique est si vive et si entraînante, a été joué avec un grand succès
dans toute l'Allemagne. On sait qu'il s'est produit pour la première
fois dans les salons de M. le duc de Morny, où M. de Saint-Rémy jouit
de quelque crédit. — (L'Été.)
„.** Berlin. — Bien que l'opéra royal soit fermé en ce moment, les
représentations d'opéras et d'opérettes ne nous font pas défaut. On en
donne sur quatre scènes différentes, parmi lesquelles se distinguent celles
que défrayent les troupes de Vienne et de Kœnigsberg. — Au théâtre
"Victoria Martha a servi de début à Mme de Marlow, qui y a déployé
un très-grand talent de cantatrice et de comédienne. — Au théâtre
Frédéric-Guillaume, les Pantins de Violette, d'Adam, ont été entendus
avec plaisir, et à l'établissement Kroll la cantatrice Mme de Murska
obtient de grands succès dans l'opéra Linda, de Donizetti.
*** Manheim. — Un nouvel opéra de Richard Wuerst, Vineta, a été
favorablement accueilli. Les interprètes et le compositeur ont été rap-
pelés plusieurs fois.
£*„ Dresde. — Les Huguenots ont été représentés en l'honneur de
Meyerbeer. Mlle Sophie Bauer, du théâtre deCassel, et M. Scarcia y ont
débuté avec succès dans les rôles de Valentine et de Marcel.
Vienne. — La saison de l'opéra allemand au théâtre de la cour a été
inaugurée le 1er juillet sous la direction de M. Salvi, par une repré-
sentation de Don Juan. — Au Carlthéâter, le directeur Treumann a
engagé Mlle Kraft du théâtre Thalia à Hombourg. On dit le plus grand
bien de cette jeune cantatrice. — On pense que la construction du
nouvel opéra impérial sera entièrement achevée au mois de septem-
bre. — Le danseur espagnol Donato, qui n'a qu'une jambe, attire
constamment la foule, et déploie un nouveau et merveilleux talent
comme joueur de castagnettes.
«% Munich. — Mme Sophie Foerster a été engagée au théâtre de la
cour après avoir fait preuve île talent dans les rôles de Valentine, des
Huguenots, de Norma, et de dona Anna dans Don Juan.
**, Prague. — Les sœurs Marchisio viennent de débuter avec un
très-grand succès au théâtre de la nouvelle ville.
„*„ Florence. — L'opéra / Ilatavi, de Mme Tarbé des Sablons
est encore aujourd'hui, bien que le théâtre soit fermé, le sujet de la
conversation de tous les dilettantes. Il eût été impossible à la direction
de la Pergola de clôturer la saison théâtrale par une œuvre qui
fût plus agréable à ses habitués. Tous les détails de cet ouvrage, ceux
même qui échappent le plus à l'attention, sont l'objet de commentaires,
de discussions, d'appréciations diverses, mais toutes s'accordent sur le
sujet principal, c'est-à-dire l'originalité de bon goût de l'artiste, sur la
distinction native de ses mélodies, et surtout sur sa connaissance pro-
fonde de l'art d'écrire pour les voix. On cite notamment le grand air
de Tiberini, un chœur de soldats d'un effet saisissant, une prière en
chœur, un duo au troisième acte, un délicieux boléro et un carillon.
Les journaux insistent en outre sur le duo final, empreint d'un senti-
ment passionné, irrésistible. A la suite de la représentation, l'auteur a
été rappelé huit fois sur la scène. C'est un succès dans la plus com-
plète acception du mot.
Le Directeur : S. DUFOUR.
Chp.% G. BRANDUS et S. DUFOUR, éditeurs, 403, rue Richelieu, au 4".
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224
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Catalogue des Ouvrages composés pour la Flûte
PAR
mmmmi altès
Première flûte à l'Académie impériale de musique, membre de la Société des concerts et de la musique de l'Empereur.
Chez Simon Richault , éditeur, boulevard
des Italiens, 4, au i'T.
OEuv. 1 . Variations sur le. Pirate, de Bellini,
avec ace. de piano 7 50
Le quatuor séparément 7 50
— 2. Fantaisie avec ace. de piano. ... 7 50
L'orchestre séparément 15 »
— 3. Fantaisie concertante pour flûte et
violon, avec ace. de piano 9 »
L'orchestre séparément 15 »
— 4, 1" fantaisie caractéristique , la Vé-
nitienne, avec piano 7 50
— 5. 2e fantaisie caractéristique, l'Helvé-
tienne, avec piano 7 50
— 6. 3e fantaisie caractéristique, l'Espa-
gnole, avec piano 7 50
— 7. Fantaisie dramatique, dédiée à Tu-
lou, avec ace. de piano 9 •
L'orchestre séparément 15 »
— 15. Solo de concert, avec ace. de piano 9 »
Parties de quatuor 12 »
— 20. 1er solo de concours pour le Con-
servatoire, flûte et piano 9 »
Quintette séparément 12 »
— 21. 2' solo, flûle et piano 9 »
Quintette séparément 12 »
— 22. 3e solo, flûte et piano 9 »
Quintette séparément 12 »
— 23. 4e solo, flûte et piano 9 »
Quintette séparément 12 »
— 24. 5" solo, flûte et piano 9 »
Quintette séparément 12 »
— 25. 6e solo, flûte et piano 9 »
Quintette séparément 12 »
Chez Gérard et Ce, éditeurs,
rue Dauphine, 48.
OËuv. 11. Les chants du Rossignol, avec ace.
de piano 9
L'orchestre seul 12
— 12. Fantaisie sur la Perle du Brésil,
opéra de Félicien David, avec ace.
de piano 9
Orchestre seul 12
Chez G. Brandus et S. Dufour, éditeurs,
rue de Richelieu, 403, au 1e'.
sous presse :
Opéras célèbres ( fantaisies et
transcriptions).
OEuv. 16. 1" livraison, Robert le Diable,
n° 1, transcription ; n° 2, fantaisie
avec piano »
— 17. 2e livraison, les Huguenots, n° 1,
fantaisie; n" 2, caprice, avec piano »
— 18. 3' livraison, le Prophète, n° 1,
transcription ; n° 2, fantaisie avec
piano »
— 19. 4e livraison, l'Etoile du Nord, fan-
taisie; (e Pardon de Plocrmel ,
fantaisie, avec piano »
Musique pour le piano avec ac-
compagnement ntt libittttn.
Chez Richault.
QEuv. 8. Le Cancan do quelques jolies fem-
mes, quadrille avec ace. [ad libitum)
de flûte et violon 4 50
_ Souvenir de Charraont. Laure, valse,
avec ace. de flûte 2 50
— Souvenir de Charmont. Pauline,
polka, avec ace. de flûte 2 50
CEuv. 9. Cric, quadrille facile avec ace. {ad
libitum) de flûte et violon 4 50
— Poveretta, valse facile 2 50
— Alex, polka facile 2 50
QEuv. 10. Mes bons amis dansez toujours,
quadrille facile avec ace. de flûte et
violon S 50
— Souvenir de Pont-Carré, valse avec
ace. de flûte 2 50
— La Fête de Marie, polka ..... 2 50
QEuv. 13. Trois schottischs (chez Gérard et Cc) 6 »
QEuv. 14 . Trois mazurkas (chez Richault) . . 4 50
Chez Girod frères, éditeurs, boulevard
Montmartre, 16.
OEuv. 27. Duo de concert pour piano et flûte,
sur Lara, opéra de Maillart . , . !
Musique pour le citant.
OEuv. 26. Six Poésies de Victor Hugo :
— N" 1. Pourquoi passez-vous par ici?
pour ténor, avec ace. de piano . .
L'orchestre séparément
— N" 2. S'il est un charmant gazon,
pour ténor, avec ace. de piano . .
L'orchestre séparément
— N° 3. Malédiction, pour voix de
basse avec ace. de piano
L'orchestre séparément
— N° 4. L'aube naît et la porte est
close! pour ténor, avec ace. de
piano
L'orchestre séparément
La même, pour baryton
— N° 5. Mes vers fuiraient doux et
frêles, pour ténor, avec ace. de
piano
L'orchestre séparément
— N" 6. L'Extase, pour voix de basse,
avec ace. de piano
L'orchestre séparément
Transcriptions d'après divers
auteurs.
Chez Richault.
PARTIE DE VIOLON TRANSCRITE POUR LA
FLUTE.
Beethoven. OEuv. 16. Grand quatuor pour
piano, flûte, alto et violoncelle . ... 18
Mozart. Trois quatuors pour piano, flûte,
alto et basse chaq. 18
BeethoTen. OEuv. 1". 1er trio en mi bémol
pour piano, flûte et basse 15
2" trio en soi 15
— OEuv. 11. Trio en si bémol 15
— — 44. Quatorze variations 10
— — 83. Trio 15
— — 121. Adagio, rondo et variations. 10
— OEuv. posthume. Petit trio en mi bémol 10
Haydn. Six sonates du 3e livre de la col-
lection pour piano, flûte et basse, ch. . 12
— Quatre sonates du 5' livre. . . chaq. 12
— Quatre sonates du 6° livre. . . chaq. 12
— Six sonates du 7e livre chaq. 12
— Cinq sonates du 8" livre .... chaq. 12
— Trois sonates du 10e livre . . . chaq. 12
Mozart. 16° livraison de la collection de ses
œuvres ; quatre sonates pour piano ,
flûte et basse chaq. 12
— 17° livraison ; quatre trios . . . chaq. 12
Duos concertants pour flûte et
piano.
PARTIE DE VIOLON TRANSCRITE POUR LA
FLUTE.
Beethoven. OEuv. 12. N"' 1, 2 et 3, sona-
tes pour piano et flûte chaq. 12
Beethoven. OEuv. 17. Sonate 12 »
— OEuv. 23. Sonate 12 »
— — 24. Sonate 12 »
— — 30. N0' 1, 2 et 3, sonates, chaq. 12 »
— — 47. Sonate » ..12 »
— — 9C. Sonate 12 »
Haydn. Cinq sonates de la 1" livraison, ch. 6 »
— Six sonates de la 2° livraison. . chaq. 6 »
— Trois duos de la 8e livraison. . chaq. 6 n
— Six duos de la 9e livraison . . . chaq. 6 »
— Deux sonates de la 10e livraison, chaq. 6 »
Hendelssohn. Op. 4. Sonate 7 50
Mozart. 9e livraison. Six sonates . . chaq. 9 »
— 10' livraison. Cinq sonates . . . chaq. 9 »
— 11e livraison. Six sonates. . . . chaq. 9 »
th. M. de Webcr. Op. 48. Grand duo . 12 »
Kuhlan. Op. 33. Sonate 9 »
— Op. 79. Trois sonates ebaq. 7 50
Beber. OEuv. 15. Six pièces .... chaq. 7 50
Ch. Dancla. Op. 21. Duo concertant sur
le Pirate 7 50
— Op. 45. Duo brillant sur des motifs de
Schubert 7 50
— Op. 88. Duo sur Richard 7 50
Ernest Allés. OEuv. 8. Appassionato, Vil-
lageoise, deux mélodies. , 7 50
— QEuv. 9. Elégie , Montagnarde , deux
mélodies 7 50
— QEuv. 10. Rêverie, mélodie 5 »
Chez Gérard et Ce.
Em. Périer. Op. 20. Norma, duo bril-
lant 9 »
— Op. 21. Ni larmes ni regrets, fantai-
sie concertante 7 50
— Op. 22. Sans amour, fantaisie bril-
lante pour flûte et piano 7 50
— Op. 23. Lucrezia Borgia, fantaisie
concertante 7 50
— Op. 24. Barbier de Séville, fantaisie
concertante 7 50
— Op. 25. Zampa, fantaisie concertante. 7 50
Musique pour le violon
Composée par
EBNEST AETÊS
Premier violon à l'Académie impériale de musique
et à la Société des concerts du Conservatoire.
Six mélodies caractéristiques pour violon :
QEuv. 8. Appassionato . . . ) .
Villageoise (1) . . . ( F
QEuv. 9. Elégie (2) . . . ,
Montagnarde (3)
QEuv. 10. Burlesque . . . . ) . g
Rêverie (4). . . . i aTec pian0, 6
OEuv. 12. Vingt -quatre études mélodiques
pour violon avec ace. d'un second
violon 20
avec piano.
(1) La même, transposée pour violoncelle avec
piano.
La même , transposée pour alto - viola avec
piano.
(2) La même, pour alto-viola avec piano.
La mime, pour violoncelle avec piano.
(3) La même, transposée pour alto-viola avec
piano.
La même , transposée pour violoncelle avec
piano.
(4) La même, pour violoncelle avec piano.
PAMS. — IMrBIJlEBlE CENTRAIE DE NvrOXÉOM CHAIX ET C", BUE BEBr.ÉBE, 20.
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31e Année,
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17 Juillet 1801
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Le Journal paraît le Dimanche.
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SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: Néméa ou l'Amour vengé, ballet-
pantomime en deux actes par MM. H. Meilhac, Lud. Halévy et Saint-Léon, mu-
sique de M. Minkous, par Paul Smith. — Théâtre Déja2et : la Fille du
maître de chapelle, opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Mestépès et
Vauzanges, musique de M. Ventéjoul, par D. A. D. Saint- Yves. — Grand
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déclamation : concours à huis clos. — Des Mélodies de Meyerbeer et de ses
œuvres en général relativement au piano, par Maurice Cristal. — Souve-
nir inédit de Lesueur, par Arthur Pougin. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
îïÉMÊA OU 1/ AMOUR VESTCÉ ,
Ballet-pantomime en deux actes par MM. H. Meilhac, Lud. Halévy
et Saint-Léon, musique de M. Minkous.
(Première représentation le 11 juillet 1864.)
Néméa, traduisez Mlle Mourawieff.
L'Amour vengé, ceci demande un peu plus de travail, et l'on au-
rait quelque peine à comprendre ce second titre, si l'on ne savait
que ces deux mots sont le vénérable débris d'une vaste conception
mythologique, sortie du cerveau de M. Saint-Léon, et réduite à son
expression la plus simple par MM. H. Meilhac et Lud. Halévy. Dans la
conception du chorégraphe, il y avait une espèce de ligue et de conju-
ration dans le genre de Haine aux femmes, tramée contre le dieu
nommé jadis Amour, par un club de jeunes seigneurs, habitués à
noyer leur raison dans le vin, et leur, or dans le jeu. En ce temps-
là, on élevait encore des temples auûlsde Vénus, et un jour qu'il avait
plus bu et plus joué que de coutume, l'un des seigneurs s'était laissé
emporter à sa fureur anti-érotique et iconoclaste : « Ne me parlez
pas de ce marbre que je hais, s'était-il écrié ; chaque nouvel hom-
mage que vous lui rendez est une insulte pour moi, qui me fais gloire
de mépriser l'amour. » En prononçant ces blasphèmes, il avait fait
un pas vers la statue : puis il l'avait renversée et brisée au milieu
de l'épouvante et de l'indignation générales.
Le dieu Mercure passait justement de ce côté; voyant l'affront
dont l'Amour était victime, il n'avait eu rien de plus pressé que de
remonter vers l'Olympe et de raconter le fait à Cupidon. La ven-
geance étant le plaisir des dieux, l'Amour s'était arrangé sur le
champ pour s'en assurer sa bonne part. Il avait envoyé sur la terre
une jeune fille adorable, confectionnée tout exprès à cette fin d'in-
cendier tous les hommes; et spécialement chargée d'enflammer,
d'embraser, de réduire en cendres le cœur glacé de son contemp-
teur audacieux. La chose faite et parfaite, au lieu de permettre à
l'impie de se repentir et d'être heureux, il lui avait dit: « Tu aimes
maintenant, tu adores cette jeune fille. En bien ! tant pis pour toi !
Je la reprends et la reconduis au ciel, d'où elle est bien digne de
ne plus sortir! »
A la bonne heure ! voih une vengeance ! voilà une morale, que
Moscou avait goûtée, que Saint-Pétersbourg avait applaudie ! Il pa-
raît qu'on l'a jugée un peu trop forte pour Paris : MM. H. Meilhac et
Lud. Halévy se sont associés pour l'adoucir : que ne la supprimaient-
ils tout à fait ? Rien n'était plus aisé que d'effacer le peu de mytho-
logie qu'ils ont laissé, et ce peu est vraiment de trop. Puisqu'ils
acceptaient la tâche de remettre au net le scénario chorégraphique,
pourquoi ne pas l'expurger plus radicalement? Littérature oblige, et
elle oblige surtout à rayer des bouts de phrase comme celui-ci : « Ses
» amis l'observent avec une stupéfaction croissante, » et comme cet
autre : « En vérité, c'est grande folie pour un homme comme vous,
» que de devenir fou d'une bohémienne. »
Mais au fait, de quoi nous mêlons-nous? Il s'agit bien de mytho-
logie, de littérature, de langue française, ou de toute autre chose.
Nemea, nous l'avons dit en commençant, c'est Mlle Mourawieff, et
Mlle Mourawieff n'a besoin que d'elle-même, et d'un nouveau costume
pour soulever des tempêtes de bravos. Mlle Mourawieff, nous le li-
sions tout à l'heure quelque part, et nous sommes pleinement de cet
avis, « c'est plus que jamais la perfection du mécanisme de la bal-
lerine. Elle joue de ses pieds comme un pianiste de premier ordre
joue de ses doigts : c'est la même précision, la même volubilité, la
même finesse. Elle enchérit encore sur ce qu'elle faisait de prodi-
gieux l'année dernière. Elle tourne sur elle-même en exécu-
tant par ses battements prolongés une sorte de trille perpétuel, dont
le privilège pourra lui être envié, mais non contesté, encore moins
dérobé. D'autres ont eu plus de charme dans la physionomie, plus
226
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de séduction dans l'attitude et le geste ; aucune n'a joué de sonate,
de concerto avec la jambe et le pied de façon à lui être comparée. »
Pour celte fois, on a entouré la danseuse principale d'un essaim
d'autres danseuses toutes jeunes, toutes belles, et d'abord il faut citer
Mlle Fiocre, deuxième du nom, qui remplit le rôle de l'Amour, si
bien taillée et si bien faite, qu'on ne saurait trop si c'est une jeune
fille ou un jeune garçon. C'est dire à peu près que Mlle Fiocre est
un modèle, et nous ne dissimulerons pas qu'elle en a aussi la froi-
deur. Dans plusieurs pas ingénieux, on aperçoit encore de char-
mantes personnes, sorties des rangs du corps de ballet par des pro-
motions récentes; nous les nommerions, si nous n'avions peur de
commettre quelque grave erreur dans cet appel de l'escadron vo-
lant. Par exemple, nous sommes sûr de ne pas nous tromper, en
parlant des progrès de Mlles Urban, Bossi et Sanlaville, ainsi que
de leurs émules, Mlles Pilatte, Leroy et Voîter, deuxième; les dynas-
ties d'artistes ont toujours été de tradition à l'Opéra.
Dans l'Amour vengé, ne dirait-on pas que M. Chapuy a voulu en-
treprendre la vengeance du danseur ? Il s'y dévoue avec une ardeur,
une audace et une énergie dont les exemples devenaient de plus en
plus rares. Il ne faut pourtant pas que sur le théâtre où tant de dan-
seurs célèbres ont laissé des souvenirs, quelque nouveau Diogène
soit réduit à chercher un homme, sa lanterne à la main ?
C'est du Nord aujourd'hui que nous vient le ballet.
Avec Néméa nous est venue une musique écrite par M. Minicous,
jeune violoniste russe, dont le style a de la douceur et du charme.
Sa berceuse, qui revient trop souvent, offre un air de famille avec
l'un des plus jolis thèmes de Giselle. Entre Adolphe Adam et M. Pu-
gni, s'il y a une place à prendre, M. Minkous nous paraît avoir des
droits à faire valoir.
Ajouterons-nous que la direction de l'Opéra s'est galamment mise
en frais de costumes et de décors? Elle ne s'en est pas tenue à un
seul amour, de taille un peu haute, elle en a produit une foule de
tout petits, en mémoire des danseuses viennoises. Elle a prodigué
les gracieux spectacles, ayant tous un nom : le Langage des fleurs, le
Pas' du lUiroir, des Lucioles, de la Chanson à boire; mais quand on
prodigue de la sorte, on peut toujours compter que le public vous
le rendra.
Paul SMITH.
THÉÂTRE DEJAZET.
LA FILLE »C MAITRE »E CHAPELLE,
Opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Mestépès et Vauzanges,
musique de M. Ventéjoul.
(Première représentation le 9 juillet 1304.)
Tandis que la Porle-Saint-Martin inaugurait l'ère nouvelle de la li-
berté des théâtres par la représentation de deux opéras italiens,
connus et appréciés depuis bien des années, le théâtre Déjazet,
mieux inspiré encore, prenait une initiative dont on ne saurait trop
le féliciter, parce qu'elle marque un point de départ important pour
l'avenir des jeunes compositeurs qui cherchent à se proJuire sérieu-
sement et a se rendre dignes de figurer au nombre des élus de nos
grandes scènes lyriques. Sous ce rapport, l'essai d'opéra inédit qui a
eu pour résultat de nous révéler le nom de M. Ventéjoul, malgré
ses imperfections inévitables, mérite d'être encouragé, autant et
même plus que l'exhibition au boulevard du Barbier de Séville et de
Norma.
Ici, comme à la Porte-Saint-Martin, nous aurions souhaité que
l'opéra fît un début plus éclatant et que rien ne fût négligé pour lui
assurer, de prime abord, la faveur populaire. Mais, faute de mieux,
il a bien fallu se contenter dp ce que l'on avait sous la main. Le
drapeau est planté ; qu'un bras ferme le saisisse, et tout sera pour
le mieux.
Ce n'est pas, du reste, au musicien qu'il y a lieu de s'en
prendre en cette occurrence ; on doit le plaindre, au contraire, de
n'avoir pas été mieux servi par les auteurs du livret. Lui aussi, il a
fait tout ce qu'il a pu des éléments dont il avait à tirer parti. Est-
il responsable de leur banalité, de leur insuffisance? Qu'on veuille
bien nous permettre d'analyser succinctement les pièces du procès ;
on pourra en juger.
Stéphen est un ténor qui a eu un commencement d'intrigue
amoureuse avec une cantatrice à roulades, la signora Theodora. Re-
venu de ses premières illusions, il fait la connaissance de la fille de
Gantz, le célèbre maître de chapelle de Weimar, qui a écrit pour le
théâtre une partition sur le Comte d'Egmont. Tout en étudiant son
rôle avec le maestro, Stephen s'éprend d'une violente passion pour
la plus charmante de ses œuvres, l'aimable et gracieuse Antonia. Mais
la cantatrice délaissée vient ressaisir sa proie, et une lutte s'établit
entre les deux rivales. Pour combattre sur le même terrain et avec
les mêmes armes, Antonia se fait actrice et prend un rôle dans
l'opéra paternel. Par malheur, sa mère lui a légué une faiblesse
d'organe qui la trahit au moment décisif. Elle a joué sa vie dans cet
effort suprême, mais elle en est quitte pour la perte de sa voix, et
Stéphen, touché de tant de courage et d'amour, revient définitive-
ment à elle et l'épouse.
Sur cette donnée, qui ne brille pas, comme on voit , par l'in-
vention , M. Ventéjoul a composé quelques morceaux estima-
bles, mais empreints, beaucoup moins par son fait que par ce-
lui de ses collaborateurs, d'une fâcheuse monotonie. A la manière
dont sa partition a été d'un bout à l'autre acclamée par un audi-
toire trop bienveillant , il serait peut-être en droit de croire à un
éclatant succès; mais ce serait là une illusion dangereuse. S'il ne se
laisse pas éblouir par ces faux-semblants d'enthousiasme, il nous
fournira sans doute, dans un second ouvrage, l'occasion de faire
ressortir les qualités qui ne sont qu'en germe dans la Fille du
maître de chapelle. Çà et là, néanmoins, nous avons remarqué des
intentions suivies d'effet; au premier acte, par exemple, un air de
basse, une romance, un finale sur la pluie et le beau temps, dont
les paroles ne sont guère de nature à provoquer l'inspiration; au
second acte, un gentil duetto pour voix de femmes, un morceau de
situation assez bien venu, un trio final ; et enfin, au troisième, le
grand air de Theodora, et un air pour ténor.
Sauf Mlle Garait, que nous avons entendue à l'Opéra-Comique, et
dont le talent nous a semblé être en progrès, tous les autres inter-
prètes de M. Ventéjoul nous étaient inconnus, tout au moins en per-
sonne ; car les noms de quelques-uns d'entre eux étaient venus jus-
qu'à nous. Mme de Jolly, agréable comédienne et chanteuse exercée,
a laissé d'excellents souvenirs dans nos principales villes de la pro-
vince ; M. Bonnefoy a conquis également une réputation méritée sur
les grandes scènes de Belgique et de France. MM. Gadilhe et Fer-
nando u'ont pas, à beaucoup près, la même habitude des planches ;
mais le premier possède une bonne voix de ténor, et le second n'est
pas un baryton sans mérite. Les chœurs et l'orchestre complètent
un très-satisfaisant ensemble.
D. A. D. SAINT-YVES.
GRAND PRIX DE COMPOSITION MUSICALE.
Conformément au décret du h mai dernier, le jury désigné par le
sort pour juger le concours de composition musicale s'est réuni
vendredi dernier, à midi, dans la petite salle du Conservatoire de
musique et de déclamation.
Le jury était ainsi composé : M. Auber, président, Berlioz, Georges
DE PARIS.
227
Kastner, prince Poniatowski, Barbereau, Elwart, Boulanger, Bazin,
Duprato.
Les cinq cantates ont été successivement exécutées dans l'ordre
suivant :
1° La cantate de M. Saint-Saëns a été chantée par MM. Warot, Ar-
chainbaud et Mme Galli-Marié ;
2° Celle de M. Danhauser, par MM. Warot, Battaille et Mlle Mon-
rose ;
3° Celle de M. Constantin, par MM. Morrere, Gourdin et Mme Fer-
dinand;
h° Celle de M. Lefebvre, par MM. Bach, Bonnesseur et Mlle Le-
vieilli ;
5° Enfin, celle de M. Sieg, par MM. Colomb, Gourdin et Mme Ge-
netier.
C'est à la cantate de M. Sieg, élève de M. Ambroise Thomas, que
le grand prix a été décerné, après une courte délibération.
Par une conséquence des décrets impériaux relatifs aux grands prix
de Rome, il ne pouvait en être décerné qu'un seul aux concurrents
âgés de plus de vingt-cinq ans, et quatre des concurrents avaient
dépassé cet âge ; M. Lefebvre seul ne l'avait pas encore atteint.
CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Concours à nuis clos.
Lundi 11 juillet.
Solfège. (Classes des hommes.) — Premières médailles: MM. Pastou,
élève de M. Batiste; Souplet, élève de M. Duvernoy ; Hammerel,
élève de M. Batiste; Bourgeois, élève du même; Fridrich, élève de
M. Emile Jonas.
Deuxièmes médailles : MM. Tirpenne, élève de M. Emile Durand ;
Marie, élève du même; Savary, élève de M. Batiste ; Rougnon, élève
du même; Courtade, élève du même; Jouet, élève de M, Emile Du-
rand ; Brun, élève de M. Emile lonas.
Troisièmes médailles : MM. Deloche, élève de M. Savard; Rol-
land, élève de M. Emile Jonas; Corlieu, élève de M. Alkan ; Truffot,
élève de M. Batiste; Darblay, élève de M. Emile Durand; Cibié,
élève de M. Alkan ; Bourdeau 5e, élève du même ; Carlier, élève de
M. Emile Durand.
(Classes des femmes.) — Premières médailles : Mlles Ducasse,
élève de Mme Maucorps ; Renaud, élève de Mlle Mercié-Porte ; André,
élève de la même; Savit, élève de Mlle Barles; de Massas, élève de
M. Batiste; Biot, élève de M. Lebel ; Boulat-Lebel, élève du même;
Sinner, élève du même; Bastin, élève de Mlle Leclercq ; Hisson,
élève de M. Lebel.
Secondes médailles : Mlles Alizier, élève de Mlle Barles; Salo-
mon, élève de Mme Doumic; Penau, élève de M. Lebel; Barbetti,
élève du même ; Nondin, élève de Mme Doumic; Lecallo, élève de
Mlle Leclercq ; Midoz, élève de M. Lebel ; Cœvoët, élève de Mme
Maucorps; Clause, élève de M. Lebel; Seguin, élève de Mme Dou-
mic; d'Almeïda, élève de M. Lebel; Legros, élève de Mlle Mer-
cié-Porte ; Blankemstein , élève de Mlle Mercié-Porte ; Mention ,
élève de Mlle Hersant; Grillon, élève de M. Lebel.
Troisièmes médailles : Mlles Batiste, élève de M. Batiste; Max,
élève du même ; Leclerc, élève de Mlle Barles ; Lacroix, élève de
M. lebel; Léon, élève de M. Batiste; Reingpach, élève de M. Go-
blin ; Dajon, élève de Mme Maucorps ; Poileux, élève de M. Lebel ;
Worms, élève de Mlle Leclercq; Janin 2e, élève de M. Goblin ;
Rozé, élève de Mme Doumic; Régnier, élève de Mme Doumic; De-
launay, élève de Mlle Barles ; Goethals, élève de Mlle Leclercq ; Ja-
nin 1", élève de M. Goblin ; Hamus, élève de Mme Maucorps ;
Donne, élève de Mme Maucorps; Waldleufel, élève de M. Lebel.
Mardi 12 juillet.
Harmonie.— 1er prix, MM. Gaurion, élève de M. Clapisson; Covin,
élève du même. 1er accessit, Quinzard, élève du même ; 2G accessit,
Ghilain, élève du même; 3° accessit, Bannelier, élève de M. Elwart.
Contre-point et fugue. — 1er prix, MM. Lavignac, élève de M. Amb.
Thomas; 2e prix, Boisseau, élève de M. Reber. 1er accessit, Godin,
élève de M. Reber; 2° accessit, Power, élève de M. Amb. Thomas.
Mercredi 13 juillet.
Contre-basse. (Professeur, M. Labro). — 1er prix, MM. Schubert ;
2° prix, Veyret. 1er accessit, Bollaert; pas de second accessit; 3° ac-
cessit, Baugean.
Orgue (professeur, M. Beioist). — Ie' prix, MM. Blondel ; 2e
prix, Girard ; Ie' accessit, Leavy et Lavignac ; 2e accessit, Henri
Hess.
Harmonie et accompagnement pratique (hommes), (professeur,
M. Bazin). — 1er prix, MM. Pradean et Eosen; 2e prix, Vygen;
1er accessit, Rabuteau ; 2e accessit, Wintzweiller, 3e accessit, Suiste.
Femmes. — 1er prix, Mlles Hardouin, élève de M. Bienaimé; 2e
prix, Noël, élève de Mme Dufresne, et Vidal, élève de la même;
■Ie' accessit, Jungk, élève de la même; 2e accessit, Mangot, élève
de la même.
Jeudi 14 juillet.
Élude du clavier (classes des hommes et des femmes). — Pre-
mières médailles : Mlles Davis, élève de Mme Réty; Schart, élève
de la même ; Potty, élève de la même ; Joséphine Wilden, élève de
la même; Biot, élève de la même; Louise Wilden, élève de la
même; Régnier, élève de Mlle Jousselin, M. Forestier, élève de
M. Croharé.
Deuxièmes médailles : Mlles Bloch, élève de Mlle Jousselin ; La-
croix, élève de Mme Réty, Boulat-Lebel, élève de la même; Girar-
dot, élève de la même ; Muller, élève de Mlle Jousselin ; Barbetti,
élève de Mme Réty; Lecallo, élève de la même.
Troisièmes médailles: Mlles Mangot, élève de Mlle Rouget de
Lisle ; M. Bourgeois, élève de M. Anthiome ; Mlles Salomon, élève
de Mlle Jousselin; Beaumont lre, élève de la même; Alizier, élève
de la même ; Léon, élève de la même.
Les concours publics commenceront mercredi prochain, et auront
lieu dans l'ordre suivant : mercredi 20 juillet, chant; jeudi 21, piano;
vendredi 22, opéra-comique; samedi 23, tragédie et comédie ; lundi
25, grand opéra; mardi 26, violoncelle et violon; mercredi 27 et
jeudi 28, instruments à vent.
La distribution des prix est annoncée pour le mardi 2 août.
DES MÉLODIES DE MEYERBEER
ET DE
SES ŒUVRES EN GÉNÉRAL RELATIVEMENT AU PIANO.
Les conquêtes de Meyerbeer dans le domaine de l'instrumentation,
en ce qui touche la sonorité, l'harmonie, le rhythme, sont nom-
breuses et ont été fécondes. Elles sont acquises à la notoriété uni-
verselle. Ce que l'on sait moins, c'est que, lorsqu'il s'est restreint aux
compositions pour piano seul, le génie de Meyerbeer a été tout aussi
admirable que lorsqu'il a utilisé toutes les ressources orchestrales.
On sait que le grand compositeur avait excellé comme pianiste.
Dès que la fascination des succès de théâtre l'eut frappé, il cessa de
jouer du piano comme virtuose. Mais il lui était resté de ses études
sur cet instrument un incomparable talent d'improvisation, et les
rares privilégiés qui ont été admis à l'entendre dans ses heures de
bonne volonté, où, cédant aux prières de l'amitié et à l'admiration de
grands écrivains ou de grands artistes, il laissait sur le clavier ses
doigts réaliser ses fugitives inspirations, en ont gardé un souvenir
228
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qui ne s'effacera pas. Chez Chopin, où sa visite était toujours un
événement, les discussions de doigté, de rhythme, d'esthétique, ne
manquaient jamais d'amener quelqu'une de ces études improvisées.
Il serait facile de citer bien des impovisations auxquelles moins de
mystère présidait. Comme improvisateur, Meyerbeer portait si loin
l'art de fixer des idées fugitives, de les régulariser et de donner de
l'ordre à la spontanéité de l'improvisation, qu'à l'exception de cer-
tains traits inattendus, hasard heureux d'un beau génie se livrant à
son imagination, il semblait exécuter des compositions méditées plu-
tôt que de véritables improvisations. Une femme que l'on nommera
quand nous aurons dit que c'est le plus solide et le plus brillant
écrivain de notre époque, a eu le bonheur de l'entendre souvent, et
nous a maintes fois parlé de ces séances magnifiques. Elle a même
remarqué que, d'habitude, l'illustre virtuose se donnait un thème
qui était chargé de tout terminer, et comme l'explosion de l'im-
provisation entière. Dès le commencement, on voyait l'idée germer,
sourdre/; se diviser, s'enrichir d'accessoires, d'embellissements;
mais tout cela servait de préparation, de repoussoir; et par degrés,
le motif se détachait, jusqu'à ce qu'enfin, dans un crescendo continu,
il éclatât comme un hymne exalté, enivré. C'était là sa méthode
d'improviser la plus habituelle, une formule que du reste Meyerbeer a
reproduite plusieurs fois dans ses opéras, dans la cavatine : Grâcel
de Robert, notamment, et dans le lied du Chant de Mai. Autour de ce
motif, qui était le coup d'éclat, mille motifs bruissaient et circulaient,
et l'on pouvait reconnaître combien les idées étaient nombreuses,
faciles et puissantes chez ce maître dont les œuvres sont si savam-
ment composées et assemblées dans une si ferme unité que chaque
œuvre semble un tout indissoluble. De ses études sur le piano, il est
resté un vestige ineffaçable dans les partitions réduites au piano de
tout l'œuvre de Meyerbeer, et le don de pénétrer le génie des ins-
truments, qui fut si naturel à cette intelligence admirable, se retrouve
sous un aspect tout imprévu dans ses œuvres où le piano seul est
chargé de résumer tant de sonorités diverses, tant d'effets complexes,
tant de nuances de l'orchestre et de la voix, et, en un mot, toute la
composition.
Certes, ce n'est pas une musique à mettre entre les mains des
pianistes peu exercés ; mais on peut dire que la difficulté proprement
dite n'y existe point. Chez Meyerbeer la difficulté est ce qu'elle est
dans les maîtres, elle est dans la nature de l'idée qui n'aurait pu
être exprimée sans la difficulté ; elle n'est que le corollaire des idées
qu'elle exprime. Ses arrangements au piano sont religieusement faits,
sages, n'exagérant en rien les moyens d'exécution de l'instrument.
Ce sont des partitions à l'usage des gens qui n'ont pas l'expérience
et l'habitude des partitions, et qui seraient déroutés dans la grande
page distribuée entre tout un orchestre et les voix.
Dans la bibliothèque musicale il y a peu d'arrangements satisfai-
sants. On cite le Freischute réduit pour piano par Weber, la sym-
phonie héroïque réduite par Muller, certaines transcriptions de Liszt,
de Hummel, de Schneider, Czerny ; Mendelssohn se transcrivant lui-
même dans sa symphonie dédiée à la reine Victoria, et c'est tout.
Beethoven transcrivant lui-même sa symphonie en la n'a commis
qu'une erreur. Un arrangement est toujours une difficulté parce
qu'on se résout difficilement à n'y vouloir mettre que les grandes
lignes des idées, et à ne faire qu'une gravure là où la partition est
un tableau.
Meyerbeer, qui avait le sens critique très-développé, ne s'y est
point trompé, et nous retirons de son talent de pianiste un bénéfice
tout nouveau dans la réduction de ses partitions, réductions tou-
jours faites sous l'œil du maître, contrôlées, révisées, remaniées, re-
faites et refondues par lui, et ainsi amenées à un point de perfection
qui ne saurait être dépassé. En effet, Meyerbeer pouvait seul juger
et diminuer tout l'ensemble des moyens multiples dont il s'est servi
pour produire les œuvres gigantesques qui ont nom : Robert le Dia-
ble, les Huguenots, le Prophète, Struensée, les Marches aux flam-
beaux, Schiller-Marsch, etc. De toutes les combinaisons mises en
œuvre par le compositeur résulte la couleur générale qui domine
chaque partition et qui réside à la fois dans le chant, dans l'accom-
pagnement, dans l'harmonie, dans les mouvements, etc. A travers
tous ces éléments , comment découvrir la corde sensible de l'émo-
tion ? l'effet est partout, il circule au milieu de cette trame puis-
sante, communiquant à l'œuvre entière l'unité, la chaleur, la vitalité.
Qu'un profane s'évertue à réduire au piano une semblable partition,
il s'égarera, travaillera au hasard et gâtera tout. C'est un bonheur
pour l'art que Meyerbeer ait contrôlé et refondu lui-même chacune
des réductions de ses œuvres depuis Marguerite d'Anjou et il Cro-
ciato, jusqu'à l'accompagnement provisoire au piano des chœurs quj
doivent, dès qu'ils ont été appris, être chantés par des voix seules.
Nous avons ainsi tous ses chefs-d'œuvre sous leur double aspect, et
aussi vivants, aussi complets, avec l'accompagnement au piano, que
dans leur suprême manifestation à grand orchestre. Chaque œuvre,
quelle qu'elle soit, est ainsi à la portée de chaque artiste isolé, de
chaque exécutant solitaire, et, en mettant la main au piano, on est
sûr qu'on va reproduire la pensée du maître dans sa native virtualité,
sans avoir à redouter qu'elle soit trahie par un musicien ignorant et
sans goût, ou diminuée par un arrangeur vulgaire. Si Gluck s'était
donné cette peine, il eût rendu un grand service à nous tous, qui
sommes sa postérité. Meyerbeer l'a fait ! Il serait ingrat à nous de
ne pas lui en montrer de la reconnaissance.
Maurice CRISTAL.
SOUVENIR INÉDIT DE LESUEUR.
Je voudrais aujourd'hui raconter un trait jusqu'à présent resté
inconnu de la vie du grand musicien auquel la France doit plusieurs
chefs-d'œuvre, parmi lesquels je me contenterai de citer la Caverne
et les Bardes. Le fait que je vais tirer de l'ombre honore grande-
ment la mémoire de Lesueur, et prouve que chez lui le cœur était
à la hauteur de l'intelligence.
Le 21 fructidor an II (7 septembre 179A), le théâtre Favart don-
nait la première représentation d'un grand ouvrage, Arabelle et Vas-
cos, ou les Jacobins de Goa (le sous-titre peut sembler singulier),
drame lyrique en trois actes dont les principaux rôles étaient remplis
par Elleviou, Chenard, Solié, Saint-Aubin, Mmes Desbrosses et Crétu.
Le Journal de Paris terminait ainsi son compte rendu de la repré-
sentation de cette pièce, dans son numéro du 26 fructidor : « La
musique est du C. Lesueur; la réputation de ce compositeur célèbre
a nui au succès de cet ouvrage, parce qu'en comparant cette produc-
tion nouvelle à ses ouvrages déjà connus, la comparaison n'est pas
à l'avantage de celui-ci. Il y a néanmoins plusieurs morceaux d'une
grande beauté, et qui portent le cachet de ce grand maître. — L'au-
teur des paroles est le C. Lebrun-Tossa, déjà connu par plusieurs
ouvrages qui ont eu du succès. »
Or, la musique à.'1 Arabelle et Vascos, attribuée d'abord h Lesueur,
n'était point de lui, ainsi que nous Talions voir par la lettre sui-
vante, dans laquelle il explique les motifs très-louables qui lui en
avaient fait endosser la responsabilité. Cette lettre était adressée au
même Journal de Paris, qui la publia le 17 brumaire an III, deux
mois après la première représentation de l'ouvrage:
« Il est temps d'instruire le public et les artistes du théâtre de
l'Opéra-Comique national des motifs qui m'ont déterminé à faire pa-
raître sous mon nom la musique du drame intitulé : Arabelle et Vas-
cos. Le premier a été d'épargner au citoyen Marc , auteur de cette
musique, les désagréments attachés à un début; le second, de don-
ner aux artistes du théâtre Favart un compositeur de plus, et de
DE PARIS.
229
montrer à la République un talent qui pourra lui devenir cher. Je
ne me suis point dissimulé les dangers que j'avais à courir, en me
chargeant de la responsabilité de cet ouvrage; mais une bonne
école, une musique à la fois pittoresque , énergique et chantante,
l'empreinte d'une main sûre et d'une méthode excellente qui peut
faire honneur à notre école française, tout m'a rassuré. J'étais si in-
timement persuadé de la beauté de plusieurs morceaux de cet opéra,
que j'en eusse regardé la chute comme une injustice ; et, dans ce
cas, j'aurais eu le courage de la supporter. Enfin le succès a cou-
ronné mon espoir, et j'en rends la gloire à qui elle appartient tout
entière. J'atteste maintenant que c'est moins l'amitié pour le musi-
cien que son talent qui m'a déterminé à la démarche que j'ai faite,
et que j'eusse entrepris la même chose pour tout autre artiste qui
eût eu le même génie. Mon extrême amour pour les arts, et leur
gloire, est entré pour tout dans le péril auquel je me suis exposé.
Je déclare en outre n'avoir point fait une note dans la musique du
citoyen Marc, ni même donné un conseil ; car, si l'un de nous deux
pouvait en donner à l'autre, ce ne serait pas moi, vu que, dans un
temps où je savais à peine les éléments de mon art , le compositeur
dont je parle avait déjà remporté un prix de musique sur quarante-
cinq rivaux qui concouraient avec lui. Il ne me reste qu'à inviter les
artistes de l'Opéra-Comique national à continuer leurs soins pour un
ouvrage qui. par l'affluence des spectateurs qu'il continue d'attirer,
prouve combien il est agréable au public.
» Signé: Lesueur. »
Ainsi, en 1794,. nous voyons Lesueur, déjà célèbre par sa musique
religieuse, Lesueur, pour qui une ère de gloire avait commencé par
la représentation de ses deux premières œuvres dramatiques, la Ca-
verne et Paul et Virginie, tendre charitablement la main à un artiste
obscur, user de son influence et de son crédit pour faire recevoir
sous le couvert de son nom, dans un grand théâtre, une partition
de cet artiste, employer son temps en démarches, en travaux, en
répétiticns pour arriver à produire en public une œuvre qui n'était
point sienne, une œuvre dont la destinée pouvait être malheureuse,
et par là même porter atteinte en même temps à la réputation et à
l'avenir de celui qui se donnait pour son auteur. N'est-ce pas là un
spectacle touchant et bien digne d'inspirer autant de sympathie pour
le caractère de Lesueur que ses œuvres sont faites pour provoquer
l'admiration? Trouverait-on, dans n'importe quel temps, beaucoup
d'artistes capables à la fois d'une telle générosité, d'une telle bonté
de cœur, d'un tel dévouement, surtout si l'on réfléchit que cette gé-
nérosité, cette bonté, ce dévouement pouvaient, non-seulement être
produits en pure perte, mais encore, grâce à un échec , devenir si
funestes à celui qui les avait déployés ?
J'ai vainement cherché, partout où j'avais chance de le rencontrer,
un renseignement quelconque sur ce Marc, auteur véritable et authen-
tique de la musique d'Arabelle et Vascbs ; musicien resté obscur,
celui-ci n'est mentionné par aucun biographe. Choron et Fayolle
n'ont pas eu connaissance de la lettre et du fait que je viens de rap-
porter et que le hasard seul m'a fait découvrir, au milieu de re-
cherches qui avaient un tout autre objet: leur Dictionnaire his-
torique des musiciens est donc muet à cet égard, ainsi que la
première et la seconde édition de la Biographie universelle des mu-
siciens. La Biographie Arnault, celle de MM. de Jouy, Jay et de
Norvins (Biographie universelle et portative des contemporains),
d'ordinaire si exacte et si bien informée, n'ont point d'article sur
Marc, non plus que l'immense recueil de Michaud et celui de M. Di-
dot. L'Almanach des spectacles du libraire Duchesne, dont la publi-
cation fut interrompue en 1795, mais qui, dans son volume de l'an
VIII, donnait une liste des ouvrages joués sur les principaux théâtres
de Paris depuis qu'il avait cessé de paraître, oublie Arabelle et Vas-
cos en compagnie de bien d'autres, et ne donne le titre de cette
pièce ni au catalogue des œuvres de Lebrun-Tossa, auteur des paro-
les, ni à celui de Lesueur, ni à celui de Marc, qui n'y existe pas.
Enfin, Delandine, dans sa très-inexacte et très -incomplète Biblio-
graphie dramatique, est pourtant le seul qui mentionne cet opéra,
mais il en indique la musique comme étant de Lesueur.
J'espérais du moins que, dans l'édition du poëme d'Arabelle et
Vascos, Lebrun-Tossa aurait consigné, soit en notes, soit sous forme
de préface, quelques détails relatifs aux particularités qui signalè-
rent la représentation de cet opéra : il n'en est rien. Et cependant,
il est impossible de supposer que cet écrivain n'a pas eu connais-
sance de la supercherie employée en cette occasion par Lesueur, et
qu'il n'ait pas su lequel, de celui-ci ou de Marc, était réellement son
collaborateur. Eh bien, non-seulement il n'en dit pas un mot, mais
encore sa brochure porte le nom de Lesueur comme auteur de la
musique. Elle aura sans doute été publiée avant que ce dernier eût
fait connaître, par sa déclaration publique, qu'il était complètement
étranger à la composition de l'ouvrage.
Il est fâcheux qu'on ne puisse absolument rien savoir sur l'auteur
véritable de cette partition, partition qui, je pense, n'a jamais été
gravée, mais dont la valeur devait être incontestable pour qu'un
artiste tel que Lesueur consentît à lui donner le passeport de son
nom, et qu'il en eût « regardé la chute comme une injustice. »
Ces dernières lignes de la lettre du grand musicien constatent d'ail-
leurs le bon accueil fait à l'œuvre, puisqu'il les écrivait deux mois
après la première représentation : « Il ne me reste qu'à inviter les
artistes de l'Opéra-Comique national à continuer leurs soins pour un
ouvrage qui, par l'affluence des spectateurs qu'il continue d'attirer,
prouve combien il est agréable au public. »
Quoi qu'il en soit, j'ai pensé qu'un fait si honorable pour le ca-
ractère de Lesueur ne devait point rester inconnu, et je suis, pour
ma part, heureux de rendre ici à sa mémoire l'hommage qui lui
est dû.
Arthur POUGIN.
NOUVELLES.
*** Lundi, le théâtre impérial de l'Opéra a donné la première repré-
sentation du ballet de Saint-Léon : Néméa. Nous en rendons compte.
Deux autres représentations ont eu lieu mercredi et vendredi. — Mlle de
Maesen a fait un second début dans le Comte Ory qui précédait le bal-
let ; la jeune et belle cantatrice y a montré les qualités et les défauts
que nous avons signalés lors de son premier début.
*% Mercredi prochain, Morère fera son second début dans le rôle de
Raoul, des Huguenots.
(i*, La prochaine saison du théâtre Italien commence à se dessiner,
et M. Bagier s'occupe incessamment de tout ce qui pourra lui donner
de l'éclat. Déjà quarante artistes, au nombre desquels, en dernier lieu,
l'excellent baryton Delle-Sedie, ont traité avec M. Bagier. — Il engage en
outre un corps de ballet qui sera composé de jeunes et jolies dan-
seuses, et qui complétera agréablement les spectacles.— De plus, beau-
coup d'améliorations sont faites dans la salle et la rendront plus con-
fortable. Ainsi : 1° quatre des premières loges découvertes vont être
supprimées afin d'élargir les autres; 2° les séparations de ces loges
seront élevées de manière à ce qu'on ne soit plus coude à coude d'une
loge à l'autre ; 3° ces loges ne seront abonnées et louées qu'à des per-
sonnes de la Société; 4° l'orchestre, tout en conservant son passage au
milieu, aura deux rangs de moins, qui ont été supprimés pour élargir
la distance entre ceux qui resteront; 5° en outre, quelques-uns des
rangs de fauteuils d'orchestre seront convertis en stalles qui se ven-
dront moins cher le soir au bureau que les fauteuils d'orchestre.
*** Le choix de M. Bagier s'est fixé sur M. Bosoni pour diriger l'or-
chestre du théâtre Italien cet hiver. M. Bosoni est un artiste de mérite
qui a été chef d'orchestre au théâtre de la Fenice, à Venise.
*** La direction du théâtre Lyrique va mettre à l'étude un opéra-
comique de MM. Jules Barbier et Edouard de Hartog, le Mariage de
Don Lope, qui sera l'une des pièces nouvelles de la saison prochaine.
t% Mlle Christine Nielson, élève de Wartel, après une brillante au-
dition, vient d'être engagée pour trois ans au théâtre Lyrique.
„*$ Mme Emmy Lagrua est arrivée cette semaine à Paris après avoir
brillamment clos sa saison au théâtre italien de Covent-Garden. La
230
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
célèbre cantatrice, engagée comme nous l'avons dit au théâtre de San-
Carlo à Naples, va passer encore quelques jours ici, après quoi elle ira
se reposer en Italie.
,% Nous empruntons au journal le Pays la note suivante : « La dé-
molition du pâté de masures qui forme l'angle du boulevard Bonne-
Nouvelle et de la rue du Faubourg-Saint-Denis paraît aujourd'hui déci-
dée, et sur cet emplacement doit s'élever un théâtre, qui aura pour
titre : Théâtre international. La place nous manque pour donner une
idée complète de ce que sera, comme monument, le Théâtre interna-
tional. Contentons-nous de dire que la façade principale donnant sur le
boulevard sera conçue dans le style corinthien et aura 31 mètres d'é-
lévation. La façade latérale longera le faubourg Saint-Denis jusqu'à la
rue de l'Echiquier, sur une profondeur de 111 mètres. Le côté latéral
opposé sera isolé par une rue de 3 mètres de largeur, allant du bou-
levard Bonne-Nouvelle à la rue de l'Echiquier. La salle de ce nouveau
théâtre, ayant la forme d'une lyre, contiendra 6,400 personnes. Elle
comportera un orchestre de 120 musiciens, un parterre de 2,100 places,
et enfin plusieurs étages de loges. La scène aura une profondeur de
30 mètres (celle du nouvel Opéra n'en aura que 18). Le service public
se fera par vingt escaliers de 3^40 de largeur. »
„% Si l'on en croit un journal de Berlin, Carlotta Patti viendrait
l'hiver prochain donner, sous la direction d'Ullmann, une série de
concerts dans cette ville. Les artistes dont les noms suivent lui prê-
teraient leur concours : Vieuxtemps, Alf. Jaell, Jules Steffens, violon
celliste, et le baryton Ferranti. 11 est également question de Vivier et
de Godefroid.
»% Mme Anna Bochkoltz-Falconi, professeur au Conservatoire impé-
rial de Vienne, est en ce moment à Paris.
„** Morini est parti pour Brcscia où il a été engagé pour chanter le
rôle de Faust, dans lequel il a très-bien réussi l'hiver dernier au théâ-
tre Lyrique.
*** Les journaux de Lyon constatent à l'envi, et dans les termes les
plus chaleureux, le succès qu'y obtiennent Berthelier et Mlle Frasey
dans Lischen et Fritschen , et Jean Torgnole. Le célèbre comique, y a
joué également les Deux Aveugles avec M. Lamy; ils y ont été étour-
dissants. La recette s'est élevée au maximum à 1,900 francs, et on
a dû refuser plus de cent fauteuils.
^ Il vient de paraître chez Marcel Colombier, rue Richelieu, 85, une
toute petite mais charmante composition d'Emilie de Passardi. C'est une
polka de salon distinguée et originale.
*.** On nous écrit d'Ems que le Soldat magicien, de MM. Nuitter et
Trefeu, musique d'Offenbach, vient d'y être représenté avec un grand
succès. Nous en rendrons compte dans notre prochain numéro.
»*„ Arban vient de se signaler à Marseille comme à Nantes; une ova-
tion des plus chaleureuses lui a été faite au Château des fleurs, à la
fête de nuit donnée par cet établissement, et que le célèbre chef d'or-
chestre parisien a dirigée avec son talent et son entrain habituels.
*% D'après un relevé statistique qui vient de paraître, le nombre
des salles de spectacle existantes en Allemagne est de 165, parmi les-
quels 19 théâtres subventionnés par les gouvernements et 12 par les
municipalités.
„% Le 3 de ce mois, les élèves du collège royal de musique de
S. Pietro a Maiella, de Naples, pour honorer la mémoire de Meyerbeer,
ont exécuté dans une séance organisée à cet effet- les morceaux sui-
vants de l'illustre compositeur : ouverture de l'Etoile du Nord ; chœur
des conjurés du Croeiato; fantaisie pour la flûte sur les motifs de
Robert; ouverture de Struensée; fantaisie pour le piano sur les Huguenots;
chœur et introduction du Croeiato; ouverture du Pardon de Ploërmcl.
La solennité a été précédée d'un discours très-remarquable du cheva-
lier Michel Baldacchini, gouverneur du collège, et qui a été fort ap-
plaudi.
t% On s'occupe au Conservatoire de Vienne de l'exécution d'un pro-
jet ayant pour but d'assurer une pension convenable aux veuves de
ses professeurs. Les fonds nécessaires proviendront principalement du
produit de concerts et de souscriptions.
„*„ Le 7 de ce mois a eu lieu à Hombourg le grand concert du Ca-
sino. Jaell, Vieuxtemps et Seligmann y ont joué les plus beaux mor-
ceaux de leur répertoire ; la Sylphide, composition de Jaell ; une
mélodie anglaise arrangée par lui, et la valse de Chopin ont produit
un effet immense. De son côté, Vieuxtemps dans un rondo brillant
de sa composition, dans un ravissant morceau, la Bohémienne, écrit
récemment par lui, et dans son grand duo des Noces de Figaro,
avec Jaell, a soulevé les acclamations les plus enthousiastes. Enfin
Seligmann a conquis sa bonne part de l'admiration générale, en jouant
avec son talent si sympathique et si plein de sentiment, plusieurs œu-
vres de sa composition.
»% La fête musicale organisée dimanche dernier à Charenton a [été
fort brillante. Le jury était composé de MM. Berlioz, Battaille, Carvalho,
Jancourt, Deffès, Triebert, Bazzoni et Camille de Vos. La médaille d'hon-
neur en or, offerte par S. M. l'Empereur, a été décernée à la musique
du 89e de ligne qui a pour chef M. Marchai.
*% On parle d'un grand perfectionnement clans la facture des ins-
truments de cuivre, et qui consisterait dans la découverte d'un moyen
de fixer le son de manière à le faire sortir juste, même lorsqu'il serait
mal attaqué par l'exécutant. C'est M. de Rette, ancien chef de musique
dans l'armée belge, et aujourd'hui facteur lui-même, qui est l'auteur
de cette invention pour l'examen de laquelle une commission vient
d'être nommée.
„.** M. Vigourel, qui a chanté avec succès les rôles de baryton en
province, a remplace, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, Raynal dans
le rôle de Figaro du Barbier de Séville.
*% L'administration du théâtre Lyrique impérial prévient MM. les
artistes musiciens qu'un concours pour des places vacantes de violons,
altos et violoncelles, aura lieu au théâtre tous les mercredis de midi à
deux heures. On est prié de se faire inscrire chez le concierge du
théâtre.
„.** Il y avait foule dernièrement à Neuilly pour assister à un concert
de bienfaisance organisé par M. Ancelle, maire de la localité. Mme
Frezzolini, Mlle Joséphine Martin, MM. Badiali, Sainte-Foy, Fromant,
Sotto et le brillant violoniste Whlte, prêtaient leur concours à cette
bonne œuvre. Ils ne s'y sont pas épargnés, et ils ont trouvé dans les
plus chaleureux applaudissements la récompense de leur zèle et de leur
talent ; les pauvres n'ont eu de leur côté qu'à se féliciter du produit
de la recette.
„.*„. Nous avons eu l'occasion d'entendre dernièrement une délicieuse
valse de salon intitulée Souvenir de Saint-Germain, et qui a été com-
posée par Mlle Elisabeth Saint-Marc ; nous ne nous tromperons pas en
lui prédisant un grand succès.
*** M. Stoltz, l'habile facteur d'orgues, vient d'exposer dans ses ate-
liers, avenue de Saxe, 33, où on peut le visiter jusqu'à la fin du pré-
sent mois, un grand orgue qui lui a été commandé par M. Carmené,
curé de l'église paroissiale de Saint-Pierre (île de la Réunion). C'est un
magnifique instrument à huit jeux pour le premier clavier, cinq pour
le second, avec clavier de pédale à l'allemande à tirasse, cinq pédales
de combinaison, le tout offrant un développement de six cent quarante-
deux tuyaux. Ses dimensions sont de 5 mètres de hauteur, h mètres
de largeur sur lm,30 de profondeur.
t*„ M. A. Leprévost, organiste à Saint-Roch, fera exécuter, diman-
che prochain 24 juillet, en l'église de Sainte-Marguerite (faubourg Saint-
Antoine), à l'occasion de la fête patronale de cette paroisse, et à 10
heures précises, sa quatrième messe à grand orchestre ; les soli seront
interprétés par MM. Louvergne et Lutz (des théâtres impériaux). A
l'Offertoire, l'orchestre jouera une nouvelle mélodie religieuse composée
pour cette solennité par M. Leprévost.
„% La charmante walse d'Offenbach: Feuilles du soir, obtient un suc-
cès qui grandit chaque jour. Le premier tirage est épuisé ; le second
tirage sera demain en vente.
%*t Comme prélude à son grand ouvrage : Musique harmonique et
musiciens harmonistes aux xnc et xmc siècles, M. Ed. de Coussemaker
vient de publier dans les Annales archéologiques de Didron, une notice
pleine d'intérêt, qui a été réimprimée à part. Le cinquième fascicule des
Scriptores de musicâ medii œvi, de ce savant, vient de paraître égale-
ment. On imprime la table et l'introduction.
*** M. Edouard Bouscatel, le courriériste du Petit Journal, vient
d'écrire les paroles de deux charmantes compositions qui ont pour titre,
l'une : Le Chasseur, ballade publiée chez l'éditeur liiehault, et dont
la musique pleine de distinction et de maestria est due au prince Jo-
seph Poniatowski ; l'autre, Gilda, est une walse publiée chez Girod. Ces
deux œuvres sont réservées à un grand succès.
*** L'historien belge, Vanderstraten, fait mention d'un compositeur du
xvine siècle, nommé Sieux Vallancier, qui était resté entièrement in-
connu jusqu'à présent, dont plusieurs compositions très-remarquables,
entre autres une Ode spirituelle, composée en 1748, ont été retrouvées.
Il a demeuré au couvent des Ursulines à Lyon.
*** On lit dans la Gazette des Etrangers : « Le morceau que Rossini
a écrit le jour de l'enterrement de Meyerbeer est intitulé :
QUELQUES MESURES FUNÈBRES
A mon pauvre ami
GIACOMO MEYERBEER.
GioAccmNO Rossini.
6 mai 1864.
» C'est un chœur à quatre parties, d'un effet imposant et grandiose,
et dont le rhythme large est indiqué simplement par un coup frappé à
temps égaux sur les timbales, recouvertes d'un voile qui en assourdit
le timbre. Ce morceau est magnifique, d'une tristesse et d'une mélan-
colie indicibles, et digne du maître immortel qui l'a écrit sous l'inspi-
ration d'une douleur sincère. »
*** L'éminent pianiste et compositeur Louis Lacombe nous prie de
démentir le bruit qu'on fait courir depuis quelque temps avec une
sorte de persistance sur l'intention où il serait de ne plus accepter d'é-
lèves, et sur des voyages imaginaires qu'il ferait tantôt en Allemagne,
DE PARIS.
231
tantôt en Russie, en Angleterre, etc. Bien loin de songer a s'absenter
de Paris, M. Lacombe y est retenu par la mauvaise santé de sa femme,
et quant à ses fonctions de professeur, il n'a jamais cessé de donner
ses conseils aux personnes qui les lui ont demandés, soit rue du Mail
où Mme Erard a la bonté de mettre à sa disposition un de ses beaux
salons, soit chez lui à Passy, villa Beau-Séjour.
*** On sait que sous le haut patronage de M. le duc de Morny,
Trouville a vu s'élever, comme par enchantement, sur la rive opposée
de la Toucque, une nouvelle ville qui a reçu le nom de Deauville. De
ravissantes villas qu'habitent déjà le duc et la duchesse, le prince de
Metternicu, la princesse Poniatowska, M. Boittelle, M. et Mme Arcos, et
beaucoup d'autres personnes élevées de leur société ; deux grands hôtels
à l'usage des voyageurs, un magnifique hippodrome dont l'inauguration
aura lieu le 15 août, une salle de spectacle, un casino, des jardins,
promenades, etc., offrent un aspect des plus pittoresques et des plus
séduisants, et bientôt Deauville, qui jouit de la même plage et de la
même vue que Trouville, ne tardera pas à faire à son aînée une rude
concurrence. C'est que les plaisirs les plus variés s'offriront aux visi-
teurs et aux baigneurs de Deauville; outre les courses de chevaux, le
spectacle et les concerts y alterneront. De même qu'à Bade et dans les
autres eaux thermales, l'orchestre du Casino jouera soir et matin, et
M. Desgranges, qui depuis plusieurs hivers s'est fait connaître à Paris
par le talent et l'habileté avec lesquels il dirigeait la musique des bals
de la haute société, et par de très-agréables compositions, a été choisi
comme chef d'orchestre du Casino de Deauville. 11 vient de partir pour
y installer vingt musiciens choisis avec soin, et à partir de cette se-
maine, ils exécuteront sous sa direction un répertoire varié d'ouver-
tures, d'opéras, fantaisies, musique de danse, etc.
„,** Au concert des Champs-Elysées, une valse nouvelle intitulée les
Papillons a été exécutée trois fois la semaine dernière avec beaucoup
de succès. Cette charmante valse de M. Paul Tessier se distingue par
la fraîcheur, la grâce élégante de la mélodie. 11 n'est pas sans intérêt
de rappeler que le compositeur, M. Paul Tessier, est à la fois savant
chimiste, entomologiste expérimenté et auteur d'un remarquable traité
de pyrotechnie, que S. Exe. le ministre de la guerre a jugé digne d'être
publié aux frais du gouvernement.
,.% On se préoccupe beaucoup de la grande fête de l'infanterie qui
sera donnée au Pré-Catelan aujourd'hui dimanche, au bénéfice de
l'Association des artistes musiciens. Mille exécutants civils et militaires
concourront à cet immense festival, œuvre d'art et de charité frater-
nelle.
**„ Une basse-taille qui avait commencé au théâtre delà Renaissance, et
qui depuis s'était fait une certaine réputation dans cet emploi sur les
premières scènes de la Belgique, de la France et de l'Italie, Henri
Zelger, vient de mourir à Ledeberg, près Gand; il n'était âgé que de
quarante-sept ans.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.% Londres.— La première représentation de la Stella del Nord atten-
due avec tant d'impatience est annoncée pour samedi prochain au théâ-
tre de Covent-Garden , où Mlle Patti vient d'avoir un nouveau succès
dans PElisire d'Anton.— De son côté, Mme Lagrua a donné devant une
salle comble et enthousiaste sa représentation d'adieu. — Au théâtre de
Sa Majesté, l'opéra Mirella a été donné cinq fois, et l'exécution n'en
laisse rien à désirer. Mmes Trebelli et Volpini, qui remplissent les deux
rôles que chantait à Paris Mme Faure, sont souvent applaudies à côté
de Mme Tietjens, mais l'impression générale est froide, et les avis des
journaux et du public sur le mérite et l'avenir de cet ouvrage sont
très-partages. L'opinion dominante ne lui est pas favorable. — Les
concerts touchent à leur fin, bien qu'on annonce le projet de la reine
de revenir, contrairement aux usages adoptés, à Londres, pour tenir
plusieurs levers. Dans celte hypothèse, le directeur de Covent-Garden
songerait à prolonger la saison et à s'assurer dans ce but le concours
de ses plus remarquables artistes. — Le concert annuel qu'Ascher
vient de donner aété aussi brillant que d'habitude. — Mlle Remaury, une
excellente pianiste française, vient de se faire entendre avec succès,
et Joachim, après avoir été chaleureusement applaudi au dernier con-
cert de la Philharmonie Society, a quitté Londres. — Les principaux ar-
tistes étrangers s'apprêtent à faire de même.
*** Vienne.— L'excellente professeur de chant du Conservatoire, Mme
Bochkoltz-Falconi, a donné avec le concours de ses meilleurs élèves deux
concerts qui ont attiré une très-grande affluence. Le programme en a été
fort intéressant, et les applaudissements les plus chaleureux se sont fait
entendre, notamment après le grand air de Faust de Spohr, le Roi des
Aulnes de Schubert, et un madrigal de Clari, chantés par Mme Falconi avec
un talent supérieur. — Mlle Charlotte de Tiefensée a donné également
un concert très remarquable dans la salle des réunions musicales. L'air
de Caste Diva et des chansons nationales admirablement chantées dans
différentes langues par Mlle de Tiefensée, lui ont valu des bravos et des
rappels bien mérités. A la place des Huguenots, qui devaient être donnés
solennellement en l'honneur de Meyerbeer, on prépare une grande fête
à laquelle concourront tous les artistes eu réputation qui se trouvent à
Vienne, et tous les choristes, très-remarquables, de l'école royale de
l'opéra.
*** Carlsruhe.— Dans la dernière semaine d'août doit avoir lieu ici le
grand festival de l'Association des sociétés musicales de l'Allemagne, sous
la direction de Hans de Bulow.
*% Berlin.— L'Opéra royal a déployé une très-grande activité pendant
l'année théâtrale qui vient de finir. Deux cent trente-trois représenta-
tions ont été données, dont 126 grands opéras, 37 opéras-comiques (com-
posés en majeure partie par Mozart, Gluck, Weber, Méhul, Meyerbeer,
Chérubini, Auber, Nicolaï et Gounod), et 70 ballets. Parmi les premiers
il y a à signaler la Mole de Schmidt, la Rose d'Erin de Bénédict, l'Am-
bassadrice d'Auber, et Ohjmpie de Spontini, nouvellement instrumentée.
— Le répertoire de nos diverses scènes lyriques a été défrayé la semaine
passsée principalement par les Noces de Figaro, Jean de Paris, Cendril-
lon de Nicolo, Martha, Lucie et l'Armurier deLortzing.
t*s Naples. — Le théâtre San Carlo vient de clore sa saison par la
Linda, dans laquelle la Perelli, la Caracciolo et Debassini se sont fait
chaleureusement applaudir; mais ces applaudissements s'adressaient
bien plus aux artistes qu'à la direction. Le théâtre se rouvrira en no-
vembre, et il est à désirer que le nouvel imprésario se montre plus
jaloux que son prédécesseur de satisfaire le public d'une ville qui a tou-
jours passé pour une des premières scènes lyriques d'Italie.
*% Milan. — Le grand événement du jour est l'inauguration de la
Société des quatuors qui s'est faite le 29 juin dernier dans la salle du
Conservatoire de musique. Une pianiste qui arrivait précédée d'une
grande réputation, Mme Rita Montignani s'y est fait entendre avec un
immense succès. On a joué un quatuor de Mozart, un de Mendelssohn,
le septuor et l'étonnante sonate en ré de Beethoven. On ne pouvait
faire un meilleur choix, et ce qui est mieux encore, l'exécution en a
été excellente. C'était une véritable fête de famille. — L'éditeur Lucca
vient de faire paraître, traduites en italien, le recueil de quarante mé-
lodies de Meyerbeer, pour une ou plusieurs voix ; on y a joint les paro-
les françaises. C'est une très-intéressante publication et un véritable
cadeau que M. Lucca fait aux amateurs.
„% Bologne. — Nous sommes encore sous l'impression du magnifique
concert qui vient d'être donné au bénéfice de l'Asyle de l'enfance, et
dans lequel nous avons entendu les incomparables artistes Calzolari,
Cresci, Zucchini et la Fioretti. On ne saurait se faire une idée de la
perfection avec laquelle ils ont rendu les morceaux de Generentola, d'Un
ballo in maschera, de l'Italiana in Algieri, d'I Puritani, Ricciardo, Zoraï-
de. etc. Calzolari a chanté la romance de Maria comme personne ne peut
la chanter. C'est une voix, une expression qui vont au cœur. « Rubini
seul, disait-on de toutes parts, pouvait chanter ainsi. «C'était un enthou-
siasme général. Les enfants de l'Asyle ont offert des fleurs à la Fioretti,
et lorsqu'en les recevant de leurs petites mains, la célèbre artiste a cou-
vert ces pauvres enfants de baisers, l'émotion a gagné le public qui a
battu des mains avec acclamation.
+*^ Weimar. — Robert le Diable a clos les représentattions de la saison
qui doivent recommencer en septembre par Egmont, de Goethe.
— On nous écrit de Rome :
« Une messe solennelle, composée par M. Alphonse de Panette, a été
présentée à S. S. Pie IX. Le souverain pontife a daigné agréer la dé-
dicace de cette œuvre importante.
» Dans une lettre des plus flatteuses transmise à l'auteur par la
nonciature, le saint Père joint à ses félicitations sa bénédiction apos-
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Le Journul puruit le Dimanche.
USICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Delà sonorité dans la musique d'orchestre, comme élément de
variété, de coloris et d'expression (2e article), par Fétis père. — Conservatoire
impérial de musique et de déclamation : concours publics. — De l'éducation
musicale préventive pendant la première et la seconde enfance (4" et dernier
article), par Maurice Cristal. — Mémoire sur l'origine de la musique
(4e article), par O. Beaulieu. Nouvelles et annonces.
DE LA SONORITÉ DANS LA MUSIQUE D'ORCHESTRE,
COMME ÉLÉMENT DE VARIÉTÉ, DE COLORIS ET D'EXPRESSION.
(2e article) (1).
Les impressions multiples produites simultanément par la musique
ont des principes très-différents. Le principe en vertu duquel la
mélodie et l'harmonie nous émeuvent consiste dans la faculté don-
née à l'homme civilisé et perfectionné par l'éducation de saisir avec
la plus grande rapidité les rapports d'intonation des sons, et d'en dé-
duire mentalement des formules de successions ascendantes et des-
cendantes qui ne sont autre chose que les lois de la tonalité. Que
l'individu soumis à l'action de la musique soit ou non initié à la con-
naissance de l'art, il saisit ces rapports, si l'audition lui procure une
impression satisfaisante ; car s'il en était autrement , la musique
n'aurait aucun sens pour lui, et l'impression produite serait pénible.
Telle est cette faculté chez tous les individus bien organisés et per-
fectionnés par la culture des choses intellectuelles, que, si les rap-
ports d'intonation des sons ne sont pas réguliers et conformes aux
formules de tonalité, l'impression est non-seulement désagréable,
mais peut même être douloureuse jusqu'à certain point. C'est ce que
tout le monde éprouve quand on entend chanter faux. Car qu'est-ce
que chanter ou jouer faux, si ce n'est faire entendre des sons
dont les rapports ne sont pas conformes aux lois de la tonalité ? Tout
son isolé est juste ; il ne paraît faux que parce qu'il n'est pas en
rapport régulier de succession ou de simultanéité avec d'autres.
Je viens de dire que les rapports d'intonation des sons sont saisis
par ceux qui n'ont pas la connaissance technique de la musique
comme par les artistes et les amateurs initiés à l'art : la seule dif-
(1) Voir le n° 27.
férence qui existe entre eux, c'est que l'artiste, en raison de ses lu-
mières et de son expérience, analyse, avec une rapidité électrique,
la nature de ces rapports, saisit immédiatement l'ordre tonal dans le-
quel les sons se succèdent, soit isolément, soit par groupes simulta-
nés ou accords, enfin il prévoit les rapports qui doivent succéder à
ceux dont il reçoit actuellement l'impression, tandis que le vulgaire
n'a le sentiment de ces rapports qu'à son insu, sans prévision des
rapports futurs, et d'une manière vague.
Concurremment aux rapports d'intonation des sons, nous sommes
affectés des rapports de leurs durées dans la mesure du temps ; car
toutes les vitesses et toutes les lenteurs des successions sunt entre elles
dans des rapports réciproques, dont l'ordonnance régulière compose
ce qu'on appelle la mesure en musique. Toute personne bien orga-
nisée saisit ces rapports comme ceux de la tonalité, et peut suivre à
la fois la justesse des intonations et le nombre qui mesure le temps.
C'est ainsi que, dans la danse, l'homme le plus ignorant en musique
marque la mesure avec ses pieds, ce qui serait impossible s'il ne
saisissait, sans le savoir, les rapports des temps.
11 est enfin une troisième espèce de rapports constitutifs de la
musique, à savoir, ceux de la symétrie de nombres dans la succes-
sion des durées: cette symétrie s'appelle le rhythme. Les rapports
rhythmiques dans les temps de la mesure sont facilement saisis par
les individus étrangers à l'art de la musique, surtout si le mouve-
ment est vif. C'est le rhythme qui règle la marche des soldats, et le
tambour qui les guide oblige les promeneurs, dont la démarche
était libre, à cadencer leurs pas en rapport avec le rhythme. Lors-
que le mouvement est lent, le rhythme échappe aux personnes qui
n'ont qu'un faible instinct de la musique, et même aux musiciens
dont l'organisation n'est pas délicate; mais le musicien né saisit
toutes les divisions ainsi que l'ensemble du rhythme dans le largo
comme dans Y allegro. Il est aussi un autre rapport de nombre rhyth-
mique, qui nous affecte dans la musique : je veux parler de la
symétrie dans la correspondance des parties de la phrase et de la
période : ce rhythme périodique est moins généralement senti que
l'autre; il exige la connaissance de l'art, ou, du moins, l'habitude
d'entendre de bonne musique bien cadencée.
Que si le lecteur mettait en doute la réalité de ces appréciations
de rapports multiples et contemporains dans l'audition delà musique,
je le prierais de m'expliquer quelle signification pourrait avoir cette
234
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
musique (dans la supposition contraire), pour l'auditoire réuni dans
une salle de concert ou de spectacle. Dira-t-on que c'est un plaisir
vague, indéfini, purement physique, et qui varie d'effet, en raison de
l'organisation des individus ? Mais, dans la sensation du plaisir phy-
sique, aucun jugement n'intervient : on l'éprouve comme une situation
actuelle de l'être; rien 'de plus; mais à l'audition de la musique,
chacun porte un jugement sur les impressions qu'elle produit, car
on applaudit ou l'on siffle. Or, le jugement porte nécessairement sur
quelque chose : sur quoi donc, si ce n'est sur les rapports satisfai-
sants ou désagréables des deux éléments constitutifs de l'art? Ce ju-
gement, d'où procède -t-il? évidemment de l'appréciation de conve-
nance ou d'inconvenance de ces rapports.
11 y a plus : l'appréciation de ces rapports n'est qu'élémentaire,
car, dans le moment même où elle se fait, des appréciations d'un
ordre supérieur ont lieu, non plus à notre insu, mais avec cons-
cience. Cette musique dont nous sommes impressionnés, nous la ju-
geons originale, ou entachée de réminiscences (ce qui, nécessaire-
ment, suppose l'intervention de la mémoire) ; vulgaire ou distinguée;
naïve ou maniérée ; suave ou trop chargée de dissonances ; em-
preinte du caractère de la grandeur, ou mesquine dans ses propor-
tions ; belle, ou médiocre. Dans ces appréciations d'un autre genre
n'interviennent pas seulement les facultés les plus élevées de notre
intelligence, mais les nuances les plus délicates de notre sentiment.
Toutefois, l'idée exprimée dans la musique, et l'art qui préside à son
exposition ainsi qu'à ses développements, ne peuvent se manifester
à notre appréciation esthétique que par les rapports des deux élé-
ments constitutifs, c'est-à-dire ceux de l'intonation et ceux de la
durée des sons. Tout cela est donc simultané, et toutes nos facultés
intellectuelles et affectives sont absorbées dans l'audition de l'œuvre,
si notre organisation est musicale.
Ce n'est pas tout ; car la sonorité, ses variétés de timbres, et ses
diverses nuances d'intensité, sont aussi des éléments constitutifs de
la musique. Cousidérée en elle-même et abstraction faite des rap-
ports d'intonation et de durée, la sonorité d'une voix, d'un instru-
ment, le timbre, l'intensité du son, sont donc inséparables de la
conception d'une œuvre musicale ; mais quel est leur mode d'action?
à laquelle de nos facultés ces éléments s'adressent-ils ? Ce n'est pas
à l'intelligence, qui n'entre en exercice que dans le monde des
idées ; ce n'est pas au sentiment, car le ■ son isolé, son timbre, sa
puissance d'expansion, ou sa ténuité, ne nous affectent d'aucun mou-
vement passionné. Le timbre d'une voix, d'un instrument nous émeut
par une phrase qui éveille dans notre âme une affection énergique
ou douce, tendre, triste ou gaie, sympathique ou pénible; mais le
son isolé ne peut rien produire de semblable. Cependant il nous im-
pressionne par sa qualité : ce n'est pas l'ouïe seule qu'il ébranle, car
l'ouïe n'est qu'un organe de perception et de transmission ; qu'est-ce
donc? Ce problème a occupé quelques philosophes qui ont fait de
l'anthropologie l'objet de leurs travaux.
Pour moi, en y réfléchissant, et distinguant, par l'analyse, les
phénomènes produits dans l'audition de la musique, séparant ce qui
est du domaine de l'intelligence de ce qui appartient aux facultés
affectives, et, enfin, de la sensibilité, c'est-à-dire, de la simple im-
pression physique, je ne mets pas en doute l'existence d'un organe
spécial de la sonorité dans le système nerveux de notre organisa-
tion. Cette existence me paraît démontrée par les considérations sui-
vantes :
J'entends un seul son produit par le hautbois : l'impression pro-
duite par ce son attire mon attention; j'écoute : le son se répète;
c'est toujours le même, sans la moindre modification dans l'intona-
tion. Il se fait entendre à des intervalles inégaux, qui n'éveillent pas
en moi l'idée du temps mesuré. Qu'éprouvé-jé ? Evidemment, un
simple phénomène de la sensibilité accoustique. Aucune idée, aucune
affection de l'àme ne sont occasionnées par lui. Les facultés de l'in-
telligence, celles du sentiment, restent donc étrangères au phéno-
mène produit. Cependant l'impression est réelle; elle a donc une
cause, et cette cause ne peut être que la fonction d'un organe. Dira-
t-on que c'est celle du nerf acoustique, qu'il n'y en a pas d'autre,
et que si ce nerf était frappé de paralysie, l'impression ne se pro-
duirait pas? Certes, je ne discute pas la nécessité de l'audition pour
la production du phénomène sensible du timbre ; mais suffit-elle pour
l'expliquer? Je ne le pense pas. Au surplus, admettons pour un mo-
ment l'objection, et continuons nos expériences.
Un son de cor, ayant la même intonation que le son du hautbois,
se fait entendre ; j'éprouve aussitôt une sensation différente de la pre-
mière. Le son se répète dans les mêmes conditions que la première
fois, et le phénomène reste toujours différent du premier. Cependant
les deux sons ont exactement la même intonation ; donc, l'air ébranlé
donne le même nombre de vibrations, lesquelles doivent nécessaire-
ment produire une impression identique sur l'organe de l'ouïe. Il y a
donc une cause de la différence dans les phénomènes produits ; cause
qui ne paraît pouvoir exister que dans un organe spécial possédant
la faculté délicate de recevoir une infinité d'impressions différentes
de la sonorité.
Après que le son du cor a cessé de se faire entendre, celui du
hautbois résonne de nouveau, et reproduit la même impression sen-
sible que la première fois ; mais alors la mémoire intervient dans la
production du phénomène. Elle se souvient de cette impression, la
reconnaît, et la reconnaîtra chaque fois qu'elle se produira. De même,
le jugement entre aussi en exercice; il compare les deux impressions
du son du hautbois et de celui du cor, les juge différentes, et les at-
tribue à des causes diverses.
Mais voici que les deux sons du hautbois et du cor se font enten-
dre simultanément à l'unisson absolu, ébranlant l'air du môme nom-
bres de vibrations, lesquelles deviennent conséquemment homogènes,
et agissent en même temps et dé la même manière sur l'organe de
l'ouïe. Cependant nous avons la sensation de deux timbres dans deux
intonations identiques. Comment pourrait-on expliquer ce phénomène
par le seul effet de la perception et sans l'action d'un organe spécial
de la sonorité ?
Multipliez les expériences avec toutes les espèces d'instruments, et
faites leur produire, avec une justesse parfaite, l'intonation des sons
du hautbois et du cor ; que, successivement, la flûte, la clarinette,
le saxhorn, le saxophone, la trompette, le violon joué avec l'archet
ou pincé, avec ou sans sourdine, fassent résonner leurs timbres,
l'impression sensible de l'organe sera distincte pour chacun et ne
cessera pas de l'être si tous ces instruments produisent ensuite le
même son simultanément. L'organe n'est pas intelligent, il est sen-
sible ; il ne distingue pas les impressions diverses, mais il les éprouve
toutes concurremment sans qu'elles se confondent. L'organe de l'ouïe
ne paraît pas jouir d'une sensibilité si délicate et si spéciale. Ache-
vons de démontrer à cet égard la thèse que j'ai posée, et pour y
parvenir, suspendons un moment ce qui me reste à dire concernant
le timbre et considérons le son dans ses nuances d'intensité.
Il est une infinité de degrés dans l'intensité du son ; la succession
d'un de ces degrés à un autre, par augmentation ou par diminution,
est ce qu'on nomme généralement l'expression. La force de la sono-
rité caractérise l'énergie ; la ténuité sonore est l'indication des sen-
timents doux et du mystérieux. Ces effets n'acquièrent une valeur
esthétique qu'en raison de la pensée mélodique à laquelle ils s'ap-
pliquent. Séparés de cette pensée et ne se faisant sentir que sur un
son isolé, il est évident que l'augmentation ou la diminution de
l'intensité ne peuvent exprimer ni une pensée ni une affection de
l'âme. Cependant une des impressions les plus vives que fasse
éprouver la musique est le passage immédiat, même sur un seul son,
de l'intensité à la ténuité, du forte le plus accentué au piano le plus
absolu. Évidemment, ce n'est là qu'une impression sensuelle, sans
DE PARIS.
235
intervention de l'intelligence ni du sentiment. Il est si vrai que la
sensibilité physique est seule en action dans les effets de ce genre,
et qu'elle y est indépendante de la pensée, que les compositeurs sont
souvent dans l'hésitation sur les endroits de leurs ouvrages où ils
doivent placer l'indication d'effets de ce genre. Spohr et Meyerbeer
m'ont avoué qu'ils ont eu parfois de l'incertitude à cet égard. On
sait quo, dans les anciennes écoles de chant d'Italie, l'art d'augmenter
par degrés et de diminuer de même l'intensité du son était l'objet
d'une longue étude, parce qu'il était le plus puissant moyen d'ex-
pression. D'autre part^ on se souvient des effets saisissants que pro-
duisait Rubini par le passage immédiat du son le plus fort au son le
plus doux sur une seule note , dans son chant, bien que cet effet ne
fit point partie de la pensée du compositeur. Je le répète, la sensi-
bilité phytique est seule active en pareil cas; mais cette sensibilité
touche là de près au sentiment, car elle est ébranlée par l'accen-
tuation, qui est inséparable de la passion. Il est donc de toute évi-
dence que l'organe de la sensibilité sonore est spécial, interne, et
que la perception acoustique n'est que l'occasion qui le fait agir. Il
est également évident que c'est le même organe qui nous donne la
sensation des timbres divers, et que, dans l'impression générale de
la musique, son action se combine avec les conceptions de l'intelli-
gence, de même qu'avec les affections sentimentales.
Pour achever d'éclaircir ce qui concerne le timbre dans la sono-
' rite, il me reste à parler de l'effet le plus remarquable de la mé-
moire appliquée à cet objet. On a vu précédemment qu'elle se sou-
vient de chaque timbre en particulier et qu'elle le reconnaît quand
il produit son impression : elle va plus loin, car elle peut le repro-
duire non-seulement à la pensée du compositeur, dans le moment
de l'inspiration, non-seulement au sentiment ému par cette pensée,
mais même à l'organe interne de la sensibilité sonore. L'illusion
produite par elle, dans ce moment d'effervescence inspiratrice, est
si vive, si puissante, que le musicien entend alors la voix de chaque
instrument, qu'il ne la confond pas avec d'autres, et qu'au moment
du premier essai de son œuvre par l'orchestre, il lui semble que ce
n'est que la répétition de ce qu'il a déjà entendu.
11 se fait une autre combinaison des facultés intellectuelles, senti-
mentales, et des impressions de l'organe de la sonorité, quand le
musicien apprécie la qualité du son. L'organe physique donne la
sensation du timbre; là se borne son action. Les facultés affectives
s'en émeuvent; mais l'esprit seul porte le jugement sur la qualité.
C'est ce qui a lieu lorsque nous déclarons que le son d'un instru-
ment est commun ou distingué, terne, sourd ou brillant, bien que
cet instrument ait conservé le timbre qui appartient à sa nature.
Ces jugements sont évidemment les résultats de la comparaison ; or,
dans tout système de psychologie, il est reconnu qne la faculté de
comparer n'existe que dans l'intelligence.
J'ai détaché ces paragraphes de mon livre inédit sur la philosophie
de la musique, en les resserrant dans les proportions d'un article de
journal, parce que ces considérations m'ont paru nécessaires pour
l'intelligence de ce qui me reste à dire concernant le rôle de la
sonorité dans la musique, ainsi que sur les voies nouvelles qui peu-
vent être ouvertes dans l'instrumentation.
FÉTIS père.
{La suite prochainement.)
CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Concours publics.
La question de la liberté des théâtres commençait à perdre sa
fraîcheur et son à-propos, lorsque les concours du Conservatoire ont
ramené le vieux thème de discussion et de critique si cher à ceux
qui ne seront contents que lorsque chaque théâtre y trouvera chaque
année sa petite troupe à peu près complète, munie de ses premiers
sujets, et surtout de ses utilités, car, le croiriez-vous? il y a des gens
qui pensent qu'au nombre de ses inconvénients le Conservatoire a
celui de ne viser qu'à faire des artistes d'élite, voulant être payés
fort cher, et de ne songer nullement à confectionner de ces artistes
modestes, vivant de peu, sachant admirablement tout le répertoire,
comme s'ils avaient foulé les planches pendant dix ans, et prêts à
jouer les plus mauvais rôles sans se plaindre, le tout aux prix les plus
réduits ! Voyez-vous d'ici le Conservatoire s'appliquant sérieusement
à préparer des recrues de seconds ténors, de troisièmes basses, de
duègnes, de confidents et autres sujets très-précieux, comme s'ils ne
se formaient pas assez bien d'eux mêmes ! Hélas! tout ce qui ne peut
monter aux nues reste forcément sur la terre, et finit par y marcher
tant bien que mal, mais ce n'est pas précisément pour leur appren-
tissage que les écoles d'art sont instituées.
Trois concours ont eu lieu déjà, celui de chant mercredi, celui de
harpe et de piano jeudi, et vendredi celui d'opéra-comique ; le con-
cours de tragédie et de comédie ne s'est terminé hier samedi qu'à
5 heures, une heure plus tôt que les trois précédents. Nous ne sa-
vons encore combien de tous ces concours il sortira d'étoiles desti-
nées à rayonner dans les hautes sphères ; ce que nous pouvons dire,
c'est que nous avons aperçu beaucoup d'heureuses natures et de jeunes
talents en train de se former. Le concours de chant a mis en ligne
plus de cinquante concurrents et concurrentes ; c'était trop peut-
être, et l'on aurait pu rayer quelques noms, mais la justice n'en a
été que mieux rendue ; le public a jugé avec autant d'intelligence
et d'impartialité que le jury.
Voici d'ailleurs le résultat de ce concours. Pour les hommes il
n'y a pas eu de premier prix. Le second prix a été décerné à
MM. Arsandaux, élève de M. Révial, et Pons, élève de M. Grosset.
1er accessit, MM. Bosquin, élève de M. Laget; Leroy, élève de
M. Révial, et Barbet, élève de M. Riuliani; 2e accessit, Juillia, élève
de M. Masset; Stroheker, élève de M. Giuliani, et Mareux, élève de
M. Masset; 3e accessit, Ponsard, élève de M. Laget.
(Femmes). — 1er prix, Mlles Daram, élève de M. Laget; 2e prix,
Bloch, élève de M. Battaille, et Mauduit, élève de M. Laget. Ie' ac-
cessit, Mlles Douau, élève de M. Révial; Pichenot, élève de M. Laget;
Laporte, élève de M. Révial, et Roze, élève de M. Grosset; 2e ac-
cessit, Séveste, élève de M. Giuliani; 3e accessit, Cavaillès, élève de
M. Grosset.
Concours de harpe. — Professeur, M. Prumier. — 1er prix, Mlles
Laudoux et Waldteufel; 2e prix, M. Pickaërt.
Concours de piano. — (Classe des hommes). — 1er prix, MM. Suiste,
élève de M. Mathias, et Martin, élève de M. Marmontel; 2e prix,
Lack, élève de M. Marmontel. l=r accessit, MM. Truffot, élève de
M. Marmontel, et Pradeau, élève de M. Mathias : 2e accessit, Corbaz,
élève de M. Marmontel ; 3e accessit, Rosen, élève de M. Mathias.
(Classe des femmes). — 1er prix, Mlles Gayrard, élève de Mme
Coche ; Jungk, élève de M. Henri Herz ; de Biéville, élève de Mme
Coche ; Noël, élève de M. Lecouppey ; 2e prix, Laviolette, élève du
même, et Cantin, élève du même. 1er accessit, Mlles Bernard, élève
du même ; Abazaër, élève du même ; Lenoir, élève de Mme Farrenc ;
2e accessit, Midoz, élève de M. Henri Herz ; Leybaque, élève du
même ; Secrétain, élève du même ; 3e accessit, Bédel, élève de M. Le-
couppey; Viallon, élève de Mme Coche, et Thibault, élève de
M. Henri Herz.
Le concours d'opéra-comique, hâtons-nous de le constater, a été
fort brillant, et de véritables vocations s'y sont manifestées; en gé-
néral le choix des scènes y était excellent. L'une des scènes les plus
fremarquablement rendues a été celle du second acte de YEclair,
dans laquelle figuraient Mlles Roze, et Godefroy, MM. Stroheker et
Barbet: une autre scène tirée des Dragons de Villars a été aussi
ort bien rendue par Mlle Mauduit et M. Troy, jeune frère de l'ar-
236
REVLT. ET GAZETTE J.ÎL'SICALE
tiste de l'Opéra-Comique, et qui a victorieusement enlevé son pre-
mier prix dans un fragment du Diable à l'école.
Voici le résumé de cette séance, qui, malgré sa longueur, a causé
plus de plaisir que de fatigue dans le nombreux auditoire.
Pour les hommes: 1" prix, MM. Troy, élève de M. Mocker ;
2e prix, Mareux, élève de M. Morin, et Barbet, élève de M. Mocker;
1er accessit, Stroheker, élève de M. Mocker; 2e accessit, Bosquin,
élève du même; 3e accessit, Lavitte, élève de M. Morin; Feitlinger
et Pons, élèves de M. Mocker.
Pour les femmes, il n'y a pas eu de premier prix, mais le second
a été partagé entre Mlles Foze et Mauduit, élèves de M. Mocker.
Un premier accessit a été décerné à Mlles Pichenot et Seveste, élè-
ves de M. Mocker ; un second à Mlles Lovato et Douau, l'une élève
de M. Morin, l'autre de M. Mocker, et un troisième à Mlles Castello,
Laporte et Cadet, élèves du même.
A dimanche prochain le résultat du concours de tragédie et de
comédie et un coup d'œil sur l'ensemble.
Demain lundi, concours de grand opéra; mardi, violoncelle et vio-
lon ; mercredi et jeudi, instruments à vent.
DE L'ÉDUCATION MUSICALE PRÉVENTIVE
PMDAWT LA PREMIÈRE ET EA SECONDE ENFANCE.
(Gymnastique de l'ouïe et de la voix.)
(4« et dernier article) (1).
Le secret de la fascination de la musique des bohémiens en Hon-
grie consiste en ce que les virtuoses nés dans les forêts s'y occu-
pent constamment à chasser, à rêver, à s'assimiler la nature, en re-
produisant la divine inspiration au milieu d'auditeurs pénétrés de cette
même nature. Quatre mélodies de Schubert, la Matinée orageuse, le
Roi des Avinés, au Bord de la mer et Mignon, peuvent très-bien expli-
quer l'influence de ces effets sur une oreille préparée à les entendre
par l'habitude de la vie dans les forêts. Toutes les fois que je les ai
entendu exécuter devant des forestiers, des chasseurs que sollicitait le
goût de la musique, j'ai été sûr de voir ces mélodies comprises par
ces auditeurs rustiques. Les enfants ouvraient de grands yeux éton-
nés, il leur semblait que dans un rêve qui leur rappelait la vie de la
forêt, ils parcouraient quelque lande déserte après une tempête
matinale, ou bien quelque marécage sinistre dans la forêt som-
bre, ou bien qu'ils entendaient les voix mystérieuses qui chantent
sur les mers, pour l'oreille qui sait les entendre. Mais l'effet de
ces mélodies de Schubert n'approche pas de l'extase et de la
stupéfaction où je vis tomber des forestiers pyrénéens, un jour que
l'orphéon narbonnais entonna au milieu d'une clairière le chœur de
Préciosa. Ils regardaient ces hommes qui chantaient là, cent voix en
une seule, ils croyaient à une vision. Plusieurs, à ganoux, priaient.
Une femme resta debout, allaitant son enfant. Des larmes pieuses,
ineffables tombaient lentement des yeux de la mère.
On comprend très-bien que les forestiers, sans lever les yeux,
reconnaissent au seul battement des ailes l'oiseau qui passe à 10
mètres au-dessus de leurs têtes, et qu'au simple froissement des
pattes, ils entendent une tourterelle se poser sur un chêne. Leur vie
solitaire leur donne une finesse d'audition que ne peuvent jamais
atteindre ni les citadins ni les enfants élevés au milieu de bruits
continus. Leur sensibilité, quand ils entendent de la musique, tient
aussi de la frénésie, elle est maladive ou cataleptique ; on ne soup-
çonne point cela à Paris ni dans nos théâtres, mais j'en donnerai les
preuves et l'explication quand je parlerai de la musique bohémienne.
(1) Voir les n01 10, 14 et 26.
En ceci, comme pour tout le reste, l'éducation physique faite à la
campagne offre une grande supériorité. Elle permet de varier à l'in-
fini la gymnastique de l'oreille en la mettant au service de tous les
instincts du jeune âge. Apprenez à votre enfant, dans les prome-
nades, à distinguer l'appel ou le chant de chaque espèce d'oiseau,
le bourdonnement de chaque insecte. Quand le vent joue dans les
feuilles, demandez-lui, sans permettre qu'il lève la tête, à quel
arbre il est adossé. Attachez une légère récompense à une réponse
exacte, et il saura bien vite que le feuillage du chêne ou du hêtre
ne produit pas les mêmes frémissements que le feuillage du tremble,
du saule ou du bouleau. Vous allez avec votre enfant au-devant d'un
régiment qui arrive musique en tête. Vous vous arrêtez dans un dé-
tour où l'œil ne peut explorer la route ; vous écoutez dans un profond
silence les bruits qui doivent révéler l'approche de tant d'hommes
assemblés; rien ne se fait entendre; vous posez l'oreille à terre,
l'enfant vous imite et ne perçoit d'abord qu'un bruit confus. Bientôt
il affirme reconnaître des pas nombreux, puis le son des harnache-
ments militaires. Tout à coup, les pas se croisent; il y a un temps
d'arrêt, un bruit de cuivre froissé. Regardez comme l'enfant incline son
oreilleauvent! comme ses sens sont tendus! Enfin un accord arrive dans
l'onde sonore de l'air vacillant. L'enfant bondit; peu à peu il discerne
chaque instrument, etladirection des troupes, et les terrains qu'elles tra-
versent, et le temps, et le ciel, et l'air, et les nuages, et les forêts,
et les monts qui sont entre les musiciens et lui. De tels exercices
peuvent varier à l'infini. Commencés de bonne heure et continués
avec persévérance, ils donnent, outre la finesse de l'audition , une
grande sagacité pour reconnaître la qualité des sons, leur direction,
la distance d'où ils procèdent. Ils font que nul bruit ne se produit
sans être perçu et interprété; ils donnent à l'oreille cette sûreté
qui est innée chez le sauvage et chez le forestier. Ils inspirent à
Weber, à Beethoven, à Chopin ces indéfinissables pages si claires
et si compréhensibles, et qui sont si imprégnées des senteurs
agrestes des forêts et des montagnes, si sereines et si profondément
tristes. Vous vous rappelez l'ouverture de la Reine de Chypre. Ce
n'est point une des plus vantées du grand opéra. Je l'ai entendue
exécuter à Naples un soir, au coucher du soleil, au bord de la mer,
par une musique militaire. Il y avait là pour auditeurs des gens du
peuple, des cultivateurs, des campagnards, des femmes et des filles
des villages voisins. Les mariniers laissaient leur barque immobile sur
l'eau calme, et les voiles défaillaient sans brise; tout ce monde-là
écoutait avecravissemeut. Pourquoi? C'est que dans toute cette ouverture
il y a comme un immense scintillement de ces brouillards d'or et de
feu que produisent les soleils couchants, et que, dans le paysage
splendide, on entend, à travers l'expansion puissante des grandes cla-
meurs de la nature, les cors plaintifs émettre d'une voix discrète,
mais toujours entendue, les tressaillements et les aspirations des bois,
des eaux des rochers, de tout ce qui vit et palpite sous les cieux, à
l'heure tiède et parfumée où la mer se calme et reçoit dans son sein
le soleil qui tombe à l'horizon.
La musique, cette langue mélodieuse qui ajoute un attrait si puis-
sant à l'expression de la pensée et fait naître dans l'âme des sensa-
tions si vives et en même temps si profondes, n'en retrouvez-vous
pas le charme enchanteur dans les accents mélodieux de certains oi-
seaux? Rendez l'enfant attentif à ces accords qui animent et qui
égayent la nature. Saisissez toutes les occasions de fixer son oreille
et son cœur sur la musique que le hasard peut lui donner l'occasion
d'entendre. Bientôt il cherchera à redire les airs qui l'auront frappé.
En un mot, rendez-le sensible, formez et développez ses organes,
puis attendez l'inspiration, si Dieu la lui a départie.
L'enfant est imitateur, ne l'oubliez pas ! Jeune et tout ouvert aux
impressions, il ne peut être mieux influencé que par l'étude de l'har-
monie, non faite par lui, ce qui lui serait impossible, mais faite par
DE PARIS.
237
vous devant lui, sans lui rien imposer. Il va, il vient, il joue, son
oreille entend, parfois elle écoute. Ces études graduées, qui passent
du simple au composé, gravent chaque jour dans le cerveau de nou-
velles formes, de nouveaux ensembles, de nouvelles associations. Son
cerveau est façonné à l'harmonie, à tous les accords étudiés, suivis
avec ordre et enchaînement, et se procréant l'un l'autre. Les mouve-
ments, les successions d'accords, les cadences harmoniques, les mo-
dulations, les dissonances, les suspensions, les retards, les tenues,
les appoggiatures, les syncopes, les accords arpégés, les changements
de ton, l'ellipse, toutes les formes, tous les phénomènes de la mu-
sique se présentent à lui sous la forme la plus simple, la plus carac-
téristique, l'un après l'autre. Il est instruit, formé sans s'en douter.
Quand le professeur viendra pins tard, l'élève comprendra à demi-
mot ; il aura en lui la science dont on viendra lui apprendre la tech-
nologie.
Le désir de pénétrer plus avant dans le domaine de l'art se mani-
festera lorsque l'enfant aura été mécontent de lui-même et quand son
oreille, son goût, exercés par l'habitude d'entendre, de comparer, de
juger, lui auront dit que son chant diffère de la mélodie dont il a
gardé le souvenir, ou que les notes qu'il assemble d'une main mal-
habile ne reproduisent pas fidèlement sa pensée. C'est alors que la
première leçon sera prise avec zèle et deviendra fructueuse. Les
arts qui jusque-là n'avaient été compris que par le sentiment et par
l'instinct, deviendront avec profit l'objet d'un enseignement spécial.
Maurice CRISTAL.
MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DE LÀ MUSIQUE.
(4e article) (1).
Le passage de l'accent primordial, sorte de vocalisation, à l'accent
déjà moins mélodieux du grec et du latin, ne s'est pas opéré brus-
quement et sans des transitions que nous allons chercher à suivre.
Les auteurs anciens nous disent que non-seulement en latin, mais
aussi en grec, la voix parlée, en faisant entendre alternativement des
sons graves et des sons aigus, s'élevait ou s'abaissait par degrés et
parcourait une gamme d'accents (1). Quelle pouvait être cette
gamme d'accents? Nous avons déjà dit que dans les langues les plus
anciennes, les intonations des deux accents graves et aigus, les seuls
primitivement pratiqués, étaient bien distinctes et tranchées ; que
dans ces siècles reculés, l'accentuation était en même temps simple,
vive et animée comme les sensations des jeunes races qui parlaient
ces idiomes. Plus tard, cette accentuation se modifia suivant les be-
soins et le développement des idées : ses nuances s'augmentèrent et,
en se multipliant, devinrent plus rapprochées, conséquemment plus
difficiles à saisir. — Alors, quels que soient leurs inventeurs, et à
quelque époque qu'ils aient été imaginés, alors dut commencer le
rôle des instruments venant en aide à l'ouïe et à la parole, et faci-
liter à l'une l'appréciation, à l'autre la reproduction de ces gammes
d'accents dont nous parlent les auteurs, et dont les degrés, en se
rapprochant, devenaient de plus en plus malaisés à discerner. Et
qu'on ne repousse pas ma conjecture comme une pure vision. Qu'on
ne crie pas non plus que je veuille représenter l'homme, dans ces
temps anciens, consultant son instrument de musique pour répondre
à son interlocuteur. Je citerai à l'appui de mon opinion des autorités
qu'on ne pourra récuser aisément. Pourquoi cette locution : Je
chante, dont se sont tant servi les poètes à toutes les époques, même
encore de nos jours? Et il est à remarquer qu'en sanscrit le même
(1) Voir le n° 51 de l'année 1863 et les n°' 4 et 5.
(1) Wiel et Beuloew, Accent, lai., pag. 13, 14, 15, 351. Beuloew, Accent, des
lang. indo-europ., pag 42, 54.
mot signifie poète et celui qui parle (1). Pourquoi nous dit -on que,
dans l'antiquité, les lois même se chantaient, et pourquoi leur nom
générique, nome, désignait-il aussi les airs populaires d'alors ? Pour-
quoi, jusqu'aux plus bpaux temps de Rome, cet usage de soutenir les
orateurs au moyen d'une flûte ? S'il n'y eût eu assimilation facile
entre les sons de cet instrument et ceux de la voix, c'eût été, je l'ai
déjà fait observer, une chose absurde, choquante. Mais ce qui est,
selon moi, plus remarquable encore, c'est que ma conjecture peut
seule, je crois, si elle est admise, expliquer une tradition qui, dans
l'histoire de la musique, est restée jusqu'à ce jour à l'état d'énigme
sans solution.
On dit qu'Olympe fut le premier musicien qui enseigna aux Grecs
à jouer des instruments à cordes. On ajoute qu'il fut l'inventeur du
genre de musique appelé enharmonique, composé, dans chaque té-
tracorde, de certains intervalles très-rapprochés au grave, joints à
un invervalle plus étendu vers l'aigu, et dont l'usage aurait précédé
en Grèce l'emploi du genre beaucoup plus simple, nommé diatoni-
que. Relativement à cette dernière circonstance, les auteurs moder-
nes qui ont écrit sur l'histoire de la musique font observer avec une
apparence de raison qu'il est étonnant qu'on ait premièrement ap-
pris aux Grecs, peuple encore barbare, un genre de musique d'une
exécution difficile, qui exige uue ouïe délicate, exercée, et qu'on ait
ainsi commencé par le plus compliqué au lieu de se borner d'abord
au plus simple. Mais on observera qu'Olympe était de Mysie, consé-
quemment asiatique; qu'il avait pu, qu'il avait dû avoir connais-
sance de ce vocalisme varié et si caractéristique des langues de
l'Inde, où l'accent aigu vient se mêler par intervalles à des tons
plus graves. Dès lors, l'emploi du genre enharmonique, où les sons
se trouvent disposés d'une façon analogue, où le contour mélodique,
si je puis m' exprimer ainsi, est semblable à celui des intonations des
idiomes indous, où l'accent aigu et la note aiguë ont la même sail-
lie; l'emploi, dis-je, du genre enharmonique cesse d'être surprenant
dans les airs d'Olympe, complément de ses poésies. Ce genre, comme
toutes les mélodies où dominent les intervalles minimes, a un ca-
ractère langoureux, plaintif, et Olympe composa principalement des
élégies, des complaintes, des cantiques funèbres (2). De nos jours
encore les Orientaux font souvent usage, dans leurs chants, de sons
peu distants les uns des autre . La gamme des Arabes procède par
tiers de ton, et entre ces tiers de ton et le quart de ton qui contri-
bue à caractériser le genre enharmonique des anciens, il n'y a
qu'une faible différence. Pour revenir à cette accentuation sanscrite
que je crois avoir été l'origine des mélopées d'Olympe, MM. Wiel
et Benloew nous disent que dans cette langue, la syllabe qui précède
l'accent aigu est non-seulement grave, mais sourde ; qu'on attaque
cet accent subitement, et qu'on redescend au grave en passant par
le svarita, le son par excellence (3). Qui ne reconnaîtra — j'insiste
sur ce point parce qu'il est très-essentiel dans l'exposé de mes
observations et pour les conséquences que j'en déduis — qui ne re-
connaîtra, dis-je, dans cette description de l'accent indou ce genre
enharmonique d'Olympe où certains sons au grave se trouvent très-
(1) Wiel et Beuloew. Accent, lai., page 357. A l'Académie des Beaux-Arts, j'ai
entendu M. Raoul Rochette, parler de formules très-fortement accentuées, dont
on se servait dans l'antiquité pour guérir des maladie» par des moyens divina-
toires.
(2) J'ai lu dans le journal le Correspondant du 25 mai 1862, un article signé
de Bourboulon. Cet article traite du théâtre en Chine, et en parlant du chant de
certains personnages, l'auteur dit que c'est une plaintive mélopée. J'ai lu aussi
dans un autre recueil, le Tour du monde, t. I", page 42, que les naturels du
Car-Nicobar, île dans le golfe du Bengale, lorsqu'ils chantent, semblent se lamen-
ter. On voit que le caractère du chant, des mélopées d'Olympe, s'est conservé en
Asie jusqu'à nos jours.
(3) Wiel et Benloew, Accent, lai., pag. 107 et 351. Voir aussi Fétis, Résumé
philos, de l'histoire de la musique, page 43.
238
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rapprochés et sont mêlés à d'autres sons plus distants vers l'aigu ?
Aristophane, tout en faisant un grand éloge du célèbre musicien
grec, fait sur sa musique une plaisanterie plus ou moins heureuse.
Pour la reproduire sous un aspect ridicule, il fait répéter plusieurs
fois à deux de ses personnages en même temps une certaine syllabe
avec l'accent grave et l'accent circonflexe alternativement. Cette imi-
tation burlesque des airs d'Olympe ne peut-elle pas s'appliquer à
l'accentuation sanscrite, non peut-être dans sa première pureté,
dans sa première netteté, mais lorsqu'elle commençait à dégénérer
en passant dans la langue grecque? Je vais plus loin, car tout s'en-
chaîne ici-bas. La manière dont on récite les psaumes et celle dont
on lit les évangiles, cet emploi de la voix moyenne entremêlée de
sons plus graves et d'autres plus aigus, ce qui a lieu pour ces der-
niers principalement, qu'on le remarque bien, lorsqu'il se rencontre
dans les finales un mot hébreu, et cela conformément à l'usage de
la langue hébraïque, où l'on élève ordinairement la voix sur la der-
nière syllabe des mots (1); ce genre de récitation, dis-je, ne peut-il
pas encore, en faisant la part du temps et des révolutions du langage,
nous rappeler cet accent sanscrit, ces chants d'Olympe ?
D. BEAULIEU.
{La fin prochainement .)
NOUVELLES.
*** Lundi et vendredi, le théâtre impérial de l'Opéra a donné Nemea,
et mercredi les Huguenots. Morère a continué ses débuts dans le chef-
d'œuvre de Meyerbeer par le rôle de Raoul. Il y a beaucoup à reprendre
dans la façon dont il l'a rendu. Dans les deux premiers actes surtout,
il a été très-faible, et dans le quatuor sans accompagnement qui pré-
cède le finale du deuxième acte, il a attaqué tellement au-dessous du ton,
qu'il a dérouté complètement ses partenaires; un peu mieux dans le
troisième acte, ce n'est guère que dans le duo du quatrième acte qu'il
s'est relevé, et il s'y est fait applaudir dans plusieurs passages; on l'a
même rappelé avec Mlle Sax. Mais il résulte clairement de ces inéga-
lités que M. Morère, avec des qualités incontestables, a beaucoup à
faire pour se mettre à la hauteur des grands rôles qu'il a abordés avec
plus de courage que de succès.
,*, Aussitôt que M. et Mme Gueymard auront repris leur service à
l'Opéra, on s'occupera avec activité des dernières études de Roland à
Roncevaux, qui sera donné vers la fin du mois d'août.
t*t On répète en ce moment le Philtre pour le troisième début de
Mlle de Maesen. Le rôle de Fontanarose sera chanté par Cazaux.
*** Mlle Montaubry remplace, dans le ballet de Nemea, Mlle Urban
qu'une maladie du genou force à quitter la scène même avant l'expi-
ration très-prochaine de son engagement. Elle va partir pour Vienne
où elle se reposera dans sa famille.
*% Nous avons fait connaître dernièrement les nouveautés que la di-
rection du théâtre de l'Opéra-Comique avait à l'étude pour sa saison
d'hiver; en voici la distribution : Le Capitaine Henriot,, de Sardou et
Gevaert, sera interprété par Couderc, Achard, Ponchard, Crosti, Pril-
leux; Mmes Galli-Marié, Belia, Colas. — Tout est bien qui finit bien, de
Michel Carré et Hadot, musique de Félicien David, sera chanté par
Montaubry, Gourdin, Mmes Cico, Girard, Révilly, Tuai et Casimir. —
Le Trésor de Pierrot, de Cormon et Trianon, musique d'Eugène Gautier,
par Montaubry, Potel, Nathan; Mmes Monrose et Tuai. — A ces trois
pièces il faut ajouter un opéra de M. Eugène Labiche, musique de
F. Bazin.
*** Au théâtre impérial Italien, M. Bagier vient d'engager M. Costa,
célèbre chorégraphe italien, pour y diriger le corps de ballet et y
fonder une école de perfectionnement de danse et de pantomime, que
les artistes engagés pourront suivre gratis tous les jours et toute l'an-
née, ce qui sera pour eux très-avantageux et très-économique, puisqu'ils
recevront, sans rien payer, des leçons d'un maître habile, qui les met-
tra à même de se perfectionner et d'avancer dans leur carrière.
,% M. Bagier est en pourparlers avec Mme Penco, et il y a de gran-
des probabilités pour la rentrée de la célèbre cantatrice au théâtre
Italien à la saison prochaine.
*% C'est par erreur qu'une réclame, insérée dans quelques journaux,
(1) Cela a lieu souvent aussi en sanscrit et dans le dialecte dorien. Benloew,
Accent, des tnng. indo-europ., pag. 83 et 04. Cérémonial de Poitiers, Méthode de
plain-rhant, pag. 30, 40.
annonce que M. Hurand ouvre un cours de choristes au théâtre impé-
rial Italien et qu'on doit aller se faire inscrire chez lui. Le cours dont
il s'agit est exclusivement créé pour les besoins du théâtre impérial
Italien; et M. Hurand, qui a obtenu la place de. chef des choristes de ce
théâtre, est obligé en même temps de tenir ces cours, dans lesquels
on ne peut être admis qu'en s'adressant à l'administration et à des
conditious qui sont fixées par M. Bagier.
»*, La direction du théâtre de la Porte-Saint-Martin vient d'engager
le baryton Merly, qui a chanté sur les scènes italiennes et à Paris. Il
chantera Rigoletto et Ernani.
„*, On sait que Mlle Schneider, qui avait fait à Paris ses premiers
débuts sur la scène des Bouffes-Parisiens, a renoncé au théâtre et laisse
un vide assez grand au Palais-Royal. Elle vient d'y être brillam-
ment remplacée par Mlle Honorine, dont le début a eu lieu jeudi à ce
théâtre dans la Femme aux œufs d'or et 11 Perle de la Cannebière.
Mlle Honorine était en Italie depuis plusieurs années ; c'est une belle
personne qui joue bien, qui chante bien, et la direction ne pouvait faire
une meilleure acquisition.
*** Un statisticien a calculé, à l'aide des sommes reçues jusqu'à ce
jour par Mlle Adelina Patti, que si la célèbre prima donna parvenait à
chanter pendant une période de vingt années (tour de force accompli
et au-delà par Mme Julie Grisi), le chiffre total de ses recettes s'élève-
rait à 23,000,000 de francs.
*** Le théâtre de Bade a ouvert sa saison par la Dame blanche.
Jourdan, Jules Petit, Sainte-Foy, Guerrin, Burton, Mmes Lustani-Men-
dès, du théâtre lyrique de Madrid, Talmont et Duclos ont fort bien
interprété le chef-d'œuvre de Boïeldieu. — Le 18, on a donné Richard
Cœur de lion et la première représentation de: De par le roi, opéra inédit
d« M. Laurencin, musique de M. Gustave Héquet. En attendant que
nous en donnions le compte rendu, nous nous empressons de constater
que cet ouvrage a très-fort réussi; la pièce a diverti et fait rire les
Français, intéressé les Allemands qui ont le rire moins facile, et la mu-
sique a fait grand plaisir. Elle a d'ailleurs été fort bien jouée, fort bien
chantée par Jourdan et Mme Faure, très-agréablement par Mmes Géral-
dine et Duclos, assez faiblement par Mlle Doria et M. Guerrin. L'exécu-
tion de l'orchestre a été excellente. En général, le public badois n'est
pas renommé pour son enthousiasme; or il a applaudi tous les mor-
ceaux, y compris l'ouverture; M. Héquet n'a donc qu'à se féliciter de
son excursion par-delà le Rhin allemand. «
„.*„. Ainsi que nous l'avons dit, le Fifre enchanté ou le Soldat magicien,
de MM. Nuitter et Trefeu, musique d'Offenbach, vient d'obtenir, à Ems,
un succès d'enthousiasme. Comme cette opérette sera immanquable-
ment représentée à Paris, nous renvoyons à ce moment l'analyse de la
pièce que MM. Nuitter et Trefeu ont empruntée à Anseaume, mais qu'ils
ont rajeunie, et qui abonde en situations amusantes. Elle a fourni à Of-
fenbach les motifs d'une charmante partition, dans laquelle on a parti-
culièrement remarqué les couplets : Nous revenons de Lille en Flandre,
un quintette avec une phrase : Ça sent la truffe, d'un effet bouffe étour-
dissant ; les couplets C'est ce fifre-là 1 et un quatuor sur un mouve-
ment de valse. Tous les morceaux ont été vivement applaudis, mais on a
bissé avec acclamation les premiers couplets A'ous revenons de Lille en
Flandre, qui deviendront populaires, et ceux du Fifre enchanté qui sont
pétillants d'esprit. Mme Albrecht, qui jouait le rôle du fifre, a été
charmante de crânerie et d'esprit; MM. Désiré et Guyot, Mmes Estagel
et Taffanel ont eu leur part d'une réussite que le public parisien sera
bientôt appelé à consacrer.
*** On écrit de Vichy : « La présence de S. M. l'Empereur a donné
une nouvelle impulsion aux travaux du Casino, que Sa Majesté a voulu
visiter elle-même.— Mlle Favart, Delaunay, du Théâtre- Français; Gil Perez,
du Palais-Royal, et Mme Ugalde sont ici. On a joué la, Fin du Roman de
Léon Gozlan, un proverbe A la porte et Mademoiselle mon frère. Dans
cette dernière pièce, de même que dans la Succession Bonnet de M. de
Saint-Remy, Gil Perez a fait rire aux larmes. Les concerts alternent
avec la comédie, et Mme Ugalde a chanté devant l'Empereur les fameux
couplets de Gil Blas. Sa Majesté a daigné à plusieurs reprises donner
elle-même le signal des applaudissements. »
*% Pasdeloup a dû donner hier et aujourd'hui deux concerts de mu-
sique classique au Havre.
„** L'excellent pianiste-compositeur Georges Pfeiffer est de retour
de son voyage à Londres, où il a obtenu de grands succès dans les
principaux concerts de la saison.
**„ Les deux célèbres chorégraphes, Taglioni, de Berlin, et Giuseppe
Rota, composent pour la saison d'hiver de la Scala, à Milan, deux grands
ballets, dont Paolo Giorza doit écrire la musique.
**.(. La Société des concerts du Conservatoire vient de faire frapper
une nouvelle médaille destinée à être offerte aux sociétaires lors de
leur nomination, et aux solistes étrangers à la Société qui s'y font en-
tendre. Cette médaille porte d'un côté l'effigie d'Habeneck entourée de
ces mots : fondateur 1828, et de l'autre cette inscription : Société des
concerts, Conservatoire de musique, laissant au milieu une place pour le
nom du sociétaire. C'est à l'un de nos meilleurs graveurs, M. Borel,
DE PARIS.
239
que ce travail a été confié, et il Ta exécuté d'une façon très-remar-
quable.
„,% Le succès qui l'a accueillie vient de nécessiter un second tirage
de l'intéressante brochure de noire collaborateur Arthur Pougin, Meyer-
bccr, notice biographique. On la trouve toujours chez l'éditeur Tresse, ga-
lerie de Chartres, 2 et 3 (Palais-Royal), au prix de 1 franc.
*** Dimanche 17 de ce mois a eu lieu à Bruxelles à la Grande-
Harir.onie une audition fort intéressante des nouveaux instru-
ments d'A. Sax. On a beaucoup apprécié la réforme opérée par l'ha-
bile facteur dans une partie si essentielle de la musique instrumentale
et les ressources immenses qui en ont été la conséquence. L'exécution
par six instruments de la Marche funèbre composée par Litolff en l'hon-
neur de Meyerbeer, a produit surtout un effet surprenant, non-seule-
ment par la beauté de l'œuvre en elle-même, mais par la puissance
prodigieuse de l'exécution. On a d'autant plus applaudi les virtuoses
venus de Paris pour donner ce concert, que plusieurs sont belges et
élèves du Conservatoire de Bruxelles.
**„ Ainsi que nous l'avons constaté dans notre dernier numéro, il y avait
foule dimanche àCharenton au concert de bienfaisance organisé par les
soins de M. Domergue, maire de lalocalité et directeur de l'asile impérial
de Vincennes. Mmes Bertrand, Bloch, MM. Capoul et Troy y représen-
taient la partie vocale; MM. Auguste Durand et Eugène Ketterer, la
partie instrumentale ; et MM. Samson, Saint-Germain et Mlle Bianca,, la
partie dramatique. Les éléments de succès, on le voit, étaient choisis
avec discernement; aussi, les applaudissements ont-ils été chaleureux,
et les pauvres n'ont eu qu'à se féliciter du produit de l'a recette.
*** Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur une belle et com-
plète collection des œuvres de Haendel, édition publiée aux frais du
gouvernement anglais, par le docteur Arnold, en quarante et un volu-
mes in-folio, imprimés sur grand papier impérial et dans un très-bel
état de conservation. On sait que les exemplaires de cette collection
sont rares ; celui qui se trouve à vendre pour 800 francs chez Lavinée
est donc uue excellente occasion.
a** M. Panofka se trouve en ce moment à Milan. L'éditeur Lucca a
profité du séjour de l'éminent professeur en Italie pour acquérir de lui
la propriété de sa méthode de chant. M. Lanvo Rossi, le directeur du
Conservatoire de Milan, a accueilli d'une façon très-flatteuse M. Panofka,
et l'a conduit dans toutes les classes de chant, où. les professeurs se
sont empressés de lui faire entendre leurs meilleurs élèves.
„% Dreyschock a composé un concerto pour piano qui a été exécuté
avec un très-grand succès au Conservatoire à Prague.
„,** Les éditeurs Brandus et Dufour complètent en ce moment le
répertoire, déjà si riche, de leurs partitions in-octavo pour chant et
piano, en y ajoutant la partition de Sultana, charmant opéra-comique
de Maurice Bourges, qui manquait à la collection. Les amateurs de mé-
lodie gracieuse et vive qui allie au bon goût le charme et la verve,
les approuveront d'avoir comblé cette lacune, et de donner uue édition
en petit format d'un ouvrage que le public et la presse ont accueilli à
soii apparition avec une égaie faveur.
*% On croit généralement à tort que les artistes n'ont jamais été
rémunérés autant qu'ils le sont de nos jours. Dans un livre, les Ou-
vriers, etc., dans Vancienne Grèce et à Rome, de W. Drumann, qui vient de
paraître, on lit : « D'excellents joueurs de flûte ou chanteurs obtenaient
des prix très-élevés quand ils se faisaient entendre au théâtre ou à
quelque fête. C'est ainsi que le chanteur Amoibeos, d'Athènes, recevait
chique fois qu'il chantait en public, un talent (près de 6,000 francs). »
Athenaiis, XIV, ni, p. 623.
*% L'opéra de la Cour, à Dresde, va faire représenter un nouvel opéra
du compositeur de symphonies Gouvy, intitulé le Ciel.
*% Le 21 août, jour de nom de Rossini, sera inaugurée à Pesaro,
lieu de sa naissance, la statue du grand compositeur italien. Le marquis
Salamanca et M. Delahante, directeurs des chemins de fer italiens, par
les soins et aux frais desquels est élevée cette statue, organisent à cette
occasion une grande fête musicale; appel a été fait pour cela à toutes
les célébrités artistiques, et elles se sont empressées d'accepter l'invitation
de la Société rossinienne de Pesaro. Entre autres on donnera avec
leur concours, au théâtre Rossini, dix représentations du chef-d'œuvre
du maître, Guillaume Tell. La première aura lieu le -14, et la recette
en sera consacrée à une œuvre de bienfaisance. En outre, Mercadante
a composé pour cette solennité un hymne pour quatre cents voix qui
sera exécuté en plein air, au moment où la statue sera découverte.
Des personnes de l'intimité de l'auteur du Giuramente affirment que
cette œuvre est admirable et digne en tout point del'immense réputation
du maestro. Les journaux italiens donnent beaucoup d'autres détails sur
las dispositions et les préparatifs de cette fête dont nous reparlerons
lorsqu'elle aura eu lieu.
*% Le grand festival annuel de l'infanterie donné dimanche dernier
au Pré Catelan avait attiré beaucoup de monde, malgré la menace d'un
violent orage. Les musiques des 27e, 30e, 40e, 65e, 68e, 72e et 92e régi-
ments de ligne ont rendu avec un ensemble et un élan irrésistibles les
œuvres les plus belles des grands maîtres de l'école française. On a
particulièrement applaudi l'ouverture des Diamants de la Couronne et
celle de Zampa , magnifiquement interprétées par les musiques réunies,
parfaitement dirigées par M. Vie. De son côté, l'orchestre de sympho-
nie que conduit si bien M. Forestier, s'est surtout distingué dans l'exé-
cution de l'ouverture d'Oberon. L'excellent violoniste M. Danbé a pro-
voqué des bravos enthousiastes après sa fantaisie sur les motifs du
Trovatore. En un mot, cette belle fête, dans laquelle l'art et la chanté
s'étaient donné la main, a tenu tout ce qu'elle promettait.
*** Malgré le brillant succès qu'obtient tous les soirs la série d'expé-
riences que M. Robin donne actuellement à son théâtre, l'habile physi-
cien, toujours fidèle à sa promesse (qui est d'offrir continuellement
du nouveau), changera incessamment la composition de son spectacle;
de nouvelles expériences scientifiques et amusantes nous sont annoncées,
et l'isthme de Suez fera place à une série de nouveaux tableaux repré-
sentant les merveilles du ciel, ou l'astronomie populaire.
t*t La grande sensation du moment à Londres (t/w great sensation)
est l'exhibition annoncée à Saint-James Hall d'un automate qui chante
avec une rare perfection les airs les plus connus de nos opéras.
»** Mlle Jeanne-Suzanne Sedaine, fille de l'auteur du Déserteur, du
Philosophe sans le savoir, de la Gageure imprévue, de Richard Cœur de Lion,
et d'autres œuvres dramatiques, vient de mourir à Tours qu'elle habi-
tait depuis trente ans; elle était âgée de quatre-vingt-dix-sept ans, et
avait jusqu'à ses derniers moments conservé toutes ses facultés intel-
lectuelles. Elle laisse un magnifique portrait de son père peint par
David.
*% Le dernier descendant du célèbre musicien belge Lassus vient de
mourir, âgé de quatre-vingt-deux ans, à Munich, où il exerçait la
profession d'organiste. Avec lui s'éteint un des noms qui ont brillé du
plus vif éclat dans l'art musical du xvi° siècle. C'est à Munich, on le
sait, que s'était fixé le compositeur montois, et la Bavière lui avait
élevé une statue comme à un de ses enfants d'adoption les plus
illustres, longtemps avant que le même hommage ne lui fût rendu dans
sa ville natale.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t*i Londres. — A l'occasion de sa; fête, Mlle Tietjens a reçu de la
part des abonnés au théâtre de Sa Majesté un témoignage des plus
flatteurs. Plusieurs dames avaient ouvert une souscription pour lui offrir
un bracelet, dont le prix s'est élevé à 8,000 francs, et une députation,
à la tête de laquelle se trouvait la comtesse de Lincoln, est allée le
porter à la célèbre cantatrice, en accompagnant ce magnifique cadeau
des compliments les plus gracieux. Mlle Tietjens, quoique sous l'empire
d'une vive émotion, a trouvé pour y répondre des paroles pleines de
modestie et d'élégance. — En attendant la représentation de la Stella
del A'on/, qui aura lieu samedi 23, Mlle Artot a fait un brillaDt début à
Covent-Garden, dans le rôle de Marguerite de Faust. Quoiqu'elle n'eût
jamais chanté cet ouvrage, son succès y a été des plus complets. —
"Mlle Marie Battu, après avoir été l'une des étoiles de la saison qui vient
de finir, s'est fait entendre dans deux concerts donnés au palais de
Cristal. Elle a chanté dans le premier avec Naudin, Schmidt et Ciampi
le quatuor des Puritains, le duo de Don Pasquale et le rondo de la Cene-
rentola Elle y a provoqué des bravos enthousiastes, particulièrement
dans ce dernier morceau, qu'elle a chanté admirablement et qu'elle a
dû répéter. Dans le second, le duo de la Gazsa ladra avec Mme Nantier
et le grand air d'Emani, ont valu à la jeune artiste un triomphe non
moins éclatant.
*** Hombourg. — Au dernier concert dans lequel Vieuxtemps, Selig-
mann et Alf. Jaëll se sont fait entendre avec un si éclatant succès,
nous avons entendu aussi MmeFalbri, excellente cantatrice, et M. Fran-
ceschi, le brillant ténor. Tous deux ont pris une glorieuse part au
succès de ce concert. — La compagnie italienne que Mil. Gindreau et
Fouilleroux ont engagée, va bientôt commencer ses représentations.
C'est ilarta qui sera jouée d'abord. Sémiramide et Stradella suivront de
près Nous rendrons compte de ces représentations qui promettent d'être
très-intéressantes, et pour lesquelles presque toutes les loges sont déjà
louées.
*** Mayence. — Alfred Jaëll, de retour de son voyage à Londres, or-
ganise ici un grand concert au bénéfice du violoncelliste Kellermann,
frappé récemment d'apoplexie. Ferd. David, Léon Jacquard et Mlle Tipka
lui prêteront leur concours.
„,*„, Prague. — Les représentations de l'Opéra italien, sous la direction
de Merelli, attirent la foule. Mmes Marchisio viennent d'obtenir un grand
succès dans / Capuletti et Montecchi.
%*% Berlin. — L'opéra VAbbé de Saint-Galles, composé par nerther, a
été représenté pour la première fois au théâtre Victoria et a été favo-
rablement accueilli. — L'opéra Ondine, de Lortzing, plaît beaucoup ail
théâtre de Kroll. — R. Willmers remplace F. de Biïlow comme profes-
seur de piano au conservatoire de Stern.
Le Directeur : S. DL'FOUR.
240
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25. Saùl, id.
26. Jephta, id.
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Ode à sainte Cécile.
35 . Alexandre Balus, oratorio en trois parties.
36. The Triumphof Times, id.
37. Trois antiennes pour les noces du prince
de Galles, et les funérailles de la reine
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de George II.
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Un concerto d'orgue.
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Un concerto d'orgue.
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AR1S — IMFBIHEHII < l\t:i '
VPOIEOH CHA1X ET Ce
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
N° 31.
31 Juillet 1861
ON S'ABONNE :
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Départements, Belgique et Suisse.... 30 n id.
Étranger ■■■■ 34 " id-
Le Journal paraît le Dimanche .
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Devienne (1" article), par Arthur Pou gin. — Conservatoire
impérial de musique et de déclamation : concours publics (suite et fin). —
Correspondances : Londres, Bade et Ems. — Revue des théâtres, par D. A.
D. Saint-Yves. — Nouvelles. ,
DEVIENNE,
i.
Il est des artistes — dignes d'estime et de sympathie, sinon d'ad-
miration — dont la vie fort occupée s'écoule dans un tel calme,
dont, malgré leur talent, la personnalité s'efface derrière une sorte
de renoncement si absolu à toute pensée d'ambition ou de vanité que,
n'étaient leurs œuvres et les souvenirs qu'elles ont laissés, il serait
impossible de reconstituer leur existence, de retrouver la trace de
leur passage en ce monde. Tandis que d'autres, ne recherchant que le
bruit et l'éclat, ne demandant qu'à faire connaître à la foule jusqu'à
leurs moindres actions, s'évertuent chaque jour à couper la queue du
chien d'Alcibiade, ceux-ci — qui ne sont pas toujours les moins mé-
ritants — ayant un sentiment plus juste et plus honorable de la di-
gnité de l'artiste, pensant avec raison que ses œuvres seules, et non
sa personne, intéressent cet être multiple et fantasque qui s'appelle
le public, se renferment en eux-mêmes, et se dérobent à une pu-
blicité qu'ils considèrent comme contraire à la dignité de leur ca-
ractère .
Pour ma part, je me suis vu presque découragé lorsque, pour la
première fois, j'ai voulu m'occuper de Devienne, dont je jugeais la
présence indispensable dans une galerie consacrée à remettre en lu-
mière nos musiciens du xvme siècle. Les documents sont très-rares,
les détails intimes presque introuvables sur cet artiste intéressant
que soixante ans seulement séparent de nous. Mon butin, cependant,
a été suffisant pour me convaincre qu'un récit de l'existence extraor-
dinairement laborieuse de ce compositeur, qu'un examen conscien-
cieux des œuvres dues à la plume de celui qui a écrit l'aimable et
réjouissante partition des Visitandin.es, ne sauraient être sans intérêt.
Bien que le répertoire de ses ouvrages dramatiques ne soit pas fort
étendu — c'est dans la musique instrumentale surtout que sa fécon-
dité a été vraiment surprenante — Devienne a assez brillé sur la
scène lyrique, son talent s'est, à mon sens, affirmé avec un éclat
suffisant pour justifier l'utilité d'une telle étude, étude qui ne saurait
être indifférente à ceux qui s'occupent du mouvement de l'art mu-
sical en France, et s'intéressent particulièrement aux différentes
phases que cet art a parcourues dans ses rapports avec le théâtre.
François Devienne est né à Joinville (Haute-Marne), le 31 janvier
1759. On ne sait rien de sa famille, non plus que de ses premières
années, si ce n'est qu'il eut pour premier et sans doute pour unique
maître son frère aîné et que, dès sa plus tendre enfance, il joignait
à un rare et précoce amour du travail, des dispositions exceptionnelles
pour l'art qui devait le passionner un jour au point d'altérer sa raison
et de le conduire au tombeau. Tout enfant, on le remarquait déjà
pour son double talent de compositeur et de virtuose; à peine âgé de dix
ans il était, malgré son extrême jeunesse, engagé comme flûte dans
la musique du régiment Royal-Cravate où il se trouvait en compa-
gnie de son frère, et il préludait à ses succès futurs en faisant exé-
cuter par les musiciens, ses camarades, aux grands applaudissements
de ceux-ci, une messe avec accompagnement d'orchestre dont il
était l'auteur.
La flûte avait été, nous venons de le voir, le premier instrument
de Devienne, et il en jouait avec une véritable perfection; mais plus
tard il s'adonna aussi au basson, sur lequel son talent d'exécution
devint plus remarquable encore.
M. Fétis assure que, ses études musicales une fois terminées, De-
vienne « s'attacha au cardinal de Rohan, et passa ensuite dans la
musique des gardes suisses, qu'il quitta pour entrer, en 1788, dans
l'orchestre du théâtre de Monsieur. » Nous le trouvons effectivement
attaché à ce théâtre, dès sa fondation, en qualité de premier basson,
mais celui-ci ayant ouvert ses portes, non en 1788, mais seulement
le 26 janvier 1789, je pense que Devienne avait quitté l'état mili-
taire bien auparavant, car, dans la première année du Calendrier
musical, qui parut au commencement de 1788, nous le trouvons
inscrit sur la liste générale des professeurs de musique de Paris, et
logé «rueSaint-Honoré, vis-à-vis celle de l'Arbre-sec». Or, si je ne me
trompe, les musiciens militaires, même ceux du régiment des gardes
suisses, n'avaient point alors, comme de nos jours, la faculté de
loger en ville.
Quoi qu'il en soit, Devienne était alors considérablement occupé.
Outre l'emploi qu'il tenait au théâtre de Monsieur, il se faisait en-
tendre souvent aux fameux concerts de la rue de Cléry, concerts
242
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
organisés sous la direction de Grasset et de Planlade, dont l'existence
fut éphémère, mais très-brillante, et qui comptaient dans leur per-
sonnel les premiers chanteurs et virtuoses de l'époque : Blangini,
Garât, Hummel, Lefèvre, Baillot, Rode, Sallentin. Devienne, Rodolphe
Kreutzer, Frédéric Duvernoy, Dalvimare, Romberg, Mmes Branchu,
Armand, Duret, etc., etc. Très-recherché comme professeur, De-
vienne donna de plus beaucoup de leçons. Enfin, il composait un
grand nombre de morceaux de tout genre, faisait exécuter au con-
cert spirituel — où lui-même s'était souvent fait entendre avec un
très-grand succès — par Domnich, un grand concerto de cor; par
Lefèvre et Perret, une « concertante » pour clarinette et basson,
publiait « toutes les romances d'Estelle (1) avec piano et flûte »,
ainsi qu'un recueil de romances de Berquin et d'autres œuvres de
musique instrumentale. On voit que sa vie n'était pas inactive.
C'est, je crois, à ce moment qu'il convient de placer son heureux
mariage avec une demoiselle Maillard, mariage dont naquirent cinq
enfants, et c'est alors aussi qu'il conçut sérieusement le projet et
l'espoir de travailler pour le théâtre.
Tous les biographes de Devienne sans exception commettent une
double erreur au sujet de son premier ouvrage dramatique, en don-
nant pour titre à ce premier ouvrage, Encore des Savoyards, et pour
date de représentation l'année 1789. Dans un instant je vais recti-
fier ce fait de la façon la plus concluante, mais je dois dire aupara-
vant que c'est au théâtre Montansier que Devienne débuta comme
compositeur dramatique (2). Il fit ses premières armes à ce théâtre
par le Mariage clandestin, opéra-comique en un acte qui fut repré-
senté le jeudi 11 novembre 1790. Le poëme de ce petit ouvrage était
dû au vicomte de Ségur, et quant à la musique, elle faisait, selon
les Spectacles de Paris, « beaucoup d'honneur à M. Devienne. »
Ce n'est qu'après le Mariage clandestin que Devienne donna au
théâtre Favart le petit ouvrage qui avait pour titre Encore des Sa-
voyards, et l'on va voir par les lignes suivantes, extraites du Journal
de Paris, du 10 février 1792, la cause de la double erreur men-
tionnée plus haut: « On avait donné sur ce théâtre (Favart), le 25
septembre 1789, une petite comédie intitulée : Encore des Savoyaixls
ou YEcole des parvenus, par M. Pujoulx, et elle avait eu quelque
succès. L'auteur vient d'y faire des corrections et de l'arranger
pour être mise en musique ; elle a été fort accueillie mercredi der-
nier (8 février 1792) avec tous ses embellissements.... » On voit
que la faute était facile à redresser; pourtant elle ne l'avait pas été
jusqu'ici. Après avoir fait l'analyse de la pièce, le Journal de Paris
continue ainsi : « On a demandé l'auteur. M. de Vienne [sic), auteur
de la musique, a paru. Attaché au théâtre de la rue Feydeau, il a
pu étudier la manière des plus célèbres compositeurs italiens, et il
marche heureusement sur leurs traces. Sa musique est gracieuse et
savante. » De leur côté, en mentionnant l'ouvrage, les Annales dra-
(1) Estelle et Némorin, de Florian, qui eut, on le sait, une vogue inimaginable,
et dont les romances furent mises en musique par plus de vingt compositeurs.
(2) Le théâtre Montansier, ainsi dit du nom de l'actrice célèbre qui le dirigeait
en compagnie d'un certain de Neuville, était situé au Palais-Royal, dans la salle
occupée auparavant par les Beaujolais, lesquels, s'il en faut croire les contempo-
rains, n'eurent pas lieu d'être fort satisfaits de la façon dont la fameuse comé-
dienne, maîtresse femme d'ailleurs, les fit déloger. La Montansier ouvrit son spec-
tacle dans la première quinzaine d'avril 1790, et « c'est — disent les Spectacles
de Paris de 1792 — le premier théâtre qui ait reçu son existence du code de la
Liberté. » On y jouait alors trois genres, la tragédie, la comédie et l'opéra, aux-
quels un peu plus tard fut joint le vaudeville. Après s'être bornée d'abord à don-
ner, en ce qui concerne le genre lyrique, quelques traductions d'opéras italiens de
Storace, Cimarosa, Sarii, Martini (l'Espagnol), Paisiello et autres, la Montansier
se décida à faire représenter des opéras-comiques originaux, et c'est alors que
plusieurs ouvrages de Bruni, Gebauer, Lebrun, Cbampein, Devienne, etc., furent
offerts au public de son théâtre.
matiques de Babault s'expriment ainsi au sujet de la transformation
qui en fut opérée en 1792 : « Cette comédie avait été jouée en deux
actes, quelques années auparavant. L'auteur l'a réduite en un acte,
et l'a coupée en opéra. Cet essai a réussi ; c'est toujours le même
sujet. Devienne y a adapté une musique agréable, chantante, et dont
plusieurs morceaux offrent un mérite réel de faclure et de précision.
{Annales dramatiques, t. III, p. 372.)
On voit que Devienne n'eut pas lieu d'être mécontent du résultat
de ses premiers débuts. A ceci se borne, du reste, tout ce qu'il
m'est possible de faire connaître sur ces heureux préliminaires de
sa carrière dramatique. J'ajouterai seulement qu'on est fondé à sup-
poser que les partitions des deux ouvrages dont il vient d'être ques-
tion n'ont pas été gravées.
Arthur POUGIN.
[La suite prochainement.)
CONSERVATOIRE IMPERIAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Concours publics (Suite et fin).
Les comptes annuels sont rendus; le dernier des huit concours
publics a eu lieu jeudi dernier, et, comme à l'ordinaire, les classes
d'instruments à vent ont clos le cycle ouvert par les classes de chant.
En donnant la liste des distinctions accordées aux jeunes chanteurs
et cantatrices, nous avons dit qu'il y aurait eu de l'avantage à en
écarter plusieurs de la lice, où les poussait une ardeur imprudente ;
ce qui le prouve, c'est qu'il n'y a pas eu de premier prix pour les
hommes, et que parmi les femmes, Mlle Daram seule a remporté la
palme bienheureuse qui met sur la voie de la fortune et de la
gloire. Mlle Daram aura donc seule l'honneur de se faire entendre
dans la séance solennelle de la distribution des prix. Mlle Mauduit,
qui n'a eu qu'un second prix de chant, s'y produira, comme ac-
trice, avec M. Troy, qui a mérité le premier prix d'opéra-comique ;
ils joueront ensemble un fragment des Noces de Jeannette, ce petit
ouvrage toujours si bien reçu. Le grand opéra gardera le silence et
comptera des pauses, malgré le premier prix décerné à Mme Nivet
pour le talent dont elle a fait preuve dans le cinquième acte du
Prophète; mais son partenaire n'a pas été aussi heureux qu'elle, et
comment Fidès pourrait-elle se montrer seule devant un public à qui
généralement les rôles tristes et les longs ouvrages inspirent quelque
terreur?
Le concours de tragédie et de comédie avait été le dernier de la
précédente semaine; ce qu'on y avait vu de plus remarquable, c'est
un premier prix de tragédie obtenu par un jeune homme, M. Etienne,
élève de Beauvallet, et réunissant en sa personne les principales
qualités que le genre exige, la physionomie, la voix, le sentiment :
on en jugera bientôt dans la séance solennelle. Ce qu'il faut signaler
encore c'est le début des élèves mâles, tout récemment adjoints à la
classe jusqu'ici toute féminine de Mlle Augustine Brohan. M. Guérin en
a fourni un très-agréable spécimen : il est fils d'un ancien professeur
de violon du Conservatoire, et tiendra, nous l'espérons, les pro-
messes qu'il donne. Mlle Augustine Brohan se plaignait de n'avoir
personne dans sa classe pour donner la réplique à ses Agnès, à ses
Henriette, à ses Célimène, et après tout, une classe de déclamation
ne saurait être absolument modelée sur un pensionnat de jeunes
demoiselles.
Voici du reste le résumé des prix et des accessits décernés à la
tragédie et à la comédie.
Tragédie. — Pour les hommes : 1er prix, M. Etienne, élève de
M. Beauvallet; 2e, M. de Rhéville, élève du même. 1er accessit,
M. Guérin, élève de Mlle Brohan; 2e M. Prudhon, élève de M. Régnier.
DE PARIS.
243
Pour les femmes : pas de 1er prix; 2e, Mlle Jaillet, élève de
M. Samscm. 1" accessit, Mlle Angelot, élève de M. Régnier.
Comédie. — Pour les hommes : pas de 1er prix ; 2e, MM. Michel,
élève de M. Samson, et de Rhéville, élève de M. Beauvallet. 1er ac-
cessit, M. Guérin, élève de Mlle Brohan; 2°, MM. Charpentier, élève
de M. Samson, et Prudhon, élève de M. Régnier.
Pour les femmes : pas de 1er prix; 2e, Mlles Delamalerée, élève de
M. Régnier; Bloch, élève de M. Samson, et Angelot, élève de M. Ré-
gnier. 1er accessit, Mlle Dortet, élève du même ; 2e, Mlle de Breuil,
élève de M. Samson ; 3e, Mlle Brach, élève de M. Beauvallet.
Le concours de grand opéra inaugurait la semaine avec plus de
bruit que d'éclat. 11 n'y avait que douze scènes, dans lesquelles les
femmes se sont beaucoup plus signalées que les hommes, comme
l'atteste le bulletin des décisions du jury.
Grand opéra. — Pour les hommes : pas de 1er ni de 2e prix.
1er accessit, MM. Bosquin, élève de M. Levasseur, et Lavitte , élève
de M. Duvernoy. 2e, MM. Taillefer, élève de M. Duvernoy ; Bladviel,
élève du même, et Ponsard, élève de M. Levasseur ; 3e, M. Pons
élève de M. Duvernoy .
Pour les femmes : 1er prix, Mme Nivet, élève de M. Levasseur;
2e, Mlles Mauduit et Bloc, élèves du même. 1er accessit, Mlle de Beau-
nay, élève du même.
Le concours de violoncelle et de violon venait le lendemain. Jamais
le second de ces concours n'avait été aussi nombreux, et, par mal-
heur, la quantité l'emportait notoirement sur la qualité. Parmi les
vingt-six concurrents et concurrentes qui se mesuraient l'archet à la
main, il se trouvera certainement plusieurs arlistes très-honorables et
très-estimables, qui seront d'une grande utilité dans nos orches-
tres, mais il y aura fort peu de solistes éminents. Cependant, le con-
cours de violon avait, cette année, sa merveille, plus merveilleuse
que toutes celles que nous avons vues jusqu'ici, tant par le talent que
par le sexe et l'âge. Cette merveille se nomme Mlle Closet; elle est
élève de Massart, et compte tout juste onze ans et trois mois. Elle
ne joue pas seulement du violon (sur un petit instrument, un trois
quarts) avec une vigueur et un style qui tiennent du prodige; elle
est musicienne consommée : elle lit à première vue mieux qu'on n'a
jamais lu, sans faillir, sans hésiter. Et alors, me direz-vous, Mlle Clo-
set a obtenu le premier prix d'emblée, comme dans leur temps, Henri
Wieniawski, Lotto, Sarasate et Mlle Maria Boulay? Pas du tout; le
jury s'est consulté longuement, et dans l'excès de sa sagesse, il n'a
voulu accorder qu'un second prix à Mlle Closet ! Il y avait même des
juges qui, dit-on, parlaient d'accessit, comme si les prodiges étaient
réservés à un tel affront! Pour notre part, nous regrettons très-vive-
ment que justice pleine et entière n'ait pas été rendue à la petite
virtuose, et que le Conservatoire ait ainsi perdu l'occasion de la faire
entendre au ministre le jour de la distribution des prix. Pareille mé-
saventure était arrivée à Lotto, qui n'avait été nommé que le troi-
sième, quoiqu'il méritât de l'être le premier ; mais il eut le courage
d'aller droit au ministre, alors M. Achille Fould, et de réclamer,
séance tenante, la faveur d'être entendu, ce que le ministre lui ac-
corda, au grand contentement de toute l'assemblée
Violoncelle. — 1er prix, M. Darcq, élève de M. Franchomme ; 2e,
M. Pfotzer, élève de M. Chevillard. 1er accessit, M. Delsart, élève de
M. Franchomme ; 2e, M. Bernard, élève du même : 3% M. de Mi-
retzki, élève du même.
Violon. — 1er prix, M. Chomanowski, élève de M. Massart ; 2e,
Mlle Closet, élève de M. Massart; Mlle Baslin, élève de M. Alart;
MM. Muratet et Thibault, élèves de M. Dancla. 1er accessit, MM. Frie-
mann, élève de M. Massart; Gatellier, élève de M. Sauzay; Rinck,
élève du même; 2e, MM. Paquotte et Boisseau, élèves de M. Dancla;
3e, M. Schmeltz, élève de M. Massart, et Mlle Biot, élève de M. Sauzay.
Passons aux concours des classes d'instruments à vent, lesquelles,
depuis la création des classes militaires et l'introduction d'élèves
militaires dans les classes civiles, n'occupent pas moins de deux jour-
nées depuis 9 heures du matin jusqu'à environ 6 heures de l'après-
midi. Voici le relevé général des récompenses distribuées par le jury
à ces diverses classes.
Flûte (professeur, M. Dorus). — Ier prix, MM. Denni, Simon et
Martin ; 2e, M. Brossa. 1er accessit, M. Corlieu ; 2°, M. Rauch ;
3e, M. Muller.
Hautbois (professeur, M. Triébert). — ler prix, MM. Stoll et
Triébert; 2e, MM. Achard et Fargues. 1er accessit, M. François.
Clarinette (professeur. M. Klosé). — 1er prix, M. Mastio; 2e, M. Tur-
ban; 1er accessit, MM. Faurès et Raimond.
Basson (professeur, M. Cokken). — 1er prix, M. Lalande. Accessit,
M. Hermann.
Cor (professeur, M. Gallay). — Pas de premier prix; 2e, M. Collin.
1er accessit, M. Strobbe; 2e, M. Seygaud; 3', M. Parisot.
Cor à pistons (professeur, M. Meifred). — 1er prix, M. Bender,
2e accessit, M. Guffroy.
Trompette (professeur, M. Dauverné). — 1er prix, M. Dossunet ;
lep accessit, M. Morlot; 2e, M. Braquet.
Trombone à coulisse (professeur, M. Dieppo.) — 1er prix, M. Du-
clos.
Trombone à pistons (même professeur). — 1er prix, M. Jean ; 2e
prix, M. Rustang; 1er accessit, M. Garnier; 2e, M. Dessendre ; 3e,
M. Launay.
Cornet à pistons (professeur, M. Forestier.) — Pas de premier
prix; 2e prix, MM. Pugenc et Monmarché; 1er accessit, M. Garcin ;
2e, M. Jacob; 3e, M. Sauvan.
Saxophone (professeur, M. Adolphe Sax). — 1er prix, MM. Thuil-
lier, Gaymard et Chabert ; 2e, MM. Puech, Nivert et Lévy; l*r ac-
cessit, MM. Lancheney, Poulet et Rass; 2e, MM. Grandmaire, Demor-
nay et Chape.
Saxhorn (professeur, M. Arban). — ieT prix, MM. Feningre et
Sutter; 2e, MM. Bello, Ribailler et Calendri; 1er accessit, MM. Ri-
che, Degreige; 2e, M. Merle.
Ce que nous avons à noter dans la situation de toutes ces classes,
c'est une tendance générale au progrès stimulée par l'activité obligée
des élèves, qui sortent de l'armée pour venir se perfectionner pen-
dant deux ans au Conservatoire, et qui mettent le temps à profit.
La classe de flûte, la classe de clarinette prennent une grande part
à ce mouvement, et la classe de hautbois s'est signalée par une ré-
génération complète, que l'on doit au talent consciencieux de M. Trié-
bert. Les classes d'instruments nouveaux , entre les mains de
MM. Adolphe Sax et Arban, continuent de former des virtuoses,
aussi rapidement qu'à l'époque où la France était obligée d'en appro-
visionner quatorze armées.
La distribution des prix aura lieu jeudi prochain, sous la prési-
dence de M. le maréchal Vaillant, qui a daigné plusieurs fois assister
aux concours et encourager les élèves. Le programme de la séance
se composera d'un morceau de piano, d'un air, d'une scène de tra-
gédie et d'un fragment d'opéra-comique.
Paul SMITH.
244
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
On lit dans la Gazette officielle de Turin en date du 25 juillet
courant:
« Nous avons parlé il n'y a pas longtemps dans notre journal des
perfectionnements introduits en France dans l'art de fabriquer les
pianos de tous modèles, et nous avons, d'accord avec le Moniteur
et les autres journaux de ce pays, distingué particulièrement l'hono-
rable maison de MM. Philippe-Henri Herz neveu et Ce, rue Scribe, 7,
à Paris, comme étant celle qui, dans ces derniers temps, a réalisé
les plus remarquables et les plus réels progrès, tant pour la beauté
que pour la bonté et la perfection de ses instruments.
» Nous pouvons annoncer que S. M. Victor-Emmanuel II, voulant
donner aux susdits MM. Philippe-Henri Herz neveu et C, un témoi-
gnage spécial de sa souveraine protection, a daigné, par un brevet
en date du 21 juillet courant, les autoriser à prendre le litre de: Fac-
teurs et fournisseurs de pianos de S. M. le roi d'Italie. »
A peine quelques mois se sont écoulés depuis que nous consa-
crions un article à la mise en activité de la manufacture de MM. Ph.-
Henri Herz neveu st Ce, et à l'inauguration de leurs magasins et les
résultats de leurs travaux ne se sont pas longtemps fait attendre. Déjà
le souverain du pays le plus musical de l'Europe leur donne une
haute marque de sa bienveillance; et nous avons pu nous convain-
cre, en outre, de visu, de l'importance des commandes qui leur sont
adressées et de l'activité qui règne dans leurs ateliers. C'est donc
avec une véritable satisfaction que nous voyons se réaliser les espé-
rances que tout d'abord nous avons conçues sur le bel avenir in-
dustriel et artistique réservé à cette maison.
CORRESPONDANCE.
Londres, 26 juillet.
La saison musicale, qui touche à son terme, a été extrêmement bril-
lante à Covent-Garden. Le directeur, M. Gye, n'a rien épargné pour
conserver cette année encore à son théâtre sa supériorité sur les
principales scènes de l'Europe. Néanmoins la représentation la plus in-
téressante avait été réservée pour la fin; la reprise de l'Étoile du Nord
a eu lieu samedi dernier seulement; mais ce retard n'est nullement
imputable à l'administration. Le brusque départ de Mlle Lucca, à la-
quelle le rôle de Catarina était destiné, avait interrompu les répétitions,
et il avait fallu pourvoir à son remplacement. M. Gye ne pouvait avoir
la main plus heureuse qu'en s'assurant le concours de Mine Carvalho;
impossible de savoir comment Mlle Lucca aurait interprété le rôle;
mais ce qui ne fait pas l'objet d'un doute, c'est qu'elle n'aurait pu
le chanter mieux que la première des cantatrices françaises.
Cette reprise avait du reste tout l'attrait d'une première repré-
sentation. A la vérité, l'ouvrage avait été joué déjà à Covent-Garden,
et avec un immense succès, en ISoj, mais le terrible incendie du théâtre
interrompit ce succès jusqu'à nos jours. M. Gye s'est bâti une salle
nouvelle plus brillante, plus splendide que l'ancienne, mais il fallait
reconstituer aussi tout le matériel en décors, costumes et accessoires,
devenu la proie des flammes, et cela ne peut se faire à Londres comme
à Paris par un coup de baguette; car le théâtre de Covent-Garden,
bien qu'il porte le titre de théâtre royal italien et qu'il fasse les choses
aussi royalement qu'un vrai théâtre royal, ne jouit cependant d'aucune
subvention. Cependant tous les ans M. Gye augmente son répertoire.
Ainsi Robert, les Huguenots, le Prophète ont été splendidement remis à
neuf, la première représentation de Dinorah a déjà eu lieu dans la salle
nouvelle, et cette riche galerie des chefs d'oeuvre de Meyerbeer vient
de se compléter par l'Etoile du Nord. Que l'Africaine s'y joigne l'an pro-
chain, et ce brillant théâtre possédera dans son répertoire l'œuvre en-
tier du maître immortel.
L'exécution de l'Etoile du Nord, jouée samedi dernier, a été de tout
point parfaite, peut-être encore plus soignée dans les détails qu'en
1855, alors que Meyerbeer était venu à Londres en diriger les études.
M. Costa n'a pas oublié que, lorsque à la première soirée , Meyer-
beer, cédant à l'enthousiasme général, parut lui-même devant la
rampe, il voulut que il. Costa partageât son triomphe, et celui-ci, à Ja
reprise, a fait des miracles. On sentait combien les répétitions avaient
dû se multiplier. Et il faut savoir ce que c'est que d'obtenir à Londres
un grand nombre de répétitions, pour en apprécier le mérite. Aussi,
dès l'ouverture, une manifestation éclata dans toute la salle, manifesta-
tion qui n'était pas moins un hommage au grand compositeur que
nous avons perdu qu'à M. Costa et à son orchestre. L'ouverture fut
redemandée, mais la longueur du spectacle ne permettait pas de la re-
dire, non plusquetous les autres morceaux bissés dans le cours de l'ou-
vrage, tels que la prière du premier acte, l'air de Danilowitz, au troi-
sième, les couplets de Prascovia, et presque tous ies morceaux de
Faure Celui-ci vient de mettre le sceau à sa réputation par la création
du rôle du Czar, à Londres. Dans chaque nouveau rôle abordé jusqu'ici
par Faure, on avait reconnu de nouveaux progrès, mais dans aucun
il n'avait produit encore un effet pareil à celui qu'il vient de produire
dans le rôle de Péters, de l'Etoile du Nord ; il s'y est placé au plus haut
rang que puisse ambitionner un artiste.
Nous avons déjà dit avec quelle perfection Mme Carvalho chante le
rôle ne Catarina. Si au second acte elle n'a pas toute l'énergie néces-
saire et que la nature lui a refusée, elle rachète ce tort par une mé-
thode sans pareille : la prière et barcarolle du premier acte, ainsi que
tout le troisième acte, lui ont notamment valu les applaudissements les
mieux mérités.
Mlle Brunetti était annoncée comme faisant son début en Angleterre
dans le rôle de Prascovia; quelques amateurs se rappellent pourtant
l'avoir entendue déjà il y a quelques années, à Her Majesty's Théâtre,
dans le rôle de Gilda. Mais quels progrès la jeune et belle cantatrice a
faits depuis! Sa voix, d'une étendue suffisante, est au plus haut degré
sympathique, son intonation est toujours juste, et sa vocalisation ne
laisse rien à désirer. Mlle Brunetti a obtenu un très-grand succès dans
le rôle de Prascovia, elle en a fait un rôle important qu'aucune chan-
teuse ne pourra dédaigner désormais. 11 faut féliciter M. Gye de cette
excellente acquisition.
Naudin qui, avec la Muette, avait déjà fait une si heureuse excursion
dans le répertoire français, a prouvé de nouveau, dans le rôle de Dani-
lowitz, qu'il sait s'assimiler avec succès tous les styles et qu'il n'y a
pas de petit rôle pour un grand artiste. Dans son air d'entrée, aussi
bien que dans l'air du troisième acte, composé exprès par Meyerbeer
pour Londres (et pour Gardoni, qui jouait le rôle en 1855), Naudin a
obtenu un succès aussi grand que légitime.
Les deux vivandières sont représentées par les mêmes artistes et avec
la même perfection que lors de la première représentation de l'ou-
vrage. Mlle Jenny Bauer est toujours aussi jolie, aussi charmante, et
n'a pas vieilli le moins du monde depuis 1855, et Mme Rudersdorff
chante toujours avec le même talent qu'alors, mais elle n'a pas rajeuni
depuis.
Si Ciampi ne peut soutenir la comparaison avec l'incomparable La-
blache, il n'en est pas moins un très-bon Gritzenko. Les mille petits
trésors que Meyerbeer a semés dans les récitatifs pour Lablache ont
été rendus par le nouvel interprète du rôle avec beaucoup d'intelli-
gence et de talent. Neri-Baraldi, dans le rôle de George, et Tagliafico,
dans celui de Yermoloff, complètent un ensemble des plus achevés.
Et, à propos d'ensemble, comment ne pas mentionner M. Augustin
Harris, le régisseur du théâtre de Covent-Garden ? La scène immense de
ce théâtre permettait de donner un développement extraordinaire au
finale du second acte, et le parti que M. Harris en a tiré est quelque
chose de prodigieux. Il fait manœuvrer sur le théâtre un effectif de
cinq cents hommes comme le général le plus habile ; pièces attelées,
cavalerie montée, rien n'y manque. Ce finale est la chose la plus éton-
nante que nous ayions jamais vue sur un théâtre ; c'est le nec plus ultra
de l'art de la mise en scène. Aussi, quand Faure, rappelé après le se-
coDd acte, insista pour que M. Harris revînt avec lui, ce dernier fut
acclamé avec enthousiasme, et c'était justice.
De son côté, M. Beverley, le célèbre peintre de décors, s'est immorta-
lisé par le paysage du premier acte ; ce n'est pas une décoration de
théâtre, c'est un chef-d'œuvre de peinture. Les efforts réunis de ces
deux artistes, MM. Beverley et Harris, ont déjà mis au jour plus d'un
chef-d'œuvre ; jamais ils n'ont réussi autant que pour cette reprise
de VEtoile du Nord.
A la première comme à la deuxième représentation, qui a eu lieu
hier, la salle était remplie jusqu'aux combles. Mme Carvalho et Mlle Bru-
netti ont été rappelées après le premier acte. Faure et M. Harris après
le second, et Faure avec Mme Carvalho après le troisième. L'Etoile du
Nord, exécutée ainsi, ne disparaîtra plus du firmament radieux de Co-
vent-Garden.
C'est pour moi un grand bonheur d'avoir pu vous annoncer ce nou-
veau succès d'un des plus grands chefs-d'œuvre des temps modernes, à
cette même place où, il y a neuf ans, j'ai rendu compte du triomphe
du maître et de son œuvre, lors de sa première apparition à Londres.
Et pourtant, je ne puis me défendre d'une tristesse profonde en son-
geant aux changements qui sont survenus depuis. L'ancienne salle brû-
lée, les deux plus grands interprètes de l'ouvrage, Lablache et Mme Bo-
DE PARIS.
245
sio, enlevés par la mort, ainsi que Zelger, dont la Gazelle musicale vient
de nous apprendre la fin toute récente. Et le grand compositeur lui-
même, que nous voyions alors heureux et rayonnant de gloire, et avec
lequel nous avons assisté à la première représentation de son œuvre à
Londres ! Cependant, la salle brûlée est remplacée par une salle nou-
velle, Mme Bosio a pu être remplacée par Mme Carvalho, Lablache par
Ciampi, Zelger par Capponi ; mais, hélas 1 qui jamais remplacera
Meyerbeer !
L. B.
Bade, 20 juillet 1864.
Le lendemain de la première représentation au théâtre de Bade de
l'opéra de Gustave Héquet, De par le roi, je vous ai envoyé quelques li-
gnes à la hâte pour vous donner la nouvelle du succès qu'il avait ob-
tenu. Ainsi que je vous l'ai dit, la pièce a beaucoup amusé ; elle est gaie,
spirituelle, vive et bien menée. Daubigny, capitaine des mousquetaires
français servant en Espagne dans l'armée du duc de Vendôme, pendant la
guerre de succession, est très-entreprenant comme tous les mousque-
taires. Il a ébauché à Tolède une intrigue avec une jeune fille, pension-
naire dans un couvent. Jamais il ne l'a vue, mais il lui avait écrit; il a
reçu sa réponse, et lui a souvent entendu chanter à travers les grilles
un boléro qu'il a retenu et qu'il chaute à son tour :
C'est à Tolède
Qu'est mon couvent ;
Viens à mon aide
Mon jeune amant.
Ce souvenir ne l'empêche pas, quand il arrive à Soria, en Aragon, de
conter fleurette à la signora Dolorès, jeune veuve très-coquette, cousine
de l'alcade et sa fi.mcée. L'alcade Malpico a deux filles, qu'il a travesties,
pour les soustraiie aux séductions de Daubigny, installé dans sa mai-
son par billet de logement, l'une en soldat, l'autre en abbé. Daubigny
s'est ménagé un entretien avec Dolorès ; mais à peine a-t-il échange
avec elle quelques paroles, que le jeune soldat, qui n'est autre que la
pensionnaire du couvent de Tolède, vient lui demander une leçon d'ar-
mes, pendant que de l'autre côté arrive l'abbé, tenant un bréviaire et
chantant une hymne en latin de l'air le plus sérieusement' convaincu.
Cette scène donne lieu à un quatuor très-gai, fort original, et très-soi-
gneusement travaillé. Sur ces entrefaites, une ordonnance a été publiée,
d'après laquelle tout officier convaincu d'avoir compromis, par ses en-
treprises galantes, la réputation d'une dame espagnole, sera obligé de
l'épouser, sous peine de perdre son grade. En apprenant cette circons-
tance, Dolorès, les deux filles de l'alcade, et même la sœur Béatrice, qui
a passé sa vie à chercher un mari, ne songent, chacune de leur côté,
qu'à se faire surprendre avec le brillant mousquetaire. Celui-ci a obtenu
de la jeune veuve la promesse d'un nouveau rendez-vous; mais elle n'y
sera pas seule. Toutes quatre y arrivent l'une après l'autre et voilée.-.
11 fait nuit. Daubigny cherche la veuve, lorsqu'il se trouve tout à coup
saisi par les deux mains ; et au même moment, Malpico, qui a des soup-
çons, parait avec des flambeaux, croyant surprendre le mousquetaire
avec Dolorès, tandis qu'il se trouve en présence des quatrefemmes voilées.
Je veux ici connaître celle
Qui, la première, au devoir infidèle, etc.
Toutes quatre s'avancent à la fois : « Allons, Senor, dites-nous la-
quelle vous voulez épouser? — Ma foi, dit Daubigny, je n'en sais rien. »
Angela, le soldat déguisé, l'ex-pensionnaire du couvent de Tolède, se
charge de le tirer d'embarras en lui chantant, toujours sous son voile,
la chanson qu'il a si bien retenue : » C'est à Tolède. » Cette chanson dé-
cide son choix et amène le dénoûment. Sur toute cette scène, le com-
positeur a brodé un finale très-varié d'intentions et de mouvements. In-
dépendamment de ce morceau capital et du quatuor, il faut citer l'air
d'entrée du mousquetaire, fort brillant, que Jourdan chante avec beau
coup de verve et d'éclat, puis le boléro à deux voix, fort bien dit par
M. Faure-Lefebvre et Mlle Géraldine. L'ouvrage est d'ailleurs précédé
d'une ouverture très-développée, travaillée savamment, et vigoureuse-
ment instrumentée, quoiqu'il n'y ait ni timballes ni trombones. Le suc-
cès a donc été, je vous le répète, complet, et il n'y a pas de doute que
l'Opéra-Comique ou le théâtre Lyrique ne vous fassent entendre, l'hiver
prochain, ce très-amusant petit opéra.
M. S.
Ems, 25 juillet 486i.
Huit jours se sont à peine écoulés depuis que notre brillante société
acclamait Offenbach après la représentation du Soldat magicien, et voilà
qu'un succès plus éclatant encore lui vaut une ovation qui se traduit
par des sérénades, des illuminations et des cris d'enthousiasme de la
foule accourue sous ses fenêtres. Encore une saison et les chevaux de
sa voiture seront dételés; on portera en triomphe le maestro, et le lau-
rier d'or couionnera son front. Sérieusement parlant, je dois dire que
l'auteur d'Orphée aux enfers vient d'ajouter à son nombreux répertoire
une charmante pièce de [dus.
Jeanne qui pleure et Jean qui rit est une paysannerie dans le genre du
Violoneux. MM. Nuitter et Tréfeu ont écrit le livret; le comique et la
gaieté y abondent, et il y a tout juste ce qu'il faut de sentiment.
Mlle Jeanne a hérité d'un moulin, mais son parrain, en le lui laissant,
y a mis pour condition qu'il serait vendu aux enchères et qu'elle épou-
serait l'acquéreur, lequel devait par conséquent être garçon. Mlle Jeanne
trouverait cette clause parfaitement de son goût si elle était sûre que
son amoureux Savinien devint le propriétaire du moulin. Mais il a un
concurrent sérieux dans le fils d'un voisin qui s'appelle Cabochon et
auquel l'immeuble et l'héritière ont donné dans l'œil. Il s'agit donc
d'éliminer ce prétendant, et Mlle Jeanne, qui est une fine matoise, se
présente aux Cabochon sous des dehors peu faits pour lesencourager. Elle
détériore le mobilier du moulin, elle grogne et pleurniche sans cesse.
Non contente de cette ruse, elle se crée du son autorité privée un frère,
qui n'est autre qu'elle sous des habits d'homme. Celui-ci est un tapa-
geur fini qui ne parle que de tout casser et d'assommer tout le monde,
à commencer par les Cabochon, qui tremblant de frayeur, ne trouvent
rien de mieux, pour éviter cet enragé Jean, que de se cacher dans des
sacs. Pendant ce temps-là l'enchère a eu lieu, le moulin a été adjugé à
Savinien, et la meunière, qui n'a plus rien aménager, dévoile aux Cabo-
chon la mystification dont elle les a rendus victimes et elle épouse son
amoureux. Le Cabochon se console en épousant une certaine Tapote
qui, à part le moulin, lui paraissait préférable à Mlle Jeanne. Je ne vous
parle pas d'un personnage épisodique, Cabochon le père, sous les traits
de Désiré, et qui, déguisé en meunière, a soulevé dans la salle un rire
nextinguible.
C'est sur ce sujet fort amusant qu'Offenbach a composé, comme je
vous le disais, une délicieuse musique — L'ouverture est tout un pe-
tit poëme pastoral dans lequel ressort bien l'opposition du rire et des
larmes. La scène s'ouvre par une romance que chante Savinien et qui
est pleine de sentiment et de touchante mélodie; le duo avec Jeanne
qui suit cette romance, la complète admirablement. Les couplets : Ah 1
quel malheur I par lesquels Jeanne aborde les Cabochon, expriment de
la façon la plus originale le désespoir simulé de la rusre meunière. On
ne se lassait pas de les applaudir. L'air dans lequel Nicolas expose sa
profession de foi à l'égard de Tapote, et le trio qui vient après, n'ont
pas fait moins de plaisir; mais ce qui a été applaudi avec frénésie, ce
qui a été bissé par la salle entière, ce. sont les couplets du Cidre. Cette
chanson, par son originalité, par sa mélodie, par son entrain, est sans
contredit la plus heureuse inspiration de l'œuvre; chacun la fredonnait
en sortant, et elle deviendra populaire. L'air bouffe de Désiré, déguisé
en meunière, a été également bissé et a valu à l'excellent pensionnaire
des Bouffes-Parisiens une explosion de bravos enthousiastes. Le trio
final, chanté par les Cabochon, cachés dans les sacs, et par Jeanne,
changeant de voix pour simuler la présence de son soi-disant frère, est
fait avec beaucoup d'art et admirablement, réussi. Il a produit beau-
coup d'effet. La pièce se termine par le retour d'un couplet de la chan-
son du cidre, répété en chœur par tous les personnages.
Les applaudissements prodigués aux artistes dans tout le cours de
l'ouvrage ont été mérités. Ils ont mis beaucoup de talent et de soin
dans l'interprétation de l'œuvre nouvelle d'Offenbach. Désiré et Jean-
Paul, dans les deux Cabochon, se sont montrés p'eins de naturel et de
verve comique. Le rôle de Jeanne n'était pas facile, Mlle Albrecht s'en
est tirée en véritable artiste ; on a bissé tous ses morceaux. M. Pelva était
chargé du rôle de Savinien, il l'a chanté avec goût. Il n'y a que des
éloges à donner à l'orchestre.
Samedi prochain, 30, ce sera le tour de M. Deffès ; nous aurons la
première représentation de son opéra, la Boîte à surprises, dont MM. de
Forges et Laurencin ont écrit les paroles.
E. M.
BEVUE DES THEATRES.
Gymnase : Don Quichotte, pièce mêlée de chant et de danse, en trois
actes et huit tableaux, par M. Victorien Sariou. — Vaudeville :
reprise du Roman d'an jeune homme pauvre. — Théâtre impé-
rial du Chatelet : reprise de l'Oncle Tom.
Le moment est enfin venu pour le Gymna.ce de recueillir le fruit
de ses pe;nes. La temps précieux qu'il a consacré à la mise en scène
de sa nouvelle pièce ne sera pas perdu. Ce n'est pas que Don Qui-
chotte remplisse toutes les conditions désirables pour satisfaire com-
plètement le public ; mais son grand avantage est de ne pas êlre
une reprise, ce qui est bien quelque chose à l'époque où nous
sommes. Quand presque tous les théâtres ont pris la détestable habi-
266
REVLE KT GAZETTE MUSICALE
tude de se reposer pendant la saison chaude et qu'ils se contentent,
par mesure d'économie, d'exhiber quelques vieilles friperies drama-
tiques, usées jusqu'à la corde, nous ne serions pas conséquent avec
nous-même si nous marchandions nos encouragements et nos éloges
aux efforts exceptionnels qui ont pour but de braver la température
dans l'intérêt de nos plaisirs. L'exemple est devenu assez rare pour
qu'il mérite toute notre indulgence.
Don Quichotte a été souvent mis à la scène, et, pourquoi ne le
dirions-nous pas? il n'y a jamais bien réussi. Le livre de Cervantes
est cependant un des souvenirs les plus joyeux de notre première
jeunesse. Nous ne pouvons nous représenter, sans rire, le type gro-
tesque du chevalier de la Triste-Figure, juché sur sa fidèle Rossi-
nante, ni la physionomie rustique de l'écuyer Sancho-Pança, débitant
ses proverbes sur son âne bien-aimé. Parmi les nombreuses aven-
tures dont ils sont les héros, les plus célèbres sont restées gravées
dans notre mémoire sous leur aspect essentiellement original et diver-
tissant. Elles ne nous apparaissent que comme des tableaux isolés,
revêtus, en outre, de tout le prestige des descriptions de sites cu-
rieux et de mœurs étrangères. Mais si, plus tard, lorsque l'âge du
raisonnement et de l'analyse est arrivé, nous prenons corps à corps
la création de Cervantes, sans que notre admiration en soit entamée,
nous trouvons au fond de noire cœur un sentiment de compassion
pour la folie très-caraclérisée de ce pauvre chevalier de la Manche,
et nous ne rions plus autant de ses vicissitudes. C'est surtout au
théâtre que le fait se produit, parce que l'action y apparaît, dépouillée
du mirage du style, et réduite à ses proportions les plus simples et
les plus exactes.
Peut-être cet inconvénient serait-il moins accusé sur une grande
scène où l'illusion aurait ses coudées franches, et où la richesse
et la variété du spectacle domineraient toute autre préoccupation.
Mais à qui la faute, si Don Quichotte, en ce moment de l'année, n'a
d'autre asile ouvert que le Gymnase? Nous l'avons dit en commen-
çant.
Le choix de ce théâtre pour un pareil sujet s'explique , du reste,
par une circonstance toute particulière, c'est celle de la parfaite assi-
milation du héros de Cervantes avec l'artiste qui est chargé de le
représenter. Lesueur semble avoir été créé tout exprès pour le rôle
de Don Quichotte ; il est seulement à regretter qu'il ne l'ait pas joué
au théâtre du Châtelet.
Quanta la pièce de M. Sardou, elle est ce qu'elle devait être, au
Gymnase, le point da départ étant donné. Les aventures populaires du
roman ne pouvant figurer qu'au second plan sur une scène habituée
au drame et à la comédie de bon ton, il était tout naturel de cher-
cher dans Cervantes un épisode qui se pliât aux exigences de la lo-
calité, et c'est ce que M. Sardou a fait en choisissant celui de
Cardenio et de Lucinde, arrangé à sa guise. Don Fernand, trahissant
son ami, pour lui voler, sinon l'amour, du moins la main de celle
qu'il aime, et poursuivi, d'un autre côté, par une femme à laquelle
il a engagé sa foi ; voilà, certes, autant qu'il en faut pour échafauder
une action dramatique à laquelle sont mêlés Don Quichotte, Sancho,
Rossinante, Maritorne, l'âne et tutti quanti. Joignez à cela les aven-
tures de la Montagne-Noire, de l'auberge, des galériens, du moulin
à vent, de la veillée d'armes, etc., et vous aurez une olla podrida
suffisamment confectionnée pour les plus robustes appétits, nous ne
disons pas pour les plus délicats, et c'est en cela justement que le
bât blesse un peu le Gymnase.
Constatons néanmoins que le théâtre du boulevard Bonne-Nou-
velle a fait, en cette occurrence, des merveilles de mise en scène
qui feront pâlir plus d'un de ses grands confrères. Les décorations
sont toutes charmantes ; les costumes dessinés par Gustave Doré,
l'illustrateur d'une édition très-recherchée de Don Quichotte, sont
exécutés avec un soin et un luxe des plus remarquables. Il y a deux
ballets, l'un au premier acte, l'autre au dernier, où l'on voit douze
danseuses italiennes rivaliser de grâce et de gentillesse ; ces ballets
sont tracés par M. Rota et la musique en a été faite par M. Giorza.
Enfin, quelques airs, semés dans la pièce, ont été arrangés avec
goût par M. Couderc.
Ce qui nous a le plus surpris, c'est la perfection des trucs em-
ployés pour traduire les hallucinations de Don Quichotte, le moulin
métamorphosé en géant, et, par-dessus tout, la fantasmagorie de la
lune et des nuages pendant la veillée d'armes. Il y a là de quoi dé-
frayer amplement la curiosité de la foule qui se presse dans cette
salle étroite du Gymnase, sans souci de l'atmosphère sénégalienne
qu'on y respire.
Nous répétons que Lesueur est le portrait achevé du chevalier de
la Triste-Figure ; Sancho a également rencontré dans la personne de
Pradeau un très-digne représentant. La partie sérieuse de la pièce
est bien jouée par Paul Deshayes, Rerton, Mmes Fromentin et Blan-
che Pierson. N'oublions pas les quadrupèdes qui représentent d'une
façon idéale la fameuse Rossinante et le non moins fameux compa-
gnon de Sancho-Pança.
— En dehors de Don Quichotte, qu'y a-t-il sur l'horizon ?
