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Full text of "Revue et gazette musicale de Paris"

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TOE  ALLEIMl , 


BUREAUX    A    PARIS  :  BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


W  \. 


3  Janvier  1 


ON   S'ABONNE  : 

Dons  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

«hez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Librain 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  dei  Postai. 


REVUE 


GAZETTE  MU 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  fr.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  »       id. 
Étranger 34  »       id. 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


DE     PARIS 


1864  8im"    ANNEE  1864 

REVUE    ET    GAZETTE     MUSICALE 


Primes 


Offertes  aux  anciens  et  nouveaux  Abonnés. 


LE   SECOND    VOLUME 


RÉPERTOIRE  DE  MUSIQUE  10DER1 

Dont  le  premier  volume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année 

CE  VOLUME,  FORMAT  IIV-80,  CONTIENT  LE  CHOIX  '  SUIVANT  DE 


Un  recueil  contenant  six   Morceaux  de  Chant  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises. 


Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 

CARLOTTA    PA1XI. 


Nous  rappelons  à  nos  abonnés  de  Paris  que  ces  primes,  que  nous 
leur  offrons  à  titres  d'étrennes,  sont  à  leur  disposition,  et  nous  les 
prions  de  vouloir  bien  les  faire  prendre  dans  nos  bureaux. 

Nous  les  envoyons  franco  aux  abonnés  de  Province. 


SOMMAIRE.  —  Revue  de  l'année  1863,  par  Paul  Smith.  —  Théâtre  impé- 
rial de  l'Opéra  :  reprise  de  Moïse.  —  Lettres  de  Félix  Mendelssobn,  traduites 
par  J,  Duesberg.  —  Correspondance-.  Saint-Pétersbourg.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


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REVUE  DE  LAMEE  1863. 


Voilà  dix  fois  au  moins  que  nous  recommençons  le  compte  des 
ouvrages  nouveaux  représentés  dans  le  cours  de  l'année  dernière  sur 
les  théâtres  qui  sont  de  noire  ressort,  et  chaque  fois  que  nous  arri- 
vons au  total,  nous  croyons  toujours  nous  être  trompé  de  chiffres. 
Comment,  si  peu  de  nouveautés  et  tant  de  reprises  en  douze  mois  ! 
Le  tempérament  parisien  serait-il  donc  changé  tout  à  fait?  Eh  quoi! 
ce  sultan  blasé,  si  avide  de  primeurs,  ne  se  soucierait  plus  qu'on  lui 
en  servît  sur  sa  [table  ?  Mais,  au  contraire,  sa  préférence  serait  ac- 
quise auxf>mets  qu  il  aurait  déjà  vu  paraître  et  reparaître  ?  Et  comme 
il  ne  trouverait  de  saveur  qu'aux  choses  qu'il  aurait  déjà  goûtées,  il 
n'entendrait  avec  plaisir  que  celles  qu'il  aurait  déjà  entendues?  Car- 
minaprius  audita!  Si  telle  est  vraiment  la  disposition,  l'inclination 
actuelle  de  notre  public,  libre  à  lui  :  nous  n'avons  rien  à  dire;  mais 
on  nous  assure  qu'au  fond  il  n'est  pas  plus  content  qu'il  ne  faut,  et 
qu'il  se  plaint  à  tout  venant  de  ce  que  ses  théâtres  ne  font  plus  rien 
pour  lui  depuis  que,  grâce  aux  chemins  de  fer,  les  étrangers  et  les 
provinciaux  remplissent  incessamment  leurs  salles  et  leurs  caisses. 
Dans  un  tel  état  de  choses,  quoi  d'étonnant  à  ce  quo  les  auteurs  ré- 
clament à  grands  cris  la  liberté  des  théâtres  ?  De  quoi  vivraient  les 
jeunes  et  les  vivants,  si  l'on  persistait  à  ne  jouer  que  les  anciens  et 
les  morts?  Et  vous  verrez  que  les  spectateurs,  assez  indifférents  jus- 
qu'ici à  la  question,  finiront  par  se  mettre  de  la  partie  ;  car,  à  tout 
prendre,  un  peu  de  nouveau  ne  ferait  pas  mal  de  temps  en  temps, 
ne  fût-ce  que  pour  reposer  de  l'éternel  pâté  d'anguilles  ! 

Que  si  les  directeurs  se  plaignaient  à  leur  tour,  et  disaient  : 
«  De  quel  droit  nous  forcer  à  jouer  du  neuf,  quand  le  vieux  nous 
enrichit?  »  on  pourrait  leur  répondre  :  «  Le  cas  était  prévu  jadis  (et 
ce  jadis  ne  remonte  pas  bien  loin).  Il  y  avait  dans  le  cahier  des 
charges  de  certains  théâtres  un  petit  article,  qui  peut-être  y  est  en- 
core, et  qui  fixait  le  nombre  d'ouvrages  inédits  que  le  théâtre  de- 
vait monter  chaque  année.  Ce  petit  article  bien  innocent  suffisait  à 
tenir  les  directions  en  éveil:  jamais  on  ne  s'est  servi.'comme  d'un 
lacet,  pour  en  étrangler  une  seule.  Mais,  en  cas  de  négligence  ou  de 
paresse,  on  interrogeait  la  délinquante,  on  lui  demandait  ses  mo- 
tifs, et  s'ils  ne  semblaient  pas  valables,  on  l'invitait  à  montrer  un 
peu  plus  d'activité.  Si  cet  article  n'existait  pas,  il  faudrait  l'inven- 
ter, comme  garantie  contre  les  chemins  de  fer  et  les  avalanches 
de  prospérité  dont  ils  inondent  nos  théâtres.  » 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Qui  le  croirait  ?  Dans  tcute  l'année,  notre  grand  Opéra  n'a 
donné  que  deux  [nouveautés,  la  Mule  de  Pedro,  opéra  en  deux 
actes  de  MM.  Dumanoir  et  Victor  Massé,  et  Diavolina,  ballet  en  un 
acte  de  MM.  Saint-Léon  et  Pugni.  Encore  la  Mule  de  Pedro  s'est- 
elle  arrêtée  presque  à  son  départ,  et  l'on  ne  sait  si  jamais  elle  se 
remettra  en  route!  Mandé  à  la  barre,  M.  Emile  Perrin  se  défen- 
drait victorieusement  en  rappelant  que  'i  Mnellc  de  Porlici,  reprise 
le  19  janvier  1863,  a  tenu  la  scène,  attiré  la  foule  autant  et  plus 
qu'un  chef-d'œuvre  nouveau,  par  cette  simple  raison  que  les  chefs- 
d'œuvre  n'ont  pas  d'âge.  Voyez  Robert  le  Diable,  voyez  les  Hugue- 
nots, qui  plus  que  jamais  font  salle  comble  !  Ce  sont  là  certaine- 
ment des  circonstances  atténuantes,  et  le  directeur  de  notre  grand 
Opéra  n'en  manquerait  pas.  Un  nouveau  ténor,  Villaret,  a  débuté 
avec  éclat  dans  Guillaume  Tell  ;  et  puis  il  a  chanté  dans  le  Trou 
vère  et  dans  la  Juive.  On  a  repris  pour  Mlle  Sax  et  pour  lui  les 
Vêpres  siciliennes.  On  a  repris  le  Comte  Ory  pour  le  ténor  Warot, 
et  Giselle  pour  Mlle  Mourawieff.  Mlle  Titjens  a  passé  comme  un 
météore,  en  chantant  quatre  fois  de  suite  le  rôle  de  Valentine  des 
Huguenots.  Une  révolution  s'est  accomplie  dans  l'orchestre  :  M.  Geor- 
ges Hainl  en  est  devenu  le  chef,  en  remplacement  de  M.  Dietsch. 
Enfin,  la  reprise  de  Moïse  a  clos  pompeusement  l'année:  c'est  en- 
core une  excuse  pour  l'absence  d'un  nouveau  chef-d'œuvre.  Cepen- 
dant cela  ne  pourrait  pas  durer  toujours  ainsi.  Fasse  le  ciel  que  dans 
douze  mois,  à  pareil  jour,  nous  ayons  à  enregistrer  non  pas  moins 
d'excuses  de  ce  genre,  mais  pourtant  un  peu  plus  de  nouveautés  ! 

Au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  jamais  non  plus  le  contingent  des 
pièces  nouvelles  n'a  été  plus  mince.  Encore  si  la  qualité  eût  pu  en 
suppléer  la  quantité  !  Mais  quelle  pièce  que  l'Illustre  Gaspard,  un 
acte  de  MM.  Ouvert  et  Lauzanne,  mis  en  musique  par  M.  Eugène 
Prévost  !  l'Illustre  Gaspard  s'était  appelé  Un  capitaine  de  brigands 
au  Vaudeville,  d'où  il  n'eût  pas  dû  s'échapper.  Quelle  pièce  que 
la  Déesse  et  le  Berger,  deux  actes  de  MM.  Camille  Dulocle  et 
Jules  Duprato  !  Quelle  pièce  que  Bataille  d'amour,  trois  actes  de 
M.  Victorien  Sardou,  l'auteur  à  la  mode,  associé  à  M.  Karl  Daclin, 
poëte  lauréat,  et  à  M.  de  Vaucorbeil,  compositeur  vanté  dans  les 
salons  !  Quelle  déception  pour  le  nouveau  directeur  de  l'Opéra- 
Comique,  M.  de  Leuven,  à  qui  la  Déesse  et  le  Berger,  ainsi  que 
Bataille  d'amour,  avaient  été  transmis  dans  un  coffret  de  bois  de 
cèdre  comme  d'inimitables  chefs-d'œuvre  !  N'y  avait-il  pas  de  quoi 
lui  faire  prendre  en  grippe  tout  ouvrage  non  chargé  de  glorieux 
chevrons?  Aussi,  le  reste  du  temps,  ne  voulut-il  plus  entendre  parler 
d'oeuvre  nouvelle  ou  soi-disant  telle.  Probablement  il  ne  consentit  à 
jouer  les  Bourguignonnes,  un  acte  de  M.  Meilhac,  musique  de 
M.  Deffès,  que  parce  qu'elles  avaient  déjà  fait  leurs  preuves  à  Ems 
avec  cette  même  Mlle  Girard,  qui  en  profitait  pour  son  retour  à 
Paris  et  son  début  à  l'Opéra-Comique.  Pour  s'occuper,  sans  courir 
de  risque,  il  avait  déjà  repris  la  Chanteuse  voilée,  de  Victor  Massé; 
Zampa,  d'Hérold;  il  reprit  encore  la  Fausse  Magie,  de  Grétry  ;  il 
enleva  au  répertoire  de  l'ancien  théâtre  Lyrique  les  Amours  du 
Diable,  trois  actes  de  MM.  de  Saint-Georges  et  Grisar;  il  remit  à 
la  scène  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  d'Ambroise  Thomas.  Achard  y 
prit  le  rôle  de  Shnkspeare,  et  peu  après  ce  même  Achard  se  mon- 
tra dans  le  rôle  d'Horace  du  Domino  noir.  Le  jeune  roi  des 
Hellènes,  passant  par  Paris,  avait  demandé  le  chef-d'œuvre  de 
Scribe  et  Auber.  On  n'avait  que  deux  jours  pour  se  préparer  ;  sur 
quoi,  les  fortes  têtes,  les  experts  déclarèrent  sans  hésiter  que  la 
chose  était  impossible.  Mais  dans  l'administration  il  se  trouva  quel- 
qu'un qui  pensa  qu'au  contraire  la  chose  était  possible  et  devait  se 
faire  :  en  effet  elle  se  fit;  et  à  cette  heureuse  pensée,  à  cette  ferme 
volonté,  l'Opéra-Comique  dut  la  plus  fructueuse  des  reprises  de  l'an- 
née, une  reprise  qui  eut  pour  singulier  résultat  de  mettre  M.  Au- 
ber  en  concurrence  avec  lui-même  et   de  l'obliger  à  retarder  sa 


Fiancée  du  roi  de  Garbe,  afin  de  laisser  le  champ  libre  à  son  Domino 
noir.  Par  ces  causes,  l'année  1863  nous  a  dit  adieu  sans  que  nous 
ayons  pu  dire  bonjour  à  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  et  c'est  la  faute 
du  Domino  noir  si  l'Opéra-Comique  en  est  resté  à  ses  quatre 
pièces  nouvelles,  formant  ensemble  sept  actes,  dont  heureusement  un 
seul,  les  Bourguignonnes,  a  quelque  chance  d'être  repris. 

Vous  souvient-il  qu'en  1862,  tous  les  théâtres  lyriques  avaient 
changé  de  maître,  sauf  le  théâtre  Italien,  dont,  au  commencement  de 
1863,  le  chef  paraissait  en  pleine  jouissance  de  la  fortune  que  donne 
le  succès  et  de  la  sécurité  que  donne  la  fortune.  Mais  tout  à  coup  la 
direction  s'enfonce  dans  un  abîme,  et  à  la  place  d'un  théâtre  floris- 
sant on  n'aperçoit  plus  que  des  ruines,  parmi  lesquelles,  ce  qu'il  y  a 
de  plus  triste ,  ne  se  retrouvait  pas  la  subvention.  Alors  s'est 
présenté  un  homme  courageux,  que  le  terrible  sans  dot  n'a  pas 
effrayé.  M.  Bagier  avait  déjà  sauvé  l'Oriente  de  Madrid  :  d'une 
détestable  entreprise  il  en  avait  fait  une  excellente,  et  il  se  demanda 
pourquoi  il  ne  réussirait  pas  de  même  à  Paris.  Sans  sourciller  donc, 
il  se  mit  à  l'œuvre,  et  depuis  trois  mois  nous  avons  pu  voir  com- 
ment il  s'y  prenait.  Avant  sa  catastrophe,  son  prédécesseur  avait  eu 
le  temps  de  donner  trois  ouvrages  que  ne  connaissait  pas  notre 
scène  italienne,  /  Lombardi  alla  prima  Crociata,  musique  de  Verdi  ; 
la  Serva  padrona ,  musique  de  Pergolèse,  et  Alessandro  Stradella, 
musique  de  M.  Flotow,  partition  non  moins  élégante  et  mélodique, 
mais  plus  sérieuse  et  plus  large  que  celle  de  Marta. 

M.  Bagier  ne  nous  a  pas  encore  donné  d'ouvrages  nouveaux,  mais 
il  nous  a  fait  commître  de  nouveaux  artistes.  Il  y  a  gros  à  parier  que 
sans  lui  Fraschini  ne  se  serait  jamais  décidé  à  chanter  pour  nous, 
lui  qui,  la  veille  de  son  début,  offrait  de  rompre  son  traité  au  prix 
d'une  fortune.  M.  Bagier  nous  a  ramené  Mme  Anna  de  La  Grange, 
spécimen  accompli  de  l'art  du  chant,  type  de  la  distinction  comme 
femme  et  comme  artiste.  Un  chanteur  sans  rival  en  ce  moment,  une 
cantatrice  admirable,  c'est  déjà  quelque  chose,  et  nous  attendons 
avec  confiance  ce  que  nous  réserve  le  directeur  pour  la  seconde 
moitié  d'une  saison  dont  la  première  a  dû  avoir  des  moments  si 
laborieux,  si  difficiles. 

Comme  il  était  aisé  de  prévoir,  la  subvention,  perdue  pour  le  théâ- 
tre Italien,  ne  l'a  pas  été  pour  tout  le  monde.  Si  quelqu'un  y  avait 
des  droits  fondés  sur  des  titres  incontestables,  c'est  M.  Carvalho, 
qui  avait  porté  si  haut  le  drapeau  du  théâtre  Lyrique,  tandis  que  sa 
femme  soutenait  l'honneur  du  chant  français.  Les  100,000  francs  lu 
furent  donc  octroyés  à  partir  du  premier  jour  de  cette  année, 
et  l'on  peut  dire  qu'il  les  avait  gagnés  d'avance,  avec  quelques- 
uns  des  ouvrages  par  lui  mis  en  scène  depuis  douze  mois.  Voici 
d'ailleurs  la  liste  complète  de  ces  ouvrages,  parmi  lesquels  il  en 
est  dont  l'importance  et  la  valeur  n'ont  pas  besoin  d'être  signa- 
lées :  Ondine,  trois  actes,  de  MM.  Lockroy,  Mestepès  et  Théodore 
Semet;  Peines  d' amour  perdues ,  trois  actes,  paroles  de  MM.  Michel 
Carré  et  Jules  Bagier,  arrangées  sur  la  musique  de  Cosi  fan  tutte,  de 
Mozart;  les  Fiancés  de  Rosa,  un  acte  de  M.  Adolphe  Choler,  musique 
de  Mme  Clémence  Valgrand  ;  le  Jardinier  et  son  Seigneur,  un  acte 
de  MM.  Michel  Carré  et  Barrière,  musique  de  M.  Léo  Delibes  ;  pre- 
mière reprise  à'Oberon,  qui  fut  repris  une  seconde  fois  dans  la  saison 
suivante  ;  reprise  des  Noces  de  Figaro  pour  la  réouverture  du  mois 
de  septembre;  les  Pêcheurs  de  perles,  trois  actes  de  MM.  Michel 
Carré  et  Cormon,  musique  de  M.  Bizet,  l'un  des  plus  jeunes 
lauréats  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  ;  les  Troijens,  opéra  en  cinq 
actes,  paroles  et  musique  de  M.  Hector  Berlioz.  Quoi  qu'on  pense  et 
qu'on  dise  de  cette  œuvre  (utuneque  ferent),  devant  laquelle 
hésitait  notre  grand  Opéra,  l'avoir  résolument  accueillie  et  digne- 
ment fait  valoir,  c'est  un  trait  qui  distinguera  toujours  M.  Car- 
valho, et  lui  assignera  un  rang  à  part!  Après  les  Troyens,  nous 
avons  encore  à  citer  une  reprise  de  la  Perle  du  Brésil,  de  Félicien 


DE  PARIS. 


David,  et  la  première  représentation  d'une  traduction  française  de 
Rigolelto,  l'un  des  meilleurs  opéras  de  Verdi.  N'est-ce  pas  là  une 
année  qui  pourrait  compter  double  pour  le  travail,  sinon,  hélas  !  pour 
le  profit? 

Offenbach  s'est  lassé  à  la  fin  d'habiter  une  maison  aussi  petite  que 
celle  de  Socrate.  Il  avait  bien  assez  d'esprit,  personne  n'en  doute, 
pour  penser  comme  le  philosophe  : 

Plût  au  ciel  que  de  vrais  amis 
Telle  qu'elle  est,  dit-il,  elle  pût  être  pleine  ! 

Mais  comme,  au  demeurant,  les  vrais  amis  d'un  compositeur, 
d'un  auteur,  d'un  directeur,  sont  ceux  qui  payent  leur  place  au 
bureau ,  il  n'y  a  jamais  d'inconvénient  à  tâcher  d'en  augmenter  le 
nombre ,'  et  Offenbach  s'est  décidé  à  l'essayer,  en  élargissant  consi- 
dérablement les  proportions  de  son  domicile  dramatique.  Dans  quel- 
ques jours  la  nouvelle  salle  va  s'ouvrir  :  les  amis  y  viendront  en 
plus  grand  nombre  que  jamais,  et  s'y  trouveront  bien  plus  à  l'aise. 
Job  et  son  chien,  un  acte ,  de  MM.  de  Mestepès  et  Emile  Jonas  ; 
Madame  Pijgmalion,  un  acte,  de  MM.  Jules  Adenis,  Francis  Tourte  et 
Frédéric  Barbier  ;  tes  Bavards,  en  deux  actes,  de  MM.  Nuitter  et 
Offenbach ,  auront  été  les  dernières  productions  de  l'ancienne  serre 
chaude  ;  les  Bavards  surtout  demandaient  plus  d'air  et  d'espace. 
Encore  un  peu  et  ils  en  jouiront,  sans  préjudice  des  nouveautés,  dont 
la  floraison  s'annonce  comme  devant  être  riche  et  brillante. 

Parmi  les  événements  de  la  dernière  annéo,  comment  ne  pas  citer 
l'exécution  du  Requiem,  de  Mozart,  à  Notre-Dame,  exécution  due  au 
zèle  toujours  croissant,  toujours  infatigable  de  M.  le  baron  Taylor, 
président  de  l'Association  des  artistes-musiciens?  Comment  oublier 
celle  de  la  messe  de  Beethoven,  à  Saint-Eustache ,  pour  la  fête  de 
sainte  Cécile  ?  C'était  encore  M .  le  baron  Taylor  qui  présidait  à  la 
fête ,  et  c'était  M.  Pasdeloup  dont  le  bâton  conduisait  les  chanteurs 
et  l'orchestre  :  M.  Pasdeloup  qui,  par  sa  fondation  des  concerts 
populaires  de  musique  classique,  avait  si  bien  gagné  cette  croix, 
désormais  placée  sur  sa  poitrine  ! 

Tandis  que  les  concerts  populaires  ne  cessaient,  de  grandir  et  de 
prospérer,  il  est  arrivé  à  l'ancienne  Société  des  concerts  du  Conser- 
vatoire quelque  chose  d'assez  grave.  Nous  ne  parlons  pas  de  la 
retraite  de  son  honorable  chef  d'orchestre,  M.  Tilmant,  ni  de  l'élec- 
tion de  M.  Georges  Hainl,  comme  successeur  immédiat  de  M.  Til- 
mant, lequel  succédait  à  M.  Girard,  qui  lui-même  avait  hérité 
d'Habeneck.  Ce  que  nous  trouvons  bien  plus  surprenant,  c'est 
l'énorme  infraction  que  la  vieille  Société  a  faite  à  son  régime.  Elle  a 
osé  donner  deux  concerts  de  plus,  deux  concerts  en  dehors  de  ses 
habitudes,  deux  concerts  avant  le  mois  de  janvier  !  Voilà  pourtant 
ce  que  c'est  que  l'exemple  !  La  Société  s'est  enfin  aperçue  qu'il  y 
avait  moyen  de  donner  plus  de  sept  ou  huit  concerts  par  an.  M.  El- 
wart  le  lui  avait  conseillé  déjà,  mais  elle  n'en  tenait  compte.  Si,  par 
la  même  occasion,  elle  s'aperçoit  aussi  qu'il  n'est  pas  impossible  de 
varier  un  peu  ses  programmes,  tout  sera  pour  le  mieux. 

Dans  le  compte  des  opéras  nouveaux,  nous  en  avons  omis  trois, 
joués,  non  à  Paris,  mais  à  Bade  :  la  Fille  de  l'orfèvre,  de  M.  Mem- 
brée  ;  Volage  et  Jaloux,  de  Bosenhain  ;  Nahel,  de  M.  Litolff.  Chacun 
de  ces  ouvrages  a  eu  son  jour,  ou  ses  deux  jours  au  plus  :  c'est  le 
maximum  de  la  vie  des  nouveautés  dans  ce  rendez-vous  de  la  fas- 
hion  et  de  l'aristocratie  princière,  monarchique,  financière.  Les  com- 
positeurs semblent  y  avoir  adopté  l'axiome  mis  en  musique  par 
Boïeldieu  : 

Mais  en  tout,  même  en  amour, 
C'est  beaucoup  d'avoir  un  jour. 

Du  reste,  ce  qu'il  y  a  de  certain,  comme  l'écrivait  un  de  nos 
confrères,  c'est   qu'il  existe   désormais  une  nouvelle  classe  de  com- 


positeurs dramatiques  et  que  Bade  lui  a  donné  naissance.  Dans 
l'histoire  naturelle  ,  on  connaissait  les  Éphémères  :  on  n'avait  pas 
prévu  que  l'analogue  s'en  retrouvrait  de  notre  temps  dans  l'histoire 
musicale. 

Que  ce  mot  d'éphémères  nous  serve  de  transition  à  la  double 
liste  nécrologique  française  et  étrangère  qu'un  triste  devoir  nous 
oblige  à  tracer.  En  France,  près  de  nous,  d'un  jour  à  l'autre  on 
disparu,  Mmes  Damoreau,  Lmma  Livry,  Ida  Boullée,  Emile  Prudent, 
Stanislas  Verrroust,  Masini,  Henri  Boisseaux,  D.  Beaulieu,  Serda, 
Canaple,  Alfred  Dufresne,  Jules  Lovy,  Delécluze,  Pitre  Chevalier, 
Victor  Mabille,  Pierre-Joseph  Charrin,  doyen  des  chansonniers  fran- 
çais ;  Bruguière,  Mélanie  Dumont,  qui  s'intitulait  sur  ses  cartes,  élève 
dramatique  de  MM.  Auber  et  Halévy,  lauréat  (sic)  de  l'Opéra-Co- 
mique.  Les  étrangers  ont  salué  de  leurs  larmes  et  de  leurs  regrets 
Mmes  Schoberlechner,  Palmire  Tacchinardi,  Joseph  Mayseder,  Zi- 
zold,  Bayer,  Adolphe  Frédéric  Hesse,  Philippe  Hœrter,  John  Hamil- 
ton  Braham,  Gustave  Bock,  Frédéric  Beale,  A.  Cavos,  Charles  Schu- 
berth,  Davide,  André  Jaspar,  Schodel,  Hwmann  Wollenhaupt,  An- 
toine Roth,  Charles  Glover,  John  Hamilton,  Braham,  Grùnwald,  Fer- 
dinand Herber,  l'auteur  des  plus  beaux  lieder  suisses;  Bar  Wolff, 
élève  de  Spohr  et  maître  à  son  tour;  Muhldorfer,  le  décorateur  ma- 
chiniste du  Pardon  de  Ploërmel.  Sans  doute,  il  y  aurait  encore  bien 
des  noms  à  inscrire;  mais  notre  mémoire  ne  nous  en  fournit  pas 
davantage,  et  près  du  terme  de  cette  course  douloureuse,  nous  ne 
demandons  qu'à  nous  arrêter. 

Paul  SMITH. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

Reprise  die  MM<atse. 
(Lundi  28  décembre.) 

Moïse  est  depuis  longtemps  placé  au  rang  des  monuments  de  l'art 
musical;  tout  directeur  de  l'Opéra  qui  entre  en  fonctions  se  regarde 
comme  obligé  d'honneur  à  le  remettre  à  la  scène  et  à  lutter  contre 
ses  devanciers  par  sa  manière  de  faire  valoir  les  éternelles  beautés 
du  chef-d'œuvre.  Pour  notre  part,  ce  qui  nous  a  toujours  paru  le  plus 
merveilleux,  le  plus  extraordinaire,  c'est  qu'un  tel  chef-d'œuvre  ait 
pu  être  fait  eu  deux  fois  ;  c'est  que,  huit  ou  neuf  ans  après  avoir 
donné  son  admirable  Mosè  en  Italie,  Rossini  ait  eu  assez  de  courage 
pour  le  recommencer,  et  assez  de  génie  pour  l'élever  aux  propor- 
tions du  Moïse  dont  il  dota  la  France.  Que  dirait  le  poêle  Totola, 
primitif  et  naïf  auteur  du  libretto  dans  lequel  le  législateur  des 
Hébreux  joue  le  principal  rôle,  s'il  voyait  à  quel  point  son  œuvre 
s'est  agrandie  ?  On  sait  qu'en  France  ce  fut  Balocchi,  le  poëte  or- 
dinaire du  théâtre  Italien,  qui  eut  mission  de  traduire  littéralement 
le  texte  de  son  confrère  d'Italie;  et  comme  Balocchi  parlait  et  écrivait 
facilement  la  langue  française,  que  même  il  entendait  le  mécanisme 
de  notre  versification  ,  il  élait  aussi  chargé  de  brocher  une  espèce 
de  canevas  rimé,  que  M.  Jouy,  l'académicien,  transformait  en  pure 
poésie. 

Ainsi  fut  composé  notre  Moise,  dont  l'histoire  complète  fournirait 
un  gros  volume  ;  celle  de  ses  diverses  reprises  n'en  serait  pas  le 
moins  curieux  chapitre.  Nous  ne  parlerons  que  de  la  derrière,  en 
rappelant  toutefois  celle  qui  eut  lieu  au  mois  de  novembre  1852.  Dans 
l'origine,  en  1827,  voici  quelle  était  la  distribution  des  rôles  :  Levasseur 
tenait  celui  de  Moïse,  Dabadie  celui  de  Pharaon,  Adolphe  Nourrit 
celui  d'Aménophis ,  Mme  Damoreau  chantait  le  rôle  d'Anaï  dans 
lequel  Mlle  Falcon  lui  succéda  en  1832.  C'était  Mme  Dabadie  qui  re- 
présentait Sinaïde,  mère  d'Aménophis,  et  Mlle  Mori,  la  mère  d'Anaï. 


REVDE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


En  1852,  Obin ,  Morelli,  Gueymard,  Mmes  Laborde,  Poinsot,  Duez, 
remplaçaient  tous  ces  artistes,  et  aujourd'hui  Obin  seul  est  resté  à 
son  poste:  Faure,  Warot,  Mlles  Marie  Battu,  de  Taisy  et  Godfrend 
remplacent  les  autres. 

Dans  le  rôle  de  Moïse,  sans  égaler  jamais  Levasseur,  Obin  s'en  est 
approché  autant  que  possible,  et  nul  n'était  plus  capable  que  lui  de 
s'y  montrer  encore.  Si  sa  voix  a  parfois  quelques  légères  défaillances, 
elle  a  conservé  néanmoins  assez  d'énergie  et  d'ampleur  pour  bien 
rendre  la  note  et  l'expression;  sa  taille  élevée,  sa  tête  noble  et 
sévère,  ses  gestes  imposants  achèvent  de  lui  imprimer  le  carac- 
tère sous  lequel  nous  avons  l'habitude  de  nous  le  figurer.  Faure 
n'est  pas  moins  bien  placé  dans  le  rôle  de  Pharaon  ;  il  chante  mieux 
que  Dabadie  et  que  Morelli,  et  s'il  avait  un  Rubini  pour  partenaire 
dans  le  fameux  duo  Parlar,  speigar  (en  français  :  cruel  moment,  que 
faire?),  il  ne  laisserait  nullement  regretter  l'excellent  Tamburini. 
Malheureusement,  Warot  ne  possède  pas  une  voix  assez  bonne  pour 
qu'on  dise  de  Faure  et  de  lui  et  caniare  parcs!  De  plus  il  était  déjà 
souffrant  le  premier  jour  de  la  reprise,  et  l'émotion  a  dû  empirer  son 
mal.  Il  a  donc  fallu  suspendre  l'ouvrage  en  attendant  que  l'artiste  soit 
remis. 

Venons  à  Mlle  Marie  Battu,  qui  débutait  dans  le  rôle  d'Anaï,  ce 
rôle  successivement  chanté  par  Mmes  Damoreau,  Falcon,  Laborde, 
et  enfin  par  Mme  Bosio.  Hàtons-nous  de  dire  que  le  succès  de  la 
jeune  cantatrice  a  été  l'événement  de  la  soirée,  et  qu'une  transfor- 
mation a  paru  s'être  opérée  à  son  avantage  dans  sa  personne  non 
moins  que  dans  sa  voix.  Au  premier  acte,  c'était  à  peine  si  l'on 
pouvait  la  reconnaître,  tant  son  costume  hardiment  juif  la  rend 
différente  de  ce  que  nous  l'avions  vue.  On  cherchait  la  jeune  fille 
svelte,  élancée  :  on  retrouvait  presque  une  femme  forte.  Et  sa  voix 
n'a  pas  subi  une  moindre  métamorphose  :  quoique  toujours  souple 
et  légère,  elle  semble  avoir  pris  un  timbre  et  un  accent  qu'elle 
n'avait  pas.  Mlle  Marie  Battu  a  dit  son  air  du  quatrième  acte,  non- 
seulement  en  cantatrice,  mais  en  actrice,  ce  que  pas  une  de  ses 
devancières  n'avait  fait  aussi  bien.  Maintenant  il  ne  reste  qu'à  voir 
si  les  autres  rôles  du  grand  répertoire  lyrique  lui  sont  aussi  fa- 
vorables que  celui  d'Anaï,  et  si  réellement  sa  voix  peut  en  porter 
le  poids  sans  effort  ni  fatigue. 

La  mère  d'Aménophis  n'a  qu'un  air  à  chanter,  et  Mlle  de  Taisy 
s'en  est  acquittée  à  merveille.  Pourquoi  le  costumier  n'a-t-il  pas 
mieux  habillé  Mlle  Godfrend  ?  Pour  elle  et  pour  Warot,  il  y  a  lieu 
de  demander  une  révision  totale,  avec  d'autant  plus  de  droit  qu'en 
général  les  costumes  sont  fort  beaux.  Les  décors  sont  aussi  d'une 
grandeur  et  d'une  splendeur  éminemment  bibliques. 

Nous  n'avons  que  des  éloges  pour  l'exécution  musicale  du  chef- 
d'œuvre  ;  l'orchestre  et  les  chœurs  ont  fort  bien  marché  sous  la 
direction  de  Georges  HainI,  et  le  magnifique  finale  du  troisième  acte 
a  produit  tout  son  effet.  Nous  n'en  saurions  dire  autant  du  passage 
de  la  mer  Rouge,  dont  nous  ne  concevons  pas  très-nettement  les 
évolutions  nautiques. 

Dans  le  divertissement  du  troisième  acte,  une  jeune  et  jolie 
ballerine,  Mlle  Fioretti,  se  produisait  en  compagnie  de  Mlles  Vernon 
et  Fonta.  La  variation  de  Mlle  Vernon,  tirée  du  Siège  de  Corinthe, 
a  pour  accompagnement  la  flûte  de  Dorus  ;  mais  la  musique  sur 
laquelle  danse  Mlle  Fioretti  n'est  pas  de  Rossini  :  c'est  un  air  de  valse 
de  Labitski  ou  Lanner,  orchestré  d'une  main  habile.  Il  n'y  a  que 
les  grands  maîtres  pour  laisser  prendre  avec  eux  de  telles  licences. 


P.  3. 


LETTRES  DE  FÉLIX  BffiBDELSSOHN 

(Suite.) 
A  Fanny  Henselt  (1),  à  Berlin. 

Leipzig,  14  février  1841. 

Salut  et  fraternité.  (En  français  dans  le  texte.) 

As-tu  lu  la  lettre  courroucée  que  l'empereur  de  Chine  a  écrite  à 
Lin  avec  son  pinceau  cramoisi  ?  Si  c'était  la  mode  chez  nous,  je 
t'écrirais  avec  le  pinceau  vert  ou  avec  le  pinceau  bleu  de  ciel,  ou  de 
toute  autre  couleur  exprimant  la  joie  —  pour  te  remercier  de  ton  ex- 
cellente épître  à  l'occasion  de  l'anniversaire  de  ma  naissance.  Je  te 
dois  également  des  remercîments  pour  l'intérêt  que  tu  prends  au  Ddèle 
Eckert.  Sans  doute,  c'est  maintenant  un  très-bon  musicien  pouvant  se 
rendre  utile.  C'est  là  le  point  essentiel,  au-delà  duquel  personne  ne 
devrait  s'inquiéter  des  autres,  d'après  mon  opinion  (que  je  conserve 
parfois  pendant  vingt-quatre  heures).  Que  quelqu'un  devienne  plus 
tard  un  homme  extraordinaire,  unique,  etc.,  c'est  là  une  affaire  à  part. 
Mais  tout  homme  dans  le  monde  doit  être  bon  à  quelque  chose  et  sa- 
voir son  métier,  et  celui  qui  ne  le  sait  pas  doit  être  honni,  depuis 
le  savetier  jusqu'au  maréchal  de  la  cour. 

Ne  me  parle  plus  de  tes  séances  musicales  du  dimanche  :  c'est 
vraiment  une  honte  et  une  abomination  que  je  ne  les  aie  pas 
entendues.  Mais  si  cela  me  fâche,  à  ton  tour  tu  dois  regretter  de 
n'assister  à  aucun  de  nos  brillants  concerts  d'abonnement.  Je  t'as- 
sure que  nous  rayonnons  du  plus  vif  éclat  —  des  feux  du  Bengale  ! 
Dans  notre  dernier  concert  historique  (Beethoven),  M.  Schmidt  fut 
pris  d'une  indisposition  subite  qui  l'empêcha  de  chanter.  Au  milieu 
de  la  première  partie,  David  s'écrie  :  «  La  Devrient  qui  est  là-haut  !  » 
Elle  était  arrivée  le  matin  par  le  chemin  de  fer,  et  devait  repartir  le 
lendemain.  Pendant  l'entr'acte  je  monte,  je  me  fais  gentil  ;  elle  con- 
sent à  chanter  Adélaïde.  On  apporte  un  vieux  piano  sur  l'estrade  ; 
il  y  eut  quatre  salves  d'applaudissements  ;  on  se  doutait  de  la  pré- 
sence de  Mme  Devrient.  Elle  arriva  dans  un  piètre  costume  de 
voyage,  et  Leipzig  se  mit  à  pousser  des  cris  de  joie  et  des  hurle- 
ments sans  fin.  Elle  ôta  son  chapeau  coram publico ,  et  montra,  toute 
confuse,  son  paletot  noir  ;  —  je  crois  qu'ils  applaudissent  encore.  Elle 
chanta  fort  bien  ;  on  sonna  des  fanfares,  et  l'on  applaudit  tant  et  si 
longtemps,  que  du  paletot  noir  on  n'apercevait  plus  le  moindre 
ruban.  La  prochaine  fois  nous  donnerons  pêle-mêle  du  Molique,  du 
Kalliwoda  et  du  Lipinski. 

Quant  aux  temps  qu'il  faut  prendre  dans  mon  psaume,  tout  ce  que 
je  puis  te  dire,  c'est  qu'au  passage  où  il  est  question  du  Jourdain,  il 
serait  bon  que  le  chœur  eût  des  mouvements  d'oscillation,  pour 
simuler  les  modulations  des  vagues  ;  ici  nous  produisons  cet  effet. 
Quant  aux  autres  temps,  informe- toi  auprès  de  G***  ;  il  s'y  entend 
très  bien.  Je  proposerais  toutefois  d'exécuter  le  dernier  morceau  sur 
un  mouvement  très-lent,  parce  qu'il  est  dit:  Louez  le  Seigneur  à 
tout  jamais.  11  faut  que  ça  dure  le  plus  longtemps  possible.  Que  Dieu 
me  pardonne  cette  mauvaise  plaisanterie! 


Au  chef  aV  orchestre  Ferdinand  David. 

Berlin,  21  octobre  1841. 

Merci  à  toi  d'avoir  lu  sur-le-champ  Ântigone.  Je  savais  d'avance 
qu'elle  te  plairait  énormément,  si  tu  la  lisais,  et  c'est  précisément 
l'impression  qu'elle  m'a  laissée  qui  est  cause  que  cela  s'est  fait.  Tout 
le  monde  en  pariait,  et  personne  ne  voulait  commencer;  il  était  ques- 


(1)  Sœur  de  Mendelssohn;  elle  avait  épousé  le  pianiste  Henselt,  et  sa  mort  f 
maturée  hâta  la  fin  de  son  illustre  frère. 


DE  PARIS. 


tion  d'attendre  jusqu'à  l'année  prochaine;  et  comme  cette  œuvre 
magnifique  m'avait  fortement  saisi,  j'en  parlai  au  vieux  Tieck,  et  je 
lui  dis  :  «  Maintenant  ou  jamais  !  »  —  Tieck  fut  aimable  et  me  re- 
pondit :  «  maintenant  !  »  et  je  me  rais  à  composer  à  cœur  joie.  Nous 
avons  deux  répétitions  par  jour,  et  les  chœurs  marchent  à  ravir. 

Tout  Berlin  croit  naturellement  que  nous  faisons  les  malins,  et  que 
j'écris  les  chœurs  pour  être  bien  en  cour,  musicien  de  la  cour  ou 
fou  de  la  cour.  Au  contraire,  au  commencement  je  ne  voulais  pas 
rn'embarquer  du  tout  dans  cette  affaire;  mais  l'œuvre  est  si  admira- 
blement belle  qu'elle  me  fit  oublier  tout  le  reste,  et  qu'elle  ne  me 
laissa  que  le  vif  désir  de  la  voir  représentée. 

C'était  un  magnifique  sujet,  et  j'y  ai  travaillé  avec  joie  et  de  tout 
cœur.  Ce  qui  me  frappa,  ce  fut  de  voir  combien  il  y  a  dans  l'art 
des  choses  d'une  beauté  inaltérable.  Le  sentiment  exprimé  dans  les 
chœurs  est  encore  aujourd'hui  tout  à  fait  musical,  et  offre  une  diver- 
sité à  souhait  pour  la  composition.  Si  seulement  il  n'était  pas  diffi- 
cile dans  ce  pays-ci  de  se  former  une  opinion  vraie  sur  une  œuvre  ! 
D'ordinaire  on  ne  rencontre  que  d'impudents  flatteurs  et  des  critiques 
tout  aussi  impudents,  et  les  uns  et  les  autres  vous  font  prendre  tout 
d'abord  toute  chose  en  dégoût.  Jusqu'ici  je  n'ai  encore  eu  affaire  qu'à 
des  admirateurs;  après  l'exécution  vont  venir  sans  doute  les  savants, 
qui  me  démontreront  comment  j'aurais  dû  écrire  si  j'avais  été  Ber- 
linois. 


A  sa  mère. 


Londres,  51  juin  1842. 

Si  ma  lettre  a  aujourd'hui  un  air  fatigué,  déhanché,  elle  rend 
parfaitement  mes  sensations.  Mais  c'est  qu'aussi  ils  ont  poussé  les 
choses  trop  loin.  A  l'orgue,  dans  la  Christchurch,  j'ai  pensé  étouffer, 
tant  il  y  avait  de  cohue  autour  de  la  banquette;  quelques  jours  après, 
à  Exeter-Hîll,  où  j'ai  dû  jouer  devant  trois  mille  personnes,  qui  me 
saluèrent  d'un  hourrah,  et  agitaient  leurs  mouchoirs,  et  trépignaient, 
que  la  salle  en  tremblait.  D'abord  je  n'en  ressentis  pas  de  mal,  mais 
le  lendemain  j'avais  la  tête  lourde  comme  après  une  nuit  blanche. 
Avec  cela,  la  belle  et  toute  charmante  reine  Victoria,  qui  est  si  aima- 
ble et  si  polie,  avec  un  air  virginal  et  timide,  qui  parle  si  bien  alle- 
mand, et  qui  connaissait  toutes  mes  œuvres  :  les  lieder  sans  paroles 
et  les  lieder  avec  paroles,  et  la  symphonie. 


mes  Hébrides  à  la  Société  philharmonique,  où  l'on  me  reçoit  comme 
un  vieil  ami,  et  où  ils  ont  joué  avec  un  dévouement  qui  m'a  causé 
la  joie  la  plus  vive.  On  fait  un  tel  «  scandale  »  à  mon  sujet,  que 
j'en  suis  tout  ahuri  ;  je  crois  qu'après  le  concerto,  ils  ont  applaudi 
et  trépigné  pendant  dix  minutes,  et  on  a  bissé  les  Hébrides.  Les  di- 
recteurs me  donnent  un  dîner,  la  semaine  prochaine,  à  Greenwich  : 
nous  descendrons  la  Tamise  en  corps  et  il  y  aura  des  speeches.  11 
est  question  d'exécuter  Antigone  à  Covenl-Garden,  dès  qu'on  aura 
pu  se  procurer  une  bonne  traduction. 

Dernièrement,  j'arrive  à  un  concert  à  Exeterhall,  où  je  n'avais 
que  faire  :  j'entre  sans  façon  avec  Klingemann.  On  était  déjà  au 
milieu  de  la  première  partie;  il  y  avait  environ  trois  mille  personnes. 
A.  peine  ai-je  franchi  le  seuil,  voilà  qu'il  se  fait  un  vacarme;  on  ap- 
plaudit, on  crie,  on  se  lève.  D'abord,  je  ne  croyais  pas  que  ce 
fût  à  moi  qu'on  en  voulait.  Je  ne  m'en  aperçus  que  quand  j'arrivai 
à  ma  place ,  et  que  je  vis  sir  Robert  Peel  et  lord  Warnclifî,  tout 
près  de  moi,  qui  applaudissaient,  et  que  je  dus  me  lever  et  faire 
des  révérences.  J'étais  crânement  fier  de  ma  popularité  en  présence 
de  Peel.  A  mon  départ,  après  le  concert,  on  me  gratifia  d'un  nou- 
veau hurrah 

Et  avec  quel  talent  mistress  Butter  nous  a  lu  dernièrement  chez 
Chorley,  Antoine  et  Cléopdtre,  de  Shakspeare  !  Et  lady  Morgan  y 
était,  et  Winterhalter,  et  Duprez;  celui-ci  nous  a  chanté  ensuite  une 
romance  française  «  d'un  vieux  mendiant  qui  avait  si  grand  faim  » 
et  une  autre  «  d'un  jeune  homme  qui  est  sur  le  point  de  perdre 
la  raison  :  le  vent  qui  vient  à  travers  la  montagne,  etc.  »  — 
Stveet  I  dirent  les  dames  ;  et  il  y  avait  Bénédict,  et  Moschelès,  et 
Groot:  qui  peut  les  compter  tous?  —  J'ai  renoncé  au  festival  de 
la  Haye,  quoiqu'on  m'ait  beaucoup  tourmenté  pour  me  décider  à 
assister  à  l'exécution  de  mon  hymne. 

Il  faut  que  je  finisse.  A  un  joyeux  revoir,  très- chère  mère,  très- 
chères  sœurs. 

Traduit  par  J.  DUESBERG. 


Lettre  à  sa  mère. 