Des reprises, et toujours des reprises, il faut en prendre son
parti. Au Vaudeville, c'est le Roman d'un jeune homme pauvre,
qui est joué par Febvre, Félix et Mlle Jane Essler; au théâtre
du Châtelet, c'est l'éternel Oncle Tom, qui a émigré de l'Ambigu,
pour être interprété par des artistes de la Gaîté, Paulin Ménier, La-
touche, et autres, en vertu de la fusion de trois théâtres dans les
mains d'une seule et même compagnie.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
„*„. Le théâtre Impérial de l'Opéra a donné lundi ies Huguenots. — Mo-
rère y a chanté pour la seconde fois le rôle de Raoul, et nous nous em-
pressons de constater qu'il l'a interprété infiniment mieux que la pre-
mière fois. ?i nous avions dû signaler quelques défaillances de sa part
au premier et au deuxième acte, non seulement elles ont disparu,
mais il a chanté avec beaucoup de goût la romance plus blanche que
la blanche hermine, et très-bien dit toute la scène du duel au second
acte. Au quatrième il a eu de fort beaux moments et c'est très-
légitimement qu'après de chaleureux bravos on l'a rappelé avec
Mlle Sax qui a été admirable dans le rôle de Valentine. — Mer-
credi on a représenté Nemea dont le succès s'accroit à chaque repré-
sentation ; Mlle. Annette Merante y a remplacé Mlle Beaugrand
dans le pas de trois du deuxième acte. C'est une jeune dan-
seuse qui arrive d'Italie; elle a été fort bien accueillie et ton talent
promet.— Vendredi dans la Favorite Morère a trouvé un rôle tout à fait
en harmonie avec ses moyens ; il en a fort bien rendu toutes les qua-
lités tendres et passionnées ; on l'a vivement applaudi et il a été
rappelé à plusieurs reprises. Mlle Wertheimber chantait le rôle
de Léonor et a partagé son succès. Le marché des Innocents précédait
l'opé.'a de Donizetti ; Mlle Fioretti dansait le rôle de Gloriette.
C'est à Mlle Eugénie Fiocre qu'écherra le joli pas de la haran-
gère tenu précédemment par Mlle Schlosser et ensuite par Mlle
Parent.
* Mlle Battu est de retour de Londres et la semaine prochaine elle
va partir pour Bade. Elle fait partie des artistes engagés par M . Benazet
pour chanter l'opéra italien.
t\ Il est de nouveau question, à l'Opéra, du grand baliet de M. de
Saint-Georges, Don Juan, qui devait être mis en scène par le chorégraphe
Rota.
t*t Le Moniteur donnait ces jours derniers une appréciation des tra-
vaux actuels du nouvel Opéra, d'où il résulte qu'ils marchent avec une
activité et un ensemble qui en garantissent la bonne exécution. Afin
d'appliquer au nouveau théâtre toutes les améliorations obtenues dans
l'art des décorations et des machinations scéniques, une commission a
été nommée par le ministre pour les étudier soigneusement. Cette com-
mission, qui réunit dans son sein des savants et des artistes distingués,
eu même temps que des hommes pratiques, se rendra compte de toutes
les dispositions actuellement usitées pour la production des différents
effets scéniques, la plantation et le mouvement des décors, et indiquera
DE PARIS.
247
les modifications et perfectionnements à y apporter. En outre, M. Gar-
nier, architecte du théâtre, vient de faire, dans les carrières du Jura,
d'importantes commandes de pierres et de marbres de différents tons,
destinés a la construction de la grande façade en retraite de la colon-
nade. Ces matériaux seront façonnés, taillés et polis sur les lieux mêmes,
pour être envoyés à Paris tout prêts à être mis en place.
t*t La direction du théâtre impérial de l'Opéra-Comique presse autant
que possible les travaux de réparation de la salle, dont tous les dessous
sont refaits, et qui recevra une décoration très-brillante, estimée à
00,000 francs. On espère que du 25 au 31 août tout sera terminé, et la
réouverture se fera par Lara et l'Eclair.
„*„. La distribution des prix aura lieu au Conservatoire, le jeudi 24
août prochain.
»% Nous reverrons cet hiver au théâtre Italien l'excellent bouffe
Zucchini; M. Bagier vient de l'engager. — En outre, l'engagement de
Mme Peuco est également conclu.
*% Un journal annonce que l'auteur des Pêcheurs de perles, M. Bizet,
va composer pour le théâtre Lyrique la musique d'un opéra, Yvan le
Terrible, dont M. Gounod avait écrit il y a quelques années la partition
pour le théâtre impérial de l'Opéra, et que le célèbre compositeur a
retiré.
„,% On annonce l'ouverture pour le 15 septembre du nouveau théâ-
tre qui s'élève au boulevard Saint-Germain. Elle aura lieu par un opéra-
comique en deux actes, la Bouquetière de Trianon, de MM. Laurencin
et Adenis, musique de Fr. Barbier, et une comédie, le Libre Échange.
Un autre opéra-comique en deux actes, les Chevaliers du poignard, de
Paulin Deslande* et Ch. Desolme. musique de M. Poise, sera donné
ensuite.
*** On nous écrit de Londres : « Mercredi a eu lieu à Covent-Garden
le bénéfice annuel de M. Harris, l'habile régisseur du théâtre de M. Gye.
Le spectacle se composait de Norma, chanté par Mme Giulia Grisi qui,
depuis deux ans, ne s'était pas fait entendre à Londres ; Mlle Artot,
Adalgisa, Naudin, le meilleur Pollione qu'on puisse entendre, et Atry,
Oroveso. Deux actes de Fauslo, chantés par Mario, Adelina Patti,
Mme Nantier-Didiée, Graziani et Atry complétaient cette brillante soirée,
qui avait attiré beaucaup de monde. — Mme Amalia Patti, femme de
M. Strakosch et sœur d' Adelina, vient d'arriver d'Amérique.
»** Malgré le talent déployé par Mme Tedesco dans le rôle d'Anna
Bolena , l'opéra de Donizetti n'a eu qu'un médiocre succès au théâtre
Rossini à Madrid. Décidément ce théâtre n'a pas de chance ; plusieurs
de ses artistes y ont échoué, et il est temps que Tamberlick, qu'on
annonce y être engagé pour vingt représentations à 2,500 francs,
vienne rétablir ses affaires.
t*t Les deux concerts populaires donnés au cirque d'Ingouville, au
Havre, par Pasdeloup, samedi et dimanche dernier, ont réussi au point
de vue artistique comme au point de vue financier. Ils avaient attiré
chaque fois une nombreuse assemblée. On a bissé le finale de la vingt-
neuvième symphonie d'Haydn et applaudi avec enthousiasme la sym-
phonie pastorale de Beethoven, les ouvertures du Freischiitz et de
Guillaume Tell, et l'Invitation à la valse, de Webor. Piatti a produit une
vive sensation enexecutant.au premier concert, le concerto de Molique,
et, au deuxième, sa fantaisie sur la Sonnambula.
a% Sivori, Bpttesini et Mlle Baretti viennent de donner à Douai
un très-beau concert dans lequel les deux grands artistes italiens
ont lutté de talent aux applaudissements enthousiastes de tous 'es ama-
teurs de Douai accourus pour les entendre.
„% Sivori s'est fait entendre à Chalon-sur-Saône et il y a fait fureur.
Tous ses morceaux ont été bissés. 11 était en compagnie du ténor
Stroheker et de Mlle Belleiive qui ont eu beaucoup de succès.
t% La Société des quatuors de Milan, dont nous avons annoncé l'inau-
guration, -vient également de publier, sous le titre de Giornale délia
Socicta del quartelto di Milano, un journal musical qui sera l'organe de
la Société. Il existe à Florence un journal semblable, le Boccherini.
*% On lit dans la Gaztle des étrangers : « L'autre soir, dans une réu-
nion amicale d'artistes et de gens du monde, dans le salon d'une des
jolies villas de Ville-d'Avray, nous avons eu la bonne fortune d'enten-
dre chanter, comme les grands artistes chantent pour eux-mêmes et
leurs amis, Mme Charton Demeur, que M. Bagier s'apprête justement
à nous rendre cet hiver, et cette tragique La Grua dont les Parisiens
jusqu'ici ne connaissent guère que le renom. Tous ceux qui l'ont vue
dans Norma, spécialement, nous disent que c'est, depuis Grisi, la plus
belle des Norma, et nous le croyons sans peine après ce que nous
avons vu et entendu d'elle dans le cadre trop étroit d'un* salon, con-
dition toujours si défavorable aux chanteurs dramatiques. La voix, l'éclat,
l'ampleur, le charme, la tendresse, l'éloquence du visage et du geste,
il nous a semblé que cette La Grua réunissait tout, et nous pouvons
certifier qu'il ne reste plus aujourd'hui dans son organe aucune trace
de l'altération passagère que la maladie y avait apportée, à la suite d'un
séjour de deux ans en Kussie. A Londres, d'où elle arrive, on a dit
avec raison qu'elle rappelait la Pasta par la noblesse des attitudes et
le grand style de la déclamation lyrique. Mlle La Grua nous quitte mal-
heureusement ces jours-ci, elle se rend en Italie ; elle est engagée pour
l'hiver à San Carlo de Naples aux plus magnifiques conditions. »
*% Nous recevons de notre correspondant de Londres des nouvelles
de l'accueil favorable que vient d'obtenir Mlle Peschel, la charmante
pianiste, qui s'y était rendue pour y passer la saison. Elle s'est fait en-
tendre d'abord à South Kensington Muséum de/ant un auditoire de trois
mille personnes, et plus tard, elle a donné concert à Maïda Uill,
propriété de M. Campanella. Dans ces deux occasions en présence
d'excellents juges, Mlle Peschel a fait apprécier la précision de son
jeu et sa brillante exécution, particulièrement dans la musique clas-
sique qui trouve en elle une éminente interprète. Elle a obtenu un vé-
ritable succès.
»*„ Berthelier et Mlle Frasey sont à Vichy. Ils ont joué cette semaine,
dans les salons de l'établissement thermal, Lischen et Fritschen, qui a
grandement réjoui l'assemblée. Ils y ont été on ne peut plus amusants, et
de mémoire de baigneur, jamais le salon ne se vit à pareille fête. Le même
soir, Berthelier a dit des chansonnettes et un duo bouffe avec Mlle Fra-
sey. Comme dans l'opérette, le succès des deux artistes a été on ne
peut plus grand et du meilleur aloi.
*** M. Varney abandonne la direction du théâtre des Bouffes-Pari-
siens; elle vient d'être confiée par les commanditaires à M. Mestepès.
M. Varney reprend ses fonctions de chef d'orchestre.
*** Mlle Balbi, qu'on a entendue dernièrement au théâtre de la Porte-
Saint-Martin chant.r le rôle de Rosine, du Barbier, épouse M. Verdier.
**» La Gazette musicale a mainte fois constaté le talent de l'éminent
violoniste compositeur, M. Herwyn. Il est de retour à Paris, après avoir
passé la saison à Londres où il a fait sensation. Tous les journaux an-
glais ont mentionné ses succès, particulièrement à la fête de bienfai-
sance donnée sous la présidence de S A. R. la princesse de Galles, et
dans une grande quantité de concerts particuliers, où il a fait entendre
ses compositions.
»** Nous avons annoncé, il y a quelque temps, que S. Exe. le ministre
de la maison de l'Empereur avait commandé à M. Dantan jeune le buste
en marbre de Meyerbeer, pour être placé au Conservatoire. Le célèbre
sculpteur vient d'en achever le plâtre et nous en avons sous les yeux
le premier exemplaire, qui d'ailleurs a été vu par un grand nombre d'ar-
tistes et de personnes de l'intimité ou de la connaissance du grand
compositeur. Or, leur opinion sur cette oeuvre a été unanime • c'est
que, quoique réduit à travailler de souvenir, et seulement aidé par
quelques photographies et renseignements oraux, M. Dantan a su fixer
et reproduire les traits de l'illustre défunt; mais qu'en outre de cette
qualité essentielle, on retrouve dans cette belle figure l'empreinte de la
distinction et de la noblesse, signes distinctifs du génie. Les éditeurs
Brandus et Dufour, 103, rue de Richelieu, au premier étage, se feront
un devoir de le montrer aux personnes qui auraient le désir de le voir.
*** La souscription nationale ouverte pour ériger un monument à la
mémoire de Béranger a rencontré une sympathie universelle, non-
seulement en France, mais encore à l'étranger. La commission rappelle
au public que ses agents sont porteurs de listes de souscription impri-
mées, revêtues de la signature de M. le baron Taylor, président. On
souscrit, en outre, chez M. Bolle-Lasalle, agent trésorier de l'œuvre
68, rue de Bondy; chez M. Ferrère-Laffitte, banquier, rue Laffitte, 4^
membre de la commission; et dans tous les bureaux de journaux' de'
Paris et de la province.
*** Dimanche prochain, 7 août, la Société chorale du Conservatoire
impérial de musique exécutera, à 10 heures très-précises, dans l'église
Saint-Eustache, une messe solennelle de M. Laurent de R:ilé. M.DfIu-
rand, maître de chapelle, dirigera l'exécution. M. Pêrié chantera les
solos. M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire, directeur de la
Société, tiendra le grand orgue.
*** Rossini vient d'adresser une lettre de remercîment très-flatteuse
à M. Karbowsky, membre de l'académie de Rome, pour un septuor que
ce compositeur lui avait offert et dont l'illustre maestro a bien voulu
accepter la dédicace.
»% La Société royale d'harmonie d'Anvers prépare ses fêtes jubilaires.
Celte grande solennité musicale aura lieu le 24 août. On y entendra le
Te Deum de M. Benoît, et une partie de VElie, de Mendelssohn. Mais le
grand attrait de la fête seront la présence et le concours de Vieux-
temps, de Stockhausen et de Mlle Sax.
*** L'académie des beaux arts s'était pourvue auprès du conseil
d'Etat contre le décret impérial du 13 novembre 1863 qui a transféré
de cette académie à un jury spécial le jugement des concours annuels
pour les grands prix décernés aux artistes qui sont envoyés à Rome aux
248
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
frais de l'Etat. Sur le rapport de la section du contentieux du conseil
d'Etat, la requête de l'Académie a été rejetée.
,% Alex. Batta, appelé en Allemagne pour une série de concerts, se
rend d'abord à Wiesbaden et à Ems, où auront lieu, comme les années
précédentes, les plus splendides fêtes musicales. On cite, parmi les au-
tres artistes éminents qui doivent se faire entendre à ces solennités,
MM. Servais, Vieuxtemps, Alard, Vivier, Godefroid et Mme Escudier
Kastner. M. Alex. Batta, à son retour d'Allemagne, est engagé à prendre
part au grand festival organisé à Arras, pour le 30 août, par la Société
philharmonique.
4% Nous lisons dans le Petit Journal : « Bade jouera le 2 et le 5 août
le Rou t, poëme de Michel Carré, musique de Mme la vicomtesse
de Crandval. Si le poëme est intéressant, la musique est réussie; elle
classe plus avant Mme de Grandval parmi les compositeurs distingués,
et depuis les FiarcH de Basa, Mme Grandval a fait de si beaux progrès
qu'elle a le droit, le devoir même, de signer au grand jour. Les beaux-
arts, quand on y réussit à ce point, sont aussi une noblesse.
»** Pierre Petit s'est rendu acquéreur des clichés de deux magni-
fiques photographies pour lesquelles Meyerbeer avait posé en 1858 et
qui n'avaient pas été mises dans le commerce. Ce sont les plus res-
semblantes qui existent de l'illustre compositeur et elles le sont com-
plètement. Nous serons incessamment à même d'en reparler et d'annon-
cer la mise en vente des épreuves que prépare en ce moment l'habile
photographe.
„,*„ Une circulaire de l'office du Cercle artistique musical Bon amici
à Naples fait savoir à tous ceux que cela intéresse, que pour faciliter la
formation du Congrès musical italien, qui aura lieu le 15 septembre, il
a prolongé jusqu'au 15 août le terme fixé pour la remise à l'office des
documents exigés.
.% Voici la liste des artistes engagés au théâtre San-Carlo pour la
saison prochaine : Mmes Emrny Lagrua, de Kuda, Sarolta, soprani; Sir-
chia, de Capello Tasca, ténors ; Gùicciardi, Ferry et de Bassini, bary-
tons. Mme Caracciolo, contralto ; Mmes Borsi, Deleurie, Boschetti, etc.
,% Mme Arabella Godd.ird, la célèbre pianiste anglaise, "se propose
de visiter cet hiver la Belgique et la Hollande. L'immense réputation de
cette grande artiste lui réserve un brillant accueil dans les Pays-Bas.
„% Les concours du Conservatoire de musique de Bruxelles ont com-
mencé mercredi.
,,% Les théâtres royaux de Milan viennent d'être concédés pour
deux ans aux entrepreneurs Brunello et Zamperoni. Mme Talvo-Bedo-
gni vient d'être engagée à la Canobbiana pour la prochaine saison. Elle
débutera dans VErcolano, de Félicien David. On représentera en outre
Ylsabella d'Aragona, de Pedrotti, et le Werther, du maestro Gentili.
,,% La saison à Wiesbaden est cette année des plus brillantes. Les
baigneurs y abondent, et l'administration du Kursaal, encouragée par la
vogue qui lui est acquise, ne néglige rien, n'épargne rien pour la jus-
tifier. Les jouissances musicales ont été surtout l'objet de tous ses soins.
Depuis l'ouverture de la saison, il s'est donné des concerts dans les-
quels les artistes les plus renommés d'Allemagne, de France et d'An-
gleterre, se sont fait entendre, et la série de ces concerts se prolongera
jusqu'à l'automne. La fête célébrée le 24 en l'honneur du duc de Nas-
sau, et qui a duré trois jours, a été magnifique, et s'est terminée par un
festival musical dans lequel M. David, excellent violoniste et professeur
au Conservatoire de Dresde, Alf. Jaell, Godefroid, Mmes Lemmens-Sher-
rington et Wicart, du théâtre de Bruxelles, ont fait assaut de talent
En ce moment encore les sœurs Marchisio, M. Zucchi et plusieurs au-
tres artistes italiens y donnent un très-beau concert. Alexandre Batta
et Vieuxtemps vont de leur côté y arriver, et enfin le 19 août, jour
anniversaire de l'avènement du grand-duc au trône, une fête qui effa-
cer.i toutes les autres, offrira a la fois une représentation de gala au
théâtre, et une solennité musicale dans laquelle se feront entendra
Mme Lucca, la célèbre cantatrice du théâtre de Berlin, Mme Escudier-
Kastner, et M. Sclinorr, un des meilleurs ténors actuels de l'Allema-
gne. On voit que les distractions les plus élégantes, les plus distinguées
et les plus intelligentes sont offertes dans ce séjour privilégié aux tou-
riste* et aux baigneurs; et l'on ne s'étonnera pas que plus de quinze
mille personnes en aient fait leur lieu de rendez-vous.
4% L'éminent pianiste Ferdinand de Croze, est attendu à Paris. Il
compte faire entendre dans une séance consacrée à la presse et aux
artistes les nouvelles compositions qui formeront son sixième album de
concert.
„% Alfred Jaell continue ses brillantes pérégrinations en Allemagne. 11
vient de donner à Mayonce un grand et fructueux concert au bénéfice
du violonccl iste Kellerman, frappé de paralysie pendant l'excursion
qu' I faisait l'hiver dernier avec Ullmann et Carlotta Patti. Jacquard,
Uubinstein, David lui avaient prêté leur généreux concours pour cette
boune œuvre.
„,% La direction du grand festival qui se prépare à Mulhouse et qui
aura lieu du 22 au 25 août, est confiée à M. Hans de Bulow. Il y aura
quatre grands concerts : deux à grand orchestre au théâtre et deux de
musique de chambre. Au nombre des morceaux qui seront exécutés,
on cite un psaume et un poëme symphonique, de Listz, des fragments
des Niebelungen, exécutés sous la direction de Wagner lui-même, etc.
*** Mardi, 26 de ce mois, a eu lieu au Casino de Vichy un concert
dans lequel l'éminent pianiste compositeur Henri Kowalski et M. Carré
de Hauteville, violoniste, ont eu l'honneur de jouer devant LL. MM. l'Em-
pereur des Français et le roi des Belges qui ont daigné les complimen-
ter sur leur talent.
*** On vient de poser la première pierre d'un monument qui sera
érigé à Manheim sur la place de Schiller, en l'honneur dlffland. 11
portera l'inscription suivante : A Iffland, comédien et auteur dramatique,
représentant de tout ce que le théâtre de Manheim a •produit de grand.
Erigé par le roi de Bavière, Ludovic IeT, en 1864.
„% L'éditeur Prilipp vient de mettre en vente un charmant quadrille,
intitulé un Homme de rien, de la composition de Frédéric Febvre, l'é-
minent artiste du Vaudeville. Ce quadrille est fréquemment exécuté aux
concerts des Champs-Elysées et au Casino de Vichy, où il obtient en
ce moment un véritable succès.
4** Une Esquisse historique de la musique arabe aux temps anciens, avec
dessins d'instruments et quarante mélodies notées et harmonisées par
Alexandre Christianowitsch, a été publiée par la librairie du Mont-
Schauberg à Cologne. Plusieurs journaux allemands disent beaucoup de
bien de cette intéressante brochure, qui nous paraît mériter l'attention
des musiciens.
*** Le concert des Champs-Elysées a exécuté la semaine dernière la
charmante polka de Lischen et Fritzchen ; elle a fait un grand plaisir.
— Le roi des Belges y a passé la soirée la veille de son départ pour
Vichy. Sa Majesté était accompagnée de deux de ses aides de camp, et
elle ne s'est retirée qu'à la fin du concert.
*** Aujourd'hui dimanche, au Pré Catelan, grande fête extraordinaire
au bénéfice de M. J. Danbé, violon solo. — Orchestre de symphonie
sous la direction de M. Forestier; — musiques militaires du 72e de ligne
et du 2e de chasseurs. — Partie vocale, chantée par les frères Guidon,
Magnien, Pauly, Mmes Amélia D., Pasinelli, E. Grally et Kid. — Partie
instrumentale, par Mlle Champon, l'organiste; Legendre, piston solo;
Nabich, trombone; Taffanel, flûtiste, Vannier, pianiste, et le bénéficiaire
Danbé. — Représentation de deux opérettes : Chez un garçon, de Lamy
et Pourny, et Lischen et Fritzchen, d'Offenbach.
»% Mercredi dernier, un service du bout de l'an, pour le repos de
l'âme de Mlle Emma Livry, a été célébré à l'église de Notre-Dame de
Lorette.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„% Aix-la-Chapelle. — Mme Ubrich, artiste du théâtre de la Cour, à
Hanovre, obtient de grands succès ici. Elle s'est fait entendre dans le
Barbier, la Part du Diable, Dinorah, Mariha et Robert. Les journaux de
la localité la proclament une des premières cantatrices de nos jours.
„*.,, tienne. — La reprise des Aroces de Figaro a obtenu un très-grand
succès à l'Opéra de la cour. Mlle Bauer y a débuté dans le rôle de la
comtesse, qu'elle a joué et chanté d'une façon très-remarquable. —
Au Carl-Theater, le directeur-acteur Treumann, revenu de son voyage
à l'étranger, a fait une rentrée triomphale dans le Violoneux. — Le
ténor Ferenczy a continué ses débuts dans les rôles de Sévère et
d'Eléazar avec un succès éclatant. 11 est question de l'engager définiti-
vement pour remplacer le ténor Ander, qu'une maladie très-grave va
probablement éloigner pour toujours du théâtre.
%% Berlin. — Le succès que l'opéra nouveau, VAbbè de Saint-Galles,
a obtenu à sa première représentation, ne fait qu'augmenter. L'auteur
de cet ouvrage, annoncé sous le pseudonyme de F. Herther, est le doc-
teur Gunther, un médecin habitant la ville de Leipzig.
IllIIC ^ans une *^es PnnciPa'es villes du Bas-Rhin, tout près de
AVl^. Strasbourg, sur la ligne du chemin de fer, on donnerait
1,500 francs d'appointement à un bon premier violon, capable de diriger
une petite société philharmonique. Il pourrait, par des leçons dans la
localité, gagner encore 1,500 francs.
S'adressera M. Ch. Roth, 18, place Kléber, à Strasbourg.
AHIS. — i'iprimehie CCNT1M
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et a l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraires,
et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
N° 32.
REVUE
7 Août 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Poris. 21 r.parai
Départements, Belgique cl Suisse... 30» id.
Étranger 34 « id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation : séance
solennelle, par Paul Smith. — Devienne (2° article), par Arthur Pon-
gin. — Revue critique. — Nouvelles et annonces.
CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Séante solennelle.
La distribution des prix du Conservatoire impérial de musique et de
déclamation a eu lieu jeudi 1 août, à 1 heure.
Le maréchal Vaillant, ministre de la maison de l'Empereur et des
beaux-arts, accompagné de M. le comte Baciocchi, premier chambellan
de l'Empereur, surintendant général des théâtres ; de M. Alphonse Gau-
tier, conseiller d'Etat, secrétaire général du ministère; de M. Camille
Doucet, directeur de l'administration des théâtres; du lieutenant-colonel
Monrival, aide de camp du maréchal, et de M. Delacharme, chef du
cabinet de Son Excellence, a été conduit par M. Auber, membre de
l'Institut, directeur du Conservatoire, dans la partie de la grande salle
qui, comme d'ordinaire, avait été préparée pour cette cérémonie.
On remarquait en outre, aux côtés du ministre, M. le général Melli-
net, commandant des gardes nationales de la Seine; MM. Ambroise
Thomas et Clapisson, membres de l'Institut ; M. Edouard Monnais, com-
missaire impérial; M. Lassabathie, administrateur du Conservatoire;
MM. Emile Perrin. Edouard Thierry, de Leuven et de La liounat, direc-
teurs des théâtres impériaux ; 1er. membres des comités de déclamation
et des études musicales, et presque tous les professeurs du Conserva-
toire, notamment MM. Samson et Massart, qui devaient bientôt, l'un et
l'autre, recevoir de la main même du ministre la récompense de leurs
longs et honorables services.
La séance ayant été déclarée ouverte, le ministre a prononcé le dis-
cours suivant :
Jeunes élèves,
Plus l'art est libre, plus il importe qu'au seuil de la carrière, au
début de la vie, l'esprit s'éclaire et l'intelligence se fortifie par les
leçons du talent et par les conseils de l'expérience.
Depuis le jour où, pour la première fois, j'entrai, il y a un an,
dans cette enceinte, appelé de la veille à l'honneur de diriger l'ad-
ministration des beaux-arts, une grande et importante réforme, due à
la volonté libérale et à l'initiative généreuse de l'Empereur, est ve-
nue, en affranchissant l'industrie théâtrale des anciennes entraves
dont elle se plaignait, ouvrir aux artistes un champ plus vaste, et
imprimer aux arts un nouvel essor.
En supprimant les privilèges et les monopoles, en donnant à tous
les théâtres le droit, exclusivement réservé naguère à la Comédie
française et à l'Odéon, de représenter librement les chefs-d'œuvre
de l'ancien répertoire, la législation nouvelle a voulu encore élever
en France le niveau artistique et littéraire.
Pour ces ouvrages incomparables, il faudra de dignes interprèles,
et c'est alors que la supériorité des études sérieuses se fera mieux
sentir; c'est alors que ceux qui, comme vous, au lieu de se livrer
au capricieux hasard des inspirations personnelles, viennent puiser à
la bonne source et s'instruire à la bonne école, se réjouiront d'avoir
édifié leurs talents sur des bases solides, et d'avoir recueilli le secret
de bien dire de la bouche même de ceux qui le possédaient.
La lice est ouverte pour tous, pour ceux du dehors comm.3 pour
ceux du dedans, sans que personne ait à répondre de son origine ;
mais dans estte mêlée, dont le public sera le témoin et le juge, les
enfants du Conservatoire auront à cœur, je n'en doute pas, de sou-
tenir partout et toujours l'honneur de leur drapeau.
Par suite de la réorganisation générale des écoles artistiques de
l'Etat, c'est ici qu'ont eu lieu cetle année, et qu'auront lieu doréna-
vant les concours de composition musicale pour le grand prix de
Rome.
Comme d'habitude, le nom du lauréat va être proclamé devant
vous avant tous les autres ; mais c'est ailleurs qu'avec ses camara-
des vainqueurs dans les divers concours de l'Ecole des beaux-arts,
il recevra le prix qui l'attend ; c'est ailleurs qu'il entendra exécuter
l'œuvre gracieuse et brillante qui vient d'être classée en première
ligne par un jury spécial, que le sort renouvelle chaque année.
Jusqu'à ce jour, jeunes élèves, combien d'entré vos aînés qui,
partis trop tard pour aller compléter à Rome des études heureusement
commencées à Paris, ont eu à regretter d'être demeurés trop long-
temps loin de la mère patrie, et de n'y être revenus que dans un
âge trop avancé, oubliés du public, étrangers chez eux, et quand
partout la place était déjà prise !
C'est dans le but de protéger vos carrières, en les mettant à l'abri
de ce danger, que l'âge réglementaire pour l'admission aux concours
a été fixé à vingt-cinq ans, à partir de l'année 1867. et que, tout
en améliorant pour les lauréats le chiffre de leur pension , la durée
de leur absence a été notablement réduite.
250
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
En effet, jeunes élèves, il ne suffit pas de bien faire, il faut encore
bien faire à propos, partir à l'heure propice et revenir au moment
favorable.
Tandis que l'importance du Conservatoire s'augmentait ainsi par
une attribut'on administrative nouvelle, le gouvernement s'efforçait
d'en accroître le lustre par des encouragements d'un autre ordre.
Hier, une collection précieuse, due aux longues et intelligentes
recherches d'un de vos maîtres, commençait et achevait presque en
même temps la création d'un musée instrumental qui, désormais, aura
le double attrait de la science et de l'art pour les visiteurs étrangers.
Aujourd'hui, un trésor plus précieux encore est livré à la curio-
sité publique et s'ouvre à vos travaux quotidiens : reléguée jadis
dans un lieu peu digne d'elle, et peu abordable pour vous, la biblio-
thèque du Conservatoire sort pour ainsi dire de ses ténèbres , éta-
lant avec orgueil au grand jour le luxe de ses rares manuscrits et
de ses parties uniques.
Objets constants de notre sollicitude, aidez-vous ! jeunes élèves,
comme nous nous efforçons de vous aider nous-mêmes -, travaillez
sans relâche, sans découragement, et ne vous reposez qu'après la fa-
tigue, pour recommencer ensuite avec plus d'ardeur.
Quels modèles n'avez-vous pas sous vos yeux! votre illustre direc-
teur!... général et soldat dans l'armée des arts, commandant d'une
main, combattant de l'autre, et qui chaque année, celle-ci encore,
par de nouveaux succès, continue à donner à tous le conseil et
l'exemple ; vos habiles professeurs dévoués et infatigables ; vos an-
ciens camarades devenus des artistes et qui vous montrent le che-
min, ceux qui commencent et ceux qui finissent; ceux qui naissent
à la gloire et ceux qui succombent couverts de lauriers !
le regrette d'attrister un moment cette fête ; mais quand je vous
parle de gloire, comment oublier le glorieux maître dont la vie,
comme le talent, doit être pour tous le plus beau et le plus grand
modèle ! Honoré dans son pays, possesseur d'une immense fortune,
Meyerbeer mettait le travail au-dessus de tous ces dons ; ne les sa-
crifiant pas, mais se sacrifiant lui-même, il a vécu pour travailler,
et il est mort en travaillant sur le champ d'honneur des artistes.
Membre libre du comité des études musicales du Conservatoire, il
était des nôtres ici, comme ailleurs, comme partout; aussi aimai-je
à lui appliquer ce vers du vieil Horace et du vieux Corneille :
Dans les murs, hors des murs, tout parle de sa gloire.
La gloire n'est pas ingrate, mes amis; elle se donne à qu la mé-
rite. Méritez-la donc par le travail; c'est le plus sûr moyen de l'ob-
tenir, et la récompense manque rarement à qui en est digne.
Depuis un an je n'ai cessé de suivre vos études avec un intérêt
toujours croissant; rien de ce qui touchait à vos travaux ne m'a
laissé indifférent; hier encore, j'assistais avec plaisir à vos
dernières luttes, et, témoin des efforts de tous, je suis heureux de
venir en ce moment couronner les élèves et remercier les maîtres.
Si le choix est délicat et difficile entre tous ceux qui font bien,
du moins l'honneur qui s'adresse aux uns doit-il être déjà pour les
autres un encouragement précieux et une douce espérance.
Deux de vos professeurs que de longs et utiles services signalaient
particulièrement à une auguste bienveillance viennent d'obtenir la
première, la plus enviée des récompenses.
L'Empereur, en ce moment éloigné de Paris, mais dont la pater-
nelle sollicitude n'est jamais absente, accorde la croix de la Légion
d'honneur à M. Massart, professeur de violon depuis plus de vingt
ans, ainsi qu'à l'un c'es doyens de cette maison, je pourrais dire
l'une de ses gloires, à votre excellent maître M. Samson.
Ce discours a été interrompu à plusieurs reprises par les applaudis-
sements d'une jeunesse ardente et sympathique; des acclamations una-
nimes ont éclaté au moment où le maréchal a annoncé que l'Empereur
daignait accorder la croix de la Légion d'honneur à M. Samson et à
M. Massart.
La séance s'est terminée par un exercice dramatique et lyrique exé-
cuté par les principaux lauréats et composé d'une ballade pour le vio-
lon, par M. Chomanowski, d'un air de Lucie de Lammermoor chanté par
Mlle Daram, de la marche et du finale du Croisé (Concert-Stuck) de
Weber, exécutés sur le piano par Mlle Paule Gayrard ; d'un fragment
(Vllamlet joué par MM. Etienne, de Rhéville et Charpentier, et d'un
fragment des A7oces de Jeannette par M. Troy et Mlle Mauduit.
La cérémonie a fini à 4 heures. (Moniteur universel).
Comment ne pas exprimer ici nos vives sympathies pour toutes les
paroles prononcées par le ministre, pour le bel hommage rendu à
l'homme de génie mort, pour la récompense si légitime accordée à
deux artistes vivants? Cette fois, nul ne se plaindra que la récom-
pense arrive trop vite. MM. Samson et Massart l'ont attendue : ils
l'ont méritée plusieurs fois avant de l'obtenir. A ce propos, nous
pouvons citer des particularités historiques qui ne sont pas dénuées
d'intérêt. Ouvrez YAlmanach national de 1849, et vous y verrez que
M. Samson y est décoré de la croix d'honneur. C'est qu'alors il
avait été résolu qu'on la lui donnerait, et l'on s'en croyait tellement
sûr, qu'on l'avait imprimé d'avance. Alors la question de la croix
aux artistes dramatiques avait été décidée en principe, et si l'on re-
vint sur cette décision, à qui la faute? Aux artistes, qui voulaient bien
de la croix, mais qui ne pouvaient s'entendre sur leur candidat. Dans
le tumulte et le doute, on s'abstint : au bout de quinze ans, M. Sam-
son obtient réparation du tort que lui avaient fait ses camarades ;
mais ce n'est plus comme acteur qu'il est décoré, c'est comme pro-
fesseur. Qu'importe ? Il pouvait l'être aussi comme orateur, comme
poëte : on choisira le titre qu'on voudra, mais la grande question
reste pendante. M. Massart, lui aussi avait été si bien désigné en
1851, que beaucoup de gens croyaient la chose faite; mais les évé-
nements politiques l'avaient contrariée et emportée si loin qu'elle vient
seulement de réussir. Heureusement le digne professeur ne s'était
pas relâché de son zèle : il n'avait pas cessé de traiter ses élèves
en père, et il en avait été plus que jamais récompensé par leurs
succès.
L'intermède musical et dramatique exécuté dans la séance solen-
nelle, offrait, dans sa brièveté un peu laconique, le résumé de ces
concours si longs, si fatigants, auxquels assiste d'habitude un public
bienveillant et une presse assez souvent hostile. Cette hostilité se
manifeste par des comptes rendus de tous les tons et de tous les
styles • dans les uns on déclare franchement que tout est mauvais,
pitoyable et que la décadence continue de marcher; dans les autres,
on excepte certaines classes, certains professeurs, et l'on reconnaît
les notes fournies par ceux-ci, aux qualités supérieures qu'on leur
attribue, qualités dont personne ne se doutait et qui les posent en
maîtres sans rivaux, malgré d'incontestables rivalités.
Tout cela ne nous émeut guère : nous avons entendu tant de fois
répéter les mêmes choses qui ne deviennent ni plus justes ni plus
raisonnables en devenant de plus en plus banales. Cependant, nous
ne pouvons nous défendre d'un sentiment pénible, quand nous voyons
des gens d'esprit, et de beaucoup d'esprit, reprendre périodiquement
de vieux paradoxes tombés à l'état de rengaines, comme, par exem-
ple, la supériorité des études instrumentales sur les éludes vocales
au Conservatoire! Ces études instrumentales y ont toujours été excel-
lentes, et elles le seront toujours, tandis que les études vocales n'ont
jamais répondu au zèle, au savoir des professeurs, à part de bril-
lantes exceptions! Nous en demandons mille fois pardon au cher
confrère dont nous citons les paroles. Les études vocales ont large-
ment contribué à la gloire d'une école qui a compté longtemps Garât
parmi ses professeurs; qui, jadis, a formé Ponchard, Levasseur,
DE PARIS.
251
Mme Branchu, et qui dans ces derniers temps a fourni tant de jeu-
nes chanteurs et cantatrices dont notre confrère cite les noms lui-
même.
Ah ! si l'on disait que les études vocales obéissent à d'autres lois
que les études instrumentales 1 Oui, cela est trop vrai : le chanteur
ne saurait travailler dix ou douze heures par jour, comme l'instru-
mentiste. En général, il commence à travailler beaucoup plus tard,
parce qu'il ne s'avise de sa voix que quand elle est venue, à seize
ou dix-huit ans, quelquefois plus. En outre, il est bien forcé de
s'en tenir a la voix que la nature lui a donnée, tandis que l'autre
peut changer d'instrument. Tout élève en état de se procurer un vio-
lon de 2 ou 300 francs, un piano de 5 ou 600, est certain d'avoir un
instrument sur lequel il exécutera ce qu'il y a de plus difficile en
musique. S'il devient riche, il pourra s'acheter une voix admirable,
en faisant l'empiète d'un chef-d'œuvre de Crémone; mais un chan-
teur, quelque opulent qu'il soit, doit se contenter du Mirecourt qu'il
tient du bon Dieu, sans aspirer à s'introduire dans le larynx un stra-
divarius, un guarnerius ou un amati !
Mais qui donc a persuadé au cher confrère que dans les classes
vocales du Conservatoire on avait complètement renoncé au solfège,
à la vocalisation? Proh pudor ! Mais qu'il interroge seulement les
élèves du pensionnat, pour lesquels une classe spéciale de solfège a
été instituée, et qui en ont presque tous double ration, avec une
classe et un professeur supplémentaire? Qu'il interroge les jeunes
chanteuses que l'on ne cesse de pousser au solfège, et dont quel-
ques-unes ne dédaignent pas d'en disputer les prix ! La vocalisation !
11 est vrai qu'autrefois il y avait des classes consacrées à cet exer-
cice, et qu'il n'y en a plus aujourd'hui ; s'ensuit-il que la vocali-
sation ait été supprimée? Notre confrère sait-il par qui la suppres-
sion des anciennes classes de vocalisation fut réclamée? par
Mme Damoreau, parBordogni, par Banderali et peut-être par Ponchard
lui-même. Ces professeurs de chant trouvèrent que les maîtres de vo-
calisation empiétaient sur leur domaine et se servaient de procédés
contraires à leur méthode; en conséquence ils demandèrent à se
charger de tout, de la vocalisation et du reste. Pourquoi supposer
bénévolement les professeurs de chant plus dépourvus de sens, d'ob-
servation, plus étrangers aux principes de leur art que leurs con-
frères les instrumentistes? Convenons que peut-être y aurait-il à cela
un peu de leur faute, si, comme on l'assure, ils étaient toujours
prêts à se nier absolument les uns les autres, et à déclarer que chez
aucun de leurs confrères, du premier jusqu'au dernier, il n'existe
pas l'ombre du talent !
Toujours est-il que la voix humaine appartient à la catégorie des
instruments les plus difficiles, les plus capricieux. On ne la fait pas :
à peine si on la corrige. Un rien la dérange, la gâte ; une terreur,
une fatigue, en troublent la pureté, en restreignent l'étendue. Pour
bien faire le métier d'athlète, il fallait s'abstenir de vin et d'autre
chose. Abstinuit venere et vino. Demandez ce que coûtait à Rubini
le soin de son précieux organe ! On se rappelle le mot de Martin,
qui, un soir, n'avait pu retrouver son la ou son sol, et s'en allait
grommelant : — « Vous l'avez voulu, madame Martin, vous l'avez
voulu ! »
Allez donc vous mettre en colère contre de pauvres élèves
qui dans un concours chantent trop tôt le matin, ou trop tard
dans l'après-midi, que la peur étouffe, que la chaleur enroue, et
s'ils ne tirent pas de leur gosier des sons aussi purs, aussi éclatants
que d'autres de leurs cordes frottées par l'archet, ou de leurs
touches noires et blanches, dites que c'en est fait de l'art en France,
parce que le solfège et la vocalisation sont bannis du Conservatoire,
et que pas un professeur de chant ne saurait lutter d'intelligence,
de logique avec un professeur de violon, de violoncelle, de flûte, de
clarinette ou de trombone à pistons !
Paul SMITH.
DEVIENNE.
(2« article) (1).
III.
Devienne tint largement, ainsi que nous Talions voir, ce qu'il avait
promis dans ses premiers essais. Le 7 juillet 1792, juste cinq mois
après l'apparition de Encore des Savoyards, il faisait représenter à
Feydeau, avec un succès colossal, un ouvrage dont, après soixante-
douze années d'existence, le nom est resté célèbre et connu de tous.
Je veux parler des Visitandines, opéra-comique en deux actes, dont
le poëme fut la première œuvre saillante et remarquée de Picard.
Voici quel éloge en faisait, le 15 juillet, le Moniteur universel :
« Cette jolie bagatelle est de M. Picard, qui a déjà donné des espé-
rances à ce théâtre, et qui annonce encore mieux dans celui-ci l'art
de dialoguer avec esprit. La musique est de M. Devienne, et l'on y a
trouvé avec plaisir des progrès très-sensibles depuis son premier
ouvrage donné au théâtre Italien. Celui-ci offre beaucoup plus d'ima-
gination et d'originalité. Le chant en est fort agréable, dramatique,
au ton des personnages, et les accompagnements très-piquants, sans
recherches déplacées, et sans étouffer la voix des chanteurs. On doit
lui conseiller de soigner davantage la prosodie, qu'il ne paraît pas
connaître ni respecter assez ; mais cet ouvrage lui fait infiniment
d'honneur; il le met au rang des compositeurs dramatiques qui pro-
mettent le plus, t
Maintenant que nous avons l'opinion des contemporains (car tous
se confondaient en éloges semblables), abordons cette remarquable
partition, sur laquelle nous devons nous appesantir quelque peu.
L'ouverture, fort bien faite, doit dessiner un orage. Dans un an-
dante à trois temps, peu développé et commençant d'une façon
calme et sereine, on sent petit à petit s'annoncer la tourmente : le
vent souffle dans les feuilles et rasant de près la terre, faiblement
d'abord, puis avec intensité ; bientôt la rafale augmente, et c'est
alors que survient un allegro à deux temps, carré et bien rhythmé,
sur lequel la tempête éclate dans toute sa furie, avec ses plaintes,
ses cris sourds et ses gémissements. Le rideau se lève sans que l'o-
rage ait cessé, un dialogue s'établit entre les sœurs, pendant les in-
termittences de la colère céleste, et l'on entend ces aimables recluses
s'écrier en chœur :
Divin Seigneur, épargnez les couvents
En punissant le reste de la terre.
L'air célèbre de Frontin :
Qu'on est heureux de trouver en voyage
Un bon souper, mais surtout un bon lit,
est un modèle de grâce, de verve et de gaieté; le caractère mélodi-
que en est excellent, et il est instrumenté d'une façon fort élégante,
bien qu'avec une clarté et une sobriété rares.
Aussi joli, aussi clair, aussi simple et pur de formes, est le déli-
cieux trio chanté par la tourière, Belfort et Frontin ; la mélodie est
franche, l'orchestration soignée, élégante, nourrie sans être confuse,
et sonore sans être bruyante. Et puis tout cela est plein d'entrain, de
verve et d'une véritable chaleur.
Certains biographes de Devienne ont fait grand bruit d'un pré-
tendu plagiat commis par ce compositeur, qui, dans l'air de Belfort,
Enfant chéri des dames. . .
aurait copié note pour note l'air de Papageno :
Colomba, o tortorella.
A' Il Flauto magico de Mozart. D'autres en ont inféré que Devienne
ne vivait que d'emprunts, n'était qu'un misérable plagiaire, prenant
à droite et à gauche et pillant sans vergogne tous ses confrères.
(1) Voir le n° 31.
252
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Or, il faut raisonner : c'est l'année même de sa mort, c'est-à-dire
le 30 septembre 1791, que Mozart fit représentera Vienne 11 Flauto
magico, et cet opéra — ou, pour mieux dire, la parodie de cet
opéra — ne fut donnée pour la première fois à Paris, sous le litre
des Mystères d'Isis, que le 23 août 1801. Devienne n'avait donc pas
pu, en 1792, entendre à l'Opéra un ouvrage qui n'y fut représenté
que neuf ans plus tard, et, retenu à Paris par d'innombrables tra-
vaux, non moins que par la place de premier basson qu'il tenait à
Feydeau, on peut affirmer que, dans un temps où les voyages étaient
autrement longs, coûteux et difficiles qu'aujourd'hui, il n'avait pas
fait celui de Vienne exprès pour aller applaudir cet ouvrage.
Mais ce n'est pas tout, et je vois d'ici les gens pointilleux m'ob-
jecter qu'il avait pu prendre connaissance de la partition : à ceci, je
répondrai que les éditeurs d'alors étaient beaucoup moins expéditifs
que ceux d'aujourd'hui; qu'à cette époque une partition, loin d'être
mise en vente quinze jours après sa représentation , n'était souvent
livrée au public qu'au bout de cinq ou six mois, et que la date de
l'apparition des Visitandines semble indiquer assez clairement, si
l'on veut bien se rendre compte du temps que Devienne a pu mettre
à composer cet ouvrage et de celui qu'il a fallu pour le mettre à la
scène — qu'il n'a pu consulter utilement la partition de la Flûte
magique. J'ajouterai qu'au temps dont nous parlons, Mozart — qui
était souvent méconnu, même en Allemagne — était fort loin d'être
apprécié chez nous à sa juste valeur; que c'est seulement le 20 mars
1793 que le public français fut admis pour la première fois à le
juger, par la représentation, au théâtre de la Nation, des Noces de
Figaro, horriblement mutilées; enfin, que les amateurs les plus
distingués, et même les artistes, étaient à peu près complètement
ignorants du génie du grand homme et ne s'occupaient nullement
de ses ouvrages.
Au reste, pour réduire à leur juste valeur les griefs articulés en
cette circonstance contre Devienne, je transcris ici toute la première
partie de l'air de Mozart (la seconde est un 6/8 qui n'a pas l'ombre
d'un rapport avec l'air de Devienne), et les premières mesures (les
seules qui puissent être incriminées) de celui : Enfant chéri des
dames.
AIR DE PAPAGENO.
Co-lom-ba lor - lo - rel - - - la, Yer-ria l'uc-cel - la - tor : Sia
don - na o sia don - zel - la Cora - pa - gna del suo cor, Com
gna de] suo cor, Com - pa - gna del suo cor.
AIR DE FRONTTO.
î§iE§5=£=Ë
En-fant ché - ri des da mes, Je fus dans tous pa - ys Fort
4
j^^^^H^^^^^^^
ff
bien a - vec les fem mes. Mal a - vec les ma
Le commencement de ces deux airs contient, on le voit, dix notes
identiques; mais, ce point acquis au débat, il est facile de voir que
là se borne toute la ressemblance qui existe entre eux. J'ai démon-
tré plus haut qu'il était au moins peu probable que Devienne eût eu
connaissance de la partition de la Flûte magique; mais je veux aller
jusqu'au bout et faire la partie belle aux détracteurs de ce dernier.
J'admets, en effet, que Devienne a lu, étudié cette partition d'un
bout à l'autre : il n'y aurait donc trouvé à prendre que ces dix
notes, causes de tant de reproches, et c'est pour si peu de chose
qu'il se serait exposé de gaieté de coeur à passer aux yeux dé tous
pour un plagiaire, lui, l'homme aux idées si fraîches, si spontanées,
si primesautières! Pour moi, je ne consentirai jamais à voir là autre
chose qu'une coïncidence, un pur effet du hasard, qui a voulu qu'à
la même heure deux artistes, l'un, génie supérieur, l'autre, talent
modeste, mais très-réel, vissent se produire à leur imagination le
germe d'une pensée semblable, employé par chacun deux d'une façon
différente. Car tandis que Mozart, arrêtant à la fin du passage que
j'ai reproduit plus haut son premier mouvement pour prendre un 6/8
sans rapport aucun avec les mesures précédentes, Devienne au con-
traire continue jusqu'à la fin de son morceau le rhylhme et le style
annoncés dès le début. Le premier a cette phrase écrite andante, ce
qui lui donne une langueur, une tendresse et une mélancolie inex-
primables, tandis que le second, attaquant son air dans le mouve-
ment allegretto (rondeau) et le soutenant ainsi jusqu'à sa conclusion,
lui fait acquérir dès l'origine une gaieté, un brio et un entrain ex-
ceptionnels. Il faut, à mon sens, être aveugle ou partial pour trou-
ver dans tout ceci autre chose que ce qui y est réellement, c'est-à-
dire une rencontre fortuite de la pensée, fait beaucoup plus commun
dans les arts qu'on n'est généralement tenté de le supposer.
Arthur POUGIN.
{La suite prochainement.)
BEVUE CRITIQUE.
Saive JÊtegina,
Pour deux voix de soprano, de Giovanni Battista Pergolesi,
partition de piano d'après le manuscrit,
PAR
Charles Bank.
M. Charles Bank est avantageusement connu en Allemagne par les
excellentes critiques musicales qu'il publie depuis une série d'années
dans le feuilleton du Journal de Dresde. Mais avant de s'occuper
de critique, M. Bank s'est acquis une renommée bien méritée comme
compositeur d'un grand nombre de Lieder qui se distinguent par les
qualités les plus rares.
Élève de Zelter, de Louis Beyer, et pendant quelque temps aussi
de Schneider, à Dessau, M. Bank a commencé par consacrer ses
études à la musique d'église, et il y a peu de musiciens en Europe
qui connaissent mieux la musique religieuse d'Italie. Il n'est donc pas
étonnant qu'il ait pu faire celte trouvaille précieuse de l'admirable
composition de Pergolèse. La fortune n'estjamais aussi aveugle qu'on
veut bien le prétendre.
M. Bank a découvert le manuscrit du Salve Begina dans la col-
lection d'un prince amateur de Naples. La bibliothèque du Conser-
vatoire de cette ville ne le possède pas ; c'est ce qui explique le si-
lence des dictionnaires de musique modernes au sujet de cette com-
position, tandis qu'elle se trouve mentionnée dans les ouvrages de
publication ancienne.
Ce Salve Regina précéda, sans aucun doute, le célèbre Stabat ma-
ter composé en 1735-38, car toutes les parties du quatuor qui ac-
compagne ce dernier sont élaborées avec un soin bien plus grand.
Et pourtant il y a çà et là des analogies harmoniques ou mélodiques
qui prouvent que Pergolèse n'avait point oublié ces délicieuses pages
lorsqu'il eut à composer son Stabat.
Le Salve Begina est écrit pour deux voix de soprano, avec accom-
pagnement d'orgue et de quatuor. Mais l'accompagnement de l'orgue
est à peine indiqué, le compositeur comptant sur l'intelligence et sur
les connaissances harmoniques de l'organisle. Le deuxième violon
DE PARIS.
253
marche souvent à l'unisson avec le premier, et l'alto double constam-
ment la basse. Cependant cet accompagnement, tel qu'il est, suffit
pour rendre claires toutes les intentions du compositeur quant à la
couleur et à l'expression.
En transcrivant cette composition, M. Banck a eu une tâche assez
difficile à remplir. Il a dû souvent compléter l'harmonie sans s'é-
carter de l'esprit de son auteur, sans altérer en rien les parties du
chant. Il lui a fallu rendre avec exactitude la couleur et le sentiment
de l'original, tout en remplaçant par le piano l'orgue et les quatre
instruments à corde. M. Banck a si bien réussi que nous retrouvons
dans son arrangement jusqu'à cette sonorité agréable qui est un des
signes caractéristiques de la musique de Pergolèse. Mais ce qui mé-
rite à un plus haut degré encore notre admiration, c'est le rare
bonheur avec lequel M. Banck a su respecter la simplicité et imiter
la clarté de son modèle.
De toutes les compositions de Pergolèse, le Salve Résina est celle
qui par le charme de la mélodie et la profondeur du sentiment, se
rapproche le plus du Stabat. Il est vrai que ce dernier est plus va-
rié, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'il contient le double de mor-
ceaux, le Salve Regina n'en comptant que six.
Les numéros 1,3, 6, peuvent être comparés aux plus belles par-
ties du Stabat, et tous les six se recommandent par le charme et
par le développement gracieux des motifs, par quelques-uns de ces
effets de chant qui mettent si bien en relief les qualités de la voix
humaine. De plus, l'ensemble de la composition est empreint d'un
caractère d'unité qui produit l'impression la plus profonde.
M. Banck, qui a enrichi la littérature musicale par des composi-
tions originales, s'est acquis un nouveau titre à la reconnaissance des
amateurs de bonne musique.
Nous terminerons cet article en recommandant aux exécutants de
traiter l'accompagnement avec une grande discrétion. Le pianiste
doit s'appliquer à fondre complètement son jeu avec le chant.
Frédéric SZARVADY.
JT. OIFenlmcli. — Les Feuilles du soir, grande valse pour piano.
Pour occuper les rares loisirs que lui laisse la composition drama-
tique, Jacques Offenbach, cet esprit alerte et primesautier, dont l'ins-
piration est toujours en éveil, ne dédaigne pas parfois d'aller sur les
brisées d'Arban, de Musard et de Strauss. A la veille de partir pour
Vienne, pour Ems ou pour Bade, où la mise à l'étude de quelque
opéra nouveau réclame sa présence et ses soins, il rêve tout à coup
un de ces gracieux motifs de valse dont la Germanie, Y Aima mater,
lui a légué le secret; il le livre à son éditeur, et déjà la vapeur l'a
emporté à plusieurs centaines de kilomètres, lorsque son œuvre
commence à peine à entrer en circulation. Mais qu'importe? il est
bien sûr de la retrouver, à son retour à Paris, en pleine possession
des salons et des bals. C'est le sort qui attend, sans contredit, les
Feuilles du soir, sa dernière valse, une page piquante dont la su-
prême élégance n'a d'égale que sa très-grande simplicité. C'est un
morceau dont le rhythme entraînant n'est un obstacle pour aucun ef-
fort, si faible qu'il soit, et dont l'effet doit sortir facilement de la plus
modeste interprétation. Est-ce par défiance du succès que l'auteur l'a
assimilé aux journaux du soir dont l'existence est' si précaire? Il se
tromperait étrangement, car sa valse sera cet hiver sur tous les pu-
pitres, quand on aura oublié jusqu'au nom de certaines feuilles qui
brillent d'un éclat éphémère sous les vitres multicolores des kiosques
du boulevard.
Y.
L'Empereur a écrit la lettre suivante au maréchal Vaillant, mi-
nistre de sa Maison et des Beaux-Arts :
« Vichy, le 31 juillet 1864.
» Mon cher maréchal, je viens vous faire part d'une réflexion qui
m'est survenue pendant le repos dont je jouis ici. Deux grands établis-
sements doivent être reconstruits à Paris, avec une destination bien
différente : l'Opéra et PHôtel-Dieu. Le premier est déjà commencé ;
le second ne l'est pas encore. Quoique exécutés, l'Opéra aux frais de
l'Etat, l'Hôtel-Dieu aux frais des hospices et de la ville de Paris,
tous deux ne seront pas moins pour la capitale des monuments re-
marquables; mais comme ils répondent à des intérêts très-différents,
je ne voudrais pas que l'un surtout parût plus protégé que l'autre.
» Les dépenses de l'Académie impériale de musique dépasseront
malheureusement les prévisions, et il faut éviter le reproche d'avoir
employé des millions pour un théâtre, quand la première pierre de
l'hôpital le plus populaire de Paris n'a pas encore été posée. En-
gagez donc, je vous prie, le préfet de la Seine à faire commencer
bientôt les travaux de l'Hôtel-Dieu, et veuillez faire diriger ceux de
l'Opéra de manière à ne les terminer qu'en même temps. Cette
combinaison, je le reconnais, n'a aucun avantage pratique; mais,
au point de vue moral, j'attache un grand prix à ce que le monu-
ment consacré au plaisir ne s'élève pas avant l'asile de la souffrance.
» Recevez, mon cher maréchal, l'assurance de ma sincère amitié.
» NAPOLÉON. »
NOUVELLES.
**„ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Comte Ory et
Nemea; — mercredi, la Juioe;— vendredi, les Huguenots étaient annoncés
pour la rentrée de Faure, de retour à Paris après sa saison de
Londres; mais le spectacle a été changé par ordre; on a donné le
deuxième acte de Guillaume Tell dans lequel a reparu le célèbre ba-
ryton, et Nemea. — S. M. le roi des Belges assistait à la représen-
tation.
*** L'engagement de Mme Marie Sax n'ayant plus que dix-huit mois
à courir, la célèbre cantatrice est en pourparlers avec la direction de
l'Opéra pour en contracter un nouveau de cinq années.
*%, M. et Mme Gueymard, dont le congé est expiré, sont de retour à
Paris ; on a repris vendredi les répétitions de Roland à Roncevaux.
**» Tamberlick était ces jours-ci à Paris. 11 est parti pour Madrid, où
il va commencer ses représentations au théâtre Rossini.
*** Roger a donné ces jours-ci, avec Diemer et Sarasate, à Saint-
Malo, un charmant concert qui réunissait l'élite de la Société malouine
et des nombreux baigneurs qui y affluent en ce moment.
*** A Londres il est question de trois théâtres anglais pour l'hiver
prochain. La Compagnie de l'opéra anglais donnera ses représentations
au théâtre de Covent-Garden, et M. Mapleson s'occupe d'organiser un
opéra anglais pour la salle de Her Majestxfs Theater, et au Lycée on
jouerait l'opéra anglais sous la direction de M. Harrison.
*** On vient de promulguer à Londres la nouvelle loi sur les musi-
ciens ambulants. Désormais les habitants d'une maison qu'ils importu-
neraient pourront requérir l'intervention d'un constable pour les éloi-
gner, et en cas de résistance ils pourront être condamnés à 40 shillings
(30 francs) d'amende. 11 serait bien à désirer qu'une pareille ordonnance
fût rendue et appliquée dans Paris.
,** Nous avons parlé déjà d'une société qui allait s'établir au centre
de Paris, sous la direction de M. Félicien David, avec M. Charles
de Lorbac pour secrétaire, dans le but d'offrir au public les chefs-
d'œuvre de la musique ancienne et moderne dans des conditions excep-
tionnelles de bonne exécution et de bon marché. Cette société est au-
jourd'hui constituée sous la désignation de : Société du grand concert. La
salle est installée rue Richer, 32, à la place du vaste établissement
connu sous le nom de «Colonnes d'Hercule.» Cette salle peut contenir plus
de trois mille personnes confortablement assises. L'orchestre sera com-
posé de quatre-vingt-cinq musiciens, et pour arriver à une exécution
irréprochable, toutes les places seront données au concours; même or-
ganisation pour les chœurs, composés, en commençant, de deux cents
choristes, pour arriver successivement à trois cents. L'orchestre et les
chœurs, en sus de leurs appointements, sont intéressés dans les béné-
254
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
fices de l'affaire. Enfin, les prix d'entrée sont fixés à 1 franc et 2 francs,
chacun ayant droit, même pour 1 franc, à une stalle numérotée, qu'il
pourra louer d'avance au même prix qu'au bureau.
„% M. et Mme Marchesi sont de retour après la brillante saison de
Londres, où leur concert historique a obtenu beaucoup de succès. Ils
ont chanté aussi tous les deux dans les salons de la haute aristocratie.
Mme Marchesi a eu le plaisir de retrouver plusieurs des élèves formées
par elle au Conservatoire de Vienne, entre autres Mlle Fricci. Beaucoup
d'artistes des deux théâtres ont aussi travaillé avec l'excellente jjrofesssora.
—Mlle Fricci est réengagée à Londres pour la quatrième fois. Elle s'est
distinguée à Covent-Garden dans les grands opéras du répertoire.
j*, On vient de publier à Leipzig la partition de Paris et Hélène, opéra
de Gluck, qui suivit Orphée et Alceste, et dont il était fort difficile de se
procurer un exemplaire.
*% M. le professeur Lemmens et la célèbre cantatrice Mme Lem-
mens-Sherrington, en ce moment au festival de Wiesbaden, doivent se
rendre à Paris du 12 au 15 courant et donner quelques séances d'orgue
et de chant dans les ateliers de MM. A. Cavaillé-Coll et Ce.
»% Le mariage de Mlle Balbi avec M. Verdier, a eu lieu le U août,
à Notre Dame de Lorette.
»*^ M. Gardoni, lieutenant de vaisseau, frère du célèbre ténor, épouse
Mlle Tamburini, sœur de la femme de son frère.
»*„ M. de Flotow termine en ce moment à Vienne un opéra en deux
actes et trois tableaux, qui a pour titre Na'ida, et dont M. de Saint-
Georges a écrit les paroles. C'est la Russie qui aura la primeur de cette
œuvre. M. de Flotow a traité avec la direction des théâtres impériaux
pour qu'elle soit représentée cet hiver à Saint-Pétersbourg, sur le théâ-
tre italien.
*, Le Précurseur du 26 nous apporte d'Anvers les nouvelles suivan-
tes : « Le concert qui a été donné hier, au local du Cercle artistique,
avec les nouveaux instruments de musique en cuivre de M. Adolphe
Sax, n'a fait qu'ajouter encore au grand effet qu'a produit il y a quel-
ques jours l'audition de ces merveilleux instruments au local de l'Har-
monie. C'est une révolution complète dans la valeur des instruments
tels qu'on avait coutume de les considérer. » Dans les autres villes
principales de Belgiquo, de Hollande, l'effet a été le même, l'enthou-
siasme s'est élevé au plus haut degré. Dans certaines villes, où il avait
fallu donner deux concerts le même jour, on voulait retenir les ar-
tistes pour les entendre encore le lendemain.
u% Nous recommandons à nos lecteurs un des luthiers les plus
estimés et les plus justement célèbres , M. Rambaux , de Mirecourt.
Héritier des procédés des Stradivarius, des Amati, des Guarnerius,
M. Rambaux fait revivre les traditions d'une époque où l'art du luthier
fut porté à un si haut degré de perfectionnement Toute sa vie a été
consacrée à de longues et minutieuses recherches que couronnèrent
d'éclatants succès. L'instrument le plus compromis par le temps re-
prend entre ses mains toutes les qualités premières de forme, d'élé-
gance et de sonorité. Des résultats aussi remarquables valurent à
M. Rambaux, pendant qu'il exerçait sa profession de luthier à Paris,
une clientèle nombreuse composée des artistes du plus grand renom.
Quoique retiré depuis quelques années dans sa ville natale, des com-
mandes expédiées des points les plus éloignés de l'Europe continuent à
lui parvenir. Des virtuoses d'élite n'ont pas craint d'entreprendre le
voyage des Vosges pour lui confier la réparation de leurs précieux ins-
truments. Son atelier est actuellement à Mirecourt (département des
Vosges). Il suffit d'indiquer son adresse pour que la clientèle choisie
avec laquelle M. Rambaux s'est trouvé en rapport pendant son séjour
dans la capitale s'adresse à lui de nouveau.
J%. Nous avons entendu plusieurs fois cet été au concert des Champs-
Elysées, deux ouvertures de M. Adolphe Blanc, le jeune compositeur
de musique de chambre; l'une a pour titre Une aventure sous la ligue,
et l'autre est une ouverture de fantaisie que M. Blanc a nommée Ou-
verture espagnole. Ces deux œuvres symphoniques sont parfaitement
réussies , chacune dans son genre, et font le plus grand plaisir aux
nombreux habitués des concerts des Champs-Elysées.
»% Ferdinand de Croze , l'éminent pianiste-compositeur dont nous
avons annoncé la prochaine arrivée à Paris, a fait entendre lundi soir
son sixième album de concert, qui a été chaleureusement applaudi par
l'assemblée d'élite conviée à l'écouter. Il se rend en Angleterre et en
Allemagne, où il est attendu pour faire connaître cette publication.
**» M. Mestepès a réclamé contre la qualification de directeur du
théâtre des Bouffes-Parisiens qui lui avait été donnée par plusieurs
journaux. Il a seulement été choisi par les intéressés pour les repré-
senter.
„% Une faute d'impression s'est glissée dans notre dernier numéro.
C'est à Carlsruhe et non à Mulhouse, comme on l'a imprimé par erreur,
qu'aura lieu le grand festival annoncé pour le 22 août.
**» Kruger, l'éminent compositeur, vient de quitter Paris pour se
rendre en Allemagne.
»*» Dans le grand concours d'orphéons, de fanfares et d'harmonies
qui a eu lieu le 24 juillet à Eu, les Enfants de Saint-Denis, sous l'ha-
bile direction de M. Monestier, ont obtenu la médaille d'or donnée par
l'Empereur. Le premier prix de la 2me section de la division supérieure
a été décerné à la Société d'Amiens, et le second prix à celle de Pleyel-
Wolff. Le jury était composé de MM. F. Baziu, Boïeldieu, Lecouppey,
Meifred, Laurent de Rillé, Vervoitte, Coche, etc. Le concours a eu lieu
dans le beau parc du château d'Eu.
„*„, Dans l'été de 1862, M. Romero, professeur de clarinette au Con-
servatoire de musique de Madrid et de la chapelle royale de S. M. la
reine d'Espagne, était venu à Paris avec le projet de faire faire pour
son instrument favori un nouveau mécanisme de son invention, destiné
à rendre plus justes les notes de sol dièze, la, si bémol, et à en faciliter
l'exécution, ainsi que celle de plusieurs passages. Ce nouveau système
de clarinette, déjà breveté, a été construit par M. Bié, successeur de
Lefèvre, et M. Romero, qui est revenu donner ses dernières instruc-
tions pour le terminer, a invité tous les artistes facteurs et amateurs
qui voudraient l'examiner et l'apprécier, à le visiter chez lui, rue
Notre-Dame-des-Victoires, hôtel de la Bourse et des Ambassadeurs.
MM. Klosé, Leroy, Buffet jeune, Gautrot, Breton et plusieurs autres se
sont rendus à l'invitation de M. Romero et ont trouvé l'invention de
son nouveau mécanisme très-heureuse, et de nature, par la justesse et
l'homogénéité du son qui en résultent, à singulièrement faciliter l'exé-
cution. Us ont exprimé à M. Romero l'intention où ils étaient de l'a-
dapter aux instruments de leur fabrication. M. Romero sera encore
ici les 8, 9 et 10 août, et recevra de midi à 2 heures les personnes qui
désireront le visiter.
%*% Le célèbre violoniste - compositeur Bazzini avait' dédié au roi
d'Italie son concerto militaire. En témoignage de sa satisfaction, Sa Ma-
jesté a daigné envoyer à l'éminent artiste une belle médaille en or à
son effigie, avec cette inscription : Al distinto maestro di Musica A.
Bazzini, et le nommer de plus chevalier de l'ordre des saints Maurice
et Lazare. La cantate composée à Florence par M. Bazzini et qui a ob-
tenu le prix, a beaucoup de succès, et sera vraisemblablement exé-
cutée au Conservatoire de Milan.
*% La Charité, de Rossini, est exécutée trois ou quatre fois par se-
maine avec un immense succès au concert des Champs-Elysées.
*** Le bénéfice de M. Danbé avait attiré dimanche dernier une
grande foule au Pré Catelan. Le bénéficiaire a été fort applaudi. — Le
programme du concert qui sera donné aujourd'hui dimanche est des
plus remarquables; sur douze morceaux choisis parmi les œuvres des
grands maîtres, il y a huit nouveautés. — Grand bal d'enfants avec
tombola; musiques militaires; et Klosko avec tous ses enchantements
dans son royaume de Magie.
»*„ La Société philharmonique de Boulogne avait convié à son con-
cert du 20 juillet trois artistes de la plus grande réputation, chacun
dans leur genre, Bottesini, Délie Sedie et Mme Tardieu de Malleville.
Aussi ce concert a-t-il été des plus brillants ; Bottesini a produit son
effet accoutumé sur la contre-basse, dont il joue comme personne. Délie
Sedie a dit délicieusement la romance d'un Ballo in maschera, l'air de
Don Sebasliano et la sérénade de Don Juan, et, quant à Mme Tardieu
de Malleville, on connaît son style pur et distingué. Après chaque
morceau, les bravos et les rappels ont accueilli les trois vaillants ar-
tistes.
*** On écrit de Carlsbad : o La grande- duchesse vient d'envoyer à
l'institution de Mozart, à Salzbourg, un don des plus précieux. Il s'agit
d'un vieux cahier de musique trouvé aux environs de Vienne et portant
pour inscription en langue française : « Ce livre appartient à Marie-
Anne Mozart, 1750. » Les première feuillets de ce cahier contiennent
des exercices pour piano écrits de la main du père de Mozart, et les
douze derniers sont de la main même du grand compositeur Wolfgang
Mozart et portent les dates 1762 et 1763. Ce sont cinq compositions de
lui, non connues jusqu'à présent; n° 1, allégro en ut majeur, deux
pages composées à Bruxelles le 11 octobre 1163; n° 2, deux menuets
en ré majeur, composés à Paris le 30 novembre 1763 ; n° 3, air en fa
majeur, composé le 16 juillet 1762; u° U, autre menuet, composé le
11 mai de la même année, et le n" 5, une étude compliquée et datée
de la même époque. »
»** Un grand festival de musique chorale a eu lieu à Berne (Suisse).
Un très-grand nombre d'orphéons étrangers y a pris part et le nombre
des chanteurs n'a pas été au-dessous de trois mille. L'Harmonie suisse
de Paris y a concouru; la Société chorale Concordia de Fri bourg a ob-
tenu le premier prix.
„% En attendant la réouverture des Italiens et de l'Opéra-Comique,
les amateurs de bonne musique continuent à fréquenter le concert des
Champs-Elysées, pour s'y promener sous de beaux ombrages, y admirer
les fameux solistes, nommés Lêvy, Gobert, Demerssemann, Genin, de
Prins, Soler, Bardey, François, Gobin, etc., et pour y applaudir d'ex-
cellente musique, admirablement exécutée par un orchestre d'élite sous
l'habile direction de M. Eugène Prévost.
,,% Lundi soir on a exécuté au concert des Champs-Elysées l'ouver-
ture d'un opéra en deux actes, Bianca di Belmonte, qui fut composé à
Madrid par M. Piermarini et chanté avec un grand succès par ses élèves
au théâtre du Conservatoire. Cette ouverture a fait beaucoup de plaisir
DE PARIS.
255
et précédera l'opéra de Bianca di Belmontc, dont l'auteur s'occupe à re-
manier l'orchestration, pour la mettre à la hauteur des progrès accom-
plis depuis qu'il a été représenté.
„*„ La librairie française vient de faire une grande perte dans la
personne de M. Hachette, qui a succombé dimanche dernier à une
nouvelle attaque de la maladie dont il avait été atteint il y a six se-
maines. 11 était âgé de soixante-quatre ans, et son nom reste attaché à
la création d'une des plus importantes maisons de librairie de l'Eu-
rope. Ses obsèques avaient attiré une foule considérable de notabilités
littéraires et administratives; au nombre de ces derniers on remarquait
les ministres de la maison de l'Empereur et de l'instruction publique.
»% Les journaux anglais annoncent la mort de Mistriss Wood qui
tenait à Leards un cours très-suivi d'enseignement musical. Jeune
fille elle s'appelait miss Paton et brilla comme cantatrice à Drury Lane
et à Covent-Garden. Mariée à lord W. Uennox elle divorça bientôt, et
épousa en secondes noces un chanteur de mérita, M. Wood.
*% Nous avons répété il y a quelque temps la nouvelle donnée par
les journaux allemands de la mort de Mme Mortier de Fontaine, la
femme du célèbre pianiste-compositeur. Cette nouvelle n'avait aucun
fondement, et nous nous empressons de la démentir. Mme Mortier de
Fontaine est en ce moment à Paris, où elle est venue voir sa famille.
*** Le 22 juillet est mort à Trieste le compositeur de musique iEgi-
dius-Charles Lickl, à l'âge de soixante-un ans.
*** Le directeur d'un journal est exposé plus que personne à rece-
voir des lettres anonymes. Dans le nombre, les moins plaisantes ne sont
pas celles que lui adressent certains collaborateurs mécontents de ne
pas jouir des hautes prérogatives auxquelles ils prétendent et assez
simples pour ne pas se douter que leurs tristes épîtres sont signées à
chaque ligne. Une lettre de ce genre nous est parvenue ces jours der-
niers. Son auteur nous engage à congédier au plus tôt nos rédacteurs
les plus éminents et les plus célèbres. Il n'aura donc nul droit de se
plaindre si nous nous décidons à commencer par lui. A bon entendeur !
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*% Vichy. — Le 26, juillet, LL. MIL l'empereur et le roi Léopold ont
honoré de leur présence les salons de l'établissement thermal, de bonne
heure remplis d'une brillante assemblée, et éc!airés à giorno. A l'entrée
des deux souverains, et par une délicate attention, l'orchestre a joué la
marche nationale belge. La soirée se composait de deux pièces : le Pif-
feraro, joué par Berthelier et les artistes de la troupe du Casino, de Lis-
chen et Fritzchen, par Berthelier et Mlle Frasey, et d'un intermède mu-
sical, par Mme Ugalde et MM. Carré Kolawski et Henri de Hauteville.
La tarentelle finale du Pifferaro, dite par Berthelier avec une verve
étourdissante, a été l'occasion d'applaudissements dont LL. MM. ont
daigné donner le signal. Dans l'intermède, qui a valu aux deux éminents
instrumentistes et à Mme Ugalde des bravos mérités, Berthelier a dit en
costume la chanson de Fortunio, au milieu de rires frénétiques, et il a
dû la répéter- A neuf heures et demie, LL. MM. quittaient le salon après
avoir applaudi très-chaudement Berthelier et la toute charmante Mlle
Frasey, dans la désopilante conversation alsacienne de Lischen et Fritz-
chen.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
**„ Londres. — La clôture de l'Opéra italien de Govent-Garden a in-
terrompu en plein succès les représentations de la Stella del Nord, dont
la quatrième et dernière a été donnée samedi passé. — Adelina Patti a fait
ses adieux au public dans le rôle de Martha. — Le théâtre de Sa Majesté
continue ses représentations à des prix d'entrée réduits. — Les concerts-
promenades, sous la direction de Mellon, vont remplacer l'opéra dans
la salle de Covent-Garden. Carlotta Patti, Marie Krils, une très jeune
pianiste, presque une enfant, dont le talent a été tant apprécié pendant
la saison passée, et le cornetiste Lévy y sont engagés. — L'Académie royale
de musique (Conservatoire), qui, jusou'à présent, n'avait été soutenue que
par quelques dons annuels d'un petit nombre d'amateurs riches, vient
d'être dotée par la Chambre des communes, après une discussion très-
vive, d'une subvention de 500 livres par an. — Les répétitions pour le
festival de Birmingham ont commencé. Le festival aura lieu les 6, 1 et
8 septembre. On exécutera, le premier jour, l'oratorio Saint Paul, de Men-
delssohn. Le soir du même jour, il y aura un. concert en deux parties.
La première partie sera remplie par une cantate de Henry Smart, vingt
et un morceaux. La seconde partie contiendra sept morceaux, tant d'ins-
truments que de chant. La troisième partie, huit morceaux de chant.
Le second jour, le matin, Naaman, oratorio de Costa, et le soir une can-
tate de M. Sullivan et un concert de dix-sept morceaux de chant ou
d'instruments. Le troisième jour, le concert du matin est consacré au
Messiah de Haendel, et le soir, à une hymne de Mendelssohn, avec une
vingtaine d'autres morceaux détachés. Le quatrième jour, enfin, le Christ
à la montagne des Oliviers, de Beethoven, toute la douzième messe de
Mozart et une partie de l'oratorio Samson, de Hasndel. Le soir, Elle, de
Mendelssohn. Les artistes engagés sont : Mmes Titjens, Rudersdorff,
Lemmens et Mlle Patti. Contraltos, Mme Sainton et miss Palmer. Té-
nors, MM. Reeves, Cummings et Mario. Barytons, MM. Weiss etSantley.
Pianiste, Mme Arabella Goddard. Violon, M. Sainton. Organiste, M. Stimp-
son. Chef d'orchestre, Costa. — Voici maintenant la composition de
l'orchestre et des chœurs de cette immense solennité musicale : 28
premiers violons, 26 seconds, 18 violes, 17 violoncelles, 17 contre-basses,
4 flûtes, 4 hautbois, 4 clarinettes, 4 bassons, 4 cors, 2 trompettes, etc.
Un ensemble de presque 140 instruments et de plus de 350 voix, savoir :
94 sopranos, 29 contraltos. 87 ténors, 58 alti (hommes), 88 basses. Les
chœurs seront sous la direction de M. Stockey, maître des chœurs du
festival, et de M.Sutton, maître des chœurs de l'Association des ama-
teurs. Le tout obéira au bâton du maréchal Costa. — Naaman, l'oratorio
que Costa écrit pour le festival, vient d'être répété avec un succès tel
que peu s'en fallait que l'auditoire, composé de cet énorme orchestre et
des quelques personnes, journalistes ou artistes, admis exceptionnelle-
ment, ne fît recommencer presque chaque morceau. Impossible de les
énumérer tous : plus de quarante ont été remarqués ; mais il est per-
mis de signaler la grandeur du style, la simplicité et la sévère pu-
reté de l'ensemble, l'ampleur de l'orchestration, profondément étu-
diée sans être cherchée, savamment combinée sans être jamais torturée,
et d'un effet de sonorité qui a électrisé tous les musiciens. Exécutée
par cet orchestre, chanlée par la Patti, Reeves, Mmes Sainton et Santley,
Mme Rudersdorff et miss Palmer, il est évident qu'une aus^i belle œu-
vre, si magistralement interprétée, ne peut que produire le plus grand
effet.
*** Breslau. — Le ténor Niemann s'est fait entendre dans Fcrnand
Cortez et le Prophète. Son succès a été aussi grand que mérité.
*% Berlin. — L'Opéra royal a été rouvert par le ballet Aladin, qui a
attiré une grande affluence. Oberon est annoncé. — Au théâtre de Kroll,
Mme deMarlow est toujours en grande faveur. Après Martha, elle a
chanté la Fille du régiment, les Diamants de la couronne et le Philtre,
aux applaudissements unanimes — Il vient de paraître chez l'éditeur
Mendel un médaillon en ivoire représentant le portrait de Meyerbeer,
sculpté par E. Lincke. C'est une œuvre d'art de tout point réussie. —
Un ténor du théâtre de la Cour à Hanovre, le Dr Gunz, donne en ce
moment au théâtre Victoria des représentations qui sont fort suivies.
Il obtient notamment beaucoup de succès dans le rôle de Chapelou du
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Muette de Portlci Chœur de la Chapelle
— Amour sacré de la patrie, . . .
llartha Mélodie irlandaise
Aie es te Vivez, aimez
Armide Les plaisirs ont cheisi pour asile
lie IVabali Couplets du tabac, avec solo. .
Drasons de Villars Prière : Soutien de l'innocent. .
lies Huguenots
lie Prophète. . .
Robert le Diable
lie Comte Ory .
Guillaume Tell
Robert Bruce
Coupjets des soldats huguenots . » 50
Septuor du duel 1 50
Appel aux armes » 75
Chœur des Buveurs » 75
Chœur de moines i 75
Chœur et prière a 75
Prière 40
Chœur de la Conjuration. ... » 50
Chœur des Chasseurs » 75
Chasse et prière du soir .... » 75
Prière » 50
Chœur bachique avec solo ... » 75
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lies Pondeurs 1 »
lies Garçons de restaurant 1 »
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lies Canotiers 1 »
lies Postillons 1 »
Xi'BnclHme 1 »
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Chant élégiaque 1 50
Sljmne tin sacrifiée, avec solo 1 50
lies Canotiers de Paris • . .
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5. Morley 1re suite de ballets, par M. Rimbault 9
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Partie de piano 16
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Partie iie piano 18
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11. Douland Airs, par M. Chappell 21
Partie de piano 22
12 E*te-» Whole Boek of Psalmes, par M. Rimbault.. .... 23
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13. m lions Âyrex or falux, par M. Warren 25
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N° 33.
REVUE
14 Août 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Pari» « r.pora»
Départements, Belgique et Suisse.... 30 • id.
Étranger S* » 14.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — La musique à la cour et à la ville, sous le règne de Louis XIII
(i" article), par Mathieu «le Ilonter. — La senora Rosario Zapater et
un autographe de Meyerbeer, par Léo. — Mémoire sur l'origine de la musi-
que (5* et dernier article), par B>. Keaulieu. — Nouvelles et annonces.
LA MUSIQUE A LA CODR ET A LA VILLE,
Sons le règne de Louis XIII.
(Premier article.)
Vous aimez les héros et les poètes ; vous êtes accessible à toutes
les séductions honnêtes; la bonne compagnie vous charme; vous
goûtez la gloire, les élégances, l'esprit, l'art délicieux du bien-dire.
Le xvne siècle est celui où vous vous plaisez. Vous y avez des rela-
tions établies et charmantes ; vous admirez la grandeur et les grâces
de celte splendide époque ; vous vous complaisez à ce mélange d'hé-
roïsme, de raison et de roman, tout empreint de couleur espagnole
et marquant si bien cependant les allures françaises ; vous fréquentez
les cercles et les ruelles, vous en connaissez et reconnaissez facile-
ment les habitués. Vous aimez les guides qui vous mènent et vous
dirigent au milieu de cette société charmante, et vous croyez, avec
leur aide, avoir pénétré dans son for intime. Vous ne possédez pas
encore la complète intelligence de ce temps, si vous n'avez pas, dans
les quatre-vingts Mémoires qui le racontent, ressaisi, démêlé, ras-
semblé l'attache et le lien de la vie mondaine, lien gracieux que,
pour la première fois depuis Auguste, la main du grand cardinal
devait rattacher aux rouages de la politique et de l'État : la musique.
Depuis quelques années, la critique et l'érudition, guidées par
l'esprit historique, se sont livrées sur les origines de la musique
moderne à un travail qui a son prix, son. utilité et son importance
incontestables. Ce que quelques érudits seuls possédaient autrefois,
ce qui appartenait exclusivement au domaine d'un Mersenne, d'un
Fonoemagne ou d'un Griffet, a été mis à la disposition de tous. Et
cependant, tandis que la physionomie littéraire du xvne siècle est
connue à tel point que, malgré les ridicules, l'humeur plaisante ou
héroïque des invités de l'hôtel de Rambouillet, par exemple, on ne
confondra pas les « alcôvistes » d'Arthénice et des petits cabinets
bleus de Julie avec les filles du bourgeois Gorgibus et leurs amou
reux travestis..., la physionomie musicale, reléguée dans le clair-
obscur de l'étude, manque d'ensemble, de couleur et de relief.
Par physionomie musicale j'entends la musique proprement dite,
et non pas le ballet. M. Castil-Blaze et, à son exemple, ceux qui
ne se piquent pas d'exactitude historique, n'ont voulu voir dans la
société française, sous Louis XIII, qu'une troupe de danseurs et de
ballerines. Leste est le procédé ! Quoique l'union, la fusion même de
la danse et de la musique n'ait jamais été plus intime qu'alors,
celle-ci ne se laissait pas entièrement absorber par celle-là. A la
cour et à la ville, au château de Saint-Germain comme dans le « pa-
lais de Roselinde » la musique seule remplissait un rôle permanent,
continu, et ne se bornait pas à ces quelques « sublimités et subtilités »
que l'on a mis depuis en évidence, comme de brillants coléoptères
piqués sur un carton spécial dans une collection d'entomologie.
« Subtilités » qui tournent volontiers, il est vrai, au pathos et à
l'emphase! « Sublimités » dont la couleur est fausse et le lyrisme
outrecuidant ! On résonne et on raisonne à outrance ; on chante et on
parle de tête ; on quintessencie la rudesse de l'orchestre et de l'es-
prit; le cerveau prend la place du cœur. Mais, en France, nous
trouvons toujours des ressources dans nos inconvénients, et nous
sommes ramenés, par nos défauts mêmes, à notre grande qualité
artistique : la netteté. Du mauvais goût musical et littéraire de la
première moitié du xvnc siècle jaillira, par contraste et par réaction,
cette veine d'imagination perpétuelle dans le détail de l'expression
plutôt que dans l'ensemble, qui nous ravit en musique comme en
littérature; et si, au sortir du règne de Louis XIII, la littérature
trouve avec la Fontaine, avec Mme de Sévigné et Mme de Maintenon
l'invention, l'exactitude et l'atticisme réunis, la musique, de son côté,
rencontre avec Lulli et bientôt avec Rameau, une simplicité, une
pureté de forme, monotone, sans doute, mais que nous n'avons plus,
que nous ne pouvons plus avoir, et qu'il nous sied alors d'aimer et
de regretter dans le luxe de l'art moderne. En buvant dans notre or,
regrettons les coupes antiques!
Peut-être n'est-il pas sans intérêt de remonter aux sources, de
s'adresser aux documents de première main, aux pièces inédites, tout
en consultant les travaux si fidèles et si complets de l'illustre colla-
borateur de cette Revue, et de tâcher ainsi de présenter au lecteur
. pressé ou qu'effraient les gros livres, le croquis rapide de la mu-
258
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sique pendant la première moitié du xvne siècle, de son théâtre, de
son caractère et de son originalité, de ses œuvres, de ses disciples
et de ses enthousiastes, de l'influence enfin qu'elle exerça sur les
mœurs et sur certains événements de cette époque « au grand air
de gloire. »
I.
En France, on a toujours autant aimé la musique qu'en Allemagne
ou qu'en Italie. Vous rappelez-vous Rabelais : « Un bateleur, un vio-
leur, au milieu d'un carrefour, assemble, en cette bonne ville de
Paris, plus de gens que ne ferait un bon prescheur évangélique. »
Ce culte, ce goût do la mélodie, dont la marche progressive devait
être si rapide, reçoit, dès le début du xvue siècle, une impulsion
remarquable. La musique répondait sî bien aux aspirations de ce
peuple amoureux de bruit, de couleur et d'éclat ! « Sous le roi Louis
treizième — écrit Mézeray — la musique entra dans le plaisir de
tous. Et quoique la noblesse se trouvât accablée de dettes, et que
les coffres du roi aient été vides, chacun se composait des corps
d'exécutants. »
L'historien-philosophe qui a le mieux compris et fait revivre la
société française de 1600 à 1650, M. Cousin, éclaire ce point d'une
vive lumière : « Tout s'engoue de musique : princes et princesses
du sang royal, grands seigneurs et grandes dames, courtisans et sol-
dats, ecclésiastiques instruits et magistrats aimables, financiers, hom-
mes de lettres, bourgeois et bourgeoises, tantôt fort riches, tantôt
d'un rang inférieur, et touchant même au peuple, mais ayant encore des
goûts distingués et de la politesse. La musique tient le premier rang
des divertissements qui se mêlent à ceux de l'esprit ; elle préside, en
souveraine aux assemblées, à la galanterie, aux promenades aux
chasses, aux parties de plairir à la ville et à la campagne, et aux
diverses manières de s'amuser et de passer agréablement le temps
dans la bonne compagnie aristocratique et bourgeoise. » Et ailleurs:
h Sous Louis XIII, on n'était pas un peu honnête homme, au sens bien
connu de ce mot, si on ne donnait de temps en temps un concert
plus ou moins considérable. »
La musique est si bien l'engouement du jour et la marque de la
générosité du caractère ; elle est si profondément entrée dans les ha-
bitudes de l'élégance et du luxe, du high life, dirait-on aujourd'hui,
qu'au premier acte du Menteur, Dorante pour éblouir Alcippe et Phi-
liste de ses grandes façons d'agir, ne trouve rien de mieux :
Que de leur tout conter.
J'avais pris cinq bateaux pour mieux tout ajuster :
Les quatre contenaient quatre chœurs de musique
Capables de charmer le plus mélancolique.
Au premier, violons ; en l'autre, luths et voix ;
Des flûtes au troisième ; au dernier des hautbois,
Qui, tour à tour, dans l'air poussaient des harmonies
Dont on pouvait nommer les douceurs infinies.
On ne saurait plus royalement faire les choses. Aussi Philiste, saisi
d'admiration, ne peut-il que dire à Alcippe :
Quoi! sur l'eau, la musique et la collation [
Et Alcippe, non moins stupéfait, que répondre à Philiste :
Oui ! la collation avecque la musique!
De cette vogue, la satire populaire s'empare et se gaudit. Voulez-
vous connaître par le menu et voir se dresser en pied devant vous
les virtuoses du temps" Allez à la place Dauphine; allez écouter les
vieux pitres, les faiseurs de gaîté, les momus populaires, aux rires
larges, aux grosses naïvetés, aux paternelles niaiseries. Gautier Gar-
guille rencontre Turlupin « en l'autre monde » ; il lui donne des
nouvelles de sa chère ville; il lui annonce que l'on n'y peut plus
marcher à l'aise, non pas tant « à cause de l'embarras des charrois
et de la pédaille, que du trop grand ramassis de menestreurs, tria—
cleurs, barytonneurs, souffleurs de flûte et râcleurs de guitare. Tu
rirais à gueule-bée, ô mon ami! — ajoute-t-il — si tu voyais les
orgueilleux musiciens d'aujourd'hui , qui, d'un pas rnustafique, les
mains sur les costez comme pots à ances, desdaignent moustachi-
quement tout ce qu'ils rencontrent. Et qui pis est, de leur regard
louchant soubz un bran-bralant panache, ils font frémir Jupin, qui est
sur le point de leur céder son foudre et son aigle, pour avoir paix
envers eux, nonobstant qu'ils ne fassent peur qu'aux limaçons, mou-
ches et grenouilles. »
Est-elle trop violemment chargée cette caricature des musiciens
enrichis et vaniteux? Non: le trait, sans doute, est grossi; mais en •
la rapprochant d'autres esquisses tracées par des mains plus habiles,
on trouve bien des points de ressemblance.
Dans une lettre fort bien tournée, où elle raconte à une de ses
amies son voyage de Paris à Rouen, Mlle de Scudéry peint un autre
type de musicien, celui qui n'a pas fait fortune, qui ne peut aspirer,
hélas! au « bran-bralant panache, » et qui revient au pays, humble
de bourse, sinon de voix : « Quoique plusieurs personnes, dit-elle,
eussent contribué à son habillement, il ne lui en était pas plus pro-
pre. Son chapeau ayant, à ce que je crois, été autrefois à M. de
Saint-Rrisson, lieutenant de police, lui était trop large et lui tombait
sur le nez. Son collet ressemblait assez à un peignoir ; son pourpoint
était à grandes basques, et ses chausses approchaient fort de celles
des Suisses. Enfin, plus d'un siècle et plus d'une nation avaient eu
part à cet habit extraordinaire.:. Quoique plus incommode par sa
voix que le bruit des roues du coche, il voulait toujours chanter.
Nous en sortîmes fort honorablement , c'est-à-dire tambour battant
par sa voix. »
Les grands seigneurs hantent les musiciens et les comédiennes.
C'est le bel air que de « rauder le parterre en habit de Pantalon ».
Les musiciens vivent sans vergogne aux gages des grands seigneurs.
De ces relations serviles et de ces fréquentations hétéroclites ré-
sultent toutes sortes de scènes pitoyables. Les injures, les plaintes,
les hontes bues, les vengeances, les familiarités insultantes vont leur
train ; le bâton des laquais a beau jeu, et un soir, certain vicomte,
assistant à la représentation d'une pièce dans laquelle deux des per-
sonnages s'injurient, crie à l'un : « Ami, tu me fais pitié! Donne
seulement à ce rustre qui t'insulte quatre pistoles comme j'ai fait
tantôt, et sur ma parole tu en viendras à bout ! »
Gravement compromise et même arrêtée dans son développement
naturel par les agitations politiques et religieuses qui, depuis les Va-
lois, bouleversèrent la France, la musique est bien le reflet de l'é-
poque : style maniéré, expression diffuse, langueur prétentieuse,
mièvreries et finesses, avec des éclats et des explosions que rien n'ex-
plique. La musique vocale et la musique instrumentale se mêlent et
se confondent ; les madrigaux, les chansons à boire, tous les airs sont
écrits pour être chantés ou joués ad libitum. Le chant consiste en
une mélopée mesurée, sorte de récitatif envahi par l'appogiature,
le trille, les groupes, auxquels l'exécutant ajoute encore les brisés,
les flattés, etc. , et que coupent des fragments d'accompagnement plus
ou moins longs. Les duos se chantent à la tierce : éternel nocturne
qui berce, mais qui endort aussi! Les orchestres sont formés de
clavecins, de lyres ou grandes violes à treize cordes, de dessus de
viole, de harpes, de violons, de guitares, orgues, basses de viole,
trombones, flageolets, cornets, clairons, trompettes à sourdine et
autres. Pour l'exécution des charivaris, concertos burlesques fort en
vogue, des engins spéciaux renforcent, comme aujourd'hui, l'or-
chestre. Ce sont, entre autres, des « castagnettes, des fifres, d<3s sif-
flets, des musettes, des orgues de Perse, de petits rossignols de terre
pleins d'eau, et des saulnières de bois que les musiciens attachent
à leur ceinture et sur lesquelles ils battent avec des baguettes de
tambour et font des fredons, le tout extrêmement joli et qui donne
beaucoup de plaisir à ceux qui sont là. » O musique ! sublime joie
)>K PARIS.
259
de l'homme, langue amoureuse et universelle, que nous sommes éloi-
gnés encore des jours de voire complet épanouissement, et que votre
essor devra être puissant et hardi pour franchir en un siècle la dis-
tance énorme qui sépare ces « petits rossignols de terre » gazouillant
à voire aurore, des conceptions sublimes de Beethoven, de Mozart,
de Meyerbeer et de Rossini, vos grammairiens et vos poètes!
Sous l'influence des jésuites et des orateriens, ces « pères au beau
chant », la musique d'église oublie ses traditions palestriniennes. Les
messes s'affublent de vaudevilles; la chanson rit dans les motets;
le pont-neuf se change en cantique. On renchérit sur les tours de
force de Josquin Desprée, et les messes ad imilalionem modulorum :
Amour me bat; Baisez-moi; A l'ombre d'un buissonnet, Dites-moi
toutes vos pensées, etc., sont remplacées, sans souci de la dignité du
culte, par d'autres messes, dont l'étiquette porte : J'ai couru tous
ces bocages; Allons à Candie, allons ! Vides vos flacons; Quand
Madelon va seulette, etc. C'est ainsi que Grégoire de Nazianze et les
Pères avaient adapté les chants lithurgiques du paganisme aux prières
de la religion nouvelle, mais avec un prétexte qui n'existe plus au
xvii° siècle. Quelques gens de goût cependant réagissent contre ces
bouffonneries scandaleuses. Aux Minimes de la place Royale, au cou-
vent Sainte-Marie de Chaillot, dans d'autres communautés religieuses,
ils vont entendre de bonne musique et surtout un motet du « bon-
homme Formé », le nonne Deo subjecta erit anima, 'qui passe pour
le meilleur du temps. Le cardinal de Richelieu lui-même veut le
connaître. La musique du roi, venue exprès à Paris de Saint-Ger-
main, l'exécute deux fois de suite dans la chapelle du Palais-Royal.
Enthousiasmé — ce qui ne lui arrivait guère — le cardinal fait
servir aux musiciens un dîner magnifique et leur donne « dix mille
livres de l'argent du roi, par ung acquit patent. » Plus tard, en 1664,
on racontait l'anecdote à Louis XIV; et le grand roi, qui n'aimait pas
moins la musique que son père et que Richelieu, mais qui lui pré-
férait l'ordre dans les finances, répondait de son plus grand air :
« Cela était bien aisé dans ce temps-là, mais à présent cela ne se
fait plus. »
A bien observer le mouvement musical de cette époque, on se
demande à quelle impulsion il obéit; à sentir passer sur toute une
société ce souffle artistique, on cherche le foyer vivifiant qui le con-
centre et l'alimente. Dans les arts, quand il y a ensemble et cou-
rant, c'est qu'au fond il y a quelqu'un, un seul ou un petit nombre
qui tient la main, qui contient et qui dirige.
Ce chef d'orchestre qui pendant trente ans battit la mesure à la
France et ne s'occupa que de cela, confiant le soin des affaires de
l'Etat et des siennes à la glorieuse tyrannie patriotique de Richelieu,
ce musicien si profondément attaché à son art, on l'appelait alors :
le roi Louis treizième.
Em. Mathieu DE MONTER.
{La suite prochainement.)
LA SENORA ROSARIO ZÂPATER
ET
TJN AUTOGRAPHE DE MEYERBEER.
Lorsque la mort vint, il y a trois mois à peine, fermer les yeux de
l'illustre génie qui éleva l'art à des hauteurs inconnues jusqu'à lui,
une préoccupation spontanée, unique, s'empara de tous ceux qui sui-
vaient de loin ou de près ce grand deuil. Que deviendra l'Africaine?
Que deviendront ces œuvres échappées chaque jour de la plume du
compositeur infatigable pour qui le temps n'avait pas de limites et
qui avait fait du travail la condition essentielle de sa vie ? Hélas ! si
l'Africaine, cet objet de la sollicitude du maître à ses derniers mo-
ments et de l'attente universelle, devait voir le jour, tout ce qui
existait en dehors de cette dernière œuvre était condamné par sa
volonté suprême au néant du silence jusqu'au jour où une étincelle
de son génie musical le rallumant chez l'un de ses petits-fils, en fe-
rait le digne possesseur de ces précieux trésors laissés par son aïeul.
Ce ne furent pas seulement les œuvres publiées du grand homme
qui reçurent alors une nouvelle valeur, une nouvelle consécration,
celle de la postérité ; c'est à qui, parmi les heureux propriétaires de
témoignages dus à l'estime ou à l'amitié de Meyerbeer, se prit à
s'enorgueillir de ces inestimables autographes, à en proclamer les
beautés et à raconter les circonstances dans lesquelles ils avaient été
obtenus.
Nous n'avons donc pas été surpris de lire tout récemment dans un
journal de Madrid, la Libertad, les détails intéressants qui accom-
pagnèrent le don fait par Meyerbeer, deux mois avant sa mort, d'une
délicieuse composition à une jeune Espagnole, que son mérite ren-
dait d'ailleurs parfaitement digne de la gracieuseté du maître, et qui
n'est pas, au reste, une inconnue pour les lecteurs de la Gazette
musicale; nous voulons parler de Mlle Rosario Zapater.
Ils se rappelleront, peut-être en effet qu'un jour d'octobre 1861
apparut dans le salon de M. Georges Kastner, membre de l'Institut,
cette jeune fille qui comptait à peine dix-sept ans, douée par la
nature d'une voix merveilleuse, et chez laquelle une vocation innée,
irrésistible, avait déjà développé un talent qui ne se rencontre d'or-
dinaire que chez des cantatrices éprouvées. Les suffrages qu'elle
obtint d'un auditoire composé de sommités musibales et artistiques
ne furent considérés par elle que comme un encouragement à per-
fectionner les belles qualités dont elle venait de donner une preuve
si éclatante, et ce fut pour elle, si haut placée pour la pratiquer, que
la devise : Noblesse oblige, devint une vérité.
Aujourd'hui c'est le journal la Libertad qui se charge de nous
faire connaître les progrès accomplis par la senora Zapater.
Nous le laisserons donc parler :
« Tous les certes musicaux de Madrid connaissent l'amateur aussi
noble que distinguée qui s'appelle dona Rosario Zapater; tous ont pu
apprécier sa magnifique voix de soprano, et de plus un style et une
méthode qui lui donnent rang parmi les artistes de la réputation la
mieux établie.
» Ce n'est pas seulement à Madrid que s'est révélée notre jeune
et belle compatriote. Le séjour qu'elle fit à Paris avec sa famille
il y a quelques années, lui valut les éloges des maîtres de l'art et
entre autres de Rossini, qui, enthousiasmé de son chant, ajouta eoe-
pressément pour elle aux cavatines du Barbier et de Sémiramis, et lui
dédia, des ornements dans lesquels on ne sait qu'admirer le plus ou de
la difficulté d'exécution vaincue ou du pur style rossinien de l'inter-
prète.
» Mais la senora Zapater, artiste de cœur et de foi, ne se borne pas
à cultiver le chant; elle s'est depuis longtemps familiarisée avec la
langue du Dante, de Pétraque, de l'Arioste et du Tasse, et, inspirée par
les vers de ces admirables poètes, les prenant pour modèles, les étu-
diant sans cesse et les assimilant à son génie musical, elle marche
sur les traces de Felice Romani, de Piave et de Camaranno, et comme
eux elle écrit des livrets italiens dont nous ne sommes pas autorisés à
divulguer les titres, mais que quelques-unes de nos célébrités litté-
raires ont été à même, d'apprécier, et qu'elles ont jugés dignes des plus
grands éloges.
» Le talent de la senora Zapater avait attiré l'attention de l'auteur
de Robert le Diable et des Huguenots, et il s'était engagé à composer
un morceau pour son album, mais en y mettant la condition qu'elle lui
fournirait les paroles de l'air, qui devait d'ailleurs lui être dédié.
» Meyerbeer reçut les vers de notre compatriote, et il lui échappa,
après les avoir lus, des paroles aussi sympathiques au talent poétique
de celle qui les avait composés que flatteuses pour le pays qui l'a
vue naître.
• Nous serions bien ingrats si, à notre tour et comme Espagnols,
nous ne nous montrions pas reconnaissants envers l'auteur du Pardon
de Ploërmel de sa courtoisie; et quant à la valeur de la distinction dont
la senora Zapater a été l'objet de la part du compositeur qui a écrit
pour elle la musique de l'air : Il primo amore (c'est le titre de cette
poésie), on la comprendra quand on se rappellera combien Meyerbeer,
surtout dans ces derniers temps où sa santé déclinait déjà, se montrait
sobre de libéralités et d'hommages de ce genre.
» D'un autre côté, pour que nos lecteurs puissent juger par eux-
260
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mêmes du mérite des vers qui ont inspiré Meyerbeer, nous les trans-
crivonsjen entier :
II primo amore.
« Tu m' ami'.... qualc accento
Ch'empie il cor di ventura. . . di contenlo. »
« Ah! mio caro or che vuà Iddio
Che s'unisca al tuo mio core,
Jo t'el dono picn d'amore
D'innocenza c candor pien.
Palpilar per prima volta
Il sentii ... qui... nel mio petto,
In quell'ora, oh mio diletto !
Ch'io trovai in tè mio ben. »
Per tè fù il primier sospiro
Che fuggi all'amor primiero,
Fù per tè il primo pensiero
Che V amore mi svelo.
Ah! quel fuoco che nel seno
Nascondevasi possente,
A te... caro! fede ardente,
Per ognora H giuro.
« D'ignoii spasimi,
Di sguardi amanti,
D'amor gl'incanti
Goclei al fin.
Piacere insolito,
Senti mio petto,
Di puro affetto,
S'apri il cammin. »
« Mio cor in estasi,
Resta sospeso,
D'amor difeso
Più non sarà.
Non pub conoscere
Tanto gioire,
Cor che sentir e
L'amor non sa. »
» Tel est le texte expressif sur lequel la plume de Meyerbeer a brodé
l'une des plus suaves mélodies qu'il nous ait été donné d'entendre ;
tout ce que nous en pourrions dire ne serait rien en comparaison de
l'effet qu'elle produit, interprétée par la senora Rosario. Il y règne
un sentiment de poésie si élevé qu'on la dirait composée par l'auteur
sous l'influence du beau soleil d'Espagne, quand il brille au milieu de
l'azur de ce ciel qu'admirent tant tous les étrangers qui visitent pour
la première fois notre pays.
» Ajoutons qu'en envoyant à la senora Zapater un aussi précieux
autographe (car ce morceau, musique et paroles, est tout entier écrit
de la main de Meyerbeer), portant en toutes lettres qu'il a été com-
posé expressément pour notre jeune compatriote, le maître a poussé la
modestie au point d'accompagner son œuvre d'une copie faite par un
calligraphe « ne trouvant pas digne que l'auteur de pareils vers reçût
un brouillon écrit en caractères si peu intelligibles.
>> Or, ces caractères sont très-nets, sans aucune rature, et certes on
ne peut donner le nom de brouillon à la feuille sur laquelle est
tracé : Ce précieux joyau désormais incrusté dans la couronne artistique
de celle qui, ayant à peine franchi les limites de l'extrême jeunesse, se voit
destinée à des triomphes dont le moindre ne sera pas celui qui porte les ap-
plaudissements et les noms de Meyerbeer et de Rossini.
» Quant à nous, en même temps que nous félicitons la senora Ro-
sario Zapater, ne devons-nous pas nous enorgueillir de voir que des
génies qui sont la gloire du monde civilisé, n'ont pas dédaigné de payer
un juste tribut d'éloges et de sympathie à l'une dos filles de notre Es-
pagne, et ne devons-nous pas vivement regretter, comme nous le disions
dans l'article nécrologique écrit par nous sur le grand homme, que
l'impitoyable mort ne lui ait pas permis de mettre à exécution le pro-
jet qu'il avait formé dans les derniers moments de sa vie, de profiter
de l'achèvement des chemins de fer pour visiter Madrid , Séville et
Barcelone. J. 0. »
En reproduisant l'article qui précède, nous sommes heureux d'a-
voir été des premiers à rendre au talent de Mlle Zapater la justice
qu'il méritait, et d'avoir pressenti le bel avenir qui l'attendait. Nous
avons appris d'ailleurs depuis que cet article a été imprimé, que
Mlle Zapater a écrit les paroles de deux opéras italiens : Gli amanti
di Terruel et Covengonda.
Le premier a été mis en musique par un compositeur espagnol
de beaucoup d'avenir, don Aguire. Le journal la Razon de Espana
annonçait même, il y a quelque temps, que cet opéra serait repré-
senté à Valence l'hiver prochain. Le sujet en est fort intéressant et
très-dramatique, le style noble, élevé. L'auteur des paroles y a
ménagé des situations très-touchantes et très-propres à inspirer le
compositeur.
On dit au reste que Mlle Rosario Zapater se propose de faire un
voyage en Italie et de passer quelque temps à Milan. Espérons
qu'elle nous reviendra ensuite, ne fût-ce que pour quelques mois,
et que le public parisien connaîtra par elle-même les productions
des deux illustres maîtres qui ont patronné son talent et surtout II
primo amore, le Premier amour, qui fut comme l'adieu à la vie,
comme le chant du cygne de Meyerbeer !
LEO.
MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DE LÀ MUSIQUE.
(5* et dernier article) (1).
Sous Charlemagne, à la fin du vme siècle ou au commencement
du ixe, Leidrade, archevêque de Lyon, institua des écoles où les
clercs apprenaient à lire les évangiles et les épîtres (2) ; cela ne peut
s'entendre de la manière d'épeler et d'assembler les syllabes, mais
bien des intonations, de l'espèce de mélopée qu'on devait suivre dans
cette lecture. Eh bien ! ne serait-ce pas là aussi un reste de cet accent
latin, issu de l'accent grec, remontant même encore bien plus haut
jusqu'à l'accent indou, et qui, malgré sa dégénérescence, était encore
si musical dans la langue latine qu'il permettait aux orateurs d'avoir
auprès d'eux, pour les soutenir par moments, un joueur d'instrument?
J'ai observé, et il est facile de remarquer comme je l'ai fait, que,
dans la récitation notée des épîtres et des évangiles, lorsque le dia-
cre ou le sous-diacre débite beaucoup de mots sur le même ton, on
peut aisément confondre la voix musicale avec la voix simplement
orale, et que la première ne reprend sensiblement son caractère que
lorsque le son vient à changer. Ceci et ce que j'ai dit plus haut sur
le récitatif de certains opéras italiens, explique peut-être comment,
chez les anciens, on pouvait soutenir par intervalle, au moyen d'un
instrument de musique, non-seulement celui qui déclamait des vers,
mais aussi l'orateur à la tribune. Je n'ai ni la science ni l'autorité
nécessaire pour décider ces questions, mais je les rassemble, je les
rapproche, et j'attends de leur importance, de leur propre force
qu'elles fassent jaillir la vérité.
J'avais écrit ce qui précède, lorsque dans mes recherches j'ai
trouvé la notation de certaines intonations de la langue siamoise
qu'on dit être analogues à des intonations de l'ancien chinois. J'ai
comparé cette notation avec celle de notre récitation psalmodique,
avec les fragments qui nous restent de la musique grecque, dont
quelques-uns au moins ne sont, selon toute apparence, qu'une dé-
(1) Voir le n° 51 de l'année 1863 et les n°" 4, 5 et 30.
(2) Cours d'hist. moi., par M. Guizot, 1828, page 372. Laborde, Essai sur la
musique, t. I", page 110, notes.
DE PARIS.
261
clamalion notée, enfin avec ce qu'on nous dit de l'accentuation sans-
crite. On pense bien que je n'ai pas trouvé une entière identité en-
tre toutes ces récitations. En vérité, il serait plus que surprenant'
qu'à travers les révolutions, les changements des empires, les croi-
sements des races, l'accent du langage se fût maintenu intact depuis
deux mille ans environ avant l'ère chrétienne jusqu'à nos jours. Mais
si je n'ai pas trouvé entre ces récitations l'identité que je n'y pou-
vais chercher, j'ai reconnu entre elles certains points de contact
qui m'ont frappé. le prie d'observer que, dans ce qui va suivre, je
n'ai pu et je n'ai dû envisager que des généralités ; cela ressortait
de la question elle-même. Dans les exemples de récitations que je
viens de citer, on voit ordinairement la voix s'élever au commence-
ment des phrases et s'abaisser lorsqu'elles se terminent. Entre ces
deux termes, on trouve communément un assez grand nombre de
paroles débitées sur un ton uniforme, mélangé par intervalles de
quelques sons plus graves ou plus élevés. Cet accent sanscrit que
précède, nous dit-on, une note sourde, peut-il être plus fortement
marqué que dans certains passages des fragments de musique grecque
qui sont arrivés jusqu'à nous ? Enfin, il est une formule mélo-
dique, très-courte, se composant de trois notes qui semblent s'en-
rouler autour de la note qui les suit, et qui se retrouve, sauf peut-
être une différence dans la rapidité du mouvement, qui se retrouve,
dis-je, plusieurs fois dans la notation siamoise, dans les fragments
de musique grecque et dans notre récitation psalmodique. Chose bien
singulière, cette formule mélodique est encore employée dans notre
musique comme ornement du chant, sous le nom de petit groupe,
grupetto (1).
Je parlais tout à l'heure de paroles, en plus ou moins grand nom-
bre, débitées sur un ton uniforme, entremêlées par intervalles de
quelques sons plus graves ou plus élevés. Cette note plus souvent
employée, cette note dominante, se retrouve également dans tous
les chants de l'Église; elle est un des caractères qui servent à en dé-
terminer le mode. Ces chants, sous plusieurs rapports, peuvent, aussi
bien que la simple psalmodie, être comparés aux fragments que nous
possédons de la musique des anciens Grecs, cependant avec cette
différence, bien essentielle il est vrai, que dans nos chants religieux
on voit la mélodie proprement dite se dégager davantage des for-
mes seulement accentuées, et s'acheminer vers ce qu'elle est deve-
nue depuis dans ses plus beaux modèles. Cette dernière observation
et le fait qui y donne lieu sont, je crois, d'une très-grande impor-
tance.
Je reviens à ce que je disais plus haut relativement aux points de
contact très-remarquables que j'ai signalés entre la notation siamoise
déjà citée, l'accent sanscrit, les morceaux de l'ancienne musique
grecque qui nous restent et la manière dont nous récitons musicale-
ment nos psaumes, et j'ajoute qu'à mon avis, toutes ces coïnciden-
ces proviennent de ce que — quelles que soient les révolutions — les
générations sont toujours filles de celles qui les ont précédées, et de
ce que l'expression des sentiments du cœur de l'homme est une,
qu'elle porte certains caractères qui se retrouvent en tous lieux et
toujours, parce que cette expression est le fruit de son organisation,
qu'elle découle de sa nature. Les formes du langage peuvent varier
suivant les temps et les peuples ; l'acccent du cœur, le cri des pas-
sions, est le même partout.
J'ai pensé que ces rapprochements, s'ils ne pouvaient être pré-
sentés comme des preuves incontestables à l'appui de mes idées,
prêteraient au moins une certaine force à ce que je n'ai présenté que
sous forme de conjecture.
(1) L'auteur de l'ouvrage d'où j'ai extrait les intonations siamoises citées plus
haut, a si bien compris que la formule mélodique dont je viens de parler n'est
autre chose que notre grupelto, qu'il s'est servi pour l'indiquer d'un signe sem-
blable à celui que nous employons pour écrire en abrégé cet ornement du chant .
Je me résume. Les langues les plus anciennes, et elles appartien-
nent à l'Asie, étaient très-fortement accentuées. Leur accent a été
dans l'origine essentiellement musical. Les nuances de cet accent,
qui déterminaient la signification des mots, se sont multipliées à
mesure que de nouvelles sensations se produisaient, que les idées
se développaient et que le langage se diversifiait. Ces nuances, en
se multipliant, se sont de plus en plus rapprochées et conséquem-
ment sont devenues moins faciles à saisir. Alors on sentit le besoin
de les préciser au moyen de certains instruments de musique. De là
naquit une sorte de cantilènes du genre de celles nommées enhar-
moniques et qui sont attribuées à Olympe, le Mysien. Mais ces mélo-
pées, où dominaient les intervalles minimes, dites par les voix seules
et à raison de la difficulté de leurs intonations, étaient plutôt orales
ou prosaïques suivant l'expression d'un auteur grec (1), que vérita-
blement musicales; elles avaient perdu de leur première simplicité
de vocalisation et, par suite , de leur antique énergie. Cependant
l'instinct du chant inné chez l'homme, ce besoin de mélodie dans
l'expression de ses joies, de ses amours, de ses douleurs même,
qui lui est inhérent comme celui de la régularité du rhythme dans
ses mouvements habituels, firent plus tard écarter des nuances d'in-
tonation trop difficiles à saisir, et firent préférer un genre plus sim-
ple, le genre diatonique, d'où naissent des mélodies aux contours
plus précis, plus arrêtés, et qui domine encore dans notre musique
actuelle. Ainsi, notre art musical, aujourd'hui si puissamment déve-
loppé, trouve son origine, son germe dans le premier langage de
l'homme, dans l'expression de ses premières sensations, comme quel-
ques traits à peine saisissables deviennent sous une main habile le
point de départ de l'œuvre si correctement dessinée, si richement
colorée, si expressive du grand peintre. Ce premier langage de
l'homme fut, disent les auteurs, un chant perpétuel de l'âme; notre
musique est l'expression vive, animée de nos affections les plus dou-
ces, les plus chères, les plus profondes. Le Tout-Puissant, en nous
créant et en nous gratifiant du don de la parole, n'a pas voulu nous
accorder seulement un langage sec, aride, mais il nous a donné la
faculté de peindre pour ainsi dire par nos accents, tout ce qui tou-
che, émeut notre cœur. Si les oiseaux, si tous les animaux ont un
chant, tout au moins un cri pour faire connaître leur joie, leur ter-
reur, pour célébrer la saison de leurs matérielles amours, l'homme qui
a été formé à l'image divine, qui a reçu au front une émanation du
souffle créateur, auquel a été fait le don heureux et malheureux
d'une exquise sensibilité , en un mot, qui est né de la parole, du
verbe de Dieu, ne pouvait être privé d'un langage riche, animé, co-
loré, pour rendre ses sensations, pour exprimer au divin ouvrier sa
profonde reconnaissance, et pour chanter solennellement sa gloire et
sa toute-puissance.
D. BEAULIEU.
NOUVELLES.
J'i Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi Giselle et deux actes
du Trouvère; S. M. le roi des Belges assistait à la représentation. —
Mercredi, les Huguenots ont vu reparaître Faure, toujours admirable dans
le rôle de Nevers. — Vendredi, on a joué le Comte Ory et le ballet de
Nemea.
*% Pendant la représentation à laquelle il a assisté à l'Opéra, ainsi
que nous l'avons dit, S. M. le roi des Belges a fait appeler M. Auber
et s'est entretenu avec lui avec beaucoup de cordialité. Le roi des
Belges connaît M. Auber et le tient en très-haute estime. Il lui a déjà
témoigné à plusieurs reprises le grand cas qu'il fait de son caractère
et de son talent.
*** A l'occasion de la fête du la août, des représentations gratuites
seront données sur tous les théâtres encore ouverts à Paris. La repré-
sentation de l'Opéra se composera de Guillaume Tell, d'un pas dansé
(1) M. Vincent, manus. grec, page 22.
262
REVLE BT GAZETTE MUSICALE
par Mlle Mouravieff et d'une cantate dont M. L. Ilalévy a écrit les pa-
roles et SI. Duprato composé la musique.
,** La direction du théâtre impérial de l'Opéra-Comique espère tou-
jours voir ses travaux de réparation terminés pour le 23. L'intérieur
de la salle recevra, ainsi que nous l'avons dit, une décoration complète-
ment neuve et trf -riche. On substitue la couleur rouge, comme étant
décidément la plus avantageuse aux toilettes des femmes, à la couleur
verte qui tapissait le fond des loges. — Outre les ouvrages à l'étude dont
nous avons donné la note dernièrement, on doit mettre en répétition
au mois de septembre un nouvel opéra de MM. T. Sauvage et Semet,
qui a pour titre Pulcinella. Enfin nous savons que M. de Leuven s'oc-
cupe de nous rendre l'Etoile du Nord et le Pardon de Ploérmel.
*** La direction du théâtre Lyrique impérial s'occupe avec une
grande activité des préparatifs de sa saison prochaine, dont la réou-
verture se fera le 1CT septembre, très-probablement, par la Reine Topaze.
Peu de temps après viendra Martha, dont les études sont fort avancées,
et l'Alcade; Mlle Nielson débutera ensuite dans la Tramata, et il est
question d'un ouvrage nouveau que M. Victor Massé écrirait pour
Mme Carvalho, laquelle se repose en ce moment à Dieppe après avoir
si brillamment clos la saison de Covent-Garden à Londres par l'Etoile
du Nord.
*% On annonce l'engagement de Mme Talvo-Bedogni au théâtre im-
périal italien.
*% Il est question, au théâtre du Vaudeville, de profiter de la liberté
des théâtres pour y représenter le Devin du village. L'opéra de J.-J. Rous-
seau serait orchestrée entièrement à nouveau par M. Jules Cadaux, et
interprété par trois élèves du Conservatoire, lauréats du dernier con-
cours, MM. Troy et Roy, et Mlle Laporte.
»*„Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des théâ-
tres secondaires, concerts, spectacles concerts, etc., se sont élevées,
pendant le mois de juillet, à 795,743 fr. 08 c.
*** S. Exe. le ministre de la maison de l'Empereur vient d'adresser
à M. H. Berlioz la lettre qui suit :
« Paris, 12 août 1864.
» Monsieur,
» L'Empereur vient de vous nommer officier de la Légion d'honneur.
C'est avec un véritable plaisir que j'annonce cette nouvelle à l'intelli-
gent compositeur et au savant critique qui a tant fait pour l'art mu-
sical.
» Signé: Maréchal Vaillant. »
«*„ De grandes fêtes auront lieu à Versailles pour l'arrivée du roi
d'Espagne. On y représentera, entre autres, le divertissement de Psyché,
avec une mise en scène qui rappellera celle du temps de Louis XIV, et
l'addition d'un ballet nouveau par les artistes de l'Opéra. L'intermède
de danse sera complété par le pas de Giselle que dansera Mlle Moura-
vieff au troisième acte, et par le ballet des saisons emprunté aux Vê-
pres siciliennes. La salle sera éclairée par 1,200 becs de gaz et 2,000
bougies.
,% M. Jaime fils, auteur des paroles de plusieurs opérettes, annonce
dans une lettre adressée aux journaux, qu'il entreprend à l'aide de ca-
pitaux anglais la construction, sur le boulevard de Belleville, d'un théâ-
tre qui contiendra trois mille places, et où seront représentés les chefs-
d'œuvre du théâtre anglais ancien et moderne. Il ne serait dérogé à ce
programme qu'une fois chaque année au 15 août. Ce jour-là M. Jaime
ferait représenter un drame français en trois ou cinq actes d'un auteur
complètement inconnu, et paierait sur les recettes 15 0/0 de droit
d'auteur.
**» Le directeur du nouveau théâtre Saint-Germain s'occupe avec une
activité croissante de l'ouverture prochaine de sa salle, qui reste fixée
au 15 septembre. Au nombre des artistes qu'il a engagés récemment
on cite M. Laglaize, ténor qui s'est fait une réputation à Florence;
Mlle Mezerai et M. Albert Julien, tous deux fort applaudis au théâtre
de Bruxelles; Marchand, des Bouffes-Parisiens, et Falchieri, baryton
qu'on a entendu récemment à la Porte-Saint-Martin dans le Barbier.
„% Roger et Mlle Wertheimber sont engagés pour chanter au pro-
chain festival de Troyes.
„*„ Dimanche dernier une grande fête orphéonique a eu lieu à Pan-
tin. Cinquante-huit sociétés s'y étaient rendues. Les prix consistaient
en nombreuses médailles d'or et en une couronne, également d'or,
d'une valeur de £00 francs, donnée par la commune ; elle a été ga-
gnée par la Société de l'Odéon.
*% Adelina Patti est en ce moment à Boulogne-sur-Mer, où elle res-
tera jusqu'au jour du festival de Birmingham. Sa sœur Carlo tta a quitté
cette résidence pour retourner à Londres. Leur frère Carlo Patti, qui
était à Paris ces jours-ci, est parti pour Bruxelles, où il va perfection-
ner ses études dans l'art du violon, sous la direction et avec les leçons
de Léonard.
*% Le président de la Société philharmonique de Boulogne sur-Mer
était à Paris ces jours-ci pour compléter le personnel du concert ex-
traordinaire que la Société organise pour le 24 août; ce concert sur-
passera en éclat tous ceux qu'elle a donnés jusqu'à ce jour. Le ténor
Baragli et Adelina Patti doivent y chanter le duo de Don Pasquale, et
la jeune et célèbre cantatrice dira en outre l'air final de l'Etoile du
Nord avec les deux flûtes obligées, et le rondo de la Sonnambula.
*** Franz Liszt vient d'envoyer 100 ducats à la Société de secours
pour les artistes hongrois, et il a en même temps exprimé le désir d'en
faire partie.
„** L'auteur de la Péri, Vittor Pisani, est à Paris où il vient de ter-
miner la musique d'un opéra nouveau en quatre actes : Rebecca, , dont
le poëte Piave a écrit les paroles.
a,** Le Petit traité d'instrumentation à l'usage des jeunes compositeurs,
de M. A. Ehvart, a paru cette semaine. Nous rendrons compte de cet
ouvrage de l'auteur du Manuel des aspirants aux grades de chefs de mu-
sique de l'armée.
3% Nous rappelons à nos lecteurs la souscription organisée à Dijon
pour élever un monument à Rameau. Le conseil général de la Côte-
d'Or a voté dernièrement une somme de 1,000 francs pour cette hono-
rable entreprise; MAI. Auber, Georges Kastner, membres de l'Institut,
ont voulu être des premiers à souscrire, et le comité a tout lieu de
compter sur l'appui du ministère d'Etat. Tous ceux qui cultivent l'art
musical voudront prendre part à cet hommage rendu au grand musi-
cien français.— Le trésorier général de l'œuvre est M. Bry-d'Arcy, ins-
pecteur des forêts, rue Chabot-Charny, 26, à Dijon, et la souscription
est ouverte chez MM. Retté et C" (magasin Brandus), 103, rue de
Richelieu.
,*« L'Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de
Rouen vient de nommer président pour l'année académique 1864-1865,
M. Amédée Mereaux, et pour son vice-président, M. Auguste Lévy. Ces
choix ont reçu l'approbation générale. L'Académie met au concours
divers prix pour les années 1865-66 et 67. Le sujet de ce dernier est :
« Les origines du théâtre à Rouen et son histoire jusqu'à Pierre Cor-
neille. » Elle décerne, en outre, chaque année, des médailles aux au-
teurs nés ou domiciliés en Normandie qui se sont distingués dans les
sciences, les lettres et les arts.
»%. Louis Engel, réminent professeur d'harmonium de Londres, est à
Paris ; il va s'y reposer quelques instants de ses travaux de la saison.
On se rappelle que tout récemment Louis Engel a été accueilli avec la
plus grande faveur par les cours de Madrid et de Vienne. Parmi ses
dernières compositions, on cite un charmant morceau de chant, Irène,
interprété de la façon la plus remarquable par Mme Sainton-Dolby, et
dont le succès a été si grand qu'en cinq semaines le premier tirage a
été épuisé; une seconde édition du même morceau en deux tons diffé-
rents a été publiée de suite.
„*,, Tamberlick est arrivé à Madrid. Poliuto sera sa pièce de début au
théâtre Rossini; après quoi il chantera Otello. Une représentation du
chef-d'œuvre de Rossini venait d'avoir lieu avec Mongini, Vidal et
Mme Spezzia. Le succès avait été grand.
*** La troupe du théâtre italien de Nice pour la prochaine saison est
à peu près complète. Voici les noms des artistes engagés : ténors, Vil-
lani et Cantoni; barytons, Capelli et Rota; première basse, Segri Se-
garra; basse comique, Ronconi ; soprani, Mmes Judith Beltramelli, Be-
nedittina Grosso, Mersan-Ferruggi ; contralti, Mmes Olympia Beltramelli
et Emilia Grossi; comprimarii, MM. Angiolini et Grossi, Mme Angiolini.
#% Nous avons donné dernièrement quelques détails sur Deauville,
la ville nouvelle qui s'élève comme par enchantement en face de Trou-
ville, et qui semble destinée à devenir pour la France ce que sont
Brighton ou Cheltenham pour l'Angleterre. On nous écrit que depuis
trois jours une foule nombreuse y arrive pour les courses qui doivent
inaugurer définitivement aujourd'hui dimanche la nouvelle plage, et
que la fête sera des plus brillantes. La part de la bienfaisance y sera
largement faite par un magnifique bal donné au bénéfice des pauvres
sous le patronage de Mmes de Morny, de Metternich, de Barbantane,
Dalloz, miss Oliffe, etc. En même temps sera inauguré le Casino, com-
plètement terminé, et qui recevra Desgranges et son vaillant orchestre.
Déjà, depuis une dizaine de jours on avait pu le voir à l'œuvre dans
les jardins et sur la terrasse qui regarde la plage, et chaque concert
attirait en grand nombre les gracieuses habitantes non-seulement de
Deauville, mais aussi les jolies baigneuses de Trouville. L'auditoire re-
trouvait dans le répertoire varié et choisi de Desgranges ses airs fa-
voris, et applaudissait chaleureusement à l'ensemble et à l'entrain avec
lequel ils étaient rendus. Il est vrai que l'habile chef d'orchestre a été
fort heureux dans la réunion de son personnel qui compte d'excellents
artistes: aussi a-t-il reçu à maintes reprises les compliments de Félicien
David qui, pendant les quelques jours qu'il a passés à Trouville, se
montrait un de ses auditeurs les plus assidus.
„*» On nous écrit d'Ems : « Après le grand succès d'Offenbach, il y
a encore eu place pour celui très-franc et très-légitime de l'opéra de
MM. Deforges et Laurencin, dont M. L. Deffès a composé la musique.
La Boite à surprises, tel en est le titre, est une pièce très-amusante dans
laquelle se succèdent des aventures impossibles, et qui provoquent le
rire depuis le commencement jusqu'à la fin. M. Deffès, dans le Café du roi
DE PARIS.
263
et les Bourguignonnes, qui n'ont pas été moins applaudis à Paris qu'ici,
n'a pas mis moins de talent dans sa nouvelle œuvre que dans ses aî-
nées. La musique de la Boite à surprises est très-originale, vive et sur-
tout mélodique. Comme cet opéra sera certainement représenté cet
hiver a Parts, je n'entrerai pas dans l'analyse de la partition, mais je
vous dirai qu'une ronde provençale très-colorée, un trio dans lequel se
trouve urm jolie phrase : Oui, c'est là tout h mystère, l'air de basse de
Guyot, les couplets à deux voix : L'avez-vous vue? le rondo : Une femme
que l'on emballe, et enfin, le quintette final, sont des morceaux de tout
point fort bien réussis et qui ont provoqué des applaudissements uni-
versels. Ajoutons qu'ils ont été chantés délicieusement par Mlle Taffa-
nel, MM. Désiré, Guyot et Pelva. — Mardi nous en aurons la deuxième
représentation, et samedi, pour la clôture de la saison théâtrale, le
public a demandé avec instances Lischen et Fritschen et M. Choufleury
restera chez lui. »
*** On nous écrit de Bade que la Fleur de lotus, opéra de M. Jules
Barbier et Prosper Pascal, vient d'y être représenté avec succès par
Mme Faure-Lefèvre, Jourdan, Sainte-Foy et Jules Petit. M. Pascal a
soutenu, sinon surpassé, dans cette nouvelle œuvre, la réputation qu'il
s'était faite avec le Cabaret des amours, et l'on a remarqué et fort lé-
gitimement applaudi l'air de Mme Faure, celui de Jourdan, leur grand
duo, les couplets de Sainte-Foy et le grand air de Jules Petit, qui con-
tiennent des mélodies originales et dont l'harmonie est traitée avec un
grand soin et beaucoup de science. — On avait donné quelquos jours avant
le Déserteur et Joconde. Raynal, Legrand, Mlle Tillemont, Mlle Henrion,
Sainte-Foy, M. Jules Petit, Mlle Giraldine, Mme Numa Blanc, Mme Faure-
Lefebvre, celle-ci surtout, et en premier lieu, ont été les interprètes
applaudis de ces deux anciens chefs-d'œuvre. — Dimanche dernier la
première représentation d'un opéra-comique en un acte : le Rouet, par-
tition de Mme la vicomtesse de Grandval, a été accueillie très-favora-
blement.
**i Le plus grand attrait que Paris offrira cette année aux étrangers
et aux touristes qui viendront le visiter, sera sans contredit la grande
fête nationale et militaire qui aura lieu au pré Catelan aujourd'hui di-
manche l 'i août. Pour rehausser l'éclat de cette importante solennité,
Son Exe. le maréchal Magnan a daigné accorder le concours des mu-
siques du premier corps d'armée. Ce sera un de ces spectacles merveilleux
que vainement on demanderait aux autres capitales de l'Europe et que
seul le baron Taylor pouvait organiser. Réunies au remarquable or-
chestre de symphonie que dirige avec un Valent aussi solide que dis-
tingué M. Forestier, l'un de nos grands artistes, les musiques militaires
formeront une harmonieuse phalange qui ne comptera pas moins de
mille exécutants. Pour couronner ce festival donné au bénéfice de
l'Association des artistes musiciens, les musiques de la ligne, ayant à
leur tête tous les tambours et clairons sous les ordres d'un tambour-
major en grande tenue, et flanquées par les fanfares des chasseurs à
pied, exécuteront, en suivant les allées sinueuses de l'immense pelouse
du pré Catelan, une nouvelle retraite de la ligne, spécialement com-
posée pour cette fête nationale.
„** Demain lundi, jour de la fête de l'Empereur, un grand concert
extraordinaire sera donné au concert des Champs-Elysées. La première
partie du concert aura lieu de 7 heures 1/2 à 8 heures 1/2, avant le feu
d'artifice, et la deuxième partie se jouera de 9 heures 1/2 a 10 heures 1/2.
Les personnes qui craignent les grandes foules qu'engendrent toujours
les fêtes publiques, trouveront chez M. de Besselièvre un abri sûr, frais
et agréable. Le programme du concert sera un des plus beaux de la
saison.
*** Une nouvelle qui paraît malheureusement se confirmer, s'est ré-
pandue depuis quelques jours. Le critique musical de la Revue des Deux
Mondes, M. Scudo, serait atteint d'une affection cérébrale fort grave.
Les amis de M. Scudo avaient remarqué chez lui, dans ces derniers
temps, une certaine exaltation qui frappait tout le monde et qui leur
donnait de l'inquiétude.
*** Luigi Marchionni, frère de la célèbre comédienne Carlotta Mar-
chionni, et qui fut lui-même un acteur distingué, vient de mourir à
Naples. Il a traduit un grand nombre de pièces françaises, et il était
l'auteur des livrets de Belisario et de YEsule di Roma, dont la musique
a été composée par Donizetti.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
„.*„. Bordeaux. — L'annonce de la reprise des représentations d'opéra
a ramené le public au Grand-Théâtre. Il y avait foule aux Dragons de
Villars. Mlle Lacombe, qui, quelques années auparavant, y avait créé
avec tant de succès le rôle de Rose Friquet, y reparaissait. Elle n'y a
pas été moins applaudie que dans l'origine; on l'a rappelée avec ac-
clamation à !a fin de la pièce, et le charmant opéra de Maillard a fait
le plus graud plaisir. — Pvous avons toujours les Bouffes-Parisiens de
Paris; ils ont donné en dernier lieu, avec un succès de fou rire, les
Deux vieilles gardes, et successivement les Petits Prodiges, la Chanson de
Fortunio, le Mari à la porte et la Chatte métamorphosée en femme.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
**„, Londres. — On annonce pour le commencement d'octobre l'inau-
guration de l'opéra anglais au théâtre de Covent-Garden ; il est question
d'y représenter le Prophète de Meyerbeer, traduit en anglais. — M. Ma-
pleson entreprend avec les principaux artistes qui ont brillé pendant la
saison passée à son théâtre, une tournée en province, où il fera repré-
senter plusieurs ouvrages de son répertoire. — M. Mellon, dont les
concerts ont commencé, a engagé, outre Mlle Patti, Marie Krebs (1) et
M. Lévy, un artiste oriental, Ali Ben Soualle, qui se fera entendre sur
un nouvel instrument nommé le turcophone. — Arban est également
engagé, ainsi que le violoniste Carolus, le violoncelle Paque, etc., etc.
— Quoique l'offre de « testimonial » ou témoignages de satisfaction et
d'estime envers les artistes dégénère depuis quelque temps en manie à
Londres, on ne peut cependant qu'approuver cet usage quand il s'ap-
plique à des hommes qui en sont vraiment dignes par leur talent et leur
réputation. Aussi a-t-on accueilli avec la plus grande faveur le projet
formé par les nombreux élèves de Benedict d'ouvrir pour l'année pro-
chaine — la treizième de son séjour à Londres — une grande souscrip-
tion dont le produit sera consacré à lui présenter un « testimonial »
auquel personne n'a plus de droits que lui et comme grand compositeur
et comme gentleman.
t*# Mayenee.: — Mme Viard-Louis (veuve du compositeur et violo-
niste JN. Louis) vient de donner un concert où, notamment dans l'exé-
cution des morceaux de musique classique, elle a obtenu un succès
très-mérité.
„,** Stuttgart. — Pendant l'année théâtrale, interrompue par la clô-
ture de l'Opéra de la cour à la mort du roi de "Wurtemberg, on a
donné 204 représentations, parmi lesquelles figurent 85 opéras. Les
compositeurs français y comptent pour 10 ouvrages, dont 4 d'Auber,
1 d'Adam, dTlalévy, de Mehul, de Boiëldieu, de Gretry et de Gounod.
Les compositeurs allemands s'y sont trouvés partagés ainsi : Meyer-
beer, U ouvrages, Mozart, 3; Weber, 3; Gluck, 1; Nicolai 1, et de Flo-
tow, 2.
„,** Kreuznach. — Notre saison des eaux est fort animée cette année.
A défaut d'un théâtre et de salle de jeu, ce sont les concerts qui at-
tirent la nombreuse société réunie ici. Le violoniste Auer, dont le ta-
lent a été si apprécié à Paris ; le chanteur Th. Formés , le pianiste
Tausch, et Max Wolff, violoniste de mérite, ont surtout le ;privilége
d'attirer la foule. Les frères Wieniawski sont attendus. Mme Clauss-
Szarvady est arrivée, et l'on regrette généralement qu'on n'ait pas en-
core eu l'occasion d'applaudir la célèbre pianiste.
a** Berlin. — Mlle Santer a débuté avec succès dans le rôle de Rezia
à'Oberon, qui a inauguré les représentations lyriques à la réouverture
de l'Opéra royal.
a** Vienne. — Le ténor Wachtel a fait sa rentrée dans la Muette de
Porliei d'une façon fort malheureuse pour lui. Pris tout à coup d'un
enrouement très-violent, il a dû interrompre son rôle au commence-
ment du troisième acte, et la représentation n'a pu finir.
(1) Dans notre dernier article Londres, son nom, par suite d'une faute d'im-
pression, a été écrit : Marie Krils.
Le Directeur : S. DUFOUK.
En vente chez J. TRESSE, galerie de Chartres, 2 et 5, Palais-Royal.
MEYERBEER
Notes biographiques
Par ARTHUR POUGIN
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50, rue Saint-Georges, à Paris.
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* &
Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Auteur du système d'organisation et fournisseur breveté de la musique des Guides et des autres régiments
de la Garde impériale. — Inventeur des instruments à pavillon tournant, des instruments à six pistons in-
dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc. /fiS^
Tout les instrument! portent le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^,
le numéro d'ordre de l'intfrument et le poinçon ci-après : |£\*\/
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Saxophone
alto BD bémol.
Extraits des «apports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851, 1855
et 1862, relatifs anx Saxophones (BREVET DE 184G).
m Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » (Exposit. 4851.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se joue avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer au pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la "famille des saxophones révèle des faits de haute importance; car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme? Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions- tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès; celui-ci, au contraire, e<<t né d'hier; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges a donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » (Exposit. 4855.)
m M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jurv a également apprécié la pureté et la juslesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » (Exposit. IS62.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, «OO fr.— Sasojilione ténor, «<SS fr.— Saxophone alto, ««5 fr. — Saxophone baryton, «5© fr.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de 6 pour 100 sur les prix.
Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Sax, consulter la notice qui se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
PAB1S. — I.UPBIUEBIE CE5TBAIE DE NAPOIÉON CHA1X ET Cc, BUE BEBGEBE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
W 54.
21 Août 1801
ON S'ABONNE :
Dans les Déporlements et à l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Librairet
et ûui Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 T. par ai
Départements, Belgique et Suisse.... 30 « id.
Étranger • ■ ■ 34 m id.
le Journal paraît le Dimanche.
ET
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Représentation de gala à l'Opéra le 18 août 1864. — La musi-
que à la cour et à la ville, sous le règne de Louis XIII (2e article), par Ma-
thieu de Monter. — Audition d'orgue et de chant donnée par M. et Mme
Lemmens, par Louis Roger, — Revue critique. — Revue des théâtres,
par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
REPRÉSENTATION DE GALA A L'OPÉRA
Le 18 août 1SG4.
La représentation de gala que l'Empereur vient d'offrir au roi
d'Espagne comptera dans les fastes de l'Académie impériale de mu-
sique et de danse. Vers huit heures une foule empressée attendait le
passage de Leurs Majestés, dont le parcours n'a été qu'une longue
ovation. Les abords de la rue le Peletier étaient illuminés et avaient
conservé leurs drapeaux comme si Paris eût été jaloux de s'associer
à la courtoise hospitalité de l'Empereur envers un hôte auguste.
L'Opéra ruisselant de lumières attendait ses illustres visiteurs, qui
sont arrivés à 9 heures moins quelques minutes.
En même temps que Leurs Majestés descendaient de voiture, le
personnel diplomatique en grand uniforme montait derrière Elles les
marches de l'Opéra, et l'effet de ce cortège était merveilleux.
Leurs Majestés, reçues à l'entrée ordinaire par M. Perrin, direc-
teur de l'Opéra, et par M. Gulliet, secrétaire de l'administration, ont
traversé, entre deux haies de fleurs, le péristyle converti en vérita-
ble jardin, et ont gagné, par l'escalier de droite, jonché de bouquets
à chaque extrémité des marches, la loge qui avait été spécialement
construite pour Elles au milieu de l'amphithéâtre. Six rangs de lo-
ges et plusieurs rangs de stalles avaient dû être sacrifiés; mais l'in-
novation avait été si habile, qu'il semblait que la loge impériale eût
toujours existé à cette place, et les cris de Vive l'Empereur! allaient
plus largement à leur adresse.
Tous les regards se tournaient vers cette loge qui, faite d'un dais
de velours rouge orné de crépines d'or, était vraiment resplendis-
sante. Sa Majesté Catholique était placée entre l'Empereur, qui avait
à sa gauche la princesse Mathilde, et l'Impératrice, qui avait à sa
droite le prince Murât. L'Empereur portait le collier de la Toison-
d'Or, et le roi d'Espagne le grand cordon de la Légion d'honneur.
L'Impératrice, superbement coiffée d'un diadème de pierreries,
était éblouissante de grâce et de beauté. Derrière ces augustes per-
sonnages se trouvaient les grands officiers de service. Au-devant de
la loge impériale étaient les personnes de la maison de l'Empereur
et de la maison du roi d'Espagne.
La loge impériale ordinaire était occupée par la famille particu-
lière de l'Empereur ; on y admirait la comtesse Rudpoli et les prin-
cesses de Canino, adorablement jolies.
Le personnel diplomatique étincelait dans le rang de loges à
droite de Leurs Majestés, les ministres et les grands officiers, non de
service, constellaient les loges de gauche ; l'orchestre avait été ré-
servé aux sénateurs et aux députés. L'éclat des uniformes était tel
qu'il eût fait pâlir, en toute autre circonstance, la toilette des dames;
elles avaient heureusement des diamants pour se défendre. Mme la
princesse de Metternich, seule _ de femme dans la loge des chefs de
mission, attirait tous les regards. Mme la duchesse de Morny, Mme
la duchesse de Fernan-Nunez, Mme de Pourtalès, et bien d'autres
grands noms de beauté, complétaient cette féerie des yeux.
Des lustres chargés de bougies rehaussaient l'éclairage ordinaire de
l'Opéra ; le foyer avait été coupé en deux, de façon à faire un sa-
lon de repos pour Leurs Majestés ; des deux côtés de la loge impé-
riale et des deux côtés de la scène se tenaient deux cent-gardes,
dont le magnifique uniforme s'harmonisait avec toutes ces somp-
tuosités.
On jouait le ballet de Néméa. Leurs Majestés ont souvent daigné
donner le signal des applaudissements. Vers 11 heures cette impo-
sante représentation était terminée , et Leurs Majestés retrouvaient
au départ les acclamations respectueiues et sympathiques qui les
avaient accueillies à l'arrivée.
266
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
LA MUSIQUE A LA COUR ET A LA VILLE,
Sons le règne de Louis XIII.
(2e article) (1).
II.
J'ai vu à Fontainebleau un portrait de Louis XIII, par Philippe de
Champagne. Ce portrait fut peint dans les dernières années de la vie
du roi, ruiné, exterminé par celte médecine implacable du temps
qui, en s'acharnant à chasser les humeurs, chassait la vie. Pour con-
clure de la physionomie au caractère, l'histoire, depuis M. Bazin
jusqu'à M. Michelet, s'est beaucoup trop attachée à cette peinture :
longue figure brune et sèche , aux moustaches noires et minces,
qui n'a rien d'Henri IV, rien de Marie de Médicis, mais qui a tout
d'un Orsini, disaient les Espagnols, ou d'un prince italien de la dé-
cadence. Adressez-vous aux contemporains, consultez leur témoi-
gnage, celui de Jean Hérouard entre autres, médecin du roi, et qui
a noté sa vie heure par heure, rapprochez ces renseignements au-
thentiques, et au lieu de cet étrange et mystérieux souverain que la
fatalité semble marquer au front, vous vous trouverez en présence
d'un prince né pour la retraite plutôt que pour le trône, et n'ayant
qu'une pensée dominante, et cela depuis sa plus tendre enfance jus-
qu'à l'heure de sa mort : — composer de la musique, faire de la
musique, entendre de la musique. Ce point admis, voici que tout se
tient, tout se coordonne, tout s'explique dans cette nature si diver-
sement interprétée. Que l'histoire ait assigné d'autres raisons à l'in-
dolence ou à l'incapacité gouvernementale de Louis XIII, je le com-
prends : sa majesté l'enchaîne au rivage politique. L'histoire musi-
cale elle, n'a pas de ces scrupules; elle ne saurait se borner à
dresser, comme sa grande sœur, la nomenclature des ballets écrits,
réglés et dansés par le roi, des chansons ou des airs composés par
lui et dont quelques-uns se retrouvent dans les œuvres du P. Mer-
senne et de Kircher, et dans des collections particulières.
Louis naît au mois de septembre 1601 « sous le signe de la Ba-
lance , qui comporte la notion de justesse et <f harmonie. » L'astro-
logie judiciaire, très en faveur à la cour, commente cet horoscope,
et — admirez un peu la coïncidence ! — l'enfant royal , qui sera
musicien, est baptisé Louis le Juste, par les devins et par les sages
du Louvre , bien avant que Richelieu ne trouve dans l'affaire du
gouverneur de Fougères l'occasion précieuse d'imposer ce surnom
au peuple, qui commence déjà à dire ; Louis le Bègue.
A neuf ans, il vient à la couronne. Beau, bien fait , très-réfléchi
déjà « en ce temps-là, — nous dit Bassompierre, — il passait tout
son temps à chanter et à jouer des instruments, à quoi il réussissait
fort bien. » Mme de Motteville, en plusieurs endroits de ses mémoi-
res, revient « sur la grande adresse et le talent particulier que le roi
avait pour la musique. » A seize ans, ses goûts n'avaient pas changé,
et Bassompierre dit encore : « Un jour que je le louais de ce que
n'ayant jamais été montré à chanter et à jouer de tous les instru-
ments, il y réussissait mieux que les autres, il me dit : « Il faudra
> que j'apprenne encore à jouer du cor de chasse, et je veux être
s tout un jour à sonner. »
Le soir, quand ses lecteurs lui lisent les vieilles chroniques, il
écoute d'un air distrait et ennuyé ; mais qu'il s'agisse de David, de
Charlemagne ou d'un roi dont les loisirs aient été consacrés à la mu-
sique, et son attention se réveille. Robert II qui, revêtu de ses ha-
bits royaux, couronne en tête, quittait les camps pour venir diriger
le chœur aux matines de l'abbaye de Saict-Denis, et qui notait des
proses, des antiphones et des hymnes; Jacques d'Ecosse, le plus ha-
(1) Voir le n° 33.
bile virtuose de son temps ; Maximilien d'Allemagne qui touchait des
orgues ; Thibaut, comte de Champagne, Robert d'Anjou, roi de Naples,
et René d'Anjou, roi de Sicile, Abdérame Ier, calife de Cordoue,
Henri III, tous ces amis du « gay sçavoir, » ; Charles IX qui chantait
au lutrin et protégeait les chantres, voilà les souverains qu'il chérit
et dont la renommée l'attire . Rêveur, taciturne, faisant de son talent
le Pylade métaphysique et imaginaire d'un Oreste vivant et ténébreux,
il sait sourire cependant lorsqu'on lui rapporte que son père Henri IV
chantait de sa belle voix de basse, en traversant les galeries du Lou-
vre, et que sa tante avait appris le pas d'un ballet au grave Sully
lui-même. Rien de cela ne lui échappe. Bien plus tard, lorsqu'il lui
prendra la fantaisie de faire figurer douze conseillers au Parlement
dans un ballet de sa composition, et que le marquis de Rosny ne ju-
gera pas de sa dignité de gentilhomme de danser avec des «robins, »
et déclinera l'invitation, le roi s'en plaindra à Sully, son père, en lui
rappelant le trait de la sœur d'Henri IV. « Mon fils a des enfants, ré-
pondra Sully ; il n'est plus d'âge à prendre rôle dans une mascarade. »
Et le roi : « Je vois bien que vous voulez faire de mon ballet une
affaire d'Etat. — Non pas, répliquera l'ancien surintendant, tout au
contraire; je tiens les affaires d'Etat de Votre Majesté pour des ballets
et de la musique. » Le coup était dur et bien de ceux qu'aimait à dé-
tacher le vieux misanthrope. Il avait touché juste, et le roi se tut.
Le 25 novembre 1615, Louis et l'infante d'Espagne reçurent la
bénédiction nuptiale dans la cathédrale de Bordeaux. La pompe de
la cérémonie, la majesté de l'assemblée, les grâces naissantes de sa
femme, l'imprévu, la nouveauté de la situation impressionnent-elles le
jeune roi ? Il n'est remué, il n'est vivement touché que par les chants,
l'harmonie des orgues et le concert des instruments. « La belle mu-
sique ! » Il ne dit pas autre chose à ceux qui l'entourent et qui l'as-
sistent.
Le roi revient à Saint-Germain : c'est pour danser la première fois
dans un ballet de Mauduit et de Boësset. Quelque temps durant, il
semble ne plus songer à la musique. Il apprend tour à tour, et avec
une merveilleuse promptitude, à faire toutes sortes de métiers,
hormis à régner sur la France. Un jour il est arquebusier, le lende-
main canonnier, peintre ou menuisier: au débotté des chasses, il
rase ses veneurs, il écrit de petits articles — les communiqués du
temps — pour la Gazette de France, il fabrique des jetons, des filets
de pêche, des pralines ou bien il larde des longes de veau. Talle-
mant des Réaux et les autres en font des gorges chaudes. Et la bonne
de Motteville d'ajouter finement ; « Il faisait mille choses auxquelles
les esprits mélancoliques ont coutume de s'adonner. » Mais, un beau
jour, tout change. « Le chapeau sur les yeux, la main dans les
chausses, sifflant toujours, il se promène sous les ombrages de Saint-
Maur ou de Monceaux. Il rêvait de plus belle à ses airs — continue
de la Porte, le valet de chambre de la reine-mère — le vendredi
surtout, qui, prétendait-il, avait toujours été son jour heureux.
( Voilà bien une superstition d'artiste !) Quand il était malade, ou que
le temps l'empêchait de sortir, il y rêvait encore dans sa grande
chaise à la romaine, où l'on peut se coucher tout de son long, et
où bien souvent il faisait, le soir, de longs sommeils. »
Le roi mettait alors en musique des poésies d'Anacréon, des vers
de Charles d'Orléans, de Baïf, de Montignac, de Miron, de
Mlle d'Hautefort, du jeune Benserade, et aussi des psaumes et des
motets. L'abbé de Boisrobert, « ce premier chansonnier de France, »
collaborait avec Louis XIII. Il chansonnait les amours du roi, et le
roi faisait chorus. Il chansonnait les mousquetaires « avec leurs noms
béarnais du pays de M. de Tréville, qui sont noms à tuer chiens »,
et le roi trouvait la chose admirable. Avec son occupation favorite,
ses humeurs noires se dissipaient, comme nuées d'orage au souffle
d'un vent frais. Mieux que la médecine, la musique le guérissait. 11
eut ainsi une périede de gaieté : moment rapide, lueur passagère!
DR PARIS.
267
Aux grandes dames qui venaient lui demander des grâces, il ima-
ginait de faire danser des « courantes ». Par l'intermédiaire d'un
M. de Bourdonné, de Dreux, il demandait à M. Godeau, depuis
évêque. de Grasse, d'écrire les vers de son ballet de prédilection,
la Chasse aux merles. M. Godeau en est encore à les faire! Deux de
ses musiciens, inexacts ou malhabiles, auxquels il avait rogné les
appointements, allaient au petit coucher, sur l'avis de Marais, le
bouffon, danser une mascarade à demi habillés. — « Que veut dire
cela? demandait le roi. — C'est, Sire, que gens qui n'ont que la
moitié de leur salaire ne s'habillent aussi qu'à moitié. » Le roi en
riait et les reprenait à son service. L'après-dînée, quand on dansait
un ballet du duc de Nemours ou du comte d'Agli, du cardinal de
Savoie ou des RR. PP. jésuites, — car tout le monde s'en mêiait —
il ne représentait que les personnages comiques. Après que la reine
Aune, qui aimait beaucoup la danse et qui dansait fort bien « avait
couru la Boccane », le roi reproduisait ses poses et ses gestes, « de
manière à dérider les plus graves ».
« L'on avait règlement trois fois par semaine, — écrit Mlle de
Montpensier, — le divertissement de la musique, que celle de la
chambre du roi venait donner, et la plupart des airs qu'on y chantait
étaient de sa composition; il en faisait même les paroles. » Ce qui est
pour un compositeur — soit dit en passant et sans rancune — le
vrai moyen d'avoir un livret à sa guise! Avec Tallemant, nous entrons
dans l'intimité de ces petits concerLs : « Sur la fin de la soirée on
chanta des airs du roi. Le Pailleur, pour faire sa cour, dit à demi
haut : « Ah! que ce dernier air mériterait bien d'être chanté encore
une fois! » Le roi dit : « On trouve cet air là beau, recommençons-
le ! «On le chanta encore quatre fois. Le roi battait la mesure. »
« Un autre soir — c'est Tallemant qui parle — le roi proposa de
former une symphonie, depuis les plus bas instruments jusqu'aux
trompettes, et il décida qu'il n'y entrerait personne qui ne sût la mu-
sique. » Former une symphonie ! n'y faire entrer que des musi-
ciens! Que veut dire Tallemant? Le roi n'a-t-il pas sous la surinten-
dance de Boërset de Villedieu, et sous la direction de Vincent, de le
Bailly, de Guedron, de Justice, de Moulinier, de l'abbé de l'Auroy,
une musique de chapelle et une musique de chambre, fonctionnant
régulièrement, et qui se recrutent parmi les artistes les plus renom-
més de l'époque? Ce corps de musique, — Mlle de Montpensier vient
de nous l'apprendre, — ne donne-t-il pas règlement des concerts
chez le roi? Sans doute, mais la pensée de Louis XIII, depuis long-
temps caressée, est de former, en dehors de sa musique ordinaire,
une sorte de société philharmonique composée des grands seigneurs
et des grandes dames retenus à la cour par les devoirs de leur charge.
Ou les paroles du roi que Tallemant rapporte ont trait à la réalisation
de ce projet, où elles ne présentent aucun sens. Le roi, en effet,
n'eût pas posé cette condition formelle « de savoir la musique » s'il
ne se fût pas agi d'autres personnes que celles qui formaient la cha-
pelle et la chambre. Ce que désire surtout Louis XIII, c'est de pou-
voir diriger lui-même cet orchestre aristocratique, et de l'avoir cons-
tamment à sa disposition pour l'exécution de ses œuvres, sans apparat,
néanmoins, sans caractère permanent, et dans un heureux et facile
courant d'intimité. Cette pensée, il la met en pratique le soir même
où il la formule. Tallemant nous montre à l'orchestre, et faisant leur
partie « en pourpoint de velours et collets de point de Venise à la
féminine, le maréchal de Schomberg, les ducs de Nemours et de
Mortemart, » le roi lui-même « qui bat la mesure, » réformant ainsi,
dans l'intérêt de son projet, la tradition et l'étiquette.
Voilà donc le sujet des sombres méditations de Saint-Maur et du
Louvre, pour lesquelles l'histoire n'a pas eu assez de commentaires
sinistres ! Plus nous allons, en vérité, et plus la mort de Sully semble
résumer exactement le caractère et la biographie de ce conspira-
teur... philharmonique : « Les ballets et la musique sont les affaires
d'Etat de Votre Majesté ! »
Em. Mathieu DE MONTER.
(La mile prochainement.)
ADDITION D'ORGUE ET DE CHANT
Donnée par II. et Mme LEHHESS.
Il y a quelques mois, — c'était pendant la semaine sainte, —
M. Lemmens, professeur d'orgue au Conservatoire de Bruxelles, se
faisait entendre dans une séance toute spéciale à laquelle assislait
Meyerbeer. Le maître immortel, à qui nous devons tant de chefs-
d'œuvre, avait entendu parler de Mme Lemmens-Sherrington et de
la réputation qu'elle s'est faite en Angleterre comme cantatrice. Il
avait manifesté le désir de l'entendre, et c'était pour l'époque actuelle
qu'elle devait à cet effet se rendre à Paris. Malheureusement le grand
homme n'était plus là pour apprécier son talent et lui confier peut-
être l'interprétation d'une de ses glorieuses conceptions.
M. et Mme Lemmens se sont nonobstant fait entendre dimanche
dernier dans le grand atelier de M. Cavaillé-Coll, facteur d'orgues,
rue de Vaugirard. Bien que la saison ne soit pas favorable à une
audition musicale, les deux artistes ont trouvé à Paris d'assez bons
juges pour ne pas avoir à regretter les deux heures qu'ils ont bien
voulu leur consacrer. Parmi les personnes qui composaient l'auditoire,
on remarquait MM. Ambroise Thomas, Louis Lacombe, Pasdeloup,
Denne-Baron, Neukomm, le frère du célèbre chevalier de ce nom, et
beaucoup d'amateurs de distinction.
Le programme de la séance était composé de morceaux courts,
parfaitement choisis et de différents styles.
M. Lemmens, dont le talent sur l'harmonium ne s'était pas encore
révélé à Paris, vient d'y sanctionner sa réputation. Il a joué un
Nocturne en si bémol mineur, un morceau intitulé Souvenir du châ-
teau de Bierbais, une Invocation et une Romance sans paroles. Ces
quatre morceaux font partie d'un recueil qui sera publié prochaine-
ment. Ils sont conçus dans une donnée toute nouvelle. M. Lemmens
se dispense de tirer les registres aussi fréquemment qu'on le fait
d'ordinaire. C'est dans la soufflerie , dans l'expression et dans la
percussion qu'il va chercher ses effets. Disons qu'ils sont si habile-
ment préparés qu'on croirait que l'organiste varie sans cesse l'emploi
des jeux. D'un autre côté, il fait le meilleur usage de la percussion
et obtient, grâce à elle, des accompagnements d'une grande légèreté,
et une multitude de petites notes détachées qu'il serait à peu près
impossible de tirer des anches libres.
M. Lemmens joue d'ailleurs avec un sentiment exquis ; son jeu
pur, correct, lié, délicat, savamment nuancé, n'a nul besoin de re-
courir sans cesse au vibrato, et ses compositions sont appropriées
avec beaucoup d'art à l'orgue expressif.
M. Lemmens s'est mis ensuite au grand orgue commandé par le
marquis de Lamberty, et qui depuis plusieurs mois fait l'admiration
des artistes et des amateurs amenés par le hasard dans les ateliers
de M. Cavaillé-Coll.
Dès les premiers accords frappés par l'éminent artiste, nous avons
retrouvé ce beau style, celte forme raisonnablement sévère, toujours
favorable à l'expansion et au développement des idées, mélange
heureux de la scolastique d'outre-Rhin et des élégances de l'art
français.
Après chaque morceau , des applaudissements, qui s'adressaient
au pompeux instrument et à l'artiste qui le maniait si vaillamment,
ont traduit à plusieurs reprises les émotions de l'auditoire.
268
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Mme Lemmens-Sherrington a alterné pendant la séance avec son
mari. C'était la première fois qu'elle chantait devant le public pari-
sien. Le bruit de ses succès à Londres l'avait devancée.
Mais dès le premier morceau, un air de Haendel, l'allégro d'il
Pensieroso, Mme Lemmens s'était concilié toutes les sympathies de
ses auditeurs. Nous avons applaudi une belle et sympathique voix,
parfaitement égale dans tous les registres, sonore et fraîche, vibrante
parfois comme un clairon, douce et pénétrante comme une flûte.
Depuis longtemps nous n'avions entendu un trille aussi bien conduit.
Mme Lemmens en dirige les battements avec une rare habileté; elle
les presse ou les ralentit, augmente ou diminue l'intensité des sons
avec une sûreté qui n'a rien de mécanique, et qui laisse la voix en
pleine possession d'elle-même. Nous avons retrouvé les mêmes qua-
lités dans les variations de Rhode et dans M Ave Maria, de Cheru-
bini, chantés avec un sentiment, un charme et une grâce auxquels,
la veille, Rossini, dans son salon, où M. et Mme Lemmens s'étaient
fait entendre, s'était plu à rendre une justice éclatante devant la
foule de notabilités qui s'y trouvait réunie.
C'est donc un grand succès que Mme Lemmens vient de rempor-
ter, et qui nous ferait vivement désirer de la voir prendre sur un
de nos théâtres lyriques une place qui nous donnerait deux talents à
la fois : celui d'une brillante cantatrice et celui d'un organiste de
premier ordre.
Louis ROGER.
REVUE CRITIQUE.
A, Batla. — Fantaisie sur Robert le Diable pour violoncelle, avec
accompagnement d'orchestre ou de piano.
11 serait difficile de compter toutes les transcriptions qui sont issues
de l'immortel chef-d'œuvre de Meyerbeer, et nous ne sommes pas au
bout. Tant que resplendira la gloire de l'opéra le plus universellement
populaire dont ce siècle a eu la primeur, les merveilleux trésors de
mélodie qu'il contient seront une source inépuisable et toujours nou-
velle, de morceaux destinés à refléter la pensée du maître sous mille
formes diverses. Bien d'autres qu'Alexandre Batta apporteront encore
leur pierre à l'édifice fondé sur le génie de l'illustre musicien qui n'est
pas descendu tout entier dans la tombe; mais peu d'artistes le feront
avec le talent, avec la conscience que l'éminent violoncelliste a prodi-
gués dans sa brillante fantaisie sur Robert le Diable.
Nous n'avons pas à pronostiquer le succès de ce morceau, qu'Alexan-
dre Batta a fait entendre dans plusieurs concerts de la saison dernière;
c'est aujourd'hui un l'ait acquis, et dout il ne nous reste qu'à proclamer
l'existence. Dépouillée du prestige de l'exécution du virtuose, la fantai-
sie de Batta ne perd aucune des qualités qui l'ont fait accueillir avec
enthousiasme par tous ses auditeurs. L'effet doit en être attribué tout
d'abord à l'heureux choix des motifs dont elle se compose; ils sont peu
nombreux : l'évocation des nonnes, l'air de grâce et la cabalette si con-
nue : Vor est une chimère; voilà tout. Mais leur fusion est si habilement
opérée, elle donne lieu à des combinaisons si imprévues et si char-
mantes, à des variations d'un si séduisant attrait qu'on arrive à l'explo-
sion finale en regrettant, malgré les développements de l'œuvre, qu'elle
se termine sitôt. Sans nul doute, les difficultés dont elle est semée ont
besoin de l'interprétation de Batta pour ressortir dans tout leur éclat;
mais elles ne sont pas tellement inabordables qu'on ne puisse, en les
affrontant, obtenir un résultat des plus satisfaisants.
valeur. Le chant de Rossini est bien posé, et les variations que le
transcripteur en a tirées sont un excellent modèle d'étude pour les
pianistes qui ont surmonté les premières difficultés de leur art.
p. Bernard. — La Foi, chœur de G. Rossini, transcrit et varié
pour piano.
Professeur émérite, dont la méthode produit chaque année les plus
heureux et les plus brillants résultats, M. Paul Bernard, malgré les
soins absorbants qu'il donne à ses élèves, trouve encore le temps de se
livrer à la composition, et d'augmenter incessamment le nombre de ses
œuvres déjà considérables. 11 y a quelques années, il a obtenu un très-
légitime succès en transcrivant la Charité, de Rossini. Il y ajoute au-
jourd'hui la Foi, qui ne sera pas moins, bien accueillie, parce que les
mêmes qualités s'y rencontrent. Plein de respect pour la pensée du
maître, M. Paul Bsrnard ne l'a pas noyée dans un déluge d'ornements
ambitieux ; et cependant son dessin harmonique est loin d'être sans
E. Jonas.
Souvenir d'un songe, mélodie pour piano.
Quelques mesures d'introduction , larges et fières, un thème char-
mant de grâce et d'expression, de fines et élégantes broderies, servant
à orner le chant, et non à l'effacer, tout cela en quatre pages, dont la
conclusion est amenée avec un rare bonheur, telle est la mélodie par-
faitement nommée de M. Emile Jonas. A peine parue, nous savons
qu'elle a déjà fixé l'attention des connaisseurs, et qu'elle est même ap-
préciée à l'étranger, où l'on se prépare à lui faire les honneurs de la
transcription orchestrale. M. Emile Jouas, professeur distingué du Con-
servatoire, s'est fait connaître avantageusement par ses productions
pour le théâtre et pour l'orphéon. Son Souvenir d'un songe ajoutera,
sous une autre forme, un nouveau fleuron à sa couronne de composi-
teur.
Y.
REVUE DES THÉÂTRES.
Variétés : La Liberté des théâtres, salmigondis mêlé de chant et
de danse, en six actes et quatorze tableaux, par MM. Théodore
Cogniard etClairville.
Les espérances qui se sont fondées sur la liberté théâtrale, malgré
quelques tentatives faites un peu au hasard, ne se sont point encore
réalisées ; mais tout vient à point à qui sait attendre, et nous sommes
de ceux qui croient fermement aux avantages de l'émancipation. Ce
n'est pas par quelques quolibets lancés contre leurs concurrents futurs
que les anciens théâtres privilégiés entraveront les conséquences de
cette grande et utile mesure. Seulement, c'est un droit qu'on ne
saurait leur contester, et s'ils en usent avec esprit et malice, tout est
profit dans une guerre de ce genre. En admettant que la liberté des
théâtres n'ait eu jusqu'ici d'autres résultats que celui de procurer un
grand succès aux Variétés, c'est toujours cela de gagné. Le reste
viendra plus tard, en son temps et à son heure.
Le salmigondis de MM. Théodore Cogniard et Clairville est vraiment
bien nommé. Il ne faut lui demander ni rime ni raison, ni queue
ni tête. C'est une critique à bâtons rompus de tous les excès qui
pourront surgir du régime de la liberté à la scène. La tragédie, l'o-
péra, le vaudeville, les pièces militaires, le ballet-pantomime, les ma-
rionnettes y sont passés tour à tour en revue, à peu près comme
cela se pratiquait dans une vieille pièce du Palais-Royal, intitulée les
Folies- Dramatiques; néanmoins, le but n'est pas le même. Au Pa-
lais-Royal, on se moquait du présent ; aux Variétés, on s'amuse aux
dépens de l'avenir. Les artistes sont à l'enchère; un pâtissier et un
traiteur se les disputent à qui mieux mieux, et fondent, pour les uti-
liser, les entreprises les plus cocasses.
Nous ne les suivrons pas dans leurs tentatives fantaisistes qui nous
mèneraient beaucoup trop loin. Nous nous bornerons à constater que
sur les quatorze tableaux qui composent cette épopée bouffonne, les
deux tiers, pour le moins, sont très-gais, très-ingénieux, très-variés,
en un mot, très -réussis sous tous les rapports. Nous citerons, entre
autres, l'adjudication des comédiens, la répétition de l'Opéra, les pu-
paszi, la fontaine enchantée. Nous voudrions pouvoir louer au
même degré le théâtre restaurant, la pièce militaire et le ballet; les
éléments en sont bons ; mais ils auraient besoin de larges cou-
pures.
Quant aux artiste?, nous n'avons que du bien à en dire. A l'exem-
ple de leurs camarades du Palais-Royal, ils commencent àse connaître,
à s'entendre, à se fondre, et le moment approche où ils constitueront
u ne excellente troupe d'ensemble. Dans toutes ces sortes de pièces, il
y a des compères qui sont chargés de mener l'action et de faire les
honneurs de leurs confrères. Cette tâche, plus lourde qu'on ne pense,
DE PARIS.
269
est échue à Alexandre-Michel et à Couder qui s'en acquittent tous les
deux à merveille. Dupuis, Grenier, Hitlemans, Blondelet, Ch. Potier,
Mlle Aline Duval, Mlle Silly ont des rôles plus effacé?, mais ils en
font des types très en relief.
L'acte du Violon enchanté nous a révélé deux artistes qui, pour
leur part, contribueront puissamment à la vogue de la Liberté des
théâtres. L'un est un bon musicien qui a été chef d'orchestre au
Palais-Royal, qui dirige aujourd'hui celui de l'Eldorado, et qui, par
boutades, a quitté plusieurs fois son pupitre pour monter sur les
planches. Pianiste, violoniste, compositeur, acteur bouffe, Hervé est
tout cela, avec une verve, un entrain sans pareils. L'autre est une
jeune etgentille débutante qui vient du théâtre des Célestins, à LyoD.
Elle joue l'ingénuité d'une manière agréable, elle chante avec goût
les mélodies charmantes de son camarade Hervé, et elle exécute en
virtuose un solo de violon fort bien choisi. Mlle Vernet a, en outre,
un nom qui ne peut manquer de lui porter bonheur sur la scène des
Variétés.
Le succès de la Liberté des théâtres a été très-vif le premier jour,
et tout nous fait croire qu'il ira crescendo, grâce à une interpréta-
tion des plus satisfaisantes et à une mise en scène des plus soignées.
Les bravos décernés aux artistes n'empêcheront pas le public d'ap-
plaudir également la Fontaine merveilleuse, du professeur Weller, qui
reflète loutes les couleurs du prisme; les pas réglés par Mlle Mélina
Marmet, première danseuse du théâtre de Milan, et surtout les Pu-
paszi de M. Lemercier de Neuville, qui représentent plusieurs artis-
tes célèbres, dont la voix est imitée, dans la coulisse, par Alexandre
Michel, par Alexandre Guyon et par Mlle Silly. Il faut voir et enten-
dre la charge de Méh'ngue et celle de la fameuse Thérésa; c'est la
nature prise sur le fait; mais de toutes ces parodies, la meilleure
est, sans contredit, celle de Dupuis qui s'imite lui-même.
». A. D. SAINT-YVES.
Par sa volonté dernière, Meyerbeer a autorisé la représentation et
la publication de l'Africaine. En conséquence du vœu exprimé par
l'illustre défunt, un traité a été signé le 12 de ce mois entre
Mme Meyerbeer et M. Perrin, directeur du théâtre impérial de l'O-
péra. L'Africaine doit être incessamment mise à l'étude, et la pre-
mière représentation aura lieu au mois de février prochain. — Elle
sera éditée par la maison G. Brandus et S. Dufour.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi Guillaume Tell pour
la représentation gratuite du 15 août. — Mercredi, le Trouvère et le
Marché des Innocents. — Jeudi, Néméa pour la représentation de gala
offerte à Sa Majesté Catholique, et vendredi Robert le Diable qui avait
attiré une foule considérable.
*** Roland à Roncevaux, dont on presse les répétitions, sera inter-
prété par MM. Gueymard (Roland), Belval (l'archevêque Turpin), Cazaux
(Gannelon), Warot (un pâtre); Mmes Gueymard (Aide), Camille de
Maesen (Saïda), Levielli (un page). Le ballet sera composé de Mmes Eu-
génie Fiocre, Fioretti, Fonta, Brach, etc.
,% La fête du 13 août a été célébrée avec une grande solennité et
elle a été secondée par un temps admirable. Comme toujours, la mu-
sique y a occupé une large place. Dès cinq heures du matin, les ama-
teurs se postaient aux abords de l'Opéra, seul théâtre lyrique ouvert à
la foule, pour y attendre patiemment jusqu'à 2 heures l'ouverture de la
salle, envahie en un clin d'œil. Le chef-d'œuvre de Rossini a été
écouté avec un recueillement qui n'était troublé que par les applau-
dissements ; ils ont surtout éclaté au trio du deuxième acte, admira-
blement chanté par MM. Faure, Villaret et Belval. La cantate de MM.
Lud. Halévy et Meilhac, dont M. Duprato a composé la musique, avait
toutes les qualités qu'on peut attendre de ces œuvres fugitives et du
mérite reconnu des auteurs; chantée par Mme Marie Sax, MM. Morère
et Dumestre, elle a été chaudement accueillie. — Le soir, les façades
de tous les théâtres de Paris, pavoisées de drapeaux dès la veille, ont
été splendidement illuminées.
„,** Dans quelques jours les réparations de la salle de l'Opéra-Comi-
que seront entièrement terminées. Toutefois, la réouverture n'aura pas
lieu avant le 1er ou le 2 septembre.
*** Au nombre des décorations accordées par S. M. l'Empereur à
l'occasion de sa fête, la croix de grand-officier, donnée à Rossini, et
la promotion d'Hector Berlioz au rang d'officier, ont été saluées avec
acclamation dans le monde musical. — M. le comte Gabrielli et M. Nicou-
Choron ont été nommés chevaliers. — Plusieurs littérateurs qui tra-
vaillent pour le théâtre, MM. Lud. Halévy, Hector Crémieux, Lambert
Thiboust, Varin, Benjamin Antier, ont obtenu la même distinction. —
MM. E. Legouvé et Saintine ont été promu? au grade d'officier.
„."■* M. de la Rounat, directeur du théâtre de l'Odéon , et M. Garnier,
architecte du nouveau théâtre de l'Opéra, ont été nommés chevaliers
de la Légion d'honneur.
*** Samedi dernier, S. Exe. le ministre de la maison de l'Empereur
a donné un grand dîner à l'occasion des récompenses décernées aux
exposants et de la distribution des prix du Conservatoire impérial de
musique et de l'Ecole des beaux-arts Parmi les convives du maréchal
Vaillant, on remarquait MM. Auber, Ambroise Thomas, Hector Berlioz,
Clapisson, le comte de Nieuwerkerke, le général Mellinet, M. Gautier,
secrétaire général du ministère des Beaux-Arts, M. Lassabathie, admi-
nistrateur du Conservatoire, Edouard Monnais, Mérimée, Th. Gau-
tier, etc., etc. Outre les artistes peintres décorés à la suite de l'exposi-
tion et les professeurs du Conservatoire qui ont obtenu la même distinc-
tion, trois des élèves couronnés à l'Ecole des beaux-arts et M. Sieg,
grand prix de Rome pour la composition musicale, avaient été conviés
à ce dîner.
„% Rossini a donné hier à Passy une grande fête à l'occasion de la
nouvelle dignité dont il vient d'être revêtu. Samedi passé, la nouvelle
de sa promotion y ayant été apportée, une lyre gigantesque en sucre
commandée chez Siraudin, lui avait été offerte par cinq élégantes et
nobles dames, habituées assidues des réceptions de l'illustre maestro.
%% Les concours de musique institués l'an dernier sur la proposition
de M. François Bazin, directeur de l'Orphéon, entre les écoles commu-
nales de la ville de Paris, rive gauche, viennent d'avoir lieu. Le pro-
gramme de ces intéressants exercices scolaires se composait d'un chœur
imposé, d'un chœur au choix, de questions sur la théorie musicale, et
de la lecture à première vue d'un solfège à plusieurs voix. MM. Am-
broise Thomas, le général Mellinet, Edouard Rodrigues, Spenner, mem-
bres de la commission de chant, François Bazin, Foulon, et des profes-
seurs de l'Orphéon faisaient partie des divers jurys.
**„, La Société des concerts du Conservatoire impérial de Paris vient
de faire hommage à M. Jean Becker, l'éminent violoniste, d'une mé-
daille en argent, frappée à l'effigie d'Habeneck, comme témoignage de
sa grande satisfaction pour l'exécution du concerto qu'il a joué au
concert du 17 mars dernier. Nous applaudissons sincèrement à l'hom-
mage rendu à cet artiste, et nous désirons qu'il revienne bientôt à
Paris, où l'attendent de nombreux admirateurs.
*** Dimanche prochain , jour de la fête patronale de la paroisse
Saint-Roch, on exécutera sous la direction de M. Charles Vervoitte, la
neuvième messe avec orchestre, d'Haydn. Après vêpres, on entendra
le cinquième Salut de M. Ch. Vervoitte.
t% L'Académie des beaux-arts, dans sa séance du samedi 13 août, a
élu correspondants dans la section de composition musicale : M. Béné-
dict, à Londres, en remplacement de M. Beaulieu, décédé; M. de Flo-
tow, en remplacement de M. Verdi, promu au rang d'associé étranger.
Dans la même séance, l'Académie des beaux-arts a décerné le prix du
concours Bordin relatif à « l'histoire de la musique en France, » à
M. Gustave Chouquet. Elle a accordé, dans le même concours, une
mention honorable au mémoire inscrit sous le numéro 3, et portant
pour épigraphe : « Pour bien savoir une chose, on doit en savoir un
peu mille. » Si l'auteur de ce mémoire désire se faire connaître, il
devra adresser une demande à l'Académie.
*** Adelina Patti doit se rendre au Havre pour y chanter dans le
grand concert qui sera donné le 27 de ce mois. On sait que la célèbre
cantatrice reçoit 3,500 francs pour cette soirée, après laquelle elle re-
viendra immédiatement à Boulogne-sur-Mer.
*** On écrit d'Etretat : « Le désir de se soustraire au tumulte des fêtes
du 15 août avait amené dès le samedi une grande affluence de Pari-
siens sur notre belle plage, et parmi eux beaucoup d'artistes, sûrs d'a-
vance d'y rencontrer les nombreux confrères auxquels Etretat doit en
grande partie sa fondation. Offenbach est un de ces derniers, et di-
manche il réunissait toute cette joyeuse société dans une fête de famille
qu'il donne annuellement à son délicieux chalet, l'un des premiers
construits dans la localité, à mi-côte, et dont la vue splendidc embrasse
la mer dans tout son horizon, domine la ville et plonge dans une ravis-
sante vallée. Comme de juste, la musique avait le pas sur les autres
amusements, et le maître du logis, qui avait exhumé son violoncelle,
270
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
l'instrument de ses premiers succès, en a joué comme pas un des vir-
tuoses actuels les plus distingués. Mlle Artot, dont les succès à Ber-
lin, à Vienne, à Londres remplissent toutes les bouches de la renommée,
y chantait ses plus beaux et ses plus grands airs avec une voix magni-
fique et le plus grand style ; mais la perle de la soirée a été un bijou
musical composé par Offenbach dans les circonstances que voici :
On sait le succès qu'obtient le nouvel ouvrage d'Arsène Houssaye :
Mlle Cléopâtre ; l'auteur a placé dans la bouche d'une des héroïnes de
son roman une chansonnette d'une naïveté charmante avec cette indi-
cation : musique d Offenbach. Or, il envoya dernièrement au célèbre
maestro un exemplaire de Mlle Cléopâtre sans lui faire connaître cette
particularité. Aussitôt Offenbach mit en musique les couplets d'Arsène
Houssaye et les lui envoya accompagnés d'une lettre spirituelle par la-
quelle il l'informait de son empressement à acquitter, quoique sans avis,
la lettre de change tirée sur lui par son ami. Ce sont ces couplets qui,
chantés par Mlle :Vrtot — a laquelle ils sont dédiés — d'une manière déli-
cieuse, il faut le dire, ont tellement ravi l'assemblée, qu'elle a dû les
répéter trois fois. 11 est de fait que depuis la chanson de Fôrtuniq,
Offenbach n'a peut-être jamais été mieux inspiré, et c'est en fredonnant
cette mélodie aussi originale que colorée, que tout le monde a passé
dans la salle du bal, où l'on a dansé jusqu'à U heures du matin. »
*** On lit dans le Trovatore : « Les quelques mots que nous avons
imprimés dans notre numéro du 2 juillet ont porté leurs fruits. La
pensée qu'en Italie un monument devait être élevé à la mémoire de
l'illustre auteur de Robert le Diable et des Huguenots, a été accueillie
avec transport par tous ceux qui professent le culte de l'art, lequel
étant d'essence surnaturelle, s'inquiète peu des délimitations imposées
à notre globe par la différence de langage, la géographie ou la diplo-
matie. Plusieurs adhésions particulières avaient instantanément répondu
à notre appel, devançant l'heure à laquelle devait s'ouvrir la souscrip-
tion, et jalouses de montrer comment l'Italie sait honorer le génie.