En  effet,  hier  au  soir,  j'ai  été  chez  la  reine,  qui  se  trouvait  pres- 
que toute  seule  avec  le  prince  Albert,  et  qui  s'assit  auprès  du  piano 
et  m'écouta  jouer:  d'abord,  sept  romances  sans  paroles,  puis  la  Sé- 
rénade  ;  puis  deux  improvisations  sur  Rule  Britannia,  et  la  Chasse 
sauvage  de  Lulzow  et  le  Gaudeamus  igitvr.  Ce  dernier  morceau 
était  tant  soit  peu  scabreux,  mais  je  n'osais  pas  trop  faire  d'observa- 
tions, et  puisqu'on  me  le  demandait,  je  pouvais  bien  le  jouer.  Avec 
cela,  cette  belle  galerie  au  palais  Buckingham,  où  elle  prenait  le 
thé,  et  où  il  y  a  deux  poses  de  Paul  Potter,  et  plusieurs  autres  ta- 
bleaux que  je  trouvais  également  à  mon  goût;  puis  ma  symphonie 
en  la  mineur  qui  eut  beaucoup  de  succès  ;  en  outre,  un  accueil  bien- 
veillant et  une  prévenance  aimable  qui  surpassent  tout  ce  que  j'ai 
jamais  vu  en  fait  d'hospitalité  :  tout  cela  me  fait  tourner  la  tête  par 
moment,  et  il  faut  que  je  me  prenne  à  deux  mains  pour  ne  pas  la 
perdre. 

Le  22  juin.  —  Aujourd'hui,  je  puis  continuer  allègrement  ma 
lettre;  le  sommeil  m'a  remis  de  mes  fatigues,  et  me  voilà  frais  et 
dispos.  Hier  soir,  j'ai  joué  mon  concerto  en  ré  mineur  et  j'ai  dirigé 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg,  17/29  décembre  1S63. 

Jeudi  dernier,  12/24  décembre  a  été  donné  un  de  ces  splendides 
ballets  que  la  direction  des  théâtres  impériaux  monte  d'ordinaire  avec 
un  luxe  oriental.  Il  a  pour  titre  la  Belle  du  Liban  ou  le  Génie  des  mines. 
Composé  et  réglé  par  Marius  Petipa,  il  était,  représenté  pour  la  première 
fois  à  son  bénéfice  devant  S.  M.  l'empereur,  et  les  grands-ducs  hono- 
raient de  leur  présence  le  nouveau  ballet,  dans  lequel  Mme  Petipa  rem- 
plissait le  principal  rôle. 

Le  succès  qu'a  obtenu  sur  la  scène  de  votre  Opéra  notre  charmante 
danseuse  rendra  saDS  doute  intéressants  quelques  détails  sur  cette  re- 
présentation. 

Le  sujet,  ainsi  que  l'Indique  le  titre,  est  fantastique  et  se  lie,  quoi- 
qu'assez  indirectement,  à  la  collision  sanglante  des  Druses  et  des  Maro- 
nites, qui  impressionna  si  vivement  l'Europe  chrétienne  il  y  a  quelques 
années.  M.  Petipa  y  a  surtout  cherché  le  prétexte  de  belles  décorations, 
de  costumes  magnifiques  et  de  danses  pittoresques  empruntées  aux 
mœurs  et  habitudes  de  ces  peuplaies.  Sous  ce  rapport  il  a  complète- 
ment réussi.  Quant  à  l'action  en  elle-même,  elle  manque  d'originalité 
et  n'offre  qu'un  médiocre  intérêt. 

Ce  ballet,  qui  ne  dure  pas  moins  de  quatre  heures,  abonde  en  pas  de 
toutes  sortes.  Plusieurs  sont  trop  longs  etdevront  être  raccourcis,  sinon 
coupés  entièrement.  Ceux  que  nous  avons  le  plus  remarqués  sont  :  un 
pas  des  montagnards  du  Liban  ;  le  caractère  en  est  très-original  et  d'un 
effet  pittoresque  :  il  a  été  fort  bien  dansé,  surtout  par  une  jeune  dan- 
seuse, Mlle  Matleïeva,  qui  donne  les  plus  belles  espérances;  on  l'a  fort 
applaudie  et  plusieurs  fois  redemandée.  Le  pas  des  derviches  tourneurs 
a  fait  rire ,  mais  il  n'est  pas  nouveau  ;  la  marche  nuptiale  a  un  cachet 
de  vérité  qui  a  fort  intéressé  ;  nous  aimons  beaucoup  moins  la  marche 
des  gnomes  et  des  minéraux,  imitée  du  beau  ballet  Flick  H  Flock  du 
théâtre  de  Berlin  et  qui  est  loin  de  la  valoir.  Le  grand  pas  des  odalis- 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ques  ressemble  à  tous  les  pas  où  des  écharpes  de  gaze  rose,  bleue  ou 
verte,  jouent  le  principal  rôle.  Nous  ne  dirons  rien  non  plus  d'un  pas  de 
minéraux  et  de  pierres  précieuses,  représentés  par  des  danseuses,  l'épée 
à  la  main,  et  qui  consiste  en  évolutions  militaires  commandées  par  le 
diamant,  pour  arriver  de  suite  à  deux  pas  délicieux  dansés  par  MmePe- 
tipa,  avec  le  talent  que  vous  lui  connaissez  :  l'un,  le  pas  de  la  char- 
meuse, est  l'assemblage  le  plus  complet  de  la  force  et  de  la  grâce  ;  les 
difficultés  accomplies  par  la  célèbre  ballerine  surpassent  tout  ce  qu'on  peut 
imaginer,  sans  trahir  un  instant  de  peine  ou  de  fatigue.  Aussi  a-t-elle 
été  saluée  par  des  bravos  unanimes,  accompagnés  de  nombreux  bouquets 
et  des  compliments  de  l'empereur. 

te  grand  pas  de  la  Colombe,  dans  lequel  Mme  Petipa  voltige  autour 
d'un  massif  de  roses,  ne  lui  a  pas  moins  réussi  et  aurait  suffi,  avec  le 
précédent,  pour  assurer  le  succès  de  la  soirée  si,  comme  je  vous  l'ai 
dit,  l'ensemble  de  la  mise  en  scène,  la  richesse  et  la  variété  des.  cos- 
tumes, la  beauté  des  décorations,  dont  l'une,  représentant  le  palais 
souterrain  du  génie  des  mines,  s'engloutit  tout  d'une  pièce  dans  le  troi- 
sième dessous,  pour  faire  place  aux  jardins  enchantés  dans  lesquels 
s'ébattent  les  colombes  et  les  colibris,  ne  composaient  pas  un  spectacle 
fait  pour  attirer  la  foule.  Si  je  ne  vous  ai  pas  encore  parlé  de  la  mu- 
sique, c'est  qu'elle  ne  m'a  pas  paru  digne  du  talent  de  M.  Pugni,  qui  a 
fait  souvent  beaucoup  mieux.  Elle  manque  de  couleur,  souvent  de  viva 
cité.  Tout  le  monde  a  remarqué  aussi,  dans  la  scène  des  deux  Sosie, 
une  contradiction  choquante  entre  l'orchestre  et  la  scène.  Au  moment 
où  le  génie  des  mines  change  en  musiciens  Beschir  et  ses  compagnons, 
il  eût  été  naturel,  puisqu'ils  se  mettent  à  jouer  de  la  flûte,  que  l'accom- 
pagnement fît  entendre  les  sons  de  cet  instrument.  Au  lieu  de  cela, 
c'est  le  violon,  doublé  du  violoncelle,  qui  concerte  avec  lui,  à  qui  mieux 
mieux;  il  est  vrai  qu'une  demi-heure  après,  le  célèbre  flûtiste  Ciardi 
exécute,  aux  applaudissements  de  la  salle  entière,  un  magnifique  solo  ; 
cela  fait  compensation  ! 

Samedi  14/26,  une  représentation  de  retraite  était  donnée  au  béné- 
fice de  la  deuxième  basse  de  notre  théâtre  Italien,  Cecconi.  Le  spectacle 
se  composait  d'actes  divers,  d.7  Puritari,  il  Barbiere,  la  Favorila,  et  de 
fragments  iïUn  Ballo  in  maschera,  de  Giovanna  di  Gusman,  etc.  Les  hon- 
neurs de  la  soirée  ont  été  pour  Calzolari,  qui  a  délicieusement  chanté 
le  rôle  du  comte  Almaviva,  et  pour  Mme  FiorettI,  très  applaudie  après 
le  boléro  du  quatrième  acte  de  Giovanna  di  Guzman. 

S.  D. 


NOUVELLES. 

„%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  été  empêché,  par  une  indisposi- 
tion de  Warot,  de  donner,  comme  il  l'avait  annoncé,  trois  représentations 
de  Moïse  pendant  la  semaine  passée.  La  Favorite  et  la  Juive  ont  donc 
été  jouées  mercredi  et  vendredi,  et  demain  aura  probablement  lieu  la 
deuxième  représentation  de  Moïse.  —  Aujourd'hui  dimanche,  par  extra- 
ordinaire, Robert  le  Diable. 

„*»  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice,  qui  ont  assisté  à  la  repré- 
sentation de  Moisc.  ont  fait  appeler  après  le  quatrième  acte  M.  Emile 
Perrin,  pour  lui  témoigner  toute  leur  satisfaction  et  le  charger  d'en 
transmettre  l'expression  aux  artistes  et  spécialement  à  la  débutante, 
Mlle  Marie  Battu. 

,%  La  première  représentation  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  qui 
avait  été  d'abord  annoncée  pour  lundi  dernier,  en  concurrence  avec 
Moïse,  paraît  maintenant  ajournée  et  peut-être  jusqu'au  9  janvier.  On  dit 
que  c'est  S.  M.  l'Empereur  qui  aurait  lui-même  demandé  ce  retard  à 
M.  Auber  et  aurait  témoigné  l'intention  d'assister  avec  S.  M.  l'Impéra- 
trice à  cette  solennité. 

,,*„  Adelina  Patti  va  rentrer  au  théâtre  Italien  par  le  rôle  d'Amina 
de  la  Sonnambida.  Nicolini  y  chantera  le  rôle  d'Elvino. 

„.%  On  annonco  que  Mme  Charton-Demeur  vient  d'être  engagée  au 
théâtre  italien. 

3%  La  reprise  û'Un  Ballo  in  maschera  n'a  pas  été  aussi  bonne  qu'on 
pouvait  l'espérer.  Fraschini  seul  s'y  est  montré  ce  qu'il  est  toujours, 
et  il  a  constamment  enlevé  les  bravos. 

»*»  Mme  Trebelli-Bettini  et  M.  Bettini  sont  de  retour  à  Paris. 

»%  Mme  Cabel,  à  peine  rétablie  de  son  indisposition,  avait  reparu  à 
Lyon  dans  le  rôle  de  Dinorah  du  Pardon  de  Ploërmel,  et  l'œuvre  et  la 
cantatrice  avaient  été  accueillis  de  la  façon  la  plus  enthousiaste.  Mal- 
heureusement Mme  Cabel  avait  trop  présumé  de  ses  forces,  et  une  re- 
chute a  obligé  le  théâtre  d'interrompre  les  représentations  du  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer. 

»%  La  reprise  de  Faust  a  eu  lieu  hier  samedi  au  théâtre  Lyrique. 

„*„  On  annonce  l'ouverture  de  la  nouvelle  salle  des  Bouffes-Parisiens 
pour  demain  lundi . 


„.*„.  Carlotta  Patti  va  quitter  Paris  et  donner  son  premier  concert,  le 
7  janvier,  au  théâtre  de  la  Monnaie,  à  liruxelles.  Il  est  probable  que  le 
public  parisien  aura  l'occasion  d'entendre  la  célèbre  cantatrice  pen- 
dant cette  saison  dans  l'un  des  concerts  du  Conservatoire,  au  concert 
populaire  du  vendredi-saint  et  dans  une  représentation  extraordinaire 
de  l'Opéra. 

*%  Thalberg  était  à  Paris  la  semaine  passée.  Après  avoir  donné  cent 
neuf  concerts  à  Londres  et  dans  les  provinces  anglaises ,  et  récolté 
autant  d'argent  que  de  gloire,  il  retourne  à  Naples. 

„,*.,,  L'une  des  meilleures  élèves  de  Prudent,  Mlle  Louise  Murer,  dont 
nous  avotis  eu  souvent  occasion  d'apprécier  le  beau  talent ,  donnera 
dans  la  première  quinzaine  de  ce  mois  un  concert  à  grand  orchestre, 
où  elle  exécutera  le  dernier  concerto  et  la  Danse  des  fées  de  son  excel- 
lent maître. 

»%  Dans  la  dernière  matinée  musicale  de  M.  Lebouc,  à  laquelle  as- 
sistait un  brillant  auditoire,  on  a  beaucoup  applaudi  M.  Georges 
Pfeiffer,  qui  a  joué  avee  son  talent  habituel  le  concerto  en  ut  mineur 
de  Beethoven.  Le  sextuor  d'A.  Blanc,  fort  bien  exécuté,  a  été  également 
très-remarque. 

*T*  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  :  1°  Symphonie  pastorale,  de  Beethoven  ; 
2°  andante  et  scherzo  (op.  97),  de  Robert  Schumann  ;  3°  ouverture 
cVEurianthe,  de  Weber ;  romance  de  la  symphonie  de  la  Reine,  de 
Haydn;  ouverture  de  Guillaume  Tell,  de  Rossini. 

**„,  Dimanche  dernier,  au  concert  du  cirque  Napoléon,  dirigé  par 
Pasdeloup,  un  fort  joli  morceau  de  M.  Saint-Saëns,  intitulé  Scherzo- 
Marche,  a  eu  les  honneurs  du  bis. 

s,*a.  Une  deuxième  série  de  séances  populaires  de  musique  de  chambre 
est  annoncée.  La  première  séance  aura  lieu  mardi  prochain,  5  janvier, 
dans  la  salle  Ilerz,  avec  le  concours  de  Mlle  Mongin.  En  voici  le  pro- 
gramme :  trio  en  mi  majeur  (n°  3),  de  Mozart  ;  quintette  en  sol  mineur 
(n°  52),  de  Boccherini;  les  tours  de  passe-passe  (1730),  de  F.  Couperin  ; 
gavotte  (1742),  de  J.-B.  Martini;  pièce  (1735),  de  D.  Scarlatti,  exécutée 
par  Mlle  Mongin;  quatuor  en  fa  majeur  (n°  1),  de  Beethoven. 

»%  Dans  l'établissement,  dont  les  salons  viennent  de  rouvrir  rue  de 
la  Paix,  n°  7,  sous  le  titre  d'entretiens  et  lectures,  on  traite  oralement 
de  questions  littéraires,  historiques,  philosophiques,  artistiques  et  scien- 
tifiques. Notre  collaborateur,  M.  Arthur  Pougin  y  doit  faire,  dans  le 
courant  de  la  saison,  une  série  de  conférences  sur  les  Origines  de  la  mu- 
sique dramatique,  et  l'Histoire  de  la  musique  dramatique  en  France  au 
xvme  siècle. 

,%  La  Société  philharmonique  de  Reims  a  commencé  brillamment 
ses  concerts  de  la  saison  avec  Mlle  Dorus,  MM.  Delle-Sedie  et  Georges 
Pfeiffer,  qui  ont  été  accueillis  par  de  véritables  ovations. 

„*,  Vendredi,  8  janvier,  à  8  heures  du  soir,  aura  lieu  à  la  salle  Herz 
un  grand  concert  avec  orchestre  et  chœurs,  sous  la  direction  de  M.  De- 
loffre,  au  bénéfice  de  la  Caisse  de  secours  de  l'Association  des  artistes 
musiciens  de  France,  présidée  par  M.  le  baron  Taylor.  On  y  entendra 
deux  remarquables  ouvrages  de  M.  Aristide  Hignard,  et  trois  grandes 
compositions  de  M.  Prévost-Rousseau  ;  Mines  Ernest  Bertrand  et  Blanche 
Peudefer,  MM.  Lavessière,  Wagner,  Gaston,  Chevalier,  Strohéker  et 
Mouren  ont  bien  voulu  prêter  leur  concours  à  cette  œuvre  de  bienfai- 
sance. On  trouve  des  billets  chez  l'agent-trésorier  de  l'Association, 
68,  rue  de  Bondy,  à  la  salle  Herz,  48,  rue  de  la  Victoire,  et  chez 
MM.   Coudray  et  Challiot,  éditeurs  de  musique,  376,  rue  Saint-Honoré. 

„.%  Voici  la  liste  des  opéras  nouveaux  donnés  en  Italie  pendant 
l'année  1863:  Rienzi,  de  Péri,  à  Milan;  Eroe  délie  Asturie,  de  Lu- 
cilla,  à  Reggio  ;  Ferruccio,  de  Maglioni,  à  Florence;  Cinzica  Sismondi , 
de  Bridangoli,  à  Assisi  ;  Zaira,  de  Corona,  à  Livourne  ;  Pkcarda  Donati, 
de  Masenzza,  à  Livourne  ;  Béatrice  Ccnci,  de  Rota;  à  Parme;  Vittoria,  de 
Bona,  à  Gênes  ;  Ivanhoé,  ***,  à  Bastia  ;  Orio  Soranzo,  de  Zescevich,  à 
Trieste;  Il  di  di  S.  Michels,  de  Quarenghi,  à  Milan  ;  Rienzi,  de  Kasch- 
peroff,  à  Florence;  Giovanna  di  Castiglia,  de  Battista,  â  Naples;  La 
Fidanzata  di  Marco  Bozsari ,  dû  Frontini ,  à  Catane;  Ezzelino  da 
Romano,  de  Naberasco,  à  Gênes;  Slradella,  de  Flotow,  â  Lugo  ; 
Profughi  fîammighi,  de  Faccio,  à  Milan  ;  Aldina,  de  Gandolfi,  à  Milan  ; 
Il  Rapimento,  de  Pincherle,  à  Perugia  ;  Ladislao,  de  Pisani,  à  Florence. 

„*j.  L'inauguration  du  grand  orgue  construit  pour  l'église  Saint-An- 
dré, à  Lille,  par  MM.  Merklin-Schutze,  aura  lieu  prochainement.  M. 
Edouard  Batiste,  professeur  au  Conservatoire,  organiste  de  Saint-Eusta- 
che,  est  chargé,  avec  M.  Dubois,  de  Bruxelles,  de  faire  entendre  le 
nouvel  instrument  dont  on  dit  le  plus  grand  bien. 

,,%  Bazzini,  qui  parcourt  en  ce  moment  la  Belgique  et  la  Hollande, 
s'est  déjà  fait  entendre  avec  un  succès  constant  à  Aix-la-Chapelle,  Lou- 
vain,  Gand,  la  Haye  et  à  Amsterdam  aux  Sociétés  Diligentia  et  Félix 
meritis. 

**„  Dans  une  soirée  intime  donnée  la  semaine  passée,  nous  avons  eu 


DE  PARIS. 


le  plaisir  d'entendre  Triebert,  le  célèbre  hautboïste  du  théâtre  Italien, 
et  d'autres  artistes  parmi  lesquels  nous  citerons  Mme  Gagliano,  la  can- 
tatrice espagnole  à  la  voix  suave  et  puissante;  M.  Allard,  le  violoncel- 
liste au  jeu  expressif  et  passionné  ;  Mme  Allard-Guerette,  à  la  voix  dra- 
matique, et  MM.  Guidon  frères,  dont  les  voix  s'harmonisent  si  bien. 
M.  Faure,  chanteur  comique,  a  dit  avec  infiniment  d'esprit  trois  scènes 
de  genre  différent  ;  Mlle  Léonide  Humbert  a  exécuté  avec  beaucoup  de 
style  une  grande  fantaisie  sur  le  Prophète  de  Meyerbeer.  A  cette  char- 
mante soirée  une  jeune  fille,  Mlle  Marie  Samary,  nièce  des  Brohan,  a 
enlevé  les  applaudissements  en  disant  une  scène  de  Jeanne  d'Arc  et 
une  poésie  d'Alfred  de  Musset.  M.  Wilhelm  Ritter  y  a  aussi  confirmé  sa 
réputation   d'ancien  ariiste. 

***  La  reprise  des  Martyrs  a  pleinement  réussi  à  Marseille.  Mme  Écar- 
tât, MM.  Lefranc  et  Dumestre  y  ont  obtenu  un  succès  bien  mérité  A 
bientôt  la  première  représentation  du  pardon  de  ploërmel. 

»*„  D'après  l'Almanach  des  orphéons  et  des  sociétés  chorales,  qui 
vient  de  paraître,  le  nombre  des  concours  d'orphéons  a  été  en  France, 
pendant  l'année  1863,  de  trente-huit,  comprenant  plus  de  1,300  sociétés 
et  euviron  39,000  orphéonistes.  C'est  une  progression  de  14  concours 
et  de  20,000  exécutants  sur  l'année  1862. 

**„  11  existe  à  Vienne,  en  Autriche,  vingt-huit  associations  de  chant 
d'hommes;  il  est  question  d'y  créer  une  société  de  chant  de  femmes. 

,%  A  peine  de  retour  à  Paris,  Roger  va  recommencer  la  belle 
tournée  qui  lui  a  valu  tant  de  succès.  Les  villes  où  il  vient  de  chanter 
veulent  l'entendre  encore  et  le  redemandent  instamment. 

**4  Les  journaux  de  Bruxelles  constatent  unanimement  l'effet  produit 
par  Léonard,  le  célèbre  violoniste,  au  dernier  concert  de  la  grande 
Harmonie.  Nous  lisons  dans  le  Bulletin  du  Dimanche:  «  M.  Léonard,  qui 
a  été  accueilli  par  des  bravos  sympathiques  et  rappelé  deux  fois,  à 
joué  deux  morceaux  de  sa  composition  :  la  fantaisie  militaire  et  une 
fantaisie  sur  des  motifs  de  Donizetti.  Vous  voyez  que  M.  Léonard  n'a- 
vait voulu  choisir  dans  le  riche  répertoire  de  ses  compositions  que  des 
morceaux  dits  de  virtuose:  il  a  le  tort  de  laisser  modestement  jouer 
aux  autres  la  musique  dont  il  est  l'auteur  et  qui  l'a  illustré.  » 

***  Les  morceaux  composés  par  Rossini  et  Gevaert,  que  Berthelier 
chante  avec  tant  de  succès  dans  les  Pijferari,  paraîtront  cette  semaine 
chez  MM.  Brandus  et  Dufour. 

***  Les  lettres  de  Félix  Mendelssohn  ont  été  traduites  en  anglais  par 
lady  Wallace;  une  contrefaçon  en  a  paru  en  Amérique  avec  une  no- 
tice biographique  de  Julie  de  Marguerittes. 

**,  Les  Essais   de  diphtérographie   musicale,    ouvrage  posthume    de 


notre  ancien  et  savant  collaborateur  Adrien  de  Lafage,  vient  de  paraître 
chez  l'éditeur  Legouix.  Nous  consacrerons  prochainement  un  article  à 
cette  publication  si  intéressante  à  plus  d'un  titre. 

*%  Edouard  Bruguière,  auteur  d'un  grand  nombre  de  romances, 
dont  beaucoup  sont  devenues  populaires,  vient  de  mourir  à  Nîmes. 

**;fc  M.  Charles  Godfrey,  chef  de  musique  du  régiment  de  la  garde 
anglaise  (Goldstream),  est  mort  à  Londres,  le  12  décembre,  âgé  de 
73  ans. 

„,%  Mme  Joséphine  Seutta,  cantatrice  jadis  célèbre,  est  morte  récem- 
ment, à  Vienne,  dans  sa  soixante-sixième  année.  Elle  avait  débuté 
au  théâtre  an  der  Wicn  sous  le  nom  de  Mlle  Diemer  ;  en  1811  elle 
obtint  un  grand  succès  dans  le  rôle  de  Cendrillon. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE 

***  Berlin.  —  Un  nouveau  ballet  de  Taglioni,  Morgano,  a  été  donné 
deux  fois  la  semaine  passée  au  théâtre  royal.  La  mise  en  scène  est  ma- 
gnifique :  on  a  surtout  remarqué  la  danse  des  candélabres.  La  musique, 
par  Hertel,  a  de  la  verve,  de  l'animation,  et  rend  parfaitement  les  situa- 
tions d'un  caractère  si  divers  qu'offre  le  scénario.  Le  roi  et  la  reine, 
qui  assistaient  à  la  première  représentation,  ont  fait  appeler  Taglioni 
dans  la  loge  royale,  et  l'ont  félicité  de  ce  nouveau  succès. 

***  Vienne.  —  La  Société  Haydn  a  exécuté,  au  bénéfice  de  l'associa- 
tion en  faveur  des  veuves  et  orphelins  des  musiciens,  la  Création,  de 
Haydn,  sous  la  direction  de  Hellmesberger.  —  La  première  représen- 
tation de  l'opéra  nouveau  d'Offenbach,  les  Nymphes  du  Rhin,  est  fixée 
au  10  janvier.  —  Au  Karlstheater,  on  donne  avec  succès  un  opéra 
nouveau,  l'Équipage  à  bord,  par  M.  G.  Zaylz,  ancien  élève  du  conserva- 
toire de  Milan  ;  il  s'est  fait  connaître  dans  cette  ville  par  deux  opéras, 
Amélie  (d'après  les  Brigands  de  Schiller)  et  la  Tyrolienne.  —  On  attend 
Mlle  Artot. 

„*,  Munich.  —  Un  brillant  accueil  a  été  fait  à  l'opéra  nouveau,  le 
Portrait,  par  le  baron  de  Perfall.  Le  succès  a  été  croissant  de  scène  en 
scène.  Après  le  deuxième  acte,  les  acteurs  ont  été  rappelés. 

,.%  Rotterdam. —  Le  19  décembre  a  été  représenté  pour  la  première 
fois  l'opéra  de  Ferdinand  piller,  les  Catacombes,  texte  de  M.  Hartmann, 
avec  un  succès  extraordinaire.  Après  chaque  acte,  le  compositeur  a  été 
rappelé  au  milieu  des  fanfares  de  l'orchestre  et  d'acclamations  enthou- 
siastes. 


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AIRS  DÉTACHÉS  DE  CHANT,  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO  : 


1 .  Quatuor  :  Dieu  de  la  paix,  chanté  par  Obin,  Grisy,  Mlles 

Battu  et  Godfrend 4 

2 .  Duo  :  Si  je  perds  celle  que  j'aime,  mon   amour,  chanté    par 

Warot  et  Mlle  Battu 6 

3.  Duo  :  Dieu,  dans  ce  jour  prospère,  chanté  par  Mlles  Battu  et 

Godfrend 6 

4.  Duo  :  Moment  fatal!  que  faire?  chanté  par  Faure  et  Warot  6 

5.  Air:  Ah!  d'une  tendre  mère,  chanté  par  Mlle  de  Taisy.....  5 

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PIANO  :  MUSIQUE  DE  DANSE 

ADAM.  Op.  19.  Fantaisie  et  variations..     6    » 
BERTINI.  Grand  duo  à  quatre  mains. . .  10    » 

CRAMER.  Fantaisie  élégante 7  50 

DUVERNOY.  Op.  21.  Variations  brillantes    6    » 
HERZ  (H.).  Op.  37.  Rondo  sur  un  chœur    9    » 


—  Trois  airs  de  ballet,  chaqne  ....  6  » 

LECARPENTIER.  48e  bagatelle 5  > 

THALBERG.  Op.  33.  Grande  fantaisie  sur 

la  Prière 9  " 

—  La  même,  à  quatre  mains 10  » 

—  Mi  manca  la  voce,  varié 7  50 

—  Le  même,  à  quatre  mains 9  » 

W0LFF  (ED.).  Marcne  très-facile 4  50 


6.  Quatuor  :  Je  tremble  et  soupire,  chanté  par  Warot,  Grisy, 
Mlles  Battu  et  de  Taisy 

7.  Duo  :  Jour  funeste!  chanté  par  Warot  et  Mlle  Battu 

8.  Air  :  Quelle  horrible  destinée!  chanté  par  Mlle  Battu 

9.  Prière  à  quatre  voix:  Des  deux  où  tu  résides,  chantée  par 
Obin,  Grisy,  Mlle  Battu  et  Godfrend 

10.  Cantique  à  quatre  voix  :  Chantons,  bénissons  le  Seigneur.. 
NSTPUMENTS   : 

DIVERS  INSTRUMENTS 


5     » 
7  50 


4  50 
3  75 


QUADRILLE  NOUVEAU 

PAR 

Pour  le  Piano,  prix  :  4  francs  50  cent. 


QUADRILLES 

Pour  le  Piano  et  à  quatre   mains  par 

MUSARD 

POLKA  par  ALKAS— SCHOTÏISCH  par  PASDELODP 

Les  Air» 

arranges  pour  cornet  seul,  flûte  seule,  2  cornets 
et  2  flûtes. 


BÉRI0T.  Op.  8.  Fantaisie,  piano  et  violon 

RLEMCZINSKI.  Op.  64.  Duo  brillant,  id. 

LAFOIiT  et  HERZ.  Op.  42.  Variations,  id. 

0SB0NNE  et  0URY.  Souvenirs id. 

HOFFMANN  et  MULLER.  Duo  concertant, 
flûte  et  violon 

MI0LAN.  Fantaisie,  harmonium  et  piano 

TUL0U.  Variations  brillantes  sur  la  Mar- 
che, pour  piano  et  flûte 

LABARRE.  Fantaisie,  harpe  seule 

B0CHSA.  Duo,  harpe  et  piano 

BAUDI0T.  Variations  brillantes,  piano 
et  violoncelle 


10  .. 
9  » 
7  50 

10     • 


1  50 

10  » 
7  50 
9     > 

9     » 


SOUS  PRESSE  : 

I fWÂGNUS 


PAUL     BtKNAHU  Pour   le  Piano.  IVIAIjnlUd  Transcription  de  concert  pour  le  Piano. 

Op.  74.  -  Prix:  9  francs.  Op.  100.  -  Prix  :  9  francs. 

LA  PARTITION  ARRANGÉE  POUR  LE  PIANO  A  QUATRE  MAINS. 


prix  accordé  A  l'unanimité  a  l'exposition 

UNIVERSELLE    DE    LONDRES   1851. 

Fournisseur  des  Ministères  de  la 
«nerre  et  tle  I»  Marine  «le  France. 

Seuls    agents    à    Londres 

CHAPPELL  &  HAMOND,  S"  DE  JDLLIEN  &  Ce 

:i  a  ,   P.egent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 

S  S,  rue  aes  Marais  -  Saint  -  Martin  ,   S  S 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MÉDAILLE  D'ARGENT    DE  1"   CLASSE 
A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  a  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  toison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  Iss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


PARIS.  —  nrUOSUB  CENTRALE  DE  NIPOIÉON  CHAIX  ET  C",  RUE  BERGERE,  20. 


BUREAUX   A   PARIS  :  BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


IV  2. 


10  Janvier  1864. 


ON  S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraire», 

et  aui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.  par  a' 

Départements,  Belgique  et  Suisse....     30  ■»        id. 

Étranger 34  »       id. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


DE     PARIS 


1864  31""    ANSTEE  1864 

REVUE    ET     GAZETTE     MUSICALE 


Primes 


Offertes  au  anciens  et  non  venus  Abonnés. 


LE   SECOND   VOLUME 


RÉPERTOIRE  DE  MUSIQUE  MODERNE 

Dont  le  premier  volume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année  passée. 


Un  recueil  contenant  six  Morceaux  de  Chant  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises. 


Nous  rappelons  à  nos  abonnés  de  Paris  que  ces  primes,  que  nous 
leur  offrons  à  titre  d'étrennes,  sont  à  leur  disposition,  et  nous  les 
prions  de  vouloir  bien  les  faire  prendre  dans  nos  bureaux.  Nous 
les  envoyons  franco  aux  abonnés  de  Province. 


SOMMAIRE.  —  Rapport  et  décret  relatifs  à  la  liberté  des  théâtres.  —  Théâtre 
des  Bouffes-Parisiens  :  réouverture.  —  Lettre  de  M.  Fétis  père  sur  l'inau- 
guration de  l'orgue  de  Sainte-Elisabeth,  à  Bâle.  —  Martini  (4"  article),  par 
Arthur  Pougin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


Le  Moniteur  universel  du  7  janvier  contient  le  rapport  et  le  dé- 
cret suivants  : 

RAPPORT  A  L'EMPEREUR. 
Sire, 

Dans  la  séance  solennelle  du  5  novembre  dernier,  Votre  Majesté  an- 
nonçait elle-même  la  suppression  prochaine  des  privilèges  auxquels  l'ex- 
ploitation des  théâtres  était  jusqu'à  présent  assujettie.  Accueillie  avec  joie 
et  reconnaissance  par  les  écrivains  et  par  les  artistes,  cette  mesure  va 
recevoir  aujourd'hui  son  exécution. 

Grâce  à  la  généreuse  initiative  et  aux  intentions  libérales  de  Votre  Ma- 
jesté, aucune  entrave  ne  s'opposera  plus  désormais  au  libre  développe- 
ment d'une  industrie  dont  l'influence  sur  le  mouvement  des  lettres  et 
des  arts  peut  être  si  grande  et  si  féconde. 

Tandis  que  les  auteurs  et  les  compositeurs  vivants  pourront  trouver 
des  débouchés  pour  leurs  productions  nouvelles,  les  chefs-d'œuvre  de 
l'ancien  répertoire,  affranchis  des  liens  qui  les  rattachaient  exclusive- 
ment aux  deux  premiers  théâtres  françeis,  iront,  sans  décheoir,  ho- 
norer les  scènes  populaires  et  y  porter  leur  utile  enseignement.  De  son 
côté,  le  gouvernement  restera  en  possession  du  droit  de  soutenir,  en 
les  subventionnant,  des  établissements  de  premier  ordre,  qui  seront 
pour  les  autres  des  exemples  à  suivre  et  des  modèles  à  égaler. 

On  peut  donc  espérer,  Sire,  que  le  niveau  de  l'art  ne  fera  que  s'éle- 
ver sous  l'empire  de  la  législation  nouvelle,  et  que  le  bon  goût  public 
se  réveillera  lui-même  en  se  sentant  plus  libre. 

Le  moment  est  favorable  pour  faire  loyalement  une  expérience  qui  n'a 
jamais  eu  lieu  dans  des  conditions  pareilles.  En  permettant  à  la  liberté 
industrielle,  littéraire  et  artistique,  de  produire  tout  le  bien  qu'on  doit 
en  attendre,  on  n'a  pas  à  en  craindre  les  abus  et  les  excès.  La  société, 
l'ordre  et  la  morale  conservent  toutes  leurs  garanties,  et,  loin  de  désar- 
mer l'administration,  le  décret  nouveau  confirme  l'autorité  protectrice 
des  lois  actuellement  en  vigueur. 

J'ai  l'honneur,  en  conséquence,  de  soumettre  à  Votre  Majesté  le  projet 
de  décret  ci-joint. 

Je  suis,  avec  le  plus  profond  respect ,  Sire ,  de  Votre  Majesté,  le  très- 
humble,  très-obéissant  serviteur  et  très-fidèle  sujet, 

Le  maréchal  de  France,  ministre  de  la  Maison  de 
l'Empereur  et  des  Beaux-Arts, 
Vaillant. 


10 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


NAPOLEON, 

Par  la  grâce  de  Dieu  et  la  -volonté  nationale,  Empereur  des  Français, 

A  tous  présents  et  à  venir,  salut  : 

Vu  les  décrets  du  8  juin  1806  et  29  juillet  1807; 

Vu  l'ordonnance  du  8  décembre  1824  ; 

Vu  l'article  3,  titre  xi  de  la  loi  des  10  et2i  août  1790; 

Vu  les  arrêtés  du  gouvernement  des  2o  pluviôse  et  H  germinal  an  IV, 
l*r  germinal  an  VII  et  12  messidor  an  VIII  ; 

Vu  les  ordonnances  de  police  des  12  février  1828  et  9  juin  1829; 

Vu  la  loi  du  7  frimaire  an  V  et  le  décret  du  9  décembre  1809  sur  la 
redevance  établie  au  profit  des  pauvres  ou  des  hospices  ; 

Vu  le  décret  du  30  décembre  1832; 

Notre^conseil  d'Etat  entendu, 

Avons  décrété  et  décrétons  ce  qui  suit  : 

Art.  1er.  —  Tout  individu  peut  faire  construire  et  exploiter  un  théâ- 
tre, à  la  charge  de  faire  une  déclaration  au  ministère  de  notre  Maison 
et  des  Beaux-arts,  et  à  la  préfecture  de  police  pour  Paris  ;  à  la  préfec- 
ture dans  les  départements. 

Les  théâtres  qui  paraîtront  plus  particulièrement  dignes  d'encourage- 
ment pourront  être  subventionnés  soit  par  l'Etat,  soit  par  les  communes. 

Art.  2.  —  Les  entrepreneurs  de  théâtres  devront  se  conformer  aux 
ordonnances,  décrets  et  règlements  pour  tout  ce  qui  concerne  l'ordre, 
la  sécurité  et  la  salubrité  publics. 

Continueront  d'être  exécutées  les  lois  existantes  sur  la  police  et  la 
fermeture  des  [théâtres,  ainsi  que  sur  la  redevance  établie  au  profit  des 
pauvres  et  des  hospices. 

Art.  3.  —  Toute  œuvre  dramatique,  avant  d'être  représentée,  devra, 
aux  termes  du  décret  du  30  décembre  1852,  être  examinée  et  autorisée 
par  le  ministre  de  notre  Maison  et  des  Beaux-Arts,  pour  les  théâtres  de 
Paris;    par   les   préfets,  pour  les  théâtres  des  départements. 

Cette  autorisation  pourra  toujours  être  refusée  pour  des  motifs  d'ordre 
public. 

Art.  4.  —  Les  ouvrages  dramatiques  de  tous  les  genres,  y  'compris 
les  pièces  entrées  dans  le  domaine  public,  pourront  être  représentés  sur 
tous  les  théâtres. 

Art.  S.  —  Les  théâtres  d'acteurs  enfants  continuent  d'être  interdits. 

Art.  6.  —  Les  spectacles  de  curiosités,  de  marionnettes,  les  cafés  dits 
cafés  chantants,  cafés-concerts  et  autres  établissements  du  même  genre 
restent  soumis  aux  règlements   présentement  en  vigueur. 

Toutefois,  ces  divers  établissements  seront  désormais  affranchis  de  la 
redevance  établie  par  l'article  11  de  l'ordonnance  du  8  décembre  1821 
en  faveur  des  directeurs  des  départements,  et  ils  n'auront  à  supporter 
aucun  prélèvement  autre  que  la  redevance  au  profit  des  pauvres  ou  des 
hospices. 

Art.  7.  —  Les  directeurs  actuels  des  théâtres  autres  que  les  théâtres 
subventionnés  sont  et  demeurent  affranchis  envers  l'administration  de 
toutes  les  clauses  et  conditions  de  leurs  cahiers  des  charges,  en  tant 
qu'elles  sont  contraires  au  présent  décret. 

Art.  8.  —  Sont  abrogées  toutes  les  dispositions  des  décrets,  ordonnan- 
ces et  règlements  dans  ce  qu'elles  ont  de  contraire  au  présent  décret. 

Art.  9.  —  Le  ministre  de  notre  Maison  et  des  Beaux-Arts  est  chargé 
de  l'exécution  du  présent  décret,  qui  sera  inséré  au  Bulletin  des  lois,  et 
recevra  son  exécution  à  partir  du  1er  juillet  18G4. 

Fait  au  palais  des  Tuileries,  le  6  janvier  1864. 

NAPOLÉON. 
Par  l'Empereur  : 

Le  maréchal  de  France,  ministre  de  la  Maison 
de  l'Empereur  et  des  Beaux-Arts, 
Vaillant. 


THEATRE  DES  BOUFFES -PARISIENS. 

Réouverture. 

(  Mardi  5  janvier.  ) 

Le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  est  né  dans  une  baraque  fo- 
raine, et  c'est  précisément  ce  qui  fait  sa  gloire.  En  ce  temps-là, 
sous  le  règne  du  privilège,  on  naissait  où  l'on  pouvait  et  comme 
on  pouvait;  mais  quand  on  avait  du  mérite,  on  ne  tardait  pas  à 
sortir  de  son  village,  à  faire  son  chemin.  Au  bout  de  six  mois,  les 
Bouffes-Parisiens  avaient  franchi  l'espace  des  Champs-Elysées  au 
passage  Choiseul  ;  seulement,  lorsqu'ils  prirent  possession  de  la  salle 
Comte,  on  ne  sait  quel  malin  génie  se  plut  à  la  rendre  plus  quo 
jamais  étroite  et  incommode  ;  il  semblait  que,  comme  autrefois,  elle 
ne  fût  destinée  qu'à  des  enfants.  Le  public  n'y  pénétrait,  n'arrivait 
aux  stalles  et  aux  loges  que  par  des  escaliers  et  des  corridors  d'une 
dimension  fantastique.  A  l'intérieur,  pour  grimper  jusqu'à  la  scène, 
jusqu'au  cabinet  du  directeur,  c'était  bien  pis  encore  ;  aussi,  un  de 
nos  amis  disait-il  un  jour,  en  risquant  l'ascension  :  «  En  vérité,  ce 
théâtre  est  construit  sur  une  grande  échelle  !  » 

Eh  bien  !  changement  complet,  transformation  incroyable,  inespérée  ! 
De  cette  taupinière  où  l'on  étouffait,  où  rien  n'était  omis  de  ce  qui 
pouvait  gêner  l'œil  et  l'oreille,  en  mettant  le  corps  au  supplice,  un 
architecte,  un  magicien  a  su  faire  une  salle  charmante,  élégante,  aux 
abords  faciles,  où  tout  le  monde  voit  et  entend.  L'architecte,  le  ma- 
gicien, c'est  M.  Charpentier  fils  ;  et  il  mérite  certainement  qu'on  le 
nomme.  Quatre  rangs  de  loges,  un  parquet,  des  galeries,  une  clarté 
plus  que  suffisante,  et  pas  de  lustre  :  rien  que  des  candélabres  ;  en 
quelques  mots,  voilà  son  œuvre,  voilà  le  domicile  nouveau  des  Bouf- 
fes-Parisiens et  de  leur  joyeuse  famille.  La  cage  est  jolie  au  suprême 
degré  ;  il  ne  reste  plus  qu'à  y  mettre  des  oiseaux  dignes  d'elle  pour 
que  le  ramage  réponde  au  plumage  et  que  le  public  n'ait  rien  à  dé- 
sirer. 

Pour  commencer,  sous  le  titre  de  la  Tradition,  nous  avons  eu  un 
prologue  en  vers,  entremêlé  d'une  musiquette  de  M.  Léo  Delibes. 
Le  prologue  de  M.  Derville  ne  manque  pas  d'esprit,  mais  il  ne  touche 
pas  assez  terre.  Ce  que  nous  en  avons  compris  le  mieux,  c'est  que 
la  tradition  des  Bouffes-Parisiens  est  d'amuser ,  et  qu'ils  se  pro- 
posent de  la  continuer  avec  zèle.  Ainsi  soit-il  ! 

Au  prologue  succédait  une  opérette ,  une  improvisation  du  maître, 
une  de  ces  inspirations  vives  et  naturelles  qui  lui  échappent 
presque  spontanément.  Lischen  et  Fritzchen  nous  arrivent  d'Ems 
en  droite  ligne:  c'est  le  produit  d'une  gageure  entre  l'auteur, 
M.  Paul  Dubois,  et  le  musicien,  maître  Jacques  Offenbach.  E  lavoro 
d'un  ora ,  disait  à  Rossini  le  poëte  Totola,  en  lui  apportant  les 
paroles  de  la  sublime  prière  de  Moise.  Au  lieu  d'une  heure  mettons 
quatre  ou  cinq  jours,  et  nous  serons  dans  le  vrai,  pour  le  temps  que 
MM.  Paul  Dubois  et  J.  Offenbach  ont  employé  à  la  confection  de 
leur  pièce  et  de  leur  musique.  Molière  ayant  dit,  avec  son  sens  pro- 
fond, que  le  temps  ne  fait  rien  à  l'affaire,  personne  ne  s'étonnera 
que  Lischen  et  Fritzchen  soit  une  de  ces  bagatelles  qui  valent  leur 
pesant  d'or  et  qu'on  ne  saurait  écouter  sans  y  prendre  un  plaisir 
extrême.  Le  sujet  en  est  des  plus  simples.  Nous  ne  vous  cacherons 
pas  que,  sans  avoir  l'air  d'y  toucher,  l'auteur  des  paroles,  M.  Paul 
Dubois,  y  traite  une  palpitante  question  de  philologie,  consistant 
dans  les  nuances  délicates  par  lesquelles  la  langue  française  se 
distingue  du  patois  alsacien.  Fritzchen  est  un  domestique  renvoyé 
par  son  maître  justement  à  cause  de  sa  trop  grande  facilité  à 
confondre  ces  nuances.  La  confusion  a  engendré  des  quiproquos, 
et  Fritzchen  a  été  mis  à  la  porte.  Dans  cette  situation,  il  rencontre 
une  jeune  personne  qui,  faute  de  débit,  s'est  lassée  du  commerce  des 
petits  balais.  Lischen  n'est  pas  plus  ferrée  que  Fritzchen  sur  les 
nuances  des  idiomes,  et  il  en  résulte  entre  eux  un  assaut  de  pronon- 


DE  PARIS. 


11 


ciation  hétéroclite,  dont  ils  s'effarouchent  mutuellement.  Fritzchen 
croit  que  Lischen  veut  se  moquer  de  lui,  et  Lischen  se  persuade  que 
Fritzchen  la  tourne  en  ridicule.  Bientôt  la  méprise  s'éclaircit,  et  la 
plus  franche  réconciliation  s'opère  dans  un  délicieux  duo  sur  ces 
paroles  : 

Je  suis  Alsacienne, 

Je  suis  Alsacien. 