Parmi ces adhésions nous devons ^signaler celle du célèbre avocat
Sangiorgi, rédacteur de VArpa, journal artistique de Bologne, lequel
s'est empressé de reproduire notre projet et de joindre sa voix à la
notre pour inviter les protecteurs des lettres et des arts et tous les
dilettantes à donner ce témoignage d'estime au grand maître, en ajou-
tant qu'il était prêt à verser son obole entre nos mains, dès que nous
ouvririons une première liste de souscripteurs. C'est ce que nous
faisons de grand cœur en pourvoyant à l'institution d'une commission,
laquelle, interprète du vœu universel, se chargera de traduire en acte,
ce qui n'est encore que l'expression d'un vif désir. Marcello. »
A la suite de cette manifestation, le Trovatore a publié une première
liste, et il invite toutes les personnes qui voudraient s'associer à l'œu-
vre projetée, d'envoyer leur souscription dans ses bureaux. Les noms
des souscripteurs seront publiés non-seulement dans ce journal, mais
dans tous les journaux italiens.
+*H, On nous écrit de Bade : « La saison de l'Opéra français a été
brillamment close le 12 de ce mois par une deuxième représentation
de Fra Diavolo, unanimement redemandée et non moins universellement
applaudie. Quelques jours avant on avait donné deux reprises intéres-
santes, celles de Volage et Jaloux, de MM. Sauvage et Rosenhain, qui
eut un succès de si bon aloi l'été dernier, et de Maître Wolfram, de
Reyer. Ces deux reprises ont fait le plus grand plaisir et Mme Faure y
a été charmante. C'est maintenant le tour des représentations italien-
nes et elles ont bien commencé par Rigoletto. Cet opéra a marché à
merveille et Naudin s'y est montré fort sympathique; il a chanté avec
beaucoup de charme le duo du deuxième acte et les couplets du qua-
trième. Mlle Battu interprète avec une grande supériorité le rôle de
Gilda et Délie Sedie est admirable dans Rigoletto. Mme Sanchioli a
également bien rendu le rôle de Magdaleua. Le prince Humbert de
Piémont honorait la représentation de sa pré=ence, ot Son Altesse a
donné plusieurs fois le signal des applaudissements. — Mme Charton-
Demeur vient d'arriver. «
4% Les concours du Conservatoire royal de musique de Bruxelles,
sous la direction de M. Fétis, sont terminés. Ils ont été fort brillants,
particulièrement pour les classes de piano de Mme Pleyel et de M. Du-
pont, et pour celles de violon de Léonard, et de violoncelle de Servais.
La supériorité des élèves de Léonard s'est manifestée jusque dans l'exé-
cution des plus faibles. Le concours de la classe de Servais a été
splendide. Il n'a pas été décerné de premier prix de chant, et le con-
cours de tragédie n'a pas eu lieu.
»*» La troupe de Merelli est en moment à Francfort. Les sœurs Mar-
chisio y ont été accueillies avec enthousiasme. On a aussi beaucoup ap-
plaudi Mme Zacchi.
*% On nous écrit de Florence qu'on s'y prépare déjà pour célébrer
dignemert le 600e anniversaire de la naissance du Dante. Un grand
festival musical aura lieu pour l'inauguration du monument élevé à
l'illustre poète, et des sommes considérables sont destinées à cette so-
lennité, qui aura lieu avec tout l'éclat possible. Ch. Gounod a été
chargé d'écrire la musique d'une des cantates qui seront exécutées à
cette occasion. — Un nouveau ballet de M. Pedoni, ayant pour titre :
Azémi, dont le maestro Délia Baretta a composé la musique, a obtenu
beaucoup de succès. Le rôle principal est rempli par une charmante
danseuse, Mlle Aranevary.
t*t Le conseil communal de Catane, sur l'initiative de l'illustre au-
teur de Sa/Jb, Jean Pacini, vient de décider par acclamation que la dé-
pouille mortelle de Bellini serait réclamée à Paris pour être inhumée
en sa ville natale. On sait que le maestro Pacini est né à Catane, ainsi
que l'auteur de Norma et de la Sonnambula,
„,% Dans le courant du mois de septembre prochain se réunira à
Naples le premier congrès des amis de la musique, congrès provoqué
par le maestro Bonamici, directeur du Cercle musical de cette ville.
C'est ce cercle lui-même qui a envoyé les invitations, recueilli les ad-
hésions, enfin discuté et approuvé un règlement général présenté par
le maestro Taglioni. Ce règlement, aujourd'hui publié, se compose de
dix-sept articles; le congrès sera divisé en plusieurs sections, savoir:
d'enseignement ; de musique sacrée; de musique de chambre; de mu-
sique instrumentale; de statistique; de secours mutuel italien. On es-
père qu'il s'occupera aussi de la question si importante de la propriété
artistique et littéraire.
*% La distribution des prix du Conservatoire impérial de musique de
Lille a eu lieu avec la solennité accoutumée, en présence de M. le préfet
du Nord, qui la présidait, entouré de l'administration municipale, du
général, d'officiers supérieurs, du jury d'examen, et d'un auditoire nom-
breux et sympathique qui a donné les marques les plus chaleureuses de
satisfaction. Parmi les soli exécutés, on a remarqué surtout l'œuvre 45
de M. V. Magnien, concerto de violon qui renferme autant de difficultés
que de mélodies fraîches et gracieuses ; la scène n° 8 des Diamants de
la couronne a été facilement vocalisée par le 1er prix de chant. Les au-
tres morceaux n'ont pas été moins goûtés. Après la distribution, le
préfet a adressé au directeur et aux professeurs les félicitations que
méritaient ces résultats. Elles encourageront ces fonctionnaires à per-
sister dans une voie qui leur permet de produire dans le monde artisti-
que des sujets d'une valeur réelle.
**„. Nous disions dimanche que l'opéra de Mme la vicomtesse de Grand-
val, le Rouet, avait été accueilli très-favorablement; c'est sous le titre
définitif de la Comtesse Eva que cet ouvrage a été représenté, et l'on
écrit de Bade, à ce sujet, au Petit Journal : « La Comtesse Eva, l'opéra
de Mme la vicomtesse de Grandval, vient d'être joué avec un beau
succès ici. La première romance, qui est un morceau de sentiment, dé-
licieusement chantée par Jourdan ; un duo de scène entre Crosti et
Mme James ; l'air qui suit, et le trio final, plein de gaieté, d'inventions
mélodiques et résumant parfaitement le genre bouffe, ont été accueillis
avec une faveur signalée. Le public a applaudi chaleureusement, et il
a fait aux artistes l'honneur d'un rappel. Les critiques les plus compé-
tents sont d'accord pour enregistrer ce succès de bon aloi de Mme de
Grandval, qui se trouve ainsi engagée dans une voie où elle pourra
compter désormais autant de bonnes fortunes musicales que de parti-
tions. La meilleure preuve de la réussite de la Comtesse Eva, c'est
que deux morceaux arrangés sur cet opéra vont être exécutés aux
concerts des Champs-Elysées, à Paris. »
t% Le ténor Severini, élève de Panofka, dont les succès ont été ré-
cemment très-grands au théâtre de Stockholm, se trouve en ce moment
à Paris.
*% M. Romero, professeur de clarinette au Conservatoire de Madrid,
est reparti pour l'Espagne après avoir reçu les félicitations de tous les
artistes et facteurs de Paris pour les perfectionnements remarquables
qu'il a introduits dans la construction de son instrument. Il a fait bre-
veter en France ses inventions, qui contribuent à donner aux sons de
la clarinette une justesse et une homogénéité parfaites. Ses instru-
ments tendent à rendre l'exécution plus facile, ainsi qu'on peut en ju-
ger par ceux qu'on trouve chez Bié, successeur de Lefèvre, 23, rue de
Rambuteau, seul facteur qui ait le droit de fabriquer des clarinettes
d'après l'ingénieux mécanisme imaginé par M. Romero.
*** On vient d'établir au théâtre de la Scala une école de chant à
l'instar de celle qui existe à l'Opéra impérial de Vienne.
„*,. Johann Strauss, le chef d'orchestre des concerts de Pavlovski et
des bals de la cour à Saint-Pétersbourg, et l'autenr d'une foule de com-
positions légères, devenues populaires, vient d'être décoré de l'ordre de
Saint-Stanislas.
»% Le succès si étrange obtenu à Vienne par le danseur Donato, qui
n'a qu'une jambe, a provoqué des imitations de tout genre , mais elles
sont loin de réussir, C'est ainsi qu'à Bude un invalide de soixante ans,
nommé Corradini, qui; comme Donato, est privé d'une jambe, a vaine-
ment essayé d'enthousiasmer les nombreux spectateurs qui avaient payé
fort cher leurs places. Il avait à peine commencé à danser qu'on a
quitté la salle. D'autres imitateurs n'ont pas eu un meilleur sort.
,** Le pré Catelan donne aujourd'hui dimanche, 21 août, une fête
extraordinaire. L'orchestre de symphonie, composé de cent exécutants,
conduit par M. Forestier, et l'orchestre militaire, sous la direction de
M. Vobaron, chef du 2e chasseurs à cheval, pour satisfaire le public,
exécuteront le programme de la fête militaire.
*% M. Robin a tenu au-delà de ce qu'il avait promis. Sa nouvelle et
I»E PARIS.
211
brillante série d'expériences a dépassé l'attente du public déjà habitué
cependant aux merveilles si souvent variées qu'il avait admirées à ce
théâtre d'enchantements. Les rases qui naissent à un simple signe de
la baguette de notre habile physicien, son cadre magique, la Nou-
velle-Californie et ses tableaux de l'astronomie populaire ont surtout
excité des bravos unanimes. C'est toujours le même succès qui se con-
tinue.
*** Un des plus vieux et des meilleurs comédiens de Paris, Ferville,
qui brilla si longtemps au Gymnase, vient de mourir à l'âge de quatre-
vingts ans. Tous ses camarades de ce théâtre et un grand nombre d'ar-
tistes dramatiques de Paris et de la province ont assisté à ses funé-
railles.
*** Un jeune compositeur allemand, qui était en même temps chan-
teur distingué, M. Alfred Bicking, vient de mourir à Berlin, sa ville
natale. Il avait été former en Italie son double talent de virtuose et de
compositeur, et avait fait représenter à ïerano, au commencement de
cette année, un opéra sérieux intitulé Wenccslas, dont le succès fut
très-grand. Ayant ressenti les premiers symptômes d'une maladie
grave, M. Bicking avait repris le chemin de Berlin, où il vient de s'é-
teindre à l'âge de vingt-quatre ans.
*** Le maître de chapelle Hermann Kufferath, musicien d'un grand
mérite et élève de Spohr, est mort le 28 juillet à Wiesbade.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
a** Carlsruhe. — Le grand festival qui doit réunir les sociétés mu-
sicales d'Allemagne, aura lieu dans les journées des 22 au 25 août , et
promet d'être très-intéressant par le nombre et le choix des artistes et
des œuvres qu'on y entendra.
,% Ems. — Les artistes du théâtre du Kursaal viennent de nous dire
adieu. Pendant les deux mois qu'a duré la saison théâtrale, l'adminis-
tration a monté douze pièces de l'ancien répertoire, et trois ouvrages
nouveaux qui ont été trois succès : le Fifre enchanté, et Jeanne qui
pleure, d'Offenbach, et la Boîte à surprises, de Deffès. C'est maintenant
le tour des concerts, et dans quelques jours nous posséderons Batta,
Servais, Vivier, Vieuxtemps, Alard, Wieniawski, Blaes, Arban, etc.
**„ Hambourg. — Les représentations de la troupe d'opéra italien,
sous la direction d'Orsini, sont très-suivies. Depuis le départ de Mmes
Marchisio, qui avaient enthousiasmé le public dans Norma, Mme Méric-
Lablache, Sterbini et Antonucci , obtiennent les applaudissements les
plus chaleureux.
*** Berlin. — Une reprise très-brillante de la Muette de Portici a eu
lieu à l'Opéra royal. M. Colomann Schmidt , de l'opéra impérial de
Moscou , nouvellement engagé, a rempli le rôle de Masaniello , et
Mlle Santer, celui d'Elvire, à la satisfaction générale. — Dans la Flûte
enchantée, une cantatrice russe, Mlle Metzdorf, a débuté avec succès. —
On attend Mlle Lucca, qui doit faire incessamment sa rentrée dans les
Huguenots. La célèbre cantatrice créera cette saison le principal rôle
du nouvel opéra de Wuerst, l'Etoile de Turan. — On s'occupe de la
reprise de l'opéra de Maronner, Hans Heiling.
%*% Vienne. — Mlle de Murska, de l'opéra de Pesth, s'est fait enten-
dre au théâtre de la cour, dans Lucia et Martha, et y a déployé un
grand talent de cantatrice et de comédienne. Elle sera probablement
engagée à l'Opéra impérial.
**„ Hermansladt. — Le Pardon de Ploèrmcl vient d'être représenté
pour la première fois avec un très-grand succès. L'exécution en a été
excellente, et de nombreux rappels et bravos ont été notamment dé-
cernés à Mlle Rutland (Dinorah), et à M. Carlo (Hoél).
*% Turin. — La direction du théâtre Victor-Emmanuel vient d'en-
gager Mme E. Lagrua pour un mois, du 10 septembre au 10 octobre.
*** Naples. — La direction du théâtre de San Carlo a été confiée à
M. Presteau, qui s'est rendu en Espagne et en France pour y compléter
sa troupe.
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Alday (F.). Op. 15. Les Huguenots, fan-
taisie brillante pour harmonium. . .
— Fantaisie de salon sur V Etoile du Nord
Badarzewska (T.). La Prière d'une
vierge, pour harmonium
lïr isson. Adagio de Beethoven , transcrit
pour harmonium ou orgue et piano.
— Costa Diva, cavatiue de Norma, trans-
crite pour harmonium ou orgue ,
piano et violon
— La Somnambule, trio pour harmonium
ou orgue, piano et violon
— La Charité, chœur de Rossini , trans-
crit pour harmonium ou orgue, piano
et violon
— Op. 66. Marta, trio pour piano, orgue
et violon
— Op. 69. Robert le Diable, grand duo
caractéristique pour piano et orgue .
— Op. 70. Le Pardon de Ploërmel, duo
de concert pour piano et orgue. . .
— Op. 71. Méditation sur le chœur reli-
gieux du Pardon de Ploërmel,
transcription pour piano, orgue et
violon ou violoncelle
Durand. Première romance sans paroles de
Mendelssolm, en trio pour violon, or-
gue et piano
Ouverture de la Sirène, pour harmo-
nium et piano
Engel (L). Fantaisie pour harmonium sur
l'Etoile du Nord
— Grande fantaisie pour orgue-harmonium
sur le Pardon de Ploërmel ....
— Grand duo pour piano et harmonium
sur le Pardon de Ploërmel ....
Fessy. Fant. sur le chœur du Domino noir
Réminiscence du Slabat Mater de Rossini
— Andante et boléro
Cavatine de Torqualo Ta'so et caprice
Six morceaux sur des motifs de Rossini,
Auber et Douizetti, 2 suites, chaque.
Herz et Fessy. Deux duos concertants,
pour harmonium et piano, 2 suites,
chaque
1. Cavatine de Vaccai.
2. Thème de Beethoven.
7 50
7 50
5 »
5 »
6 »
7 50
7 50
12 »
10 »
7 50
7 50
7 50
7 50
7 50
CHEZ LES MEMES EDITEURS
Frelon. Trois marches pour orgue expressif
à percussion :
1. Marche du sacre du Prophète. . .
2. Marche de Robert Bruce
3. Marche de la Muette de Port ici. .
— La Part dit Diable, fantaisie pour or-
gue et piano i
— Le Prophète, fantaisie de concert pour
orgue avec accomp. de piano obligé, i
— Romance sans paroles de Thalberg pour
orgue et piano
Kiebeau. Op. 42. L'Abandon, romance sans
paroles pour harmonium
— Op. 45. Danse bretonne, villanelle pour
harmonium:
— Op. 44. La Rosée du matin, caprice
pour harmonium
— Op. 45. Sylvie, souvenir d'autrefois,
pour harmonium
— Op. 46. En mer, chant maritime, pour
harmonium
■ — Op. 47. Impromptu pour harmonium..
JLonis. Op. 271. Entretiens familiers pour
orgue et piano, 3 suites, chaque. . .
Ilarias Uneil. Op. 34. Cinquante mor-
ceaux de différents caractères, classés
ton par ton, et disposés de manière à
pouvoir servir d'Antiennes ou de Ver-
sets aux chants de l'office divin, pour
orgue ou harmonium, 2 suites, chaq. :
Mcreanx. Op. 65. Grand caprice sur Ro-
bert le Diable, pour harmonicorde ,
piano et violon '.
Moreau. Ouverture de Giralda, pour orgue
et piano
— Ouverture des Diamants de la Cou-
ronne, pour orgue et piano
SSiolan. Fantaisie sur Moïse, composée par
S. Thalberg, arrangée pour mélodium
et piano
Riballier. Cavatine du sommeil de la
Muette de Portici, pour orgue, piano
et violon, ou violoncelle
Romano (Giuseppe). La Carita, chœur re-
ligieux de Rossini, pour harmonium
seul
— Ave Maria, de Schubert, pour harmo-
nium seul
— Prière de Stradella ( Pieta signor),
pour harmonium seul
Harmonium seul :
F. BRISSON
LES DÉLASSEMENTS DE L'ÉTUDE
NOUVELLE ÉDITION.
48 MÉLODIES OU AIRS FAVORIS
Tirés des opéras de
AD. ADAM, AUBER, FLOIOW, HALÉVÏ, MAILLART, MEÏER-
BEER, MOZART, ROSSINI, A. THOMAS et WEBER.
En quatre suites, chaque 7 50
lre SUITE. 3e SUITE.
Dragons de Villars.
Pardon Je Ploërmel.
Le Roman d'EIvire.
Le Comte Ory.
La Fiancée.
Pardon de Ploërmel.
La Muette de Portici.
L'Etoile du Nord.
Nozze di Figaro.
Haydée
Pardon de Ploërmel. .
Le Roman d'EIvire.
4e SUITE.
L'Ambassadrice.
Les Huguenots.
La Fée aux Roses.
Guillaume Tell.
La Fiancée.
Pardon de Ploërmel .
Le Roman d'EIvire.
Robert le Diable.
Fra Diavolo.
Le Domino noir.
Le Roman d'EIvire.
Le Cheval de bronze.
Le Prophète. 25.
Pardon de Ploërmel. 26.
Stradella. 27.
La Muette de Portici. 28.
Zerline. 29 .
Robert le Diable. 30.
Oberon. 31 .
Le Postilloo de Longjuraeau. 32.
Le Prophète. 33.
La Muette de Portici. 34.
Marta. 35 .
La Sirène. 36.
2e SUITE.
Le Philtre. 37.
Guillaume Tell. 38.
Lestocq. 39 .
L'Etoile du Nord. 40.
Haydée. 41.
Marta. 42.
La Fiancée. 43.
le Postillon de Longjnmeau. 44.
Le Domino noir. 45.
La Muette de Portici. 46.
Les Huguenots. 47.
Le Prophète. 48.
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ON S'ABONNE :
Dans les Départements et à l'Étranger,
chez tous [es Marchands de Musique, les Libraires,
el aux Bureaux des Messageries et des Postes.
N° 35.
REVUE
28 Août 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 "■•Pmoi
Départements, Belgique et Suisse.... 30» id.
34 n M.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (4e article), par
Paul Smith. — La musique à la cour et à la ville, sous le règne de Louis
XIII (3e article), par Mathieu de Monter. — Correspondances: Pesaro.
— Nouvelles et annonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par 91. de Wolzogen (1).
IV.
La voix de Mme Schroeder-Devrient était un fort soprano, don-
nant la double octave à!ut à ut, mais ne pouvant soutenir longtemps
les notes élevées, comme dans les rôles de Dona Anna et de la Ves-
tale, sans être obligée de crier, surtout vers la dernière époque de
sa carrière. Elle n'avait pas l'étendue extraordinaire de la voix des
Mara, des Catalani, des Malibran. Le registre du contralto, dont cette
dernière tirait un si brillant parti, n'était nullement à son usage, et
son ut grave manquait généralement de puissance. Elle n'aurait
donc pu chanter ni VOrphée, de Gluck, ni Fidès, du Prophète, ni
Tancrède, ni Arsace, et même il lui fallait transposer quelques notes
hautes de Roméo. La véritable région de sa voix était de sol à sol ;
même après que la décadence se fût manifestée, elle conserva en-
core de sol à ré des notes charmantes, qui lui permettaient de
chanter délicieusement les mélodies de Schubert, de Mendelssohn et
de Schumann.
Non, sans doute, la voix de l'artiste n'était pas sans défaut; elle
n'avait pu, malgré ses efforts, corriger tout à fait son grasseyement,
et son éducation première avait été trop incomplète. Sa beauté non
plus n'était pas sans reproche, mais elle avait plus que la perfection
de la nature et de l'art ; elle avait le charme, la passion; l'éloquence
du regard et du jeu muet ; les traits de son visage obéissaient avec
la rapidité de l'éclair aux mouvements de son âme ; elle écoutait,
comme personne n'écoute, elle que la parole et le chant rendaient si
belle, que l'expression de la physionomie élevait au-dessus de la
terre. Admirablement taillée, ni grande, ni petite, blanche de teint,
blonde de cheveux, elle offrait le type germanique avec toute sa
(1) Voir les n01 2(j, 26 et 27.
séduction possible. Fanny Lewald, qui la vit à Kœnigsberg, peu
de temps après son mariage avec Karl Devrient, acteur renommé,
nous donne en quelques lignes l'idée du prestige qui s'attachait à
elle comme artiste et comme femme. Au théâtre, dans le rôle d'Em-
meline, de la Famille suisse, elle avait ému tous les cœurs, et fait
verser d'abondantes larmes. A travers l'innocente douceur du ton de
l'idylle, on sentait déjà percer l'accent tragique, et dans sa bouche
la plainte amoureuse causait la plus vive émotion. Quelques jours
après, elle était à la campagne dans uue famille où il y avait plu-
sieurs jeunes filles, ses amies. Les hommes et les femmes l'entou-
raient. « Nous autres, dit Fanny Lewald, nous l'admirions de loin,
éblouies de sa beauté. C'était dans la chaleur de l'été : elle avait une
robe de taffetas à raies blanches et roses, le col et la poitrine décou-
verts, elle était coiffée avec tout le luxe de sa magnifique chevelure.
L'un des assistants la plaisanta sur la fossette bien marquée de son
menton. — «Oui, dit-elle, c'est Dieu lui-même qui me l'a faite. Lorsque
je fus créée, il me donna un petit coup avec son doigt et me dit :
— Maintenant, va, tu es prête. C'est ainsi que la fossette m'est res-
tée ! » Elle était ravissante en disant ces mots, et le soir, quand
parmi les roses qu'on lui avait cueillies, elle en eût pris deux pour
les mettre, l'une à son sein, l'autre sur sa tête, elle me parut si belle
que vingt ans après je me souvins d'elle en contemplant à Florence
les Vénus du Titien, non qu'il y eût la moindre ressemblance, mais
c'était la même splendeur d'attraits et de jeunesse. »
A dix-huit ans, Wilhelmine était mariée : elle avait commis la
faute commune à tant d'artistes, pour qui le mariage n'a rien de sé-
rieux ni de stable parce qu'ils n'y apportent aucune des dispositions
qu'exige un état en lutte perpétuelle avec les périls et les entraîne-
ments de leur profession. Pour eux le mariage n'est pas même une
station : ce n'est qu'un passage. Malgré son honorable caractère et
l'estime générale dont il jouissait, Karl Devrient, M. de Wolzogen
l'avoue, n'était pas l'homme qu'il aurait fallu pour maîtriser une
femme comme la sienne et mettre un frein à sa fougue indomptable.
De cette union malheureuse, et qui finit par devenir intolérable, quatre
enfants naquirent, deux fils et deux filles. Le second fils, qui ressem-
blait beaucoup à sa mère, joua pendant quelque temps les rôles d'a-
moureux au théâtre de Wiesbade. Les deux filles moururent avant
leur mère : la cadette tomba des bras d'une servante inattentive,
pendant que sa mère était occupée au théâtre, et ce triste souvenir
274
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
poursuivit longtemps Wilhelmine. Bien des années après, elle gémis-
sait encore d'avoir tué son enfant à cause de son art. En 1828, son
mari demanda la séparation et l'obtint : ce qui la désolait, c'était
que ses enfants lui fussent enlevés. Elle avait alors vingt-trois ans :
une fois, elle envoya de Londres 7,000 thalers pour leur éducation.
Elle eût été capable de tout pour leur témoigner sa tendresse, hormis
pourtant de changer son excentrique manière de vivre. Quand des
amis intimes lui adressaient quelques conseils, elle ne manquait pas
de répondre : « Laissez-moi donc, une fois pour toutes, être ce
que je suis! — Ce n'est pas à des prudes qu'il appartient de me
juger ! » Et pour sa justification, elle s'appuyait sur des raisonne-
ments dont au fond la base n'était autre que celle de la théorie
fameuse démentie par tant d'exemples : Désordre et génie.
Comme Marie-Madeleine, Mme Schroeder-Devrient figure au pre-
mier rang de ces femmes auxquelles il sera beaucoup pardonné
parce qu'elles ont beaucoup aimé. On peut trouver qu'à cet égard
elle dépassa même les limites permises ! Pourquoi ne pas citer le
mot caractéristique échappé à l'un de nos amis, directeur du théâ-
tre Favart, à l'époque où la célèbre artiste vint y chanter? « Ah!
nous dit-il un jour, je suis bien sûr d'être le premier qu'elle ait
aimé à Paris, car c'est moi qui suis allé la chercher à la diligence!
Mais le soir, par exemple, je crois bien que je n'étais pas le seul ! »
Qui s'étonnera qu'à travers ces passions, dont elle ne pouvait se
rassasier, ces triomphes, qu'elle ne cessait de poursuivre, mais dont
elle sentait le vide, elle eut des moments de mélancolie amère et
d'aspirations à un repos absolu? « Si j'étais catholique, disait-elle,
je me serais déjà plongée dans un cloître ! » Mais le cloître ne lui
eût servi de rien, car ce n'était pas le monde, ni ses vanités, ni
ses perversités qu'elle aurait voulu fuir, c'était elle-même! Aux torts
nombreux qu'on avait le droit de lui reprocher, on en ajouta une
foule d'autres : il n'est sorte de contes que l'on ne fît courir, ni
d'excès que l'on ne se plût à lui attribuer. On l'accusa notamment
de s'enivrer et de ne jamais paraître en scène sans avoir vidé une
bouteille de Champagne. De même on avait prétendu que Mme Ma-
libran abusait de madère au point de détruire sa santé. Le fait est
que Mme Schroeder-Eevrient recourait à une certaine poudre, qui
calmait son agitation, lorsqu'elle avait à jouer quelque rôle impor-
tant, et c'est à quoi se réduisait en définitive son goût frénétique
pour le Champagne.
Chez elle, le désordre moral s'alliait singulièrement avec des habi-
tudes d'ordre, de régularité, d'élégance et de convenance, qui la sui-
vaient partout, et dont on s'apercevait même dans les logements
qu'elle ne devait habiter qu'un petit, nombre de jours. Mais c'était
surtout en ce qui touchait son art que le sentiment du beau, que le
besoin de s'en rapprocher toujours plus par un effort constant, infa-
tigable, exerçaient sur elle un empire qui tenait de la tyrannie.
« Il y a dans l'art, disait-elle, une éternelle recherche, une éter-
nelle aspiration, et c'en est fait de l'artiste qui s'imagine avoir
atteint le but. Rien de plus commode à la vérité que de s'en
tenir à mettre un costume et à le laisser reposer jusqu'à ce que le
répertoire oblige à le reprendre. Je n'ai jamais pu procéder ainsi.
Que de fois, après avoir été applaudie, couverte de fleurs, me suis-
je retirée dans ma loge, toute honteuse, en me disant : « Wil-
» helmine qu'as-tu fait là? » et je ne me donnais pas de trêve, ni le
jour ni la nuit, que je ne fusse parvenue à trouver mieux! » Son
attention se portait sur les moindres détails, et elle ne pouvait sup-
porter les négligences par lesquelles les artistes nuisent si souvent
à l'illusion du spectateur. Ainsi, par exemple, dans le Templier et
la Juive, elle se fâchait si Rebecca laissait tomber par terre, dès
qu'elle n'en avait plus besoin, le bijou dont elle avait tenté de payer
son salut, et qu'elle-même avait dit être d'une grande valeur; ou
bien encore si, dans Freischutz, Agathe se hâtait de jeter dans la
coulisse, à la fin de son air, le tablier qu'elle avait fait flotter aux
yeux de son amant, comme la bannière de l'amour. « Ce qui manque
à tous ces gens-là, disait-elle, c'est le respect de leur art. »
Du reste, comme toutes les natures passionnées, quoiqu'elle se fût
mise en possession d'un rôle par tous les moyens que procure l'é-
tude, il lui fallait encore un concours heureux de circonstances et
de rapports pour produire ses grands effets, pour déployer sa toute
puissance. Comme à notre Rachel, les rôles nouveaux ne se livraient
pas complètement à elle dès la première fois. Elle avait beau se pré-
parer lentement et n'affronter le péril que quand elle se sentait sûre
d'elle-même, les premières représentations n'étaient pour elle que
des répétitions, que des épreuves où elle interrogeait le public, et
apprenait de lui-même le moment qu'il fallait saisir, le procédé
qu'il fallait employer pour exciter au plus haut degré son enthou-
siasme. La froideur de l'auditoire était un obstacle qui s'opposait in-
vinciblement aux élans de son génie. Elle écrivait, après une repré-
sentation de Fidelio : « Le rouage de mes inspirations n'a jamais
pu se mettre en mouvement aujourd'hui : je le sentais pris et empê-
tré dans les divines harmonies de Beethoven. Notre maudit temple
des muses (le vieux théâtre de Dresde), que le feu d'enfer consume!
envoyait à mon corps tout entier un souffle glacial, qui atteignait
mon âme et en faisait une masse inerte que les célestes rayons du
maître ne pouvaient fondre. Le moyen de se réchauffer, en présence
d'âmes froides comme celles dont se compose notre public! Impos-
sible d'en tirer la moindre étincelle, quoiqu'on les frappe à coups
redoublés! Ames de bois! » (Le texte original est plus expressif en-
core, et on y lit ces mots : Ames de cuir .')
Mais ce n'était pas seulement dans le public que la grande artiste
rencontrait ces âmes de cuir qui paralysaient sa verve: elle les trou-
vait encore parmi ses camarades, et elle ne dissimule pas à quelles
terribles expiations elle se permettait de les condamner. Si, par ha-
sard, elle avait affaire à quelque malheureux ténor, incapable de ré-
pondre à sa brûlante passion, elle chantait de manière à le réduire
à néant; et voici comment elle s'en excusait auprès de Fanny
Lewald : « Les ténors, en général, sont moitié bois, moitié éponge.
Comment faire pour se tenir au niveau de gens qu'il faut toujours
pousser? J'avoue que plusieurs d'entre eux, dans la chaleur de
l'action dramatique, ont éprouvé la force de mon bras ; mais pour
ne pas sembler ridicule et outrée par mon énergie auprès de ces
hommes de paille, je n'avais d'autre ressource que de les reléguer
dans un coin et de rester seule maîtresse de la scène. » Ainsi
elle se vengeait du partner qui la compromettait par son insuffi-
sance ! Jouait-elle le rôle de Roméo, et se trouvait-elle en rapport
avec une Juliette, dont l'amour somnolent l'avait ennuyée pendant
tout le premier acte, elle en punissait l'infortunée créature pendant
le quatrième, et profitait de la situation qui oblige l'actrice à rester
endormie dans son cercueil sous les yeux du public, pour lui cha-
touiller la plante des pieds, tout en exhalant les tendres soupirs et
les plaintes désespérées !
Paul SMITH.
{La suite prochainement.)
LA MUSIQUE À LÀ CODR ET À LÀ VILLE,
Sous le règne de liouis XIII.
(3e article) (1).
III.
Associer à ses loisirs artistiques, attirer, comme exécutants, à ses
concerts presque journaliers ces gens du bel air, dont la place
Royale était le Pré aux Clercs galant et belliqueux, ne dut pas être
(1) Voir les n" 33 et 34.
DE PARIS
275
pour Louis XIII une tâche facile. 11 fut aidé en cela par deux hom-
mes habiles : un de ses valets de chambre, d'abord , Marie Dubois,
écuyer, sieur de Lestourmières, gentilhomme servant, caractère liant
et aimable, dont la jolie voix avait fait la fortune à la cour; un
musicien d'Arles, en second lieu, nommé Vaultier, par lequel la reine
mère se laissait honteusement mener, et qui, pour la mieux gouver-
ner et assotir, étudiait en astrologie. Ce Vaultier fut le rival et faillit
devenir le remplaçant de Richelieu. Homme de ressources, esprit
pénétrant, délié, fécond en intrigues, il s'ingénia à entrer dans les
vues du roi et il y réussit.
Bientôt, en effet, les concerts royaux ajoutèrent à leur programme
les talents les plus renommés de la cour et de la ville. Ils étaient
là, tous ces raffinés, tous ces voluptueux, ces mécontents, ces mo-
queurs, ces ambitieux trompés par le cardinal et ceux qui atten-
daient, en se dédommageant dans la liberté d'esprit et dans les
plaisirs de la cour! Elles étaient là, toutes ces femmes charmantes
du xvn° siècle, au front large et pur voilé de boucles blondes et
frissonnantes, aux yeux ouverts à l'orientale, au nez fin et légère-
ment recourbé, à la bouche petite avec les lèvres un peu relevées
des coins, ce qui donnait à leur sourire une grâce infinie, à la
taille élancée, à la main veineuse et frêle posée sur les cordes des
luths et des mandores !
Mme de Joyeuse, Mme de Fiennes, Mme de Sassy, Mme de Saint-
Thomas, Mlle Paulet, dont le temps respectait la beauté, Mlles du
Puy, du Bouchet, de la Barre, des Nots, Boni, Hilaire, etc., jouaient
de la harpe et du clavecin dans l'orchestre royal.
Parmi les chanteuses : Mme la princesse de Bourbon, aimée au-
trefois d'Henri IV, et dont la beauté était majestueuse ; Mme de Mont-
bazon, grande, gaie, l'air libre avec l'envie de plaire ; Mme de Gué-
méné, très- belle et coquette, et fière de ses triomphes; Mme la
princesse de Gonzague; Mlle de Rohan, qui fit profession d'une ex-
trême vertu et d'une grande fierté; Mlle de Guise, estimable en tout;
Mlle de Vendôme, sœur du duc de Beaufort, le futur roi des halles ;
Mlles d'Aiches, de Polignac et de Vieuxpont ; Mlle d'Hautefort, la plus
belle de toutes, blonde, bonne sans être tendre, plutôt sévère que
dure, naturellement railleuse; Mlle de la Fayette, fille d'honneur de
la reine, aimable et fière, au cœur bien fait, ayant autant de sûreté
que de vertu, et « qui chantait à ravir — nous dit de la Porte —
tellement que le bonheur le plus vif du roi était de l'entendre. » Il
faut nommer encore la jolie petite Mme de Sénecée, remplie d'esprH
mais un peu prude, qui s'avisa la première, ne voulant pas prononcer
le mot francisé de castrato, de dire : — cet incommodé. C'était à un
concert du Louvre. Un . . . soprano était en scène : « Mon Dieu !
Mademoiselle, que cet incommodé chante bien ! » Le nom leur en
resta à la cour de France, et Mazarin, avec son accent italien, ne
disait pas autrement.
Parmi les chanteurs et les musiciens : Gaston, le frère du roi, le
prince ds Marsillac, les ducs de Nemours, de Bellegarde, de Crussol
de Liancourt; les enfants de Mme de Guise; les pages; les marquis
de Souvré, de Coligny ; les comtes de Saint-Maigrin, de Montignat,
de Guitaut, de Morteman; les barons de Clinchamp, de Belleville, de
Saintôt; Bassompierre, Beringhen, Boisrobert, Desmaretz, le confi-
dent du roi, etc.; Ménage, enfin; mais les chœurs ne le possédèrent
pas longtemps. « Je n'ai jamais pu — disait-il — rien apprendre de
la musique, pas même une chanson de table. » Cependant, au Jardin
du roi, un soir, après boire, il avait dansé un branle au chant de
quelques odes d'Anacréon mises en musique par Louis XIII.
Forest, Bontemps, d'Archambault, de Nyert et Dubois, premiers
valets de chambre, dirigeaient les chanteurs. Les instrumentistes
étaient confiés aux soins de Livet, corniste dont on goûtait les fanfares;
de Mésangeau, luthiste distingué, et principalement de Jacques Cor-
dier, dit Bocan, violoniste fameux qui joua la sarabande dansée par
le grand cardinal pour plaire à la reine.
Les œuvres de Louis XIII et de Boësset défrayaient presque com-
plètement le programme des soirées musicales de la cour. Quand le
roi était au Louvre, ces concerts intimes avaient lieu dans ses appar-
tements, dans ceux de la reine mère et le plus souvent dans la salle
de ballet, construite sur l'emplacement qui forme aujourd'hui la
cage de l'escalier du musée.
Tout cela était fort gai, très-animé, pétillant de jeunesse, d'esprit
et d'entrain. Les anecdotes abondent, mais on ne peut pas tout dire.
Comment raconter, par exemple, après de la Porte, qu'un soir
Mlle de la Fayette chantant une chanson badine se prit à rire, et
de si grand cœur, et tant, et tant, que. . . ma foi ! vous m'enten-
dez bien? La reine mère ne riait pas, elle, et la coupable un peu
décontenancée, prétendit qu'en s'asseyant elle avait écrasé un citron
oublié dans la poche de son vertugadin. On appelle de la Porte;
séance tenante on le charge de « procéder à une enquête, » et de la
Porte, qui n'y entend pas malice et qui, du reste, n'avait pas été mis
au courant, ajoute gravement dans ses mémoires qu'un instant après
il put donner à Sa Majesté l'assurance qu'il n'y avait pas de citron
dans toute cette affaire. Je ne donne ici que le sens de la réponse.
Blot, le chansonnier mordant et redouté, qui était au duc d'Orléans,
en fit un vaudeville. Louis XIII n'aimait pas cette chanson-là.
C'est ici le lieu de parler d'une aventure plus tragique dont les
acteurs figuraient tous aux concerts du Louvre: elle me servira de
transition naturelle pour dire quelques mots de Richelieu, au point
de vue musical.
La cour était à Monceaux. M. de Montmorency va voir Mme de
Montbazon, à laquelle on donnait M. de Chevreuse pour amant. Ils
s'amusent à chanter en duo des « valentins » rimes sur M. de Che-
vreuse qui, à ce moment-là, avait mal à une dent et à un œil. M. de
Chevreuse l'apprend, et, quelques jours après, chez Mme de Mont-
bazon et devant M. de Montmorency qui s'y trouve, il parle des
valentins, ajoutant que le « chanteur-poëte était un coquin, et qu'il
le traiterait d'importance, s'il le connaissait. » M. de Montmorency
ne répond rien, mais le lendemain, à 6 heures, il envoie le marquis
de Praslin appeler sur le terrain M. de Chevreuse, à cette heure au
cercle de la reine. Quoique suivis de près et surveillés, ils se ren-
dent avec leurs écuyers dans la basse-cour du château, et là, met-
tent l'épée à la main, au milieu même des gardes-françaises et des
Suisses qui veulent les arrêter. M. du Hallier sort du château, à la
tête de gentilshommes, pour séparer les adversaires. Une mêléef gé-
nérale s'ensuit avec des morts et des blessés. Le duc de Montmorency
est arrêté, le duc de Chevreuse gardé à vue. Sur ce différend la
cour se sépare en deux camps. Un grand conseil se tient le lende-
main sous la présidence de Richelieu. M. de Montmorency est mis à
la Bastille , M. de Chevreuse exilé dans sa terre de Dampierre. Peu
de temps après, il est vrai, le roi obtient leur grâce du cardinal. —
Sa musique était désorganisée ! — Mais le duc de Montmorency garde
rancune au premier ministre, et lorsque Monsieur se retire en Flan-
dre afin de recruter un parti à la reine mère, il va lever des troupes
dans son gouvernement de Languedoc... L'année suivante, sa tête
tombait sous la hache du bourreau. Voilà des valentins qui ont mené
loin leur homme !
Quelques mois se passent. Richelieu forme le dessein d'arrêter la
reine mère et de la faire sortir de France. Pour battre en brèche
son crédit, il se rétablit dans l'esprit de Louis XIII, il lui présente
des chanteurs et des musiciens qu'il a mandés d'Italie; il lui per-
suade d'aller à Compiègne, d'y donner des concerts et des sérénades.
L'idée sourit au roi qui part, s'isole et écrit une série d'airs nou-
veaux. Dans la fièvre de la composition, que lui importe ce qui
s'agite, ce qui se trame autour de lui ! Pendant un concert, on ar-
rête la reine et ses partisans. Le château de Compiègne, gardé par
le maréchal d'Estrées, se change en prison d'Etat. Le roi rentre à
Paris, profondément irrité contre le cardinal, mais entendant en-
276
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
core, dans sa vanité d'artiste, résonner délicieusement à son oreille
et à son cœur l'écho des applaudissements qui ont salué ses compo-
sitions nouvelles, et en voulant moins à Richelieu d'avoir porté la
main sur une reine, que d'avoir osé troubler ses plaisirs, à lui, le
maître 1
Les concerts et les ballets figuraient comme moyens dans la poli-
tique de Richelieu. Lorsqu'il donna sa nièce, Mlle de Pont-Château,
en mariage à Puylaurens, favori de Gaston d'Orléans, pour se récon-
cilier avec celui-ci, « Puylaurens — écrit Mlle de Montpensier —
ne fut du ballet royal que pour couvrir l'intention que le cardinal
avait de le faire arrêter. Il le fit prendre au Louvre pendant une
répétition du ballet, et conduire au bois de Vincennes où il mourut
subitement. »
« Quand la reine Anne d'Autriche, bien malgré elle, — raconte
de la Porte, — et sur les instances réitérées de Mme de Rohan,
alla voir le cardinal à Rueil, celui-ci, pour lui donner le change sur
ses vrais sentiments et lui celer ce qu'il avait projeté de faire, la
reçut magnifiquement et fit chanter devant elle un air que Chansé
avait fait exprès. »
a En 1632, à la Rochelle, — au témoignage d'une lettre du temps,
— la reine, sa maison et sa cour furent encore traitées trois jours
de suite par le cardinal, avec toute la pompe imaginable. Il y eut
toutes sortes de plaisirs; mais rien de plus beau et qui plut autant
que la musique et les concerts. . . »
Cette grande victoire catholique sur la Rochelle et ceux de la religion
fut fêtée à Paris d'un triomphe païen. Selon le goût allégorique du
siècle, Richelieu exhiba Louis XIII déguisé en Jupiter Stator, tenant
à la main un foudre doré. Ce Jupiter musicien s'intitulant Stator,
disait assez lui-même qu'il ne voulait rien qu'arrêter , et qu'il fou-
droierait modérément.
On battit, il est vrai, et l'on battit bien le cardinal avec ses
propres moyens. A certains jours la musique lui fut amère. Dans
l'affaire du chevalier du Jars, une de ses plus nobles victimes, on
retire les sceaux à Châteauneuf, on l'arrête au milieu d'un concert,
on l'enferme au château d'Angoulême. Richelieu tombe malade. Châ-
teauneuf transporté de joie, fait venir des violons, danse et chac-
sonne Son Eminence dans l'espoir d'être bientôt ministre. Le roi
s'en mêle, et il décoche au convalescent deux vaudevilles satiri-
ques :
Richelieu prolonge son sort, etc.
Et cet autre :
Quand Armand vit le diable aussi près de sa couche, etc.
Du reste, au lendemain de la mort du cardinal, le roi, oubliant dans
un cruel accès d'ingratitude, que cet « Armand » avait dompté les
grands, élevé la monarchie et réalisé bien des idées françaises, le
roi trouvera encore sur son luth une corde ironique pour chanter,
avec une sécheresse de cœur qui fait peine. — Chanter est sa vie :
pour chanter tout lui est bon !
Il a passé, il a plié bagage, etc.
Et encore :
Voilà la France hors de ses fers...
Em. Mathieu DE MONTER.
(La fin prochainement . )
CORRESPONDANCE.
Nous recevons de M. Panofka une lettre particulière dans la-
quelle il nous donne des détails intéressants sur l'inauguration de la
statue de Rossini à Pesaro, à laquelle il a assisté. Quoique cette let-
tre ne soit pas destinée à la publicité, nous croyons ne pas désobli-
ger M. Panofka et faire plaisir à nos lecteurs en reproduisant ce
qu'elle contient de relatif à la fête rossinienne.
Pesaro, ce 22 août 1864.
J'aurais bien voulu vous envoyer un article en bonne forme pour
la Gazette musicale, sur l'inauguration de la statue de Rossini à Pesaro ;
mais au moment de retourner à Milan, il ne me reste que tout juste le
temps de jeter au hasard quelques lignes sur le papier.
Parti samedi à 5 heures et demie du matin de Bologne avec une
véritable caravane d'artistes, de poètes, de journalistes, venus de tous
les points de l'Italie, nous sommes entrés à la gare de Pesaro à 9 heu-
res. Une bande militaire nous a reçus avec de brillantes fanfares.
Quelle cohue ! quelle inquiétude de trouver un gîte ! Figurez-vous des
milliers d'étrangers qui viennent envahir cette gracieuse ville de Pesaro,
dont le nombre d'habitants s'élève à 12,000, et qui demandent à la fois
le gîte et la nourriture, des chambres, des déjeuners et des dîners. Aussi
ne puis-je assez remercier la veuve et le fils de Vaccaj, le célèbre pro-
fesseur de chant et compositeur, qui, avec une courtoisie tout italienne,
nous ont offert l'hospitalité la plus gracieuse, à moi et à mon ami Emi-
liani, l'éminent violoniste de Bologne, et membre de la commission ros-
sinienne. La maison de Mme Vaccaj est située dans la rue adjacente
à la via Rossini, où se trouve la maison qui a vu naître le cygne de
Pesaro. Au-dessus de la porte de cette maison, petite, mais d'une
jolie apparence, et qui, par une bizarrerie à moi inexplicable, porte les
trois numéros 333, 334 et 335, on voit une table en marbre avec la
date de la naissance de Rossini.
Le rendez-vous général était la piazza Rossini. Là, dans une des ni-
ches de la façade de San Domenico, est placée une statue du maître,
vêtu d'une polonaise à brandebourgs, qui fut donnée à la ville par un
particulier. En face de cette église, un grand café a été improvisé et
nommé Café Rossini, où, malgré une chaleur accablante, s'étaient réu-
nies les notabilités artistiques accourues de toutes les parties de l'Italie
pour rendre hommage au génie du grand maître :
Palerme était représentée par MM. Lancia di Broto, secrétaire de l'a-
cadémie des belles-lettres; Platania et Saladino, journalistes;
Naples, par les deux éminents professeurs de composition, MM. Conti
et Serrao, d'une distinction et d'une affabilité rares, et par M. Florino»
compositeur ;
Venise, par M. Buzzola, maître de chapelle de Saint-Marc;
Turin, par M. Reglï, l'érudit rédacteur en chef du Pirata;
Florence, par MM. le comte de Pertirari-Gordiano, frère de Giulio,
comte Appoliti; Pacini, le célèbre auteur de Saffo et de tant d'autres
partitions ; Mabellini, le célèbre contrepointiste, homme charmant et
d'une douceur rare; Mariani, le meilleur chef d'orchestre d'Italie;
Milan, par M. Rossi, directeur du Conservatoire, et les deux profes-
seurs de composition Ronchetti et Lucca, et de Filippi, le spirituel feuil-
1 etoniste de la Persrveranza. L'absence de l'éminent professeur Mazzu
cato a été généralement regrettée.
Et enfin, Bologne, par MM. le comte de Pepoli, l'auteur du libretto
des Puritani, maire de Bologne; Emiliani, le célèbre violoniste; Golli-
nelli. à juste titre nommé le chef de l'école de piano; Ivanoflf, Ba-
diali, Giraldoni, dont la voix est plus fraîche et plus puissante que ja-
mais ; Pedrazza, Giuglini et l'éminent poète Mereantini. J'en oublie sans
doute, et beaucoup.
Tout le monde attendait impatiemment la représentation de Guil-
laume Tell ; « mais l'homme propose et les ténors disposent, » car ce
sont bien les dieux du jour. L'indisposition subite de M. Stigelli a forcé
la direction à donner l'opéra sans ténor. Malgré cela tout a bien
marché, et le joli théâtre de Pesaro, qui peut bien contenir quinze
cents personnes, était rempli jusqu'aux combles. L'orchestre, composé
des professeurs les plus distingués de l'Italie, et les choristes, au nom-
bre de soixante-huit, ont, sous l'énergique direction de Mariani, sur-
tout brillé par la vigueur et une belle sonorité. Le public , très-
enthousiaste, a bissé l'ouverture. La chaleur était vraiment tropicale
et ne m'a pas permis de rester jusqu'à la fin du spectacle, qui a ter-
miné la première journée. Celle d'hier, favorisée par le temps le plus
beau, offrait un programme très-riche. Dès le matin, on préparait sur
les places des colonnes en bois avec des drapeaux aux couleurs natio-
nales, et une illumination à la vénitienne; les chevaux des fiacres
étaient ornés de plumes rouges et blanches, des musiciens ambulants,
parmi lesquels il y avait de bons exécutants, faisaient entendre leurs
plus beaux morceaux. La foule était grande et le nombre de mendiants
l'était aussi ; tout le monde était gai et content. A midi , la fête a été
inaugurée par une séance solennelle que présidaient S. Exe. M. Peruzzi,
ministre de l'intérieur; SI. le maire et les adjoints de la ville de Pe-
saro. M. le comte Pertirari Gardiano a lu un discours au nom des re-
présentants de Florence, qui ont offert à la ville une graûde médaille
commémorative en or. Ensuite M. Regli a lu également une savante
appréciation des œuvres de l'homme de génie, qui a été vivement ap-
plaudie; mais ce qui a profondément ému et touché l'assemblée nom-
DE PARIS.
277
breuse, c'est une improvisation de M. le ministre de l'intérieur, grand
orateur, doué d'un organe sonore et puissant, à la figure iuspirée, au
geste noble et gracieux; ses paroles, qui étaient l'expression d'un véri-
table enthousiasme pour l'art, ses pensées élevées et parfois neuves, ses
rapprochements de l'art avec la politique, la phrase surtout où il di-
sait que pendant que l'Italie sommeillait, Rossini seul la faisait vivre
par ses mélodies, — tout cela a électrisé les assistants et a provoqué
une triple salve d'applaudissements.
A 3 heures, à la gare du chemin de fer, la statue, présent de
MM. Salamanca et Delahante, directeurs des chemins de fer italiens,
a été dégagée de son voile. Chose bizarre I Rossini, qui n'aime pas les
chemins de fer, s'est fait construire à Passy une villa près la gare, et à
Pesaro, sa statue est placée à la gare, et, assis dans un grand fauteuil,
le maître fixe ses yeux sur la salle d'attente, en tournant le dos à la
ville. Sur une grande estrade se trouvaient cinq cents exécutants qui
ont admirablement dit l'ouverture de la Gazza ladra; puis M. le comte
Bellino Briganti-Bellini, député et représentant de la Société générale
des chemins de fer romains, a fait un discours très-politique, qui a été
suivi de la cantate composée par Mercadante, sur des paroles du poète
Mercantini. L'illustre compositeur napolitain, qui hélas, n'a pu venir à
Pesaro, s'est servi des plus beaux morceaux de la Donna delLago et de
Zelmire, qu'il a enchaînés avec un art supérieur et instrumentés avec
son talent si connu. Elle a produit un grand effet et a été redemandée.
Des Evviva nombreux à Rossini, à Mercadante, à Pacini, à Mariani,
à l'Italie ont été poussés par des milliers de personnes. M. le comte
Pepoli a ensuite pris la parole pour annoncer qu'au même moment où
le voile qui couvrait la statue de Rossini est tombé, la ville de Bologne
posait sur la place du Lycée une pierre avec cette inscription à la ma-
nière latine :
21 Agosto 1864
Iscrizione
Sulla porta del Liceo Filarmonico di Bologna.
Qui entra studente di qui ussci principe
Délie scienze musicali
Gioacchino Rossini
E Bologna per dvcumento perenne d'onore intitolà del suo
Nome a circastante piazza e questa lapide posé
Il 21 Agosto 1864.
La solennité s'est terminée par l'ouverture de Sémiramide, parfaite-
ment exécutée et redemandée. Le tout a été dirigé par Mariani,
qui a montré un grand talent de chef d'orchestre. Le soir il y a eu
concert au théâtre. On y a chanté des fragments du Stabat, du Barbier,
de la Cenerentola, de Mosé et de Sémiramide, ainsi que la Cantate de
Pacini sur des paroles de Mercantini, qui sont fort belles ; je veux vous
citar celles que chante Venise et qui ont vivement ému :
Vengo alla festa anch' io per V aria bruna,
Porto il sospiro délia mia laguna.
La mia laguna è in faccia a questa sponda,
E piena di canzoni era quell' onda.
Sa i canti di Rossini il gondoliere,
Ma oggi ilnostro canto è Miserere.
Vengo alla festa anch' io per (' aria bruna,
Porto il sos}riro délia mia laguna.
La ville était splendidement illuminée.
S. M. le roi Victor-Emmanuel a conféré à Rossini le grand cordon
de l'ordre des Saints-Maurice et Lazare.
H. P.
Notre savant collaborateur M. Fétis père, maître de chapelle de
S. M. le roi des Belges et directeur du Conservatoire royal de musique
de Bruxelles; est à Paris depuis quelques jours. Il s'y est rendu sur
l'invitation qui lui en a été adressée par Mme Meyerbeer et par
M. Perrin, directeur de l'Opéra, pour prendre connaissance de la
partition de l'Africaine, dont les répétitions, auxquelles M. Fétis
doit présider, commenceront aussitôt que Roland à Roncevaux
aura été joué. On sait le cas que faisait l'illustre auteur des Hugue-
nots des lumières de M. Fétis et ses sentiments d'affection pour lui;
il est donc tout naturel que cette tâche glorieuse lui ait été confiée .
De son côté, en l'acceptant, M. Fétis ne s'est pas dissimulé l'impor-
tance de la responsabilité qu'il assumait, mais son dévouement et
son[amitié pour Meyerbeer ne lui permettaient pas d'en décliner
l'honneur.
NOUVELLES.
„*„, Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Trouvère et le
Marché des Innocents ; mercredi, Guillaume Tell ; et vendredi, Lucie de
Lammermo&r et Nemea. — Demain on donnera les Huguenots.
*** Mercredi prochain aura lieu la première répétition à l'orchestre
de lloland à Roncevaux.
»** Mme Marie Petipa, qui a passé deux mois à Paris, vient de repar-
tir pour Saint-Pétersbourg. Elle fera sa rentrée au grand théâtre par
la reprise de la Fille de Plmraon, dont Mme Rosati avait créé le prin-
cipal rôle. De son côté, Saint-Léon a quitté Paris avant-hier avec
Mlle Lebedeff. Il va monter son grand ballet pour la saison d'hiver. Il
avait été un moment question du début de Mlle Lebedeff à l'Opéra ; mais
il est remis à l'année prochaine.
*** M. de Leuven vient de recevoir deux poèmes d'opéra, dus à
M. Alphonse Daudet, l'un des auteurs de la Dernière idole, comédie jouée,
on le sait, avec grand succès à l'Odéon. — L'un de ces deux poèmes
a pour titre : les Absents, le second s';ippelle : les Moulins à vent. — La
musique des Absents a été confiée à M. Poise. Cet ouvrage sera joué
très-prochainement
»** A partir de jeudi dernier, 25, le bureau de location du théâtre
impérial de l'Opéra-Comique a été rouvert, et c'est irrévocablement le
1er septembre que recommenceront les représentations par la Dame
blanche avec Achard et Mlle Cico. — Montaubry rentrera le lendemain
dans le Postillon de Longjumeau. — Lara et l'Eclair seront repris dans
la première quinzaine du mois.
„.** La direction de l'Opéra-Comique vient d'engager Mme Gennetier
pour chanter les premiers rôles de soprano. Elle débutera dans le cou-
rant du mois de septembre. Mme Gennetier a été plusieurs années pre-
mière chanteuse à l'Opéra de la Nouvelle-Orléans, où elle était fort ai-
mée. Elle y tenait tout le répertoire de l'Opéra-Comique, et elle y a
créé avec un grand succès le rôle de Catherine, de l'Etoile du Nord La
lutte qui ensanglante l'Amérique l'a forcée d'abandonner ce pays, et
nous croyons que M. de Leuven a eu la main heureuse en se l'at-
tachant pour trois ans. Mme Gennetier possède une voix d'un timbre
charmant et fort étendue; elle vocalise avec une merveilleuse
facilité, et, ce qui ne gâte rien, elle est excellente musicienne. Douée
d'un physique agréable, sa physionomie a beaucoup de vivacité ; elle est
bonne comédienne et particulièrement faite pour réussir dans les rôles
de Mme Damoreau.
*** Le théâtre Lyrique rouvrira ses portes jeudi 1er septembre par
la Reine Topaze, et le lendemain on donnera Don Pasquale.
„,** Pendant le séjour du roi d'Espagne à Paris, M. Bagier, directeur
du théâtre Italien, a été admis à l'honneur de lui présenter ses hom-
mages. L'accueil fait par Sa Majesté à M. Bagier a été des plus bien-
veillants, et Elle a daigné lui dire plusieurs choses gracieuses au sujet
de sa double entreprise du théâtre Italien à Madrid et à Paris.
*** La représentation donnée le samedi de la semaine dernière au théâ-
tre du château de Versailles en l'honneur de S. M. le roi d'Espagne
était éblouissante de lumières, de toilettes, d'uniformes et de déco-
rations. Elle a commencé à 9 heures et demie, et elle se composait
ainsi que nous l'avons dit, de la comédie-ballet de Corneille et Molière,
Psyché, avec la musique ds Jules Cohen. On avait entremêlé au troisième
acte un pas de Giselle et le divertissement des Saisons des Vêpres si-
ciliennes. Les chœurs étaient exécutés par les élèves du Conservatoire.
L'orchestre était dirigé par Georges Hainl. A 1 1 heures, la représentation
était terminée.
s*^. Tamberlick a fait sa première apparition à Madrid au théâtre
Rossini dans Poliûto. Quoiqu'on ait pu constater dans les moyens du
célèbre chanteur quelques défaillances, il n'en a pas moins chanté ce
rôle, l'un de ses meilleurs, avec une grand supériorité, et le public lui
a fait un chaleureux accueil. Mme Bendazzi a été faible dans le rôle de
Pauline.
„,*,„ A l'occasion de son jour de naissance et de sa haute promo-
tion dans l'ordre de la Légion d'honneur, une brillante fête a été
donnée par Rossini la semaine dernière à sa villa de Passy, devant une
nombreuse assemblée composée d'amis de l'illustre maître. Des artis-
tes de l'Opéra et de la Comédie-Française ont tenu à honneur de prê-
ter le concours de leur talent à l'exécution de divers fragments de
ses œuvres.
t*t Mme Frezzolini et Bottesini viennent de donner un concert à
Enghien; le célèbre contre-bassiste est ensuite parti pour Saint-Malo,
en compagnie de M. et de Mme Bettini (Trebelli), où on les attendait.
Bottesini reste attaché au théâtre de Barcelone en qualité de chef
d'orchestre. Quant à M. et Mme Bettini ils sont engagés à Rome pour
la saison d'automne, et leur apparition s'y fera dans Marta qu'ils inter-
préteront avec Mlle Angelica Moro, MM. Storti et Marchisio.
**,,, Le Pirate annonce comme très-prochaine la réouverture du théâtre
Victor-Emmanuel à Turin pour la saison d'automne et donne la com-
position de la troupe engagée. Elle comprend pour l'opéra : Prime
278
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
donne assolute, Lagrua-Emy, Palmieri Maria, Berti Ersilia, Ferrari Leo-
nilda; primi tenori assoluti, Zaccometti Giovanni, Andreeff Nicola ; pri-
mo tenore assoluto, Gaetano Pardini; primi baritoni assoluti, Cima Giu-
seppe, Grandi Antonio ; prima donna contralto assoluta, Ciaschetti Sera-
fina; primo basso assoluto, Bagaggiolo Eraclito; pour le ballet, les
chorégraphes Boni Pasquale , Rota, Giuseppe et Bini Giuseppe. Les
premières danseuses sont Mmes Emilia Aranyvary, Poggiolesi, Ettore.
— Au théâtre Alfieri a eu lieu enfin la première représentation si
longtemps attendue de Robert de Normandie, opéra-ballet en quatre
actes et sept tableaux. Le poëme est de Maurizio Toussaint et la mu-
sique des maeotri Cordiale et Denina. La réussite a été des plus heu-
reuses, et les deux compositeurs ont été rappelés à plusieurs reprises.
Le sujet est le même que celui de Robert le Diable de Meyerbeer ; les
vers ne valent pas ceux de Romani ou de Cammarano; mais tels quels
ils sont très-acceptables. La musique manque d'originalité, mais elle
est bien faite et l'instrumentation élégante sent sa bonne école. Du
reste, les représentations suivantes ont confirmé le succès de la pre-
mière, et Robert de Normandie paraît devoir prendre une bonne place
dans le répertoire mélodramatique italien.
*** On assure que M. Gye a engagé pour la saison prochaine,
Mme Amalia Patti, qui chanterait avec ses sœurs Adelina et Carlotta
dans la Flûte enchantée. Ce trio de voix, d'un timbre presque pareil,
produirait certainement beaucoup d'effet dans les rôles de la Reine de
la nuit, de Pamina et de Papagena.
*% Un nouvel opéra comique de Balfe, Sleeping queen (Reine qui
dort), doit être représenté à Londres la semaine prochaine par la troupe
de M. GermaD Rééd.
*** La charmante chanson d'Arsène Houssaye, dont nous parlions
dans notre dernier numéro, et qui a si bien inspiré Offenbach, va pa-
raître cette semaine sous le titre de Jeanne la Rousse.
*% Le concours d'orphéons qui a eu lieu dimanche dernier à Chan-
tilly, a été des plus brillants. Une animation extraordinaire régnait dans
la ville, dont les rues étaient ornées de guirlandes de feuillage et d'arcs
de triomphe. La distribution des médailles a été faite aux flambeaux,
par M. Clapisson, membre de l'Institut et président du jury des or-
phéons. Le premier prix de la division supérieure, médaille d'or d'une
valeur de 400 francs, donnée par les dames françaises de Chantilly, a
été remporté par l'orphéon de Sèvres.
s** Ce n'est pas seulement à Londres qu'on s'occupe de former des
compagnies d'opéra anglais; à New- York également un théâtre entière-
ment consacré à l'opéra anglais a ouvert par l'opéra de Balfe, la Rose
de Castille.
2*2 L'Institut musical de Florence a donné une matinée consacrée à
honorer la mémoire de Meyerbeer. La séance s'est ouverte par des
stances funèbres composées par Meini et mises en musique par le
jeune Tadeucci. Après l'ouverture de Romilda et Costanza, on a succes-
sivement exécuté un duo de l'Esule di Granala, un air du Prophète
chanté par la jeune Nercolini.qui est douée d'une excellente voix; puis
Mlle Moreno a très-bien dit la romance de Robert le Diable, et l'on a
terminé par l'ouverture de l'Étoile du Nord.
2*2 La Société impériale des Orphéonistes lillois, vient d'organiser à Lille
une souscription en faveur des incendiés de Limoges. Dans une lettre
adressée aux journaux de la ville, le président, M. Ferdinand Lavainne,
dit, en quelques mots pleins de cœur, que la société a pris cette initia-
tive en souvenir de l'hospitalité généreuse et désintéressée qui lui fut
offerte par la municipalité de la ville de Limoges.
2*2 Le 12 de ce mois, le président de la Compagnie des chemins de
fer d'Orléans, Lyon à Genève, etc., M. Fr. Bartholoni, a convoqué à
Genève un congrès destiné à poser les bases d'une convention inter-
nationale ayant pour but philantropique d'améliorer et d'augmenter
les secours à donner sur les champs de bataille aux blessés de toutes
les nations. Toutes les puissances de l'Europe ont envoyé des représen-
tants à ce congrès, l'expérience ayant démontré que la majeure partie
des blessés succombent faute de soins suffisants. A cette occasion,
M. Bartholoni a donné dans sa belle villa de Genève une brillante fête
musicale à laquelle nos meilleurs artistes ont voulu prendre part. On
y a en outre exécuté un chœur que l'éminent pianiste compositeur,
M. Bergson, avait été chargé de composer pour la circonstance, et qui,
chanté par cent voix, accompagnées de la musique militaire, a produit
le plus grand effet.
2*2 On nous écrit de New-York que l'imprésario Maretzek se donne
beaucoup de peine pour compléter le personnel de sa saison d'hiver
qui s'ouvrira le 15 septembre. Il a engagé jusqu'à présent : ténors,
MM. Massimiliani et Dotti ; basses, Susini et Bellini; premières chan-
teuses, Mmes Kellog, Morensi et Harris; contralto, n'ayant pas encore
paru, Mlle Frida de Gebelle. L'orchestre sera augmenté.
2*2 M. et Mme Léonard donnaient le 16 août, à Huy, un concert qui
avait réuni aux Augustins plus de 1,500 personnes accourues pour
entendre ce couple artistique si éminent, et bientôt après, à Spa,
le grand salon de la Redoute, rempli jusque dans les galeries de ta-
bleaux, l'applaudissait de nouveau dans le magnifique concert donné
par l'administration des jeux à l'opulente et aristocratique société étran-
gère que Spa possède en ce moment. Mme Léonard y a chanté avec
Jourdan le duo de Philémon et Raucis et le grand air des Diamants de la
couronne. De son côté, M. Léonard a joué la Rêveuse et la valse de con-
cert avec l'adagio et l'allégretto de son 5° concerto. Les plus cha-
leureux bravos, suivis de rappels, ont accueilli M. et Mme Léonard après
chacun de leurs morceaux. La sérénade de Rossini, exécutée par Mme
Léonard, MM. Jourdan, Léonard, Godefroid et Libert, a brillamment
terminé cette belle soirée.
2*2 Liszt, pour répondre au désir du Pape, s'est fait entendre devant
Sa Sainteté et quelques hauts dignitaires de l'église au palais de San Gan-
dolpho. Le piano était placé dans la grande salle du trône, et le célèbre
artiste a littéralement ravi son auditoire. Il a quitté Rome pour assis-
ter au congrès artistique de Carlsruhe qui a eu lieu le 22 août et dont
nous reparlerons.
*** Depuis la mise en vigueur de la loi sur les musiciens ambulants,
les tribunaux de police de Londres condamnent journellement bon
nombre de ces virtuoses du pavé, coutumiers du fait et récidivistes
quand même. La peine infligée se monte généralement à 25 francs
d'amende et aux frais.
2*2 Un photographe de Vienne vient de commencer la publication
d'une série de vues qui comprennent les tombes de Schubert, Beetho-
ven et Mozart.
2*2 Le septième volume de la nouvelle édition de la Biographie des
musiciens, par Fétis, vient de paraître. Nous rendrons compte de ce
volume.
**„ Les 28 et 29 août aura lieu, à Arras, le festival orphéonique
annoncé depuis longtemps, et auquel quatre-vingt-quinze sociétés or-
phéoniques doivent prendre part. La journée du dimanche sera consa-
crée aux orphéons ; celle du lundi aux musiques militaires et aux fan-
fares. En outre, il y aura un grand concert donné par la société
philharmonique.
2*2 Nous venons de recevoir le premier numéro d'un nouveau jour-
nal : le Courrier d'Arcachon, consacré à la chronique des bains de mer
et des eaux thermales. MM. Monselet et Pierre Véroa sont au nombre
des rédacteurs.
2*2 L'administration supérieure vient d'autoriser une tombola de
huit mille billets au bénéfice de la Caisse de secours de l'association
des artistes dramatiques. Elle sera composée de lots de tableaux, des-
sins, objets d'art provenant tous des artistes sociétaires.
»** Le jour même où on inaugurait à Pesaro la statue de Rossini ,
Bologne célébrait la fête du célèbre maestro ; la municipalité a donné
à la place de San Giacomo le nom de place Rossini, et une table de
marbre a été placée au-dessus de la porte du lycée de musique avec
une inscription appropriée à la circonstance.
2*2 Dans la représentation donnée au Grand-Théâtre de Bordeaux, au
bénéfice des incendiés de Limoges, on a remarqué la fille du chef d'or-
chestre du Grand-Théâtre, Mlle Mezeray qui a chanté le rôle de Rosine
dans les trois premiers actes du Barbier. Cette jeune personne possède
une Irès-jolie voix, dirigée par une excellente méthode; elle vocalise
avec une grande facilité, et son jeu est en même temps simple et dis-
tingué ; elle a reçu de chaleureux et légitimes applaudissements.
2*2 M. Guidi, l'éditeur de Florence qui a publié en éditions portati-
ves les partitions de Guillaume Tell et des Huguenots, vient d'ajouter à
sa collection celle d'il Barbiere di Seviglia, de Rossini, gravée d'après les
manuscrits existant au Lycée communal de Bologne.
2*2 A Dieppe, M. Placet, le digne chef d'orchestre, est fort estimé
des amateurs de musique. Le jour, il y a concert sur la plage, et le
soir, au Casino. Le programme des concerts est varié ; des artistes
distingués s'y réunissent, et c'est ainsi que Mlle Borghèse s'est fait en-
tendre tout récemment au profit des pauvres.
2*2 On nous écrit de Bade : « Les artistes italiens ont donné le 19
/. Puritani pour leur deuxième représentation. Naudin, Delle-Sedie et
Mlle Battu y ont obtenu un très-grand succès. Le Trovatore sera donné
lundi 22 avec Mme Charton-Demeur ; ensuite viendront Don Pasquale
et la Gazza Ladra.
2*± L'éditeur S. Richault vient de publier un nouvel et important ou-
vrage, pour orgue ou harmonium, de M. Edouard Batiste, professeur
au Conservatoire impérial de musique, organiste du grand orgue de
••aint-Eustaohe. Cette œuvre, intitulée : 15% versets, antiennes ou préludes,
dans tous les tons majeurs et mineurs, sera d'une grande utilité pour
tous les organistes. Les morceaux sont courts, ainsi que le titre le
comporte, et les mélanges des jeux pour le grand orgue ou pour l'har-
monium sont soigneusement indiqués à chacun de ces 152 versets. Cet
ouvrage fait suite aux 50 pièces d'orgue du même auteur.
t*2 M. Emile Chevé, chef de l'école Galin-Paris-Chevé, vient de mou-
rir à Fontenay-le-Comte.
2*2 On annonce la mort, à Munich, de M. Henri Kohi, violoniste du
roi de Bavière.
2*2 Giuseppe Scoppa , musicien de mérite et prédécesseur de
DE PARIS.
279
MM. Coccia et Costa comme chef d'orchestre à l'opéra de Oovent-Gar-
den, vient de mourir à Londres, où il donnait dans ces dernières an-
nées des leçons de chant.
**„ Le 8 août est mort à Cologne M. E. Kuntz, auteur de plusieurs
symphonies et ouvertures, et ancien maître de chapelle à Amsterdam.
„% Melbourne. — Le Prophète a été représenté avec un immense
succès sous la direction de M, Lysser. L'exécution en a été très-remar-
quable ; Mme Lucia Escott s'y est surtout distinguée dans le rôle de
Fidès. Les Noces de Figaro sont annoncées.
CHRONIQUE DÉPAHTEMENTALE.
t*t Lyon. — La réouverture de notre théâtre lyrique est annoncée
pour le I" septembre. Elle aura lieu par Robert le Diable. Une céré-
monie en l'honneur de Meyerbeer aura lieu dans un des entr'actes.
*'% Havre. — Le théâtre des Variétés vient do nous donner l'excel-
lente bouffonnerie d'Offenhach, Tromb-al-Cazar, interprétée par Mme
Niel, MM. Victor et Duchesne. On a applaudi en même temps et les
artistes et la pièce qui ne peut manquer d'avoir une longue série de
représentations.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t\ Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie rouvre ses portes le
1** septembre par les Huguenots. Voici la composition de la troupe pour
la saison de 1864-1865 : grand opéra, opéra comique, etc., etc. Ténors,
MM. Wicart, Jourdan, Holtzem , Metzler et Danglès, ténor comique;
basses, MM. Coulon, Mederic, Mengal, Ferraud, Pierre et Pennequin ;
barytons, MM. Roudil et Barré; chanteuses, Mmes Mayer-Boulart, Bla-
rini, Charry, Elmire, Moreau, Faivre-Rety, Arquier, Dubarry, Marie
Gronin et Bernouville, mère dugazon; quarante-cinq choristes. Ballet,
MM. Monplaisir, premier maître de ballet, avec un nombreux personnel.
Chef d'orchestre, M. Ch.-L. Hanssens. — Vieuxtemps vient de composer
une ouverture à grand orchestre avec chœur, servant de cadre à un
hymne national. 11 a offert à l'Académie des beaux-arts de Belgique de
faire exécuter cette œuvre dans la séance publique de fin septembre et
d'en diriger l'exécution. Cette offre a été acceptée avec remercîments.
— MM. Schott frères viennent de publier deux œuvres très-remarqua-
bles : c'est d'abord le quatrième concerto pour violon, de Léonard, qui
a fait une si grande sensation au dernier concours, et l'œuvre 21 de
Servais, Souvenir de Czernowicz, recueil de mélodies traitées avec toute
la science et l'habileté dont Servais est capable.
$% Ems. — Le premier de nos grands concerts réunissait trois ar-
tistes d'élite, Batta, Alard et Arban ; Batta avec des airs de la Juive et
Passiflore; Alard en jouant ses deux fantaisies sur Guillaume Tell et
Robert le Diable, et Arban avec ses variations sur le Carnaval de Venise
et sa fantaisie sur le Trovatore, ont enthousiasmé l'auditoire. Vivier,
Wieniawski et Mme Rosa Kastner se sont fait entendre au second con-
cert et leur succès n'a pas été moins grand.
,% Wiesbade. — Un concert-festival est annoncé pour le 24 août, à
l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de l'avènement au trône du
duc régnant de Nassau. Mlle Lucca, de Berlin, Mme Kastner-Escudier,
Henri Wieniawski, A. Piatti et le ténor Schnorr de Carolsfeld, de Dresde,
s'y feront entendre.
*** Cologne. — Un nouvel opéra de Max Bruch, intitulé Lorelcij, pa-
roles de Geibel, a été favorablement accueilli.
„.*£ Berlin. — Arban, le célèbre cornet à pistons de Paris, vient de
se faire entendre à l'établissement Kroll. Son succès a été prodigieux ;
il a dû répéter deux morceaux de sa composition. — Rarement les ama-
teurs de musique d'opéra ont eu autant d'occasions de satisfaire leur
goût qu'en ce moment. Voici ce qu'on a représenté pendant la semaine
passée à l'opéra royal, aux théâtres Victoria et Kroll : Les Huguenots,
pour la rentrée de Mlle Lucca, le Lac des Fées, le Barbier, Robert le
Diable, les Mousquetaires de la Reine, Martha, l'Aire de l'Aigle (de Glaeser),
la Fille du Régiment, la Dame blanche, Czar et Charpentier, et le Mariage
aux lanternes.— Le directeur de l'académie de chant, M. Grell, a été dé-
coré de l'ordre du Mérite pour les arts et les sciences.— Taglioni s'oc-
cupe de la mise en scène d'un nouveau ballet en trois actes, qui sera
intitulé Fantasca.
„.*„, Dresde. — Idomeneo, l'opéra de Mozart, a été repris au théâtre
de la cour. Malgré l'insuffisance du poëme, le public a su distinguer
les beautés réelles qui se trouvent dans cet ouvrage et les a souvent
applaudies.
„,*„. Vienne. — L'opéra de Flotow, Indra, vient d'obtenir un très-beau
succès au théâtre impérial. Mlle Wildauer et M. Beck y ont eu de nom-
breux bravos. — A l'opéra de la cour, on répète, sous le titre : la Fille
des Bois, un nouveau ballet composé par l'intendant le prince Auers-
perg et le maître de ballets Pellerini.
,,% Saint-Pétersbourg. — Le général et sénateur Alexis Lwoff, compo-
siteur et violoniste d'un grand talent, s'est démis de ses fonctions de
directeur des chantres de la cour; M. de Bachmétieff doit lui succéder.
ERRATUM.
Une faute d'impression a été commise dans le deuxième article de
la Musique à la cour et à la ville que contenait notre dernier numéro.
Page 267, première colonne, au lieu de : « Plus nous allons, en vérité,
et plus la mort de Sully semble résumer le caractère ; » lisez : « et
plus le mot de Sully, » etc. La coquille est tellement grossière qu'elle a
dû sauter aux yeux de tous les lecteurs. Ce serait bien la première
fois que la mort d'un ministre résumerait le caractère et la biographie
d'un roil
HirïC ®a demande, pour diriger exclusivement la Société phil-
Hwi^. harmonique de Fresnes, canton de Condé (Nord), un chef de
musique qui devrait prendre sa résidence dans cette commune ; son
traitement annuel serait fixé à 1,500 francs, indépendamment des res-
sources que pourrait lui offrir la populeuse localité, au moyen de le-
çons particulières, dans la commune même et dans celles environ-
nantes.
Les candidats devront adresser leur demande à il. le maire de
Fresnes avant le 4b septembre prochain.
Les lieu et jour du concours qu'ils auront à subir, leur seront ulté-
rieurement indiqués.
Le Directeur : S. Dt'FOUB.
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C% RUE JACOB, 56,
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de musique de Bruxelles.
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<• IE DOMINO NOIR. Ah! quelle nuit I COUPLETS.
2. — Qui je suis ?. . . une fée .. —
3. L'ÉCLAIR Quand de la nuit ROMANCE..
4. L'ENFANT PRODIGUE- •• Allez, suivez votre pensée. —
5- L'ÉTOILE DU NORD En sa demeure COUPLETS.
6- LA FAVORITE Pour tant d'amour CAVAT1NE.
7. — Un ange, une femme ROMANCE.
8- LA FÉE AUX ROSES.-.. Oui, chaque jour je viens. —
9- LA FIANCÉE Entendez-vous? DUO
10. — Montagnard ou berger TYllnl.nvsE
H. FRA DIAVOLO Je voulais bien COUPLETS.
12. — Voyez sur cette roche RONDE.
13. GUIDO ET GINEVRA Pendant la fête ROMANCE.
14- GUILLAUME TELL Sombres forêts, désert —
15- HAYDÉE Ah! que la nuit est belle ! BARCAROI.l.E
16. — C'est la corvette COUPLETS.
1 1 ■ LES HUGUENOTS Plus blanche ROMANCE.
18. LA JUIVE Rachel,quaudduSeigneur. AIR
19- LA MUETTE DE PORTICI. Ferme tes yeux CAVATINE.
20. LA PART DU DIABLE ■• Ferme ta paupière, dors.. ROMANCE.
21- IE PHILTRE Je suis sergent AIR.
22. LE POSTILLON DE LONJUMEAU- Mes amis, écoutez.. RONDE.
23- LE PRÉ AUX CLERCS... Jours de mon enfance AIR.
24- LE PROPHÈTE PourBertha, moi jesoupire PASTORALE.
25. LA REINE DE CHYPRE.. Triste exilé CAVATINE.
26- ROBERT-LE-DIABLE Nonnes qui reposez ÉVOCATION
27. — Val... dit-elle, va ROMANCE.
28. LA SIRÈNE 0 dieu des flibustiers .... COUPLETS.
29. LE VAL D'ANDORRE..-. Marguerite, qui m'invite. . ROMANCE.
30. — Toutelanuitsuivautsatrace —
3t- L'AMBASSADRICE Il est, dit-on COUPLETS.
32. — Que ces murs coquets .... AIR.
33- LE DOMINO NOIR Le trouble et la frayeur.. ROMANCE.
34. — La belle Inès fait florès. .. ARAGONAISE.
35- LA FAVORITE O mon Fernand AIR.
36. — Ange si pur —
37. — Va-t'en d'ici, de cet asile. DUO.
38. HAYDÉE Il dit qu'à sa noble patrie. COUPLETS.
39. — A la vo*x séduisante ROMANCE.
■10. LA JUIVE Il va venir, et d'effroi —
41- LA MUETTE DE PORTICI. Ne repoussez pas CAVATINE.
42. MOUSQUETAIRES DE LA REINE Bocage épais AIR.
43. — Le cardinal dans sa colère COUPLETS .
44. LE PRÉAUX CLEBCS-. Les rendez-vous DUO.
45. LA REINE DE CHYPRE.. Vous qui de la chevalerie. —
46. ROBERT-LE-DIABLE Robert, toi que j'aime CAVATINE.
47- LA SIRÈNE Prends garde, montagnard. RONDE.
48. LE VAL D'ANDORRE. . - . Voilà le sorcier CHANSON.
49. _ Faudra-t-il donc, pâle ROMANCE.
50. — Le soupçon, Thérèse —
51. CHARLES VI. Humble fille des champs.. AIR.
52. LE DOMINO NOIR Heureux ad ne respire... CANTIQUE.
53. — Mes chèies sœurs CAVATINE.
54. L'ÉTOILE DU NORD Veille sur eux toujours... PRIÈRE.
55. LA FAVORITE Jardins de l'Alcazar RÉCIT et AIR
56. GIRALDA Rêve heureux du jeune âge. CAVATINE .
57. — Ange des cieux ROMANCE.
58. LES HUGUENOTS Tu l'as dit, oui, tu m'aimes. CAVATINE .
59. JEANNOT ET COLIN ■•• Ah! pour moi quelle peine. AIR.
60. JOCONDE Dans un délire extrême. .. ROMANCE.
61 • LE JUIF ERRANT Pour expier envers lui LÉGENDE.
62 . — A moi, ta sœur et ton amie . ROMANCE.
63. LA JUIVE Dieu, que ma voix CAVATINE.
64. MOUSQUETAIRES DE LA REINE. Je l'ai sauvé celui. ROMANCE.
65. LA MUETTE DE PORTICI. Mieux vaut mourir EXT. DU DUO.
66 . — Chantons gaîment BARCAROLLE
67. — Voyezdubautdecesrivages —
68- LE NABAB Ledestincomblemesvœux.C. DU TABAC.
69- LE PHILTRE Vous me connaissez tous. . AIR.
70. — Je suis riche, vous êtes belle BARCAROLLE
71. LE POSTILLON DE LONJUMEAU. Mon petit mari AIR.
72. LE PRÉ AUX CLERCS-. ■ Souvenirs du jeune âge. .. ROMANCE.
73. — Ce soir j'arrive donc AIR.
74 . — A la fleur du bel âge RONDE .
75. ROBERT-LE-DIABLE... Jadisrégnaiten Normandie. BALLADE.
76. BLUMENTHAL LE CHEMIN DU PARADIS Mélodie.
77. DASSIER CE QUE J'AIME Romance.
78. — MARCEL LE MARIN Rom. dr..
79. — POUR LES PAUVRES, MERCI —
80. — TROP TARD —
81. — UNE VENGEANCE CORSE Ch.dram.
82. — VA-T'EN. JE T'AIME Mélodie.
83. DUPREZ LA VIE D'UNE FLEUR Pastorale
84. HALÉVY LA VENTA-.. Boléro.
85. KUCKEN AVE MARIA Prière.
86- LABARRE.... L'ANNEAU D'ARGENT Légende.
87. — LA PAUVRE NEGRESSE Romance.
88. MEMBRÉE. .. L'ONDINE ET LE PÊCHEUR Ballade.
89. MEYEkBEER. CHANSON DE MAI Mélodie.
90. — GUIDE AU BORD TA NACELLE —
91. - LE MOINE —
92. — LA SÉRÉNADE —
93. PANSERON... AU REVOIR, LOUISE Romance.
94. — DEMAIN ON VOUS MARIE —
95- PROCH LE COR DES ALPES Mélodie.
96 . F. SCHUBERT ADIEU —
97. ■- AVE MARIA Prière.
98. — LA JEUNE RELIGIEUSE. Mélodie.
99. — LA SÉRÉNADE
100.TROUPENAS LE BRAVO Romance.
01. LE CHEVAL DE BRONZE. Quand on est fille, hélas!. COUPLETS.
02. LE COMTE ORY Veiller sans cesse AIR.
03. LES DEUX PECHEURS-. Castilbcta BALLADE.
04. LES DIAMANTS DE LA COURONNE. Vivent la p!uie,elc. COUPLETS.
03. LES DRAGONS DE VILLARS. Heupiheup! mule chérie. AIR.
06. — Ne parle pas, Rose ROMANCE.
07. — Il m'aime, espoir charmant. AIR.
08. L'ENFANT PRODIGUE.. • Ah ! dans l'Arabie COUPLETS.
09. — J'ai tout perdu, Seigneur . ROMANCE.
10. L'ÉTOILE DU NORD • --0 jours heureux de joie.. —
11. — Sur son bras m'appuyant . COUPLETS i îtoIi.
12- LA FÉE AUX ROSES En dormant , c'est à moi. ROMANCE.
13. — Près de toi je crois revivre.
14. LA FIANCÉE Si je suis infidèle BALLADE.
15. — Garde à vous, avançons. . COUPLETS.
16. FRA DIAVOLO Je vois marcher AIR.
17. — Agnès, la jouvencelle BARCAROLLE
18. GIRALDA Bève si doux AIR.
19. — 0 dieu d'amour DUO.
20. GUIDO ET GINEVRA Quand renaîtra la pâle ... GRAND AIR.
21. GUILLAUME TELL Accours dans ma nacelle. . BARCAROLLE
22. — Asile héréditaire AIR.
23. HAYDÉE Enfants de la noble Venise, ciiassok baciihub
24. LES HUGUENOTS Rataplan COUPLETS «HIT.
25. — Rentrez,habitanlsdeParis.COUVRE-l''EU
! 26 . JOCONDE J'ai longtemps parcouru... AIR.
I27. MARTHA Seule ici, fraîche rose ROMANCE.
!28. — Mes chersamis CHAHS, ou pouteu
129. — Lorsqu'à mes yeux ROMANCE.
130. MESDAMES DE LA HALLE. Au beau jour COUPLETS.
1 31 . OBÉRON Quel plaisir de flotter .... BARCAROLLE
132. PANTINS DE VIOLETTE. Pierrot est un joli pantin. CHANSON....
133. LA PART DU DIABLE.. Le singulier récit AIR.
134. LE PHILTRE. La coquetterie —
135. LE POSTILLON DE LONJUMEAU. Assis au pied. ...ROMANCE.
136. LA POUPÉE DE NUREMBERG. Me voilà, oui c'estelle. DUO.
137. LE PROPHÈTE Donnez à la pauvre femme. COMPLAINTE
138. LE RÊVE D'UNE NUIT D'ÉTÉ. Oh! Paris, séjour A1B bouffe AtiCL.
139. ROBERT-LE-DIABLE Quand j'ai quitté la Norm. COUPLETS.
140. LE VIOLONEUX Le violoneux du village .RONDE.
141. DASSIER LE CHÉtIE DU DIABLE Romance.
142. — MARINE —
143. DELSARTE.... STANCES A L'ÉTERNITÉ Mélodie.
144. J. DESSAUER. LE RETOUR DES PROMIS.. Cantabile andaloux.
145. F. KUCKEN... SÉRÉNADE MORESQUE Mélodie.
146. Th. LABARRE. LA PUPILLE Chansonn.
147. G.MEYERBEER LA BARQUE LÉGÈRE Mélodie.
148. — CANTIQUE DU TRAPPISTE —
149 F. SCHUBERT. LA POSTE —
150 LE ROI DES AULNES —
151. ACTÉON Nina, jolie et sage AIR.
152. LE CHEVAL CE BRONZE Ah! pour un jeune cœur. AIR.
153. LES DEUX PÉCHEURS. La grenouilleaux camélias CHANSON.
154. DEUX VIEILLES GARDES Versez, moij'aime le doux POISA CIUKIBE.
155. DIAMANTS DE LA COURONNE Dans les défilés BOLERO.
156. DRAG- DE VILLARS Quand le dragon a bien trotté AIR MILIT.
157. — Grâce à ce vilain ermite COUPLETS
158. L'ENFANT PRODIGUE H est un enfant d'Israël ROMANCE.
159. L'ÉTOILE DU NORD Beau cavalier au cœur d'acier COUPLETS.
160. LA FÉE AUX ROSES. Des roses, partout des roses AIR.
161. LA FIANCÉE Que de mal, de tourment... COUPLETS.
162. — Un ciel serein et sans nuage ROMANCE.
163. FRA DIAVOLO Le gondolier fidèle BARCAROLLE
164. — Pour toujours, disait-elle.. . COUPLETS.
165. GIRAi-DA 0 mon habit, mon bel habit COUPLETS.
166. GUILLAUME TELL... Sois immobile ROMANCE.
167. HAYDÉE Glisse ma gondole BARCAROLLE
•168. — Unis par la naissance AIR.
169. LES HUGUENOTS... Piff, paff. C1IAKS. IIUBUESOIE
170. — Nobles seigneurs, salut CAVATINE.
171. JOCONDE L'épreuve est tout à fait... AIR.
172. — Parmi les filles du canton. . COUPLETS.
1 73 . LESTOCQ Ne nous trahissez pas DUO.
174. MARTHA Ah! voyez donc! ah! ARIETTE.
175. — Bois paisible, vert feuillage. ROMANCE.
176. MESDAMES DE LA HALLE La lune et le soleil COUPLETS.
177. LA MUETTE DE PORTICI Amis, la matinée est belle BARCAHMLl.L
178. LE NABAB Mon oncle a dit, dans sa colère. ROMANCE.
179. LE PHILTRE La reine Yseult,aux blanches mains BALLADE.
180. LE PORTEFAIX Une princesse de Grenade.. RONDE.
181. LE PROPHÈTE Ah! men fils, sois béni ARIOSO.
182. — Roi du ciel et des anges... HYMNE.
183. ROBERT BRUCE.... Le roi sommeille CAVATINE-
184. ROBERT-LE-DIABLE. 0 fortune, à ton caprice.... SICILIENNE.
185. — Noirs démons, fantômes TiLSE ISFEnrfALE.
186. LE SERMENT.. Le bel état que celui d'aubergiste AIR.
187. LE TOREADOR Dans une symphonie AIR.
188. TROMB-AL-CA-ZAR.. Un jambon de Rayonne RONDE.
189. LE VIOLONEUX Le violon brisé ROMANCE.
190. ZERLINE Achetez, voici des oranges. CANZONETTA
191. DASSIER JEUNE FILLE ET FAUVETTE Romance.
192. — AIMER ET SOUFFRIR —
193. — ADIEU, PATRIE! —
194. GÉRALDY.... LA LETTRE AU BON DIEU S. histoire
195. LABARRE.... LA FILLE O'OTAITI Romance.
196. — LA FIANCÉE DU KLEPHTE —
197. MEYEBBEER. LE VŒU PENDANT L'ORAGE Mélodie.
198. — MERE GRAND Nocturne
199. SCHUBERT... MARGUERITE Mélodie.
200. — PLAINTES OE LA JEUNE FILLE —
20-1 . LA BARCAROLLE-. Le matin j'y rêve ROMANCE.
202. CENDRILLON 0 sexe aimable —
203. LES CHAPERONS BLANCS. Le plaisir n'a qu'unjour.. COUPLETS.
204. LE CHEVAL DE BRONZE. Là-bas sur ce rocher BALLADE.
205 . — Tranquillement il se promène. . COUPLETS .
206. LE COMTE ORY... Que les destins prospères CAVATINE.
207. — Venez, amis, retirons-nous COUPLETS.
208. LES DEUX JOURNÉES- Un pauvre petit Savoyard. . ROMANCE.
209. LES DIAMANTS DE LA COURONNE. Le beau Pédrille. BALLADE.
210. LE DIEU ET LA BAYADÈRE- Quel vin! quel repasl.. AIR.
211. — Sois ma bayadère —
212. LE DOMINO NOIR. Amour, finis mon supplice.... ROMANCE.
213. — Au réfectoire COUPLETS.
214. — D'où venez-vous, ma chère —
215. LES DRAGONS DEVILLARS. Allons, ma chère DUC.
216. — Biaise qui partait tu. PHnIBBIAIB.
217. — Il m'accuse, il me croit coupable CANTABILE.
218. — Le sage qui s'éveille CBAJSOS A BOIBI
219. LE DUC D'OLONNE Fleurs fraîches et jolies ROMANCE.
220. L'ENFANT PRODIGUE. 0 campagne chérie
221. — Toi qui versas la lumière AIR.
222. L'ÉTOILE DU NORD. Avec toi, ma charmante COUPLETS. !
223. — Le bonnet sur l'oreille —
224. — Enfants de l'Ukraine
225 . — Sous les vieux remparts YITAIBiÈBts.
226. FRA DIAVOLO.. • Oui, c'est demain COUPLETS.
227. — Quel bonheur! je respire CAVATINE.
228. — Tu veux en vain ROMANCE.
223. GIRALDA Ce récit est vraiment étrange... AIRBOUFFE.
230. — Quand saint Jacques AIR.
231. GUILLAUME TELL. Mathilde, idole de mon âme... ROMANCE.
232 . — Toi que l'oiseau TYROLIENNE
233. HAYDÉE Adieu donc, noble ville AIR.
234. — Ainsi que vous COUPLETS.
235. — Bravons la mitraille AIR.
236. — C'est la fête au Lido DUETTINO.
237. — Mes jours voués à la tristesse. ROMANCE.
238. — Mo voici, général AIR.
239. — Salut l cité chérie CHOEUR.
210. LES HUGUENOTS-. Bonheur de la table ORGIE.
241. — Jeunes beautés CHOEUR.
242. — 0 viens, divin Luther RECITATIF.
213. JEANNOT ET COLIN. Malgré l'éclat de l'opulence.. . ROMANCE.
244. JOCONDE Magiand' mère disait souvent... COUPLETS.
245. — Quand on attend sa belle AIR.
216. LE LAC DES FÉES La nuit et l'orage ROMANCE.
247. MARTHA Ah! que Dieu vous pardonne AIR.
248. — Dors en paix, mon cœur NOCTURNE.
249. — En lançant trait sur trait AIR.
250. — Mon pauvre camarade RECIT.
251. MESDAMES DE LA HALLE. Ma ciboulette COUPLETS.
252. LA MUETTE DE PORTICI Ah! ces cris d'allégresse.. A1B
253 . — Plaisir du rang suprême —
254. — Saint bienheureux PRIERE.
255. UNE NUIT BLANCHE. Contrebandier, tu ne sais RONDEAU.
256. LES PANTINS DE VIOLETTE Ce qu'ils font AIR.
257. LE PARDON DE PLOERMEL. Mon remords te venge. ROMANCE.
258. — Dors, petite BERCEUSE.
259. — En chasse, en chasse CH.DOCHASSBBR.
260. — Ombre légère GRAND AIR.
261. LE PHILTRE Philtre, liqueur enchanteresse. AIR.
262. LE POSTILLON DE LONJUMEAU. Oui, des choristes. — I
263. LE PROPHÈTE.... Versez, que tout respire COUP. BACBMIJ,
264. ROBERT BRUCE .. Oui, demain, l'Ecossais ROMANCE.
265. ROBERT LE DIABLE. La trompette guerrière AIR.
""". — Versez à tasse pleine COUPLETS.
■ LE ROMAN D'ELVIRE. Ah! ce serait un crime.... ROMANCE.
— Si la brise folle BARCAROLLE
■ LA ROSE DE SAINT-FLSURCnmmnousnousamuiàmes COUPLETS.
. LE SIÈGE DECORINTHE. Qu'à ma voix la victoire.. AIR.
■ LA SIRÈNE Qu'est-ce donc? mes amis —
■ STRADELLA A nous tous, mes amis JMSOïïltOILl
— Astre pleia Je grandeur HYMNE.
— viens, o ma belle SERENADE.
. LE TORÉADOR.... Je tremble et je doute COUPLETS.
• TROMB-AL-CA-ZAR • Le crocodile en partant CHANSON.
. TROMPETTTEDF IYI.LE PRINCE- Pourquoi ces guerres. —
. LE VIOLONEUX. . Conscrit, conscrit COUPLETS
■ ZAHETTA Voici voici la jardinière ROMANCE.
. ZERLINE Souviens-toi —
. ARTUS LES VIVEURS Chanson.
. BLUMENTHAL POUR MA MÈRE Romand.
— RAPPELLE-TOI Mélodie.
■ DASSIER FOU DE LA REINE Romatiu.
— VENISE ET BRETAGNE —
. DELSARTE.. HISTOIRE DU BON DIEU Chant de nourrice.
. DUPREZ JEANNE LA RIEUSE Chansonnette.
. KUCKEN MYSTÈRE DU COEUR Mélodie.
. LABARRE.... LE KLEPHTE POURSUIVI Ballade.
— LA SÉPARATION Scène.
. LHUILL1ER. . L'PLUS MALIN D'COQUENTIN Chansonnette.
— LA MAISON INFERNALE —
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31e Année.
ON S'ABONNE:
Dans les Départements et a l'Étranger,
chez lous les Marchands de Musique, les Libraire
et aux Bureaux des Messageries et des Postes.
N« 36.
REVUE
Septembre 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 2* r.parai,
Départements, Belgique ot Suisse... 30 n id.
Étranger 34 » id-
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Feuillets d'album, par Paul Smith. — La musique à la cour
et à la ville, sous le règne de Louis XIII (4e et dernier article), par Mathieu
de Monter. — Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nou-
velles et annonces.
FEUILLETS D'ALBUM,
i.
On a signalé plus de différences que d'analogies entre les deux
époques où la liberté des théâtres est venue chez nous favoriser l'es-
sor des œuvres lyriques et la multiplication des salles consacrées à
leur exploitation.
La grande supériorité de l'époque passée sur l'époque présente,
c'est qu'en 1791 on avait devant soi plus de soixante ans de mélodie
souveraine, incontestée, et qu'aujourd'hui beaucoup de musiciens,
vieux et jeJnes, délibèrent pour savoir s'ils mettront ou ne mettront
pas de la mélodie dans leurs ouvrages.
II.
N'est-ce pas un des signes du temps les plus tristes que ce
doute qui vient assaillir et troubler l'esprit des artistes? En 1791, la
foi était entière, absolue; en 1864, les sceptiques abondent et les athées
ne sont que trop nombreux. Pourquoi cette incrédulité? Pour-
quoi cette négation du principe même de la musique? La réponse
est bien simple : on voudrait supprimer la mélodie parce qu'il est
plus que jamais difficile d'en trouver. On a épuisé toutes les formules
connues, servant à l'expression des sentiments et des idées : un
homme de génie pourrait seul en renouveler le répertoire, mais cet
homme de génie n'apparaît point. Il y a tant d'échos et si peu de
voix ! Les voix ne retentissent que de loin en loin, quand il plaît à
Dieu, tous les siècles, ou tous les demi-siècles, et les échos ne font
autre chose que répéter ce qu'elles ont dit, avec quelques petites
variantes plus ou moins heureuses ; mais le moment arrive où les
variantes même s'épuisent, et où les échos sont réduits au silence
sous peine de tomber dans le plus affreux jargon.
III.
C'est ce qui faisait dire un jour à l'un de nos confrères, paradoxe
vivant que tout le monde connaît : « La mélodie ! voulez-vous son
histoire en deux mots ? C'est exactement celle du compliment de
M. Jourdain dans le Bourgeois gentilhomme; Belle marquise, vos
beaux yeux me font mourir d'amour ! Voilà comment s'énonce en
prose M. Jourdain, et il n'accepte aucune des périphrases que lui
propose son maître de philosophie, parce qu'il trouve que ces péri-
phrases gâtent la pureté de sa pensée. Voilà aussi comment s'exprime
en musique le compositeur qui le premier s'empare d'un sentiment,
d'une idée, et les produit sous leur forme la plus naturelle. Puis il
en vient un second, qui, pour le seul plaisir de changer quel-
que chose, tourne la phrase ainsi : D'amour mourir me font,
belle marquise, vos beaux yeux. Un troisième, trouvant cela com-
mun, aime mieux dire : Vos yeux beaux d'amour me font, belle
marquise, mourir. Un quatrième, pressé du besoin de varier encore,
adopte ce tour inédit : Mourir, vos beaux yeux, belle marquise,
d'amour me font. Enfin, un cinquième, cédant toujours à l'irrésis-
tible nécessité d'innover, ne craint pas d'en venir à cet ordre ou plu-
tôt à ce désordre grammatical : Me font vos yeux beaux mourir, belle
marquise, d'amour. Et les variantes, les innovations, les renverse-
ments continuent jusqu'à ce qu'on se brise au nec plus ultra du
recherché, de l'alambiqué, de l'inintelligible ! »
IV.
Un de nos confrères, et encore plus de nos amis, écrivait à propos
de Richard "Wagner, de ses œuvres et de ses systèmes : « Est-ce
que par hasard la musique se serait trompée, en prenant la mélo-
die pour son essence, en la considérant comme son principe et sa
fin ? Au commencement, la mélodie est toute simple et toute naïve ;
elle plaît par elle-même et par sa propre beauté. | Elle naît sans
peine, sans effort, elle se dégage des bruits du monde, comme Vénus
de l'écume des mers. Bientôt la coquetterie lui vient, et elle cherche
un attrait nouveau dans la parure. Quand la parure ne lui suffît plus,
elle vise à être originale; puis de l'originalité elle passe à l'étran-
geté, à la bizarrerie. Elle finit par se déguiser si bien qu'onfne
peut plus guère la reconnaître, tant elle a peur de tomber dans le
banal. Enfin elle disparaît, se cache et devient si fugitive qu'on ne
sait plus où la trouver. Cependant les grands musiciens la poursui-
vent toujours, persuadés que sans mélodie il n'y a pas de musique,
et, quand ils parviennent à la saisir, ils l'enferment dans ces vastes
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
forêts d'harmonie, labyrinthes savants dont ils tiennent la clef, et
dans lesquels ils ménagent soigneusement des clairières, afin que la
mélodie puisse reparaître de temps à autre et être reconnue malgré
l'éloignement. »
Du reste, quoi qu'on pense et qu'on dise de la mélodie, les essais
qu'on a tentés jusqu'ici pour s'en passer n'ont servi qu'à prouver
qu'elle est indispensable. Cependant quelques musiciens s'étaient
flattés d'avoir trouvé moyen de la remplacer avec avantage. Ils
avaient mis le public à la diète, et celui-ci avait eu la bonhomie de
s'y prêter. Là dessus, grande joie ! grand triomphe ! La mélodie a
fait son temps! La routine a son coup de grâce, comme aurait dit
M. Emile Chevél Mais au bout de quelques jours, le public se sentant
l'estomac creux, la tête vide, s'abstenait prudemment du chef-d'œu-
vre, qui ne suffisait pas à son appétit. Cela rappelle l'histoire de ce
cheval, que son maître voulait dresser à vivre sans manger. Le
régime durait depuis trois jours ; après quoi l'animal restait sur
la place. — C'est dommage, disait le maître, il commençait à s'y
habituer. Au théâtre, mieux vaut l'imitation, la réminiscence que
l'absolue privation de mélodie ! Renoncez au théâtre, vous qui re-
doutez le banal au point de lui préférer l'étrange, le violent, le
désagréable !
VI.
Autre supériorité du passé sur le présent. Les terrains propres à
la construction des théâtres coûtaient beaucoup moins cher, et les
artistes étaient à bien meilleur marché ! Les artistes sont parfaitement
maîtres de faire de leur voix ce que bon leur semble, mais n'est-ce pas
aussi notre droit et notre devoir de les avertir qu'ils sont en train de
ruiner tous les théâtres. On a ri longtemps de ce mot du célèbre Ca-
merani, régisseur de la Comédie italienne : « Tant qu'il y aura des
auteurs, les théâtres ne pourront pas marcher. » Aujourd'hui nous ne
rions pas du tout en affirmant que les chanteurs ne tarderont pas à
rendre tout théâtre chantant impossible !
VII.
Notez que la qualité des voix n'augmente pas avec leur prix !
Seulement, ce qu'il y a de trop positif, c'est que plus le traitement
s'accroît, plus l'artiste devient intraitable! Comment voudriez-vous
vivre sur un pied d'égalité avec des gens qui vous contraignent
à leur payer plus de 100,000 francs par année? Évidemment
les rôles sont renversés. Le directeur est l'ilote et l'artiste le
maître; l'un gouverne, l'autre règne. Et la critique, jugez la
façon dont elle est accueillie par des millionnaires? On conçoit
assez bien le chagrin, la colère que ses moindres observations ins-
pirent à des artistes dont le talent est coté si haut ! quand par ha-
sard un feuilleton vient à déclarer que leur sol commence à briller
par son absence, que leur médium faiblit, que leur registre bas s'em-
plit de galet, n'est-ce pas comme si l'on annonçait à un armateur
de Nantes ou de Bordeaux qu'un de ses navires a sombré, à un pro-
priétaire de Beauce ou de Normandie qu'une de ses fermes a brûlé,
qu'on a incendié la plus belle de ses granges, en un mot qu'il est
menacé d'une perte de 20, 30 ou /i0,000 francs pour son année, sans
parler du futur contingent?
VIII.
Quoi de plus triste que les restes d'une voix qui tombe, avec une
ardeur qui ne s'éteint pas ? Ceci est du Bossuet, Messieurs et Mes-
dames.
IX.
Autrefois on voyait le grand artiste (je ne parle ici que des com-
positeurs) s'élancer bien loin de la foule, dans laquelle se rencon-
traient à peine quelques hommes, marchant à pas de tortue et le
suivant d'infiniment loin. Aujourd'hui, tout au contraire, il y a une
multitude d'artistes qui partent en même temps, marchent du même
pas, et s'avancent plus que les petits artistes d'autrefois, mais bien
moins que les grands.
A quoi nous mènera le mouvement rétrospectif qui s'est manifesté
depuis plusieurs années, et qui certainement fait beaucoup d'hon-
neur à notre goût ? à une rénovation de nos facultés inventives et
productrices ? Je me permettrai d'en douter.
XI.
Il sera toujours plus facile de bâtir des théâtres que de trouver
des idées.
XII.
On ne cesse de préconiser l'importance des études, comme si la
fécondité tenait à la science! Dans tous les arts, ce qui porte le
plus à la eréation des chefs-d'œuvre, ce n'est pas qu'il y en ait
beaucoup de faits, mais c'est qu'il y en ait beaucoup à faire.
XIII.
En musique la faculté de produire des mélodies qui se retiennent
et laissent des traces dans la mémoire, équivaut à la puissance qui
crée des personnages et leur impose un nom dans les œuvres dra-
matiques, poétiques et romanesques.
XIV.
Les grands musiciens, comme les grands poètes, obéissent à un
instinct qui est leur loi suprême. Pour que l'art leur procure ces émo-
tions sans lesquelles ils ne peuvent vivre, ils sont contraints de
créer, d'innover, de se modifier sans cesse : ils se dégoûtent des
formes connues, plus vite que personne. Il leur faut du nouveau par
rapport à leur époque et à eux-mêmes. De là les secondes et les
troisièmes manières que l'on admire et dont on s'étonne également.
XV.
Se nourrit-on de souvenirs dans la fiévreuse et fertile saison des
amours ?
XVI.
A force de ressusciter l'ancienne musique et de se complaire à
son étude exclusive, quel succès on prépare au premier compositeur
qui aura quelque pauvre petite idée tant soit peu neuve?
Paul SMITH.
LÀ MUSIQUE À LÀ COUR ET À LÀ VILLE,
Sons le règne de Louis XIII.
(4e et dernier article) (1).
IV.
Ce n'était pas une sinécure que de faire partie de la musique
particulière de Louis XIII. A la guerre, en voyage ou aux eaux, le
roi ne donnait aucun répit à cet orchestre princier, à ces chan-
teurs courtisans, aussi habiles musiciens que ceux de la chapelle,
non moins prompts à se plier sous sa direction, et qui, ne deman-
(1) Voir les n°" 33, 34 et 35.
DE PARIS.
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dant ni gratifications ni indemnités allégeaient d'autant les dépenses
prévues pour la musique dans son revenu de /|8 raillions.
Aussi, à ce siège de la Rochelle dont je parlais plus haut, et où
la chapelle ne vint pas, Louis XIII travailla-t-il plusieurs jours à
composer l'office et à noter les vêpres et les compiles du dimanche.
La maison militaire remplissait les fonctions de la chapelle.
Au siège des barricades de Suse, en Savoie, le cardinal faisait le
vide autour du roi. Depuis le retour des reconnaissances jusqu'à
l'heure du coucher, les soirées paraissaient longues et lourdes au
chef d'orchestre des concerts du Louvre. Mais Saint-Simon et de
Hyert — une voix admirable — sont là. Vite ! des chanteurs et des
instruments! Et les soirées musicales recommencent sous la tente,
et le sourire renaît, avec la mélodie, sur les lèvres de Louis XIII.
En 1642, pendant le siège de Perpignan, le roi malade et bien
près de sa fin, se rend, avec Turenne blessé, aux eaux de Montfrin,
dans les Pyrénées, au pied du Canigou. Toute la noblesse du Midi
est là : les fêtes et les plaisirs se succèdent. Rien ne peut distraire
le roi et le réveiller de sa torpeur fiévreuse, rien, si ce n'est de
temps à autre, — Mlle de Scudéry vous le dit, — « ses concerts de
grands seigneurs et de belles dames, et la musique que font des
musiciens venus là de tous les points de la terre. »
Je pourrais multiplier ces souvenirs. Et encore, je ne parle que
de la danse de cour et des nombreux « ballets de Sa Majesté. » De
volumineux ouvrages traitent amplement de ces matières lé-
gères. Pour montrer cependant combien Louis XIII était heureuse-
ment doué sous le rapport artistique et avec quelle rapidité il pro-
duisait, je rappellerai seulement qne le 7 février 1636, l'idée étant
venue de composer un ballet pour le carnaval, il partit aussitôt de
Saint-Germain, vint s'enfermer à Versailles, et en six jours le ballet
fut inventé, disposé, écrit, paroles et musique, et dansé au Louvre
sous le nom bien choisi de Ballet de l'improviste, dans la nuit du 12
au 13 février. La Gazette de France, par la plume de l'auteur, du
roi, rendit un compte détaillé de cette œuvre « par laquelle Sa
Majesté a voulu prouver que la diversité des airs, des pas, des gestes
et des habits est une des plus agréables choses de la nature, et
qu'on peut l'obtenir avec peu de peine et sans longue étude. » Petite
forfanterie d'auteur heureux! Le ballet n'est que médiocre; mais le
récit en musique qui l'ouvre est comme un aveu échappé au roi :
O beautés dont sur nous le pouvoir est extrême,
Si je viens en ce lieu pour charmer vos ennuis,
Vous tâchez vainement d'apprendre qui je suis,
Car je ne le sais pas moi-même !
O historiens ! ô philosophes! construisez donc des systèmes biogra-
phiques sur une négation de personnalité aussi formelle, aussi prou-
vée par l'événement! Ce que nous savons le mieux, en définitive,
— j'en reviens à ce que je disais au début de cette étude, — ce que
nous connaissons le mieux de Louis XIII, c'est le culte exclusif et
persévérant qu'il avait voué à la musique. Agonisant même, « cla-
quant des dents et tremblant la fièvre, » étendu « dans ce grand
fauteuil à la romaine » que nous montre Dubois, il jouait du luth et
notait ses inspirations dernières.
« Dans la dernière maladie qui l'emporta, le vendredi 2k avril,
déjà maigre comme un squelette et mourant dans l'après-dinée, il
commanda à M. de Hyert, premier valet de garde-robe, d'aller
prendre son luth, et il chanta des louanges à Dieu, comme Lauda
anima mea Dominum, et fit aussi chanter Savi, Martin, Campfort
et Fordonant, qui chantèrent, en parties, des airs que le roi avait
faits sur les paraphrases de David, et ne fut chanté que des airs de
dévotion, et même le roi chanta quelques-unes des basses avec
M. le maréchal de Schomberg. Le reste du jour se passa à faire de
la musique. »
Tel est le rapport du médecin. De son côté, Mlle de Montpensier
écrit: « J'ai ouï dire qu'il avait mis en musique, pendant sa der-
nière maladie, le De Profundis qui fut chanté dans sa chambre, à
Saint-Germain, incontinent après sa mort, comme c'est la coutume
de faire quand les rois sont décédés. »
V.
Sous le règne de Louis XIII, à l'exemple du roi et de la cour, et
au commencement du règne de Louis XIV, il régna parmi la haute
société de Paris et des provinces un goût de la musique dans lequel
il entrait plus de zèle et d'émulation que de discernement et de lu-
mières. Il y avait encore en France quelques restes du vif sentiment
artistique et de la politesse que Catherine de Médicis y avait appor-
tés d'Italie. On trouvait une si grande délicatesse dans les coutumes
d'outre-monts que chacun brûlait du désir de copier ces fêtes mu-
sicales, empruntées par les Espagnols aux Maures, aux mystiques
Karoubi qui chantent les amours du rossignol et de la rose dans les
jardins délicieux de l'Orient, et d'une gracieuse image font sortir
une exquise galanterie. D'un autre côté, les romans de l'époque, —
ces romans dont les héros sont invariablement guidés vers les cas-
tels enchantés par les sons des luths et des mandores, — avaient
développé une grande curiosité musicale, surtout chez les femmes,
qui sentaient que le moment de mettre la société à leur niveau,
grâce à leur prépondérance artistique et littéraire, était venu pour
elles. Enfin, chacun voulait imiter Saint-Germain et le Louvre; les
divertissements gymnastiques passaient de mode ; aux exercices de
corps on préférait ceux de l'esprit et de l'intelligence; on s'adres-
sait aux musiciens de profession, aux amateurs distingués, et des
gens du meilleur monde se portaient comme intermédiaires entre
eux et les salons.
« Ces fêtes musicales, — écrit M. Cousin. — devaient paraître
improvisées. La mode le voulait ainsi. » On était un soir dans un
salon avec une société aimable, on se promenait avec des dames :
tout à coup des voix et des instruments résonnaient dans la rue ou
sous la feuillée du parc. Les dames se regardaient et se demandaient
pour qui était et de quelle part venait cette sérénade. Quelquefois,
sans doute, elle était donnée pour toute la compagnie ; mais le plus
souvent elle s'adressait à une personne qui en devinait bien l'auteur,
mais qui laissait les autres dames chercher en vain.
Dans le Cijrus, Mlle de Scudéry, — cette infatigable institutrice
de son temps, — décrit agréablement un concert à la ville. Ailleurs,
la musique se mêle à une partie de campagne comme l'assaisonne-
ment obligé de toute galanterie : « En traversant le parc, nous en-
tendîmes un concert de hautbois très-agréable. Quand nous fûmes
dans le grand vestibule, nous en ouïmes un autre de voix au haut
de l'escalier, et quand nous entrâmes dans la chambre, une lyre
merveilleuse, accompagnée d'une voix admirable, imposa silence à
toute la compagnie, chacun écoutant l'harmonie. »
Le Cyrus nous fournit encore le récit d'un concert d'apparat donné
ouvertement par un prince à une grande princesse, et qui nous peut
représenter « la mise en scène » des fêtes musicales de la cour et
de la ville. Le débat entre la musique lydienne et la phrygienne est-
il une allusion à la rivalité qui couvait déjà entre la musique ita-
lienne et la française ? Je penche à le croire. — « Il y avait alors à
Sardis (Saint-Cloud) un grand nombre de musiciens de Phrygie, et
comme vous savez que la musique lydienne et la phrygienne passent
pour les plus admirables de toute la terre, ceux qui avaient en-
tendu l'une et l'autre avaient des sentiments différents, selon la con-
formité qu'il y avait de ses inclinations à ces diverses harmonies.
La princesse de Clasomène dit que pour en parler, il fallait les avoir
entendues en un même jour et avec un dessein prémédité de les
observer, et qu'il fallait même que ceux qui se mêlaient de juger
d'une semblable chose, eussent quelque connaissance de la musique
et fussent incapables de préoccupation. Il faudrait encore, dit Abra-
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
date, que pour mettre les musiciens en bonne humeur, on leur pro-
posât un prix, afin que l'émulation qu'ils auraient leur fît faire les
derniers effets. » On approuve le projet ; on lie la partie ; on choi-
sit la princesse pour juge du camp, et une maison royale pour lice;
on donne huit jours aux musiciens pour se préparer; le concert, —
le concours, devrais-je dire, — a lieu devanL la cour réunie ; les
musiciens se surpassent, et les dames distribuent (aux sociétés cho-
rales victorieuses? . . .) aux musiciens victorieux « des médailles d'or,
où le prince avait fait graver son image avec une devise galante. »
C'est ainsi que l'on sacrifie au goût du jour et que l'on fait de la
musique dans les salons les plus fréquentés de la première moitié
du xvne siècle. Les soirées de la comtesse de Soissons, à l'hôtel de
Créqui, et de Mme la Princesse, à l'hôtel de Ventadour, sont renom-
mées entre toutes : on y donne la comédie et les violons. « Dans le
beau monde de Paris, — écrit un habitué de l'hôtel de Créqui, — il
y a des brigues perpétuelles pour ces deux assemblées, à qui s'at-
tirerait le plus de monde. » Chez Mlle de Montpensier, tous les
mercredis on soupe avec les vingt-quatre violons. A l'hôtel de Ram-
bouillet, rue Saint-Thomas-du-Louvre, la société la plus quinlessen-
ciée du temps n'interrompt le pétillement prétentieux et redoublé, le
pédantisme sémillant et joli de sa conversation, que pour prêter
l'oreille au luth de Mlle Paulet, à la guitare de Madonte et de Cêlie,
— Mme de Maure et Mme de Choisy, — ou à la voix suave de
Félicie, — Mme de Fiesque. Les concerts des hôtels . de Saint-Ai-
gnan, de Guiche, de Vivonne, du Lude, de Conti, de Roquelaure
réunissent les virtuoses célèbres d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne. Le
samedi, Mlle Chéron, qui chante à ravir; Mlle de Lavigne, auteur
de délicieuses ariettes ; Henriette de Coligny, qui compose de spiri-
tuelles chansons, se rencontrent rue de Beauce au Marais, chez
Mlle de Scudéry, et recueillent les applaudissements enviés de Cha-
pelain, de Conrarl, de Doneville, d'Isarn, de Raincy, de Sarrazin ,
de Pellisson, de tous les beaux esprits attirés là, autant par le
charme de la musique que par le plaisir de la conversation. Le
marquis de Sourdéac, l'abbé Perrin, Lambert, Boësset donnent
l'hospitalité aux musiciens de profession : là se discutent les ques-
tions spéciales et les intérêts de l'art. Ouvrez, en un mot, le Grand
Dictionnaire des Précieuses, et de ces pages poudreuses et jaunies
se détacheront, lumineux encore, les noms de plus do six cent sa-
lons gris et or, tendus d'aubusson, dans lesquels le ballet cède le
pas à la musique. La province s'associe à ce mouvement artistique :
Mézerày nous a dit que la noblesse organise, dans ses châteaux, des
corps d'exécutants, et Bordeaux, Toulouse, Lyon, Aix, Arles, Tours,
Poitiers conservent dans leurs histoires locales le nom des maisons
où la musique est de toutes les fêtes privées ou publiques, couvrant
ainsi de son harmonieux réseau ce fragile empire de la Préciosité
« borné à l'orient par l'Imagination, au couchant par le Tendre, au
nord par les côtes de Lecture, au midi par la Coquetterie. »
Tels furent à la cour et à la ville, pendant la première moitié du
xviie siècle, ces Athénées artistiques, ces cénacles de mélodie, ces
réunions musicales choisies, entre soi, à huis clos. Tels furent ces
sanctuaires dont la porte avait pour inscription : Odi profanum vul-
giis ; loin d'ici les profanes ! Il passa vite le règne de ces théories
délicieuses, de ces jouissances raffinées de l'oreille et de l'amour-
propre. Il passa vite, et quand les temps modernes arrivèrent, il
fallut aborder franchement les œuvres nouvelles et pénibles, compter
dorénavant avec tous, tirer du goût et du jugement de tous ce qu'ils
renferment de mieux, de plus applicable aux nobles sujets, vul-
gariser les belles choses; sembler même les rabaisser un peu, pour
mieux élever jusqu'à elles le niveau commun. C'est à ce prix seule-
ment qu'on s'est montré et qu'on se montrera tout à fait digne de
les aimer en elles-mêmes et de les comprendre; car c'est le seul
moyen de les sauver désormais et d'en assurer à quelque degré la
tradition, que d'y faire entrer plus ou moins chacun et de les placer
ainsi sous la sauvegarde universelle.
Musique charmante et légère qui avez été, de tout temps, la grâce
et l'honneur artistiques de la terre de France, qui avez commencé
de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des hor-
reurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu'on y accueillait
en amie ; qui étiez l'âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête
délicate des châteaux; qui fleurissiez souvent sur le trône; qui dis-
sipiez l'ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire,
et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers; qui avez
pris bien des formes badines, élégantes ou tendres , faciles toujours,
et qui n'avez jamais manqué de renaître au moment où l'on vous
disait disparue ! Les âges, pour nous, deviennent sévères ; le raison-
ner de plus en plus s'accrédite; tout loisir a fui; il y a, jusque dans
nos plaisirs, un acharnement qui les fait ressembler à des affaires ;
la paix elle-même est sans trêve, tant elle est occupée à l'utile; jus-
que dans les journées sereines, les arrière-pensées et les soins sont
en bien des âmes ; maintenant que vous voilà libre et de toute en-
trave délivrée, c'est l'heure ou jamais du réveil, c'est l'heure encore
une fois, comme au xvne siècle, de surprendre le monde et de le
réjouir; vous en avez su de tout temps la manière toujours nouvelle;
n'abandonnez jamais la terre de France, musique charmante et
légère !
Em. Mathieu DE MONTER.
REVUE DES THEATRES.
Vaudeville : Le Devin, du village, opéra en un acte, paroles
et musique de J.-J. Rousseau ; le Florentin, comédie en un acte
et en vers, de la Fontaine; le M Février, drame en un acte, de
Werner ; reprise de Pierrot •posthume, comédie de Théophile Gau-
tier. — Palais-Royal : Les Ficelles de Montempoivre, comédie-
vaudeville en trois actes, par MM. Varin et Michel Delaporte ; Eh !
Lambert, à-propos en un acte, par M. Lambert fils. — Ambigu :
Rocambole, drame en cinq actes et huit tableaux, par MM. Anicet
Bourgeois, Ponson du Terrail et Ernest Blum. — Gaité : Les
Mohicans de Paris, drame en cinq actes et onze tableaux, par
M. Alexandre Dumas.
L'approche du mois de septembre semble avoir imprimé un nouvel
élan à l'activité de nos directeurs de théâtres; les uns se préparent
à rouvrir leurs salles fermées pendant la saison des chaleurs ; les au •
très s'empressent de rafraîchir leur répertoire pour tenir tête à la
concurrence. Tous paraissent s'être donné le mot pour nous acca-
bler sous une telle avalanche de pièces, que nous ne savons à qui
entendre. Dans l'impossibilité où nous sommes de liquider notre
passif en une seule fois, nous nous réglerons sur le droit de priorité,
et nous nous acquitterons de l'arriéré dans le plus bref délai pos-
sible.
L'affiche du Vaudeville porte quatre titres qui ne sont pas préci-
sément nouveaux, mais qui constituent un spectacle varié et peu
connu du public de nos jours. A notre point de vue spécial, le prin-
cipal attrait de ce spectacle est la reprise du Devin du village, de
J.-J. Rousseau, que l'Opéra a cessé de jouer depuis près de quarante
ans. C'est le second essai de ce genre que nous vaut la liberté des
théâtres. La Porte-Saint-Martin a ouvert la marche avec le Barbier
de Séville et Norma. En nous rendant le Devin du village, le Vau-
deville est entré à son tour sérieusement dans la voie qui mène à la
propagation populaire de l'art lyrique. L'œuvre de Rousseau est en
effet l'un des jalons les plus curieux à étudier dans l'histoire de notre
opéra national. Elle a conservé le charme naïf et vrai auquel sont
dus les soixante ans de succès dont elle a joui en France, jusqu'au
jour où une malencontreuse perruque, jetée sur la scène, l'a fait tout
à coup disparaître du répertoire. Ses allures, il est vrai, sont de-
DE PARIS.
285
venues vieillottes ; mais, ainsi que le fait observer M. Fétis dans
le tome septième, récemment paru, de sa Biographie universelle des
musiciens, cette musique archaïque a eu sa raison d'être en 1752,
alors que la monotomie des rhythmes et des formes de la plupart
des airs des anciens opéras établissait une comparaison favorable
aux gracieuses mélodies de Rousseau. Aujourd'hui que les immenses
progrès accomplis depuis le commencement du siècle nous ont con-
duits à une sorte d'éclectisme plus rationnel, nous pouvons, mieux
que nos pères, apprécier le mérite, quel qu'il soit, de cet opéra
séculaire, et, quand ce ne serait que pour un intérêt de curiosité,
nous devons savoir gré au Vaudeville de nous l'avoir restitué.
L'effet produit par plusieurs morceaux, et notamment par le joli
air : J'ai perdu tout mon bonheur, par le duo du devin et de Co-
lette, et par cet autre duo si expressif des deux amoureux, prouve
que nous ne sommes plus au temps où le goût trop exclusif du
présent se traduisait par des injures au passé. Grâce à ce même
esprit de justice, l'arrangement confié aux soins de M. Justin Ca-
daux n'a soulevé aucune objection. Selon l'antique usage, on n'avait
pas manqué de crier au sacrilège, lorsque naguère, sans tenir
compte des protestations préventives de Rousseau, l'ancien biblio-
thécaire de l'Opéra, M. Lefebvre, avait remanié l'orchestre du Devin
de village; les remaniements de M. Cadaux ont été plus heureux, t_t,
en conscience, nous ne comprenons pas quel tort ils auraient pu
faire aux mélodies du compositeur; avec ce système absurde de
fétichisme, il aurait donc fallu se contenter de la simple basse chif-
frée qui accompagnait le récitatif et aux deux parties de violon
avec basse auxquelles se bornait presque exclusivement l'accompa-
gnement du chant? Si Rousseau vivait, il eût été le premier à vou-
loir modifier son œuvre, et probablement il n'eût pas appelé, pour
faire cette besogne, le fantastique Granet, de Lyon, que l'imagina-
tion méridionale de Castil-Blaze, sur la foi douteuse de quelques
ennemis du philosophe, a affublé de la véritable paternité du Devin
de village. Quoi qu'il en soit, constatons que la direction du Vaude-
ville n'a rien négligé pour assurer la bonne interprétation de cet
opéra. Elle a engagé trois lauréats du dernier concours du Conser-
vatoire : M. Leroy, un élève de Révial, qui semble avoir été créé
tout exprès pour le rôle de Colin; M. Troy, le jeune frère de l'ar-
tiste de l'Opéra-Comique , qui a fait preuve d'excellentes qualités
dans le personnage du sorcier, et Mlle Laporte, jeune et charmante
brune, dont la voix sympathique et le jeu intelligent ont réuni tous
les suffrages.
Parmi les trois pièces qui accompagnent le Devin de village, nous
devons une mention toute particulière au Florentin, vieille comédie
de la Fontaine, négligée par le Théâtre-Français, et ressuscitée par le
Vaudeville, en vertu de la liberté des théâtres. Si l'on en croit la
tradition, cet ouvrage a été composé par le fabuliste pour se venger
de Lulli, qui avait refusé de s'occuper de la musique de l'opéra de
Daphné, dont il avait fait les paroles sur les instances de l'imprésario
royal. Si nous louons cette reprise, c'est bien plutôt à cause de l'in-
tention qui en a dicté le choix qu'en raison de ses qualités qui sont
à peu près nulles, et dont la rareté explique en partie l'indifférence
des comédiens de la rue de Richelieu. Rendons justice néanmoins aux
efforts tentés par Saint-Germain et par Mlle Laurence pour le rendre
acceptable.
Le 24 Février est un petit drame allemand de Werner, dont la scène
française a vraiment abusé, en dépit du mauvais accueil qu'on lui a
fait, lorsque, pour la première fois, il a essayé de s'acclimater chez
nous, dans le troisième acte de la Vie d'un joueur. L'autre soir
encore, ce lugubre cauchemar, basé sur la fatalité qui pousse un père
à assassiner son fils, a excité une sorte d'étonnement répulsif, dont
l'auteur anonyme de la version nouvelle est, à tout prendre, moins
responsable que son modèle germanique. Le Vaudeville a eu là une
étrange idée !
Comme complément à ce spectacle, le même théâtre a repris
Pierrot posthume, une pochade en vers de MM. Théophile Gautier et
Siraudin, laquelle n'avait pas été jouée depuis longtemps, et qui a
fourni à Saint-Germain et à Mlle Bianca l'occasion de se faire cha-
leureusement applaudir.
— Au Palais-Royal, M. Varin, l'un des nouveaux décorés du 15 août,
sans doute pour avoir fait les Saltimbanques, a risqué, en compa-
gnie de M. Michel Delaporte, une drôlerie infiniment trop compliquée,
sous le titre des Ficelles de Montempoivre. Au début de ces trois
longs actes, Montempoivre, qui revient de Nuremberg, apprend que
sa fille est courtisée par un certain Robinet, et, pour s'assurer de la
moralité de son futur gendre, il s'introduit chez lui comme garni-
saire, à la faveur d'une saisie-arrêt. Mais, par suite d'une foule de
circonstances inénarrables, Montempoivre trouve le moyen de se
compromettre tant et si bien, que Robinet le force à lui accorder sa
fille. Il est heureux que M. Varin ait eu le ruban rouge avant celte
pièce, car ce n'est pas elle qui le lui eût donné.
La fameuse scie ■ Eh Lambert ! qui, pendant quelques jours, a
rendu idiot le peuple le plus spfrituel de la terre, avait inspiré dans
la même soirée, consacrée au bénéfice de Mme Thierret, un à-pro-
pos dont le dénoûment a été étouffé sous les sifflets. N'était-ce pas
assez d'entendre ce cri stupide dans tous les carrefours ? Le Pa-
lais-Royal, en voulant l'élever jusqu'aux honneurs de la scène, a fait
un pas de clerc, et c'est le cas de lui chanter cet autre refrain, non
moins idiot : v'ià ce que c'est... c'est bien fait!... Mais on ne l'y
reprendra plus.
— La nouvelle pièce de l'Ambigu est tirée des Drames de Paris,
un roman de M. Ponson du Terrail qui a eu un très-grand retentis-
sement, et qui, à travers un incroyable tohu-bohu d'incidents som-
bres et bizarres, décèle çà et là une imagination forte et fertile. Pour
tirer de cet amoncellement d'aventures un drame plein d'émotions et
de surprises, il n'y avait que l'embarras du choix, et les trois au-
teurs qui ont entrepris cette tâche s'en sont acquittés à la satisfaction
générale. Rocambole est le héros des Drames de Paris ; Baccarat en
est l'héroïne. Ce sont ces deux personnages qui portent également
tout le poids de la pièce. Dans un prologue intitulé les Valets d?
cœur, on voit une association de coquins qui obéissent à l'influence
d'un habile escroc qu'on appelle César Andréa. Cet honnête homme
convoite la succession en déshérence d'un comte de Chamery, cinq
fois millionnaire, et pour se l'approprier, il fait passer Rocambole pour
le fils du comte. Mais il y a un fils authentique qui, renié par son
père, ignore et son nom et ses droits. Qui l'emportera du vrai ou du
faux Armand de Chamery? toute la question est là. D'un côté, César
et Rocambole ; de l'autre, Armand, protégé par Baccarat, se dispu-
tent la succession du comte. Par bonheur, la désunion se met dans
le camp des bandits ; César et Rocambole cherchent mutuellement à
se détruire, et comme la morale exige la punition du crime et le
triomphe de l'innocence, César périt dans une noyade, et la police
met la main sur Rocambole au moment où il allait devenir l'époux
de la fiancée d'Armand. Toutes ces péripéties émouvantes sont menées
à grandes guides par Taillade, par Castellano et par Mme Marie
Laurent. Un rôle épisodique très-gai, très-amusant, est parfaitement
rendu par Raynard, et la ronde qu'il chante est destinée, grâce à lui,
à devenir populaire.
— Les Mohicans de Paris, qui font florès à la Gaîté, sont aussi
empruntés à un roman de longue haleine, sorti de la laborieuse of-
ficine d'Alexandre Dumas. Le procédé qui consiste à tirer deux mou-
tures d'un même sac est passé à l'état d'habitude ; il paraît que les
théâtres s'en trouvent bien et que le public n'en souffre point. Tout
est donc pour le mieux, et nous n'avons pas le plus petit mot à
dire contre les abus de cette singulière mission dramatique. Les évé-
nements qui entrent dans l'économie d'un roman en neuf volumes
sont trop nombreux pour trouver place à la scène. Qu'importe? On
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REVUE KT GAZETTE MUSICALE
en épluche, on en racle, on en coupe une partie, on accommode le
reste, tant bien que mal, avec une liaison quelconque, et l'on sert
chaud. Par exemple, il peut arriver, dans cette manipulation, que
l'étiquette ne couvre plus la marchandise ; mais c'est un détail sans
conséquence. Qu'on ne nous demande donc pas où sont les Mohicans
du nouveau drame de la Gaîté. Il est possible qu'ils ne soient que
dans le titre; mais le titre est ronflant, cela suffit. Si vous n'êtes
pas satisfait, allez les chercher dans le livre. Quant à l'action, si vous
avez l'indiscrétion de la vouloir connaître, voici, sauf erreur, ce que
nous y avons compris. Étant donnés deux enfants, deux orphelins,
qui sont aux mains d'un scélérat de tuteur et qui possèdent une im-
mense fortune dont le vieux a envie, comment faut-il s'y prendre
pour que le digne homme en devienne possesseur au détriment de
ses pupilles? Le moyen est bien simple : il ne s'agit que de les sup-
primer. C'est ce que fait le nommé Gérard , habitant de Viry-sur-
Orge. Mais il a mal pris ses mesures ; un des enfants succombe,
l'autre est sauvé. Ce point de départ vous fait pressentir tout le
drame. Le bonhomme Gérard, qui passe pour un petit manteau-bleu,
parviendra-t-ii, à force d'hypocrisie, à se défaire de sa pupille? Car
l'enfant échappé à ses griffes sournoises est une jeune fille. Elle a
pour protecteurs un commissionnaire du coin de la rue, dont la veste
de velours cache un fils de marquis, et un fin limier de police,
nommé Jackal, qui joue le même jeu que Salvator. Cependant, les
généreux instincts de ces deux chiens de Terre-Neuve resteraient
sans effet, si le vieux Gérard, à son lit de mort, n'avouait à un
moine ses crimes qui, au moment décisif, sont révélés de manière à
produire un dénoûment heureux. Il y a, dans ce drame, et par con-
séquent dans le roman qui lui a servi de source, certaines réminis-
cences des Mystères de Paris, dont le public s'est offusqué à tort ou
à raison. Aujourd'hui, on n'y pense plus, et la pièce marche à sou-
hait. Dumaine y fait merveille dans le rôle du commissionnaire Sal-
vator ; mais les préférences du public s'adressent à Perrin , qui a
prêté au personnage de Jackal une physionomie des plus originales.
La place nous manque pour nous occuper des nouveautés de la
Comédie française, de l'Odéon et de la Porte Saint-Martin. Nous y
reviendrons.
!). A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** Au théâtre impérial de l'Opéra le répertoire de la semaine pas-
sée s'est composé des Huguenots, de Nérnéa, précédée de Lucie de La-
mmermoor et de la Juive. — On presse les répétitions de Roland à Ron-
cevaux dont la première représentation doit avoir lieu dans une quin-
zaine de jours.
„/% Demain lundi, début de Mlle Sannier dans la Favorite.
*** La réouverture de l'Opéra-Comique, fermé pendant deux mois, a
eu lieu jeudi passé devant une assemblée nombreuse et brillante. Le
public a paru généralement satisfait des changements et embellisse-
ments dont la salle a été l'objet pendant sa clôture; on y a trouvé
autant de richesse que de goût. La couleur rouge a été substituée au
papier vert qui garnissait le fond des loges; des dorures en profusion,
et à la place de l'ancien rideau allégorique a été placé un rideau de
velours rouge et or d'un très-bel effet. La Dame blanche avec Achard
et Mlle Cico, le Tableau parlant, avec Sainte-Foy et Mlle Girard, ont
été applaudis dans cette soirée. La recette s'est élevée à plus de 6,000
francs. — Le lendemain on a repris le Postillon de Longjumeau, avec
Montaubry qui y a retrouvé son succès habituel.
„** Le début de Mme Gennetier aura lieu incessamment à l'Opéra-
Comique.
,.% Le directeur du théâtre Italien vient de publier le programme de
la saison prochaine. Comme nous l'avons annoncé, des ballets feront
partie des représentations, et les ouvrages qui comprennent des diver-
tissements et des intermèdes de danse pourront ainsi être donnés d'uue
manière complète. Outre les opéras du répertoire courant, dont les
auteurs sont Mozart, Rossini, Donizetti, Bellini, Verdi, Mercadante,
Flotow, etc., la direction se propose de faire représenter la Forza del
destino, de Verdi, Leonora, de Mercadante, Don Bucefalo, de Cagnoni,
Crispino e la Comare, de llicci, la Duchessa di San Giuliano, de Graffigna.
Les artistes dont les noms suivent, et qui ne faisaient pas partie de
la troupe, ont été engagés : Mme Adomali, Rosina Penco, Talvo-Bedogni.
Giuseppina Vitali et de Brigni ; MM. Baragli, Corsi, Negrini, Fagotti,
Zacchi, Foli, Selva etZucchini. Chefs d'orchestre, MM. Bosoni, Graffigna,
Portéhaut; chef du chant, M. Alary; chef des chœurs, m! Hurand ;
maître de ballet, M. Costa. Différents changements ont été faits dans la
distribution des places : Les premières loges découvertes, reconstruites
entièrement, ont été rendues plus spacieuses au moyen d'une réduc-
tion de quatre de ces loges, avec la suppression du troisième rang des
balcons ; ce qui a permis aussi d'élargir le couloir par lequel on y ar-
rive, en même temps que les loges placées derrière les balcons ont été
avancées; les cloisons qui séparent les loges découvertes les unes des
autres ont été établies de manière à bien isoler chacune d'elles. L'ad-
ministration du théâtre italien, pour répondre au désir exprimé par
les abonnés habituels de ce théâtre, annonce qu'elle veillera scrupu-
leusement à ce qu'aucun abonnement ni location ne se fasse pour ces
loges qu'avec la certitude qu'elles seront toujours occupées par les per-
sonnes de la société.
,,% Hier la réouverture du théâtre Lyrique a eu lieu par la Reine
Topaze, pour la rentrée de Mme Carvalho.— Mercredi sera donnée la pre-
mière représentation de Don Pasquale, chanté par Mlle de Maësen, MM.
Ismaël, Troy et Bach, et la première représentation de l'Alcade, opéra-
comique en un acte. — Un opéra en deux actes de M. Cherouvrier,
second prix de Rome, sera représenté dans le courant de ce mois.
*** Nous trouvons dans la nomenclature des artistes du théâtre Lyri-
que, publiée par M. Carvalhc, comme nouvellement engagés : Mmes Niel-
son, Gravière Ebrard, Estagel ; MM. Troy, Michot, Péront, Guyot, Bach.
„*„ L'auteur de Santa-Chiara et de Diane de Solanges, S. A. R. le duc
de Saxe-Cobourg-Gotha, est attendu à Paris. Il est question de la mise
à l'étude prochaine au théâtre Lyrique de son opéra Casilda la bohé-
mienne.
t\ On annonce que l'opéra de Bénédict, la Rose d'Erin, doit être
représenté cet hiver au même théâtre.
„%, Le théâtre des Bouffes-Parisiens annonce sa réouverture pour le
20 septembre.
t% M. et Mme Soustelle, premiers prix du Conservatoire de l'an-
née passée, engagés d'abord à l'Opéra, font partie de la nouvelle troupe
du grand théâtre de Lyon.
„% Mlle Artot s'est trouvée la semaine dernière à Paris.
,% On nous écrit de Plombières : « Mme Marie Cabel est ici depuis
un mois. Elle est venue demander à nos sources bienfaisantes la gué-
rison de la douloureuse maladie qui la tient éloignée de la scène de-
puis plus de quatre mois. Elle se trouve aujourd'hui rétablie, et sa voix,
à la grande satisfaction de ses admirateurs, n'a jamais été plus sonore,
plus limpide ni plus agile. Mme Cabel retourne cette semaine à Paris,
où elle ne tardera sans doute pas à reprendre sa brillante carrière. »
,:*(. Adelina Patti est restée pendant quelques jours à Paris la se-
maine passée. Elle est retournée en Angleterre pour chanter au festival
de Birmingham, où elle remplira une partie importante dans l'ora-
torio Naaman de M. Costa. Le 1er octobre elle ouvrira la saison du
théâtre Italien de Paris.
„*, Sivori vient de donner à Voltaggis un concert au bénéfice des
pauvres, qui a attiré une grande affluence. 11 va se rendre à Milan,
Trieste, Vienne et Pesth, où de brillants engagements l'appellent.
„,** Carlotta Patti sera accompagnée dans les concerts qu'elle doit
prochainement donner en Allemagne, par Alfred Jaëll et Louis Brassin,
Vieuxtemps, J. Stefens , de Saint-Pétersbourg, et A. Ferranti, de
Londres.
„,% Vivier obtient en ce moment le succès le plus franc à Ems.
Aussitôt arrivé' il s'est fait entendre au Kursaal, d'abord seul et ensuite
avec Batta dans la Sérénade de Rossini; il a enthousiasmé le public.
**t Une troupe d'opéra italien, composée d'artistes d'un certain ta-
lent, a débuté sans succès par le Trovatore, au théâtre des Arts, à
Rouen.
»% L'ancien ténor de l'Opéra, Renard, chante en ce moment avec
beaucoup de succès aux concerts de i'Alcazar.
„*„, Les fêtes musicales célébrées à Arras cette année, comme elles
l'avaient été il y a deux ans à Lille, ont valu de nouvelles ovations à
Ambroise Thomas Deux chœurs de sa composition, h Tyrol et le Car-
naval de Rome, œuvre toute récente, ont produit uu immense effet.
„.** Une fête musicale a eu lieu tout récemment à Arromanches, pe-
tit port de mer perdu au fond de la Normandie. L'tiumble église de ce
village a besoin de réparations, pour lesquelles l'argent manquait.
Mlle Paule Gayrard, premier prix du Conservatoire, a donné un brillant
concert dont le produit sera consacré à cette dépense. Faute de local
c'est l'église même, dont le sanctuaire était dissimulé par une voile de
navire, qui a servi de salle. Un magnifique instrument avait été envoyé
exprès par la maison Erard, dans ce bourg, où le son du piano est
DE PARIS.
287
à peu près ignoré. .Mlle Paule Gayrard a obtenu un immense succès
dans la fantaisie sur Moïse de Thalberg, et le concertsliick de Weber,
qu'elle a exécutés avec cette maestria et ce brio qui lui ont valu le
premier prix au concours de cette année. Un public nombreux accouru
de tous côtés, a apporté, son offrande à cette œuvre de piété, et l'il-
lustre M Ingres, qui est au nombre des baigneurs, a voulu y contribuer
en mettant en loterie une magnifique aquarelle. La recette a été con-
sidérable.
*** Ferdinand de Croze est de retour de son voyage à Londres, où il
a donné plusieurs matinées musicales dans l'une desquelles il a fait en-
tendre son Crescendo qui, de même que d'autres morceaux, lui a valu
des applaudissements unanimes.
„** M. Walstein, compositeur et pianiste de talent, organiste de l'é-
glise de Saint-Luke, vient de mourir à Londres.
*** Mme Marchesi est allée passer quelques semaines à Ostende, où
elle doit retrouver plusieurs de ses élèves appartenant à l'aristocratie
viennoise.
**,. M. Goldberg, l'excellent professeur de chant et compositeur vient
d'arriver de Londres.
*% M. Ch. Vervoitte, maître de chapelle de Saint-Roch, vient d'être
nommé vice-président de la section de musique religieuse au congrès
catholique de la Belgique, présidé par Mgr le cardinal-archevêque de
Malines.
$% On va entendre prochainement, à Paris, un instrument d'un genre
assez singulier, et, dans tous les cas, complètement nouveau. C'est
une sorte d'orgue dit aérophon, dans lequel la vapeur remplace l'air.
„% A Nantes, Lyon, Vichy, Bruxelles, partout où Berthelier a fait
entendre, en compagnie de Mlle Frasey, Lischen et Frilzchen, ' le joyeux
comique a dit avec non moins de succès l'Enfant de la Cannebière, qu'il
avait chanté plus de vingt fois au théâtre du Palais-Royal. Cette scène
est publiée depuis quelques jours avec accompagnement de piano.
*** La grande matinée enfantine qui sera donnée aujourd'hui au Pré
Catelan, offrira un double attrait au public : richesse du programme du
concert entièrement composé d'œuvres nouvelles exécutées par les pre-
miers solistes, et quatre nouveautés chorégraphiques dansées par les
élèves de M. Chevallier.
*** Les concerts des Champs-Elysées fermeront le 15 septembre. Le
public s'y porte constamment. Plusieurs morceaux y ont été exécutés
la semaine passée pour la première fois, parmi lesquels ont été beau-
coup applaudis l'ouverture du Templier, de Nicolaï; Sur la montagne,
symphonie descriptive de Genin, la valse de Lischen et Frilzchen, et le
Basilic, de Graziani.
2% Le septième volume de la deuxième édition de la Biographie des
musiciens de M. Fétis, qui vient de paraître, contient les lettres P, Q, R
et S (Perotti à Scultetus).
*** Les obsèques de M. Emile Chevé ont eu lieu dimanche dernier au
cimetière du Père-Lachaise. Des discours ont été prononcés par MM.
Cuéroult, le docteur Pèlerin, Durieux et Chaptal, devant la tombe
qu'entourait un grand nombre d'amis.
*** Pierre Cheret, auteur d'un grand nombre de romances devenues
populaires et musicien de mérite, est mort à Paris à l'âge de soixante
et onze ans.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*% Boulorjne-sur-Mer, 29 août. — Les salons de l'établissement des
bains ne suffisaient point à contenir un public attiré par le programme
du concert que donnait, le 24 de ce mois, la Société philharmonique,
avec le concours d'Adelina Patti, de Baragli et d'Alard. Pour la pre-
mière fois, Mlle Patti se faisait entendre dans un concert en province.
Ce début a été pour la charmante cantatrice un triomphe, et
pour notre ville un événement. L'air du Barbier, le rondo de la Som-
nambule, le finale de l'Etoile du Nord, ont vivement impressionné
le public et produit cet enthousiasme inexprimable que les italiens
nomment fanatismo. Dans le dernier de ces morceaux, M. Char-
dard, notre habile chef d'orchestre, flûtiste de premier ordre, et M. N.,
excellent amateur, ont dignement secondé Mlle Patti. On a aussi fort
bien accueilli M. Baragli, dont la voix est expressive et fraîche. Cet
agréable ténor a chanté avec beaucoup d'expression les romances de
Luisa Miller et de la Favorite, ainsi que le duo de Don Pasquale, avec
Mlle Patti. Que pourrions-nous dire sur Alard ? qu'il s'est surpassé dans
cette brillante soirée, et qu'il a transporté, charmé son auditoire. L'or-
chestre de la Société philharmonique a exécuté, sous la bonne direc-
tion de M. Chardard, les ouvertures de la Muette et de Guillaume Tell,
avec un ensemble et un entrain à la hauteur de la circonstance.
^*.t Le Havre. — Adelina Patti a chanté ici dans la salle Sainte-Cé-
cile les mêmes morceaux qu'à Boulogne-sur-Mer, et son succès n'y a
pas été moins éclatant.
**» Bordeaux. — La reprise du Templier , de Nicolaï, a eu lieu pour
les débuts du ténor Peschard qui y a réussi ; Mlle Lacombe a obtenu
un très-grand succès.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„% Bade. — Mme Charton-Demeur a débuté avec Je succès le plus
complet dans le Trovatore. Mme Sanchioli (Azucena) a été souvent
applaudie, ainsi que Naudin et Delle-Sedie.— Don Pasquale a été donné
ensuite, interprété par Mlle Battu, MM. Naudin, Frizzi et Delle-Sedie,
qui y ont obtenu les bravos les plus mérités.
*% Carlsruhe. — Le festival de l'association des sociétés musicales
allemandes, dont le but est de faire connaître et de propager les œu-
vres de mérite de compositeurs contemporains, a eu lieu devant une
grande affluence parmi laquelle on a remarqué Franz Liszt. Après une
marche triomphale de Lasser, un prologue de M. Eccard a été en-
tendu. Les morceaux qui ont obtenu principalement les suffrages de
l'auditoire sont la ballade la Malédiction du poète, pour orchestre, par
F. de Bulow, fragment de la symphonie Christophe Colomb, d'Abert, le
43* psaume par Liszt, et une ouverture, la Plainte du Tasse, de H. Strauss.
„,*„ Manheim. — Le diapason de l'orchestre de Paris a été employé
pour la première fois à la reprise du Pardon de Ploërmel, qui vient
d'avoir lieu devant une salle comble.
,% Anvers. — Le festival musical donné à l'occasion du 58e anniver-
saire de la fondation de la Société royale d'harmonie et du 300e anni-
versaire de celle de son Académie, a été fort brillant, sous la direction
de M. Possoz et avec le concours de Mme Marie Sax, MM. Vieuxtemps
et Stockhausen. Deux séances des plus intéressantes ont été données;
on en jugera par les principaux morceaux de son programme : Le 414e
psaume de Mendelssohn, la cantate Jacob von Artevelde, de Gevaêrt, les
Kyrie, Sanctus et Benedictus, de la messe de Benoît ; une ouverture,
Teniers ou la Kermesse flamande, de Léon de Burburé, la symphonie en
ut mineur, de Beethoven ; un Te Deum et Invocation à l'harmonie, sym-
phonie avec chœurs, de Benoît; des fragments de l'oratorio Elie, de
Mendelssohn, chantés par Mme Sax et M. Stockhausen, et le concerto
en la, de Vieuxtemps, joué par l'auteur.
„.?„. Amsterdam. — Un palais de cristal, à l'instar de celui qui existe
prés de Londres, vient d'être inauguré ici par un concert composé de
morceaux du répertoire classique. L'orchestre, de cent musiciens, est
dirigé par M. Stampff.
s*i. Berlin. — On prépare à l'Opéra royal une représentation solen-
nelle à l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Meyerbeer ; les
Huguenots seront probablement choisis à cet effet. — La cantatrice russe
E. Metzdoi ff a continué avec succès ses débuts dans le rôle d'Isabelle,
de Robert le Diable. — La reprise de VEnlèccment au sérail au théâtre
Victoria a été l'occasion d'un nouveau succès pour le ténor Dr Gunz.
— Au théâtre de Kroll, Arban fait toujours une grande impression sur
le public, et le danseur Juliano Donato, qui n'a qu'une jambe, attire
beaucoup de monde.
#% Vienne. — Le ténor Wachtel vient de chanter avec un grand
succès le rôle de Fra Diavolo à la reprise de cet opéra au théâtre de
la cour. Une nouvelle opérette de Suppé, intitulée Franz Schubert, va
être donnée au Carl-Theater.
„% Dresde. — La reprise de Jessonda, l'opéra de Spohr, a été froide-
ment accueillie, et l'ouvrage va probablement disparaître du réper-
toire.
t*4 Trieste. — L'opéra de Pacini, le Regina di Cipro, a été accueilli
avec une grande faveur. C'est une œuvre fort remarquable et digne
de l'auteur de Saffo.
s*j. Milan. — Le théâtre de la Canobbiana va ouvrir sa saison par
l'opéra Isabella d'Aragona, de Pedrotti, et un ballet de Rota, intitulé
Anna de Masovia. Le second opéra sera Werther, de Gentili.
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alto HI bémol.
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851, 1855
et 1862, relatifs aux. Saxophones (BREVET DE! 1846).
« Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » (Exposit. 1SSI.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se joua avec
facilité, car le doigté, semblable a celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance : car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès; celui-ci, au contraire, est né d'hier; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte, >< (Exposit. 1853.)
<c M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » (Exposit. 1862.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, 'îOO fr. — Saxophone ténor, "4'î.ï te. — Saxophone alto, «S5 fr. — Saxophone baryton, %50 te.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de b' pour 100 sur les prix.
Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Sax, consulter la notice qui. se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
PARIS. — IMPRIMERIE CENTBAIE DE NAPOIEON CHAtX ET Cc, mu: I
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et à l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Librair<
et aux Bureaux des Messageries et des Tostes.
N°37.
REVUE
11 Septembre 1861
. PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 2* r.parai
Départements, Belgique et Suisse.... 3(1 » >&■
Étranger 3* " id-
Le Joui mit unral le Dimanche
TTE MUSIC
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique impérial: réouverture; l'Alcade, opéra-comi-
que en un acte, paroles de M. Emile Thierry, musique de M. Uzépy ; Don Pas-
quale, opéra bouffon en trois actes, traduit de l'italien par MM. Alphonse
Royer et Gustave Vaez, musique de Donizetti, par Léon Ouroclier. — Pré-
fecture du département de la Seine. — Correspondances : Bruxelles et Birmin-
gham. — Revue des théâtres, par D. A. ©. Saint-Yves. — Nouvelles et
annonces.
THEATRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
Réouverture. — 1/ Alcade, opéra-comique en un acte, paroles de
M. Emile Thierry, musique de M. Uzépy. — Don Pasquale,
opéra bouffon en trois actes, traduit de l'italien par MM. Alphonse
Royer et Gustave Vaez, musique de Donizetti.
Le théâtre Lyrique a fait sa rentrée, comme on dit au Palais de
justice et dans les écoles, le 3 septembre. Cet événement avait été
annoncé pour le 1er, mais fait-on toujours ce que l'on veut?
C'est la Reine Topaze qui a ouvert la marche. La Reine Topaze,
suprême adieu de ce pauvre jeune homme qui avait tant d'imagina-
tion, tant d'esprit, tant de verve, qui était l'espoir des amis de l'art
dramatique. Espoir trop tôt et trop cruellement déçu! En ce temps
d'indigence et d'efforts avortés que nous traversons, quel avenir
était assuré à Léon Battu, s'il avait pu vivre !
Tout a été dit sur la Reine Topaze — qui, après tout, n'était
que pour moitié l'œuvre de Léon Battu. A Dieu ne plaise que nous
contestions à M. Lockroy sa part de paternité, que nous dévalisions
le vivant au profit du mort! — Pièce très-originale, spirituellement
faite, fantastique, extravagante même, si on le veut, mais amusante
au dernier point. La partition est une œuvre de conscience et de ta-
lent, dont quelques parties sont très-heureusement réussies. Et ce
n'est pas la moindre bonne fortune des auteurs et de l'ouvrage que
d'avoir eu pour interprète Mme Miolan-Carvalho.
Comment parler de Mme Carvalho sans nous répéter, et sans ré-
péter tout le monde ? Quand il s'agit de Mme Carvalho tout le monde
est d'accord, et toutes les voix se confondent dans un même refrain,
comme à l'Orphéon. Merveilleuse science d'exécution, naturel par-
fait, esprit, finesse, grâce exquise Mais tout cela est si connu,
si universellement admis qu'on nous permettra- de ne pas le redire
une fois de plus. Les applaudissements du public ont salué Mme Car-
valho quand elle a paru, et l'ont accompagnée jusqu'au dernier fi-
nale. Ils ont redoublé après les variations sur l'air du Carnaval de
Venise, et après la chanson de l'abeille, dont on a demandé à
grands cris une seconde exhibition. Savez-vous pourquoi celte chan-
son de Yabeille produit un effet si délicieux, et fait tant de plaisir à
l'auditoire? C'est que Mme Carvalho, artiste d'esprit et de goût, la
dit à demi-voix, à quart de voix. Cela est si rare aujourd'hui, et
paraît si doux, une actrice qui sait chanter piano un accompagne-
ment délicat et discret, une mélodie que l'on peut exécuter sans
effort !
Mlle de Maesen devrait bien écouter Mme Carvalho, et profiter de
la leçon. C'est elle qui, dans la traduction de Don Pasquale, joue le
rôle de Norina, écrit, en 1842, pour Giulia Grisi. Nous ne voulons
point comparer Mlle de Maesen à Mme Grisi. Mais peut-on s'empê-
cher de regretter que la Norina d'aujourd'hui pousse constamment à
plein gosier les légères, et vives, et fraîches cantilènes, et qu'elle se
livre, dans certaines scènes, à une si terrible pantomime. Ces exa-
gérations sentent la province d'une lieue. Une femme du monde,
quelque rôle qu'il lui plaise de jouer, reste toujours, malgré qu'elle
en ait, femme du monde. Ce n'est pas de la brutalité, c'est de la
malice, c'est de l'espièglerie que demande le rôle de Norina : il fau-
drait le chanter du bout des lèvres, et le gesticuler du bout des
doigts.
M. Gilland, qui a débuté dans celui d'Octave, ne brille point par la
grâce, ni par la désinvoltura. Sa voix paraît fatiguée. Le timbre en
est par trop guttural. Il monte avec peine. Son sol est presque tou-
jours douteux. Terrible note que ce sol! pierre d'achoppement pour
les chanteurs surmenés ! véritable critérium des ténors. Tel lance
dans l'espace des la retentissants et des si formidables, qui ne peut
déjà plus soutenir un sol.
Comme acteur, M. Gilland nous semble à peu près nul. Mais le
théâtre Lyrique a fait une riche acquisition en la personne de M. Troy,
que l'Opéra-Comique avait eu le tort de laisser partir. M. Troy
n'a peut-être pas toute la gaieté qu'exigerait le rôle du docteur Ma-
Iatesta : mais il le chante avec beaucoup de grâce et d'élégance et
le vocalise fort bien quand il ne se laisse pas emporter, quand il ne
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
va pas trop vite. Il a été fort applaudi à diverses reprises, et très-
justement.
Quant à M. Ismael, nous ne croyons pas que depuis Lablache, il
y ait eu au théâtre Italien un Don Pasquale aussi naturel que lui ,
aussi vrai, aussi franchement comique, aussi plein de verve, aussi
bouffe dans toute l'étendue du mot. Il n'a pas, malheureusement, la
voix assez grave pour rendre tous les effets du rôle — ce n'est pas
sa faute — ni assez forte, — c'est un peu la faute de M. Deloffre,
qui devrait réfléchir que des accompagnements calculés pour la voix
de Lablache ont besoin d'être modérés quand ce n'est plus Lablache
qui chante. A cela près, et c'est un très-léger inconvénient, il faut
se joindre au public, qui applaudit M. Ismael avec une vivacité sin.
gulière, et qui rit autant pour le moins qu'il applaudit. M. Ismael a
obtenu dans Don Pasquale un succès très-brillant, et parfaitement
mérité. On l'a rappelé, on l'a bissé après son duo avec le docteur,
au troisième acte, duo qu'il dit avec un entrain et une chaleur co-
mique que l'on ne trouve guère que chez les bons bouffes italiens.
Nous avons déjà fait entendre que Mlle de Maesen laissait passa-
blement à désirer. On lui voudrait plus de naturel, de gaieté, de
grâce, une exécution plus légère, une vocalisation moins ambitieuse
et plus correcte, moins de solennité, moins de réminiscences du
style tragique et des effets violents de Rigolelto. Ce qui l'a fait réussir
dans Rigolelto était justement ce qu'il fallait éviter dans Don Pasquale.
Nous ne dirons rien du mérite incontestable et incontesté de ce
charmant ouvrage, jugé, classé depuis plus de vingt ans, et que
tous les dilettanti savent par cœur. Malgré les déficit que nous avons
signalés, l'exécution, prise dans son ensemble, est satisfaisante, et
le succès nous a paru de bon aloi. Il se soutiendra, et sera certaine-
ment productif si le public ordinaire du théâtre Lyrique est assez
étranger aux choses musicales pour que l'aimable partition de Do-
nizetti soit pour lui une nouveauté.
On nous permettra de ne pas nous étendre sur YAlczde, pièce,
si pièce il y a, où tout manque à la fois : le plan, le dialogue, et sur-
tout le sens commun ; pièce dont le héros est un chef de bandits, ou
plutôt de filous, de truands de la plus sale espèce, lequel, au dénoû-
ment, devient roi de Portugal par droit héréditaire, et profite de l'occa-
sion pour épouser la fille d'un alcade de village qu'il a traité vingt fois
de coquin, tout en le volant. Il faut glisser sur ces erreurs où se lais-
sent parfois entraîner les théâtres. La musique, début de M. Uzépy,
a de la facilité mélodique, assez souvent de l'élégance, et se fait re-
marquer par une instrumentation bien entendue. L'ouverture est jo-
lie, ainsi que des couplets syllabiques chantés par M. Legrand, les-
quels ont été précédés d'un trio où sont de très- agréables phrases.
Mais le sort jaloux lui avait donné un soprano, Mlle Estagel, dont la
voix fêlée, chevroltante, inégale, s'entend mal avec l'orchestre, et
aurait grand besoin que le diapason fût abaissé. M. Ambroselli, qui
remplit le rôle du voleur-roi, ne chante pas plus juste, et chevrotte
à peu près autant, et il prononce le français comme s'il avait passé
les deux tiers de sa vie tras os montes. Les autres rôles sont mieux
tenus, surtout celui du vieil alcade. Mais l'agrément des accessoires
pouvait-il suppléer à l'insuffisance du principal ?
Léon DUROCHER.
PRÉFECTURE DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE,
En janvier dernier, un concours a été ouvert par M. le sénateur
préfet de la Seine, pour la production de pièces de vers destinées
à être chantées dans les réunions de l'Orphéon des écoles communales
et des classes d'adultes de Paris, lie très-nombreux concurrents
(2,214) ont répondu à cet appel. Une commission composée de MM.
Victor Foucher, membre du conseil municipal, président; Camille
Doucet, de Saint-Georges, Alphonse Royer, Ambroise Thomas, Ber-
lioz, Gounod, Edouard Monnais, a été chargée d'apprécier le mé-
rite des pièces présentées.
Dix pièces de vers seulement lui ont paru mériter d'être signalées
à M. le préfet comme remplissant les conditions du programme.
Les concurrents de l'an prochain pourront puiser d'utiles ensei-
gnements dans l'extrait suivant de son rapport :
« Si, dans ce concours, la quantité l'emporte beaucoup sur la
qualité, il est juste de constater l'immense difficulté de l'entreprise.
Le programme ne demande qu'une œuvre très-simple et très-courte;
mais cette simplicité, cette brièveté sont bien loin d'en faciliter
l'exécution. Quoique le répertoire de l'Orphéon compte plusieurs
compositions remarquables, le modèle, le type de l'œuvre demandée
par le programme du concours, n'existent pas encore. Le poëme
orphéonique ne doit être ni l'ode ni la chanson, non plus que le
dithyrambe ; il peut toucher à ces divers genres sans s'absorber dans
aucun. Les sentiments, les idées doivent y avoir quelque chose de
général, en fuyant le banal. Les spécialités de professions, de mé-
tiers, doivent y être évitées plutôt que recherchées, ainsi que les
descriptions, les réflexions, comme choses peu favorables à la musi-
que. Dans l'énorme quantité de pièces soumises à son examen, la
commission a rencontré souvent beaucoup d'esprit, d'imagination,
de verve. Elle a souvent regretté de ne pouvoir accueillir des cou-
plets, des refrains dignes d'être applaudis autour d'une table, mais
qui, par cela même, ne conviennent pas à une réunion d'orphéonistes.
Enûn, ce que la commission regrette d'avoir trouvé plus rarement
encore que tout le reste, dans ces pièces de vers destinées à être
chantées, c'est le sentiment lyrique, c'est-à-dire le souffle qui donne
des ailes à la parole et l'oblige en quelque sorte à se transformer en
chant.
» Les dix pièces de vers distinguées dans la commission sont
celles qui lui ont paru contenir au plus haut degré l'élément néces-
saire au poème lyrique, indépendamment des autres qualités re-
quises. »
Afin d'encourager autant que possible les essais tentés dans la
poésie orphéonique, le préfet a décidé que toutes les pièces jugées
admissibles seraient primées ; que trois médailles, d'une valeur de
300 francs chacune, seraient décernées aux trois compositions jugées
les meilleures, et sept médailles de 100 francs aux sept autres
pièces.
Voici l'indication des pièces primées :
MÉDAILLES DE 300 FRANCS.
N° 829. Gloire à Dieu. Epigraphe : « Cantate canticum novum »
(Ps. 32), par M. Gindre de Mancy.
N° 727. Hymne de Noël. Epigraphe : « Dans une crèche est le
sauveur du monde, » par M. le pasteur L. Tournier, de Genève.
N° 1405. Où est le bonheur'} Epigraphe : « Je crois, j'espère, »
par M. H. MM...
MÉDAILLLES DE 100 FRANCS.
N°1821. Myosotis. Epigraphe: « Juvenes et virgines laudent no-
men Domini » (Ps. 148), par M. L. T. Descats, curé de Bonnes
(Vienne).
N° 1302. Respect à la vieillesse, par M. A. Hinzelin, agent géné-
ral des écoles de Nancy.
N° 739. Ave Maria. Epigraphe : « Fide et amore, » par Mme la
comtesse Clémence de Corneillan.
DE PARIS.
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N° 1791. La Vapeur. Epigraphe: « Go ahead! » par M. Jules
Ladimir.
N" 1363. Le Pavillon. Epigraphe : « Telle contre un rocher gronde
en vain la tempête, etc., par M. A. Vossier.
N° 1138, la Cloche. Epigraphe : « L'homme est né pour travail-
ler, » par M. F. E. Adam, répétiteur au lycée de Brest.
N° 157. Le Tirage au sort. Epigraphe : « La France aime le tam-
bour, » par M. L. Valette.
[Moniteur du 7 septembre )
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 6 septembre 186i.
Monsieur,
Notre théâtre royal de la Monnaie a fait son ouverture de la saison
dramatique le 1er de ce mois par les Huguenots, qui sont toujours la
pierre de touche pour l'essai des premiers ténors de grand opéra,
ainsi que pour les premières chanteuses plus ou moins falcon. Le ré-
sultat de l'épreuve a été médiocrement satisfaisant.
Pour commencer par ce qui est le plus rare aujourd'ui dans une
troupe de grand opéra, c'est-à-dire le ténor, je vous dirai que le public
a soigné chaleureusement l'entrée de Wicart, qui fut longtemps en
possession de cet emploi au même théâtre et qui en était éloigné de-
puis trois ans. Ce non-sens d'applaudissements prodigués à un acteur
qu'on n'a pas entendu, dont on ignore la valeur actuelle, et pour le-
quel on se montrera peut-être sévère avant la fin de la représentation,
est une des bizarreries de notre temps. Ainsi qu'il arrive souvent, les
bénévoles spectateurs de la soirée ont pu bientôt reconnaître qu'ils
s'étaient fourvoyés dans leurs applaudissements anticipés, car M. Wi-
cart n'a pas réalisé leurs espérances. Il a dit avec adresse la romance
du premier acte, dissimulant les ruines de son organe vocal ; mais
celles-ci se sont révélées dans les actes suivants. Au quatrième, sa
voix fatiguée, et dont l'émission se fait par de pénibles efforts, a fait
éprouver une impression désagréable, trop prolongée. On a parlé le
lendemain d'une indisposition à laquelle on attribue le fiasco de cette
soirée, et il y a eu depuis lors un relâche pour cette cause. Attendons
ce qui adviendra par la suite.
A Mme Charry, que vous avez peut-être entendue plus que
moi, était échu le rôle de Valentine; elle l'a chanté d'une voix aigre
assez médiocrement réglée. Laissons au public à prononcer sur l'ad-
mission de cette prima donna.
Mme Moreau (Marguerite) est une jolie personne dont le soprano, un
peu blanc, est agréable et a la vocalisation naturelle et facile. Dès la
première soirée elle a conquis la faveur du public, et son succès s'est
consolidé dans le rôle d'Athénaïs de Solanges, des Mousquetaires de la
reine.
M. Méderic (Saint-Bris) n'est point une basse ; il ne sait ni monter
ni descendre et manque absolument de mordant. Dans le rôle du capi-
taine Roland des Mousquetaires, il a montré la même insuffisance. Quant
à M. Coulou (Marcel), sa voix a du timbre, mais son action dramati-
que est dépourvue de chaleur et d'entrain. C'est ce qu'on appelle un
acteur convenable, bien qu'il conviendrait mieux, sans aucun doute,
qu'on eût toutes les qualités de son emploi.
En somme, sauf Mme Mayer-Boulard , talent précieux et complet
comme on n'en trouve plus à la scène, et Jourdan, pour qui les Bruxel-
lois ont de la sympathie, la saison dramatique, dans laquelle nous en-
trons, nous promet peu d'agrément.
J'aurais à vous parler de choses plus satisfaisantes du monde musi-
cal, par exemple, des concours du Conservatoire de Bruxelles, qui ont
été splendides dans toutes les branches de l'enseignement; mais il
s'est écoulé bien du temps depuis lors, et l'on pourrait me reprocher
de faire de l'histoire ancienne. Je dois cependant vous dire quelque-
chose des artistes envoyés par M. Adolphe Sax en Belgique pour y faire
entendre ses nouveaux instruments, car il s'agit réellement d'une créa-
tion nouvelle et importante, d'un monde sonore introduit dans l'art, où
il opérera sous peu de très-considérables modifications.
Les instrumentistes de M. Sax, dont les plus distingués, par paren-
thèse, sont belges et ont fait leur éducation au Conservatoire de Bru-
xelles, ont donné d'abord une séance dans la salle delà Grande Harmonie,
où se trouvaient des connaisseurs et des hommes du méiier, vivement
impressionnés par les effets aussi nouveaux que puissants de ces agents
sonores. Le programme était composé d'un duo sur Guillaume Tell pour
trombone et saxhorn-basse, tous deux à six pistons et à tubes indépen-
dants ; d'une fantaisie pour trompette avec accompagnement de piano
sur Robert le Diable, dans laquelle était mise en relief la rapidité pro-
digieuse d'articulation et la justesse parfaite du nouvel instrument,
auquel l'inventeur a conservé intact son caractère strident et spécial ;
d'une marche triomphale de M. Demerssmann ; d'un quatuor de trom-
bones sur le Comte Oru ; de solos avec accompagnement de piano sur
les quatre individus de la famille des saxophones; d'une marche funè-
bre pour six instruments, à la mémoire de Meyerbeer, par Henri Li-
tolff, composition remarquable par le caractère d'originalité ; enfin, de
plusieurs autres morceaux qui, tous, ont démontré l'excellence, sous
tous les rapports, des nouveaux instruments ù-î Sax. La beauté des
sons, leur justesse, leur facile émission dans les traits les plus rapides,
la douceur de leur timbre réunie à la puissance, ont reçu les applau-
dissements et les éloges de tous les assistants. On a particulièrement
admiré la belle sonorité des basses et contre-basses de saxophones,
dont l'étendue au grave surpasse tout ce qu'on avait fait jusqu'à ce
jour, et dont les sons se produisent avec la même facilité clans \e. piano
et dans le forte.
Le lendemain de cette séance, les instrumentistes de M. Sax en ont
donné une autre dans le jardin du Vauxhall; le retentissement du succès
de la veille y avait attiré un grand nombre de dames élégantes, d'a-
mateurs et d'artistes qui, pendant près de deux heures, n'ont cessé de
donner aux exécutants des témoignages de leur admiration pour les
beaux effets produits par leur habileté et leurs instruments.
Après cette seconde séance, les artistes de M. Sax sont partis pour
la Hollande et l'Allemagne. A leur retour, ils se sont arrêtés de nou-
veau à Bruxelles, et ont donné un troisième et dernier concert gratuit
au Parc, un dimanche matin, après qu'un des corps de la musique mi-
litaire de la garnison s'y fut fait entendre suivant l'usage. Ce que vou-
laient ces artistes, c'était un succès populaire : jamais on n'en obtint
de plus complet, car le peuple, qui entourait en foule compacte le
kiosque où se trouvaient les instrumentistes, ne cessa de faire retentir
au loin ses applaudissements, ses exclamations et ses hourras. L'agita-
tion régnait encore dans cette foule longtemps après que la musique
eut cessé de se faire entendre.
Agréez, etc.
S.
Birmingham, S septembre iS6i.
La ville est en fête : les rues et les maisons sont pavoiàées de dra-
peaux, les trottoirs sont couverts du matin au soir d'une foule im-
mense, venue en grande partie de loin pour voir et entendre les artistes
qui lui emportent et rapportent de si grandes sommes. Car vous
n'êtes pas sans savoir que les sommes énormes qui se manient autour
de cette solennité sont destinées au grand hôpital de Birmingham, qui,
par acte du Parlement, dispose de l'hôtel de ville pour six semaines de
l'année, et qui se trouve propriétaire du grand orgue et de la biblio-
thèque. 11 n'est guère possible de donner l'énumération de tous les
oratorios, cantates, symphonies, ouvertures et morceaux de solo ou
d'ensemble qui se produisent dans les huit concerts du mardi au ven-
dredi. Jugez-en : mardi, un oratorio divisé en cinquante-six numéros,
une cantate de vingt et un, et ensuite l'ouverture de la Gazza ladra,
et quatorze autres morceaux. Tout cela dans une seule journée, et
de même pour mercredi, jeudi et vendredi. Mais ce qui est intéressant
pour le monde musical , c'est de se rendre compte des proportions
colossales de ces solennités et de la valeur des nouvelles créations
composées pour ce festival.
Nous allons donc borner notre correspondance à ces deux points.
Le comité général présidé par M. Mason, le comité orchestral par
M. Peyton, et le secrétaire général, M. Howell, forment, à l'aide de
soixante- dix-huit membres, qui tous se chargent gratuitement des ser-
vices honoraires exigés pour la fête, onze sous-comités pour toutes les
branches nécessaires.
Ces comités organisés, on publie les annonces et les affiches qui
sont portées par des hommes engagés exprès pour voyager dans toutes
les villes du royaume. Les œuvres à exécuter sont commandées et pro-
posées, les artistes engagés, et tous ces arrangements finis on commence
les répétitions avec tous les chœurs (il y a trois grandes sociétés cho-
rales à Birmingham, composées d'autant d'artistes que d'amateurs).
C'est une affaire importante ; on le comprendra facilement par les indi-
cations suivantes en chiffres ronds :
L'orchestre revient à -45,000 francs.
Les chœurs à 30000 —
Les solistes à 60,000 —
Les textes imprimés à 10,000 —
Annonces 20,000 —
Affiches 5,000 —
Total. . . 170,000 francs,
sans compter les mille petites dépenses d'installation, d'affiches, d'an-
nonces, etc., etc. On m'a montré une annonce dans le Times, une seule,
qui coûtait 64 livres sterling (1,600 francs).
292
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Procédant avec de pareils moyens, la sensation produite est telle que
de tous les points du royaume arrivent tant de demandes de billets,
qu'on a jugé nécessaire de décider au moyen d'une loterie qui au-
rait les places demandées. Les places se vendent 1 guinée (2G francs);
la salle contient au-delà de deux mille places.
Les recettes du premier jour ont été de 60,000 francs, celles du se-
cond jour, de 78,000 francs ; celles du troisième, de 85,000 francs, et
celles du quatrième d'environ 7o,000 francs. On aura donc reçu à
peu près 300,000 francs, soit un bénéfice net de 100,000 francs, dé-
duction faite des dépenses, qui montent presque à 200,000 francs.
Quant aux nouveaux ouvrages produits cette fois, ce sont Naarnan,
oratorio de Costa, la Fiancée de Dunkerron, cantate de Henri Smart, et
h'enilworth, de Sullivan.
L'œuvre la plus importante du festival était l'oratorio de Costa ; vous
me permettrez de le nommer en premier lieu. C'est une œuvre qui, à
elle seule, demanderait tout un volume de critique, tant les morceaux
sont nombreux, la conception vaste, l'orchestration de main de maître,
exploitant toutes les ressources connues, toutes les combinaisons sai-
sissantes; le style en est élevé, mélodieux, en même temps que sévère;
en un mot, c'est un chef-d'œuvre dont il faut simplement mentionner
le grand mérite et l'immense succès (on a bissé douze morceaux), à
moins de pouvoir entrer dans des détails minutieux pour exprimer
l'admiration due au maître, avec le soin et les études qu'exige une
œuvre qui fait événement dans l'histoire musicale. Costa qui, comme
chef d'orchestre, tient en Angleterre une position telle que personne
n'en avait eue avant lui, a trouvé, après son oratorio, un de ces mo-
ments qui payent une vie de labeur et de privations. Le public entier
s'est levé, l'orchestre et les chœurs se sont levés, et une clameur
inouïe a ébranlé la salle !
Je ne désire qu'une chose, c'est qu'on exécute cet oratorio à Paris, —
malheureusement, il ne sera pas gravé avant six mois,— pour que le pu-
blic français puisse juger et se convaincre.
Si la gloire de la composition est due à Costa, autant que celle
d'avoir dirigé l'orchestre comme il l'a fait, les artistes exécutants ont
pris une part énorme dans le succès de l'œuvre. L'ensemble des chœurs
et de l'orchestre était admirable. C'était la Patti, Mmes Dolby-Sainton,
Sims Reeves et Santley pour les parties les plus importantes, Mmes Ru-
derdoff, Palmer et Cummings pour les parties secondaires. Quant à
Mlle Patti, elle a deux solos, et sa partie dans un trio et un quatuor, qui,
tous, ont été bissés. Les solos de Mmes Reeves et de Santley ont été
bissés également. Mais je dois aussi vous parler du solo de Mme Sain-
ton-Dolby.
Mme Sainton qui est une artiste dans la plus sérieuse acception du
mot, a une façon de déclamer au-dessus de tout éloge. Elle a dans son
récit les accents du cœur qui impressionnent toujours. Il n'est pas
permis d'applaudir pendant un oratorio, ce qui n'empêche pas le pu-
blic d'indiquer par une sorte d'exclamation contenue ce qu'il désire
réentendre, et alors le président fait un signe au chef d'orchestre qui
fait recommencer. Cependant quand le trio dans la première partie
(Patti, Reeves, Palmer) et le quatuor (Patti, Reeves, Palmer, Santley)
dans la seconde partie ont été chantés, contre les usages une explo-
sion de bravos enlevée par la force du génie (et, aussi par la voix de
Mlle Patti), s'est fait entendre.
La cantate de M. Henri Smart, très-sérieuse, très-dramatique, pleine
de mérite autant de travail que d'initiative, est l'œuvre d'un grand
musicien, reconnu et apprécié depuis longues années; elle a été reçue
avec la chaleur que ne manque jamais de montrer le public anglais,
quand il s'agit d'applaudir un compatriote.
L'œuvre de M. Sullivau, quoique pleine de sève et de verve, ne
peut être mise au niveau des deux autres ; le compositeur, jeune en-
core, prendra son véritable élan plus tard et avec un peu plus d'expé-
rience.
Dans les autres ouvrages et dans les concerts, il s'est produit une
si grande quantité d'artistes, outre ceux que j'ai déjà nommés, que
je ne saurais abuser des colonnes de la Gazelle Musicale pour ren-
dre justice à tous. Il n'est cependant pas possible de ne pas s'incliner
devant l'énorme succès de Mlle Titjens, dont la belle voix, la méthode
pure, l'accent élevé et noble, font sans contredit la plus grande chan-
teuse classique. N'oublions pas la charmante Mme Lemmens qui a su
faire applaudir son talent à Birmingham comme à Londres, et ce n'est
pas peu dire. Comme instrumentiste, il y avait Mme Arabella Goddard,
la plus grande chanteuse sur le piano. Comment une femme peut-elle
réunir autant d'expression délicate et de rapidité foudroyante, autant
de gravité et autant d'élégance? Enfin, il y avait Sainton qui fait chan-
ter sa femme avec son violon, en lui prêtant l'appui de son talent,
pour lequel nulle difficulté n'existe !
Louis ENGEL.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : La Volonté, comédie en quatre actes et en vers,
par M. Jean du Boys. — Odéon, réouverture : Les Plumes du
paon, comédie en quatre actes et en prose, par M. Louis Leroy.
— Porte-Saint-Martin : Les Flibustiers de la Sonore, drame en
dix tableaux, par MM. Amédée Rolland et Gustave Aymard.
Un jeune auteur, dont le nom commence à se dégager des nuages
de l'inconnu, s'est fait, au Théâtre-Français, l'apôtre de la volonté.
L'intention est bonne ; mais, en dépit de l'axiome : Vouloir, c'est
pouvoir! il y a loin, parfois, de l'idée d'une pièce à son exécution.
Nous admettons qu'il y ait quelque chose encore à tirer d'un sujet
passablement rebattu, mais qui, jusqu'ici, n'a produit aucun chef-
d'œuvre. Seulement, l'inexpérience de M. Jean du Boys l'a fait pas-
ser à côté de ce quelque chose, et ce qu'il a pris pour des aperçus
nouveaux ne rappelle que trop ce que l'on a dit avant lui.
Un jeune homme se présente chez M. Lacroix, banquier, qui lui
demande ce qu'il sait faire. — Rien, répond le jeune homme, mais
j'apprendrai. — Eh bien ! revenez alors, conclut logiquement le
banquier en le congédiant.
Un an plus tard, le même individu reparaît. — Je sais maintenant
toat ce qu'il faut pour entrer chez vous, dit-il à M. Lacroix, — et
celui-ci surpris de tant de bon vouloir, lui donne une place dans ses
bureaux. A force d'application, Philippe devient le principal commis
du banquier, puis son associé, et il finit par épouser sa fille.
Et c'est là tout? sans doute. Mais où est l'action dramatique, mais
où sont les moyens, les obstacles, les luttes, au milieu desquels tout
héros de pièce doit se débattre, et l'intérêt qui s'attache à lui gran-
dir en proportion de ses efforts ? On les chercherait en vain, à moins
de prendre pour argent comptant ce qui se passe dans les coulisses
et pendant les entr'actes.
Il y a bien, en regard de l'homme à la volonté, un jeune mon-
sieur qui lui sert de contraste. Philippe n'a pas le sou ; Marcel, au
contraire, est riche à 20,000 livres de rentes. Philippe est seul
au monde, sans appui, sans famille; Marcel n'a qu'à étendre la main
pour saisir une position et un riche mariage. Et cependant, tandis
que l'un monte rapidement, l'autre descend avec la même vélocité,
et cela, parce qu'il manque de résolution, et qu'il remet, comme ce
tyran de l'antiquité, toutes les affaires sérieuses au lendemain. Mais
de même que Philippe, Marcel n'agit guère qu'à la cantonade ; il
aime une femme qu'on ne voit pas; il va à Bade pour se ruiner,
et Philippe le ramène, quand il n'a plus qu'à se repentir, à épou-
ser une jeune fille pauvre, et à recommencer sa vie sur nouveaux
frais.
La Volonté n'a donc d'une comédie que l'apparence, c'est-à-dire
le titre ; mais en revanche c'est une œuvre littéraire et vraiment
poétique dans certaines parties. M. Jean du Boys a le vers facile,
quelquefois trop facile ; il a tantôt de la grâce, tantôt du mordant.
Il fait aussi d'excellents portraits, témoin celui des oisifs envieux qui
est tracé d'après nature par Tiburce, le Desgenais obligé de toute
pièce contemporaine :
Nous sommes des fakirs, et nonchalants comme eux,
L'opium jette un brouillard sur nos esprits brumeux.
Oh ! le projet pour nous est chose très-facile !
L'architecte, en rêvant, bâtit toute une ville ;
Le peintre, en son esprit, crée un divin tableau
Où se mêle à l'azur du ciel l'azur de l'eau ;
Au café, le poëte ébauche un plan de drame
Qui doit régénérer du coup l'homme et la femme.
Après quoi, tous, pensifs, se disent par instants :
— Oui... je ferai cela, lorsque j'aurai le temps 1
On n'a jamais le temps
DE PARIS.
293
Nous démolissons tout, ne pouvant pas construire ;
Pour n'être pas détruits, nous-même il faut détruire.
On bâtit à Paris un théâtre, un palais,
Chacun les trouve beaux, moi je les trouve laids.
Machin a des projets bien plus grands dans la tête.
Delacroix I Delacroix ! Euh 1 nature incomplète 1
Ah ! les tableaux d'un tel. . . quand il les aura faits !
Un jour au boulevard un drame à grands effets,
C'est un succès. — Tant pis, ce n'est pas littéraire !. . .
Quand vous verrez celui que ïiburce doit faire 1
Au résumé, il y a du bon dans la Volonté, et il n'est pas impos-
sible qu'elle exerce quelque influence sur les recettes de la Comédie
française. Elle est d'ailleurs convenablement interprétée par Maubant,
Coquelin, un jeune lauréat du Conservatoire nommé Etienne Séné-
chal, et surtout par Mlles Marie Royer et Ponsin, qui font preuve
toutes deux de charme et de talent.
— IvOdéon a fait brillamment sa réouverture, le 1er septembre,
avec une comédie en quatre actes, intitulée les Plumes du paon.
Quoique le public s'intéresse fort peu, en principe, aux mœurs et aux
usages de la gent artistique, il a pris grand plaisir, nous devons le
constater, aux tribulations d'un pauvre diable d'auteur qui , pour
venir en aide à je ne sais quelle infortune respectable, a escompté
sa gloire future, et voit, un jour, représenter, sous le nom d'un
autre, une pièce dans laquelle il a mis toute son âme et toutes ses
forces intellectuelles. Par bonheur, le geai paré des plumes du paon
en est dépouillé par l'intermédiaire du marché dont il n'a pas rem-
pli les conditions, et chacun reprend la place à laquelle il a droit.
Nous négligeons les détails ; nous ne parlons pas du mariage qui est
la conséquence de ce revirement inattendu; cela va de source. Mais
ce que nous nous plaisons à attester, c'est que la pièce de M. Louis
Leroy est vive, amusante et ne manque pas d'intérêt. Le troisième
acte, très-gai, très-mouvementé, ferait à lui seul la fortune de cette
comédie, s'il en était besoin. L'Odéon, en un mot, ne pouvait mieux
ouvrir sa campagne, et le voilà lesté de manière à pouvoir voguer
longtemps sans changer son pavillon. Le principal rôle des P.utnes
du paon est joué par un débutant du nom de Villeray, qui a com-
plètement réussi, grâce à sa chaleur et à sa distinction. 11 a d'ail-
leurs été secondé à merveille par Thiron, Romanville et Mlle Mosé.
— Le drame nouveau de la Porte-Saint-Marlin, les Flibustiers de
la Sonore, n'est pas tout à fait fictif; c'est l'histoire à peu près vé-
ritable d'un homme dont on a beaucoup parlé, il y a dix ou douze
ans, et qui, après des aventures inouïes, a trouvé une fin lugubre
dans un coin obscur du Mexique. M. Gustave Aymard a écrit quel-
que part la légende dn comte de Raousset-Boulbon, et, selon l'usage
reçu, il s'est adjoint un collaborateur pour la transporter à la scène.
Nous sommes donc bien avertis, le comte Horace d'Armancey n'est
autre que le comte Gaston de Raousset-Boulbon; et, sauf quelques
épisodes nécessaires à l'économie d'un drame , l'action des Flibus-
tiers de la Sonore nous retrace des événements qui se sont passés
de nos jours, bien qu'ils soient marqués au coin d'un autre âge. En
effet, rien ne ressemble moins au prosaïsme de notre époque que
la résolution prise par un gentilhomme de la vieille roche de quitter
sa patrie pour aller refaire sa fortune dans le nouveau monde en
enlevant, à la tête d'un petit nombre de compagnons déterminés,
une province entière appartenant à un État puissant malgré ses dis-
sensions. Le comte Horace est cependant bien près de réussir,
lorsque la trahison, sous les traits d'une femme délaissée, et d'un
général mexicain , ambitieux et jaloux , lui arrache sa proie et le
conduit devant un conseil de guerre qui le fait passer par les
armes.
Ce que nous racontons en quelques lignes fait la matière de dix
tableaux pleins de mouvement et d'émotion. Tout serait pour le
mieux si l'on pouvait refaire l'histoire ; mais après avoir excité un
très-vif intérêt, le comte Horace est mis en chapelle et fusillé. Or,
ce dénouaient n'est pas de nature à renvoyer le parterre satisfait,
et il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'il fît du tort au succès de
l'ouvrage. Un pareil résultat serait assurément fort regrettable, car
les Flibustiers de la Sonore sont montés avec un grand soin ; la
couleur locale y est scrupuleusement observée, et, sous ce rapport,
nous citerons le tableau très-curieux de la vie à San-Francisco. Le
sixième tableau est rempli par la Fête du soleil, un ballet splendide,
où Mlle Mariquita danse la Mexicaine avec beaucoup de grâce et de
souplesse. Enfin, pour compléter les attraits de ce drame, la direc-
tion a engagé tout exprès Berton , qui représente le comte Horace
avec une rare élégance, et Mlle Rousseil, qui est en train de conqué-
rir au boulevard une position exceptionnelle.
». A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*% Au théâtre impérial de l'Opéra, Mlle Sannier a débuté lundi dans
la Favorite. La débutante, qui avait été engagée au théâtre Lyrique pour
jouer dans la Captive, de Félicien David, est une belle personne, dont
la voix ne manque pas de puissance, mais qui, en cherchant à monter,
a perdu ses meilleures notes graves. Une seconde épreuve permettra de
la mieux juger comme actrice; dès la première, on peut dire qu'elle
a réussi. — Mercredi, on donnait Nemea, et vendredi, Guillaume Tell.
*** L'engagement de Mme Marie Sax vient d'être renouvelé pour
cinq ans.
*** La reprise de Lara aura lieu cette semaine à l'Opéra-Comique.
Mlle Monrose y chantera pour la première fois le rôle de la comtesse.
*** Mme Gennetier fera son début à l'Opéra-Comique dans le Songe
d'une nuit d'été.
*** Le théâtre Italien ouvrira sa saison le 1<* octobre par la Sonnam-
bula, chantée par Adelina Patti et le ténor Corsi. Le début de la troupe
dansante aura lieu le même soir dans un ballet en un acte très-appré-
cié en Italie, Aci e Galatea, du chorégraphe Costa, et dansé par Mmes Er-
nestine Urban, Gredlu Merante et M. Costa.
*** M. Bosoni, le nouveau chef d'orchestre engagé par M. Bagier,
a fait ses preuves, en dirigeant pendant plusieurs années l'exécution
des grands ouvrages au théâtre de la Fenice, à Venise. Dans le nombre
se trouvent les Huguenots, le Prophète, de Meyerbeer, ainsi que Rigo-
letto, la Traviata et Simon Boccanegra, de Verdi, lors de leur première
représentation à ce théâtre.
*% Comme nous l'avons annoncé, l'opéra de Bénédict, la Rose d'Erin,
sera joué au théâtre Lyrique. La première représentation doit avoir
lieu au commencement de décembre.
*** M. Mareux et Mlle Lovato, qui se sont particulièrement distin-
gués au dernier concours d'opéra-comique du Conservatoire, sont en-
gagés au théâtre des Bouffes-Parisiens. Ils débuteront dans l'une des
pièces nouvelles qui doivent être jouées pour la réouverture de ce théâtre.
*** L'ancienne Société des Bouffes-Parisiens a été dissoute, et une
nouvelle Société en nom collectif a été formée. MM. Alphonse Varney
et Eugène Hanappier en sont les directeurs.
*** Les recettes des théâtres, concerts, etc., ont été pendant le mois
d'août, de 9â0,387 fr. 86 c.
*** Roger vient de se faire entendre à Trouville et à Dieppe, en
compagnie de Félix Godefroid. L'éminent chanteur a excité l'enthou-
siasme et a dû répéter plusieurs morceaui, parmi lesquels la Mélancolie,
le Rêve et la Danse des Sylphes, stances de Méry, mises en musique par
Godefroid, déclamées et chantées d'une façon délicieuse par Roger.
**„ Mlle Boschetti estapplaudie au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles,
où elle est engagée pour une série de représentations. Elle a débuté
dans un divertissement, la Fête des voiles.
*** M. et Mme Bettini-Trébelli se trouvent à Rome, et doivent y dé-
buter le 15 de ce mois dans Marta.
*** Un journal anglais annonce que l'ancienne cantatrice, Victoria
Balfe, fille du célèbre compositeur anglais, mariée à l'ambassadeur an-
glais à Saint-Pétersbourg, lord Crampton, et séparée de son mari par
un récent divorce, va épouser un grand d'Espagne, dont la fortune
est considérable.
294
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
„*:l M. Klosé, professeur de clarinette au Conservatoire et chef de
musique de l'artillerie de la garde, et M. l'aulus, chef de musique de
la garde de Paris, viennent d'être nommés chevaliers de la Légion
d'honneur.
»*i Par arrêté ministériel en date du 22 août dernier, M. Eugène
Gautier a été nommé professeur d'harmonie et accompagnement pra-
tique au Conservatoire de musique, en remplacement de M. Bienaimé,
admis à la retraite.
„*» Ont été également admis à la retraite, MM. Meifred, professeur de
cor à pistons, et M. Goblin, professeur de solfège, qui ne paraissent pas
devoir être remplacés.
„,%. Adelina Patti va donner incessamment quatre représentations au
théâtre de Lyon.
£*„ Un assez grand nombre de noms d'artistes, de musiciens et de
poètes viennent d'être donnés à des rues de Paris, dont la dénomination
était multiple. On y remarque les rues Quinault, Marmontel, Hérold,
Beethoven, Donizetti, Bellini, Lesueur, Cimarosa, Wilhem , Lassus ,
Béranger, de Musset, Lesage, Pétrarque, Talma, Poussin, Raphaël, Ti-
tien, Rubens, Greuze, David, SchefTer, Ingres, Yernet, Decamps, Vis-
conti et Erard.
»% L'opéra de Rubinstein, Feramors, doit être représenté cet hiver
à Weimar et à Carlsruhe.
,*„ H. Panofka est de retour de son voyage en Italie.
„% La réouverture du grand théâtre de Lyon a eu lieu par une re-
présentation à la mémoire de Meyerbeer, composée de Robert le Diable,
et d'une cérémonie dans laquelle la troupe entière a tenu à figurer. Les
cinq œuvres écrites par le grand maître pour la scène française étaient
allégoriquement représentées ; des couronnes d'immortelles ont été dé-
posées devant un buste éclairé par la lumière électrique, tandis que l'or-
chestre jouait la marche du sacre du Prophète. Un génie descendant des
frises est venu ensuite couronner le front du grand maître, pendant que
la prière de l'Etoile du Nord était exécutée. Dulaurens a débuté avec
beaucoup de succès dans le rôle de Robert; Mme Soustelle n'a pas réussi
autant dans celui d'Alice. Une grande émotion a paru paralyser une
partie de ses moyens. — Le lendemain, Mlle Marimontet M. Barielle ont
été accueillis avec faveur dans la Fille du régiment.
*** Rossini, à l'occasion de la statue que vient de lui élever Pesaro,
a adressé la lettre suivante au syndic de cette ville : « Très-excellent
monsieur Ceccarelli, je reçois avec une joie profonde votre très-esti-
mable lettre du 23 courant par laquelle vous me peignez, avec le pin
ceau du Sauzio (mon adoré), ce qui s'est fait dans ma chère ville de
Pesaro, pour m'honorer et me fêter. S. Exe. Ubaldino Peruzzi, par une
lettre du 21, me faisait part de la munificence royale; vous me faites
maintenant connaître, Monsieur, que vous êtes en possession d'une
médaille frappée en mon honneur et offerte par la courtoise et gé-
néreuse députation toscane pour m'être envoyée. Toutes ces choses
tendent à m'édifier, et, si c'était possible, à m'enorgueillir. Ce sont
assurément là de beaux et flatteurs encouragements dont je suis très-
reconnaissant. Je tiens cependant à vous déclarer que ce qui réjouit
le plus mon àme et me pénètre le plus le cœur, c'est l'affection que
me témoignent mes concitoyens. Voir payer de retour un amour de la
patrie que j'ai nourri (quoique en silence)- toute ma vie, c'est une
vraie félicité pour moi. Je dois aussi vous dire que j'ai la plus grande
satisfaction à penser que mon très-cher comte Gordiano Perticari a, lui
aussi, figuré dans cette circonstance solennelle , ce qui m'est une
preuve qu'il jouit d'une bonne santé et qu'il me conserve sa bienveil-
lance dont je suis fier. Je m'aperçois, monsieur le syndic, que je vous
donne trop longuement la peine de me lire : jetez les yeux dans mon
cœur, et pardonnez-le moi. Veuillez bien faire agréer à MM. les mem-
bres de la junte les sentiments de ma chaleureuse reconnaissance, et
je vous prie d'en faire autant auprès de ceux qui aiment l'enfant de
Pesaro, qui est heureux de se dire votre respectueux et affectionné
Gioachino Rossini. — Paris-Passy, le 27 août 1864. »
*% La Création d'Haydn, des fragments d'Oberon, la messe en ré de
Beethoven, Elis de Mendelssohn, la Chute de Babylone, de Spohr, et
la cantate Richard Cœur de Lion, de J. Bénédict, sont les principales
œuvres dont se composait le festival qui vient d'avoir lieu à Iiere-
ford. La nouvelle composition de Bénédict n'y a pas produit moins
d'effet qu'à Nonvich et à Londres; c'est une œuvre des plus élevées et
dont la place est marquée parmi les meilleures du genre. Mines Tiet-
jens et Sainton Dolby, MM. Sims Reeves, Santley et Weiss s'y sont
notamment distingués et ont obtenu souvent les suffrages d'un audi-
toire nombreux et choisi.
*% L'excellent pianiste J. Baur s'est distingué au grand concert
donné récemment au Havre, dans la salle Sainte-Cécile. Son succès a
été grand et mérité.
,.% Arabella Goddard, la célèbre pianiste anglaise, a, suivant le jour-
nal Orchestra, l'intention de faire admirer son talent magistral sur le
continent, et nous aurons bientôt occasion d'applaudir à Paris cette
artiste hors ligne.
**„ Berthelier donne des représentations au théâtre des galeries de
Saint-Hubert à Bruxelles. Lischen et Fritzchen, le Pifferaro et le Brésilien
composent son joyeux répertoire, que le public applaudit chaque soir.
*** Le théâtre Vittorio-Emanuele, à Turin, annonce parmi les nou-
veautés de sa prochaine saison, Aidea, montée avec l'élite de sa troupe.
Ce sera la première fois que cet ouvrage d'Auber traversera les Alpes
et sera joué en italien. On s'occupe de la traduction en italien d'autres
œuvres d'Auber : le Domino noir, les Diamants de la couronne, l'Ambas-
sadrice et la Fiancée seront prochainement donnés en Italie, où la Muette
de Poi-tici et Fra Diavolo ont déjà obtenu tant de succès.
*% Le succès de Jeanne la Rousse, la nouvelle chanson de J. OfTen-
bach, sur les paroles tirées de Mademoiselle Cléopâtre d'Arsène Houssaye,
dépasse toutes les prévisions. Il est probable que cette mélodie ar-
rivera rapidement, comme le roman auquel elle doit sa naissance, à sa
cinquième édition.
»*„. On nous écrit de Bade, en date du 9 septembre : « Hier, à l'oc-
casion de la fête anniversaire de S. A. R. le grand-duc Frédéric de Bade,
a eu lieu après un beau feu d'artifice, dans les nouveaux salons de la
Conversation, splendidement illuminés à cet effet, le dernier grand
concert de la saison, donné au profit de l'hôpital de Bade. Le chant
y était représenté par Mmes Charton-Demeur, Battu, Lustani - Men-
dès, MM. Délie Sedie et Warnotz ; la partie instrumentale ne comp-
tait que deux artistes ; mais c'était Vieuxtemps et Vivier. L'orches-
tre conduit par Koennemann, a exécuté avec une grande perfec-
tion les ouvertures de la Violette, de Carafa, et celle du Freyschutz.
Vieuxtemps a joué en maître irréprochable l'introduction et le
rondeau d'un concerto de sa composition, et dans la deuxième partie
une légende dont le motif a beaucoup de couleur, suivie d'une polo-
naise admirablement enlevée. Vivier n'a dit qu'un seul petit morceau,
bien court, mais c'était la romance de la Favorite : « Ange si pur »,
et il l'a dit comme lui seul sait le dire. Mme Charton avait choisi un
grand et magnifique air de Beethoven, Perfido spergiuro, rarement exé-
cuté dans les concerts de Paris. Cet air a fourni à la célèbre cantatrice
l'occasion d'y déployer ses grandes qualiiés. Tour à tour tendre, abattue,
passionnée, elle a donné à ce morceau l'importance d'un drame. Le
duo de Don Juan avec Délie Sedie : La ci darem la mono, et une vive
chansonnette espagnole qui a suivi, ont montré le talent de Mme Charton
sous l'aspect le plus varié. Mlle Battu avait borné son contingent à la
cavatine d'Ernani; mais elle l'a chantée avec un siyle et un éclat qui
la placent au rang- des meilleures cantatrices actuelles. Mlle Lustani-
Mendès a chanté l'air de Casta diva de Norma. On ne peut pas dire
qu'elle ait encore atteint le talent de Julie Grisi, mais on doit des
éloges à sa bonne volonté. Tous ceux qui ont entendu Délie Sedie à
Paris et à Londres, connaissent la perfection de sa méthode et le sen-
timent exquis dont il est doué; la romance d'Un Ballo in maschera est
sous ce rapport un de ses triomphes ; il ne lui a pas fait défaut hier
soir. Le quatuor du Rouet de Martha, chanté par Mlles Battu et Lustaui-
Mendès, MM. Délie Sedie et Warnotz, a gaiement terminé ce brillant
concert, qui avait attiré l'élite de la société de Bade, et qui était ho-
noré de la présence de LL. MM. le roi et la reine de Prusse, ainsi que
des princes de Hesse. Des applaudissements, toujours un peu contenus
par l'étiquette, n'ont pas moins accueilli chacun des éminents artistes
après leur morceau, et les rappels ne leur ont pas manqué. — Les re-
présentations d'opéras italiens se sont terminées par celle de la Gazza
ladra, chantée par Mmes Battu, Sanchioli et Vestri; MM. Agnesi, Frizzi
et Fallar. Le rôle de Ninetta, très-favorable à Mlle Battu, lui a valu
les applaudissements les plus chaleureux. La Comédie française a pris
maintenant possession du théâtre.
3*s II s'est formé en Italie un comité pour provoquer l'érection d'un
monument en l'honneur de Guido d'Arezzo, le célèbre musicien du
xc siècle. Tous les professeurs et artistes réunis à Pesaro pour l'inau-
guration de la statue de Rossini, ainsi que G. Pacini et Mercadante, ont
donné leurs adhésions à ce projet.
»%, On a exécuté au Conservatoire de Prague un canon en forme
d'ouverture, composé par C. Pugni, de Milan, et qui a excité un grand
intérêt. Ce morceau est écrit pour deux orchestres, dont l'un répète
constamment la partie de l'autre à une mesure d'intervalle.
„*,, Signe-accord est le nom d'un nouvel instrument, inventé par le
maître de chapelle Metzger, à Vienne, à l'aide duquel on trouve facile-
ment le ton dans lequel un morceau de musique est exécuté.
„*,, Nous rappelons que le congrès du cercle artistique-musical Bo-
namici doit se tenir à Naples le 15 de ce mois, et que l'on y traitera
les questions les plus importantes qui intéressent la musique et les
musiciens.
DE PARIS.
295
*% Cette semaine sera publiée une nouvelle transcription pour le
piano, par Paul Bernard, du célèbre chœur de llossini, l'Espérance. Il
existe déjà des transcriptions du même auteur, des chœurs la Charité
et la Foi, qui jouissent d'une grande vogue.
„*, Faut-il prendre au sérieux le prospectus d'un journal de musique
dansante, intitulé la Terpsichore pieuse, ainsi que les Parfums, quadrille
mystique, devant réconcilier la danse avec la dévotion? Ce n'est pas,
sans doute, une petite affaire, mais le prospectus la regarde déjà comme
à peu près faite, et n'en veut pas de meilleure preuve que l'emploi
dans les compositions musicales destinées au culte de formes se rappro-
chant de celles usitées dans la musique du genre récréatif et gaillard. Ceci
ressemble fort à une épigramme, et il se pourrait que M. Marius Eléo-
nore Bonafous, se disant chef d'orchestre du Casino champêtre et serpent
de la confrérie des pénitents bleus à Carpentras, fût plus malin qu'il n'en
a l'air au premier coup d'œil. Nous ne nous permettrons pas de tran-
cher cette grave question.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
.,.% Baiionne. — A l'occasion de l'exposition internationale, un con-
cours d'orphéons et de musique militaire a eu lieu dans cette ville. Le
jury était composé de MM. Clapisson, Dufresne, Victor Massé, Delsarte,
<-I. de Vos, Alard, Duprato, Armingaud, Jubin, Delplace et Bourcourt.
Le premier prix a été décerné à la société de fanfares, Echos de Mou-
tiers. La société chorale de Libourne a obtenu le premier prix des or-
phéons. Plusieurs sociétés espagnoles se sont distinguées à ce concours,
auquel s'attachait un grand intérêt public. — M. Edouard Batiste,
professeur au Conservatoire, organiste de Saint-Eustache, est appelé
pour faire etTtendre le nouvel orgue construit par MM. Merklin-
Schiitze, pour l'église Saint- Vincent de Paul. Cette inauguration est fixée
à jeudi prochain.
»*„ Rouen. — La troupe des Bouffes-Parisiens attire beaucoup de
monde au théâtre. Lischcn et Fritzchen, M. Choufle.ury, Tromb-al-Cazar,
la Chanson de Fortunio et les Dames de la halle sont surtout écoutés avec
grand plaisir.
*% La Rochelle. — Mme Ecarlat-Geismar a donné ces jours derniers
un concert au bénélice de la caisse de secours pour les veuves et les or-
phelins de la marine. La foule était nombreuse et a fort applaudi la
charmante cantatrice, ainsi que 51. Schelling, le pianiste de talent, et
l'orchestre, dirigé par M. Léon Meneau. — A une grande soirée musi-
cale aux bains Marie- Thérèse, dans laquelle se sont fait entendre pres-
que uniquement des amateurs, une quête au profit des incendies de
Limoges a produit 600 francs.
,% Arras. — Après les concours de chant et d'harmonie, qui n'ont
pas rempli moins de deux jours, est venu le concert de la Société phil-
harmonique : Faure, Mlle de Maësen et Batta s'y distinguaient en pre-
mière ligne, et c'était à qui produirait le plus d'effet dans chacun des
morceaux qu'ils ont fait entendre, l'air de la Favorite, la romance de
Joconde, le duo du Trouvère, l'air de Rigoletto et le morceau des Rameaux,
que Faure a si bien écrit pour sa voix admirable. Deux ouvertures par-
faitement exécutées, celle de Masaniello et celle du Songe d'une nuit
d'été (la dernière en présence de l'auteur qui se dérobait au triomphe),
ont établi l'excellence de l'orchestre devant un auditoire qui ne pouvait
être p. us nombreux ni plus brillant.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*% Londres. — Nos théâtres lyriques sont fermés, à l'exception de
la petite scène du Royal Gallery of Illustration, où M. German Reed a
commencé avec un grand succès sa seconde saison d'opérettes intitu-
lées ici Opéra di caméra, par Sleeping queen, de Balfe, et la Rose de Saint-
Flour, d'Offenbach, jouée sous le titre : Too many coofcs (trop de cuisi-
niers). Une opérette de Macfarren va y être prochainement donnée. —On
attend de jour en jour le programme de la nouvelle société d'opéras
anglais de Covent-Garden, qui a engagé jusqu'à présent M mes Sher-
rington, Parepa et Huddart; MM. Weiss, Perren, Corri et Hagh. Au
théâtre de Sa Majesté, des représentations d'opéras anglais seront don-
nées , sous la direction de M. Harrisson, avec Mlle Pyne et Sims
Reeves. — En présence de vingt mille auditeurs a eu lieu, au Palais de
Cristal, un festival choral donné par les trois à quatre mille jeunes
chanteurs de la Tonic Sol-fa Association, qui ont exécuté des chœurs an-
ciens et modernes avec un ensemble admirable.
„*„ Dresde. — L'opéra de Dorn, les Aibelungen, est en répétition au
théâtre de la Cour, où le ténor G. Muller, du théâtre de Francfort, a
débuté avec succès dans Martha.
*** Vienne. — Mme Czillag et le ténor Steger vont donner une série
de représentations au théâtre an der Wien.— Mlle de Murska est engagée
au théâtre de la Cour; elle doit y chanter pour la première fois le rôle
de Dinorah du Pardon de Ploérmcl.
„% Prague. — Naudin vient de débuter aux applaudissements les plus
chaleureux dans Lucia di Lammennoor. Ses prochains rôles seront Lio-
nello (de Marta), don Ottavio et Manrico.
*% Pcsth. — Au théâtre National, on a mis à l'étude Fidelio, Robert
le Diable et la Muette ds Portici, qui seront chantés en langue hon-
groise.
%*i Milan. — Roberto il Diavolo a inauguré la saison du théâtre Car-
cano devant une salle comble et enthousiasmée du chef-d'œuvre, qui a
été chanté par MM. Garcia, Concordia, Mmes Savini et Siebs.
*% Cadix. — Giovanna Shore, opéra de Bonetti, a été représenté plu-
sieurs fois. Mme Penco y obtient dans le rôle principal un très-grand
succès.
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2. Cavatine pour basse : Ah! quelle flamme 5 »
3. Dno pour ténor et basse: Prendre femme zeste preste. ... 9 »
3 bis. Cavatine pour ténor, extraite du duo. . . ■ 5 »
4. Cavatine pour soprano : Pauvres amants fidèles 7 50
4 bis. La même, transposée pour contralto 7 50
5 . Dno pour soprano et baryton : Ah ! c'est charmant 9 »
6. Scène et air pour ténor : Tout m'est ravi, Louise me restait 7 50
7. Trio p. soprano, ténor et basse: Viens, avance, ô contrainte. 7 50
8. Quatuor pour soprano, ténor, baryton et basse : Entre les
soussignés.
8 bis. Adagio extrait du quatuor
9. Cnœur : Bal enchanteur, nuit d'amour, folle ivresse . . .
10. Duo pour soprano et basse: Voici l'heure
11. Duo pour baryton et basse: Je renferme ma colère . . .
42. Sérénade pour ténor : Nuit parfumée.
12 6î's. La même, pour soprano
12 ter. La même, pour contralto ou baryton
12 quater. La même, pour ténor avec chœurs
13. Nocturne pour soprano et ténor : Le jour a fui la terre.
14. Rondo pour soprano : Des jours calmes quand vient l'âge
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cueil : Pensées musicales, par A. BEKI/VIV.
SOMMAIRE . — Biographie universelle des musiciens : François- Joseph Fétis
(1" article). — Les chœurs de la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg
(1" article), par Maurice Cristal. — Revue critique. — Nécrologie : De-
lair, par Arthur Pougin. — Nouvelles et annonces.
BIOGRAPHIE UNIVERSELLE DES MUSICIENS.
(seconde édition.)
Plus d'un grand peintre a voulu faire son portrait lui-même et
s'est acquitté de sa tâche avec autant de fidélité que de talent.
M. Fétis est de ce nombre ; le biographe à qui nous devons tant
de chefs-d'œuvre de ce genre n'a pas écrit de biographie supérieure
à celle où il parle de lui et de ses immenses travaux. C'est peut-être
par ce morceau que nous aurions dû commencer les extraits de son
vaste et admirable ouvrage, mais il est toujours temps de réparer
une omission, et c'est ce que nous allons faire aujourd'hui.
FÉTIS (François-Joseph) (1)
Né à Mons, en Belgique, le 25 mars 1784, est fils d'un orga-
niste, professeur de musique et directeur de concerts en cette
ville. Destiné à suivre la profession de son père, il apprit si jeune
les principes de la musique, qu'à l'âge de six ans il lisait à livre
ouvert les solfèges écrits à toutes les clefs. Le premier instrument
qu'on lui mit entre les mains fut le violon ; à sept ans il écrivit des
(1) II y a toujours quelque ridicule à parler de soi; le ridicule est plus fâcheux
encore quand on en parle longuement. L'ouvrage que j'écris m'oblige pourtant à
faire l'une et l'autre de ces choses, au risque de ce qui pourra s'ensuivre. Ma
vie artistique a été trop active, et j'ai montré Irop de désir de fixer l'attention
publique sur mes travaux, pour que je ne me croie pas dans la nécessité de dire
ici quel en a été l'objet principal.
duos pour cet instrument, et il commença l'étude du piano. Avant
d'avoir atteint sa neuvième année , il écrivit un concerto pour le
violon avec orchestre , quoiqu'il n'eût d'autres notions d'harmonie
que celles qu'il avait puisées dans la musique qu'il avait exécutée
et entendue. Ce morceau fut joué par son père au concert des ama-
teurs de la ville, et applaudi comme l'œuvre d'un enfant précoce.
A neuf ans, Fétis était organiste du chapitre noble de Sainte-
Waudru, accompagnait le chœur des chanoinesses et les anciennes
messes de vieux compositeurs allemands et italiens. Vers ce même
temps il commença l'étude des langues anciennes ; mais bientôt la
deuxième invasion de la Belgique par les armées françaises fit fermer
les collèges, les églises, et lui enleva les moyens de s'instruire
comme humaniste et comme musicien. Heureusement, un vieux prote
d'imprimerie se chargea de lui faire continuer ses études latines, et
la formation d'une société d'artistes et d'amateurs lui fournit l'occa-
sion d'entendre et de jouer la musique instrumentale de Haydn et de
Mozart. Les œuvres de ces grands maîtres, alors dans tout l'éclat
de la nouveauté, l'initièrent dans les secrets d'une harmonie neuve
et piquante dont il n'avait point l'idée auparavant; il en profita
pour écrire à leur imitation deux concertos de piano, une symphonie
concertante pour deux violons, alto et basse avec orchestre, des so-
nates de piano, des fantaisies à quatre mains, une messe solennelle
(en ré), un Stabat (en sol mineur) pour deux chœurs et deux or-
chestres, et des quatuors de violon. Avant qu'il eût atteint sa quin-
zième année, tout cela formait une suite assez nombreuse de pro-
ductions où des amis crurent apercevoir quelques traces de talent.
Ces amis engagèrent le père du jeune Fétis à envoyer son fils au
Conservatoire de Paris, et celui-ci y entra au mois d'octobre 1800.
Admis dans la classe d'harmonie de Bey, alors chef d'orchestre de
l'Opéra, il apprit de ce vieux maître la théorie suivant le système
de Bameau; car Bey n'en connaissait point d'autre, et ne croyait
même pas qu'il y en eût d'autre possible. C'est peut-être à cette
circonstance que l'élève de cet homme respectable dut la direction
que prit dès lors sa pensée ; car, peu de temps après, le système
d'harmonie de Catel fut publié, et fit naître de vives discussions au
dedans et au dehors du Conservatoire. Pour la première fois, Ba-
meau était attaqué de front, en France; ses partisans poussèrent
des cris d'indignation contre son antagoniste. Trop jeune pour em-
brasser un parti dans une querelle de ce genre, Fétis se contenta
298
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de lire le Traité d'harmonie de Catel et d'en comparer la théorie
avec celle de Rameau : cette étude marqua ses premiers pas dans
la carrière qu'il a parcourue depuis lors. L'étude des langues italienne
et allemande, qu'il entreprit peu de temps après, lui permit ensuite
de comparer aux systèmes de Rameau et de Catel ceux de Kirnber-
ger et de Sabbatini. Trois mois après son admission dans la classe
de Rey, il en avait été nommé le répétiteur; l'année suivante il ob-
tint le premier prix au concours. Il prenait aussi dans le même
temps au Conservatoire des leçons de piano ; Boieldieu était son
maître pour cet instrument, et quand ce compositeur fut parti pour
la Russie, Fétis continua ses études sous la direction de Pradher.
Au commencement de 1803, il quitta Paris pour voyager et ne re-
vint en celte ville que vers le milieu de l'année suivante, après avoir
étudié le contre-point et la fugue d'après la théorie de l'école alle-
mande, dans les écrits de Marpurg, de Kirnberger et d'Albrechtsber-
ger. L'étude particulière qu'il avait faite des compositions de Jean-
Sébastien Bach, de Hœndel, de Haydn et de Mozart, avait fait naître
en lui un goût passionné pour le style de cette école, et tout ce
qu'il écrivait alors était empreint de l'harmonie modulée qui en est
le caractère distinctif. C'est ainsi qu'il écrivit une symphonie à grand
orchestre, une ouverture, des sonates et des caprices pour le piano,
ainsi que des pièces d'harmonie pour huit instruments à vent, qui ont
été publiés à Paris chez Lemoine (père). Ses études littéraires et
ses lectures sur la musique le conduisirent alors à commencer ses
recherches sur la théorie et sur l'histoire de cet art. Ses premiers
travaux eurent pour objet de constater la nature des inventions de
Gui d'Arezzo, et d'éclaircir l'histoire de la notation de la musique. 11
avait rassemblé déjà beaucoup de matériaux sur ces objets, et avait
commencé à les classer d'après ses idées particulières, dans une sé-
rie considérable de documents ; mais tout cela s'est égaré lorsqu'il
s'est éloigné de Paris, en 1811.
Lié d'amitié avec Roquefort et Delaulnaye, il conçut avec ces
littérateurs-musiciens le projet d'un journal de musique dont il pa-
rut quelques feuilles in-4°, à la fin de l'année 1804; mais la litté-
rature et la critique musicale n'excitaient alors qu'un médiocre in-
térêt, et il fallut renoncer à cette entreprise. A cette époque, bien
que le théâtre Italien de Paris eût une troupe composée d'artistes
distingués, tels que Nozzari, la Strinasacchi, Marianne Sessi, et un
peu plus tard Tacchinardi et Barilli, ce spectacle n'était pas fré-
quenté, et les secours du gouvernement pouvaient seuls le maintenir
en France.
La plupart des musiciens français, enthousiastes admirateurs de la
musique de l'école de Méhul, affectaient beaucoup de mépris pour
les œuvres de Cimarosa, de Paisiello et de Guglielmi ; mais Fétis,
déjà entré dans celte voie d'éclectisme qu'il a parcourue plus tard
dans ses travaux, ne se laissa point influencer par son penchant
pour les formes de la musique allemande, et mit tant de persévé-
rance à fréquenter les représentations de l'Opéra buffa, qu'il finit par
classer dans sa mémoire les principaux ouvrages des maîtres cités
précédemment. Cetle étude lui fut plus tard d'un grandsecours, quand il
voulut se livrer à l'analyse des qualités distinctives des diverses écoles.
Vers le même temps, quelques conversations qu'il eut avec Chéru-
bini lui dévoilèrent le mérite immense des traditions de l'ancienne
école italienne dans l'art d'écrire, et la nécessité d'étudier les prin-
cipes du contre-point vocal d'après ces traditions. Ce fut alors que les
œuvres de Palestrina devinrent les objets de ses éludes constantes,
et qu'il écrivit une multitude de morceaux d'église dans la manière
de cet illustre maître, modèle désespérant d'une perfection idéale.
Dès lors aussi, il lut avec attention tous les ouvrages des didacti-
ciens italiens, particulièrement ceux de Zarlino, de Zacconi, de Cer-
reto et, parmi les modernes, du P. Martini et de Paolucci Ses idées
se formulèrent sur la nécessité d'exposer les principes de l'art d'é-
crire d'après les traditions de cette grande et belle école, considé-
rant seulement le style instrumental de l'école allemande comme un
cas particulier de la théorie générale : ce sont ces mêmes idées qu'il
a développées plus tard dans son Traité du contre-point et de
la fugue.
En 1806, Félis fut engagé dans un travail immense dont il n'a-
vait pas mesuré l'étendue, qui fut plusieurs fois Interrompu, qu'il
reprit cependant toujours avec courage, et qu'il a enfin achevé après
trente années de recherches et de patience. Il s'agit d'une révision
de tout le chant de l'Église romaine, d'après les manuscrits les plus
authentiques et les plus anciens, conférés avec les meilleures édi-
tions. La première révolution française avait anéanti une multitude
de livres de chœur, et la rareté de ces livres s'était fait apercevoir
quand Napoléon eut rétabli le culte catholique en France. Un des-
cendant de la famille des Ballard conçut alors le projet de donner
de nouvelles éditions des livres du chant romain et du parisien;
mais ayant appris que ces chants avaient subi de notables altérations,
il eut assez de confiance dans les connaissances de Fétis, malgré sa
jeunesse, pour lui proposer de donner des soins aux nouvelles édi-
tions qu'il projetait ; celui-ci accepta pour le chant romain, mais re-
fusa pour le parisien, qui n'avait point de valeur dans son opinion.
Immédiatement après il se mit à l'ouvrage ; mais dès les premiers
pas, il trouva tant de versions différentes et capricieuses dans toutes
les éditions qu'il consulta, qu'il demeura convaincu de la nécessité
de remonter aux sources les plus anciennes et les plus authentiques,
dans les manuscrits, afin de retrouver le chant primitif et de cons-
tater les causes de son alourdissement, de ses variantes capricieuses,
et des défauts d'accentuation qu'on remarque dans un grand nombre
d'éditions. Dès lors le travail devenait presque sans bornes, et il
ne fallut pas moins qu'un courage de bénédictin pour oser l'entre-
prendre.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que la nécessité de rappeler le chant
de l'Église romaine à ses formes primitives se fait sentir; plusieurs
papes ont reconnu cette nécessité : Grégoire XIII avait chargé Pier-
luigi de Palestrina de faire ce travail, et ce grand maître, aidé par
son élève Guidetti, y employa plusieurs années sans l'achever. Paul V
ordonna à Rjger Giovanelli, successeur de Palestrina, de corriger
l'antiphonaire et le graduel; le graduel seul, résultat du travail de
Giovanelli (si toutefois la tradition est exacte à cet égard), a été pu-
blié à Rome, en 1814, à l'imprimerie Médicis. Ce graduel, le Direc-
torium Chori de Guidetti, le graduel et l'antiphonaire de Venise,
1580 , et d'anciennes éditions du xvie siècle données par les
Junte, les Plantin et autres, ont été conférés par Fétis avec deux
cent quarante-six manuscrits des bibliothèques de Paris, de Cambrai,
d'Arras, du Musée britannique à Londres, de . la bibliothèque des
ducs de Bourgogne, à Bruxelles, etc. Parmi les manuscrits, il y en a
plusieurs du ixe siècle, quelques-uns du xe, et beaucoup du xie
et du commencement du xne. Ceux qui sont postérieurs à cette
époque ont dû être examinés avec beaucoup de soins, parce
que la transcription en notation du plain-chant des ornements de
l'ancien écrit en notation neumatique, a fait transformer en notes
réelles les appogialures, groupes et trilles, qu'il aurait fallu simple-
ment supprimer pour le système de simplification qu'on voulait adop-
ter. Ce grand travail, qu'ii avait entrepris à la légère, à une époque
où il ne possédait pas les connaissances nécessaires; ce travail,
est terminé ; le graduel et l'antiphonaire sont prêts à être li-
vrés à l'impression; mais il est vraisemblable que le fruit d'un si
grand labeur ne verra jamais le jour ; car, après avoir été témoin
des luttes violentes où les ecclésiastiques de France se sont laissé
entraîner à propos d'opinions plus ou moins mal fondées, sur ce
qu'ils ont appelé la restauration du chant grégorien, l'auteur de la
première idée de cette restauration, et des premiers travaux entre-
pris pour l'opérer, se gardera d'appeler sur lui-même l'animadver-
sion de tous les partis. En l'état actuel des choses, il s'exposerait,
DE PARIS.
299
en publiant le fruit de ses veilles sur ce sujet, à voir troubler la
tranquillité de ses derniers jours, sans aucune chance de succès.
Une réaction s'était fait sentir dans la musique dramatique, en
opposition à l'école de Méhul et de Cherubini ; cette réaction, com-
mencée par les opérettes de Della-Maria, avait ramené sur la scène
les ouvrages de Grétry. Elleviou, dont le talent se déployait avec
avantage dans ces compositions, cherchait à remettre en vogue tout
l'ancien répertoire ; il demanda à Fétis une nouvelle musique pour
l'Ecole de la jeunesse, opéra écrit autrefois par Duni; mais cette
musique parut trop forte d'harmonie à cet acteur; il crut devoir ha-
sarder la reprise de cet ouvrage sous son ancienne forme ; mais il
se trompa; le public repoussa cette partition surannée. Toutefois, le
travail de Fétis fut perdu, et jamais la nouvelle musique de l'Ecole
de la jeunesse n'a été entendue.
(La suite au numéro prochain.)
LES CHŒURS DE LÀ CHAPELLE IMPÉRIALE
DE SAIST-PÉTERSBOUR».
(Premier article.)
Le coloris des nuances, la variété et la justesse d'expression qui
donnent tant de charme et ajoutent une si incontestable puissance
aux effets de la musique, ont été, depuis cinquante ans, l'objet de
fécondes études que le succès a couronnées pour ce qui concerne les
orchestres. Pour les chœurs, les progrès n'ont point été les mêmes,
et il est à regretter que, dans nos églises et sur nos théâtres, l'on
ne sache que très-imparfaitement faire la distinction du fort et du
faible des voix, et que les directeurs des masses vocales négligent
la justesse des sons, la netteté de la prononciation, le rhythme
exact et l'accent. Jadis, ces diverses parties de l'art, unies à la
beauté des voix, ajoutaient une inappréciable valeur aux belles com-
positions qu'on entendait dans le chœur de la chapelle pontificale à
Rome. Aujourd'hui, la bonne tradition existe encore dans cette cha-
pelle; mais elle tend à s'effacer. A Berlin, l'académie de chant d'en-
semble mérite encore des éloges ; mais il faut les restreindre seule-
ment à quelques parties de l'exécution chorale. En France, où l'art
du chant individuel est cultivé avec un succès que n'égale point
l'Allemagne, et qui rivalisera bientôt avec l'Italie, l'art d'imprimer
la vie artistique aux masses vocales commence à peine à être connu
et compris. Mais tout ce qui existe comme chœur et chant des masses
est dépassé par les chants de la chapelle chorale russe qu'exécutent
à Saint-Pétersbourg les chantres de la cour avec une perfection d'en-
semble, une finesse de nuances et une qualité de sonorité dont rien
de ce qu'on entend ailleurs ne peut donner une idée. Ce chœur est
composé de quatre-vingts chanteurs, hommes et enfants, exécutant
des morceaux à quatre, six et huit parties réelles, tantôt d'une allure
assez vive et compliqués de tous les artifices du style fugué, tantôt
d'un mouvement lent et d'une expression grave, et réclamant par
conséquent un art de poser et de soutenir la voix aussi remarqua-
ble que l'est celui qu'ont dû déployer les chœurs employés par Pa-
lestrina, Léo, Allegri et Jomelli. Dans ce chœur, on trouve des voix
graves inconnues chez nous, qui descendent au contre-wi, au contre-M
et même au contre-fa, au-dessous de la portée clef de fa. L'exécu-
tion telle qu'on parvient à l'obtenir de ces chantres merveilleux
égale ce que, comme instrumentation, l'on vante de plus parfait
dans l'orchestre du Conservatoire de Paris. Ce résultat exceptionnel
ne dépend pas de la puissance virtuelle d'une masse de voix incul-
tes ; il a pour origine l'excellence des études constamment suivies
par un groupe de choristes choisis et que l'instinct, aidé par l'édu-
cation, a fait artistes. Le rituel delà religion chrétienne grecque in-
terdit l'emploi de l'orgue et des instruments de musique ; en consé-
quence, les choristes russes chantent toujours sans accompagnement.
Les choristes de la chapelle impériale, pour renchérir sur cette
difficulté, se sont instruits à se passer d'un chef pour marquer la
mesure, et ils y ont réussi. Cela ne les empêche pas de chanter
avec une imperturbable assurance, et ainsi livrés à eux-mêmes, ils
abordent hardiment et avec un ensemble irréprochable les morceaux
les plus périlleux, passent brusquement d'une tonalité à l'autre, d'un
presto à un adagio et d'un mouvement lent à un mouvement pré-
cipité, et exécutent jusqu'à des psalmodies non mesurées et à des
récitatifs à mouvements très-capricieux. Les chœurs qu'ils chantent
paraîtraient inexécutables et produisent, en réalité, des effets spé-
ciaux qu'aucun orchestre ne pourrait rendre. Seule la voix humaine
peut les obtenir, et c'est pour cela que les chœurs des grands maî-
tres un peu anciens ne produisent plus aujourd'hui le même effet
parce qu'on n'a plus la tradition complète de la manière dont il
faudrait les exécuter. Dimitri Stepanowich Bortnyanski est un des
maîtres de chapelle qui ont le plus aidé à rendre excellents ces
chœurs religieux russes. Sa biographie ne saurait donc être racontée
avec plus d'opportunité et de profit.
Il est né en 1751 dans la ville de Gloukoff, qui appartient au
gouvernement de Tchernigoff en Russie. De bonne heure il révéla ses
heureuses dispositions pour la musique ; sa voix était très-belle,? et,
à sept ans, il fut admis au nombre des chanteurs de la chapelle
impériale. Galuppi était alors maître de chapelle à Saint-Pétersbourg.
L'impératrice Elisabeth, charmée de la belle qualité de voix de so-
prano du jeune choriste, autant qu'étonnée de ses dispositions musi-
cales et de son organisation d'artiste, le confia aux soins éclairés de
Galuppi, entre les mains duquel il ne resta que quelques années, ce
compositeur étant parti pour l'Italie. Heureusement l'impératrice Ca-
therine II, dont la perspicacité pressentit si souvent le génie des
gens qui l'approchaient, devina la haute intelligence du jeune Bort-
nyanski. Elle voulut que le jeune artiste n'interrompît point ses étu-
des, et elle lui fournit les moyens d'aller retrouver Galuppi qui était
alors à Venise. Bortnyanski y arriva en 1768, il avait alors dix-sept
ans. De là il alla à Bologne, à Rome, à Naples, pour y saisir l'art dans
les diverses directions de cette époque. « Il écrivit alors, dit M. Fé-
tis, beaucoup de morceaux de musique dans la manière des maîtres
italiens, des sonates pour le clavecin, des pièces détachées de genres
différents et même des opéras. » M. Fétis ajoute qu'il possède des
motets de la composition de Bortnyanski qui datent de cette époque,
et qu'ils n'ont rien de remarquable si ce n'est la pureté d'harmonie
des maîtres de la bonne école. Bortnyanski retourna en Russie en
1779. Quelque temps après il fut nommé directeur du chœur de la
cour qui reçut bientôt le titre de chapelle impériale.
Toutes les biographies que nous avons consultées sont fort igno-
rantes de ce qui concerne ce grand homme. Celle de M. Fétis est très-
exacte et résume parfaitement le génie de Bortnyansky et les ser-
vice qu'il a rendus à l'art musical en Russie. Dans tout ce qu'il avait
produit avant son retour en Russie, dit-il, le nouveau compositeur
s'était inspiré de la musique italienne de son temps ; ce ne fut qu'à
Saint-Pétersbourg que son génie se révéla dans ce qui constitu at
son originalité. Le chœur de chantres, dont il avait la direction et
qui existait depuis le règne du czar Alexis Michaïlowitch, laissait
beaucoup à désirer. Quoique déjà ancien et très-exercé, il pouvait
encourir des reproches quant au fini de l'exécution et à la qualité
des voix. Maître de chapelle habile, Bortnyanski se consacra exclu-
sivement à sa nouvelle tâche, et mit tous ses soins à perfectionner la
noble institution qu'il avait à diriger. Il fit venir des chanteurs de
l'Ukraine et des diverses provinces de l'empire, choisissant les voix
les plus belles, doublées d'une organisation d'artiste. C'est par ses
soins heureux autant que bien dirigés, que la chapelle impériale de
Russie est parvenue à cette exécution excellente et même parfaite
300
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dont on ne prévoyait pas la possibilité avant lui, et qui fait aujour-
d'hui l'admiration de tous les artistes étrangers. Quand ses chantres
furent bien exercés, Bortnyanski s'occupa de composer pour eux des
harmonies religieuses où leur exécution pût briller de tout son
éclat. Il composa donc quarante-cinq psaumes complets à quatre et
à huit parties. On lui doit aussi une messe grecque à trois parties
et beaucoup de pièces diverses. Toutes ces compositions sont écrites
avec une science pure et correcte; elles se distinguent par une vé-
ritable et très-haute intelligence du sentiment religieux, souvent par
une sorte de mysticisme qui plonge l'auditeur dans de profondes
extases. On y remarque encore une rare expérience du groupement
des masses vocales, une prodigieuse entente des nuances, une har-
monie sonore, une incroyable liberté dans la disposition des parties
multiples, et un mépris souverain pour la distribution des chœurs, des
règles respectées par ses prédécesseurs comme par ses contempo-
rains, et surtout par les Italiens dont il est un des disciples les mieux
émancipés. Chacun de ses psaumes est un gigantesque concert à
quatre ou à huit voix. Il y a dans ces tissus d'harmonies des en-
chevêtrements de parties qui semblent irréalisables, des soupirs, des
plaintes, de vagues murmures comme on en entend dans le rêve ou
dans l'extase, et puis par moments de ces accents inouïs, inexpli-
qués qui, par leur intensité, ressemblent à des cris, à des sanglots
qui saisissent le cœur, oppressent la poitrine, et donnent aux per-
sonnes nerveuses d'irrésistibles mouvements spasmodiques presque
douloureux; puis tout s'éteint dans des decrescendo vaporeux, céles-
tes, incommensurables, où le silence parle, comme dit le poète
russe Pouschkine. En entendant une semblable musique l'auditeur le
plus impassible s'émeut, et les plus violents efforts de volonté ne
suffisent pas à dompter l'émotion.
Maurice CRISTAL.
{La suite prochainement.)
REVDE CRITIQUE.
Fréd. Brisson. — Arrangements pour harmonium des mélodies de
F. Schubert, transcrites pour le piano par Stephen Heller.
Le nom de M. Frédéric Brisson, placé en tête d'une publication con-
sacrée à l'étude de l'harmonium, est une recommandation assez puis-
sante en elle-même pour que nous n'ayons pas à insister beaucoup sur
les louanges que celle-ci mérite. On sait ce que la renommée de F.
Schubert doit en France aux transcriptions que Stéphen Heller a faites
d'une partie notable de ses mélodies. M. Frédéric Brisson, accomplis-
sant pour l'harmonium la tâche que Stéphen Heller a entreprise pour
le piano, s'est efforcé de réunir en deux collections, composées chacune
de quinze morceaux, les plus charmantes inspirations du mélodiste al-
lemand, et nous pouvons affirmer que son travail, habile et conscien-
cieux, ne laisse absolument rien à désirer. Compositeur non moins ex-
périmenté qu'exécutant hors ligne et que professeur d'un talent re-
connu, il y a mis le cachet de cette triple aptitude : aussi les élèves et
les amateurs d'orgue, qui ont déjà de si grandes obligations à M. Fré-
déric Brisson, ne sauraient-ils mieux faire que de chercher dans cette
nouvelle publication des exemples et des exercices d'autant plus pré-
cieux qu'ils émanent d'une autorité compétente, et qu'ils rappellent
une des gloires de l'art musical à l'étranger.
Emile Bret. — OEuvres diverses pour le chant.
Il y a deux ans environ que M. Emile Bret, un organiste genevois,
poussé par une noble et légitime ambition, est venu soumettre à l'ap-
préciation du public parisien de sérieux essais de composition drama-
tico-lyrique, qui ont obtenu dans la salle Herz un accueil des plus en-
courageants. Mais la carrière du théâtre est ardue et pénible pour les
débutants. Malgré l'excellent effet de son audition, nous n'avons pas
encore appris que M. Emile Bret se soit fait ouvrir les portes d'aucune
de nos scènes lyriques, et nous en sommes réduit à former des vœux
pour que la liberté théâtrale lui donne enfin les moyens de se produire
selon ses mérites.
En attendant ce grand jour de la justice, M. Bret ne reste pas oisif,
et il continue à fournir des preuves persévérantes de ses aspirations à
la musique dramatique, dont le chant est, comme on sait, l'élément
principal. Aiusi, parmi les ouvrages qu'il a publiés récemment, nous
remarquons une scène pour contralto, intitulée le Paradis perdu, dans
laquelle on sent le souffle divin qui anime les vrais compositeurs. Cette
scène, parfaitement disposée, renferme une introduction d'un très-bon
travail harmonique, un récit plein d'émotion, un andante à trois temps,
d'une fraîcheur et d'une élégance tout à fait incoutestables, un adagio
scénique, un cantabile non moins bien venu, et, pour conclusion, une
strette finale qui ne manque ni d'élan ni de franchise. Le Paradis perdu
est un petit drame complet qui remplit toutes les conditions du genre,
et qui ne pourrait que gagner à être transcrit pour le théâtre et pour
l'orchestre.
Les mêmes qualités dramatiques se distinguent dans une mélodie
pour ténor qui porte le titre de Sons retour. . . et qui peut être ac-
compagnée ad libitum par l'harmoniflûte. Les plus heureux contrastes,
la passion, l'élan, la mélancolie, prêtent un grand charme à ce mor-
ceau.
Nous citerons encore un Ave Maria, pour contralto, qui atteste que
le goût du théâtre n'a pas fait oublier à M. Bret ses premières tendan-
ces. On y retrouve l'inspiration douce et suave de l'organiste habile
dans son art, et le compositeur exercé se révèle dans un très-riche
accompagnement de piano, dont l'effet est doublé par l'immixtion du
violon et du violoncelle.
Nous regrettons de ne pouvoir donner une plus grande étendue à
l'examen des œuvres nombreuses de musique vocale qui forment l'avoir
de M. Emile Bret. Nous avons indiqué les plus importantes ; les autres
sont des romances, des mélodies, une Berceuse orientale, une Chanson
galicienne, une Aubade pour ténor et contralto; une Berceuse finlandaise
pour deux voix de femmes, etc. Dans presque tous ces morceaux, on
rencontre une pensée fine, ingénieuse, originale, et il n'en est pas un
seul qui ne se recommande par des détails harmoniques pleins de
charme et d'intérêt. Nous ne quitterons pas M. Bret sans le féliciter
d'avoir choisi pour collaborateur à peu près exclusif M. Alfred Guichon,
dont la poésie, très-diverse de forme et d'allure, a tout ce qu'il faut
pour inspirer un musicien.
Y.
NÉCROLOGIE.
DEEAIRE.
En amateur, un dilettante distingué qui portait à un très-haut
degré l'amour de l'art musical, est mort à Paris la semaine dernière.
Jacques-Auguste Delaire, né à Moulins le 10 mars 1796, fit de
bonnes études dans son pays natal. Venu ensuite à Paris, il y suivit
un cours de droit, se fit recevoir avocat et exerça quelque temps sa
profession. Mais bientôt il quitta cette carrière pour celle de l'ad-
ministration, et accepta un emploi qui lui était offert au ministère
des finances.
Tout jeune encore, Delaire avait d'heureuses dispositions pour l'art
musical, et il avait en ce genre ébauché son éducation. A Paris, il
se fit élève de Reicha, et partagea bientôt sa vie entre ses devoirs
administratifs et la culture intelligente de l'art qu'il affectionnait. Le
31 mars 1825, il faisait exécuter dans la cathédrale de Moulins un
Stabat mater à quatre voix et orchestre, de sa composition, qui fut
aussi exécuté plus tard à Paris dans les églises Saint-Roch et Saint-
Eustache. Lorsque éclata la révolution hellénique, il écrivit une
grande scène lyrique intitulée la Grèce, qu'il fit entendre au nouveau
Concert des amateurs. Puis il composa une symphonie à grand or-
chestre qu'il fit interpréter, en 1828, par la même Société. Delaire
est encore l'auteur d'une messe solennelle (en ré majeur), d'un cer-
tain nombre de quatuors pour deux violons, alto et basse, d'un
grand quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contre-basse,
et enfin de plusieurs romances.
Mais là ne se bornent pas les travaux de Delaire. Dès 1830, il
prit sa place dans la littérature spéciale en fournissant à la Revue
musicale, dirigée par M. Fétis, plusieurs articles importants.
Peu après, il se fit recevoir à la Société libre des beaux-arts, fon-
dée sous l'impulsion de Miel, et dont faisaient partie M. Hittorf,
l'architecte; M. Galimard, le peintre, notre regretté collaborateur
DE PARIS.
301
Adrien de la Fage, M. Bienaimé, professeur au Conservatoire, et un
grand nombre d'artistes distingués. Delaire lut dans différentes séan-
ces de cette Société un grand nombre de rapports et de travaux lit-
téraires relatifs aux beaux-arts. Ces travaux ont tous été publiés
dans les Annales de la Société libre des beaux-arts, et voici les
titres de ceux qui concernent spécialement la musique :
1° De la défense d'admettre des femmes dans les chœurs de mu-
sique d'église, 1835, in-8n; 2° Des amateurs de musique et des
concerts d'amateurs, 1836, in-8°; 3° Rapport sur une méthode élé-
mentaire de musique, offerte à la Société libre des beaux-arts par
M. Adrien de la Fage, 1838-39, in-8° ; 4° Histoire de la Romance,
considérée comme œuvre littéraire et musicale, 1840-41, in-8°; 5°
Rapport sur les deux premiers volumes de l'Histoire de la musique
et de la danse, de 31. Adrien de la Fage, 1844-45, in-8°.
Peu après la mort de Reicha, Delaire avait encure mis au jour un
écrit intitulé : Notice sur Reicha, musicien-compositeur et théoriste (!)
1837, in-8°. En sa qualité d'ancien élève de Reicha, Delaire dresse,
dans cette brochure, un piédestal à ce théoricien surfait, dont les
travaux sont maintenant à peu près oubliés, et il hasarde cette ap-
préciation hardie : « Aujourd'hui l'on considère généralement les
quintettes de Reicha comme des chefs-d'œuvre dignes de rivaliser
avec ceux de Haydn, de Mozart et de Beethoven. » Ceci est une
hérésie causée évidemment par un profond attachement. Je dois dire
que la plupart des autres écrits de l'auteur sont aussi estimables par
les qualités de la forme que par celles d'un jugement sain.
Delaire avait été chef au contentieux au ministère des finances, et
ses services administratifs lui avaient valu le ruban de chevalier de
la Légion d'honneur. Il appartenait à la Société des Enfants d'Apol-
lon, et fut, pendant sept années consécutives, président de celle
des beaux-arts, dont il fit partie pendant trente et un an.
Arthur POUGIN.
La partition de l'Africaine a été collationnée avec le plus grand
soin par M. Fétis: elle est complète; il n'y manque pas une note.
Les rôles qui sont à la copie, seront distribués aux artistes dans le
courant de la semaine prochaine.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Trouvère. Mlle
Sannier y a chanté le rôle d'Asuzena, et a produit à peu près le même
effet qu'à son premier début. Mercredi, Robert le Diable a été repré-
senté devaut une salle comble, et vendredi Néméa, pour les dernières
représentations de Mlle Mouravieff.
t*t La première représentation de Roland à Roncevaux est irrévo-
cablement fixée à lundi 26 courant.
„% Mlle Marie Battu fera incessamment sa rentrée dans la reprise
de Mdise, avec Faure, Obin et Warot.
*** La lettre suivante est adressée par M. le directeur de l'Opéra au
rédacteur d'un journal littéraire sur une prétendue lecture de l'Afri-
caine :
« Paris, 14 septembre 1864.
» Monsieur le rédacteur en chef,
» Permettez moi de rectifier les quelques lignes placées en tête de
votre numéro d'aujourd'hui.
» Aucune lecture de l'Africaine n'a eu lieu à l'Opéra. Pas un seul des
artistes, pas un seul des chefs de service ou des employés attachés à
l'administration de l'Opéra ne connaît, encore une note de l'œuvre de
Meyerbeer. Si quelqu'un a, devant vous, émis son opinion sur la parti-
tion de l'Africaine, cette personne a sciemment surpris votre bonne foi
en parlant d'une chose qu'elle ne pouvait connaître.
» Je suis persuadé, Monsieur, que vous regretterez d'avoir prêté la
publicité de votre journal à une allégation dont je n'ai point à sigûaler
la malveillance.
» Je vous prie d'agréer, Monsieur le rédacteur en chef, l'assurance
de ma considération très-distinguée.
» Le directeur de l'Opéra,
» Emile Perrin. »
*** Une seconde rectification nous paraît également indispensable :
quelques journaux ont parlé de la prétendue installation de M. Fétis à
l'Opéra, où il occuperait un appartement, et recevrait l'hospitalité la
plus large. C'est une erreur complète. M Fétis habite l'hôtel de Bade,
où depuis longtemps il a l'habitude de descendre quand il vient à
Paris. Tout ce qu'il y a de vrai, c'est qu'un bureau lui a été réservé à
l'Opéra pour son usage, à l'effet de lui rendre plus faciles et plus com-
modes ses fréquentes relations avec la direction et les chefs de service.
»% Au théâtre de l'Opéra-Comique, la reprise de Lara a eu lieu
mercredi, et le lendemain celle de l'Eclair. Rien n'avait été changé dans
la distribution des rôles, si ce n'est que dans Lara, le rôle de la com-
tesse était chanté par Mlle Monrose. Montaubry, Mme Galli- Marié,
Gourdin, Mlles Cico et Bélia, Achard et Capoul ont retrouvé leur suc-
cès habituel dans les deux ouvrages qu'on a revus avec grand plaisir.
»% Voici la liste des nouveaux ouvrages que la direction de l'Opéra-
Comique se propose de monter cet hiver : Le Trésor de Pierrot, deux
actes, paroles de M. Cormon, musique de M. E. Gautier, avec M. Mon-
taubry et Mlle Monrose, qui sera précédé d'un acte, de MM . Alphonse
Daudet et Poise, intitulé tes Absents. — Le capitaine Hcnriot, trois actes,
paroles de M. Sardou, musique de M. Gevaert, avec MM. Achard,
Couderc, Ponchard, Mmes Galli-Marié, Bélia, etc. — Tout est bien qui
finit bien, trois actes, de MM. de Leuven et Carré, musique de Félicien
David, avec MM. Montaubry et Gourdin, Mlles Cico, Girard et Révilly.
— Trois actes, paroles de M. Cormon, musique de M. Jules Cohen. —
Trois actes de M. Ambroise Thomas. — Trois actes bouffes de M. Labi-
che, musique de M. F. Bazin. — Pukinella, trois actes bouffes, de
M. Sauvage, musique de M. Semet.
*% L'Etoile du Nord, le Pardon de Plo'érmel et le Pré aux Clercs, re-
montés avec beaucoup de soin, vont reparaître prochainement à l'O-
péra-Comique.
n% Don Giovanni et Lucia, avec Fraschini, doivent succéder à la
Sonnambula, qui inaugurera les représentations du théâtre Italien. Le
début de la troupe dansante n'aura lieu que dans le courant du mois
d'octobre.
i% M. Bagier vient d'engager le ténor Brignoli dont les succès ont
été très-grands en Amérique.
»% On assure que Mario a signé aussi un engagement pour cette
saison avec la direction du théâtre Italien.
„*.„ Le théâtre Lyrique a donné jeudi Faust pour la rentrée de Mi-
chot, qui a obtenu d'unanimes applaudissements. Mme Carvalho s'est
montrée inimitable dans le rôle de Marguerite; rarement sa voix, sa
méthode, son jeu avaient paru plus admirables.
„*, Le succès que Don Pasquale a obtenu à la première représenta-
tion s'est consolidé dans les soirées suivantes.
±*t La première représentation de Martha doit avoir lieu au com-
mencement du mois de novembre. Le principal rôle sera chanté par
Mme Carvalho; Monjauze remplira le rôle de Lionel, Mme Faure-Le-
febvre celui de Nancy.
x** Va opéra en un acte et à deux perscnnages, paroles de M. Na-
jac, musique de M. Albert Grisar, sera prochainement joué au théâtre
Lyrique par M. Froment et Mme Faure-Lefèbvre.
.j.% Mlle Christine Nelson fera son début dans le rôle de la Traviata
qui est à l'étude sous le titre de Yioletta ; MM. Michot et Lutz rempli-
ront les autres rôles. — L'Aventurier, l'opéra de M. de Saint-Georges
musique du prince Poniatowski, doit être également représenté cet
hiver.
*** Mme Rey-Balla, cantatrice de talent qui a fait ses preuves en
province, vient d'être engagée par M. Carvalho.
.„% Le théâtre du boulevard Saint-Germain doit être inauguré le
1er octobre par un opéra-comique en deux actes, le Mousquetaire de
Trianon, musique de M. Barbier, et une opérette, le Lion de Saint-
Marc. On y a mis à l'étude 'es Chevaliers du poignard, deux actes, pa-
roles de MM. Deslandes et Desolme, musique de M. Samuel David, et
les Contrebandiers, opéra-comique eu un acte, de M. Eugène Prévost.
*** Mme Marie Cabel se trouve à Paris. Avant de quitter Plom-
bières l'excellente artiste avait chanté dans le salon des thermes Na-
poléon, au bénéfice des pauvres. On assure et on apprendra avec
plaisir que des offres d'engagement lui sont faites par une de nos pre-
mières scènes lyriques.
,*» Les ouvrages suivants ont été envoyés de Rome par les pen-
sionnaires musiciens de l'Académie de France, dont le directeur,
302
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
M.Sehnetz, se trouve en ce moment à Paris : La Prova d'un opéra séria,
opéra-comique composé par M. Dubois, élève d'Ambroise Thomas; un
Stabat avec accompagnement d'orgue ou de piano, et un recueil de
mélodies originales composées par M. Bourganet, également élève d'Am-
broise Thomas.
*■„ Nous possédons en ce moment parmi nous Ernst, le célèbre vio-
loniste. L'artiste aimé venant d'Angleterre pour se rendre à Nice, s'est
arrêté quelques jours à Paris pour consulter nos sommités médicales,
car bien que son état se soit amélioré, la santé de i'éminent artiste ne
laisse pas moins beaucoup à désirer.
J% Le dernier numéro du journal F Autographe contient le fac-similé
suivant pris de l'album d'Adelina Patti : « Ma bonne Adelina, rien ne
m'est plus facile que de jeter une pensée sur votre album, pensée qui
me trotte par la tête : vous chérir comme une adorable créature, ad-
mirer votre ravissant talent, être à jamais votre ami. — G. Rossini.
— 16 février 1864. »
* Léopold de Meyer, le célèbre pianiste- compositeur, vient d'ar-
river à Paris.
* Henri Wieniawski vient de donner plusieurs concerts très-bril-
lants* avec Servais et Vieuxtemps à Hombourg et à Ems. Il y a joué le
concerto en sol mineur de Mendelssohn, la transcription de Liszt sur
Riqoletto, ses deux compositions Souvenir de Lublin, et valse de concert.
Les deux autres artistes ont fait entendre plusieurs de leurs meilleures
œuvres, et le succès, plus chaleureux que d'ordinaire, s'est partagé
entre eux de manière à ne pas faire de jaloux.
* Par suite du décret sur la liberté des théâtres, ceux de Mar-
seille Kouen, Lille, Havre et autres ont supprimé les débuts des ar-
tistes subordonnés au suffrage du public.
% La Société d'agriculture, sciences et arts de l'arrondissement de
Valenciennes vient de publier le programme des concours pour 1865,
dont nous extrayons ce qui suit. — Musique : la Société met au con-
cours la composition d'une ouverture pour harmonie militaire. Une
médaille d'or de la valeur de 200 francs sera décernée à l'auteur qui
en aura été jugé digne. L'ouverture devra être composée d'une intro-
duction, d'un adagio et d'un allegro final. La partition sera adressée
franco au secrétaire général de la Société d'ici au 1" mars 1865 (terme
de rigueur). Les nom, prénoms et demeure de chaque concurrent se-
ront contenus dans un billet cacheté joint aux pièces envoyées, et re-
produisant en suscription l'épigraphe que chacune de ces pièces devra
porter. L'ouverture couronnée prendra le titre de Valenciennes. —
Poésie : Une coupe d'argent ciselée, ou une médaille d'or, de vermeil
ou d'argent, selon le mérite de l'œuvre, à l'auteur de la meilleure pièce
de vers dont le sujet est laissé au choix des concurrents.
% Parmi les pianistes français dont le talent est hautement appré-
cié en Angleterre, il faut citer Mlle Peschel. Elle vient de se faire en-
tendre aux bravos les plus chaleureux dans un concert à Soarborough,
où elle a joué d'une façon admirable plusieurs compositions modernes.
* Un nouveau fascicule de l'ouvrage : La musique aux Pays-Bas
avant le xixe siècle, vient de paraître. Il est entièrement consacré à un
compositeur belge inconnu des biographes, Charles-Joseph Van Hel-
mont , maître de chapelle à Sainte-Gudule, à Bruxelles. Entre autres
productions de ce musicien, il faut mentionner une rarissime partition
pour chant et clavecin, écrite, selon toute vraisemblance, à l'occasion
de la rentrée du duc Charles de Lorraine en cette ville. Elle 'a pour
titre : Le Retour désiré, divertissement pour la paix, et elle porte la date
de 17Û9. Cette étude se termine par une liste inédite de compositions
du xvnie siècle, où Charles-Joseph Van Helmont, est cité pour un Lauda
Sion, à quatre voix, avec accompagnement d'orgue et d'instruments
à cordes.
.% Arban est revenu de ses excursions en Allemagne et en Angle-
terre, où le célèbre artiste a obtenu le succès le plus complet.
*% Le jury de l'exposition internationale de Bayonne, après avoir
constaté la supériorité marquée des pianos à queue et des pianos droits
de la maison Henri Herz, a décidé que ces instruments seraient mis
hors concours, et a décerné le grand diplôme d'honneur à M. Henri
Herz. Nous ne pouvons qu'applaudir à cette désision qui confirme la
haute réputation que cette maison s'est acquise.
i*, Berthelier est de retour à Paris; il a dû chanter dix fois à
Bruxelles, Lischen el Fritzchen, le Pifferaro , le Brésilien et les Deux
Aveugles .
J** La tombola des artistes dramatiques marche à merveille. Les
lots affluent de tous côtés, ainsi que les demandes de billets. Nous rap-
pelons à nos lecteurs que l'on trouve des billets chez tous les artistes
des théâtres de Paris, et chez M. Thuillier, trésorier de l'œuvre, rue
de Bondy, 68.
»% L'éditeur Adolphe Catelin complète chaque jour par de nouvelles
livraisons sa belle collection des Chefs-d'œuvre des grands maîtres pour
le piano. Les dernières qui ont paru sont de J. L. Baltmann sur Or-
phée, de Gluck; l'Italienne à Alger, de Rossini ; Dilettante d'Avignon,
d'Halévy; il Furioso, de Donizetti. Le succès de cette importante pu-
blication en dit plus que tous les éloges.
*** M. L. Palianti vient de publier la mise en scène de l'opéra
d'Aimé Maillart, Lara. Cet important travail , deux cent soixante et
unième œuvre de la précieuse collection de mises en scènes rédigées
et publiées par M. L. Palianti, se trouve chez l'auteur, chez MM. les
correspondants des théâtres, et chez MM. les éditeurs de musique.
**„. Dimanche prochain aura lieu au Pré-Catelan, et au bénéfice de
l'Association des artistes musiciens, une grande fêle de la cavalerie. Grâce
à la bienveillance de LL. Exe. les maréchaux Randon et Magnan, le
baron Taylor a pu réunir pour ce festival plus de mille exécutants
fournis par quatre régiments de lanciers, deux de chasseurs à cheval,
deux de hussards, deux d'artillerie, deux de cuirassiers et deux fanfares
de chasseurs à pied. — Aujourd'hui, au Pré-Catelan, grand concert du
jour avec bal d'enfants, musique militaire et orchestre champêtre.
*** Aujourd'hui dimanche, de 2 à 5 heures, première réunion musi-
cale au concert des Champs-Elysées. Le programme du concert est
composé de manière à attirer la foule.
**„, Rectification. — On nous prie d'annoncer que la Société du théâtre
des Bouffes-Parisiens n'a jamais été dissoute, ainsi que nous l'avions
dit, avec quelques autres journaux. Seulement les porteurs de parts
d'intérêts se sont réunis en assemblée générale extraordinaire, à l'effet
de modifier leurs statuts , et ces modifications ont eu pour résultat
l'adjonction d'un cogérant, M. Eugène Hanappier, à M. Varney, qui n'a
jamais cessé d'être gérant en titre de la Société.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,*# Bruxelles. — Voici quelques nouvelles théâtrales : Le second
début de M. Wicart et de Mme Charry dans la Juive a été assez heu-
reux pour ces artistes. Mme Mayer-Boulart a fait une rentrée très-
brillante dans le Songe d'une Nuit d'été. M. Panglèsa débuté sans succès
dans les Dragons de Villars; et Mlle Boschetti s'est produite aux bravos
unanimes dans le rôle de l'abbesse de Robert le Diable. On annonce la
prochaine reprise du Prophète. — Une troupe d'opéra allemande vient
d'arriver et commencera ses représentations par le Freyschutz, Fidelio
et Une nuit à Grenade.
„,% Spa.— Notre dernier concert a été donné vendredi 9. L'administra-
tion si habilement dirigée par M. Davelouis avait engagé pour cette
solennité musicale Mlle de la Pommeraye, le violoncelliste Seligmann,
Lebeau, organiste, et le ténor Leroy, des Italiens. Mlle de la Pommeraye
a chanté avec un grand charme l'air de : Si j'étais roi; M. Leroy l'a
parfaitement secondée dans le duo des Dragons de Villars, et elle n'a
pas moins réussi dans les autres morceaux, surtout dans la sérénade de
Gounod, où le suave violoncelle de Seligmann se marie si bien avec la
voix de la cantatrice. Constatons qu'une longue salve d'applaudisse-
ments avait accueilli Seligmann à son arrivée, et que le rondo de sa
composition a eu un éclatant succès. M. Lebeau a joué une prière et
l'Appel aux pâtres, avec infiniment de goût et d'expression. M. Leroy a
chanté avec beaucoup d'art l'air de Jérusalem. Un singulier événement
s'était passé la veille du concert; le cri sinistre au feu avait été en-
tendu dans la salle de la Redoute. Vous concevez l'effroi, la confusion,
la panique générale. Mais on fut bientôt rassuré. C'était un acteur qui
attendait de sa loge le coiffeur qui n'arrivait pas, et qui se mita crier en
patois vallon : « Coiffeu, coiffeu?...» La terreur passée, on a beaucoup
ri de l'aventure.
.,,% Ostende. — On a fait beaucoup de musique ici daus ces derniers
jours, mais en petit comité. Avant de nous quitter, Rubinstein a donné
une matinée musicale par invitation. L'élite de l'aristocratie russe, po-
lonaise, allemande, y assistait. Le célèbre virtuose y a joué plus de
vingt morceaux des grands maîtres. Léop. de Meyer a également convié
la haute société à une matinée qui n'avait que le tort d'être un peu
trop matinale. Mme Marchesi a voulu ensuite faire entendre une de
ses élèves, Mlle la comtesse Pergen Battyany, de Vienne. Bien des ar-
tistes envieraient la voix et la méthode de cette amateur célèbre en
Allemagne, qui, en chantant huit morceaux de différents styles, a lit-
téralement électrisé l'auditoire, et c'est grand dommage qu'elle ne
veuille pas chanter en public. Dans cette séance, Mlle de Buch, fille
de la princesse Hatyi'eld, élève de Liszt, a parfaitement joué plusieurs
morceaux de Chopin, et Léop. de Meyer a exécuté aussi une de ses œu-
vres. Mme Marchesi, cédant aux instances générales, a chanté l'air de
Rinaldo, de Haendel, et un lied de Schubert, avec la voix sympathique
et sonore de mezzo-soprano, qui chez elle s'unit à une méthode irré-
prochable et à une déclamation parfaite. Nous espérons que l'éminente
professora donnera une matinée musicale avant son départ.
m PARIS.
303
»*„ Leipzig. — Les représentations d'ouvrages lyriques au théâtre de
la ville, dont la salle a été reconstruite avec beaucoup de luxe et de
goût, ont été inaugurées par la Juive et Maria.
4% Berlin. — Le 5 septembre, jour anniversaire de la naissance de
Meyerbeer, le cimetière où reposent les restes mortels du grand com-
positeur a été visité par un nombre considérable de ses admirateurs,
qui y venaient pour déposer des (leurs et des couronnes sur sa tombe,
Le célèbre jardinier Lenné est chargé de la plantation du terrain assez
étendu qu'occupe le caveau de la famille Meyerbeer. — L'opéra de
Marschner, Ilans Heiling, a été repris avec succès au théâtre de l'opéra
royal. MM. Betz et Kruger, Mlles Santer et de Ahna ont rempli avec
beaucoup de talent les principaux rôles de cette œuvre remarquable.
— Une nouvelle opérette de Conradi, la Maionna Sixtine, a réussi au
théâtre Victoria.
**..,, Magdcbourg. — Un terrible malheur est arrivé le 1er de ce mois,
pendant la représentation au théâtre de cette ville d'une pièce intitulée :
Robert et Bertram. L'action du premier acte de cette pièce se passe dans
un donjon élevé à la hauteur d'un troisième étage au-dessus du niveau
de la scène. Par suite d'un accident de décor dont on n'a pas encore
pu constater la cause, quelques poutres se détachèrent, et en moins
d'un moment l'échafaudage tout entier s'écroula sur l'orchestre, en
entraînant dans sa chute deux acteurs. A part ces infortunés, tués sur
place, plusieurs personnes furent grièvement blessées. Une dame eut le
bras littéralement arraché du corps et un monsieur eut l'épaule com-
plètement fracassée. L'un des musiciens ne dut son salut qu'à un ha-
sard. Au moment où l'échafaud commençait à chanceler, il s'était blotti
scus son pupitre sur lequel il avait posé son ophicléide. L'instrument
fut broyé sans que le musicien éprouvât le moindre mal. Le directeur
du théâtre a dû indemniser les blessés et les familles des victimes
d'une somme de 10,000 thalers. Les deux artistes ont été enterrés au
milieu d'une affluence considérable. Une souscription a été organisée en
faveur des victimes. Cet événement a produit dans la ville la plus dou-
loureuse impression.
t*t Pesth . — Au théâtre hongrois national a eu lieu le 3 septembre
une réprésentation des Huguenots, à la mémoire de Meyerbeer, à la-
quelle le personnel entier de l'opéra a tenu à concourir. Les rôles se-
condaires ont été chantés par les premiers sujets.
** ^Wergame. — Maria de Grifji, un nouvel opéra assez médiocre, com-
posé par Petrali, a été froidement accueilli.
*** Spoleta. — Giusemberga di Spolelo est le titre d'un nouvel opéra,
composé par Filippo Sangiorgi, qui vient d'être représenté avec un
succès complet. — Amalia Ferraris a fait ses adieux au public dans un
nouveau ballet, Vespina, et y a excité l'enthousiasme.
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SOMMAIRE . — Biographie universelle des musicieus : François- Joseph Fétis
(28 article). — Les chœurs de la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg
(2e et dernier article), par Maurice Cristal. — Devienne (3e article), par
Arthur Pougin. — Nouvelles et annonces.
BIOGRAPHIE UNIVERSELLE DES MUSICIENS.
(seconde édition.)
FÉTIS (François- Joseph).
(2e article) (1).
Fétis s'était marié en 1806 ; il était alors âgé de vingt deux ans.
Sa femme, petite-fille du savant chevalier de Kéralio, sous-gouver-
neur de l'École militaire, pour qui Napoléon avait conservé des sou-
venirs de reconnaissance, et nièce d'un ancien maréchal de camp,
gouverneur du prince de Parme, était unique héritière d'une for-
tune considérable. Cette alliance avait changé la position de Fétis,
et d'artiste il était devenu amateur, sans que l'activité de ses tra-
vaux se fût ralentie. La banqueroute inattendue d'un des premiers
négociants de Paris, et de fausses spéculations des parents de sa
femme, anéantirent tout à coup la fortune qui semblait devoir lui
appartenir ; lui-même, par une imprudente condescendance, fut en-
traîné à souscrire des engagements, qui, sans préserver de leur
ruine ceux pour qui ils étaient pris, ont troublé sa vie pendant plus
de vingt-cinq ans. Obligé de s'éloigner de Paris en 1811, pour se
préparer une nouvelle existence, il se retira à la campagne dans le
département des Ardennes, et y vécut pendant près de trois ans
éloigné de toute ressource musicale. Il y écrivit cependant une messe
à cinq voix, avec chœurs, orgue, violoncelle et contre-basse, qu'il
considère comme un de ses meilleurs ouvrages, et qui a été exécu-
tée à l'église Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles, le 6 octobre 1856,
pour son jubilé de cinquante ans de mariage. Mais son occupation
principale dans sa retraite fut l'étude de la philosophie, qui lui pa-
raissait indispensable pour l'exposition des principes de la théorie de
la musique, et pour l'analyse des faits de l'histoire de cet art. Ce
(1) Voir le n" 38.
temps d'étude solitaire a toujours été considéré par lui comme le
plus heureux de sa vie.
C'est à cette époque que commencèrent à fructifier dans son es-
prit quelques mots échappés à l'illustre Lagrange, dans une conver-
sation qu'ils avaient eue sur la musique : « Il y a quelque chose
dans votre art que je ne comprends pas, disait le célèbre géomètre ;
nous croyons tout expliquer avec nos proportions numériques et le
tempérament ; cependant, les dénégations de certains musiciens pour-
raient bien n'être pas si mal fondées qu'on le croit, et peut-être
Rameau s'est il fourvoyé. Il y a vraisemblablement quelque chose
d'inconnu où se trouve la vérité; je me suis beaucoup occupé de
cela, mais l'élément me manque. Il y aura de la gloire pour celui
qui découvrira ce critérium, caché depuis tant de siècles, et qui
s'est dérobé à tant d'efforts. Vous devriez y songer ; cela vaut bien
le dévouement d'une vie tout entière. » Préoccupé d'autres objets,
Fétis n'avait point saisi d'abord le grand sens de ces paroles ; elles
lui revinrent à la mémoire lorsque ses études philosophiques lui eu-
rent fait comprendre la nécessité de faire dériver toutes les lois par-
ticulières des diverses parties de l'art d'une loi générale dont elles
ne seraient que des applications à des cas particuliers. Ses recher-
ches sur la théorie de l'harmonie le mirent sur la voie, en lui fai-
sant voir que la tonalité est la seule base de cette combinaison des
sons, et que les lois de cette tonalité, appliquées à l'harmonie, sont
absolument identiques à celles qui régissent la mélodie, et consé-
quemment, que dans la tonalité moderne, ces deux branches princi-
pales de l'art sont inséparables. Considération neuve, dont la réalité
est démontrée par l'histoire de la musique, et qu'il a rendue évi-
dente depuis lors dans ses écrits.
Au mois de décembre 1813, Fétis accepta les fonctions d'organiste
de la collégiale de Saint-Pierre à Douai, et de professeur de chant
et d'harmonie d'une école municipale de musique, fondée en cette
ville. Cette situation fut l'occasion de nouvelles études. Il avait eu
autrefois de la réputation comme organiste, à la suite d'une lutte
qui avait eu lieu entre Woelfl, Nicolo Isouard et lui, sur l'orgue de
l'église Saint-Sulpice de Paris ; mais depuis plusieurs années il avait
cessé de jouer de cet instrument. Celui sur lequel il était appelé à se
faire entendre à Douai était un excellent orgue de Dallery, composé
de cinquante-six jeux, quatre claviers à la main et un clavier de pé-
dales. Cet instrument lui offrait d'immenses ressources qu'il se mit à
S06
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
étudier, se faisant souvent enfermer dans l'église pendant six ou huit
heures, pour se rendre familières les œuvres des grands organistes,
anciens et modernes, de l'Italie et de l'Allemagne, et pour cher-
cher, dans l'emploi alternatif des différents styles, une variété qui
lui semblait manquer dans les productions des plus célèbres artistes;
car chacun d'eux affectionnait de certaines formes qu'il a reprodui-
tes dans tous ses ouvrages. On verra le résultat de ces travaux
dans son ouvrage intitulé la Science de l'organiste, dont une partie
est gravée depuis longtemps, mais qui n'est pas encore terminée.
Les fonctions de professeur de chant et d'harmonie que Fétis rem-
plissait à l'école de musique de Douai appelèrent son attention sur
le système d'enseignement alors en usage dans toutes les écoles de
ce genre. Il vit que les dégoûts éprouvés par la plupart des com-
mençants dans la lecture de la musique, lecture dont les éléments
sont difficiles et compliqués, provenaient de ce que l'attention se fa-
tiguait à se partager dès les premiers pas sur des objets qui n'ont
point d'analogie. Ainsi, dans l'étude du solfège, les élèves les moins
avancés étaient obligés de reconnaître à la fois les signes et leur va-
leur, de battre la mesure en faisant le calcul de la division des
temps, et de chanter en cherchant la justesse des intonations. Or,
distinguer des signes, en connaître la signification ; diviser des temps
et développer le sentiment de la mesure ; enfin, former l'oreille à la
justesse des intonations, sont toutes choses indépendantes les unes
des autres; il est donc raisonnable de les enseigner séparément.
C'est d'après ces considérations que Fétis établit dans l'école de
Douai la division des éludes qui a servi de base aux Solfèges pro-
gressifs précédés de l'exposé des principes de musique publiés par
lui plus tard, et c'est cette même division que plusieurs maîtres ont
adoptée dans leur système d'enseignement.
C'est aussi pendant son séjour à Douai que Fétis compléta le sys-
tème rationnel de l'harmonie ébauché par Rameau dans l'application
du renversement à la génération des accords et dans la division de
ces accords en fondamentaux et dérivés • étendu par Kirnberger dans
la découverte de l'origine des accords produits par le mécanisme de
la prolongation, enfin, perfectionné par Catel dans sa classification
des accords en naturels et artificiels ou composés. Malheureusement
Catel, préoccupé de sa fausse idée de tous les accords directs ou
fondamentaux contenus dans la divis-'on d'une corde, division arbi-
traire, comme il a été dit à l'article de cet artiste, avait été con-
duit à classer parmi les accords naturels ou simples ceux de sep-
tième de sensible, de septième diminuée, de neuvième majeure et
de neuvième mineure de la dominante, quoique son instinct lui eût
fait voir que ces accords se substituent souvent à celui de la domi-
nante et de ses dérivés. Cette anomalie provenait de ce que Catel
n'avait point aperçu le mécanisme de la substitution; Fétis décou-
vrit que ce mécanisme n'est autre que le sixième degré du mode
majeur ou mineur qui prend la place de la dominante dans les seize
formes dont ces combinaisons sont susceptibles, et démontra que
l'effet de ce genre de modification de l'accord naturel de septième
dominante et de ses dérivés n'en change pas la destination , que
l'emploi est identique, et qu'il en résulte seulement une variété d'ef-
fet pour l'oreille. La découverte importante de ce mécanisme de la
substitution fut féconde en résultats, car elle conduisit Fétis à celle
de l'origine des accords produits par la substitution du sixième de-
gré de la gamme avec la prolongation de la tonique, et par là on
eut l'explication simple et naturelle de la formation de ces accords
de septième mineure du deuxième degré, de quinte et sixte, de
tierce et quarte, et de seconde et quarte, des modes majeur et mi-
neur, qui avaient donné la torture à tous les harmonistes, depuis
Rameau. Ce fut encore par la loi de l'identité de destination que
l'auteur de cette découverte en démontra la réalité. Cette même loi
lui fit trouver le mécanisme des altérations ascendantes et descen-
dantes des intervalles des accords, et de leurs combinaisons avec
les autres genres de modifications, telles que la prolongation et la
substitution. En appliquant de la manière la plus générale ce prin-
cipe nouveau de la combinaison des divers genres de modifications
des accords naturels, Fétis fut conduit à la découverte d'une multi-
tude d'accords nouveaux du genre appelé enharmonique, dont plu-
sieurs ont été employés plus de quinze ans après par Rossini et par
Meyerbeer dans Guillaume Tell et dans Robert le Diable.
En 1816, l'ouvrage où Fétis avait exposé cette théorie nouvelle et
complète de l'harmonie fut achevé, et l'auteur l'envoya à l'Institut
de France, pour qu'il en fût fait un rapport ; une correspondance
assez active eut lieu à ce sujet entre le ministre de l'intérieur, le
secrétaire de l'Académie des beaux-arts et Fétis, et le résultat de
cette négociation fut que l'Académie, effrayée partant de nouveautés,
et ne voulant pas se compromettre en les approuvant ou en les re-
jetant, décida qu'au public seul appartenait de prononcer avec le
temps sur leur mérite. Fétis accepta cette décision, et, en 1819, il
fit commencer l'impression de son livre par M. Eberhardt. Déjà cinq
feuilles étaient imprimées; mais à cette même époque, Catel, dont
l'amitié parfaite pour Fétis ne s'est jamais démentie, lui rendait les
services les plus importants, et lui faisait obtenir des poëmes pour
l'Opéra et pour l'Opéra-Comique ; la reconnaissance imposait à Fétis
l'obligation de ne point affliger ce digne artiste par une discussion
de principes relative à l'un de ses travaux auxquels il mettait le plus
de prix; il arrêta donc l'impression de son livre, resté inédit jus-
qu'en 1844, et dont cinq feuilles seulement ont été tirées. Cepen-
dant, sollicité en 1823, par un éditeur de musique, pour qu'il donnât
une Méthode élémentaire d'harmonie et d'accompagnement, deman-
dée de toutes parts, il satisfit à cette demande, mais d'une manière
succincte, sous la forme dogmatique, et sans aucune discussion de
théorie. L'ouvrage a été publié au mois de mars 1824 ; la simplicité
et l'évidence de ses principes ont fait son succès; des milliers d'exem-
plaires en ont été vendus, et c'est à peu près le seul ouvrage par
lequel les maîtres enseignent maintenant l'harmonie en France et en
Relgique. Il en fut fait une traduction italienne, publiée à Naples, et
une anglaise, par Bishop, à Londres.
Pendant son séjour à Douai, Fétis avait repris ses travaux relatifs
à la Biographie des musiciens dont il publie aujourd'hui la seconde
édition, et qui étaient commencés en 1806, ainsi que le prouve une
note d'un discours prononcé le 8 octobre 1807 par Van Hulthem,
dans une réunion d'artistes, et imprimé dans la même année chez
Pierre Didot (1). Dans lu même temps il écrivit aussi, sur la de-
mande de l'autorité, un Requiem qui fut exécuté en expiation de la
mort de Louis XVI, le 20 avril 1814, un sextuor pour piano à quatre
mains, deux violons, alto et basse (œuvre 5e, Paris, Michel Ozy),
dont la deuxième édition a été publiée chez Brandus, à Paris, en
1858, et beaucoup de morceaux de chant à trois et à quatre voix,
pour l'école de Douai, outre une grande quantité de morceaux d'or-
gue. Tout cela fut fait dans l'espace de quatre ans et demi, nonobs-
tant dix heures employées chaque jour aux fonctions d'organiste, à
l'école de chant de la ville, et en leçons particulières ; pour suffire
à tant de travaux, Fétis avait pris, en arrivant à Douai, l'habitude
d'y consacrer seize ou dix-huit heures chaque jour; depuis lors sa
vie s'est écoulée dans la même activité, sans autre interruption que
ses voyages.
Persuadé que le moment était venu pour lui de prendre une po-
sition à Paris, Fétis quitta Douai pour s'y rendre, dans l'été de
1818. Il y publia dans la même année des fantaisies, des préludes,
des sonates de piano, et y reprit ses travaux sur la littérature, la
théorie et l'histoire de la musiaue. Pendant les années suivantes il
(1) Discours prononcé clans une réunion d'artistes belges, habitants de Paris,
par M. Ch. Van Hulthem, ancien membre du tribunal, membre de la Légion
d'honneur, etc. Paris, P. Didot l'aîné, 1807, in-8c de 46 pages (p. 31, n° 1).
DE PARIS.
307
écrivit pour le théâtre plusieurs opéras sérieux et comiques dont
quelques uns ont obtenu du succès, mais qui n'ont pas satisfait leur
auteur; les autres n'ont pas été représentés.
En 1821 il fut nommé professeur de composition au Conservatoire
de Paris, en remplacement d'Eler, décédé depuis peu. Huit mois
après son entrée en fonctions, ses élèves ayant été examinés par le
comité d'enseignement, où siégeaient Paer, Lesueur, Berton, Reicha
et Boïeldieu, Cherubini, président de ce comité, adressa ces paroles
au professeur : « Monsieur, c'est avec beaucoup d'intérêt que le
comité a passé l'examen de votre classe, et qu'il a trouvé chez vos
élèves l'art de faire chanter les parties d'une manière élégante et
naturelle ; art difficile, si bien connu des anciens maîtres, et qui se
perd aujourd'hui: c'est avec une vive satisfaction que nous voyons
que vous travaillez ù le faire revivre. » Quelques années après, le
grand maître qui avait prononcé ces paroles flatteuses s'est exprimé
d'une manière plus explicite encore, dans le rapport qu'il a fait à
l'Académie des beaux-arts sur le Traité du contre-point et de la fu-
gue, écrit par M. Fétis, pour l'usage du Conservatoire ; car il l'a dé-
claré le seul ouvrage de ce genre où les règles de ces compositions
scientifiques, particulièrement celles de la fugue, sont exposées avec
méthode et clarté. Ce livre, dont presque tous les exemples ont été
écrits par Fétis, lui a coûté de longues méditations, parce qu'il avait
reconnu la nécessité de prendre la tonalité pour base de la mélodie,
origine réelle du contre-point, comme il l'avait prise précédemment
pour l'harmonie et la modulation. Or, l'analyse des faits de la suc-
cession mélodique des sons, en ce qui concerne la tonalité et les
combinaisons de plusieurs parties chantantes, est fort difficile. De là
l'absence de toute critique pure dans tous les traités de composition
qui ont été publiés depuis plus de deux cents ans, et la forme em-
pirique adoptée par tous les auteurs de ces ouvrages. En s'imposant
l'obligation de faire connaître la raison des règles, Fétis s'était en-
touré d'immenses difficultés.
(La suite ■prochainement .)
LES CHŒURS DE LÀ CHAPELLE IMPÉRIALE
DE SAHW-PÉTERSBOÏJIïe.
(2e et dernier article) (1).
Bortnyanski avait, dans les derniers temps, senti la nécessité de
mettre en ordre les anciens chants de l'église moscovite qui se chan-
taient en harmonie par tradition, et dont les successions d'accords
n'étaient souvent pas satisfaisantes pour l'oreille ; mais il n'eut pas
le temps de réaliser ce projet de réforme. Après s'être fait des ti-
tres à l'admiration de la postérité, il mourut le 28 septembre (9 oc-
tobre) 1825, à l'âge de soixante-quatorze ans. On a publié depuis,
à Saint-Pétersbourg, un choix de ses compositions à l'usage des
églises grecques de Russie.
Après Bortnyanski, la direction de la chapelle fut confiée au con-
seiller privé Lvoff, homme d'un goût exquis et possédant une grande
connaissance pratique des œuvres magistrales de toutes les époques.
Né le 25 mai 1799, à Réval en Esthonie, Alexis-Théodore Lvoff ré-
véla dès son enfance d'heureuses dispositions pour la musique. Le
violon fut l'instrument pour lequel il montra le penchant le plus
décidé. On lui donna un maître, et ses progrès furent très- rapides.
A l'âge de huit ans il exécutait déjà des concertos réputés très-
difficiles. Lorsqu'il eut atteint sa dix-septième année, il se résolut à
compléter son talent en étudiant dans une laborieuse solitude les
œuvres de Corelli, de Bach, de Gaviniès, de Viotti, de Baillot et
de Kreutzer. Un travail constant , le familiarisa avec la ma-
(1) Voirie n° 38.
nière de chacun de ces artLtes, et de leur fusion il se fit un
style personnel. La lecture des partitions de Haendel, de Graun, de
Jomelli, de Durante, de Gluck, de Mozart, de Haydn et de Beetho-
ven devint aussi la source de ses connaissances pour la composi-
tion. En France, la plupart des amateurs de quatuor et les grands
violonistes de toute l'Europe connaissent et apprécient ce musicien
éminent, à la fois virtuose et compositeur. Par des travaux persévé-
rants poursuivis pendant trente ans, Lvoff arriva à une réputation
méritée, et l'empereur Nicolas ayant apprécié son mérite comme
musicien lui confia, en 1836, la direction de la chapelle impériale,
comme étant le seul qui pût tenir la place de Bortnyanski. Ami in-
time et sincère admirateur de Bortnyanski, Lvoff se fit un devoir de
suivre scrupuleusement la marche que celui-ci s'était tracée. Il reprit
même le projet que la mort de son prédécesseur avait laissé inexé-
cuté, et c'est lui qui a édité les chants antiques de toutes les parties
de l'office divin du rit grec de Russie, harmonisés à quatre parties
sur le texte slave. Ce travail immense, qui comprend onze gros vo-
lumes in-4°, gravés à Saint-Pétersbourg, a fait beaucoup d'honneur
au directeur de la chapelle impériale élu par Nicolas.
En 1840, Lvoff visita Paris et Leipsick. Il s'y fit connaître avan-
tageusement comme violoniste et compositeur ; un de ses opéras fut
représenté à Dresde avec succès en 1845, après avoir été joué à
Saint-Pétersbourg. Les académies philharmoniques de Bologne, Sainte-
Cécile de Rome, des Amis de la musique de Vienne, décernèrent à
cet artiste distingué le titre de membre honoraire. Son dernier ou-
vrage, joué à Saint-Pétersbourg, l'opéra l'Ondine, dont M. de Saint-
Georges à traduit dans ces dernières années le livret en français,
contient des beautés de l'ordre le plus élevé, fraîches, vives, jeunes
et d'une originalité charmante.
Depuis qu'il dirigeait le chœur des chantres de la cour en Russie,
tout en suivant la même voie que ses devanciers, il s'était appliqué
à augmenter le répertoire déjà si riche de cette chapelle, soit en
composant des pièces de musique religieuse, soit en se livrant à de
savantes et utiles investigations dans les archives musicales de l'É-
glise russe, recherches fécondes grâces auxquelles il a fait plusieurs
découvertes précieuses pour l'histoire de l'art. Il a fait exécuter
avec succès par ses chœurs les œuvres religieuses de Meyerbeer, et
le 91e psaume a toujours soulevé de très-austères émotions parmi
les auditeurs. La chapelle impériale était parvenue à un degré de
splendeur remarquable lorsque, après la mort du conseiller Lvoff, le
général Alexis Lvoff, son fils, fut nommé pour lui succéder et con-
tinuer les traditions de la chapelle impériale.
Voici quel est l'ordre dans lequel l'exécution des chœurs se fait.
Les quatre-vingts chantres, revêtus de leur uniforme très-riche, sont
disposés en deux groupes égaux ; ils se tiennent debout en face l'un
de l'autre de chaque côté de l'autel. Les basses occupent les rangs
les plus éloignés du centre. Devant eux sont les ténors, et, de
vant ceux-ci, se tiennent les enfants soprani et contralti. Tous les
yeux baissés, immobiles, attendent dans le plus profond silence le
moment de commencer leur chant, qu'ils entonnent à un signe im-
perceptible pour l'auditeur, et qui est sans doute donné par le chef
d'attaque, leur habitude étant, comme nous l'avons dit, de chanter
sans qu'aucun chef leur marque la mesure.
Quand on voit fonctionner ce chœur incomparable , on se de-
mande ce qu'il a fallu de temps et d'argent pour l'amener à cette
perfection si rare. Il a fallu tout simplement un maître habile ; c'est
Galuppi qui a réformé le chœur de la chapelle impériale russe, et
qui le premier a donné idée des ressources qu'on en pouvait es-
pérer. Il était, après tous ses succès d'opéra, devenu maître de cha-
pelle de Saint-Marc à Venise, et maître du Conseravtoire degli incu-
rabili, place qu'il occupa jusqu'à l'âge de soixante-trois ans, lors-
qu'il fut appelé en Russie par l'impératrice Catherine II, qui plus
tard devait lui confier l'éducation musicale de Bortnyanski. Outre
308
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
un traitement de 4,000 roubles, l'impératrice de Russie lui assura
un logement et fit mettre à sa disposition une voiture de la cour.
Galuppi trouva l'orchestre du théâtre détestablement organisé; il
parvint à le rendre supportable, et put bientôt donner son opéra de
Didone abbandonata, dont l'impératrice fut si satisfaite qu'elle en-
voya à Galuppi, le lendemain de la première représentation, une ta-
batière d'or enrichie de diamants, avec mille ducats que la reine de
Carthage lui avait, disait-elle, légués par son testament. Le chœur
des chantres n'était guère meilleur que l'orchestre de l'Opéra. Il n'a-
vait pas même l'idée des nuances du piano et du forte. Là, les
soins de Galuppi portèrent les meilleurs fruits, et Bortnyanski n'eut
qu'à continuer ses traditions et à développer ce qu'il avait si heu-
reusement commencé. Aujourd'hui, ce chœur est incomparable. Les
maîtres de chapelle des autres villes russes cherchent à l'imiter, et y
parviennent quelquefois. Le choix des voix, des chanteurs, telle est
la difficulté. Un bon maître de chapelle tel est le secret du succès.
Du reste, dans toute l'Allemagne, les chœurs sont aujourd'hui
excellents, et l'écho fidèle que nous en avons en France dans le
Liederkrans, — cette aimable Société de gens du monde qui chan-
tent avec une rare perfection les chœurs les plus beaux, ceux de
Haendel, de Weber, de Kucken, de Marschner, des classiques et des
contemporains, — peut très-bien nous montrer que la musique cho-
rale est en très-réel progrès dans toute l'Europe. Les luttes de nos
orphéons nous donnent aussi la preuve que nous marchons dans
cette voie avec succès, et qu'avant peu nos masses chorales seront
très-bien disciplinées partout, et bientôt même à la hauteur des
chœurs incomparables dont nous venons, dans ces quelques lignes,
d'esquisser l'histoire.
Maurice CRISTAL.
DEVIENNE.
(38 article) (1).
Ceci dit, reprenons notre analyse pour signaler d'abord l'air d'Eu-
phémie :
Dans l'asile de l'innocence. . .
plein de grâce et de langueur, et auquel son accompagnement de
harpe donne un charme de plus.
Le trio des trois hommes est tracé, on le voit, par une main ha-
bile et sûre d'elle-même. Divisé en quatre parties bien distinctes,
son plan est d'une netteté et d'un aplomb rares. La première partie,
dialoguée entre Frontin et son maître, contient un dessin ostinato
de violons à l'unisson, d'une élégance extrême et qui suffit à l'in-
strumentation, car, pendant tout ce temps, on n'entend que le qua-
tuor et les grandes flûtes. L'arrivée de Grégoire amène la seconde
partie (allegro à 6/8) , sur un couplet dont le tissu mélodique est
d'une franchise et d'une carrure qui rappellent les meilleurs mo-
ments de Philidor, de Monsigny et de Grétry. La troisième partie
(andantino en fa majeur, à 2/4) est dialoguée entre les trois per-
sonnages ; enfin, la quatrième n'est que la reprise du joli dessin de
violons entendu dès le commencement, sous lequel les trois voix
d'hommes se marient à merveille, et qui termine le morceau sans
fracas, sans bruit, sans éclat d'aucune sorte.
Ce qui me semble merveilleux dans ce morceau, c'est la simplicité
des moyens employés mise en regard de l'excellence du résultat
obtenu ; j'ai dit que toute la première partie était accompagnée seu-
lement par le quatuor et les flûtes; il en est de même de la seconde,
et ce n'est que dans la troisième que l'auteur a cru devoir faire
une ou deux entrées, soit de cor?, soit de bassons. Lorsque le des-
(1) Voir les n0' 31 et 32.
sin primitif revient pour amener la coda et terminer le morceau, le
quatuor et les flûtes reprennent leur travail sans l'aide d'aucun se-
cours étranger. Comment donc, avec si peu d'éléments , l'orchestre
est-il si sonore, si rempli, sans faste, mais aussi sans maigreur ? Cela
tient à la bonne et judicieuse disposition des parties, à la façon pure
et pleine dont Devienne écrit pour les instruïnents à cordes, base
véritable de l'échafaudage orchestral : les voix résonnent à merveille
au milieu de cet orchestre à la fois simple et nourri, rempli de détails
ingénieux et piquants qui ne cessent d'animer et de colorer le style
sans jamais l'alourdir ; les chanteurs sont à l'aise et tout fonctionne
admirablement dans cet ensemble plein d'ampleur, et cependant sage
et sobre au possible.
Le finale du premier acte est un simple quatuor pour voix d'hom-
mes et ne contient aucun des développements que nous sommes ha-
bitués à chercher aujourd'hui dans les morceaux de ce genre. 11 se
fait remarquer aussi par une extrême clarté et une grande limpidité
de style, et, bien que l'orchestration en soit solide et brillante, l'au-
teur n'y a employé, avec le quatuor des instruments à cordes, que
les hautbois, les bassons et les cors. Le presto qui forme la seconde
partie de ce morceau commence d'une façon pleine d'originalité, et
pourtant, là encore, qu'a fait le compositeur? Sur un dessin vocal
mélodique qui serait peut-être vulgaire s'il n'était accompagné de la
sorte, et qui se compose d'une note sur chaque temps fort, il a mis
un dessin en triolets au premier violon, une tenue en notes synco-
pées au second, pendant que les cors et les hautbois doublent le
chant et que la basse frappe chaque temps. Voilà son orchestre, et
avec quels moyens élémentaires il obtient de délicieux effets ! Ce
quatuor, qui, comme inspiration, ne vaut peut-être pas le trio pré-
cédent, n'en est pas moins un morceau excellent et des plus par-
faits.
L'air d'Euphémie qui se trouve au début du second acte, et dans
lequel la jeune fille exhale la douleur qu'elle éprouve d'être séparée
de celui qu'elle aime, est extrêmement remarquable, tant à cause de
l'abondance et de la fraîcheur des idées qui y sont contenues qu'en
raison de l'élévation du style et de la passion qui y domine. Il
s'ouvre par une longue ritournelle, au moyen de laquelle le cor ex-
pose, pour ainsi dire, la situation dans un solo grave, touchant et
mélancolique. Lorsque Euphémie fait entendre les premiers vers,
0 toi, dont ma mémoire
A conservé les traits.
le cor la suit docilement et mêle sa voix à la sienne dans un ac-
compagnement à la fois plein de grâce, de délicatesse et de discré-
tion ; il continue ainsi jusqu'à la fin de la première partie, où il perd
son rôle important pour reprendre sa place modeste dans l'ensemble
de l'orchestre.
C'est alors qu'après avoir fait entendre ses plaintes dans un lan-
gage simple et sévère, la jeune fille trouve, pour appeler son amant,
des accents pathétiques et débordants de passion. « Reviens, » lui
dit-elle,
Reviens, et je brise ma chaîne ;
Ton absence, en ces lieux seule a pu m'entraîner;
Elle est ma seule peine,
Et mon plus grand désir est de te pardonner.
Le style de l'ardente mélopée sur laquelle sont placées ces paroles
est vigoureux, et le dessin mélodique semble haletant et comme en-
trecoupé par des soupirs ; l'instrumentation est nerveuse , colorée,
puissante, bien que tout l'orchestre n'y concoure pas (on n'y ren-
contre ni hautbois, ni trombones). On croit le morceau fini, lorsque
sur une rentrée heureuse du cor qui vient rappeler la situation pre-
mière, les paroles du commencement,
0 toi
se font entendre de nouveau, mais d'une façon fugitive, et comme
DE PARIS.
309
pour amener la strette d'une manière plus inattendue ; celle-ci se
présente en effet, chaude, vive, entraînante, et Euphémie , en s'é-
criant encore : « Reviens... reviens, et je brise ma chaîne, » at-
teint le plus haut degré d'expression de la douleur et du désespoir.
Je voudrais entendre chanter cet air remarquable par une grande
artiste, et je suis certain que l'effet produit serait saisissant.
Les couplets de la tourière, dont la fin peut-être est un peu ba-
nale, sont du moins parfaitement en situation, et on retrouve toute
la grâce, la franchise et la distinction habituelles à Devienne dans le
joli duo de Belfort et de Frontin,
J'ai bien souvent juré d'être fidèle...
dont la première phrase surtout est délicieuse.
La mélopée,
Le ciel, mes sœurs, vous tienne en joie
chantée par Frontin à son entrée au couvent et pompeusement inti-
tulée « Air » dans la partition, est d'un excellent caractère. Les
choses de ce genre, à la fois courtes et bien construites, sont beau-
coup plus malaisées à faire qu'on ne le croit communément : Pascal,
écrivant un jour à un sien ami, terminait ainsi sa lettre : « Je n'ay
fait celle-cy si longue que parce que je n'ay pas eu le loysir de la
faire plus courte. » C'est là un mot profondément vrai ; il faut du
temps pour faire court, et, même avec du temps, tout le monde
n'y peut point parvenir.
Le grand morceau d'ensemble qui suit est tracé avec une rare
habileté ; il semble que, dès les premières mesures , on entende
bruire autour de soi tous les caquets du couvent, dont le vénérable
chef actuel de l'école française, M. Auber, a donné un spectacle si
saisissant dans le troisième acte du Domino noir. Ce morceau ren-
ferme une phrase musicale très-plaisante, écrite sur ces vers chantés
par Frontin :
. . . C'est un grand scandale,
Que dans votre sainte maison,
Sous les habits d'une Vestale
Se soit introduit le démon.
Placée sur une simple gamme chromatique de basse partant de la
médiante pour arriver à la tonique, cette phrase est d'un très-bon
effet comique, qui a souvent été imité depuis.
Arthur POUGIN.
[La suite prochainement.)
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné dimanche dernier une
représentation de Guillaume Tell. — Lundi on a joué le Comte Ory et le
ballet de Nemea. S. M. l'Empereur a honoré le spectacle de sa présence.
Le rôle de Mlle Anetta Merante, indisposée depuis deux semaines, avait
été donné à Mlle Guiseppina Boss). — Mercredi, dans les Vêpres sicilien-
nes, c'est M. Dumestre qui a pris le rôle de Guy de Montfort, dans
lequel il laisse beaucoup à désirer ; Mlle Sax a eu les honneurs de
la soirée. Mlle Baratte a remplacé, dans le pas du Printemps, Mlle Fio-
retti, éloignée momentanément de la scène par une entorse. — Enfin,
vendredi, Mlle Mouraviefl' a clos la série de ses représentations par le
premier acte de Nemea et le ballet-pantomime de Diavolina, précédés
du premier et du deuxième acte de Lucie. La jeune ballerine russe a
fait ses adieux au public au milieu d'applaudissements prolongés.
*** L'affiche du théâtre impérial de l'Opéra annonce la prochaine re-
présentation de Roland à Roncevaux. Les répétitions générales ont com-
mencé et la première représentation paraît définitivement fixée à
vendredi prochain. — Un nouveau ballabile en forme de polka, a été
introduit au deuxième acte ; il sera dansé par Mlle Pilatte et M. Ré-
mond. — Un rôle pour Mlle Fonta a été ajouté au divertissement. —
Mlle E. Fiocre y paraîtra sous les traits et le costume d'un prince
indien .
*% Les Huguenots sont annoncés pour demain.
*** La direction du théâtre de l'Opéra-Comique vient d'engager
Mme Cabel pour un certain nombre de représentations qui commence-
ront par Galatée; on remonterait ensuite pour elle le Pardon de Plocr-
mel, dont elle a créé si remarquablement le rôle principal.
*** L'engagement de Montaubry vient d'être renouvelé jusqu'en 1870
et celui d'Achard |iour cinq années.
*** On annonce pour la semaine prochaine le début de Mme Gen-
netier dans le rôle d'Elisabeth du Songe d'une nuit d'été. Nous avons fait
connaître les antécédents de Mme Gennetier. L'administration attache
à son début une très-grande importance, et Amhroise Thomas porte, de
son côté, beaucoup d'intérêt à la cantatrice, à laquelle il a bien voulu
donner ses conseils pour la reprise de son œuvre.
„.** Nous sommes autorisés à déclarer inexact de tout point le bruit
mis en circulation d'un changement de directeur à l'Opéra-Comique.
t% Faust et Don Pasquale alternent avec un succès fructueux au
théâtre Lyrique. Un des premiers ouvrages qui leur succédera sera le
nouvel opéra de Grisar, qui a pour titre Bégaiements de l'amour, et dont
les paroles sont de M. Emile de Najac et Charles Deulin.
„,*„, L'ouverture du théâtre Italien est toujours fixée à samedi 1er oc-
tobre; mais à la Sonnambula, avec Adelina Patti, qui avait été annon-
cée, sera substituée, paraît- il, la Lucia, avec Frasehini, Zacchi, Anto-
nucci et Mme Lagrange.
*■% Outre l'engagement de Brignoli, que nous avons annoncé, M. Ba-
gier a engagé également le ténor Sarti. M. Brignoli a fait autrefois une
apparition a l'Opéra; il y chanta le rôle d'Amenophis, à l'époque où
on reprit Moïse, pour Mme Bosio, et il fit une saison au théâtre Italien
où il rentre avec l'expérience acquise comme acteur et une réputation
bien établie d'excellent chanteur. Il est lié à M. Bagier par un enga-
gement de trois ans à 8,000 francs par mois la première année, 9,000
francs la seconde, et 10,000 francs la troisième. Selon toute apparence;
c'est lui qui ouvrira la saison de Madrid avec Mme Penco, par Lucrezia
Borgia.
*** Des propositions d'engagement sont faites à Mario par M. Bagier,
mais jusqu'à présent elles n'ont pas abouti.
„.*» M. Costa n'a pas été engagé par le directeur du théâtre Italien
seulement pour diriger le corps de ballet, mais aussi pour fonder une
école gratuite de perfectionnement de danse et de pantomime que les
artistes engagés pourront suivre avantageusement chaque jour durant
toute l'année.
„,** La rentrée des classes du Conservatoire impérial de musique
aura lieu le lundi 3 octobre.
„% M. Varney vient d'engager une actrice célèbre par ses succès au
boulevard, Mlle Clarisse Miroy. Elle possède une jolie voix et débutera
dans la nouvelle opérette de E. Jonas.
„,*„. J. Offenbach vient de quitter Paris pour se rendre à Vianne où
l'on va monter son opéra les Géorgiennes. Il y a rupture entre lui et
le théâtre des Bouffes-Parisiens, auquel le célèbre maestro paraîtrait
disposé à interdire la représentation de ses œuvres. En attendant, la
réouverture doit avoir lieu à la fin du mois par les Dames de la Halle,
M'sieu Landry et une nouvelle opérette-bouffe de Mestepès et Jocas,
qui a pour titre : Le Manoir des La Renardière. — La nouvelle direction
annonce que le prix des places sera diminué.
*** Berthelier doit faire aujourd'hui sa rentrée au théâtre du Pa-
lais-Royal par le Pijferaro. 11 dira une scène comique qui a pour titre
F Amoureux de la lune.
*** La réouverture des concerts populaires de musique classique,
sous la direction de M. Pasdeloup, aura lieu le dimanche 23 octobre, à
2 heures, au Cirque Napoléon. — MM. les abonnés qui voudront conserver
leurs places sont priés d'en faire retirer les coupons dans les bureaux
de location. A partir du 15 octobre, on en disposera.
„*.,. La réouverture du Casino a eu lieu jeudi dernier. La salle était
trop petite pour contenir la foule des amateurs qui s'y étaient donné
rendez-vous pour applaudir et acclamer le chef d'orchestre qui repre-
nait le bâton de mesure. Un tonnerre d'applaudissements a salué le
retour d'Arban, que tout le monde, artistes et public, étaient heureux
de revoir, et jamais ovation n'a été plus spontanée. La grande fantaisie
de la Reine de Chypre, composée exprès pour cette solennité, a obtenu
un succès d'enthousiasme ; c'est le digne pendant des belles fantaisies
du même auteur sur les Huguenots et Robert le Diable. Demerssman a
I été ce qu'il est toujours, virtuose de premier ordre. Arban possède
plus que jamais le talent de charmer son auditoire par les admirables
effets qu'il tire de son instrument et la distinction de son style ré-
cemment apprécié par les connaisseurs d'Allemagne et d'Angleterre,
310
RKVUE KT GAZETTE MUSICALE
comme il l'était déjà par ceux de France. En somme, la saison com-
mence bien et les habitués du Casino vont retrouver les brillants con-
certs et les programmes variés dont Arban connaît si bien la recette.
,% Rossini a accepté la qualité de président honoraire du comité
qui s'est formé en Italie pour l'érection d'un monument à Guido d'A-
rezzo. Voici la traduction de la lettre que l'illustre compositeur a adres-
sée à cette occasion à M. Pietro Mori, gonfalouier d'Arezzo :
« Très-excellent monsieur,
» C'est avec un grand plaisir que j'accepte l'honorable titre de pré-
sident honoraire de la commission artistique que m'a conféré le géné-
reux conseil communal d'Arezzo par sa délibération du 12 courant;
honorer la mémoire du moine Guido (auquel l'art musical doit tant)
est un saint devoir, et en prendre sa part, quoique je ne le puisse que
par le cœur et l'esprit, est une véritable gloire; je me déclare donc très-
reconnaissant envers le susdit conseil d'Arezzo, non-seulement pour
l'honneur qu'il m'a conféré, mais pour avoir composé la commission
artistique de collègues qui me sont très-chers et qui (plus heureux que
moi) sauront par eux-mêmes concourir efficacement à un si noble but.
» Veuillez me croire votre très-dévoué serviteur,
» G. Rossini, citoyen dArezzo.
» Passij de Paris, 21 août 1864. »
t*# On a exécuté dimanche dernier, dans l'église de Saint-Cloud, une
messe en musique de la composition de M. Albert L'hôte, musicien dis-
tingué, qui s'est fait connaître déjà par un certain nombre de mélodies
vocales et de morceaux de piano très-appréciés des artistes et des ama-
teurs. Cette messe a produit une très-bonne impression sur les audi-
teurs, principalement le Kyrie et l'O Salularis, ce dernier parfaitement
chanté par M. Portehaut, de l'Opéra. Les autres interprètes étaient des
amateurs dont nous regrettons de ne pas connaître les noms, car ils
ont fait preuve d'un talent véritable. A l'Offertoire, l'auteur, qui est un
des meilleurs artistes de l'orchestre du théâtre Italien, a exécuté lui-
même, avec beaucoup de charme, un solo de violon très-élégant et dé-
veloppé avec un goût exquis.
,% On nous écrit de Bordeaux : « Depuis longtemps Robert le Diable
n'avait pas été joué sur notre grand théâtre. Le chef-d'œuvre de Meyer-
beer vient d'être remonté par la direction, et la représentation dans
laquelle se sont distingués MM. Bertrand et Dermont, Mlle Olivier et
Mme Barbot, a été excellente. Entre le troisième et le quatrième acte,
une surprise attendait les spectateurs. Le rideau s'est relevé et a laissé
voir au fond de la scène un buste couronné : c'était celui de l'auteur
du chef-d'œuvre dont on venait d'applaudir l'acte le plus touchant et
le plus beau. Tout autour, les interprètes de la pièce s'étaient respec-
tueusement rangés. Des applaudissements unanimes ont éclaté de toutes
les parties de la salle, comme pour payer encore une fois un tribut
d'admiration et de reconnaissance au génie puissant et élevé qui nous
a causé si souvent de profondes et vives émotions, puis Ricquier-De-
launay s'est avancé et a lu des vers dus à M. Hippolyte Minier. De
nouveaux applaudissements ont accueilli les nobles et chaleureuses
paroles, auxquelles le public s'associait de cœur, et acclamé le nom
de l'auteur de ce poétique hommage. »
„% Les représentations données à Lyon par Adelina Patti font fureur,
et jamais salle de théâtre n'a été témoin d'un pareil enthousiasme,
tous les journaux de la localité s'en font l'écho. La recette de la repré-
sentation du Barbier, qui a suivi celles de la Lucie, a atteint le chiffre
inouï de 10,000 francs! Nous ne pouvons d'ailleurs mieux donner
l'idée de l'effet produit par la jeune cantatrice, qu'en reproduisant
l'appréciation du journal le Salut public, après la représentation du
Barbier :
« C'est bien la plus gentille espiègle qu'il soit possible de voir et
d'entendre. Elle a les plus charmants caprices et les plus gracieuses
mutineries. Tant de cantatrices ont fait de Rosine une astucieuse
rouée 1 II est bon de retrouver la naïve malice de ces beaux yeux qui
n'ont vu le monde qu'à travers les persiennes toujours closes de Bar-
tholo. La Patti prend à cette éternelle comédie du tuteur mystifié un
plaisir de rieuse pensionnaire. Elle dit le dialogue en français avec un
accent italien qui est comme une coquetterie de plus. La scène a été
jonchée de bouquets. La charmante cantatrice a fait entendre, dans la
scène de la leçon, une canzone délicieuse, où elle produit des imitations
de flûte tierce de l'effet le plus original, et une fort jolie valse de
Strakosch. — Strakosch est le beau-frère et le maître d'Adelina Patti.
C'est un pianiste d'un grand talent et un excellent musicien. Il a écrit
pour le piano de brillantes fantaisies et des études qui lui ont valu une
belle réputation. — Adelina Patti se fera entendre samedi dans le
Barbier de Scville et la Traviata. On parle même d'une cinquième re-
présentation, ce serait une charmante surprise. »
*% Le théâtre Rossini de Madrid vient de clore sa saison par une
brillante représentation de Fausto, dans laquelle les applaudissements
et les fleurs ont été prodigués à la Spezzia, à Tamberlick et Aldighieri.
— Mme Tedesco et Tamberlick sont déjà de retour à Paris; le célèbre
ténor et Mme Nantier-Didiée vont partir pour Saint-Pétersbourg où les
rappelle l'ouverture prochaine du théâtre impérial italien.
t*t Mlle Peschel, la charmante pianiste, de retour de Londres, est
passée à Paris cette semaine. Elle se rend à Bade, où elle est engagée
pour les derniers concerts de la saison.
*** Mme Yandenheuvel-Duprez, qui a passé une partie de l'été en
Suisse, est de retour à Paris.
„** A la suite du consentement gracieux donné par le gouvernement
français à l'exhumation des cendres deBellini et à leur translation à Ca-
tane, sa patrie, la municipalité de cette ville a voté des remercî-
ments à l'empereur Napoléon, et a décidé qu'une commission, compo-
sée du sénateur marquis San Giuliano, du chevalier Gravina, du baron
Bruca, du baron Spitalieri, du marquis Casalotto et du célèbre com-
positeur Pacini, se rendrait à Paris pour porter l'expression de la
reconnaissance de leurs compatriotes pour cette restitution courtoise,
et recevoir les restes précieux de l'auteur de Norma. Une somme de
30,000 francs est affectée aux frais de cette espèce d'ambassade artis-
tique et funéraire.
„% Le théâtre Victor-Emmanuel a ouvert sa saison par II Pirata e
Rodolfo di Gerolstein, ballet tiré des Mystères de Paris, et qui a pour au-
teurs Borri et Giorza. On s'est étonné qu'ayant à sa disposition des ar-
tistes comme la Lagrua et Zacometti, le directeur Martinotti, qui passe
pour habile, n'ait pas choisi pour sa réouverture Otello ou le Trovatore,
au lieu d'un opéra qui ne peut être goûté, s'il est interprété par des
acteurs secondaires, et qui par conséquent n'a pas fait d'effet. Au con-
traire., Rodolfo a obtenu un succès incontesté.
*** Après le beau concert du 8 de ce mois, dont nous avons rendu
compte, Alary en a donné un autre à Bade quelques jours après avec le
concours de Mmes Marie Battu, Lustani-Mendès et de MM. Delle-Sedie
et Stroeker pour la partie vocale; de M. et Mlle Heermann pour la
partie instrumentale. Onze morceaux composaient le programme, et
ont été admirablement interprétés par ces éminents artistes. Mlle Battu
s'y est. particulièrement distinguée, et S. M. la reine de Prusse a daigné
lui exprimer sa satisfaction par l'entremise de S. Exe. le comte de
Blùcher. Ces félicitations ont été, à quelques jours de là, renouvelées
de vive voix à la jeune cantatrice par la reine elle-même, qui l'avait
rencontrée dans la grande avenue de Lichtenthal.
*** On doit construire à Naples un nouveau théâtre qui s'appellera
théâtre Donizetti. Il est destiné aux compagnies françaises jouant la
comédie.
**t La Société chorale de Sainte-Cécile de Reims a donné récem-
ment une brillante soirée dans laquelle Mme Lafaix-Boisgontier a
chanté avec autant de talent que de distinction, et aux applaudissements
unanimes de l'auditoire, la Fête de Marie, mélodie religieuse d'Hocmelle,
et une chansonnette de son opéra. L'interprète n'a pas été moins ap-
plaudie que le compositeur. M. Hocmelle, organiste de Saint-Philippe
du Roule , a chanté aussi deux romances de lui, et fait entendre de
nouvelles productions pour l'orgue Alexandre sur lequel il excelle. Le
lendemain, l'éininent artiste a tenu l'orgue à la cathédrale pendant
qu'on exécutait une messe de sa composition.
a*,. L'ouverture du congrès musical italien, provoqué par le cercle
Bonamici, a eu lieu le 15 septembre, dans la grande salle du palais
municipal de Monte Olivetto. On remarquait dans l'auditoire très-nom-
breux un grand nombre de maestri venus de l'Italie supérieure et cen-
trale. Après un discours fort applaudi du maestro Taglioni, appelé
provisoirement au fauteuil de la présidence, le Congrès a été déclaré
ouvert et l'on a procédé à la nomination du président, du vice-président
et des autres fonctionnaires désignés par les statuts. La présidence
d'honneur a été décernée à Saverio Mercadante, aune grande majorité,
et le Maestro Taglioni a été confirmé dans ses fonctions de président; le
maestro Baretta, de Bologne, a été élu vice-président. L'assemblée s'est
ensuite ajournée.
„*;, Dans le compte rendu du festival de Birmingham, qui a duré
quatre jours, notre correspondant avait évalué la recette à 300,000 fr.
Elle a produit 12,725 livres 1 shilling 9 pence, soit 318,127 fr. 65 c.
„%, On écrit de Lyon que les débuts de l'acteur Cabel dans le Pos-
tillon de Longjumeau ont été l'occasion de scènes tumultueuses, à la
suite desquelles cet artiste a dû déclarer qu'il se retirait.
4% On écrit de New-York que, malgré la continuation de la guerre,
l'Opéra allemand a été installé à l'Académie de musique par MM. Gro-
ver, directeur, et Anschùtz, chef d'orchestre, et que l'ouverture a eu
lieu par Faust. — Du reste, les théâtres ne chôment pas non plus
dans le Sud. A Maçon, en Géorgie, le théâtre fait d'excellentes affaires.
Les places se paient 5 dollars et 3 dollars et demi (25 fr. et 17 fr. 50).
On y donne en ce moment la Dame aux Camellias, intitulée en an-
glais Camille.
„*,. Joseph Wieniawski (et non Henri, comme nous l'avons dit par er-
DE PARIS.
311
reur dans notre Jernier numéro), s'est fait entendre avec Servais et
Vieuxternps à Hombourg et à Ems. Son succès n'a pas été moins grand
au concert donne le 16 de ce mois dans la salle de la Redoute à Spa,
où il a exécuté, entre autres morceaux et aux applaudissements una-
nimes, avec Vieuxternps le duo pour piano et violon sur Obéron, com-
posé par Wolff et Vieuxternps. L'éminent pianiste est de retour à Paris.
**» Le célèbre éditeur Tito di Cio. Ricordi vient d'ouvrir à Naples
une succursale de son établissement de Milan. La direction en est con-
fiée à MM. P. Clausetti et Aless. Calabi.
**» Le concert des Champs-Elysées donne aujourd'hui dimanche sa
deuxième réunion musicale, de 2 à 5 heures. Dimanche dernier, l'orage
épouvantable qui a éclaté au commencement du concert n'avait pas arrêté
les dilettantes parisiens qui sont venus entendre et applaudir les mor-
ceaux choisis composant le programme. Demersseman, le célèbre
flûtiste, a produit le plus grand effet dans un solo de sa composi-
tion sur VArmide de Gluck. Aujourd'hui le trio et le finale de Guillaume
Tell seront exécutés, dans la deuxième partie du concert, par les trom-
bones François, Richir et Rome.
*** Le 15 de ce mois est mort à Berlin, à l'âge de soixante-dix ans,
M. W. Gaebrich, compositeur de mérite et ancien chef-d'orchestre
pour les ballets à l'Opéra royal de Berlin. Pendant les quarante ans
qu'il a été en activité, M. Gaehrich a composé un grand nombre de
ballets parmi lesquels il faut citer Don Quixote, Aladin et le Corsaire qui
ont obtenu de grands succès et sont restés au répertoire.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*% Marseille. — La distribution des prix du Conservatoire a eu lieu
mardi avec un éclat inaccoutumé. La salle Beauvau, gracieusement
mise à la disposition de l'autorité municipale par M. Défossez, réunis-
sait un public empressé et sympathique qui, par son aristocratique
composition, le nombre et l'élégance des toilettes féminines, donnait à
cette fête de famille l'aspect d'une véritable solennité. A deux heures,
la séance a été ouverte par un aimable boléro de la composition du di-
recteur M. Auguste Morel. M. Marius Roux, adjoint au maire, délégué à
la présidence, a prononcé ensuite un discours plein de conseils et d'en-
couragements aux jeunes élèves. Le concert qui suivait la distribution
a permis d'apprécier le sérieux mérite des jeunes lauréats et l'intelli-
gence avec laquelle l'instruction musicale est développée et menée à
bien par les professeurs du Conservatoire. Deux élèves de M. Bénédit
se sont distingués en chantant avec autant d'âme que de goût l'air de
Joseph et un air d'Othello. Trois virtuoses ont en outre charmé l'audi-
toire et ont obtenu tous trois les honneurs du rappel.
„% Le Havre. — Notre nouvelle troupe d'opéra a commencé ses re-
présentations par Robert le Diable, dont l'exécution a été satisfaisante.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„*,, Londres.— La nouvelle Compagnie d'opéra anglais ouvrira sa saison
au théâtre de Covent-Garden, le 15 octobre, par la Muette de Portici,
chantée par le ténor Adam, M. Weiss et Mme Parepa. L'œuvre d'Auber
sera suivie de Martha, de Flotow, chantée par MM. High, Lawrence,
Corri, Mmes Sherrington et Huddart ; un opéra nouveau composé par
Macfarren sur des paroles originales d'Oxenford: Helwehjn sera donné
ensuite, ainsi qu'un nouvel opéra de Bénédict, intitulé Esmeralda, et un
ouvrage en trois actes composé par Hatton sur le sujet du Val d'An-
dorre. On se propose de représenter également le Médecin malgré lui, de
Gounod, réduit en un acte. ■ — Le poëme du dernier ouvrage de Balfe,
Sleepina queen (Reine qui dort) n'est autre que celui de l'opéra-comique
Ne touches pas à la reine, joué avec tant de succès à Paris il y a quel-
ques années. — Un festival de chant de cinq mille voix aura lieu le 24
septembre au Crystal Palace, sous la direction de M. Martin. S. M. la
reine a autorisé M. Martin à comprendre dans son programme un cho-
ral inédit composé par feu le prince Albert, époux de la reine.
„,*„ Bruxelles. — Samedi 17 a eu lieu l'ouverture du théâtre allemand
par le Frcyschiitz, dont l'exécution a laissé à désirer sous le rapport
de l'orchestre et de la mise en scène. La représentation suivante se
composait de Don Juan et d'un ballet. Parmi les chanteurs de la
troupe formée par M. Hildebrandt, on a remarqué Mlle Lichtmay, qui
a interprété avec beaucoup de talent les rôles d'Agathe et de Dona
Anna, Mlle Ressert dans celui de Zerline, et Mlle Bevendorf, très-bonne
cantatrice. Quant au ténor, M. Lukas, il était indisposé, et M. Lang,
dans le personnage de Don Juan, manque de noblesse. — On annonce
la reprise du Prophète au théâtre de la Monnaie.
*** VVcimar. — F. Liszt se trouve ici et a fait entendre devant un
cercle d'intimes plusieurs nouvelles et remarquables compositions pour
orgue et pour piano. 11 a apporté entièrement achevée l'œuvre la Lé-
gende de sainte Elisabeth, qu'il a composée à Rome, et s'occupe à ter-
miner l'oratorio Jésus-Christ. — L'opéra de la cour a ouvert sa saison
par la Fille du Régiment, qui sera suivie des Noces de Figaro, Slradella,
la Malédiction du poète, de Langert, et un nouvel opéra de Cornélius,
intitulé le Cid.
„.*.,. Leipzig. — Au premier concert du Geicamlhaus, qui aura lieu le
6 octobre, se fera entendre Charles Halle, l'éminent pianiste allemand,
qui s'est fixé en Angleterre. — Le maître de chapelle B. Bilse, de Lieg-
nitz, se trouve ici, avec sou orchestre et donne des concerts qui sont
très-suivis.
**„ Berlin. — La reprise de Fra-Diav«lo, remonté avec beaucoup de
soin à l'Opéra royal, a obtenu du succès, bien que l'exécution ait
laissé beaucoup à désirer. Mlle Lucca y a fait preuve d'une souplesse de
talent aussi admirable qu'étonnante. Il est rare qu'une artiste qui mon-
tre tant d'expression dramatique dans le rôle de Valentine, des Hugue-
nots, puisse jouer et chanter avec tant de verve et de vérité celui de
Zerline dans Fra-Diavolo. — Guillaume Tell, Struensée, avec la musique
de Meyerbeer, Hans Heiling et le ballet Morgano ont été également re-
présentés cette semaine au même théâtre. — Par ordre de la maison du
Roi, le buste de Meyerbeer sera placé dans la salle des concerts du
Schauspielhaus.
**„, Vienne. — Le ténor Ander, entièrement rétabli de la grande ma-
ladie qui l'avait tenu éloigné de la scène, est rentré dans Guillaume Tell.
Il a été accueilli de la façon la plus chaleureuse. — Les Fées du Rhin,
opéra d'Offenbach, a été revu avec grand plaisir, — On répète l'opéra
de Loew e, Concino Concini. — Au Carl-Theater, Franz Schubert, l'opérette
de Suppé, obtient beaucoup de succès. On y a utilisé habilement cinq
des plus belles mélodies de Schubert. Le célèbre, compositeur lui-
même est mis en scène, et l'excellent acteur Charles Treumann qui le
représente est étonnant de verve et aussi de ressemblance avec cette
figure de Franz Schubert, restée si populaire à Vienne.
j% Prague. — Naudin vient de terminer ses représentations avec le
succès le plus éclatant. Par la délicatesse infinie de ses nuances dans
l'emploi de la voix claire et sombre, par l'union merveilleuse des regis-
tres, enfin, par la méthode la plus parfaite, Naudin a captivé aussi
bien le public que les musiciens de profession. Ses représentations fe-
ront époque dans les annales de notre théâtre.
Avis à î33H. les Eullfears de musique.
MM. Brandus et Dufour ont fait saisir, chez deux éditeurs de Paris,
les contrefaçons d'un air de ballet de la Muette de Portici, le «SAL.EO,
utilisé plus tard par M. Auber, pour le chant, dans le Domino noir. Ces
contrefaçons ayant été publiées de bonne foi et dans la fausse idée que
c'était un air national intercalé par M. Auber dans son opéra, tandis
qu'il est entièrement dû à l'illustre compositeur, MM. Brandus et Du-
four n'ont point voulu intenter d'action judiciaire aux éditeurs qui
l'avaient contrefait, et ils ont transigé avec eux. Mais comme ils sont
informés qu'induits pareillement en erreur, quelques autres de leurs
confrères ont placé cet air dans des collections et des méthodes,
MM. Brandus et Dufour, auxquels il répugne de faire pratiquer de nou-
velles saisies, les prient de s'entendre avec eux pour sa suppression
partout où il en aurait été fait usage.
Le Directeur : S. DUFOUIt.
En vente chez J. TRESSE, galerie de Chartres, 2 et 3, Palais-Royal.
MEYERBEER
Notes biographiques
Par ARTHUR POUGIN
Prix : 1 franc
512
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
En vente chez GAMB0G1 frères, éditeurs, 112, rue de Richelieu (Maison Frascali), Paris.
DON PASOUALE
Opéra bouiïe en trois actes, paroles françaises de
et G. ÏAEZ,
MUSIQUE DE
G. DONIZETTI
Représenté à Paris pour la première fois (en français) au théâtre Lyrique impérial, le 9 septembre 1864.
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Ouverture par Labarre 6 »
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Benedict (J.). Nocturne 6 »
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Berttnl. Op. 446. Sérénade variée... 7 50
Donlzettl. Suite de valses 7 50
Goldscumidt. Op. 4. Fantaisie bril!. 9 »
Herz (Henri). Op. 134. Fantaisie brill. 9 »
Kontskl (A. de). Op. 97. Gr. fantaisie 9 »
Labarre. Valse 3 »
Lecarpentier. Op. 72. Sérénade et
rondo 6 »
SUITE DU PIANO SEUL
1 2° bagatelle sur la sérénade
(très-facile) 5 »
Louis (N.). Op. 127. Rondo 5 »
Micucnx . Op. 77. Trois fantaisies :
1 . Très-facile 5 »
2. Facile 5 »
3 . Morceau de salon 5 »
Prudent. Op. 13. Quatuor varié... 9 »
Rosellen. Op. 53. Fantaisie 9 »
Thalberg. Op. 67. Grande fantaisie 40 »
— Op. 67 bis. Sérénade extraite.. 7 50
Vos» (Ch.). Op. 146. Grande fantaisie
brillante 7 50
Wolff. Op. 81. Boléro 6 »
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Donlzettl. Suite de valses
Louis (N.). Op. 434. Variations brill.
Bosellen . Op . 53 . Fantaisie
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Daussoigne-Mébul. Fantaisie avec
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Engel. Fantaisie (solo)
Frelon. Quatuor transcrit avec piano
Lef ébure-Wély . Op. 27. Fantaisie
(solo)
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Le Journal paruit lr Dininnrhe.
DE PARIS
SOMMAIRE . — Biographie universelle des musiciens : François- Joseph Fétis
(3e article). — Théâtre des Bouffes - Parisiens : réouverture; le Manoir des
La Renardière, opérette -bouffe en un acte, paroles de M. Mestépès, musique
de M. Emile Jonas. — Devienne (4° article), par Arthur Pongin. —
Revue critique. — Nouvelles et annonces.
BIOGRAPHIE UNIVERSELLE DES MUSICIENS.
(SECONDE ÉDITION.)
FÉTIS (Français- Joseph) .
(3e article) (1).
Vers la fin de 1826, engagé dans de grands travaux de différents
genres, il conçut un projet que plusieurs de ses amis condamnèrent
comme téméraire, et dont ils considérèrent la réalisation comme im-
possible : ce projet était celui d'un journal uniquement consacré à
la musique. Jamais publication de ce genre n'avait pu subsister en
France, car personne (les musiciens pas plus que d'autres) ne lisait ce
qui concerne la musique, et l'on ne croyait pas qu'il fût possible de
former une classe de lecteurs pour un écrit spécialement consacré à
cet art. Dans le premier projet de Fétis, Castil-Blaze devait s'asso-
cier à lui, et se charger de rendre compte des représentations d'o-
péras et des concerts. Mais des engagements antérieurs ne permi-
rent pas à ce critique de prendre part à la nouvelle entreprise
projetée, et Fétis prit dès lors la résolution de faire seul ce journal,
convaincu qu'il y aurait, dans l'unité de doctrine et de vues d'un
tel écrit, avantage pour le public et pour l'art. C'est contre ce projet
gigantesque que s'élevèrent les amis de Fétis, persuadés que les
forces d'un seul homme ne pourraient y suffire. Cependant, ils ne
purent ébranler sa résolution, et la Revue musicale parut pour la
première fois au commencement du mois de février 1827, et fut
continuée sans interruption jusqu'à la fin de la huitième année, au
mois de novembre 1835. A l'exception de dix ou douze articles, Fétis
rédigea seul les cinq premières années, dont l'ensemble forme en-
viron la valeur de huit mille pages, in-8° ordinaire. Pendant les trois
(1) Voir les n01 38 et 39.
premières années, il donna chaque semaine vingt-quatre pages d'im-
pression, d'un caractère petit et serré, et la quatrième année, trente-
deux pages d'un plus grand format. Pendant ce temps, il lui fallut
assister à toutes les représentations d'opéras nouveaux, aux reprises
des anciens, aux débuts des chanteurs, aux concerts de tout genre,
visiter les écoles de musique , s'enquérir des nouveaux systèmes
d'enseignement, visiter les ateliers des facteurs d'instruments pour
rendre compte des nouvelles inventions ou des perfectionnements,
analyser ce qui paraissait de plus important dans la musique nou
velle, lire ce qui était publié, en France ou dans les pays étran-
gers, sur la théorie, la didactique ou l'histoire de la musique, pren-
dre connaissance des journaux relatifs à cet art publiés en Allemagne,
en Italie et en Angleterre, et même consulter un grand nombre de
Revues scientifiques, pour les faits négligés par ces journaux ; enfin,
entretenir une correspondance active, et tout cela sans négliger les
devoirs de professeur de composition au Conservatoire, et sans in-
terrompre d'autres travaux sérieux. Quelquefois même, des circon-
stances inattendues l'obligeaient à entreprendre des ouvrages aux-
quels il n'était pas préparé; c'est ainsi qu'en 1828 il écrivit un
mémoire de 56 pages in-4°, sur une question mise au concours par
l'Institut des Pays-Bas, concernant le mérite et l'influence des musi-
ciens belges pendant les xive, xve et xvie siècles, et qu'en 1839 il
céda aux instances d'un libraire, en composant la Musique mise à
la portée de tout le monde, ouvrage destiné à donner des notions de
toutes les parties de la musique aux personnes qui ne sont pas mu-
siciennes. Il était peut-être impossible qu'au milieu de tant d'activité
et dans une rédaction si rapide, il ne se glissât point des erreurs de
faits, et sans doute on peut en signaler plusieurs ; mais il ne faut
pas oublier que souvent les articles étaient improvisés dans l'impri-
merie, lorsque la copie manquait pour remplir le journal, ou lorsque
quelque circonstance obligeait à changer inopinément, et au moment
de mettre sous presse, la disposition primitivement adoptée.
Des négligences de style se font aussi remarquer dans la rédac-
tion de la Revue musicale ; les mêmes considérations peuvent peut-
être leur servir d'excuse. Il est bon de remarquer d'ailleurs que,
pendant plusieurs années, Fétis a rédigé le feuilleton musical du
journal intitulé le Temps, conjointement avec la Revue, et qu'il a
même plusieurs fois écrit trois articles dans le même jour sur un
opéra nouveau; de ces trois articles, qui formaient ensemble à peu
314
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
près vingt -cinq pages in-8" d'impression, un était destiné à la Revue
musicale, le second au Temps, le troisième au National ; dans cha-
cun d'eux, l'ouvrage était considéré sous un aspect différent; tous
les trois paraissaient le même jour, c'est-à-dire le surlendemain de la
représentation. Malgré ses imperfections, la Revue musicale a joui
de beaucoup de faveur auprès des amateurs de musique; aujour-
d'hui même qu'elle a cessé de paraître, parce que, éloigné de Paris,
son ancien rédacteur n'y pouvait plus donner de soins, elle est con-
sidérée comme un livre de bibliothèque ; les exemplaires en sont re-
cherchés et se vendent cher, parce que toutes les questions de
quelque importance y ont été agitées et traitées avec développe-
ment, et parce qu'on y aperçoit partout les vues consciencieuses
d'un artiste qui se dévoue à son art. Ce journal a d'ailleurs pro-
duit un grand bien en France ; il y a augmenté le nombre des ama-
teurs de musique, a échauffé leur zèle, fait fonder en beaucoup de
lieux des écoles et des concerts publics ; a formé des lecteurs à la
littérature musicale et des critiques pour les journaux ; l'érudition
en musique a même fait tant de progrès parmi les Français, depuis
la publication de la Revue, que les livres qui y sont relatifs, et qui
étaient autrefois dédaignés, se vendent maintenant à des prix très-
élevés.
Dans plusieurs écrits, Fétis avait essayé de démontrer que l'his-
toire de l'art indique un développement progressif dans les formes,
et d'avancement dans les moyens, mais qu'il n'y a eu que transfor-
mation dans l'objet, qui est d'émouvoir. Il lui semblait d'autant plus
nécessaire d'insister sur ce point, que des préjugés contraires, ré-
pandus non-seulement parmi les gens du monde, mais aussi chez les
artistes, font considérer la musique comme étant dans une progres-
sion incessante ; ce qui a pour résultats inévitables de faire rejeter
comme suranné tout ce qui n'est pas de l'époque actuelle, d'ébran-
ler la foi de l'artiste en la réalité de son art, de ne présenter les
émotions de générations passées que comme de puériles illusions,
enfin, de n'offrir l'histoire des monuments de la musique que comme
celle de tristes débris d'un monde à jamais oublié. Si des acquisi-
tions de moyens physiques sont faites, on perd, en mettant trop de
prix à ces moyens, du côté de la naïveté de la pensée; on se for-
mule, et l'état d'excitation dans lequel on se tient incessamment
émousse le principe de la sensibilité. Cette opinion toutefois faisait
peu de conversions, parce qu'elle avait à combattre une actualité
sans cesse agissante. En 1832, Fétis conçut le plan de ses concerts
historiques, comme le meilleur moyen de triompher des résistances
des plus incrédules. Cette heureuse idée, accueillie avec enthou-
siasme, a porté ses fruits, et les concerts de la musique des xvie et
xvne siècles, ainsi que celui de l'origine et des développements de
l'Opéra en Italie, en France et en Allemagne, ont prouvé, par le vif
intérêt qu'ils ont excité, que les assertions de Fétis , à l'égard des
qualités distinctives de l'art à toutes les époques, étaient dans le
vrai. Et pourtant, malgré ses soins, il ne put parvenir qu'à une exé-
cution fort imparfaite, à cause de la difficulté de faire les études
convenables pour bien rendre la musique ancienne, à moins que ce
ne soit dans une école dirigée par une intelligente et puissante vo-
lonté. D'après le succès éclatant obtenu par ces concerts en l'état
d'imperfection où il a fallu les donner, on peut juger de l'effet pro-
digieux qu'ils auraient produit si les morceaux de musique y eussent
été rendus avec le fini, l'ensemble désirable, et dans leur véritable
sentiment. Cette belle œuvre d'art se réalisera peut-être quelque
jour.
Peu de temps après que le premier concert historique eut été
donné, et après avoir vu son succès, Fétis voulut essayer l'effet que
produirait sur un certain nombre d'artistes et d'amateurs un cours
de la philosophie et de l'histoire de la musique, établi sur un en-
semble nouveau d'idées et de faits, résultat de vingt années de ré-
flexions et de travaux ; il ouvrit ce cours gratuit au mois de juillet
1832. Dans les leçons qu'il y fit, il n'aborda que quelques-unes des
questions qui sont l'objet de l'ouvrage qu'il publiera sous le titre de
Philosophie de la musique; mais ces questions excitèrent le plus vif
intérêt. Il établit : 1" que l'oreille n'est qu'un organe de perception
qui n'apprécie pas les rapports des sons, et que cette appréciation
est l'acte d'une faculté spéciale; 2° que cette faculté d'appréciation
des rapports des sons n'établit pas d'une manière absolue les idées
de convenance ou d'inconvenance de ces rapports, mais qu'elle for-
mule ces idées en raison de l'ordre de faits au milieu desquels se
trouve placé l'individu soumis à l'action des sons et des habitudes de
perception qu'il a contractées dès sa naissance ; assertion qu'il dé-
montrait par la diversité des échelles musicales en usage chez diffé-
rents peuples, et par les sensations opposées qu'elles développent
chez les individus qui y sont accoutumés et chez ceux qui y sont
étrangers. Cette considération le conduisit à examiner les conforma-
tions des différentes échelles de sons qui ont été en usage jusqu'à
ce jour ; il démontra que chacune a été destinée à un objet particu-
lier ; enfin que, chacune, suivant sa constitution, a eu des résultats
nécessaires et conformes à cet objet. 3° Il classa ces échelles musicales
en rationnelles et irrationnelles, inharmoniques et harmoniques, et fit
voir que ce n'est pas seulement par la nature des intervalles des sons
que chacune de ces gammes a un caractère particulier, mais aussi
par l'ordre dans lequel ces intervalles sont rangés ; car la gamme
moderne du ton d'ut majeur, par exemple, étant commencée par fa,
la tonalité change à l'instant, parce que l'ordre des intervalles est in-
terverti; les mélodies deviennent étranges, et la plupart des com-
binaisons et des successions harmoniques cessent d'exister. Telle est
la constitution d'une gamme majeure de la musique des Chinois.
Cette considération conduisit le professeur à faire remarquer que la
division mathématique d'une corde et les rapports de nombres par
lesquels se déterminent les proportions des intervalles, sont impuis-
sants à former une échelle musicale, parce que, dans ces opérations
numériques, les intervalles se présentent comme des faits isolés,
sans liaison nécessaire entre eux, et sans que rien détermine l'ordre
dans lequel ils doivent être enchaînés; d'où il conclut que toute
gamme ou échelle musicale est le produit d'une loi métaphysique,
né de certains besoins ou de certaines circonstances relatives à
l'homme. C'est ainsi qu'il fit voir que les dispositions lascives des
peuples orientaux ont donné naissance aux petits intervalles de leur
chant langoureux; que le découragement des peuples asservis a
fait naître chez tous les gammes mineures ; enfin, que le caractère
de dévotion grave et de calme résignation, qu'on trouve dans la
prière des chrétiens catholiques romains, a donné naissance à la to-
nalité du plain-chant, dépouillé de tout accent passionné. h° Cette
tonalité du plain-chant servit au professeur à démontrer invincible-
ment que toute échelle musicale engendre des faits analogues à sa
nature; ainsi, la note sensible n'existant point avec un rapport au
quatrième degré, dans cette tonalité, l'harmonie ne pouvait être que
consonnante, et seulement mêlée de dissonances artificielles de pro-
longation. Or, dans un tel système de musique, il n'y avait point de
modulation possible, car toute modulation se fait par l'harmonie
dissonante naturelle de la dominante; s'il y avait quelquefois un
changement de ton dans la musique de la tonalité du plain-chant,
ce changement se faisait sans liaison, car l'élément de la transition
n'existait pas, et les efforts de Vicentino, de Marenzio et d'autres,
pour faire de la musique chromatique, échouèrent contre cette diffi-
culté, ce que n'ont pas vu ceux qui ont parlé de ces choses. Il suit
de là que la musique composée dans le système de la tonalité du
plain-chant est unilonique, c'est-à-dire d'un seul ton. 5° Lorsqu'un
compositeur osa faire entendre dans les dernières années du
xvie siècle l'harmonie dissonante naturelle, il crut ne faire qu'une
DE PARIS.
315
nouveauté hardie d'harmonie ; mais il changea tout à coup la tona-
lité, en créant la véritable note sensible, par son rapport avec le
quatrième degré. Dès lors l'accent passionné fut trouvé ; la musique
dramatique en fut le résultat immédiat, et la musique religieuse
commença à s'altérer, en perdant son caractère calme et grave;
l'élément de la transition existait, et la musique devint transitaniquc.
Tout était lié dans ce nouveau système comme dans le précédent.
6° Plus tard, le désir de multiplier les accents passionnés a fait ima-
giner d'altérer les notes naturelles dos accords, pour leur donner des
attractions ascendantes ou descendantes ; au moyen de ces attrac-
tions, appelées enharmonies, on est parvenu à multiplier les rela-
tions d'un ton avec d'autres tons; de telle sorte qu'une même note
et une même harmonie peuvent se résoudre en plusieurs tons diffé-
rents; d'où résulte un système de tonalité multiple désigné par Fétis
sous le nom d'ordre pluritonique. Ce système est celui qui est main-
tenant communément employé. Ce professeur, l'imaginant à priori
poussé jusqu'à ses dernières limites, l'a formulé de cette manière :
Un son étant donné, trouver des combinaisons harmoniques par les-
quelles il puisse se résoudre dans tous les tons, et dans tous les
modes, et il a trouvé toutes ces combinaisons en généralisant le prin-
cipe de l'altération. Ainsi s'est trouvé complété de la manière la plus
absolue, le système général de la génération harmonique qu'il avait
commencé à formuler en 1816. L'étonnement de son auditoire fut
porté à l'excès quand on entendit quelques-unes de ces combinai-
sons, dont les résolutions étaient complètement inattendues. Fétis a
donné le nom d'omnitonique à ce système de succession harmonique.
S'arrêtant à ce point où il était arrivé, il a fait remarquer que tout
ce qu'il venait d'avancer, sut ces diverses transformations de tona-
lité, était prouvé par les monuments de l'histoire de l'art. C'est aussi
en cet endroit qu'il a démontré que dans l'ordre pluritonique, et,
à fortiori, dans l'omnitonique, la justesse invariable, c'est-à-dire la
proportion exacte des intervalles , n'existe pas plus que le tempéra-
ment, parce que les altérations momentanées des notes des accords
font naître de perpétuelles appellations ascendantes ou descendantes,
qui obligent les musiciens doués d'un instinct délicat à modifier in-
cessamment les intonations. Depuis lors il a fait une suite d'expé-
riences très- minutieuses par lesquelles il est parvenu à déterminer
le nombre de vibrations dont les notes altérées diffèrent en raison
de leurs combinaisons et de leurs résolutions. Le système d'harmonie,
et celui de contre-point ou de l'art d'écrire, exposés dans les livres
publiés par Fétis, ou inédits, ainsi que son Histoire générale de la
musique, ne sont que les développements de cette philosophie des
tonalités, et des rapports de celles-ci avec l'organisation humaine.
Un travail analogue a été fait par lui sur la mesure, le rhythme et
la sonorité, matières neuves qui, développées dans la Philosophie de
la musique, feront connaître à priori la destination future de l'art,
et qui pour la première fois présenteront cet art dans un système
homogène et complet, d'accord avec ce qu'enseigne l'expérience de
tous les temps et avec les faits historiques.
(La suite prochainement.)
THEATRE DES BOUFFES -PARISIENS.
RÉOUVERTURE.
liE KAKOIB DES LA RENARDIERE,
Opérette-bouffe en un acte, paroles de M. Mestépès, musique de
M. Emile Jonas.
(Première représentation le 29 septembre 1864.)
Annoncée d'abord pour le 20 septembre, la réouverture des Bouf-
fes-Parisiens a eu lieu le 29, non sans quelques tiraillements provo-
qués par le changement de direction de ce théâtre. Nous nous abs-
tiendrons de rechercher les causes de la petite révolution de palais
qui a décidé M. Varney à donner sa démission, et brouillé Jacques
Offenbach avec le théâtre. 11 ne nous appartient pas de mettre im-
prudemment notre doigt entre l'arbre et l'écorce ; tout ce que nous
pouvons faire, c'est de juger la nouvelle direction selon ses œuvres,
et nous userons de ce droit-là.
Ainsi, il avait été question d'un opéra-féerie, de Grisar, pour le
début de la saison ; et, au lieu de cela, que nous ont-ils donné ?
Deux reprises d'anciennes pièces, M'sieu Landry et les Dames de la
Halle, plus une nouveauté en un acte, le Manoir des la Renardière.
Franchement, le programme laissait à désirer.
Nous croyons d'ailleurs que la direction est bien près de se four-
voyer en prenant pour enseigne la fantaisie sans Offenbach. Certes,
même avec l'auteur d'Orphée, c'est un genre dont il ne faut pas abu-
ser; mais, en dehors de lui, il n'en faut pas user du tout.
Le Manoir des la Renardière ne supporte guère l'analyse ; c'est ce
qu'on appelle vulgairement une scie montée par un petit paysan amou-
reux, pour dégoûter des marchands de la rue Saint-Denis de venir
habiter un château qu'ils ont acquis à beaux deniers comptants. Le
marquis et la marquise de la Renardière, escortés d'un crétin de va-
let qui est épris des charmes plantureux de sa maîtresse, résistent
tout d'abord au mauvais vouloir de leurs vassaux; mais le hé-
ros d'une certaine ballade vient les hanter pendant leur sommeil,
sous la forme d'un pendu, et ils se hâtent de déguerpir au petit jour,
abandonnant la place à leurs matois persécuteurs.
L'auteur de la musique de cet opéra bouffe est M. Emile Jonas,
professeur au Conservatoire, dont le talent, fin et distingué, était
digne de rencontrer un canevas mieux approprié à ses aptitudes. Il
est vrai que, dans la première partie surtout, la situation hésite à
tourner au burlesque, et que presque tous les morceaux, placés au
commencement de la pièce, reposent sur une idée plutôt gracieuse
que bouffonne ; aussi M. Jonas a-t-il tiré un excellent parti de deux
gentils couplets pour voix de femme, d'un duetto et d'un terzetto
qui se succèdent avant l'entrée des la Renardière. Nous aimons
moins cette entrée avec accompagnement de trompettes à treize sons,
et la ballade du pendu, dont nous donnerions volontiers tous les ef-
fets tapageurs pour quelques mesures d'une marche en sourdine
très-réussie, ou pour une seule phrase de l'ouverture écrite avec
soin dans le style archaïque qui convient à cette plaisanterie féo-
dale.
Un début surprenant, inattendu, a été, à coup sûr, celui de
Mlle Clarisse Miroy dans le rôle de la marquise de la Renardière.
Si l'affiche n'en avait fait foi, on aurait eu peine à reconnaître, dans
cette virago de carnaval, la touchante interprète de la Grâce de
Dieu, ou l'héroïne dramatique qui donnait si noblement la réplique
à Frederick Lemaître dans ses plus saisissantes créations. Convenons-
en néanmoins, sous quelque aspect qu'elle se présente, Mlle Clarisse
Miroy a dans les veines du véritable sang d'artiste, et nous pensons
qu'elle peut rendre d'utiles services, même aux Bouffes-Parisiens.
Une autre débutante, Mlle Lovato, jeune ingénue, sortie récemment
du Conservatoire, à la voix sympathique, n'a pas été moins bien
accueillie. Quant à Mlle Irma Marié , à Désiré , Messmackre et
Mlle Simon, on les a revus avec plaisir comme d'anciennes connais-
sances.
316
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
DEVIENNE.
(4e article) (1).
Par celle substantielle analyse, le lecteur peut se rendre compte
de la valeur très-réelle de l'excellente partition des Visitandines . On
a vu plus haut que cet opéra avait été très-accueilli parla critique —
telle qu'elle existait à cette époque ; il ne le fut pas moins par le
public, et quarante-huit représentations de l'ouvrage données du
7 juillet, jour de sa création, au 30 décembre 1792 , attestent suffi-
samment son succès. Mais ce succès ne se borna pas là. Devienne
avait donné à Feydeau, le 10 décembre de la même année, une pe-
tite pièce en deux acles, les Quiproquos espagnols, dont Dejaure,
qui fut le collaborateur de Kreutzer, de Berton et de Boïeldieu, avait
écrit le poëme. Cette bluette fit une chute à peu près complète et
ne fut jouée que trois fois. Devienne reprit alors en sous-œuvre,
avec son ami Picard, les bienheureuses Visitandines ; un acte fut
ajouté à la pièce, et celle-ci fut représentée sous cette nouvelle
forme le 5 juin 1793. Chose bien rare, l'ouvrage, ainsi transformé,
fut accueilli par le public avec une nouvelle faveur et obtint un re-
gain de succès qui se traduisit par plus de soixante représentations .
Il n'en avait pas moins en province, où on le jouait partout, et à
Paris même, lorsque de nombreux théâtres se furent établis à la
suite du système de liberté créé par la Convention, c'était à qui
monterait cet opéra, dont la foule était affolée. le remarque, entre
autres, le théâtre lyri-comique (ci-devant Mareux, rue Saint-Antoine,
46), qui reprit les Visitandines le 29 floréal an VII, et le théâtre
Louvois, qui, le 20 pluviôse de la même année, faisait avec elles sa
réouverture.
Et ce ne fut pas là une fureur d'un moment; on peut dire que
peu d'œuvres dramatiques ont eu une carrière aussi longue et aussi
fortunée. Remontées et offertes de nouveau au public de l'Opéra-
Comique le 5 février 1809, interdites, en raison du sujet de la pièce,
pendant tout le règne de Louis XVIII, reprises au même théâtre le
5 mars 1815, avec quelques changements et sous le titre du Pen-
sionnat de jeunes Demoiselles (1), les Visitandines furent jouées de
nouveau à l'Odéou sons un troisième titre, les Français au Sérail,
le 28 juin suivant (2). Enfin, la dernière reprise de l'ouvrage eut
lieu au théâtre Lyrique le 11 février 1852, juste soixante ans après
sa création. En matière d'art, le succès ne répond pas toujours à la
valeur du travail de l'artiste; mais pour qu'une œuvre, une œuvre
musicale surtout, atteigne ce degré de longévité, il faut, nul ne peut
le nier, qu'elle renferme des qualités sérieuses, et qu'elle soit édifiée
sur des bases solides et inaltérables.
La partition des Visitandines a été gravée et dédiée par Devienne
« à M. Louis Maillard, » son beau-père. Je ne dois pas oublier de
mentionner que l'ouvrage, présenté d'abord par les auteurs aux ar-
tistes sociétaires du théâtre Favart, avait été refusé par ceux-ci, qui
se mordirent les doigts de leur maladresse en voyant leurs camara-
des de Feydeau encaisser avec lui de magnifiques recettes.
(1) Voir les n01 31, 32 et 39.
(1) Les modifications apportées au poëme avaient été opérées par Vial, mais la
musique avait été scrupuleusement respectée. Les rôles étaient tenus alors par
Ponchard, Féréol, Cassel, Vizentini, Darancourt, et Mmes Paul, Belmont et Ca-
simir. A la création, les principaux personnages avaient été remplis par Ga-
veaux, Châteaufort, Mmes Scio et Verteuil.
(2) Cette fois, les changements étaient plus considérables, et la pièce avait été
réduite en un acte. Tois hommes de lettres avaient cru devoir prendre part à
cette transformation : c'était Hyacinthe, Albertin et Fleury.
III.
Devienne avait trente -deux ans seulement lorsqu'il remporta, avec
ses charmantes Visitandines, un de ces succès qui marquent et font
époque, non-seulement dans la vie d'un artiste, mais encore dans
l'histoire de l'art. Dans cet ouvrage, en effet, Devienne semblait, pour
la solidité du fond aussi bien que pour l'élégance et la beauté de la
forme, procéder directement de l'aimable auteur de Biaise et Babet et
des Trois Fermiers, de Dezèdes en un mot, lequel, lui-même, procédait
de Philidor, artiste ignoré et méconnu aujourd'hui , mais qui demeure
néanmoins l'un des musiciens les plus complets et les mieux doués
dont la France ait jamais pu s'enorgueillir. Cette brillante victoire lui
ouvrait une carrière belle et souriante ; aussi, à partir de ce moment,
sa réputation fut-elle solidement établie, et fut-il considéré comme
l'un des soutiens futurs les plus dignes et les plus fermes de la jeune
école musicale française, de cette école qui commençait à se renou-
veler vaillamment à la faveur du régime de liberté appliqué au théâ-
tre, et à la tête de laquelle on allait voir se placer bientôt Méhul,
Cherubini, Lesueur, Berton, Boïeldieu, Nicolo, entourés de beaucoup
d'autres moins célèbres, mais dont le talent, pour n'être pas aussi
complet, n'en était pas moins très-réel et très-vivace.
Le hasard voulait justement que Devienne se trouvât bientôt en
contact immédiat avec quelques-uns de ses confrères qui, plus heureux
que lui, étaient appelés à vivre assez pour avoir le temps d'affermir
leur renommée et de forcer la postérité à conserver le sou-
venir de leur nom et de leurs travaux. Il allait entrer eu collabora-
tion avec onze autres compositeurs pour la partition d'un de ces
ouvrages baroques comme on en voit tant naître dans les temps de
troubles civils, ouvrage dont la destinée devait être bien éphémère,
et que tout le talent des musiciens fut impuissant à sauver du nau-
frage.
Le 8 ventôse an II (26 février 1794), le théâtre Favart, qui avait
pris depuis peu le titre $ Opéra-Comique national, représentait pour
la première fois une pièce en trois actes intitulée le Congrès des Rois.
Les paroles de cette insanité ridicule, qui n'était qu'un amas de sottes
caricatures, et dans laquelle les rois européens et leurs maîtresses, le
pape et Cagliostro, le bonnet rouge et la carmagnole étaient tour à
tour présentés au public, étaient de Desmaillots, et la musique avait
été écrite par Grétry, Méhul, Dalayrac, Kreutzer, Deshayes, Solié,
Eevienne, Berton, Jadin, Trial fils, Cherubini et Blasius.
Le Journal de Paris du 13 ventôse s'exprime ainsi au sujet du
Congrès des Rois, après en avoir donné l'analyse : « La musique de
cette pièce composée en commun par plusieurs auteurs célèbres, a
été fort applaudie ; mais vers le milieu du troisième acte, le public
a commencé à témoigner son impatience ; et la mauvaise exécution
du dernier ballet a excité un mécontentement général qui a empêché
de finir la pièce. »
Au reste, elle fut défendue, ainsi que nous l'apprend l'almanach
intitulé les Spectacles de Paris : « Pièce mal accueillie,— dit-il en la
mentionnant, — et arrêtée, par ordre, au moment où nous écrivons. »
Le 21 thermidor an II (9 août 1794) , Deviennne donne à Fey-
deau Rose et Aurèle, pièce en un acte qu'il avait faite en collabora-
tion avec Picard, et qui obtint un certain succès , malgré le peu
d'intérêt répandu dans le poëme et la faiblesse de la partition, qui
était à peu près nulle.
Un ouvrage beaucoup plus important, Agnès et Félix ou les Deux
Espiègles, représenté au même théâtre le 5 fructidor an III (22 août
1795), n'eut pas un sort aussi heureux. La quasi-chute de cette pièce
fut provoquée par les allures beaucoup trop libres, le dialogue plus
que décolleté du poëme, dû pourtant à l'écrivain chaste et filandreux
DE PARIS.
317
qui devait, quelques années plus tard, donner le jour aux insipides
et trop célèbres Lettres à Emilie.
Tous les journaux du temps s'accordent à trouver la pièce détes-
table : la Décade dit que « le style en rappelle trop souvent le mot
de Beaumarchais : Ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le
chante; » et Babault , dans ses Annales dramatiques , assure que
« l'intrigue de cet ouvrage est mal conduite », en ajoutant que « la
musique a eu du succès. »
Devienne, en cette occasion, comme en la suivante, subit donc le
sort de beaucoup de musiciens et paya pour son collaborateur.
Le 2 germinal an V (22 mars 1797), il donnait à FavarL un acte
intitulé Volécour ou Un tour de Page, que le misérable poème de
Favières faisait encore tomber, bien que ce petit ouvrage fût joué
par l'élite de la troupe , Michu , Chenard , Solié , Saint- Aubin ,
Mmes Carline et Lefebvre.
Malgré quelques changements opérés dans le poëme à la seconde
représentation, Volécour ne put se soutenir à la scène et ne fut
joué que trois fois.
Arthur POUGIN.
{La suite prochainement.)
REVUE CRITIQUE.
A. Jaël. — Nocturne dramatique, pour piano.
Non - seulement Alfred Jaël est un éminent pianiste, dont la ré-
putation, consacrée par les nombreux succès qu'il a obtenus à Paris,
est devenue européenne depuis ses récents voyages à l'étranger, mais
il est aussi compositeur très- distingué; nous n'en voulons pour preuve
que ses œuvres dernières, ses transcriptions du Pardon de Plo'érmel et
du Prophète, ainsi que son morceau de salon, le Carillon. Il faut au-
jourd'hui ajouter à cette liste d'oeuvres vraiment remarquables, le Noc-
turne dramatique qu'il vient de faire paraître. C'est une page impor-
tante moins par son étendue, qui est très-bornée, que par le charme
poétique et l'expression d'originalité dont elle porte l'empreinte. Elle
débute par une sorte de récitatif en arpèges qui sert de préparation
à un thème ravissant, posé d'abord avec une grande simplicité par la
main droite ; puis, après quelques accords passionnés, le chant est re-
pris doucement par la main gauche, et va s'éteignant peu à peu, tan-
dis que le haut du clavier s'y marie par un murmure chromatique et
par un long trille d'un effet délicieux. Ce morceau, joué par Alfred
Jaëll avec la perfection, avec la grâce rêveuse et distinguée qui lui
sont propres, est assurément destiné à faire sensation dans les concerts
de la saison prochaine.
Cbarles Manry. — Six Mélodies et une Chanson.
C'est surtout par ses compositions religieuses que M. Charles Manry
a acquis des titres sérieux à l'estime des connaisseurs. Les messes qu'il
a fait entendre dans les principales églises de Paris, et que nous avons
appréciées en temps et lieu, témoignent d'une grande élévation d'idées,
en même temps qu'elles dénotent une connaissance profonde de toutes
les ressources de l'harmonie. Mais le talent de M. Charles Manry ne se
renferme pas dans une spécialité qui, après tout, a des limites qu'on
ne peut franchir. Il a écrit, pour les instruments et les voix, des pages
profanes que le théâtre pourrait revendiquer, et ses gracieuses inspi-
rations ont eu les honneurs de plus d'un concert. Les six mélodies, que
nous avons sous les yeux, remplissent cette dernière condition et ne
peuvent manquer d'obtenir, dans le cours de la saison prochaine, un
succès qu'elles méritent à tous égards. Elles ont toutes un parfum de
distinction et de délicatesse qui est comme le cachet du compositeur,
et qui ne fait qu'ajouter un charme de plus à la variété caractéristi-
que de chacune d'elles. Constatons d'ailleurs que les paroles de ses mé-
lodies sont signées de noms qui font autorité en poésie et en littéra-
ture. Les Heures sont d'adorables stances de Méry, dont la pensée a été
merveilleusement traduite par le musicien. Libertas, l'Amour pauvre, Rê-
vons toujours, trois fantaisies piquantes de M. Auguste Barbier, l'éner-
gique auteur des ïambes, ne sont pas moins heureusement traitées;
enfin, Quand nous allons dans la campayne, de M. Louis Ratisbonne, et
le'Chandelier, de M.^Edouard Fournier, une. élégie et une chansonnette,
ne nous laissent que l'embarras de choisir parmi toutes ces petites
pièces également réusies.
Une délicieuse chanson d'Alfred de Musset, que l'on trouve dans ses
œuvres posthumes, Bonjour Suson, ma /leur des bois! a aussi inspiré à
M. Charles Manry une mélodie franche et originale, qui s'adapte on ne
peut mieux aux paroles du poète. C'est un vrai bijou musical qui
accouplera le nom de M- Charles Manry à celui d'Alfred de Musset,
comme le souvenir de certaines chansons de Béranger est devenu insé-
parable dH la mémoire des compositeurs qui les ont mises en musique.
li. -P. Hervillc. — Les Courses de Mantes, grand galop de bravoure,
pour piano.