Quand  une  Alsacienne 

Trouve  ua  Alsacien  : 

Ta  main  daas  la  mienne,  etc. 

Toute  la  salle  valserait  sur  le  thème  de  ce  duo,  si  un  certain  dé- 
corum ne  la  retenait.  Mais  c'est  encore  peu  de  se  reconnaître  pour 
Alsacien  et  Alsacienne,  ne  voilà-t-il  pas  que  Fritschen  et  Lischen 
s'aperçoivent  qu'ils  sont  frère  et  sœur,  l'un  et  l'autre  natifs  de 
Brumath  !  Cette  fraternité  imprévue  ne  laisse  pas  de  contrarier  les  pro- 
jets de  Fritzchen.  Le  brave  garçon  commence  à  se  méfier  de  lui- 
même,  et  à  ne  plus  vouloir  faire  de  compagnie  avec  Lischen  le  pè- 
lerinage de  leur  pays.  Par  bonheur,  une  lettre  que  Lischen  avait 
reçue,  mais  qu'elle  n'avait  pu  déchiffrer  faute  de  savoir  lire,  et  que 
Fritzchen  lit  couramment,  leur  apprend  qu'ils  sont,  non  pas  frère 
et  sœur,  mais  cousin  et  cousine.  Fritzchen  ne  se  sent  pas  de  joie,  et 
au  fond  du  cœur  Lischen  n'est  pas  du  tout  fâchée  de  ne  se  trouver 
avec  Fritzchen  qu'à  ce  degré  de  parenté  ! 

Vous  comprenez  qu'une  telle  pièce  ne  s'analyse  pas  :  ce  sont  quel- 
ques scènes  d'une  piquante  gaieté,  mitigée  par  une  naïve  tendresse  : 
on  rit  de  bon  cœur,  et  on  essuyé  une  larme  sans  y  penser.  Offen- 
bach  n'a  jamais  rien  fait  de  plus  naturel,  de  plus  fin  que  les  trois 
ou  quatre  morceaux  dont  la  partition  se  compose.  L'ouverture  en 
est  toute  champêtre  :  on  y  respire  le  thym  et  le  serpolet.  Au  lever 
du  rideau,  Fritzchen,  rendu  à  la  liberté  par  son  maître,  exhale  sa 
douleur  comique  dans  une  sorte  de  complainte,  où  la  parole  alterne 
avec  le  chant.  L'air  de  la  marchande  de  balais  est  pris  sur  le  fait  : 
on  n'a  jamais  pu  vendre  pareille  marchandise  avec  d'autre  musique. 
Lischen  chante  de  plus  une  fable  de  la  Fontaine  :  le  Rat  de  ville  et  le 
rat  des  champs,  petit  chef-d'œuvre  français  et  allemand,  que  l'auteur 
lui-même  n'eût  pas  écouté  sans  pouffer  de  rire.  Bref,  Fritschen  et 
Lischen  ont  obtenu  le  plus  franc  succès  :  on  a  bissé  le  duo  et  la  fable  ; 
on  aurait  bissé  tout  l'ouvrage,  qui  ne  dure  pas  vingt  minutes,  et  n'a 
que  deux  personnages,  mais  ces  deux  personnages  sont  interprétés 
avec  une  vérité  sans  égale  par  Désiré  et  uue  jeune  artiste,  MlleZulna 
Bouffar,  qui  avait  déjà  joué  le  rôle  de  Lischen  à  Ems  et  qu'on  a  eu 
grandement  raison  d'amener  à  Paris. 

L'Amour  chanteur  n'a  pas  eu  la  même  chance  que  l'opérette.  Il 
s'agit  dans  celte  pièce,  un  peu  prétentieuse  de  MM.  Nuitter  et  Emmanuel, 
d'une  jeune  fille  que  son  père,  M.  Guillaume,  a  eu  l'imprudence  de 
conduire  à  l'Opéra.  Depuis  ce  jour,  Araminte  est  quasi  folle  ;  elle  ne 
cesse  de  faire  de  grands  bras  et  de  chanter  de  grands  airs.  Évidem- 
ment les  deux  auteurs  connaissent  leur  Molière,  ils  ont  étudié  surtout 
son  Amour  médecin,  divertissement  dont  l'auteur  parle  ainsi  dans  un 
bout  de  préface  :  «  Il  est  le  plus  précipité  de  tous  ceux  que  S .  M . 
m'ait  commandés,  et  lorsque  je  dirai  qu'il  a  été  proposé,  fait ,  appris 
et  représenté  en  cinq  jours,  je  ne  dirai  que  ce  qu'il  y  a  de  vrai.  » 
Nous  ignorons  si  les  auteurs  de  l'Amour  chanteur  ont  procédé 
de  même;  mais,  ce  que  nous  savons,  c'est  qu'il  n'y  a  rien  de 
plus  périlleux  que  l'imitation  des  tours  de  force  du  génie.  Le  cadre 
de  l'Amour  médecin  n'est  qu'une  plaisanterie,  un  prétexte;  mais 
Molière  a  su  y  jeter  cinq  ou  six  traits  de  sa  puissante  main,  lesquels 
relèvent  d'un  prix  infini  une  conception  assez  vulgaire.  L'Amour 
chanteur  ne  jouit  pas  de  cet  avantage  :  aussi  n'a-t-il  été  reçu  qu'avec 
une  froideur  marquée.  Offenbach  et  sa  musique  n'ont  pas  fait  fondre 
la  glace.  Les  artistes,  chanteurs  et  danseurs,  même  l'excellent  Pra- 
deau,  même  Désiré,  même  Mlle  Irma  Marie,  la  cantatrice,  en  ont  été 
pour  leurs  frais  de  bonne  volonté. 


La  représentation  se  terminait  par  la  reprise  des  Deux  Aveugles, 
ce  premier  chef-d'œuvre,  ce  premier  succès  d'un  théâtre  dont  la 
fondation  remonte  à  huit  années.  C'était  bien,  n'est-ce  pas,  de  mon- 
trer ainsi  quelle  avait  été  la  base  de  l'édifice?  Cela  fait  songer  au 
millionnaire  qui  dans  un  coin  de  ses  salons  dorés  aurait  placé  le 
dessin  de  l'humble  chaumière  qui  l'a  vu  naître. 

P.  S. 


A  M.  le  Directeur  de  la  Revue  et  Gazette  musicale. 

Bruxelles,  le  23  décembre  1863. 
Mon  cher  collaborateur, 
En  assistant  ces  jours  derniers  à  l'essai  et  examen  d'un  orgue 
construit  pour  l'église  Sainte-Elisabeth  de  Bàle  (Suisse),  dans  les  ate- 
liers de  la  Société  anonyme  (Merklin  et  Schutze),  pour  la  fabrication 
d'orgues  de  toutes  dimensions,  j'ai  éprouvé  une  satisfaction  si  vive 
par  les  qualités  de  ce  bel  instrument,  par  la  puissance  et  par  la  va- 
riété de  ses  effets  dans  les  improvisations  de  M.  Dubois  et  sous  les 
mains  de  notre  célèbre  professeur  Lemmens,  que  je  me  suis  proposé 
de  vous  écrire  pour  constater  par  quelques  considérations  opportunes 
les  conquêtes  réelles  de  la  facture  moderne  de  l'orgue.  Vous  savez 
que  rien  de  ce  qui  intéresse  le  beau  dans  la  musique  ne  peut  me 
laisser  indifférent  ;  or  rien  n'est  plus  digne  d'attention  que  l'instru- 
ment devenu  d'une  nécessité  absolue  dans  le  culte  religieux. 

L'orgue  de  l'église  Sainte-Elisabeth  de  Bàle  n'est  pas  une  de  ces 
machines  à  combinaisons  formidables  et  à  nombre  immense  de 
voix  de  toute  espèce  :  composé  simplement  de  deux  claviers  à  la 
main  et  d'un  clavier  de  pédales,  il  n'a  dans  son  ensemble  que  vingt- 
neuf  jeux  ou  registres  ;  mais  dans  ces  dimensions  des  petites  orgues 
d'autrefois,  il  a  toute  la  puissance  d'un  grand  instrument  moderne, 
et  toute  la  variété  désirable  dans  ses  effets  de  sonorité.  D'où  viennent 
donc  de  si  heureux  résultats,  produits  par  des  ressources  si  bornées? 
Leurs  causes,  car  il  y  en  a  plusieurs,  leurs  causes,  dis-jev  résident  : 
1°  dans  la  justesse  des  proportions  de  la  pression  pneumatique,  en 
raison  de  la  nature  des  jeux  ;  2°  dans  le  caractère  spécial  et  parfaite- 
ment distinct  du  timbre  de  chaque  jeu;  3°  dans  le  choix  de  ces  tim- 
bres par  lequel  on  a  évité  les  doubles  emplois  d'un  même  genre  de- 
voix,  comme  étaient  autrefois  les  distinctions  d'un  même  genre  de  jeu 
en  grosse,  moyenne  et  menue  taille,  ce  qui  constituait  simplement  des 
sons  de  bonne,  de  médiocre  et  de  mauvaise  qualité,  ou  comme  cer- 
tains redoublements  inutiles  des  grandes  orgues  modernes.  En  ma- 
tière de  sonorité,  l'effet  ne  s'augmente  pas  dans  la  proportion  de 
l'accroissement  des  moyens.  Les  cinquante  ou  soixante  premier  vio- 
lons des  grandes  fêtes  musicales  de  l'Allemagne,  et  les  quelques  cen- 
taines des  oratorios  du  Cristal-Palace  de  l'Angleterre,  ne  produisent 
pas  une  sonorité  double,  triple  ou  décuple  des  vingt  premiers  vio- 
lons de  l'orchestre  du  Conservatoire  de  Bruxelles;  or,  sous  le  rap- 
port de  l'unité,  ceux-ci  ont  l'avantage. 

Pour  messieurs  les  organistes,  qui  savent  quelles  sont  les  condi- 
tions ordinaires  des  grandes  orgues  d'église  dans  la  composition  de 
leurs  jeux,  je  crois  devoir  donner  dans  cette  lettre  le  tableau  de  ce- 
lui de  l'orgue  de  Bâle  dont  je  parle;  ils  pourront  juger  par  cette  réca- 
pitulation de  ses  jeux  quelle  doit  être  l'excellence  de  leur  sonorité 
pour  produire  l'effet  dont  j'ai  été  ému  : 

1er  clavier  (grand  orgue)  :  1"  principal  de  16  pieds;  2°  bourdon 
de  16  ;  3°  montre,  de  8  ;  4°  bourdon,  de  8  ;  5°  salicional,  de  8  ; 
6°  viole  de  gambe,  de  8;  7°  flûte  harmonique,  de  4;  8°  prestant,  de 
4  {jeux  de  combinaisons);  9°  doublette;  10°  plein-jeu  progressif,  de 
4  et  5  rangs  de  tuyaux;  11°  bombarde,  de  16  pieds;  12°  trompette 
harmonique,  de  8  pieds;  13°  cornet,  de  5  rangs  de  tuyaux. 

2e  clavier  (récit)  :  1°  flûte  harmonique,  de  8  pieds;  2°  bourdon, 
de  8;  3°  viole,  de  8;  4°  dolce,  de  8;  5°  flûte  d'écho,  de  4;  6°  voix 


12 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


humaine,  de  8  (jeux  de  combinaisons);  7°  cornet  de  récit;  8°  basson 
et  hautbois,  de  8;  9°  clarinette,  de  8. 

Clavier  de  pédales  séparées  :  1°  contre-basse,  de  16  pieds; 
2°  sous-basse,  de  16;  3°  octave  basse,  de  8;  4°  violoncelle,  de  8 
(jeux  de  combinaisons);  5°  trombone,  de  16;  6°  trompette,  de  8; 
7'  clairon,  de  h- 

Trois  pédales  d'accouplement  réunissent  à  volonté  le  grand  orgue 
au  pédalier,  ou  le  récit  au  même  clavier  de  pédales,  ou  le  récit  au 
grand  orgue. 

Cinq  autres  pédales  de  combinaisons  agissent  de  la  manière  sui- 
vante :  1°  introduction  des  jeux  de  fonds  du  grand  orgue;  2°  intro- 
duction des  jeux  de  combinaisons  du  grand  orgue;  3°  introduction 
des  jeux  de  combinaisons  du  récit  ;  If  introduction  des  jeux  de  com- 
binaisons de  la  pédale  ;  5°  pédale  de  forte  pour  ouvrir  ou  fermer  à 
la  fois  toutes  les  pédales  d'introductions.  A  ces  pédales  de  service 
se  joignent  un  tremblant  et  une  pédale  d'expression. 

Il  faut  avoir  entendu  jouer  cet  instrument  par  les  artistes  dont  je 
vous  ai  parlé  tout  à  l'heure  pour  savoir  quelle  prodigieuse  variété 
d'effets  sonores  peut  être  tirée  des  combinaisons  de  ce  petit  nombre 
de  jeux,  à  cause  précisément  du  caractère  distinctif  de  leurs  timbres. 
Les  deux  grands  systèmes  de  sonorités  qui  entrent  dans  la  forma- 
tion de  toutes  les  orgues  sont  ici  dans  un  rare  état  de  perfection  : 
les  jeux  de  fonds  se  font  remarquer  par  la  rondeur,  l'ampleur,  la 
majesté  religieuse,  par  lesquelles  se  distinguaient  les  instruments  des 
anciens  facteurs;  brillants,  puissants,  énergiques,  les  jeux  d'anches 
ne  déparent  pas  ces  qualités  par  la  dureté  qu'on  pouvait  reprocher 
aux  instruments  des  meilleurs  facteurs  d'autrefois. 

La  construction  des  sommiers  de  tous  les  claviers  est  parfaite  :  ils 
sont  à  double  layes,  pour  l'alimentation  spéciale,  et  séparés  des  jeux 
de  fonds  et  des  jeux  de  combinaisons,  d'où  résulte  que  ceux-ci  ne 
subissent  aucune  altération  lorsqu'ils  sont  réunis  aux  premiers. 

La  soufflerie,  cette  partie  si  importante  de  la.  grande  machine, 
cette  âme  de  l'orgue,  est  ici  double.  Deux  réservoirs ,  avec  double 
pompe  pour  chacun,  produisent  la  pression  ordinaire  et  la  pression 
forte,  suivant  les  besoins  des  diverses  parties  de  l'instrument. 

D'après  un  nouveau  système  de  simplification,  le  levier  pneumati- 
que est  appliqué  spécialement  au  mécanisme  de  chaque  clavier,  et 
acquiert  ainsi  la  promptitude  de  l'étincelle  électrique.  II  en  résulte 
une  remarquable  précision  dans  l'articulation  et  une  grande  facilité 
de  toucher.  Telle  est  la  netteté,  la  précision  d'articulation  dont  je 
parle,  que  le  trille  le  plus  rapide  s'exécute  sur  tous  les  claviers, 
même  sur  les  notes  les  plus  graves  de  la  pédale,  avec  le  même  fini 
que  sur  le  clavier  d'un  piano. 

Parvenue  à  ce  degré  de  perfection,  la  facture  d'orgues  a  atteint 
son  double  but  religieux  et  musical.  De  grandes  cathédrales  exigent 
sans  doute  des  instruments  d'un  plus  grand  développement,  trois  ou 
quatre  claviers  à  la  main,  cinquante ,  soixante  et  jusqu'à  soixante- 
cinq  jeux  (nombre  qui,  du  reste,  ne  doit  jamais  être  dépassé);  mais 
quelles  que  soient  les  dimensions  de  ces  géants  de  sonorité,  pour  sa- 
tisfaire à  toutes  les  exigences  de  leur  destination  et  de  l'art,  ils  se- 
ront parfaits  s'ils  sont  dans  les  conditions  de  l'instrument  que  je  viens 
d'analyser,  et  l'on  ne  doit  rien  chercher  de  plus;  car  quiconque 
veut  transformer  l'orgue  en  orchestre  et  y  mettre  un  luxe  surabon- 
dant d'effets  de  fantaisie,  le  dénature  et  s'égare.  Dans  l'examen  d'un 
ouvrage  de  ce  genre,  on  peut  admirer  l'esprit  ingénieux  qui  imagine 
les  moyens  mécaniques  nécessaires  pour  d'innombrables  combinai- 
sons de  sonorités;  mais  ces  choses  ne  répondent  ni  à  la  gravité  de 
l'usage  de  l'orgue  dans  l'église,  ni  à  la  musique  véritable.  Elles 
exigent  d'ailleurs,  de  la  part  de  l'organiste,  un  travail  si  compliqué 
dans  l'emploi  de  tant  de  moyens  mécaniques,  que  plusieurs  années 
d'études  suffiraient  à  peine  pour  en  user  librement,  et  que  le  résul- 


tat de  cette  contention  de  ses  facultés  serait  inévitablement  d'anéan 
tir  ses  inspirations  lorsqu'il  voudrait  improviser,  et  qu'il  n'y  aurait 
plus  dans  l'avenir  de  grand  organiste  possible. 

Restons  dans  les  limites  du  beau,  dans  le  vrai  de  l'art,  et  pour 
cela  laissons  à  l'orgue  son  grand  caractère  avec  la  simplicité  et  la 
perfection  de  moyens  que  nous  offre  l'orgue  de  Sainte- Elisabeth  de 
Bâle,  construit  dans  les  ateliers  de  la  Société  anonyme,  sous  l'intelli- 
gente et  habile  direction  de  MM.  Merklin  et  Schûtze.  Je  porte  un  vif 
intérêt  aux  travaux  des  chefs  de  cet  établissement,  qui  possèdent  deux 
grandes  maisons  à  Paris  et  à  Bruxelles,  parce  que  je  les  vois  dans 
la  bonne,  dans  la  seule  voie  qui  mène  au  but  de  l'art.  Ils  sont  in- 
cessamment à  la  recherche  des  perfectionnements  qui  peuvent  conduire 
à  ce  but,  mais  ils  s'abstiennent  d'innovations  de  fantaisie.  D'une  pro- 
bité rigoureuse  dans  les  strictes  conventions  des  devis ,  leurs  maté- 
riaux sont  de  la  meilleure  qualité,  et  le  fini  de  leurs  produits  est  à 
l'abri  de  toute  critique.  Entouré  de  la  considération  publique,  l'ex- 
cellent administrateur  des  affaires  de  l'établissement,  M.  Verreyt, 
l'un  des  commissaires  de  la  Caisse  d'amortissement  en  Belgique,  im- 
prime à  tout  ce  qui  concerne  les  relations  commerciales  la  régularité 
la  plus  scrupuleuse.  Enfin,  dans  son  ensemble  comme  dans  ses  détails, 
la  Société  anonyme  pour  la  fabrication  des  orgues  (établissements 
Merklin-Schùtze)  offre  au  clergé  de  tous  les  pays  toutes  les  garanties 
désirables. 

FÉTIS  père. 


MARTINI. 

(4e  article)  (1). 

L'Amoureux  de  quinze  ans  obtint  un  très-grand  succès  et  resta 
longtemps  au  répertoire  de  la  Comédie  italienne.  Le  poème  de  cet 
agréable  ouvrage  sera  toujours  le  chef-d'œuvre  dramatique  de 
Laujon,  et  fut  assurément  son  titre  le  plus  sérieux  au  choix  de 
l'Académie  française,  qui  l'admit  dans  son  sein  en  1807,  plutôt  pour 
honorer  son  grand  âge  et  son  noble  caractère  qu'en  récompense  de 
ses  travaux  quelque  peu  futiles  et  légers.  A  une  reprise  qu'on  en 
fit  au  théâtre  Favart  au  mois  de  messidor  an  VI,  le  vieux  Laujon 
alors  septuagénaire  et,  pauvre  (la  révolution  lui  avait  fait  perdre 
emplois,  traitements  et  pensions),  pleurait  de  joie  en  embrassant 
Carline  et  Mme  Saint-Aubin,  qui  avaient  rempli  dans  sa  pièce  les 
deux  rôles  principaux. 

La  représentation  de  l'Amoureux  de  quinze  ans  posa  du  premier 
coup  Martini  en  compositeur  distingué  et  en  digne  émule  de  Grétry, 
de  Philidor  et  de  Monsigny.  Il  pensa  pouvoir  abandonner  le  service 
militaire  et  entra,  en  qualité  de  directeur  de  sa  musique,  chez  le 
prince  de  Condé.  Dans  le  courant  de  l'année  suivante,  il  fit  repré- 
senter à  Chantilly,  sur  le  théâtre  particulier  de  ce  prince,  un  autre 
opéra-comique  de  circonstance,  qu'il  avait  fait  aussi  en  collabora- 
tion avec  Laujon.  Bien  qu'aucun  des  biographes  du  poéLe  et  du  mu- 
sicien n'ait  mentionné  cet  ouvrage,  j'ai  acquis  la  certitude  de  son 
existence  dans  les  lignes  suivantes,  écrites  par  Bachaumont  le  29  no- 
vembre 1772  :  «  On  sait  que  V 'Amoureux  de  quinze  ans  est  une 
pièce  faite  à  l'occasion  du  mariage  de  M.  le  duc  de  Bourbon  avec 
Mlle  d'Orléans.  MM.  Laujon  et  Martini,  auteurs  de  cet  ouvrage,  et 
qui  semblent  avoir  envie  de  mettre  en  opéra-comique  toute  la  vie 
de  ces  augustes  époux,  en  ont  fait  une  seconde  à  la  naissance  du 
duc  d'Enghien  :  elle  a  été  jouée  à  Chantilly  avec  le  plus  grand  suc- 
cès; elle  a  pour  titre  le  Nouveau-né,  et  l'on  assure  que  c'est  lui 
que  l'on  répète  aujourd'hui  aux  Italiens.  »  (Mémoires  secrets,  etc.) 


(1)  Voir  les  n°"  49,  50  et  51. 


DE  PARIS. 