Si la musique imitative n'est pas un vain mot, c'est surtout dans la
reproduction d'un pas exactement mesuré, comme celui du cheval,
qu'elle se manifeste d'une manière irrécusable. Aussi le mot galop a-
t'il une signification précise dans le vocabulaire musical, et devons-nous
trouver tout naturel que M. Pascal Gerville l'emploie pour mieux ac-
cuser l'intention et la forme de ses Courses de Mantes. Le nouveau mor-
ceau de l'auteur du Bengali au réveil et des Heures de tristesse, est donc
un galop brillant, dont les motifs sont francs et distingués, dont les
reprises variées sont pleines d'entrain et de verve, et dont l'exécution,
sans être des plus faciles, n'en est pas moins accessible aux mains des
amateurs de moyenne force qui régnent dans les salons. Les Courses de
Mantes sont pour M. Pascal Gerville un titre de plus à joindre à ceux
que rous venons de rappeler, et qui jouissent toujours d'une vogue
méritée.
Y.
NOUVELLES.
4% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi les Huguenots,
chantés par Morère, Mlle Sax, Obin, Faure, Cazaux et Mlle de Maesen.
La représentation a été très-belle, et la recette a atteint près de
40,000 francs. — Mercredi Mlle Sannier a continué ses débuts dans la
Favorite. — Vendredi on a exécuté Guillaume Tell.
*** La première représentation de Roland à Roncevaux est annoncée
pour demain lundi. La répétition générale a eu lieu samedi.
*** Lundi dernier il a été donné connaissance aux chefs de service
de l'Opéra des deux premiers actes de l'Africaine.
a,*. Par suite a'un arrangement à l'amiable intervenu entre M. Ba-
gier, directeur du théâtre Italien et l'administration de l'Opéra, le té-
nor Naudin appartiendra définitivement à cette dernière scène. Toute-
fois, l'arrangement porte que M. Naudin devra se tenir dès à présent à
la disposition de M. Bagier pour un certain nombre de représentations,
ce à quoi le célèbre chanteur a gracieusement souscrit.
,%' M. Fétis a quitté Paris ; il y reviendra le 20 octobre pour suivre
les études de l'Africaine.
„.** C'est vendredi qu'aura lieu le début de Mme Gennetier dans le
Songe d'une nuit d'été. Si l'on doit juger de son succès par celui qu'elle
obtient aux répétitions, il sera grand. — On répète activement le Ca-
pitaine Henriot. — En attendant, Lara, l'Eclair, le Postillon de Longju-
meau, remplissent tour à tour la salle.
„,% Parmi les grands ouvrages reçus au théâtre Lyrique, on cite,
comme devant être joué cet hiver, un opéra-comique en trois actes, la
Veuve des Highlands, paroles de MM. Edouard Plouvier et Adolphe Favre,
musique de M. Devin-Duvivier. — Nous avons dit antérieurement que
M. Gounod, qui avait composé pour le théâtre de l'Opéra une partition
sur le livret û'Yvan le terrible, avait retiré cet opéra, et que M. Georges
Bizet, auteur des Pêcheurs de perles, auquel le sujet a plu, s'occupait
d'en composer la musique. Cette œuvre serait destinée également au
théâtre Lyrique, où elle serait représentée vers la fin de l'hiver.
,% Adelina Patti est arrivée à Paris un peu souffrante d'un mal de
gorge. Par suite de cette indisposition, le théâtre Italien a rouvert ses
portes hier soir par Rigoletto. L'opéra de Verdi a été interprété par
Delle-Sedie, le ténor débutant Sarti, qui chantait à Florence au théâtre
de la Pergola, Mmes Lagrange et de Méric-Lablache. — On annonce
pour aujourd'hui Lucrezia Borgia, chantée par Naudin et Antonucci,
Mmes Delagrange et de Méric-Lablache. Les opéras qui seront mis les
premiers à l'étude sont : Roberto Devereux, de Donizetti , et Leonora,
de Mercadante.
„% Les danseuses qui doivent former le corps de ballet du théâtre
318
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Italien sont arrivées à Paris. On cite parmi les principales Mlles Caponi,
Diani et Diamani.
t*t Les sœurs Marchisio seront retenues quelques semaines encore
à Florence, par l'engagement qu'elles ont contracté avec l'assentiment
de M. Bagier, au grand théâtre Pagliano, qui vient d'être concédé au
signor Gatti, qui a dû ouvrir le 1or de ce mois par l'opéra de Pacini,
Saffo.
»*„ Brignoli, le ténor dont nous avons annoncé l'engagement par
M. Bagier, est allé rejoindre à Madrid Mme Penco. Ce sont eux qui doivent
y ouvrir la saison au théâtre Italien. — Une maladie retient à Naples Ne-
grini, qui ne pourra vraisemblablement pas être rendu a Paris avant la
lin du mois.
»% M. A. Varney a signifié par exploit aux intéressés du théâtre des
Bouffes-Parisiens sa démission de gérant de la Société de cet établisse-
ment. D'un autre côté, on affirme que M. Eug. Prévost, qui avait été
engagé par M. Varney comme chef d'orchestre, a reçu des nouveaux
djrecteurs sa démission, et qu'il leur intente un procès.
*** Plusieurs journaux annoncent que le premier ouvrage qui sera
joué aux Variétés après la Liberté des Théâtres, sera une grande opé-
rette : l'Enlèvement d'Hélène, paroles de MM. H. Meilhac et L. Halévy,
dont J. Offenbach compose en ce moment la musique.
*** Le nouveau théâtre Saint-Cermain se propose d'exploiter simul-
tanément l'opéra-comique, l'opérette et le vaudeville. Il ouvrira par
la Bouquetière de Trianon, de M. Laurencin, et le Libre échange, de
MM. de Leuven et Adenis. — Le spectacle qui suivra sera composé d'un
vaudeville de M. Lemonnier, d'un opéra-comique en deux actes et trois
tableaux, dont la musique est due à M. Samuel David, premier prix de
Rome, et d'une opérette de MM. Busnak et Emile Albert; les Frau-
deurs, de MM. Duvert, Lausanne et E.Prévost; la Comédie aux Champs,
de MM. Narrey et Schimonn ; la Sybillc, de MM. Denizet et Hubans;
Quarante de Bézi, de M. A Flan et ***, sont indiqués, quant à présent,
comme devant être successivement offerts au public.
*% La salle de l'Alcazar, entièrement restaurée, s'est rouverte lundi
dernier. Mlle Thérésa est toujours l'étoile de ces concerts dont l'or-
chestre est confié à la direction de M. Hubans.
s*v Nous avons dit l'enthousiasme des lyonnais pour Adelina Patti.
Les chœurs du grand théâtre lui ont donné une sérénade ; ils ont
chanté devant l'hôtel de Lyon, le Rataplan des Huguenots, le chœur de
Robin des Bois et celui du Songe d'une nuit d'été. — Dimanche dernier,
la jeune cantatrice assistait à la représentation du Toréador, au grand
théâtre. Mlle Marimon chantait le rôle principal. Non contente de l'ap-
plaudir de toutes ses forces, Adelina Patti lui a jeté le bouquet qu'elle
tenait à la main.
**„. Un affreux accident vient d'être occasionné au théâtre de la ville
d'Ulm par l'huile de pétrole. Vingt-quatre lampes attachées au lustre
suspendu au plafond de la salle, ont éclaté au milieu d'une représen-
tation, et l'huile de pétrole enflammée est tombée comme une pluie de
feu sur les spectateurs, parmi lesquels se trouvaient un assez grand
nombre de dames. En un instant, les robes d'une vingtaine de ces
malheureuses étaient en feu et les brûlures les plus graves en sont
résultées. L'une d'elles a succombé quelques heures après l'événement.
4*„ On nous écrit de Rome, que le 21 on y a joué Marta, avec le
couple Bettini-Trebelli, Mlle Lanzi et Bremond. Le succès de l'Opéra
de Flotow a été très-grand. La salle entière a rappelé Bettini après sa
romance, et n'a pas été moins prodigue de ses témoignages de satisfac-
tion envers sa femme, après l'air de Nancy qu'elle a dit admirablement.
Mlle Lanzi (Marta), et Bremond (Plumkett), ont remarquablement con-
couru à l'ensemble. Marta, qui plaît de plus en plus, a dû être donnée
quatre fois de suite et chaque fois devant une salle comble. — On monte
en ce moment Marco Visconti, opéra de Petrella, dans lequel Mme Tre-
belli-Bettini chantera le rôle du ménestrel Tremacoldo, et la direction
donnera ensuite Torquato Tasso et il Barbiere.
„% On va jouer pour la première fois à Rome les Huguenots, mais
la censure italienne a exigé le changement du titre et du lieu de la
scène. L'ouvrage s'appellera Renato de Gfosnïbald, et tous les personnages
seront hollandais. Le rôle de Fidès sera rempli par Mme Bettini-Tre-
belli.
„*» On nous écrit de Bruxelles qu'après la représentation gratuite
de Zampa, donnée au théâtre de la Monnaie, à l'occasion des fêtes de
septembre, on avait joué le soir même le Prophète, pour la rentrée de
Mme Elmire et de Wicart. — La troupe allemande a continué ses re-
présentations par Une nuit à Grenade, de Kreutzer, faiblement exécuté.
— Lundi, à midi, a eu lieu au temple des Augustins la séance an-
nuelle de la classe des beaux-arts. L'ouverture et l'hymne national,
composés par Vieuxtemps pour cette solennité, y ont été exécutés.
L'hymne national, chanté d'abord par quatre voix solo, puis repris
par le chœur, est d'un beau caractère. 11 a été chaleureusement ap-
plaudi et redemandé.
„** 5. M. la reine d'Espagne vient de nommer M. François Bazin
chevalier de, l'ordre royal de Charles III.
x*x Nous avons annoncé que le théâtre Victor-Emmanuel avait rou-
vert par II Pirata. Depuis lors, on a donné le Trovalore, dans lequel
Mlle Lagrua a fait son début avec un succès constaté par tous les jour-
naux de musique italiens. Le Pirate dit que l'éminonte cantatrice a
trouvé dans le rôle de Leonora des effets qui en font une création toute
nouvelle. On ne saurait dire le nombre de fois qu'elle a été rappelée.
Elle a été bien soutenue par Zaccometti ; Cima était indisposé et a dû
passer son air; la Ciaschetti n'a pas réussi.
„** On nous écrit de Saint-Pétersbourg que la réouverture du théâtre
italien s'est faite le 19 par la Sonnambula. On y a chaleureusement ap-
plaudi la Fioretti et le ténor Giuglini.— Le 24, on a donné I Puritani pour
la rentrée de Calzolari, auquel on a fait une véritable ovation. Cet émi-
nent ténor est l'idole du public . — Le nouvel opéra de Flotow, Naïda,
composé exprès pour le théâtre impérial, va être mis à l'étude. — De
son côté, l'Opéra russe a donné l'opéra de Glinka, Rousslan et Lioudmila,
qui n'avait pas été joué depuis longtemps. — A Moscou, on a ouvert
la saison par le Trovatore. Le retour de la Fricci a été salué par de cha-
leureux applaudissements, et le débutant Prudenza bien accueilli.
„,** Deux concurrents se disputent la direction du théâtre du Liceo, à
Barcelone. En attendant, les artistes engagés restent dans une attente
fort préjudiciable à leurs intérêts. Bottesini a été le premier à se sous-
traire à cette position, et il a accepté un engagement pour toute la
saison d'hiver, qui lui était offert par Willert Beale. Il est parti immé-
diatement pour Londres, et lundi il jouait à Covent-Garden, au concert
Mellon.
*** Les Deux Aveugles, d'Offenbach, sont destinés à faire le tour du
monde. Ils viennent d'être représentés en Cochinchine. à Saïgon, où
l'on a ouvert un théâtre européen, le premier qui ait été établi dans
ce lointain pays.
„.% La préfecture du département de la Seine publie l'avis suivant :
« A la suite d'un concours entre les auteurs de pièces de vers propres
à être chantées dans les réunions de l'Orphéon des écoles communales
et des classes d'adultes de Paris, dix pièces, choisies par un jury spé-
cial, entre deux mille deux cent quatorze soumises à son examen, ont
été adoptées et primées. Un nouveau concours est ouvert par l'admi-
nistration municipale pour la mise en musique de ces dix pièce de
vers. Tout concurrent pourra se faire délivrer à l'Hôtel de ville (bu-
reau de l'instruction publique), un exemplaire de la pièce ou des pièces
de vers qu'il se proposera de mettre en musique. Les morceaux devront
être écrits pour trois ou pour quatre voix au gré du compositeur, sans
accompagnement. Ils seront jugés par un jury. Des médailles d'une va-
leur de 300 à S00 francs, selon le mérite des compositions, seront dé-
cernées pour chacun des morceaux acceptés. La propriété de ces
morceaux sera acquise à la ville. Les partitions devront être envoyées
à l'Hôtel de Ville (bureau de l'instruction publique) avant le 1er décem-
bre 1864. Elles ne devront pas porter de nom d'auteur, mais une épi-
graphe ou une devise reproduite sur un billet cacheté dans lequel le
nom de l'auteur sera inscrit. — Les manuscrits déposés ne seront pas
rendus. »
„.% Mme Marchesi, après avoir donné à Osteude une seconde matinée
musicale par invitation, aussi brillante que la première, est rentrée la
semaine dernière à Parisv où elle a repris le cours de ses leçons.
*** M. Marchesi vient de signer avec M. Harrison, le directeur de
l'opéra anglais du théâtre de la Reine à Londres, un engagement pour
toute la saison prochaine.
*% M. Engel, le propriétaire de l'établissement Kroll à Berlin, dont
il est aussi le chef d'orchestre, se trouve à Paris, où il a engagé plu-
sieurs artistes. Les frères Lamoury se feront entendre chez lui au mois
de janvier. Arban, qui a obtenu à Berlin de si grands succès, il y a
quelques mois, va y retourner prochainement et emmènera M. Demers-
mann et Hellebeque.
*% Un théâtre italien va être prochainement ouvert à Varsovie, sous
la direction de Mérelli. M. et Mme Bettini (Trebelli) y sont engagés.
»% S. M. l'Empereur a daigné donner à la tombola des artistes dra-
matiques deux magnifiques vases de la manufacture impériale de
Sèvres.
%\ Les nouvelles qu'on reçoit de Blois sur la santé de M. Scudo sont
de plus en plus affligeantes. Les violents accès de fureur auxquels il
est en proie ont obligé de recourir à l'emploi de la camisole de force.
„,% On annonce le prochain mariage de M. Georges Pfeiffer, pianiste
et compositeur de mérite, attaché à la maison Pleyel-Woff et Ce, avec
Mlle Thérèse Lemoine, petite-fille de l'honorable M. Hillemacher, direc-
teur de la Compagnie des Quatre-Canaux.
»% M. Albert Sowinski vient de donner au Dorât, près Limoges, un
concert dans lequel l'éminent pianiste compositeur a fait entendre plu-
DE PARIS.
319
sieurs morceaux de sa composition sur un excellent piano d'Erard.
Plusieurs amateurs de Limoges avaient prêté leur concours à l'artiste,
et l'auditoire nombreux a manifesté maintes fois sa satisfaction par
de chaleureux applaudissements.
»% Vincent Wallace vient d'arriver à Paris. Le célèbre compositeur
est entièrement rétabli d'une grave maladie qui l'avait retenu à Bou-
logne, et il a l'intention do passer l'hiver ici.
*% Liszt en quittant Weimar où il a été reçu avec enthousiasme,
doit retourner à Rome par Vienne et Pesth ; il y donnera quelques con-
certs. Il est accompagné du pianiste Faussig.
*% La direction des concerts du Gurzenich, h Cologne, vient de
prendre une décision qui intéresse les compositeurs : chaque auteur
dont on exécutera une ouverture ou un chœur recevra dorénavant, à
titre d'honoraires d'honneur (Ehrensold), 5 thalers; 10 thalers pour une
symphonie ou composition chorale d'une certaine étendue, 15 et 20
thalers pour une œuvre qui remplirait en grande partie ou entièrement
le concert. On sait que les droits d'auteur ne sont point ou ne sont
que très-imparfaitemeni réglés en Allemagne. 11 est donc à désirer que
l'exemple donné par la Société du Gurzenich trouve de nombreux imi-
tateurs.
*** Un concerto inédit et presque inconnu de Ph.-Em. Bach est en ce
moment sous presse à Leipzig. C'est à Mme Szarvady, qui a découvert
et arrangé ce concerto, qu'on devra cette intéressante publication. —
Un nouveau concerto de Rubinstein pour le violoncelle, dédié à Piatti,
va aussi être publié incessamment.
*** Sur la Chronologie des œuvres de Beethoven, tel est le titre d'un
ouvrage de A.-W. Thayer, auteur américain, qui va paraître en Alle-
magne, où l'auteur se trouve depuis quinze ans occupé à recueillir
tous les matériaux ayant cette chronologie pour objet. — Le second
volume de la biographie de Charles -Marie de Weber, écrit par son fils,
est également sous presse.
,*, M. Paul Dhormoys, attaché à la haute administration de l'Opéra,
et dont le caractère et l'affabilité sont appréciés de tous ceux qui l'ap-
prochent, vient de publier à la librairie centrale un joli volume intitulé
Sous les tropiques. C'est le récit singulièrement attachant d'un voyage
fait par l'auteur, qui retrace avec un rare bonheur d'expression les
curieux pays qu'il a parcourus ; M . Dhormoys donne dans ce livre une
preuve nouvelle des qualités d'écrivain dont il a fait preuve dans un ou-
vrage précédent intitulé : Une visite chez Soulouque, dont la librairie
Hachette vient de publier une nouvelle édition qui n'avait 'pas obtenu
moins de succès lorsqu'il parut, et qui fut promptement épuisé.
*** Mme Pierson-Bodin, professeur de piano et de chant, vient de
faire paraître un petit ouvrage fort utile, qui a pour titre : Observations
sur l'étude de la musique, conseils aux parents qui veulent faire ap-
prendre la musique à leurs enfants. Prix, 50 centimes, chez l'auteur,
rue Saint-Honoré, 217, et chez Chaillot, éditeur de musique.
%% Un opuscule intéressant et fort curieux, concernant l'un des mu-
siciens les plus fameux du xve siècle, vient de paraître chez le libraire
Claudin, 3, rue Guénégaud. 11 a pour titre : Déploration de Guillaume
Crétin sur le trépas de Jean Okeghem, musicien, premier cliapelain du roi
de France et trésorier de Saint-Martin de Tours, remise au jour, précédée
d'une introduction biographique et critique, et annotée par Er. Thoinan.
M. Thoinan est l'auteur d'un petit livre fort bien fait, les Origines de
la chapelle-musique des souverains de France, publié il y a quelques mois.
La présente brochure est tirée à cent cinquante exemplaires, dont
soixante-quinze seulement sont livrés au commerce ; elle est imprimée
avec un soin et un goût rares, et le petit nombre de son tirage en
fera certainement une rareté bibliographique fort recherchée des ama-
teurs.
„.** Aujourd'hui dimanche, au concert des Champs-Elysées, troisième
réunion musicale, de 2 à 5 heures; le concert commencera à 2 heures
et demie. M. Demerssman jouera le Carnaval de Venise. Le programme
est splendide ; entre autres morceaux remarquables, l'orchestre dirigé
par M. Eug. Prévost exécutera la Charité de Rossini, deux brillantes
fantaisies sur la Fille du Régiment et sur la Traviata, et les belles ou-
vertures de Sémiramis, de la Bohémienne et des Joyeuses Commères de
Windsor.
*** Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, fête parisienne au pré Catelan.
Deux orchestres, bal d'enfants, etc.
n*w Les représentations de physique et d'astronomie de M. Robin
remplissent chaque soir la salle de ce charmant et instructif théâtre.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
**,. Londres. — M. Howard Glover annonce une série de grands festi-
vals de musique qui doivent avoir lieu au théâtre de Drurylane à partir
du 1er octobre. Le programme promet, entre autres morceaux, la sym-
phonie pastorale de Beethoven, avec une action dramatique etscénique, et
un arrangement pour orchestre seul de la scène de la gorge des loups
du Freyschiitz, accompagnée d'apparitions de spectres impalpables. — Les
concerts d'Alfred Mellon sont toujours fort suivis à Covent-Garden. Ceux
de Jullien fils viennent de commencer au théâtre de Sa Majesté. Le
violoniste Lotto, Mlle Liebhardt, le cornettiste Luigini et la pianiste Ma-
riot de Beauvoisin s'y sont fait entendre avec succès. Prochainement
doivent y paraître un corps de musique militaire danois et des chan-
teurs danois.
*** Cologne. — L'opéra nouveau de Max Bruch, Loreley, est à sa
sixième représentation. On le monte également au théâtre de la Cour,
à Mannheim.
„,** Berlin. — Le ténor Dr Gunz, du théâtre de la cour de Hanovre,
a été engagé pour quelques représentations à l'Opéra royal, où il a
débuté avec succès dans le rôle de Don Octavio de Don Juan. — On
va remonter le ballet, la Jolie fille de Gand. — Le théâtre Wattner,
reconstruit avec beaucoup de luxe et de goût, doit être ouvert le 16
novembre.
Le Directeur : S. Dl' l'ont.
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES , FILS ET C«, RUE JACOB, 56,
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BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE DE MUSIQUE
Deuxième édition
Entièrement refondue et augmentée de plus de moitié.
Par F.-J. FÉTIS
Maître de chapelle du roi des Belges, directeur du Conservatoire royal
de musique de Bruxelles.
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Paraissant par livraisons de 48 pages chacune, ÎO livraisons
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320
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
En vente chez GVMBOGI frères, éditeurs, 112, rue de Richelieu (Maison Frasca(i), Paris.
DON PASOUALE
Opéra bouffe en trois actes, paroles françaises de MU. Alph. ROÏER cl G. VAEZ,
MUSIQUE DE
G. DONIZETTI
Représenté à Paris pour la première fois (en français) au théâtre Lyrique impérial, le 9 septembre 1864.
Partition pour piano et chant, in-8°, net : 15 fr. — Partition piano solo, net : 10 fr.
PIANO SEUL
Ouverture par Labarre 6 »
Adam. Six airs faciles 6 »
— Sérénade (en feuille) 2 50
Benedict (J.). Nocturne 6 »
— Divertissement 6 i
Berlin I. Op. 1&6. Sérénade variée... 7 50
Donlzetti. Suite de valses 7 50
«oldschmidt. Op. 1. Fantaisie brill. 9 »
Herz (Henri). Op. 134. Fantaisie brill. 9 »
Kontsk! (A. de). Op. 97. Gr. fantaisie 9 »
9Ui narre . Valse 3 »
Lecarpentier. Op. 72. Sérénade et
rondo 6 »
SUITE DU PIANO SEUL.
Leduc 12° bagatelle sur la sérénade
(très-facile) 5 »
Louis (H.). Op. 127. Rondo 5 »
Hichcux. Op. 77. Trois fantaisies:
1 . Très-facile 5 »
2. Facile 5 »
3 . Morceau de salon 5 »
Prudent. Op. 13. Quatuor varié... 9 »
Bosellen. Op. 53. Fantaisie 9 »
Thalnerg. Op. 67. Grande fantaisie 10 »
— Op. 67 bis. Sérénade extraite. . 7 50
Vos» (Ch.). Op. 116. Grande fantaisie
brillante 7 50
Wolff. Op. 81. Boléro 6 »
PIANO A QUATRE MAINS
Ouverture par Labarre
Berlini. Op. 146. Sérénade
Oonizettl . Suite de valses
Louis (N.). Op. 134. Variations brill.
Boseilen . Op . 53 . Fantaisie
HARMONIUM
Daussoigne-lléhul. Fantaisie avec
piano
Ensc 1 . Fantaisie (solo)
Frelon. Quatuor transcrit avec piano
Lelébure-Wély. Op. Ti. Fantaisie
(solo)
PIANO ET VIOLON
«oria et Mer niait Op. 29. Duo de
concert
Louis (N.). Op. 131. Andante et rondo
7 50
9 ..
9 »
9 »
10 »
7 50
— Op. 73. Cavatine 5
Arrangements divers pour Violoncelle avec Piano, Violon seul, Flûte, Hautbois, Cornet à pistons.
Harmonie militaire, etc. — Danses pour le Piano à deux et à quatre mains.
MANUFACTURE D'INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN CUIVRE ET EN BOIS (Fondée en 1843)
50, rue Saint-Georges, a Paris.
Maison ADOLPHE SAX*
Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Auteur du système d'organisation et fournisseur breveté de la musique des Guides et des autres régiments
de la Garde impériale. — Inventeur des instruments à pavillon tournant, des instruments à six pistons in-
dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc. /Tï^<
Ton le: instrument! portent le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, y®
le numéro d'ordre de l'initramenl et le poinçon ci-après : JLV''J
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Saxophone
alto III bémol.
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851, 1855
et 1S62, relatifs aux. Saxophones (BREVET DE 1816).
k Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection te voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » {Exposit. ISS t.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se joua avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de tontes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance ; car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions • tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, e^t né d'hier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner â M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. ), {Exposit. i8SS.)
« M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemDS, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » ifixposit. 1SG2.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
Les prix des saxophones sont les suivants :
Saxophone soprano, «OO fr.— Saxophone ténor, «S5 fr.— Saxophone alto, ««5 fr. — Saxophone baryton, «5© fr.
La maison Adolphe Sax peut livrer à un prix inférieur une certaine quantité de saxophones d'occasion, sopranos, altos, ténors et barytons à
l'ancien diapason. — Les sociétés et les clients qui ne pourraient pas solder immédiatement leurs commandes obtiendront un assez long crédit,
pourvu qu'ils fournissent une garantie de solvabilité suffisante, et moyennant une augmentation de 6 pour 100 sur les prix.
Pour les propriétés et les avantages des autres inventions de M. Adolphe Saœ, consulter la notice qui se distribue chez lui, 50, rue Saint-Georges.
■ niPRlMIiltli: I.LVI n
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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 4.
31e Année,
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et fi l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraires,
et aui Bureaux des Messageries et des Postes.
W 41.
REVUE
9 Octobre 1864.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 24 r """'
Départements, Belgique et Suisse... 30» id-
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: Roland à Roncevaux, opéra en
quatre actes, paroles et musique de M. A. Mermet, Jpar Panl Smith. —
Théâtre impérial Italien : réouverture. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comi-
que : le Songe d'une nuit d'été; début de Mme Gennetier, par Iiéon Duro-
cher. — Devienne {5° article), par Arthur Pougin. — Revue des
théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
ROLAND A RONCE VAUX ,
Opéra en quatre actes, paroles et musique de M. A. Mermet.
(Première représentation le 3 octobre 1864.)
C'est assurément une singulière et curieuse histoire (d'autres même
disent légende) que celle du compositeur qui jusqu'ici ne s'était fait
connaître au monde musical que par la partition de David, opéra en
trois actes, dont les paroles étaient de MM. Alexandre Soumet et
Félicien David, et qui, représenté le 3 juin 1846, obtint un succès
peu durable. La légende nous apprend que M. Mermet, fils d'un offi-
cier général de l'empire, était destiné par sa famille à la carrière
dont. l'École polytechnique ouvre les portes, mais l'étude de la flûte
l'en détourna, et l'instinct musical n'eut pas de peine à l'enlever aux
sciences exactes. On voulait qu'il fût officier, comme son père et
son oncle; il déclara qu'il serait compositeur, et se mit à travailler
ardemment pour le devenir. Au bout de quelques années il donna,
en collaboration avec M. Carmouche, un opéra intitulé la Bannière
du roi, sur le théâtre de Versailles. Ensuite vint David, reçu avec
enthousiasme dans un petit comité, chez Mme Stoltz, qui devait en
remplir le rôle principal. M. Mermet n'assistait pas à la séance où
l'on décidait de son sort : ses chants ne lui arrivaient que de loin par
les fenêtres, et il ne sut le résultat que le lendemain. L'ouvrage ne
répondit pas à ce que le directeur et l'actrice s'en étaient promis ; le
costume guerrier de David ne suffit pas à réchauffer un drame tris-
tement biblique, et, malgré d'esLimables qualités, les inspirations de
M. Mermet n'étaient pas de force à renouveler le miracle opéré par
celles de Rossini sur le canevas de Moïse.
C'était donc une revanche à prendre, et il y a de cela dix-huit
années! Pendant tout ce temps, qu'a fait M. Mermet? Ce qu'il a fait?
Roland à Roncevaux, paroles et musique. 11 n'avait peut-être pas
été très-content de ses poètes ; il résolut de se faire poëte lui-même,
de se choisir un sujet, de l'arranger à sa façon, de le tailler à sa
fantaisie. C'est assez bien porté de nos jours, et ce procédé s'ap-
puie d'imposantes autorités. Est-ce donc seulement par orgueil
et par une foi aveugle en sa double vocation, qu'un musicien se
permet de trancher du poëte et de tenter ce que Lully, Rameau,
Gluck, Spontini, Meyerbeer, Halévy, Rossini, Auber n'auraient osé
entreprendre? Les poètes ne sont-ils pas pour quelque chose dans
cette disposition des musiciens à se passer d'eux? Plusieurs, et dans
ce nombre les plus renommés, les plus habiles, n'ont-ils pas quel-
quefois refusé absolument leur concours, ou ne l'ont ils accordé
qu'en exigeant des garanties, comme jadis l'abbé Pellegrin de Ra-
meau? Les poëmes ainsi achetés valaient-ils toujours ce qu'ils avaient
coûté? Que de musiciens entraînés dans l'abîme par les poëtes, en-
terrés sous les ruines de leurs conceptions malheureuses !
Tels sont les motifs qui ont pu déterminer M. Mermet. l'un des
hommes les plus modestes et les plus patients (il a fait ses preuves),
à lever le drapeau de l'indépendance. Ce que nous admirons surtout,
c'est qu'aspirant à une revanche, il ait voulu ne la devoir qu'à lui,
à ses propres efforts, et qu'il l'ait attendue avec tant de calme, de
dignité, de confiance, sans se plaindre, sans s'irriter, sans lancer ses
colères au ciel et ses mépris à la terre. Enfin, il est parvenu à son
but; après avoir erré tant soit peu de théâtre en théâtre, Roland à
Roncevaux a trouvé un port dans celui que l'auteur avait toujours
en vue, pour que sa revanche fût complète, et maintenant il ne lui
manque plus rien. Je me garderai de surfaire le mérite et le succès
de Roland; j'en parlerai simplement, sincèrement, comme l'auteur
doit aimer qu'on en parle : l'hyperbole ne me semble pas plus digne
de son caractère que de son talent.
Roland à Roncevaux, c'est un des souvenirs néfastes marqués en
traits de sang dans notre histoire. J'aurais préféré un autre sujet à
ce funeste épisode d'un règne si fécond en grandeur et en gloire,
mais tout à l'heure nous verrons ce qui dans cette page funèbre a
séduit l'auteur et lui a fourni la plus brillante partie de son œuvre.
Disons d'abord qu'au premier acte, le lieu de la scène est un châ-
teau des Pyrénées; on s'y dispose à célébrer l'hymen du comte Ga-
nelon et de la belle Aide, qui déteste son futur époux.
322
REVUE ET GAZETTE MUSICALt:
Du comte Ganelon je suis la prisonnière,
Au iit de mort, mon père,
Sur moi lui donna tout pouvoir;
Le comte est maître en mon manoir.
Cette confidence est faite à Saïda, fille d'un émir et prisonnière
aussi, mais qui va être rendue à la liberté. Cette double captivité,
dont l'une va finir et l'autre se continuer dans l'hymen, jette quel-
que obscurité sur l'exposition. Saïda propose à la belle Aide de
l'emmener avec elle parmi les Sarrasins ; Aide hésite, on le conçoit.
Déjà un pâtre, venant de Roncevaux, a répondu aux gens qui l'in-
terrogeaient :
C'est du nouveau que vous voulez savoir?
Eh bien ! l'empereur Charlemagne
Avec ses douze pairs arrive d'Allemagne :
Et nous, de nos yeux nous verrons
Ces grands soldats de fer, ces comtes, ces barons ;
Et ce rude enfant de la Gaule,
Qui, chez les Saxons insoumis,
De sa lance perçant jusqu'à trois ennemis,
Qu'il emportait sur son épaule,
Enfin Roland, le guerrier sans rival,
Avec son cor d'ivoire, avec sa Durandal.
Et ce fantastique Roland n'est pas seulement l'effroi des ennemis
de son oncle, le grand empereur, qui, par parenthèse, n'était en-
core que roi en l'année de grâce 778 ; il est de plus le rêve de la
belle Aide : il trouble ses veilles, il fait battre son cœur. A peine
nous a-t'elle dit ces choses que l'on annonce un chevalier conduit
par la tempête ; ce chevalier, c'est Roland qui offre son appui à la
belle éplorée :
Quand je chaussai l'éperon d'or,
Je jurai de punir le crime,
De protéger ceux qu'on opprime,
De mon serment je me souviens encor.
Aide lui dénonce le sombre chevalier, gui de son amour l'obsède
et va venir l'épouser : Ganelon vient en effet, suivi de l'archevêque
Turpin, ce qui n'empêche pas Roland d'apostropher rudement le
comte et de le défier au combat. L'archevêque s'interpose et au nom
de l'empereur, à qui leurs bras appartiennent, défend aux che
valiers de se battre, hormis contre les Maures d'Espagne; Ganelon
médite un enlèvement nocturne de la beauté rebelle, et Roland part
en entonnant à pleine voix :
Superbes Pyrénées
Qui dressez dans le ciel
Vos têtes couronnées
D'un hiver éternel.
Voici venir les Francs.
Le second acte se passe à Saragosse dans le palais de l'émir :
Aide s'y entretient avec Saïda ; elle voudrait bien savoir si Roland
l'aime un peu, lui qui n'est sensible qu'à la gloire. Saïda lui en
fournit le moyen.
Un rendez-vous aux clartés des étoiles
Sous mon costume éloigne tout danger.
Près de Roland, couverte de longs voiles,
Selon ton cœur, tu peux l'interroger.
Ainsi dit, ainsi fait : Aide se déguise comme pour un bal masqué,
mais bientôt elle se révèle : Roland échange avec elle des protesta-
tions et des serments. L'émir survient, et croyant trouver sa fille en
conversation criminelle, il insulte le paladin, qui, pour toute réponse,
lui ordonne de préparer son tribut.
Quant à la noble châtelaine
Vers Charlemairne je l'emmène.
Dans une heure je partirai.
Une heure, c'est plus qu'il n'en faut à l'émir, à Ganelon et autres
vauriens de même trempe, pour tramer leurs noirs complots. La haine
de Roland sera leur mot d'ordre, et sa dépouille paiera leurs lâches
exploits. Ils se la partagent d'avance : celui-ci veut sa Durandal,
celui-là son cor d'ivoire, un autre son armure, sa lance au gonfanon
blanc. Comme il est toujours le premier quand on marche en avant,
le dernier quand on se retire, ils l'attendront dans le vallon sombre
de Roncevaux.
Les deux actes dont le sommaire précède, peu chargés d'action,
peu riches d'invention, ne servent à peu près que de prologue au
troisième, dans lequel toute la pièce réside, si du moins il y a pièce.
En tout cas, pièce ou fabliau, drame ou rêve, chanson de geste,
ballade ou complainte, il y a là une idée originale, hardie, et même
tellement hardie, que pas un auteur de profession n'eût eu le cou-
rage de la risquer. Ce courage, M. Mermet le doit sans doute à son
inexpérience, et il faut qu'il lui rende grâce, car elle lui a procuré
ce que son triomphe a eu de plus éclatant, de plus décisif. Le troi-
sième acte commence, et nous sommes au fond du vallon sombre.
Dès le premier acte en apercevant la belle Aide, et en sentant les at-
teintes de l'amour, Roland ne nous avait point dissimulé le péril qu'il
courait, et il avait dit :
Mon cœur, mon cœur, point de faiblesse :
J'entends un ange me crier :
lïoland tu m'as fait la promesse
D'avoir toujours un cœur d'acier.
Belle promesse, mais difficile à tenir! Plus l'amour s'accroît, plus
le remords augmente , plus le héros se désespère. L'archevêque Tur-
pin tient à savoir pourquoi et le héros s'explique en ces termes. Je
transcris le morceau tout entier :
J'étais bien jeune encor, lorsque je vis en rêve
Un ange radieux, le bras armé d'un glaive,
Il marchait devant moi, me montrant le chemin...
Sans peur je le suivais... Quand j'aperçois soudain
Une église en ruine, un sombre cimetière...
L'ange s'arrête; à sa voix l'éclair luit...
Il me montre uns tombe, en soulève la pierre,
Y jette son épée. . . et tout s'évanouit!
Je l'avais déjà vu, ce sombre cimetière;
Dès le matin j'y cours, et, sous la pierre,
Je découvre au milieu d'ossements, de débris,
Un glaive sur lequel je vois ces mots écrits :
(Il lire son épée et montre à Turpin la légende.)
Je suis Durandal
Du plus dur métal.
Sans craindre personne,
Qui me portera
La victoire aura,
Son cœur s'il ne donne.
Et moi, voulant remercier
L'ange radieux de mon rêve,
Vers le ciel je tendis le glaive
Et lui promis d'avoir un cœur d'acier.
Hélas! j'ai trahi ma promesse...
Pardonne-moi, prêtre, je m'en confesse ;
L'amour est le plus fort, il me tient enchaîné ;
Par l'ange du Seigneur je suis abandonné.
(Il se prosterne aux genoux de Turpin et laisse tomber son épée.)
Comprenez-vous la nouveauté, l'étrangeté de cette situation? D'une
part une épée, qui veut être aimée exclusivement, de l'autre une
femme qu'on ne peut délaisser, trahir! L'archevêque se constitue
l'avocat de l'épée, Aide vient plaider pour elle-même, et voilà Roland
placé entre deux principes, deux entraînements, comme Robert le
Diable entre Bertram et Alice. Qui sait comment la lutte se termine-
DE PARIS.
323
rait, si le pâtre, toujours chargé dans la pièce du rôle de messager,
ne venait annoncer que les Sarrasins cernent les Francs de toutes
parts; Put de ces derniers dit à Roland :
A l'émir nous sommes vendus,
Koland, sonne ton cor d'ivoire
Et Charles reviendra pour nous porter secours.
Mais le héros se refuse noblement à laisser échapper un indice de
terreur.
Amis, en Dieu prenez courage!
A travers ces païens, condamnés à périr,
Je vous ouvre un passage.
Alors l'enthousiasme chevaleresque et religieux est porté à son
comble. Nous assistons à une scène de Thermopyles chrétiens.
L'archevêque invite les soldats, les chefs à se confesser ; Roland ap-
pelle les douze pairs, chacun par sou nom, et tous les Francs s'é-
lancent d'un seul bond, en répétant un suprême cri de guerre :
Montjoie et Charlemagne. Je n'ai jamais entendu rien de plus cha-
leureux, de plus vigoureux que cette Marseillaise d'un temps fabuleux
qui retentit comme l'airain et enivre comme la poudre. Napoléon Ier
disait que YHector de Luce de Lancival était une tragédie de quartier
général, et nous dirons que le chœur de Roland est un véritable mor-
ceau d'avant-garde, qui passera dans toutes les musiques militaires,
et s'installera au répertoire de tous les orphéons. La salle entière,
électrisée par ces fiers accents, a redemandé le chant, en l'ap-
plaudissant à outrance.
Après ce troisième acte, S. M. l'Empereur, qui était dans sa loge
avec le prince Humbert, et le duc de Leuchtenberg, son cousin, a
fait venir M. Mermet et l'a complimenté de la manière la plus déli-
cate et la plus flatteuse.
Le quatrième acte n'est qu'un épilogue très-court. La toile se re-
lève sur le même vallon sombre, jonché de morts et de mourants ;
Roland, blessé, se traîne avec peine ; il s'est vengé en tuant Ganelon;
il le montre à la belle Aide et il expire dans ses bras, en murmurant
d'une voix éteinte :
Je veux vous servir de bannière.
Montjoie et Charlemagne! En avant! en avant!
L'analyse même la plus rapide met en relief les qualités et les dé-
fauts d'un drame aussi peu compliqué. A cet égard, la musique res-
semble au drame ; ce n'est pas la musique de tout le monde, quel-
qu'un l'avait dit d'avance, et ce quelqu'un avait raison. En général
l'inspiration de M. Mermet est simple, franche et puissante; elle lui
appartient en propre, mais il ne sait pas assez la mettre en œuvre,
la faire valoir par un travail dont les grands maîtres lui ont
donné l'exemple. Aussi réussit-il mieux dans les morceaux véhéments
que dans ceux qui demandent un souffle tempéré, des variétés de
mouvement, des gradations, des nuances. L'art et le métier lui
manquent : quand l'idée est absente, il n'y a plus rien. Par ces causes
son ouverture est pour moi quelque chose d'indécis, de vague, dont
on ne saisit ni le contour ni le sens. Le premier chœur est très-
agréable, mais la chanson de Roland, dite par le pâtre, est à peu
près nulle, comme la romance de Saïda, l'air d'Aide et le duo de
celle-ci avec Roland. Le chœur : aux fiancés rendons hommage, dé-
bute bien, mais finit trop vite. La musique se relève à l'exclamation
grandiose de Roland : Superbes Pyrénées, que le chœur reprend avec
lui pour clore le premier acte.
Dans le second, je n'ai à citer que des chœurs gracieux, de jolis
airs de danse, un délicieux cantabile de Roland : Rayonnantes beau-
tés. Son duo avec Aide est médiocre, et le finale, où les Sarrasins
se partagent la peau du lion, qu'ils n'ont pas encore abattu, ne vaut
guère mieux. Le compositeur ignore trop absolument le secret de
ces morceaux fortement conçus et intrigués, pezzi concertai, in-
Irecciati, sans lesquels l'intérêt musical tombe à chaque instant. Le
troisième acte , je me plais à le constater, est excellent d'un bout
j à l'autre; le chœur France! France ! la délicieuse farandole de ber-
gers et de jeunes filles qui se déroule et serpente à travers les sol-
dats; le récit : J'étais bien jeune encor, le chant de Turpin : Roland,
reprends ton glaive, le trio de Roland, d'Aide et de Turpin, malgré
l'écrasante concurrence du trio final de Robert, l'hymne guerrier,
qui couronne le tout, ne mériient que des éloges, des bravos sans
réserve, et on les a traités comme ils méritaient de l'être.
L'auteur du libretto et de la partition de Roland à Roncevaux a
donc mené à bonne fin sa rude et périlleuse entreprise. Si nous
acceptons comme expédient et faute de mieux ce cumul inlellectuel du
poëte musicien, iu musicien poëte, ou, si vous voulez, de l'auteur
in utroque, nous sommes loin de l'admettre comme théorie normale.
L'art musical et l'art dramatique sont trop différents pour qu'à moins
d'un génie exceptionnel, on puisse y exceller également. Pour la
composition d'un opéra comme pour la procréation d'un être hu-
main, il faut le concours de deux personnes. Néanmoins il est juste
de dire, en se résumant sur le poëme de M. Mermet, que beaucoup
d'auteurs de profession en ont souvent fait jouer de moins bons, et,
en ce qui touche sa partition, que des musiciens dont c'est l'unique
emploi n'en ont pas toujours écrit d'aussi bonne.
Comme dernier trait à l'honneur de M. Mermet, constatons qu'ai;
moment de l'inévitable rappel, il a eu le bon esprit de ne pas se
trouver au théâtre.
Aujourd'hui nous n'avons que le temps et l'espace nécessaires
pour dire un mot de l'exécution et de la mise en scène. Gueymard
est l'idéal du neveu de Charlemagne par la physionomie, la taille,
le costume et surtout la voix. Il a concouru puissamment à l'effet
des belles parties de l'œuvre : Mme Gueymard l'y a souvent aidé;
Belval et Cazaux doivent être nommés à la suite.
Quant aux décors et aux costumes, ce n'est pas une plume, c'est
un pinceau qu'il faudrait pour en donner le spécimen.
Paul SMITH.
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
Réouverture.
Depuis le premier jour de ce mois six représentations ont été don-
nées. Rigoletto a ouvert la marche, et puis nous avons revu Lucrezia
Boryia, Lucia et la Sonnambula. Fraschini , Mme de Lagrange,
Naudin, Adelina Patti ont reparu dans le cours d'une même se-
maine. On nous permettra de nous taire sur les débutants, Sarti le
ténor, qui a chanté le rôle du duc de Mantoue, et Zacchi le bary-
ton, qui a dit celui d'Ashton. C'est un exemple que nous leur donnons
et qu'ils feront bien de suivre, si quelque motif inconnu ne les a
empêchés de se montrer avec plus d'avantages, et s'ils ne tiennent
en réserve des qualités cachées, l'un de chanteur, l'autre d'acteur,
avec lesquelles ils puissent se relever d'un échec trop manifeste.
Quant aux artistes que nous connaissions et dont le retour était
une fête, nous n'avons que de bonnes nouvelles à en donner. Fras-
chini chante mieux que jamais. Mme de la Grange est toujours la
cantatrice et la femme d'une distinction suprême, d'un art infini, et
d'une adresse sans égale à dissimuler ce que sa voix a perdu en
fraîcheur, en jeunesse. Naudin a fait de grands progrès de méthode
et de style : il nuance avec tout le goût possible, et plus il ménage
ses forces, plus il semble en acquérir. Les bravos, les te, les rap-
pels lui ont prouvé qu'il n'avait pas travaillé pour des ingrats.
Adelina Patti a fait, elle aussi, de notables progrès. Sa voix, si
merveilleusement agile, expressive et touchante, a gagné en puis-
sance. Sa taille s'est enrichie d'un embonpoint léger, qui lui sied à
ravir et témoigne de sa florissante santé. Le rôle d'Amina, dont elle
324
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
a su faire quelque chose de si neuf, de si ingénument et spirituel-
lement passionné, lui a mérité de nouvelles admirations, mêlées de
douces larmes. Et bientôt elle va s'essayer dans des opéras qu'on
dirait faits exprès pour elle : YElisire d'Amure, la Figlia del Reggi-
mento. La foule s'empressera de venir l'y applaudir, comme elle se
portera ce soir à Don Pasquale, auquel Adelina Palti prête un attrait
si vif. En vertu de la liberté on peut prendre à M. Bagier quelques
chefs-d'œuvre : on ne lui prendra pas sa cantatrice, avec laquelle
les chefs-d'œuvre centuplent de valeur.
P. 3.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Le Songe d'wne nuit d'été — DéltntcIeHImeGennetier.
Le Ca'id et le Songe d'une nuit d'été sont les deux ouvrages les
plus heureux de M. Ambroise Thomas. On ne se lasse pas de les en-
tendre. Ils servent à tous les débuts, surtout le Songe, où il y a
cinq rôles excellents, — premier et second sopranos, premier et se-
cond ténors, basse comique et basse chantante tout à la fois. La pièce
est fortement intriguée, habilement conduite, pleine de situations pi-
quantes, et animée d'un souffle poétique qui l'élève au-dessus des
vulgaires livrets d'opéra-comique. La partition, suffisamment mélo-
dieuse, met les voix en dehors, et leur offre mille occasions de se
déployer avec éclat. Acteurs et chanteurs trouvent donc également
leur compte dans cet ouvrage, et si, depuis quinze ans, il n'a pas
cessé d'être en faveur auprès des artistes et du public, on ne dira
pas de lui, comme on l'a dit du Château de Versailles : C'est un fa-
vori sans mérite.
Il n'est donc pas étonnant que Mme Gennetier ait voulu débuter
à l'Opéra-Comique dans le rôle de la reine Elisabeth. Elle y a réussi
tout à la fois comme cantatrice et comme comédienne. Elle a de la
distinction, de l'élégance, une grande habitude de la scène, une re-
marquable intelligence ; elle dit fort bien le dialogue, en soigne tous
les détails, en fait valoir toutes les intentions. Sa voix, pleine et
vigoureuse dans la partie grave, s'élève sans effort, et les notes ai-
guës sont éclatantes sans dureté. Elle vocalise surtout avec une mer-
veilleuse facilité et nuance son chant avec une délicatesse infinie.
Depuis longtemps on n'avait entendu à l'Opéra-Comique le grand
air du troisième acte chanté comme il l'a été par Mme Gennetier.
Accueillie fréquemment par des applaudissements de bon aloi, rap-
pelée après la chute du rideau, cette cantatrice peut porter avec
éclat le poids de beaucoup de rôles sous lesquels d'autres fléchi-
raient. Elle rendra à l'Opéra-Comique de bons et utiles services :
elle lui permettra de remettre au répertoire des œuvres importantes
que, depuis quelque temps, la force des choses en avait écartées.
L'acquisition de Mme Gennetier sera donc, pour l'administration,
comme pour le public, une excellente affaire.
Elle était très-bien entourée, d'ailleurs. On l'a secondée à mer-
veille. 11 semblait que chacun voulût concourir au succès de ce dé-
but. Shakspeare, Latimer, miss Olivia, sir John Falstaff ont rivalisé
de zèle et de dévouement. Une reine est rarement aussi bien servie.
Si donc Mme Gennetier a recueilli des marques nombreuses et écla-
tantes de la satisfaction de l'auditoire, Mlle Bélia, MM. L. Achard,
Capoul et Crosti ont eu leur juste part d'applaudissements, ainsi que
les auteurs, et chacun répétait en sortant : Quelle œuvre charmante
que le Songe d'une nuit d'été!
Léon DUROCHER.
DEVIENNE.
(5e article) (1).
IV.
Nous n'avons plus à nous occuper que de deux ouvrages drama-
tiques de Devienne, mais ces deux ouvrages sont, avec les Visitan-
dines, ceux qui ont consacré sa réputation au théâtre. Il s'agit des
Comédiens ambulans et du Valet de deux maîtres.
Les Comédiens ambulans furent représentés pour la première fois
à Feydeau le 8 nivôse an VII (28 décembre 1798); le livret était en
deux actes et signé Picard. Poète et musicien obtinrent un succès
fou, aidés qu'ils étaient par les excellents artistes du théâtre : Jaus-
serand, Juliet, Lesage, Fay, Legrand, les « citoyennes » Rolandeau,
Camille et Auvray.
11 me tarde d'en venir à un document que j'ai maintenant à met-
tre sous les yeux du lecteur; il s'agit d'une lettre du Cousin-Jacques,
de ce Beffroy de Reigny (2), si singulier, si original, si excentrique,
mais qui, au fond, ne manquait de talent ni comme écrivain ni comme
compositeur. Cette lettre qni fut, à la date du 18 nivôse an VII,
insérée dans le Courrier des spectacles, dont le Cousin-Jacques était
l'un des plus assidus collaborateurs, est certainement inconnue de
tous aujourd'hui, même de son habile et consciencieux biographe,
M. Charles Monselet (3). La voici :
« Encore un mot sur les Comédiens ambulans (h). J'aime à reve-
nir sur les bonnes choses, et j'appelle bonnes choses tout ce qui porte
le sceau du naturel et de la véritable gaieté. Un de nos cousins du
Parnasse savoit bien ce qu'il disoit, quand il prétendoit que
Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux.
Je connois bien le proverbe : Un barbier rase l'autre, et il s'ap-
plique souvent avec justesse à des auteurs du même genre qui se fla-
gornent dans les journaux, de la meilleure foi du monde. Mais, outre
qu'aucun intérêt personnel n'a pu m'engager à faire l'éloge des au-
teurs de la pièce, outre qu'il n'est nullement probable qu'à la pre-
mière folie qu'on va jouer de moi à Feydeau, les citoyens Picard et
Devienne me rendront la pareille, je dirai, pour leur défense et pour
la mienne : 1° que je ne me mêle jamais de juger le théâtre, et
que ce n'est point cette partie quej'ai adoptée dans votrejournal, parce
qu'elle est trop assujettissante pour mon caractère indépendant, parce
que ceux qui s'en chargent la traitent mieux que je ne pourrais faire,
et parce qu'un écrivain dramatique, jugeant des pièces de ses con-
frères, serait suspect à bon droit, comme juge et partie; 2° que je
ne suis nullement lié avec Picard que je n'entrevois que deux ou trois
fois dans l'année, non plus qu'avec Devienne, à qui je dis bon soir
en passant, quand je l'aperçois au théâtre, où je ne vais guère plus
d'une fois dans le mois; 3° enfin, que, s'il s'agit ici de barbier, ce se-
rait moi qu'on raserait h coup sûr, attendu que Picard, pour les pa-
roles, et Devienne, pour la musique, sont en état de faire la barbe,
non-seulement à moi, mais à bien d'autres.
» J'ai déjà observé que Picard possédoit à un degré supérieur le
vis comica, si précieux à la scène. On a fait au théâtre, à ce sujet,
(1) Voir les n0' 31, 32, 39 et 40.
(2) Le nom de « Cousin-Jacques » était un pseudonyme qu'il avait adopté en
entrant dans la carrière des lettres. Son véritable nom était Beffroy, et on l'a-
vait appelé Beffroy de Reigny pour le distinguer de ses deux frères, Beffroy de-
Beauvoir et Beffroy de Jésomprez.
(3) Dans son livre curieux et intéressant, les Oubliés et les Dédaignés, M. Mon-
selet a donné — au seul point de vue littéraire — une étude excellente et très-
dévoloppée sur le Cousin-Jacques.
(Il) Quelques jours auparavant, il avait publié, dans le même journal, une pre-
mière lettre sur les Comédiens ambulans, dans laquelle il ne parlait que de la
pièce de Picard.
DE PARIS.
325
une plaisanterie, qui, si elle n'est pas excellente, prouve du moins
l'idée que ceux qui connoissent cet auteur et sa conduite se sont
formée de son caractère et de ses mœurs ; on m'a dit, au sujet du
mot vis, qu'il n'avoit que celui-là; c'est qu'en effet on ne lui connoît
aucun vice; c'est un très-mauvais calembourg, je le sais, mais il faut
s'attacher au sens.
» Quant à ce but moral que je voudrais voir un peu plus marqué
dans ses pièces, il m'en parla l'autre jour et m'observa plaisamment
que s'il eût mis de la moralité dans des comédiens ambulans de
l'espèce de ceux qu'il a voulu peindre, il aurait péché contre la
première règle du théâtre, la vraisemblance. Je suis parfahement de
son avis là-dessus ; d'ailleurs, j'ai remarqué que les auteurs les plus
moraux dans leurs ouvrages, ne le sont pas également dans leur
conduite : en raison inverse de celte observation fondée sur une
triste expérience, on voit des auteurs, dont les noms et le caractère
sont infiniment estimables, comme Picard par exemple, et dont les
ouvrages respirent beaucoup plus de gaieté et d'esprit que de mo-
rale.
» La musique des Comédiens ambulans m'a paru extrêmement
bien conçue ; Devienne a saisi l'esprit général de la pièce dans son
ouverture et non pas chaque détail des scènes successivement, ce
qui est un défaut très-remarquable dans quelques auteurs. Il a en-
core saisi, non pas le sens isolé de chaque vers dans tous les mor-
ceaux de chant, mais bien la situation de l'âme du chanteur et l'ex-
pression particulière à chaque rôle, ce qui constituera toujours le
talent lyrique au théâtre.
» D'abord, en entendant l'ouverture, on est tenté de s'écrier: vous
êtes orfèvre, Monsieur Jossel et l'on devine aisément qu'un artiste
tel que Deviennent pouvoit pas en conscience faire la musique d'une
pièce, où il s'agit d'une lutte entre plusieurs chanteuses, sans pré-
luder par une lutte entre les premiers talents de l'orchestre dans ce
qu'on appelle V harmonie, surtout quand l'auteur en fait partie (1)
Mais M. Josse est d'autant plus excusable d'aimer l'orfèvrerie, que son
or n'a point d'alliage et qu'il est même au titre le plus fin. Ce n'est
pas seulement l'harmonie qr,'on entend lorsque Frédéric, Sallentin,
Hugot, Duvernois et Devienne exécutent un concerto ; c'est plus en-
core, selon moi; c'est le véritable harmonica(\) , si j'en juge par l'im-
pression qu'ils font sur l'âme des auditeurs. Ceci soit dit sans porter
préjudice aux talents de ceux dont je ne parle pas. Ce seroit une
prévention coupable que celle qui ne ferait jamais l'éloge d'un ar-
tiste qu'aux dépens d'un autre ; comme de toutes les erreurs la plus
déplorable et la plus funeste au progrès des arts et des lettres, c'est de
ne pouvoir accorder du mérite à une pièce de théâtre, à tel genre,
à tel acteur, sans déprimer les pièces, le genre et les acteurs qui ne
leur ressemblent pas : c'est ici le cas de finir comme j'ai commencé :
» Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux.
» Salut et estime,
» Lu Cousin-Jacques. »
On voit que notre homme n'y allait pas de main morte lorsqu'il
s'agissait de louer un confrère. Plût à Dieu que sous ce rapport tous
les artistes lui ressemblassent ! On sait, du reste, quelle excellente
et loyale nature c'était que ce Cousin-Jacques, et je dois ajouter que
sa sympathie était en ce cas grandement justifiée par la valeur de
(1) Par opposition au quatuor, qui se compose de la totalité des instruments
à archet, on appelle harmonie, dans un orchestre, la réunion de tous les instru-
ments à vent, et plus spécialement encore, celle des instruments à vent en bois :
flûtes, clarinettes, hautbois et bassons. « Vous êtes orfèvre, Monsieur Josse, »
s'écrie le Cousin-Jacques en s' adressant à Deviennes c'est-à-dire vous jouez admi-
rablement de la flûte et du basson, vous écrivez à merveille pour tous les instru-
ments qui tiennent à la famille de ceux-ci, vous êtes premier basson à Feydeau,
et vous avez voulu faire montre de votre talent et de celui de vos camarades. »
l'œuvre dont il traçait l'éloge avec une si grande franchise. Je ne
veux pas analyser dans tous ses détails la partition si complète et si
remarquable des Comédiens ambulans ; mais je ne puis m'empêcher
de dire, et je ne suppose pas qu'on me désavoue, que c'est la pro-
duction d'un talent supérieur arrêté dans son essor par une mort pré-
maturée, et, qu'après sa lecture, il est incontestable pour moi que si
Devienne avait vécu, il se fût élevé à la hauteur des plus grands
génies qui ont illustré le commencement du dix-neuvième siècle.
Pour formuler en peu de mots mon sentiment sur ce charmant
ouvrage, je dirai qu'il est, à mon avis, impossible de rencontrer
dans une œuvre lyrique, une entente plus complète de la scène, un
sentiment plus juste et plus profond de la vérité dramatique, une
plus grande abondance mélodique, une pureté de formes plus ex-
quise, un style plus soutenu, enfin une instrumentation plus brillante
et plus sage à la fois. La partition, publiée chez Cousineau, fut dédiée
par Devienne à la femme de son collaborateur, la « citoyenne »
Picard.
Arthur POUGIN.
'La suite prochainement.)
REVUE DES THÉÂTRES.
Odéon : les Mères terribles, comédie en un acte et en prose, par
MM. Chivot et Duru. — Vaudeville : le Drac, comédie en trois
actes et un prologue, par George Sand et Paul Meurice. — Théâtre
impérial du Chatelet : reprise des Sept Châteaux du, diable.
La comédie des mères qui veulent marier leurs filles est, à quel-
ques nuances près, de tous les temps et de tous les pays ; jamais ce-
pendant elle n'a été plus en situation que de nos jours, où la rareté
du gibier a rendu la chasse aux maris tout aussi difficile que celle
du perdreau et du lièvre. Aussi qu'un malheureux jeune homme,
offrant les apparences d'un prétendu sortable, s'égare dans un salon
orné de demoiselles à pourvoir, vous voyez aussitôt les Mme Bergerat
et les Mme Ducoudray de la comédie s'élancer sur sa piste, le guetter,
le coucher en joue et se disputer le coup de fusil qui doit le mettre
dans le carnier du mariage. Tel est le sort de M. de Blainval qui
fait le rôle du gibier dans la pièce nouvelle de l'Odéon, les Mères ter-
ribles. Mais, malgré les inconvénients de sa position, ce jeune infor-
tuné est encore moins à plaindre que les filles de Mme Ducoudray
et de Mme Bergerat, forcées par leurs mères de déployer tous leurs
petits talents de société pour séduire M. de Blainval. C'est un duel
acharné, dont ces mères terribles dirigent à l'envi tous les incidents,
toutes les péripéties, mais en pure perte; car, une fois à bout de
ruses et de perfidies réciproques, elles apprennent que M. de Blainval
est marié secrètement et que la chose est à recommencer.
Bien de plus amusant et de plus réel que cette légère esquisse de
mœurs, fort bien interprétée par les artistes de l'Odéon, et qui n'a
d'autre défaut que de côtoyer d'un peu trop près le répertoire des
Variétés et du Palais-Boyal.
— Un volume publié , il y a quelques mois , sous le titre de :
Théâtre de Nohant, contient plusieurs pièces que George Sand a
écrites spécialement pour être jouées devant un petit groupe d'amis,
et qui, par leur forme fantaisiste, semblent n'avoir pas été destinées
à la représentation sur nos scènes routinières. L'une d'elles cepen-
dant, le Pavé, a été essayée au Gymnase, mais avec un succès mé-
diocre. Le Vaudeville, à son tour, s'est laissé tenter par une autre
de tes pièces; seulement il a pris la précaution de lui faire subir
une retouche indispensable et d'y adjoindre un prologue explicatif.
Sans cela, en effet, le Drac eût couru grand risque de ne pas être
compris par le public. Qui est-ce qui sait ce que c'est qu'un Drac?
les pêcheurs des côtes de la Méditerranée, et encore, pas tous. Il
326
REVUE HT GAZETTE MUSICALE
résulte d'une légende locale, développée dans le prologue en vers
de M. Paul Meurice, qu'un Drac est un lutin familier, dans le genre
de Trilbij, qui se mêle à la vie des pêcheurs, les accompagne en
mer, les harcèle, les taquine, mais sans leur faire aucun mal. Or,
l'un de ces malins démons est devenu amoureux, nous ne savons
trop comment, de la fille du patron André, et il supplie la reine
Cyané de lui permettre d'aller faire un tour sur terre, en revêtant
la dépouille mortelle du petit mousse Fleur-de-Mer, qui vient de
périr dans une tempête. La reine Cyané accorde son autorisation et
voilà le Drac, ou plutôt Fleur-de-Mer, qui se trouve lancé tout d'a-
bord dans une intrigue d'amour fort compliquée avec la jolie Fran-
chie, courtisée à la fois par le soldat Bernard, son préféré, et par
l'usurier Lesquinade, que le patron André protège. Ce dernier per-
sonnage, de l'invention de M. Paul Meurice, n'existe pas dans l'ou-
vrage primitif de George Sand, et nous devons constater que son
intervention est une heureuse trouvaille. Placé entre ses deux ri-
vaux, le Drac oublie son origine, devient méchant, haineux, comme
le premier homme venu, et il est bien près de s'abandonner à ses
nouveaux instincts, lorsque l'exemple de Bernard le fait rentrer en
lui-même, et le décide à s'immoler pour assurer le bonheur de
Francine.
Cette donnée fantastique, toute pleine d'un sentiment poétique,
rehaussé par le génie de George Sand et par le talent de M. Paul
Meurice, n'est pas, selon nous, dans la sphère qui lui est propre.
S'il y eut jamais un sujet musical, c'est à coup sûr celui-là, et nous
nous trompons bien si, tôt ou tard, le Drac ne se métamorphose pas
une fois encore, sous l'inspiration heureuse d'un de nos bons compo-
siteurs. Tel qu'il est aujourd'hui, il a droit à l'estime de la portion
délicate du public qui préfère aux combinaisons dramatiques des fai-
seurs, de belles pensées traduites en vers élégants ou en prose forte
et substantielle. Le Drac est d'ailleurs parfaitement joué par Mlle Jane
Essler, par Mlle Francine Cellier, et par Febvre, Delannoy et Parade.
— On a repris au théâtre impérial du Chàtelet la grande féerie
des Sept Châleauv du diable, qui a été naguère l'un des plus im-
menses succès de la Gaîté, au boulevard du Temple. Remontée avec
luxe, rajeunie avec soin par des scènes, des airs et des ballets en-
tièrement neufs, cette pièce nous fait l'effet de vouloir reconquérir la
vogue qui lui a déjà valu plusieurs centaines de représentations.
D. A. D. SAINT-YVES.
Le défaut d'espace nous empêche de donner la fin de la biogra-
phie de M. Fétis, qui se termine par la liste complète de ses ou-
vrages.
NOUVELLES.
*% Les trois représentations de la semaine au théâtre impérial de
l'Opéra ont été remplies par Roland, à Roncevaux.
*** Les Huguenots seront représentés aujourd'hui par extraordi-
naire.
**.t Jeudi dernier a eu lieu à l'Opéra la lecture au piano des deux
premiers actes de V Africaine et la distribution des rôles aux, artistes.
Voici cette distribution telle qu'elle a été jusqu'à présent arrêtée :
Vasco da Gama MM. Naudin
Don Pedro, grand amiral Belval
Nelasko Faure
Le grand inquisiteur Aubin
Don Alvar Warot
Selica, reine de Madagascar. . . . Mmes Marie Sax
Inès Battu
La scène se passe d'abord à Lisbonne et le premier acte dans la salle
du grand conseil d'Etat ; le deuxième acte dans la prison où Vasco da
Gauna a été renfermé: le troisième en mer dans un vaisseau, et les
deux derniers en Afrique.
*% David apprend le rôle de Belval, et M. Castelmary celui de Bon-
nesseur dans Roland à Roncevaux pour suppléer, en cas de besoin, leurs
chefs d'emploi.
*** Vendredi a eu lieu au théâtre de l'Opéra-Comique la reprise du
Songe d'une nuit d'été. Mme Gennetier y a fait un très-brillant début.
Nous en rendons compte.
*** Mario vient d'être décidément engagé par M. Bagier; il chantera
trois mois à. Madrid à partir du 1er décembre et viendra à Paris à la fin
de février. — Mlle Quéniaux, danseuse de l'Opéra, vient d'être égale-
ment engagée.
*** M. Carvalho , directeur du théâtre Lyrique Impérial, vient de
mettre gracieusement à la disposition des organisateurs de la tombola
des artistes dramatiques, une entrée personnelle à son théâtre, à par-
tir du jour du tirage.
**„ Le premier ouvrage qui va être joué au théâtre Lyrique est la
Traviata. En attendant, Faust et Don rasquale continuent à remplir la
salle.
"t M. Bordet (d'Angers) et F. Dartol ont adressé aux journaux une
lettre destinée à constater que, dès 1850, ils avaient composé en colla-
boration un opéra dont le titre est la Fiancée d'Abydos, et le sujet
le même que celui qui a été choisi par M. Carvalho pour être mis au
concours entre les lauréats du prix de Rome. Cette œuvre est à la
gravure.
/, La direction du théâtre Italien vient de faire savoir qu'elle dé-
livrera, moyennant le prix de Soi) fr. pour la saison, un certain nom-
bre d'entrées personnelles à toutes les représentations d'abonnement des
dimanches, mardis, mercredis, jeudis et samedis. — Les divertisse-
ments chorégraphiques ne commenceront que vers le 1b de ce mois.
*** Le différend survenu entre la nouvelle Société du théâtre des
Bouffes Parisiens et M. Eugène Prévost est aplani, et il conserve ses
fonctions de chef d'orchestre.
a/%, On doit représenter cet hiver au théâtre des Bouffes-Parisiens un
opéra féerie en trois actes de MM. Emile de Najac et Ch. Deulin, mu-
sique d'Albert Grisar, provisoirement intitulé le Parapluie; il faudra
que le théâtre soit machiné exprès pour l'exécution de cette œuvre.
a..** J. Offenbach est toujours à Vienne. Son opéra les Géorgiennes y
sera joué vers la mi-décembre.
m\ La direction du théâtre des Variétés vient d'engager Mlle Schnei-
der pour créer le principal rôle dans l'Enlèvement d'Hélène ou la Belle
Hélène (le titre n'est pas encore fixé), opéra-bouffe en trois actes, de
H. Meilhac et Ludovic Halévy, dont Offenbach compose la musique, et
qui sera joué cet hiver. Le rôle de Paris est destiné à Dupuis, et celui
de Ménélas à Hervé, qui vient de signer un engagement de trois ans au
même théâtre.
.,.** On prête à M. Varney et à Mme Ugalde le projet de parcourir la
province avec une troupe que l'ex-directeur des Bouffes serait en train
de recruter pour y chanter le répertoire d'Offenbach, et entre autres,
les Bavards, Orphée aux enfers, les Géorgiennes, etc. Elle exploiterait
d'abord le midi de la France.
*** L'éditeur Choudens vient d'acquérir la propriété pour tous pays
de l'opéra de M. Mermet : Roland à Roncevaux. La partition et les mor-
ceaux séparés paraîtront à la fin de ce mois.
»** Mlle Artot vient de quitter Paris pour aller remplir l'engagement
qui la lie au théâtre de Vienne, et qui commence le 1er novembre. Le
Domino noir est au nombre des opéras qu'elle doit y chanter.
s*,. Joseph Wieniawski est parti pour la Russie. Il se fera entendre
à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Il compte être de retour à Paris
pour le mois de décembre.
*** Le théâtre du Havre vient de reprendre Robert le Diable, chanté
par MM. Bosc, Zimmermann, Mlles Lagye et Vitalis; le chef-d'œuvre de
ileyerbeer a été bien interprété et les artistes fort applaudis.
„% La Société nationale des beaux-arts, n° 26, boulevard des Italiens,
va désormais donner des concerts quotidiens qui auront lieu le soir à
8 heures 1/2. A cet effet la salle a reçu d'importantes modifications, qui
mettront à la disposition du public, à son choix, des loges, un amphi-
théâtre ou des stalles. L'ouverture des concerts aura lieu au mois de
décembre. On y exécutera la musique des grands maîtres et de la mu-
sique de danse. M. Debillemont a été choisi par le directeur, M. Mar-
tinet, pour chef d'orchestre. Le prix d'entrée, qui donnera lieu à l'au-
dition delà musique, à la visite de la galerie des tableaux et à la jouis-
sance du cabinet de lecture, sera de 2 francs.
*% Par décret impérial, en date du 5 octobre, M. le comte de Nieu-
werkerke, surintendant des beaux-arts, a été élevé à la dignité de sé-
nateur.
*** Dans les derniers jours de septembre, Arcachon a été le théatr e
d'une fête artistique, dont Mmes Tardieu de Malleville et Oscar Cûmet-
tant ont fait les honneurs. La cantatrice n'a pas réussi moins dans un
air de la Flûte enchantée que dans la romance des Porcherons. La ronde
havanaise qu'elle a dite dans l'idiome national, a fait valoir toutes les
ressources d'un talent souple et facile qui s'exerce avec un avantage
égal dans les genres les plus opposés.
ne PARIS.
327
*% Nous rappelons aux amateurs que les concerts populaires de
Pasdeloup recommenceront ic 23 de ce mois au cirque Napoléon. Il
donnera dans la saison d'hiver vingt-quatre concerts divisés en trois
séries de huit chacun.
„.*» Nous lisons dans la Gazette des Etrangers que les accès violents
auxquels M. Scudo a été en proie la semaine dernière, se sont calmée,
et qu'une amélioration sensible s'est manifestée dans son état.
»** Le corps académique de l'Institut royal de musique de Florence
s'est réuni le 27 septembre pour décerner les prix du concours Basevi.
Voici le résultat proclamé : M. W il hem Langnans a obtenu le premier
prix et M. Giuglio Ricordi le deuxième prix. Cinq mentions honorables
ont été accordées à MM. Charles Dancla, Thomas Taeglichsbeck , Sum-
mers, John Lodge Ellerton, Luigi Laschi.
*** La Société des quatuors de Florence vient de publier son pro-
gramme pour la quatrième année de ses séances. Elles seront au
nombre de dix et commenceront le 1e" novembre.
*** Le théâtre San Carlos, à Lisbonne, a fait sa réouverture par la
Favorite. Le chef-d'œuvre de Donizetti a été interprété par Mme Borghi,
MM. Mongini et Squarcia aux grands applaudissements du public. Riijo-
letlo a suivi ; Mme Volpini, Tombesi et Squarcia y ont obtenu un grand
succès.
*** Le théâtre de Strasbourg a rouvert ses portes le 29 septembre.
La troupe se compose de Mlle Lustani-Mendez, qui a chanté avec succès
à Bade; MM. de Warnotz, Stroheker, Carman et Marchot. La direction
annonce en fait de nouveautés Obèron, un Ballo in maschera, Lara, et les
opérettes Orphée aux enfers, les Bavards, la Chanson de Fortunio, etc.
On reprendra les Huguenots, le Pardon de Ploermel, Martha, Frey-
schulz, etc.
**.j. Le premier numéro de la Gazelle des abonnés, donné gratuite-
meutparM. de Villemessant à ceux qui le chargent de renouveler leurs
abonnements aux journaux publiés à Paris, vient de paraître. Ce nu-
méro qui est très-varié, contient une nouvelle de M. do Bragelonne,
une uouble planche des modes du jour, une revue comique inédite de
Cham, des dessins de broderie, etc Mais le morceau capital est une
chanson de Victor Hugo qui a pour titre : Vieille Chanson, et sur la-
quelle Offenbach a composé une délicieuse musique; pour le coup c'est
un véritable cadeau fait à ses abonnés par M. de Villemessant.
*% M. Bessems est de retour de ses voyages artistiques et rendu à
ses nombreux élèves de musique classique dont il est le représentant
le plus digne.
4*4 Un arrangement pour harmonium et piano des principales ro-
mances sans paroles de Mendelssohn, par J. Miolan, va incessamment
paraître.
„*, Nous avons fait connaître l'ouverture à Naples du congrès musical
italien. Voici les principales questions dont il aura à s'occuper : —
1° Encouragements à donner aux compositeurs dramatiques pour faci-
liter leurs débuts et préparer leur avenir. Institution d'un jury com-
posé de nwestri et de littérateurs ayant pour mission de recommander
aux municipalités qui subventionnent leurs théâtres l'exécution des
œuvres nouvelles de jeunes compositeurs. — 2° Réorganisation des
conservatoires, lycées et établissements consacrés à la musique, d'après
les conditions actuelles de l'art, en se conformant autant que possible
aux systèmes universitaires, dans le but de mettre obstacle à l'arbitraire
exercice des soi-disant artistes. — 3° Réforme des méthodes, traités et
systèmes d'enseignement tendant à établir, dans les diverses branches
de l'art, une école italienne ; réclamant un soin particulier pour l'en-
seignement élémentaire et pour la résurrection de Vart du chant,
tombé plus que tout autre dans un abaissement déplorable. Rédac-
tion d'un dictionnaire italien des mots nécessaires à la science et
à l'art musical. — 4° Fixation d'un diapason normal, unique, inaltérable.
Préparer l'unité de diapason entre tous les peuples musiciens, à com-
mencer par l'Italie, la France et l'Allemagne.— 5° Formuler une réforme
de la musique religieuse, tant dans le caractère et le styie des compo-
sitions que dans les moyens d'exécution. Etablissement d'écoles de chant
dans les églises épiscopales et archiépiscopales. Pourvoir à la renais-
sance de 1 école d'orgue. ... — 8° Droits des compositeurs de musique
sur la gravure et sur la représentation de leurs œuvres. Propriété
intellectuelle. Fondation d'un bulletin mensuel international de toutes
les publications et de toutes les représentations musicales. Ce bulletin
devrait se borner à la mention pure et simple du fait artistique, sans
aucune appréciation... — 10° Fondation d'une bibliothèque populaire
musicale dans chaque commune. — 11° Etudes à faire en vue d'une sta-
tistique musicale. — 4 2» si l'on doit appeler classicjue la musique des com-
positeurs vivants lorsqu'elle réunit certaines conditions de science et
de génie, ou s'il faut réserver cette expression pour la seule musique,
plus ou moins ancienne, des compositeurs morts. Le congrès admet, en
outre, les questions non prévues qui pourraient être soulevées oppor-
tunément dans son sein et dont il reconnaîtrait l'urgence.
*** C'est aujourd'hui dimanche, de midi à 5 heures, qu'a lieu dans
le beau jardin du concert des Champs-Elysées le grand festival auquel
tout Paris est convié depuis quinze jours. L'orchestre habituel du con-
cert, un excellent orchestre militaire, les Sociétés chorales les plus en
renom de Paris, en tout cinq cents exécutants, voilà plus qu'il n'en
faut pour piquer la curiosité parisienne et attirer aux Champs-Elysées,
cette après-midi, des milliers de personnes.
,** Dimanche prochain 16 octobre i! sera donné au Pré Catelan
une grande fête de bienfaisance au profit de l'association des artistes
musiciens. — Pour la première fois, le public d'élite de la capitale et
les nombreux étrangers qui se trouvent à Paris auront le plaisir d'as-
sister à ce spectacle unique dû à la bienveillance de LL. Exe. les ma-
réchaux Randon et Magnan, et à la sollicitude toute paternelle du baron
Taylor. — Organisé par les soins empressés d'une direction aussi ac-
tive qu'intelligente, le premier festival de ta cavalerie sera la solennité la
plus imposante de l'année 1864. Mille artistes de toutes armes exécute-
ront les chefs-d'œuvre de la musique, et une belle fantasia militaire
avec les trompettes et clairons couronnera, au bruit des salves d'artil-
lerie, cette fête de l'art et de la charité.
*% M. Ernest Bourget, auteur d'une foule de chansonnettes comiques,
dont plusieurs sont devenues populaires, a succombé cette semaine à
une courte maladie; on lui devait aussi les rondes originales des Nuits
de la Seine et des Chevaliers du brouillard.
_ *** M. le comte Horace de Vieil-Castel, qui avait succédé à Fioren-
tino dans le feuilleton dramatique du journal la France, a succombé la
semaine dernière à la maladie grave dont il était atteint depuis long-
temps. M. de Vieil-Castel, parent de Mirabeau par alliance, était un lit-
térateur de mérite qui avait attaché son nom à de nombreuses et im-
portantes publications. 11 était conservateur du musée des souverains.
Un grand nombre de notabilités assistaient à ses funérailles, et l'un de
ses collaborateurs à la France, M. Cohen, a prononcé un discours sur
sa tombe.
„?, Frédéric Hofmeister, le doyen des éditeurs de musique allemands,
est mort à Leipzig; il était âgé de quatre-vingt-trois ans. C'était un
homme estimé de tous, et dont le monde musical doit surtout regretter
la perte.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„*„ Bruxelles. — La semaine théâtrale a été défrayée par le Prophète,
la Dame blanche et les Draguns de Villars. On monte la Reine Topaze.
La troupe allemande a donné une excellente représentation de Martha.
Mlle Lichtmay est une Martha remplie de grâce, de coquetterie et de
vivacité ; sa voix est pleine de charme et de suavité. M. Lukes a
chanté d'une façon très-remarquable le rôle de Lionel, et M. Strobel
est fort bien dans celui de Plumkett. Mlle Hessert a suppléé avanta-
geusement Mlle Orossi dans celui de Nancy. — La maison Schott vient
d'acquérir la propriété, pour tous les pays, de l'Hymne national com-
posé par Vieuxtemps.
„,% Berlin. — A l'occasion du jour de naissance de la reine de
Prusse, une représentation de gala a été donnée à l'Opéra royal. On
a exécuté une ouverture de fête de Taubert et repris l'opéra Orphée,
de. Gluck, avec Mlle de Ahna dans le rôle principal. — Fr. Liszt vient
d'arriver ici.
ERRATUM. — Une de ces fautes, malheureusement trop fréquentes
en imprimerie, a rendu inintelligible le sens de la nouvelle que nous
avons donnée dans notre dernier numéro, sur la prochaine représenta-
tion des Huguenots, au théâtre Argentina, à Rome. On nous a fait dire
que Mme Trebelli-Bettini chanterait le rôle de Fidès, tandis que nous
avions écrit le rôle du page. Nous devons même annoncer à cette occasion
que Mme Trebelli y ajoutera le fameux rondo composé par Meyerbeer
pour Mme Alboni.
Le Directeur : S. DUFODR.
CONCOURS
Pour l'emploi de premier organiste à la cathédrale
de Reims.
Le concours aura lieu en l'église métropolitaine, le mardi 25 octobre
1864, à 10 heures du matin.
MM. les artistes qui désirent y prendre part devront à l'avance, et
par lettre affranchie, se faire inscrire au secrétariat de l'archevêché, et
déposer un certificat de moralité délivré par leur curé, et revêtu du
visa de l'autorité diocésaine.
Les concurrents seront examinés sur la lecture de la musique d'or-
gue; sur le maniement de la pédale ; sur l'improvisation; sur l'accom-
pagnement du plain-chant; sur la composition, etc.
Le traitement annuel est fixé à 1,500 francs, non compris le casuel.
328
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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Représenté à Paris pour la première fois (en français) au théâtre Lyrique impérial, le 9 septembre 1864.
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PIANO SEUL
Ouverture par Labarre. 6 ■>
Adam. Six airs faciles 6 »
— Sérénade (en feuille) 2 50
Benfsdict (J.). Nocturne 6 »
— Divertissement 6 »
Bertinl. Op. 146. Sérénade variée... 7 50
Donizetti. Suite de valses 7 50
Goldscbmidt. Op. 1. Fantaisie brill. 9 »
Herz (Henri). Op. 1 34. Fantaisie brill. 9 »
Kontskl (A. de). Op. 97. Gr. fantaisie 9 »
Labarre. Valse 3 »
Lecarpentier. Op. 72. Sérénade et
rondo 6 »
— Op. 73. Cavatine 5 »
SUITE DU PIANO SEUL
Leduc. 12° bagatelle sur la sérénade
(très-facile)
Louis (N.). Op. 127. Rondo
Slïclicux. Op. 77. Trois fantaisies:
1 . Très-facile
2. Facile
3 . Morceau de salon
Prudent. Op. 13. Quatuor varié...
Bosellen . Op . 53 . Fantaisie
Tbalberg. Op. 67. Grande fantaisie
— Op. 67 bis. Sérénade extraite..
Voss (Ch.). Op. 146. Grande fantaisie
brillante
Wolfff . Op. 81 . Boléro
5 «
5 »
9 »
9 »
10 »
7 50
7 50
6 »
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Ouverture par Labarre
Bertini. Op. 146. Sérénade
Donizetti . Suite de valses
Louis (N.). Op. 134. Variations brill.
Bosellen. Op. 53. Fantaisie
HARMONIUM
Daussofgne-iiébui. Fantaisie avec
piano
Engel . Fantaisie (solo)
Frelon. Quatuor transcrit avec piano
Lefébure-Wely . Op. 27. Fantaisie
(solo)
PIANO ET VIOLON
«oria et Uerman. Op. 29. Duo de
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9 »
9 »
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Paris 24 r. par ai
Départements, Belgique et Suisse... 30. id.
Étranger 34 » Id.
Le. Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — La musique et la société française au xvme siècle (1" article),
par 13m. Mathieu de Monter. — Biographie universelle des musiciens :
François-Joseph Fétis (ù« et dernier article). — Lettre de Marie-Antoinette
relative à Gluck. — Nouvelles et annonces.
LA MUSIQUE ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU XVIIIe SIÈCLE.
(Premier article.)
A ce xvine siècle que l'on attaque trop sans le bien connaître, et
dont le sens intime et caché se dérobe sous l'agrément de ses de-
hors, l'histoire pardonnera au nom de l'art qu'il aima tant. C'est la
grandeur de cette époque, ce sera son excuse, et une glorieuse
excuse, d'avoir affranchi la pensée de ses entraves séculaires, d'avoir
libéré l'artiste de la sportule des grands pour l'élever à leur estime,
d'avoir montré le rang, la naissance courtisant le talent, d'avoir fêté
la muse riante, la mélodie qui caresse de doux accents,
Enfants d'une bouche vermeille !
tout un monde ambré, pailleté, insouciant, et agité, de Choiseul à
Turgot, et jusqu'à la veille de l'effroyable orage, par je ne sais
quelle fièvre d'idéal.
La France est alors pays d'opéra, de romans, d'ariettes, de comé-
dies, de vaudevilles courant les éventails, de chansons bien vite en-
volées vers les saules, de bagatelles musicales, de petits riens qui
font figure, prennent tournure, amenés d'un joli air. Le but de la
vie semble être la jouissance de tout ce qui est aimable, bien plus
que la poursuite ambitieuse de la gloire. La musique sacrifiée à la
danse, sous le règne de Louis XIV, par bien des motifs d'apparat,
auquels l'orgueil du « royal danseur de ballets » ne fut pas étran-
ger, la musique, comme un courant longtemps comprimé, se ré-
pand parmi la société française avec l'impétuosité, l'enivrement et
l'audace des temps de Louis XIII. « ^Chaque femme de qualité a
son philosophe et son musicien », et son théâtre, et ses concerts,
et ses rôles à apprendre, et ses répétitions à suivre, et ses costu-
mes à méditer. Avec Rameau naît la gaieté musicale. A Lully, à ses
récitatifs interminables, à ses lentes symphonies, à ses ouvertures
solennelles, « le père aux rigodons » oppose la musique nouvelle,
vive, riante, la troupe des harmonies volantes et légères. La pein-
ture elle-même met ses pinceaux au service de la musique, et les
toiles des Watteau, des Lancret, des Vanloo ne semblent accrochées
dans les galeries que pour faire revivre au bord des sources, à la
marge des forêts lumineuses, Hippolyte et Aricie, et les héros des
Indes galantes, et Gilles et Colombine, vêtus de satin, guitare au
poing, bien campés et le nez au vent.
Le roi et ses maîtresses, le Parlement et les jansénistes, la politi-
que de Dubois et les crimes de Cartouche, Law et son système, les
philosophes et les convulsionnaires, les molinistes et le pacte de fa-
mine, ce sont là, n'est-ce pas' de vastes et sérieux sujets à 'com-
mentaires, et qui doivent épuiser la voix du causeur, fatiguer la
plume du chroniqueur? Nullement. Aussi bien, chroniqueurs, hommes
d'esprit et épistolaires sont forcés de choisir entre le mensonge, le
s'ience ou la Bastille, en ce qui touche aux choses de l'Etat. La mu-
sique, l'Opéra, le ballet, les concerts, les salles de spectacle aristo-
cratiques, les compositeurs, les hautes-contre italiens, les filles de
théâtre, voilà ce qui absorbe la curiosité publique! Ouvrez les ra-
conteurs du temps : Marmontel, Bachaumont , la Harpe , Grimm ,
Diderot, Mettra, Barbier, Marais, Mme du Deffand, etc. ; de chaque
feuillet se détache le compte rendu d'une première représentation,
l'analyse d'un opéra, l'annonce d'un concert, une nouvelle musicale.
Voulez-vous être plus amplement renseigné ? Voici les Nouvelles à la
main, le Journal de Verdun, le Mercure, la Gazette de France qui
gardent, entre leurs colonnes jaunies, comme une vague odeur de
musc et de « bouquets à Chloris. » Ils ne sont pas prolixes ces jour-
naux, et pour cause, mais aucun nom ne manque à leur liste des
salons blanc et or, ou chaque semaine s'ouvre le clavecin de Dulken
et s'accordent les violons de Canaple ou de Vaugeois. Dans votre
curiosité légitime, allez plus loin encore, descendez la sombre spirale
qui mène aux « bouches de fer » de la police, interrogez de l'œil et
du doigt ces dossiers sans nombre, ces rapports administratifs "que
les lieutenants généraux de la bonne ville feuilletaient à leur petit
lever. Une place large, jamais vide, y est réservée aux choses de la
musique, et la musique a là une Clio bien indiscrète. Prenez au
hasard :
« 11 mars 1722. — Hier messieurs de la ville ont donné un con-
cert magniûque en l'honneur de l'Infante. Les pages du roi, des
princes et d'autres jeunes gens ont ballotté les femmes, les ont dé-
330
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
coiffées, et ont jeté les perruques sur les lustres, en faisant tapage. »
Notre siècle tant maudit a du bon. Nous nous conduisons mieux,
aujourd'hui, aux concerts de la salle Herz.
« 5 avril 1723. — Chez la Minier, chanteuse de l'Opéra, on vient
de trouver, étendu sous le clavecin, M. le duc de Mazarin mort
d'une indigestion d'un pâté haché de truffes et de marrons. Il laisse
trente-trois mille bouteilles de Champagne dans sa cave. »
M. de Mazarin était un excellent musicien. Il jouait admirablement
de la flûte.
<• 18 janvier 1741. La Lemaure ne chante pas tous les jours à
l'Opéra. Cela dépend du petit abbé de Lagarde. Elle veut qu'il lui
tienne constamment compagnie. S'il n'est pas docile à ses volontés,
ses vapeurs lui prennent. »
« 28 juillet 1741. — On badine Mme la duchesse de Villars sur
son académie musicale, dont M. de Moncrif est le tenant. On plai-
sante beaucoup cet académicien sur les saintes cantates qu'il com-
pose pour la reine, parce qu'on n'ignore pas qu'il s'est depuis long-
temps voué au profane. »
« 3 septembre 1742. — M. de Bagestan a fait l'acquisition d'une
fille de magasin qui a une fort belle voix. On la dit jolie. »
On la dit jolie I Nous savons à quoi nous en tenir sur le dilettan-
tisme de M. de Bagestan !
« 10-29 août 1743. — La grande affaire du moment, c'est l'his-
toire de Mlle Rotisset, sœur du secrétaire de M. d'Argenson, qui a
débuté à l'Opéra sous le nom de Romainville. On ne parle que de
cela. Le père et la mère avaient écrit des placets au roi pour que
Sa Majesté l'en empêchât, mais M. de Gesvres, qui devait les re-
mettre, les a gardés pour lui. M. d'Argenson s'est piqué que M. de
Gesvres l'ait si peu ménagé dans la personne de son secrétaire, qui
est au désespoir que sa sœur soit actrice. M. de Gesvres a tenu bon
et assuré la petite Rotisset qu'elle n'aurait pas à quitter l'Opéra. Elle
y est restée, en effet, et son succès est grand. Le père a voulu re-
venir de province, pour la tuer. De sages conseils l'en ont em-
pêché. »
Ce n'était pas un honneur, alors, d'avoir une fille dans ce sérail
lyrique et chorégraphique !
« Septembre 1770. — Une cantatrice retirée depuis longtemps de
l'Opéra, et qui vit avec un M. Rollinj fermier général, est venue hier
soir à l'Opéra et a causé avec des actrices. Quelqu'un s'informa
quelle était celle dame : s Eh ! quoi, répondit Sophie Arnould, vous
» ne la connaissez pas ? C'est l'histoire ancienne de M. Rollin. »
« Mlle Guimard, maîtresse de M. Jarente, chargé de la feuille des
bénéfices, a, comme l'on sait, peu d'embonpoint. Mlle Arnould a dit
d'elle : « Conçoit-on que cette chenille soit si maigre? Elle est sur
une si bonne feuille ! »
« Mars 1777. — 11 y a eu ce carême plusieurs spectacles de so-
ciété fort intéressants, entre autres chez Mme la marquise de Mont...
On y a revu avec le plus grand plaisir l'opéra d'Aline et celui de
la Servante maîtresse, le Barbier de Séville, trois pièces où Mme de
Mont... a rempli tour à tour les rôles de Mlle Doligny, de Mlle Ar-
nould et de Mme Laruelte, avec une intelligence, un naturel, une
grâce, une finesse capables de suppléer tous les avantages de l'ha-
bitude et du talent le plus exercé. »
« 20 novembre 1780. — Il y avait ces jours derniers, rue Blan-
che, grande société aristocratique chez Mme la princesse de Vaude-
mont, passionnée pour la bonne musique. Elle devait avoir Mme de
Montgeroult qui s'est fait une grande réputation en improvisant au
clavecin. Par malheur, cette virtuose de société est fort capricieuse,
et elle se passa la fantaisie, en arrivant chez la princesse, d'annon-
cer qu'une migraine l'empêcherait de se faire entendre. Vif désap-
pointement pour les personnes qui n'étaient venues ce soir-là que
pour elle ! Mme de Vaudemont la décida enfin au milieu de la soirée
à s'asseoir au forte; mais dès qu'elle y eût préludé, Mmes de Bauf-
fremont et de Mailly, Mlle de Nervo et d'autres demandèrent tout
haut leur carrosse, trompant à leur tour l'attente de Mme de Mont-
geroult. »
Dans ces notes officielles, l'histoire musicale se fait ainsi, au jour
le jour, durant une période de soixante ans. Il convient de les uti-
liser, tout en contrôlant de bien près leur témoignage. L'histoire ar-
tistique vit, aujourd'hui, de détail, descendant à tout sans s'amoin-
drir, consultant tout sans rien dédaigner, et par d'ingénieuses déduc-
tions reconstruisant l'être avec un grain de sable. C'est l'histoire
intime que l'on appellera peut-être un jour : l'histoire humaine.
Em. Mathieu DE MONTER.
[La suite prochainement .)
BIOGRAPHIE UNIVERSELLE DES MUSICIENS.
(SECONDE ÉDITION.)
FÉTIS (François- Joseph).
(4« article) (1).
Vers la fin de 1832, des propositions furent faites à Fétis, de la
part du roi Léopold Ier et du gouvernement belge, pour qu'il accep-
tât les places de maître de chapelle du roi et de directeur du Con-
servatoire de Bruxelles; au mois de mars suivant, il signa des con-
trats relatifs à cette nouvelle position, et dans le mois ■■de mai il
quitta Paris pour vaquer à ses nouvelles fonctions. Le désir de ne
rien négliger pour la prospérité de l'école qui lui était confiée, l'a
engagé dans de nouveaux et considérables travaux. Outre l'adminis-
tration de cette école, qui exige beaucoup de soins, il fait lui-même
un cours de composition, dirige les études d'orchestre, les répéti-
tions et les concerts; enfin il a écrit, pour faciliter l'enseignement
un Manuel des principes de la musique, un Traité du chant en chœur,
un Manuel des jeunes compositeurs, directeurs de musique et chefs
d'orchestre, une Méthode des méthodes de piano, ou analyse des meil-
leurs ouvrages publiés sur l'art de jouer de cet instrument, et une
Méthode des méthodes de chant, faite sur le même plan. Tous ces
ouvrages, hors le dernier, sont publiés depuis longtemps , chez
Brandus, à Paris. Vingt-huit années se sont écoulées au moment où
cette notice est revue, depuis que la direction du Conservatoire de
Bruxelles a été confiée à Fétis, et la réputation universelle dont jouit
cette institution, le nombre considérable d'artistes distingués de tout
genre qui y ont été formés, les heureux effets produits par l'influence
de cette même école, sur le goût de l'art et les progrès de l'éduca-
tion musicale dans la population du pays, ont été dans cette période
la récompense des efforts du directeur, secondé par les professeurs
d'élite dont il s'est entouré, ou dont il a lui-même formé et développé
le talent. Dans le but de lui offrir un témoignage durable de leur
affection et de leur gratitude pour son dévouement, ces professeurs
ont saisi l'occasion du cinquantième anniversaire de son mariage,
arrivé le 6 octobre 1856, et ont fait placer son buste en bronze,
ouvrage du célèbre sculpteur Guillaume Geefs, sur un socle, au mi-
lieu de la cour du Conservatoire ; l'inauguration en a été faite au
milieu d'un concours immense de spectateurs, après qu'une messe à
cinq voix et chœur, de Fétis, eut été exécutée le même jour, dans
l'église Notre-Dame du Sablon, par les professeurs et les élèves du
Conservatoire.
Les productions que Fétis a publiées jusqu'à ce jour, sont celles
dont les titres suivent :
I. Musique instrumentale. 1° Pièces d'harmonie à huit parties,
(1) Voir les not 38, 39 et 40.
DE PARIS.
331
Paris, Lemoine. 2° Fantaisie pour le piano sur l'air O pescator dell'
onda, Paris, Ph. Petit. S0 Fantaisie pour le piano sur la ronde du
Petit Chaperon, Paris, Boïeldieu. 4° Trois suites de préludes pro-
gressifs pour le piano, Paris, A. Petit. 5" Sextuor pour piano à
quatre mains, deux violons, alto et basse, op. 5, Paris, Mi-
chel Ozy; 2e édition, Paris, Brandus. 6° Fantaisie chromatique pour
le piano, op. 6. Ibid. 7° Trois sonates faciles pour piano à quatre
mains, op. 7. Paris, A. Petit. 8° Grand duo pour piano et violon,
op. 8. Paris, Launer. 9° Variations à quatre mains pour le piano sur
l'air: l'Amour est un enfant trompeur, Paris, Ph. Petit. 10e Marche
variée pour le piano, ibid. 11° Ouverture de concert à grand or-
chestre, Brunswick, Mayer. 11° (bis) Premier et deuxième quintettes
pour deux violons, deux altos et violoncelle, Paris, Brandus, et
Mayence, Schott, en parties séparées et en partition. De plus, environ
cent cinquante morceaux de tout genre, écrits pour la lecture à pre-
mière vue, aux concours du Conservatoire de Bruxelles pendant
vingt-huit ans, lesquels consistent en solfèges, pièces pour le piano,
solos pour tous les instruments, avec accompagnement de quatuor, etc.
II. Opéras. 11° (ter) L'Amant et le Mari, opéra-comique en deux
actes, représenté au théâtre Feydeau, en 1820. 12° Les Sœurs jumelles,
en un acte, représenté au même théâtre, en 1823. 13° Marie Stuart
en Ecosse, 3 actes (1823). 14° Le Bourgeois de Reims, en un acte,
ouvrage composé pour le sacre de Charles X, et représenté en 1824.
15° La Vieille, en un acte, représenté au théâtre Feydeau, en 1826.
16° Le Mannequin de Bergame, en un acte, au théâtre de la rue Ven-
tadour, en 1832. 17" Phidias, en deux actes, pour l'Opéra (non re-
présenté).
III. Musique de chant. 18° Deux nocturnes italiens et une
canzonnelte, Paris, Pleyel. 19" Miserere, pour trois voix d'homme,
sans accompagnement, Paris, A. Petit. 20° Messe de Requiem, pour
quatre voix et chœur, avec accompagnement de six cors, quatre trom-
pettes, trois trombones, saxhorn, bas-tuba, bombardon, orgue obligé,
violoncelles, contre-basse et timbales, exécutée le 14 octobre 1850,
pour le service funèbre de la reine des Belges. Paris, chez Meisson-
nier, partition et parties séparées. 20° (a) Six messes faciles pour
l'orgue, composées sur le plain-chant de l'église accompagné, avec
des versets, des introductions et des conclusions. Paris, H. Lemoine,
1839, 1 vol. in-folio. 20° (b) Vêpres et saluts du dimanche pour
l'orgue, avec le chant des hymnes et des antiennes de la Vierge,
précédés d'une instruction sur l'accompagnement des psaumes, Paris,
Ve Canaux, 1843, un cahier in-folio oblong.
IV. Musique d'église (non publiée). 21° Messe à cinq voix et
chœurs, avec orgue, violoncelle obligé et contre-basse. 22° Plusieurs
messes, motets, litanies, hymnes et antiennes pour trois, quatre
et cinq voix, avec orgue, composés dans un nouveau système pour
la chapelle de la reine des Belges. 22° (bis) Lamentations de Jé-
rémie, à six voix et orgue.
V. Musique instrumentale (non publiée). 23° Une très-grande quan-
tité de pièces d'orgue de tout genre. 24° Soixante fugues et préludes
fugues pour le même instrument. Un choix de ces pièces fait partie
de la Science de l'organiste, ouvrage non encore achevé. 25° Sym-
phonies à grand orchestre (en mi bémol). 26° Fantaisie pour piano
et orchestre. 27° Deux quintettes pour deux violons, deux violes et
violoncelle. 28° Un sextuor pour deux violons, deux violes, violon-
celle et contre-basse. 29° Un quatuor pour piano, violon, viole et
basse. Toutes les premières productions de Fétis, telles que sympho-
nies, symphonies concertantes, concertos de violon et de piano,
quatuors, messes, offertoires, etc., ont été anéanties, à l'exception de
trois quatuors, composés à l'âge de douze ans, conservés par cu-
riosité.
VI. Ouvrages didactiques, historiques et critiques publiés ou
prêts à paraître. 30° Méthode élémentaire et abrégée d'harmonie et
d'accompagnement, suivie de basses chiffrées, Paris, 1824, in-8°, Ph.
Petit. Une deuxième édition, revue avec soin, a été publiée à Paris,
en 1836, chez Mme Lemoine (plus tard Aulagnier), in-4°. Il en a
été fait une troisième, portative, grand in-8°, Paris, Aulagnier, 1841;
on y a supprimé les exercices d'accompagnement de la basse chif-
frée. Une traduction italienne de cet ouvrage a été publiée à Naples,
chez Girard, en 1836, et une autre a paru à Turin, chez Pomba.
M. Bishop, de Cheltenham, en a donné une traduction anglaise in-
titulée : Elementary and abridged Method of Harmony and accom-
paniment, followed by progressive exercices in every key, etc.,
Londres, Robert Cocks et C° (saDS date), 1835, grand in-4°. 31°
Traité de la fugue et du contre-point, composé pour l'usage du Con-
servatoire. Paris, Troupenas, 1825, deux parties in-4°. Une deuxième
édition, avec des additions concernant le style instrumental, à Paris,
chez Brandus, en 1846. 32° Traité de l'accompagnement de la par-
tition, Paris, 1829, Pleyel, in-4°- Ouvrage d'un genre neuf, le seul
qui existe sur cette matière. 33° Solfèges progressifs, avec accom-
pagnement de piano, précédés de l'exposition raisonnée des princi-
pes de la musique, Paris, 1827, M. Schlesinger, in-4°. Quatre édi-
tions de cet ouvrage ont paru jusqu'en 1857. On en prépare une
cinquième avec des additions considérables. 34° Revue musicale, huit
années, 1827-1834, quinze volumes, dont dix in-8° et cinq in-4°.
35° Mémoire sur cette question mise au concours en 1828, par la
quatrième classe de l'Institut des Pays-Bas : Quels ont été les méi i-
tes des Néerlandais dans la musique, principalement aux xiv6, xv"
et xvie siècles, etc. Ce mémoire a été imprimé aux frais de l'Insti-
tut, conjointement avec celui de R. G. Kiesewetter, qui a obtenu le
prix, sous ce titre hollandais: Verhandelingen over de vraag, etc.
(Mémoires sur la question, etc.) Amsterdam, J. Muller et Ce, 1829,
un vol. in-4°. 36° La musique mise à la portée de tout le monde,
exposé succinct de tout ce qui est nécessaire pour juger de cet art,
et pour en parler sans l'avoir étudié. Paris, Mesnier, 1830, un vol.
in-8". Dans la même année il fut fait une deuxième édition de ce
livre à Liège, chez Collardin, en un vol. in-12, avec le consente-
ment de l'éditeur de Paris. Une troisième édition, augmentée de plu-
sieurs chapitres et d'un dictionnaire des termes de musique dont
l'usage est habituel, a paru à Paris, chez Paulin, en 1834, un vol.
in-12. Cette édition a été tirée à quatre mille exemplaires. Une qua-
trième édition a été publiée par Brandus et Ce, avec des augmen-
tations considérables. Paris, 1847, un vol. in-8°. Il a été fait une
contrefaçon de ce même livre à Bruxelles, chez Haumann et Ce,
1839, un vol. in-18, et une autre, à Bruxelles, chez Meline, Cans
et C% 1840, un vol. in-18. Blum a publié une traduction allemande
de cet ouvrage sous ce titre : Die Musik, Handbuch fur Freund
und Liebhaber dieser, Kunst, Berlin, 1830, un vol. in-12. On a fait
aussi un,e traduction anglaise du même livre intitulée : The Music
mode easy, Londres, 1831, un vol. in-12. L'Académie de musique
de Boston (Amérique) en a fait faire une autre traduction qui fut
revue sur la seconde édition de Paris, et qui a été publiée sous ce
titre : Music explained to the World ; or How to understand Music
and enjoy Us performance. Translated for the Boston Academy of
Music. Boston, B. Perkins, 18 12, petit in-8°. Cette traduction a été
réimprimée à Londres, en 1844, chez Clarke et Ce, un vol. petit
in 8°, et donné comme une traduction nouvelle. Le même ouvrage a
été traduit en espagnol, sous ce titre : La Musica puesta al alcance
de Todos. 0 sea brève esposicion de todo lo que es necessario para
juzgar de esta arie y hablar de ella sen haberla estudiado. Escrita
en Frances por, etc., traducida y anotada por A. F. S. (Soriano-
Fuertes). Barcelona, 1840, un vol. petit in-8°. Une traduction ita-
lienne a été annoncée dans la Gazette musicale de Milan, par M. Pic-
chianti. Enfin, M. Belikoff, inspecteur de la chapelle impériale de
Russie, en a fait imprimer une traduction en langue russe, Saint-
Pétersbourg, 1833, un vol. in-8°. 36° Curiosités historiques de la
musique, complément nécessaire de la Musique mise à la portée de
332
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tout le monde. Paris, Janet et Cotelle, 1830, un vol. in-8°. Ce vo-
lume ne contient qu'un choix d'articles historiques de la Revue mu-
sicale. 37° Biographie universelle des musiciens et bibliographie
générale de la musique, précédée d'un résumé philosophique de
l'histoire de cet art. Paris et Bruxelles, 1834 et années suivantes,
huit volumes grand in-8". Vingt années ont été employées en re-
cherches de tout genre pour le perfectionnement de cet ouvrage,
qui peut être constaté par la comparaison de cette seconde édition
avec la première. 38° Manuel des principes de musique, à l'usage
des professeurs et des élèves de toutes les écoles, particulièrement
des écoles primaires. Paris, 1837, Schlesinger (Brandus), un vol. in-8.
39° Traité du chant en chœur, à l'usage des directeurs d'écoles de
chant, et des chefs de chœurs des théâtres. Paris, 1837, Schlesin-
ger (Brandus), in-4°. 40° Manuel des jeunes compositeurs, des chefs
de musique militaire et des directeurs d'orchestre. Paris, 1837,
Schlesinger (Brandus), un vol. grand in-8°. 41" Méthode des métho-
des de piano, analyse des meilleurs murages qui ont été publiés sur
l'art de jouer de cet instrument ; livre composé pour l'usage du
Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Paris, Schlesinger
(Brandus), 1837, grand in-4°. Une traduction italienne de cet ou-
vrage a été publiée à Milan, chez Ricordi, en 1841, sous le titre de :
Metodo dei metodi di piano-forte, ossia trattato dell' arte di suonar
quest istrumento. Cette traduction est l'ouvrage d'Antolini. Il en a
paru une autre dans la même année, à Florence, chez Cipriani.
42" Méthode des méthodes de chant, analyse des principes des meil-
leurs écoles de l'art de chanter. Paris, Bandus. 43° Esquisse de
l'histoire de l'harmonie, considérée comme art et comme science sys-
tématique. Paris, Bourgogne, 1840, un vol. in-8° de 178 pages, tiré
à cinquante exemplaires seulement pour les amis de l'auteur ; n'a
pas été mis dans le commerce. 44° Méthode élémentaire du plain-
chant. Paris, Ve Canaux, 1843, un vol. grand in-8°. 45° Traité com-
plet de la théorie et de la pratique de l'harmonie. Paris, Schlesinger,
1844, un vol. grand in-8°, — 2e édition, Brandus, 1846. — 3e édi-
tion (ibid.), 1847. — 4a édition, augmentée d'une préface philoso-
phique et de notes (ibid.), 1849. — 5e édition (ibid.), 1853. — 6e
édition, G. Brandus et Dufour, 1857. La publication de ce livre a
produit la plus vive sensation, non-seulement en France, mais à l'é-
tranger. Fétis considère cet ouvrage et son Traité du contre-point et
de la fugue, comme ses productions les plus originales et les fonde-
ments les plus solides de sa réputation. Deux traductions italiennes
de ce livre ont paru en même temps : toutes deux sous le titre de :
Trattato compléta délia teoria e délia pratica dell' armonia. La pre-
mière, ouvrage de M. Mazzucato, a été publiée à Milan, par Jean
Ricordi, en 1842, un vol. grand in-8°, imprimé en caractères mobi-
les; l'autre par M. Emmanuel Gambale, chez F. Lucca, dans la
même ville, un vol. in-fol. gravé. M. Gil , professeur d'harmonie au
Conservatoire de Madrid, en a donné une traduction espagnole inti-
tulée : Tratado complcto de la teoria y pratica de la armonia, Ma-
drid, Salazar (sans date), un vol. in-fol. Le même professeur a res-
serré la doctrine exposée dans cet ouvrage en un volume de peu
d'étendue intitulé : Tratado elementar teorico pratico de armonia.
Madrid, 1856, grand in-8°. Enfin, M. Vanderdoodt a exposé la même
doctrine dans le livre en langue flamande qui a pour titre : Harmo-
nie-Leere tan gebruike der organislen. Brussel, 1852, un vol. grand
in-8°. 46° Notice biographique de ÎSicolo Paganini, suivie de l'ana-
lyse de ses ouvrages, et précédée d'une esquisse de l'histoire du vio-
lon. Paris, Schonenberger, 1851, grand in-8» de 95 pages. 47° Traité
élémentaire de musique, contenant la théorie de toutes les parties
de cet art (dans l' Encyclopédie populaire). Bruxelles, Jamar, 1831-
1832, deux parties in-12. Sept mille exemplaires de ce livre ont été
vendus. 48° Antoine Stradivari, luthier célèbre, connu sous le nom
de Stradivarius; précédé de recherches historiques et critiques sur
l'origine et les transformations des instruments à archet, et suivi d'a-
nalyses théoriques sur l'archet et d'une notice sur François Tourte,
auteur de ses derniers perfectionnements. Paris, Vuillaume, luthier,
1856, un vol. in-8", illustré de figures d'instruments. Cet ouvrage,
tiré à mille exemplaires, a été donné en cadeau aux artistes et
amateurs, et n'a point été mis dans le commerce. 49° Exposition
universelle de Paris, en 1855. Fabrication des instruments de mu-
sique. Rapport de M. Fétis , membre du jury, rapporteur de la
27e classe. Paris, imprimerie impériale, 1856, dans les volumes des
rapports généraux, et tiré à part, grand in-4° de 54 pages à deux
colonnes. 50° Mémoire sur cette question : Les Grecs et les Romains
ont-ils connu l'harmonie simultanée des sons ? En ont-ils fait usage
dans leur musique ? dans les Mémoires de l'Académie royale de Bel-
gique, tome XXXI. On trouve, du même, dans les Bulletins de la
même Académie : 1° Note sur une trompette romaine trouvée récem-
ment aux environs de Bavay. (Tome XIII, 1846). 2° Recherches sur
les instruments dont il est parlé dans la Bible (ibid.). 3° Discours
sur le progrès dans les arts (ibid.). 4° Rapport sur la rédaction
d'une histoire des arts en Belgique (ibid.). 5° Rapport sur trois Mé-
moires présentés en réponse à la quatrième question de la classe des
beaux-arts de l'Académie (1), t. XIV, 1847, 50 pages d'impression.
6° Discours prononcé à la séance publique du 24 septembre 1847
(ibid.). 7° Rapport sur une notice de M. le comte de Robiano, inti-
tulée : Mémoire sur la musique antique de la Grèce (tome XV, 1848).
8° Rapport sur un Mémoire présenté au concours de 1848, en ré-
ponse à la quatrième question de la classe des beaux-arts (ibid.).
9° Note sur les véritables fonctions de l'oreille dans la musique
(tome XVI, 1849). 10° Discours prononcé dans la séance publique
du 25 septembre 1849 (ibid.). 11° Note sur les conditions acousti-
ques des salles de concert et de spectacle (ibid.). 12° Sur l'état ac-
tuel de la facture des orgues en Belgique, comparée à sa situation en
Allemagne, en France et en Angleterre (tome XVII, 1850). 13° Sur
les documents relatifs à l'histoire de l'art en Belgique (tome XVIII,
1851). 14° Sur la situation ancienne et moderne de la musique en
Espagne (tome XIX, 1852). 15° Sur un nouveau système de musique
dramatique (ibid.). 16" Discours prononcé à la séance publique de la
classe des beaux-arts de l'Académie, le 25 septembre 1852 (ibid.).
17° Discours prononcé dans la séance publique de la classe des
beaux-arts, le 25 septembre 1855 (tome XXII). 18° Sur les progrès
de la facture des orgues en Belgique, dans les dernières années
(tome XXIII, 1856). 19° Rapport sur un Mémoire de MM. Fraselle et
Germain, relatif à l'emploi qui aurait été fait du quart de ton dans
le chant grégorien au moyen âge (tome XXIV, 1857). 20° Note sur
la découverte récente des plus anciens monuments de la typographie
musicale, et, par occasion, sur les compositeurs belges du xve siècle
(tome XI, 2° série, 1861). Fétis a publié dans la Gazette musicale
de Paris et dans la Revue de la musique religieuse, une multitude
d'articles de critique, de théorie, d'histoire et de philosophie de la
musique, formant plus de 2,500 pages d'impression, 1836-1860.
VII. Ouvrages non publiés. 51° la Science de l'organiste, traité
complet de cet instrument, de ses effets, des divers systèmes de
l'accompagnement du plain-chant, avec tout l'office catholique ro-
main, un grand nombre de pièces de tout genres, et un choix de
(1) Cette question était ainsi conçue : « Faire l'exposé des principes de chacun
des systèmes de notation musicale qui peuvent être ramenés à trois types princi-
paux, à savoir : les chiffres, les lettres de l'alphabet, et les combinaisons de si-
gnes arbitaires ou sténographiques. — Examiner si ces systèmes sont conçus de
manière à pouvoir représenter, par leurs signes, toute combinaison quelconque de
la musique, sans laisser de doutes par l'aspect de leur ensemble, ou s'ils ne sont
applicables qu'à certains cas et dans certaines limites.
» Démontrer l'une ou l'autre hypothèse par des exemples.
» Déduire à priori les conséquences inévitables de la substitution d'un système
quelconque de notation à celui qui est en usage, abstraction faite du mérite du
système. »
DE PARIS.
333
morceaux des plus célèbres organistes italiens, allemands et fran-
çais , depuis le xvie siècle jusqu'à l'époque actuelle. Deux cent
cinquante pages environ de cet ouvrage sont imprimées. 52° Phi-
losophie générale de la musique, un volume in-8°. Ce livre, quoique
borné à un seul volume, est le travail le plus considérable de l'au.
teur, à cause des difficultés du sujet et du point de vue ou Fétis
s'est placé. Il a été abandonné et repris vingt fois en quarante ans.
46° Graduale de tempore ne de sanelis juxta ritum sacrosanctœ
romance ecclesiœ, cum cantu ex mullis anliquissimis codieibus res-
tituto, quibus dissertatio de cantilenarum adulteratione prœfixa
est. kl" Antiphonarium divinorum officiorum juxta ritum sacro-
sanctœ romance ecclesiœ, cum cantu ex multis velustissimis codi-
eibus reslituto cura et studio, etc. 53° Histoire générale de la musique.
Ouvrage dont plusieurs parties, qui exigeaient les recherches les plus
minutieuses, sont entièrement terminées. Il formera 6 volumes in-8°
avec deux volumes de monuments historiques, in-4°. 54° Souvenirs
d'un vieux musicien (Mémoires sur la vie de l'auteur et sur ses re-
lations avec les hommes les plus célèbres dans l'art et dans la
science, pendant soixante ans). 55° De la collection de traités de
musique du moyen âge, annoncée dans la première édition de la
Biographie, Fétis s'est borné à l'ouvrage de Francon de Cologne,
texte et traduction française avec la restitution exacte des exemples
notés, d'après de bons manuscrits inexplorés ; et à la collection des
œuvres théoriques de Tinctoris, dont le texte, tiré des manuscrits
qui appartiennent à Fétis, a été collationné sur les manuscrits de
Gand et de Bologne, et dont la traduction est entièrement terminée.
Des rapports de MM. Van Hasselt et Snel sur ce grand travail ont
été faits à l'Académie royale de Belgique, et insérés dans le tome
XII de ses bulletins, 2e série, 1861. 56° Traduction française du
Traité de musique de Boèce.
LETTRE DE MARIE-ANTOINETTE RELATIVE A GLUCK.
M. le comte Paul Vogt d'Hunolstein vient de publier une corres-
pondance inédite de Marie-Antoinette, recueillie sur les documents
originaux. Cet ouvrage, des plus intéressants, contient une lettre qui
nous appartient de droit; car l'infortunée reine y raconte à sa sœur
le succès du premier chef-d'œuvre donné par Gluck à Paris. Nos
lecteurs nous sauront gré de la leur faire connaître.
Versailles, ce 26 avril 477A.
Enfin, ma chère Christine, voilà un grand triomphe, nous avons eu
le 19 la première représentation de Vlphigénie, de Gluck ; j'en ai été
transportée, on ne peut plus parler d'autre chose, il reigne dans toutes
les têtes une fermentation aussi extraordinaire sur cet événement que
vous le puissiez imaginer, c'est incroyable; on se divise, on s'attaque,
comme s'il s'agissoit d'une affaire de religion; à la cour, quoique je me
sois prononcée publiquement en faveur de cette œuvre de génie, il y
a des partis et des discussions d'une vivacité singulière, il paroît que
c'est bien pire encore à la ville; j'avois voulu voir M. Gluck avant l'é-
preuve de la représentation, et il m'avoit développé lui-même le plan
de ses idées pour fixer comme il l'appelle le vrai caractère de la mu-
sique théâtrale et le faire rentrer dans le naturel ; si j'en juge par
l'effet que j'ai éprouvé il a réussi au-delà de ses désirs, M. le dauphin
étoit sorti de son calme et il a trouvé partout à applaudir; mais comme
je m'y attendois, à la représentation s'il y a eu des morceaux qui ont
transporté, on avoit l'air en général d'hésiter, on a besoin de se faire
à ce nouveau système, après avoir eu tant l'habitude du contraire;
aujourd'hui tout le monde veut entendre la pièce, ce qui est un bon
signe, et Gluck se montre très-satisfait, je suis certaine que vous serez
heureuse comme moy de cet événement.
Adieu, chère sœur, je n'ai pas besoin de vous dire combien je vous
aime, il y a trop longtemps que je n'ai eu de vos nouvelles et vous
savez que je ne peux m'en passer. Gluck m'a écrit quelques morceaux
de sa musique que je chante sur le clavecin. Adieu encore.
Marie-Antoinette.
NOUVELLES.
»*» Le théâtre impérial de l'Opéra n'a pu donner lundi Roland à
Roncevaux, par suite d'une indisposition de Gueymard; on lui a substi-
tulé la Favorite.— Mercredi et vendredi on a représenté l'ouvrage de
M. Mermet, dont le succès s'est pleinement confirmé. LL. MM. l'Empe-
reur et l'Impératrice assistaient à la représentation de vendredi. — Le
vendredi précédent, Mlle de Taisy avait suppléé Mme Gueymard, indis-
posée, et s'était avantageusement acquittée de son rôle.
**„ La représentation des Huguenots donnée dimanche avait, comme à
l'ordinaire, rempli la salle. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer a été remar-
quablement exécuté par Mme Marie Sax, liorère, Obin et Faure.
*** Le Roi d'Yvetot paraît être le titre définitif d'un ballet dont le
libretto est dû à M. le marquis de Massa, et la musique à deux diplo-
mates en collaboration avec M. Labarre.
*** Le succès obtenu par Mme Gennetier dans le Songe d'une nuit
d'été s'est brillamment confirmé dans les représentations suivantes, où
la cantatrice, maîtresse de ses moyens, a pu leur donner un libre essor.
Jeudi dernier, elle a chanté le rôle d'Elisabeth avec une rare perfec-
tion, et si l'on a pu reprocher à son jeu un peu de froideur, il ne faut
pas oublier que le caractère du personnage impose à l'actrice chargée
de l'interpréter une réserve et une dignité qui atténuent l'effet du rôle.
D'ici à peu de temps les rôles âtHaydée, de la Fille du régiment, du
Domino noir, fourniront à Mme Gennetier l'occasion de faire apprécier
la souplesse et la variété de son talent et justifieront les éloges que lui
a prodigués la presse. Nous ne pouvons à cet égard nous empêcher de
reproduire à l'appui de ces éloges une anecdote que nous lisons dans
le Sport, sous la signature de son rédacteur en chef, M. Jiug. Chapus,
et qui prouve à quel point la nouvelle pensionnaire de l'Opéra-Comique
est musicienne. « Elle était à Toulouse, et le directeur, aux termes de
son traité avec la ville, devait ouvrir le théâtre à jour fixe ou perdre
un dédit de 6,000 francs ; le délai était rigoureux. L'affiche annonçait
Robert le Diable. Mme Gennetier était chargée du rôle d'Alice, et celui
d'Isabelle devait être rempli par une cantatrice célèbre qu'on attendait
d'une grande ville voisine. A 6 heures, le jour même désigné pour la
représentation, Isabelle n'était pas encore arrivée. Le directeur était
aux abois, il ne savait que devenir, lorsqu'il eut l'idée de s'adresser à
Mmo Gennetier pour se tirer d'embarras. Il lui demanda si elle pourrait
jouer le rôle d'Isabelle, qu'elle n'avait jamais étudié, tandis que celui
d'Alice serait donné à une autre personne de la troupe, qui le savait
et l'avait déjà joué plusieurs fois (1). Mme Gennetier hésita un mo-
ment; puis, ne consultant que son désir d'obliger son directeur, elle
consentit à jouer, mais à la condition que pendant les entr'actes on
répéterait les morceaux les plus difficiles du rôle. L'opéra fut joué dans
ces étranges conditions et obtint un grand succès. Il ne fut question à
Toulouse que de ce merveilleux tour de force ; il avait commencé cette
réputation artistique qui prit un si grand essor à la Nouvelle-Orléans,
où Mme Gennetier serait encore l'enfant gâtée du public américain, si
la guerre ne l'avait obligée de quitter ce pays. »
*** Le premier ouvrage nouveau qui sera donné au théâtre de
l'Opéra-Comique est celui de M. Gautier ; le Capitaine Henriot, de Ge-
vaert, suivra promptement.
%*t Le répertoire du théâtre Italien s'est augmenté de deux reprises
d'ouvrages, dont la faveur n'a pas d'intermittences. La première nous
a rendu Don Pasquale, ce dernier sourire de la muse italienne, et
Adelina Patti a reparu dans le rôle de Norina, dont elle a fait une de
ses créations les plus originales et les plus charmantes. Scalese et
Delle-Sedie sont excellents dans les rôles de l'amoureux barbon et du
docteur. Dans celui d'Ernesto, le ténor Baragli, que nous avions en-
tendu l'année dernière, et qui déjà vocalisait très-bien, nous a prouvé
qu'il avait encore fait des progrès dans l'art du chant, mais nous vou-
drions que sa voix fût devenue meilleure, et plus que jamais elle est
dépourvue de timbre. Le chanteur a beau se montrer habile , il ne
peut soutenir un son. C'est ce qui fait que Baragli a par deux fois
échoué dans la sérénade Corn? è genhl, et que des chut! l'ont salué pré-
cisément là où des bravos auraient dû l'accueillir. — La seconde reprise
a été celle du Trovalore, dans lequel Fraschini a rapporté sa voix admi-
rable et ses beaux effets de grand style ; Mme Charton-Demeur, dans le
rôle de Léonore, et Mme Méric-Lablache, dans celui d'Azucena, ont re-
trouvé leur succès de la saison précédente. Sterbini s'est aussi distin-
gué, et a mérité un rappel, après son air du second acte. On l'a aussi
redemandé avec Mme Charton-Demeur après le grand duo du qua-
trième.
+% La représentation de Violetta (la Traviata) au théâtre Lyrique
est très-prochaine. — Les répétitions de Martha sont commencées.
(1) Le renseignement fourni à M. Eug. Chapus n'est pas tout à fait exact.
Mme Gennetier chanta simultanément les deux rôles d'Isabelle et d'Alice.
334
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
t*t On répète l'opéra en un acte de MM. Nuitter et Desarbres, dont
le comte Gabrielli a écrit la musique, et qui a pour titre Fancheite.
Le poème est, dit-on, fort joli, et la pièce sera jouée par Froment,
Mme Faure-Lefèvre et Guyot.
»% La distribution des rôles du nouvel opéra de M. de Saint-Georges
et du prince Poniatowski, VAventurier, a été faite aux artistes du théâ-
tre Lyrique; ils sont confiés à MM. Monjauze (Don Manoel), Gerpré
(Don Annibal), Petit (le vice-roi), Ismaël (Quirino); Mmes de Maesen
(Dona Eleonora), Albrecht (Anita). La lecture de l'œuvre a produit
beaucoup d'effet.
*** Gerpré, ancien acteur des Bouffes-Parisiens et qui a tenu avan-
tageusement l'emploi de trial en province , est engagé au théâtre
Lyrique.
„** Les Bouffes-Parisiens viennent de reprendre avec un grand suc-
cès une des plus charmantes opérettes jouées à ce théâtre, les Pantins
de Violette, d'Adam. Heuzey, Mmes Carrait et Irma Marié ont remplacé
dans l'interprétation Pradeau et Mmes Dalmont et Maréchal, qui l'a-
vaient si remarquablement créée à l'origine. — Un des comiques les
plus goûtés au passage Choiseul et qui date aussi de la fondation ,
Léonce, n'a pu s'entendre avec la nouvelle administration et la quitte.
En revanche elle vient d'engager M. Félix Puget, fils de l'ancien ténor;
il a débuté dans Un mari à la porte; il a beaucoup à acquérir.
*% Cette semaine Offenbach est revenu devienne, où il était allé pré-
sider à la mise en scène de son opéra les Géorgiennes, au Karl-Theater.
L'ouvrage a obtenu uu très-grand succès. Le maestro a conduit l'or-
chestre aux trois premières représentations, et il a été acclamé avec
enthousiasme. Le directeur du Karl-Theater a composé le bataillon
des Géorgiennes de soixante jolies femmes qui ont fort bien manœu-
vré, au grand plaisir du public.
„,% Les auteurs de l'Enlèvement d'Hélène, MM. Meilhac, Halévy et Of-
fenbach ont lu leur pièce aux artistes des Variétés, et les rôles princi-
paux ont été distribués à Dupuis, Kopp, Grenier, Couder et à Mmes
Schneider et Silly.
*% Une jeune élève de Duprez, Mlle Léontine Durand, vient de dé-
buter avec un grand succès au théâtre de Strasbourg, dans le rôle de
Rosine, du Barbier. Le Courrier du Bas-Rhin en fait un grand éloge.
Mlle Durand est la sœur de Mlle Lucile Durand, artiste du théâtre des
Variétés.
*% A Lyon les Dragons de Villars viennent de faire leur réapparition
sur le Grand-Théâtre aux applaudissements du public. Le rôle si ori-
ginal de Rose Friquet était interprété par Mlle Dupuy, qui n'a rien
laissé à désirer comme chanteuse et comme actrice. C'était son troi-
sième début, et son admission a été chaleureusement proclamée.
„,% On nous écrit de Moscou que Mlle Reboux, transfuge du théâtre
Lyrique, a obtenu sur le théâtre impérial Italien de cette capi-
tale un succès enthousiaste dans le rôle de Gilda de Rigoletto. De nom-
breux rappels et de non moins nombreux bouquets ont témoigné à notre
jeune compatriote toute la satisfaction du public.
a% Carlotta Patti vient de passer par Paris, venant de Londres ; elle
n'y est restée qu'un jour, et elle se rend en Allemagne pour y ac-
complir les engagements contractés en son nom. Elle a été l'étoile des
concerts Mellon qui viennent de finir. — Bottesini, qui s'y est fait eu-
tendre plusieurs fois avec le succès qui l'accompagne partout, est éga-
lement de retour. Willert Beale l'a engagé de nouveau du 1er au 15
janvier, pour une tournée en Angleterre.
„,*„, Voici le programme du premier concert populaire de musique
classique donné par M. Pasdeloup, dimanche prochain, à 2 heures, au
cirque Napoléon. /«6e/ -ouverture, Weber; — symphonie en mi mineur
(n° 14), Haydn (première audition);— Polonaise, de Struensée, Meyerbeer;
— andante, Mozart ;— symphonie en ut mineur, Beethoven.
t*t La saison du théâtre Italien, à Madrid, s'est ouverte comme à
Paris, par Rigoletto. Le public madrilène s'est montré fort mal disposé
et la représentation a été fort orageuse. L'œuvre de Verdi a cependant
été interprétée avec talent par Mlle Vitali, Mme Talvo-Bedogni, Nico-
lini et Aldighieri. — La Norma a succédé à Rigoletto pour le début de
Mme Penco et celui de Mme Adomali.
»% Parmi les ouvrages de Donizetti, il en est quelques-uns inconnus
en France ; de ce nombre est un opéra-bouffe en un acte qui a pour
titre : il Campanello; MM. J. Ruelle et Debillemont viennent d'en ter-
miner une traduction qu'ils destinent au théâtre des Bouffes-Parisiens.
*% Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires, spectacles-concerts, etc., ont atteint, pendant le
mois de septembre dernier, le chiffre de 1,409,788 fr. 73 c.
*** Frantz Liszt était à Paris la semaine dernière avec sa fille,
Mme Hans de Bulow. 11 est reparti pour Rome, et l'on assure qu'il re-
viendra au mois d'avril prochain, avec l'intention de donner des con-
certs qu'il dirigerait comme chef d'orchestre, et dans lesquels il ferait
entendre plusieurs œuvres nouvelles de lui. Il assistait dimanche au
concert des Champs-Elysées.
*% Partout où se fait entendre le célèbre pianiste-compositeur Léo-
poid de Meyer, il passionne son auditoire. C'est ainsi que chez Rossini
il a reçu de l'illustre maître et de la société d'élite qui s'y trouvait
réunie les félicitations les plus chaleureuses après l'exécution d'un
délicieux nocturne de sa composition. Lundi dernier, pareille ovation
lui était faite dans les beaux salons de Philippe-Henri Herz neveu, où
il a joué sur un admirable piano à queue, sorti tout fraîchement des
ateliers de cette maison, — qui, tout d'abord, s'est placée au premier rang
de la facture parisienne, — trois œuvres nouvelles, aussi remarquables
par leur originalité que par le style et la mélodie, et qu'il a exécutées
avec une supériorité digne de sa grande réputation. La brillante as-
semblée conviée par M. Herz à cette occasion a partagé ses applaudis-
sements tmtre le célèbre artiste qui venait de faire valoir avec tant de
talent un instrument si parfait et l'habile facteur qui avait pu le mettre
à sa disposition.
**„ Jeudi, dans l'église d'Auteuil, a eu lieu le mariage que nous
avions annoncé de M. Georges Pfeiffer avec Mlle Thea Lemoioe; Ros-
sini, l'ami et le protecteur du jeune artiste, et M. Woff-Pleyel étaient
ses témoins. Plusieurs professeurs du Conservatoire assistaient à la cé-
rémonie, à laquelle Delle-Sedie, Mlle Wertheimber et White ont voulu
prêter le concours de leur talent en chantant, le premier l'air magis-
tral de Stradella, la seconde un Agnus Dei, et M. VVhite en exécutant
merveilleusement un andante de Beethoven. L'orgue a été tenu avec
une supériorité remarquable par un élève du Conservatoire, célébrité
future déjà recherchée, bien qu'ayant à peine dix-huit ans. Le jeune
artiste, Lavignac, a intercalé dans une brillante improvisation quel-
ques fragments des compositions de M. Georges Pfeiffer. La foule était
si grande qu'une partie des invités a dû se tenir en dehors, sous le
portail et jusque sur la place de l'Eglise.
*** Le Courrier de Lyon donnait ces jours-ci la nouvelle intéressante
d'un projet de fondation à Lyon d'un Conservatoire de musique et d'une
salle de musique populaire, dont les plans déjà étudiés sont en ce mo-
ment soumis à l'approbation du conseil municipal. Le terrain qui faisait
p artie de l'ancien Jardin des plantes a été concédé gratuitement par la
ville; le bâtiment présenterait l'aspect d'un parallélogramme divisé en
deux parties, dont l'une serait affectée au Conservatoire et l'autre à la
salle de concert, et cette dernière serait construite d'abord. Elle résou-
drait le problème qui plusieurs fois à Paris s'est présenté comme une
difficulté pour y construire une salle plus digne de la grande capitale
que celles qui y existent aujourd'hui, à savoir que ses dimensions n'en
fissent pas un désert à des jours donnés pour être insuffisante dans d'au-
tres occasions. Pour cela, la distribution de la salle de Lyon ne res-
semblerait point à nos salles de spectacle, et elle offrirait l'avantage
remarquable de donner place à deux mille cinq cents personnes, comme
de s'ouvrir seulement à un public restreint de trois ou quatre cents
auditeurs. On obtiendra ce résultat en masquant les places qui ne se-
ront pas occupées, et cette disposition est d'autant plus simple qu'elle
ne préjudicie en rien à l'effet d'acoustique. Ainsi on pourra y don-
ner non-seulement des concerts populaires, mais encore toute espèce
de concerts et de matinées musicales, la salle étant éclairée par des
fenêtres s'ouvrant de tous côtés. Les meilleures places se trouvent si-
tuées au point où tous les sons arrivent en faisceau à l'auditeur, c'est-
à-dire dans l'espace où sont d'ordinaire les stalles et le parterre. Néan-
moins, les ondes sonores se répandront très-distinctes jusqu'aux troi-
sièmes, auxquelles on aura accès par le côté nord.
*** On nous écrit de New-York qu'en attendant la réouverture de
l'Opéra italien qui s'annonce très-bien, l'Opéra allemand continue avec
grand succès ses représentations. Une nouvelle représentation de
Martha, dans laquelle Formés, M. Habelmann et Mme Frederici se sont
surpassés, a été donnée, comme la précédente, aux grands applaudisse-
ments du public.
„,** La Société des Amis de la musique, à Vienne, a imité l'exemple
donné par la Société des concerts du Gurzenich, à Cologne, dont nous
avons parlé. Une rémunération pécuniaire sera dorénavent accordée
par eux aux auteurs dont on jouera des œuvres dans les concerts à
Vienne.
*** Nous lisons dans un journal de Berlin un trait caractéristique
des mœurs allemandes qui mérite d'être cité. A l'occasion de sa cin-
quantième année de présence à l'orchestre, une ovation très-mé.ritée
a été faite au violoniste Maurice Klengel au concert du Gewandhaus, à
Leipsig. Pendant ces cinquante ans M. Klengel, qui est âgé de soixante-
dix ans, n'a manqué ni à une répétition, ni à un concert (il n'a pas
joué dans moins de mille vingt concerts). Après plusieurs discours
qui lui ont été adressés au nom du comité et de l'orchestre de cette
société des concerts, ainsi que par le bourgmestre, au nom de la. ville
de Leipsig, des présents honorifiques lui ont été remis par eux, et
enfin le roi de Saxe l'a décoré de la croix d'honneur de l'ordre d'Al-
DE PARIS.
335
brecht. C'est le fils du vieillard, trop ému pour pouvoir parler, qui a
dû remercier Sa Majesté au nom de son père.
„% Rossini, reconnaissant des témoignages d'estime et de considéra-
tion dont il vient d'être l'objet à Pesaro, a mis à la disposition des au-
torités une somme de 10,000 francs pour être distribuée aux pauvres,
de son pays.
„,% A l'occasion de la rentrée des classes, nous appelons l'attention
sur les solfèges et les méthodes de chant de Panseron ; le mérite si
bien établi de ce cours d'instruction élémentaire qui a formé tant et
de si bons chanteurs, le dispense de toute banale recommandation.
»** Un ami de Bellini, M. Luigi Bordés, dans une lettre adressée aux
journaux, rectifie l'opinion erronée qui jusqu'à présent a attribué à
une maladie de poitrine la mort de Fauteur de Norma. Il aurait suc-
combé, selon M. Bordés, à une inflammation d'intestins.
**,. Le second volume d'un ouvrage fort intéressant : Histoire de la
musique, par le docteur Ambros, vient de paraître à Berlin.
„% Jules Bénédict, l'auteur de la Rose d'Erin, était cette semaine à
Paris; il y était venu s'entendre avec les traducteurs de son opéra,
MM. d'Ennery et Crémieux qui l'ont presque entièrement refondu et en
ont fait un ouvrage nouveau. La Rose d'Erin, dans laquelle Mme Car-
valho chantera le principal rôle, sera jouée en janvier ou février pro-
chain.
t*t On nous écrit de Bruxelles que la troupe allemande dont nous
avons parlé, et qui y donnait des représentations, est en pleine déroute.
La majeure partie des acteurs qui la composaient a quitté Bruxelles à
l'improviste et sans prévenir le directeur.
*** M. Henri Herz vient de composer deux ouvrages pour piano, in-
titulés Chant d'amour, op. 203, Chant de guerre, op. 204, qui seront mis
en vente la semaine prochaine. On en dit le plus grand bien et nous
nous proposons d'en rendre compte dans un de nos prochains numéros.
**t La troisième édition de l'intéressante Histoire des Concerts popu-
laires d'H. Elwart vient de paraître à la librairie Castel, passage de
l'Opéra. Un joli volume in-8°, prix net, 1 franc.
„** Au nombre des intéressantes publications pour le piano que l'é-
diteur Adolphe Catelin vient de faire paraître, il faut citer en première
ligne les œuvres 18 et 19 d'Aioys Kunc, ainsi que la rêverie intitulée
le Désir d'un exilé, par Auguste Burg. Ce dernier ouvrage obtient un
succès bien mérité et place le compositeur parmi les meilleurs en ce
genre de musique gracieuse et mélodique.
*% On se rappelle la publication des excellentes traductions du
théâtre de Cervantes et de celui de Tirso de Molina, achevées par
M. A. Royer dans les loisirs que lui laissaient ses fonctions de direc-
teur de l'Opéra. Il vient d'y joindre un complément intéressant en
donnant la traduction du théâtre d'Alarcon, et nous apprenons qu'il
prépare celle du théâtre Fiabesque de Carlo Gozzi.
„% Le 1er novembre, de 1 heure à 5 heures, aura lieu l'inauguration,
dans les riches salons de l'Exposition internationale de l'hôtel Laffitte,
des concerts-promenade. Ces raouts de bonne compagnie, création nou-
velle, offrant au public d'élite de la capitale la récréation la plus in-
téressante et la plus agréable, seront le succès de l'hiver 1864. —
L'orchestre de symphonie, aussi remarquable par sa composition que
par le nombre des artistes renommés qui en font partie, est placé sous
la haute direction de M. Forestier, l'excellent chef qui a obtenu cet
été les plus légitimes succès au Pré Catelan. — Dans les merveilleuses
galeries de l'Exposition internationale, la belle société parisienne et les
étrangers qui visitent journellement Paris trouveront réunies les ri-
chesses de l'art et de l'industrie, la nouveauté du jour avec ses pri-
meurs et ses élégances, les splendeurs de la peinture et les magiques
mélodies des chefs-d'œuvre de la musique. — L'honorabilité, le goût
et l'intelligence bien connus du directeur permettent d'affirmer qu'il n'y
aura acets dans ces vastes salons transformés en musées que pour le
beau, le bon et l'honnête.
*** Aujourd'hui dimanche 16 octobre, à 2 heures, cinquième réunion
musicale au concert des Champs-Elysées. Le programme, composé de
douze morceaux choisis, contient la fantaisie sur Rigoletto, la belle
fantaisie concertante composée par M. Demersseman, et dans laquelle
il fait briller tous les solistes de l'orchestre ; une Noce de village, et les
ouvertures du Roi d'Yvetot, du Père Gaillard et des Diamants de la Cou-
ronne; trois ouvertures par Adam, Reber et Auber. Dans la deuxième
partie du concert, M. de Prim, le célèbre hautboïste applaudi cet été
aux concerts du soir, jouera un solo de sa composition sur Don Pas-
quale.
*%, M. Diomède-Zompi, l'excellent pianiste-professeur, vient de re-
prendre ses leçons d'école classique du piano pour les jeunes demoi-
selles, dans son nouveau domicile, 15, rue de Ponthieu. 11 donne éga-
lement des leçons particulières.
*% Au Casino, les concerts sont toujours très-suivis. L'orchestre
conduit par Arban exécute avec une incontestable supériorité tles œu-
vres de nos grands maîtres. Les réunions musicales ont lieu les mardis,
jeudis, samedis et dimanches.
*% Le 2 octobre, à Vienne, est mort à l'âge de quarante- six ans,
M. Charles Krottenthaler, chef d'orchestre du Carltheater.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
fï 4* Ji Londres. — L'opéra anglais de Covent-Garden va tenir les pro-
messes de son programme, en ouvrant le 17 de ce mois par Masaniello
(la Muette dc^Portici). — Celui de Her Majeslys théâtre annonce la Jre-
prise de ses représentations pour le 7 novembre, par l'opéra de Mac-
farren, she Stoops to conquer. Arditi sera le chef d'orchestre de cette
entreprise. — Un concert a été donné au palais de cristal par la signora
Garibaldi, nièce du héros italien, avec le concours d'un corps de mu-
sique militaire revêtu de l'uniforme de Garibaldi. La cantatrice, qui
possède une assez bonne voix de mezzo soprano, a obtenu un assez
grand succès et un nombreux public a assisté à cette exhibition. —
Les chanteurs, danois sont en faveur près du public, qui afflue aux
concerts de Jullien, où le violoniste Lotto est toujours très-applaudi.
„** Gand. — La saison théâtrale s'est ouverte par une bonne repré-
sentation de Robert le Diable, dans laquelle ont paru nos nouvelles re-
crues. On a fait bon accueil au ténor Picot; au second ténor, M. Voisin,
à Mlle Cavalliès, récemment sortie du Conservatoire de Paris, et à
Mme Balbi ; seul, M. Filliol, chargé du rôle de Bertram, et peut-être
parce qu'il avait été surfait à l'avance, n'a point obtenu la faveur du
public, et au grand désappointement du directeur, il s'est vu refusé.
„% Stuttgart. — L'opéra de Berlioz, Béatrice et Bénédict, vient d'être
mis en répétition au théâtre royal.
é J* Leipzig. — Le premier concert du Gewandhaus vient d'avoir lieu
devant une grande affluence et avec le concours du pianiste Ch. Halle
et de la cantatrice .Mme Koester, de l'opéra royal à Berlin. Le concerto
en mi bémol de Beethoven, une polonaise de Chopin et des fragments
des Promenades d'un solitaire, de Stephen Heller, ont été exécutés avec
autant de talent que de succès par Ch. Halle. L'orchestre a fait enten-
dre, avec sa verve et son talent habituels, l'ouverture A'Anacréon, de
Cherubini, et la symphonie en la de Beethoven.
x** Vienne. — La représentation consacrée à la mémoire de Meyer-
beer vient enfin d'être donnée à l'opéra de la cour. Tous les artistes
du chant ayant tenu à honneur d'y figurer, les rôles secondaires et de
comparses ont été remplis par les premiers sujets (c'est ainsi que
Th. Wachtel a chanté avec un immense succès le Rataplan). Les décors
et les costumes avaient été renouvelés, plusieurs morceaux, habituelle-
ment supprimés, rétablis, et pour la première fois à Vienne, des moines
brandissant le crucifix et la croix ont été vus dans la scène de la Béné-
diction des poignards.
,% Turin. — Après le Trovatore, on a donné Otello, et Mme Lagrua
vient d'y obtenir un nouveau triomphe. Le rôle de Desdemona est un
de ceux où brille, avec le plus grand éclat, son double talent de
grande cantatrice et de grande tragédienne ; aussi le public lui a-t-il
prodigué des ovations sans fin, particulièrement après le morceau Ah!
se il paire m'abandonna, et la fameuse romance Assisa al pié d'un salice
qu'elle a dits merveilleusement.
*** Borne. — Six représentations consécutives de Marta ont été don-
nées au théâtre Argentina, et chacune d'elles a vu s'augmenter les ap-
plaudissements prodigués aux interprètes de l'opéra de Flotow, Mmes
Lanzi, Trebelli, A. Bettini et Bremond. — Cette semaine l'opéra de Pé-
trella,' Marco Visconti, a fait une apparition triomphale, chanté par
Mmes Moro, Trebelli, Tasca, Storti et Galli. Mme Moro a reçu le plus
chaleureux accueil ; au deuxième acte, Mme Trebelli-Bettini, à laquelle
le costume masculin de Tremacoldo sied supérieurement, a merveilleu-
sement dit la brillante chanson de la Rondinella qui a été bissée avec
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Étranger 34 » id-
Le Journal paroîl le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (5e article), par
Paul Smith. — La musique et la société française au xvnr5 siècle (2e ar-
ticle), par Em. Mathieu de Monter. — Revue des théâtres, par D.
A. O. Maint-Yves. — Nouvelles et annonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par M. de Wolzogen (1).
Ce fut en 1828 que Mme Schroeder-Devrient se sépara de son
mari, ou plutôt que son mari se sépara d'elle, et qu'elle vint pour
la seconde fois donner des représentations à Berlin. Les Allemands
ont une expression consacrée pour ces apparitions d'artistes sur des
scènes où ils ne viennent qu'en passant, comme des étrangers, des
hôtes : ils appellent cela Gastspiel, et les rôles joués dans ces occa-
sions se nomment Gastrollen. Le moment n'était pas bien choisi
pour Mme Schroeder-Devrient : elle arrivait après les deux artistes
les plus éminentes de l'époque, Nannette Schechner et Henriette
Sontag, qui lui étaient supérieures, l'une par la puissance extraordi-
naire de la voix, l'autre par la perfection du mécanisme.
Cette dernière avait obtenu des succès inouïs pendant quelques
mois de l'année 1827, en chantant les rôles de Dona Anna, d'Aga-
the, de Myrrha (dans le Sacrifice interrompu), de Rosine, de
Suzanne, d'Euryanthe, de la princesse de Navarre (dans Jean de
Paris), de Desdémone et d'Aménaïde. Mlle Schechner avait occupé
un espace à peu près égal de la même année, durant laquelle
Mme Catalani et Sabine Heinefetter étaient venues aussi se faire en-
tendre. Berlin pouvait donc passer pour une ville privilégiée, et le
public avait ses raisons pour se montrer difficile. Spontini, alors di-
recteur omnipotent du théâtre de l'Opéra royal, avait aussi les sien-
nes pour contrarier la cantatrice que Dresde lui envoyait. Elle avait
prudemment refusé de débuter dans la Vestale, ou dans un autre
ouvrage du même auteur, pour éviter le péril d'un parallèle immé-
diat avec Mlle Schechner, qui s'y était placée très-haut. Spontini ne
le lui pardonna pas : elle dut se contenter d'un théâtre inférieur et
(1) Voir les n" 24, 26, 27 et 35.
attendre qu'une célèbre cantatrice, venant de Dresde comme elle,
Constance Tibaldi, y eût chanté Tancrède pour qu'elle parût dans
Euryanthe; mais les obstacles qu'elle avait eus à vaincre rendirent
son triomphe plus glorieux.
Un critique renommé, que notre journnl s'honore d'avoir compté
parmi ses collaborateurs, Rellstab, a rédigé le bulletin de ce triom-
phe, en déclarant que la première épreuve n'avait pas été favorable
à Mme Schroeder-Devrient, parce qu'on avait trouvé en elle la no-
blesse et la force héroïque plutôt que U tendresse et la douceur qui
avaient toujours semblé les qualités distinctives d'Euryanthe ; mais il
constate aussi que l'entraînement de la passion, la beauté plastique
du jeu, l'expression du chant prirent bientôt leur revanche et pro-
duisirent un effet tel qu'on n'en avait jamais vu de plus complet sur
un théâtre lyrique. La grande artiste acheva de se faire connaître
dans Obéron, Sargines et la Dame blanche.
De retour à Dresde, elle aborda le répertoire de Spontini : dans
la Vestale, elle parut comme une reproduction vivante de l'anti-
que. Rellstab disait que si Mlle Schechner était le sentiment du rôle
de Julia, Mme Schroeder en était la pensée. Dans l'Amazili de Fer-
nand Cortez, dans la Statira d'Olympie, elle se montra fort belle
aussi, bien que dans ce dernier rôle le critique allemand lui préfé-
rât Mlle Milder, qui l'avait empreint d'un caractère de grandeur et
de majesté auquel la nature de Mme Schroeder ne pouvait préten-
dre. Cette nature l'appelait d'ailleurs plutôt à la simplicité sévère du
style de Spontini qu'à la brillante coquetterie de celui de Rossini ;
jamais le luxe des roulades et des trilles ne fut de son domaine, et
dans la Rosine du Barbier, Mlle Sontag eut toujours sur elle une
incontestable supériorité.
Vers cette époque, il se faisait chez nous un prodigieux travail
de transformation, de fusion dramatique; des barrières, longtemps
infranchissables, s'étaient abaissées tout à coup. Il n'y avait plus
de délroit pour s'opposer à l'invasion des acteurs anglais et des
chefs-d'œuvre de Shakspeare, traînant à leur suite un certain ba-
gage de productions modernes; pourquoi donc le Rhin aurait-il
retenu les chanteurs célèbres de l'Allemagne, qui demandaient à
nous faire connaître dans leur idiome natal les opéras que l'on
ne nous avait chantés que dans notre langue, ou que même on
ne nous avait pas chantés du tout? Miss Smithson avait frayé la
route à Mme Schroeder ; l'Odéon s'était presque changé en théâtre
338
REVUE ET GAZETTE MUSICALF
britannique, le théâtre Italien, qui lui avait succédé comme succur-
sale de Covent-Garden et de Drury-Lane, allait ouvrir avec la même
facilité ses portes à une troupe allemande.
Remarquons en passanl que le théâtre Italien était alors dans
une des phases les plus difficiles de son existence. Et pourtant il
avait de bons chanteurs, d'admirables cantatrices ! Il avait le ré-
pertoire rossinien dans toute la fleur de sa jeunesse ! Malgré cela,
il ne pouvait vivre , parce qu'il était obligé de vivre et de jouer
toute l'année? Son intime alliance avec l'Académie royale de mu-
sique , laquelle vivait très-mal aussi, ne lui avait été d'aucun se-
cours, quoi qu'en aient écrit des historiens peu au courant des cho-
ses. Pour ramener la prospérité dans les deux théâtres mal assortis
un divorce était indispensable, et ce fut la révolution de juillet
qui le prononça. Rendu à la liberté, le théâtre Italien imagina
cette combinaison qui, en réduisant ses années à six mois, lui prépara
un magnifique avenir de vogue et d'opulence. Aujourd'hui cet ave-
nir est du passé, comme tant d'autres choses, et les directeurs actuels
s'épuisent en héroïques efforts pour le ressusciter. Y parviendront-
ils? nous le souhaitons de toute notre âme.
Lorsqu'en l'année 1829, il fut décidé qu'une troupe lyrique alle-
mande, dirigée par Roeckel, viendrait à Paris, le théâtre Italien en
était encore aux expédients, et l'ingénieuse combinaison qui devait
le sauver n'existait même pas en perspective. Notre artiste, dont le
nom remplissait l'Allemagne entière, commençait à s'y trouver a
l'étroit et aspirait à devenir une célébrité européenne. Elle accepta
donc l'engagement offert par Roeckel, qui voulut en 1830 renouveler
ca périlleuse tentative : elle l'accepta, non sans terreur, en pensant
qu'elle aurait à défendre non-seulement son honneur et ses intérêts,
mais ceux de la musique allemande, dont elle était la prêtresse, et
que si la prêtresse ne plaisait pas, Mozart, Beethoven et Weber en
souffriraient. Cette idée la tourmenta au point de la porter plus d'une
fois à rompre son traité ; mais enfin, rassurée par la conscience de
ses forces, elle ne songea plus qu'à tout préparer pour une victoire
éclatante.
En se rendant à Paris, elle passa par Weimar, où elle fut priée
de donner quelques représentations, mais le prix qu'elle y mettait
dépassant celui que le théâtre pouvait lui offrir, elle stipula d'autres
conditions beaucoup moins onéreuses, dont l'une avait pour objet
d'être présentée à l'illustre Goethe. En effet, on demanda au grand
homme s'il consentirait à la recevoir, et sa réponse fut qu'il aurait
grand plaisir à connaître une artiste dont il avait entendu dire tant
de bien ! Comme il ne pouvait aller au théâtre à cause d'un funèbre
anniversaire, l'artiste lui proposa de chanter quelque chose pour lui
seul, et il accepta en disant qu'il serait fort heureux de l'entendre.
La réception eut lieu quelques jours après de la manière la plus af-
fectueuse. Mme Schroeder chanta le Roi des Aulnes, avec la musique
de Schubert, et quoiqu'il n'aimât guère les arrangements de ce
genre dont on affublait sa poésie, il fut tellement saisi de la haute
expression dramatique du morceau, qu'il prit dans ses deux mains
la tête de la cantatrice et lui dit : « Merci mille fois pour cette belle
et grande manifestation artistique ! » Il la baisa au front et ajouta
qu'il avait déjà une fois entendu cette composition, mais qu'exécutée
ainsi, elle se transformait en une image visible. Mme Schroeder fut
ravie de l'accueil de Gœlhe et des compliments qu'il lui adressa,
ainsi que sa belle-fille. Goethe lui donna un feuillet d'album, sur le-
quel il avait écrit quatre vers au-dessous d'un aigle qui s'envolait
en tenant une lyre d'or. En le quittant, l'artiste s'écria qu'elle n'a-
vait jamais vu de si beau vieillard, et qu'elle concevait qu'on pût
l'aimer éperdument. Le grand poëte, qui mourut en 1833, comptait
alors plus de quatre-vingts ans.
Mme Schroeder débuta le 6 mai 1830 au théâtre Italien, alors do-
micilié dans la salle Favart, qu'habite aujourd'hui l'Opéra-Comique. Elle
chanta le rôle d'Agathe du Freischutz. Avant son arrivée, une autre
cantatrice s'était déjà essayée dans ce rôle, et la troupe dans laquelle
on comptait l'admirable ténor Haitzinger, l'excellente basse Wolte-
reck, Mmes Fischer, Roland et Schmidt, avait joué plusieurs opéras,
notamment le Faust, de Spohr, le Sacrifice interrompu, de Winter,
et Bibiana, de Pixis. L'effet général n'avait rien eu de saillant, sauf
le FreischiUz, dont on avait été charmé de retrouver les mélodies po-
pulaires. Le choix des ouvrages avaitcausé plus d'ennui que de plaisir.
Dès le premier début de Mme Schroeder, l'impression fut vive, le
succès décisif, et deux jours après, lorsqu'elle joua Fidelio ce fut un
enthousiasme universel. Beethoven lui dut pour la seconde fois, en
France comme en Allemagne, une glorieuse résurrection. La foule ac-
courut pour entendre le chef-d'œuvre, que l'année précédente on
jouait devant les banquettes, et les recettes s'élevèrent rapidement
du chiffre de 5,000 à celui de 7,000 francs. « Voyez cette femme,
dit un critique français cité par M. de Wolzogen, que le ciel semble
avoir faite exprès pour être le Fidelio de Beethoven ! Elle ne chante
pas comme les autres artistes chantent; elle ne parle pas comme
nous parlons; son jeu n'est pas toujours conforme aux règles de
l'art; on dirait qu'elle ne sait pas qu'elle est sur un théâtre. Elle
chante avec son âme plus encore qu'avec sa voix ; les notes s'échap-
pent de son cœur plutôt que de son gosier; elle oublie le public, elle
s'oublie elle-même pour passer tout entière dans le personnage qu'elle
représente. » Telle était Mme Schroeder, telle nous l'avons admirée
dans ce rôle, où jamais elle n'eut de rivale ! Fidelio, c'était son incar-
nation complète; une nature dans toute sa franchise et toute sa li-
berté! Qui aurait pu dire de quelle école sortait la cantatrice ou l'actrice?
Rien de ce qu'elle faisait ne lui avait été enseigné : le sentiment,
l'inspiration, tout lui appartenait en propre. Dieu nous garde du
moindre blasphème contre l'art, mais a-t-il jamais rien produit de
comparable à l'instinct qui animait jadis Mme Schroeder,'et qui, dans
un tout autre genre, anime aujourd'hui la jeune et charmante Adelina
Patti ? Les aristarques délicats et formalistes diront d'elle tout ce
qu'ils voudront : ils pourront lui trouver mille défauts et la con-
damner au nom de l'art : ils n'empêcheront pas le public de l'adorer
et de l'absoudre au nom de la nature.
L'avènement de Mme Schroeder à Paris causa une grande sensa-
tion et marqua une époque. C'est pour elle que l'on vit commencer
la coutume de jeter des fleurs sur la scène. Un éditeur de nos amis,
zélé partisan de l'artiste, trouva moyen de placer aux premières
loges et au balcon un certain nombre de dames, qu'il avait lui-même
armées de bouquets, en les priant de vouloir bien, à un moment
donné, les jeter aux pieds de Mme Schroeder. Par malheur, la flat-
teuse ovation ne tarda pas à dégénérer en habitude vulgaire, que
souvent les ouvreuses se chargent de mettre à exécution.
Mme Schroeder vint donner des représentations deux années de
suite. En 1831, lors de son second voyage, on s'occupait sérieuse-
ment de monter Robert le Diable, et l'illustre compositeur, que l'on
appelait alors l'auteur du Crociato, était en instance devant une
commission administrative , remplissant l'interrègne de M. Lubbert
à M. Véron. La distribution des rôles n'était pas encore arrêtée.
Meyerbeer, comme le prouve une lettre par lui adressée à la com-
mission, et dont la publication est due à Jules Lecomte, se contentait
de Dabadie pour le rôle deBertram, et pour celui d'Alice, il laissait
en blanc le nom de l'artiste, mais dans une note il s'expliquait
ainsi :
« Le rôle d'Alice, le plus important de la pièce et de la partition,
appartient, quant à la musique, aux premiers emplois de la tragédie
lyrique (tel que Desdemone dans Otello ou la Vestale, etc.), deman-
dant de la force et du pathétique, en même temps qu'il requiert
comme rôle de la pièce de la jeunesse et un physique agréable. Cet
emploi des grands rôles dramatiques n'est malheureusement pas,
quant à présent, rempli à l'Opéra, quoique dans un temps plus re-
culé M. le directeur de l'Opéra m'avait fait concevoir quelques espé-
DE PARIS.
339
rances d'y voir appeler Mme Devrient, qui aurait été inimitable
dans le rôle d'Alice. Dans l'état actuel des choses, je ne vois à pro-
poser que Mme Dabadie, etc. »
Eh bien, non ! il était dit que dans Robert le Diable le nom de
Dabadie ne figurerait pas. A la place du mari, pour Beitram. il y eut
Levasseur, et au lieu de la femme, pour Alice, il y eut Mlle Dorus,
toute jeune et toute blonde, plus jeune et plus blonde encore que
Mme Devrient, mais qui n'avait ni sa renommée, ni son expérience,
ni son talent ! Cependant Mlle Dorus fit du rôle d'Alice ce que tout
le monde saie, et concourut au succès du chef-d'œuvre, de telle sorte
que Meyerbeer n'eut rien à regretter. Pendant les répétitions, le sou-
venir de Mme Devrient poursuivait encore le grand maître, et il
n'épargnait à Mlle Dorus ni les observations, ni les critiques, espérant
peut-être qu'elle renoncerait d'elle-même à un rôle qui excédait ses
forces, mais elle le garda courageusement, quelquefois en le mouil-
lant de ses larmes, et plus tard sans doute le grand maître fut des
premiers à l'en remercier.
Paul SMITH.
[La suite prochainement.)
LA MUSIQUE ET LÀ SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU XVIIIe SIÈCLE.
(2e article) (1).
I.
C'était une occupation et un effort de tous les instants, une posi-
tion sociale, si mieux vous aimez, que de remplir au XVIIIe siècle les
devoirs d'amateur de musique actif et consciencieux. Il fallait avoir,
pour cela, une grande fortune, de bons chevaux, la tête à l'abri des
traîtrises du vin de Champagne, une santé excellente, un caractère
fortifié contre le doute et les désillusions. Le rôle du dilettante, de
l'artiste qui ne crée pas, mais qui juge et compare constamment, ce
rôle, quand il est exclusif, fait une vie blasée ou sceptique. Les créa-
tions de l'art sont stimulantes : c'est là leur magnifique bienfait. En
élevant l'âme, elles lui communiquent une sainte émulation. Les di-
lettantes du dernier siècle, amateurs la plupart improductifs, devaient
donc prendre beaucoup sur eux pour se maintenir en un continuel
état de ravissement véritable. Et puis, l'admiration était un joyau
qu'il fallait savoir porter. On goûtait, on appréciait, on avait des
mots enfermés dans une certaine mesure. On s'arrangeait à ne mon-
trer d'émotion à propos de rien, et dans ce perpétuel sourire de la
grâce noble, on devenait si charmant qu'on n'avait plus rien
d'humain.
Sous ce calme d'étiquette et tout de surface, quelle agitation ! quelle
vie ! L'amateur se lève en fredonnant le Noël de la veille, quelques
couplets bien acérés, bien finement barbelés contre la Cotillon ré-
gnante ou contre ses ministres, contre celui-ci ou celle-là, souvent
contre soi-même. Champagne ou Bourguignon apporte et « la pe-
tite poste » et les paquets remis au Suisse « en mains propres. »
Voici VAlmanach des muses et ses romances évaporées, et ses petites
« polissonneries » sentimentales sur l'air de Ma douce Eglé ou de
Rossignolet du vert bocage. Pendant qu'un valet vous accommode, et
que la poudre neige sur le papier, on lit, on chantonne pour s'assu-
rer « si l'air va bien aux paroles. » Voici la livraison des Quatre
saisons du Parnasse et ses ariettes gravées. La Gazette de France?
Y a-t-il eu hier concert chez Sa Majesté ? Cydalise a-t-elle reçu des
gentilshommes de la chambre son ordre de début ? Quand jouera-t-on
Acanthe et Céphise ? Va-t-on reprendre Belléropkon? — Arrive le pa-
quet de musique choisie chez Des Lauriers, l'éditeur de Gluck, rue
Saint-Honoré, ou chez Bignon, à l'Opéra : un morceau de Hinner, le
(1) Voirie n" 42.
maître de harpe de la reine, un arrangement de Bâillon pour la gui-
tare, de Balbâtre pour piano- forte organisé, des quatuors-concertants
de M. de Saint-Georges, les œuvres nouvelles d'Hartmann, le flûtiste
du duc de Saxe, de Caravoglio, le hautbois favori des concerts spiri-
tuels, ou du violoncelliste Haillot. Les compositeurs-amateurs n'ont
pas oublié leur confrère. Voici des romances de M. de Jetfort, avocat
au Parlement, des duos de M. Légat de Furcy, des airs de MM. de
Servilliers, de Rivière, de Monhéron, et jusqu'à des concertos de
M. de Veaucel, du régiment de Noailles, et de M. de Hollenwerck,
officier de carabiniers au service de la Russie. Ne faut-il pas jeter un
coup rl'œil sur ces primeurs, en lire une page, en jouer deux me-
sures, marquer de l'ongle le passage saillant, et ciseler en pointe, à
leur endroit, une petite critique aigre-douce que l'on placera avanta-
geusement dans ses visites de la journée ? — Vient le tour des let-
tres, des billets de couleur tendre plies suivant le caprice d'une géo-
métrie fantaisiste. Invitations de matinées et de soirées musicales, de
concerts, d'opéras de société, de soupers, et il n'y a pas de beau
souper sans musique!
Invitation à l'hôtel des Parties casuelles, au Marais, chez M. et
Mme Bertin. On y chante l'opéra-comique. Le monde y est un peu
mêlé : Marmontel, Lemierre, Cailhava, le marquis de Bièvre, la Gui-
mard, Mlle Raucourt, l'évêque d'Orléans et des émules de Cartouche.
Un soir, pendant la symphonie, un filou vola toutes les boîtes à
mouches des dames et toutes les tabatières des invités, réduits à
priser au cornet.
Invitation au séjour des Bauffremont. Maison d'artistes, brillante
académie dont les familiers se nomment Dufrénoy et sa femme, de
la musique du duc d'Orléans, Schmesca, la basse, et Eckard, peintre,
dessinateur et musicien consommé.
Invitation à l'hôtel d'E.nbrun, quai de Béthune. Apollon, les muses,
les allégories musicales les plus ingénieuses brillent aux panneaux de
la galerie des concerts. Quand la nuit tombe, des symphonies de voix
et d'instruments passent lentement sur les eaux, et c'est merveille
que d'entendre ces sérénades montant jusqu'aux balcons des maisons
à physionomie castillane, contemporaines de Corneille et du Cid!
Invitation aux concerts du duc de Soubise, en son hôtel de la rue
de l'Arcade. Les plus beaux concerts de Paris f Tous les virtuoses
sont là, acteurs ou auditeurs ; le programme est épuré ; les talents
sont choisis. Là, les réputations naissent, grandissent et se fixent. Là,
le goût s'améliore et la critique s'élève. Quand ces salons fermeront
en 1782, et que ce sera une perte irréparable et un deuil général
pour la société dilettante, VAlmanach musical, devançant les temps,
demandera « que les établissements, qui servent de perspective aux
talents qui veulent se produire, soient entretenus aux frais de l'État.»
Invitation adressée par Jean Aviat, receveur des tailles de la ville.
La musique est de tradition dans cette maison du boulevard Beau-
marchais, l'ancien logis de la musique de la chambre, vers la fin du
xvi0 siècle, et où la chronique parisienne, sous prétexte de concerts,
introduit plus d'une fois le roi vert-galant par la porte secrète de la
rue des Tournelles.
Invitation chez Helvetius, ce financier littérateur, qui chante comme
Clairval et danse comme Javilliers de l'Opéra ; — à la Folie-Genlis,
où la comtesse joue du clavecin et de la harpe devant le chevalier
Gluck, que Mlle Levasseur, la jalouse, grondera bien fort à son re-
tour; — à la petite salle de spectacle du vicomte de Brillantais, là
même où l'on bouchonne aujourd'hui les coursiers de la Compagnie
des Petites- Voitures ; — à la Folie-Titon, rue des Boulets, où l'on ne
peut aller qu'en chaise à porteurs, tant la route est cahoteuse, mais
où se réunissent de bien jolies voix et de bien jolies femmes; —
chez le baron d'Espagnac, qui a fait construire un théâtre chez lui,
place Victoire, pour mettre en relief le talent de Mlle Nie), de l'Opéra;
— chez le chevalier de Crussol dans ce vieil hôtel de la rue Bar-
bette, qui, après avoir entendu, depuis Louis XIV, bien des mazari-
340
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nades, bien des chansons de la Fronde et des rondeaux de la Régence,
retentit aujourd'hui encore des accords d'un l'acteur de pianos. Invi-
tations chez les Crillon et les Caraman, chez les Damas et les Châ-
tillon, chez le duc de Gontaut-Biron et chez M. de Gesvres, gou-
verneur de Paris, chez les marquis de Gabriac, de Langle, de Sour-
dis, de Puysieux, qui ont de petits théâtres; chez le prince
de Lambesc, qui « renifle » , chez le prince de Croy, qui « bégaye
et a un catarrhe », double et bruyant épouvantail des virtuoses,
trouble-fêtes de leurs propres fêles! — Invitations dans toutes ces
grandes et opulentes familles qui donnent à l'harmonie, par tradition
et par goût, l'hospitalité des souverains; — invitation, enfin, aux
poétiques fêtes de la petite cour cachée comme un nid sous les om-
brages de Sceaux, de ce Versailles frais et parfumé de la duchesse
du Maine, qui chante et aime fort à entendre chanter, tout en ne
laissant passer ni un jour ni une heure sans conspirer contre « son
bon ami » le Régent.
Em. Mathieu DE MONTER,
(La suite prochainement.)
BEVUE DES THÉÂTRES.
Odéon : Reprise du Marquis de Villemer. — Gymnase : Lis Curieu-
ses, comédie en un acte, par MM. Henri Meilhac et Arthur Dela-
vigne ; Un Ménage en ville, comédie en trois actes, par M. Théo-
dore Barrière. — Palais- Royal : Les Pommes du voisin, comédie
en trois actes et quatre tableaux, par M. Victorien Sardou. — Porte-
Saint-Martin : Les Drames du cabaret, drame en cinq actes et
neuf tableaux, par MM. Dumanoir et Dennery. — Gaité : Le Mar-
quis caporal, drame en cinq actes et sept tableaux, par M. Victor
Séjour.
La reprise du Marquis de Villemer a été une véritable solennité
pour le théâtre de l'Odéon. Quatre-vingts représentations n'avaient
pas épuisé la curiosité du public, et la foule est accourue pour ap-
plaudir à nouveau le remarquable ouvrage de George Sand. A côté
de Mlle Thuilier et de Mme Ramelli qui avaient conservé leurs rôles,
on a vu avec plaisir Brindeau succéder à Berton dans le duc d'A-
leria, en y apportant des qualités tout autres, quoique non moins
précieuses, et Laroche débuter dans le personnage du marquis, dont
il a conservé le caractère intéressant. Il y a là un regain de succès
qui ne prendra pas fin de sitôt.
— Deux pièces nouvelles ont remplacé, au théâtre du Gymnase-
Dramatique, Don Quichotte, de M. Victorien Sardou, qui avait fait
son temps. En nous demandant si la petite comédie des Curieu-
ses est bien convenablement placée sur une scène qui a su se main -
tenir pendant si longtemps dans une réserve appréciée par la bonne
société, nous sommes forcé de reconnaître que l'esprit et l'habileté
des auteurs y dissimulent, autant que possible, l'extrême hardiesse de
la donnée. Une dame du monde, une comtesse russe, vient passer
quelques jours à Paris, dans un appartement garni, et lorsque, après
s'y être installée, elle apprend qu'elle est dans les meubles d'une
célèbre demoiselle aux camellias, absente pour une partie de la belle
saison, au lieu de se fâcher, elle se laisse aller joyeusement au désir
de connaître les mille et un mystères de l'existence menée par Mlle
Nina. Sous le nom de Fanny Lear, qui passe pour une amie de la lo-
rette, elle reçoit les connaissances compromettantes de cette dernière,
et elle leur donne de son mieux la réplique. Mais son secret a été
pénétré par un certain vicomte qui, justement, possède une jolie
cousine fort curieuse aussi de voir de près l'une des reines du demi-
monde. Son parent l'affuble du nom de Bébé Patapouf et la met en
présence de la fausse Fanny Lear. Tout ce que cette situation excen-
trique peut produire de gai et d'imprévu, on le devine aisément.
Après avoir bien ri du quiproquo des deux grandes dames, le vicomte
leur révèle la vérité, en leur faisant un bout de morale, et remet la
comtesse russe, intacte et corrigée, aux bras de son mari.
La comédie de M. Théodore Barrière, un Ménage en ville, n'a
certes pas l'originalité piquante de celle que nous venons de racon-
ter. Mais elle est traitée avec un art et un esprit si transcendants,
qu'on ne saurait reprocher à cet auteur d'avoir choisi un sujet re-
battu, puisqu'il lui a donné toute la saveur d'une œuvre nouvelle. On
l'a vu bien souvent au théâtre, ce mari sincèrement attaché à sa
femme qui, par habitude et par faiblesse, conserve en ville une
chaîne illégitime qu'il ne peut ou qu'il n'ose rompre, surtout lors-
qu'il y a un enfant. Telle est la position pleine de périls et de dé-
goûts qu'a acceptée Marcel en épousant sa cousine Camille, et, entre
nous, ce n'est pas ce point de départ qui a dû coûter beaucoup de
frais d'imagination à M. Barrière. Seulement, l'imbroglio qui en ré-
sulte est tout entier de son invention et se termine de la manière
la plus étrange et la plus inattendue. La femme de Marcel est sans
soupçons ; mais elle a une sœur qui, par ricochet, voyant la maî-
tresse de son beau-frère bien près de jeter le trouble dans son pro-
pre ménage, menace de tout découvrir à Camille. Que faire pour
prévenir une catastrophe ? Marcel a un vieux parrain, un digne et
honnête homme, qui consent à se dévouer, un peu malgré lui, au
repos de son filleul, en prenant sur son compte le crime du jeune
mari et en donnant un nom honorable à sa maîtresse et à son en-
fant. Cette dernière partie de la pièce, où le drame le plus navrant
se convertit en un long éclat de rire, est un des tours de force les
plus étonnants que nous ayons vu accomplir à la scène. Aussi la
réussite d'un Ménage en ville a-t-elle été enlevée par ce dénoûment
que, du reste, le jeu naïf et spirituel de l'excellent Numa n'a pas
peu servi. Un début fort intéressant, celui des deux nièces des sœurs
Brohan, Mlles Dortet et Samary, élèves de leur tante Augustine, a
aussi contribué aux plaisirs de cette soirée, qui restera parmi les plus
charmants souvenirs du Gymnase.
— M. Victorien Sardou , dont le nom venait tout à l'heure sous
notre plume à propos de Don Quichotte, et qui y reviendra bien-
tôt à propos du Capitaine Henriot, est un lutteur infatigable. Nous
le retrouvons sur la brèche du Palais-Royal avec une grande pièce
qu'il a signée seul, mais qui, en bonne justice, devrait aussi porter
la signature de Charles de Bernard. Les Pommes du voisin sont en
effet empruntées, pour une bonne part, à une nouvelle de ce ro-
mancier, intitulée : Une aventure de magistrat. L'idée en est heu-
reuse et féconde en situations scéniques. L'avocat Larosière est sur
le point de devenir substitut et d'épouser une jolie veuve. Rien ne
manque à son bonheur, rien que le regret d'avoir consacré toute sa
vie à l'étude et d'être arrivé à près de quarante ans sans connaître
les distractions et le plaisir. Survient, au fond de sa province, un
ami nommé Puyseul, dont l'existence a été aussi agitée que celle de
Larosière a été tranquille. Puyseul veut faire une fin, et malheureu-
sement pour le futur substitut, il a jeté ses vues sur la veuve que
ce dernier courtise. Confident du desideratum as son ami, Puyseul,
poursuivi par une maîtresse jalouse, forme le projet machiavélique
de faire coup double, en lançant Larosière sur la brune Paola, pour
se débarrasser de l'une par l'autre. Larosière, qui a vu Paola cachée
sous des habits masculins, dont ses attraits reçoivent un reflet aga-
çant et mutin, est pris au piège. Une fois dans sa vie, il dépouillera
sa candeur natale et il goûtera du fruit défendu. Mais il est difficile
de toucher aux Pommes du voisin sans que le voisin se fâche et
défende ses droits de propriété. Or, Paola est sous puissance de
mari, et M. Limouroux est un brutal qui s'est mis à courir après
sa femme et qui, la surprenant en tête à tête avec Larosière, veut
se venger de celui qu'il prend pour le séducteur de sa chaste moitié.
Alors commence une poursuite échevelée, pendant laquelle Larosière,
ce substitut en herbe, se trouve compromis de toutes les façons et
vient se heurter à chaque instant contre les plus graves articles du
DE PARIS.
3Z,1
code, de ce code qu'il va être chargé d'interpréter au nom de la
justice humaine. Nous n'essayerons pas de le suivre à travers toutes
les péripéties terribles qui, du crime d'adultère, le conduisent jus-
qu'à ceux de bris de clôture, d'effraction, voire même d'assassinat.
M. Sardou, entraîné par son sujet, qui lui a fait dépasser de beau-
coup Charles de Bernard, nous mènerait trop loin. En fin de compte,
c'est Puyseul qui épouse la veuve, et Larosière n'est pas nommé
substitut. Il est peut-être regrettable que M. Sardou n'ait pas montré
le tact de son modèle, en s'arrêtant un peu plus tôt, et en ne four-
nissant pas à Geoffroy l'occasion, si rare chez cet acteur, d'inspirer
au spectateur, dans les derniers tableaux de cette pièce, une im-
pression véritablement pénible. Mlle Honorine, mieux partagée, est
fort gentille dans son costume d'honneur.
— La nouvelle pièce de la Porte-Saint-Martin, les Drames du
cabaret, est une œuvre pleine d'intérêt et d'enseignements qui mé-
riterait à coup sûr le prix fondé, il y a quelques années, en
faveur de la morale dramatique, si ce prix existait encore. Ce n'est
pas seulement une leçon adressée aux gens du peuple qui hantent
les débits de boisson, et y laissent, avec leur raison, toutes les res-
sources de la famille. Le blâme remonte jusqu'à ces riches salons
de restaurants à la mode, où quelques jeunes gens du monde ressus-
citent la Régence, en se grisant de Champagne et en risquant , à
une table de jeu, leur patrimoine et quelquefois !'or qu'ils n'ont pas.
De là, deux actions distinctes, parfaitement conduites, et qui sont
habilement soudées par un lien commun. D'une part, c'est l'ouvrier
Baudry, que nous voyons tout d'abord entraîné au cabaret par des
amis de bouteille. Son fils, un jeune enfant, est renversé sous les
roues d'une voiture, pendant que Baudry l'oublie pour les charmes
du petit bleu. Un rassemblement se forme ; la femme de Baudry et
sa fille Marthe sont les premières à accourir et reçoivent l'enfant
blessé autour duquel s'empressent également la grande dame et son
fils dont la calèche a occasionné l'accident. Cette grande dame n'est
autre que la comtesse de Marsan et son fils le comte Albert qui ne
peut voir Marthe sans l'aimer. Mais Albert est fiancé à Josefa, fille
d'un riche nabab de Batavia, dont son père, le comte de Marsan, a
été longtemps l'associé. Ce nabab, Van Prat, qui se vante d'avoir at-
teint ses quatre-vingts ans parce qu'il ne croit ni à Dieu ni à diable,
et qu'il n'a qu'un estomac au lieu de cœur, est cependant vulnérable
dans un seul point, la tendresse infinie qu'il a pour sa petite-fille
Josefa, et celle-ci aime avec passion le comte Albert. Il l'a donc choisi
pour gendre et pour héritier de ses 20 millions de fortune. L'amour
subit d'Albert pour Marthe vient déranger ses combinaisons. A la
suite d'un déjeuner de garçon, Albert, ivre, a joué et perdu
120,000 francs sur parole; bien plus, défié par les sarcasmes de ses
compagnons, il a déshonoré Marthe. Mais revenu à la raison, il
refuse la main de Josefa et veut donner son nom à l'ouvrière qu'il
a séduite. Ni les prières ni les menaces de Van Prat ne peuvent lui
faire changer de résolution ; c'est alors que le terrible vieillard lui
fait une révélation foudroyante; son père, le comte de Marsan, n'a été
que son commis et non son associé ; il n'a laissé aucune fortune, et
l'opulence qui entoure sa veuve et son fils, l'hôtel qu'ils habitent,
tout est à lui. Qu'Albert cherche donc ailleurs de quoi payer sa
dette de jeu ou qu'il épouse Josefa. La générosité de son créancier
tire le comte Albert de cette situation; mais Van Prat ne se consi-
dère pas comme battu. Sa Josefa a dit qu'elle mourrait si elle n'épou-
sait pas Albert; il soudoie un des compagnons de Baudry pour ren-
verser l'obstacle qui s'oppose à ses desseins et le débarrasser de
Marthe. Heureusement l'ouvrière est sauvée par celui même qui de-
vait l'assassiner. C'est Josefa qui meurt en se frappant d'un stylet
empoisonné. Nous oublions un détail qui aurait d'ailleurs suffi pour
empêcher son mariage avec Albert ; Van Prat, dans une orgie, avait
assassiné le comte de Marsan. A prix d'or il avait pu faire passer ce
meurtre pour un accident auquel avaient cru la comtesse et son fils ;
!mais il leur est révélé au dernier moment par un médecin qui vivait
à Batavia dans l'intimité de Van Prat et du comte au moment où le
I crime fut commis.