13 


Bien  que  donnée,  on  le  voit,  à  Chantilly,  la  représentation  du 
Nouveau-né  ne  put,  j'ignore  pour  quelle  raison,  avoir  lieu  à  la  Co- 
médie-Italienne, et  les  auteurs  lui  substituèrent  un  autre  ouvrage  en 
trois  actes,  intitulé  le  Fermier  cru  sourd,  dont  la  chute,  paraît-il,  fut 
éclatante.  C'est  ce  qui  ressort  encore  de  cette  autre  citation  de  Ba- 
chaumont  :  «  La  Nouveauté  de  MM.  Laujon  et  Martini  n'a  pas  eu  lieu 
aux  Italiens  par  des  circonstances  particulières  ;  mais  les  mêmes  au- 
teurs y  ont  substitué  un  autre  ouvrage  de  leur  composition,  c'est  le 
Fermier  cru  sourd  ou  les  Méfiances,  pièce  en  trois  actes  et  en  prose, 
mêlée  d'ariettes.  Depuis  longtemps  on  n'avait  vu  une  chute  aussi 
complète  ;  cet  opéra-comique  a  été  tellement  hué  depuis  le  commen- 
cement jusqu'à  la  On,  que  personne  n'a  pu  l'entendre,  et  personne 
n'a  regretté  de  ne  pas  entendre,  tant  cela  a  paru  plat.  La  musique, 
moins  mauvaise  n'avoit  rien  de  saillant  pour  compenser  le  dégoût 
général  :  il  falloit  qu'il  fût  bien  grand  pour  s'être  manifesté  aussi 
indécemment,  malgré  la  présence  de  Mme  la  duchesse  de  Bourbon, 
qui  honoroit  ce  spectacle  et  à  laquelle  un  des  auteurs  jppartient.  » 
(Mémoires  secrets,  etc.,  8  décembre  1772.  Additions  au  volume  24-) 

Laissons  reposer  les  morts  et  ne  nous  occupons  pas  davantage  de 
cette  œuvre  malheureuse,  qui  fut  suivie  d'une  autre  production  de 
Martini,  dont  le  sort  ne  fut  pas  beaucoup  meilleur  :  je  veux  parler 
du  Rendez-vous  bien  employé,  c<  comédie-parodie  »  dont  Anseaume 
avait  écrit  les  paroles  et  qui  fut  représentée  à  la  Comédie  italienne  le 
jeudi  gras  1774.  Je  ne  trouve  à  ce  sujet,  dans  Bachaumont,  que  ces 
deux  lignes,  datées  du  11  février  1774  :  «  La  parade  des  Italiens, 
quoiqu'assez  bien  faite,  n'a  pas  eu  de  succès,  à  raison  surtout  de  la 
musique  très-médiocre.  »  Et  celles-ci,  du  16  :  «  La  parade  des  Ita- 
liens, sans  avoir  eu  beaucoup  de  succès,  se  soutient.  Les  paroles 
sont  du  sieur  Anseaume,  et  la  musique,  très-médiocre,  est  du  sieur 
Martini.  »  On  peut  inférer,  je  crois,  du  jugement  porté  par  Bachau- 
mont sur  la  musique  de  Martini,  que  celle-ci  n'avait  pas  les  qualités 
comiques  propres  à  un  ouvrage  de  ce  genre,  mais  qu'elle  n'était  pas 
aussi  mauvaise  qu'il  lui  plaisait  de  le  dire.  C'est,  du  reste,  ce  qui 
résulte  du  passage  suivant  du  Mercure,  dont  la  critique  est  beaucoup  plus 
favorable  au  compositeur.  «  La  musique  de  M.  Martini,  dit  ce  der- 
nier, est  agréable,  expressive  et  pittoresque;  elle  fait  honneur  au 
génie  de  cet  habile  compositeur,  si  avantageusement  connu  par  la 
musique  délicieuse  de  l'Amoureux  de  quinze  ans.  On  peut  dire  pour- 
tant qu'il  a  trop  soutenu  la  noblesse  de  son  style,  et  qu'il  n'a  pas 
su  lui  donner  les  formes  comiques  et  propres  au  genre  grotesque  de 
la  parade.  » 

A  la  fin  de  cette  même  année  1774,  le  14  novembre,  Martini 
tentait  pour  la  quatrième  fois  les  hasards  de  la  scène,  et  venait,  en 
compagnie  de  du  Rosoy ,  présenter  aux  habitués  de  la  Comédie- 
Italienne  un  drame  lyrique  en  trois  actes  intitulé  Henri  IV  ou  la 
Bataille  d'Ivrij.  Si,  malheureusement,  l'absurdité  du  poëme  de  ce 
dernier  —  homme  de  cœur,  profondément  honnête  et  courageux, 
mais  fort  méchant  écrivain  —  fit  le  plus  grand  tort  à  la  musique 
de  Martini,  et  empêcha  l'ouvrage  de  se  maintenir  au  répertoire,  la 
partition  du  moins  réunit  tous  les  suffrages,  et  pendant  plus  de 
trente  ans  on  en  exécuta  à  Favart  et  dans  tous  les  grands  concerts 
publics  l'ouverture  et  un  entr'acte,  qui  obtenaient  toujours  le  plus 
grand  succès.  Mais,  je  le  répète,  la  pièce  n'eût  pu  réussir,  tant  le 
livret  en  était  plat,  misérable  et  ridicule,  à  ce  point  même  que  le 
roi  faillit  en  suspendre  les  représentations.  «  Le  Henri  IV  de 
M.  du  Rosoy,  —  dit  en  effet  Bachaumont  le  24  décembre,  —  joué 
devant  le  roi  la  semaine  dernière,  n'a  pas  reçu  l'approbation  de  ce 
monarque.  Il  a  été  scandalisé  de  la  façon  peu  digne  dont  l'auteur 
fait  figurer  ce  prince  en  plusieurs  endroits,  et  Sa  Majesté  a  déclaré 
que  si  les  représentations  n'en  étoient  pas  aussi  avancées,  elle  feroit 
arrêter  ce  drame  lyrique.  »  Cela  ne  découragea  pourtant  pas  du  Rosoy, 
qui,  sans  attendre  davantage ,  fit  représenter  l'année  suivante,  avec 
Bianchi,  un  nouveau  drame  lyrique,   la  Réduction  de    Paris  sous 


Henri  IV,  dans  lequel  il  avait  poussé  le  ridicule  à  ses  dernières 
limites.  C'est  ce  qui  fit  dire  a  un  de  ses  biographes  :  «  L'espèce 
d'obstination  avec  laquelle  du  Rosoy  semble  avoir  pris  à  tâche  de 
déshonorer  la  mémoire  d'un  héros  cher  aux  Français,  en  le  traves- 
tissant de  la  manière  la  plus  ridicule  dans  ces  deux  pièces,  lui  valut, 
dit  Palissol,  le  nom  de  Ravaillac  second.  » 

Martini  expia  durement  la  faute  qu'il  avait  commise  en  se  char- 
geant de  mettre  en  musique  un  livret  aussi  pitoyable  :  Henri  IV  fut 
abandonné  complètement  après  un  petit  nombre  de  représentations, 
et  l'on  pouvait  supposer  que  c'en  était  à  jamais  fini  pour  lui,  lors- 
qu'en  1814,  pendant  la  première  restauration,  et  deux  ans  à  peine 
avant  la  mort  du  musicien,  l'ouvrage,  qui  formait  presque  une  pièce 
de  circonstance,  fut  remis  à  la  scène  avec  des  changements  assez 
considérables.  Il  ne  s'y  soutint  pas  plus  que  la  première  fois,  et  fut 
définitivement  abandonné  peu  de  temps  après. 

IV. 

Faut-il  attribuer  à  ces  insuccès  répétés  dès  le  commencement  de  sa 
carrière  le  silence  obstiné  de  Martini  pendant  les  neuf  années  qui 
suivirent  la  représentation  de  Henri  IV?  Trois  chutes  successives 
semblaient  faites,  en  effet,  pour  tempérer  la  joie  qu'avait  pu  lui 
causer  la  réussite  de  son  premier  ouvrage  et  le  décourager  au  moins 
momentanément.  Il  abandonna  donc  la  lutte  pour  un  temps,  laissant 
le  champ  libre  à  Grétry,  qui  continuait  de  charmer  le  public  avec 
de  nouvelles  œuvres,  le  Jugement  de  Midas,  l'Amant  jaloux, 
les  Evénements  imprévus,  Aucassin  et  Nicoletle;  à-  Dezèdes,  qui 
donnait  pendant  ce  temps  les  Trois  fermiers,  Zulima,  le  Porteur 
de  chaises,  Cécile,  A  trompeur,  trompeur  et  demi,  Biaise  et  Babel; 
enfin,  à  Champein,  dont  la  fécondité  s'annonçait  dès  ses  débuts  par 
l'apparition  successive  de  Mina,  la  Mélomanie,  Léonce,  le  Baiser, 
Isabelle  et  Fernand  et  le  Poète  supposé. 

Je  ne  sais  à  quoi  s'occupait  alors  Martini.  Il  est  bien  vrai  que  ce 
fut  dans  ce  temps  qu'il  devint  directeur  de  la  musique  du  comte  d'Ar- 
tois; mais  ces  fonctions  ne  pouvaient  le  distraire  complète- 
ment de  ses  travaux  ordinaires,  et  cependant  il  semblerait  que 
son  inactivité  fut  complète  durant  cette  période  de  son  existence. 
Non-seulement  il  se  tenait  éloigné  du  théâtre,  mais  il  ne  publiait  au- 
cun ouvrage,  bien  qu'en  dehors  de  la  scène  ses  compositions  soient 
fort  nombreuses.  Nous  avons  la  preuve  incontestable  que  toute  sa 
musique  instrumentale  avait  été  gravée  et  livrée  au  public  avant  la 
représentation  de  l'Amoureux  de  quinze  ans;  et  quant  à  ses  recueils 
de  romances,  ses  œuvres  de  musique  religieuse,  ses  traités  didacti- 
ques, tout  cela  ne  commença  de  paraître  qu'à  partir  des  premières 
années  de  la  révolution,  révolution  qui  fut  si  profitable  aux  dévelop- 
pements de  l'art  musical  et  à  l'éclosion  des  génies  qui  devaient  en 
ce  genre  illustrer  notre  pays. 

Enfin,  nous  retrouvons  Martini  sur  la  brèche  aux  derniers  jours 
de  1783.  Le  29  décembre  de  cette  année,  il  faisait  de  nouveau  repa- 
raître sa  muse  sur  les  planches  de  la  Comédie  italienne,  et  offrait  aux 
amateurs  de  ce  spectacle  un  nouvel  ouvrage  en  trois  actes,  le  Droit 
du  seigneur,  dont  Desfontaines  lui  avait  fourni  le  livret,  et  qui  avait 
été  représenté  d'abord,  le  17  octobre,  sur  le  théâtre  particulier  de  la 
cour,  à  Fontainebleau. 

Je  renonce,  pour  ne  pas  me  répéter  sans  cesse,  à  faire  l'analyse  de 
cette  remarquable  production  d'une  plume  élégante,  mais  je  ne  sau- 
rais cependant  me  priver  du  plaisir  d'en  citer  deux  ou  trois  mor- 
ceaux des  plus  importants. 

Arthur  POUGIN. 
{La  suite  prochainement .  ) 


14 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


NOUVELLES. 

»*»  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  Moïse  a  seul  occupé  l'affiche 
pendant  la  semaine  passée,  et  la  foule  s'est  toujours  empressée  d'aller 
applaudir  le  chef-d'œuvre,  dont  l'exécution  est  de  plus  en  plus  re- 
marquable. 

»**  Aujourd'hui,  par  extraordinaire,  la  Muette  de  Portici, 

**»  La  première  représentation  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe  est  an- 
noncée définitivement  pour  demain  lundi  à  l'Opéra-Comique. 

„%  Mme  Charton  Demeur  est  venue  mardi  dernier  reprendre  au 
théâtre  Italien  la  place  qu'elle  y  avait  si  brillamment  conquise  il  y  a 
bientôt  deux  ans.  C'est  dans  la  Traviala  qu'elle  a  fait  sa  rentrée.  On 
se  rappelle  que,  dans  une  représentation  à  bénéfice,  elle  avait  déjà 
chanté  un  fragment  du  rôle  de  Violetta,  l'un  des  plus  importants  du 
répertoire. 

,*,  Adelina  Patti  est  arrivée  lundi  dernier  à  Paris  et  débutera  ce  soir 
dans  la  Sonnambula.  Avant  de  quitter  Madrid,  la  jeune  et  célèbre  artiste 
a  voulu  donner  pour  les  pauvres  un  concert,  qui  a  été  très-fructueux. 
La  reine  d'Espagne  lui  a  fait  remettre  une  précieuse  parure  en  saphirs 
et  brillants,  à  l'occasion  d'une  représentation  à  son  bénéfice. 

»**  Mme  Tcdesco  vient  d'obtenir  un  très-grand  succès  à  Lisbonne 
dans  Sa/fo,  de  Pacini.  La  célèbre  cantatrice  va  se  faire  entendre  dans 
Il  Profeta,  Anna  Bolena,  il  Barbiere  et  Nina  Pazza  de  Cappola. 

***  Mme  Penco  coutinue  à  être  applaudie  à  Cadix,  où  elle  vient  de 
chanter  la  Norma. 

**„  Mlle  Ebrard,  élève  distinguée  du  Conservatoire  de  Paris,  a  débuté 
dimanche  passé  avec  beaucoup  de  succès  au  théâtre  Lyrique ,  dans  le 
rôle  de  Zora  de  la  Perle  du  Brésil. 

,%  Mayda,  tel  est  le  titre  d'un  opéra  en  trois  actes  que  M.  de  Flo- 
tow  vient  de  composer  et  dont  les  répéiitions  vont  commencer  au 
théâtre  de  la  cour  à  Vienne.  Le  principal  rôle  en  est  destiné  au  té- 
nor Wachtel. 

*%  Offenbach  est  reparti  pour  Vienne,  où  il  va  présider  aux  der- 
nières répétitions  de  son  nouvel  opéra  les  Fées  du  Rhin. 

»?„  Le  Brésilien  a  reparu  au  théâtre  du  Palais-Royal  et  avec  lui  la 
Ronde  composée  par  Offenbach,  et  chantée  avec  tant  de  verve  et  un  si 
grand  effet  par  Brasseur  et  Gil  Pérès.  Le  succès  de  la  Ronde  du  Brési- 
lien ne  se  borne  pas  à  Paris;  en  province  et  à  l'étranger  elle  est  devenue 
également  populaire,  et  des  milliers  d'exemplaires  n'ont  pu  suffire  à  sa 
vogue  toujours  croissante. 

***  Le  premier  concert  d'abonnement  du  Conservatoire  aura  lieu 
aujourd'hui  sous  la  direction  de  George  Hainl.  On  y  exécutera  la  sym- 
phonie en  ut  mineur  de  Beethoven  ;  le  chœur  des  chasseurs  d'Euryanthe; 
l'adagio  du  septuor  de  Beethoven;  le  chœur  des  nymphes  de  Psyché 
d' A mbroise  Thomas;  l'ouverture  d'Oberon,  et  le  finale  de  la  Création 
de  Haydn. 

*%  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  cirque  Napoléon:  symphonie  en  ut  majeur 
(n°30),  de  Haydn;  ouverture  de  Ruy  Blas,  de  Mendelssohn;  adagio,  de 
Weber  (le  solo  de  clarinette  par  M.  Auroux)  ;  le  Comte  aVEymont,  tragé- 
die de  Goethe,  musique  de  Beethoven. 

**t  A  Vienne,  au  théâtre  de  la  cour,  il  y  a  eu  dans  le  courant  de 
l'année  dernière  trois  cent  vingt-six  représentations.  On  n'a  donné  que 
deux  pièces  nouvelles  :  Lalla-Roukh,  de  Félicien  David,  et  le  ballet 
Jolta,  par  Borri. 

**„  George  Hainl,  récemment  élu  chef  d'orchestre  de  la  Société  des 
concerts  du  Conservatoire,  a  été  présenté  à  la  Société  par  M.  Auber. 
George  Hainl  a  adressé  à  ses  confrères  quelques  paroles  empreintes 
d'une  chaleureuse  cordialité  et  qui  ont  été  accueillies  de  la  façon  la 
plus  sympathique. 

*%  Dans  la  grande  messe  célébrée  le  1er  janvier  aux  Tuileries,  Mlle  Sax 
a  chanté  un  0  salutaris  d'Auber  et  y  a  produit  un  très-grand  effet. 

„**  Mlle  Brunetti,  l'ancienne  élève  de  Duprez,  a  débuté  avec  suc- 
cès dans  le  rôle  du  page  d'Un  ballo  in  maschera.  Cet  ouvrage  a  inau- 
guré la  saison  du  théâtre  de  la  Scala  à  Milan.  Elle  doit  prochaine- 
ment chanter  le   rôle   d'Anaï  de  Moïse. 

„**  Une  bonne  nouvelle  nous  arrive  de  Nîmes.  Un  de  nos  cor- 
respondants nous  écrit  que,  ainsi  que  Marseille,  Toulouse,  Valen- 
ciennes  et  plusieurs  de  nos  cités  provinciales  les  plus  importantes, 
cette  ville  va  se  trouver  aussi  en  possession  d'un  Conservatoire, 
dont  les  classes  sont  dès  aujourd'hui  régulièrement  constituées.  De- 
puis tantôt  vingt-cinq  ans  que  des  écoles  de  chant  choral  y  existent, 
il  n'avait  pas  été  possible  d'y  fonder  un  établissement  sérieux  de  ce 
genre,  mai*  la  chose  est  arrêtée  maintenant.  Le  conseil  municipal, 
sous  la  surveillance  duquel  est  placé  le  nouveau  Conservatoire,  vient 
de  voter  les  fonds  nécessaires  ;  un  local  provisoire  a  été  choisi,  et  les 
classes  doivent  s'ouvrir  dans  le  courant  du  présent  mois  de  janvier. 
Voici  de  quelle  façon  ces  classes  sont  distribuées  :  solfège  (première 
année),  M.  A.  Pellet,  directeur  de  l'Orphéon  ;  —  solfège  (deuxième  an- 


née), M.  Aubert;  —  violoncelle,  M.  Aubert  ;  —  cor  et  cornet  à  pistons, 
M.  Marteau;  —  hautbois,  flûte  et  basson,  M.  Bouffard;  —violon, 
MM.  Delaruelle  et  Rouais.  Tous  ces  artistes  sont  avantageusement  con- 
nus à  Nîmes,  et  tout  fait  présager  que  la  nouvelle  institution  est  ap- 
pelée à  rendre  d'excellents  services. 

»**  C'est  dans  la  dernière  quinzaine  de  janvier  que  Mlle  Marie  Darjou 
donnera  son  concert  à  grand  orchestre  à  la  salle  Herz.  Nous  signalons, 
entre  autres  morceaux  exécutés  par  elle,  la  dernière  œuvre  d'E.  Pru- 
dent :  les  Trois  rêves. 

„■%  La  première  valse  brillante  pour  piano  de  M.  S.  Ponce  de  Léon 
vient  de  paraître,  transcrite  à  quatre  mains  par  l'auteur,  chez  Challiot 
et  C. 

***  L'espace  nous  manque  pour  rendre  compte  du  concert  donné 
vendredi  au  bénéfice  de  la  caisse  de  secours  de  l'Association  des 
artistes  musiciens  dans  la  salle  Herz.  Nous  nous  en  occuperons  dans 
notre  prochain  numéro. 

**„  Le  directeur  de  théâtre  Wallner,  à  Berlin,  vient  de  recevoir  du 
roi  de  Prusse  la  grande  médaille  pour  les  arts  et  les  sciences,  à  l'oc- 
casion de  la  publication  de  ses  Souvenirs. 

***  Le  maître  de  chapelle  Henri  Dora,  à  Berlin,  vient  d'écrire  un 
opéra  nouveau  sous  le  titre  de  :  le  Messager  de  Pirna. 

„,%  Dans  un  concert  donné  à  Amsterdam,  le  3  de  ce  mois,  sous 
sa  direction  et  avec  le  concours  de  la  Société  chorale,  M.  A.  Berlyn  a 
fait  exécuter  une  grande  cantate  de  lui,  les  Matelots  au  rivage,  ainsi 
que  sa  nouvelle  composition  l'Amour.  Ce  monceau  lui  a  valu  trois  salves 
de  bravos  et  un  rappel. 

***  Dimanche  prochain,  17  janvier,  à  10  heures  précises,  on  exécu- 
tera à  l'église  Saint-Vincent-de-Paul  une  messe  en  musique  de  la  com- 
position de  M.  Roberti.  Cette  œuvre,  exécutée  souvent  à  Londres  avec 
le  plus  grand  succès,  sera  dirigée  par  M.  Mullot,  maître  de  chapelle 
de  la  paroisse.  Le  grand  orgue  sera  tenu  par  M.  Auguste  Durand,  or- 
ganiste de  Saint-Vincent-de-Paul. 

*%  L'inauguratiou  des  nouvelles  orgues  de  Saint-André,  à  Lille,  a  eu 
lieu  le  6  janvier.  La  décision  du  jury  a  été  unanime  pour  la  réception 
du  grand  orgue  et  de  l'orgue  d'accompagnement,  sortis  des  ateliers  de 
MM.  Merklin  et  Schùtze.  MM.  Edouard  Batiste,  professeur  au  Conserva- 
toire impérial  de  musique,  organiste  du  grand  orgue  de  Saint-Eustache; 
Alexandre  Guilmant,  organiste  de  Saint-Nicolas,  à  Boulogne-sur-Mer  ; 
Dubois,  professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  avaient  été  chargés 
de  faire  valoir  les  ressources  du  nouvel  instrument,  et  se  sont  acquittés 
de  leur  tâche  avec  le  remarquable  talent  que  chacun  d'eux  possède. 

***  La  première  des  séances  de  quatuor  données  par  Alard  et  Fran- 
chomme,  avec  le  concours  de  L.  Diémer,  aura  lieu  dimanche  prochain, 
à  la  salle  Pleyel. 

„,**  Un  grand  concours  international  de  chant  d'ensemble  et  d'har- 
monie va  être  organisé  par  les  orphéonistes  d'Arras ,  pour  les  28  et 
29  août.  Les  sociétés  chorales  de  la  France  et  de  l'étranger  qui  veulent 
y  prendre  part  ont  à  s'adresser  à  M.  Judes,  secrétaire  des  orphéo- 
nistes à  Arras. 

***  M.  François  Schott,  chef  de  la  maison  les  fils  de  B.  Schott  â 
Mayence,  vient  de  recevoir  du  duc  de  Hesse-Darmstadt  le  titre  de  con- 
seiller de  commerce  (Commerzienrath). 

**t  Mlle  Hélène  de  Katow,  violoncelliste,  l'une  des  meilleures  élèves 
de  Servais,  est  de  retour  à  Paris.  Pendant  un  séjour  de  près  d'une  année 
en  Belgique,  son  talent  s'est  admirablement  perfectionné  par  les  leçons 
particulières  de  son  célèbre  professeur.  Aussi  a-t-elle  obtenu  dans  les 
principales  villes  de  Belgique  et  de  Hollande  les  succès  les  plus  bril- 
lants et  les  mieux  mérités.  Elle  compte  donner  cet  hiver  à  Paris  plu- 
sieurs grauds  concerts. 

***  M.  Strakosch,  l'excellent  compositeur-pianiste,  a  été  décoré  par 
la  reine  d'Espagne  de  l'ordre  de  Charles  III. 

„**  Vendredi  prochain  aura  lieu  dans  le  salon  de  M.  Lebouc  une  soi- 
rée de  musique  de  chambre  donnée  par  M.  Delcroix,  pianiste,  Méné- 
trier, violoniste,  et  Van  Guth,  violoncelliste. 

„*t  Sivori  a  donné  sa  dernière  matinée  musicale  à  Bordeaux,  et  se 
rend  à  Toulouse,  Poitiers  et  Angoulême.  L'éminent  artiste  excite  par- 
tout le  plus  grand  enthousiasme. 

„**  Le  Temps,  journal  de  Trieste,  annonce  que  pendant  la  répétition 
du  ballet  Flamella,  qui  a  eu  lieu  le  24  décembre  au  Grand-Théâtre  de 
cette  ville,  le  feu  a  pris  aux  jupes  de  plusieurs  danseuses  du  corps  de 
ballet.  Grâce  à  de  prompts  secours,  le  feu  a  été  éteint,  non  sans  causer 
de  graves  blessures  à  quelques-unes  des  malheureuses  danseuses  ;  une 
d'entre  elles,  âgée  de  quatorze  ans,  a  déjà  succombé. 

***  D.  Magnus  annonce  pour  samedi  prochain  une  séance  d'audition 
de  ses  nouvelles  œuvres,  qui  aura  lieu  dans  les  salons  de  Pleyel-Wolff. 
Il  y  exécutera  sa  transcription  du  finale  du  troisième  acte  de  Moïse. 

***  Voici  le  programme  de  la  séance  populaire  de  musique  de  cham- 
bre qui  aura  lieu  mardi  prochain  dans  la  salle  Herz  :  trio  en  ré  mi- 
neur, de  Mendelssohn ,  exécuté  par  MM.  H.  Fissot,  Ch.  Lamoureux  et 
E.  liignault  ;  quatuor  en  si  bémol,  de  Beethoven  ;  duo  en  mi  bémol,  pour 


DE  PARIS. 


15 


piano  et  violon,  de  Weber,  exécuté  par  MM.  H.  Fissot  et  Ch.  Lamoureux; 
quatuor  en  sol  majeur,  de  Haydn. 

.„**  L'empereur  d'Autriche  vient  d'accorder  au  compositeur  Al.  Schmitt, 
à  Francfort,  la  grande  médaille  pour  les  sciences  et  les  lettres. 

„%  Mlle  Marie  Jungle  donnera  le  samedi,  16  janvier,  dans  la  salle  Herz, 
un  concert  dont  le  programme  offre  un  vif  intérêt.  La  jeune  pianiste 
exécutera  le  5°  concerto  et  une  tarentelle  nouvelle  de  Henri  Herz ,  qui 
lui-même  jouera  un  duo  à  deux  pianos  avec  Mlle  Marie  Jungk.  On  en- 
tendra aussi  M.  et  Mme  Trebelli-Bettini,  du  théâtre  Italien,  et 
MM.  Bauerkeller  et  Muller.  C'est  dans  ce  concert  que  le  célèbre  guita- 
riste polonais,  Marc  Sokohvski,  fera  ses  débuts  à  Paris. 

„%  M.  Adolphe  de  Groot  ouvrira  prochainement  un  cours  d'harmo- 
nie à  la  succursale  de  la  maison  Pleyel,  Wolff  et  Ce,  rue  Richelieu, 
n°  95.  Le  professeur  y  fera  l'explication  de  la  théorie  des  accords,  de 
leur  enchaînement,  etc.,  de  façon  qu'au  bout  de  quelques  mois  ceux 
qui  suivront  cet  enseignement  pourront,  non-seulement  se  livrer  à  des 
essais  écrits  ,  mais  encore  à  des  préludes  improvisés  exempts  de  ces 
fautes  qui  attestent  une  connaissance  insuffisante  des  lois  constitutives 
de  l'harmonie. 

„**  Demain  lundi,  dans  la  salle  Herz,  concert  donné  par  M.  Rolland, 
chef  de  musique  de  la  gendarmerie  pontificale,  qui  fera  exécuter  six 
quatuors  de  sa  composition.  Ces  quatuors,  pour  instruments  à  cordes 
et  de  mesures  différentes,  seront  joués  d'abord  successivement,  puis 
trois  à  la  fois,  et  pour  finir  les  six  ensemble. 

*%  S.  M.  le  roi  d'Italie  vient  d'accorder  à  M.  Luigi-Bordèse  la  déco- 
ration de  l'ordre  des  saints  Maurice  et  Lazare. 

**„.  L'éminent  piani=te  Gennaro  Perelli,  en  ce  moment  en  Espagne, 
vient  d'être  nommé  officier  de  l'ordre  d'Isabelle-la-Catholique. 

,%  Au  bal  masqué  d'hier  soir,  Strauss  a  fait  entendre  deux  nouveaux 
quadrilles  :  les  Chasses,  sur  des  thèmes  de  Rossini  et  Mehul,  et  un  qua- 
drille sur  des  thèmes  arabes.  Les  fanfares  étaient  exécutées  par  trente 
trompes  de  chasse.  Le  quadrille  les  Bavards  et  le  Brésilien  est  redemandé 
à  chaque  bal. 

**.,.  Le  charmant  théâtre  Robin  offre  continuellement  de  nouvelles 
surprises  au  public.  Pour  les  fêtes  du  jour  de  l'an,  la  composition  de 
son  spectacle  a  été  changée  complètement,  et  les  nouvelles  expériences 
qu'on  y  exécute,  ainsi  que  les  démonstrations  scientifiques  qu'on  y 
donne,  obtiennent  chaque  soir  un  succès  des  plus  éclatants. 

„,%  Mme  Mancel,  dont  nous  avons  souvent  eu  occasion  d'apprécier  le 
talent  comme  cantatrice,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  trente-quatre  ans. 

„•**  E.  Trangott  Herr  est  mort  à  Dresde  le  34  décembre,  après  une 
courte  maladie,  dans  sa  trente-huitième  année  ;  il  était  d'une  grande 
force  sur  le  basson. 

CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 

***  Douai.  —  Giralda,  le  charmant  opéra-comique  d'Adolphe  Adam, 
vient  d'être  repris  avec  un  très-grand  succès.  Mlle  Enaux  y  a  fait 
preuve  d'un  talent  réel. 

a**  Besançon.  —  Mme  Alrit  obtient  de  chaleureux  applaudissements 
dans  l'Étoile  du  Nord.  Elle  y  remplit  d'une  façon  très-remarquable  l'un 
des  rôles  principaux. 

***  Nancy.  —  Les  rôles  de  Rose,  des  Dragons  de  Villars,  et  d'Elvira 
ont  valu  de  nombreux  bravos  à  Mlle  Cazat,  qui  réussit  aussi  bien  dans  le 
répertoire  du  grand  opéra  que  clans  celui  de  l'opéra-comique. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^%  Cologne.  —  Au  cinquième  concert  d'abonnement  on  a  entendu 
Mme  Clara  Schumann  et  la  cantatrice  Mlle  Wiesemann.  En  outre  a  été 
exécutée  la  Fuite  de  la  sainte  famille,  par  Max  Bruch,  charmante  idylle, 
suave  et  pieuse  composition  digne  de  l'auteur  de  Lorelci.  Le  jeune  com- 
positeur a  été  rappelé  à  la   fin  du  morceau. 

t*.j.  Brunswick.  —  Niemann,  du  théâtre  royal  de  Hanovre,  obtient 
beaucoup  de  succès  ici.  Il  a  surtout  été  fort  applaudi  dans  le  rôle  de 
Jean  de  Leyde,  du  Prophète,  et  Masaniello,  de  la  Muette. 

**„,  Berlin.  —  Mlle  Artôt  donnera  ici  une  série  de  représentations 
qui  doivent  durer  deux  mois. 

i**  Vienne.  —  La  Muette  de  Portici  a  été  donnée  la  veille  du  jour  de 
l'an  et  a  obtenu  un  succès  d'enthousiasme;  l'opéra  a  été  monté  d'ailleurs 
avec  tous  les  soins  imaginables.  Mlle  Couqui,  la  ravissante  danseuse,  a 
supérieurement  bien  mimé  le  rôle  de  Fenella.  —  Willmers,  qui  depuis 
plusieurs  années  ne  s'était  pas  fait  entendre  en  public,  prendra  part 
au  prochain  concert  de  la  cour,  —  E.  Pauer,  l'excellent  pianiste  de 
Londres,  annonce  un  concert  à  la  salle  de  la  Réunion.  —  Au  qua- 
trième concert  philharmonique  a  été  exécutée  la  troisième  partie  du 
Faust,  de  Liszt. 


t\-ReggiO.—  [La  saison  du  carnaval  a  été  inaugurée  par  l'opéra  Maria 
de  Flotovv,  qui  a  pleinement  réussi.  Le  ténor  Vidal  et  Mme  Caruzzi  y 
ont  été  surtout  fréquemment  applaudis. 

„,*„  Moscou.  —  Le  ténor  Pancani  a  excité  l'enthousiasme  dans  II  Pro~ 
fêta,  qu'il  chante  et  joue  à  la  perfection.  Prochainement  il  se  fera  en- 
tendre dans  Kubcilo  il  Diavolo. 


Page  h  du  dernier  numéro ,  avant   dernière   ligne,  lisez   le  peintre 
Hensel,  et  non  le  pianiste  Henselt. 


NOUVEAU  JOURNAL  DE  MUSIQUE  MILITAIRE 

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16 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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Chez  Ci.  RRAUTHJS   et  S.  DUJFOITR,  éditeurs,  1 03,  rue  de  Rieheliea,  au  1er. 


LISCHEN  ET  FRITZGHEN 


Conversation  alsacienne, 
Paroles    de    PAUt    DUBOIS,    musique    de 


J  A.  G  CI  17 


(Représentée  à  l'ouverture  de  la  nouvelle  salle  des  Bouffes-Parisiens) 
La    Partition    pour   Chant    avec    Piano    et    le    Dialogue,    format   in-8° 

LES    AIRS     DÉTACHÉS    DE    CHANT  : 

1 .  Couplets  chantés  par  Désiré  :  Me  chasser,  me  forcer  a  lais- 

ser mon  service 3 

2.  Chanson  chantée  par   Mlle  Boufifar  :  P'tils  balais,  je   vends 

des  toutes  p'tïts  balais 3 


3.  Duo  :  Je  suis  Alsacienne.  —  Je  suis  Alsacien 6 

4.  Fable  chantée  par  Mlle  Bouffar  :   Einmal  eine  rat  de  ville 
invite  eine  rate'  des  champs 4 

5.  Duo  final  :  Quoi,  Fritzerl,  sans  qu'il  t'en  coûte » 


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Prix  •  5  francs. 


LE     PIFFERARO 

Vaudeville  en  un  acte,  de  MM.  A.  Duru  et  H.  Chivot. 
Deux  morceaux  chantés 

PAR 


N"  2. 

CHANT  DES  PIFFERARI 

Musique  de  GEVAERT 

Prix  :  3  francs. 


MANUFACTURE    GÉNÉRALE    D'INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE    ET    EN    BOIS 


SO,  me  Saint-Georges, 
à  Paris. 


ADOLPHE    SAX 


*  * 


50,  rue  Saint-Georges 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ    DES   AVANTAGES   DES   SAXHORNS   ET   DES   SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son;  supérieur  comme  justesse  j  supérieur  comme  création  de  famille  complète;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passabla  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'iDstrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier  — 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'iastrument  de  sa  position.  /TiT^l 

Tooi  k«  instruments  sortant  de  la  fabrique  portent  l'inscription  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,      7H®\ 

le  numéro  d'ordre  de  l'iuilrumenl  et  le  poinçon  ci-après  :  IQîjt 


hauteur  et 
à  faire  un 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Rue  de  la  Victoire,  48,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidilé,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


MP01EON   CIIAIX 


BUREAUX    A   PARIS  :  BOULEVARD    DES    ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


ON   S'ABONNE  : 

Dan»  Ici  Départements  «t  û  l'Étranger. 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraîref, 

et  aui  Bureaux  do»  McssngeriM  *t  des  Postes. 


N°  3. 


REVUE 


17  Janvier  1861 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

tarit. 24  r.  par  an. 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  »       îd. 

Étranger •■•    34  >»       id. 

La  Journal  pnrult  le  Dimanche, 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE .  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  la  Fiancée  du  roi  de 
Garbe,  opéra-comique  en  trois  actes  et  six  tableaux,  paroles  de  MM.  Scribe  et 
Saint-Georges,  musique  de  M.  Auber.  —  Théâtre  impérial  italien  :  rentrée  de 
Mlle  Adelina  Patti  dans  la  Sonnambula;  Mme  Charton-Demeur  et  Mme  Lum- 
ley  dans  le  Trovatore  ;  départ  de  Fraschini  et  de  Mme  de  La  Grange,  par 
Paul  Smith.  —  Concerts  et  auditions.  — Martini  (5°  article),  par  Arthur 
Pougin.  —  Lettres  de  Félix  Mendelssohn,  traduites  par  «?.  Duesuerg.  — 
Revue  des  théâtres,  par  ».  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRÀ-COHIQUE. 

I.A  FIANCÉE  DU  ROI  DE  GARBE, 

Opéra  comique  en  trois  actes  et  six  tableaux,  paroles  de  MM.  Scribe 
et  Saint-Georges,  musique  de  M.  Auber. 

(Première  représentation  le  11  janvier.) 

Pour  un  critique,  plein  de  foi  dans  son  savoir  et  son  importance, 
quelle  bonne  fortune  qu'un  ouvrage  qui  lui  fournit  l'occasion  de 
donner  tout  à  la  fois  une  leçon  de  musique  à  M.  Auber,  le  doyen 
des  compositeurs,  le  glorieux  chef  de  notre  école  ;  une  leçon  de  théâtre 
à  M.  Scribe,  qui  malheureusement  ne  peut  plus  en  profiter  ;  et, 
chemin  faisant,  de  fustiger  M.  de  Saint-Georges,  son  collaborateur 
de  l'Ambassadrice,  des  Diamants  de  la  Couronne,  et  autres  libretti , 
dont  la  vogue  a  été  si  grande  !  Mais  pour  le  public ,  quelle  espé- 
rance et  quel  attrait  que  cette  triple  signature  à  laquelle  le  succès  a 
fait  tant  de  fois  honneur  !  Cette  semaine  encore,  il  s'est  bien  gardé 
d'y  manquer,  et  le  public  n'a  pas  été  trompé  dans  son  attente  :  il  a 
eu  ce  qu'il  se  flattait  d'avoir,  une  pièce  amusante,  accidentée,  mêlée 
de  réel  et  de  fantastique,  une  partition  charmante  ;  nous  ne  savons 
pas  d'expression  plus  juste  pour  caractériser  une  œuvre  que  le 
souffle  mélodique  anime  d'un  bout  à  l'autre,  en  s'appuyant  sur  tout 
ce  que  l'art  a  de  plus  ingénieux,  de  plus  pur,  de  plus  élégant,  de 
plus  délicieusement  classique.  Enfin,  il  a-  eu  des  artistes  de  talent, 
parmi  lesquels  deux  surtout,  Achard  et  Mlle  Cico,  méritent  d'être 
cités  hors  ligne  ;  ajoutez  une  mise  en  scène  brillante  et  riche,  l'une 
des  meilleures  d'un  théâtre  connu  pour  en  avoir  eu  d'excellentes,  et 
vous  comprendrez  qu'en  montant  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  l'Opéra- 
Comique  ne  l'a  pas  acceptée  comme  un  legs  de  valeur  douteuse, 


mais  comme  une  belle  et  bonne  donation,  dont  les  avantages  sont 
clairs  et  palpables. 

La  Fiancée  du  roi  de  Garbe  !  Qui  ne  connaît  le  scandale  de  ses 
aventures  anlé-conjugales,  tel  que  nous  l'ont  transmis  Boccace  et 
la  Fontaine  ?  Qui  ne  sait  que  le  roi  de  Garbe  est  le  type  de  cette  foi 
robuste,  que  rien  ne  peut  altérer  ni  détruire  chez  certains  préten- 
dants et  maris  ?  Boccace,  à  la  fin  de  sa  nouvelle,  où,  suivant  les 
mœurs  de  son  siècle,  la  licence  est  presque  toujours  cruelle,  où 
l'on  s'enivre  de  sang  et  de  voluptés,  conclut  par  cette  moralité  fort 
peu  morale,  dont  nous  n'oserions  risquer  la  traduction  exacte, 
Bocca  basciala  non  perde  ventura;  anzi  rinnuova  comme  la  luna. 
Ce  qui  signifie,  à  peu  près,  que  quelques  baisers  reçus  ou  donnés 
ne  font  rien  à  l'affaire,  qu'on  y  gagne  souvent  au  lieu  d'y  perdre. 
Vous  concevez  que  l'Opéra-Comique  est  autrement  sévère ,  et  n'ad- 
met pas  de  telles  énormités  :  Jugez-en . 

Le  grand  roi  de  Garbe,  Babolin  Ier,  monarque  d'Espagne,  de  Por- 
tugal, par  suite  de  la  conquête  maure,  ou,  si  vous  l'aimez  mieux, 
souverain  du  Maroc,  s'est  avisé  de  vouloir  prendre  femme,  non  sans 
consulter  préalablement  un  sien  parrain ,  qui  habite  la  lune ,  sur  les 
conséquences  possibles  de  sa  résolution.  Au  lieu  de  répondre,  le  par- 
rain lui  expédie  par  la  commodité  d'un  de  ses  pages,  aéronaute  sans 
ballon,  un  écrin  renfermant  un  collier  de  treize  perles  du  Visapour, 
dont  voici  la  propriété  :  Si  celle  qui  porte  le  collier,  sur  sa  poitrine 
ou  dans  sa  poche,  accorde  ou  se  laisse  dérober  la  plus  légère  faveur, 
à  l'instant  même  une  perle  se  détache  du  collier  pour  n'y  revenir  ja- 
mais. Par  ce  moyen,  le  roi  saura  toujours  à  quoi  s'en  tenir  sur  la  vertu 
de  sa  noble  épouse,  la  fille  du  Soudan  d'Egypte,  auprès  de  laquelle 
il  envoie  son  neveu,  don  Alvar,  pour  demander  sa  main  et  lui  remet- 
tre le  collier. 

Don  Alvar  est  fort  joli  garçon  de  sa  personne,  mais  il  s'est  voué 
par  goût  à  l'étude  des  sciences  et  de  l'astronomie.  Il  ne  contemple 
pourtant  pas  le  ciel  si  assidûment  qu'il  n'ait  aperçu  sur  la  terre  un 
adorable  portrait,  dont  il  est  devenu  amoureux  jusqu'au  délire.  Il  a 
ramassé  le  portrait  perdu  par  Babolin,  car  c'est  justement  celui  de 
la  belle  Alaciel,  fille  de  son  futur  beau-père,  le  soudan  d'Egypte. 
N'oublions  pas  de  dire  qu'auprès  de  Babolin  il  y  a  une  autre 
jeune  fille,  nommée  Figarina,  et  dont  la  main  légère  a  pour  mis- 
sion de  promener  chaque  matin  le  rasoir  sur  le  menton  royal.  C'est 
un  usage  établi  jadis  par  un  prince,  qui  tenait  a  parler  sans  cesse, 


18 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


même  tandis  qu'on  le  rasait,  et  qui  n'avait  rencontré  d'autre  main 
que  celle  d'une  femme  pour  lui  sauver  le  désagrément  des  estafilades. 
De  là  cette  charge  de  barbière,  espèce  de  favorite,  très-agréable  à 
Babolin  et  que  néanmoins  il  congédie,  parce  qu'il  se  dispose  à  se 
marier. 

L'ambassade  envoyée  par  le  roi  au  Soudan  a  pour  chef  don  Alvar, 
escorté  de  Figarina.  Don  Alvar  reconnaît  dans  la  fiancée  de  son  oncle 
l'original  du  portrait,  dont  il  raffole.  Pour  revenir  à  Garbe,  les 
voyageurs  ont  à  traverser  des  pays  remplis  de  bêtes  féroces  ,  et  de 
brigands  qui  ne  le  sont  guère  moins.  Ils  demandent  leur  chemin  à 
de  prétendus  ermites,  qui  ne  songent  qu'à  les  livrer  aux  brigands. 
Dans  sa  terreur  pour  le  précieux  collier  dont  le  roi  de  Garbe  lui  a 
fait  hommage,  Alaciel  le  remet  dans  l'écrin,  et  prie  Figarina  de  vou- 
loir bien  s'en  charger.  C'est  ce  qui  cause  tout  le  mal  :  à  partir  do 
ce  moment,  sans  qu'elle  puisse  s'en  défendre,  les  baisers  tombent 
comme  grêle  sur  la  pauvrette,  et  à  chaque  baiser  une  perle  de  moins  ! 
D'abord  c'est  don  Alvar  qui  pénètre  sous  la  tente  où  Alaciel  et  Fi- 
garina essayent  de  dormir,  et  nous  avons  une  édition  nouvelle  de  la 
scène  nocturne  du  Comte  Orij.  Figarina,  comme  le  page  Isolier,  se 
dévoue  pour  sa  maîtresse  et  les  dévouements  coûtent  cher!  Ensuite, 
ce  sont  les  faux  ermites  qui  embrassent  hypocritement  Figarina.  «  Et 
l'on  dit  que  ces  gens-là  vivent  de  privations  !  »  s'écrie  la  barbière. 
Un  corsaire,  un  mécréant  vient  à  son  tour  et  il  ne  se  contenterait  pas 
de  baisers  volés  à  Figarina  ;  miis ,  découvrant  qu'il  tient  dans  ses 
mains  la  fille  du  Soudan  d'Egypte,  il  pousserait  l'audace  jusqu'à  l'é- 
pouser, si  don  Alvar  ne  l'en  empêchait  par  un  moyen  que  lui  fournit 
la  science.  Comme  Christophe  Colomb,  il  a  prévu  l'éclipsé,  accom- 
pagnée de  phénomènes  terribles,  tonnerre,  éclairs  sillonnant  les  té- 
nèbres. Les  brigands  eux-mêmes,  convaincus  de  son  intelligence  avec 
le  ciel,  forcent  leur  chef  à  capituler  et  à  laisser  le  champ  libre  à  la 
caravane. 