A côté de cette action se déroulent les scènes qui conduisent Bau-
dry à la dégradation, et dans l'une desquelles, qui a fort impres-
sionné le public, il lance son fils contre une machine en mouvement
qui lui brise le bras.
Les Drames de cabaret sont remarquablement interprétés par La-
cressonnière, par Paulin Menier, qui a composé en grand comédien
le rôle du nabab ; Vannoy ; Mmes Duverger et Rousseil ; ils ont été
fort bien accueillis, et nous croyons qu'ils fourniront une longue
carrière. La mise en scène est très-soignée; la vue de Paris pendant
la nuit est fort belle, et le septième tableau qui se passe dans une
usine en mouvement est d'un immense effet.
— A la Gaîté, on joue, sous le titre du Marquis caporal, un
drame militaire qui ne nous semble pas avoir les mêmes éléments de
vogue que celui de la Porte-Saint-Martin. Les aventures de ce mar-
quis de Valleroy qui se fait passer pour mort et endosse l'uniforme
d'un caporal pour mieux se cacher, sont, selon nous, bien romanes-
ques, pour un théâtre où l'on demande, avant tout, de l'intérêt basé
sur de la vraisemblance. Il y a pourtant, dans cette pièce, une situa-
tion attachante et neuve: c'est celle de ce mort qui voit, sous ses
yeux, sa veuve poursuivie par l'amour d'un rival, sans qu'il puisse
s'y opposer. Le rival, commissaire de la Convention, fait, par bon-
heur, tant de gaucheries qu'il finit par se compromettre et par céder
la place au marquis, rendu à la vie et à l'amour conjugal. Les deux
principaux rôles de cette pièce sont confiés à Dumaine et à Mlle Lia
Félix, qui ont su en tirer un excellent parti, et qui maintiendront
sans doute, pendant un certain temps, sur l'affiche de la Gaîté, le
Marquis caporal.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine trois fois
Roland à Roncevaux.
*** Mlle Guglielmina Salvioni, danseuse très-distinguée, vient d'être
engagée à l'Opéra. Dans le mois de novembre prochain, elle fera son
début dans la Maschera, ballet de M. Rota.
*** M. Fétis est de retour à Paris, où il restera jusqu'à la représen-
tation de l'Africaine.
*** Mme Cabel a reparu hier soir au théâtre de l'Opéra-Comique dans
Galatée, rôle qui lui a valu de grands succès. Elle ne le chantera que
cinq ou six fois, des engagements la rappelant en province. La direc-
tion a pour cette occasion engagé Mlle Wertheimber; elle a chanté le
rôle de Pygmalion qu'elle avait créé dans l'origine.
*** On annonce pour mercredi la première représentation des Ab-
sents, de MM. Daudet et Poise, chanté par Sainte-Foy, Capoul, Nathan
et Mmes Girard et Révilly. — Peu de jours après viendra le Trésor de
Pierrot, interprété par Montaubry, Prilleux, Nathan, Potel, Mmes Mon-
rose et Mlle Tuai. Montaubry en Pierrot et Mlle Monrose en paysanne;
rôles si opposés à leur emploi ordinaire, piqueront vivement la cu-
riosité.
**„. Au théâtre Italien, la Traoiata nous est revenue mardi avec
Mlle Patti et Naudin, dans les rôles de Violetta et d'Alfredo. Nous ne
saurions dire à quel point la jeune artiste s'est montrée originale, char-
mante et pathétique dans ce rôle de Dame aux Camellias qu'elle refait
à sa taille et qu'elle habille de ses caprices : nulle autre qu'elle n'o-
serait ce qu'elle ose, notamment à. la fin du premier acte, où elle sort
sur un trille lancé à pleine gorge et en courant comme un enfant 1 Le
public n'a que le temps de la rappeler, pour arrêter sa course, et l'ap-
plaudir avec redoublements. Au troisième acte, on n'a jamais vu de
mourante plus adorable, plus simple, et l'on est heureux de se rassu-
rer sur sa santé, sur sa vie, en entendant l'excellent timbre de sa
voix. Naudin a fort bien réussi dans toute la partie musicale de son
rôle ; aussi l'a-t-on souvent et justement applaudi. Zacchi, jouant le
rôle du père, ne doit être nommé que pour mémoire, quoiqu'il ait été
meilleur que dans Asthon de Lucia.— Après une bonne représentation du
Trovatore, donné mercredi , le joyeux Barbier a rempli les deux der-
362
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dières soirées de la semaine. Mlle Patti a été aussi vive et aussi
folâtre dans le rôle de Rosine qu'elle avait été touchante dans le rôle
de Violetta. Pour la leçon de chant, elle a dit avec sa verve étince-
lante la Gioja insolita et la Calesera.Tous ses partenaires l'ont digne-
ment secondée.
„*„ La semaine ne se passera pas sans qu'on ait au théâtre Italien
un échantillon du ballet monté par M. Bagier. Dans un grand ballabilf,
qui a pour titre timoré ed arte (l'amour et l'art), paraîtront toutes les
danseuses engagées. — La reprise de VElisire d'amore est très-prochaine,
et le public reverra avec d'autant plus de plaisir ce chef-d'oeuvre de
Donizetti, qu'il sera interprété par Adelioa Patti, Naudin, Scalese et
Délie Sedie. — Roberto-Devereux, de Donizetti ; Leonora, de Mercadante,
Crispino la comare, de Ricci, sont à l'étude.
»% Une indisposition de Mlle Christine Nilson ajourne à mardi ou
jeudi la première représentation de Yioletta, au théâtre Lyrique.
»% Mme Ugalde vient d'être engagée pour l'hiver par M. Carvalho.
Le premier rôle qu'elle chantera est celui de Nancy dans Martha. L'o-
péra de Flotow sera joué après Yioletta. Cette nouvelle dément suffi-
samment le bruit qui avait couru de l'engagement de la célèbre can-
tatrice au théâtre Bataclan.
„% La direction du théâtre des Variétés s'occupe avec beaucoup
d'activité de la Belle Hélène, l'opéra bouffe de MM. L. Halévy, H. Meilhac
et J. Offenbach, qu'elle voudrait faire représenter à la fin de novembre.
Cette pièce sera montée avec grand luxe, l'orchestre et les chœurs se-
ront renforcés.
*** On annonce pour le 28 de ce mois irrévocablement l'ouverture
du nouveau théâtre Saint-Germain. Tout se prépare pour cette solen-
nité dont se préoccupe beaucoup le quartier des Ecoles. Les décors,
confiés à l'habile pinceau de M. Fromont, sont terminés, ainsi que les
machines, dues au talent de M. Petit. On parle d'un nouveau mode
d'éclairage qui donnera aux décorations le prestige d'un diorama. Tou-
tes les sympathies sont acquises au nouveau théâtre qui, le premier,
va consacrer la liberté théâtrale due à la sollicitude de S. M. l'Empereur.
„*„ M. Bagier vient d'engager pour le théâtre de Madrid l'excel'ent
baryton, Gassier. — Après la Norma, où le public madrilène s'est
montré de beaucoup meilleure composition qu'à la réouverture, on
a donné la Traviata, chantée par Mme Spezia, par Nicolini et Aldi-
ghieri; le succès a élé très-grand surtout pour Mme Spezia. — C'est
dans Lucrezia Borgia que doit débuter le ténor Brignoli sur lequel on
compte beaucoup.
„** On nous écrit de Moscou qu'on vient de représenter au théâtre
italien la Maria avec les artistes qui l'avaient jouée l'année précédente.
L'opéra de Elotow est toujours accueilli avec un plaisir nouveau. —
On répétait Robetto il Diavolo pour les débuts du ténor Armandi.
„% Le théâtre de la Pergola à Florence a complété sa troupe d'opéra
et de ballet pour la saison. La prima donna et le premier ténor sont
les époux Tiberini ; premier soprano, Emilia Bellini ; contralto , Rosina
Vercolini; premier ténor, I.uciani; barytons, Gianoli et Sartori; pre-
mière basse, Mateo délia Torre; basse comique, G. Scheggi. On jouera
Marta, la Stranicra il Giuramento, Matilda ai Shabran et deux autres
opéras, nouveaux pour Florence. Le théâtre ouvrira à la fin du mois par
Marta et un ballet, Délia.
J*3 Dimanche dernier, S. Exe. le maréchal Vaillant a distribué les
prix remportés par les lauréats du concours de peinture, architecture,
musique, etc., et leur a remis leurs diplômes. S. M. l'Empereur avait
daigné les inviter à dîner au palais de Saint-Cloud et après le dîner ils
ont reçu de l'Impératrice les portraits de Leurs Majestés Impériales pho-
tographiés et au bas desquels l'Empereur avait mis son nom. M. Sieg a
été en même temps informé par M. le comte Bacciochi, surintendant
des théâtres, que sa cantate serait exécutée prochainement au théâtre
impérial de l'Opéra.
,% C'est samedi prochain que sera jugé le concours ouvert entre
plusieurs lauréats de Rome, pour la composition d'un opéra destiné à
être représenté au théâtre Lyrique. Ce sont les lauréats eux-mêmes,
qui sur l'invitation de M. le surintendant des théâtres, ont désigné
d'un commun accord les membres du jury. Le concours aura lieu au
Conservatoire.
t*t II y avait grande séance vendredi dernier à l'école lyrique de la
rue Turgot, dirigée par notre célèbre chanteur et professeur Duprez.
Nous dirions que c'était une séance de rentrée, si l'école prenait jamais
des vacances. Dans le nombre des élèves distingués qui se sont fait en-
tendre, il y en avait un ancien, maintenant devenu artiste, M. Lefranc,
le ténor favori de Marseille, et qu'un engagement appelle à Turin.
Avant de s'y rendre, il a voulu travailler encore trois mois avec son
maître, et il ne pouvait rien faire de plus avantageux à son talent. Le
succès nous parait assuré en Italie à sa belle voix et à son excellente
méthode.
,% On nous écrit de Londres : « Mario et Mme Grisi sont à Liverpool;
il y ont donné, en compagnie de Mme Sainton-Dolby et de M. Sainton
l'excellent violoniste, un concert dans lequel ils ont été chaleureuse-
ment applaudis. Mme Grisi a dû répéter l'air de Marta : Sola vergin
| Rosn, qu'elle avait délicieusement chanté. — L'Opéra anglais a ouvert
par Masaniello. La représentation en a été généralement bonne, les
honneurs de la soirée ont été pour Mme Parepa, Elvire; M. Charles
Adams, Masaniello, et Mlle Giraud, Fenella. Lundi, reprise de la Muette,
Mardi, Martha, avec Mme Lemmens-Sherrington.— L'Opéra italien, sous
la direction de M. Mapleson, rouvrira lundi 2i pour deux semaines. »
*** Nous avons dit que Liszt reviendrait à Paris au printemps pour
faire entendre quelques-unes de ses compositions. La principale serait
une messe qu'il fit il y a quelques années pour la cathédrale de Gran
en Hongrie et qui serait exécutée dans une des églises de Paris.
„% Camille Sivori vient de donner au théâtre Carlo Felice à Gênes
un grand concert au bénéfice des pauvres. Le programme était ma-
gnifique. Le célèbre artiste y a exécuté entre autres le concerto de
Paganini en si mineur, morceau dont Sivori est peut-être seul capable
d'exécuter les immenses difficultés et dans lequel il a été applaudi à
tout rompre.
*% Les fêtes de Bade ont dit leur dernier mot dans deux beaux
concerts, l'un donné par Mme Frezzolini dans le salon Louis XIV, avec
le concours de M. et de Mlle Heermann, et l'autre offert par M. Be-
nazet, et dans lequel figuraient Mlle Joly et M. Lefort, pour le chant;
et pour la partie instrumentale, Vivier, Mlles Castellan, Nina Gaillard et
Adrienne Peschel. « Vivier, cette fois, n'a dit que du Vivier (lisons-
nous dans Y Illustration, de Bade). Personne n'a songé à s'en plaindre,
au contraire. Son cantabile, dit par lui dans la demi-teinte avec une
suavité indicible, et sa Chasse, tantôt sonore comme l'Hallali, tantôt
mystérieuse comme les sombres bois et lointaine comme l'écho, avec
ces étonnants effets d'harmonie et de parties simultanées dans un seul
et même instrument, dont il a dérobé le secret à Roland, à Obéron ou
à Samiel, ont produit une sensation d'enchantement, c'est le mot, et
l'on a applaudi du même coup double en lui, afin de lui rendre un
peu la monnaie de sa pièce, et le compositeur et le grand artiste. »
„% Nous rappelons à nos lecteurs qu'aujourd'hui à deux heures, le
Cirque Napoléon rouvrira pour le premier concert populaire dirigé par
Pasdeloup. Nous en avons donné le programme dans notre dernier
numéro.
*** M. Albert Sowinski vient de faire paraître un ouvrage important
et qui .sera fort recherché dans le monde musical ; c'est une traduction
de l'excellent ouvrage d'Antoine Schindler : Histoire de la vie et de
l'œuvre de Ludwig van Beethoven, 1 beau vol. gr. in-8°. Nous reviendrons
sur cette publication.
*** Le célèbre oratorio de Haydn, la Création, vient d'être pour la
première fois exécuté à New-York : le succès a été immense. Parmi les
artistes se distinguait Cari Formés. L'orchestre et les chœurs étaient
composés de six cents musiciens, presque tous Allemands.
a^S. M. l'Empereur vient d'honorer M. Emile Bernard d'une médaille
grand module, pour la cantate qu'il a fait exécuter au théâtre du Gym-
nase le 15 août dernier. Nous avons remarqué dans cette composition
des qualités qui révèlent les études sérieuses du jeune compositeur.
*% Rossini a quitté sa résidence d'été de Passy pour revenir à Paris.
„*„. M. A. Berlyn, chef d'orchestre à Amsterdam, vient de recevoir
de S. A. R. le duc de Nassau, une médaille en or du mérite artistique,
pour une ouverture à grand orchestre dont Son Altesse a daigné ac-
cepter la dédicace.
**» Dimanche dernier a eu lieu l'inauguration des concerts-prome-
nades de l'hôtel Lafitte. On y a entendu avec plaisir deux artistes de
talent , Mlle Delphine Champon, qui a joué plusieurs morceaux sur
l'orgue harmonium, le violoniste Danbé, MM. Forestier, flûtiste, Robyns,
sur le saxhorn, Vannier et Poligny ; l'assemblée était nombreuse, et
cette association de la musique à la peinture promet d'agréables dis-
tractions au public.
*** Seligman a rapporté de ses voyages quatre nouveaux morceaux
pour le violoncelle. Ils sont à la gravure et paraîtront à la fin de ce
mois. Ballade de minuit, op. 73; Andante et rondo de concert, op. 75;
Dernier chant d'amour, op. 76 ; caprice humoristique et Chanson hava-
naise, op. "77 ; tels sont les titres de ces ouvrages qui ont produit un
grand effet dans les concerts que l'éminent violoncelliste vient de don-
ner en Allemagne et en Belgique, et nous en rendrons compte dans un
de nos plus prochains numéros.
„*„ Le 22 juillet de l'année prochaine doit avoir lieu à Dresde le
premier festival général de chant allemand qui durera quatre jours et
pour lequel on fait les préparatifs les plus considérables. On compte
sur une réunion de dix mille chanteurs. C'est au moyen de signaux
électriques que cette masse vocale doit être dirigée. Les frais de ce
festival monstre sont évalués à 90,000 thalers (337,500 francs). Une
grande partie de cette somme sera absorbée par la construction de la
salle des chanteurs, qui doit pouvoir contenir trente mille personnes.
„;*» La fête de bienfaisance organisée dimanche dernier au pré Catelan,
par les soins de M. le baron Taylor, avec le concours de toutes les mu-
siques de cavalerie, a dépassé toutes les espérances. Le temps était su-
perbe, la foule on ne peut plus nombreuse, l'exécution splendide et la
recette très-fructueuse pour les artistes.
DE PARIS.
343
„% M. S. Ponce de Léon, pianiste et compositeur, auteur de char-
mants morceaux pour piano, de plusieurs œuvres religieuses et d'un
excellent ouvrage d'études, approuvé par le Conservatoire de Paris,
vient d'être nommé par S. M. la reine d'Espagne chevalier de l'ordre
royal d'Isabelle la Catholique.
»% Le deuxième numéro de la Gazette des abonnés, de M. de Ville-
messant, a paru hier. Ce numéro est entièrement consacré, texte et
illustration, à Roland à Roncevaux; il contient les décors, les costumes,
les portraits et les autographes du compositeur, et de tous ceux qui
prennent part à l'exécution de ce grand succès, et, de plus, le finale
du troisième acte, arrangé pour piano par M. Mermet.
*** Sous le titre de Chants du soir, Mme Rossi Gallieno vient décom-
poser et de faire paraître un charmant caprice pour piano. Nous l'avons
entendu et nous pouvons le recommander avec connaissance de cause.
*% Le Concert des Champs-Elysées donne sa sixième réunion musi-
cale de jour aujourd'hui dimanche, de deux à cinq heures. A la de-
mande générale, l'orchestre jouera la Charité, de Rossini, qui sera pré-
cédée et suivie des chefs-d'œuvre du répertoire : Ouvertures d'Obéron,
du Cheval de bronze, de Si j'étais roi; fantaisies sur les Huguenots et sur
Anna Bolena, solo de petite flûte par M. Genin. Le concert commencera
à deux heures précises.
*** Vendredi dernier, à Blois, M. Scudo a succombé à la cruelle ma-
ladie dont il était atteint. 11 n'avait que cinquante-neuf ans. 11 était
depuis longues années attaché comme critique musical à la Revue des
Deux Mondes. 11 a composé diverses romances et écrit plusieurs ouvrages
sur la musique.
*** Cette semaine a vu mourir une notabilité théâtrale, Ant. Cou-
part. Il était depuis 1831 régisseur du théâtre du Palais-Royal, et l'au-
teur d'une foule de pièces composées par lui seul ou en collaboration
avec divers auteurs.
„% La mort a également frappé M. Gallay, professeur de cor au Con-
servatoire et anciennement attaché au théâtre Italien.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
3% Bruxelles. — Le calme n'est pas encore rétabli à l'occasion des
débutants, et il serait temps que ces scènes tumultueuses prissent fin.
En attendant, on a donné avec peu de succès le Docteur Mirobolan.
La Reine Topaze a été au contraire très-favôrablement accueillie.
MmeMayerBoulart y a chanté de la façon la plus remarquable le rôle prin-
cipal. — Mlle Carlotta Patti et son directeur Dllmann viennent de passer
ici. Ils se rendent en Allemagne, où ils seront accompagnés, dans les con-
certs qu'ils vont donner, par A. Jaell, Brassin, Vieuxtemps, Stefens,
violoniste de Saint-Pétersbourg, et Ferranti, chanteur. Les concerts de
Carlotta Patti commenceront à Dresde le 28 octobre. Tous les billets
sont déjà retenus à l'avance.
,*„ Darmstadt. — La série des concerts que la chapelle du grand-duc
donne annuellement a commencé hier, sous la direction ds M.Neswadba,
le nouveau maître de chapelle. On a exécuté la symphonie en si bémol
de Beethoven avec un ensemble parfait. Mlle Mollnar, du théâtre de la
cour, a chanté avec une grande perfection l'air du Pré aux Clercs, d'Hé-
rold, et la charmante valse la Prima Donna, de notre compatriote Emile
Ettling. Dans cette dernière composition, Mlle Mollnar a, par la flexibi-
lité de sa voix et par son excellente méthode, enlevé tous les suffrages.
Mlle Mollnar est, sans contredit, une des cantatrices d'Allemagne qui
sait, le mieux vocaliser. Mlle Doring, pianiste de beaucoup de mérite,
a été très-applaudie dans le concerto en ré mineur de Mozart et dans
la polonaise de Weber.
»% Vienne. — Un nouveau ballet fantastique , Fille des bois , vient
d'être représenté au théâtre de la cour et a été assez froidement ac-
cueilli, malgré une mise en scène très-brillante et une fort bonne exé-
cution. Mlle Couqui, seule, qui remplissait le rôle principal, a obtenu
quelques bravos. — Le ténor Ferenczy vient d'être engagé au théâtre
de la cour. Son début a eu lieu dans Robert le Diable ; il y a obtenu
un succès complet.
„*„ Leipzig. — Au troisième concert du Gewandhaus qui vient d'avoir
lieu, la nouvelle symphonie d'Abert, Christophe Colomb, a excité beau-
coup d'enthousiasme. C'est une œuvre de tout point remarquable; l'or-
chestre qui l'avait très-bien rendue a joint ses applaudissements à ceux
du public, et tout l'auditoire a témoigné bruyamment sa satisfaction
au compositeur. — Le programme du second concert du Gewandhaus
contenait une symphonie de Schumann et une ouverture de Mendels-
sohn, admirablement exécutées par l'orchestre, un concerto de
R. Wolkmann, un air dePergolèse et un larghetto de Mozart, joués avec
un talent supérieur par le violoncelliste Popper, et plusieurs airs de
Mozart et de Winter fort bien dits par Mlle Melita Alvsleben, de Dresde.
— Charles Halle, avant de quitter Leipzig, a donné une soirée pour mu-
sique de piano, où il a fait entendre , aux bravos unanimes du public,
des morceaux de Beethoven, S. Bach, Mendelssohn et Chopin, ainsi
que trois compositions de Stephen Heller : la Tarentelle, op. 85; Prome-
nades d'un solitaire, op. 78, et les Nuits blanches, op. 82.
„*„ Berlin. — Mme Laszlo-Doria, du théâtre de Cologne, a débuté à
l'opéra dans Lucrezia Borgia. On lui a reconnu un assez grand talent
de cantatrice, mais sa voix a paru fort usée. — Au premier jour sera
donné au même théâtre l'opéra de Richard Wuerst, l'Etoile de Turan,
avec Mlle Lucca dans le rôle principal. — La compagnie théâtrale
française, sous la direction de Laferrière, a commencé avec succès ses
représentations au théâtre Frédéric-Guillaume. — L'intendant des théâtres
royaux, M. Ch. Hulsen, vient de prendre une mesure fort louable : les
choristes recevront dorénavant des feux â chaque représentation à la-
quelle ils concourront. — Le ténor Niemann doit donner cette semaine
trois représentations â l'Opéra. Il y chantera le Prophète, Fernand Cor-
tez et Tannhauser.
*%, Turin. — Emilie Lagrua nous a fait ses adieux dans son rôle
de prédilection Desdemona et dans le quatrième acte du Trovatore.
Nous ne parlerons pas des acclamations et des transports qui ont con-
sacré cette soirée. Les Turinois sont bons juges du talent, et s'ils sont
froids, ce n'est pas pour l'artiste qui, comme Emilie Lagrua, a su trou-
ver le chemin de leur cœur. Le théâtre était illuminé pour cette solen-
nité où l'affluence des spectateurs était énorme. Mme Lagrua est partie le
lendemain pour Naples, où elle est, dit-on, engagée au théâtre San
Carlo, et où elle sera la plus brillante étoile de la saison.
t*j. Rome. — Le Barbier de Séville a été donné au théâtre Argentina, au
bénéfice de Mme Trebelli-Bettini. Jamais la jeune cantatrice n'avait plus
délicieusement chanté. Ce n'a été qu'un applaudissement sans fin. Bet-
tini, Storti, Bremond et Marchisio ont dignement secondé la bénéfi-
ciaire, et rarement le chef-d'œuvre de Rossini a été mieux exécuté.
%*% Lisbonne. — Mme Volpini a remporté dans la Traviata un nou-
veau succès que constatent à l'envi les journaux portugais. Jamais le
personnage de Violetta, écrivent-ils, n'avait été rendu sur notre scène
d'une façon si touchante. Après son air du premier acte, la charmante
artiste a été rappelée trois fois, et à la chute du rideau, elle a dû re-
venir sur la scène à différentes reprises, au bruit des acclamations de
toute la salle.
ERRATUM. — Une erreur, que du reste tout le monde pouvait cor-
riger, s'est glissée dans notre compte rendu de Roland à Roncevaux. A
propos de David, premier ouvrage de M. Mermet, il faut lire : poëme
de MM. A. Soumet et Félicien Mallefille, et non pas Félicien David.
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30 Octobre iUi.
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Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui ,
la charmante chanson de Jfeanne la Mtottsse, ex-
traite do roman en vogue d'Arsène Ooussaye, JtMa-
tlan*e Ctéojtulre, et dont «I. Offenbacb a composé la
musique.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique: les Absents, opéra-comi-
que en un acte, paroles de M. Daudet, musique de M. Ferdinand Poise, par
I.éoii Durocher. — Théâtre Lyrique impérial : Violelta, opéra en quatre
actes, traduit de l'italien par M. Ed. Duprez, musique de M. Verdi, par le
même. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (6e article), par Paul
Smith. — La musique et la société française au xvm' siècle (2° article), par
Em. Mathieu de Mouler. — Nouvelles et annonces.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÊRA-COMIOUE.
LES ABSENTS,
Opéra-comique en un acte , paroles de M. Daudet, musique de
M. Ferdinand Poise.
(Première représentation le 25 octobre 1864.)
Les absents ont toujours tort, dit un vieux proverbe. — M. Dau-
det et M. Poise ont voulu prouver que les absents ont toujours rai-
son. Il n'est pas défendu à l'Opéra-Comique de se passer la récréa-
tion d'un petit paradoxe... de temps en temps, et sans que cela
tire à conséquence.
C'est M. Eustache qui fournit la démonstration. Il est à Aix, en
Provence, où il suit les cours de l'École de droit. Pendant qu'il ap-
prend le code par cœur, qu'il médite les doctes dissertations de
Toullier, qu'il se nourrit du Digeste, sa vieille tante Brigitte, et sa
cousine Suzette, et le jardinier Brèchemain pensent à lui sans cesse,
parlent de lui tous les jours: — Ah ! si Eustache était ici, ce bon
Euslache, ce cher Eustache, notre bonheur serait complet ! Et ma-
demoiselle Suzette fait en secret sur ce texte les commentaires les
plus intéressants du monde. Quant à M. Léonard, avec ses bas
bleus, son pantalon trop court et son habit noisette, qui ne néglige
aucune occasion de se rendre utile, qui achète des plumeaux pour
la mère Brigitte, et des graines de laitue pour le père Brèchemain,
qui a pour Suzette mille attentions délicates accompagnées de gros
soupirs, et qui garde la ferme quand on veut aller se promener,
personne ne lui sait gré de ce dévouement, et, si l'on prend garde
à lui, c'est pour se plaindre de le trouver toujours sur son chemin.
Il est présent, voilà son tort. L'autre est absent, voilà son mérite.
Or, Eustache, reçu docteur, annonce sa visite prochaine à sa chère
tante, qui en pleure de joie. Grande rumeur à la ferme, et grande
agitation. Tous les travaux sont suspendus. On s'endimanche, on at-
telé le cheval à la carriole, et l'on va se promener sur la route, afln
de voir une demi-heure plus tôt cet aimable Eustache qui est de-
venu docteur en droit. Pendant ce temps, M. le docteur, quia bonnes
jambes, quitte la patache pour aller plus vite, prend la traverse,
saute les fossés, franchit les haies, traverse au grand galop les plates-
bandes du père Brèchemain, au grand préjudice des choux-fleurs et
des groseillers du bonhomme, brise en arrivant les assiettes de la
n ère Brigitte, déchire une romance manuscrite que Suzette a com-
posée exprès pour lui, — car cette jeune fermière est à la foispoëte
et musicienne, ce qui ne se voit guère en Brie ni en Beauce, mais
ce qui est très-commun en Provence, — commet enfin mille forfaits.
Dépit de Suzette, colère du jardinier, désespoir de mère Brigitte, qui
aimait passionnément sa faïence. Quel tourbillon ! quel garnement !
il n'est bon qu'à troubler la paix du logis ! Décidément il n'est ai-
mable que de loin. On ne se contente pas de penser cela : on le lui
dit. Il le reconnaît, prend congé de la compagnie, et s'en va comme
il est venu, à jeun. Dès qu'on le croit parti, on le regrette, et tout
le monde l'embrasse quand il revient. Ce que voyant, Léonard part
à son tour, disant que puisqu'il faut être absent pour être aimé, il va
essayer de ce procédé irrésistible. Léonard ne réussira pas, car, si
Eustache est turbulent, Léonard est sot et ennuyeux, défaut bien plus
grave. On pardonne tout à Eustache, parce qu'il est gai, ouvert, et
qu'il a bon cœur; on ne pardonnerait rien à Léonard, el s'il allait
faire son droit à Aix, personne ne penserait à lui. Par conséquent la
démonstration de M. Daudet ne prouve rien, sinon qu'il a le dialogue
facile, parfois piquant et spirituel, et qu'il ne sait pas encore faire
une pièce. Le dénoûment de la sienne, c'est le benedicite par lequel
la mère Brigitte inaugurera sans doute le dîner si longtemps attendu.
346
ISKVUE ET GAZETTE MUSICALE
Quant à Mlle Suzetle, vous pouvez arranger sa destinée future comme
il vous plaira : l'auteur, sur ce point, a laissé le champ libre à votre
imagination.
Au point de vue musical, les Absents sont moins un opéra qu'un
vaudeville avec des airs nouveaux. Un musicien se fait rarement aussi
petit. Tout est couplet dans cette partition. Couplets sur l'histoire des
Deux Pigeons. — Couplets de Léonard : Comment voulez-vous qu'on
m'aime? — Couplets provençaux d'Eustache: Vive notre bon roi René!
— Couplets maritimes du même Eustache. — Chanson du Dragon. Il
n'y a que le père Brèchemain qui chante un petit air : Cequej'ail...
ce que j'ai?... J'ai... j'ai..., etc. C'est un air bouffe. Il est vif, il est
gai. Le tour en est original. On dirait une page posthume d'Adolphe
Adam, qui ne renierait pas le travail de son élève. Dans les autres
morceaux, l'auteur, qui s'efforce toujours d'être original, ne réussit
bien souvent qu'à n'être pas naturel. Il convient pourtant de faire
une exception pour la chanson maritime d'Eustache, qui m'a paru
avoir assez de couleur. Les couplets du roi René ne sont peut-être
pas aussi heureusement trouvés. Ceux de Léonard font de l'effet ;
mais cet effet tient surtout, ce me semble, à la manière exquise dont
M. Sainte-Foy les dit. Et en cela M. Sainte-Foy ne sort-il pas un peu
du caractère de son personnage? Dans aucune autre partie de son
rôle Léonard ne montre une sensibilité aussi franche, ni un sentiment
aussi profond.
Les idées mélodiques n'abondent pas dans cet ouvrage. En revan-
che, l'instrumentation y est très-recherchée, pleine de petits déiails
qui veulent être plaisants et qui atteignent rarement leur but. Tel
qu'il est, cependant, il a grandement réussi, je me hâte de le recon-
naître. On l'a applaudi avec un entrain tout particulier, un zèle ar-
dent, un bruit formidable, et M. Poise a une réponse toute prête à
ces critiques : C'est son brillant et incontestable succès.
Il n'a d'ailleurs qu'à se louer de ses interprètes, Mmes Girard et
Révilly, MM. Capoul, Sainte-Foy et Nathan. On ne saurait voir une
petite pièce mieux rendue.
Léon DUROCHER.
THÉÂTRE LYRIQUE IMPERIAL.
Opéra en quatre actes, traduit de l'italien par M. Ed. Duprez,
musique de M. Verdi.
Tout le monde sait que Violetla n'est pas autre chose que la Tra-
viata qui se joue au théâtre Italien depuis huit années. La Traviata
n'e.t elle-même que la Darne aux Camélias, traduite en italien par
M. Piave, avec les modifications que les exigences de la musique
avaient rendues nécessaires. M. Ed. Duprez a retraduit cette traduc-
tion. En dépit de toutes ces façons nouvelles, le véritable auteur de
ce drame est et sera toujours M. Alexandre Dumas le 01s. C'est lui qui
a taillé l'habit que les autres ont retourné, et que M. Verdi a brodé.
— Richement brodé, il faut le reconnaître.
C'est dans une anecdote du xviii0 siècle que M. Alexandre Dumas
avait trouvé son sujet. On raconte que Mlle Salle, première dan-
seuse à l'Opéra, celle qui inspira à Voltaire son madrigal, si connu et
si souvent cité :
Ah ! Camargo, que vous êtes brillante !
Mais que Salle, grands dieux ! est ravissante ! etc.
on raconte, dis -je, que Mlle Salle comptait au nombre de ses
adorateurs le fils d'un président de je ne sais quel parlement de
province, et qu'elle avait assez de goût (style du temps) pour ce
jeune homme, qui négligeait ainsi sa carrière et compromettait son
avenir. Le président écrivait à son fils lettre sur lettre pour le guérir
de cette passion dont il lui énumérait êloquemment tous les dangers ;
mais il y perdait son latin. Il prit, de guerre lasse, le parti assez ori-
ginal de s'adresser à Mlle Salle elle-même. Il vint à Paris, se fit an-
noncer chez elle, lui parla en homme du monde, en galant homme,
lui conta son chagrin, lui exposa le tort que spn fils se faisait, la
supplia de lui venir en aide, et de congédier ce jeune fou qui ne pou-
vait renoncer à elle. Mlle Salle rit beaucoup de la confidence et de la
requête. Mais, comme elle avait de l'esprit, et que les amants ne lui
manquaient pas, elle promit au magistrat de le satisfaire, et tint
parole.
Etant donnés le caractère de Mlle Salle et les. mœurs du temps,
qui excluaient les passions profondes et les « arrangements » à long
terme, rien n'est plus vraisemblable que cette histoire. Mais l'hé-
roïne de M. Dumas a un cœur, un cœur vivement épris. Elle aime
sincèrement, profondément. Qu'une femme, en pareil cas, consente,
dans un élan d'héroïsme, à se séparer de celui qu'elle aime, cela
peut s'admettre. Mais qu'elle se voue à son mépris, non ! cent fois
non ! Qu'elle se tue, à la bonne heure ! mais qu'elle se donne , ou
même qu'elle fasse semblant de se donner à un autre, cela n'est pas
vrai. Toute cette partie du drame, malgré le talent que l'auteur a
déployé dans Fexéculiou, sonne faux.
Heureusement, cela n'ôte rien au mérite de la partition, lequel est
très-grand. Rien de plus vif et de plus brillant que le brindisi du
premier acte, la valse qui, du fond du théâtre, accompagne le dia-
logue des personnages qui sont sur la scène, l'air de Violetta : Folies!
folies, etc. Rien de plus expressif que la première partie de cet air,
où Violetta s'abandonne au sentiment nouveau pour elle qui l'enva-
hit, qui la charme, et qu'elle s'efforcera vainement de repousser.
Rien de mieux entendu que le duo qui précède, où la légèreté co-
quette de Violetta et les accents passionnés de Germond forment un
si heureux contraste. Le second acte est moins riche. Le sermon en
deux couplets du bonhomme Germond n'a pas une grande valeur
musicale. On ne retrouve guère le talent de M. Verdi que dans le duo
de cet apôtre des bonnes mœurs avec Violetta. Il y a là de belles
phrases, et des accents très-pathétiques. Il y en a aussi , avec de
grands effets d'harmonie vocale, dans le largo du finale, au troi-
sième acte. (Je suis la division française.) Au quatrième acte, le duo
des deux amants — l'andante surtout — est une inspiration déli-
cieuse, et la romance de l'héroïne a une expression douloureuse et
désolée qui serre le cœur. A qui vient de chanter un pareil morceau,
il ne reste plus qu'à mourir.
Le début de Mlle Nilsson, jeune cantatrice suédoise, dont on avait
d'avance annoncé des merveilles, donnait beaucoup d'intérêt à cette
représentation. Mlle Nilsson est élève de M. Wartel, et lui fait grand
honneur. Le médium de sa voix est faible et un peu sourd ; mais le
registre aigu est superbe, brillant et doux tout à la fois. Elle voca-
lise à merveille, et prononce mieux que bien des Françaises. Elle
était un peu intimidée en commençant, ce qui l'a fait paraître assez
froide. Elle s'est enhardie progressivement. Elle a dit et joué le second
et le troisième acte avec intelligence. Au quatrième, elle a montré un
véritable talent de cantatrice et d'actrice. Il faut féliciter M. Car-
valho d'avoir fait cette trouvaille.
M. Lutz chante à merveille le rôle du bonhomme Germond, le-
quel, malheureusement, n'a que deux morceaux. On voudrait qu'il en
eût dix. Voix agréable et parfaitement posée, expression constamment
juste, style excellent, M. Lutz a tout ce qu'on peut demander à un
chanteur.
M. Monjauze fait tout ce qu'il peut, et l'on n'a rien à reprocher
à son chant. Mais il n'a plus le physique de son emploi.. Comment
veut-il que l'on s'y prenne pour voir en lui le fils de M. Lutz ?
Je conviens que M. Lutz aurait dû se coiffer de cheveux gris. Mais
cela même n'y ferait rien tant que la question abdominale ne serait
point résolue. Et comment la résoudre à l'avantage de M. Monjauze?
L'exécution musicale de cet opéra est très-soignée, parfaitement
DE PARIS.
347
réglée, habilement nuancée. On y peut signaler de très-beaux effets,
dont personne ne s'est jamais avisé au théâtre Italien, par exem-
ple, dans le largo du finale du troisième acte. On ne saurait trop
louer sur ce point M. Dcloffre et son orchestre.
On ne saurait trop louer non plus la mise en scène et les costu-
mes, qui sont aussi riches qu'élégants.
Léon DUROCHER.
MME SCHROEDER -DEVRIENT,
Par II. «5e Woizogen (1).
VI.
Après l'immense effet produit chez nous par la cantatrice alle-
mande, était-il probable qu'on la laissât tranquillement retourner
dans son pays ? On éprouve toujours un violent désir de s'appro-
prier les artistes au talent desquels on a dû de nouvelles jouissan-
ces. On n'oublie qu'une chose, c'est qu'ils sont étrangers, et qu'il
ne dépend pas d'eux de se faire Français pour nous plaire. Que
d'efforts n'a-t-on pas tentés pour décider Lablache à se montrer sur
un de nos théâtres, mais l'excellent artiste avait trop de bon sens
pour ne pas comprendre la folie d'une émigration de ce genre. En
cessant d'être Italien, il eût cessé d'être lui-même, et il eût perdu
les trois quarts de sa valeur. Mme de Staël disait : « Une langue,
c'est un peuple. » A plus forte raison, une langue, c'est un artiste;
et malgré cette évidence, n'avons-nous pas encore vu tout récem-
ment de naïfs amateurs vouloir forcer Mme Ristori à parler fran-
çais pour devenir une seconde Rachel ! Comme si l'on changeait
d'idiome aussi aisément que de costume! Gomme si la pureté de
l'accent, la beauté de la prononciation n'étaient pas toujours les
conditions essentielles de la poésie du langage!
Quant à établir dans nos murs un théâtre allemand perpétuel avec
Mme Schroeder pour principal appui, c'eût été une autre chimère. La
tragédie anglaise n'avait pu se soutenir avec miss Smithson, Char-
les Kemble, Young, Macready. L'opéra allemand ne possède qu'un
trop petit nombre de chefs-d'œuvre pour s'imposer longlemps à l'é-
tranger. L'Italie seule a pu régner dans toute l'Europe et au-delà des
mers, parce que, comme la langue française, sa musique était douée
du privilège de l'universalité. Aujourd'hui que la source de sa fé-
condité est à peu près tarie, le véritable centre de la production
lyrique est en France ; c'est là que se composent la plupart des
chefs-d'œuvre, mais pour que leurs destinées s'accomplissent et
qu'ils fassent le tour du monde, on les traduit toujours en italien.
Des divers partis qui s'offraient à la triomphante artiste sur la-
quelle se fixaient tous les yeux, celui qu'elle crut devoir prendre
était sans doute le moins prévu. Dans la représentation donnée
à son bénéfice le 1k juin 1830, lors de son premier voyage,
elle avait chanté le rôle de Julia, de la Vestale, avec un double
succès d'enthousiasme et d'argent. De retour, en 1831, elle repa-
rut le 17 mai dans Fidelio, et ensuite dans Oberon, Don Juan,
Euryanlhe. Les journaux du temps constatent que dans la grande
scène, qui constitue presque tout le rôle de Rezia, d'Oberon, et
ne dure pas moins de dix minutts, Mme Schroeder supportait
son accablant fardeau sans un symptôme de fatigue, et que le finale
du second acte à'Euryanthe lui fournissait l'occasion d'atteindre au
plus haut degré de l'expression tragique, en dominant merveilleuse-
ment la niasse chorale par l'éclat de sa voix. Notre artiste n'avait à
combattre alors qu'une rivalité dans la faveur publique, c'était celle
de Paganini, que Paris ne connaissait pas encore, et qui donnait
des concerts dans la salle de l'Opéra. Nous lisons dans la chronique
(1) Voir les n" 2/j, 26, 27, 35 et 43.
musicale du Journal des Débats que si Paganini avait rencontré des
âmes insensibles aux prodiges de son art, Mme Schroeder les avait
toutes subjuguées par la puissance de la mélodie aidée du charme
de deux beaux yeux. Le rédacteur (Castil-Blaze) ajoutait que le
costume avait aussi une grande importance, et que Mme Schroeder
était admirable dans celui de Fidelio.
« On assure, d sait-il encore, qu'un engagement doit être bientôt
conclu pour l'élever au rang d'héritière des artistes célèbres crui
ont fait l'ornement de l'Académie royale de musique', Mlles le Ro-
chois, Maupin, Laguerre, Sophie Arnould, Saint-Huberty et Branchu.
Le directeur du grand Opéra fera bien de s'assurer promptement
une si précieuse conquête. C'est la seconde fois que la chance d'un
tel engagement se présente â lui, et il serait bien imprudent d'at-
tendre qu'elle revînt une troisième. »
Ce conseil ironique eut tout le succès que l'auteur en espérait
peut-être : l'engagement avec le grand Opéra ne se conclut pas.
Les circonstances devenaient de plus en plus difficiles, et l'excessive
chaleur du mois de juillet vint mettre un terme aux représentations
allemandes. L'une des plus brillantes avait été donnée le 22 juin,
au bénéfice d'Haitzinger. Mme Schroeder y avait joué le premier
acte de Don Juan, et le second de Fidelio ; elle se disposait à quit-
ter Paris, lorsque le directeur du théâtre Italien, Robert, dont l'as-
sociation avec Severini devait être si heureuse, entama avec elle une
négociation, qui se termina par un engagement, signé le 9 juillet,
pour la saison d'hiver 1831-1832. De bonne foi, c'était pour notre
artiste une rude et périlleuse entreprise que d'entrer dans une
troupe qui comptait des cantatrices telles que Mmes Pasta, Malibran ;
des ténors tels que Rubini, Bordogni ; et des basses comme Labla-
che, tous artistes, dont le voisinage ne pouvait que rendre plus
saillants des défauts d'art et de méthode. En outre, elle devait
chanter dans trois ouvrages nouveaux, Anna Bolena, le Pirate, la
Somnambule, et consentir à ne paraître dans le rôle d'Imogène, du
Pirate, qu'après Mme Pasta.
La saison commença le 1er septembre, par Anna Bolena, que
chantaient Rubini, Lablache, Mmes Pasta et Tadolini. Le Matrimonio
segreto, avec Lablache et Rubini ; Tancredi, avec Mmes Pasta, Tado-
lini, et Rubini dans le rôle d'Argire, furent donnés ensuite. Le
1er novembre seulement, Mme Schroeder débuta par le rôle de
dona Anna, dans Don Juan, à côté de Lablache, qui chantait le
rôle principal , et de Rubini qui chantait celui de dono Ottavi ;
Mmes Tadolini et Caradori remplissaient les rôles d'Elvire et de Zer-
line, Graziani celui de Leporello. Il faut l'avouer, Mme Schroeder
passa presque inaperçue, ou du moins l'impression qu'elle produisit
alla bientôt se perdre dans l'émotion bien autrement vive excitée par
Mme Malibran, qui, le 8 novembre, chanta dans la Gazza ladra le
rôle de Ninetta, et qui, tout d'abord, fut rangée au nombre des
déesses.
Ici se place l'anecdote racontée par Claire de Glumer dans ses sou-
venirs et relative à une représentation à'Otello, que Mme Malibran
donnait à son bénéfice. Pour piquer la curiosité, Mme Malibran avait
imaginéde jouer le rôle du More, ellequi tant de fois s'était montrée dans
celui de Desdemone, confié pour cotte fois à Mme Devrient. Il paraî
trait que dans une représentation précédente de Don Juan, où
Mme Schroeder chantait le rôle de Dona Anna et Mme Malibran celui
de Zerline, celle-ci s'élait plainte amèrement de ce que les Parisiens
lui avaient départi leurs bravos moins largement qu'à la cantatrice
allemande. Cela criait vengeance, mais tous les efforts tentés par
Mme Malibran-Otello pour couler à fond sa rivale n'empêchèrent pas
Schroeder-Desdemone de lui tenir tète pendant les trois actes, et ce
fut seulement à la lin du troisième que Ja vindicative Espagnole
trouva moyen d'introduire un coup de théâtre capable d'amoindrir le
gUccès de l'artiste allemande, en la jetant dans une situation ridi-
cule. Desdemone devait être frappée par Otello, et ce forfait de la
348
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
jalousie s'était accompli si près de la rampe que la toile, en s'abais-
sant, n'eût pas manqué d'atteindre le visage de Mme Schroeder, si le
machiniste ne s'en fût aperçu à temps et n'eût retardé la manœuvre.
Le public, ne comprenant pas le pourquoi de ce relard, avait fini
par crier : à bas le rideau ! On se figure la position pénible de la
pauvre Desdemone, essayant tant bien que mal de se dérober au
péril qui la menaçait, et n'y parvenant qu'au milieu des accès d'un
fou rire ! Il y avait bien là de quoi détruire l'effet de la plus belle
soirée, et voilà ce qui s'appelle, selon Claire de Glumer, une ven-
geance de la Malibran!
Nous avons raconté le fait, mais nous nous permettrons de ne pas
y croire. A ce fâcheux souvenir, opposons celui de la douleur que
témoigna Mme Schroeder en apprenant à Dresde, au printemps de
1836, la mort de sa glorieuse ennemie. A tous ceux qui vinrent
alors la visiter et la consoler, elle se plaisait à dire combien elle avait
appris d'elle, et comment , dans le rôle de Desdemone surtout , elle
avait toujours devant les yeux l'image de l'illustre défunte ?
Paul SMITH.
[La suite prochainement.)
LA MUSIQUE ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU XVIIIe SIÈCLE.
(3e article) (1).
Il est midi. L'amateur court déjà de par la ville. N'y a-t-il pas une
belle messe en musique, ou un Te Deum à Notre-Dame? En a-ton
chanté de ces Te Deum sous Louis le Bien-Aimé; Te Deum pour les
victoires, pour les défaites, pour la santé du roi; Te Deum pour tout
et pour rien, et c'étaient de magnifiques solennités musicales; et à
la suite du Te Deum officiel, chaque corps de métier faisait célébrer
le sien, jusqu'à la corporation des charbonniers porteurs d'eau de
la musique de la chambre et de la chapelle du roi, qui se rendirent
en cortège à l'église métropolitaine, tous habillés de blanc, épée au
côté et plumet blanc au feutre! Et puis, après le Te Deum, sur les
places, aux carrefours on dresse des estrades pour les concerts en
plein vent. Les musiciens s'escriment de leur mieux; la ville s'em-
plit de joyeuses fanfares. Lorsque le concert a lieu le soir, aux Tui-
leries, et qu'entre chaque arbre de l'avenue une terrine de suif
brûle sur un poteau, quelle splendeur ! et « le bel effet ! » Passer
dédaigneux à côté de ces orchestres populaires ne serait ni d'un
bon gentilhomme, ni d'un amateur consciencieux. Et cependant le
temps presse. Il faut courir aux nouvelles musicales, chez Mme Dou-
blet de Persan, dans ce salon du couvent des Filles-Saint-Thomas,
berceau des faits divers, un salon qui tient le monde et Paris, la
veille, le jour, l'Opéra, la chaire, la comédie, l'Académie, les dan-
seurs, la cour !
Les lunch artistiques de la haute société occupaient l'après-dînée
de l'amateur. Ces séances musicales et dramatiques avaient leurs
acteurs en renom qui allaient de cercle en cercle, trouvant ainsi, sinon
la considération, du moins une certaine existence et l'accès auprès
delà bonne compagnie, où, sans cela, ils n'auraient jamais figuré.
Parmi eux on citait Mlle Delon, une Genevoise, connue sous le nom
de marquise de Luchet, et qui mourut dans la misère ; M. d'Albaret;
un commis dans les fourrages, contrefaisant les Anglais, et que
l'on appelait mylord Gor; Préville et Bellecour, de la Comédie fran-
çaise; Laruette et Clairval; l'avocat Coqueley de Chaussepierre « le
sublime ; » un jeune peintre nommé Touzet, « qui, à lui tout seul
— raconte Grimm — exécutait un motet à grand chœur et à plein
orchestre... Il se mettait derrière un paravent et imitait le chœur
de tout un couvent de religieuses, avec un tel art que l'on jurait
(1) Voiries n" Ii2 et A3.
qu'il y un avait une douzaine, et que l'on devinait l'âge, le carac-
tère et la physionomie de ces béguines; » un ancien comédien, ri-
val de Touzet, Lécluse, qui de ses imitations fit un spectacle, en les
assaisonnant de drôleries et de couplets; Francœur, le violon, qui
en jouait si bien pour être caressé d'un bien doux :
Adieu, Francœur, mon petit cœur...
par la Pellissier, la très-impertinente Pellissier qui avait épousé le
directeur du théâtre de Rouen, et se vantait de posséder le mari le
moins Dandin de Paris; la Pellissier, la Pilleresse disaient un ana-
gramme et les heureux qu'elle faisait, et qui faillit être la cause que
Francœur fût roué de coups de bâton par le valet de Dulis ;
M. de Pont de Veyle, « vieillard étrange et morose, — écrit Horace
Walpole, — mais qui possédait Fart de parodier. Unique en ce genre,
il avait composé des paroles sur de grands airs de danse, et adapté
de la musique à la fable de Daphnis et Chloé, rendue ainsi dix fois
plus. . . ljgcre; mais il était si vieux et il chantait si bien que dans
les meilleures sociétés on voulait l'entendre. » Ce M. de Pont de
Veyle mit les gens de condition dans le goût de faire des opéras-
comiques. Malgré l'hémistiche flatteur de Voltaire, cela ne porta pas
bonheur au chevalier de Brassac. Les récitatifs de son Triomphe de
l'Amour, début de Géliotte , étaient écrits si bas que l'on disait :
« Le musicien l'a fait par politesse pour l'auteur des paroles qu'on
n'entend pas. »
Le soir arrive. L'amateur n'a que le temps de courir à l'Opéra,
dont le rideau se lève à 6 heures. Ce que l'on y faisait, nous le
verrons. A la sortie, les soupers s'organisent; on se cherche, on
s'invite ; on enrôle comédiens et chanteurs , troupe enjouée qui ap-
porte l'esprit et le rire au bon vin de la bonne compagnie ; on met
la main sur quelques musiciens des gardes françaises ou de Royal-
Cravate ; on se procure quelque joyeux faiseur de vers qui ne pré-
tend qu'à mettre un refrain sans façon sur les lèvres, et les chan-
sons et les musiques durent à la table de l'amphitryon jusqu'au bout
des nuits longues.
Ils sont nombreux, dans le Paris du xvnr9 siècle, ceux qui vécu-
rent de cette vie agitée du dilettantisme. Leur galerie compte plus
d'un portrait d'hommes qui ont rendu des services à l'art.
C'est entre autres le comte de Caylus, qui conduisit une décoration
à l'Opéra, « qui rêva la réforme de la mécanique au théâLre,— l'abbé
de Conti nous apprend qu'il fit plus que d'y rêver, — qui songea à
mener le spectacle beaucoup plus loin, à faire du grand, à joindre,
pour la surprise et l'illusion, l'exactitude et l'imagination d'un poëte
et d'un peintre. » C'est le comte de Lauraguais, de l'Académie des
sciences, auquel on doit d'avoir fait retirer les banquettes de la
scène. C'est aussi la margrave de Bareith, excellente musicienne,
qui, à Paris comme en Allemagne, occupe ses loisirs par des opéras,
des chanteurs et des cantatrices, et que son frère, Frédéric le Grand
aime à entretenir de ses concertos et de sa musique. C'est le gra-
veur Le Bas, violoniste habile, et qui était à préluder le premier de
son temps. Il arriva que le concert tardant un soir chez M. Crozat,
dont Watteau, par quatre coups de crayon, a immortalisé les fêtes
délicates, Le Bas se mit à préluder ; M. Crozat courut l'embrasser :
« Ah! M. Le Bas, que je suis enchanté de la découverte; vous
allez remplacer mon premier violon ! » Le Bas accepta. La salle était
au rez-de-chaussée ; le timide brave homme avait comploté de sauter
et de s'échapper au dernier moment. Enfin, le violon arriva, et le
pauvre Le Bas fut sauvé.
En ces années de « fines régalades d'oreille, » le dilettantisme a
également ses grotesques et ses excentriques. Regardez passer dans
son carrosse le vieux Verthamon, premier président du grand con-
seil : la musique a fêlé son cerveau. Il est en robe et en rabat, le
cordon bleu au cou, sans perruque, une cornette de nuit de femme
sur la tête, pinçant de la guitare. Vous sourirez encore si vous ren-
contrez au Palais-Royal le comte de Charolais, en costume de
DK PARIS.
349
chasse, composant une fanfare en marchant à grands pas, « tandis
qu'on porte le bon Dieu à la duchesse d'Orléans, » ajoute Barbier.
Et cet abbé Perretty, un ancien jésuite, un mélomane, qui avait
une dent de l'Héloïse d'Abeilard, montée en or et pendue aux bre-
loques de sa montre ! Et tous ces originaux qui changeaient en par-
lement musical le café Gradot et le cabaret de la Cornemuse, célèbre
par la soif des musiciens et des danseurs du temps! Et M. d'Har-
noncourt et le président de Saint-Lubin, « bien connus pour aider
les parents a faire apprendre le chant et la danse à leurs jeunes
ûlles. »
Le xvine siècle a légué de ces Mér ènes-là au nôtre. L'humanité se
reproduit sans cesse dans des êtres doués d'une môme ressemblance
et frappés à la même effigie. Mais pour un Caton que d'Alcibiades ;
pour un sage, que de protecteurs de l'art. . . au féminin !
Em. Mathieu DE MONTER.
(La suite prochainement.)
Nos lecteurs n'ont pas oublié les lettres de M. Fétis père publiées
l'année dernière dans ce journal au sujet de la Marseillaise. La
lettre suivante adressée à M. Georges Kastner nous paraît destinée à
clore le débat.
« Paris, le 27 octobre 186A.
« Cher monsieur Kastner,
» La question du véritable auteur de la musique de la Marseil-
laise, soulevée à l'occasion d'un exemplaire imprimé en 1793, avec
le nom de Navoigille, lequel est en ma possession ; cette question,
dis-je, se trouve résolue en faveur de Rouyet de Liste par l'exem-
plaire original que vous avez bien voulu me communiquer hier du
Chant de guerre pour l'armée du Rhin, dédié au maréchal Lukner
(sic) ; à Strasbourg, de V imprimerie de Ph. de Dannebach, impri-
meur de la municipalité. Une demi-feuille in-4° oblong, imprimée
en caractères mobiles de musique.
» Bien que cet exemplaire ne porte point de date, il est évident
qu'il appartient à la première moitié de l'année 1792, puisque le
maréchal Lukner fut privé de son commandement après le 10 août
de la même année, et périt finalement par la hache révolutionnaire.
» Lorsque j'ai soulevé la question dont il s'agit, j'ai dit dans la
Gazette musicale de Paris, et j'ai répété dans le septième volume
de la nouvelle édition de la Biographie universelle des musiciens
(article Rouget de Liste), qu'un document, à savoir l'original de
l'hymne avec la musique connue, ayant les caractères de l'authen-
ticité, pouvait seul mettre fin à toute contestation : ce document,
vous l'avez mis sous mes yeux. Dès ce moment, tous les doutes sont
dissipés, et toute polémique doit cesser. Je vais faire des cartons
pour le septième volume de la Biographie des musiciens, et j'y éta-
blirai, comme je l'ai fait dans la première édition de cet ouvrage, que
Rouget de Lisle est le véritable auteur de la poésie et de la musique
de la Marseillaise.
» le vous autorise à faire de ma lettre l'usage que vous croirez
convenable.
» Agréez, cher Monsieur, l'assurance de mes sentiments affec-
tueux.
» FÉTIS père. »
Du reste nous pouvons annoncer la prochaine publication d'un ou-
vrage complet sous ce titre : la Marseillaise, étude historique et
musicale, précédée d'une notice sur Rouget de Lisle, sa vie et ses
œuvres, par Georges Kastner, de l'Institut.
Au nombre des questions importantes agitées devant le Congrès mu-
sical italien réuni à Naples, celle qui concerne la propriété littéraire et
musicale devait venir en première ligne. M. Teodoro Cottrau, de Na-
ples, a présenté sur ce sujet un projet de loi qui a été l'objet d'une
très-intéressante délibération , dans laquelle il a prononcé deux dis-
cours devant un auditoire nombreux et compétent. Voici les points
principaux du projet qui a été voté avec quelques modifications :
— La propriété des héritiers ou des ayants droit des auteurs, est ga-
rantie pendant cinquante ans apri.s la mort de ces derniers.
— La reproduction, sous n'importe quelle forme, et même partielle
ou variée, est interdite.
— L'exécution dans les établissements publics avec billets payants est
assimilée à la représentation dans un théâtre.
— Le taux des droits d'auteur reste fixé à 40 0/0 sur la recette brute.
Une proportion est établie pour les spectacles mixtes et variés. Une
autre proportion alloue deux tiers à l'auteur de la musique, et le der-
nier tiers à celui du poëme ou de la chorégraphie.
— Les directeurs et les propriétaires, soit des théâtres, soit des éta-
blissements publics, sont solidairement responsables, aussi bien pour le
payement des droits d'auteurs que pour tous les dommages et intérêts
dont ils deviennent passibles s'ils n'ont pas égard aux notifications faites
en temps utile, et selon les formes voulues par le Journal officiel du
Royaume et par le Bulletin international des Droits d'auteur, feuille dont
la création est incidemment proposée au Congrès.
— Les auteurs ou leurs ayants droit, ces notifications une fois faites
peuvent obtenir l'interdiction de la représentation, la saisie de la re-
cette, et la confiscation des parties d'orchestre ou de chant.
Le Congrès a adopté de même la fondation d'un prix annuel de
2,000 francs, consacré à un concours de composition pour la musique
chorale, et offert par M. Teodoro Cottrau, comme encouragement dans
cette voie artistique fort délaissée en Italie.
Le fondateur du prix a été nommé secrétaire du comité permanent,
qui a été ensuite institué pour le renouvellement périodique et annuel
de la réunion du Congrès musical dans les principales villes d'Italie
choisies à tour de rôle.
L'année prochaine, le Congrès se réunira à Bologne.
NOUVELLES.
»% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, cette semaine, encore
trois fois Roland à Roncevaux. — Aujourd'hui, par extraordinaire on
jouera la Juive. '
„*„ Mlle Marie Battu rentrera cet hiver à l'Opéra par le rûle d'Anaï
de Moïse; c'est à tort qu'un journal a annoncé qu'elle chanterait celui
de la princesse dans la reprise de la Muette qui se prépare en ce
moment.
*** Mlle Guglielmina Salvioni, que l'Opéra vient d'engager, est arrivée
à Paris. M. de Saint-Georges remanie son ballet la Maschera, dans le-
quel doit débuter cette danseuse, qui nous vient précédée de succès
éclatants obtenus en Italie et en Angleterre.
*% On se rappelle le succès qu'a obtenu la dernière reprise de la
Muette de Porlici; nous ne tarderons pas à la revoir. Morère y chantera
le rôle de Pietro, et Mlle Vernon y reprendra son rôle de Fenella.
*** Dans la semaine, aura lieu la première représentation du Trésor de
Pierrot, de MM. Cormon et Trianon, musique de M. Eugène Gautier. Mon-
taubry y remplit le principal rôle qui n'est pas celui d'un Pierrot de la
comédie italienne, mais d'un simple paysan, dans lequel on dit que
l'excellent artiste de l'Opéra-Comique se montrera charmant.
»% Nous avions été des premiers à annoncer que les bruits répandus
sur les conséquences que la maladie de Mme Cabel avait eues quant à
sa voix avaient été fort exagérés. On a pu en juger cette semaine en
entendant la célèbre cantatrice chanter l'un des rôles dans lequel elle
avait obtenu le plus de succès, celui de Galatée, et se convaincre
qu'elle n'avait jamais été mieux en possession des qualités qui ont fait
sa réputation. La soirée a été pour elle un véritable triomphe. Elle a
dû répéter la fameuse chanson à boire du deuxième acte, et on l'a rap-
pelée après le premier acte et à la chute du rideau. Une indisposition
subite de Gourdin, qui devait chanter le rôle de Pygmalion, avait mis
la direction dans un grand embarras. Mlle Wertheimber l'en a fort
heureusement tirée en s'offrant pour remplir ce rôle, qu'elle a créé à
l'origine d'une façon si remarquable, et dans lequel elle a retrouvé son
succès du premier jour. Mlle Wertheimber n'ayant voulu accepter au-
350
REVlrE KT GAZETTE MUSICALE
cune rétribution pour cet acte de complaisance, MM. de Leuven et
Bitt ont fait remettre à l'artiste, en témoignage de leur gratitude, une
parure de turquoises et perles fines. Sainte-Foy et Ponchard ont re-
marquablement concouru au succès de cette reprise, qui avait attiré
beaucoup de monde. Mme Cabel n'a plus que deux fois à en interpréter
le rôle principal. Gourdin a repris à la troisième représentation celui
de Pygmalion.
**„ Les sœurs Marchisio sont arrivées à Paris; elles reparaîtront au
théâtre Italien le 1er novembre.
*% Une représentation extraordinaire au bénéfice de l'acteur Bouffé
se prépare à l'Opéra, pour le 17 novembre. Elle se composerait, sauf
modifications ultérieures, d'un acte de Moïse, avec Faure, Mlle Battu,
et du ballet de cet opéra; de la Fille de l'avare, par Bouffé, avec Mme
Victoria Lafontaine , Delaunay et Lesueur; d'un acte du Mariage de
Figaro, avec Mlle Déjazet dans le rôle de Chérubin ; d'une pièce du
Gymnase et d'un intermède dans lequel paraîtraient Frédéric Lemaitre
et Roger.
**» Les représentations du théâtre Italien se sont composées cette
semaine de Rigoletto, de la Traviata et de Don Pasquale. — Mardi,
1er novembre, on donnera il Barbiere, et mercredi 2, la première repré-
sentation de Iloberto Devereux, par Mines de la Grange, Vander-Beek,
MM. Fraschini et Delle-Sedie, et la première représentation d'un diver-
tissement en un acte de M. David Costa, musique de M. Mattiozzi, dansé
par Mmes Grédelue, Mérante, Urban, Troisvallets, MM. Costa, Grédelue-
Maroig; ensemble par les sujets de la danse et les artistes du corps de
ballet. — Aujourd'hui dimanche relâche. — Une pièce qu'on n'a pas
jouée depuis longtemps à Paris. Linda di Chamouni, de Donizetti,
sera reprise incessamment, et Adelina Patti chantera le principal rôle;
celui de Pierroto sera rempli par Mme de Meric-Lablache ; Naudin,
Délie Sedie, Scalese, Antonucci rempliront les autres.
***On annonce au théâtre des Bouffes-Parisiens la reprise d'un opéra-
comique de Gustave Vaez, musique de Gevaert, Georgette, jouée primi-
tivement au théâtre Lyrique, de l'Homme entre deux âges et des Petits
Prodiges.
»% Les hostilités ont commencé entre J. Offenbach et la nouvelle
direction des Bouffes parisiens ; les tribunaux sont appelés à pronon-
cer sur ces différends regrettables.
t% L'ouverture du théâtre Saint-Germain annoncée pour cette se-
maine n'aura lieu que le mois prochain.
*% A la suite d'une scène plus tumultueuse encore que celles qui
avaient précédé, le théâtre royal italien de Madrid a du fermer ses
portes. La cabale qui a fini par triompher, s'attaquait à la direction,
et cependant celle-ci avait fait annoncer l'engagement de plusieurs
artistes de talent, tels que Mario, Gassier et Mme Eleonora Grossi, con-
tralto fort apprécié du théâtre de Sa Majesté à Londres. C'est sans
doute le cas d'appliquer à cet incident le proverbe, quand on veut tuer
son chien, etc. Toutefois il n'eu constitue pas moins un embarras sé-
rieux et immérité pour M. Bagier.
»% En parlant il y a quelque temps de la troupe allemande qui a
donné à Bruxelles des représentations si brusquement interrompues,
nous avons donné des éloges mérités au talent de la première chanteuse,
Mlle Lichtmay. Son talent r.vait attiré l'attention de M. Letellier qui
a eu l'idée de la faire débuter au théâtre de la Monnaie. Elle y a chanté
en allemand le rôle de Léonore, du Trouvère, et de Valentine, des Hu-
guenots, tandis que ses camarades chantaient en français. Malgré l'é-
trangeté et la témérité de cette tentative, la belle voix de Mlle Licht-
may, la puissance de son organe sonore, le sentiment dramatique dont
elle est douée à un haut degré, ont captivé de suite l'attention de
l'auditoire qui l'a applaudie avec un entrain extraordinaire, et rap-
pelée avec acclamations après le duo du quatrième acte des Hugue-
nots.
*** Le concours entre les lauréats de l'Institut pour l'opéra destiné
à être joué au théâtre Lyrique impérial, devait être jugé hier samedi.
A 11 heures, le jury choisi par les concurrents eux-mêmes est entré
en séance dans la petite salle du Conservatoire ; il se composait de
MM. Auber, président; Reber, Félicien David, prince Poniatowski, Gou-
nod, Maillard, Victor Massé. Sur les cinq partitions qui devaient être
exécutées, on n'a pu en entendre que trois, celles de MM. Samuel Da-
vid, Conte et Dubois. La première était chantée par MM. Michot, Da-
vid (de l'Opéra) et Mme Michot; la seconde par MM. Capoul, Crosti et
Mlle Daram; la troisième par MM. Villaret, Troy et Mme Genetier. On
entendra mardi prochain la quatrième partition, qui est de M. Paladilhe,
et la cinquième, dont l'auteur est M. Barthe. On sait que le libretto a
pour titre et pour sujet la Fiancée d'Abydos, de lord Byron.
*** Aujourd'hui dimanche, 3t) octobre, au Cirque Napoléon, boulevard
des Filles-du-Calvaire, à 2 heures, deuxième concert populaire de musi-
que classique, sous la direction de Pasdeloup. En voici le programme :
Ouverture à'Athalie, Mendelssohn. — Symphonie pastorale, Beethoven.
— Ouverture des Joyeuses Commères de Windsor (l™ audition), Nicolaï.
— Adagio du quintette (op. 408), Mozart, exécuté par M. Grisez (clari-
nette), et tous les instruments à cordes. — Symphonie n° 2, Haydn. — In-
troduction, allegro vivace, andante, menuet, finale.
s** Les concerts populaires de musique classique ont inauguré, di-
manche dernier, leur quatrième année. La foule ne s'est pas montrée
moins exacte au rendez-vous qu'il n'y avait lieu de l'espérer, et elle
n'a pu que se féliciter de son empressement. Sans doute, en plaçant au
milieu de son programme l'admirable polonaise de Struensée, Pas-
deloup avait voulu pieusement honorer la mémoire de Meyerbeer
qui suivait si assidûment ses intéressantes matinées. C'est Pasdeloup
qui nous avait fait entendre pour la première fois le chef-d'œuvre, il y
a plusieurs années, dans la petite salle de la rue de la Victoire; mais
il n'avait jamais pu l'exécuter avec autant de précision, d'élégance, de
verve et d'éclat qu'il l'a fait l'autre dimanche, aux applaudissements
de tout l'auditoire. Une des premières symphonies d'Haydn (la quator-
zième) formait par la simplicité, la fraîcheur naïve des idées, le plus
parfait contraste avec la gigantesque symphonie en ut mineur de Bee-
thoven, et ce n'était pas le moindre attrait du programme, auquel We-
ber avait fourni sa Jubel-ouverture et Mozart un fort bel andante.
*** Par arrêté du 23 de ce mois, M. Charles Mohr a été nommé pro-
fesseur de cor au Conservatoire, en remplacement de M. Gallay, dé-
cédé.
**.,, Mlle Adrienne Peschel, qui figurait dans le dernier grand concert
de Bade, y a exécuté, aux grands applaudissements de l'auditoire, une
valse de Chopin, une étude-caprice de de Bériot fils et la grande valse
de concert de J. Wieniawski. La jeune artiste est partie pour Nice, où
elle a des engagements à remplir.
é*t M. Buckley, violoniste et chef d'orchestre de mérite, dont les œu-
vres et l'individualité ont été populaires à Boston, vient de mourir dans
cette ville.— Nous avons également à enregistrer la mort subite du vio-
loncelliste Grunwald, à Pesth, et celle du directeur de musique Montag
à Weimar.
*** Après s'être fait successivement entendre à Trieste, à Gratz et au
concert du Gevantlhaus à Leipzig, Alfred Jaëll s'est rendu à Prague, où
il a pris part, avec Vieuxtemps, aux deux concerts que vient d'y don-
ner Carlotta Patti avec un immense succès. Deux autres concerts, pour
lesquels toutes les places étaient louées d'avance, étaient annoncés pour
le 25 et le 26. Si Carlotta Patti a été portée aux nues par la foule
énorme accourue pour l'entendre, Alf. Jaëll et H. Vieuxtemps l'ont di-
gnement secondée et ont excité une admiration enthousiaste. Les trois
vaillants artistes sont maintenant à Dresde, où a dû avoir lieu le 28
leur premier concert. La salle des bains de Linke où se donne les
concerts de Carlotta Patti étant située hors la ville, M. Ullmann y
fait conduire gratuitement toutes les personnes qui veulent s'y ren-
dre. Dans cinq endroits de la ville, M. Ullmann fait stationner des om-
nibus au nombre de vingt-quatre, contenant chacun vingt personnes, et
dans lesquels est admise, tant pour l'aller que pour le retour, toute
personne munie d'une carte d'entrée au concert. — Alfred Jaëll compte
être de retour pour la mi-janvier.
*** M. Marchesi, l'excellent baryton, est parti cette semaine pour
Londres, où il est engagé pour chanter en anglais pendant tout l'hi-
ver, au théâtre de Sa Majesté. 11 débutera par le rôle de Méphistophélès,
dans Faust, qu'il a déjà joué avec grand succès l'année dernière. Il
emploiera le congé de trois semaines, que lui vaudront les fêtes de
Noël, pour venir chanter, avec Mme Marchesi, aux grands concerts que
Félicien David organise à Paris. Le couple chantant est aussi engagé à
Gand pour un festival qui aura lieu au mois de janvier prochain.
„.** L'éditeur Choudens a confié la traduction italienne de Roland à
Roncevaux aH. Marchesi, qui a déjà traduit plusieurs opéras allemands,
entre autres le Tannhauser, de Richard Wagner.
*% La Gazette des Etrangers fait mention d'un salon de réunion ou-
vert depuis quelque temps au Grand Hôtel, et où l'on fait de bonne mu-
sique. On y applaudit particulièrement une charmante cantatrice, en
même temps excellente pianiste, Mme Cécile de Rheimer, qui y a ob-
tenu dernièrement un grand succès en chantant la jolie romance de
Mme de Girardin, l'Etranger, et la mélodie en vogue d'Arsène Houssaye,
Jeanne la Rousse, qui a si heureusement inspiré Offenbach.
„.% Un de nos anciens collaborateurs, M. Damcke, compositeur
distingué et pianiste du roi de Hanovre, écrit en ce moment, sur
le désir que lui en a exprimé son souverain, une grande symphonie
qu'il viendra diriger lui-même en sa présence. En attendant. M. Dam-
cke vient d'obtenir un succès d'autant plus flatteur qu'il lui était dé-
cerné par une réunion d'artistes éminents conviés par le grand vio-
loncelliste Servais, à entendre un trio de la composition de M. Damcke,
exécuté par l'auteur, Léonard et Servais, et qui a produit la plus vive
sensation.
**» Deux jeunes violonistes d'un grand talent, les frères Holmes, sont
en ce moment à Paris. Dans une réunion intime qui avait lieu ces
jours-ci chez le célèbre Ernst, ils ont fait leur partie dans son second
quatuor, et joué plusieurs duos avec une perfection et un ensemble
merveilleux. Ces deux, jeunes artistes sont destinés à faire sensation
s'ils se font entendre publiquement à Paris.
„** La direction définitive du théâtre du Lycée à Barcelone vient
d'engager Bottesini comme chef d'orchestre; toutefois le célèbre con-
tre-bassiste devra se mettre à la disposition de M. Willert-Beale, du
I>E PARIS.
351
5 janvier au 15 février, pour la tournée artistique qu'il s'est obligé à
faire avec lui en Angleterre.
*** Des plaques portant les mot : Place de l'Opéra, viennent d'être
posées à l'angle de la rue Auber, du côté du boulevard et de la mai-
son formant l'angle de la rue Halévy.
**, On annonce le mariage prochain de Mlle Schœffcr, nièce de
Mme Erard, propriétaire de la célèbre manufacture de pianos qui porte
son nom, avec M. Ch. de Franqueville, auditeur au conseil d'Etat.
„% F. Burgmuller, a qui l'on doit les célèbres valses de Gizellc et
du Juif errant, vient d'en composer une délicieuse sur les motifs de
Lischen et Fritzchen, de J. Offenbach.
*% Nous annonçons le retour de Géraldy à Paris. L'éminent profes-
seur de chant va reprendre ses leçons, comme les années précédentes.
*** Alexandre Billet, l'éminent pianiste et professeur, annonce des
cours pour la rentrée de la saison. Nous ne pouvons que le féliciter de
son heureuse idée. 11 pourra, de cette manière, initier un plus grand
nombre d'élèves aux secrets de l'art du piano qu'il possède à un si haut
degré.
„,** La danseuse russe qui s'essaya dans le temps sur la scène de
l'Opéra, Mlle Friedberg, abandonne la carrière artistique pour épouser
un jeune comte de Westphalen. Le mariage doit être célébré à la fin
de ce mois.
»% Au 1er novembre, M. C. Stamaty reprendra les Cours d'artistes
qu'il a fondés à la succursale de M. Pleyel-Wolff, rue de Richelieu, 95.
Ces cours s'adressent spécialement aux jeunes gens et aux jeunes per-
sonnes voulant suivre la carrière artistique et professorale. Les Cours
gradués pour enfants et pour jeunes personnes rouvriront le l" dé-
cembre.
*% Ant. Rubinstein compose en ce moment la musique d'un opéra
qui a pour titre Roswitha, et dont M. M. Hartmann a écrit les paroles.
*% Ferd. Hiller vient aussi d'achever un opéra dont il a fait en-
tendre des fragments à quelques amis et qui serait une œuvre très-
remarquable.
*** M. Henry Herwyn va commencer le 3 décembre la cinquième
année de son cours d'éducation musicale pour les dames et les demoi-
selles; ce cours aura lieu deux fois par semaine chez l'excellent profes-
seur.
»** La réouverture du cours de chant de M. Kœnig aura lieu, à par-
tir du 5 novembre, les mardis et samedis, de 3 heures et demie à 5
heures et demie, en son domicile, rue Buffault, 47, faubourg Mont-
martre.
„** L'administration de l'Exposition de l'art industriel, aux Champs-
Elysées, annonce qu'aujourd'hui dimanche et mardi 1er novembre, un
orchestre d'élite y exécutera, de 1 heure et demie à k heures et demie,
des morceaux choisis de son répertoire.
„,*„, Alfred Lebeau vient de donner à Bayonne, dans la salle du théâ-
tre, un grand concert avec le concours de Mlles de Lapommeraye, de
Linières, de M. Jubin et de l'orphéon de Sainte-Cécile, sous la direction
de M. Masson. L'éminent organiste s'est fait chaleureusement applau-
dir dans deux morceaux de sa composition : Fantaisie sur la Traviata
et Appel aux pâtres. Mlle de Lapommeraye a partagé son succès en
chantant la ballade de Charles VI, dont elle a dû répéter le dernier
couplet aux bravos de la salle entière.
**„. L'éminent pianiste-compositeur W. Kriiger est en ce moment à
Stuttgard, où il a été admis à l'honneur de jouer devant le roi. S. M. a
daigné lui exprimer toute sa satisfaction pour le plaisir qu'elle avait
éprouvé, et accepter la dédicace du second concerto de sa composi-
tion que W. Kriiger a exécuté avec un succès remarquable à Paris et
à Bruxelles.
„,*t La tombola organisée par le comité des Artistes dramatiques s'en-
richit tous les jours de lots précieux. M. Del Peral vient d'offrir pour
cette tombola un magnifique exemplaire richement relié, orné d'un por-
trait et d'un autographe de Cervantes. Cette édition, tirée à un petit
nombre d'exemplaires, a été imprimée dans la maison qui servait de pri-
son à l'auteur.— On trouve des billets chez les artistes de tous les théâtres
de Paris, chez M. Thuillier, trésorier de l'œuvre, 68, rue de Bondy, et
à la librairie du Petit Journal, 21 , boulevart Montmartre.
*** Le concert des Champs-Elysées donne aujourd'hui dimanche, de
2 à 5 heures, sa dernière réunion musicale. Le programme du concert
est, comme toujours, d'une grande richesse. Les ouvertures du Dieu
et la Baijadère, de Guillaume Tell, de Mazanicllo et du Jeune Henri figu-
rent sur l'affiche ; et tous les solistes de l'orchestre se feront entendre
dans la fantaisie concertante composée par M. Demersseman.
*** Aux obsèques de l'amiral Romain-Desfossés, qui ont eu lieu hier
aux Invalides, la musique a exécuté plusieurs fragments du Pardon de
Ploërmel, dont le caractère profondément religieux a produit un grand
effet sur l'assistance.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t% Londres. — Le succès du ténor Charles Adams se consolide de
plus en plus, et huit représentations de Masaniello, loin d'avoir épuisé
la curiosité, n'ont fait qu'éveiller davantage l'intérêt qu'inspire à ses
compatriotes l'apparition du nouveau ténor anglais. Oulre une voix
très-belle et très-pure, M. Adams chante avec goût, et sa méthode se
perfectionnera encore; car il est jeune, mais il possède surtout le mé-
rite inestimable de déclamer admirablement, et de prononcer si bien
que pas une syllabe n'est perdue. L'opéra National a donc fait une ac-
quisition très-heureuse en engageant M. Adams, qui est incontestable-
ment appelé à occuper uue des premières places non-seulement parmi
les ténors anglais, mais européens. — Martha a été le second opéra mis
en scène par la direction du nouveau théâtre National. Le succès de
la soirée a été pour Mme Lemmens-Sherrington, qui a fait de ce rôle
une véritable création; voix sympathique et émouvante, jeu distingué
et bien conduit, tout en elle confirme ce qu'on avait été à même de
juger en cette artiste remarquable lors de sa magnifique interprétation
de Marguerite, dans Faust, la saison passée. Le reste était faible. —
Jeudi prochain, la première représentation d'Helvellyn, ouvrage original
anglais pour les paroles et la musique, par MM. Oxenford et Macfar-
ren. — La direction du théâtre de la Reine a commencé ses représen-
tations, hier lundi, par Faust, interprété par MM. Gardoni et Santley,
et Mlle Titjens et Grossi. Succès habituel. — Aujourd'hui , Lucrezia
Borgia avec les mêmes artistes, et dans quinze jours, repos complet de
la troupe italienne, à laquelle succédera une troupe d'opéra anglais,
sous la direction de M. Harrison, et destinée à faire concurrence à
l'opéra National de Covent-Garden. — Mlle Deschamps, la célèbre orga-
niste, a donné une soirée musicale à Hanovers'Square-Rooms, et elle
y a produit une véritable sensation. Rappelée après tous ses morceaux
et couverte d'applaudissements, elle a été invitée à revenir pour la
saison et à faire admirer à un public plus nombreux son grand ta-
lent.— Mlle Liebhart, de l'opéra Impérial de Vienne, qui a produit une
si grande sensation dans les concerts de Jullien, où tous ses morceaux
ont été bissés chaque soir, vient d'être engagée par Willert-Beale
comme prima donna, pour une tournée qu'il fera au moisde janvier avec
Bottesini, Ambonetti (un nouveau ténor italien), et le cornet à piston
Levy.
**t La Haye. — Une jeune et belle artiste française, Mme Sallard,
poursuit le cours de ses succès. Jamais, disent les correspondances de
la Haye, le rôle de Léonora, dans le Trouvère, n'avait été chanté et joué
avec autant de talent. Aussi les rappels et les bravos ont-ils chaleureu-
ment accueilli notre charmante prima donna. A bientôt, Lucrezia Bor-
gia, Rigoletto, et la Martha de Flotow.
*** Leipzig. — La symphonie de M. J.-J. Abert, intitulée Columbus, a
été exécutée au concert du Gewandhaus, du 20 octobre, sous la direc-
tion personnelle du compositeur. Les succès obtenus précédemment par
cette œuvre dans les villes de Stuttgart, Munich, Lowenberg et Carls-
ruhe avaient déjà favorablement disposé notre public pour le jeune
compositeur. Mais nulle part l'effet produit n'a été plus grand qu'ici,
où, après chaque partie, l'orchestre et le public ont témoigné à M. Abert
leur admiration par les bravos les plus enthousiastes. Le comité des
concerts, en exprimant au compositeur sa haute satisfaction, lui a an-
noncé, dans les termes les plus flatteurs, que dorénavant il accueille-
rait d'emblée toutes les œuvres qu'il voudrait bien lui adresser.
3*j. Berlin. — Taglioni met en scène un nouveau ballet, dont on
parle beaucoup ; il aura pour titre : Hans Lampe, et sera représenté
vers la fin de l'année. — A cette époque, on attend Mlle Artot, et
quelque temps après, le ténor Giuglini qui aura fini sa saison à Saint-
Pétersbourg.
i*4 Vienne. — L'opéra de M. Ch. Lovve, Concino Concini, vient d'être
mis à l'étude. La direction compte beaucoup sur cet ouvrage.— On étu-
die le Domino noir pour la rentrée de Mlle Artot. — Ander, le ténor,
est aux eaux de Wartemberg sans y trouver encore la guérison de sa
maladie.— Une tablette en granit vert, portant en lettresd'or les mots :
Glucle's Vohnhaus, sera posée sur la maison qu'habita quelques années
le célèbre compositeur. — On va aussi ériger une statue en marbre ou
en bronze à Mozart, sur la fontaine de la place qui porte son nom. —
M. Nohl, avantageusement connu déjà par ses travaux importants sur
Beethoven et Mozart, vient de terminer une édition aussi exacte et
aussi complète que possible de la collection des lettres de Mozart, ac-
compagnée de notes critiques et biographiques. Cet ouvrage, intéressant
à plus d'un titre, et auquel l'auteur a consacré plusieurs années de sa
vie, va incessamment paraître à la librairie Mayr.
Le Directeur :S. 1)1 nul:.
352
RKVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
PARIS, CHEZ CHOUDENS, ÉDITEUR, RUE SAINT-HONORÉ, 265, PRÈS L'ASSOMPTION
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dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc. piston^ i„
Tom les instrument, portent le nom : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^
le numéro d'ordre de l'initrument et le poinçon ci-aprèi : O*^
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851 1855
et 1862, relatifs ani Saxophones (BREVET DE I84C).
M V»V ï.^nTi l6S .inventr,"rs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'util é de
ses inventions ... M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de eu Le avec un bec à .anche
ï*.^ genre detce'ul de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'Sn charme égal à
1 originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. .. (Exposit. 4SSI.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se iou» avec
toiï&ïïl i d°'fé'- Se,?lb/able à -e'Ui desinstrumente Va octavient, est peu différent de ce^fd.iflute ou
du hautbois Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il' est mieux adapté au^uant ou à
Uh!',m0,Iif-qU)fUf wltS„rapid/S' qu01que ,son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible rie toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer an pianissimo le. plus absolu au
son le plus énergique et le plus pu.ssant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment tou'es -*"èê™
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la ouinte nu >i IWave l»« „n00 ,w *
de la famille.de» saxophones révèle des faits de haute importance: car cet instrument est nouvea» par Tes proport ions de le, tubes n,r^ LeXamen ""f"^
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit varié es de S au grave oui dfn\ i PerCe' îf S°" ?mb™;
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue "de la jus es ! e de8 a sôno hé ™ i T> en*?mble: ""ferment
mécansme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des tennis- tous ont snhi rf» „„i,hi»rm!fr]-fi*,7? sonorlte, soit qu on l'examine dans son
tiens; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès; celui-ci au ton'rlZ ,'e.T é d'hi r il l£t fiïiXïZZ LmmJ"^ V *"" ^ "^"T
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner' à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte >,{Expc !?5 ) Premier J°m' *
lit^il^^fe-gSe^^t pureTe? tïîS^^Jïïfe t!^% *"| -T7 n
S!°T:T^%lf.rtTeS f3CteUrS °nt 6n VaiD 6SSayé ^ rePr°dUire le timbre '^^^^l^^^^ uëesaMc.arTne«eréfontro!
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musioues d'infanterie rie ta Uo-no ..nm^et** j • • , .
phones en double quatuor - L'introduction des slxophones dans les musiques™!™ prôtû^s ^nhaft^a^par?"^^^' "rie ^our
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique régiments de cavalerie, pour
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N°45.
REVUE
6 Novembre 1801
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. « r.parai
Départements, Belgique et Suisse. ... 30» id.
Étranger 3* " id-
Le Journal paraît le Dimanche.
AZETT
USICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial Italien : Roberto Dcvereux, opéra en trois
actes, musique de Donizetti. — Concerts populaires de musique classique, par
Paul Smith. — Quatuors de H. Ernst, par Stéphen Heller. — De-
vienne (6e article), par Arthur Pougin. — Revue des théâtres, par
D. A. D. Suiut-Y»es. — Nouvelles et annonces.
THEATRE IMPERIAL ITALIEN.
Etoherlo Beveretta;,
Opéra en trois actes , musique de Donizetti.
Permis aux nouvelles générations du dilettantisme de considérer
comme une première représentation ce qui n'est pour nous qu'une
reprise. A vingt-six ans de distance, nous venons de revoir et de
réentendre ce Roberto Devereux, qui fit son apparition chez nous
vers la fin du mois de décembre 1838. Donizetti l'avait composé
pour Naples, où il fut donné avec un grand succès dans l'automne
de 1837; ses interprètes étaient alors Basadonna, Barroilhet, et
Mme Ronzi, que vingt ans plus tôt nous avions connue si belle. A Paris
l'ouvrage fut encore mieux partagé : Rubini, Tamburini, Mmes Julie
Grisi et Albertazzi en remplirent les quatre rôles, aujourd'hui con-
fiés àFraschini, Delle-Sedie, Mmes de la Grange et Vander-Beeck.
Eh bien ! il faut l'avouer, malgré l'intervalle d'un quart de siècle,
malgré le changement d'artistes, nos impressions n'ont pas varié ;
nous pourrions transcrire aujourd'hui le jugement que nous portions
in illo tempore, sans y ajouter ni en retrancher une syllabe. « Po-
berto Devereux, écrivions-nous alors dans un autre journal que
celui-ci, ne s'élève guère au-dessus de ces improvisations musica-
les que l'Italie accepte, comme nous acceptons nos vaudevilles,
parce que la musique est pour elle un besoin qu'il faut satisfaire à
tout prix. Mais dans ces œuvres, où le procédé domine à défaut de
l'inspiration, ne cherchez ni pensée sérieuse, ni calcul profond, ni
tentative d'innovation raisonnée et raisonnable. Le compositeur s'est
tracé une voie facile, d'où il n'a garde de s'écarter; il a choisi le
moule le plus simple et le plus commode pour y jeter pêle-mêle ses
idées, ses souvenirs. »
En 1838, Donizetti venait en France avec l'intention de s'y éta-
blir par des ouvrages plus appropriés à notre goût que le Marino
Faliero, qui ne lui avait valu qu'un échec dans son concours avec
l'auteur des Puritains. A la vérité, Mercadante s'était fourvoyé bien
davantage encore, lui qui écrivit ses Briganti pour ce même concours
dont Bellini remporta la palme. En nous apportant le fruit le plus
nouveau de sa muse italienne, l'auteur de Roberto Devereux avait cru
devoir augmenter sa partition d'une ouverture, travaillée avec soin,
et dans laquelle il intercala le God save, malgré le flagrant anachro-
nisme, pour en faire un thème à variations. L'ouverture est restée à
sa place, et nous l'avons respectueusement saluée comme souvenir
de l'hommage que le compositeur avait voulu nous rendre ; comme
la pierre d'attente sur laquelle devaient s'élever plus tard des parti-
tions telles que la Fille du régiment, la Favorite, et quelques autres
sur lesquelles sa renommée s'appuye à jamais.
Roberto Devereux, c'est, comme on le sait de reste, ce fameux
comte d'Essex dont la Calprenède, Thomas Corneille et Ancelot fi-
rent tour à tour le héros d'une tragédie ; c'est ce jeune présomptueux
de trente et quelques années, auquel la fille d'Henri VIII, qui avait
plus de deux fois son âge, appliquait un vigoureux soufflet, en lui
disant d'aller se faire pendre. On a gravement discuté la question de
savoir si le comte d'Essex était ou n'était pas l'amant d'Elisabeth ;
ce qui n'est pas douteux, c'est que la reine laissa, non sans hésita-
tion ni sans remords, décapiter son favori dans la tour de Londres,
parce qu'il ne lui avait pas renvoyé à temps la bague qu'elle lui
avait donnée comme gage infaillible de sa clémence. Dans le libretto
italien de Cammarano, comme dans la tragédie d'Ancelot, cette ba-
gue a été saisie et retenue au passage par un mari jaloux et non
sans cause, le duc de Nottingham, personnage dont la conception
offre beaucoup d'analogie avec celle de l'Ankastroem de Gustave III,
opéra français de Scribe, récemment transformé en Un ballo in mas-
chera.
Roberto Devereux, tant applaudi à Naples et dans mille autres
lieux, ne produisit que peu d'effet à Paris, malgré la supériorité des
artistes qui le chantèrent dans l'origine. Comment espérer que
d'autres réussiront où Rubini, Tamburini et Julia Grisi ont
échoué ? Fraschini, Delle-Sedie, et Mme de la Grange y perdraient
leur voix et leur peine. Certainement ils se sont dévoués à leur
tâche avec autant de courage que de talent ; Mme Vander-Beeck a
fait valoir le rôle de Sara par sa figure plutôt que par sa voix ; c'est
toujours queqlue chose. Mais en somme, l'ouvrage ne paraît pas des-
354
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tiné à rester au répertoire, et c'est à son genre qu'il faut s'en pren-
dre. Le comte d'Essex, prêt à mourir, chante un air sur le rhylhme
duquel il pourrait fort bien courir soit au bal, soit à quelque tendre
rendez-vous.
La musique a ses licences, mais
Celle ci passe un peu les bornes que j'y mets.
COHCERTS POPULAIRES DE HUSIQUE CLASSIQUE.
Le programme du second de ces concerts, plus encore que celui
du premier, offrait d'heureux contrastes et une rare variété de
genres et de styles. La grande et majestueuse ouverture d'Athalie,
de Mendelssohn, lui servait de début, et peu après venait une autre
ouverture bien différente de caractère et d'allure, que l'orchestre de
Pasdeloup n'avait pas encore exécutée, celle des Joyeuses Commères
de Windsor, d'Otto Nicolaï, cet Allemand réchauffé au soleil d'Italie.
Le théâtre Lyrique devait nous faire connaître l'opéra entier, dont
on dit beaucoup de bien, mais nous ne pouvons encore en juger
que par le délicieux morceau qui lui sert de préface ; on dirait que
Nicolaï l'a écrit sous l'inspiration de la muse qui a dicté à Auber
tant d'ouvertures pétillantes d'esprit et de verve. Il y a surtout une
phrase tout à fait française par l'élégance et l'abandon plein de
grâce. L'orchestre l'a rendue avec un sentiment parfait : aussi l'au-
ditoire a-t-il été séduit, ravi au point de redemander l'ouverture à
l'instant même, et à la seconde audition l'effet du morceau n'a pas
été moindre. Voilà donc un nom de compositeur de plus à inscrire
au livre d'or. Otto Nicolaï, né à Berlin en 1809, avait étudié sous la
direction de Bernard Klein et de Louis Berger. Vers 1837, il se
rendit à Rome, où il resta plusieurs années : il travailla la haute
composition avec Baini, et fit représenter les Templiers, l'un de ses
premiers ouvrages. De retour en Allemagne, Nicolaï devint bientôt
chef d'orchestre du théâtre allemand à Berlin, où ses Joyeuses Com-
mères obtinrent un éclatant succès. Une mort presque subite l'enleva
en 1849.
Dans Y adagio du magnifique quintette de Mozart (op. 108),
M. Grisez a largement déployé son beau talent de clarinettiste,
et mérité l'honneur que lui a fait Pasdeloup, en le présentant à
l'assemblée et au feu de ses bravos.
Le programme contenait deux symphonies, l'une de Beethoven,
la Pastorale, et l'autre d'Haydn, la Surprise. Bien des gens ont été
surpris, justement parce qu'il n'y avait de surprise que dans le
titre, et qu'ils ont retrouvé une symphonie fort connue, dont l'an-
dante avec variations est demeuré dans toutes les mémoires.
Le concours entre les lauréats de l'Institut pour l'opéra qui doit
être joué au théâtre Lyrique, s'est continué mardi dernier.
Le jury, composé de MM. Auber, président, Henri Reber, Félicien
David, prince Poniatowski, Gounod, Victor Massé, Maillard, s'est de
nouveau réuni au Conservatoire et a successivemeut entendu la par-
tition de M. Paladilhe, chantée par MM. Chambon, Petit, Mme Gene-
tier, et celle de M. Barthe, chantée par MM. Genevois, Ismaël et
Mme Barthe-Banderali.
Immédiatement après, le jury a voté au scrutin secret, et le nom
de M. Barthe a été proclamé à l'unanimité.
Voici dans quel ordre chronologique les cinq concurrents avaient
obtenu le grand prix de composition musicale :
1854. M. Barthe, élève de M. Leborne.
1855. M. Conte, élève de M. Carafa.
1858. M. David, élève de M. Halévy.
1860. M. Paladilhe, élève de M. Halévy.
1861. M. Dubois, élève de M. Ambroise Thomas.
Deux lauréats, M. Bizet et M. Guiraud, qui ont obtenu le grand
prix, l'un en 1857 et l'autre en 1859, étaient naturellement exclus
du concours, puisque le premier a déjà fait jouer un opéra en
1863, les Pêcheurs de perles, au théâtre Lyrique, et le second, en
1864, Sylvie, à l'Opéra-Comique..
Paul SMITH.
QUATUORS DE H.-H- ERNST.
Qui ne connaît le nom d'Ernst, un grand et charmant artiste, un
des plus aimés et des plus populaires de notre temps ?
Mais la foule qui s'est empressée aux concerts sans nombre qu'Ernst
a donnés dans ses voyages à travers les grandes et les petites
villes de l'Europe, cette foule ne connaît que le virtuose extraordi-
naire, qui s'est joué des difficultés inextricables de l'art paganinien,
et cela suffisait pour qu'elle lui décernât le nom de grand artiste.
A côté de cette multitude, il y avait une élite de connaisseurs
(moins nombreuse — cela va sans dire) — qui ne connaissait rien
de plus délicieux que d'entendre jouer par Ernst un quatuor de
Beethoven.
Tout a été dit sur ce jeu tour à tour passionné, tendre, spirituel,
humoristique, et je ne veux pas répéter ce qui a été dit et écrit
par les meilleurs juges.
Ernst a publié une foule de morceaux, écrits pour mettre en relief
tout ce que le public exige aujourd'hui d'un virtuose accompli.
Il les a fait entendre dans tout l'univers civilisé, et ils ont été
adoptés par les virtuoses de toutes les catégories. Ils ont probable-
ment coûté bien des larmes à ces pauvres petits êtres que des pères
sans entrailles, ou vaniteux, intéressés, consacrent à l'état d'en-
fant prodige, état que l'on exerce souvent pendant longues années,
car il y a des enfants prodiges de tout âge. J'ai connu des artistes,
qui parlaient, agissaient, jouaient d'un instrument ou composaient en
enfants prodiges jusqu'à leur mort.
Dans ces morceaux brillants, composés par Ernst, on voyait néan-
moins poindre souvent un sentiment d'un art plus élevé. On sentait
l'artiste richement doué à travers ces accords plaqués, ces folles
gammes, ces traits échevelés et tout cet attirail du grand virtuose,
qui veut et doit frapper, stupéfier même ce monstre vorace et insa-
tiable qu'on nomme un auditoire. Comment un artiste voyageur, à
chaque moment sous le coup d'une grande exhibition, comme disent
nos voisins, trouverait-il le calme, le recueillement si nécessaires à
l'éclosion d'une œuvre d'art? Cependant, de temps à autre, il parais-
sait quelque œuvre d'Ernst, où l'on voyait bien ce qu'il y avait en
lui de sentiment profond et poétique.
Je ne veux citer que sa célèbre Élégie, dont les accents si tendre-
ment passionnés ont provoqué partout les applaudissements les plus
enthousiastes. L'Élégie a été — j'allais dire traduite dans toutes les
langues — arrangée du moins pour tous les instruments : piano seul,
flûte, clarinette, et pour la voix. Enfin, elle a eu tous les honneurs,
si j'en excepte celui de l'orgue de Barbarie, le triomphe, le Capitole
des compositeurs victorieux.
Je dois citer encore le concerto en fa d'èze majeur, conception
remarquable, dans laquelle Ernst a fait preuve de qualités supérieu-
res. J'ai dit plus haut qu'il est bien difficile, sinon impossible, de
trouver le recueillement nécessaire à une œuvre d'art sérieuse, au
milieu des tracas et des occupations sans trêve d'une vie nomade,
comme celle d'un virtuose voyageur. Ce recueillement, cette solitude,
ce calme, Ernst les a trouvés, hélas! mais à quel prix? Depuis dix
ans, il souffre d'une maladie cruelle, et son violon enchanteur lui
est échappé des mains. Mais la Providence a voulu que son esprit
DE PABIS.
355
restât vaillant, et il souffre avec courage, avec résignation, parce que
le plus vif sentiment de l'art divin se conserve toujours dans son âme.
Par un destin cruel, le virtuose n'existe plus : il s'est consumé comme
le phénix, et de ses cendres il en est sorti un autre qui plane bien
au-dessus du premier, quelque admirable qu'il fût. Ce second phénix
au vol radieux, c'est le compositeur.
Il y a quelques jours, nous avons entendu deux œuvres de lui,
deux quatuors pour deux violons, alto et violoncelle. Nous ne vou-
lons pas même essayer, par une sèche analyse, de donner une idée
d'œuvres aussi importantes par leur étendue que par leur valeur. N'y
cherchez pas l'aimable et charmant compositeur de la fantaisie sur
Othello ou sur le Pirate. Mais vous y reconnaîtrez l'auteur de l'Elé-
gie et du Concerto, singulièrement agrandi et épuré. Toutes les pro-
messes contenues dans ces deux ouvrages se sont réalisées, et vous
avez devant vous un noble artiste arrivé à l'apogée de son talent.
Ces quatuors ne pouvaient être écrits que par un grand musicien,
qui a cent fois exécuté, médité les chefs-d'œuvre de ce genre que
nous ont laissés les grands maîtres.
Le style le plus noble y règne d'un bout à l'autre ; aucune lâche
complaisance pour les oreilles novices ou frivoles. Tout y est de
cette beauté sérieuse et sévère qui seule assure l'avenir aux œuvres
d'art. Ne croyez pas toutefois que la mélodie n'y abonde pas. Les
adagio, les andante sont ce qu'ils doivent être : des chants ou ex-
pressifs ou tendres, et passionnés souvent. Les scherzo sont d'un
véritable humoriste : celui du premier quatuor, d'un laconisme éton-
nant, en dit beaucoup plus qu'on ne pense. C'est une épigramme,
mais sans fiel ni amertume, et comme une confidence aimable et
rapide, glissée à l'oreille en passant. Le scherzo du deuxième qua-
tuor est au contraire très- développé, d'une grande hardiesse harmo-
nique et rhylhmique. Ces deux morceaux ne rappellent aucune com-
position de ce genre, et c'est là un bien grand mérite. Je voudrais
citer encore le ravissant andante, de style un peu pastoral ; et j 'au-
rais à citer tant d'autres passages! — J'en ai assez dit. Je ne puis me
résigner à une analyse, il faut entendre cette musique. Je me ré-
sume : ces deux quatuors témoignent d'une complète transformation
du talent de l'auteur. Ces grands ouvrages méritent la plus sérieuse
attention, et il est impossible que le suffrage de vrais connaisseurs
leur fasse défaut.
Deux jeunes artistes anglais, les frères Holmes, et MM. L. Jacquard
et C. Ney, ont interprété les quatuors avec un rare talent. Après une
seule répétition, ils ont dit ces œuvres si difficiles avec un entrain et
un ensemble bien remarquables. L'auteur était présent, et il était vi-
siblement ému de la profonde impression qui partait de lui pour lui
revenir. L'auditoire, composé de nombreux artistes et connaisseurs,
l'a chaleureusement félicité.
Je ne veux pas terminer ces lignes sans dire un mot des deux
frères Holmes que je viens de nommer. Après la grande pièce , la
petite. Ils ont joué un duo pour deux violons, sans accompagnement ;
quel ensemble merveilleux ! quel spectacle sympathique, celui de
deux jeunes gens, de deux frères , qu'on dirait issus du même
violon, comme ils sont issus de la même mère ! Paris, cette ville si
affreuse et si belle, le public parisien, ce public si détestable et si
adorable (choisissez entre les épithètes : chacune son heure et son
à-propos) jugeront les jeunes artistes : je ne suis pas inquiet pour
eux.
Stephen HELLER.
DEVIENNE.
(C article) (1).
Le 12 brumaire an VIII (3 novembre 1799), Devienne donnait ù
Feydeau le Valet de deux maîtres, qui devait être son dernier ou-
vrage dramatique. Le poëme de celui-ci, qui était en un acte et
dont une comédie de Goldoni, IL Servitore di due padroni, avait
fourni le sujet, était dû à Roger, qui fut plus tard académicien et
qui écrivit les lignes suivantes dans la préface de cette petite pièce :
« Ma pièce achevée, j'en confiai aussitôt la musique à Devienne, à
qui l'opéra des Visitandines avait fait une grande réputation. Un
jour qu'il était en train de travailler pour moi, il me tourmenta
vivement pour ajouter quatre vers au duo de la scène xvic. — « A
» quoi bon, lui dis-je, ces quatre vers ? — Parce que, sans cela, ma
» phrase musicale n'est pas carrée. — Je suis bien fâché de ne pou-
» voir vous satisfaire; en cet endroit Sophie se trouve mal, et pour
» l'ordinaire une femme ne parle point en pareil cas.— Eh ! qui vous
» dit de la faire parler ? mais il faut qu'elle chante. » Cette naïveté
me fit trembler pour la musique de l'ouvrage ; elle ne nuisit pour-
tant point au succès, qui fut complet et de longue durée, malgré la
terrible concurrence du Collatéral, qu'on jouait toujours la veille et
le lendemain, car il y avait alors à Feydeau Théâtre-Français et
Opéra-Comique. Ce Collatéral, cette charmante comédie en cinq
actes de Picard, où l'on rit depuis la première scène jusqu'à la
dernière, n'était d'abord qu'un modeste opéra-comique en un acte,
qui avait pour titre : le Sot Héritier. Picard l'avait présenté au
théâtre Favart le jour même où de mon côté j'y portais le Valet de
deux maîtres, et tous deux nous avions été refusés! »
Le Valet de deux maîtres était, musicalement, beaucoup moins
important que les Visitandines et les Comédiens ambulans ; De-
vienne, cependant, y fit preuve de son talent ordinaire , et sa mu-
sique fut fort bien accueillie. Parmi les morceaux saillants de cette
très-agréable partition, je citerai l'ouverture, qui est excellente, l'air
de la jeune fille et les trois duos auxquels elle prend part. Ce sont
là autant de pages charmantes.
A partir de la représentation du Valet de deux maîtres, on ne
trouve plus trace de l'existence de Devienne, et les journaux ne
parlent plus de lui qu'une dernière fois, pour annoncer sa mort ar-
rivée le 18 fructidor an XI (5 septembre 1803). Un de ses élèves
adressait au Courrier des spectacles, pour lui apprendre ce fatal
événement, une lettre qui fut insérée dans le numéro de ce jour du
23 fructidor et que voici en partie :
« Le cit. François Devienne est décédé le 18 de ce mois à la mai-
son de Charenton, où il est resté pendant quatre mois entre les
mains des gens de l'art, qui malgré tous leurs soins n'ont pu le
guérir d'un dérangement du cerveau qui a dégénéré en véritable
folie, causée par les différens chagrins qu'il a éprouvés pendant la
révolution.
» La mort vient de l'enlever à l'âge de quarante-trois ans, il em-
porte avec lui l'estime et les regrets des artistes et de ses amis. Il
laisse dans la détresse une femme et cinq enfans, dont quatre en bas
âge.
» Le gouvernement en a déjà placé un au Lycée de Bruxelles : on
espère qu'il n'oubliera pas les autres dans la répartition de ses bien-
faits.
» Guillon fils,
» Elèoe de M . Devienne au Conservatoire de musique. »
(1) Voir les n" 31, 32, 39, liO et 41.
356
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
D'autre part, je trouve dans un journal spécial du temps, la Cor-
respondance des amateurs musiciens, un article auquel j'emprunte
le passage suivant :
« Nous venons de perdre en très-peu de tems deux hommes éga-
lement chers à l'art musical, à leurs familles, à leurs amis. L'un est
le cit. Devienne, mort le 18 fructidor à Charenton, des suites d'une
longue maladie qui avait fini par altérer sa raison. Devienne étoit
né musicien. Il fut élève de son frère, musicien lui-même dans
Royal-Cravate. A l'âge de dix ans, Devienne composa une messe qui
fut exécutée par la musique de ce régiment. Studieux et appliqué
comme on l'est à quarante ans, il fuyoit les jeux de son âge. Bien
différent des autres enfans à qui il faut promettre ou donner de l'ar-
gent pour les engager à faire quelque chose, Devienne ne quittoit le
travail que quand son frère lui avoit donné quelques écus à condi-
tion qu'il iroit prendre un peu de divertissement. En réfléchissant
sur cet amour précoce et extraordinaire pour le travail, il seroit
possible d'expliquer comment la tête la mieux organisée pour tout ce
qui peut rendre un homme intéressant dans la société intime et gé-
nérale, a fini par se déranger avant l'âge où l'on cesse de la meu-
bler de choses utiles et instructives. Tel étoit Devienne. Continuelle-
ment la plume à la main, il avoit par une quantité d'ouvrages, d'un
style aimable et chantant, régénéré la musique des instrumens à vent.
Il avoit enrichi le théâtre de quelques productions qui y resteront,
telles que les Visitandines , les Comédiens ambulans, le Valet de
deux maîtres. Il trouvoit encore des momens pour l'étude des belles-
lettres. Son esprit étoit assez cultivé. Son goût l'avoit plus d'une
fois éclairé sur certains poëmes qu'il s'étoit chargé de mettre en
musique. Mais la crainte de désobliger l'empêcha de les rendre, et
la chute du poëte entraîna celle du musicien.
!• Son plus bel ouvrage est sa Méthode de flûte qui paraîtra un
jour, revue, corrigée et considérablement augmentée par lui-même,
quelque tems avant sa maladie. Ses quatuors sont joués partout, la
grâce et l'amabilité y dominent toujours sur la science. Ses roman-
ces ne s'oublieront point.
» Devienne avoit joui d'une grande réputation sur la flûte. Il laisse
une place vacante au Conservatoire, où il professoit, place dont le
gouvernement lui a continué les émolumens pendant sa maladie ; cet
artiste n'avoit encore songé qu'à sa réputation. La mort l'enlève au
moment où il eût pu s'occuper de sa fortune, ou du moins soigner
l'éducation de cinq enfans dont quatre sont en bas âge. » (Corres-
pondance des amateurs musiciens du 1er vendémiaire an XII — 24
septembre 1803.)
[La suite prochainement.)
Arthur POUGIN.
M. Carvalho, directeur du théâtre Lyrique impérial, vient d'adres-
ser à M. E. Cardon, rédacteur du journal le Figaro-Programme, la
lettre que voici :
Monsieur,
Je ne puis laisser sans réponse des allégations qui se sont déjà pro-
duites et que vous avez répétées avec une certaine vivacité dans votre
article de samedi dernier, à propos de la Traviata.
Il va sans dire qu'il ne s'agit pas ici de discuter vos appréciations
artistiques, mais seulement le droit que j'ai, et que vous prétendez
me contester, de jouer 1rs ouvrages italiens.
De tout temps, Monsieur, le théâtre Lyrique a été autorisé par son
privilège à faire représenter les ouvrages des auteurs étrangers, italiens
ou allemands.
Ainsi, dès l'origine, M. Seveste faisait jouer le Barbier, la Pie voleuse,
Elisabeth, etc., etc., et quand, pour la seconde fois, j'ai pris la direc-
tion du théâtre Lyrique, le droit de traduction, malgré toutes les récla-
mations qu'avaient soulevées les grands succès des Noces de Figaro,
û'Oberon, A' Orphée, a été maintenu dans mon nouveau privilège.
La liberté des théâtres, loin d'affaiblir ce droit, me parait devoir l'é-
tendre encore davantage ; et à propos de la liberté des théâtres, laissez-
moi vous dire, Monsieur, qu'il peut sembler étonnant qu'à l'heure où
I l'Empereur, soucieux des besoins et des plaisirs de tous, veut que les
chefs-d'œuvre de toutes les écoles puissent être joués partout, pour être
j mis ainsi à la portée de toutes les classes de la société, vous, Mon-
sieur, vous réclamiez le monopole exclusif des œuvres italiennes au
profit du seul théâtre inaccessible aux quatre-vingt-dix-neuf centièmes
de la population de Paris.
Est-ce, par hasard, au théâtre Italien, que la classe moyenne, les
sociétés chorales, auraient connu les Noces de Figaro, Rigoletto, Norma,
Don Pasquale, et tous les chefs-d'œuvre que j'ai fait représenter ?
Vous prétendez que la subvention m'a créé une situation exception-
nelle, et que ce qu'il m'était permis de faire autrefois m'est défendu
aujourd'hui.
Sur ce point, Monsieur, vous êtes dans une erreur absolue.
S'il vous convenait de parcourir avec moi les arrêtés par lesquels
M. le ministre d'État m'a accordé la subvention, vous y verriez, qu'à
côté de la sollicitude que Son Excellence témoignait pour les auteurs
français, il y avait aussi un sentiment de justice envers une adminis-
tration qui s'était ruinée au profit de l'art. M. le ministre voulait met-
tre le théâtre à l'abri de nouveaux désastres, et laissant dans le privi-
lège le droit de jouer des traductions, il n'imposait, pour toute charge
nouvelle, que l'obligation de faire représenter chaque année un opéra
en trois actes d'un prix de Rome n'ayant jamais été joué.
Ai-je manqué à cette condition?
Je ne suis subventionné que depuis le 1er janvier 1864, et cependant
dès le mois de septembre 1863, pour répondre à la pensée généreuse
du ministre, je faisais représenter les Pêcheurs de perles, de M. Bizet.
En ce moment, une commission va décider lequel des lauréats de
l'Institut sera joué cette année au théâtre Lyrique.
Vous voyez, Monsieur, que je suis dans la légalité.
Faut-il vous montrer que je n'ai pas abusé de ce droit de traduction?
La saison dernière j'ai fait représenter :
Les Pêcheurs de perles, opéra en trois actes, de M. Bizet ;
Mireille, opéra en cinq actes, de M. Gounod;
Les Troyens, opéra en cinq actes, de M. Berlioz.
A côté de ces treize actes, que voyez-vous du répertoire italien :
Trois actes de M. Verdi, Rigoletto.
J'allais faire représenter un quatrième ouvrage, la Captive, opéra en
trois actes, de M. Félicien David ; costumes, décors, tout était prêt.
J'avais même engagé une artiste spécialement pour cet ouvrage. La
répétition générale avait eu lieu, lorsque M. F. David a demandé le re-
trait de sa partition.
Pour remplacer la Captive, j'ai monté Norma.
Pour cette saison 1863-186-4, où je n'avais touché que six mois de
subvention, la part faite aux auteurs français vous paraît-elle suffisante?
Je ne veux pas terminer sans faire quelques observations relatives aux
ouvrages italiens que vous appelez le répertoire du théâtre Italien.
Vous dites que je prends le répertoire du théâtre Italien, qui, lui, n'a
pas le droit de prendre Faust.
C'est l'exemple que vous choisissez.
Eh bien, vous prouvez simplement par là que je suis propriétaire d'un
répertoire et que le théâtre Italien n'en possède pas. S'il en avait réelle-
ment un, il le défendrait comme je défends le mien.
Le théâtre Italien n'a pas d'ouvrages à lui. Les œuvres qu'il fait re-
présenter sont toutes empruntées aux théâtres d'Italie. 11 les joue en
vertu de la loi sur le domaine public.
Le théâtre Lyrique, au contraire, n'a d'ouvrages à jouer qu'en vertu
de traités passés avec la Société des auteurs et compositeurs dramati-
ques, qui lui assurent, à certaines conditions, le droit exclusif de faire
représenter ces ouvrages.
Le théâtre Italien ne paie pas de droits d'auteurs ; le théâtre Lyrique
paie chaque soir douze pour cent sur la recette brute.
Le théâtre Italien joue les œuvres de M. Verdi en vertu d'un arrêt
de la Cour de Paris, qui déclare M. Verdi sans droits pour s'opposer à
la représentation de ses œuvres italiennes en France (la loi plaçant ces
œuvres dans le domaine public).
Le théâtre Lyrique qui pouvait, lui aussi, bénéficier de cette juris-
prudence, non-seulement s'est préoccupé d'obtenir le consentement de
M. Verdi, mais encore lui a assuré, à lui personnellement, une rétribu-
tion égale aux droits des auteurs français.
Votre système nous conduirait à ceci, que M. Verdi ne peut être joué
que là où on ne le paie pas.
Vous vous êtes trop ému, Monsieur, de l'apparition des œuvres ita-
liennes dans le répertoire du théâtre Lyrique.
Ne craignez pas que je leur sacrifie les œuvres françaises.
Je suis trop fier d'avoir mis mon travail et ma fortune au service des
auteurs de Faust, de Topaze, de Fanchonmttc, des Dragons de Yillars, de
Gil-Blas, des Troyens, de Mireille, pour ne pas recommencer dès que
l'occasion m'en sera donnée.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations.
L. Carvalho.
Paris, le 51 octobre ISGi.
DE PARIS.
357
REVUE DES THÉÂTRES.
Tjiéatbe-Français : Maître Gvérin, comédie en cinq acles et en
prose, par M. Emile Augier.
Si la quinzaine qui vient de s'écouler n'a pas été féconde en nou-
veautés, elle a vu, par compensation, se produire au Théâtre-Fran-
çais une de ces œuvres sérieuses à l'aide desquelles on se console
aisément de la pénurie des autres scènes. Maître Gvérin n'a pour-
tant pas été prôné d'avance, et il a pris possession de l'affiche sans
annonce et sans bruit. Mais cette tactique de bon goût n'en a que
mieux fait ressortir les qualités inattendues de la comédie de M. Emile
Augier. Nous disons inattendues, parce qu'après les Effrontés et le
Fils de Giboyer, il était permis de croire que cet auteur, engagé
dans une voie facile au succès, chercherait encore à passionner la
foule par des discussions politiques et sociales, comme celles dont il
a su tirer un si grand profit. Par bonheur, il n'est rien advenu de
pareil, et l'éminent écrivain, faisant un retour sur lui-même, s'est
souvenu qu'en d'autres temps il avait brillamment conquis ses titres
à l'Académie par des études dramatiques fortement conçues, saines
d'intentions et d'effets, sans être pour cela dépourvues de cet étin-
celant esprit qu'il prodigue en toutes choses. Blaitre Guérin est une
comédie de caractère, prise sur le vif des mœurs contemporaines, et
contenant une leçon morale de haute portée. Nous essayerons d'en
donner une idée au lecteur, autant du moins que ses nombreuses et
habiles complications nous permettront une analyse claire et suc-
cincte.
Le pivot de la pièce est un notaire de province, maître Gué-
rin, qui, sous des dehors de probité courante, cache une âme
avide et perverse. Cet honnête homme, toujours à l'affût des occa-
sions de s'enrichir légalement, pratique en secret l'usure à l'abri
d'un prête-nom, d'un homme de paille, le père Brénu, dont le rôle,
celui du paratonnerre, consiste à détourner la foudre de h tête du
vertueux fonctionnaire public, lequel est ainsi en règle, sinon avec
sa conscience, du moins avec les gens du parquet. Mais comment un
soupçon pourrait-il atteindre maître Guérin, lorsque l'on voit s'asseoir
à son foyer une femme véritablement digne de tous les respects par
ses vertus simples et modestes, et un fils arrivé par son mérite au
grade d'officier supérieur? Or, ce fils, à défaut de sa propre ambi-
tion, est l'objet de celle du notaire , qui entreprend, au moyen de
ses intrigues ténébreuses, de lui assurer une fortune princière et un
nom aristocratique. Justement, il existe dans le voisinage une veuve
fort riche et, de plus, très-coquette, qui compte le colonel au nombre
de ses adorateurs. Cette veuve s'appelle prosaïquement Mme Lecou-
tellier, mais elle est née de Valtaneuse. Quoique possédant, de par
le fait de son mari défunt, de grandes richesses qui lui sont dispu-
tées par un neveu de M. Lecoutellier, un député dandy, que son
procès avec sa tante n'empêche pas de figurer parmi ses sigisbées,
la belle veuve ne peut se consoler d'avoir perdu le berceau de ses
nobles ancêtres, et ses plus chères convoitises se réunissent sur le
château de Valtaneuse qu'elle veut racheter à tout prix. C'est là que
l'attend la dextérité sournoise de maître Guérin, qui a bâti son plan
d'après cette donnée. Le château de Valtaneuse appartient en ce
moment à un M. Desroncerets, espèce d'original, incessamment en
quête d'inventions saugrenues, dans lesquelles toutes ses ressources
s'épuisent. Un dernier projet traverse son cerveau ; mais pour l'exé-
cuter il lui faut 100,000 francs, et il n'en a pas le premier sou.
Dans son délire d'inventeur aux abois, il se jette entre les mains de
maître Guérin, c'est-à-dire de son prête-nom, le père Brénu, et il
lui vend à réméré son château qui, dans un an, appartiendra au
prêteur, si les 100,000 francs ne sont pas remboursés. Maître Guérin
n'a aucun doute sur le résultat de cette affaire usuraire ; dans un an,
et le terme est prochain, Desroncerets ne paiera pas; le château
deviendra sa propriété, et il le donnera à son fils, qui, du même
coup, épousera Mme Lecoutellier et échangera son nom plé-
béien contre celui de Valtaneuse. Tout cela est bien près de s'ac-
complir selon les calculs de l'ambitieux notaire. Mais où serait la
justice? où serait la morale? La pierre d'achoppement de tout ce bel
échafaudage vient de la fille de Desroncerets, un ange de dévouement
et de beauté, que le colonel Guérin, las des caprices de Mme Lecou-
tellier, s'est mis à aimer sérieusement, le jour où les admirables
qualités de la fille du savant, voilées pendant un instant par une
apparente sécheresse de cœur, lui ont été révélées. Alors son parti
est pris; quand bien même il devrait renoncer aux avantages que
son père lui destine, il se décide à demander la main de Francine
Desroncerets. Maître Guérin, voyant tous ses projets à vau-l'eau,
éclate et se trahit ; c'est son arrêt qu'il a prononcé ; dès ce moment
il n'a plus de femme, il n'a plus de fils, et il se trouve réduit à l'u-
nique société de son compère Brénu.
, Telle est, en termes sommaires, la comédie nouvelle de M. Emile
Augier, qui renferme, comme on voit, de puissants éléments d'intérêt
et d'émotion, ménagés avec beaucoup d'art et relevés par d'excellents
détails d'exécution. Il faut cependant reconnaître que les trois pre-
miers actes ne sont pas a la hauteur des deux derniers qui ont em-
porté le succès. Mais ce défaut est bien compensé par une interpré-
tation hors ligne, en tête de laquelle il faut citer Got, chargé du rôle
de maître Guérin, dont il a fait une de ses plus remarquables créa-
tions. Geffroy prête une saisissante physionomie à l'inventeur Des-
roncerets, Delaunay est un parfait dandy, et Lafontaine retrouve, sous
les traits du colonel Guérin, tous ses heureux souvenirs du Fils de
famille. Un personnage de grande coquette, tel que celui de Mme Le-
coutellier, ne pouvait être mieux confié qu'à Mme Arnould-Plessy ;
celui de Francine Desroncerets met, une fois de plus, en relief le
sentiment exquis de Mlle Favart, et enfin; Mlle Nathalie joue avec
convenance et sentiment le rôle un peu effacé de Mme Guérin.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** La représentation de la Juive, donnée dimanche au théâtre im-
périal de l'Opéra, a été fort brillante. Villaret a chanté le rôle d'Eléazar
avec beaucoup d'âme et de puissance; Mlle Sax s'est élevée à une
grande hauteur dramatique dans te rôle de Kachel, et sa splendide voix
a électrisé la salle. On sait avec quelle supériorité Obin joue et chante
le cardinal ; Warot et Mlle de Taisy ont vaillamment contribué à l'en-
semble. — Lundi et vendredi on a représenté Roland à Roncevaux, et
mercredi Guillaume Tell.
V** Les études de l'Africaine sont poussées avec activité. Les deux
premiers actes sont sus par les chanteurs et les choristes, et le troi-
sième vient de leur être distribué. Les décorateurs sout à l'œuvre, et
l'on peut s'en rapporter au goût et au talent artistique de M. Perrin
pour se faire une idée de ce qu'elles seront. Jamais, dit-on, pareilles
splendeurs n'auront été déployées à l'Opéra.
*** En annonçant la représentation extraordinaire qui doit être don-
née le 17, à l'Opéra, au béuéfice de Bouffé, nous avions mentionné
Roger comme devant y figurer. Quelques obstacles sont venus à la
traverse, et le célèbre ténor ne pourra donner cette preuve de bonne
volonté à un artiste qu'il estime et qu'il aime.
„*,. La cantate du nouveau prix de Rome, M. Sieg, qui doit être,
d'après le nouveau décret, exécutée au théâtre de l'Opéra, sera chantée
par Mlle de Taisy, Morère et Dumestre.
a.** Le théâtre de l'Opéra-Comique a donné cette semaine deux re-
présentations du Domino noir, pour la continuation des débuts de
Mme Gennetier qui a été fort applaudie dans le rôle d'Angèle. Elle a dit
fort brillamment Varagonaise dont on a redemandé le deuxième couplet,
et avec beaucoup de goût le rondo du troisième acte. — Hier au soir on
a donné la première représentation du Trésor de Pierrot, de MM. Cormon
et Henri Trianon, musique de M. E. Gautier. Nous en rendrons compte
dimanche.
*** Le succès de la Traviata et de Mlle Nilsson s'est confirmé aux
représentations suivantes; la jeune cantatrice, plus maîtresse d'elle-
même, s'est rendu compte de la portée de sa voix : elle a donné plus
358
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
d'accentuation à son chant, d'animation à sa diction, et tous les soirs
un nombreux public applaudit à ces progrès et les encourage.
*% L'opéra de M. de Saint-Georges, dont le prince Poniatowski a
composé la musique, sera chanté par Mmes de Maësen et Faure-Lefeb-
vre, Montjauze, Ismael et Petit. Il est entré en répétition.
„,•„ Vendredi soir a eu lieu au théâtre Italien la répétition générale
du divertissement chorégraphique qui doit être inauguré aujourd'hui
même pour la représentation de l'Elisire d'amore, chanté par Mlle Patti,
Naudin, Scalese et Antonucci. La musique de ce divertissement est d'un
jeune oompositeur de mérite M. Mattiozzi, de Florence. La chorégra-
phie du ballet est, dit-on, bien dessinée et les costumes riches.
,,% L'un des ténors que M. Bagier avait engagé pour le théâtre de
Madrid, Negrini, vient d'être frappé, si l'on en croit YIndependente de
Naples, d'une attaque d'apoplexie qui met sa vie en danger. On espérait
pourtant que, grâce aux soins empressés qui lui ont été prodigués, cet
éminent artiste ne serait pas enlevé à l'art musical.
»*„ Les sœurs Marchisio, dont nous avons annoncé le retour, rentre-
ront prochainement dans la Semiramide. Carlotta chantera ensuite le
rôle de Pauline dans Poliuto.
*** D'après les dernières nouvelles qui nous parviennent de Madrid,
les difficultés qui ont amené la fermeture regrettable du théâtre italien
de cette ville seraient en voie d'arrangement.
*** Aujourd'hui, à 2 heures, au Cirque Napoléon, troisième concert
populaire de musique classique sous la direction de M. Pasdeloup. En
voici le programme : 1" ouverture du Roi des génies, Weber ; — 2° sym-
phonie en sol mineur, Mozart;— 3° fragment de la symphonie cantate,
Mendelssohn; — i° concerto pour piano en si bémol, Beethoven ; — 5° suite
d'orchestre en ré majeur (op. 113), Franz Lachner.
*** L'Académie des beaux-arts, dans sa dernière séance, a décerné le
prix Tremont à Si. Th. Semet, que plusieurs succès lyriques ont placé
au rang de nos bons compositeurs.
£*„. A partir d'aujourd'hui dimanche, VEldorado donnera tous les di-
manches et jours de fête, de 2 à 5 heures, des Concerts de famille, dans
lesquels se feront entendre les célébrités artistiques de Paris, et qui
n'auront rien de commun avec les concerts offerts en passe-temps aux
consommateurs de bière et de café. Le concert d'aujourd'hui est con-
sacré à la bienfaisance, et le produit en est destiné à la maison des
vieillards du dixième arrondissement. Mme Ugalde a bien voulu con-
courir à cette bonne œuvre, en y chantant plusieurs morceaux, et
entre autres son fameux air des Bavards.
*** Béatrice et Benedkt, l'opéra shakspearien de Berlioz, est à l'étude
au théâtre royal de Stuttgart.
„** La première représentation, en Allemagne, de Lara, de Maillard,
a eu lieu le 29 octobre au théâtre de Leipzig. L'ouvrage a obtenu du
succès à la représentation, mais il est sévèrement traité par la cri-
tique.
*% Le musée instrumental du Conservatoire, acquis de M. Clapisson,
sera désormais ouvert au public tous les jeudis, de midi à 4 heures.
*** Le 15 courant la société du Grand Concert, sous la direction de
Félicien David, va commencer ses travaux d'installation qui dure-
ront environ un mois. Le comité artistique est composé de MM. Ber-
lioz, F. David, Gevaert, V. Massé, prince de Polignac, prince Ponia-
towski et Edouard Itodrigues. Aux termes du programme qui vient
de nous être envoyé, le Grand Concert aura, avant tout, un caractère
essentiellement international et universel, en ce sens que ses program-
mes comprendront tous les morceaux les plus remarquables des maîtres
de tous les pays, de tous les temps, de toutes les écoles, et qu'ils
devront offrir, dans leur infinie variété, des spécimens de tous les gen-
res : symphonies, symphonies avec chœurs, odes-symphonies; frag-
ments d'opéras, de messes, d'oratorios ; ouvertures, chœurs, canta-
tes, etc., en ayant soin de n'admettre que des œuvres d'un mérite
incontestable et d'un effet certain. Enfin, après avoir donné à son orches-
tre, à ses chœurs, une large organisation, la société du Grand Concert
adressera un appel à tous les maîtres, français ou étrangers, et les
invitera à venir diriger, en personne, l'exécution de leurs œuvres.
**, On annonce l'arrivée à Paris d'une excellente cantatrice polo-
naise, Mme Frederici-Jakowicka, élève de M. Julien Dobrski, professeur
de chant à l'Institut musical à Varsovie. Cette jeune dame qui possède
une très-belle voix de soprano, très-accenluée et très-dramatique, a
été entendue par M. Auber, directeur du Conservatoire impérial de
musique. L'illustre compositeur a témoigné plusieurs fois à Mme Ja-
kowicka sa satisfaction sur sa méthode et la pureté de son goût. Nous
espérons qu'elle se fera entendre en public avant son départ.
„.*„. Le célèbre compositeur anglais Balfe, auteur de la Bohémienne,
vient d'arriver à Paris, où il compte passer l'hiver. On sait que sa fille,
Mlle Victoria Balfe, qui avait quitté la carrière théâtrale pour épouser
lord Crampton, ambassadeur d'Angleterre à Saint-Pétersbourg, après
avoir obtenu son divorce, vient d'épouser le duc de Frias, grand
d'Espagne et cousin de la reine d'Angleterre.
**„ On se rappelle le succès qu'obtinrent il y a deux ans, aux con-
certs Musard, plusieurs compositions de danse, et entre autres l'express-
train de M. Arthur Kalkbrenner. Le jeune compositeur est de retour à
Paris, après avoir passé en Bretagne ces deux années à mûrir ses études
musicales, et à composer, dit-on, la partition d'un opéra en trois actes.
„*„ L'éditeur qui partage avec Iîicordi la suprématie du commerce
de musique en Italie, M. Francesco Lucca, est depuis huit jours à Paris.
*% Les journaux de Berlin annoncent le retour dans cette ville de
l'éminent pianiste Ch. Wehle, après un long voyage en Afrique, aux
Indes et à Batavia. Nous avions déjà, il y a quelques mois, annoncé son
retour lorsqu'il passa par Paris. SJ. Wehle compte séjourner quelque
temps à Berlin.
„** L'inauguration solennelle du grand orgue construit par MM. Mer-
klin-Schulze pour la ravissante église de Notre-Dame de Liesse a eu lieu
jeudi dernier. Le succès de ces habiles facteurs a été complet, ainsi
que celui de MM. Edouard Batiste, l'éminent organiste de Saint-Eustache,
et Grison, le nouvel organiste de la cathédrale de Reims, qui étaient
chargés de faire entendre les nombreuses ressources de ce délicieux
instrument.
**% La société pour l'encouragement de l'art musical en Hollande
avait mis au concours cette année une symphonie à grand orchestre.
C'est M. E. Chaîne, l'éminent violoniste-compositeur, qui vient d'être
couronné en premifre ligne avec mention honorable, pour sa première
symphonie en fa. Cette œuvre , qu'on a jugée très-remarquable, sera
exécutée cet hiver dans un des grands festivals ou concerts populaires
de la Hollande. Nous constatons ce succès que vient de remporter
M. E. Chaîne avec d'autant plus de plaisir que les symphonistes fran-
çais sont rares.
n% L'éminent compositeur, M. Jules Benedict, à Londres, vient d'être
décoré par S. M, le roi de Wurtemberg de l'ordre de la Couronne.
Cette décoration, une do celles qui ne se prodiguent point, confère en
même temps au récipiendaire des titres de noblesse.
+*% Mlle Murska, l'une des brillantes élèves de Mme Marchesi, est
engagée à Vienne et pour l'été prochain au théâtre de Sa Majesté à
Londres. Mme Dory et Mlle Fabbrini, deux autres de ses élèves, sont
engagées, l'une à Barcelone, et l'autre à Odessa, où elles chanteront
cet hiver.
*** L'exposition internationale de Bayonne a été close le 29 sep-
tembre, par la distribution des récompenses accordées aux exposants.
— Dans la partie industrielle, M. Henri Herz et M. Adolphe Sax, pour
leurs instruments de musique, ont obtenu des « diplômes d'honneur. »
**,,, M. Braga, l'éminent violoncelliste, est de retour à Paris.
**„. Un roi tenant sur les fonts baptismaux l'enfant d'un simple mu-
sicien, est certainement un fait assez rare, et qui, à ce titre, mérite
d'être enregistré. C'est S. M. le roi de Hanovre qui vient d'accorder
cette faveur au violoniste Joachim.
„.** La vogue est toujours au charmant théâtre Robin, et la salle de-
vient trop petite pour la foule qui s'y presse tous les soirs. Ce succès
s'explique par l'attrait d'un spectacle on ne peut mieux choisi. Tous
les soirs, des bravos unanimes accueillent les curieuses expériences
scientifiques que M. Robin exécute avec les bobines Ruhmkorff et la
nouvelle machine pneumatique. Rien de plus intéressant et en même
temps de plus instructif que ses tableaux animés de l'astronomie po-
pulaire. La composition mécanique de ces tableaux est si ingénieuse
et les explications qui les accompagnent sont si claires et si précises
que les esprits les, moins exercés peuvent comprendre du premier coup
toutes les merveilles du ciel. Vulgariser la science, c'est le mot d'ordre
du théâtre Robin.
t% M. de Kustner, avant l'avènement de M. de Hulsen, et pendant
de longues années intendant des théâtres royaux de Berlin, vient de
mourir à Dresde, à l'âge de quatre-vingts ans.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
„*„ Reims. — Le concours pour la place de premier organiste de
notre cathédrale vient d'avoir lieu. Le jury était composé de M. l'abbé
Régnier, de Nancy ; de M. Lefébure-Wely, organiste de Saint-Sulpice ;
de M. Edouard Batiste, organiste de Saint-Eustache, professeur au Con-
servatoire impérial de musique, et de M. Robert, maître de chapelle de
notre métropole. Le jury avait tenu à ne connaître ni les noms des
concurrents ni l'ordre dans lequel ils subiraient les épreuves. Dix con-
currents sont entrés en lice, après avoir entre eux tiré au sort une
lettre de l'alphabet. Le jury, à l'unanimité, a déclaré première la let-
tre A, deuxième la lettre K, et ex-equo, comme ayant mérité une men-
tion honorable ou d'encouragement les lettres B, D, I, L, 0. La concur-
rent A, qui vient d être nommé organiste du grand orgue, est M. Grison.
de Reims ; la lettre K était M. Dallier, également de Reims. Il est à
remarquer pour l'honneur de notre ville que deux autres artistes ré-
mois, M. Auguste Carré (D), et M. E. Duval (0), ont aussi mérité
d'être remarqués par le jury.
„*« Strasbourg. — Le public n'a que des remerciments a adresser à
la direction de notre grand Théâtre pour le soin qu'il a mis à compo-
DE PARIS.
359
ser son personnel et celui qu'il apporte à la bonne exécution des ou-
vrages du répertoire. Norma, le Toréador, le Maître <lc Chapelle, la Dame
blanche, Rigoletto, les Dragons de Villars, ont fait tour à tour valoir
Mmes Lustani-Mendez, Mlle Durand, Mlles Vois et Collignon, et MM. War-
nots, Marchot, Carman et Puget, qui composent le gros de la troupe
actuelle. Les Dragons de Villars, le charmant opéra de Maillart, sont
toujours accueillis avec grande faveur. — On nous annonce pour cet
hiver la représentation d'un opéra-comique inédit, dont notre ténor lé-
ger, M. Henri Warnots, a composé la musique. — Nous apprenons aussi
qu'un opéra dont M. Aug. Lippmann, notre compatriote, a écrit la
partition et qui a pour titre : les quatre Neveux de l'andolfe, paroles de
M. Vallièro, vient d'être choisi pour être joué sur le théâtre de Bade, par
le comité chargé de désigner les pièces dignes de cette préférence.
*** Lyon. — Notre grand théâtre est entré en possession d'une ex-
cellente troupe d'opéra et d'opéra-comique. Mme Soustelle, Mme Vadé,
Mlle Marimon, Mlle Dupuy, Mlle SmitzErambert ; MM. Dulaurens, Mel-
chîsedec, Perié, Ch. Achard, P.arielle, Mirai, composent un très-re-
marquable ensemble qu'on a pu successivement apprécier dans le Songe
d'une nuit d'été, la Fille du Régiment, la Favorite et les Huguenots. Du-
laurens (Raoul), Mme Soustelle (Valentine), M. Perié (Marcel), Melchi-
sedec (Nevers), et Barielle (Saint-Bris), Mlle Dupuy (Marguerite), ont
interprété le chef-d'œuvre de Meyerbeer de façon à satisfaire les plus
difficiles et à provoquer de légitimes applaudissements. Le talent de
Mlle Marimon lui a promptement concilié les sympathies du public, et
les rôles de la reine Elisabeth et de la fille du Régiment ont été pour
elle un véritable triomphe ; Mme Cabel ne pouvait être plus dignement
remplacée.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
t*% Londres. — La première représentation de Helvellyn, le premier
opéra vraiment anglais donné par le théâtre royal anglais de Covent-
Garden, établi expressément dans ce but, a eu lieu hier, jeudi. Le sujet
sur lequel M. Oxenford a très-habilement bâti son livret, est tiré du
drame allemand de Mosenthal, der Sonnenivendhof ; il est très-attachant,
et, ce qui est l'essentiel, il fournissait au compositeur des situations
musicales et des scènes émouvantes. M. Macfarren a su en tirer le meil-
leur parti, et le succès de la première représentation a été très-grand.
Quatre morceaux ont été bissés, et l'on a rappelé le compositeur à la
fin du premier acte. Le même honneur a été prodigué, à la chute du
rideau, à tous les artistes occupés dans l'ouvrage, y compris M. Mellon,
le chef d'orchestre, et M. Barris, le directeur de la scène. Les décora-
tions, les costumes et la mise en scène en général, ont, du reste, été
admirables; et sans que l'affiche eût eu besoin de l'annoncer, on s'aper-
cevait bien que M. Uarris avait passé par là. Le mérite de la partition
pourra être contesté, mais non celui de la mise en scène. — On vient de
publier la liste des compositions de L. Engel, l'organiste, qui a obtenu
dernièrement de si beaux succès à Vienne et à Madrid. 11 n'apaspublié
moins de 62 compositions originales pour l'orgue, 255 fantaisies et
transcriptions; 3 trios, 4 4 duos pour piano et orgue, et une série de
morceaux pour piano et chant. Qu'on dise, après cela, que l'Angleterre
est le pays du far nièrite pour les artistes !
„** Weimar. — Béatrice et Bcnedict, de Berlioz, est toujours l'ouvrage
qui se joue avec l'intérêt le plus soutenu sur notre théâtre grand-du-
cal. Le duo-nocturne entre Héro et Ursule est un de ces morceaux qui
suffisent seuls pour immortaliser une œuvre d'art; Mme Podolski (lléro),
lime de Milde (Béatrice), et M. Kopp (Benedict), contribuent grande-
ment, par leur interprétation excellente, au succès de l'œuvre originale
du maître français.
**„, Cologne. — La Société des concerts du Gurzenich vient d'inau-
gurer la saison de l'hiver par l'exécution de l'oratorio de Ferdinand
Hiller, la Destruction de Jérusalem, ouvrage d'un grand mérite et qui a
été supérieurement rendu sous la direction du compositeur. — Notre
compatriote, M. Ch. Halle, après ses concerts à Leipzig et à Hanovre,
et avant de retourner à son poste, en Angleterre, nous a consacré une
soirée dans laquelle l'éminent artiste nous a fait entendre les œuvres
pour piano de Scarlatti, Beethoven, Bach, Chopin et Heller. Charles
Halle a tenu seul le piano pendant toute la soirée, l'intérêt cependant
n'a pas langui un seul instant.
„.% Berlin. — On ne saurait trop louer l'entreprise de notre maître
des concerts, le vénérable Hubert Ries, qui a pour but de faire enten-
dre, sous le patronage et devant un auditoire choisi, des compositions
nouvelles de musique de chambre. Dans l'une des dernières de ces
séances intéressantes , le quatuor en mi bémol de Ernst a eu tous
les honneurs. La Gazette musicale rend compte aujourd'hui même de
ce quatuor et de son exécution à Paris; nous n'avons donc pas be-
soin d'insister à cette place sur le mérite de la composition, mais nous
tenons à constater qu'à Berlin aussi bien qu'à Paris et à Londres, l'œu-
vre du sympathique artiste a été entendue avec le plus vif intérêt.
C'est une œuvre pleine de force et de vie, et personne ne se douterait,
en l'entendant, que celui qui a écrit ces pages si fraîches et si origi-
nales est, hélas ! cloué depuis des années sur un lit de douleur.
M. Hubert Ries lui-même, tenait le premier violon, et sous sa direction
l'exécution ne pouvait être que parfaite. Ses partenaires d'ailleurs,
MM. F. Ries, Kahle et Rohne rivalisaient avec le .maître et se sont ac-
quittés admirablement d'une tâche ardue, car les parties de ce qua-
tuor laissent suffisamment voir qu'il a été écrit par un virtuose de pre-
mière force. — M. de Bulovv nous quitte ; il est appelé à Munich
comme pianiste particulier (Vorspieler) du roi de Bavière. M. de Bulow,
grand virtuose, du reste, est un des adeptes les plus fervents de l'é-
cole de Richard Wagner que Sa Majesté bavaroise paraît tout spécia-
lement vouloir prendre sous sa protection, puisque un des premiers
actes de son règne a été d'appeler dans sa capitale M. Richard Wagner
lui-même. — M. de Bronsart remplace M. de Bulow comme chef d'or-
chestre des concerts de la Société des amateurs.
**„, Milan. — Vers la mi-novembre le théâtre Carcano va rouvrir ses
portes pour la saison d'automne et de carnaval. La salle a été res-
taurée et embellie. La troupe se compose de Mmes Ponti Dell'armi, Siebs,
Varesi, prime donne; Giuseppina Lemaire, contre-alto; MM. Dell'armi,
Stecchi-Bottardi, ténors; Baraldi, Varesi, barytons; Garcia, Rebottaro,
basses; bouffe, Enrico Toppai. Les premiers ouvrages qui seront joués,
sont : Un Ballo in maschera, Roberlo il Diavolo, Mose, Marta, Norma,
Linda di Chamouni, Memorie del Diavolo, du maestro Sozzi, écrit expres-
sément pour cette scène.
„,*., Naples. — Le théâtre San Carlo donnera cette saison, c'est-à-dire
du 5 novembre jusqu'à la fin d'avril, quatre-vingt-huit représentations,
à raison de trois par semaine. Outre le répertoire courant, on montera
trois ouvrages nouveaux, dont l'un écrit spécialement pour ce théâtre,
s'appelle Celinda, dn maestro Petrella ; Maria-Staarda, de Donizetti, et
Marta, de Flotovv. On donnera, en outre, trois ballets, dont deux en
cinq actes, Velleda, la Comtesse d'Egmont et Ariella. Les sujets engagés
sont : Emilie Lagrua et Luigia Perelli ; de Ruda et Crescimanno, prime
donne; Laura Caracciolo, contre-alto; Mirate, Ruggiero Sirchia, Tasca
de Cappellio, ténors; de Bassini, Guicciardi, Ferri, barytons; Atri,
Arati, basses. — La troupe est donc excellente, et nous promet une
bonne saison théâtrale.
Le Directeur : S. DDFOl'R.
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La Barque légère.
I Le Trappiste.
Les Souvenirs.
| Sur le Balcon.
Délire.
A une jeune mère.
Le Poète mourant.
I La Fille de l'air.
Fantaisie.
La Chanson de maître Floh.
La Folle de Saint-Joseph.
Au Tombeau de Beethoven.
Suleîka.
Le Baptême.
Sicilienne.
Prière d'enfants.
Vœu pendant l'orage.
Printemps caché.
Le Pénitent.
Marguerite.
La Dame invisible.
Feuilles de roses.
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Lorsque Meyerbeer fut si soudainement enlevé a l'art qu'il illustrait, pas uu des abonnés de la Galette
musicale ne faillit à payer son tribut de regrets à l'immortel auteur des EBvtgwenois. Sons sommes donc
bien certains qu'en leur offrant aujourd'hui, EN PBI1IE, un magnifique porirait du maître, accompagné de la
collection transcrite pour piano de ses QUARANTE MÉLODIES, arrangées exprès poui' celte occasion, par
un professeur et un artiste dont la valeur et le mérite n'ont pus besoin d'éloge, II. .Imïiih: HEKEADS , qui a
voulu lui-même honorer la mémoire de Meyerbeer en faisant ce travail, nous sommes bien certains, disons-
nous, d'avoir choisi ce qui pouvait leur plaire le mieux. — D£s le 1er décembre, nous mettrons donc a leur
disposition ce beau volante Inédit et le portrait, auxquels nous ajoutons UN ALBUM DE DANSES, du aux meil-
leurs auteurs de ee genre de musique.
362
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de. l'Opéra-Comique : le Trésor de Pierrot,
opéra-comique en deux actes, paroles de MM. Cormon et Henri Trianon, mu-
sique de M. Eugène Gautier, par Léon Durocbcr. — Théâtre impérial
Italien : VElisire d'amore, de Donizetti ; Adelina Patti dans le rôle d'Adina ;
divertissement, par Paul Smith. — La musique et la société française au
xvme siècle (4° article), par Em. Mathieu de Monter. — Devienne
(7«et dernier article), par Arthur Pougin. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE HftPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
I>E TRÉSOR D9B PIERROT,
Opéra-comique en deux actes, paroles de MM. Cormon et Henri
Tbianon, musique de M. Eugène Gautier.
(Première représentation le 5 novembre 1864.)
Ce Pierrot-ci n'est pas l'amant enfariné de Colombine. Il est paysan
de naissance, jardinier de profession, et, de plus, il est fiancé à
la jolie Lucette, à laquelle il a promis mariage. Faut-il même que je
dise toutes les circonstances qui vont aggraver les torts de Pierrot?
L'union" tant désirée est près de s'accomplir. Le curé est averti, et
prépare son conjungo, la cloche va se mettre en branle, et Lucette
fait sa toilette de mariée quand Pierrot, dont les laitues ont soif, se
met en devoir de les abreuver, en attendant l'heure de la cérémonie;
car Pierrot est un homme d'ordre. Or, que ramène-t-il du puits, au
lieu de la demi-voie d'eau qu'il y cherche? un coffre de fer. Et que
trouve-l-il dans ce coffre? des louis d'or! Le coffre en est plein!
Voilà Pierrot, le jardinier, cent fois, mille fois plus riche que le cé-
lèbre savetier qu'a si agréablement chanté la Fontaine. Il emporte,
il cache soigneusement son trésor, qui, naturellement, fait chez lui
bien plus de ravage que les cent écus du financier n'en firent chez
le savetier son voisin. « Quels beaux cadeaux je vais faire à Lu-
cette! Des cadeaux? non. Cela ferait jaser. On découvrirait bien vite
que je suis riche, et l'on ne tarderait pas à me voler. De la pru-
dence, et point de cadeaux ! D'ailleurs, Lucette n'a rien. Ce matin,
en l'épousant, je faisais un mariage convenable, mais tout est bien
changé. Si je l'épousais maintenant, je ferais une sottise, car je puis
aspirer aux partis les çlus brillants. » C'est Chrysanthe, son riche voi-
sin, qui lui fait venir à l'esprit ces réflexions judicieuses, en lui of-
frant la main de sa fille Florise. — Chrysanthe a pour cela des
raisons secrètes qui m'ont paru fort contestables, mais que je sup-
prime afin d'abréger. 0 puissance de l'or ! en moins d'une heure,
Pierrot, le bon, l'honnête, l'insouciant Pierrot, qui avait le cœur sur
la main, et qui, n'ayant rien à perdre, ne se souciait de personne,
devient avare, inquiet, soupçonneux, ambitieux, coureur de dots, in-
fidèle, grossièrement déloyal, et disposé à tout faire pour grossir son
magot. Il repousse brutalement Lucette, dont les larmes l'importunent
au lieu de l'attendrir. Florise vient lui notifier qu'elle ne l'aime pas,
qu'elle en aime un autre, que si, se prévalant de l'entêtement d'un
père insensé, il s'obstine à l'épouser malgré elle, elle continuera
d'aimer l'autre, et qu'il peut s'attendre à tout. Cette déclaration l'é-
branle un moment : mais bientôt il reprend courage. « Bah! bah!
n'y a-t-il pas une dot ? Palpons d'abord la dot, après nous verrons ! »
— Voilà où la richesse a conduit Pierrot, qui ne revient à lui que
lorsqu'il voit Lucette se diriger vers l'église, au bras d'un dragon
qu'elle fait semblant d'épouser. La jalousie dissipe toute cette fumée,
et Pierrot renvoie au fond du puits le trésor qui lui a fait tant de
mal. C'est le beau mouvement de Robinson Crusoé.« Vil métal, etc. »
Mais Pierrot n'étant pas, comme Robinson, dans une île déserte,
pourrait, je crois, faire de sa trouvaille un usage plus utile à Lucette
et à sa future famille.
Tout cela n'est, comme on voit, qu'une bouffonnerie. Cette bouf-
fonnerie manque un peu son effet, parce que M. Montaubry, qui est
chargé du rôle de Pierrot , n'a pas les habitudes scéniques de
MM. Saint e-Foy ou Berthelier, et qu'il n'a pas été donné à tout co-
médien de se transformer à volonté. Il aurait fallu pour cela le coup
de baguette d'un magicien. Ce magicien ne s'étant pas rencontré,
M. Montaubry est demeuré acteur sérieux et raisonnable, malgré qu'il
en eût, plein de bonne volonté d'ailleurs, et montrant beaucoup
d'intelligence. Mais la nature, évidemment, ne lui a pas donné ce je
ne sais quoi qui fait les acteurs comiques, et qu'avait à une si forte
dose M. Arnal.
S'il joue trop sérieusement son rôle, en revanche, il le chante très-
agréablement, — quand il ne pousse pas sa voix trop fort, par
exemple, dans son duo comique avec le dragon son rival, et surtoutdans
une très-jolie romance: Ainsi qu'un chien fidèle, etc., que chante
Pierrot quand l'amour se réveille dans son cœur. Il y a là tout ce
qu'on peut souhaiter : une mélodie élégante, expressive, un accom-
pagnement harmonieux, une instrumentation colorée, des modula-
tions très -heureuses, un style dont le tour ancien, sans être vieillot,
a presque tout le piquant de l'originalité. La scène où Pierrot est
déshabillé malgré lui, et habillé en cadence par une troupe de tail-
leurs, vient tout droit de Molière, mais elle donne lieu à un morceau
d'ensemble bien fait. Le duo de Pierrot et du dragon, dont je par-
lais tout à l'heure, a beaucoup de gaieté, ainsi qu'un trio que l'on
entend avec plaisir au commencement du premier acte. Le premier
air de Pierrot : L'eau du bon Dieu vaut bien le vin, la romance de
Lucette : Si je sais plaire, l'air de Pierrot, au commencement du se-
cond acte, sont moins heureusement trouvés : le chant y manque de
naturel, et l'expression en est faible.
Le finale du second acte n'a de remarquable que deux notes obs-
tinées de bassons, à une seconde de distance, qui figurent le tinte-
ment alternatif de deux cloches, et constituent d'ailleurs une assez
pauvre harmonie : cela ne suffit pas pour relever une mélodie qui,
par elle-même, n'a rien de saillant. Il y a, en avant du second acte,
une pièce symphonique interminable, et dent l'intérêt ne compense
pas la longueur. Les auteurs gagneraient beaucoup, ce me semble, à
raccourcir ce morceau. Tout n'est donc pas à louer, tant s'enfaul,
dans le Trésor de Pierrot, et cette partition n'ajoutera rien à la
réputation de son auteur ; M. Gautier demeurera ce qu'il était avant
de la faire, un musicien instruit, habile, médiocrement mélo,
diste, mais très- intelligent des exigences du théâtre et très-spi-
rituel.
J'ai déjà parlé de M. Montaubry. Mmes Monrose et Tuai le se-
condent de leur mieux, ainsi que MM. Prilleux et Potel. Peut-être
M. Potel charge-t-il un peu trop le rôle de l'officier de dragons, sur-
tout à côté de M. Montaubry, qui, pour sa part, n'a rien d'excen-
trique.
Léon DUROCHER.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
WSElisire tVamore , de Donizetti.
Adelina Patti dans le rôle d'Adina. — Divertissement.
L'Élisire d'amore fut composé pour Naples en 1832, mais cet opéra
ne parvint au théâtre Italien de Paris qu'en janvier 1839, fort peu de
temps après Roberlo Devereux. C'est encore aujourd'hui dans le
même ordre que nous reviennent ces deux ouvrages si différents de
caractère et d'effet. On a souvent raconté comment s'improvisa la
musique de VElisire, sur un libretto presque littéralement traduit de
notre Philtre français. Donizetti n'avait pris que la peine d'écrire
au courant de la plume la plus facile, et sans se soucier beaucoup
d'aligner symétriquement ses morceaux, tandis que dans la partition
d'Auber il y avait beaucoup plus d'art, de combinaison, de soin.
DE PARIS.
363
Paris et Naples se reflétaient parfaitement dans le Philire et dans
l'Elisire, qui, tout d'abord, se recommandaient par un goût du ter-
roir des plus prononcés.
Ce qui généralement nuit le plus au succès des reprises, c'est le
souvenir des grands artistes qui ne sont plus là pour les soutenir. Nous
concevons très-bien qu'après Garcia, on ne puisse tolérer personne
dans le rôle de Don Juan, ni après Rubini dans celui d'Ottavio. Par
la même raison, Lablache a laissé dans l'Elisire un vide immense.
Où chercher le pareil de cet incomparable charlatan ? L'excellent
Tamburini prêtait aussi au sergent Belcore une physionomie parfaite.
Heureusement, les deux autres rôles, celui d'Adina et de Nemorino,
confiés dans l'origine à Mme Persiani et à. Iwanoff, n'avaient pas été
rendus de manière à désespérer leurs successeurs. Mario n'avait pas
tardé à se montrer dans celui de Nemorino, et l'on peut dire même
que ce rôle fut la porte par laquelle le célèbre ténor, élevé par et
pour le grand opéra français, s'échappa pour rentrer dans sa patrie,
et se vouer désormais au genre italien. Les deux théâtres étaient alors,
non plus dans la main de l'Etat, mais sous le protectorat du même
financier, qui trouvait peut-être son compte à regagner d'un côté ce
qu'il s'exposait à perdre de l'autre.
Lablache, Tamburini, Mario, voilà les trois meilleures incarnations
des rôles de Dulcamara, de Belcore et de Nemorino. Restait toujours
celui d'Adine qui n'avait pas encore rencontré son complet idéal, et
qui ne le cherchera plus, maintenant qu'AdelinaPatti l'a marqué à son
effigie. On peut tout critiquer, tout amoindrir ; c'est un des plaisirs
que rien n'empêche de goûter, quand on en est friand ; mais on aura
beau dire et beau faire, on n'induira jamais le public à se boucher
les yeux et les oreilles, à ne pas aimer ce qui est aimable et char-
maDt, à ne pas admirer ce qui est admirable. Le public européen ne
s'est pas trompé sur le mérite si neuf et si original, sur les qualités
si rares et si imprévues de cette individuaiité artistique ayant nom
Adelina Patti. Nous ne la plaçons au-dessus de nulle autre, mais
nous affirmons aussi qu'elle ne ressemble à nulle autre, sans faire le
moindre tort aux. Sontag, auxMalibran, aux Frezzolini, et tutti quanti.
Nous nous félicitons de posséder, après tant d'illustrations passées,
l'illustration présente, jeune et radieuse d'Adelina Patti. Le rôle de
la coquette Adine lui a fourni l'occasion de déployer tout son arsenal
de séductions spirituelles et de malices provoquantes. Le pauvre Ne-
morino n'est que trop excusable de vendre sa liberté pour conquérir
un tel trésor. Il donnerait son âme par-dessus le marché qu'on serait
encore obligé de l'absoudre. Naudin nous semble avoir un peu trop
confondu dans son regard, dans ses gestes le mendiant d'amour avec
le mendiant vulgaire, mais au moment où, moyennant finance, il se
croît enfin sûr de se faire aimer, il a eu le plus joyeux réveil : il a
dansé de toute sa personne, le cœur y compris, et la gaieté qui s'est
communiquée à toute la salle a démontré l'intérêt qu'elle prenait au
personnage. Comme chanteur, il s'est signalé dans les deux duos et
encore plus dans la délicieuse romance : Una furtiva layrima, par
laquelle la réputation de Mario a commencé à s'établir. Scalese joue
et chante fort rondement le rôle de Dulcamara, mais Antonucci, dans
celui de Belcore, nous semble un peu trop grave et trop sombre.
Dimanche dernier, après l'opéra, venait un divertissement, dont
le moindre tort était, selon nous, d'allonger beaucoup le spectacle.
Jusqu'à présent la danse n'avait pas joui d'une grande faveur : on
venait au théâtre Italien pour entendre et non pour voir. L'oppor-
tunité d'un changement se faisait-elle vivement sentir ? Nous ne sa-
vons trop et, cette opportunité admise, le divertissement, dont nous
avons eu les prémices l'autre jour, satisfait-il aux conditions d'une
scène de premier ordre ? Nous doutons encore, et même, s'il faut
le dire, nous croyons qu'il eût fallu ne présenter à un public habitué
aux chefs-d'œuvre qu'un choix de scènes exquises et d'artistes d'une
haute distinction. Au lieu de cela, nous avons vu quelque chose
d'indécis, de vague, d'inexplicable sans programme, et de tant soit
peu ridicule, le programme à la main. Du reste, nous nous en rap-
porterons volontiers au public, dont l'opinion se traduit toujours en
chiffres éloquents. Si le divertissement lui plaît, s'il se sent pris d'un
certain émoi à l'aspect des gracieuses évolutions de Mmes Urban,
GrédelueMérante, et de plusieurs autres, il en répandra la nouvelle,
et l'on accourra sur sa foi ; si au contraire il lui arrive, comme à
nous, de penser et de dire : La danse n'est pas ce que j'aime, on le
saura bien, vite, et rien n'est plus facile que d'émonder une luxuriance
inutile, et de supprimer d'un coup de serpe un accessoire sans au-
cune liaison intime avec le principal.
Paul SMITH.
Là MUSIQUE ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AD XVIÏI SIÈCLE.
(4e article) (1).
II.
A côté de ces coureurs intrépides de fêtes musicales, de ces ama-
teurs intelligents, de ces vaillants « disciples d'Apollon, » comme on
disait alors, le xvnr3 siècle vit des existences fastueuses briller, pas-
ser et s'éteindre, escortées de magnificences artistiques inouïes. Ces
princes de la naissance et de la fortune réalisèrent des rêves lyriques
et dramatiques près desquels pâlissent les féeries de Versailles, et
qui laissent derrière eux dans l'histoire comme un sillage éblouis-
sant.
Comment raconter, par exemple, les fêtes que Samuel Bernard
donne pour le mariage de sa fille avec le président Mole ? Dans les
jardins, Servandoni a construit et décoré une salle de spéciale, une
salle de concert, une salle de bal. Festons et astragales, arcades,
colonnes, devises, allégories, médaillons, cartels, bas-reliefs et tro-
phées! tout un numéro de la Gazette de Francs (octobre 1733) est
rempli de la description de ces merveilles. Après le spectacle, les
symphonies. 11 y en a trois — Samuel Bernard a voulu, sans doute,
faire de l'esprit — : l'une de violons, de hautbois et de flûtes (pour
les personnes agitées apparemment) ; l'autre, de trompettes et de
tambours (à l'adresse des militaires ou des invités mélancoliques); la
troisième de cors de chasse (réservée aux chasseurs et aux sourds) .
Entre Samuel Bernard et Bonnier, l'un des plus gros financiers de
France, et qui avait payé 50,000 écus le droit d'avoir un Suisse à sa
porte, c'était une lutte courtoise de merveilles musicales. Magnifi-
que, généreux, content de lui et des autres, aimant la vie large et
ses aises, Bonnier, marquis de Mousson, était enthousiaste d'opéra,
de chant, de beaux yeux et de belles voix. Il donnait des concerts
comme le roi Louis XV n'en avait pas à sa cour. Dans des bibliothè-
ques de bois violet et satiné, les partitions étaient rangées, et l'on
posait les pupitres sur des tables de marbre, dans les pieds dorés
desquelles couraient des chasses fouillées par Pelletier. « Il avait
l'Opéra chez lui, — écrivent MM. de Goncourt, ces charmants et
ingénieux cicérones des beaux-arts au xvm° siècle, — et quel Opéra!
le plus riche et le mieux machiné des Opéras; un Opéra qui com-
mençait au débrouillement du chaos pour finir à l'apothéose des Jeux
et des Ris ! un Opéra dont le premier acte tirait Neptune du fond
des eaux, sur son char attelé de quatre chevaux marins; dont le
second montrait le palais du Soleil, ses colonnes de lapis enguirlan-
dées d'or, et le Soleil couronné des douze Heures du jour, sur un
trône de lumière entouré des Saisons ; dont le troisième faisait des-
cendre le Soleil sur la terre, et dont le dernier donnait une fêle de
volupté, le triomphe de l'Olympe, et des Grâces et de Vénus! Un
jouet et un miracle; cet Opéra à volonté, cette scène de 18 pouces
de large sur 15 de haut, une miniature de 1,500 livres pesant,
(1) Voir les n ■ 42, 43 et 44.
364
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
que d'une seule main Bonnier pouvait amener sur quatre roulettes.»
Quand le printemps souriait dans le ciel bleu, Bonnier partait
pour sa terre de Mousson, une Cythère :
L'on n'y boit que dans un verre
Qui sert à l'Amour de carquois.
Et les harmonies lassaient les échos, et sous l'ombrage se prolon-
geait le bruit des instruments, et les plus jolies chanteuses chantaient
avec le plus frais de leur sourire et le plus beau de leur gosier.
De Mousson, la grande société dilettante allait à Chambord, où le
maréchal de Saxe, sous les yeux orangés de Mme de Sens, une
Condé, menait grand train, avec un corps de musique, des danseuses
italiennes et allemandes et des cantatrices de Favart. Aux intrépides
que la traversée de la Manche n'effrayait pas, le duc de Kingston
offrait la royale hospitalité de son château de Thoresby. On re-
trouvait là une Parisienne, artiste jusqu'au bout de ses ongles roses,
Mme de la Touche. Un orchestre de cent musiciens jouait sur les
tapis de verdure et dans les cirques naturels du Nottingham. Pour
les concertos, on avait l'ombre des vieux chênes et les bords de la
petite rivière. Charmant décor de ces harmonies charmantes !
Celaient là les étapes des voyages de printemps et d'automne.
L'hiver revenu, on se pressait aux fêles de l'hôtel de Soissons. L'O-
péra y venait en représentation chez son directeur, ce prince de
Carignan vivant glorieusement et impudemment sur 5 millions de
dettes. Chez lui, les ballets se répétaient et les Nouvelles à la main
racontent ses concerts: « — 3 mars 1736. — On fit hyer la répéti-
tion, chez M. le prince de Carignan, d'un opéra dont une jeune fille
de dix-huit ans a fait la musique. Cette fille, qui a un génie parti-
culier pour la musique, est connue à Paris sous le nom de la Cons-
titution, parce qu'elle est fille naturelle, à ce qu'on prétend, du
nonce du pape qui a apporté en France la constitution unigenilus et
de la Duval, danseuse à l'Opéra... M. le prince de Carignan nous
donne toutes les semaines des concerts chez luy, où Mlle Vanloo
paraît tous les jours un nouveau phénomène. La musique de ce
prince est parfaite, et tous les grands gourmets y viennent assidue-
ment. »
Chansons dans le nuage et chanteurs au tombeau ! Un soir, à la
fin d'un concert, M. de Carignan se laissa mourir. Ses musiciens et
ses créanciers ne touchèrent qu'une épigramme :
Cy-gist dans la tombe funèbre
Uu Savoyard juste et célèbre,
Grand protecteur de l'Opéra,
Qui des produits d'ul, ré, mi, fa,
Savait grossir son revenu..., etc.
Em. Mathieu DE MONTE!"..
{La suite prochainement.)
DEVIENNE.
(7° et dernier article) (1).
Devienne fut donc, lui aussi, une des victimes de ce Minotaure
éternel et insatiable qui s'appelle l'art. La lettre citée plus haut
nous apprend que les chagrins avaient ébranlé à la fois sa santé et
sa raison, et l'article qui précède nous fait voir qu'un travail exces-
sif ne fut pas non plus étranger à ce dérangement de ses facultés et
à sa mort prématurée.
Devienne en effet, ceci est constant, usa son corps dans un tra-
vail sans relâche et fit, pour nourrir les siens, beaucoup plus que
ses forces ne lui permettaient. Attaché, ainsi qu'on l'a vu, au théâtre
de Monsieur depuis sa fondation (1789), il y resta jusqu'à la fin de
(1) Voir les n" 31, 32, 39, 40, «1 et .'|5.
ses jours, en qualité de premier basson ; c'était là un esclavage bien
dur pour un homme dont l'imagination était sans cesse en travail
d'enfantement. De plus, son talent exceptionnel de virtuose lui avait
fait, à la création de l'Institut musical (16 thermidor an III — 3 août
1793) conférer un emploi de professeur de première classe à cet éta-
blissement, et lors de la création du Conservatoire proprement dit
(1er brumaire an V — 27 octobre 1796), il demeura à la tête de
sa classe de flûte, qu'il conserva aussi toute sa vie. Outre cela, il
donnait encore un grand nombre de leçons particulières. Mais tout
ceci n'est rien, et M. Fétis a grandement raison lorsqu'il dit : « Les
productions de Devienne sont en si grand nombre qu'on ne com-
prendrait qu'à peine sa fécondité, si l'on ne savait que, nonobstant
tous les devoirs que lui imposaient ses places et les leçons qu'il don-
nait, il travaillait ordinairement huit heures chaque jour. » On a
peine, en effet, à concevoir que la vie d'un homme — d'un homme
mort à quarante-quatre ans — ait pu suffire, en dehors du travail
ordinaire que lui imposaient ses divers emplois, à écrire dix opéras
et à composer l'énorme répertoire de musique de tout genre dont je
donne ici la liste très-sommaire.
Musique instrumentale. — Symphonies concertantes pour divers
instruments à vent, avec ou sans accompagnement d'orchestre,
n0s 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7. — La Bataille de Jemmapes (symphonie),
pour vingt instruments (1). — Ouvertures pour instruments à vent,
à l'usage des fêtes nationales, noS 1 , 2 , 3 , 4, 5, 6 et 7. — Con-
certos pour flûte, avec accompagnement d'orchestre, n°s 1, 2, 3, 4>
5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 (ce dernier, posthume). — Concer-
tino d'airs variés pour flûte. — Concerto de cor, avec accompagne-
ment d'orchestre. — Concertos pour basson, avec accompagnement
d'orchestre, n05 1, 2, 3, 4 et 5. — Quarante-deux quatuors pour di-
vers instruments, œuvres 1, 3, 16, 62, 66, 67, 73 et 75. — Soixante-
quatre trios pour divers instruments, en seize livres. — Cent
soixante-quatre duos pour divers instruments, œuvres 2, 5, 6, 7, 8,
15, 20, 21, 53, 64, 65, 67, 68, 69, 70, 78, 79, 81 et 84. —
Soixante-dix-huit sonates pour divers instruments, œuvres 14, 22,
23, 24, 28, 58, 68, 70, 71 et autres. — Deux suites d'airs variés
pour flûte. — Etude de flûte (en deux livres), contenant : le pre-
mier, « vingt petits airs et dix-huit duos à l'usage des commen-
çans; » le second, « six sonates, avec des préludes pour chaque
ton.» — Variations pour deux flûtes sur l'air le Réveil du Peuple. —
Pot-pourri pour flûte et violon. — Vingt airs pour deux flûtes. — ■
Ouverture de la Punition, de Cherubini, « arrangée pour harmo-
nie. »
Chant. — Romances d'Estelle (et Némorin), avec accompagne-
ment de piano et flûte. — Romances de Gonsalve de Cordoue, avec
accompagnement de piano et flûte ou violon. — Romances patrioti-
ques. — Première livraison de six romances, paroles de Labiée,
avec accompagnement de piano et harpe. ■ — Chanson républicaine
sur la mort d'Agricole Viala, paroles de Coupigny (2). — Hymne
au bonnet rouge (3). — Romances de Bsrquin (en collaboration
avec Martini, Dalayrac, Foignet, etc. — (Voir le Calendrier musical
de 1789, p. 253.)
Ouvrages divers. — Douze suites d'harmonies à huit et douze
(1) On a publié à Londres, du vivant de Devienne, un arrangement de ce mor-
ceau pour piano, violon et basse. J'ignore s'il en était l'auteur.
(2) Dans les « Ouvrages périodiques, à l'usage des fêtes nationales , par l'As-
sociation des artistes musiciens de la garde nationale parisienne; ac livraison, à
Paris, rue Joseph, section de Brutus. » — V le Journal de Paris du 21 messi-
dor an II (9 juillet 179a).
(3) « Ornée d'une jolie vignette dessinée et gravée par le C. Gaucher, paroles
du citoyen Hérivaux, musique du C. Devienne. Se vend au profit des indigens de
la section de Bonne-Nouvelle, rue de la Lune, n° 118, au bureau du Comité de
bienfaisance, » — V. le Journal de Paris du 3 prairial an II (22 mai 179a).
DE PARIS.
365
parties. — Méthode de flûte théorique et pratique, contenant tous
les principes, des petits duos et sonates faciles, ouvrage excellent,
dont on a fait un grand nombre d'éditions (1).
Devienne était aimé et estimé par tous ceux qui avaient été à
même d'apprécier son excellent cœur et ses hautes qualités. Lui
mort, chacun s'intéressa à la veuve et aux orphelins qu'il laissait sans
appui. Le gouvernement plaça son Cils aîné dans un lycée; et le
Conservatoire, auquel un arrêté du ministre de l'intérieur en date du
13 pluviôse an XIII (2 février 1805) avait accordé la faculté de créer
une caisse de secours pour les veuves et enfants de ses professeurs,
créa sa première pension en faveur de celle de Devienne. Picard,
alors directeur du théâtre Louvois, s'empressa d'organiser une re-
présentation au bénéfice de l'intéressante famille de son ancien col-
laborateur, représentation dont il fit connaître le retard involontaire
par cette lettre adressée aux journaux :
« Paris, ce 29 vendémiaire an 42.
« Nous comptions donner incessamment une représentation au
bénéfice de la veuve et des enfans de F. Devienne, professeur au
Conservatoire de musique. Des circonstances particulières nous for-
cent à la retarder.
» Nous croyons devoir prévenir les personnes qui s'intéressent à
la famille de cet aimable compositeur, et qui avoieni déjà retenu
des loges, qu'elle aura lieu sans remise dans les premiers jours du
mois de frimaire.
» J'ai l'honneur de vous saluer,
» Picard,
» Directeur du théâtre Louvois. »
Devienne, je le répète, était universellement aimé et estimé. L'a-
necdote que voici donnera nue idée de la douceur de son caractère.
Un jeune poëte, ou soi-disant tel, avait fait contre sa musique, mais
en prenant la précaution de ne le point nommer, une épigramme
assez mordante ; il eut la grossièreté de la présenter à Devienne, en
lui en demandant son avis. Celui-ci la lut et s'y reconnut aussitôt ;
alors, prenant une plume, il modifia quelques vers, écrivit en tête:
« Contre M. Devienne, » puis, la rendant à son auteur, il lui dit
tranquillement : « Tenez, Monsieur, vous pouvez maintenant lui
faire courir la ville; les légères corrections que je viens d'y faire
ne la rendront que plus piquante, et elle vous fera honneur. » Le
jeune homme confus déchira son écrit, demanda pardon à Devienne
et devint son ami le plus dévoué.
Combien est-il regrettable pour l'art que ce musicien soit mort au
moment où, sa voie étant trouvée, il eût pu enfanter des œuvres
solides et durables, et s'établir comme l'un des maîtres les plus
avoués de la scène lyrique française! Son nom n'eût point pâli au-
près de ceux qui jetèrent un si grand éclat sur nos théâtres à la
suite de celte période de transition qui sépare le xvme du xixe
siècle. Deux de ses productions dramatiques révèlent des qualités
d'un ordre supérieur : les Comédiens ambulans et les Visitandines,
ouvrages d'une valeur incontestable, et qui certainement exerceraient
encore aujourd'hui une grande action sur le public, si, usant de la
liberté acquise à l'industrie théâtrale, un directeur intelligent s'avi-
sait de les remettre en lumière. N'eût-il fait que cela, Devienne tien-
drait une place distinguée dans son histoire. Il ne brille pas seule-
ment, en effet, dans les deux ouvrages que je viens de nommer,
par cette veine mélodique et facile qui tient lieu de tout aux yeux
de certaines gens ; mais bien par un style ferme, châtié , par une
harmonie d'une extrême pureté, par une élégance et une délicatesse
de forme difficile à rencontrer à un égal degré, par une inïtrumen-
(1) Et que les Allemands eux-mêmes tenaient en haute estime. On en trouve la
preuve dans ce fait qu'une traduction allemande de cette méthode fat faite a
Leipsick, et publiée chez l'éditeur Kulir.cn.
tation à la fois sage, sobre, éclatante et variée, par une richesse,
une diversité, une souplesse d'accents extraordinaire, par un senti-
ment scénique naturel et constamment vrai, en un mot, par la réu-
nion complète des qualités multiples et infinies qui constituent le
véritable compositeur dramatique (1).
D'un autre côté , élevé et instruit dans un régiment, où il avait
appris à connaître l'étendue, à apprécier les timbres, les sonorités
diverses de tous les instruments à vent, Devienne a fait faire un pas
immense à l'art d'écrire pour ces instruments. On a vu plus haut
l'énorme quantité de morceaux qu'il a écrits en ce genre; il peut
donc, dans cet ordre d'idées, être à bon droit considéré comme un
créateur. Venu à la suite de Martini, qui, le premier en France,
avait écrit d'une façon correcte et pure pour ce qu'on appelle l'har-
monie, il a continué en la complétant l'œuvre de son devancier, et a
rendu tout progrès impossible après lui.
Honorons donc la mémoire de Devienne et rendons lui l'hommage
qui convient à ces travailleurs estimables et convaincus, véritables
pionniers de l'art, qui, du milieu d'une vie obscure et laborieuse,
partagée entre les devoirs de la famille et le culte obstiné de l'idéal,
ont su se rendre utiles à leurs semblables en les charmant par leurs
accents, à l'art lui-même, en travaillant sans cesse à son développe-
ment, à tous enfin par l'exemple de leur abnégation, de leur talent
et de leurs efforts continus. A défaut de la gloire qu'il a dû rêver et
dont il était bien digne, mais que sa trop courte existence ne lui a
pas permis d'atteindre, que la postérité, impartiale envers Devienne,
lui accorde du moins un témoignage bien mérité de sympathie et de
reconnaissance.
Arthur POUGIN.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné dimanche le Trouvère,
chanté par Mme Marie Sax, Mlle Sannier, Morère et Dumestre, aux ap-
plaudissements du public, dont Mme Sax a obtenu la meilleure part. —
Lundi, mercredi et vendredi on a représenté Roland à Roncevaux. — S. A. R.
le duc de Brabant assistait mercredi à la représentation dans la loge de
M. Perrin. — M. Mermet a été désigné pour faire partie des invités
aux fêtes de Compiègne.
**„ Aujourd'hui , par extraordinaire, les Huguenots, chantés par
Mme Marie Sax, Morère, Obin et Faure dans les principaux rôles.
*** C'est toujours jeudi 17 qu'a lieu à l'Opéra la représentation ex-
traordinaire, donnée au bénéfice de Bouffé. La Comédie française, l'O-
péra, l'Opéra-Coraique , le Vaudeville, le Palais-Royal et le théâtre
Déjazet, concourront à cette solennité. La part que prend l'Opéra à
la représentation consistera dans l'exécution de l'ouverture de Guil-
laume Tell, du troisième acte de Moïse, par Faure et Mlle Battu, et du
Pas des Noces, de Néméa, dansé par le corps de ballet.
**t Mme Cabel a donné vendredi soir sa dernière représentation de
Galatée. — On a commencé au théâtre de l'Opéra-Comique les répétitions
du Capitaine Henriot, de M. Sardou, musique de Gevaert ; on espère
que cet ouvrage pourra être représenté vers le 10 décembre.
**„. Le ténor Brignoli, que M. Bagier avait engagé pour Madrid, est
arrivé h Paris; il chantera prochainement au théâtre Italien.
„*„ Le théâtre Lyrique donne les dernières représentations de Faust.
Dans quelques jours Mireille, l'opéra de Gounod, qui a subi des modifi-
cations importantes et que les auteurs ont réduit à trois actes, succédera
à Faust. MmeMiolan-Carvalho conserve le rôle principal qu'elle a créé;
M. Micliot reprend celui de Vincent. Les autres rôles seront chantés
par Mme Faure-Lefebvre, par Ismaël et Petit. — Violella et Mlle Nilsson
attirent de plus en plus le public. — Maria sera donnée vers la fin de
décembre.
%*, Le théâtre Lyrique vient d'engager le ténor Puget qui s'y est fait
entendre cet été dans Norma ; l'opéra de Bellini serait donné pour sa
(1) Les Allemands, ordinairement si peu sympathiques aux compositeurs fran-
çais, avaient cependant, il faut le croire, reconnu chez Devienne ces qualités. On
représenta à Hambourg, en 1798, sous ce titre : l'Amour risque tout, une petite
pièce qui n'était que la traduction du Mariage clandestin, avec la musique de
cet artiste.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rentrée, et Mme Rey-Balla chanterait le- rôle principal; Mlle de Maesen
conserverait le rôle d'Adalgise.
*** Les voies de conciliation dans lesquelles sont entrés les diffé-
rends qui ont amené la fermeture à Madrid du théâtre Italien, per-
mettent d'en espérer la prochaine réouverture. Elle aurait lieu par
Eoberto il Diavolo, que chanteraient Nicolini, Mmes Penco, Vitali et
Selva. M. Bagier a détaché à cet effet six de ses danseuses pour figu-
rer dans le ballet des nonnes.
3% La Société des sciences, agriculture et belles-lettres de Tarn-et-
Garonne offre une médaille d'or de la valeur de 300 francs à l'auteur
de la meilleure pièce de vers (poème, ode ou stances), sur Meyerbeer.
« Que les poètes à qui s'adresse cet appel, dit le programme, ne. se
laissent pas arrêter par la pensée que cette belle et intéressante figure
ne peut être bien comprise que par un musicien. Ce n'est pas un tra-
vail technique, une analyse froide et didactique que demande la so-
ciété : c'est surtout une œuvre de spontanéité et d'inspiration. C'est,
en un mot, la musique du grand compositeur sentie et jugée par la
poésie. »
,,% La fête de Sainte-Cécile sera célébrée à Saint-Eustaehe le mardi
22 novembre, à 11 heures, avec la plus grande solennité, par les soins
du comité de l'Association des artistes musiciens. M. Pasdeloup fera
exécuter par l'orchestre et le choral de musique classique, sous sa di-
rection, la première messe en ut de Beethoven, qui n'a pas encore été
entendue à Paris. Mlles Wertheimber et deTaisy, MM. Faure et Warot,
de l'Académie impériale de musique, chanteront les soli. A l'offertoire,
Alard exécutera sur le violon un andante de Beethoven. Le grand orgue
sera tenu par .M. Batiste, organiste de la paroisse. Le produit de la
quête et des chaises sera versé dans la caisse de secours de l'Associa-
tion. On peut se procurer à l'avance, des billets d'enceinte réservée,
chez M. Bolle-Lasalle, trésorier de cette société de bienfaisance, 68,
rue de Bondy.
*■% M. Costa, le célèbre chef d'orchestre du théâtre italien de Co-
vent-Garden, est en ce moment à Paris.
„.*„, Jules Schulhoff est arrivé cette semaine à Paris, où il doit sé-
journer tout l'hiver.
**„ M. Guglielmi, dont les habitués de la Société des concerts du
Conservatoire ont conservé le meilleur souvenir, vient, après une ab-
sence de plusieurs saisons, d'arriver à Paris. M. Guglielmi possède une
très-belle voix de baryton et une excellente méthode.
%*% M. Ch. Lebouc a repris ses matinées musicales du lundi, et il
compte en donner douze cet hiver. La première a eu lieu le 7 de ce
mois, et un auditoire d'élite y assistait. Au nombre des morceaux qui
composaient un programme aussi bien choisi qu'exécuté, on a fort ap-
plaudi M. Lebouc pour la façon dont il a joué une fantaisie de lui sur
les Mousquetaires de la reine. Mme Béguin-Salomon, MM. White, Comtat
et Trombetta ont dignement secondé M. Lebouc.
„*, La Société des Concerts du Conservatoire donnera deux concerts
extraordinaires les 4 et 18 décembre. Le premier de ces concerts sera
consacré à la mémoire de Meyerbeer. On y exécutera trois morceaux de
ce maître regretté.
„% L'hiver dernier, sous les auspices de Thalberg, se produisait dans
les salons d'Erard un jeune artiste anglais qui étonnait l'auditoire invité
à l'entendre par un talent de pianiste comme on en rencontre peu et
par le charme de compositions que son protecteur n'aurait pas désa-
vouées. Ce jeune artiste, c'était M. James Wehli qui repartit presque
immédiatement pour l'Angleterre. Mais l'accueil qu'il avait reçu devait
lui donner le désir de se faire définitivement adopter par le public pa-
risien. Nous apprenons donc avec plaisir, et nous l'annonçons avec em-
pressement, que M Wehli s'est décidé à venir le mois prochain se
faire entendre de nouveau, et à soumettre à l'appréciation des artistes et
des amateurs quelques-uns des morceaux les plus applaudis l'hiver der-
nier, et qu'il a publiés à cet effet.
„*„ M. Adolphe de Groot ouvrira prochainement son cours d'harmo-
nie, à la succursale Pleyel, Wolff et Ce, 95, rue de Richelieu. Le pro-
fesseur y fera l'explication de la Théorie des accords, de leur enchaî-
nement, etc., de telle façon qu'au bout de quelques mois ceux qui
suivront cet enseignement pourront, non-seulement se livrer à des essais
écrits, mais encore à des préludes improvisés, exempts de ces fautes
qui attestent une connaissance insuffisante des lois constitutives de
l'harmonie.
s*„, Ferdinand Schœn, le brillant pianiste compositeur, est de retour
à Paris; son arrivée coïncide avec la mise en vente des Grelots d'argent,
sa charmante étude de concert que le public parisien a tant applaudie
l'hiver dernier. Ferdinand Schœn a l'intention de passer une partie de
la saison à Nice, qui parait devoir être cet hiver le rendez-vous des il-
lustrations artistiques comme celui du grand monde politique.
*% Joseph Franck, de Liège, de retour de son brillant voyage en
Belgique, en Russie et en Allemagne, recommencera ses cours et ses
leçons particulières de piano, de violon, de composition, d'orgue et
d'accompagnement de plain-chant, le 1er décembre prochain.
,** MM. Gamboggi frères viennent de se rendre acquéreurs de l'o-
péra les Absents, de MM. Poise et Daudet, qui a obtenu un joli succès
au théâtre de l'Opéra-Comique.
*% M. Vincent, de l'Institut, a publié à la librairie académique de
Didier une note sur la messe grecque qui se chantait autrefois à l'ab-
baye royale de Saint-Denis, le jour de l'octave de la fête patronale.
Celte note a été lue à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, le
22 janvier 1864. Nous ne pouvons mieux faire, pour l'analyser en peu
de mots, que d'extraire le passage suivant de l'ouvrage de M. l'abbé
Cloet, intitulé Recueil de mélodies liturgiques restituées, etc. Paris, 1864,
in-12, tome II, page 9 *. » En nommant l'illustre directeur du Conser-
vatoire de Bruxelles, nous devons relever une assertion faite par lui au
sujet de l'une des phrases mélodiques du Te Deum et que nous avons
citée dans le premier volume de ce recueil, page 119, sans pouvoir la
contrôler. M. Vincent, de l'Institut, dans une note publiée à ce sujet
et sur notre invitation particulière, a très-bien démontré : 1° que la
messe grecque qui se chantait autrefois à l'abbaye royale de Saint-
Denis, le jour de l'octave de la fête patronale, ne fait point partie de
la liturgie des saints pères et ne remonte pas au ne siècle; 2° que les
paroles citées par M. Fétis (Biographie universelle des musiciens, nouvelle
édition, article Saint Ambroise), n'appartiennent pas à Vlnlroit, mais au
Gloria in excelsis; 3° que la formule mélodique jointe à ce texte n'est
pas exacte; 4° qu'il n'est pas exact de dire que ce passage mélodique se
trouve onze fois dans VOctoéchos des Grecs ; 3" que le vrai texte musical des
paroles citées appartient au Domine Deus, rex cœlestis, Deus Pater omni-
polcns, dans le Gloria in excelsis du quatrième mode qui fait partie de
l'ordinaire de la messe pour les doubles de première classe; G" que les
paroles grecques ne sont qu'une traduction de ce texte latin. »
„.*,„ A Prague, le théâtre bohème vient de donner une représentation
consacrée à la mémoire de Meyerbeer. On a joué les Huguenots en lan-
gue tchèque, et dans l'un des entr'actes le buste du maitre immortel a
été couronné. — Le théâtre bohème de Prague possède un téner très-
remarquable nommé Véko; beaucoup de théâtres allemands lui ont
offert déjà des engagements brillants, mais par un sentiment de patrio-
tisme ou de nationalité, il repousse toutes les propositions et ne veut
consacrer son talent qu'à son pays et chanter en langue tchèque.
„/%, Un procès fort curieux va être jugé à Stuttgard. Le ténor Sont-
heim plaide contre son directeur pour n'avoir pas à chanter dans les
opéras de Richard Wagner. Le célèbre ténor prétend soutenir devant
les tribunaux que s'il a signé l'engagement de chanter tous les rôles, il
ne s'est nullement engagé à se casser la voix.
%*s. Les deux nouveaux morceaux : Chant d'amour et Citant de guerre,
composés par Henri Herz, ont paru chez l'auteur, et ils obtiennent le
succès réservé à toutes les productions du célèbre compositeur.
^*t Une nouvelle fantaisie de M. Pascal Gerville, intitulée : Pendant
le bai, vient de paraître. Elle est dédiée à M. Henri Herz, et le célèbre
pianiste vient d'en témoigner toute sa satisfaction à M.. P. Gerville, par
une lettre dans laquelle, avec l'éloge de ce morceau, dont il a apprécié
tout le mérite, il contracte l'engagement de le faire jouer par ses élè-
ves et de le rendre bientôt populaire.
:,.** M. Georges Jacobi, lauréat de 1861 du Conservatoire et premier
violon de l'orchestre de l'Opéra, va commencer la deuxième année de
sa classe de violon, professée d'après les principes adoptés au Conser-
vatoire. Cette classe, dont les résultats ont été remarquables l'an der-
nier, aura lieu deux fois par semaine, durera deux heures et sera
composée seulement de six élèves. Le prix pour un mois est de 25 fr.,
de 60 francs pour trois mois et de 100 francs pour un an. On s'inscrit
chez M. Jacobi, -45, rue Rochechouart.
,% La méthode de piano composée par M. Joseph Franck, de Liège,
et dont le duc de Brabant vient d'accepter la dédicace, paraîtra avant
la fin de décembre prochain.
„*„. L'auteur de tant d'ouvrages applaudis à l'Opéra et à l'Opéra-Co-
mique, M. H. de Saint-Georges, vient de faire paraître chez Dentu
un roman en deux volumes, les Princes de Maquenoisc, que nous
avons lu avec un vif intérêt. Chaque volume forme un tout et a son
titre distinct : Tome I, Jean le matelot; tome II, Le Pilon d'argent ;
mais, quand on a commencé par Jean le matelot on ae peut pas s'en
tenir là, et on continue. S'il faut dire ses préférences, nous préférons même
le Pilon d'argent à Jean le matelot, parce que dans le Pilon d'argent la
nature des tableaux traités par l'auteur réclamait un homme du
monde en même temps qu'un écrivain exercé, et M. de Saint-Georges
est l'un et l'autre.
*** La foule se presse chaque soir dans les salons du Casino pour y
entendre l'excellente musique qu'y fait exécuter Arban. — Les bals
ont lieu les lundis, mercredis et vendredis.
*** Les journaux de Bordeaux annoncent la mort à Talence, où il
s'était retiré par suite de sa mauvaise santé, de M. Rhein, pianiste-
compositeur distingué, en même temps que professeur de grand mé-
rite.
„,% L'art musical en Italie vient de faire une perte regrettable dans
la personne du professeur Louis Picchianti, mort à Florence le 19 oc-
tobre. Il enseignait depuis longues années et avec autant de science
que de succès l'harmonie et le contre-point.
DE PARIS.
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,*„ On annonce la mort, à Weimar, de M. Ernest Montag, pianiste et
compositeur, l'un des meilleurs élèves de Tœpfer. M. Fétis cite parmi
ses productions principales trois lied» écrits sur des poésies de Henri
Heine.
,% M. John Leech, le célèbre caricaturiste anglais, populaire sur-
tout par les dessins qu'il faisait pour le journal satyrique Punch, vient
de mourir a Londres à l'âge de quarante-sept ans, et — le croirait-on
— c'est aux orgues de Barbarie que ce triste événement doit être im-
puté. M. John Leech avait beau changer d'appartement et de quartier,
ses ennemis mortels, les orgues de Barbarie, le suivaient partout. Ses
amis le plaisantaient souvent sur cette antipathie invincible et sur la
surexcitation nerveuse que le bruit des orgues lui causait. Vous pouvez
rire, disait-il, mais moi j'en mourrai, et le 27 octobre dernier, sa triste
prédiction s'est effectivement accomplie.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.** Londres. — Le nouvel ouvrage de Macfarren, Hèlvellyn, dont nous
avons annoncé le succès à la première représentation, a été répété
cinq fois cette semaine à l'Opéra anglais de Covent-Garden.
**„ Brème. — Le Pardon de Ploërmel, de Meyerbeer, a reparu sur notre
scène avec un succès des plus marqués. La pastorale du troisième acte
surtout, et le Pater noster à quatre voix, supérieurement rendus, ont
excité le plus vif enthousiasme.
**„, Berlin. — Le ballet Fantasca, de Paul Taglioni, dont les répéti-
tions étaient assez avancées déjà, a été retiré, et à la place, le célèbre
chorégraphe composera avec son musicien ordinaire, M. Hertel, un nou-
veau ballet en trois actes, qui, sous le titre de Sardanapale, sera re-
présenté dans le courant de l'hiver. L'intendance de l'Opéra royal vient
d'envoyer ses dessinateurs à Londres pour y esquisser les costumes et
les décors du nouveau ballet d'après les antiquités assyriennes qui se
trouvent au Musée britannique. — La société des Soirées symphoniques
de l'orchestre de la cour, sous la direction de M. Taubert, paraît vou-
loir entrer cette année dans une nouvelle voie, en nous faisant enten-
dre des ouvrages nouveaux à côté des œuvres classiques et consacrées.
Ainsi, la première de ces soirées nous apportait déjà l'ouverture de
Loreley, de Naumann, ouvrage de mérite qui, cependant, a pu être ap-
préciée déjà dans d'autres concerts, tandis que le programme de la
deuxième soirée, qui vient d'avoir lieu, contenait deux ouvrages entiè-
rement nouveaux: uneouverture intitulée Roméoet Juliette, de M. Schlott-
mann, et une composition pour orchestre que son auteur, M. Rubin-
tein, a intitulée Faust. Le premier de ces ouvrages a été accueilli avec une
grande faveur ; le second n'a pas eu le même bonheur. On reproche à
l'œuvre de M. Rubinstein de manquer de clarté, et d'offrir, avec une
grande monotonie, une affectation do bizarrerie dans les effets harmoni-
ques. — M. Sevevini, jeune ténor dont on dit le plus grand bien, est at-
tendu ici pour donner des représentations à l'Opéra royal; il se fera
entendre dans Don Juan, la Muette et dans le Trouvère. M. Severini est
un des élèves les plus distingués du célèbre professeur Panofka. —
M. R. Bial vient d'être nommé directeur de la musique du théâtre
Wallner.
a*,,, Breslau. — De même qu'à Dresde et à Prague, les concerts or-
ganisés ici par M. Ullmann, en ce moment, avec Mlle Carlotta Patti, ob-
tiennent un succès fabuleux. C'est déjà quelque chose d'extraordinaire
que de pouvoir donner dans des villes moyennes comme Breslau et
Prague une demi-douzaine de concerts consécutifs, non-seulement
on ne trouve point que c'est trop, mais à chaque concert l'immense
salle Liebich est trop petite pour contenir la foule qui s'y presse On
paie les cartes d'entrée à des prix inconnus jusqu'à présent parmi nous,
et les vendeurs de billets font presque d'aussi bonnes affaires que
M. Ullmann lui-même. C'est dans l'air de Linda di Chamounix, 0 lace
di quest' anima, dans le Carnaval de Venise, arrangé pour la voix par Bé-
nedict, et surtout dans l'air de l'Ombre du Pardon de Ploërmel, qu'il
nous a été donné jusqu'à présent d'admirer le talent extraordinaire de
Mlle Carlotta Patti. Le Pardon de Ploërmel est un des opéras le plus en
vogue dans notre ville, et il est peu de célébrités de chant que nous
n'ayons vues dans le chef-d'œuvre de Meyerbeer. Nous devons avouer
cependant que jamais nous n'avons entendu l'air de l'Ombre interprété
avec ce brio, cette maestria et surtout avec cette virtuosité qu'y ap-
porte Mlle Carlotta Patti. C'est un feu d'artifice de notes, et un feu
d'artifice lancé jusque dans les régions les plus élevées, où nul gosier
humain n'a osé pénétrer encore. Au milieu des fioritures les plus ef-
frénées,. Mlle Carlotta Patti se repose sur un trille, sur le ré ou le mi
bémol au-dessus des lignes avec une aisance incroyable. Mlle Carlotta
Patti a eu le bonheur de voir encore Meyerbeer peu de temps avant
sa mort et de chanter devant lui cet air célèbre, et c'est le regretté
maestro lui-même qui — dit-on — a ajouté pour Mlle Carlotta Patt
toutes ces fioritures hardies qu'elle exécute si extraordinairement. Du
reste, le succès des concerts de M. Ullmann ne repose pas sur
Mlle Patti seule, et le système inventé ou adopté par l'habile impré-
sario de ne point tout sacrifier à une étoile, fût-elle de première gran-
deur, comme Mlle Carlotta Putti, contribue pour beaucoup au succès
de l'entreprise, et des noms comme ceux de Vieuxtemps et de Jael
sont certainement pour quelque chose dans cette vogue sans exemple.
„.*„ Leipzig, — Depuis dix-sept ans la Société des concerts du Ge-
watidhaus que Mendelssohn a rendus si célèbres, lui consacre tous les
ans le concert qui coïncide avec l'anniversaire de la mort du grand
compositeur, et cette année encore elle n'a point manqué à cette pieuse
habitude. C'est la musique complète d'Athalic, ouverture, soli et chœurs,
avec le texte explicatif de Devrient, qui a été choisie pour le cinquième
concert. L'œuvre du maître a été exécutée avec une grande perfection
et écoutée avec un grand recueillement. — Au Conservatoire de mu-
sique, le jour du i novembre a été également célébré par l'exécution de
plusieurs morceaux détachés de Mendelssohn, parles élèves de l'établisse-
ment. — A Berlin, c'est par l'exécution de l'oratorio de Paulus que la
Société Stern a rendu hommage à la mémoire de Mendelssohn. — Au
sixième concert du Gewandhaus, qui a eu lieu le 10 novembre, M. J.
Rosenhain, de Paris, s'est fait entendre dans un concerto pour piano et
orchestre de sa composition. L'exécutant et le compositeur ont obtenu
un égal et très-légitime succès.
^xTurin. — Le théâtre Victor-Emmanuel vient de représenter la Com-
tesse d'Amal/i, du chevalier Petrella. Si l'on en juge par le succès qu'il a
obtenu, il sera l'opéra de la saison. La majeure partie des morceaux a
été chaleureusement applaudie, et il en a été de même aux représen-
tations suivantes. Le rôle principal, d'abord chantéparMmePalmieri,adû,
par suite d'indisposition, être cédé par elle à Mme Bendazzi; mais l'une
et l'autre l'ont interprété avec une grande supériorité. Mme Ferrari,
MM. Zacometti et Cima y ont également déployé beaucoup de talent.
*** Florence. — L'inauguration de la saison au théâtre de la Pergola
s'est faite brillamment par Marta. Les époux Tiberini chantaient les
rôles de Marta et de Lionel, et leur apparition a été une véritable fête;
c'est qu'aussi on trouverait difficilement des chanteurs plus accomplis.
Ils ont été vaillamment secondés par Scheggi, Mme Vercolini et le jeune
baryton Giannoli. L'orchestre a fait merveille sous la direction de Va-
nuccini.
*% Saint-Pétersbourg. — Le théâtre italien nous a donné successive-
vement Faust qui a obtenu un médiocre succès; la Traviata, chantée
par la Fioretti, Calzolari etGraziani. Ces trois artistes y ont été accueillis
avec enthousiasme. La Fioretti a été acclamée après chaque morceau,
rappelée trois ou quatre fois après chaque acte, et une véritable ova-
tion lui a été faite après la chute du rideau. Calzolari a partagé ce
triomphe si bien mérité par l'exquise suavité de sa voix et l'art admi-
rable qui caractérisent son talent; il les a peut-être déployés avec en-
core plus de supériorité dans II Pelcgrinaggio li Ploërmel, qui n'avait pas
été donné l'an dernier, et qu'on a repris avec un grand succès. Nous
attendons maintenant le nouvel opéra de Frederico Ricci et celui de
Flotow, qui sont à l'étude.
»** Moscou. — Mlle Fricci, aujourd'hui mariée au ténor Neri-Baraldi,
a obtenu, ainsi que son mari, un immense succès dans Robert, le Diable.
Ils ont été rappelés nombre de fois, et au troisième acte, un bouquet
monstre a été jeté à la cantatrice. Dans la Traviata aussi, bravos et
rappels. Au sortir du théâtre, un corps d'étudiants stationnait auprès de
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certains qu'en leur offrant aujourd'hui, en prime, un magnifique por-
trait du maître, accompagné de la collection transcrite pour piano de
ses quarante mélodies, arrangées exprès pour cette occasion par un
professeur et un artiste dont la valeur et le mérite n'ont pas besoin
d'éloge, M. Amédée Méreaux, qui a voulu lui-même honorer la mé-
moire de Meyerbeer en faisant ce travail, nous sommes bien certains,
disons-nous, d'avoir choisi ce qui pouvait leur plaire le mieux.
Dès le 1er décembre, nous mettrons donc à leur disposition ce beau
volume inédit et le portrait, auxquels nous ajoutons un album de
danses, dû aux meilleurs auteurs de ce genre de musique.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra : exécution de la cantate qui a
remporté le grand prix de composition musicale; le Comte Ory et le Marché
des Innocents, par Paul Smith . — La musique et la société française au
xvme siècle (5e article), par Em. Mathieu de Monter. — Mélodies et
chants religieux de Meyerbeer, par Maurice Cristal. — Revue des théâ-
tres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
Exécution de la cantate qui a remporté le grand prix
de composition musicale. — M,e Comte Ory et Me
Marché *les Innocenta.
Tant que l'Académie des beaux-arts a eu la mission de décerner
le grand prix de composition musicale (et cela n'a pas duré moins de
soixante ans, depuis l'institution du prix même), la cantate cou-
ronnée était exécutée solennellement au palais de l'Institut le pre-
mier samedi du mois d'octobre. Le décret du h mai dernier ayant
dessaisi l'Académie de sa prérogative, il a fallu trouver un autre
local pour y faire entendre l'œuvre du lauréat, et le théâtre impé-
rial de l'Opéra a été choisi. Vendredi dernier, jour désigné pour
cette audition publique, un grand nombre de notabilités, parmi lesquel-
les figurait l'Académie des beaux-arts presque tout entière, avaient été
convoquées extraordinairement et remplissaient l'orchestre. Dans la
loge d'avant-scène, attenant à celle de Leurs Majestés, ont pris place
M. le maréchal Vaillant, ministre de la maison de l'Empereur et des
beaux-arts; M. le comte Bacciocchi, surintendant des théâtres; M. le
comte de Nieuwerkerke, surintendant général des beaux-arts ;
M. Auber, directeur du Conservatoire; et près d'eux se trouvait
M. Gautier, secrétaire général, ainsi que M. Camille Doucet, chef
de la division des théâtres. Tout avait donc été prévu pour que la
cérémonie ne perdît rien de son éclat ni de son importance.
Le spectacle commençait par le Comte Ory et se terminait par le
Marché des Innocents. Entre ces ouvrages, la cantate a été dite
par MM. Morère, Dumestre et Mlle de Taisy ; ces trois artistes, en
habit de ville, se tenaient sur la scène, tantôt assis, tantôt debout,
le cahier à la main, accompagnés par l'orchestre que dirigeait
M. Georges Haiol.
370
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
On se rappelle qu'un jury composé de neuf membres, sous la pré-
sidence de M. Auber, avait décerné le grand prix à M. Sieg, élève
de M. Ambroise Thomas.
Personne, nous le croyons, ne regrettera l'ancienne tribune du
palais des Quatre-Nations, dans laquelle la musique était comme per-
chée, et luttait vainement contre les plus fâcheuses conditions d'a-
coustique. Nous avons assez souvent signalé ce triste état de choses
pour pouvoir nous dispenser d'y revenir aujourd'hui.
Mais à l'Opéra ce sont d'autres dangers, d'autres inconvénients
plus graves encore peut-être. Jusqu'à présent, par une faveur heu-
reusement très-rare, deux ou trois cantates seulement avaient eu
l'honneur d'être admises sur la vaste scène, et l'on se demande ce
qu'elles y ont gagné : en sont-elles sorties plus grandes, mieux ap-
préciées, mieux comprises? A propos de la dernière, exécutée il y a
quatre ans, et qui avait pour auteur le jeune Paladilhe, nous avons
exprimé notre opinion sur une épreuve pour laquelle évidemment les
cantates ne sont pas faites. Ni le cadre exigu de l'espèce de drame
qui leur sert de prétexte, ni leurs humbles proportions musicales ne
leur permettent de un leur rang à côté de productions du plus
haut bord.
Les chante-t-on comme au concert ? les interprètes demeurent
immobiles et glacés, et !e public aussi par conséquent. Veut-on em-
ployer les costumes et le décor? l'œuvre n'en paraît que plus étri-
quée, plus mesquine : de cette misère au ridicule il n'y a qu'un
pas.
Pour nous, introduire la cantate au théâtre de l'Opéra, c'est à peu
près comme si l'on exposait dans le salon carré du Louvre les petites
toiles, les esquisses des concurrents pour le prix de peinture, ou
comme si l'on faisait lire à l'Académie française les discours et les
amplifications qui ont mérité des prix au concours général.
Nous n'en rendons pas moins un sincère hommage aux généreuses
intentions qui se sont associées, pour honorer, relever, ennoblir le
concours du prix de musique. On ne pouvait les manifester avec plus
d'éclat qu'en ouvrant la plus belle salle de Paris au vainqueur de
ce concours ; mais son intérêt ne se serait-il pas accommodé d'une
situation plus modeste ? Un élève lauréat n'est, après tout, qu'un
élève. Pour être bien jugé, son travail ne demande qu'une petite
enceinte, un auditoire peu nombreux, mais intelligent, et bien pénétré
de cette idée qu'il ne va écouter qu'un essai. Les murailles de l'O-
péra ne sont-elles pas trop exigeantes, et celles d'une simple école
ne conviendraient-elles pas mieux à une cérémonie dont le ca-
ractère doit être celui de l'encouragement bien plutôt que celui du
triomphe ?
Tous ceux qui connaissent M. Sieg et qui l'ont suivi dans ses étu-
des, s'accordent à trouver en lui le tempérament, la sève d'un bon
compositeur ; mais il est encore bien jeune, et ses plus saillantes
qualités ne sont point encore venues au point de saisir un public
étranger à l'art musical. A l'Opéra, la foule demande des artistes
dans toute leur maturité, dans toute leur plénitude. Dans l'enceinte
du Conservatoire, on se contenterait à moins ; aussi pensons-nous
que le Conservatoire est le véritable terrain des lauréats, ainsi qu'il
l'est des concurrents, et que nulle part ailleurs on ne saurait écouter
ni juger mieux des cantates.
Paul SMITH.
LÀ MUSIQUE ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU XVIII SIÈCLE.
(5e article) (1).
Les salons de Louis de Bourbon consolèrent « les grands gour-
mets » de la fermeture de l'hôtel de Soissons. Louis de Bourbon,
(1) Voiries n ■ 42, 43, 44 et 46.
comte de Clermont, chevalier des ordres, pair de France, abbé
commandataire de Saint-Germain des Prés, colonel, mestre de camp,
« homme de cour, homme d'église, homme d'épée, grand et singu-
lier seigneur, moitié clerc et moitié héros, et qui avait besoin de la
permission du pape pour mener au feu ses trois régiments. » Ce que
l'abbé de Saint-Germain n'avait pas besoin d'aller dire à Rome,
c'est que son hôtel de la rue de Richelieu recevait chaque semaine
l'Opéra et ses trois merveilles : la voix de Lemaure, le jarret de
Dupré, la jambe de la Camargo ! La Camargo, cette déesse des tam-
bourins, l'ivresse des ballets, danseuse qui rajeunit la danse en lui
donnant la liberté, l'enjouement, la folie, l'avenir ! Dans ce royal
hôtel, où se presse aujourd'hui la pâle et studieuse population des
bibliothèques, ce fut une vie de plaisirs caressée par la musique, vie
qui chante encore en riant dans cette lettre aimable du comte de
Clermont :
« A M. DE BlLLY, COMMANDANT LE RÉGIMENT d'EnGHIEN.
» Ce H février 1743.
» La fièvre impitoyable vous a forcé d'abandonner Melpomène,
Thalie, Therpsicore et les marionnettes lyriques. La prévoyante sai-
gnée, la secourablo émétique et la sage rhubarbe vous rendront bril-
lant de corps, pétillant d'esprit aux vœux de la troupe qui a un ex-
trême besoin de vous pour pouvoir commencer ses répétitions.
» Polichinel vous appelle à son secours; dame Gigogne vous
attend à sa toilette, et le grand Maamoubatclioulicarana, autrement
nommé le père Duchemin, n'a qu'un cri après vous. Notre belle
chanteuse s'arrache une boucle du chignon chaque fois qu'elle
pense qu'elle est éloignée de son compositeur favori ; elle y pense
cent fois dans les vingt-quatre heures, c'est cent boucles qu'il lui en
coûte par jour, elle n'en a que cinq cents à son chignon, voilà trois
jours que vous êtes absent, ce sont donc déjà trois cents boucles
qu'elle s'est arrachée; il ne luy en reste plus que deux cents. Si
vous êtes encore deux jours absent, vous trouvères la pauvre Ma-
thurine chauve comme un chien turc.
» J'assemble actuellement les virtuoses, corno primo, corno se-
condo, violino cello, violeta vioiino, aubois, trompette marine, fla-
geolet, contrebasse, fifre, timballes, viel, guimbarde, flûtte douce,
flutte à l'oignon, chalumeau, cornemuse, musette, castagnette, tam-
bourin, trombone, orgue, orgue de Barbarie, timpanon, harpe, cla-
vecin et épinette pour exécuter vos divins menuets, dont on va tirer
les partitions nécessaires pour leur exécution. Mlles Leduc répéteront
ce soir, et il vous sera mandé tout de suite le plaisir que nous au-
rons eu à nous abandonner au charme de la gracieuse mélodie dont
vous venés d'orner nos concerts et nos danses, n
Si la musique fut le prétexte et l'indispensable conviée des fêtes
de la Régence, de Louis XV et de son successeur, ceux qui l'ac-
cueillirent avec l'ostentation la plus marquée ne l'aimèrent toujours
pas exclusivement et pour elle-même. Il est un homme cependant,
et l'un des plus grands seigneurs de cette époque, qui lui voua un
culte sans partage, qui lui consacra les loisirs de sa vie si doulou-
reusement traversée, un homme qui résume en lui le modèle et le
type le plus complet du dilettantisme au xvnr3 siècle. J'ai nommé
Louis-Jules Mancini-Mazarini, dernier duc de Nivernais, ministre d'E-
tat, ambassadeur et l'un des quarante de l'Académie française.
De sa mère, une Spinola, et de son père, François Mancini, le duc
de Nivernais tenait l'esprit et le goût des arts héréditaires dans sa
maison. « Ce petit-neveu de Mazarin, — a écrit M. Sainte-Beuve,
— fut l'un des plus vifs amateurs de musique du siècle dernier. »
Au lendemain des campagnes de Bohême et de Bavière, miné par
les fièvres, il quittait le service et faisait des adieux lyriques à son
régiment. L'Académie le choisissait à vingt-sept ans, — pour rem-
placer Massillon ! — et sur la marge des cahiers de séance, comme
DE PARIS.
371
sur les albums du Moulin-Joli et d'Ermenonville , quand Ermenon-
ville était à la mode, il notait, en se jouant, des romances dont
quelques-unes valent celles du président Hérault et qu'il dédiait à
Délie, à sa femme. Il était assez piquant, au xvm0 siècle, d'être
amoureux de sa femme : le duc de Nivernais le fut, du moins quel-
que temps, et en musique.
Ambassadeur à Rome, de 1740 à 1752, il écrivait la musique des
opéras de son commensal et ami la Bruère, collaborateur de Ra-
meau, rédacteur au Mercure, homme d'esprit et de talent qui, s'il
avait vécu, aurait appris au public à distinguer son nom de celui de
son presque homonyme. Ambassadeur à Berlin en 1756, il faisait la
conquête de Frédéric par son goût éclairé des arts ; et le roi-philo-
sophe écrivait h Maupertuis : « Je suis bien malheureux que le duc
de Nivernais ne soit pas né à Berlin, il ne sortirait pas de chez moi.»
Ambassadeur à Londres, il traduisait en vers les chœurs à'Aminte,
l'Amaryllis du Pastor Fido, un oratorio de Métastase, écrivait la vie
des troubadours du Périgord, de la Saintonge et du Velay, mettait
leurs sirventes en musique, faisait sa partie de violon au concert,
et chantait de sa petite voix flûlée comme sa poésie la romance en
vogue :
D'aimer jamais si je fais la folie. . .
pendant les fêtes toutes parisiennes qu'Horace Walpole donna à sa
résidence de Strawberry-Hall, à Mmes de Boufflers et d'Usson.
La fonction du duc de Nivernais, si on la demande, fût propre-
ment d'être le plus aimable maître des cérémonies de la société
française. Il ne passait pas à Paris un souverain étranger, un prince
Henri de Prusse, une grande-duchesse de Russie, que le duc ne les
fêtât, rue de Tournon ou à Saint-Ouen, par quelques couplets im-
promptus, par quelque concert, quelque opéra de sa façon. Au der-
nier acte de ses pièces, nous dit Grimm, il paraissait lui-même, « et
les lunettes sur le nez, n'en avait pas moins de grâce à chanler des
couplets de circonstance. » Il cherchait même, autant que possible,
à rattacher le programme de ses concerts à une action dramatique,
sorte d'impromptu qui tient le milieu entre la bergerade et le pro-
verbe, entre « la comédie de paravent » et l'opérette moderne. Cette
mise en scène, un peu puérile, aboutissait à un souper où les couplets
alternaient avec les rondes, et les convives se séparaient à minuit,
ravis de l'affabilité joyeuse du maître de la maison, et associant
dans leurs éloges la délicatesse de la chère à l'heureux choix du
programme, la saveur des grands crûs au talent des artistes.
La Révolution, en éclatant, ne surprit pas le duc de Nivernais ; il
avait eu tout le temps de se faire à ses menaces et à ses rigueurs .
Il baissa la tête sous la tourmente, sans avoir eu la pensée d'émi-
grer. Arrêté en 1793, emprisonné aux Carmes, il y passa une an-
née donnée tout entière à la musique, qui ménageait à son âme
des consolations imprévues. Le 9 thermidor le délivra et le rejeta
ruiné, dépouillé, dans son hôtel en ruines et désert. Sous la pous-
sière et les débris, il retrouva un vieux clavecin, un violon des anciens
jours, et il se reprit à chanter, à se chansonner lui-même, Bocotum
in acre crasso, et il songea à ses amis, et il s'occupa encore, dans
ses pauvres loisirs, à leur plaire, à leur être gracieux. On revient
toujours à ses commencements, à ce que l'on aima à l'aube de sa
vie!
L'honneur du duc de Nivernais, son originalité mémorable sera
dans cette fin, dans la manière unique et douce dont il supporta,
soutenu, rasséréné par l'harmonie, la ruine et le complet dépouille-
ment. Ce dilettante aimable, cet idéal de l'abbé de Bernis, ce musi-
cien élégant et frivole devint — citoyen Mancini — un modèle aisé
de courage, de philosophie tranquille et sereine, sans rien perdre
de son talent; et il montra que s'il aima de tout temps les muses
légères, il avait bien réellement en lui une parcelle de l'âme
d'Horace.
Em. Mathieo DE MONTER.
{La suite "prochainement.)
MÉLODIES ET CHIOTS RELIGIEUX
«le Hfeyerbccr (1).
Les mélodies de Meyerbeer, ses chœurs non destinés au théâtre,
ses Sérénades forment dans l'œuvre colossal de cet illustre maître un
faisceau de chefs-d'œuvre originaux, dont la composition exquise a
plutôt restreint qu'étendu la popularité. Une étude attentive de ces
productions multiples prouve que Meyerbeer a révélé dans les mélo-
dies tout un côté intime et inconnu de son génie ; il y a traduit toutes
les aspirations de son âme si profondément empreinte de fervente
piété, de mélancolie et de mystère. On y sent que la nature n'avait
pas de voile pour lui et qu'il en a su admirer et aimer les beautés
chastes et pures. 11 nous attire au dehors ; il nous montre la sil-
houette gracieuse des montagnes bleuissantes au loin, il nous fait
asseoir près du ruisseau, il écoute le flot couler, et nonchalamment
couché sur la rive il cueille les fruits mûrissants aux vertes branches
de l'arbre.
Le Chant de mai, doux et délicieux, frais et embaumé, est un pay-
sage lumineux et où la vie déborde. Le Chant des moissonneurs
vendéens, ma Barque légère, s'inspirent des vivaces et suaves idylles
où la muse française se complaît si souvent. La Sicilienne, Mina, les
Souvenirs, semblent avoir pris naissance sur les bords fortunés de la
mer napolitaine par une bienfaisante matinée de printemps. Rachel
et Nephtali résument avec une sobriété chaste une émotion contenue,
toutes les langueurs ineffables, les mystérieuses aspirations des belles
amours, des tendresses bénies comme nous les a racontées la Bible.
Puis voici les accents austères : le Poêle mourant, où Meyerbeer
a fait s'éplorer et saigner la plainte désolée, éperdue de Millevoye; le
Chant du dimanche, Fantaisie, le Moine, le Trappiste, au Tombeau
de Beethoven, qui sont un hommage au génie grave, à la muse pen-
sive de l'Allemagne. Ces mélodies, dont chacune à part forme un
poëme achevé, sont toutes diverses de ton, d'inspiration, d'accent
et de couleur. Elles composent dans leur ensemble un tout essentiel-
lement nouveau, qui ne rappelle en rien les mélodies de Schubert ni
les romances sans paroles de Mendelssohn. Elles émanent d'une
pensée également créatrice, spontanée et sincère, mais toute diffé-
rente. La personnalité vigoureuse de Meyerbeer s'y fait jour cons-
tamment. C'est un vin généreux qu'il ne faut pas boire à pleine
coupe et en une seule fois. Il faut méditer ces mélodies après qu'on
en a ressenti l'émotion salutaire et ainsi l'on en double l'effet. La
facture en est merveilleuse. L'auteur les a écrites pour qu'elles soient
accompagnées par le simple piano. Mais il s'est laissé entraîner par
sa facilité à manier les sonorités et les rhythmes ; tout y est travaillé
avec la subtilité des détails, la finesse de touche que les peintres
hollandais mettent à leurs tableaux. On prend toujours un nouveau
plaisir à y étudier, à y découvrir l'ingénieuse succession des modu-
lations, les combinaisons imprévues des rhythmes et des harmonies,
toutes les ciselures éblouissantes d'où se détache si nettement la
mélodie, comme l'oiseau qui vole au-dessus d'un jardin féerique. Ce
sont de merveilleux tableaux, et dans leur cadre restreint la main
habile du maître a su condenser toute la puissance de sa pensée.
Ce sont en réalité des créations immenses , dont les lignes rap-
prochées, les contours précisés, répondent admirablement au senti-
ment contemporain. Comme accompagnement, le piano s'y révèle
avec des effets tout à fait inattendus, toujours piquants. On y recon-
naît que Meyerbeer est resté constamment le virtuose original que sa
jeunesse avait révélé ; à ce point de vue, ses mélodies seront un
incomparable modèle pour tous les compositeurs de Lieder et pour
(1) Cet article est l'appendice et le complément de celui que nous avons publié
dans le numéro du 17 juillet dernier sous ce titre : Des mélodies de Meyerbeer
et de ses œuvres en général relativement au piano.
372
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
les personnes qui veulent se rendre compte des ressources que le
piano offre à l'accompagnement du chant.
En dehors des œuvres théâtrales et des mélodies, Meyerbeer a écrit
pour l'Allemagne un certain nombre d'oeuvres qui, depuis longtemps,
enrichissent le répertoire des sociétés musicales. Dans ce nombre, il
suffira de citer la Fête à la cour de Ferrare, composée pour une
fête donnée par le roi de Prusse ; une grande cantate pour quatre
voix d'hommes et chœur, poésie du roi de Bavière ; une Ode au
sculpteur Ranch, pour soli, chœur et orchestre, exécutée pour l'i-
nauguration de la statue de Frédéric le Grand; et dans le genre
sacré un recueil de sept chants religieux sur les paroles de Klops-
tock; un Stabat Mater, un Miserere, un Te Deum, douze psaumes
à double chœur.
Le 91e psaume de David à huit voix et solos signale en Meyer-
beer une étude toute particulière du genre sacré avec des vues qui
diffèrent sensiblement de celles qui l'ont guidé dans la composition
de la musique religieuse de ses opéras. On sait ce que c'est que
la grande école musicale fondée par Palestrina. Cette école, dont Al-
legri, Jomelli, Baj et Léo furent les plus illustres soutiens, considérait
la voix humaine comme seule digne de chanter Dieu. Les instruments,
l'orgue même sont bannis des œuvres de ces maîtres. La variété des
timbres de la voix, la division de la masse chorale à deux ou trois
chœurs leur fournissent leurs plus grands effets. Les périodes mu-
sicales sont larges, les modulations affectent la plus grande simplicité
et ne sortent pas des limites de la gamme principale. Cette sim-
plicité de moyens leur suffisait et ne les empêchait pas d'émouvoir
profondément les âmes religieuses.
Meyerbeer a voulu renouveler cette grande école, mais il a cher-
ché à introduire dans la musique sacrée allemande un élément plus
onctueux, plus vibrant, il voulait que les chœurs composés sous celte
inspiration, en rappelant l'école de Palestrina, évitassent le ton de
glaciale et morne austérité que l'on peut reprocher anx thèmes sé-
vères et rapides où se complaît trop l'école allemande, Mendelssohn
y compris. Ses chœurs, et le 91° psaume notamment, composés dans
cette intention, sont privés du concours des instruments, le principe
de la division des masses chorales y est adopté ainsi que celui des
mélodies larges et simples ; l'œuvre entier, nouveau par son carac-
tère d'ancienneté même, est d'une grande fraîcheur et d'une éton-
nante virtualité. Quel dommage que Meyerbeer n'ait pas eu le temps
d'achever le retour complet qu'il projetait aux traditions pures de
l'école de Palestrina ! Nul plus que lui, par la nature de ses ins-
pirations , sa science immense , sa critique finement aiguisée et
clairvoyante, n'était à même de réaliser ce grand progrès rétros-
pectif.
Les mélodies du 91e psaume sont d'une distinction irréprocha-
ble. Les thèmes fondamentaux sans efforts, sans entraves, se dis-
tribuent au milieu des huit parties, passant alternativement de l'un
à l'autre chœur comme les rayons lumineux que l'on voit circuler
sous les arceaux des temples. L'effet est augmenté par des modu-
lations auxquelles l'auteur a réservé tous ses prestiges. Le goût le
plus pur a dicté ces arabesques capricieuses qui s'enroulent autour
des phrases principales. Il y a surtout une mélodie proposée d'abord
par le ténor, qui passe ensuite de voix en voix, à travers les deux
chœurs et dont l'effet est magique. Les voix de basse descendent à de
très-grandes profondeurs ; il y a des mi, des ré, des contre ut. Ces
notes exceptionnelles donnent à l'exécution une indescriptible ma-
jesté, et un auditeur qui a entendu exécuter ce psaume à l'admirable
chœur de la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg, en a conservé
un très-vif souvenir. 11 nous a même signalé comme ayant toujours
produit le plus grand effet, la fugue finale de ce même psaume, où
par une combinaison tentée pour la première fois, Meyerbeer a ob-
tenu un effet imprévu d'originalité. Dans cette fugue, alla brève, l'un
des chœurs écrit suivant les tendances de l'école musicale moderne,
se détache sur l'a utre chœur contenu dans les sévérités de la forme
classique. Pour réussir dans cette tentative, il fallait un homme de
génie, et Meyerbeer s'est rencontré.
Maurice CRISTAL.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Vaudeville : la Jeunesse de Mirabeau, pièce en quatre actes, par
M. Aylic Langlé ; les Erreurs de Jean, comédie en un acte, par
M. Verconsin. — Ambigu : VOuvrière de Londres, drame en cinq
actes, par M. Hostein.
Il est certains personnages historiques qu'il n'est pas facile de
mettre à la scène, et Mirabeau est de ce nombre L'auréole fulgu-
rante qui resplendit au front du célèbre tribun est bien faite pour
donner le vertige aux plus audacieux. Aussi croyons-nous qu'on n'a
jamais essayé de le représenter dans tout l'éclat de son rôlo poli-
tique , mais la renommée de Mirabeau ne date pas seulement du jour
où sa puissante voix a retenti sous les voûtes de la Constituante.
Avant d'être le plus grand orateur des temps modernes, il avait été,
dans la première partie de sa vie, le héros d'un roman d'amour, qui
le montre sous un aspect tout autre que celui sous lequel on a cou-
tume de l'envisager, et c'est par ce côté humain qu'il rentre dans le
domaine de l'action théâtrale. Déjà, en 1831, sur cette même scène
du Vaudeville où nous le retrouvons aujourd'hui, on a risqué une
comédie en deux actes, intitulée Sophie et Mirabeau, qui a vécu...
ce que vivent les roses. La Jeunesse de Mirabeau aura-t-elle une
existence plus prospère et plus longue? A en juger par l'accueil que
le public lui a fait tout d'abord, c'est ce qui ne semblerait pas faire
l'objet d'un doute. En attendant, disons ce que le roman de Mirabeau
est devenu sous la plume de M. Aylic Langlé.
Nous sommes chez Mirabeau le père, le philosophe de l'école en-
cyclopédique, qui se faisait appeler l'ami des hommes et qui traitait,
dit-on, ses enfants et ses serviteurs comme des nègres. Il donne une
fête présidée par sa maîtresse, Mme de Pailly, quand, tout à
coup, son fils, échappé du château d'If, où il le tenait enfermé pour
quelques escapades de jeunesse, se dresse devant cette courtisane
qui a pris la place de sa mère et dont elle porte les bijoux qu'il lui
arrache en présence de tout le monde. Arrêté de nouveau, il est
envoyé au fort de Joux, sous la garde de M. de Saint-Mauris, gou-
verneur du fort. M. le marquis de Monnier, président à Pontarlier, a
été témoin, avec sa femme, de l'insulte faite à Mme de Pailly. Là où
le mari n'a vu qu'un délit digne de la répression la plus sévère,
Sophie de Monnier a puisé un sentiment d'admiration qui prend
bientôt le caractère d'une forte et énergique passion. Mirabeau,
défendu par Gensonné, le futur Girondin, intente un procès à son
père ; mais débouté de ses légitimes prétentions, il s'évade encore
une fois de sa prison et s'enfuit en Hollande en enlevant Sophie.
Poursuivi par la haine paternelle et par la jalousie de son geôlier,
il a été condamné à mort, et il est dépisté par l'agent de police Bru-
gnières qui demande son extradition. Il pourrait facilement s'éloigner,
mais il faudrait abandonner Sophie qui, de son côté, a été condamnée
à passer le reste de ses jours dans le couvent des Dames repenties
de Besançon. Il préfère donc demeurer auprès d'elle, et tous deux
sont livrés. Cependant M. de Monnier a obtenu du roi le droit de
grâce, et il en use envers Mirabeau, à condition que Sophie renon-
cera à son amant et réintégrera le domicile conjugal. Cette dernière
clause est acceptée ; mais en sauvant la vie de Mirabeau , Sophie a
fait le sacrifice de la sienne, et elle se tue au moment de rentrer
sous la puissance de son mari.
Malgré les précédents qu'on pourrait invoquer en faveur de ce
drame, sa couleur est un peu sombre pour le Vaudeville, et il serait,
selon nous, mieux placé au boulevard; néanmoins, il faut lui savoir
DE PARIS.
373
gré des qualités littéraires qu'on y découvre çà et là, et qui lui don-
nent un air de parenté à peu près suffisant avec les ouvrages de
MM. Dumas fils, Emile Augier, Octave Feuillet et Théodore Barrière,
que leurs dénoûments lugubres n'ont pas empêché de réussir à ce
théâtre. L'exposition est excellente, mais l'intérêt languit un peu pen-
dant les actes suivants, et ne se relève que dans les dernières
scènes.
La pièce est, du reste, remarquablement interprétée. Sous le véri-
table masque de Mirabeau qui, comme on le sait, n'était pas un mo-
dèle de perfection idéale, Febvre produit un grand effet ; Mlle Far-
gueil, à force de talent, fait presque illusion sous les traits de la
jeune et belle Sophie de Monnier. Félix, Parade, Delaunoy, Munier
et Mlle Francine Cellier concourent, chacun pour leur part, à un en-
semble qui ne laisse rien à désirer.
On a joué dernièrement, au même théâtre, une petite pièce de
M. Verconsin, qui, sans être un chef-d'œuvre, peut passer incontes-
tablement pour un très-beau lever de rideau. Cela s'appelle les Er-
reurs de Jean. Dans une maison dont la maîtresse fait des proverbes
en vers pour le divertissement de sa société, ce Jean, Champenois
balourd et niais, arrivé depuis peu de sa province, assiste sans cesse
à des répétitions, où la fiction prend à ses yeux les proportions
d'une terrible réalité. 11 se figure que le capitaine Tancrède fait à
Mme de Beauséant une cour assidue, et il le dénonce au mari, puis sa
vanité aidant, non moins que sa bêtise, il s'imagine que sa maîtresse
est amoureuse de lui. Dans toutes les erreurs de Jean, il y a pour-
tant quelque chose de vrai, ou peu s'en faut : c'est le commerce de
galanterie qui, grâce aux proverbes, s'est établi entre Mme de Beau-
séant et l'entreprenant capitaine. Mais Jean a si bien embrouillé l'é-
cheveau de ses confidences, que l'explication provoquée par le mari
tourne à la confusion du Champenois, et qu'il est chassé sans
pitié.
Ce petit acte est vif, alerte et gai ; le rôle de Jean, parfaitement
joué par Saint-Germain, lui fera le même honneur que le rôle du
même genre qui est joué par Lesueur dans le Chapeau d'un hor-
loger.
M. Hostein, non content de diriger avec habileté le théâtre du
Châte'.et, a, paraît-il, la noble ambition de consacrer ses loisirs à la
fortune de ses rivaux. L'Ouvrière de Londres, que l'Ambigu vient
de représenter, est un drame de sa façon, et dont il s'est borné à
emprunter les principales situations à un roman anglais de miss
Braddon, qui a pour titre les Réprouvés. Sans nous arrêter à la
constatation des ressemblances qui doivent exister entre le livre et
la pièce, nous essayerons de raconter en quelques mots le sujet de
cette dernière. Marguerite, l'ouvrière de Londres, partage ses affec-
tions entre un père et un mari qui la quittent tous les deux, Jocelyn,
son mari, pour obéir à de mauvais instincts qui lui conseillent le
changement, et Vilmott, son père, pour accomplir une vengeance
qui est désormais le but de sa vie. Ce Vilmott, entraîné par la fai-
blesse de son caractère, a commis jadis des faux dans le but de venir
en aide à son ami Henry Dumbar qui l'a lâchement trahi, après avoir
profité de son crime. Vilmott a longtemps perdu de vue Henry
Dumbar ; mais un jour, son frère l'a mis, sans le savoir et surtout
sans le vouloir, sur la trace du félon, et voilà pourquoi Vilmott a
quitté sa fille. Celle-ci apprend bientôt que son père a succombé dans
la lutte contre Dumbar, et sur-le-champ elle quitte tout pour s'atta-
cher à la perte du meurtrier, aidée qu'elle est dans ses projets par
un habile agent de police. A la suite de plusieurs péripéties qu'il est
inutile de rapporter, Marguerite se trouve enfin en présence de
Dumbar et elle reconnaît. . . Mais avant d'aller plus loin, il est bon
d'dpprendre au lecteur que Vilmott a complètement réussi à se venger
de son déloyal ami ; seulement pour déguiser le meurtre dont il s'est
rendu coupable, il a pris les papiers, les habits, le nom de sa vic-
time. Il passe donc pour Henry Dumbar, et comme celui-ci, en fuyant
l'Angleterre, y avait laissé une fille, Vilmott-Dumbar se voit forcé
de l'accueillir. Or, la jeune Laura, en l'absence de son père, a fait
choix d'un fiancé, et, à son retour, elle le lui présente. 0 surprise !
ce fiancé, c'est Jocelyn, le mari de Marguerite, et non-seulement
Marguerite retrouve son père dans la personne de Dumbar, mais en
même temps elle retrouve son mari tout prêt à devenir bigame. Que
faire et comment sortir de cette impasse ? Marguerite elle-même a
dénoncé son père, et l'agent de police a mis la main sur sa proie.
Mais Vilmott se fait justice et sauve, en se tuant, l'honneur de son
nom ; quant à Jocelyn, il se repent et il obtient le pardon de Mar-
guerite.
Nous n'entreprendrons pas de faire ressortir les invraisemblances
qui fourmillent dans ce drame; elles sautent aux yeux. Mais comme,
en résumé, les faits ne sont pas tout a fait impossibles, et qu'ils
sont adroitement justifiés, l'intérêt n'en souffre point. 11 atteint au
contraire un tel degré d'intensité, que du premier acte jusqu'au der-
nier, il n'y a pas un moment de repos pour le spectateur qui suit
l'action avec une anxiété croissante, et qui, en proie à une sorte de
cauchemar, ne parvient à respirer que lorsque l'auteur veut bien
enfin le lui permettre. Mme Marie Laurent a des accents fort drama-
tiques dans le rôle de Marguerite, et elle est bien secondée par Clé-
ment Just, par Faille et par Mlle Clarisse Miroy, qui a quitté subite-
ment les Bouffes -Parisiens pour venir prêter son concours à l'Ouvrière
de Londres.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
„,*» La représentation des Huguenots, donnée dimanche au théâtre im-
périal de l'Opéra, avait rempli la salle. Elle a été fort belle; Mme Marie
Sax, admirable dans le rôle de Valentine, a plusieurs fois soulevé l'en-
thousiasme; Morère a très-convenablement rempli celui de Raoul, et
quant à celui de Marcel, dire qu'il a été chanté par Obin, c'est cons-
tater le talent supérieur avec lequel il a été interprété. — Lundi et
mercredi on a joué Roland à Roncevaux. — Le mercredi, Mme Gueymard,
indisposée, a été remplacée dans le rôle de la comtesse Aide par
Mlle de Taisy. — Jeudi a eu lieu la représentation extraordinaire au
bénéfice de Bouffé. Cette représentation a été magnifique et a produit
près de 23,000 francs; elle a été honorée de la présence de S. A. R. le
duc de Brabant. — Vendredi, entre le Comte Ory et le Marché des Inno-
cents, a été solennellement exécutée la cantate de M. Sieg, lauréat du
Conservatoire, Iqanhoe. Elle a été chantée par Mlle de Taisy, MM. Mo-
rère et Dumestre.
*** Guillaume Tell sera joué aujourd'hui par extraordinaire à l'O-
péra.
*** Les artistes chargés d'interpréter les rôles de l'Africaine apportent
le plus grand zèle à l'accomplissement de leur tâche ; plusieurs savent
déjà complètement les quatre premiers actes et le cinquième vient de
leur être distribué. Les répétitions au théâtre pourront donc commencer
dès les premiers jours du mois prochain. Tous sont unanimes à dire
que Meyerbeer n'a rien écrit de plus grandiose et en même temps de
plus mélodique. L'exécution des décors est en pleine activité, et tout
fait espérer que le terme de février assigné à la représentation de
l'Africaine ne sera pas dépassé.
„% La représentation de la Traviata donnée jeudi au théâtre Italien
a été l'occasion d'un nouveau triomphe pour Adelina Patti. Elle a été
rappelée quatre fois après le premier acte aux acclamations de la salle
entière. Elle n'a pas provoqué moins d'enthousiasme dans le troisième
acte, où la vérité saisissante de sou jeu émeut si profondément, et fait
de cette jeune et inimitable artiste une véritable tragédienne.— Hier on
a donné Norma avec Mme Lagrange et Fraschini, et aujourd'hui Don
Giovanni, chanté par Mmes de Lagrange, Adelina Patti, Delle-Sedie,
Baragli et Scalese. Deux divertissements accompagneront l'entrée de
Zerlina et de Mazetto et le bal chez Don Juan.
„,% C'est dimanche prochain que Brignoli doit faire son apparition sur
le théâtre Italien dans Marta ; il chantera le rôle de Lionel, et Mlle Ade-
lina Patti celui de Marta.
»*„ Le théâtre des Variétés prépare sa grande pièce d'hiver dont les
représentations auront lieu au commencement de décembre. Cette fois
la musique d'Offenbach va se trouver transplantée du passage Choiseul
au boulevard Montmartre. La Belle Hélène est un opéra-boufife en trois
actes dont le poëme est de MM. H. Meilhac et Lud. Halévy. Le théâtre
374
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
des Variétés si renommé pour sa mise en scène s'est encore surpassé
dans l'éclat des décors et des costumes. Les chœurs sont renforcés,
l'orchestre est augmenté, enfin la direction n'a rien épargné pour faire
grandement les honneurs de la scène au compositeur si populaire qui
va livrer sa première bataille lyrique à ce théâtre. Les bruits de cou-
lisses permettent de présager aux auteurs une victoire éclatante.
On dit la pièce des plus amusantes; quant à la musique, il parait que
jamais Offenbach n'en a fait de plus spirituelle et de plus entraînante.
Non-seulement cet opéra sera parfaitement joué, ce qui d'ailleurs est
une habitude au théâtre des Variétés, mais encore il sera très -bien
chanté. Sans compter Dupuis qui certes est un de nos meilleurs ténors
comiques et qui jouera Paris, nous aurons Couderc dans le rôle d'A-
gamemnon, Grenier dans celui de Calchas, Kopp dans celui de Ménélas;
Guyon jouera Achille, Hamburger et Auder joueront les deux Ajax. Le
rôle d'Oreste est confié à Mlle Silly; enfin Mlle Schneider a été spécia-
lement engagée pour le rôle de la belle Hélène. Jamais la musique
bouffe n'aura eu de plus brillants interprètes, et avec de tels éléments
le succès de l'enlèvement d'Hélène est assuré d'avance.
*** M. Mestepès, auquel les commanditaires des Bouffes-Parisiens
avaient confié l'administration de ce théâtre, vient de se déme'ttre de ses
fonctions.— M. HippolyteLefebvre, ancien régisseur du Vaudeville et de
l'Ambigu, est nommé régisseur de la scène. — On annonce que MM. Na-
jac, Deulin et Grisar ont retiré la pièce qu'ils devaient y faire repré-
senter sous le titre du Parapluie enchanté, et que M. Eoulanger a fait
suspendre les répétitions de son opérette la Jeunesse de Don Juan. — Arnal
a été engagé; son début aura lieu dans Passé minuit, transformé en
opérette par M. Deffès, et qu'il jouera avec Désiré.
„% Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires, concerts, etc., ont atteint dans le mois d'octobre
le chiffre de 1,797,033 fr. 08 c.
„*» M. Ritt, directeur associé du théâtre impérial de l'Opéra-Comique,
vient d'avoir la douleur de perdre son père.
*** Nous apprenons que, par une décision récente, l'opéra français
ne fera plus partie des spectacles de Bade. Les sacrifices que s'est im-
posés M. Benazet pour naturaliser, au delà du Rhin, un genre si popu-
laire en deçà auront eu du moins pour effet de mettre en lumière des
œuvres parmi lesquelles se distinguent la Colombe, de Gounod ; Béa-
trice et Benedict, de Berlioz; Erostrate, de Reyer ; Nahel, de Litolff.
Toutes ces partitions vivront dans la mémoire de ceux qui les ont en-
tendues à Bade, et il en sera de même des autres opéras, signés de Vic-
tor Massé, Gevaert, Membrée, Boieldieu, Schwab, Vogel, Vivier, Pascal,
Clapisson, Héquet, Rosenhain, Boulanger, Greive, Mme de Grandval, etc.
A ces noms allaient succéder ceux de Léo Delibes, G. Bizet, Th. Semet,
Albert Grisar, E. Ortolan, Alfred Mutel, Auguste Lippmann, Félicien
David, etc., auxquels des succès non moins flatteurs semblaient as-
surés .
„** La commission chargée de l'érection du monument à la mémoire
d'iïalévy, s'est réunie pour la dernière fois, jeudi, au Conservatoire,
sous la présidence de M. Auber, Dans cette séance, il ne s'agissait que
de régler les comptes et de solder les mémoires non encore acquittés.
Le produit total de la souscription s'était élevé au chiffre de 36,276 fr.
80 c, et cette somme a suffi à couvrir toutes les dépenses. Il est vrai
que la concession du terrain est due à la ville de Paris et que le marbre
de la statue a été donné par le ministre. Des remercîments ont été
votés à M. Lebas, l'architecte, et à M. Duret, le sculpteur, pour le
désintéressement non moins que pour le talent dont ils ont fait preuve
dans cette circonstance. C'est à leur digne concours que nous devons le
plus beau monument élevé jusqu'ici à la gloire d'un artiste musicien.
*% Aujourd'hui dimanche, 20 novembre, à 2 heures, cinquième con-
cert populaire de musique classique. En voici le programme : 1° ouver-
ture de Sémiramis, de Rossini; — 2" symphonie en si bémol, op. 38
(première audition), de Robert Schumann; — 3° hymne (par tous les
instruments à cordes), de Haydn ; — 4° la Séparation, romance pour cor,
de Lorenz, exécutée par M. Mohr, professeur au Conservatoire; —
5° symphonie en ut (allegro, andante, menuet, finale), de Beethoven.
— L'orchestre sera dirigé par M. J. Pasdeloup.
J1", Mlle de Lapommeraye vient de terminer une série d'engagements
qu'elle avait contractés avec les sociétés philharmoniques de province,
où elle a chanté avec le plus grand succès, et elle est de retour à Paris.
Mlle de Lapommeraye, qui s'est vouée au professorat, y compte beau-
coup d'élèves et va reprendre le cours de ses leçons de chant.
i% Une dépêche télégraphique de Madrid, en date du 18 novembre,
annonce comme suit la réouverture du théâtre Royal : « Hier, Robert
le Diable. — Magnifique succès. — Grands applaudissements et rappels
nombreux pour la Peneo, la Vitali, Nicolini et Selva, — Exécution irré-
prochable, chœurs et orchestre parfaits. — Mise en scène splendide. —
Les plus mal disposés n'ont rien trouvé à reprendre et ont joint leurs
applaudissements à ceux de la masse du public. »
*** On nous écrit de Lisbonne : « A la suite du succès qu'elle a
obtenu dans l'opéra Sa-fo, Mme Borghi-Mamo vient d'être' rengagée
pour la saison prochaine 1865-1866. — Dans quelques jours Maria sera
I représentée; l'interprétation en est confiée à Mmes Volpini et Patti,
MM. Mongini et Marinozzi.
t% M. Pierre Benoît, jeune compositeur belge, auteur d'œuvres reli-
gieuses qui ont été fort appréciées dans son pays, vient d'arriver à
Paris pour essayer d'y faire représenter deux opéras dont il a composé
la musique sur les libretti d'un de ses compatriotes, M. Joseph Vilbort,
littérateur distingué.
„** Le Pape vient de décerner à M. Dœhring, professeur au Con-
servatoire à Dresde et musicien de mérite, la croix de chevalier de
l'ordre de Saint-Sylvestre.
*** L'éminent pianiste compositeur Léopold de Meyer est recherché
avec empressement depuis son retour à Paris, et ses succès dans les
salons aristocratiques sont des plus flatteurs. Quoique l'élite de la so-
ciété parisienne n'ait pas encore quitté la campagne, M. Léopold de
Meyer a dû céder aux instances de Mme la marquise Tamisier, de
la duchesse Decaze, de la duchssse d'Otrante, etc. Partout la fougue
juvénile du célèbre pianiste, la valeur de ses compositions sur le Pro-
phète, le Pardon de Ploërmel, le Trovatore, le Balte in Maschera, exécutées
par lui avec l'incomparable talent qui a rendu sa réputation euro-
péenne, lui ont valu des applaudissements et des félicitations aussi
enthousiastes que méritées. Chez la marquise Tamisier, Mlle Vander-
beeck, du théâtre Italien, accompagnée par Rubini ; chez la duchesse
Decaze, Mlle Marie Floresco, sœur du ministre de la guerre de la
Moldo-Valachie, qui chante délicieusement, ont partagé les triomphes de
Léopold de Meyer.
*** La fête de Sainte-Cécile sera célébrée cette année avec la plus
grande pompe, grâce aux soins de l'Association des artistes musicieus
de France, fondée et présidée par le baron Taylor. Mardi, 22 novembre,
à 11 heures, M. Pasdeloup fera exécuter à Saint-Eustache la messe en
ut de Beethoven, qui produisit tant d'effet l'année dernière. Mlle Wert-
heimber, MM.Faure et Warot, de l'Opéra, et Mlle Levielli, chanteront les
soli. A l'offertoire, Alard exécutera sur le violon uii andante de Beet-
hoven. M. Batiste, organiste de la paroisse, touchera le grand orgue.
Mgr Darboy, archevêque de Paris, assistera à la cérémonie. Mgr Bert-
hauld, évêque de Tulle, prononcera le discours. On se procure à l'a-
vance des billets d'enceinte réservée chez M. Bolle-Lasalle, trésorier de
l'œuvre, 68, rue de Bondy.
„,** On nous écrit de Milan : « Après une longue suite de répétitions
et de retards, l'opéra nouveau de M. Gentili, Werther, vient enfin de
faire son apparition au théâtre de la Cannobiana. Cet opéra, emprunté
au roman de Gœthe, avait été représenté à Rome avec un certain suc-
cès qui ne l'a pas complètement suivi à Milan, où la réussite a été con-
testée. C'est le second ouvrage de ce jeune compositeur, qui donne
d'ailleurs de belles espérances. »
*** Sivori est en ce moment à Trieste; il vient d'y donner un con-
cert qui a fanatisé le public accouru au théâtre communal pour en-
tendre le célèbre artiste.
*** M. W. Krùger, l'éminent pianiste compositeur, est de retour à
Paris, où il va reprendre le cours de ses leçons.
*** Montpellier n'a pas voulu être en reste avec les théâtres qui ont
rendu hommage à la mémoire de Meyerbeer. Dernièrement une repré-
sentation des Huguenots a été l'occasion d'une solennité qui a profon-
dément ému l'auditoire. Après l'exécution de la Marche aux flambeaux,
le rideau s'est levé et tous les artistes ont paru groupés autour du buste
couronné de l'immortel auteur des Huguenots, en l'honneur duquel des
vers composés par M. Minier ont été lus par M. Pougaud, aux applau-
dissements répétés de tous les assistants.
„.% Les travaux entrepris par M. Martinet, pour ajouter une salle de
concerts à ses salles d'exposition artistique, sont presque entièrement
terminés, et l'inauguration de cette salle, qui réunira tous les éléments
d'uNe élégante distraction, est très-prochaine. L'orchestre est confié à
la direction de M. Debillemont; il fera exécuter simultanément des
morceaux de musique classique ancienne et moderne, des ouvertures
d'opéras en renom, des symphonies, de la musique légère , en un mot
des programmes qui puissent satisfaire tous les goûts. Le prix d'entrée
sera de 1 franc.
*** Une troupe italienne exploite en ce moment avec assez de suc-
cès le théâtre du Gymnase à Marseille. MM. Guadagnini, Tagiiazucchi,
Mmes Calderon et Acs en sont les principaux chanteurs. Jusqu'à pré-
sent elle a représenté Rigoletto et le Trovatore.
„*, On écrit de Florence : o La première matinée musicale de la
quatrième année de la Societa del Quartetto de Florence, a eu lieu le
1er novembre. Elle a été très-brillante; on y a exécuté la grande so-
nate de Beethoven, pour piano et violon, dédiée à Kreutzer; le qua-
tuor en mi bémol, op. 44, de Mendelssohn, et le grand quintette de
Schumann, pour piano et instruments à cordes. On a beaucoup ap-
plaudi, dans tous les morceaux, surtout dans la sonate de Beethoven, le
jeu du violoniste, M. Papini. M. Joseph Ducci, habile pianiste qui se
produisait pour la première fois, a obtenu le plus brillant succès. La
Societa del Quartetto fait d'année en année de nouveaux progrès, et le
nombre des associés s'est considérablement augmenté. »
DK PARIS.
375
**„ La Société Ph. Herz neveu et Cc vient de terminer le premier
piano, grand modèle, sorti de sa manufacture. C'est un instrument
magnifique sous tous les rapports et que le public sera prochaine-
ment appelé à apprécier.
**„ Le Musical world et le Guide musical de Bruxelles ont reproduit
l'article de M. Stephen Heller sur Ernst, publié dans le numéro 45 de la
Revue et Gazette musicale ; nous ne nous en plaignons pas, loin de là;
mais nous serions obligés à nos honorables confrères, lorsqu'ils vou-
dront bien nous faire des emprunts analogues , d'indiquer la source à
laquelle ils ont puisé.
*% Félix Godefroid et Roger viennent de quitter Paris pour aller don-
ner des concerts en Normandie et en Bretagne.
*** Un nouvel orgue vient d'être placé dans l'église de la Trinité du Mont,
à Rome, par la Société anonyme: Etablissement Merklin-Schùlze, à Paris
et à Bruxelles. En octobre a eu lieu la réception officielle par M. Sal-
vatorMeluzzi, maître de chapelle de la vénérable chapelle de Julia, au Vati-
can. S. Etn. le cardinal de Reisach, Mgr Pacca et llgr l'évêque d'Autun,
et un grand nombre de personnes d'élite, ont daigné assister aux expé-
riences faites par le célèbre maître de chapelle Meluzzi, et ont accordé
leur haute approbation à ce bel instrument, dont l'inauguration so-
lennelle a été faite en présence de plusieurs cardinaux et évoques, hauts
dignitaires et d'un public d'élite. Divers chanteurs de la chapelle Sixtine
et de la chapelle Saint-Pierre ont exécuté à cette occasion plusieurs
motets et chœurs, admirablement accompagnés par MM. Renaud de
Vilbac, organiste de Saint-Eugène, à Paris, Duhautpas, organiste et
maître de. chapelle de la cathédrale d'Arras, d'Etchvery, organiste de
Saint-Paul, à Bordeaux, et un Romain, M. Meluzzi fils, qui ont fait ap-
précier toute la beauté et la variété des effets de ce bel orgue. Les té-
moignages de satisfaction les plus complets et les plus encourageants
ont été adressés par l'auditoire aux organistes et aux facteurs.
*% MM. Boosey et Ce, éditeurs importants de musique à Londres,
viennent d'acquérir la propriété pour l'Angleterre des Dragons de Vil-
lars. L'opéra de Maillart y sera vraisemblablement représenté avant
peu, et il ne peut manquer d'y obtenir le succès qu'il a rencontré sur
presque toutes les scènes de l'Europe.
*** M. Félix le Couppey ne se contente pas de former par la prati-
que de bons professeurs ; il veut encore faire profiter de son expérience
ceux qui ne peuvent suivre ses leçons du Conservatoire. Cet éminent
artiste vient de publier, à la librairie Hachette, un petit volume inti-
tulé : De l'enseignement du piano, conseils aux jeunes professeurs. Cet
ouvrage, fort bien écrit, plein de choses judicieuses et fines, ne peut
manquer d'obtenir beaucoup de succès.
„% M. César Franck aîné a donné jeudi dernier à Sainte-Clotilde sur
le grand orgue de Cavaillé-Coll, une séance à laquelle assistaient grand
nombre d'artistes et d'amateurs. Les morceaux de la composition de
M. Franck, écrits de main de maître, ont été exécutés par lui, et l'on
a remarqué dans le premier un chœur de voix humaines du plus heu-
reux effet; et dans la grande pièce symphonique une mélodie des plus
distinguée jouée d'abord sur la clarinette et reprise ensuite par les
jeux de voix célestes. Cette séance, dans laquelle M. Franck s'est mon-
tré aussi savant compositeur qu'habile instrumentiste, aura prouvé une
fois de plus que le niveau de l'art de l'organiste s'élève de jour en
jour en France, et que les perfectionnements accomplis dans la fac-
ture moderne, loin de nuire à la composition musicale, lui prêtent au
contraire un précieux et puissant concours. Le bel orgue de Sainte-
Clotilde n'a pas moins brillé dans cette séance que le savant orga-
niste.
**.,. Les bals masqués de l'Opéra pour cette saison commenceront
samedi 10 décembre. Strauss conduira l'orchestre. Les personnes loca-
taires de loges pour la saison sont priées de retirer les coupons avant
le 1er décembre. Passé cette époque, l'administration en disposera.
Prix d'abonnement pour la saison (treize bals) : 50 francs. S'adres-
ser, pour la location des loges, à l'administration des bals, 3, rue
Drouot.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
t.** Strasbourg. — Le directeur de notre théâtre, M. Mutée, déploie
beaucoup d'activité. Après le Postillon de Longjumcau, dans lequel M. War-
nots, qui chantait pour la première fois le rôle de Chapelou, a été fort
applaudi, il nous annonce Giralda, la Somnambule et le Pardon de Ploer-
mel. Tous nos dilettanti se rappellent le succès qu'obtint chez nous le
dernier chef-d'œuvre de Meyerbeer; on peut donc prévoir d'avance
l'accueil qu'en recevra la reprise.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.*„. Bruxelles. — Avant le départ de Mlle Lichtmay, qui va nous
quitter pour se rendre à Aix-la-Chapelle, où elle est engagée pour
chanter au festival, cette jeune et remarquable cantatrice a interprété
le rôle d'Alice de Robert le Diable, et malgré la disparate choquante
produite par l'introduction de l'idiome allemand au milieu du langage
français,— inconvénient qu'elle a considérablement atténué d'ailleurs, —
on ne peut disconvenir que Mlle Lichtmay n'ait apporté dans cette in-
terprétation un véritable talent de chanteuse et de comédienne. —
Mlle Zina Richard dansait le rôle de l'abbesse dans le ballet des Nonnes;
on a pu y apprécier la supériorité qui distingue cette danseuse et
qu'on n'avait guère pu bien juger jusqu'à présent ; elle a obtenu un
succès aussi grand que mérité. — Le concert donné par la Société
chorale Gcrmania, à l'occasion de l'anniversaire de sa fondation, a été
brillant. Mlle Lichtmay et Brassin y ont été fort applaudis,
t*% Aix-la-Chapelle. — On fait de grands préparatifs pour la célébra-
tion, le iO novembre, du vingt-cinquième anniversaire de la fondation
de la Société de chant choral Concordia, dont les membres sont très-
nombreux. Ils se trouveront augmentés, pour cette occasion, par des
députations de chanteurs de différentes villes allemandes. Après un
Te Deum et une messe pour voix d'hommes chantés dans la cathédrale,
les chanteurs se rendront à l'Hôtel de ville, où le bourgmestre leur
remettra une adresse de remercîments et de félicitations. Deux grands
concerts-festivals doivent être donnés le soir et le lendemain. On y exé-
cutera le 98e psaume de Franz Wullner, des scènes de Frithjofssage, de
Max Bruch, et d'autres œuvres composées spécialement par F. Hiller,
Mohring et autres. M. Joachim, Mlle Lichtmay et d'autres artistes cé-
lèbres prêteront également leur concours à cette fête.
„,** Berne. — Le théâtre de ville, dont la direction a été confiée à
M. Kramer, vient de faire sa réouverture par une très-bonne représen-
tation des Huguenots.
„.*.,, Berlin. — L'opérette de Mendelssohn, le Retour de l'étranger, a été
revue avec plaisir au théâtre de l'Opéra, où la reprise du ballet la Fille
mal gardée, remanié par Taglioni et avec musique nouvelle de Hertel,
a été également très- bien accueillie. — Mlle Lucca vient de signer un
engagement pour cinq ans avec le directeur du théâtre de Covent-Gar-
den, M. Gye, au prix de 600 thalers (2,250 francs) pour chaque repré-
sentation.
„*., Vienne. — Mlle Artot a débuté avec un très-grand succès dans
le Domino noir, et la célèbre cantatrice a dû le chanter trois fois de
suite devant une salle comble. Robert le Diable et Oberon ont complété
le répertoire de la semaine au théâtre de la cour. — Une nouvelle opé-
rette-féerie, Fitzliputzli, de M. Zaitz, a été représentée au Carl-Theater
et saluée de bravos unanimes.
#*t Rome. — Le théâtre Argentina était en fête le samedi 5 ; c'était
le jour fixé pour le bénéfice d'Alessandro Bettini qui avait choisi pour
cette solennité II Barbiere, dans lequel avaient été introduits pour la
circonstance, une tarentelle du maître et la cavatine de Bianca du
Giuramento. De même qu'au bénéfice de Mme Trebelli, le public était
accouru en foule, et pendant toute la durée de l'opéra les applaudisse-
ments ont accueilli le bénéficiaire à chacune de ses entrées en scène,
applaudissements qui ont redoublé après la cavatine Se il mio nome.
Mme Trebelli n'a pas reçu une moindre ovation après la cavatine de
Bianca, chantée par elle avec une inimitable perfection. Son mari a
dû répéter, aux acclamations de toute la salle, la tarentelle, dite avec
un brio sans pareil. Cette soirée, dans laquelle on a prodigué aux deux
artistes, fleurs, poésies, épigraphes, photographies, etc., aura été un
des plus éclatants triomphes de leur carrière d'artistes.
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le numéro d'ordre de l'inUrumenl et le poinçon ci-apr'es :
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Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851,
et 1S62, relatif» aux Saxophones (BREVET DE 184G).
a Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grand progrès. » (Exposit, 4851.)
« Famille complète des Saxophones, inventée par M. Adolphe Sax. — L'instrument se joue avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
Saxophone l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
alto MI bémol. habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes" à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance : car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme. Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions ; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, est né d'hier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner à M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. » (Exposit. 18i>5.)
a M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » (Exposit. 1862.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et toutes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour ieur musique.
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Lorsque Meyerbeer fut si soudainement enlevé à l'art qu'il illustrait,
pas un des abonnés de la Gazette musicale ne faillit à payer son tribut
de regrets à l'immortel auteur des Huguenots. Nous sommes donc bien
certains qu'en leur offrant aujourd'hui, en prime, un magnifique por-
trait du maître, accompagné de la collection transcrite pour piano de
ses quarante mélodies, arrangées exprès pour cette occasion par un
professeur et un artiste dont la valeur et le mérite n'ont pas besoin
d'éloge, M. Amédée Mébeaux, qui a voulu lui-même honorer la mé-
moire de Meyerbeer en faisant ce travail, nous sommes bien certains,
disons-nous, d'avoir choisi ce qui pouvait leur plaire le mieux.
Dès le S décembre, nous mettrons donc à leur disposition ce beau
volume inédit et le portrait, auxquels nous ajoutons un album de
danses, dû aux meilleurs auteurs de ce genre de musique.
SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (7e article), par
Paul Smith. — Le Trésor des Pianistes, de M. Farrenc, par Fétls père.
— Nouvelles et annonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par H. de Wolzogen (1).
VII.
Nous avons vu les jours de la splendeur et nous approchons de
ceux de la décadence. Dans le sommaire du onzième chapitre de
cette biographie, qui en contient douze en tout, n'apercevons-nous
pas déjà ce titre plein d'amertume et de tristesse : Die alternde Frau
(la femme qui vieillit), et pour Mme Schroeder n'était il pas double-
ment cruel de vieillir ? Elle n'avait vécu que par la passion ; elle lui
avait dû son génie, sa gloire, ses félicités, qui bientôt allaient se
changer en afflictions et en misères. La femme qui vieillit, que de
douleurs dans ces mots, quand il s'agit d'une artiste accoutumée aux
succès de tout genre, à la domination irrésistible, universelle dans le
monde comme au théâtre !
Le second voyage de notre artiste à Paris marqua, non pas la fin,
mais l'apogée de ses triomphes. Elle commit certainement une faute
en s' engageant au théâtre Italien , pour lequel sa voix n'était pas
faite ; elle n'y joua que quatre rôles, parmi lesquels se distinguent
celui d'Imogène du Pirate, de Bellini, et celui d'Adélaïde d'un opéra
de Fioravanti, gli Amori di Comingio e d'Adélaïde, qu'elle chanta
avec Rubini. Dans un duo de ce dernier ouvrage, qui d'ailleurs ne
réussit pas, elle trouva l'occasion de déployer toute son expression
dramatique et d'émouvoir les auditeurs jusqu'aux larmes. Ce fut le
choléra qui se chargea de clore brusquement la saison : la crainte
du fléau dispersa les artistes du théâtre Favart. Lablache et
Mme Schroeder-Devrient partirent pour Londres, Rubini pour Milan.
Mme Pasta et Mme Malibran avaient depuis longtemps pris leur
feuille de route.
A Londres, l'opéra allemand n'était pas connu, bien qu'on eût déjà
plusieurs fois essayé de l'y introduire ; c'est à M. Monck-Mason
(1) Voir les n" 24, 26, 27, 35, 43 et
378
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qu'appartient l'honneur de l'avoir révélé à ses compatriotes. Ce Monck-
Mason était alors, et pour l'année seulement, directeur d'une triple
troupe allemande, française et italienne, qui jouait alternativement
sur le théâtre de Sa Majesté. Presque tous les sujets de notre grand
Opéra faisaient partie de la troupe française et devaient y représenter
Robert le Diable, auquel par mesure de prudence et d'économie le
docteur Véron avait donné la clef des champs. Mme Schroeder-De-
vrient avait été engagée pour les mois de mai, juin et juillet, au
prix de 20,000 francs, augmenté d'un bénéfice. Cela paraissait fort
cher dans le temps, mais aujourd'hui quel est l'artiste de sa valeur qui
se dérangerait pour une pareille bagatelle? Le début de Mme Schroe-
der eut lieu le 18 mai 1832 : elle joua Fidelio et y produisit une
sensation extraordinaire. Le ténor Hailzinger était avec elle, et les
choristes allemands n'excitèrent pas moins d'enthousiasme à Londres
qu'à Paris. L'opéra allemand était dirigé par Chelard, le compositeur
français, auteur du Macbeth qui avait été joué à l'Académie royale de
musique, et qui le fut aussi au théâtre de Sa Majesté. Mme Schroeder
en remplit le rôle principal, et malgré les souvenirs de misstriss Sid-
dons, la grande cantatrice anglaise, elle s'y fit admirer. Pour troi-
sième rôle elle chanta donna Anna de Don Juan ; elle parut encore
dans le troisième acte d'Othello pour un bénéfice, et concourut à
l'exécution de l'oratorio de Beethoven, le Christ aux oliviers. Après
avoir fait ses adieux à Londres dans Fidelio, elle fit sa rentrée à
Dresde dans le même ouvrage ; puis elle chanta Desdemone en
italien et joua plusieurs rôles nouveaux dans sa langue nationale.
Au mois de mai 1833, elle retourna à Londres, appelée par
M. Bunn, qui avait réuni dans sa main les théâtres de Drury-Lane
et de Covent-Garden, pour y donner tour à tour des opéras alle-
mands et anglais. Chelard était encore à la tête du premier, et il y
avait réellement deux théâtres allemands à Londres, car Laporte,
directeur du théâtre de Sa Majesté, avait joint à sa troupe italienne
une troupe allemande, dont Mme Pfirscher, de Darmstadl, était la
prima donna. Mme Schroeder reparut dans Fidelio et chanta dans
Freyschiits, la Flûte enchantée, Euryanlhe, qui fut alors donné à
Londres pour la première fois. N'oublions pas que le 3 juillet elle
prit congé des Anglais dans une de ces représentations-monstres qui
sont si fort de leur goût. Elle joua Fidelio tout entier et le premier
acte d'Euryanthe, en allemand, plus le troisième acte d'Othello, en
italien, et c'était elle qui, pour cette fois, remplissait le rôle du
More, tandis que Mme M alibran chantait celui de Desdemone. C'était
la contre-partie de la mascarade dont le théâtre Italien de Paris avait
eu le plaisir l'année précédente et que nous avons racontée en son
lieu (1). Mme Malibran avait été engagée par Bunn pour par-
ticiper à sa macédoine allemande et anglaise. Les deux cantatrices se
trouvaient donc en présence et se disputaient la faveur publique.
Mais il faut avouer que grâce à la prodigieuse souplesse de son talent,
Mme Malibran enlevait souvent la palme. Elle se montrait charmante
dans une traduction anglaise de la Somnambule, et en même temps
elle étonnait dans une farce musicale : le Pont du Diable, ainsi que
dans la Table et le Logement, opéra de Chelard, traduit en anglais
exprès pour elle sous le titre de : the Sludents of lena, or the
family Concert (les Etudiants d'Iéna ou le Concert de famille).
Cependant la combinaison de Bunn tourna mal, et il lui fut im-
possible de balancer les chances de vogue que le ballet avec des
danseuses comme Marie Taglioni et Fanny Elsler, qui en était à son
début en Angleterre, assurait au théâtre de Sa Majesté. Les opéras
italiens baissaient pavillon devant Flore et Zéphyre, Nathalie, la Syl-
phide, le Dieu et la Bayadère. Mme Malibran, qui allait sans cesse
du camp d'une nation à celui de l'autre; Mme Pasta sur son déclin;
Tamburini dans sa fleur, chantaient devant des salles vides. L'année
d'après, en 1834, la fortune changea, lorsque Julie Grisi parut, mais
(1) Voir le n" M.
alors Mme Schroeder n'appartenait plus à la troupe allemande, qui,
pendant trois années, ruina tous les entrepreneurs, en chantant la
Dame blanche, de Boïeldieu, et le Sacrifice interrompu, de Winter.
Monck-Mason et Bunn ne furent donc pas plus heureux en Angle-
terre que Roeckel ne l'avait été en France. Ils perdirent tous les trois
leur temps et leur argent.
Mme Schroeder devait revoir encore les bords de la Tamise.
Mme Malibran étant venue à mourir le 23 septembre 1835, Bunn,
qui dirigeait le théâtre de Drury-Dane auquel appartenait la célèbre
artiste, ne songea qu'à Mme Schroeder pour la remplacer, et celle-ci
eut le tort d'accepter l'offre qui lui fut faite. Il n'était bruit que des
conditions fabuleuses de son engagement. On parlait de 10,000 li-
vres sterling pour la saison, de /i00 livres pour chaque rôle, mais il
y avait beaucoup à en rabattre; la cantatrice ne toucha même pas
tout ce qu'on lui avait promis. C'était de sa part une grande impru-
dence de venir chanter dans une langue qu'elle n'avait pas eu le
temps d'apprendre assez pour ne pas blesser les oreilles britanni-
ques; une imprudence plus grande encore, de s'exposer à être
comparée, pour chaque note, pour chaque mot, à une artiste qui, au
théâtre anglais plus encore qu'au théâtre italien, avait été l'enfant
gâté du public.
Rien n'effraya Mme Schroeder; le 17 mai 1837, elle chanta Fi-
delio sur le théâtre de Drury-Lane. La traduction anglaise en avait
été faite pour Mme Malibran, et à cette occasion l'ouvrage avait été
divisé en trois actes. Ce qui devait arriver, arriva. On fut d'un avis
unanime que Mme Schroeder ne prononçait pas bien, et que Mme Ma-
libran était le premier Fidelio anglais, mais que Mme Schroeder ren.
dait la musique de Beethoven avec un accent plus élevé, plus pathé-
tique. La mort du roi Guillaume IV, survenue le 20 juin 1837, fit
fermer les théâtres. Celui de Drury-Lane rouvrit le 10 juillet par une
représentation de Fidelio. Ce jour-là, Mme Schroeder était plus
en voix et mieux disposée que jamais, et ce fut le dernier
triomphe qu'elle obtint en Angleterre. Au lieu de s'en contenter, elle
voulut chanter encore Norma et la Somnambule. Dans le rôle d'A-
mina surtout, où les Anglais aimaient tant Mme Malibran, elle resta
au-dessous d'elle-même, et les critiques ne lui manquèrent pas. En
général les directeurs ne sont pas tendres pour les artistes qui ne
réussissent pas et ne font pas salle comble. Sous ce rapport, il pa-
raît que Bunn ne dérogeait pas à la règle : il n'épargna ni les désa-
gréments ni les injustices à Mme Schroeder. Un jour qu'elle n'avait
pu jouer, parce que Mme Pasta donnait concert, il refusa de lui payer
les 80 livres sterling auxquelles elle avait droit; un autre jour,
il la contraignit à se montrer sur la scène, bien que malade et hors
d'état de dire une note, il fallut la reporter chez elle à demi mourante.
Pour combler la mesure, il ne fallut plus qu'une banqueroute direc-
toriale qui lui enlevât ce qu'elle avait gagné. Ce ne fut pas tout :
elle se crut longtemps menacée de mourir, comme était mort l'illus-
tre Weber, d'une maladie de poitrine gagnée dans le même pays-,
mais heureusement la force- de sa constitution la sauva, et dès les
premiers jours du mois d'août elle chantait à Hambourg dans Norma;
au mois d'octobre suivant elle reparaissait sur le théâtre de Dresde.
A travers ces voyages et ces essais divers, chaque fois que
Mme Schroeder reprenait terre en Allemagne, elle ajoutait des rôles
nouveaux à son répertoire déjà si riche. C'est ainsi qu'à Dresde,
après avoir repris Fidelio, elle créa le rôle de Rosa dans un opéra
nouveau de Glaser, l'Aire de l'aigle; le mois suivant, elle chanta le
rôle de Roméo, en italien dans l'opéra de Bellini, i Blontecchi ed i
Capuleti, celui de Bebecca, dans le Templier et la Juive, de Mars-
chner, et celui d'Amazili, dans Fernand Cortez, de Spontini. De tous
ces rôles, celui de Roméo fut celui dont la création lui fit le plus
d'honneur, et que l'on regarda comme la plus importante. La grande
artiste a elle-même consigné, par écrit, des observations que Mme de
Glumer nous a conservées, et nous trouvons les lignes suivantes dans
DE PARIS.
379
une lettre écrite par elle en 1853 à Mlle Emy La Grua, qui, retirée
à Manheim, pour s'y livrer à de sérieuses études, lui avait demandé
ses conseils pour les rôles de Fidelio, Euryanlhe, Donna Anna et Ro-
méo : « Ce qui fait la difficulté de ce dernier rôle, lui répondait
Mme Schroeder, c'est qu'il a été écrit pour une femme et que l'ar-
tiste est forcée d'oublier son sexe pour reproduire la tenue, les ges-
tes, les poses et l'ardente impétuosité d'un jeune homme. Rien ne
doit trahir la femme, sous peine de rendre toute la situation ridi-
cule. Il faut marcher, s'arrêter, s'agenouiller comme un homme; il
faut tirer l'épée, se préparer au combat comme un bon maître d'ar-
mes, et avant tout bannir de son costume ce qui pourrait avoir l'air
féminin. Pas de coiffure élégante, pas de petits pieds, pas de belle
taille! La façon d'ôter et de remettre son chapeau, ses gants, n'est
pas moins essentielle. » Dans une autre lettre, Mme Schroeder nous
apprend qu'elle engagea la jeune artiste à venir passer quatorze
jours avec elle pour travailler les quatre rôles qu'elle devait jouer à
Vienne l'automne suivant, et Mlle La Grua se rendit à son invitation :
« Quatorze jours, ajoute-t-elle, c'est encore bien peu, pour ces quatre
rôles, qui ne m'ont pas demandé moins que la moitié de ma vie. »
Voilà comment elle consacrait au culte de l'art son infatigable activité,
sa vive intelligence. Voilà comment elle parvenait à retrouver dans le
rôle de Roméo, malgré la faible musique de Bellini, les effets que sa
mère, Sophie Schroeder, la grande tragédienne, produisait autrefois
dans le chef-d'œuvre de Shakspeare !
Lorsque sa voix, dont les défaillances avaient commencé de bonne
heure à se manifester, l'eût abandonnée presque tout à fait, on vou-
lut lui persuader qu'elle n'avait qu'une chose à faire, laisser le
chant pour la déclamation, et se poser comme seule et légitime hé-
ritière de son illustre mère, mais elle comprenait trop bien qu'un
organe fatigué par le travail et les efforts qu'exige le chant,
n'avait plus les qualités indispensables au débit dramatique. Elle re-
poussait les propositions que lui faisait à ce sujet Fanny Lewald, en
disant : « Je ne puis rien sans la musique. La musique est l'élément
dans lequel je trouve la force et la vie. Si je voulais essayer de
jouer les rôles que jouait ma mère, je n'y serais jamais qu'une
pauvre imitatrice, car les rôles que jouait ma mère on ne peut les
jouer autrement qu'elle ne l'a fait, et moi je suis condamnée à créer
moi-même, créer toujours, toujours! Réfléchissez d'ailleurs, chère
amie, qu'il y a des positions dans lesquelles le fiasco est absolument
interdit. Si j'essayais ce que je puis faire et que j'éprouvasse un
échec! Une Schroeder-Devrient peut perdre la vie dans un naufrage,
mais ce n'est pas sur le théâtre qu'elh doit en courir le danger. »
Paul SMITH.
(La suite prochainement.)
LE TRÉSOR DES PIANISTES
PUBLIÉ PAR M PABBEÏt.
6' et 7e livraison.
Les monuments de l'art rétrospectif sont de deux sortes : ou ils
appartiennent à l'art complet, c'est-à-dire à la musique en posses-
sion de tous les éléments de tonalité moderne, d'harmonie, de formes
mélodiques et de rhythme qui constituent les œuvres du xvrne et du
xixe siècle ; ou ils sont dans les conditions de l'époque où les artistes,
encore soumis aux lois de la tonalité ancienne, faisaient cependant,
par instinct, des efforts pour entrer dans le domaine d'une tonalité
nouvelle dont la base leur était inconnue. Par une conséquence lo-
gique, l'harmonie, qui pose cette base, n'ayant pas été découverte,
n'apparaît pas dans leurs œuvres, et la modulation, dont la musique
actuelle porte l'abus jusqu'à l'excès, fait défaut dans les compositions
de ces anciens artistes. Il en résulte que le caractère de leur mu-
sique est entièrement différent de celui des productions de l'art mo-
derne. Or, les formes de la mélodie étant entièrement adéquates à la
constitution de l'harmonie, celles qu'on remarque dans la musique
des anciens compositeurs sont également très-différentes des formes
mélodiques auxquelles nous sommes accoutumés. Enfin, la cadence
qui termine les phrases et les périodes des œuvres des maîtres mo-
dernes, résultat du caractère attractif de notre harmonie, lorsqu'elle
n'est point évitée par la modulation, est infiniment rare dans l'an-
cienne musique, et n'y est jamais de nécessité absolue : de là
viennent ces longs enchaînements de phrases sans conclusions qui
nous étonnent à l'audition des œuvres conçues dans les conditions de
l'ancienne tonalité.
Ce n'est pas à dire pourtant que cette musique ancienne soit pour
nous dénuée d'intérêt; car dans les conditions où ils étaient placés,
quelques-uns des vieux maîtres de la fin du xvic siècle et de la pre-
mière moitié du xvuG ont été des artistes de génie comme ont été
certains compositeurs de temps plus rapprochés de nous. Dans l'ordre
étroit de faits harmoniques où leur talent était enfermé , ces artistes
ont montré une remarquable habileté dans l'art d'écrire. Leur pen-
sée, circonscrite par les éléments dont ils disposent, a le grand mé-
rite de la naïveté, qui a disparu de la musique moderne, bien plus
riche en ressources de développements. Dans mes concerts histo-
riques, ce furent surtout ces monuments des temps anciens et d'un
art différent du nôtre qui excitèrent le plus vif intérêt et qui eurent
le succès le plus éclatant, parce qu'ils étaient la révélation d'un ordre
de faits et d'idées inconnu de tout l'auditoire. Il en fut de même
l'année dernière aux séances historiques de la musique de clavecin
et de piano données à Bruxelles par M. le professeur virtuose Dupont.
Toutes les anciennes pièces tirées du Trésor des pianistes de
M. Farrenc furent aussi celles qui furent accueillies par les ap-
plaudissements les plus enthousiastes de la nombreuse assemblée
réunie à ces intéressantes séances.
La place réservée par M. Farrenc, dans son Trésor des pianistes,
aux anciens clavecinistes français Ghambonnière, Couperin et Rameau,
aux Italiens Frescobaldi, Pasquini, Porpora, Martini et Scarlatti, aux
Allemands Froberger, Pachelbel, Kûhnau et Muffert, il la devait aux
Anglais, qui ont leurs clavecinistes renommés: Byrd, J.Bull, Orlando
Gibbons et Crofurd : il leur a payé sa dette dans la sixième livraison
de sa précieuse collection.
William Byrd fut un des plus célèbres musiciens anglais du
xvie siècle, et peut être considéré comme le chef d'école de son
pays. Les pièces de clavecin ou d'épinette, appelée virginale en
Angleterre, composées par ce maître, sont extraites d'un ancien re-
cueil de pièces de ce genre, intitulé Parthenia, dont M. Farrenc a
fait graver en fac-similé le frontispice de l'édition originale, ainsi
qu'un spécimen de la notation. Ces pièces ont pour auteur le même
William Byrd, John Bull et Orlando Gibbons. La Parthenia est la pre-
mière musique imprimée pour clavecin en Angleterre. Les pièces de
Byrd appartiennent au genre appelé suites. Les suites sont composées,
dans la Parthenia, d'un prélude, d'une pavane et d'une gaillarde,
quelquefois de deux pièces de ce dernier caractère. Le style de Byrd,
dans ces pièces, a de l'analogie avec celui de Claude Mirulo. Il s'y
trouve d'assez grandes difficultés, particulièrement dans les orne-
ments qui y sont multipliés. D'ailleurs, elles sont souvent écrites à
quatre parties, ce qui en rend le doigter difficile.
Le style de Bull est plus jeune, plus brillant que celui de Byrd ;
les cadences y sont mieux dessinées, et le caractère de la mélodie y
est plus saisissable ; l'harmonie y est aussi plus pure. Bull, qui ne
mourut qu'en 1628, éprouve évidemment, dans ses compositions
pour la virginale, l'influence de la révolution musicale qui s'opéra
au CDmmencement du xvnc siècle, quoiqu'il s'y engage moins
résolument que son compatriote Orlando Gibbons. Celui-ci, né vingt
ans plus tard que John Bull, est beaucoup moins correct que lui dans
380
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sa manière d'écrire. Il multiplia les dissonances sans les préparer et
sans les justifier par le mouvement conjoint, les attaquant par des
sauts de tierces ou de quartes. On dirait qu'il prend plaisir aux re-
lations dures de sons qui ne sont pas faits pour se trouver réunis.
C'est un véritable révolutionnaire qui ne se rend pas compte de l'ob-
jet de la transformation qui s'accomplit de son temps ; mais, au mi-
lieu de ses défauts, on reconnaît un génie hardi qui s'ouvre des
voies nouvelles, particulièrement dans le rhythme, qui prend dans
ses pièces un caractère plus décidé que chez ses prédécesseurs. Son
prélude (n° 18, pages 38 et 39) est presque de la musique moderne;
enfin, sa courante (n° 6 du recueil suivant, page 14) est d'une mélo-
die charmante.
Après les pièces des clavecinistes anglais viennent, dans la sixième
livraison du Trésor des pianistes, douze polonaises de Guillaume-
Friedmann Bach, qui sont autant d'oeuvres parfaites. Originales par
le fond et par la forme, ces compositions n'ont de rapport avec les
pièces connues sous le nom de polonaises que ce nom même et la
mesure à trois temps. Tout y est d'invention, et le sentiment musi-
cal y est partout empreint du caractère de la grandeur. Dès les
premières mesures de chacune de ces douze pièces, le génie d'un
maître se manifeste. Comme son frère, Charles-Philippe-Emmanuel,
Guillaume-Friedmann Bach est fils de l'immortel Jean-Sébastien. Tous
furent dignes de leur illustre père, car tous furent de grands artis-
tes, chacun en son genre ; m;.is Guillaume-Friedmann n'exerça pas
sur la destinée de la musique moderne une influence aussi décidée
que son frère, parce qu'il écrivit beaucoup moins, parce qu'il ne pu-
blia qu'une petite partie de ce qu'il composa ; enfin, parce que sa
musique offrit de trop grandes difficultés aux artistes. Mélancolique
et peu sociable, son ciractère ne le disposait point à obtenir des
succès, que d'ailleurs il ne recherchait pas. Mais s'il était dépourvu
des qualités par lesquelles on se produit et réussit dans le monde, la
nature l'avait dédommagé en le douant des plus rares qualités de
l'artiste. Par la publication des œuvres de ce grand artiste, presque
ignoré du monde musical actuel, M. Farrenc ajoute un nouveau prix
au beau monument qu'il élève à la gloire de l'art. Les douze polo-
naises de Guillaume-Friedmann Bach sont suivies d'une sonate du
même, où l'on retrouve toutes les qualités de son génie.
La même livraison contient six sonates magnifiques de Charles-
Philippe-Emmanuel Bach, créateur, comme je l'ai dit en plusieurs
endroits, de la sonate moderne. Dans toutes se révèlent les qualités
qui ont été l'objet de mes analyses précédentes des livraisons du
Trésor des pianistes. Je ne puis rien ajouter à ce que j'en ai dit ;
car, dans leurs proportions peu développées, ces sonates présentent
les mêmes perfections de sentiment et d'originalité que celles dont
j'ai déjà parlé.
La seconde moitié de la sixième livraison du Trésor des pianistes
est remplie par huit sonates de Beethoven, extraites de ses œuvres
13, li, 22, 26, 27 et 28. Ces belles compositions sont trop connues,
trop répandues dans le monde musical, trop admirées, enfin, pour
que j'aie besoin d'ajouter ici quelque chose aux éloges qui en ont été
faits cent fois.
Deux noms à peu près inconnus aujourd'hui , non - seule-
ment des amateurs, mais même des artistes, Théophile Muffat et
Georges Binda, se présentent d'abord à l'ouverture de la septième
livraison du Trésor des pianistes. Théophile Muffat, organiste de
S. M. l'empereur Charles VI, vint à Vienne dans la première moitié
du xviïi0 siècle. Son ouvrage le plus important a pour titre : Com-
ponimenti musicali per il rembolo. C'est un recueil de pièces appe-
lées Suites qui étaient alors en usage. Gravés sur cuivre à grands
frais, les Componimenti musicali sont d'une rareté excessive, parce
que le premier tirage qu'on en fit fut sans doute à petit nombre, et
que, postérieurement, les planches paraissent s'être égarées ou ont
été fondues. En publiant de nouveau cet ouvrage dans son Trésor,
M. Farrenc en fait presque une résurrection.
Les Suites contenues dans le recueil des Componimenti musicali
sont au nombre de sept. On sait que ce nom était donné à des réu-
nions de pièces peu développées, dont quelques-unes avaient les ca-
ractères et les mouvements de danses autrefois en usage, tels que
les pavanes, allemandes, sarabandes, courantes, gaillardes, gigues,
menuets, rigaudons, branles, auxquelles on ajoutait quelquefois une
ouverture d;ins le style fugué, un air, une finale. Les Suites n'étaient
pas toujours composées des mêmes morceaux, ni astreintes à un ordre
régulier. Chaque auteur en faisait une disposition particulière suivant
sa fantaisie. Le nombre de morceaux dont se composait une Suite
n'était pas non plus invariable, il s'étendait depuis quatre jusqu'à
sept. Par exemple, la première Suite de Muffat est composée d'une
ouverture, d'une allemande, d'une courante, d'un air, d'un rigaudon ,
d'un menuet avec son trio, d'un adagio et d'un finale. Dans la se-
conde, on trouve un prélude, une allemande, une courante, une sara-
bande, une bourrée, un menuet avec son trio, une fantaisie et une
gigue. Chacune ainsi varie de forme.
Muffat a joui de la réputation d'un savant musicien en Allemagne
parmi les érudits : il la mérite par l'élégance du mouvement des
parties et la pureté de son harmonie. Son style brille par la clarté
des idées, le naturel des modulations et la franchise des rhythmes.
Lorsqu'il écrit à quatre parties, il sait en maintenir la réalité pen-
dant toute la durée des morceaux. Ses motifs, bien choisis, chantent
avec facilité ; ils ont de la variété dans le caractère et ne tombent
jamais dans la trivialité; mais il n'a ni la richesse d'imagination des
grands maîtres allemands, ni la profondeur de leurs combinaisons.
En cela, il est le point de départ de l'école de Vienne au xvme siè-
cle, et marque d'une manière évidente les différences essentielles
qui séparent cette école de celles de l'Allemagne du Nord, car le na-
turel et la clarté sont précisément les qualités distinctives de cette
école viennoise jusqu'à la fin du xvme siècle ; on les retrouve même
dans les compositions des fuguistes tels qu'Albrechtsberger et de
l'abbé Stadler.
Originaire de la Bohême, Georges Benda, bien qu'il ait vécu long-
temps à Berlin et dans le duché de Saxe-Gotha, est empreint des ca-
ractères de la musique facile, claire et gracieuse de l'Autriche. Les
six sonates de sa composition placées par M. Farrenc dans la sep-
tième livraison du Trésor des pianistes, rappellent les formes des
sonates de Charles-Philippe-Emmanuel Bach, mais sont dépourvues
du cachet de création qu'on admire dans- celles-ci. Toutes ont du
charme, mais elles manquent de forme. Les meilleures parties de
ces sonates sont les mouvements lents : le larghetto de la première
sonate, le poco lento de la sixième ont le caractère de la grande mu-
sique. Le largo de la quatrième offre aussi beaucoup d'intérêt par
un sentiment à la fois énergique et tendre que n'aurait pas désavoué
Mozart.
Des six soDates de Charles-Philippe-Emmanuel Bach qui viennent
après celles de Benda, dans la septième livraison du Trésor des pia-
nistes, les quatre premières ne sont pas les meilleures productions de
ce grand artiste; leur style a un peu vieilli; mais la cinquième (en ré
mineur) et la sixième (en la mineur) peuvent prendre place parmj
les plus belles inspirations. La sixième, particulièrement, est, d'un
bout à l'autre, une production originale parfaite.
Les trois magnifiques sonates de l'œuvre 31 de Beethoven, et les
deux sonates de l'œuvre /|9 du même compositeur, complètent la
septième livraison du Trésor des pianistes. Après les œuvres d'inté-
rêt historique, elles présentent l'art dans tout le développement de
sa puissance. Fidèle à son plan, qui consiste à faire connaître aux
artistes et aux amateurs du piano toutes les formes sous lesquelles
cet art inépuisable s'est produit jusqu'à l'époque actuelle, M. Far-
renc met un discernement très-délicat dans le choix des pièces qui
DE PARIS.
381
composent, sa collection et fait preuve d'un dévouement sans bornes
dans la continuation de son entreprise gigantesque. Poussé ainsi jus-
qu'à son terme, le Trésor des pianistes sera un des plus beaux mo-
numents élevés à la gloire de la musique dans le xix° siècle. L'amour
pour l'art dont l'érudit éditeur est animé peut seul lui donner le
courage nécessaire pour l'accomplissement d'un si rude labeur ; car
la recherche d'anciennes œuvres devenues presque introuvables ; la
comparaison des éditions diverses d'un même ouvrage, pour écarter
les altérations capricieuses et résoudre quelquefois des problèmes
difficiles concernant la version préférable; la correction des fautes de
gravure, enfin, la perfection de l'exécution matérielle, exigent des
soins incessants ainsi qu'une rare sagacité. Ajoutons à tout cela le
travail des excellentes notices relatives à la vie et aux ouvrages des
artistes dont M. Farrenc enrichit sa précieuse collection, et l'on com-
prendra ce qu'exige de lu; la difficile entreprise qn'il a formée, et
qu'il poursuit avec un zèle digne des plus grands éloges.
» FÉT1S père. »
Mardi, 22 novembre, jour de la fête de sainte Cécile, a eu lieu à
Saint-Eustache l'exécution de la messe en ut de Beethoven, déjà entendue
l'année dernière dans la même solennité.
La messe en ut majeur (œuvre 86) de Beethoven fait partie de la
première série des œuvres de ce célèbre maître. On sait qu'il ne mo-
difia sa manière et son style qu'à l'époque du congrès de Vienne. Elle
diffère donc de son autre grande messe en ré autant que le premier
opéra italien de Meyerbeer peut différer des Huguenots, que Cyrus à
Babylone de Rossiui diffère de Guillaume Tell, et en choisissant cette
année pour sa fûte de sainte Cécile une œuvre qui n'est pas de celles
qui signalent le génie de Beethoven, l'association des musiciens n'a eu
d'autre but sans doute que d'épargner aux artistes de longues et pa-
tientes études.
Composée en 1807, la messe en ut fut exécutée pour la première
fois, sous la direction de son auteur, dans le palais du prince Ester-
hazy à Eisenstadt (Hongrie). Grand amateur de musique, le prince avait
une chapelle ou corps municipal, composé d'une centaine de chanteurs
et instrumentistes les plus en renom. Cette chapelle faisait envie à des
souverains, et surpassait même celle de l'électeur de Saxe, jusqu'alors
très-vantée. Son entretien coûtait plus d'un million par année, et le
prince n'allait jamais en voyage ni même en villégiature sans être suivi
du personnel complet de ses musiciens. Beethoven fut donc invité à
venir de Vienne pour faire entendre son œuvre au palais d'Eisenstadt,
où Haydn, précédemment maître de chapelle, avait été remplacé par
Hummel.
C'est à cette exécution que se rattache le fait suivant : 11 était
d'usage qu'après l'office toutes les notabilités de la ville vinssent se
réunir dans le palais du prince pour s'entretenir des œuvres qu'on
venait d'entendre. Beethoven, quittant son poste de directeur accom-
pagnateur, arrive à la salle de réception, où le prince Esterhazy lui
adresse publiquement cette question singulière : Qu'avez-vous donc fait
là? Cette apostrophe, probablement accompagnée d'autres remarques
critiques, fut d'autant plus pénible pour Beethoven qu'il crut apercevoir
un sourire ironique sur les lèvres de Hummel, qui se tenait debout à
côté du prince. Déjà il avait eu à se plaindre de ce confrère jaloux, et,
au même instant, il quitta Eisenstadt pour n'y plus reparaître. Dès ce
moment, vécurent en état d'inimitié deux grands artistes qui s'étaient
fort estimés jusqu'alors, et la réconciliation n'eut lieu qu'à la mort de
Eeethoven.
La messe en ut, devenue propriété du prince Esterhazy, qui l'avait
payée environ 200 écus, ne fut publiée qu'en 1812 par Breitkoffet
Haertel à Leipsick.
II est inutile d'indiquer les morceaux saillants de cet ouvrage, qui
n'est point un chef-d'œuvre du genre religieux. L'orchestration est so-
nore, brillante; les chœurs et les ensembles sont bien rhythmés, et ne
manquent pas d'effet; mais le sens des paroles dans les divers mor-
ceaux n'est point ce qui paraît avoir préoccupé le génie du maître, à
l'époque où il écrivit cette composition.
Le comité de l'Association des musiciens avait confié à M. Pasde-
loup la direction de cette solennité musicale, précédemment organisée
par MM. Girard et Tilmant L'habile chef s'est acquitté de cette tâche
avec le talent qui le distingue : la plupart des artistes des théâtres ly-
riques s'étaient mis à sa disposition.
La journée a dû être bonne pour l'Association et pour ceuxqu: se
plaisent à voir grandir une institution aussi utile qu'honorable.
(Moniteur universel )
NOUVELLES.
*% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine trois re-
présentations de Roland à Boncevaux. — On va reprendre prochaine-
ment la Masclieru, ballet de MM. de Saint-Georges, Rota et Giorza, pour
le début de Mme Salvioni. L'ouvrage a été revu et diminué.
**„, Le théâtre impérial de l'Opéra-Comique a repris Lara, qui tiendra
avantageusement l'affiche jusqu'à l'apparition du Capitaine Henriot, de
MM. Sardou et Gevaert. Les répétitions en sont poussées avec activité,
et l'on pense que cette nouveauté pourra être donnée dans une quin-
zaine de jours. On sait qu'Achard, Couderc, Crosti, Ponchard, Prilleux,
MmesGalli-Marié, Belia et Colson doivent eu être les interprètes. — Après
Galatée, Mme Cabel a chanté la Fille du régiment et la Dame blanche.
Elle n'y a pas obtenu moins de succès que dans l'œuvre de Massé.
„,*„ A l'une des dernières représentations du Songe d'une nuit d'été ,
Achard s'étant trouvé indisposé a été remplacé à l'improviste dans le
rôle de Shakspeare par son frère M. Ch. Achard, qui pos-ôde une
jolie voix dont il se sert habilement. Mme Gennetier n*avait pas encore
chanté avec autant de supériorité le rôle d'Elisabeth. M. Ch. Achard a
également remplacé son frère vendredi dans le rôle d'Horace du Do-
mino noir.
„% L'engagement de Crosti vient d'être renouvelé.
„** Le théâtre Italien a donné hier soir pour la première fois un
Buïlo in maschera. On sait avec quelle supériorité Mme Charton-Demeur
interprète le beau rôle de la comtesse. — Ce soir ou reprend Maria,
pour le début de Brignoli ; Adelina Patti chantera le rôle de Marta;les
autres seront interprétés par Mme Méric-Lablache, Delle-Sedie et Sca-
lese. — Outre Linda di Chamounix, que doit chanter Adelina Patti,
nous l'entendrons dans un rôle qui ne peut manquer d'être un triom-
phe pour elle, celui de Ninetta dans la Gazza ladra.
*% La représentation de Don Giovanni donnée dimanche dernier au
théâtre italien, a offert encore plus d'inégalités que n'en présente géné-
ralement ce chef-d'œuvre d'une exécution si difficile, et qui demande
tant d'excellen:s chanteurs. Mlle Patti, dans le rôle de Zerlina, a été
complètement charmante eta sauvé la soirée. Elle a dû redire le duo
et l'a r Batti, batti. Délie Sedie, qui n'est qu'un quart de don Juan
tout au plus, a bien dit sa partie du duo Là ci darem la mano ; il n'a
pas rendu moins bien la sérénade Deh! Veni alla jînestra. Mme de la
Grange est une dona Anna remplie de noblesse et de dignité, mais elle
a été trop mal secondée dans le trio des masques, lequel s'est trouvé
réduit à un simple duo, ce qui n'a pas médiocrement surpris l'auditoire.
»% En attendant Martha, l'opéra de Flotow qui sera joué le mois
prochain au théâtre Lyrique impérial, et dans lequel Mme Ugalde doit
remplir le rôle de Nancy, la célèbre cantatrice a chanté deux fois celui
de .Madeleine, de Rigoletto, avec beaucoup de succès. Le ténor Puget
s'est bien acquitté de celui du duc, et Mlle de Maesen, dans celui
de Gilda, a été fort applaudie et rappelée. Ismaël, très-bien placé dans
celui du bouffon, a partagé ce succès. — Faust va cette semaine pro-
bablement faire place à Mireille. Nous avons dit que l'œuvre de Gounod
avait subi des modifications; l'une des plus importantes est celle qui a
été apportée au dénoûment : au lieu de mourir, Mireille épouse celui
qu'elle aime. — Violetta, avec Mlle Nilsson, continue à attirer beaucoup
de monde.
*'% On affirme que M. Gounod vient de s'engager à composer pour
le théâtre Lyrique impérial un opéra en quatre actes intitulé Bornéo et
Juliette.
„.% Le concours d'harmonie écrite des élèves militaires du Conserva-
toire impérial de musique a eu lieu vendredi. En voici le résultat :
1er prix, M. Denni, du 21e de ligne, élève de M. François Bazin, et
M. Wittman, des chasseurs à cheval de la garde, élève de M. Emile
Jonas; 2e prix, MM. Thuillier, du 1er régiment des grenadiers de la
garde, et Riche, des lanciers de la garde, élèves de M. Bazin ; 1er acces-
sit, MM. Chabert, du 14e de ligne, et Levy, du 56e de ligne, élèves de
M. Jonas ; 26 accessit, M. Feningre, du 8e lanciers, élève de M. Bazin;
3e accessit, MM. Niverd, du 5e chasseurs à cheval, et Rass, du 3e ré-
giment d'artillerie, élèves de M. Jonas, et M. Gaimard, du 21e de li-
gne, élève de M. Bazin.
*** Sur la proposition de M. le sénateur comte de Nieuwerkerke,
surintenoant des beaux-art, S. Exe. le maréchal Vaillant, ministre de
la maison de l'Empereur et des beaux-arts, vient de commander à
M. Chevalier l'exécution en marbre d'un médaillon du maestro Ros-
sini. On assure que cette œuvre est destinée au foyer de l'Opéra.
*% Dans le programme du cinquième concert donné dimanche au
Cirque Napoléon figurait la symphonie en si bémol de Robert Schumann,
la première qu'il ait composée, et que M. Pasdeloup avait déjà fait en-
tendre dans la salle de la rue de la Victoire. L'habile chef d'orchestre a
eu grandement raison de renouveler l'épreuve : il ne faut pas qu'on
puisse dire qu'un musicien tel que Schumann a été condamné sans qu'on
l'ait entendu. Qui sait? Peut-être son heure viendra-t-elle, suivant la
théorie qui veut que pour les musiciens d'une certaine école ce ne soit
382
REVLE KT GAZETTF MUSICALE
qu'une affaire de temps de devenir classique. Ce que nous pouvons as-
surer, c'est que Schumann ne l'est pas encore, et que sa symphonie a
été moins goûtée à cette seconde audition qu'à la première. On n'y a trouvé
qu'un style pénible et tourmenté, des idées pauvres et triâtes, une
couleur terne. En revanche, l'hymne d'Haydn et la symphonie en ut de
Beethoven ont ranimé l'innombrable auditoire. Jamais l'ouverture de
Sémiramide n'avait été rendue avec plus de chaleur et de verve. On l'a
redemandée, mais non répétée. Dans un solo de cor, M. Mohr, le nou-
veau professeur du Conservatoire, a prouvé que nul mieux que lui
n'était en état de joindre l'exemple au précepte, ce qui constitue la
plus efficace des leçons.
t*4 Voici le programme du premier concert extraordinaire que donne
aujourd'hui dimanche la Société des concerts du Conservatoire , en
l'honneur de Meyerbeer: 1° Symphonie en re de Beethoven; 2" chœur
de Marguerite d'Anjou, de Meyerbeer; 3° ouverture du Pardon de Ploér-
mel, de Meyerbeer ; 4° air chanté par M. Faure ; 5° fragments du 63e
quatuor d'Haydn, exécuté par tous les instruments à cordes; 6» scène
de la bénédiction des poignards des Hugu.en.ots, de Meyerbeer; 7° marche
du Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn.— Nous rappelons aux ama-
teurs de musique que ce concert et celui du 18 décembre sont en
dehors de l'abonnement; pour avoir des billets, il suffira de se pré-
senter au bureau de location aux jours indiqués sur l'affiche.
*** Aujourd'hui à deux heures, au Cirque Napoléon, 6e concert popu-
laire de musique classique, sous la direction de Pasdeloup. On y exé-
cutera : 1° Symphonie n" 51, de Haydn (introduction, allegro, andante,
menuet et finale;— 2° adagio du quintette en sol mineur, de Mozart, par
tous les instruments à cordes;— 3° ouverture de la Grotte de Fingal, de
Mendelssohn ;—i° air du ballet (rigodon) de l'opéra Darlanus, de Ra-
meau;— 5° symphouie en la, de Beethoven (introduction, allegro, alle-
gretto, scherzo, finale).
„*„ Les journaux espagnols qui rendent compte de la réouverture du
théâtre royal de Madrid, s'accordent à reconnaître que jamais Boberto
il Diavolo n'avait été représenté sur cette scène avec autant d'éclat et
de perfection artistique La plupart des décors sont neufs, notamment
le décor du deuxième acte, qui a produit un grand effet. M. Bagier n'a
rien négligé, et, dans ces conditions, exécuté avec tant de conscience
et de talent, si dignement mis en scène, le chef-d'eeuvie de Meyerbeer
ne pouvait rencontrer qu'un succès complet, lime Penco est une admi-
rable Alice, et l'on parle aussi beaucoup de Mlle Vitali qui s'est distin-
guée dans le rôle d'Isabelle. Cette jeune artiste a reçu à diverses
reprises des marques de la satisfaction du public. Le trio sans accom-
pagnement a été applaudi à outrance. Nicolini , qui remplissait le
rôle de Robert, a été excellent, et Selva est un magnifique Ber-
trand. La paix paraît donc faite entre l'administration et certaine
portion turbulente du public, qui ne rêvait rien moins qu'un chan-
gement de gouvernement. La représentation de Don Pasquale , peu
de jours après, a cimenté cette réconciliation par un nouveau succès.
La jolie partition de Donizetti avait pour interprètes la Vitali, Corsi,
Gassier et Zucchini, qui ont fait merveille. Enfin, on attend Mlle Eleo-
nora Grossi, l'éminent contralto du théâtre de la Reine, à Londres, et
Mario a télégraphié à M. Bagier qu'il se trouverait à son poste le 15 dé-
cembre. On peut raisonnablement tout attendre d'une pareille réunion
d'artistes d'élite, et il est désormais permis de croire que la saison se
poursuivra sans encombre, n'apportant plus que des succès pour les
pensionnaires de M. Bagier, et pour l'honorable directeur du Théâtre-
Royal, la récompense due à ses efforts et à l'énergie dont il a fait preuve
jusque dans les moments les plus critiques.
„% On écrit de Saint-Pétersbourg : i On s'occupe activement, sur
la scène de notre grand théâtre, des répétitions d'un nouveau ballet
intitulé : le Cheval enchanté (Koniék Gorbounok). Cette œuvre chorégra-
phique est due à M. Saint-Léon. Le sujet en est tiré d'un conte po-
pulaire en Russie. On l'attend avec impatience. — La société de
musique a commencé la série de ses concerts (3 novembre). Le pro-
gramme de la soirée comprenait : Symphonie héroïque de Beethoven,
les ouvertures du Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn, et Jules César,
de Schumann, des fragments d'Idomcneo, de Mozart, et de ÏEnfance du
Christ, de Berlioz. Au second concert (10 novembre), Rubinstein a fait
entendre un nouveau concerto, pour le piano, en ré mineur. »
t*t On nous écrit de Madrid : « La fête de la Sainte-Eugénie a été
célébrée à Madrid par la mère de l'impératrice des Français, Mme la
comtesse de Montijo. Elle a donné à cette occasion une soirée musi-
cale des plus brillantes, dont le programme était aussi bien choisi que
varié. Outre les principaux artistes du théâtre royal, les dames du plus
haut rang de la société madrilène ont tenu à honneur d'y prendre
part. M. Quesada, amateur très-distingué, a joué avec le plus grand
talent une fantaisie de Chopin sur Don Juan; Mme de Luxan, nièce de
l'ancien ministre, a chanté admirablement le rondo de la Sonnanbula;
Mme de Prendergast a dit avec M. Romero, qui faisait entendre pour la
première fois la nouvelle clarinette dont il est l'inventeur, le beau duo
de Liverani l'Echo, et l'on a chaudement applaudi la perfection avec la-
quelle il a été exécuté. — La première séance de la société des quatuors
a été donnée le 20, dans la grande salle du Conservatoire. Les artistes
et les amateurs les plus en renom de Madrid s'y étaient rendus avec
empressement pour entendre les œuvres admirables de Beethoven,
Mozart, Haydn, exécutées avec un ensemble et une perfection rares par
i MM. Monasterio, Guelvenzu, Perez, Plo et Castsllano — On célébrera
le jour de la Sainte-Cécile, dans l'église de Saint-Ginès, une grande fête
religieuse organisée par la société de bienfaisance des artistes musi-
ciens, sous la direction de son président M. Molberg.
,,** Plusieurs journaux annoncent que le théâtre de Nuremberg sera
le premier, après Paris, en mesure de représenter l'Africaine; cette
nouvelle est complètement dénuée de fondement.
*** Une excellente cantatrice, Mme Galiano, qui l'hiver dernier s'est
produite avec succès dans les concerts et qui chante avec la même
facilité en français, en italien et en espagnol, est de retour à Paris, où
elle va passer l'hiver. Mme Galiano donne également d'excellentes leçons
dont elle va reprendre le cours.
*% Ernst, le célèbre et sympathique violoniste, a quitté Paris pour
chercher sous le ciel de Nice un peu d'adoucissement à son état per-
sistant de souffrance.
i,*t L'ancien baryton de l'Opéra-Comique, où il obtint des succès,
Bussine vient d'être engagé pour chanter dans les soirées extraordi-
naires données à l'Alcazar.
„*„ Mlle Titjens est en ce moment à Hambourg; elle y a commencé
ses représentations par Fidelio.
„** M. Charles Hougo, poëte tragique allemand, récemment entendu
à Ems et à Bade, vient d'arriver à Paris où il se dispose à donner
quelques séances. Ce poëte, qui a eu un certain succès en Allemagne,
représente à lui seul l'Iliade.
t% M. J..-B. Wekerlin vient d'être nommé membre du comité des
études musicales au Conservatoire impérial.
*** L'excellent pianiste Baur est de retour à Paris, et va reprendre
le cours de ses leçons.
„*„ Nous avons parlé, dans un de nos derniers numéros, de l'arrivée
à Paris des frères Holms qui se sont fait entendre chez Ernst, et ex-
primé l'espoir que le public serait bientôt appelé à juger leur beau
talent. Nous apprenons qu'il en sera effectivement ainsi, et que les deux
jeunes artistes donneront un concert samedi prochain 2 décembre, â la
salle Herz. Us y feront de nouveau entendre le quatuor en si bémol de
Ernst, dont la Gazette musicale a donné un compte rendu si remarqué
dans son avant-dernier numéro. M. Henry Holms fera également entendre
un quintette de sa propre composition, et M. Kriiger, l'éminent pianiste,
M.M. Jacquard, Lalo,Dragone et Hermann-Léon, fils du chanteur regretté
de l'Opéra-Comique, prêteront leur concours aux frères Holms pour
cette intéressante soirée.
**.<. L'éminent violoniste et professeur P. de Cuvillon est de retour à
Paris, et à partir du Ie1' décembie, il ouvrira dans son domicile, bou-
levard de la Madeleine, 17, un cours d'accompagnement et de musique
d'ensemble.
„,% Des transfor'mations du théâtre de l'Opéra-Comique depuis son origine,
tel est le titre d'un ouvrage que M. Thurner va faire paraître le 15 dé-
cembre à la librairie Castel.
#% Les trois premiers numéros du Club, que vient de fonder M. Au-
rélien Seholl, ont paru; on y retrouve tout l'esprit qui a fait le succès
du Nain jaune, sous sa direction. Aug. Villemot, Mery, Cu. Monse-
let, etc., etc., prêtent leur concours au nouveau journal.
.,,*„. On se rappelle que M. le comte Walewski, alors ministre d'Etat,
confia à M. Ernest Reyer la mission d'étudier la situation de l'art mu-
sical en Allemagne. L'auteur de la Statue vient de commencer dans
le Moniteur, sous le titre de Souveîiirs d'Allemagne, une série de feuille-
tons qui seront consacrés à la relation de son voyage.
„.% Nous avons annoncé dans notre dernier numéro que la manufac-
ture de Ph. Herz neveu et Ce venait de terminer le premier piano
grand modèle sorti de ses ateliers. Depuis lors quantité d'artistes et
d'amateurs ont afflué dans les salons de la rue Scribe pour visiter ce
grand et bel instrument de concert destiné à faire sensation, et qui
placera la nouvelle manufacture très-haut dans la fabrication des pia-
nos. Du reste, dans le courant du mois prochain M. Herz neveu se pro-
pose de convier tous ceux qui s'intéressent aux progrès de l'art, à venir
en apprécier les qualités.
,,% On nous écrit de Nancy et d'Epinal que les frères Lamoury
viennent d'y donner deux brillants concerts. Les salles étaient combles
et ils ont obtenu le plus grand succès.
t*t M. Ballestra Galli, ténor qui débuta avec succès au théâtre Italien
sous la direction de M. Calzado, est arrivé à Paris.
„% Frédéric Brisson, l'un de nos meilleurs pianistes, compositeurs
et organistes, est de retour à Paris. Il va reprendre dans son nouveau
domile, 26, rue Godot-de-Mauroy, ses cours de piano et d'orgue.
„*., La nouvelle que le célèbre ténor Ander, de l'Opéra de Vienne, a
perdu la raison, se confirme malheureusement. Il a été placé dans une
maison de santé.
*** A la première matinée de M. Lebouc, M. Trombetta a dit avec
beaucoup de brio la Farfalla pour alto, composée par Adolphe Blanc.
DE PARIS.
381
t*t Les compositions de l'éminent professeur Marmuntel sont toujours
une bonne fortune pour les amateurs de bonne musique; ils apprendront
donc avec plaisir que sous le simple titre â'Élégie il vient d'en faire
paraître une nouvelle qui ne le cède on rien à ses aînées, et dans la-
quelle on trouve la science, l'originalité et la mélodie qui caractérisent
le talent du célèbre pianiste compositeur.
„% M. Victor Tirpenne, l'auteur de l'excellent cours complet de
piano qui porte son nom, vient de composer sur la poésie de M. Bru-
nesseur, la musique de douze charmantes mélodies, qui formeront un
album intitulé les Douze mois de l'année. Il doit paraître la semaine
prochaine. L'élégance du texte; le style distingué de la musique, la
mélodie qui y règne, la variété des sujets, assurent d'avance un grand
succès à cette intéressante publication.
*** M. Baillot, professeur au Conservatoire, ouvrira son cours de piano
(musique d'ensemble), mardi 6 décembre, à 3 heures, boulevard llauss-
mann, n° lit, près l'église Saint-Augustin.
**„.. On annonce le prochain tirage de la tombola organisée par les
soins du baron Taylor au profit de l'Association des artistes drama-
tiques. Outre beaucoup de lots d'une véritable valeur artistique ou in-
dustrielle, plusieurs directeurs de théâtre, à commencer par celui du
théâtre Italien, y ont apporté un contingent bien attractif. Ce sont des
entrées à leurs théâtres pour un temps plus ou moins long.
»*» Le samedi 10 décembre, premier bal de l'Opéra avec l'orchestre
de Strauss. — MM. les locataires de loges pour la saison sont priés
d'en retirer les coupons avant le 1er décembre, autrement l'adminis-
tration, passé cette époque, en disposera. — Prix de l'abonnement pour
la saison (treize bals), 50 francs. S'adresser, pour la location, 3, rue
Drouot.
*** Un excellent musicien, homme de cœur et d'intelligence, M. Hec-
tor Vautier, doyen des organistes de France, vient de mourir à Saint-
Denis, âgé de 87 ans. Pendant le service funèbre, la société chorale que
préside M. Monestier a exécuté un motet de Besozzi et un De Profundis.
Voici un passage du discours que M. Mathieu de Monter a prononcé sur
la tombe : « Organiste à quinze ans dans un couvent de la Lorraine,
sa patrie, 'musicien dans un régiment, puis chef de musique du i6B de
ligne et du 6e de la garde, chevalier de la Légion d'honneur, membre
de l'association des Artistes musiciens de France, chef de musique de la
garde nationale de Saint-Denis, organiste du chapitre et de la paroisse
de cette ville, M. Hector Vautier avait fait sonner la charge de son ré-
giment sur les champs de bataille du premier Empire. Mais à sa nature
aimante et bonne, la guerre répugnait. « On y tue trop de monde, nous
» disait-il un jour. Ce qui m'est arrivé de plus agréable pendant la cam-
» pagne d'Allemagne, c'est que j'ai pu connaître Haydn et serrer la
» main de Beethoven. » Et il ajoutait : « Croiriez-vous que souvent je
» quittais mon instrument pour relever un mourant ou pour tendre ma
» gourde i un blessé? C'était plus fort que moi !.. » Voilà l'homme,
voilà l'artiste excellent, le soldat généreux que nous pleurons ! Voilà le
protecteur qui vous a prodigué les marques de son inaltérable bien-
veillance. >>
»% M. Franz Stenzl, chef d'orchestre du Cari Théâtre à Vienne,
vient de mourir clans cette ville.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
t*„ Lyon, 23 novembre. — Paque, l'excellent violoncelliste, est dans
notre ville depuis quelques jours. Nous avons eu la bonne fortune de
l'entendre dans deux concerts qu'il a donnés à notre grand théâtre.
Le public lyonnais lui a montré la sympathie que mérite son beau'ta-
lent, en le rappelant et en l'applaudissant avec enthousiasme. L'orches-
tration de ses morceaux eu fait de véritables symphonies. L'un des
meilleurs est celui qu'il a composé sur les thèmes de Rigoletto, avant
lequel nous avons entendu une jolie fantaisie sur Maria, et ensuite un
boléro à grand efffit. Il faut citer encore de brillantes variations à la
manière de Servais et un charmant caprice sur des airs écossais. Paque
est attendu en Hollande et à Londres, d'où, nous l'espérons, il reviendra
nous donner encore quelques belles soirées.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„.% Londres. — L'opéra anglais de Covent-Garden paraît vouloir jus-
tifier son titre d'Opéra national, et après l'Helvellyn de M. Macfarren,
voici qu'on nous annonce pour samedi prochain un nouvel opéra an-
glais sous le titre de Rose or Love's ransom, de la composition de
M. Hatton. Rose ou la Rançon de l'amour n'est autre chose que le Val
d'Andorre de M. de Saint-Georges ; on dit uu bien de la musique de
M. Hatton, et nous ne pouvons mieux faire que de souhaiter au coura-
geux musicien le succès qu'obtint dans le temps la ravissante musique
du regretté maître Froraental Halévy. — Au même théâtre M. Charles
Adams continue à charmer la foule par son talent exquis : son second
rôle, celui d'Elvino dans la Sonnanbula, lui a valu plus de succès en-
core que celui de Masaniello. — Au théâtre anglais rival, sous la direc-
tion de M. Harrison, qui donne ses représentations à lier Majesty's
Théâtre, on s'est contenté jusqu'ici de traductions, et Faust et la Tra-
viata, auxquels on vient d'ajouter la Lucia, ont exclusivement défrayé
le répertoire. Faust et la Traviata sont d'excellents ouvrages, mais on se
lasse de toutes choses, même des plus excellentes, et l'on commence à
en avoir assez, et du Faust et de la Traviata, même en anglais. — Don
Juan est annoncé pour cette semaine. - Miss LouisaPyne et Mme Ken-
neth Ferranli sont les prime donne de la troupe de M. Harrison. Le ta-
lent de Miss Pyne est apprécié depuis longtemps; quant à MmeKcnneth,
qui a beaucoup chanté en Amérique et sur le continent de l'Europe,
même à Paris dans les concerts, elle chante avec une expression
dramatique incontestable, sa méthode et son style sont excellents, elle
sait son métier; c'est en un mot une artiste accomplie, sa voix même
a du être très-belle, mais elle est revenue dans sa patrie vingt ans trop
tard, hélas! — M. Marchesi fait également partie de la Compagnie an-
glaisa de Hcr Majesty's Théâtre, et Sims Reeves et M. Swift en sont les
ténors. Cn très-jeune homme, M. Garcia, fils du professeur de chant
M. Manuel Garcia, vient de faire son premier début théâtral avec un
entier succès dans les rôles de Valentin de Faust et de Germont père
de la Traviata. Ce qu'il y a de plus irréprochable dans toute l'entre-
prise de M. Harrison, c'est sans contredit son excellent orchestre,
habilement dirigé par M. Arditi. — Mme Titjens nous a quittés pour
Hambourg, et M. Santley pour Barcelone. — Orphée aux enfers, tra-
duit en anglais, a fait son apparition sur la scène d'Oxford Alusik-hall
et y a obtenu un immense succès.
*** Anvers, 24 novembre. — Dimanche b eu lieu dans la nouvelle
salle de la Société royale d'harmonie la première matinée musicale de
la saison d'hiver. Le programme était fort bien composé. Mme Johnson-
Graever, pianiste de la reine des Pays-Bas, a exécuté avec un art sur-
prenant et une puissance singulière l'admirable allegro inaestoso et le
finale du 3e grand concerto symphonique de Litolff, ainsi qu'un andante
et polonaise de Chopin. Mme Johnsou-Graever est artiste dans la plus
haute acception du mot. Le succès éclatant qu'elle a obtenu cet hiver
à Bruxelles, dans les concerts du Conservatoire , de l'Association des
artistes musiciens et de la Grande Harmonie , a été pleinement ratifié
par le public délite qui remplissait l'immense salle de l'Harmonie. Elle
a été applaudie avec uu véritable enthousiasme et rappelée après chaque
morceau.
,*„ Berlin. — Le ténor Etlisger, du théâtre do Rotterdam, a débuté à
l'Opéra dans le rôle de Jean de Leyde du Prophète. Sa voix quoique
d'une assez grande puissance a paru usée et sa méthode défectueuse;
il a donc échoué et a dû renoncer à se faire entendre de nouveau.
Mmes de Ahna et Sauter ont obtenu leurs succès habituels dans les
rôles de Fidès et de Berthe. Robert le Diable Fra Diavolo et Faus(ont
complété le répertoire de la semaine. — On dit que Mme Wagner, en-
couragée par les bravos qui l'ont accueillie à un concert récent donné
au bénéfice des chœurs du théâtre de la Cour, a l'intention de ren-
trer à l'Opéra par Orphée, rôle dans lequel elle excellait.
.£*„, Francfort-sur-ie-Mein. — La Chocliette de l'Ermite (les Dragons
de Villars) vient d'être accueillie d'une façon très-remarquable au
théâtre de la ville.
*% Leipzig. — Deux coucerts donnés par Carlotta Patti, Vieuxtemps
et Jaell ont attiré un nombreux public, et le succès de ces virtuoses a
été des plus grands.
,.% Vienne. — Mlle Artot a été engagée pour douze représentations;
elle devait, après celles du Domino noir, où elle a obtenu un si grand
succès, chanter l'Ambassadrice, mais une indisposition du ténor y
a mis obstacle. — On va donner le Faust de Gounod, dans le-
quel elle remplira le rôle de Gretchen, et plus tard la Sonnanbula.
Mlle Artot nous quittera ensuite pour Berlin, où elle est engagée pour
trois mois, après lesquels elle nous reviendra, mais pour chanter au
théâtre Italien.
*%, Naples. — Un Hallo in maschera n'a pas répondu à l'attente gé-
nérale, et quoique dans le rôle d'Amalia, Mlle Lagrua se soit montrée
aussi grande cantatrice qu'excellente actrice, quoiqu'elle ait été admi-
rable de talent et d'expression dramatique, quoiqu'elle ait été applaudie
à maintes reprises et rappelée plusieurs fois, on aimera toujours mieux
la voir et l'entendre dans les grands rôles de Desdemona, de Noruaa, de
Valentine et de Leonora. Mme de Ruda a été bien faible dans celui du
page Oscar; Guicciardi a été revu avec plaisir et Miratea chanté ma-
gistralement.
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SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (8e article), par
Panl Smith. — Théâtre impérial Italien : reprise d'un Ballo in masekera,
de Maria et de Norma. — Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-
etés. — Nouvelles et annonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par M. de Wolzogen (1).
VIII.
Vieillir, perdre sa voix, deux épreuves terribles, encore aggravées
par la plus triste des calamités, une de ces liaisons funestes, dont
le monde théâtral n'offre que trop d'exemples ! Le mari de la canta-
trice, ne vivant qu'aux dépens de sa femme, prodiguant, dissipant
tous les produits de son talent, c'est un type connu dans les cou-
lisses de l'univers entier, et que rendent encore plus odieux d'ho-
norables et nombreux contrastes! Mme Schroeder-Devrient ne devait
échapper à aucun de ces malheurs.
Et pourtant les conseils, les avertissements ne lui furent pas
épargnés. C'est en 1842 que commencèrent ses rapports avec un
M. de Doring, officier au service du roi de Saxe, et qui prit tout
d'abord sur elle un ascendant dont ses amis furent effrayés. Elle ne
se dissimulait pas à elle-même l'abîme vers lequel l'entraînait une
pente irrésistible. Elle écrivait de Dantzick en 1843 : « Je sens bien
que je suis à une époque décisive de ma vie. . . Seulement ne me
parlez pas de repos : il n'y en a pas de possible pour moi. Je dois
aller en avant sans fin ni trêve, et ce que je rencontre sur ma
route je l'entraîne avec moi! Avec mon cœur brisé, malade, je me
précipite d'effort en effort, d'émotion en émotion, de triomphe en
triomphe, et chaque pas me mène, grâce à Dieu! plus près de la
tombe. J'ai tout ce qu'on peut avoir, et le monde me porte envie.
Cependant je n'ai jamais désiré la mort avec plus d'ardeur qu'au-
jourd'hui. »
Pour expliquer et justifier jusqu'à un certain point la folie de son
attachement à un homme qui lui imposa tous les sacrifices, et ne
(1) Voir les n" 24, 26, 27, 35, 43, 44 et 48.
386
KEVUK ET GAZETTE MUSICALE
vit jamais dans son talent que l'objet d'une spéculation indigne,
M. de Wolzogen a cru devoir transcrire des lettres de l'artiste à
Claire de Glumer, dans lesquelles sa situation morale est peinte avec
une singulière énergie.
« Lorsque, dans l'ivresse du succès, remplie de la joie que me
donnait mon art, je rentrais chez moi, j'étais seule! Je ne trouvais
pas une âme qui pût me comprendre et se réjouir avec moi.
» La solitude m'est insupportable ; — si j'avais seulement un
être vivant près de moi, un chien fidèle, une créature quelconque !
quel besoin j'éprouve d'échanger nies pensées intimes ; — mais
seule! — je ne saurais écrire ce qui se passe dans mon cœur ; cela
ne se peut. Il me manque la vivante chaleur du mot qui part de la
bouche, à laquelle une bouche répond ; à défaut du mot, le regard
qui plonge au fond de l'âme. — C'est une dure condition que de
tramer sa vie ainsi, sans être comprise. » A propos d'une pauvre
famille qu'elle a visitée et où elle a trouvé la misère dans toute son
horreur, elle ajoute : « Quel tort de se plaindre quand on n'a qu'à
regarder ici pour se trouver heureux ! Et pourtant qui sait si la
pauvre femme, sur son lit de paille, n'est pas plus heureuse que
moi sur mes coussins de soie ? Elle a un mari qui la soigne, la sou-
tient, la protège ; elle a des enfants. — Et moi, que me reste-t-il ?
» J'avais vingt-trois ans quand mes premiers nœuds furent brisés,
et j'avais déjà perdu tout le prestige de la jeunesse, toutes les illu-
sions qui embellissent ia vie : déjà je pouvais dire avec une entière
■vérité : Je suis partout une étrangère. »
Certainement il y avait de l'exagération et même une certaine hy-
pocrisie dans ces doléances dont Wilhelmine remplissait des volu-
mes : elle cherchait à se tromper elle-même sur la nécessité du
parti que tôt ou tard elle voulait prendre. En effet, on eut beau lui
représenter M. de Doring comme un tyran et un bourreau qui fai-
sait d'elle sa proie et sa victime, elle s'obstinait à le traiter comme
le meilleur, le plus estimable et le plus aimable des hommes. « Il
était malheureux, disait-elle, et elle ne voulait pas lui retirer sa
main, la seule sur laquelle il pût s'appuyer. Je n'agirai que par sa
volonté; sa volonté seule pourrait me séparer de lui. » Enfin ses
amis furent consternés d'apprendre que le 29 août 1847 elle s'était
mariée à Leipzick avec M. de Doring ; le jour même elle avait reçu
une lettre dans laquelle on l'instruisait que les camarades de
son futur époux avaient délibéré plusieurs fois pour savoir s'il leur
était possible de continuer à servir avec lui. Quelques instants avant
la cérémonie, elle avait s;gné, sans le lire, un contrat par lequel
elle donnait tout ce qu'elle possédait et pouvait posséder, outre la
moitié de la pension dont elle jouissait pour ses services au théâtre
de Dresde. Le contrat à peine signé, Doring jeta le masque, — ce
sont les expressions de Wilhelmine, — et ce fut le diable qui lui
apparut.
Le 24 février 1847, elle avait chanté pour la première fois à
Dresde le rôle principal dllphïgénie en Aulide, et s'était retirée du
théâtre avec le titre de chanteuse de la chambre du roi de Saxe.
Après son mariage , elle entreprit un nouveau voyage . elle alla
chanter à Copenhague, et comptait se rendre à Saint-Pétersbourg
avec son mari. A Riga elle joua Roméo, et jamais depuis elle ne re-
mit le pied sur le théâtre. A Dorpat s'accomplit sa rupture complète
avec M. de Doring. « Je suis anéantie, écrivait-elle, réduite à la
mendicité, malade de corps et d'âme, et sans espoir de me relever
jamais! » M. de Doring se hâta de retourner en Saxe pour faire va-
loir ses droits sur les biens de sa femme ; elle se rendit elle-même à
Berlin vers la fin de février, et se plaça sous la protection des lois,
pour obtenir sa séparation, sans la payer de tout ce qu'elle possé-
dait. Le procès ne finit qu'avec l'année. Il fallut acheter le consente-
ment de M. de Doring à la séparation, et la somme qu'on lui donna
fut sans doute assez forte, puisque l'artiste eut besoin pour se la
procurer du secours de plusieurs amis.
Revenons un peu sur nos pas, et jetons encore un coup d'oeil sur
cette brillante carrière, dont nous avons vu le commencement et le
terme. Dans ses souvenirs, Claire de Glumer parle d'une représen-
tation de Guido et Ginevra donnée le 22 mars, et dans laquelle
Mme Schroeder remplissait le rôle de Ginevra. S'il faut l'en croire,
quoique la représentation fût à son bénéfice, l'artiste ne s'était
résignée qu'après une forte résistance, accompagnée de colère et de
grincements de dents, à jouer un rôle qui lui faisait dresser les che-
veux sur la tète. Obligée de céder, elle s'était mise à étudier le rôle,
mais elle avait bien résolu d'enterrer l'ouvrage, et voici comment
elle s'y prit : Au second acte, Ginevra est censée mourir empoison-
née par le moyen du voile apporté d'Orient, et qu'on lui pose sur la
tête. Mi troisième, elle se réveille dans la tombe où on l'a renfer-
mée, et se livre iu désespoir le plus violent. « Donc, raconte l'ar-
tiste elle-même, je mourais au finale du second acte, comme une
vraie pestiférée. Je rendais la chose d'une manière si effrayante à
force de frissons et de convulsions, que, l'acte fini, l'intendant accou-
rut avec un médecin et me demanda d'un air alarmé : — Pour
l'amour de Dieu, qu'avez-vous ? Etes-vous malade ? Vous m'avez fait
une peur!... — Non, répondis-je tranquillement, je ne suis pas ma-
lade : je meurs par le poison, voilà tout; n'est-ce pas mon devoir ?»
Au troisième acte, même jeu, même effet : l'artiste, sortant du som-
meil léthargique, poussait des cris d'angoisse, s'arrachait les che-
veux, se frappait le sein, s'accrochait aux murailles. La cGur, épou-
vantée, s'enfuit au milieu de l'acte, et le public ne savait plus où il
en était. L'intendant suppf.ait, maugréait ; l'artiste restait inébranla-
ble, et se contentait de dire : « Pourquoi me donnez-vous des choses
pareilles à chanter ? c'est votre faute ; vous n'avez que ce que vous
méritez, lorsque vous contraignez une artiste à jouer ce qui inspire la
haine et l'effroi. » Mme Schroeder ne rejoua plus Ginevra : une
autre prit sa place, et l'opéra disparut bientôt du répertoire. Mais
l'intendant crut devoir punir d'une amende de 300 thalers un excès
de réalisme qu'on ne saurait guère imputer qu'au caprice ou à quel-
que malin vouloir dont les causes demeurent inexpliquées.
L'astre de Richard Wagner se levait précisément à l'heure où
celui de Mme Schroeder penchait vers son déclin, ce qui ne les em-
pêcha pas de se rencontrer, et il est certain que le nom et le talent
de la cantatrice vieillissante ne furent pas inutiles à l'avènement du
jeune compositeur. Mme Schroeder créa les rôles d'Adriano Colonna,
de Senta et de Vénus dans Rienzi., le Hollandais volant et Tanhaaser,
dont le premier fut représenté à Dresde le 20 janvier 1842, le second
le 2 janvier 1843, et le troisième le 19 octobre 1845. Dans Rienzi,
qui valut à son auteur la nomination de maître de chapelle du roi de
Saxe, le célèbre ténor Tichatscheck remplissait le principal rôle. Il
n'est guère probable qu'après avoir chanté si longtemps la musique
de Mozart, de Beethoven, de Weber, notre artiste ait éprouvé de très-
vives sympathies pour celle de Richard Wagner. M. de Wolzogen
affirme qu'à sa connaissance, lorsque Tanhauser apparut pour la
première fois, en 1845, sur le théâtre de Dresde, Mme Schroeder
n'accepta qu'avec peine le rôle de Vénus, en disant : « Je ne sais
que faire de ce rôle. » En effet, c'était moins que jamais le moment
de le lui offrir : elle avait passé la quarantaine ! Si plus tard son
goût changea, si à la froideur succéda l'enthousiasme, c'est que les
opinions politiques avaient exercé leur influence sur elle, et que sa
passion musicale s'était allumée au foyer des révolutions.
Comment s'étonner qu'une femme en tout temps si avide de popu-
larité, si heureuse et si fière de s'entendre nommer dans la foule,
de se voir reconnue, désignée par les plus infimes; qu'une femme
qui se faisait gloire de n'avoir jamais flatté un prince, jamais re-
cherché la faveur des grands, n'ait pu se défendre d'un entraînement
vers les idées, qui en 1848 et 1849, remuèrent si profondément la
France et l'Allemagne? Au mois de mars 1849, elle s'était rendue à
Paris, pour essayer d'y recommencer quelque chose d'artistique,
DE PARIS.
387
mais elle s'aperçut bien vite que les intérêts politiques y absorbaient
tous les autres, et elle revint à Dresde, où elle fut témoin de la ter-
rible journée du 4 mai : quelle part y fut la sienne ? harangua-t-elle
le peuple pour l'exciter à construire des barricades, ou bien, comme
l'assure Claire de Glumer, son rôle se borna-t-il à pousser un cri
d'effroi, à l'aspect des premiers cadavres apportés sur la place du
vieux marché ? Nous ne nous chargeons pas de traiter ces questions,
que d'autres ont examinées et jugées. Dès le matin du 5 mai, l'ar-
tis'e s'éloignait de la ville, frémissante encore des combats de la
veille : elle a rendu compte elle-même de ce triste départ, dans des
termes remplis d'émotion : « Le printemps déployait toute sa ri-
chesse sur la terre, je n'oublierai jamais l'impression extraordinaire
que j'éprouvais, en traversant ces plaines fleuries, sur lesquelles le
ciel répandait son plus brillant éclat, tandis que le bruit du tocsin
et de la révolte s'élançait de la ville couchée dans le vallon. »
Que de projets se présentèrent alors à l'imagination de Wilhelmine !
Tantôt elle voulait écrire ses Mémoires, tantôt ne s'occuper qu'à for-
mer des artistes, ou bien encore rédiger l'analyse complète des rôles
qu'elle avait joués, et de la manière dont elle les avait conçus ; mais
elle ne fit rien de tout cela ; et quant au dernier projet, voici le
motif qu'elle allégua pour y renoncer : « Si j'analyse mes rôles pour
d'autres, dit-elle à Fanny Lewald, je les perds pour moi-même, et
je veux au moins en garder le souvenir. Que les autres voient eux-
mêmes ce dont ils sont capables : il ne leur sera pas facile de me
faire oublier. »
Le mariage, dont Wilhelmine venait d'avoir tant à se plaindre, lui
devait une réparation, et elle la trouva dans la personne d'un gen-
tilhomme livonien très-distingué d'esprit et d'éducation, M. de Bock,
qui, avant sa malheureuse liaison avec Doring, lui avait offert ses
vœux , mais alors il y avait des obstacles : la position de M. de
Bock ne lui permettait pas d'épouser une actrice, et ils n'étaient pas
assez riches tous les deux pour pouvoir vivre de leurs rentes. C'est
à Paris dans l'hiver de 1850 que leur union fut décidée; le 14 mars
elle s'accomplit à Gotha, et sembla d'abord réunir toutes les condi-
tions de paix et de sécurité : c'était comme un arc-en-ciel tardif dans
une existence semée de troubles et d'orages! Les amis de Wilhel-
mine trouvaient qu'elle était devenue plus douce, plus calme, et qu'elle
n'avait pas l'air de souffrir impatiemment le vide que le théâtre lui
laissait. Elle ne chantait plus dans les concerts : chez elle seulement
ou dans des cercles intimes, elle redisait volontiers quelques anciens
lieder que son mari, musicien excellent, accompagnait sur le
piano.
Dans l'année même de son mariage, Wilhelmine suivit son mari
en Livonie, où. il avait l'intention de se fixer et de vivre dans une
propriété seigneuriale, dont il était fermier; mais était-il possible
que Wilhelmine se transformât en fermière, en ménagère ? Elle l'es-
saya, mais en vain ; elle y perdit tous ses efforts, et ne tarda pas à
reconnaître que pour sa santé comme pour tout le reste il lui fallait
absolument retourner en Allemagne. « Tout ce qui m'entoure, écri-
vait-elle, est détestable et affreux; les hommes méritent à peine
d'être appelés de ce nom, et tout ce qu'ils font témoigne du misé-
rable degré de culture auquel ils sont réduits. Qui pourrait s'empê-
cher de dire à propos d'eux : Ils sont effroyables. »
Dans l'automne de 1851, les deux époux se rendirent à Dresde où
Wilhelmine était sous le coup d'une sentence de bannissement et de
poursuites, à cause de sa prétendue participation aux événements de
mai 1849. M. de Bock s'empressa de fournir caution, et obtint que sa
femme pût se retirer à Berlin. Vers la fin de l'année, des lettres de
grâce, octroyées par le roi de Saxe, terminèrent le procès, dont l'une
des conséquences les plus tristes était de lui interdire la Russie. Il
fallut que M. de Bock fît de nombreuses démarches et de grandes dé-
penses pour obtenir la révocation de ce décret. Il n'y réussit que
dans l'hiver de 1853, et jusque-là Wilhelmine, séparée de son mari,
fut obligée de vivre comme une exilée en Allemagne. Elle passa l'été
de cette triste année à Coblentz, à Ems, à Schlangenbads. Vers l'au-
tomne, M. de Bock alla la chercher à Paris, où elle se retrempait
dans la société d'artistes de son pays, dans la fréquentation des mu-
sées, des théâtres, et revenait si bien au plaisir de vivre, qu'elle
reparut dans un concert public au profit de l'association allemande.
Peu de temps auparavant, l'auteur de sa b'ographie. M. de Wolzogen,
l'avait entendue chanter d'une voix presque éteinte des lieder de
Schubert dans une soirée que donnait l'excellent pianiste-composi-
teur J. Rosenhein. La cantatrice n'était plus que l'ombre d'elle-
même, mais cette ombre avait encore quelques moments où se re-
trouvait la grande artiste.
Paul SMITH.
(La fin prochainement .)
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Reprise d'un Batto in maBeltern, de Itgurtu
et de IVortna.
Trois reprises en moins de huit jours, c'est beaucoup peut-être,
malgré le proverbe qui dit qu'abondance de biens ne nuit pas. Au
théâtre, il n'y a qu'une abondance qui n'incommode jamais, c'est
celle des recettes : aussi les directeurs ne travaillent-ils qu'à se la
procurer. M. Bagier n'y épargne pas ses efforts, et il a sous sa
main des artistes qui le secondent de tout leur talent. Jamais Fras-
chini, Mme Charton-Demeur et Delle-Sedie n'en avaient donné plus de
preuves qu'à la reprise d'un Ballo, dont la représentation a été vrai-
ment remarquable. Fraschini était si bien en voix qu'il a cru pou-
voir sans inconvénient déroger à ses principes et répéter un des
couplets de sa chanson chez la sorcière. Le rôle d'Adelia est un de
ceux qui conviennent le mieux à Mme Charton-Demeur ; elle y dé-
ploie des avantages égaux, comme cantatrice et comme actrice; elle
a la dignité, la passion, l'éloquence de la voix et du geste; elle a
été pathétique et touchante, autant que la situation l'exige, et elle a
produit une vive impression. Delle-Sedie, lors de ses débuts, s'est
révélé à nous dans la belle romança : Eri tu che macchiavi, et de-
puis ce temps il a su se maintenir au rang qu'il avait conquis tout
d'abord. 11 est fâcheux que le page ne soit pas de taille à marcher
avec ces artistes. Les pages sont-ils donc devenus si rares qu'on n'en
pnisse trouver pour cet opéra? Il est vrai que Mlle Battu avait rendu
le poste très difficile.
Et le lendemain d'Un Ballo, Maria nous est revenue, cette Maria
si vive et si légère, cette Maria si applaudie, si aimée partout où
l'on chante, et qui pourrait, si elle le voulait, répéter comme
Joconde :
J'ai longtemps parcouru le monde,
Et Ton m'a vu de toutes parts.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on va la voir bientôt sur
un autre théâtre, où elle paraîtra pour la première fois, sans
qu'elle cesse pour cela de se montrer au théâtre Italien, d'y
être la bienvenue, la bien reçue et d'y faire moisson de bravos. On
ne connaît guère d'exemple d'un cosmopolitisme musical comparable
à celui dû cette charmante partition, dont M. de Flotow est le père.
Lui seul pourrait nous dire si, dans l'innombrable quantité d'actrices
et de chanteuses qui ont tour à tour abordé le rôle principal de
son œuvre, il s'en est rencontré une seule plus prédestinée par la
nature et l'art à en réaliser l'idéal que Mlle Adelina Patti. Nous
l'avions déjà vue dans ce personnage, mais cette année elle s'y
surpasse, comme du reste dans tous ceux où nous la revoyons.
Il y a en elle progrès manifeste : il y a plus de séduction, plus
de charme, avec un sentiment sérieux, qui perce à travers la
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
plus folle des escapades. Marta, devenue la servante d'un fermier, ne
peut s'empêcher de réfléchir, et la physionomie de Mlle Patti rap-
pelle celle de Mlle Mars travestie en soubrette dans le Jeu de l'amour
et du hasard au moment où elle venait à s'apercevoir des dangers
de sa position. Quant à la façon dont la jeune prima donna chante
la chanson de la Rose, c'est quelque chose d'exquis, de parfait : on
ne saurait mieux accentuer des paroles, ni mieux détailler des
notes.
Ajoutons que cette année aussi Mlle Patti a fait d'immenses progrès
dans le costume. Dans Zerline, c'était la plus coquette et la plus sé-
duisante mignonne de Gaslille ou d'Andalousie. Dans Marta, l'on ne
sait laquelle préférer de la grande dame ou de la petite servante.
Le ténor Brignoli, qui débutait dans le rôle de Lionel, est une
ancienne connaissance ; nous l'avons vu, il y a quelques années, au
grand Opéra, remplissant le rôle d'Amenophis, dans une reprise du
Mdise français. Depuis es temps, il a beaucoup voyagé : il nous re-
vient avec un organe qui rappelle singulièrement celui de Mario. Si
c'est un tort, nous le trouvons fort excusable, et nous acceptons
M. Brignoli tel qu'il se poursuit et comporte. Le premier jour, quoi-
qu'il soit grand et fort, il a commencé par mourir de frayeur; puis
il s'est remis peu à peu, et il a si bien chanté sa romance du troisième
acte qu'on la lui a redemandée ; ce qui prouve qu'il a du talent,
c'est qu'il l'a dite, la seconde fois, avec plus de succès encore que
la première. Delle-Sedie, Scalese et Mme Méric-Lablache ont fort
bien rempli les autres rôles, ce qui fait que Marta, jouée trois fois
cette semaine, doit l'être encore mardi prochain.
La reprise de Norma n'a pas été aussi heureuse que les deux pré-
cédentes. Les deux sœurs Marchisio y faisaient leur rentrée; mais
une indisposition n'a pas permis à l'une d'elles, Carlotta, qui
chantait le rôle principal, d'aller plus loin que le premier acte, et il
a fallu remplacer le second par un concert composé de divers mor-
ceaux du répertoire, entre autres le duo du Trovatore, supérieure-
ment chanté par Delle-Sedie et Mme Charlon-Demeur, et le rondo
de Cenerentola dit par l'autre sœur, Barbara, qui avait fort bien
commencé le rôle d'Adalgise.
P. S.
REVUE DES THÉÂTRES.
Variétés : Une Femme, un Melon, un Horloger, vaudeville en un
acte, de MM. Varin et Michel Delaporte ; reprises du Bourreau des
crânes, vaudeville de MM. Lafargue et Siraudin, et de la Belle
Espagnole, saynète de M. Hervé. — Gaité : Reprise du Fils de
la nuit, drame de M. Victor Séjour. — Théâtre Saint- Germain
(ouverture) : Le Libre Echange, vaudeville en un acte, de M. Ju-
les Francy ; la Bouquetière de Trianon, opéra-comique de MM. Lau-
rencin et Jules Adenis, musique de M. Frédéric Barbier; le Lion
de Saint-Marc, opéra-bouffe de MM. Beaumont et Nuitter, musi-
que de M. Isidore Legouix. — Bouffes-Parisiens : Passé minuit,
pour les représentations d'Arnal : Appelez-moi sergent ! ronde de
nuit de M. Lemercier de Neuville, musique de M. Lindheim.
A l'occasion d'une représentation donnée au bénéfice de Kopp, l'un
des bons acteurs des Variétés, ce théâtre a changé son affiche or-
dinaire, et a mis sous la remise cette fameuse Liberté des théâtres
qui commençait à se fatiguer et à vieillir. Le spectacle qui l'a rem-
placée n'est cependant que transitoire, et l'on n'y compte qu'une seule
pièce nouvelle ; encore celte pièce n'est-elle qu'en un acte. Mais l'en-
semble de la soirée offre assez d'éléments attractifs pour faire at-
tendre patiemment la Belle Hélène, d'Offenbach, sur laquelle on
fonde les plus vastes espérances. L'acte de MM. Varin et Michel
Delaporte s'appelle une Femme, un Melon, un Horloger, et ce titre
facétieux tient assez bien ce qu il promet. L'horloger vient de con-
duire à l'autel (vieux style) Mlle Claudine, la fille d'un maraîcher
des environs de Paris, lorsqu'une maîtresse sacrifiée fait tout à coup
irruption au milieu de la noce et va se livrer à un éclat dange-
reux pour le mari. Celui-ci ne parvient à apaiser Mlle Fcedora qu'en
promettant de lui trouver, séance tenante, un épouseur; mais ce
n'est pas sans peine qu'il finit par découvrir un homme de bonne
volonté qui, d'ailleurs, ne connaissant pas Mlle Fœdora, est sur le
point de tout compromettre en adressant ses hommages à la mariée,
qu'il prend pour la maîtresse de l'horloger. Cette situation comique
suffit à fournir trois quarts d'heure d'hilarité, et c'est plus qu'il
n'en faut pour satisfaire un public bien disposé à se laisser cha-
touiller les côtes
Le Bourreau des crânes, qui accompagne celte bluette, est une
pièce plus corsée, dont Sainville et Ravel ont fait le succès. Elle
n'a rien perdu en passant au répertoire des Variétés, où elle est
jouée avec beaucoup de verve et d'entrain par Charles Pérey, par
Kopp et par Mlle Aline Duval.
Nous n'en dirons pas autant de la Belle Espagnole, extravagante
saynète d'Hervé qui a vu le jour aux Délassements-Comiques, et qui
aurait bien dû rentrer avec eux dans l'oubli. Mais l'infortunée a déjà
cessé de vivre ; ne troublons pas ses cendres.
— Une reprise fort importante, celle du Fils de la nuit, attire en
ce moment beaucoup de monde au théâtre de la Gaîté. C'est à la
Porte-Saint-Martin que ce drame a été joué d'origine, en 1856. Il
avait alors pour principaux it>terprètes Fechter, Mme Emilie Guyon
et Mme Marie Laurent. Aujourd'hui c'est Dumaine qui représente le
duc de Scylla, et les deux mères, qui ont une scène si magnifique
au dernier acte, ont conservé, sous les traits de Mlle Agar et de
Mme Lacroix, une bonne partie de leur prestige. Certes, il y a du
talent dans cette pièce, on ne saurait le contester, et M. Victor Sé-
jour n'a peut-être jamais rien écrit de plus émouvant, de plus dra-
matique. Mais il s'est, de lui-même, effacé en quelque sorte devant
l'éclat d'une mise en scène qui usurpe à son profit toute l'attention,
tout l'intérêt des spectateurs. Déjà, à la Porte-Saint-Martin, on n'at-
tribuait le succès de l'ouvrage qu'au tableau dans lequel on voyait
la corvette du pirate se mouvoir à travers la tempe le et la fureur
d'un abordage. A la Gaîté, ce même tableau a reçu des perfec-
tionnements devant lesquels la prose de M. Victor Séjour va pâlir
encore davantage. Qu'importe, il est vrai, sinon à l'auteur, du moins
au directeur, dont ce merveilleux navire ne peut manquer de rem-
plir la caisse?
— Nous avons parlé en son temps d'une tentative de concerts
quotidiens qui, sous le nom d'Athénée musical, s'était fondée sur la
rive gauche de la Seine, dans les déserts qui avoisinent le musée de
Cluny. L'intention était bonne ; mais après quelques mois d'essais
infructueux, cet établissement s'est vu forcé de céder à l'indifférence
bien constatée des habitants de ce quartier maudit. Voici à présent
que, grâce à la liberté théâtrale, l'Athénée s'est transformé en une
salle de spectacle, où un hardi spéculateur prétend faire vivre en bon
accord le vaudeville et Topéra-comique. Le théâtre Saint-Germain
sera-t-il plus heureux que son prédécesseur? C'est ce que nous hé-
siterions fort à affirmer. Sans parler de plusieurs incidents malen-
contreux, la soirée d'ouverture se composait de trois pièces , dont
deux n'ont eu qu'un médiocre succès ; on a trouvé que le vaudeville
intitulé le Libre Echange ne méritait ni qu'on l'applaudît ni qu'on
s'en fâchât. Quant à la Bouquetière de Trianon, elle a été un peu
mieux accueillie, mais si peu qu'en vérité il n'y a pas de quoi s'en
glorifier. Le sujet en a paru commun, et la musique de M. Frédéric
Barbier, beaucoup trop ambitieuse pour la circonstance, n'a pas con-
tribué à dissimuler la légèreté du libretto. La dernière pièce, le
Lion de Saint-Marc, quoique commencée à près de minuit, est seule
parvenue à tirer le public de sa somnolence. On a franchement
ri des tribulations de ce vieillard poltron qui prend des amoureux
DE PARIS.
389
pour des conspirateurs, et l'on a chaleureusement applaudi le musi-
cien, M. Isidore Legouix qui, pour son coup d'essai, a fait preuve
d'excellentes qualités. Trois couplets, pour voix de femmes, ont par-
ticulièrement été remarqués et ont obtenu les honneurs du bis. Ce
début est d'un heureux augure pour l'avenir de M. Legouix, que
nous retrouverons sans doute bientôt sur une scène plus digne de lui.
Les artistes de la nouvelle troupe ne se connaissent pas encore
assez, et n'ont pas opéré leur fusion de telle sorte qu'on puisse
asseoir sur eux une opinion définitive. Disons cependant que dès le
premier jour on a distingué quelques-uns d'entre eux, tels que
M. Laglaize, un ténor agréable, M. Falchieri, une basse que nous
avons eu occasion d'entendre à la Porte-Saint-Martin dans le Barbier
de Séville qu'on y a joué l'été dernier, Mlle Mézerai, une célébrité
de province, puis, à un degré inférieur, M. et Mme Luce, M. Mar-
chand, M. Rosambeau et Mme Delmary.
— Aux Bouffes-Parisiens, où l'on vit presque exclusivement de
reprises depuis qu'Offenbach s'est retiré sous sa tente, nous n'avons
rien eu à signaler, si ce n'est la reprise de Passé minuit, pour
laquelle la direction a engagé Arnal qui, dans le temps, avait trouvé
dans cette pièce l'un de ses plus grands succès. Pour la rajeunir,
M. Deffès y a ajouté quelques couplets et quelques sorties d'ailleurs
fort bien réussies, qui donnent à ce vaudeville l'allure d'une opé-
rette. Désiré a pris la place de Bardou, et, malgré l'accent marseil-
lais qu'il prête au personnage, il est loin d'égaler son modèle.
Appelez-moi sergent ! est une sorte de ronde de nuit de M. Lin-
dheim, donnée dimanche dernier, et qui, malgré une chanson juste-
ment applaudie, malgré les louables efforts de Léonce et de Désiré,
ne nous semble pas appelée à une longue existence.
0. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine trois fois
Roland à Roncevaux.— On annonce pour demain Guillaume Tell, et pour
mercredi la reprise de Moïse. MlleEattu y reparaîtra dans le rôle d'Anaï,
oui lui valut un si beau succès l'hiver dernier.
„% Dimanche dernier, Diavolina accompagnait le Trouvère. Mlle Beau-
grand a débuté dans le principal rôle de ce ballet, créé avec tant de
supériorité par Mlle l'ouravieff, et qu'avait ensuite dansé Mlle Vernon.
Mlle Beaugrand, même après ces rivales redoutables, a su s'y faire ap-
plaudir et a pleinement réussi.
*% Après une audition donnant de belles espérances, le théâtre de
l'Opéra vient d'engager comme pensionnaire un jeune ténor doué d'une
très-jolie voix et d'une remarquable organisation musicale. Une année
sera consacrée à développer, par de sérieuses études, ces précieuses
qualités, et à faire son éducation théâtrale, après quoi l'on jugera s'il
peut débuter sur notre première scène lyrique.
„.*,. On a repris jeudi au théâtre de l'Opéra-Comique un des plus char-
mants opéras d'Auber, Haydée; Mlle Cico chantait le rôle principal
pour la première fois ; un peu émue au premier acte, elle a dit avec
beaucoup de charme tout le second , et particulièrement les cou-
plets de la Brise qu'on a chaleureusement applaudis et qu'elle a dû
répéter. Achard, dans le rôle de Loredan, s'est montré aussi bon acteur
qu'excellent chanteur; Battaille et Ponchard, Piilleux et Mlle Bélia ont
contribué au succès de la représentation qui avait attiré beaucoup de
monde et qui a fait grand plaisir. Cette reprise a d'ailleurs coïncidé
avec la première représentation du même ouvrage qui, sous le titre de
Aiiea, a dû avoir lieu le 28 novembre au grand théâtre^ royal de Turin.
*** M. Gounod vient de s'engager par traité à donner dans le
courant de la saison de 4865-1866, à l'Opéra-Comique, une par-
tition composée sur un livret de M. Michel Carré. — Le même compo-
siteur écrirait, si l'on en croit la nouvelle donnée par V Entracte, des
chœurs et des intermèdes symphoniques pour un drame en trois actes
et en vers de M. Legouvé, intitulé : les Deux [Seines de France, et qui se-
rait joué au printemps au théâtre Lyrique. La direction aurait engagé
Mme Ristori pour remplir le principal rôle.
„** On va reprendre au théâtre des Bouffes-Parisiens la Chanson de
Fortunio. Mlle I. Marié chantera le rôle de Valentin et Bâche reprendra
celui du petit clerc qu'il a créé.-- On s'occupe avec activité de la pièce
de M. Cham. le Serpent à plumes, et de la Revue de MM. Clairville,
Siraudin et E. Blum.
*% Mlle Lagier vient de lire au même théâtre une opérette ayant
pour titre Jupiter et Leda dont elle a composé la musique, et qui sera
interprétée par Mlle Philippe, Mlle Garait et Bâche.
„,*„, Aujourd'hui, à 2 heures, a lieu le premiar concert extraordinaire
donné au Conservatoire par la Société des concerts et consacré à la
mémoire de Meyerbeer. En voici le programme : 1° Symphonie en ré
de Beethoven; 2° chœur de Marguerite d'Anjou, de Meyerbeer; 3° ou-
verture du Pardon de Ploërmel, de Meyerbeer ; 4u air chanté par
M. Kaure ; 5» fragments du 63e quatuor d'Haydn, exécuté par tous les
instruments à cordes ; 6° scène de la Bénédiction des poignards des
Huguenots, de Meyerbeer; 7° marche du Songe d'une Nuit d'été, de
Mendelssohn. — Le second concert extraordinaire que doit donner la
Société des concerts en dehors de son abonnement aura lieu le 18 dé-
cembre.
*** Aujourd'hui à 2 heures, au Cirque Napoléon, septième concert
populaire de musique classique sous la direction de Pasdeloup. On y
entendra : 1° ouverture de Fidelio en mi majeur, de Beethoven ; —
2° symphonie de Mozart, première audition (introduction, allegro, pre-
mier menuet, andante, deuxième menuet, finale); — 3° ouverture de
Loreley (première audition), de Wallace; — 4° Largo de Haydn; —
o" septuor de Beethoven (thème et variations, scherzo, finale), exécuté
par MM. Grisez, Kspeignet, Mohr et tous les instruments à cordes.
,*„, Au second concert extraordinaire du Conservatoire, qui aura lieu
le 18 décembre, on jouera des fragments du second acte des Troyens
de Berlioz; ils consistent en deux airs de danse, le quintette, le sep-
tuor et un duo. Il seront en grande partie interprétés par les artistes
qui ont exécuté l'œuvre au théâtre Lyrique.
*** On nous écrit de Naples, que Mlle Lagrua vient d'y chanter
Norma avec un immense succès; elle a excité dans ce rôle, d'ailleurs
un de ses plus beaux, un enthousiasme difficile à décrire, et qui s'est
traduit par des applaudissements et des rappels sans fin.
**„ Mme Vandenheuvel est en ce moment à Nice, et l'on écrit
qu'elle vient d'y chanter avec succès la Somnambule au théâtre Ita-
lien.
*** Roberlo il Diavolo a été choisi pour pièce d'ouverture du théâtre
Zizinia à Alexandrie. Les artistes engagés sont Mmes Donati, Alvese et
Franco -Capello, prime donne ; MM. Pedronich et Pardini, premiers té-
nors; Giotti, baryton; Nanni, basse profonde.
»** Seligmann est parti cette semaine pour Nice; il va sans dire
que son violoncelle l'accompagne et qu'il n'oubliera pas de s'en servir.
*** On nous écrit de Barcelone que le théâtre du Liceo a fait avec
Lucrezia Borgia une brillante réouverture. Mme Lafon dans le rôle
principal, Mme Dory dans celui d'Orsini et Morini dans celui de Gen-
naro, ont obtenu un grand succès, Morini particulièrement, qui après
l'air du troisième acte, a été salué des plus vifs applaudissements ; bref,
cette réouverture a obtenu du public le meilleur accueil.
*** Mlle Carlotta Patti est en ce moment à Hanovre où elle passionne
le public comme à Leipzig; un air de Dinorah, un autre de la Liuda
et le Carnaval de Venise de Paganini avec une introduction de Schulhoff,
ont soulevé des tonnerres d'applaudissements. Vieuxtemps et Jaell par-
tagent les triomphes de la célèbre cantatrice. Pendant le concert,
S. M. le roi de Hanovre a demandé qu'elle lui fût présentée.
*% Toujours infatigable pour améliorer la situation de la Société des
artistes dramatiques, le baron Taylor organise au théâtre de l'Opéra-
Comique une représentation extraordinaire au bénéfice de cette asso-
ciation. Elle aurait lieu très-prochainement, et elle se composera
d'éléments de nature à y attirer un grand concours de monde.
*%. Plusieurs artistes distingués se trouvent en ce moment à Madrid :
Louis Engel, le célèbre organiste, qui s'y est déjà fait entendre et que
la reine a décoré; Jules Lefort, l'excellent baryton; Nathan, le violon-
celliste, et Mlle Castellan, qui joue du violon d'une façon si remar-
quable.
*% S. M. la reine d'Espagne vient de conférer à l'éminent pianiste
compositeur W. Kriiger la croix de chevalier de son ordre de Char-
les M.
„% M. Watier (A.), de Lille, vient d'être nommé à l'unanimité mem-
bre de l'Académie de Sainte-Cécile de Rome (section des compositeurs).
*** Depuis que le Musée instrumental du Conservatoire est ouvert au
public, il est visité par une foule nombreuse d'artistes, d'amateurs qui
390
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
examinent avec autant de curiosité que d'intérêt la remarquable collec-
tion réunie par M. Clapisson et acquise par S. Exe. le ministre de la
maison de l'Empereur. Cette collection contient des pièces de la plus
grande rareté. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
„% Lé cercle de l'Union artistique donne le 5 son premier concert.
L'orchestre, dirigé par M. Pasdeloup, exécutera trois symphonies
nouvelles de MM. Lacherier, Polignac et Lefebvre.
„,*„, M. Charles Meerens, auteur de la brochure : instruction élémen-
taire du calcul musical et philosophie de la musique, dont nous avons
rendu compte et qui a paru récemment, vient de trouver les vraies
relations numériques de la gamme, conçue d'après l'interprétation de
Monteverde ; elles s'expriment par :
A 3-3 5 3.9 3 3.9 3.5 q
Jt , li. 2 , h , 4.5 , 2 , 4.4 i 4.2 , 2
Ces rapports sont basés sur le principe du rhythme des vibrations dont
l'auteur a donné un aperçu dans les numéros 39 et 42 de la Gazette
musicale (1863), et, de plus, ils sont conformes aux expériences direC'
tes que M. Delezenne, membre de la faculté des sciences de Lille, a
décrites dans sa brochure : Considérations sur l'acoustique musicale.
»% Les séances populaires de musique de chambre vont attirer de
nouveau à la salle Ilerz leur nombreux auditoire de l'année dernière.
MM. Lamoureux, Rignault, Colblain et Adam ont commencé leurs étu-
des. Les programmes auront cette année plus d'attrait encore que l'hi-
ver dernier, et l'on peut s'attendre à uns exécution plus achevée,
s'il est possible, des œuvres des grands maîtres du quatuor. La
première séance est fixée au samedi 12 jauviex, à 8 heures du soir.
Nous donnerons prochainement les titres des œuvres qui seront exé-
cutées dans cette soirée d'inauguration, à laquelle concourra un de
nos plus éminents pianistes classiques.
*% Le capital nécessaire à l'exploitation du Grand Concert qui doit
être fondé par les soins et sous la direction de Félicien David est sous-
crit et la société constituée. On sait qu'elle a fait choix d'un local con-
venable, rue Richer. Les ouvriers ne tarderont pas à s'en emparer, et on
espère que les travaux ne dureront pas plus de six semaines ou deux
mois pour que la salle soit mise en état d'être inaugurée.
t*t Cette semaine vont commencer les concerls^promenades qui doivent
être donnés dans le local de l'exposition ouverte à l'hôtel Laffitte. L'or-
chestre sera dirigé par M. Varney, et il exécutera de la musique c'as-
sique en même temps que les œuvres des grands maîtres modernes et
les essais des jeunes compositeurs.
,*4 Le Casino inaugurera ses bals masqués mercredi 14 décembre.
Arban, l'habile chef d'orchestre, prépare un répertoire dont on dit
merveille. Ces fêtes carnavalesques, dont la réputation est si bien éta-
blie, auront lieu tous les mercredis.
2% Théâtre Robin. — Ce charmant spectacle, où la magie et la science
marchent de pair, se tient toujours au premier rang dans la faveur du
public. Les admirables tableaux animés de l'Astronomie populaire met-
tent chaque soir sous les yeux de tous les merveilles de l'infini : les
étoiles, ces milliers de soleils, et notre soleil même, puis la lune
avec les autres planètes, mondes jetés comme des points dans l'immen-
sité. Au silence religieux avec lequel la foule écoute les explications
lumineuses de ces tableaux, on voit que M. Robin a su pleinement ré-
pondre au besoin de notre siècle avide de s'instruire.
„,% La célèbre maison Schott vient de perdre récemment un de ses
membres, M. Adam Schott, qui a succombé le 3 août dernier à Bom-
bay, après avoir rempli pendant de longues années les fonctions de chef
de musique dans divers régiments anglais, tant à Londres que dans les
possessions anglaises. Les détails de sa vie offrent des particularités
intéressantes. Adam Schott, né en 1791, était l'un des fils de Bernard
Schott, fondateur de la maison si renommée de Mayence. Il reçut une
éducation toute musicale ; à l'âge de quinze ans, il jouait presque de
tous les instruments à vent, il excella surtout sur la clarinette et ob-
tint de brillants succès partout où il se fit entendre. Lors d'un voyage
qu'il fit à travers l'Allemagne et une partie de la France, avec son pro-
fesseur, le célèbre Baermann, il partagea les honneurs des concerts
avec ce dernier. En 1822 il fonda, à Anvers, une succursale de la mai-
son Schott, qui devint plus tard la maison Schott frères à Bruxelles et
Anvers; mais son caractère aventureux lui fit abandonner au bout de
quelques années une position brillante, que lui avaient valu son talent
et l'aménité de son caractère. 11 partit pour l'Angleterre, ensuite pour
l'Amérique et les Indes orientales, y donna un grand nombre de con-
certs et s'engagea finalement comme chef de musique dans l'un des
régiments anglais aux Indes. En 1848, il revint en Angleterre, où il fut
nommé chef de musique de la garde de la reine, à Londres. Le service
régulier et tranquille convenait peu à des habitudes contractées dans
les Indes, et il signa de nouveau un engagement pour le pays qu'il af-
fectionnait (Bombay) : c'est là que la mort l'a surpris. Adam Schott a
écrit un grand nombre de morceaux pour la clarinette et pour musique
militaire, dont peu cependant ont été publiés; ils se distinguent tous
par une profonde connaissance des instruments, par une harmonie riche
et un tour des plus élégants. Ils sont au répertoire de tous les régi-
ments anglais.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
*** Strasbourg. — On attendait avec impatience la reprise du Pardon
de Ploërmel annoncée par la direction de notre Grand-Théâtre. Si elle
l'a fait attendre c'est qu'elle a voulu lui donner tout l'éclat possible, et
nous devons constater tout d'abord qu'elle y a pleinement réussi. Ce
chef-d'œuvre de l'illustre maître a été monté cette année avec
un très-grand luxe, et les interprètes ont été à la hauteur de son mé-
rite. M. Carman (Hoël) s'est montré aussi excellent chanteur que bon
comédien; le grand air de Puissante magie, le duoavec Corentin,et par-
ticulièrement la magnifique romance du troisième acte qu'il a dite
avec une expression de tendresse et de sentiment remarquable, lui ont
valu à maintes reprises les applaudissements les plus chaleureux. Le
rôle de Corentin a été chanté par M. Warnots; il l'a rendu avec beau-
coup de charme et d'originalité. Le succès qu'obtient Mlle Durand de-
puis l'ouverture de la saison s'est encore confirmé dans le rôle de Di-
norah, tout à fait approprié à son physique et à la nature de son
talent. Elle a chanté délicieusement la Berceuse du premier acte, et l'air
de l'ombre lui a valu plusieurs salves d'enthousiastes bravos. Enfin
Mlles Vois et Marie Léon dans les rôles des deux pâtres; M. Marchot
dans l'air du chasseur, et M. Gadilhe dans celui du faucheur ont vail-
lamment contribué au succès de cette belle représentation.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*** Bruxelles. — Dimanche a eu lieu, dans la salle du Palais -Ducal, la
distribution des prix du Conservatoire. La solennité a été ouverte par
un discours, après lequel M. Fétis, revenu la veille de Paris, a procédé
à la lecture des récompenses, aux acclamations de la foule compacte
qui assistait à cette réunion. La distribution terminée, le concert a
commencé par l'ouverture cVEuryanthe, dont l'exécution a été un chef-
d'œuvre de précision, d'ensemble et de vigueur. Puis M. Beyer, lauréat
de cette année, a exécuté le quatrième concerto de son maître, M. Léo-
nard. C'est une œuvre des plus remarquables, où la simplicité, la gran-
deur de style sont jointes à de grandes difficultés artistiques. De cha-
leureux applaudissements ont été prodigués à l'exécutant, digne élève
de la grande école du violon belge, et l'on ne saurait trop apprécier le
maître qui les forme. La séance a été terminée par la trans-
cription de la romance Une larme, de Lafont, par Servais, admirable-
ment rendue par Mlle Detry, premier prix de violoncelle de cette année;
encore une jeune élève dont M. Servais doit être fier! excellente musi-
cienne, elle possède un talent de virtuosité extraordinaire. Deux mor-
ceaux de chant, interprétés par Mlles Lambelé, soprano, et Weusten,
contralto, complétaient le programme du concert. — M. et Mme Léo-
nard sont toujours les artistes recherchés par les sociétés philharmo-
niques, aux programmes desquelles ils apportent un puissant concours.
Ils se faisaient dernièrement entendre à la Maatschappy der Toonkunst,
de la Haye, puis à la Société philharmonique de Cambrai, et nous ap-
prenons que celle d'Amiens et plusieurs autres vont bientôt les possé-
der. Ce succès n'étonnera aucune des personnes qui ont entendu M. et
Mme Léonard, dont le talent a le privilège d'exciter partout l'enthou-
siasme. A la Haye, l'air de la Traviata, un air de Haendel et les varia-
tions du Toréador d'Adam ; à Cambrai, l'air de Lucie, la valse de Ven-
zano et les variations du Carnaval de Venise de la Reine Topaze, chantés
par la femme avec une perfection sans égale, soulevaient des applau-
dissements sans fin, tandis que le mari triomphait non moins brillam-
ment par l'exécution d'un concerto de Viotti, de deux magnifiques fan-
taisies de sa composition sur des motifs de Donizetti et de Mozart, et
particulièrement par le rondo d'un concerto de Viotti et un petit bijou
de Tartini, la Tristezza. M. Léonard porte loin la renommée du Con-
servatoire belge et de ses professeurs.
*** Aix-la-Chapelle. — La société de chant Concordia vient de célé-
brer le vingt-cinquième anniversaire de sa fondation par un festival
qui a duré plusieurs jours. Ce qui distinguait cette réunion de tant
DE PARIS.
391
d'autres qui ont si fréquemment lieu en Allemagne, c'est que presque
toutes les compositions qu'on y a exécutées étaient inédites et en
grande partie composées exprès pour la circonstance. Dans le nombre
se faisaient remarquer en première ligne les scènes de la Friethyofs-Sctge
de Max Bruch, et une Lorelei de Ferdinand Hiller. — Plusieurs autres
sociétés de la ville et des environs s'étaient jointes à la Concordia, de
manière que le nombre des exécutants s'est élevé à quatre cent soixante-
douze, et c'est surtout dans l'Hymne à Bacchus de Mendelssohn qu'on a
le plus admiré la puissance de ces nombreux et excellents chanteurs.
Du reste, ce n'est pas seulement dans sa patrie que la Concordia est
citée parmi les meilleures sociétés chorales, c'est même hors de l'Alle-
magne, à Lille, à Anvers, à Liège, qu'elle s'est fait remarquer, et qu'elle
a obtenu de nombreuses couronnes dans les différents concours de
chant auxquels elle assistait.
„** Amsterdam. — Le 19 novembre, a eu lieu dans la grande salle du
Parc, sous le patronage de S. M. la reine des Pays-Bas et la direction
de M. Berlyn, un beau concert, au béuéfice de la Société des orphelins.
On y a entre autres exécuté des fragments de l'opéra de M. Berlyn, les
Mineurs, et une grande fantaisie pour orchestre de sa composition avec
chœurs, au nombre de cent vingt voix. Ces morceaux ont été chaleu-
reusement applaudis et M. berlyn a été rappelé. MM. de Graan, violo-
niste, et Heuckeroth, trombone, qui lui prêtaient leur concours, ont
été accueillis par l'auditoire avec une faveur marquée.
%*i, Cologne. — Dans la troisième séance des concerts du Gurzenich,
M. Ferd. Hiller, qui dirige avec tant de talent ces concerts, a offert à
ses abonnés la surprise d'une œuvre entièrement inédite de Cherubini.
C'est un Agnus Dei et Da nobis pacem pour chœur et orchestre. Cette
précieuse relique appartient à M. Ferd. Hiller à qui elle a été offerte
par l'immortel compositeur lui-même. Le manuscrit porte sur le titre
de la main même de Cherubini : « Agnus Dei à quatre parties avec, accom-
pagnement à G. 0. (grand orchestre), composé à Paris par L. Cherubini
et offert par le même à son cher ami Ferdinand Hiller. » Mais ce n'est pas
seulement comme pièce curieuse que ce morceau a si vivement inté-
ressé, c'est parce que c'est en même temps une des plus belles pages de
l'œuvre de Cherubini, si riche en magnifiques compositions do musique
religieuse. — Joachim s'est fait entendre dansle même concert; il a joué
le concei'to ii° 6 de Spolir, et comme la veille à Aix-la-Chapelle, comme
partout, le jeu magistral de cetéminent violoniste a été accueilli avec
enthousiasme. On a exécuté ensuite une des œuvres de Beethoven qu'on
a le plus rarement l'occasion d'entendre, sa fantaisie op. 80 pour
piano, chœur et orchestre; c'est Ferd. Hiller lui-même qui s'était chargé
de la partie de piano. Les morceaux pour orchestro étaient l'ouverture
çYHamlet de Gade et la huitième symphonie de Beethoven (en fa). — A
propos de cet intéressant concert nous trouvons dans le compte rendu
qu'en donne la Niedcr-Rheinische Musick-Zeitung, — par parenthèse
l'une des mieux rédigées des trop nombreuses feuilles musicales qui
se publient en Allemagne et qui paraît à Cologne même, — nous y
trouvons, disons-nous, une phrase qui nous a causé le plus vif éionne-
ment. Notre confrère y parle de la lassitude (abspannung) qu'on com-
mence à éprouver à entendre toujours les mêmes symphonies de Bee-
thoven, la lre, 2e, h', 5e, et surtout !a pastorale. Où en est donc, grand
Dieu I la musique en Allemagne si l'on y éprouve de la lassitude en
entendant les symphonies de Beethoven !
**„, Dresde. — Au théâtre de la Cour on a représenté pour la pre-
mière fois la tragédie Œdipe Roi, de Sophocle, avec musique de
F. Lachner. On reproche à la composition musicale une certaine mo-
notonie, mais on lui reconnaît le mérite d'une excellente facture et
d'expression dramatique souvent réussie. Le succès n'a pas été douteux.
»% Leipzig. — Au septième concert du Gewandhaus on a exécuté
une. symphonie de Norbert Burgmuller, qui a obtenu un très-grand
succès, ainsi qu'une Toccata de J. B. Bach, écrite pour orgue et habi-
lement instrumentée par H. Esser.
^% Gênes. — L'opéra nouveau du maestro Ferrari , il Cadelto di
Guascogna,a.{&'d enfin son apparition sur le théâtre Carlo-Felice ; il serait
téméraire de vouloir juger cet opéra d'après une seule audition; nous
dirons pourtant que nous y avons reconnu la touche de l'auteur de
Filippo 11 et de el Matrimonio per concorso. L'auditoire était nombreux et
les interprètes de l'œuvre ont été fort applaudis et rappelés une dizaine
de fois.
t% Rome. — La première représentation de Gli Ugonotti était si im-
patiemment attendue que dès le matin où elle a été annoncée, il ne
restait plus une place à louer au théâtre Argentina. Quoique le titre en
eût été changé pour celui de Renato de Groenivald; quoique le livret
fût, disait-on, devenu une chose sans nom , l'immense réputation
du maître avait excité au plus haut point la curiosité publique. Son at-
tente n'a pas été trompée. Quelle conception, quelles hardiesses, quelle
philosophie, quelle puissance dramatique ! Mais aussi quelle profonde
impression sur les auditeurs ! Le duo seul du quatrième acte vaut à lui
seul un opéra tout entier. Si le succès a été enthousiaste, l'exécution
a été admirable. Qui pouvait mieux que Mme Moro rendre le caractère
passionné de Valer.tine '.' qui pouvait faire un plus magnifique Raoul que
Tasca'! Quel page plus distingué, plus sympathique pouvait-on choisir
que Mme Trebelli ? Enfin, qui pouvait plus artistiquement que Bremond
représenter Marcel, ce diamant brut enchâssé dans du fer ? Enfin, dans
les autres rôles, pouvait-on choisir mieux que Mmes Lanzi, Storti et
Rossi-Galli, pour Marguerite, Nevers et Saint-Bris ? Aussi ont-ils tous
rivalisé de talent pour se mettre à la hauteur de l'œuvre qu'ils étaient
appelés à nous faire connaître, et ont-ils trouvé dans les applaudisse-
ments enthousiastes du public la récompense de leurs efforts. 11 ne les
a d'ailleurs pas ménagés, et si le chef-d'œuvre de Meyerbeer a rencon-
tré sur notre scène un nouveau triomphe, ce triomphe a du moins re-
jailli largement sur les consciencieux artistes qui se l'étaient si bien
assimilé.
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dépendants, des nouvelles timballes, des Saxhorns, des Saxophones, etc., etc. /TT^Q
Tous l.s instrument: portent le nom : Adolphe Sax. à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur,
le numéro d'ordre lie l'initrnmenl et le poinçon ci-après : jkV'
SEULE GRANDE MÉDAILLE D'HONNEUR AUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE 1851 ET 1855, ETC.,
Saxophone
alto III bémol.
Extraits des rapports des jurys internationaux des Expositions universelles de 1851,
et 1862, relatife aux. Saxophones (BREVET DE 184G).
ce Parmi les inventeurs d'instruments de musique, la plus haute distinction est due au mérite de
M. Sax, qu'on le considère soit sous le rapport de la variété et de l'excellence, soit sous celui de l'utilité de
ses inventions M. Sax a aussi créé la classe des saxophones, instrument de cuivre avec un bec à anche
simple, dans le genre de celui de la clarinette. L'effet de ces nouveaux instruments est d'un charme égal à
l'originalité de leur son, et ils portent au plus haut degré de perfection la voix expressive Les instru-
ments exposés par M. Sax, de Paris, réalisent un grwd progrès. » {Exposit. 4851.)
« Famille complète des Saxophones, inventés» An M. Adolphe Sax. — L'instrument se joue avec
facilité, car le doigté, semblable à celui des instruments qui octavient, est peu différent de celui de la flûte ou
du hautbois. Les clarinettistes parviennent en peu de temps à le bien jouer, à cause de l'analogie d'embou-
chure avec leur instrument habituel. Le son du saxophone est le plus beau, le plus sympathique qu'on puisse
entendre. Son timbre n'est celui d'aucun autre instrument. Mélancolique, il est mieux adapté au chant ou à
l'harmonie qu'aux traits rapides, quoique son articulation soit très-prompte, et que nous ayons entendu le très-
habile clarinettiste Wuille exécuter sur le saxophone un solo rempli de grandes difficultés, avec beaucoup de
succès. Susceptible de toutes les nuances d'intensité, le saxophone peut passer du pianissimo le plus absolu au
son le plus énergique et le plus puissant. Ce bel instrument, dont on n'a pas compris jusqu'à ce moment toutes "c
les ressources, compose une famille complète qui se divise en huit variétés, lesquelles sont toutes à la quinte ou à l'octave les unes des autres L'examen attentif
de la famille des saxophones révèle des faits de haute importance : car cet instrument est nouveau par les proportions de ses tubes, par sa perce, par son embou-
chure et particulièrement par son timbre. Il est complet, car il embrasse toute une famille de huit variétés, de l'aigu au grave, qui, dans leur ensemble, renferment
tout le diagramme des sons perceptibles. Enfin, il est parfait, .soit qu'on le considère au point de vue de la justesse et de la sonorité, soit qu'on l'examine dans son
mécanisme° Tous les autres instruments ont leur origine dans la nuit des temps ; tous ont subi de notables modifications à travers les âges et dans leurs migra-
tions ; tous enfin se sont perfectionnés par de lents progrès ; celui-ci, au contraire, est né d'hier ; il est le fruit d'une seule conception, et dès le premier jour il a
été ce qu'il sera dans l'avenir. Le jury n'a que des éloges à donner a M. Adolphe Sax pour une si belle découverte. i> {Exposit. 1833.)
<c M. Adolphe Sax nous a fait entendre sa famille si intéressante de saxophones, dont la sonorité ronde et charmante joue un rôle si utile dans nos musiques mi-
litaires. Le jury a également apprécié la pureté et la justesse de ses clarinettes et la belle sonorité de ses clarinettes basses, instruments que M. Sax a régénérés
depuis 'longtemps, et dont les autres facteurs ont en vain essayé de reproduire le timbre distingué. On a également apprécié le son moelleux de sa clarinette contre-
basse » {Exposit. 1862.)
Par décision impériale du 5 mars 1855, les musiques de la Garde et tontes les musiques d'infanterie de la ligne, composées de quarante musiciens, ont huit Saxo-
phones en double quatuor. — L'introduction des Saxophones dans les musiques de fanfare produit des résultats tels, que la plupart des régiments de cavalerie, pour
lesquels ils ne sont pas ordonnancés, les ont cependant adoptés, et en font l'achat en dehors des fonds alloués pour leur musique.
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toutes les personnes qui prendront un abonnement d'une année.
Le portrait de Meyerbeer étant d'une dimension qui ne permet pas
de le plier et de l'envoyer sous bande par la poste, la direction prie
MM. les Abonnés de province de le faire prendre au bureau de la
Gazette musicale.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: Moïse, rentrée de Mlle Battu. —
— Théâtre Lyrique impérial : Bégaiements d'amour, opéra-comique en un
acte, paroles de MM. Deulin et de Najac, musique de Albert Grisar , le Cousin
Babylas, opéra-comique en un acte, paroles de M. Emile Caspers, musique de
M. Henri Caspers, par Léon Durocher. — Société des concerts du Con-
servatoire impérial de musique : première séance extraordinaire, par le même.
— Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles et an-
nonces.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
Moïse.
Rentrée de Mlle Battu.
On se rappelle avec quel éclat fat remonté l'hiver dernier par
M. Perrin ce chef-d'œuvre de Rossini. On se rappelle surtout com-
ment s'y révéla dans le rôle d'Anaï Mlle Battu, dont les qualités
ne s'étaient jusque-là fait apprécier que dans le chant italien, et qui
dans cette soirée se plaça d'emblée au premier rang des cantatrices
de notre grande scène lyrique ; on se souvient enfin que le départ
pour Londres de Mlle Battu et de Faure avait interrompu cette re-
prise, alors qu'elle était en plein succès. Il n'y a donc pas lieu de
s'étonner que la représentation de Moïse donnée mercredi ait attiré
une assemblée aussi nombreuse que brillante, dont l'attente n'a d'ail-
leurs pas été déçue, Aucun changement n'ayant eu lieu dans la dis-
tribution des rôles, le public n'a eu qu'à applaudir une admirable
interprétation et il n'y a pas failli. De leur côté les artistes ont large-
ment justifié ces applaudissements. Faure, en même temps qu'il dé-
ploie dans le rôle de Pharaon toute l'ampleur de sa belle voix et
toute la perfection de sa méthode, a su, dans ses gestes, dans sa
démarche, dans son costume, donner, au plus haut point, au roi
d'Egypte le caractère de grandeur et de puissance asiatiques qu'on se
représente dans la race des Pharaons. Le duo du deuxième acte, dit
avec Warot, a provoqué les plus chaleureux applaudissements.
Mlle Battu, qui depuis deux mois est tout entière aux études de
l'Africaine, s'est montrée encore en progrès sur l'effet qu'elle avait
produit cet hiver dans le rôle d'Anaï, et sa rentrée a été pour elle
394
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
un véritable triomphe. Sa voix semble avoir gagné en puissance, et
elle dominait distinctement l'ensemble du magnifique finale du troi-
sième acte. Mais c'est surtout dans son grand air du quatrième que
la jeune artiste a confirmé l'opinion qu'on avait conçue de son talent.
Il est impossible de mettre dans ce morceau plus d'art et de goût,
plus de sentiment et d'expression, plus de douceur et d'éclat; aussi
a-t-elle été applaudie avec transport et rappelée deux fois.
Obin s'est montré grand et majestueux dans le rôle de Moïse; on
voit qu'il en a fait une étude consciencieuse, et il l'a remarquable-
ment empreint de la couleur biblique; sa voix large et puissante
complète cette création qui compte parmi ses meilleures. Son succès
a été aussi grand que mérité.
De justes applaudissements ont à plusieurs reprises accueilli Warot,
excellent chanteur, qui dans le rôle d'Aménophis a eu de très-beaux
moments ; Mlle de Taisy, dans celui de Sinaïde, un des plus impor-
tants qu'elle ait chantés à l'Opéra, a vaillamment concouru à l'en-
semble. Nous nous répéterions en parlant de la pompe du spectacle
et du divertissement, dans lequel nous devons seulement dire que
Mlle Beaugrand et Baratte dans un pas de deux, et Mlle Laure Fonta,
Fioretti et Merante dans un pas de trois, ont rivalisé de grâce et de
légèreté.
S. D.
THEATRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
BÉGABEMETCTS D'AHOVR,
Opéra-comique en un acte , paroles de MM. Deulin et de Najac,
musique de M. Albert Grisar.
ILE COUSIN BABY1LAS,
Opéra-comique en un acte, paroles de M. Emile Caspers,
musique de M. Henri Caspers.
(Premières représentations le 8 décembre 1864.)
Deux pièces nouvelles dans une seule soirée ! C'est une économie
pour le théâtre, qui fait ainsi à! une pierre deux coups, ou bien, en
d'autres termes, qui, pour deux ouvrages, ne fait qu'une seule fois
ce qu'on appelle le service des journaux.
Et, en même temps, c'est une attention délicate pour ces journaux,
dont on n'oblige qu'une seule fois les rédacteurs à se transporter, à
travers la pluie, le brouillard et le macadam,
Sur les bords fleuris
Qu'arrose la Seine.
Long voyage, pour lequel on devrait bien organiser un service de
transport en commun, avec billets d'aller et retour ! En attendant
que les progrès de la civilisation aient fait naître une institution si
utile, racontons en peu de mots la mémorable aventure de la char-
mante Caroline et de l'ingénieux Polynice de Toquandal.
Caroline est veuve. Mais elle est jeune, gracieuse, piquante tout
juste autant que Mme Faure-Lefèvre. Mais à tous ces attraits se joint
un défaut, car la perfection n'est pas de ce monde. Caroline est
bègue. Toquandal qui est jeune, assez bien tourné, et qui orne chaque
fois de ses petits vers galants l'almanach des muses de la province,
est bègue aussi. Caroline aime les vers. Elle a lu ceux de Toquandal,
et ne les lui a jamais entendu réciter. Son imagination s'est enflammée
pour cet Apollon poitevin. Elle a noué avec lui une correspondance
qui, par degrés, est devenue tendre, et la voilà au dénoûment de
son roman par lettres, c'est-à-dire à la première entrevue. Grand
embarras des deux côtés. Je passe, pour abréger, sur les précau-
tions, les détours, les déguisements auxquels chacun a recours pour
retarder le plus possible l'aveu de son infirmité. Il n'en faut pas
moins qu'ils arrivent au moment critique, à la seule scène que le
bizarre sujet peut donner, à cet inévitable entretien où le premier
interlocuteur bégaye, où le second répond en bégayant, où le pre-
mier croit que le second s'est moqué de lui, où le second accuse le
premier du même méfait, où des deux côtés on s'emporte, où, au lieu
de se dire des douceurs, on s'injurie, jusqu'à ce qu'un mutuel aveu
apaise la querelle, et démontre aux belligérants qu'ils formeront le
couple le mieux assorti dont l'Opéra-Comique ait jamais donné
l'exemple. Si vous trouvez, lecteur, que ce tissu est un peu mince et
que la trame n'est pas très-serrée, on vous répondra que le dialogue
n'y manque pas d'esprit, et que M. Grisar y a mis d'élégantes et
fines broderies. On sait combien M. A. Grisar a le chant facile et
l'harmonie légère. On sait que la muse comique ne lui refusa jamais
rien. Il a profité de ces faveurs en enfant gâté. Si vous aimez la
musique leste, vive, spirituelle sans recherche et sans apprêt, allez
entendre les petits airs et les petits duos sémillants de Polynice et
de Caroline, ou, si vous le préférez, de M. Fromant et de
Mme Faure, qui rendent ce petit ouvrage aussi bien que vous pouvez
l'imaginer. On n'a pas plus d'esprit, de tact, de finesse et de grâce
que Mme Faure-Lefèvre.
Le cousin Babylas est un benêt qui s'est soumis, on ne sait trop
pourquoi, aux expériences du docteur ***. Cet homme terrible fait
avaler à Babylas tous les médicaments connus et inconnus, afin de le
préserver de toutes les maladies qu'il n'a pas, mais qu'il pourrait
avoir. Le patient y a perdu toute la santé qu'il avait. Il n'a plus ni
force, ni appétit, ni sommeil; plus de muscles sous sa peau, plus de
sang dans ses artères. Pour le dédommager, son bourreau lui a pro-
mis la main de sa pupille Isabelle, à qui ce spectre ne peut inspi-
rer que de l'horreur. Elle aime un Léandrn quelconque, lequel se
déguise en Crispin, Scapin ou Sganarelle pour s'introduire dans la
maison, bafouer le tuteur et enlever la pupille. C'est Figaro opérant
pour son propre compte. Mais il a affaire à un redoutable Bartholo,
qui lui fait boire un narcotique, et veut absolument lui ouvrir le
crâne pour savoir ce qu'il y a dedans. Le docteur enragé n'a donc
pas fait son cours d'anatomie ? Un mariage sert de conclusion à tou-
tes ces folies quand le moment de finir est arrivé, et, comme on a ri
depuis l'ouverture jusqu'au dénoûment, on ne songe guère à deman-
der à l'auteur compte de ceci, de cela, de vingt autres choses encore.
Un médecin pourrait seul être tenté de lui chercher querelle. Mais
les médecins sont gens d'esprit, pour la plupart, et partant, gens de
bonne composition ; si bien que tout le monde s'en va content.
D'autant plus content, que la musique est presque aussi gaie que
les paroles.
Elle n'en reste pas pour cela plus mauvaise. Elle a de la vivacité,
du mouvement, de l'entrain, elle chante toujours, et les motifs heu-
reux n'y sont pas rares. L'ouverture ressemble peut-être un peu trop
à ce qu'on appelait autrefois un pot-pourri : elle manque d'unité.
Mais elle est animée, et l'instrumentation en est brillante. La séré-
nade qui suit l'ouverture est fort jolie, ainsi que les couplets à deux
mouvements d'Isabelle. Ceux de Babylas : Lorsque fêtais dans mon
village, sont heureusement trouvés et d'un excellent comique. Il y a
un incontestable talent dans le quatuor, dans le duo entre Isabelle
et son amant, dans le duo entre celui-ci et le docteur. Bref, cet
ouvrage, très-agréable d'un bout à l'autre, a été vivement applaudi,
et le méritait à tous les égards.
C'est encore M. Fromant qui joue le rôle de l'amant déguisé en
valet. Il y force un peu trop sa voix, et il n'y a pas toute la légèreté
désirable. Mais il est, comme acteur, très-amusant, M. Wartel, dans
le rôle du docteur, se montre excellent comédien. Il faut faire le
même compliment à M. Gerpré, qu'on applaudissait jadis aux Bouffes-
Parisiens, et qui est parfait dans le rôle du cousin Babylas. Celui
d'Isabelle est rempli par une jeune artiste qui est depuis deux ans
au théâtre Lyrique, mais qu'on n'y avait pas encore chargée d'une
tâche aussi importante. Elle s'en acquitte à merveille : actrice adroite
DE PARIS.
395
et piquante ; chanteuse agréable, prononçant à merveille , vocalisant
avec beaucoup de hardiesse et de facilité. 11 y a des voix plus vigou-
reuses, plus sonores que la sienne, mais elle tire un très- bon parti
de l'instrument que la nature lui a donne. Que de cantatrices mieux
traitées par la nature, et dont on n'en pourrait pas dire autant !
Léon DUROCHER.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS
DU CONSERVATOIRE IMPÉRIAL. DE HUSIQUE.
Première séance extraordinaire.
Honorer la mémoire d'un grand artiste, c'est honorer l'art au-
quel on s'est dévoué comme lui ; c'est s'honorer soi-même. La So-
ciété des concerts du Conservatoire avait déjà donné, il y a deux ans,
ce bel exemple, en consacrant une séance extraordinaire à la mé-
moire de Cherubini. Elle vient de le renouveler dimanche dernier,
aux applaudissements de tout ce qui, à Paris, s'intéresse à l'art
musical. Cette première séance a été consacrée à la mémoire de
G. Meyerbeer.
Nous n'avons pas besoin de dire que tous les billets avaient été
pris d'avance. Les portes à peine ouvertes, la salle s'est immédia-
tement remplie. Avec la symphonie en ré de Beethoven, lin fragment
d'un beau quatuor de Haydn, l'air d'OEdipe à Colone : Elle m'a pro-
digué sa tendresse et ses soins, et finalement une marche instru-
mentale de Mendelssohn , le programme annonçait trois morceaux du
maître : le chœur de Margherita d'Angiù, l'ouverture du Pardon
de Ploërmel, et cette terrible scène des Huguenots, qu'on a coutume
d'appeler le chœur de la Bénédiction des -poignards.
Margherita d'Angiù est une œuvre de la jeunesse de Meyerbeer.
Il l'a écrite avant le Crociato in Egitto. Il travaillait alors à s'appro-
prier les procédés et le style de l'école italienne. Il pliait son génie
allemand à cette allure vive et leste, à ces formes élégantes qui
forment le caractère général de la musique d'outre-monts, comme il
devait s'assimiler plus tard les qualités distinctives de notre musique
nationale, et se mettre ainsi en mesure de produire les chefs-d'œuvre
dont il a doté nos théâtres. Car personne ne saurait nier que son
style à lui, si original et si fortement individuel, ne soit la fusion et
comme le résumé du style des trois écoles qui se partagent l'Europe
musicale.
Margherita d'Angiù, malgré le brillant succès qu'elle avait obtenu
en Italie, n'a jamais été exécutée au théâtre Italien de Paris. Mais
on en a joué à l'Odéon, en 1825 ou 1826, la traduction, Marguerite
d'Anjou, et l'exemple donné par l'Odéon a été promptement imité
par toutes nos grandes scènes départementales. A Lyon, à Marseille,
à Toulouse, à Bordeaux, etc., on a fait de belles recettes avec
Marguerite d'Anjou.
Le chœur que la Société des concerts a fait entendre dimanche
dernier, n'est pas le morceau le plus important ni le plus remar-
quable de cette partition. C'est une composition vocale et instrumen-
tale d'un mouvement calme, d'une harmonie douce, d'une expression
gracieuse et tempérée. C'est une scène champêtre, un tableau pas-
toral tranquille et frais comme une toile de Corot. Tout y est simple
et naturel, l'harmonie comme le chant. Mais ce naturel et cette
simplicité sont relevés par une suprême élégance. On voit seulement,
à certains détails d'orchestre, que l'auteur était dès cette époque à la
recherche de ces combinaisons instrumentales si neuves, si piquan-
tes, si variées, qu'il a répandues avec tant de profusion dans ses
œuvres postérieures.
Ces effets de sonorité, fruits d'un génie inventif et inépuisable, la
partition du Pardon de Ploërmel en est pleine, et particulièrement
l'ouverture, œuvre originale entre toutes, et coupée sur un patron
tout nouveau. On sait quel rôle y remplit le chœur placé derrière la
toile, et jetant sa prière grave et recueillie à travers la tourmente de
l'orchestre.
Au Conservatoire, le chœur était relégué derrière la cloison en
planches qui entoure l'armée instrumentale, et lui sert de refléleur.
Il n'en a pas produit moins d'effet pour cela, et l'on peut affirmer
sans crainte d'un démenti, que celte symphonie extraordinaire n'avai
jamais été exécutée avec une telle précision, un tel éclat, une telle
verve.
Quant à ce prodigieux chœur des Huguenots, où le fanalisme rugit
d'une façon si formidable, on l'entend à l'Opéra sans cesse, tout le
monde le sait par cœur, et nous pouvons nous dispenser d'en par-
ler, si ce n'est pour dire qu'il a été parfaitement rendu, et que l'au-
ditoire, profondément ému, a demandé tout d'une voix que l'on re-
commençât. En effet, qui se lassera jamais d'entendre cette musique
sublime ?
M. Faure a chanté l'air d'OEdipe à Colone avec cette voix sympa-
thique et cette largeur de style que tout le monde lui connaît.
Dans les parties purement instrumentales de ce beau concert, le
puissant et merveilleux orchestre a soutenu sa vieille réputation.
C'est tout ce qu'il lui est donné de faire à l'avenir, car il ne peut
plus l'accroître.
Léon DUROCHER.
REVUE DES THÉÂTRES.
Réouverture du théâtre Beaumarchais : Robert Surcouf, drame en
cinq actes et huit tableaux, par M. Bernard Lopez. — Théâtre Saint-
Germain : les Petits du premier, opérette en un acte, de M. W.
Busnach, musique de M. Emile Albert; un Brigand comme on en
voit peu, vaudeville de M. Lemonnier.
On peut considérer le théâtre Beaumarchais comme la seconde
conquête de la liberté des théâtres. Ce n'est pas que cette scène soit
précisément d'origine nouvelle ; il y a bientôt trente ans qu'elle fut
érigée par M. Anténor Joly, sous le nom de théâtre de la Porte-
Saint-Antoine, et, depuis cette époque, Dieu sait combien de mal-
heureux impresarii s'y sont succédé, sans pouvoir parvenir à fixer
la fortune. Mais les temps sont changés ; le goût des spectacles a
fait d'immenses progrès dans ces dernières années, et la démolition
des théâtres du boulevard du Temple a supprimé le principal obstacle
qui s'opposait à la prospérité d'une entreprise dramatique dans les
parages lointains du Marais. C'est donc sous l'empire de conditions
nouvelles et essentiellement favorables que le théâtre Beaumarchais,
réédifié de fond en comble, ouvre aujourd'hui ses portes au public.
Il a rompu toute espèce de solidarité avec le passé, et nous croyons
être dans le vrai en datant son existence de l'ère récente dans
laquelle nous a fait entrer le décret sur la liberté théâtrale. Si,
malgré la grande latitude laissée à l'exploitation des genres, rien
n'indique que ce théâtre doive appeler la musique à son aide, et si,
par conséquent, il échappe à notre spécialité, nous n'en devons pas
moins de sincères encouragements aux efforts qu'il semble vouloir
tenter dans la voie de l'art véritable. Son directeur, M. Dufour, est
un homme éclairé qui a déjà fait ses preuves dans une autre carrière,
où il a acquis une fortune honorable qu'il a résolu de consacrer au
service de celle qu'il s'est choisie. Aussi a-t-il commencé par se
rendre propriétaire de l'ancien théâtre Beaumarchais, et, sans
hésiter, il y a mis la pioche et le marteau.
On ne saurait trop s'étonner de la transformation complète que
quelques mois de fermeture, utilement employés, ont fait subir à
cette salle étroite, incommode et sombre. C'est à présent l'un des
plus charmants théâtres de Paris. Ses abords sont spacieux ; son
396
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
aménagement intérieur est parfait et ses couloirs suffisamment longs.
La couleur des tentures est rouge et or ; les dessins du plafond s'é-
talent sur un fond d'azur, et toute cette décoration riche et de bon
goût sciu tille sous le feu de trois lustres et de deux girandoles d'a-
vant-scène. Pour résumer d'ailleurs l'importance des changements
opérés par l'architecte de la nouvelle salle, il nous suffira de dire
qu'autrefois on y atteignait à grand'peine un maximum de 1,200 fr.
de recette, et qu'aujourd'hui on pourra dépasser aisément le chiffre
de 3,000 francs.
Le cadre étant donné, il ne s'agit que de le remplir convenable-
ment, et ce n'est pas, même avec beaucoup d'argent, une tâche
aussi facile. La pièce d'ouverture, signée par M. Bernard Lopez, au-
quel on prête M. Méry pour collaborateur, témoigne, à certains égards,
de cette vérité qui est malheureusement applicable à bien d'autres scènes
qu'à celle du théâtre Beaumarchais. Le héros de cette pièce maritime
est Robert Surcouf, le célèbre corsaire si connu des Anglais. Les
auteurs l'ont placé entre deux amours, entre deux dévouements, dont
l'un ne triomphe que lorsque l'autre a sombré dans une catastrophe
sanglante. Tour à tour sur terre, sur son navire ou dans l'île de
Java, Robert Surcouf traverse une foule de péripéties émouvantes,
mais peut-être un peu trop prodiguées. Quelques coupures indispen-
sables ont sans doute,- à l'heure qu'il est, amélioré ce drame qui, du
reste, il faut en convenir, est monté avec un luxe de mise en scène
tout à fait merveilleux. Les décors et les costumes ne laissent rien à
désirer ; le personnel est aussi nombreux que possible ; enfin, la mu-
sique de M. Blanzy, et notamment une ballade chantée au sixième
tableau, méritent les applaudissements qu'on ne leur a pas épargnés.
Parmi les artistes, nous en avons reconnu plusieurs qui ne sont
pas nouveaux pour le public ; Jouanni, qui joue le rôle de Surcouf,
a été pensionnaire de la Comédie Française et de la Porte-Saint-
Martin; Mlle Aguillon vient en droite ligne de la Gaîté; Mlle Lau-
rence Gérard également, et Mlle Malvina Brach, de l'Odéon. C'est-
à-dire qu'il y a dans cette jeune troupe des éléments de succès qui
finiront, en se coordonnant, par créer une redoutable concurrence
aux autres théâtres de drames, qui n'ont, sur le théâtre Beaumar-
chais, que l'avantage de l'ancienneté.
— L'activité paraît être à l'ordre du jour au théâtre Saint-Ger-
main, dont l'ouverture, que nous avons mentionnée récemment, a
précédé tout au plus d'une semaine celle du théâtre Beaumarchais.
Le spectacle de la première soirée a déjà été modifié par l'appari-
tion de deux pièces nouvelles, à savoir, un vaudeville et une opé-
rette. Occupons-nous d'abord de cette dernière qui, sous le titre des
Petits du premier, a obtenu de francs et légitimes bravos. C'est une
bluette drolatique, basée sur l'erreur d'un brave homme qui, au mo-
ment d'épouser une veuve avec enfants, s'imagine que les Petits du
premier, c'est-à-dire du défunt dont il va prendre la place, sont des
marmots de l'âge le plus tendre, et qui se voit tout à coup sur les
bras deux grands garçons, dont l'un est douanier et dont l'autre est
tambour-major aux gardes françaises. Cette paternité imprévue l'en-
traîne dans une foule de tracasseries plus ou moins facétieuses qui
se terminent, comme toujours, par un embrassement général. Sur
cette donnée, M. Emile Albert, un jeune musicien d'avenir, a brodé
quelques morceaux fins et gracieux qui ont presque tous reçu l'ac-
cueil le plus flatteur. Nous citerons, entre autres, des couplets chan-
tés par le tambour-major et que l'on a redemandés, de très-jolis
couplets pour voix de femme, sur un motif de valse, et un trio co-
mique dont les détails accusent une réelle entente du genre bouffe.
Les paroles de cette opérette sont de M. Williams Busnach, à qui
l'on doit l'excellente bouffonnerie des Virtuoses du pavé.
Nous n'avons que bien peu de chose à dire du Brigand comme
on en voit peu, vaudeville qui repose aussi sur un quiproquo de per-
sonne, et qui n'a guère d'autre mérite que celui d'être assez bien
joué par un valet grotesque, dont nous n'avons pas retenu le nom.
Au résumé, ces deux nouveautés complètent un ensemble très-sa-
tisfaisant anec le Lion de Saint-Marc, cette opérette de M. Isidore
Legouix, dont nous avons constaté la réussite, et qui est, de jour en
jour, mieux appréciée.
!). A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
a*, Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine deux re-
présentations de Roland à Ronceuaux. Mlle Hamackers y a remplacé
Mlle de Maesen dans le rôle de Saïda. — Le début de Mlle Salvioni
aura lieu très-prochainement dans la Maschera, dont les répétitions
sont fort avancées
,,.% Aujourd'hui, par extraordinaire, la Favorite et Diavolina.
*%. Le théâtre impérial de TOpéra-Comique doit jouer le Café du, roi,
de MM. Meilhac et Deffôs. qui fut représenté dans l'origine avec succès
au théâtre Lyrique. Mlle Girard et Mlle Baretti, qui avaient créé les
deux principaux rôles, en resteraient les interprètes, et Nathan rem-
placerait Wartel.
*** Naudin a chanté hier pour la dernière fois, au théâtre Italien, dans
la Traviata. — Linda di Chamounix, qui doit être très-incessamment
représentée, sera chantée par Mmes A. Patti etDemeric, Brjgnoli, Délie
Sedie, Scalese et Antonucci. — A la dernière représentation de l'Elisire
d'amore, un divertissement composé d'un pas de deux, par Mlle Urban
et Costa, et d'un ballabile pour le corps de ballet, a été intercalé entre
le premier et le second acte. Il en sera également ajouté un à Maria,
la première fois qu'on représentera cet opéra.
„** Une indisposition de Mlle Nilsson avait suspendu momentanément
les représentations de Violetta , qui viennent d'être reprises. II serait
question de lui faire continuer ses débuts dans la Flûte enchantée. — Jeudi
le théâtre Lyrique impérial a donné deux pièces nouvelles : les Bégaie-
ments de l'amour et le Cousin Babylas, dont nous rendons compte. — Hier
soir il a repris Mireille, réduit en trois actes. — On vient de mettre en
répétition le Roi Candaule, opéra en deux actes de Michel Carré, dont
la musique a été composée par M. Eugène Diaz de la Pena, jeune
homme de vingt-cinq ans, fils du célèbre peintre de ce nom.
#% La musique de la pièce de Cham : le Serpent à plumes, qui se ré-
pète au théâtre des Bouffes- Parisiens est de Léo Delibes , l'auteur des
Deux vieilles gardes. — Les paroles de Jupiter et. Léda, l'opérette de
Mlle Suzanne Lagier, sont de M. Jules Bertrand. Bâche doit reparaître
dans cet ouvrage par le rôle du fleuve Eurotas.
„** Le Brésilien vient d'être repris au théâtre du Palais-Royal ; on se
rappelle l'immense succès obtenu par la ronde du Brésilien que chantent
dans cette pièce Gil Percz et Brasseur.
**„. Les répétitions générales du nouvel opéra d'Offenbach, la Belle
Hélène, vont commencer, et la première représentation aura lieu cette
semaine.
„*„, Nous avons annoncé que le théâtre Lyrique jouerait au printemps
un drame de Legouvé, avec des chœurs et des morceaux symphoniques
composés par Gounod. Ce drame, dont le titre serait : les Deux Reines
de France, aurait trois actes. Les personnages seraient Philippe-Auguste,
Ingeburge et Agnès de Méranie. Le rôle de Philippe-Auguste serait joué
par Joanny, celui d'Ingeburge par Mme Ristori, et celui d'Agnès par
MlleRousseil.
**t La recette brute des théâtres impériaux, des théâtres secondaires,
concerts, etc., s'est élevée pendant le mois de novembre à 1,799,518 fr,
30 cent.
.,% Le programme du dernier concert donné au Cirque Napoléon
contenait deux nouveautés des j>lus intéressantes. La première, c'était
une symphonie en ré majeur de Mozart, dont nous ne connaissions en-
core que le délicieux andante, entendu, applaudi et redemandé plu-
sieurs fois dans les saisons précédentes. Quant à la symphonie entière,
une note nous apprenait qu'elle a été composée en 1776, à l'occa-
sion du mariage de la fille du bourgmestre de Salzbourg. Voilà pour-
quoi elle porte le titre de Sérénade, dont elle a aussi le caractère. Ce
n'est pas certainement une des productions capitales de l'auteur, mais
c'est une œuvre brillante, animée, „d'une sève juvénile, et en parfait
accord avec sa destination. Pour seconde nouveauté, nous avions l'ou-
verture de Lorelei, de M.V. Wallace, le compositeur si en honneur et en
vogue par-delà l'Atlantique et le détroit. L'Amérique et l'Angleterre n'ont
peut-être pas de musicien qui leur soit plus cher et plus sympathique.
DE PARIS.
397
Lorelei a obtenu à Londres un de ces succès qui font époque.
L'ouverture, que nous avons entendue, est une page élevée de style,
éclatante de coloris, et dans laquelle une grande maestria se fait sentir.
Il est vrai que le souvenir de Weber etd'Oteco» plane un peu sur toute
cette musique, mais elle n'en a pas moins son prix, et réclame une audi-
tion nouvelle. L'orchestre et son digne chef n'ont jamais mérité plus de
bravos qu'eu exécutant, comme ils l'ont fait, l'ouverture de Fidelio
et le septuor du même auteur, l'asdeloup a présenté au public son
premier violon, qui est venu pour son compte et pour celui de tous ses
camarades.
**„ Il n'y aura bientôt plus dans les deux mondes un théâtre lyrique
qui n'ait joué Maria et où n'ait réussi le charmant opéra de Flotovv.
C'est le théâtre de Jassy qui a son tour vient de monter cet ouvrage et
il n'a eu qu'à s'en féliciter. On a applaudi tous les morceaux. Mlle Dixon,
qui jouait le rûle de lady Henriette, y a mis beaucoup de talent ;
Vidal, qui chantait celui de Lionel, possède une très-jolie voix de
ténor; il a dit sa romance avec un charme et une expression qui l'ont
fait rappeler quatre fois, et Capponi l'a vaillamment secondé. C'est
un grand et véritable succès.
„% Le théâtre Italien de Madrid marche de mieux en mieux. Lucrezia
Borgia, chantée par limes Penco et Grossi, Nicolini et Selva, a obtenu
un immense succès. Les artistes, applaudis avec enthousiasme, ont été
rappelés un nombre infini de fois.
*** La soirée donnée par les frères Holmes, à la salle Herz, a tenu
tout ce qu'elle promettait, et les deux jeunes artistes ont pleinement
justifié la bonne opinion qu'on avait conçue de leur talent. On a beau-
coup applaudi aussi M. W. Krûger qui leur prêtait son concours, et
dont les dernières composilions ont été jouées par lui-même avec le
plus grand talent.
**t Après de longues et nombreuses pérégrinations en France et à
l'étranger dans lesquelles il a récolté honneur et profit, le célèbre chan-
teur de chansonnettes, acteur et mime Levassor est de retour à Paris,
et il vient d'organiser à la salle Herz des soirées bouffes qui ont lieu
chaque mardi. L'inauguration de ces brillantes soirées a eu lieu
mardi devant une partie de la presse et un nombreux public d'ama-
teurs. Levassor ne s'est adjoint qu'un partenaire ou plutôt une parte-
naire fort agréable, Mlle Teissère, qui l'a très-bien secondé. Des scènes
bouffes très-amusantes, de nombreuses chansonnettes dites avec un véri-
table talent d'imitation, une saynète : Adélaïde et Vermout, et une
pochade, le Mal de mer, dans lequel on ne pourrait reprocher à Levassor
qu'un peu trop de réalisme, ont fait grand plaisir et assurent le succès
des prochaines soirées.
2*% Aujourd'hui a 2 heures, à la salle Herz, un violoniste distingué,
M. Niedzielski, donne un grand concert au bénéfice de ses compatriotes
polonais malheureux. Mme Marie Cabel, MM. Sainte-Foy, Capoul,
Mlle Secretan, M. Maubant et la Société chorale Saint-Jacques prêtent
leur concours à cette bonne œuvre.
„,% On nous écrit d'Amiens qu'après un rapport très-intéressant sur
l'état florissant dans lequel se trouve la Société philharmonique de cette
ville, M. J. Deneux a été réélu, pour une nouvelle période de trois ans,
président de cette Société, qui doit tant à son zèle, à son intelligence
et à son activité.
*** M. Gouffé a repris ses charmantes séances du mercredi ; la pre-
mière a été très-intéressante. En voici le programme : deux quatuors
de Mozart et de Beethoven, un quintette d'Onslow et le quatuor d'Adolphe
Blanc, dédié à Uossini, très-bien exécuté par Mme Langhans, Guerreau,
Casimir JNey et Lebouc.
„% Les matinées musicales de M. Ch. Lebouc continuent d'attirer un
grand nombre d'amateurs de musique sérieuse. A la deuxième matinée,
on a particulièrement applaudi M. Alphonse Duvernoy qui a interprété
'a sonate en fa mineur, de Beethoven, pour piano, d'une manière très-
remarquable. Une transcription de M. Lebouc d'un fragment de Pro-
méthée, de Beethoven, pour violon, alto, violoncelle et piano, et l'élé-
gie d'Ernst, très-bien chantée sur le violon par M. White, ont fait le
plus grand plaisir. La troisième matinée, qui a eu lieu lundi dernier, a
offert un grand intérêt par le choix des morceaux. Le duo de Chopin
et Franchomme sur des motifs de Robert le Diable, exécuté par Mlle Ca-
roline Rémaury et M. Lebouc, a produit le plus grand effet. Ce duo, à
la fois classique et brillant, sera certainement exécuté souvent cet hi-
ver dans les concerts et dans les salons. On a applaudi ensuite le trio
de Beethoven pour deux hautbois et basson, fort bien rendu par
MM. Triébert, Berthôlemy et Jancourt, le joli quintette en ré, de M. Ad.
Blanc, exécuté par MM. White, Comtat, Trombetta, Lebouc et Gouffé;
enfin, le concerto en ré mineur de Mendelssohn, dans lequel Mlle Ré-
maury a déployé son talent plein de verve et de grâce, a dignement
terminé cette belle séance.
*** Le cours supérieur de piano et d'accompagnement donné par
Mme Rossi Gallieno, aura lieu les mercredis à 2 heures, dans les salons
de MM. E. Gérard et C" (ancienne maison Meissonnier), éditeurs de
musique, 1, rue de la Chaussée-d'Antin, au coin du boulevard. Pour
les prix du cours, s'adresser au magasin.
*** On nous écrit de Bruxelles que la cinquième messe solennelle
composée par M. A. Bessems venait d'y être exécutée deux fois de suite.
C'est, nous dit-on, une page remarquable, qui sort complètement de
la route suivie jusqu'à ce jour. Elle renferme des hardiesses pleines
d'originalité, sans sortir dn caractère de l'œuvre ; le sentiment reli-
gieux y domine. Le Kyrie de la nouvelle messe est une prière pleine
d'onction ; le Gloria et le Credo respirent la grandeur et la majesté. L'on
a remarqué dans le Sanctua, et surtout dans le Benedktus, des effets de
basse soutenus par des solos de cor du meilleur effet. VAgnus Dei est
plein de candeur et de douceur. En somme, c'est une œuvre remar-
quable, la digne sœur de la messe solennelle en la mineur qui est
au répertoire de tous les jubés.
%** Quelques difficultés paraissent devoir retarder encore les travaux
d'appropriation du local choisi par la Société Félicien David pour l'in-
stallation du Grand-Concert. La salle ne pourrait guère être inaugurée
avant le courant de février. Aménagée d'après le modèle de la fameuse
salle Exeler Hall de Londres, elle contiendra 1000 places à 1 fr. ; 300
à 2 francs, et des loges et baignoires à 3, i et 5 francs la place. On sait
que chaque œuvre exécutée sera dirigée par l'auteur lui-même. Liszt,
Benedict, Costa auraient encouragé l'entreprise de leur adhésion, et on
dit même que Liszt y fera exécuter la messe inédite qu'il a composée
et apportée à Paris lors de son dernier voyage.
t% Une vingtaine d'artistes dramatiques et lyriques, engagés pour le
théâtre de Mexico, avaient pris passage sur le steamer transatlantique le
Jowa. Parti du Havre pour sa destination, il a fait côte à Omonville près
Cherbourg. Heureusement l'équipage et tous les passagers ont pu être
sauvés.
»*,. La ville de Palerme ouvre un concours pour la construction d'une
nouvelle salle de spectacle. Les cinq plans reconnus les meilleurs re-
cevront des prix de 25,000, 16,000, 9,000, 4,000 et 2,000 francs. La
salle doit contenir trois mille spectateurs, et 2 raillions et demi sont
destinés aux frais de la construction.
t*t On nous annonce que A. P.ubinstein, le célèbre pianiste-compo-
siteur russe, est attendu à Paris, où il passera l'hiver.
*** Mlle Angiolina Cordier, jeune cantatrice parisienne qui fit ses
débuts au théâtre de l'Opéra-Comique, et qui depuis a obtenu de grands
succès en Amérique, où elle a chanté plusieurs années, vient d'arriver
à Paris.
,„** Mardi prochain, 13 décembre, par extraordinaire, une grande soi-
rée musicale sera donnée dans les salons du Casino, rue Cadet, 16, par
Mlle Laure Micheli, avec le concours de Mlle Dufau, chanteuse légère du
grand théâtre de Madrid ; MM. Guldou frères ; Faivret, fort ténor ; Ca-
zahoui, du théâtre de S. M. la reine d'Angleterre; Castel, chanteur co-
mique; Arban, Demersseman, Gobin et Lacoste. Mlle Laure Micheli,
professeur et compositeur de musique, pour cette fois seulement, diri-
gera le brillant orchestre du Casino et fera exécuter plusieurs morceaux
de sa composition.
*** Nous annonçons la publication prochaine d'une œuvre qui ne peut
manquer d'être appréciée par les amateurs ; elle a pour titre un Sou-
venir de L. von Beethoven, quatuor pour piano, violon, alto et basse,
composé par P. Tintorer et dédié à M. F. Frontera de Valdemosa, pro-
fesseur de chant de S. M. la reine Isabelle IL L'auteur y a fait preuve
d'une science musicale remarquable, et ce quatuor figurera bientôt dans
les programmes de musique de chambre.
*** M. et Mme Langhans annoncent une soirée musicale qu'ils don-
neront mardi prochain dans les salons de M. Lebouc. Des compositions
de H. Hiller, Schumann, Adler et Langhans y seront exécutées.
*% Sous le titre de : Découverte et démonstration de la similitude des
gammes, ou les physiciens mis d'accord avec les musiciens au sujet de
la théorie de la musique, M. L. Durand, sous-lieutenant au 27e de ligne,
vient de publier une brochure curieuse et qui intéressera certainement
tous ceux qui font de l'art musical leur étude sérieuse. Elle est accom-
pagnée d'une planche coloriée qui permet de comparer les différentes
gammes majeures et mineures entre elles, de saisir facilement toutes
les modulations, de montrer l'accord du piano, etc., etc.
^*a. Sous ce titre : Séances consacrées à l'étude de la musique d'ensemble,
deux artistes bien connus dans le monde musical, MM. E. Colonne et
H. Poencet, organisent en ce moment d'intéressantes réunions dans le
but d'initier les amateurs violonistes et violoncellistes à l'exécution de
nos maîtres classiques. Nous ne pouvons que féliciter MM. Colonne et
Poencet de leur heureuse idée, et nous croyons pouvoir leur prédire
un beau succès.
**„ Aujourd'hui, à S heures du soir, commencent à l'Exposition de
398
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tableaux du boulevard des Italiens les concerts qui doivent y être
donnés sous la direction de M. Debillernont..
J*„ Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, huitième
concert populaire de musique classique sous la direction de Pasdeloup.
En voici le programme : 1° Symphonie en mi bémol n° 53 (Haydn), in-
troduction, allegro, adagio, menuet final ; — 2° Ouverture de Léonore
n° 3 (op. 72) (Beethoven) ; — 3° concerto pour violon en si mineur
n° 24 (Viotti), exécuté par M. Sighicelli ; 4° Symphonie en la mineur
(Mendelssohn), introduction, allegro, agitato, scherzo, adagio, finale.
*** Hier samedi a eu lieu le premier bal masqué de l'Opéra. L'or-
chestre, dirigé par Strauss, a fait merveille ; il a fait entendre les
danses nouvelles de son album qui vient de paraître. Des applaudisse-
ments frénétiques ont accueilli la plupart de ces compositions. On a
notamment remarqué les valses : Au Revoir, V Hommage, A Bientôt et Un
Jour en Savoie, la polka Bric à brac et la polka-mazurka Paquita. A en
juger par le nombreux public qui s'y est porté, les bals de l'Opéra
n'auront pas moins de vogue que les années précédentes.
*** Le secrétaire de l'Empereur, M. Mocquart, dont la santé don-
nait de vives inquiétudes, est mort vendredi matin. Ses hautes fonc-
tions ne l'empêchaient pas de cultiver les lettres ; on lui doit plusieurs
drames écrits en collaboration avec MM. Victor Séjour et Dennery, et
un roman ayant pour titre Jessie.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
»% Strasbourg. — Dimanche, 20 novembre, la Société de musique de
chambre a repris ses séances dans l'élégante salle du foyer du théâtre
et inauguré la dixième année de sa florissante existence. Ce millésime,
qui marque un dixième de siècle, est assez éloquent par lui-même pour
rendre superflu tout commentaire élogieux à l'adresse de la classique
association fondée par M. Schwsederlé. Les sympathiques applaudisse-
ments que l'auditoire a prodigués dimanche, quand ils ont paru sur
l'estrade, à MM. Schwasderlé, Mayerhofier, Weber et Hanish, le nou-
veau violoncelliste, ont montré à la phalange de la Musique de chambre
combien son retour avait été désiré. Le programme de cette séance de
rentrée était fort bien choisi et s'ouvrait par le 78e quatuor, en
si bémol, de Haydn. La partie de piano réservait cette fois à l'audi-
toire un plaisir tout particulier, celui de revoir et de réentendre une
jeune musicienne à plus d'un titre sympathique à cette réunion. Après
deux ans d'absence, c'est-à-dire après deux années d'études sérieuses
faites à Paris sous la direction particulière d'un professeur du plus haut
mérite, M. Lecouppey, Mlle Fanny Schwaaderlé nous est revenue toute
transformée : son jeu a acquis une égalité, une souplesse, un éclat,
qu'une méthode excellente peut seule donner, et à ces qualités qui font
la pianiste brillante se sont ajoutées celles qui font la pianiste de sen-
timent : c'est-à-dire une expression naturelle, pleine de goût, un phra-
ser élégant, une sensibilité manifeste mais dénuée de toute affectation.
Aussi les morceaux que Mlle F. Schwsederlé a fait entendre dimanche,
lui ont-ils valu non plus des encouragements dus à d'heureuses dispo-
sitions, mais des applaudissements qui signalent les talents en pleine
voie de maturité. Ces morceaux étaient une romance sans paroles de
Mendelssohn, celle en la majeur, qui, dans le recueil revu par M. Ste-
phen Heller, est intitulée Chanson de printemps; un Nocturne de Chopin
et le concerto en la bémol de Field. M. Oscar Scniïzenberger qui avait
bien voulu, pour cette séance de rentrée, prêter à M. Schwsederlé le
concours de son talent vocal, a dû voir que pour ne plus se prodiguer
comme autrefois, il n'en était que mieux accueilli lors de ses appari-
tions exceptionnelles. Il avait choisi un air de Porpora, Il Sogno, dont
il a rendu le style semi-élégiaque, semi-déclamatif avec un art qui té-
moigne de l'étude consciencieuse qu'il avait faite de ce maître ancien-
Le quatuor en fa majeur de Beethoven déjà plus d'une fois joué, mais
qui paraît plus merveilleux à chaque audition, a terminé cette première
séance.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
J% Londres. — L'opéra anglais de Covent-Garden, fidèle à sa mis-
sion, continue de produire des œuvres nouvelles des compositeurs na-
tionaux. Après VHelvellyn de M. Macfarren, nous avons eu, le samedi 25
novembre, la première représentation de l'opéra de M. Hatton, Rose ou
Love's ransom, imitation, comme nous l'avons dit, du Val d'Andorre
\ d'Halévy et Saint-Georges,, L'ouvrage de M. Hatton a été assez bien reçu
à la première représentation, l'avenir seul décidera s'il est destiné
à se maintenir au répertoire. La musique en est facile et ne
manque point d'un certain entrain, mais c'était chose par trop témé-
raire que de provoquer une comparaison avec l'œuvre admirable d'Ila •
lévy, heureusement pour M. Hatton, peu connue en Angleterre. Mme Lem-
mens-Sherrington est charmante dans le rôle de Rose, et c'est à cette
excellente artiste que M. Hatton sera en grande partie redevable de son
succès, si succès il y a. Mais les samedis se suivent et ne se ressem-
blent pas, et c'était une soirée bieu autrement intéressante que celle à
laquelle nous' avons assisté avec tout Londres, à ce même théâtre
de Covent-Garden, le 3 décembre, pour entendre la première re-
présentation d'un opéra nouveau de Benedict , the Bride of song.
Ceci est l'œuvre d'un grand musicien, et bien que ce ne soit qu'un
ouvrage en un acte, un simple lever de rideau (le comte Ory aussi n'est
qu'un lever de rideau à Paris), et qu'elle ne se prête guère par consé-
quent à de larges développements, il n'est néanmoins pas difficile de
reconnaître dans chaque phrase de cette fraîche et élégante composi-
tion la main du maître. Le poëme de M. Farnie est écrit sans préten-
tion, mais non sans charme, et offre notamment d'heureux prétextes
pour la musique: aussi M. Benedict en a-t-il merveilleusement su tirer
parti. En somme, the Bride of song, bien que restreinte dans ses di-
mensions, peut être comptée parmi les plus heureuses inspirations de
l'auteur de la Rose d'Erin. Il faudrait parcourir l'ouvrage entier pour
énumérer toutes les beautés qu'il contient. Toutefois nous dirons que trois
numéros ont été bissés, et que M. Benedict a été forcé de paraître en
personne après la chute du rideau, amenant avec lui M. Mellon, l'habile
chef d'orchestre. — M. Charles Adams, le ténor que Berlin dispute à Lon-
dres, a abordé lundi avec un succès toujours croissant son troisième
rôle, celui de Manrico du Trovatore, traduit en anglais.
»% La Haye. — L'étoile de notre théâtre Italien est en ce moment
Mme Rosa de Vriès, la célèbre prima donna de Naples et de Milan. Elle
vient d'obtenir dans Norma un succès qui n'avait eu d'égal chez nous
que quand elle y vint il y a quatre ans. Notre direction se propose de
nous la faire entendre dans les chefs-d'œuvre du grand opéra et du
théâtre italien : les Huguenots, le Prophète, la Juive, etc. Aussi l'empres-
sement du public est-il grand, et il faut s'y prendre huit jours d'avance
pour se procurer des places.
*** Berlin. — Le gouvernement vient de commander à M. Micheli le
buste en marbre de Meyerbeer, pour être placé dans la salle des con-
certs du Schauspiclhaus, Une solennité artistique digne de la circons-
tance en signalera l'inauguration. — Le passage à Berlin des troupes
autrichiennes venant du Danemark et qui retournent dans leurs garni-
sons, a suggéré à M. Emile Bock l'idée d'un grand concert de musique
militaire fort intéressant, dans lequel les musiques militaires prussiennes
et autrichiennes devaient concourir, lutter; en un mot, se faire en-
tendre simultanément et séparément ; le produit devait être consacré
au fonds de pension des musiciens militaires, fondé par feu son frère,
M. Gustave Bock. Personne n'a osé se prononcer sur celle des deux mu-
siques qui est la meilleure ; cependant on est à peu près unanime pour
accorder plus d'entrain et de brio aux Autrichiens, plus de précision
et de sentiment artistique aux Prussiens. En somme, on a applaudi les
Prussiens aussi bien que les Autrichiens, et les pensionnaires de la
fondation Bock feront volontiers chorus, car la recette a été abondante.
— Le Domchor, ce chœur célèbre de la cathédrale, a ouvert le 1er dé-
cembre ses séances publiques de la saison, et la foule la plus élégante
s'y pressait comme les années précédentes. Le programme de ce pre-
mier concert contenant un Adoremus de Péri, un mottet de Bach,
un Salve Regina de Barnabeï, le 100e psaume de Mendelssohn, VHalle-
lujah de Haendel, deux airs d'église chantés par Mlle Malvina Strahl,
et, ce qui excitait particulièrement l'intérêt de l'auditoire, du Pater
nosler de Meyerbeer. Quels souvenirs cet admirable morceau éveillait en
nous, et combien dans cette petite œuvre on reconnaît le grand maître
qui n'est plus ! Bien que ce Pater noster ne soit point écrit dans le style
religieux des autres morceaux du programme, cette page admirable du
maître immortel est pourtant si noble, si émouvante, si pleine de beau-
tés ineffables, que le désir de l'entendre souvent dans les concerts du
Domehor a été unanime, même parmi cet auditoire un peu exclusif.
Quel merveilleux effet dans ces phrases à l'unisson chantées en plein
forte, et qui par un brusque piano sont ramenées à leur harmonie pri-
mitive! Ce Pater noster nous fournit une nouvelle preuve de la perfec-
tion avec laquelle Meyerbeer savait écrire pour les voix, même sans le
secours de ï'orshestre. La supériorité de l'exécution des chanteurs du
Domchor, composé uniquement de voix d'hommes et d'enfants, et qui
chantent sans aucun accompagnement, est tellement connue, que tout
éloge devient superflu : c'est la perfection.
%*% Vienne. — La construction de notre nouvel Opéra est entière-
ment terminée, et déjà on commence à s'occuper de la décoration
intérieure. Cinq artistes, peintres et statuaires, choisis parmi les plus
1>E PARIS.
399
distingués de la capitale, se sont distribué ce travail artistique. Dans la
loggia, dont les peintures sont confiées à M. de Schwind, on verra
les statues en marbre de Mozart, de Beethoven, de Gluck, de Haydn
et de Schubert, et le foyer confié à M. neiger contiendra les bustes,
également en marbre, de Meyerbeer, Wcber, Spohr, Chérubin! , Dellini,
Marschner, Donizetti, Nicolaï, Weigl, Cimarosa, Kreutzer, Auber, Rossini
et Verdi. Commencé en môme temps que la nouvelle salle qu'on construit
en ce moment à Paris, on compte que le nouveau monument viennois
rivalisera, en magnificence, avec celui de Paris, mais nous aurons
l'avantage de le voir achevé plus tôt, car on espère que l'ouverture
delà nouvelle salle pourra se faire l'hiver prochain, et qu'on l'inaugurera
par l'Africaine de Meyerbeer. — Le Faust, de Gounod, a été pour
Mlle Artot l'occasion d'un nouveau triomphe ; la curiosité du public
était très-excitée, et l'on disait que le rôle de Orclchen, très-allemand,
n'irait pas au talent éminemment italien de Mlle Artot ; mais la célèbre
cantatrice a obtenu Je plus brillant succès; rappelée trois fois après
l'acte du jardin, deux fois après celui de l'église, les acclamations ont
redoublé à la chute du rideau; quoique le spectacle eût duré une heure
de plus que d'ordinaire, aucun des spectateurs n'avait quitté sa place.
„% Trieste. — Sivori nous a donné cinq concerts sans épuiser l'em-
pressement du public ; c'est toujours la même foule, les mêmes ova-
tions a ce talent extraordinaire qui n'a pas encore depuis Paganini trouvé
de rival. Parti pour Venise où il doit donner deux concerts, nous appre-
nons que le premier a été pour lui un triomphe étourdissant. Nous
l'attendons maintenant de nouveau ; car il doit prêter son concours au
bénéfice de Pancani et nous donner un concert d'adieu.
**» Milan. — La Société des quatuors a donné sa seconde séance dans
la salle du Conservatoire. Le célèbre violoniste Bazzini était au nombre des
exécutants. Le programme se composait d'un quartetto de Schumann,
d'un quintette de Mozart, de trois morceaux de Bazzini, d'un nocturne
de Chopin, d'un scherzo de Mendelssohn et d'un quatuor de Beethoven.
— Le conseil académique du Conservatoire vient de nommer une com-
mission chargée de composer le programme du concert qui doit être
donné en l'honneur de .Meyerbeer dans les premiers mois de l'année
prochaine.
t\ Lisbonne. — Le compositeur Flotow vient d'obtenir un nouveau
triomphe avec son délicieux opéra Maria représenté sur le théâtre San-
Carlos, et que viennent d'interpréter Mmes Volpini et Tati, Mongini,
Marinozzi et Giordani. Mme Volpini s'y est particulièrement distinguée,
et il serait impossible de trouver une plus charmante lady Henriette.
La romance de fa Rose a été un triomphe pour elle. Mongini s'est fait
applaudir avec enthousiasme, particulièrement dans le duo du deuxième
acte avec Mme Volpini et dans la scène du troisième acte. Les deux
artistes ont obtenu un succès sans précédent à Madrid.
*** New-York. — Ni la guerre, ni la crise monétaire ne paraissent
exercer une grande influence sur le mouvement musical de notre ville.
Nos artistes ne se plaignent guère, on les paie plus cher que jamais. La
Société philharmonique de Brooklyn, sous l'excellente direction de M. Eis-
feld, la plus sérieuse, sans contredit, de toutes les sociétés analogues
qui existent en Amérique, et la seule dont le succès ne repose pas uni-
quement sur les annonces et réclames, vient d'entrer dans sa huitième
année d'existence, chose inouïe en Amérique. Le premier concert par
lequel cette excellente société vient d'ouvrir la saison était composé de
la symphonie pastorale de Beethoven, de l'ouverture du Itoi Lear de
Berlioz, et de celle de Maritana de Wallace. La partie vocale était rem-
plie par miss Adelaï Philipps, jeune américaine qui possède une ex-
cellente voix de contralto, et qu'elle a pu admirablement faire valoir
dans l'air 0 mon /ils, du Prophète de Meyerbeer, et dans celui de l'Or-
phée de Gluck, Che faro senza Euridice. — La Création d'Haydn vient
d'être exécutée pour la première fois à New- York, sous la direction de
M. Anschutz. Les exécutants, instrumentistes et chanteurs, étaient au
nombre de quatre cents, et parmi ces derniers on distinguait M. Charles
Formés.
Le Directeur : S. DUFOUIl.
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MM. les Abonnés de province de le faire prendre au bureau de la Gazelle musicale.
102
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
SOMMAIRE. — Mme Schroeder-Devrient, de M. de Wolzogen (8e et dernier
article), par Paul Smith. — Théâtre Lyrique impérial : reprise de Mi-
reille; Mme Ugalde, M. Michot, par Léon Durocher.— Théâtre des Bouffes-
Parisiens : le Serpenl à plumes, opérette-bouffe en un acte, paroles de M. Cham,
musique de M. Léo Delibes. — La musique et la société française au xvm*
siècle (6° article), par Em. Mathieu de Monter. — Nouvelles et an-
nonces.
MME SCHROEDER-DEVRIENT,
Par M. de Wolzogen (4).
IX.
Enfin, vers les premiers jours du printemps de 1854, notre artiste
était complètement rentrée en possession de sa liberté. Après tant
d'années d'une existence si agitée, si turbulente , elle n'avait plus
qu'à goûter les douceurs du repos : il lui suffisait de le vouloir,
mais pour elle le repos ce n'était pas le bonheur ! Elle l'avait dit sou-
vent, et elle allait le prouver avec une douloureuse évidence. C'est
aux artistes et aux femmes de san ature que s'appliquerait surtout le
fameux vers de Ménandre :
Ils sont aimés des dieux ceux-là qui meurent jeunes.
Cependant on conçoit que personne ne se montre bien jaloux
d'une telle faveur, et qu'au contraire on cherche à l'éloigner en s'é-
criant : « Dieux tout-puissants, honorez-moi d'un peu d'indifférence.»
Voici ce que Wilhelmine écrivait dans le moment même où elle se
félicitait le plus de sa situation nouvelle, et se disposait à rejoindre
son mari dans le pays qu'elle devait habiter avec lui : « Je vais re-
tourner bientôt dans une contrée où je resterai pour toujours étran-
gère à moi-même, où rien ne me rappelle qu'un saint devoir, à la-
quelle rien ne me rattache que l'amour et l'estime pour le meilleur
et le plus noble des hommes. J'entre dans une tombe ouverte, et
quand se fermera la barrière russe, je dirai adieu à tout ce qui fai-
sait autrefois l'ornement de ma vie. L'art et la poésie, le commerce
de ces esprits dont les vives lumières vous raniment, l'industrie et
la science du monde, tout cela restera de ce côté de la barrière,
mais de l'autre je trouverai l'économie domestique, l'ordre et le re-
pos, — du moins le repos extérieur, — et je vivrai à côté d'un
homme, à coup sûr le plus vrai, le meilleur de mes amis. Je ne
serai pas seule dans le désert qui m'attend, puisque j'aurai mon fi-
dèle ami, l'époux que j'aime — et moi. »
11 n'était guère possible de prendre son parti moins gaiement et de
montrer moins de confiance, en s'efforçant de paraître en avoir. La pau-
vre "Wilhelmine rencontra d'abord un terrible ennemi dans le climat de
la Russie. « Je ne puis vivre, s'écriait-elle, là où mon piano ne peut
garder l'accord : je suis déjà morte à demi, quand je ne puis tirer
un son de mon gosier, et pensez que l'hiver dure huit grands mois !»
Son existence fut donc profondément troublée et condamnée à une
perpétuelle instabilité. En Russie, elle souffrait du corps et de l'âme ;
elle aspirait à revoir un ciel plus doux. En Allemagne, elle se repro-
chait de délaisser son mari, et l'absence d'un établissement fixe se
faisait péniblement sentir. Nulle part le repos, nulle part la satisfac-
tion, le bien-être ! Elle écrivait au mois d'avril 1855 : « Les pre-
miers instants de mon séjour dans ma nouvelle patrie fureut employés
à éclairer le chaos qui m'entourait, à y mettre de l'ordre et de la
propreté, autant, du moins, que cela m'est possible, et à donner aux
lieux que j'habite un vernis de cette poésie sans laquelle il m'est ab-
solument impossible de vivre. Ce n'était pas une petite difficulté, car
ici tout est prose, prose nue et chauve sous son aspect le moins sé-
(1) Voir les n" 24, 26, 27, 35, 43, 44, 48 et 49.
duisant... Que vous dirai je ? Si vous voulez me voir, vous n'avez qu'à
ouvrir Ylphigénie en Tauride, de Goethe, et à en lire le premier
monologue ; ôtez-en seulement le sauvage époux, et tout le reste me
convient parfaitement. — Certes, mon esprit ne s'accoutume pas
ici (1) ! Sommes-nous donc destinés, depuis le berceau jusqu'à la
tombe, à lutter constamment? Tel fut mon lot plus qu'à personne.»
Ce qui aggravait les chagrins de Wilhelmine, c'est qu'elle n'osait se
confier entièrement au papier. « Il y a si loin d'ici en Allemagne !
Une lettre peut s'égarer, » et elle ajoutait : « On en a vu des exem-
ples, vous me comprenez ! »
Wilhelmine regrettait l'Allemagne et bien plus encore le théâtre :
elle ne pouvait se faire à l'idée qu'on l'oublierait : « Quoi de plus
affligeant, disait-elle, que de penser qu'on a vécu inutilement? » — Un
jeune sculpteur de Gotha, d'un talent très-distingué, avait retracé
son image dans un médaillon en marbre de grandeur naturelle, et
elle avait eu l'intention d'en faire cadeau à la ville de Dresde pour
qu'on le plaçât dans l'endroit où elle avait si souvent prodigué à la
foule des émotions et des inspirations qui n'ont que le tort de passer
trop vite et d'être effacées par des émotions et des inspirations nou-
velles. La manière dont elle fut traitée dans cette ville, pendant le
dernier séjour qu'elle y fit en l'automne de 1851, la détourna de
cette intention, et en 1855, elle écrivait à M. de Donop : « Je vou-
drais bien donner une digne place à ce médaillon, car en vérité, ce
serait dommage de le laisser vieillir dans sa caisse. Je vous prie donc
de lui accorder un petit coin dans votre bibliothèque et de l'y placer
en mémoire de moi ; qui maintenant se soucie en Allemagne de la
Schroeder-Devrient ? C'est pourquoi je ne veux l'imposer à aucun
établissement public, et pourquoi je tiens à le savoir près de vous, qui
avez toujours voué tant d'intérêt à l'artiste. Parmi les grands esprits
dont les œuvres vous environnent, accordez un tranquille petit coin
à l'image d'une femme dont un saint enthousiasme faisait battre le
cœur, qui aimait l'art pour lui-même et non pas uniquement pour un
vil profit, comme tant d'autres prêtres et prêtresses des muses, dont
le front doit rougir de honte et de colère. »
Autrefois, quand on demandait à la cantatrice comment elle faisait
pour être toujours en voix, elle avait l'habitude de répondre :
a Qu'ai-je donc tant à faire pour cela? être en voix signifie se bien
porter. Je me porte bien, pourquoi donc la voix me manquerait-elle? »
Avec le temps la santé s'était évanouie, mais l'ardent désir de ma-
nifester encore une fois l'idéal qui obsédait son âme ne lui laissait
ni repos ni trêve. Sans consulter ses forces, sans savoir quel service
son organe était disposé à lui rendre, elle ne put résister à la
fatale tentation de reparaître en public. La première fois qu'elle y
reparut, ce fut en quelque sorte sans l'avoir prévu. Pour la
célébration du centième anniversaire de la naissance de Mozart, la-
quelle devait avoir lieu à Berlin le 27 janvier 1856, elle s'était jointe
aux membres de l'académie de chant et de l'opéra royal. De toutes
parts on exprima le vœu qu'elle voulût bien chanter un solo pour
mieux consacrer la solennité. Elle s'y détermina sans peine, et elle
chanta le beau Lied du grand maître, Abendempfindung, d'une telle
façon, que malgré l'incertitude de ses intonations dans certains pas-
sages difficiles, elle produisit un immense effet et laissa une impres-
sion vraiment extraordinaire.
Peu de temps après, l'excellent baryton Jules Stockausen étant venu
à Berlin, il fut décidé que Wilhelmine donnerait avec lui des soirées,
qui commencèrent en avril 1856. Dans la première, elle chanta plu-
sieurs morceaux de Schubert et de Schumann avec un grand succès.
A compter de ce moment, la carrière était rouverte, et elle se fit
entendre souvent dans les concerts; quelquefois elle ne dédaignait
pas de se hasarder devant des auditeurs peu dignes d'elle, tant il y
avait d'entraînement et de violence dans ce retour à la publicité!
(1) Es gewœhnt sich nicht mein Geist hierher.
DE PARIS.
403
C'étail au cercle restreint du Lied, que son essor, jadis si vaste
devait se borner. Mais la critique lui reprochait de donner à
son style quelque chose de trop dramatique, Quoique dans les der-
niers temps elle chantât volontiers les compositions de Schumann,
Franz Schubert fut toujours l'objet de sa prédilection marquée. Dans
V Adélaïde de Beethoven, son génie lyrique se déployait avec une
élévation et une ampleur qui défiaient tous les parallèles.
Jusqu'en 1858, Wilhelmine donna des concerts avec beaucoup de
succès, notamment à Dresde, où les souvenirs de son glorieux passé
rendaient sa tâche plus difficile. Ce succès fut tel qu'il l'éblouit,
l'enivra au point de lui persuader qu'à cinquante - quatre ans,
elle pouvait encore rentrer au théâtre ; et alors elle conçut le
projet de passer en Amérique pour y récolter de nouveaux lauriers,
une nouvelle fortune dans les concerts et sur la scène. Avant d'exé-
cu er ce plan, elle s'était engagée à donner une suite de représen-
tations sur le théâtre de Weimar, mais sa destinée ne devait pas le
lui permettre. L'engagement pour l'Amérique avait été considéré
par l'infatigable artiste comme un présage des plus heureux, et sa-
lué avec joie le jour où il lui parvint, le 6 décembre 1858, anni-
versaire de sa naissance. Pendant l'hiver de 1858 à 1859, elle se
fit entendre souvent à Leipzig et à Dresde; le 6 mars 1859 elle
chanta encore à Leipzig dans le concert du bassiste Pœgner, tou-
jours avec succès, mais c'était un effort suprême, et elle revint à
Dresde dans un état désespéré. Le mal qu'elle avait longtemps
bravé fut déclaré incurable ; mais ses souffrances ne la réduisirent pas
à l'inaction : elle se remit avec ardeur à écrire ses mémoires, dont
nous avons traduit les premières pages au début de cette suite d'ar-
ticles (1). Tant qu'il lui resta un peu de force pour lutter contre
les plus douloureuses atteintes, elle ne cessa de se rattacher à l'es-
poir d'une guérison ; plus tard, elle se résigna courageusement :
environ cinq mois avant sa mort, elle avait exprimé le désir d'être
transportée à Cobourg, pour y être soignée par sa sœur, Mme Au-
guste Schloenbach, et c'est là qu'elle rendit le dernier soupir le
26 janvier 1860. Ses funérailles n'eurent lieu que le 3 février, parce
qu'il fallut attendre son mari qui était en Livonie, et qui n'arriva
que la veille de ce jour. Toute la population témoigna la part qu'elle
prenait au deuil que cette mort répandait sur l'Allemagne entière ;
la funèbre cérémonie répondit à la renommée de la grande artiste.
Selon sa volonté dernière, quelques semaines plus tard, ses restes
furent exhumés et déposés à Dresde dans le cimetière de la Trinité,
où s'élève un simple monument avec cette inscription :
WILHELMINE DE BOCK
SCHROEDER-DEVRIENT.
Bien d'autres hommages furent rendus à sa mémoire : Berlin ne
lui épargna ni les honneurs ni les ovations posthumes. Mais pour
nous le plus glorieux, le plus curieux, et tout à la fois peut-être le
plus durable monument consacré à son nom , c'est le livre de M. de
Wolzogen, livre intéressant, attachant, que nous avons lu, étudié
avec le plaisir sérieux que donne l'histoire, et l'émotion vive qu'on
trouve dans un roman. Autant que nous l'avons pu, nous avons tâ-
ché d'initier nos lecteurs à une publication qui, en nous révélant une
personnalité artistique de la plus haute valeur, embrasse près d'un
demi-siècle de l'histoire du théâtre lyrique en Allemagne, en France
et en Angleterre. Grâces soient donc rendues à M. de Wolzogen, au-
teur de ce livre, qui restera comme un modèle du genre, et remer-
cions aussi notre ami J. Offenbach, car c'est à lui que nous devons
de l'avoir connu.
Paul SMITH.
(1) Voir le n° 2ti.
THEATRE LYRIQUE IMPERIAL.
Reprise de Mireille. — lime Ugaldc, SI. Iliciiol.
L'opéra de Mireille a été repris jeudi dernier, réduit en trois
actes. Jamais amputation n'a été faite plus à propos, et n'a mieux
réussi que celle-là. Le sujet fourni par le poëme tiendrait, si on le
voulait, dans un acte. Il ne faudrait pas, pour cela, le serrer bien
fort. Dans deux actes il serait très-commodément logé. On l'avait
mis en cinq actes : il y ressemblait à ces vaniteux bourgeois de pro-
vince qui occupent une vaste maison, et n'ont pas de quoi la meu-
bler. Les trois derniers actes offraient en tout, nous ne disons pas
trois situations, mais trois faits : — Le meurtre de Vincent et la
noyade du brutal Ourrias, — le voyage de Mireille à travers la Crau,
— sa mort à la porte de l'église des Saintes. Gela donnait tout au
plus trois scènes. Que de hors-d'œuvre il avait fallu y ajouter pour
en faire trois actes ! Mais les hors-d'œuvre , accessoire agréable, ne
sauraient suppléer au principal : dix plateaux d'anchois et de corni-
chons remplaceraient mal un filet de bœuf. On aimerait autant les
contes pour rire dont Mme Scarron régalait ses convives quand elle
n'avait pas de rôti.
Dans l'ancienne Mireille, le troisième acte surtout était funeste.
L'assassinat du héros perforé par un coup de fourche, les remords
très-peu mélodieux de la victime, la caravane aquatique des corps
morts venant à fleur de Rhône demander des prières pour leurs
âmes en peine, tout ce spectacle manquait de gaieté, et le châtiment
d'Ourrias, noyé par le diable déguisé en provençal, bien que satis-
faisant pour la morale, n'était pas une suffisante compensation pour
tant d'objets funèbres. Ou disait : C'est bien fait, mais on n'en avait
pas moins le cauchemar pendant la nuit suivante.
Ce troisième acte a été retranché tout entier. Il ne reste du qua-
trième que la chanson du pâtre, et le couplet de Mireille : Heureux
petit berger, etc. Mais au lieu de chanter ce joli morceau en plein
soleil au milieu d'un désert pierreux, Mireille le chante à l'ombre
et sous le toit paternel, ce qui est bien plus commode. Elle part
ensuite pour l'église des Saintes où elle a donné rendez-vous à l'ami
Vincent. Comme elle n'oublie plus son bonnet, le soleil la blesse,
mais ne la tue pas, et son père n'a qu'à lui dire : «Épouse-le» pour
la remettre sur pied immédiatement. Tout finit donc maintenant pour
le mieux dans le plus pastoral des opéras-comiques que nous ait
fournis la Provence.
Le premier et le second acte sont restés ce qu'ils étaient, sauf un
air de bravoure à trois temps, — mouvement de valse, — que
M. Gounod a jugé à propos d'ajouter au rôle de Mireille. C'est une
idée heureuse qu'a eue là M. Gounod, puisque le morceau est très-
brillant, et qu'il permet à Mme Carvalho de faire admirer la facilité,
l'élégance et l'incroyable audace de sa vocalisation. Ce qu'elle fait
là, aucune autre cantatrice, — ■ Mlle Patti exceptée, — n'oserait pro-
bablement l'entreprendre, et elle exécute ces étonnants tours de
force sans avoir presque l'air d'y penser. Avons-nous besoin de
mentionner la satisfaction émerveillée du public, et ses applaudisse-
ments, et ses exclamations, et ses bis? Non, cela va de soi, et
assurément personne n'en doute. Mme Carvalho, d'ailleurs, a joué e^
chanté toutes les autres parties de son rôle avec ce calme parfait,
cette simplicité, cette grâce, cette justesse d'expression, cette exécu-
tion savante et magistrale qui l'ont élevée si haut dans l'estime des
connaisseurs.
Mme Faure-Lefèvre, à l'origine, jouait successivement deux rôles
dans Mireille, celui d'une diseuse de boune aventure et celui du
petit pâtre. Elle a conservé seulement ce dernier, et cédé l'autre à
Mme Dgalde, qui s'en acquitte avec son brio accoutumé. Malgré
toutes ses inconstances, — à cause de ses inconstances, peut-être,
on la revoit toujours avec plaisir au théâtre Lyrique, et on la reçoit
404
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
comme le pigeon sédentaire de la Fontaine reçoit le pigeon voyageur.
Un autre oiseau de passage, c'est M. Michot qui, après quelques
années de grand Opéra, est revenu sur le champ de bataille où il a
fait ses premières armes. Le repos a rétabli sa voix qui n'a jamais
été plus fraîche, plus franchement timbrée, plus vigoureuse. A cer-
tains moments, il s'est laissé un peu trop aller au désir de le prou-
ver. Mais il a dit avec grâce et beaucoup de charme le duo du
premier acte; il a mis de la passion dans la romance et le duo du troi-
sième,ainsi que dans les scènes et dans le morceau d'ensemble du second.
Grâce à lui le rôle de Vincent est aujourd'hui parfaitement compris
par le public, et aucune des intentions du compositeur n'est perdue.
Nous pouvons attester que tout le monde y gagne. Tout compte fait,
la reprise de Mireille a parfaitement réussi. Le chœur des Magna-
reltes, la valse di bravura dont nous avons parlé ci-dessus, le duo
de Mireille et de Vincent, la ballade et le finale du second acte, les
petits airs et le duo du troisième, qui avait été composé pour Lon-
dres, ont été appréciés, vivement sentis et vivement applaudis.
Léon DUROCHER.
THÉÂTRE DES BOUFFES -PARISIENS.
LE SERPENT A PEU1IES,
Opérette-bouffe en un acte, paroles de M. Cham, musique de
M. Léo Delibes.
(Première représentation le 16 décembre 1864.)
Quand les gens d'esprit se mettent à dire des bêtises, il n'y a plus
moyen de les arrêter ; le champ de l'extravagance n'est pas assez
vaste pour eux, ils s'élancent au delà, et dépassent de beaucoup
ceux qui en font leur état. Cela soit dit sans offenser le très-spirituel
dessinateur qui cache son vrai nom sous celui de Cham pour illustrer
le Charivari de son crayon humoristique. Non content de ses succès
dans la voie tracée par Gavarni, il lui a pris fantaisie de faire con-
currence aux adeptes de la bouffonnerie scénique, et, du premier
coup, il s'est élevé jusqu'aux sublimités du genre. Essayer de racon-
ter ce mémorable essai n'est pas chose facile ; les moralistes sévères
pourraient bien crier gare; mais qu'ils lassent comme nous, qu'ils se
voilent la face, en éclatant de rire.
Mme Croquesec est une femme singulièrement avancée en fait de
doctrine conjugale. Mais que voulez-vous? son mari l'a plantée là
depuis cinq ans pour aller butiner la flore de l'Océanie. En cons-
cience, cette pauvre Athénaïs n'est-elle pas bien excusable d'avoir
donné un remplaçant à ce maladroit émule de Buffon et de Boerhaave?
11 faudrait n'avoir jamais contemplé le toupet flamboyant du sieur
Beaumignon, pédicure dans la garde civique de n'importe quelle
ville hollandaise, pour vouloir faire un crime à Mme Croquesec de son
amoureuse faiblesse. Mais si l'on va en Océanie, il paraît qu'on en
revient quelquefois, et voilà qu'un beau jour, pendant que la tendre
Athénaïs berce le som meil de son cher pédicure aux doux sons d'une
guitare pulmonique. . . pan, pan... ce n'est pas la fortune, c'est
Croquesec en personne qui frappe en bas. 0 ciel? que faire de Beau-
mignon? Où le cacher? Il y a, au fond de la pièce, un de ces grands
diables de poêles qu'on fabrique dans le nord de l'Europe et qui
mesurent 8 ou 10 pieds de hauteur, sur une largeur proportion-
nelle, c'est justement l'affaire du pédicure; il sera très-bien avec
les bûches.
Croquesec peut entrer ; il trouvera sa femme dans l'attitude de Pé-
nélope qui attend le retour d'Ulysse, à la tapisserie près. Cela mérite
une honnête récompense ; aussi le voyageur exhibe-t-il aux yeux de
sa chaste moitié les nombreux colis qu'il rapporte et qui sont portés
par six commissionnaires. Et quels colis, bon Dieu ! Un costume de
sauvage qu'il force Athénaïs d'endosser sur-le-champ, un couteau à
scalper dont il fait don à la cuisinière Mariette pour hacher ses épi-
nards ; quoi encore? Des os de baleine, des flèches empoisonnées et
un serpent vivant, un serpent rare, mais qui n'a qu'un inconvénient,
c'est qu'il est invisible et qu'on ne le retrouve pas dans sa couver-
ture. Il s'est peut-être échappé, il court sans doute dans l'apparte-
ment, et sa morsure est implacable. Afin de conjurer le danger, Cro-
quesec chante un air qui a l'art de charmer les serpents. Vaine es-
pérance ! le reptile reste sourd, et Croquesec, suivi de ses six com-
missionnaires, exécute une chasse à fond de train dans toutes les
chambres de la maison.
Pendant ce temps survient un inconnu, un savant de la plus belle
eau, le conservateur du musée d'histoire naturelle, à qui Croquesec a
écrit qu'il avait un animal des plus extraordinaires à lui montrer.
Trompé par le costume plumifère de Mme Croquesec, le savant la
prend pour l'animal en question ; mais désabusé brusquement par
les soufflets qui pleuvent sur sa face vénérable, il cherche un refuge
dans la chambre à coucher d'Athénaïs. Et notez que Beaumignon est
toujours clans le poêle, et qu'il doit bien s'y ennuyer. Par bonheur,
la cuisinière a aussi son Beaumignon sous les traits d'un petit cano-
tier, et comme elle craint qu'on ne le découvre dans la perquisition
motivée par la fuite du serpent, elle fourre son Isidore dans le poêle,
en compagnie du pédicure.
Cependant, si Croquesec n'a pas retrouvé son serpent, il a mis la
main sur deux objets bien plus extraordinaires, un berceau d'enfant
et un biberon plein de lait. Horreur! désolation! Ici commence le
drame de famille, dans lequel nous ne suivrons pas nos personnages.
Qu'il suffise de savoir que Mariette se dévoue pour sauver sa maî-
tresse, qu'elle avoue un amoureux, qu'on en trouve deux dans le
poêle, sans compter le savant, et que sa situation tournerait bien
décidément au tragique, si le conservateur du musée n'avait des ex-
plications pour tous les cas possibles et même impossibles de la vie
sociale, si bien que Croquesec, après avoir pataugé suffisamment dans
les serpents à plumes, dans les pédicures de la garde civique, dans
les berceaux en fer battu et dans les enfants au biberon, se déclare
satisfait et que tout finit par des chansons.
Cette folie, étourdissante de gaieté et de verve, a supérieurement
inspiré M. Léo Delibes, un autre homme d'esprit, qui, aux Bouffes-
Parisiens, marche le plus près que qui ce soit sur les traces d'Of-
fenbach. Sa musique possède toutes les qualités qu'il faut; elle est
vive, légère, originale, et les idées mélodiques n'y brillent pas par
leur absence, au contraire. Tous les morceaux du Serpent à plumes
sont réussis sans exception ; mais on a spécialement remarqué l'ou-
verture qui est charmante, le chœur des commissionnaires, qu'on a
fait redire, la chanson du serpent, qui a eu aussi les honneurs du
bis, et un très-joli morceau d'ensemble, dans lequel se trouve une
phrase vraiment heureuse et distinguée.
La pièce est jouée par Léonce, Désiré, Tayau, Mlles Tostée et Irma
Marié ; c'est dire que son interprétation est excellente.
D.
LA MUSIQUE ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU XVIII SIÈCLE.
(6e article) (1).
III.
Pendant la première moitié du xvnr5 siècle, l'Opéra est le quartier
général, la place forte des amateurs de musique, qui s'y rendent
cependant bien moins pour ce que l'on y joue que pour ce que l'on
(1) Voiries n°- 42, 43, 44, 46 et 47.
DE PARIS.
105
y dit et y entend dire. C'est un lieu de rendez-vous de toutes les
manières. C'est un terrain politique et galant, où l'on couronne
Maurice de Saxe, où l'on discute Villars, où l'on siffle Soubise, où
l'on arrête le Prétendant, où l'on se montre aux galeries, où l'on se
cache aux petites loges. La seule chose que l'on ne fasse pas à
l'Opéra, c'est de la bonne musique : la vogue dos théâtres de société
s'explique ainsi. Soumis aux caprices des gentilshommes de la cham-
bre, hors d'état d'aller vers le beau, gouverné par le bon plaisir de
quelque chanteuse, l'Opéra est si bien tombé en quenouille qu'un
plaisant demande qu'une femme soit mise à la tête de ce théâtre
pour qu'un homme y règne. Ses directenrs, que les dettes débor- I
dent, que le déficit attend d'un côté et la lettre de cachet de l'autre, I
croulent successivement et disparaissent avec un peu de la caisse J
dans leur poche. Et les pamphlets de faire rage! A propos de mu-
sique, on attaque et M. d'Argenson et M. de Saint-Florentin, car il
faut toujours qu'il entre beaucoup des affaires du temps dans la cri-
tique du ministère. Les dilettantes achètent et lisent. Brocnuriers
et gazetiers sont dans la joie. Velroche et Taupin vont pouvoir ache-
ter une petite maisongdes champs à Passy. L'encre n'enrichit que
lorsqu'elle est mêlée de fiel.
Dans les coulisses, le désordre et le vice : leurs scandales ne
laissent pas reposer la curiosité parisienne. Les grandes artistes,
vraiment, que cette Monville, que cette Breton, que la Carville, et
la Henry, et la Mariette, et la Richalet, et la Petitpas, le nom le
plus retentissant du tripot lyrique ; et la Carton, Pépigramme de
l'Opéra, tête folle et main vive, peinte par Raoux en naïade, que
Maurice de Saxe avait fait souper à sou camp de Muhlberg avec qua-
tre rois, et qui devait finir dans la compagnie d'un laquais! Don-
nera-t-on le nom d'actrices à ces filles des chœurs, payées ^0 livres
par mois, qui ne veulent paraître sur les planches qu'avec des man-
chettes à cinq rangs, et plus de pierres fines sur la poitrine qu'il n'y
en a aujourd'hui de fausses? L'Opéra n'a que deux cantatrices : la
Pellissier et la Lemaure. La Pellissier, sèche, nerveuse, maîtresse en
l'art des cabales, intime amie de Mme de Duras et des princesses du
sang qui se laissent insulter pour lui plaire, a pour elle les loges,
la cour. La Lemaure, faite au tour, indolente, prompte aux coups de
tête, mais chantant d'une voix admirable, a dans son parti le par-
terre, le public. Le malheur est que la Lemaure et la Pellissier ne
peuvent se voir en face. « Elles se détestaient comme des cra-
pauds, » dit Mlle Aïssé. Voilà pourquoi à l'Opéra on ne pouvait
monter un opéra 1
Un petit livre, curieux autant que rare : — Réflexions d'un pein-
tre sur l'Opéra ; la Haye, 1745, — nous a conservé, d'une façon
originale les entretiens et la physionomie de la salle, à l'époque de
la rivalité de Lulli et de Rameau, durant ce déchaînement national
que nous réservons à toutes les initiatives, à toutes les œuvres nou-
velles, à tous les esprits qui sortent des rangs.
« Deux vieux gentilshommes s'abordent : « Ah ! bonjour, vous
voilà! Que venez-vous faire ici? Le tambourin est manqué, les pa-
roles sont horribles, et j'ai compté plus de cinq rimes qui ne se-
raient pas reçues à l'Opéra-Comique. — Parbleu ! les opéras depuis
Perrin ont été de mal en pis; oui, depuis Perrin. Parlez -moi de la
Rochois, de la Journet, de la Subligny! » Ici, deux femmes de la
cour nonchalamment couchées dans leur loge : « En vérité, mar-
quise, il faut avoir perdu l'esprit pour venir s'ennuyer à ce cha-
rivari ; (du Rameau) c'est de la musique pour les étrangers. Je m'y
connais un peu, je jouais même de la guitare quand elle était à la
mode, et j'avoue que je n'entends rien à cette façon de composer.
On ne retient pas une mesure, et toutes les parties sont si fort mê-
lées les unes dans les au'res, qu'il faudrait un concert pour en en-
tendre le premier mot. — On dit que c'est de l'harmonie. — Har-
monie tant qu'il vous plaira, ma chère ; mais ce n'est pas la mienne. »
A peine entend-on quelques timides : C'est comme un ange ! (l'ap-
plaudissement d'alors) étouffés dans la salle. * Monsieur, hasarde
quelqu'un, la musique française. . . — Et moi je dis, répond l'autre
avec un geste colère, je dis qu'il n'y a qu'une musique, musique de
toutes les nations, musique par excellence, musique qu'on doit
aimer à moins que d'être imbécile, musique italienne, ma musique
à moi! » Même un laquais qui vient de s'installer au balcon, mur-
mure tout haut : « 11 faut bien faire quelque divertissement ; je viens
voir ce fâcheux opéra. » Et ce laquais, que fait-il autre chose que
répéter la parole de son maître, qui, mon Dieu! ne sent et n'ap-
précie pas plus qu un auLre la musique de Lulli, mais qui se rap-
pelle qu'à la première représentation de cet opéra qu'il revoit, il
s'était enivré avec Beaumaviel et la Deschars. Ailleurs, on tient pour
Rameau; ou lit, d'une voix bien claire, cette Nouvelle à la main:
« On a toujours une fureur pour les Indes galantes, de Rameau, qui
va jusqu'au délire. On va reculer Persée, de Lulli, tant l'on craint
que la trop prochain voisinage de Rameau ne le fasse tomber. »
Voilà les loges. Mais au parterre, quelle émeute ! Vieux partisans
de Lulli, jeunes amis de Rameau le remplissent de bruit et de que-
relles, rendant acteurs et actrices responsables du genre qu'ils inter-
prètent sans parti pris, troublant ainsi le goût et étourdissant la
justice du dilettantisme contemporain.
Une époque ne laisse jamais toucher à ses habitudes de goût sans
réclamer. Le xvnT siècle devait encore livrer bien des batailles
musicales, jusqu'au jour mémorable du coin du roi et du coin de
la reine. Malesherbes, directeur de la librairie, allait bientôt écrire :
« J'ai entendu dire sérieusement qu'il est contre le bon ordre de
laisser imprimer que la musique italienne est la seule bonne, » tan-
dis que de son bord, Voltaire prétendait que « la musique italienne
l'emporte de beaucoup sur la musique française, parce qu'elle est
plus ornée et que la difficulté vaincue est quelque chose. » Voilà
comme Voltaire entendait l'art, pas plus que la véritable poésie. Il
eût pu dire comme un plaisant de nos jours à qui l'on demandait
s'il aimait la musique : Elle ne me gêne pas précisément ! Ces que-
relles sont connues. Il n'y a plus à y revenir.
IV.
Au sortir de l'Opéra, de ses parages tumultueux, la musique,
notre guide, nous introduit dans les régions plus calmes, sinon plus
morales de la cour.
A l'exemple du régent, bon musicien, élève de Bernier, et qui
avait écrit la musique de Panthée, opéra, ci Louis XV, — raconte
l'avocat Barbier, — s'adonne à la musique et fait avec des seigneurs
de petits concerts particuliers. » Toujours la tradition de Louis XIII,
fidèlement recueillie et continuée! C'était encore l'usage, avant la
représentation d'une pièce nouvelle, que les acteurs vinssent en
jouer quelques scènes à la cour ; le roi tient beaucoup à assister à
ces visites. De Versailles, il vient souvent à l'Opéra, et toutes
les semaines l'Opéra se rend à Versailles. Le lundi, c'est jour
de concert dans les petits appartements. On y dresse un théâtre,
dont le régisseur se nomme M. le duc de la Vallière. Cinquante
places, il n'y en a pas davantage, sont distribuées aux élus par le
maréchal de Richelieu, « ce Kislar-aga des plaisirs du public, et qui
sait mieux que les Parisiens ce qui doit leur faire plaisir pour leur
argent. » Le roi joue des concertos avec les princes et mesdames de
France, « un peu chiffons et commères, » dit-il, mais, au demeurant,
musiciennes distinguées. Puis, quelques acteurs de la Comédie-Ita-
lienne se joignent à la troupe royale, et l'Opéra-Comique verse ce
que l'un de nos confrères appelait dernièrement « sa piquette de
mélodie; » musique pénétrante sans parfum, enivrante sans saveur.
A Choisy comme à Versailles, Louis XV trouve « une salle de spec-
tacle bien bâtie, aussi grande que celle de Paris, garnie des machines
nécessaires, toujours prête pour jouer quelque opéra que ce soit. » A
Fontainebleau, un théâtre où toutes les femmes de la cour paraissent
t06
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
couvertes de diamants, à une représentation de Psyché, — octobre
1762, — « pour faire voir aux étrangers que nos pertes ne nous ont
pas réduits à l'indigence. » Théâtres et concerts à Compiègne, à
Crécy, à Meudon; dans ses perpétuelles courses aux environs de
Paris, le roi trouve partout, à toute heure, comme par magie, l'une
des distractions qu'il préfère. La fée est ici Mme de Pompadour.
Em. Mathieu DE MONTER,
(La suite prochainement.)
NOUVELLES.
1** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine deux re-
présentations de Moïse, et le chef-d'œuvre de Rossini, mieux exécuté
encore qu'à la première de cette reprise, avait rempli la salle. Faure,
Obin, Warot, Mlle Battu, ont été tour à tour chaleureusement applau-
dis et rappelés. — Aujourd'hui dimanche, les Huguenots.
* Mme Zina-Mérante, après ses brillantes représentations à Bruxelles,
est partie pour Milan, où elle est engagée au théâtre de la Scala avec
son mari pour la saison du carnaval. M. Mérante a obtenu à cet effet
de M. Perrin un congé de quatre mois.
„*, La direction du théâtre de l'Opéra-Comique fait en sorte de ne
pas laisser finir l'année sans que le Capitaine Henriot soit représenté;
elle compte beaucoup sur cet ouvrage et n'épargne rien pour le monter
splendidement.
t*t Nous avons été des premiers à parler d'un opéra nouveau en
quatre actes, dont M. Victor Massé compose la musique sur un livret
emprunté à l'ouvrage de Lamartine, Fior oVAliza, et dont MM. Michel
Carré et Hipp. Lucas ont écrit les paroles. Cet ouvrage est destiné au
théâtre de l'Opéra-Comique.
„.*„ Samedi de la semaine dernière, Naudin a fait ses adieux au théâtre
Italien dans la Traviata. La salle était très -brillante ; S. A. R. le prince
d'Orange assistait au spectacle dans la loge de l'Empereur. Une ovation
chaleureuse a été faite au célèbre ténor, dont le talent se met désor-
mais au service de notre première scène française. —Le second début
de Brignoli a eu lieu jeudi avec un grand succès dans Don Pasquale; il
a dû répéter, aux applaudissements de la salle, la sérénade du quatrième
acte, qu'il a dite avec un charme dont on n'avait pas eu l'équivalent de-
puis Mario. Quant à Mlle A. Patti, on sait que parmi ses nombreux
triomphes le rôle de Norina compte pour un des premiers; aussi les
rappels et les bravos n'ont-ils cessé d'être prodigués à l'inimitable artiste
depuis le commencement du spectacle jusqu'à la fin. — Aujourd'hui
elle chante pour la première fois à Paris et en Europe Linda de Cha-
mounix, et Brignoli y fera son troisième début. L'œuvre de Donizetti
n'a pas été représentée à notre théâtre Italien depuis une douzaine d'an-
nées. La direction l'a fait répéter avec soin et n'a rien négligé pour
que cette reprise soit exécutée avec toute la perfection désirable.
„% Les sœurs Marchisio ont résilié à l'amiable l'engagement qui les
liait pour la saison actuelle à M. Bagier.
*** On répète Leonora, de Mercadante, opéra qui sera chanté par
Fraschini, Mme Charton Demeur, Délie Sedie, Scalese. Mme Charton De-
meur remplacera Mme Carlotta Marchisio dans le rôle de Palina de Po-
liuto qu'on jouera cette semaine. Brignoli remplira celui de Poliuto, et
ntonucci celui de Severo.
•^ Mme Anna de Lagrange est sur le point de se rendre à Madrid ;
Mario s'y trouve déjà avec MM. Bagier et Alary, pour y monter Faust.
*t M. Bagier vient d'engager un jeune baryton, M . Verger, frère
de l'agent dramatique qui a, pendant quelques saisons, dirigé le théâtre
du Lycée à Barcelone. Ce jeune artiste n'a pas encore chanté au théâ-
tre. Il est élève du maestro Porto, et l'on en dit le plus grand bien. Il
est question de l'opéra / Puritani pour ses débuts.
**„ La pièce nouvelle de Mlle Suzanne Lagier ne tardera pas à faire
son apparition aux Bouffes-Parisiens; voici comment les rôles ont été
définitivement distribuées: Jupiter, Mlle Emilie Garait; Leda, Hélène
Loyé; le berger Tyndare, Léonie Carretier ; le fleuve Eurotas, Bâche;
plus un bataillon de nymphes court-vètues. — On répète au même
théâtre une parodie de Roland à Ronccvaux, qui a pour titre Roland à
Ronge-vaux et qui sera jouée par Désiré, Léonce, Arnal, Mmes Irma
Marié et Tostée.
„.•„ Le théâtre Saint-Germain est maintenant administré par M. Sal-
vador, pour le compte des artistes que M. Geraud avait engagés.
„*„, Nous avons déjà eu l'occasion de démentir des nouvelles relatives
à l'Africaine. Pareille nécessité nous est imposée aujourd'hui en lisant
dans quelques journaux étrangers que la propriété de l'œuvre dernière
de Meyerbeer a été vendue pour l'Angleterre au prix de 3,000 livres
sterling. Cette assertion est dénuée de tout fondement.
t% Mme Borghi-Mamo est toujours l'étoile du théâtre San-Carlos de
Lisbonne ; tout récemment le rôle de Desdemona a été pour elle un
triomphe que Mongini a d'ailleurs partagé. Un jeune ténor du [nom de
Stagno s'est très-bien acquitté du rôle de Rodrigo et donne de belles
espérances. Squarcia a joué avec une grande supériorité celui de Yago.
L'effet produit par Mme Borghi-Mamo a valu à la célèbre cantatrice
un rengagement de 72,000 francs pour la saison prochaine. —
Sémiramide, donnée après Oiello, n'a pas été moins bien accueillie, et
Mme Volpini y a trouvé un éclatant succès.
„*„ Jeudi prochain, à 8 heures du soir, notre savant collaborateur
M. Fétis fera entendre dans les salons Pleyel-Wolff plusieurs morceaux
de sa composition.
**% Nous avons annoncé dernièrement l'arrivée à Paris d'un jeune
compositeur belge, M. Pierre Benoît, qui s'est déjà fait une grande
réputation dans son pays ; nous apprenons par le Guide musical qu'il a
été accueilli fort bien par M. Carvalho, et que jour a été pris pour
l'audition du Lutin d'Ascot, opéra que vient de composer M Benoit.
**„, A Vienne, le 11 décembre, à l'occasion du jour de naissance de
M. Berlioz, la Société du Macnnergesangvcrein a exécuté à l'un de ses
concerts le chœur des soldats et des étudiants de la Damnation de Faust.
D'immenses applaudissements ont accueilli cette exécution et avis en a
été donné à l'auteur par le télégraphe.
*% Aujourd'hui à 2 heures, au Cirque Napoléon, premier concert po-
pulaire de musique classique, 2e série, sous la direction de M. Pasde-
loup. En voici le programme : 1° Symphonie en mi bémol, de Haydn,
(lre audition); 2° Ouverture de Lorelei, par Wallace; 3° Andante, de
Mozart, ; 4° Le Comte d'Egmont, tragédie de Gœthe, musique de Beetho-
ven.
„,*„, Mlle Octavie Caussemille, l'éminente pianiste, est de retour à
Paris, où elle va reprendre le cours de ses leçons.
*** Aujourd'hui, au cirque de l'Impératrice (Champs-Elysées), aura
lieu le grand festival organisé par l'association des Sociétés chorales
du département de la Seine. On y entendra des œuvres chorales de
MM. Amb. Thomas, F. David, Gevaert, Kucken et Laurent de Rillé.
Plusieurs grands artistes, et entre autres Villaret, de l'Opéra, et la mu-
sique de la garde de Paris dirigée par son chef, M. Paulus, prêteront
leur concours à cette brillante solennité.
*** La Société Sainte-Cécile qui, depuis près de dix ans, avait inter-
rompu ses séances, va les reprendre sous la direction de M. Wekerlin,
mais non pour des concerts symphoniques : la voix humaine fera, en
grande partie, les frais des exécutions de la nouvelle société. On y en-
tendra de la musique ancienne, avec soli et chœurs, accompagnés
au piano et à l'orgue. Les auteurs vivants auront aussi leur place dans
les programmes. Voici celui qui doit inaugurer la nouvelle ère de la
Société : Partie historique. — 1. Complainte sur la mort de Charlemagne
(815), notée d'après les Neumes, par M. de Coussemacker ; solo, M. Er-
nest Bertrand et le chœur. — 2. Vau-de-Vire d'Olivier Basselin, chanté
par M. Bussine. (D'après une tradition populaire, '1480. ) — 3. Madrigal à
quatre voix, d'Orlando de Lassus (1560), chanté par Mmes E. Bertrand,
Barthe-Banderali et MM. Félix et Bussine. — 4. Concerto italien de Bach,
exécuté par M. C. Saint-Saëns. — 5. Lucifer, cantate de Carissimi (1160),
chantée par M. Bussine. — 6. La Fête de Versailles, fragment d'un ballet
de Lully (1670). Solo : Mme Bartbe-Banderali et chœur. — 7. Trio des
Songes avec chœur, de l'opéra Dardanus, de Rameau (1739). — 8. La
Prière, chœur de Beethoven. — Compositeurs vivants : 1. La Zingarella,
chœur pour voix de femme, musique de M. Hignard. — 2. Romance et
scherzo pour piano et orgue expressif, de M. C. Saint-Saëns, exécuté par
M. Frelon et l'auteur. — 3. Fragment de la Princesse d'Elide (Molière),
musique de M. Wekerlin. — 4. Chœur des Fiançailles, de l'opéra Lohen-
grin, musique de M. Richard Wagner.
**.,. Dimanche 4 décembre, la Société du progrès artistique, dont
M. G. Lefèvre est le président, a donné sa première matinée musicale
à l'Hôtel de ville, salle Saint-Jean. La partie instrumentale y était re-
présentée par M. Besozzi, le remarquable organiste-compositeur, et par
l'excellente pianiste Mlle L. Chardon. La partie vocale, par Mme La-
faix-Boisgontier. Cette jeune cantatrice a dit avec beaucoup de 'grâce l'air
de Jeannot et Colin, et avec un rare talent celui de / Puritani ; son
trille est brillant, ses sons filés d'une pénétrante douceur et son style
irréprochable. De quelque côté que Mme Lafaix-Boisgontier tourne ses
pas, un très-bel avenir lui est réservé.
*** M. Guidi, éditeur de musique à Florence, vient de publier la
grande partition et les parties d'orchestre de la Sinfonia Dante, du cé-
lèbre compositeur G. Pacini. Cette œuvre remarquable, et qui en tous
points est digne du maître, est divisée en quatre parties, dont voici les
titres : 1° L'Enfer, 2» le Purgatoire, 3° le Paradis, et 4° Le Retour triom-
phal de Dante sur la terre.
,% Irkoutzk, sur la frontière de la Sibérie, a voulu avoir son théâtre.
La salle a été inaugurée le 44-26 octobre dernier. Elle est fort belle.
*** Les principaux artistes de Londres viennent de faire remettre à
M. Arban, comme témoignage de leur admiration pour le talent de l'é-
minent virtuose-compositeur, une couronne eu or et en argent d'un
grand prix, avec une plaque d'argent portant cette inscription : « Of-
fert à M. J.-B. Arban, professeur du Conservatoire, à Paris, comme un
faible témoignage de leur sentiment d'estime personnel et de leur sin-
I
DE PARIS.
&07
cère appréciation et admiration de ses talents comme artiste exécutant
et comme compositeur. Londres, 20 novembre ISGi. »
,*, On nous écrit de Brome : « Le concert qui vient d'être donné
ici par Mlle Carlotta Patti, avait attiré l'élite de la population, et la salle
était comble. L'effet produit par la célèbre cantatrice a été immense. Les
journaux allemands, en rendant compte de ce concert, mentionnent
d'une manière toute particulière le succès qu'ont remporté à côté d'elle
Vieuxtemps et Alfred Jaell. Ils citent notamment la sonate de Bee-
thoven, dédiée à Kreutzer, qui, à chaque concert, vaut des ova-
tions sans nombre aux deux artistes, et en outre les concertos de Bee-
thoven et de Mendelssohn , des œuvres de Chopin et de Liszt,
enfin, deux morceaux delà composition de M. Jaell : Au Lord de VArno
et Home, siveet home, deux perles, dit-on, qui font fortune en Allemagne,
comme dans tous les pays où leur auteur les a fait entendre. «
*% Le tirage de la tombola des artistes dramatiques est irrévocable-
ment fixé au 13 janvier. La liste des lots possède actuellement trente
entrées aux principaux théâtres de Paris, et une entrée aux bals de
l'Opéra donnée par Strauss. Les demandes de billets peuvent être adressées
à M. Thtiillier, rue de Bondy, 68, en échange de mandats ou timbres-
poste, et à la librairie du Petit Journal, boulevard Montmartre, 21.
„*„ Pour avoir été retardée de quelques jours, la fête de sainte Cé-
cile n'en a pas moins été célébrée très-dignement à Elbeuf par l'exé-
cution d'une messe de Miche1 Haydn, tirée de la belle collection pu-
bliée par M. Charles Vervoitte, maître de chapelle de Saint-Roch, et
dirigée par M. Grue), directeur de la Société chorale d'Elbeuf. A l'élé-
vation, un 0 salutaris inédit de M. Vervoitte, et l'une de ses plus re-
marquables productions, a été chanté avec beaucoup de sentiment par
M. Périer, ténor solo de Saint-Eustache.
**j, L'album de chant : les Douze mois de l'année, contenant douze
mélodies de Victor Tirpenne, paraîtra cette semaine. Nous appelons à
l'avance l'attention de nos lecteurs sur cette intéressante publication.
*** Hier samedi on a exécuté au Casino une grande fantaisie avec
chœurs, composée par Arban sur les motifs de Roland à Roncevaux. Cent
vingt choristes, sous la direction de M. Gaubert, ont concouru à l'exé-
cution de cette œuvre dont la composition ne fait pas moins d'hon-
neur à Arban que le talent avec lequel il l'a dirigée.
**„. Quoique borné à une salle provisoire, et en attendant le jardin
d'hiver qu'on est en train de lui construire, le Concert inauguré samedi
de la semaine dernière à l'hôtel Laffitte n'en avait pas moins réuni
une nombreuse assemblée. La direction de l'orchestre, confiée à M. Var-
ney, qui a fait ses preuves, cinquante musiciens exercés, de bons
solistes et un riche programme, justifiaient cette affluence qui se per-
pétuera certainement. MM. Legendre et Lamoury, l'un sur le cornet à
piston, l'autre sur le violoncelle, ont été couverts de bravos. — Ces
concerts sont quotidiens, de 8 heures à 11 heures du soir.
*** Le Figaro-Programme estime le nombre des personnes qui étaient
samedi au premier bal de l'Opéra à 4.681, sur lesquelles le beau sexe
figure pour 1,463. La recette s'est élevée à 23,000 francs.— Hier samedi
a eu lieu le deuxième bal.
*% L°s bals masqués du Casino ont commencé mercredi.
*** On nous prie d'anuoncer pour aujourd'hui dimanche l'inaugura-
tion des concerts donnés dans les salons de l'Elysée-Montmartre, de 1 à
3 heures, par les excentrophones, ou les hommes-orchestres, avec le con-
cours d'artistes aimés du public.
*** Quoique le charmant théâtre Robin soit envahi tous les soirs par
une foule nombreuse, M. Robin, pour tenir la promesse qu'il a faite de
varier souvent ses expériences, annonce comme très-prochain un chan-
gement complet dans la composition de son spectacle; c'est un avis
donné aux retardataires qui n'ont pas encore été admirer les mer-
veilles du ciel.
s*» Alois Ander, l'ancien et célèbre ténor de l'Opéra impérial de
Vienne, vient de mourir à Wartenberg.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
t% Strasbourg, 13 décembre. — La seconde soirée de la Société de
musique de chambre avait attiré plus d'auditeurs que jamais^ Après le
quatuor en sol majeur de Beethoven , on y entendait pour la première
fois le 2e quintette en ré majeur de M. Fétis, et ce n'était pas assurément
un faible attrait que le plaisir d'écouter l'œuvre d'un maître si re-
nommé. Tout le monde connaît la remarquable personnalité de M. Fétis,
le savant écrivain musical, directeur du Conservatoire de Bruxelles,
théoricien et praticien à la fois. A l'annonce d'une composition de cet
auteur considéré comme un des oracles de la science sonore, on pou
vait s'attendre à quelque page sévère, tout imprégnée de scolas-
tique, bourrée de formules, de contre-point , en un mot plus
savante qu'inspirée. Tout au contraire, le quintette de M. Fétis res-
pire d'un bout à l'autre une fraîcheur qui ferait envie à plus d'un
jeune prix de Rome; les idées y sont abondantes, originales, et en gé-
néral plus riantes que ne semble le comporter un genre aussi essen-
tiellement classique. Le travail harmonique est sans cesse intéressant,
et pas un instant pédantesque. Une pureté attique fait encore mieux
ressortir la grâce des détails, le fini du travail, et sous le rapport du
rhythme, l'attention est à chaque instant sollicitée par quelque con-
trariété piquante habilement calculée. La syncope règne en souveraine
dans tout le quintette, et chacune des cinq parties instrumentales,
parties toujours réelles et conduites magistralement, est chargée à tour
de rôle de cette figure que l'auteur parait vivement affectionner.
M. Fétis a eu dans MM. Schwsederlé frères, Mayerhoffer, Weber et tlar-
nisch des interprètes tels que nous en souhaitons à toutes ses œuvres,
et dans le public de notre musique de chambre un auditoire dont les
suffrages lui doivent être d'autant plus précieux qu'il devient chaque
jour plus compétent. Mlle Marie Trautmann, la jeune cantatrice, con-
courait à cette seconde séance, où elle a produit le plus grand effet.
„** Marseille. — L'un des principaux éditeurs de cette ville, M. Car-
bonel, a donné récemment dans la salle de l'Union des arts un grand
concert auquel assistait l'élite de nos dilettanti. Comme d'habitude la
Société chorale l'Avenir a ouvert la séance. La Branche d'amandier,
et un chœur de notre compatriote, M. Morel, le Retour dans la patrie,
ont été rendus par les élèves de M. Bertot avec cet ensemble et cette
précision qui ont valu, depuis quelques années, à cet orphéon un suc-
cès que ne bornent pas les limites du département. M. Gozlan a joué
sur le piano une polonaise charmante. La voix toujours sympathique
d'Audran, l'ancien artiste de l'Opéra-Comique, a plusieurs fois excité
l'enthousiasme, surtout dans l'air de la Dame blanche, qui lui a valu un
rappel, et dont il a dû répéter la fin; M. Edmond Audran, M. Ginouvès,
M. Lauret et Mlle Valérie Leoni, élève du Conservatoire, MM. Bouttier
et Darboville ont aussi enlevé les bravos. Un chœur chanté par la So-
ciété l'Avenir a clôturé la séance. Tel est, dans son résumé le plus
succinct, le compte rendu de cette soirée, qui fait le plus grand hon-
neur au goût de son organisateur, et qui comptera parmi les plus beaux
concerts de la saison.
*% Nice, 6 décembre. — Un grand concert vocal et instrumental a
été donné samedi dernier au profit des petites sœurs des pauvres (asile
de la vieillesse), dans la magnifique salle de l'hôtel de la Grande-Bre-
tagne. Mmes Vandenheuvel-Duprez, Casella, Mlle Coraly Mugnier,
MM. Casella, Ciaffei, Laura et Perny s'étaient associés pour cette œuvre
d'art et de charité. Le public les en a remerciés de la manière la plus
flatteuse; Mme Vandenheuvel-Duprez dans l'air Grâce de Robert le Diable,
dans la romance de Guillaume Tell, ainsi que dans l'air de Mireille, a
ravi l'auditoire ; elle était accompagnée au piano par M. Bregozzo, l'ha-
bile chef d'orchestre du théâtre impérial. A M. Perny revient l'honneur
d'avoir organisé ce beau concert. 11 y avait pour les dames de délicieux
bouquets signés Alphonse Karr.
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toutes les personnes gui prendront un abonnement d'une année.
Le portrait de Meyerbeer étant d'une dimension qui ne permet pas
de le plier et de l'envoyer sous bande par la poste , la direction prie
MM. les Abonnés de province de le faire prendre au bureau de la
Gazette musicale.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial Italien : Adelina Patti dans Linda di Cha-
mouni; Poliuto, Fraschini et Mme Charton-Demeur. — Théâtre des Variétés:
la Belle Hélène, opéra-bouffe en trois actes, paroles de MM. Henri Aleilhac et
Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach. — La musique et la société
française au xvm' siècle (7» et dernier article), par Em. Mathieu de
Monter. — Hevue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nou-
velles et annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
Adelina Pattl dans Eiintta tti Uhatnowni. —
JPoliwto, Frascbini et Mme Charton-Demeur.
C'est au mois de novembre 1842 que la partition de Linda, com-
posée pour Vienne, fut exécutée à Paris. Sitôt pris, sitôt pendu : Do-
nizotti ne laissa pas refroidir la vogue de la Grâce de Dieu, ce drame
populaire qui avait procuré de si belles recettes au théâtre de la
Gaîlé, où il fut joué en janvier 1841, et il se hâta de le transformer
en drame lyrique. On en disait merveille d'avance : on prétendait
qu'en écrivant un ouvrage pour le pays de Mozart, de Beethoven et
deWeber, l'auteur à' A nna Bolena et de Lueia avait changé de style
et s'était germanisé complètement. Ce qu'il y a de vrai, c'est que la
partition de Linda n'est ni plus ni moins italienne que ses sœurs
aînées : toujours même facilité, même clarté, même vulgarité de
dessin et de rhythrae. L'instrumentation, brillante et forte, n'offre
pas la moindre ressemblance avec celle des maîtres de l'Allemagne.
Sans se garder suffisamment des réminiscences de lui-même ou d'au-
trui, Donizetti avait eu souvent recours au procédé, qui tient lieu
d'invention. Sa musique, écrite à tête reposée, marche régulièrement,
carrément, mais elle manque de vivacité, d'élan, sauf dans la jolie
tyrolienne, que Linda chante à son entrée en scène : O Luce di quesf
anima. Tout cela fut cause que dès le premier jour une certaine froi-
deur régna dans l'auditoire, qui s'attendait à quelque chose de plus
original, de plus nouveau.
En ce temps-là, Mme Persiani chantait le rôle principal, qui con-
venait beaucoup mieux à sa voix et à son talent qu'à sa personne.
A côté d'elle figuraient Mario, Lablache père, Lab'ache fils et l'excel-
lent Tamburini ; Mme Brambilla débutait sous le costume de Pierotlo,
le jeune Savoyard. C'était, comme vous le vojez, un personnel assez
410
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
imposant, dont le souvenir resle seul aujourd'hui; mais si, comme
dans la satire de Boileau, il faut avouer que nous n'avons plus ni
Lambert, ni Molière, nous avons Mlle Adelina Palti, pour qui Linda
vient d'être reprise, et sans laquelle on n'y eût guère songé. Tout
le monde avait compris que pour la jeune et charmante artiste, déjà
maîtresse d'un répertoire où se réunissent tant de séductions gracieuses,
de piquantes malices et de finesses élégantes, le rôle de Linda serait
une transition à des sentiments, à des expressions d'un autre ordre.
De la comédie au drame il y avait un pas à faire, et ce pas, Mlle Ade-
lina Patti l'a franchi plus aisément, plus victorieusement qu'elle ne
l'espérait peut-être elle-même.
Oui, Mlle Patti a été simple et naïve, autant qu'il faut l'être dans
le premier acte de Linda ; elle a été pathétique et touchante au
dernier point dans le second. Le troisième lui a conquis tous les
cœurs et tous les suffrages. Pour nous, ce qu'il y a eu de plus admi-
rable, de plus saisissant dans sa voix, dans son regard, dans tout
son jeu, c'est la manière dont elle a rendu son étonnement, sa stu-
peur, en écoutant, sans presque le comprendre, le récit de Pierotto :
elle a dit avec l'accent de la vérité même : No, non è ver. . . tradir
tu non mi puoi ! De ce moment, la jeune artiste est entrée dans une
voie nouvelle, où les plus beaux effets lui sont assurés : nous
n'en voulons pour preuve que l'émotion de tout l'auditoire,
sans compter les bravos, les exclamations, les rappels! A la bonne
heure, mais par grâce nous supplions Mlle Patti de ne pas trop
s'abandonner aux entraînements d'un genre où elle réussira tant
qu'il lui plaira, nous y consentons, pourvu qu'elle ne soit pas
ingrate envers la comédie ! Le drame est grand et puissant, mais la
comédie est si bonne et si aimable !
Après tout, chaque chose a son temps et son heure. Poliuto nous
est revenu mercredi, et le public ne s'est pas montré moins sensible
que d'ordinaire à la beauté mâle d'une action fondée sur un miracle de
l'enthousiasme et de la foi. Sans avoir l'exaltation fougueuse à laquelle
nous avait habitués Tamberlick, Fraschini est un admirable Poliuto,
et Mme Charton-Demeur possède les rares qualités d'une Paolina
destinée à servir de modèle comme eantatrice et comme actrice. Elle
y a été applaudie comme elle devait l'être, et comme elle le
sera toutes les fois qu'on lui confiera des rôles aussi bien en rapport
avec son double talent.
P. S.
THÉÂTRE DES VARIETES.
LA BELLE HÉLÈNE,
Opéra-bouffe en trois actes, paroles de MM. Henri Meilhac
et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach.
(Première représentation le 17 décembre 1864.)
Nous vivons sous le règne de la caricature ; il n'y a plus rien de
sacré pour le crayon ni pour la plume. Les héros de l'antiquité, les
dieux de l'Olympe, toutes les traditions classiques, en un mot, sont
devenus pour nous un sujet de risée, comme si nous voulions nous
venger par des injures de l'ennui respectueux qu'ils nous ont fait
éprouver sur les bancs du collage. Quelques esprits, imbus d'hono-
rables préjugés, s'indignent et crient à la profanation. Nous ne
sommes pas si sévère, et quand la parodie est plaisante, nous nous
rangeons franchement du côté des rieurs, en nous réglant sur
l'exemple du grand siècle qui n'a pas trouvé sa dignité compromise
pour s'être amusé aux bouffonneries de V Enéide, de Scarron, le
père et le modèle de nos travestisseurs modernes. Le seul danger
de ces sortes de débauches d'imagination réside dans l'abus qu'on en
peut faire, et Scarron l'a si bien compris qu'il n'a jamais complété
sa caricature de Virgile.
On trouverait peut-être le motif de cette satiété si prompte et si
facile dans les ressources bornées à l'aide desquelles ce genre de pa-
rodie procède forcément. Qui en a vu une, peut à coup sûr deviner
les autres, rien que sur leur enseigne, et c'est là un inconvénient
dont le peuple le plus spirituel de la terre ne saurait s'accommoder,
sans donner un démenti à la bonne opinion qu'il a de lui-même.
Rien de plus simple, en effet, de plus élémentaire que le procédé
en question. Vous voulez, par exemple, travestir les origines de la
guerre de Troie? Pas le plus petit effort d'invention à faire. Vous
prenez les héros d'Homère, et vous ne changez pas un iota aux
incidents dont le poëte nous a transmis le récit fabuleux. Le berger
Paris, choisi pour juge par les trois déesses, sur le mont Ida, dé-
cerne la pomme à Vénus, parce que, mieux avisée que ses deux ri-
vales, la reine de Cythère a promis au fils de Priam la possession de
la plus belle femme du monde. Or, cette femme, c'est Hélène, la
fille de Jupiter tranformé en cygne, et de Léda, c'est l'épouse de
Ménélas, le roi de Lacédémone. Paris n'a donc qu'à se montrer, Hé-
lène est vaincue d'avance, elle suit le berger et la guerre de Troie
est allumée.
Seulement, au lieu de mettre dans la bouche de ces illustres per-
sonnages les nobles et poétiques discours qu'on est accoutumé à leur
entendre tenir, vous leur prêtez un langage que l'un d'entre eux
appelle facétieusement la langue d'argos. De la belle Hélène, vous
faites une lorette, d'Achille aux pieds légers, un troupier furibond,
et des deux Ajax, le fils d'Oïlée et le fils de Télamon, deux crétins
renforcés. Vous faites danser le cancan à Agamemnon, le roi des
rois ; vous faites chanter des tyroliennes au berger Paris, et vous
donnez un mouchoir à carreaux à l'augure Calchas qui, par sur-
croît, triche au jeu. Moyennant quoi, le tour est fait.
A la vérité, il ne vous est pas défendu d'enjoliver toutes ces gros-
ses charges d'une foule de traits d'esprit, acérés et piquants, et
nous n'allons pas jusqu'à prétendre que les auteurs de la Belle Hé-
lène aient tout à fait décliné ce droit. Aimez- vous le sel altique?
Voici les jeux de la Grèce. Il n'est pas question, rassurez -vous, de
réciter de beaux vers, de diriger un char, de lancer le palet ou de
courir le stade. Il s'agit de deviner une charade, dont le mot est lo-
comotive, ou de dire la différence qui existe entre un cornichon et
Calchas. « C'est que le premier, s'écrie Paris inspiré, est confit dans
du vinaigre, et que le second est confident du roi. » Après cela, il
faut tirer l'échelle.
Plaisanterie à part, quand cette pièce fantaisiste n'aurait d'autre
mérite que celui d'avoir inspiré à Offenbach l'une de ses plus char-
mantes partitions, sa part serait belle encore; car ce n'est pas une
bonne fortune si ordinaire qu'on le pense pour un compositeur, de
rencontrer dans les livrets qui lui sont confiés un sujet et des situa-
tions essentiellement en rapport avec la nature de son talent. Offen-
bach a eu cette heureuse chance avec Orphée, et il n'a pas été
moins favorisé par la Belle Hélène. Aussi n'y a-t-il pas un seul mor-
ceau de son œuvre qui n'ait une valeur relative et qui ne soit
frappé de son cachet si fin et si original.
La pièce n'a pas d'ouverture ; après quelques mesures d'introduc-
tion, la toile se lève sur un chœur d'une facture très-distinguée et
qui ne ressemble pas le moins du monde au prologue d'une bouffon-
nerie. Notons en passant que, par un artifice dont le but est facile à
comprendre, les chœurs détachés sont généralement traités dans un
style sérieux qui forme contraste avec le reste. Mais ne pouvant pas
tout analyser, faute d'espace, nous nous contenterons de les men-
tionner en bloc, et nous essayerons de nous rappeler les morceaux
à effet de l'ouvrage.
C'est d'abord, au premier acte, des couplets fringants chantés par
le jeune Oreste ; puis un récit du berger Paris, que l'on peut, sans
exagération, nommer un chef-d'œuvre de goût et de finesse; et,
comme complément de cet acte qui est, sans contredit, le meilleur
DE PARIS.
611
de la pièce, un finale très-varié, trôs-mouveinenlê, qui débute par
des couplets fort gais, dans lesquels chacun des rois, en visite chez
Ménélas, établit pour ainsi dire son identité. La strette : Partez pour
la Crète, couronne on ne peut mieux cet excellent finale.
Le deuxième acte, qui se passe dans le gynécée du palais de
Ménélas absent, appartient presque tout entier à Hélène ; les cou-
plets qu'elle adresse à Vénus sont ravissants, et c'est avec justice
qu'on a fait répéter le second. Son duo d'amour avec Paris mérite
aussi les plus sincères éloges, comme contexture et comme exécu-
tion. Quant au finale, c'est une parodie fort bien réussie des ensem-
bles de grand opéra; les couplets : Un mari sage, qu'y chante en-
core Hélène, ont droit à une mention très-honorable.
C'est aux bains de Nauplie que nous transporte le troisième acte,
dans lequel nous trouvons à signaler de nouveaux couplets d'Hélène,
élégants et gracieux, un trio bouffe pour trois voix d'hommes, où des
fragments de Guillaume Tell et à' Orphée aux enfers servent de pré-
paration à une explosion ébouriffante de gaieté et de verve, et, finale-
ment, un air de très-bon aloi, chanté par le berger Paris, déguisé
en augure de Cythère.
Si la musique d'Offenbach est une des meilleures qu'il ait faites,
il faut convenir aussi qu'il n'a jamais eu d'interprète qui l'ait mieux
servi que Mlle Schneider, chargée de représenter la belle Hélène.
Certes, ce n'est pas dans les derniers temps qu'elle a passés au Pa-
lais-Royal que cette actrice eut rempli toutes les conditions néces-
saires pour accomplir la promesse de Vénus. Elle nous est revenue
l'autie soir, à notre grand étonnement, tout à fait transformée, pres-
que svelte, aussi jolie qu'à son entrée aux Bouffes, et, de plus, avec
une voix reposée, agile et sûre, dont elle tire véritablement un parti
merveilleux. Qu'elle se tienne en garde contre certains entraînements
d'un goût douteux qui lui donnent de la ressemblance avec une hé-
roïne de l'Alcazar, et la critique la plus sévère n'aura plus rien à lui
reprocher.
Le rôle de Paris, ingrat et difficile, fait, selon nous, le plus grand
honneur à Dupuis. Tout ce qu'il y met de tact et de mesure pour ne
pas tomber dans la trivialité, qui est l'écueil de ce personnage,. n'est
pas apprécié autant qu'il convient. Pour notre part, nous nous plai-
sons à lui rendre cette justice qu'il a contribué à sauver la pièce d'un
danger très-réel.
Couderc en Agamemnon, Mlle Silly en Oreste, Kopp en Ménélas,
Grenier en Calchas, Guyon en Achille, Hamburger en Ajax 1er et en
Ajax 2% sont tous à la hauteur de leur mission burlesque. Une mise
en scène des plus soignées, des décors et des costumes brillants, un
orchestre et des chœurs qui ne laissent à peu près rien à désirer,
ajoutent le dernier trait au tableau, et garantissent à la Belle Hélène
une interminable série de représentations.
D.
LA MUSIQUE ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU XVIIIe SIÈCLE.
(7* et dernier article) (1).
« Mme de Pompadour, — nous dit encore Barbier, — avait tous
les talents possibles du chant et des instruments. Sa voix n'était pas
étendue, mais très-agréable, et elle la conduisait avec beaucoup de
goût. » Dans son livre de dépenses, les opéras, comédies et concerts
joués et donnés dans ses maisons devant Louis XV, figurent pour la
somme de quatre millions cinq mille neuf cents livres. C'est cher!
Dans ce chiffre rentrent, il est vrai, bien des encouragements, bien
des libéralités, bien des dons aussi et de discrètes aumônes. La mu-
sique, comme les beaux arts, doit beaucoup à Mme de Pompadour.
Je n'ai ici ni à la louer ni à la défendre, mais il faut avouer qu'elle
(1) Voiries n01 42, 43, 44, 46, 47 et 51.
I sut remplir avec beaucoup de tact et d'à-propos cette mission de
I protection, de sollicitude pour l'art musical, qui est l'un des plus
j beaux apanages des reines de France, — même des reines de la
main gauche, — et dont Marie Leczinska, toute fille de roi - artiste
qu'elle était, semble ne se préoccuper guère.
Complètement privé de tout sentiment, et même de tout instinct
artistique, Louis XVI subit la musique à la cour comme une des
charges de la puissance royale. De même qu'il devait conserver tout
co que les siècles lui avaient légué, il accepta l'organisation de la
chapelle oratoire avec les psalmistes ordinaires de la grande cha-
pelle, avec les noteurs de la musique, avec les maîtres de la cham-
bre et de la chapelle, avec l'orchestre et les chœurs de la chambre
et de la chapelle, avec les porteurs d'instruments, les pousse-fauteuils,
et jusqu'aux chargés de présenter la musique des morceaux joués
au roi et à la reine.
« Un jour qu'à son grand couvert, — raconte Nougaret, — Sa
Majesté eut de la musique, selon l'usage, on avait cherché tout ce
qu'il y a de plus beau. « C'est bien ! dit Louis, en regardant la
reine et les princes, ses frères ; mais tout cela ne vaut pas le qua-
tuor de Lucile : Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ? »
Certainement ; mais pour se donner le plaisir de dire un joli petit
mot bien sensible, dans le goût du jour, Louis XVI fait bon marché,
ce me semble, de tout ce qu'il y a de plus beau dans la musique
du xvme siècle. Le mot est d'un « bon époux » et d'un excellent
frère, mais il n'est ni d'un musicien ni d'un roi. Ce qui paraît plus
choquant encore, c'est que Louis XVI, semblable en cela à ces
hommes qui ont épousé une femme plus intelligente qu'eux, pein-
tre ou musicienne, et qui s'attachent, en leur épaisse vulgarité, à
tourner ses goûts en dérision et à souffler sur ses enthousiasmes
pour les éteindre ; Louis XVI, en dépit du quatuor de Lucile, vient
trop souvent et trop lourdement à rencontre des loisirs artistiques
de Marie -Antoinette. Va-t'elle, incognito, au spectacle, à Paris, la
reine trouve à son retour les grilles de Versailles fermées, et elle se
heurte à une consigne et à un soldat aux gardes inflexibles ? Veut-
elle chanter l'opéra-comique et jouer la comédie, le roi croit ingé-
nieux de siffler, et les malins de répéter « que Sa Majesté l'avait
bien appréciée ; » et un officier, appelé là par son service, de dire
tout bas à son voisin : « C'est royalement mal joué ! »
Nous voilà donc éclairés et sur le degré d'intelligence du roi et
sur le mérite musical de la reine. Pauvre Michu, vous aviez perdu
temps et peine à apprendre à Marie-Antoinette ces rôles de sou-
brette, de villageoise qu'elle affectionnait, par contraste, elle, la fille
altière des Césars ! Pour lui donner la réplique, elle avait le comte
d'Artois, le duc et le comte de Coigny, le duc de Guiche, le duc de
Lauzun, le chevalier de Luxembourg, le baron de Bezenval, M. d'Ad-
hémar, M. de Vaudreuil, Mme de Polignac, Mme de la Borde, sa
lectrice et dame du lit, sœur du directeur de l'Opéra, Mme l'Infan-
tado, et la princesse Potocka qui, un soir de carnaval, avec Mme de
Genlis, déguisées toutes deux en servantes, avaient fait, en dansant
un menuet au Grand Vainqueur, la conquête de deux coureurs de
M. de Brancas, qui ne voulaient plus les quitter.
Dans ces divertissements, Madame ne voulut jamais accepter de
rôle. Jouer la comédie lui paraissait indigne d'elle. Marie-Antoinette
lui dit un jour : « Mais, dès que moi, reine de France, je chante
l'opéra (nous savons co?nmentl), vous ne devriez pas avoir de scru-
pules. » Madame réplique : « Si je ne suis pas reine, je suis du
bois dont on les fait. » Là-dessus, Marie-Antoinette, piquée, de faire
sentir à sa belle-sœur combien elle met au-dessus de la maison de
Savoie la maison d'Autriche, qui ne le cède pas même à celle de
Bourbon] Mais ici, le comte d'Artois, qui n'a rien dit jusque-là,
intervient, et très-finement à la reine, avec un sourire... de Bour-
bon : « J'avais craint, tout à l'heure, de me mêler à la conversation,
412
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
Madame, vous croyant fâchée; mais, pour le coup, je vois bien que
vous plaisantez ! »
Ce pendant dans les allées de Trianon, le prince de Conti rêvait
au livret et à la musique d'un opéra de sa façon. Le sujet était
Ariane abandonnée par Thésée dans l'île de Naxos. Ariane y trou-
vait Bacchus, et elle y suivait le conseil de Mlle Antier, de l'Opéra,
à qui l'on demandait : « Que feriez-vous, Mademoiselle, si vous vous
trouviez dans cette situation, si votre amant vous quittait? —Ma
fois! j'en, prendrais un autre. »
On chantait encore à Trianon, on fêlait les muses légères, on se
complaisait aux idylles mouchetées et aux bucoliques musicales ,
tandis que Paris ouvrait le prologue de la révolution, de ce drame
qui efface l'épopée antique. Aux approches du coup de foudre, dès
que ia caricature eût montré le clergé jouant du serpent, la no-
blesse, en habit militaire, de la clarinette, et le tiers, en veste de
Colin, du violon, le dilettantisme émigra, les salons de musique se
fermèrent, et les chanteurs et les musiciens, familiers des grands,
apportèrent à la révolution leur misère et leurs sourdes rancunes.
Malheureux, ils ne se souvinrent plus que des torts du passé. Ils se
rappelèrent qu'en parlant d'eux, la noblesse avait dit quelquefois :
Ces gens-là! Ils se rappelèrent que lorsqu'ils avaient voulu — juin
1 752 honorer la mémoire de l'académicien Crébillon par un ser-
vice religieux, Saint-Sulpice et les Cordeliers s'y étaient refusés, et
qu'il avait fallu les instances personnelles du prince de Conti pour
vaincre les scrupules de la commanderie de Saint-Jean de Latran.
Requiem imposant : l'orchestre de l'Opéra, les chœurs de tous les
théâtres ; mais le curé, suspendu pour six mois, avait dû donner aux
pauvres le produit du service. Ils se rappelèrent que le Parlement
avait fait brûler, par la main du bourreau, une requête de l'avocat
Huerne de jla Motte, adressée au roi, — pour que les comédiens
soient décorés de ses ordres ? — Non : pour qu'ils ne soient plus
excommuniés. Ils se rappelèrent que leur pauvre camarade, Adrienne
Lecouvreur, à laquelle on avait refusé l'entrée du cimetière, avait
été, de nuit, mise en terre, par les soins pieux d'un ami, sur la
berge de la Seine, devant le Palais-Bourbon ; tandis que l'Angle-
terre inhumait pompeusement Olfieds, sa célèbre actrice, à West-
minster, avec les rois et les héros !
Ces plaintes, la révolution devait les recueillir, et comme, d'un
autre côté, l'art dramatique et lyrique lui paraissait « chargé de
chaînes, » que les Italiens devaient ne jouer que des pièces où l'ac-
teur ne pouvait pas mourir en scène ; que le théâtre de Monsieur
était voué aux traduclions d'opéras italiens ; que les Variétés avaient
à ne pas dépasser la limite de trois actes ; que Nicolet était tenu de
conserver ses danseurs de corde ; que les élèves de l'Opéra étaient
condamnés aux pantomimes à perpétuité, et le théâtre des Beaujo-
lais à des chants mîmes par les acteurs sur la scène et chantés der-
rière les portants; qu'aux Délassements et aux Bluettes, une gaze
était tendue entre le spectacle et le public; que le théâtre de la Porte-
Saint-Antoine ne pouvait ouvrir qu'à 7 heurer, une heure après
l'entrée de tous les autres ; que les théâtres de boulevards conser-
vaient, par ordre, les tréteaux de la parade, comme des affranchis
leurs anneaux d'esclave aux pieds, la révolution se préparait à pro-
clamer la liberté théâtrale, dont le résultat devait être d'ouvrir
quatre-vingt-dix-huit salles de spectacle à Paris, et de jeter en même
temps sur le pavé tous les artistes que l'émigration n'avait pas
réduits au chômage. Eclairés alors sur leurs intérêts véritables, re-
grettant les jours de la « tyrannie, » ils allaient livrer la bataille des
privilèges contre la liberté, privilèges qui leur avaient assuré jadis
un public, si peu nombreux qu'il fût, mais un public qui aimait tel
ou tel spectacle, qui savait le trouver à tel endroit et qui y allait.
Depuis le glorieux avènement de la liberté, depuis que Chénard,
de l'Opéra-Comique, et Vallière, de Feydeau, ont été chanter à la
barre de la Convention en l'honneur de l'acte constitutionnel, les
théâtres lyriques secouent le joug odieux de la mise en scène et de
la décence. Les acteurs entrent et sortent indifféremment par la
cheminée, par la glace ou par la fenêtre, ou encore à travers le
mur ; de la scène, les coryphées lorgnent le public avec de grandes
lunettes. En 1789, Kotzebue, à l'Opéra, verra des paquets de tabac
et des pipes sur la cheminée, dans un décor qui doit représenter
« les pénates d'Horalius Coclès. » Le temps est proche où naîtra
le nouveau répertoire « pocme de Quinault de Ça ira, musique de
Lulli de Carmagnole, » et où l'on jouera, à l'Opéra, toile baissée,
les Bacchanales calilinaires !
Cependant, on a pris les Tuileries, et un vainqueur a joué de la
guitare sur les cadavres des Suisses; on a pris la Bastille, et ses
ruines ont disparu sous les estrades des concerts ; on a supprimé les
maîtrises ; le violon Bellerose a parcouru les rues avec ses refrains
obscènes; le Père Duchesne... Passons. Où sont maintenant, près
des clavecins enguirlandés de fleurs, devant les pupitres de bois de
rose, aux orchestres et aux opéras, où sont ces femmes éclatantes de
jeunesse, de beauté, de diamants? Où, ces grands seigneurs « en
habit pluie d'argent, » dilettantes qu'il ne fallait qu'atteindre pour
émouvoir, qui observaient surtout la maxime artistique : Rien de
trop, et qui désapprouvaient dans le style musical cette austérité
empreinte de mœurs difficiles, âpres et sévères? Où, tout ce monde
délicat par l'esprit et par l'oreille, toujours de bonne humeur en
écoutant, en appréciant, dont le goût était net et sobre, et auquel
rien ne plaisait tant qu'une pensée élégante, simplement parée ?
Mais le nui' siècle ne finira pas sans rattacher au nôtre sa tra-
dition de musique vive, gracieuse, transparente et légère comme ces
étoffes que Pétrone et Martial appelaient de l'air tissé. Dans l'orage,
sous la nuée sanglante, voici venir, un joyeux fredon aux lèvres, une
ironie dans l'œil, démarche alerte et geste aisé, voici venir la muse
à pied d'Horace : le vaudeville. C'est la fantaisie, l'impromptu, l'es-
prit en musique des Piis, des Barré, des Panard, des Anseaume, des
Dorneval. C'est la chanson pétillante, servie à la minute, comme un
sorbet frais et mousseux qu'on prendrait l'été sous la treille. C'est le
vaudeville, en un mot, qui, prenant bien des formes badines, rail-
leuses, élégantes ou tendres, faciles toujours , traversera les âges et
viendra caresser de son aile l'inspiration de Boïeldieu, d'Hérold,
d'Auber, d'Adolphe Adam, pures gloires de cet opéra-comique si es-
sentiellement français, et où sourit encore la grâce malicieuse de
nos pères.
Que le canon réveille les échos des champs de bataille ; que la
tribune porte au loin les mâles accents de l'éloquence; que la vapeur
gronde et que la mine éclate ; que la pensée soulève autour d'elle
les colères ou les enthousiasmes, tous ces bruits de la paix et de la
guerre ne couvriront pas la douce et scintillante harmonie de nos
refrains. Vienne l'ère nouvelle, vienne le siècle idéal que depuis si
longtemps le progrès nous annonce, la France aura toujours une
musique née de son génie artistique, de son esprit et de son cœur,
— son vrai génie à elle! — La France aura toujours des chants
pour escorter ses regrets et ses espérances, pour saluer ses gloires,
pour célébrer ses amours !
Em. Mathieu DE MONTER.
ut; PARIS.
413
REVDE DES THEATRES.
Gymnase : le Point de mire, comédie en quatre actes, par MM. Eug.
Labiche et Delacour ; les Truffes, comédie- vaudeville en un acte,
par MM. Albert Monnier et Edouard Martin. — Porte-Saint-Mar-
tin : reprise de Vingt ans après ou les Mousquetaires, drame de
MM. Alexandre Dumas et Maquet.
Le talent de M. Eugène Labiche, fort goûté au Palais - Royal,
n'est pas toujours aussi heureux lorsqu'il prétend s'élever au-dessus
de son niveau habituel. Cependant on l'a vu réussir aux Français
avec Moi, au Gymnase avec le Voyage de M. Perrichon et la Poudre
aux yeux, qui sont des tableaux de mœurs bien observés, quoiqu'un
peu trop poussés à la charge. Mais c'est le péché mignon de M. La-
biche, qui, avec des qualités naturelles très-recommandables, s'est
trop longtemps oublié dans la compagnie de Grassot, de Sainville et
des autres grotesques de l'ancien théâtre de la Montansier, pour qu'il
ne lui en soit pas resté quelque tache. Le Point de mire, qu'il vient
de faire représenter au Gymnase, en est une nouvelle preuve. Il y a
dans cette comédie, comme dans presque toutes celles de cet auteur,
une idée bonne et féconde ; mais elle est en partie compromise par
l'exécution. Maurice Duplan, le 01s d'un vieux notaire, est un jeune
homme charmant, affligé, par malheur, d'un caractère singulière-
ment irrésolu. Son père, qui veut le marier, l'a mis en rapport avec
la famille Carbonel qui possède une jeune personne en disponibilité;
mais les Pérugin, amis des Carbonel, et qui sont dans le même cas,
jettent leur dévolu sur le Cls du notaire, du moment qu'il s'agit de
la conquête de plus d'un million. Placé entre les Perugin et les Car-
bone!, ce pauvre Maurice ne sait de quel bois faire flèche. Mlle Berthe
Carbonel est blonde ; il aime beaucoup les blondes, et c'est elle qu'il
préfère lorsqu'il admire ses beaux cheveux. Mais s'il vient à rencon-
trer le regard profond de Mlle Lucy Pérugin, qui est brune, comme
il aime aussi beaucoup les brunes, c'est à celle-ci qu'il cherche à
plaire. Cependant le million, ce fameux point de mire des deux fa-
milles rivales, ne pouvant être partagé, il faut bien que Maurice
finisse par faire un choix ; aussi, après bien des hésitations, se déci-
de-t-il en faveur de Berthe, et cela d'autant mieux qu'il découvre
que Lucy aime un jeune architecte auquel il se fait un plaisir de la
céder.
En thèse générale, l'indécision est une mauvaise source de comique
à la scène ; elle excile une sorte d'impatience chez le spectateur qui ne
s'intéresse qu'aux caractères tranchés dans un sens ou dans l'autre. Mais
combien ce défaut est-il plus irritant, lorsqu'il se prolonge pendant
quatre actes avant d'amener un résultat. Il est vrai que pour nous faire
prendre patience, on nous exhibe les ridicules des deux familles qui
prétendent à la possession du trésor en litige. Mais c'est précisément
le côté périlleux dont nous parlions tout à l'heure et qui n'a pas sa
raison d'être au Gymnase. L'Odéon a, du reste, effleuré tout récem-
ment cette donnée comique avec les Mères terribles, et il l'a fait
dans une mesure convenable. Si le Point de mire n'avait que deux
actes, le premier et le quatrième, peut-être aurait-il plus de chances
d'un succès durable.
Dn petit vaudeville, intitulé les Truffes, que l'on joue en lever de
rideau, a eu moins de peine à se faire accepter. Il s'agit, dans cette
bluette, d'un parasite qui vient troubler le tête à tête de deux nou-
veaux mariés, nageant encore en pleine lune de miel. Comment se
débarrasser de l'importun qui s'obstine à rester, parce qu'il sent le
parfum d'une dinde truffée, destinée au repas du jeune ménage? On
n'y parvient qu'en l'inquiétant sur la fidélité de sa femme. C'est
le Dîner de Madelon haussé d'un cran, mais moins franchement
gai.
— . La Porte-Saint-Martin vient de reprendre Vingt Ans après ou
la seconde partie des Moîtsguetaires qui, par ordre de date, a été
représentée la première. C'est l'Ambigu qui en a eu l'étrenne ; puis
la Gaîté s'en est emparée, puis enfin, après un nouveau bail passé
avec l'Ambigu, la voici aujourd'hui à la Porte-Saint-Martin qui ne
sera peut-être pas sa dernière étape. Car les drames d'Alexandre
Dumas, surtout ceux de sa bonne époque , c'est-à-dire de sa
collaboration avec Auguste Maquet, ont la vie dure. Il y a d'ail-
leurs un vaisseau au dénoûment de cette pièce, et l'on sait que les
vaisseaux sont à l'ordre du jour. On voudra comparer celui-ci avec
le célèbre navire du Fils de la nuit. L'interprétation est en outre
excellente. M. Mélingue joue d'Artagnan comme il le jouait il y a
quinze ans. Lacressonnière a retrouvé également dans le rôle de
Charles Fr le triomphe qu'il y obtenait en le créant. Mlle Duverger
est fort touchante sous les traits d'Henriette d'Angleterre. Bref, tout
concourt à l'attrait de cette magnifique reprise qui n'exercera pas
moins d'influence sur les recettes du théâtre que toutes celles qui
l'ont précédée.
I). A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** Le théâtiv, impérial de l'Opéra a donné dimanche les Huguenots.
Le chef-d'œuvre de Meyerbeer avait comme toujours rempli la salle.
Mlle Sax, Obin, qui chantait le rôle de Marcel, Faure, Cazaux, Morère,
Mlles Hamackers et Taisy ont douné un grand éclat à cette représenta-
tion pendant laquelle on les a tour à tour chaleureusement applaudis.
*% Lundi et vendredi on a représenté Roland à Rancecaux. Mercredi,
on devait jouer Moïse ; mais, par suite d'une indisposition de Mlle Battu,
on lui a substitué le Comte Ory, suivi du ballet de la Maschera.
*** Aujourd'hui, dimanche, Roland à Roneevaux est annoncé au bé-
néfice de la Caisse des pensions.
*?* Une danseuse nouvelle a fait son premier début, mercredi, dans
le ballet de la Maschera. C'était, on s'en souvient, Aille Boschetti qui en
avait créé le principal rôle. Mlle Salvioni, qui lui succède, ne lui res-
semble nullement : elle est d'une taille svelte, élancée ; elle a des jam-
bes remarquablement belles, dont elle se sert avec beaucoup de talent.
Non-seulement elle danse bien, mais elle se distingue comme mime. Nous
verrons plus tard à quel rang il faut la placer dans le nombre des cé-
lébrités dansantes qu'a possédées jusqu'ici l'Opéra. Dès la première soi-
rée, son succès a été des plus brillants.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra-Comique a fait relâche hier sa-
medi pour la répétition générale du Capitaine Hmriot, dont la première
représentation est annoncée pour demain lundi.
*** On va reprendre à ce théâtre un joli opéra de Maillart, le Moulin
des Tilleuls.
t% L'activité du service que fait au théâtre Italien Mlle A. Patti ne
se ralentit pas; on répète / Puntani, opéra dans lequel elle chantera
le rôle d'Elvire. Les autres rôles sont distribués à Brignoli, Anto-
nucci et Agnesi.
**„ Dans une représentation de Rigoletto donnée dimanche dernier au
théâtre Lyrique, un jeune ténor, nommé Huet, a débuté avec succès.
Il est doué d'un physique avantageux, possède une jolie voix et chante
avec goût.
*** C'est mardi que les Bouffes-Parisiens donnent la première re-
présentation de la revue-parodie qui a pour titre Roland à Ronge-veau.
On la dit fort réussie.
*% M. Desmonts, artiste de la troupe des Bouffes-Parisiens, vient
de remplacer M. Hipp. Lefebvre comme régisseur de ce théâtre.
„%. On affirme que le théâtre St-Germain va être repris par M. Moniot,
directeur du futur théâtre Lafayette, et qu'il rouvre aujourd'hui même
avec la troupe qu'il avait engagée.
.„% On nous écrit de Saint-Pétersbourg que Tamberlick et Mme Nan-
tier-Didier ne feront pas cette saison partie de la troupe de Covent-
Garden. On annonce en effet que les deux célèbres artistes sont enga-
gés pour le printemps prochain au théâtre de l'Elysée à Madrid. Ils y
chanteront le Prophète.
„% Malgré le travail et les soins que nécessitait la mise en scène
de son grand ballet, le Koniok Gorbounok qui vient d'être représenté à
Saint-Pétersbourg, Saint-Léon s'y occupait du ballet de r 'Africaine qu'il
est chargé de composer; il doit arriver incessamment à Paris pour
remplir activement cette tâche.
„,** Depuis quelques semaines Félicien David est en proie aux dou-
leurs d'un violent rhumatisme. Cette maladie ajourne la mise à exécu-
tion des plans arrêtés pour la fondation du Grand Concert.
m
REVLE KT GAZETTE MUSICALE
,** M. Gye, directeur du théâtre italien de Covent-Garden, a passé
quelques jours à Paris, il est reparti pour Londres. Il assistait dimanche
dernier à la représentation de Linda Ai Chamoum.
»%, Oa lit dans un journal de Leipzig un avis de l'imprésario UU-
man qui demande une jeune et jolie personne douée de dispositions
musicales, pour lui faire enseigner, à ses frais, l'art du chant, par les
premiers professeurs, en lui assurant d'avance un engagement de dix
ans, avec des appointements de 1,500 thalers pour la première année,
et s'élevant successivement jusqu'à 4,000 thalers pour la dernière an-
née, les frais de voyage et de costumes payés.
*% Les journaux italiens parlent dans des termes fort élogieux d'un
Anglais nommé Tom Hohler, précédemment ingénieur dans sa patrie,
et qui, doué d'une jolie voix de ténor, a voulu essayer de la carrière
lyrique. C'est au palais Runiccino qu'il s'est fait entendre pour la pre-
mière fois dans un concert de bienfaisance, et le public lui a fait un
accueil des plus encourageants.
*% On répète en ce moment au Grand-Théâtre de Marseille un
opéra-comique inédit de M. Royannez intitulé la Croix de Jeannette.
„** Au dernier concert du cirque Napoléon, l'ouverture de Lorelei,
dont l'auteur est W. Wallace, a été exécutée pour la seconde fois avec
plus de succès encore que la première. La préface donne une idée
fort avantageuse de l'œuvre entière. Au concert précédent, M. Sighi-
celli avait joué l'un des beaux concertos de Viotti avec une correction
classique.
t*± Jeudi soir a eu lieu dans les salons Pleyel-Wolff, devant une
nombreuse assemblée de notabilités musicales, d'artistes et d'hommes du
monde, l'audition à laquelle les avait conviés M. Fétis. Nous rendrons
compte dans notre prochain numéro de cette séance vraiment intéres-
sante, dans laquelle on a applaudi avec acclamation trois œuvres re-
marquables de notre savant collaborateur.
*% Roger est de retour à Paris de son excursion en Normandie. Il a
donné à Laval une représentation de la Dame blanche qui avait rempli
la salle. Des applaudissements frénétiques ont été prodigués au célèbre
chanteur, et le maire et le président du tribunal de Laval ont voulu en
personne aller le lendemain lui offrir leurs félicitations.
*% MM. Gérard etCe (ancienne maison Meissonnier) viennent d'acquérir
la propriété de la partition d'Offenbach : La Relie Hélène.
*** On a trouvé dans les archives de la ville d'Elbing (Prusse) le ma-
nuscrit d'un oratorio en cantate, de Haendel, inconnu jusqu'ici. Le texte
en est imprimé et porte le titre : Herrnann Balk, Dramma per musica,
dal Sig. F. Haendel. Sur le verso se trouve une note indiquant que les
paroles sont du recteur Seyler, la musique des airs et des chœurs de
Haendel, les soloquia (récitatifs) de Dietrich.
„%, M. Marmontel vient de faire paraître chez les frères Gambogi,
sous le titre A'Echo des Montagnes, trois morceaux charmants pour le
piano. Les travaux de l'éminent professeur du Conservatoire ont été
jusqu'à présent des plus sérieux ; il vient de prouver que qui peut plus
peut le moins. Le Chant du Berger, le Vallon, la Colline, réunissent la
mélodie à la grâce et à l'originalité, et tous les amateurs de musique
de piano se féliciteront de voir M. Marmontel entrer dans cette voie qui
leur promet de véritables jouissances .
„*„, La soirée donnée par Mlle Laure Micheli dans les salons du Ca-
sino a tenu tout ce qu'elle promettait ; une nombreuse assistance s'y
était portée et a vivement applaudi la bénéficiaire qui a dirigé en partie
l'orchestre avec Arban, sans souffrir du voisinage ; au contraire, des
bravos réitérés et des bouquets ont accueilli la jeune artiste qui a été
rappelée après l'exécution d'une charmante valse de sa composition. Une
jeune chanteuse de mérite, Mlle Dufau, et le frère de Mlle Micheli lui
ont prêté un vaillant concours.
1% On nous écrit de Madrid : « Le roi d'Espagne a daigné recevoir
en* audience particulière le célèbre organiste Louis Engel. Sa Majesté
l'a accueilli avec la bienveillance qui lui est naturelle, s'est entretenu
plus de vingt minutes avec lui, et a bien voulu accepter la dédi-
cace d'une méthode d'orgue expressif qu'il va publier en espagnol chez
un de nos principaux éditeurs. Ce n'est pas seulement auprès du trône
que M. Engel a trouvé cet accueil, mais les salons de la plus haute
aristocratie lui ont été ouverts, et il a pu faire admirer successivement
son talent chez la baronne de Hortega, les ministres, la duchesse de
Sessa, l'infante, sœur du roi, etc., etc. Au reste, le public sera bientôt
appelé à l'apprécier, car M. Eagel annonce un concert qui sera donné
prochainement au Conservatoire et auquel tous nos dilettanti se pro-
posent d'assister. »
.* Les séances de musique de chambre de M. Lebouc continuent
d'ê*tre très-intéressantes. On a fort applaudi dans la dernière Mmes Ber-
trand, Beguin-Salomon, et MM. White, Durand, Trombetta, Comtat et
surtout M. Lebouc lui-même, qui ont exécuté avec une rare perfection
d'excellente musique classique.
„% Le deuxième volume de la biographie de Ch.-M. de Weber, pu
bliée par son fils, M. Max de Weber, vient de paraître à Leipzig ; il n'est
pas moins intéressant que le premier, Nous en rendrons compte.
»*„ L'éditeur Adolphe Catelin vient de faire paraître une nouvelle et
belle édition du Noël, Venile Adoremus, transcrit et arrangé pour le
piano par A. Croisez. Cette publication mérite réellement le succès
qu'elle obtient.
*% Hier, samedi, à cause de la fête de Noël, le bal de l'Opéra n'a
pas eu lieu.
t*t Théâtre Robin. — Les nouvelles expériences que M. Robin a exé-
cutées jeudi dernier ont dépassé en merveilles celles qu'il avait don-
nées précédemment. Le Cosayue du Don, la Cascade électrique,
l'Improvisation brûlante, le Tombeau de Mahomet, et les Tableaux his-
toriques de Paris, depuis son origine jusqu'à nos jours, ont été ac-
cueillis par de vifs et nombreux applaudissements. La reprise de l'Arbre
de Noël a fait les délices des jeunes spectateurs
**„, M. Georges Hainl, l'éminent chef d'orchestre de l'Opéra, vient
d'avoir la douleur de perdre sa mère. Mme veuve Hainl est décédée à
Lyon, à l'âge de quatre-vingt uu ans, au couvent de Sainte-Elisabeth,
où elle s'était retirée.
CHRONIQUE (DÉPARTEMENTALE.
*% Strasbourg. — Notre théâtre est toujours fort suivi, et parmi les
pièces qui attirent le plus la foule, le Pardon de Ploërmel est en pre-
mière ligne. Les représentations de ce chef-d'œuvre se continuent pres-
que sans interruption, et la foule y accourt applaudir les beautés mu-
sicales dont il est rempli, et que mettent admirablement en relief ses
interprètes, Mlle Léontine Durand et MM. Carman et Warnots, secondés
par notre excellent orchestre. Mlle Durand fait chaque jour des pro-
grès ; elle a chanté ici pour la première fois le rôle de Dinorah, et elle
en a fait une remarquable création.
**„.. Bordeaux. — Le premier concert du Carcle philharmonique a été
donné à la salle Franklin en l'honneur de Meyerbeer. L'assemblée était
nombreuse et la salle restaurée offrait le plus beau coup d'œil; le
programme était emprunté aux œuvres du maître : la Schiller-Marsch,
le septuor des Huguenots, l'air de l'Ombre du Pardon de Ploërmel, la
Polonaise, de Struensée, et les Joyeux Chasseurs, chœur sans accompa-
gnement, admirablement exécutés, ont été couverts d'applaudissements.
Mme Cabel avait voulu payer son tribut au génie de celui dont les
leçons avaient perfectionné son talent, et jamais elle n'avait mieux
chanté. 11 était impossible de mieux inaugurer la série de concerts que
donne, chaque année la Société philharmonique.
„% Bézicrs. — La direction de notre théâtre, avec une intelligence
et une habileté auxquelles on ne saurait donner trop d'éloges, vient de
remonter avec des décors nouveaux et une belle mise en scène, celle
des œuvres de Meyerbeer, qui dans un avenir prochain sera inévitable-
ment considérée comme une des plus délicieuses que l'illustre maître
ait écrites, le Pardon de Ploërmel. A en juger par l'enthousiasme qui a ac-
cueilli cette reprise, l'opinion des dilettanti de notre ville à cet égard, ne
laisse pas le plus petit doute. Mme Ida Massy, chanteuse de talent, dans
le rôle de Dinorah, M. Crambade dans celui d'Hoel, et M. Viard dans
celui de Corentin, ont été salués d'applaudissements réitérés, et qu'ils
ont largement mérités par la façon remarquable dont ils ont interprété
le chef-d'œuvre du maître. L'orchestre, sous la direction de M. Guille,
a d'ailleurs fait merveille.
**,( La Rochelle. — MM. Gaudin et Meneau viennent de faire représen-
ter sur notre théâtre un opéra-comique en un acte qui a pour titre
l'Amoureux transi. Malgré la faiblesse de l'exécution, on a remarqué
dans les dix ou douze morceaux qui composent la partition, l'ouver-
ture, un duo et un trio qui ne sont pas sans mérite, et qui témoignent
des études sérieuses que le compositeur, M. Meneau, violoniste atta-
ché au théâtre, a faites de son art.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„% Londres. — Au théâtre de Covent-Garden aussi bien qu'à celui de
Sa Majesté, les représentations de l'Opéra anglais sont interrompues
maintenant pour faire place aux Pantomimes de Noël. A Covent-Garden,
the Bride of song, ce ravissant petit chef-d'œuvre de Benedict, a bril-
lamment clos les représentations. A l'autre théâtre les dernières repré-
sentations ont été signalées par l'heureux début d'une toute jeune per-
sonne, miss Susan Galton, nièce et élève de miss LouisaPyne.— Charles
Adams, dont le succès a été si grand, vient de nous quitter, mais non
DE PARIS.
415
sans avoir signé avec la direction du théâtre royal anglais un engage-
ment de plusieurs années, qui commencera aussitôt que celui que le
célèbre ténor a contracté avec l'opéra de Berlin le lui permettra.— Par
contre, Mlle Tietjens est de retour à Londres, revenant de Hambourg,
sa ville natale, où des succès enthousiastes, notamment dans le rôle de
Fidelio, ont signalé sa présence Mme Arabella Coddard fait en ce mo-
ment les délices de la province ; des séries de séances qu'elle remplit
presque seule [Récitals) obtiennent le plus grand succès, et partout la
jeune, belle et célèbre pianiste est reçue avec enthousiasme.
t*„ Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie vient de nous donner la
première représentation de Bouchard d'Arcsnes, grand opéra en cinq
actes de M. Miry, que l'affiche nous promettait depuis quelque temps.
La salle était comble, et nous devons constater que le succès de cette
œuvre à Liège et à Gand vient d'être brillamment confirmé à Bruxelles,
Dans le compte rendu que nous en donnâmes au moment de son appa-
rition, nous en avons signalé les défauts et les qualités; nous en avons
aussi fait connaître les morceaux les plus saillants qui n'ont pas été
moins appréciés ici ; le chœur bachique surtout, par ses vigoureuses
sonorités et la franchise du rhythme, a été fort applaudi et on a dû le
répéter. M. Wicart a très-bien interprété le rôle principal ; M.i. Roudil
etCoulon, Mmes Moreau, Elmire et Alquier l'ont très-bien secondé; la
mise en scène, les costumes, les décors ne laissent rien à désirer; c'est
un spectacle magnifique. — Un nouveau ballet, l'Ile des Amours, a été
représenté lundi aux applaudissements unanimes de la salle; une dan-
seuse italienne, Mlle Emilia Laurati, qui faisait ses débuts, y a obtenu
un brillant succès. — On a mis à l'étude Lara, le nouvel opéra-comique
de Maillart.
*** Siultgard. — M. Leins, le célèbre architecte, à qui nous devons
déjà tant de beaux monuments, vient d'enrichir notre ville d'un nou-
veau chef-d'œuvre consacré à la musique. C'est une vaste salle que la so-
ciété de chant Liederkranz vient de faire censtruire, et dont l'inauguration
a eu lieu avec une grande pompe le H de ce mois. On est unanime a
reconnaître que jamais le problème de l'acoustique dans une salle de
concert n'a été mieux résolu; jusque dans les derniers coins de la salle,
jusque dans les corridors même pas une note des nombreux chœurs
qu'on exécutait à cette fête d'inauguration n'a été perdue. M. Leins a
été nommé par acclamation membre honoraire de la société. C'est à
notre connaissance la première fois qu'une société de chant fait cons-
truire et à ses frais; une salle spécialement destinée à ses réunions.
— La chapelle royale vient de donner son troisième concert d'abon-
nement au profit de son fODds de pension et pour célébrer en même
temps l'anniversaire de la naissance de Beethoven (17 décembre 1770).
Tous les morceaux étaient de Beethoven, et choisis de préférence
parmi les œuvres du maître qu'on a moins souvent l'occasion d'entendre.
En voici du reste l'intéressant programme : ouverture en ut, op. 124,
composé pour l'inauguration du théâtre de la Josephstadt à Vienne, 1822 ;
fantaisie pour piano et orchestre avec soli et chœurs, op. 80, exécutée
pour la première fois à Vienne en 1808; chant élégiaque, chœur à
quatre voix avec accompagnement de quatuor, publié en 1827; ouver-
ture du Roi Etienne, op. 117, composée pour l'inauguration du théâtre
de Pesth, en 1812, et enfin la symphonie n° 3 (Eroica), composée en 1801.
— Au second concert d'abonnement, une nouvelle composition instru-
mentale de Kucken, intitulée Ouverture de concert, a obtenu un succès
très-grand et très-raérité.
„,** Berlin. — La première représentation de l'opéra en quatre actes,
de.M. Uich&rd Wuerst, l'Etoile de luron, a eu lieu à l'Opéra royal le 14
de ce mois. On critique la charpente du libretto, mais on rend généra-
lement justice à la musique de M. Richard Wuerst, qui, sans être d'une
grande originalité, dénote cependant le musicien consommé et toujours
distingué. Du reste, le compositeur a eu le rare bonheur d'avoir pour
interprète principal de son œuvre, Mlle Pauline Lucca, et avec cet ap-
point le succès était certain. M. Wuerst est l'auteur de l'opéra Vinela
qui se joue avec un succès très-marqué sur plusieurs scènes de l'Alle-
magne. — L'inauguration du nouveau théâtre Wallner , construit par
M. Tietg, a eu lieu le 3 décembre. Le roi et la cour assistaient à la re-
présentation composée de pièces écrites pour la circonstance. On est
unanime à louer l'élégance et la magnificence de la nouvelle salle, mais
cette magnificence nVst pas en rapport avec le genre essentiellement
comique et burlesque des pièces qu'on y joue et qui ont fait la fortune
du théâtre et de son directeur. Qu'on s'imagine, pour se faire une idée
du contraste, le théâtre du Palais-Royal de Paris installé dans la salle
Ventadour !
*** Madrid. — A l'occasion d'un banquet donné au nouvel am-
bassadeur de France, M. Mercier, par Mme la comtesse de Montijo,
mère de S. M. l'impératrice des Français, un concert splendide
avait été organisé. Au nombre des artistes invités à y prendre part,
on remarquait le baryton Jules Lefort, de Paris, MM. Moderati et Ca-
sella, auxquels avait bien voulu se joindre Mme la baronne de Hortega,
douée d'un véritable talent d'artiste. Une grande composition de M. Mo-
derati, des mélodies irlandaises arrangées pour violoncelle et piano, et
des romances françaises, composaient le programme de cette belle soi-
rée, à laquelle assistaient les plus hautes notabilités de Madrid. — Quel-
ques jours après, Mario faisait au théâtre de l'Oriente une rentrée
splendide dans le Trovatore, escorté de Mmes Penco et Grossi et d'Aldi-
ghieri. Jamais la salle de l'Oriente n'avait retenti de pareils applaudisse-
ments, dont Mario, qui est adoré à Madrid, pouvait revendiquer la forte
part !
,% Saint-Pétersbourg, 5/17 décembre. — Avant-hier notre salle du
grand théâtre regorgeait de monde; il s'agissait du bénéfice de Mlle Mou-
ravieff, et c'était la première représentation du ballet nouveau com-
posé à cette occasion par Saint-Léon : Koniok Gorbounok. L'empereur et
tous les membres de la famille impériale présents à Saint-Pétersbourg
avaient voulu, en y assistant, témoigner à notre première ballerine
toute leur sympathie pour son talent. Malgré la longueur du ballet,
qui a duré quatre heures, les augustes personnages sont restés jusqu'à
la fin et ont témoigné à notre habile maître de ballets leur haute sa-
tisfaction. Le Koniok Gorbounok (le Cheval enchanté) est entièrement
puisé dans une légende populaire qui sert de prétexte au déploiement
de toutes nos danses nationales; le sujet, très-sympathique d'ailleurs,
est un tableau fidèle de nos us et coutumes, et par cela même il offrait
au chorégraphe de grandes difficultés, dont il a su victorieusement
triompher. Aussi le succès a-t-il été éclatant. Plusieurs pas ont été bis-
sés aux acclamations de la salle entière ■ c'est d'abord au premier acte,
dans la scène du marché russe, la danse pur sang des paysans ; au troi-
sième tableau, le pas de Mlle Mouravieff, entourée de sa cour et des né-
réides; au quatrième, un pas de la même artiste, dansé sur la romance
populaire du rossignol (Solovèi), et suivi d'une mazourka tout à fait
dans le caractère russe ; au dernier tableau de cet acte, un grand pas
mozaïque de tous les peuples soumis à l'empire de Russie, qu'on a dû
répéter trois fois ; enfin un grand pas final aussi admirablement dansé
par Mlle Mouravieff. Rarement notre grande scène avait vu une aussi
riche mise en scène, d'aussi beaux décors et des costumes aussi variés
et aussi splendides. On a particulièrement admiré au troisième tableau
la fontaine jaillissante aux mille couleurs, éclairée par la lumière élec-
trique, et au quatrième acte le grand aquarium avec bacchanale sous .
marine, et duel de deux poissons qui se consomment en grande quan-
tité chez nous, le yersch et le carass. La musique est de M. Pugni qui,
cette fois, s'est piqué d'honneur, et y a mis du nerf et de l'originalité.
Soixante-quatre répétitions ont été nécessaires pour monter cetle œuvre,
dans laquelle Saint-Léon a déployé de grandes ressources d'imagination,
de talent et de goût; tous nos artistes l'ont bravement secondé.
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