Aux  frontières  du  royaume  de  Garbe,  de  nouveaux  dangers  at- 
tendent Figarina.  Le  roi,  toujours  en  prévision  de  son  hymen,  a  exilé 
ses  pages,  et  la  barbière,  qui,  pour  voyager  plus  sûrement,  en  a 
revêtu  l'uniforme,  tombe  dans  l'essaim  joyeux  :  on  l'embrasse  comme 
camarade,  et  puis,  quand  son  sexe  est  reconnu,  on  l'embrasse  sous 
un  autre  prétexte.  Bref,  lorsque  le  quart  d'heure  de  Rabelais  arrive, 
et  qu'il  faut  en  venir  à  compter  les  perles  du  collier,  il  ne  s'en  trouve 
plus  que  trois,  et  même  bientôt  plus  qu'une  seule.  Figarina  se  fatigue 
vainement  à  faire  et  à  refaire  ses  calculs  :  impossible  d'établir  nette- 
ment sa  balance.  Et  le  roi,  qui  s'étonne  de  ne  pas  voir  le  collier  sur 
la  poitrine  de  sa  fiancée  !  Que  dit-il  en  apprenant  le  déficit  de  son 
apport  dotal?  Ma  foi,  l'illustre  souverain  se  fâche  comme  un  simple 
mortel  et  veut  renvoyer  sur-le-champ  la  fille  du  Soudan  à  son  père: 
mais  Figarina  lui  fait  judicieusement  observer  qu'une  guerre  s'ensui- 
vrait. A  ce  mot,  l'illustre  souverain  se  calme,  et  toujours,  sur  l'avis 
de  Figarina,  qui  de  barbière  s'élève  au  rang  de  conseillère,  il  unit  la 
belle  Alaciel  à  son  neveu  don  Alvar.  Encore  un  pas,  et  la  conseil- 
lère devient  la  propre  femme  du  roi,  qui  ne  saura  jamais  qu'en  l'é- 
pousant il  endosse  la  responsabilité  des  douze  perles  disparues.  Au 
fond,  c'est  une  excellente  pâte  d'homme,  que  ce  Babolin;  mais  il 
n'en  faut  pas  moins  répéter  avec  la  Fontaine,  beaucoup  plus  moral 
que  Boccace  : 

Filles,  maintenez-vous,  l'affaire  est  d'importance. 
Rois  de  Garbe  ne  sont  oiseaux  communs  en  France. 
L'imagination  hardie  et  féconde  de  Scribe  se  reconnaît  en  vingt 
endroits  de  cette  pièce,  qui  n'est  autre  chose  qu'une  plaisanterie  à 
travers  laquelle  se  montre  un  seul  sentiment  sérieux,  l'amour  de 
don  Alvar  pour  Alaciel.  Mais  cet  amour  a  suffi  pour  inspirer  au 
compositeur  deux  ou  trois  de  ces  morceaux  exquis,  ravissants, 
où  semblent  frémir  les  ardeurs  de  la  vingtième  année.  On  a 
beau  vouloir  oublier  que  M.  Auber  est  loin  de  cet  âge,  il  faut  bien 
s'en   souvenir,    quand  on  l'entend  chanter,   soupirer  mieux   que  ne 


le  ferait  le  plus  jeune  des  jeunes.  Donnerons-nous  ici,  sous  forme 
d'analyse,  la  table  thématique  des  morceaux  d'une  partition,  que 
tout  le  monde  ira  entendre  ?  Ce  serait  en  vérité  plus  que  du  super- 
flu. Le  nom  de  M.  Auber  dispense  des  commentaires  et  des  éloges. 
M.  Auber  est  de  la  famille  de  ces  grands  musiciens,  qui  prenaient 
au  sérieux  une  définition  naïve,  mais  pleine  de  sens,  qui  se  retrouve 
dans  tous  les  vieux  dictionnaires:  «  La  musique  est  l'art  de  com- 
biner les  sons  d'une  manière  agréable  à  l'oreille.  »  En  conséquence, 
il  a  toujours  cherché,  toujours  réussi  à  être  agréable,  et  il  a  fait  ainsi 
quarante  chefs-d'œuvre  dans  l'espace  de  quarante  ans. 

«  En  pareil  cas  »,  disions-nous,  à  propos  du  dernier  ouvrage 
donné  par  lui,  en  1860,  et  auquel  nous  préférons  de  beaucoup  la 
Fiancée  du  roi  de  Garbe,  «  en  pareil  cas,  n'est-ce  pas  une  coquet- 
terie permise  que  de  montrer  son  acte  de  naissance  ?  Cette  coquetterie, 
nous  l'aurons  pour  M.  Auber,  et  nous  rappellerons,  ce  que  personne 
ne  serait  tenté  de  croire,  qu'il  est  né  le  29  janvier  1782.  Où  trouver 
dans  aucun  pays,  dans  aucun  siècle  un  compositeur  doté  par  la  na- 
ture d'un  privilège  égal  au  sien  ?  M.  Auber  ne  saurait  être  comparé 
qu'à  Voltaire  et  au  maréchal  de  Richelieu  :  il  écrit  de  la  musique 
jeune,  spirituelle  et  légère  aussi  tard  que  le  grand  poète  faisait  des 
tragédies  et  que  le  grand  seigneur  se  mariait.  Il  a  conservé  toute 
l'élégante  facilité,  toute  la  netteté  gracieuse  de  son  style  :  il  continue 
ainsi  qu'il  a  commencé.  Imaginez  un  homme  d'esprit  et  de  goût,  au 
langage  simple  et  clair,  mais  ingénieux  et  piquant,  qui  aurait  tra- 
versé, sans  s'y  mêler,  une  époque  d'exagération,  de  néologisme  et  de 
barbarisme  :  avec  quel  plaisir  n'écouterait-on  pas  sa  parole  originale, 
à  force  d'être  naturelle,  et  quelle  douce  sensation  de  repos  n'appor- 
terait-il pas  dans  un  cercle  fatigué  des  prétentions  laborieuses  et  de 
l'emphase  vulgaire  ! 

Eh  bien!  voilà  précisément  l'effet  qu'a  produit  la  partition  de  la 
Fiancée  du  roi  de  Garbe.  On  a  été  surpris  et  ravi  d'entendre  une 
musique  qui  prend  si  peu  de  peine  pour  être  jolie,  et  qui  demande 
si  peu  d'effort  pour  être  comprise.  On  a  été  charmé  de  retrouver  un 
artiste,  qui  suit  tranquillement  son  chemin,  à  l'heure  où  tant  d'autres 
se  perdent  corps  et  biens  en  tentant  de  s'ouvrir  des  routes  nou- 
velles. 

De  tous  les  acteurs  qui  figurent  dans  cet  ouvrage  pour  lequel  on 
n'a  rien  épargné,  les  mieux  partagés  sont  Achard  et  Mlle  Cico. 
Achard  dit  à  ravir  la  partie  rêveuse  et  passionnée  de  son  rôle  vocal. 
Mlle  Cico  dit  avec  esprit  et  gaieté  son  rôle,  presque  entièrement 
comique.  Elle  paraît  plus  jolie  que  jamais  sous  ses  divers  costumes, 
qui  sont  tous  du  meilleur  goût.  Il  faut  en  dire  autant  de  Mlle  Tuai  et 
de  ses  royales  toilettes  ;  Mlle  Bélia  porte  bien  le  costume  de  page, 
qui  ne  va  pas  mal  non  plus  aux  douze  élèves  du  Conservatoire, 
enrôlées  pour  compléter  l'escadron  volant.  Prilleux,  qui  joue  le  rôle 
de  Babolin,  est  très-plaisant  au  troisième  acte ,  lorsqu'il  rudoie 
l'envoyé  du  conseil,  qui  veut  à  toute  force  le  complimenter.  Sainte- 
Foy  n'a  dans  son  lot  que  des  saillies  clair-semées,  mais  il  en  tire 
bon  parti  :  Nathan ,  Duvernoy ,  Bataille  sont  aussi  de  la  fête,  et  y 
participent  sous  l'habit  des  ermites  et  du  pirate  de  Tunis.  Il  y  a  de 
plus  des  danseuses  à  foison,  des  esclaves  et  des  forbans  à  revendre: 
il  y  a  une  éclipse,  que  l'on  voit  parfaitement  sans  télescope  :  avec 
tant  de  talents,  de  dépenses  et  de  soins,  comment  n'y  aurait-il  pas 
un  succès? 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

Rentrée  de  illle  Adelina  Fatti  dans  la  Sonttam&ula. 
—  SButte  ciiarton-SJemenr  et  lime  Iinniley  dans  le 
Ti'ovnloi'e.  —  Départ  de  Fraschfnî  et  de  Mme  de  I.a 
étrange. 

C'est  dimanche  dernier  qu'Adelina  Patti  nous  est    revenue,  abso- 


DE  PARIS. 


19 


lunient  la  môme  que  l'année  dernière,  de  figure,  de  taille,  de  voix 
et  de  succès.  La  foule  s'était  hâtée  de  remplir  la  salle.  LL.  MM. 
1  Empereur  et  l'Impératrice  assistaient  au  spectacle.  Celte  soirée 
si  belle,  (si  radieuse  eu  promettait  d'autres  à  la  suite,  mais  qui 
compte  sans  le  rhume  s'expose  à  compter  deux  fois.  Atteinte  par 
l'épidémie  qui  règne  en  ce  moment,  la  jeune  cantatrice  a  dû  se  con- 
damner à  la  retraite  et  au  silence  mercredi  et  samedi.  Faisons  des 
vœux  pour  qu'elle  guérisse  au  plus  vite. 

En  attendant,  Mme  Charton-Demeur,  dont  nous  avons  annoncé  la 
rentrée,  s'est  de  jour  en  jour  mise  en  possession  des  principaux  rô- 
les du  répertoire.  Elle  a  reparu  fort  heureusement  dans  le  Trovatore, 
où  Mme  Lumley  s'est  aussi  montrée  pour  son  début.  A  côté  de  Fras- 
chini,  qui  nous  faisait  ses  adieux,  Mme  Charton-Demeur  a  oblenu 
un  vrai  triomphe. 

Les  bravos,  les  bouquets,  les  rappels  n'ont  pas  manqué  non  plus 
le  jour  où  Mme  de  La  Grange  chantait  pour  la  dernière  fois  Lucia 
avant  son  départ,  qui  n'est  pas  assurément  sans  esprit  de  retour. 

Paul  SMITH. 


CONCERTS  ET  AUDITIONS. 

SI.  Prévost-ISousseara,  SI.  et  lime  Paul  Bernard , 
Tb.  liamoureux  et  Rignault. 

Jusqu'à  nouvel  ordre,  et  sauf  les  changements  qui  pourront  résul- 
ter de  la  liberté  des  théâtres,  il  n'y  aura  jamais  de  difficultés  plus 
grandes  à  surmonter  que  celles  qui  s'opposent  à  ce  qu'un  jeune 
compositeur  fasse  connaître  ses  œuvres.  Cependant  un  amateur  dis- 
tingué, auteur  de  plusieurs  opéras  de  salon,  et  qui  depuis  plusieurs 
années  dirige  à  Paris  une  société  chorale  d'amateurs,  composée  d'ex- 
cellents musiciens,  M.  Antonin  Prévost-Rousseau  s'est  bravement  ré- 
solu à  tenter  l'entreprise  et  à  faire  exécuter  quelques  productions 
nouvelles. 

Il  donnait  donc  le  vendredi  8  janvier,  dans  la  salle  Herz,  un  grand 
concert  avec  chœurs  et  orchestre,  au  bénéfice  de  la  caisse  de  secours 
des  artistes  musiciens. 

Dans  la  première  partie  de  ce  concert,  nous  avons  remarqué  l'ou- 
verture du  Bcïram,  qui  commençait  la  soirée,  et  la  Zingarella,  char- 
mant chœur  pour  voix  de  femmes,  redemandé  deux  fois  (ces  deux 
compositions  sont  de  M.  Aristide  Hignard),  une  ode  à  la  Bienfaisance 
et  le  Brindisi,  chant  bachique  étincelant  de  verve,  deux  morceaux 
d'ensemble  avec  chœurs  de  M.  Prévost-Rousseau. 

Dans  la  deuxième  partie,  on  entendait  pour  la  première  fois  à  Paris 
une  œuvre  lyrique  en  huit  morceaux,  intitulé  les  Poèmes  de  la  nature. 
M.  Prévost-Rousseau,  auteur  de  cette  vaste  composition  musicale, 
avait  choisi  quelques  sonnets  de  M.  Arnoult,  pour  leur  donner 
par  la  mélodie  un  nouveau  relief.  Une  Invocation  à  Dieu,  grande 
scène  pour  voix  de  basse  et  chœurs,  un  morceau  sur  le  Printemps, 
un  duo  pour  voix  d'hommes  sur  l'Amitié,  un  morceau  d'ensemble 
avec  chœurs  sur  les  Harmonies  de.  la  forêt,  la  Jeunesse,  l'Amour, 
les  Fleurs  et  les  Saisons,  trios  ou  solos,  font  successivement  passer 
devant  les  auditeurs  toute  la  poésie  de  la  nature  et  justifient  ainsi 
le  titre  donné  à  son  œuvre  par  M.  Prévost-Rousseau.  Nous  ne  dou- 
tons pas  que  tous  ces  morceaux  d'une  mélodie  saisissante,  réduits 
pour  le  piano,  ne  se  trouvent  bientôt  entre  les  mains  des  ama- 
teurs de  bonne  musique.  Mines  Ernest  Bertrand  et  Blanche  Pendefer, 
MM.  Laveyssière,  Wagner,  Mouren  et  Lechevalier  se  sont  montrés 
les  dignes  interprètes  de  ces  compositions  diverses. 

L'orchestre  était  admirablement  conduit  par  Deloffre,  l'habile  chef 
d'orchestre  du   théâtre  Lyrique,  et   les    chœurs  étaient  dirigés   par 


M.  Prévost-Rousseau  lui-mime.  Cetle  épreuve  a  été  fort  heureuse 
pour  ce  nouveau-venu,  qui  doit  occuper  bientôt  parmi  les  composi- 
teurs  la  place  brillante  à  laquelle   l'appelle  son  mérite. 

—  Le  programme  de  la  cinquième  séance  populaire  de  musi- 
que de  chambre  de  MM.  Th.  Lamoureux  et  Rignault  était  très -in- 
téressant ,    et    l'exécution    n'a  rien  laissé    à   désirer. 

Le  trio  en  mi  de  Mozart,  véritable  diamant  musical,  exécuté  par 
Mlle  Mongin»  MM.  Lamoureux  et  Rignault,  a  été  parfaitement  inter- 
prété. La  jeune  pianiste,  déjà  bien  connue  du  monde  musical  par  ses 
brillantes  apparitions  dans  les  concerts  des  années  précédentes,  a 
fait  preuve  d'un  goût  très-pur,  et  a  montré  qu'elle  est  fortement  at- 
tachée à  une  école  qui  se  perd  de  jour  en  jour  à  une  époque  de 
musique  fiévreuse.  MM.  Lamoureux,  Colonne,  Adam,  Rignault  et 
Dufour  ont  ensuite  fait  entendre  le  quintette  en  sol  mineur  de  Boc- 
cherini,  œuvre  52,  un  des  plus  beaux  de  l'auteur,  et  dans  lequel 
on  regrette  seulement  que  le  délicieux  molif  du  menuet,  souvent 
reproduit,  ne  le  soit  pas  quelquefois  avec  un  peu  de  variété  dans 
l'accompagnement.  Mlle  Mongin  est  revenue  et  nous  a  fait  entendre 
trois  morceaux  qui  ont  vraiment  électrisé  l'auditoire  :  d'abord,  les 
Tours  de  passe-passe,  de  François  Couperin,  organiste  de  Louis  XIV  : 
c'est  un  charmant  badinage  plein  de  grâce  et  de  fraîcheur  ;  puis  une 
délicieuse  gavotte  en  fa,  du  Père  Martini,  le  docte  religieux  conven- 
tuel de  Bologne;  enfin,  une  pièce  en  la,  de  Dominique  Scarlatti,  très- 
brillante,  mais  aussi  très-difficile.  Les  deux  premiers  morceaux  ont  été 
vivement  applaudis;  quant  au  dernier,  il  a  valu  à  Mlle  Mongin  un 
véritable  triomphe.  Cette  jeune  artiste  nous  semble  appelée  au  plus 
bel  avenir  comme  virtuose. 

—  Le  dernier  mardi  de  M.  et  Mme  Paul  Bernard  a  été  des  plus 
brillants.  Les  élèves  du  maître  se  sont  véritablement  surpassées,  et 
sont  venues  prouver  par  leur  progrès  l'excellence  de  ces  réunions, 
où  l'émulation  sert  de  base  et  qui  habituent  à  se  faire  entendre  et  à 
dompter  la  timidité  inhérente  à  l'étude  du  piano.  M.  Paul  Bernard  a 
joué  pour  la  première  fois  sa  fantaisie  sur  Moïse,  et  l'auditoire  a  été 
enthousiasmé  par  cette  œuvre  remarquable,  si  magistralement  exé- 
cutée. Nous  croyons  cette  nouvelle  production  destinée  à  un  véritable 
succès,  par  la  beauté  des  motifs  et  par  leur  heureux  agencement.. 

Quant  à  la  partie  vocale,  elle  était  représentée  par  Nadaud,  le 
chansonnier  parisien  si  recherché,  si  choyé,  et  par  M.  Henri  Le  Roy, 
amateur  distingué,  qui  a  donné  la  réplique  à  Nadaud  et  qui  marche 
vraiment  sur  les  brisées  du  poëte  musicien,  en  interprétant  ses  œuvres 
avec  une  finesse  et  un  esprit  parfaits.  Puis  nous  avons  entendu  une 
élève  de  M.  Laget,  l'excellent  professeur  du  Conservatoire . 

Mlle  Ducasse  possède  une  voix  charmante  et  s'en  sert  déjà  de 
manière  à  s'attirer  les  suffrages  les  plus  mérités.  L'Ave  Maria, 
de  Gounod,  Mon  cœur  soupire,  et  l'air  d'Alice  de  Robert  le  Diable, 
ont  été  dits  par  elle  avec  charme  et  sagesse.  Parmi  les  élèves  de 
M.  Paul  Bernard,  Mme  Henri  L.  R.  s'est  surtout  fait  remarquer 
dans  un  morceau  à  quatre  mains  [avec  le  maître,  et  Mlle  Marie  Ba- 
ronnet a  dit  en  véritable  artiste  le  rondo  capriccioso  de  Mendelssohn 

Y. 


(5'  article)  (1). 

C'est  d'abord  l'introduction  instrumentale ,  fragment  empreint  de 
largeur  et  de  suavité,  qui  se  compose  d'un  chant  de  violons  d'une 
rare  simplicité,  soutenu  par  des  accords  brisés  et  entremêlé  de  ren- 


20 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


trées  d'instruments  à  vent  pleines  de  distinction  ;  puis  le  chœur  qui 
suit,  page  remplie  de  grâce  et  de  fraîcheur. 

Au  second  acte,  c'est  le  grand  morceau  mystérieux,  con  sordini, 
pendant  lequel  les  deux  valets  complotent  l'enlèvement  de  Babet, 
tandis  que  le  bailli  surprend  leur  secret,  morceau  conduit  avec,  une 
habileté  consommée,  charmant  au  point  de  vue  de  la  mélodie ,  irré- 
prochable en  ce  qui  concerne  l'arrangement  des  parties.  Le  trait 
obstiné  des  violons  en  triolets  lui  donne  beaucoup  de  caractère  et 
de  vivacité. 

Le  finale  est  à  lui  seul  une  œuvre  capitale  :  il  est  parfaitement 
construit,  tracé  sur  un  plan  solide,  et  l'orchestre  en  est  excellent  ; 
enfin,  il  est  ordonné  à  merveille  et  renferme  de  charmantes  modu- 
lations. Ou  acquiert  de  plus,  en  l'étudiart,  la  preuve  que  l'auteur 
était  plus  soucieux  de  satisfaire  l'esprit  et  le  sentiment  de  la  scène 
que  —  ce  qui  arrive  trop  souvent  de  nos  jours  —  de  rechercher 
l'effet  par  des  moyens  violents  et  opposés  à  la  situation.  Ce  morceau, 
en  effet,  qui  comporte  de  grands  développements,  finit,  non  par  l'em- 
ploi de  toutes  les  forces  vocales  et  instrumentales,  mais  au  contraire 
par  un  pianissimo  parfaitement  en  harmonie  avec  le  mouvement 
scénique. 

Pour  être  bref,  je  ne  citerai  du  troisième  acte  que  le  duo  du  comte 
et  de  Frontin  : 

Babet  va  venir 

duo  d'une  extrême  vivacité  et  dont  quelques  passages,  notamment  la 
péroraison,  sont  franchement  comiques;  puis  la  délicieuse  romance 
de  Babet, 

Ah!  si  parfois  j'ai  d'  la  tristesse.   . 

qui  est  une  de  ces  inspirations  touchantes,  plus  faites  pour  parler  au 
cœur  qu'à  l'imagination.  Le  dessin  vocal  y  est  très-heureusement 
doublé  par  le  basson,  et  l'accompagnement  très-distingué  d'alto  qui 
se  trouve  dans  toute  la  première  partie,  est  d'un  très-bon  effet. 

Je  n'ai  mentionné,  on  le  pense  bien,  que  les  parties  les  plus  sail- 
lantes de  cet  ouvrage,  surtout  remarquable  par  l'unité  de  style. 
Le  Droit  du  seigneur  eut  un  véritable  succès  de  vogue,  et  se  main- 
tint au  répertoire  pendant  plus  de  vingt-cinq  ans.  La  partition  en 
fut  dédiée  par  Martini  à  la  duchesse  de  Fronsac ,  comme  celle  de 
l'Amoureux  de  quinze  ans  l'avait  été  à  la  jeune  duchesse  de  Bourbon. 

Ici  encore  nous  trouvons  une  longue  lacune,  onze  années,  dans  la 
carrière  théâtrale  de  cet  artiste  distingué.  Cette  fois,  du  moins,  ce 
temps  d'arrêt  est  justifié  par  de  nombreux  travaux  de  composition 
étrangers  à  la  scène,  et  par  la  part  qu'il  prit  à  la  création  d'une 
vaste  entreprise,  à  la  tête  de  laquelle  il  allait  être  placé. 

Léonard  Autié,  coiffeur  de  la  reine  Marie-Antoinette,  protégé  par 
cette  princesse  et  par  Monsieur,  frère  du  roi,  avait  réussi  à  obtenir, 
au  commencement  de  1788,  le  privilège  d'un  nouveau  théâtre  d'opéra 
italien.  A?sez  intelligent  pour  comprendre  qu'il  n'entendrait  rien  à 
une  pareille  affaire,  il  eut  l'habileté  d'en  confier  l'organisation  à  Viotti, 
le  violoniste  célèbre.  On  cherche  d'abord  une  commandite ,  et  une 
compagnie  d'actionnaires  est  bientôt  formée ,  dont  Monsieur  choisit 
quatre  membres  pour  diriger  les  divers  départements  de  la  nouvelle 
administration.  Le  théâtre  projeté  devait  jouer  à  la  fois  et  joua  en 
effet  l'opéra  italien,  l'opéra-comique  français,  la  comédie  en  prose  et 
en  vers,  et  le  vaudeville.  On  voit  que  c'était  bien  réellement  une 
colossale  entreprise.  Lorsque  tout  fut  réglé,  l'administration  était 
ainsi  composée  :  Viotti,  Léonard  Autié  et  Desarênes ,  directeurs  ; 
deMiramond,  secrétaire  général;  enfin,  Martini,  qui  venait  d'être 
nommé  surintendant  de  la  musique  du  roi  en  survivance  (Giroust 
était  titulaire),  avait  le  titre  et  les  fonctions  de  d'recteur  général. 
Ce  dernier  fut ,  avec  Viotti,  spécialement  chargé  de  la  réunion  de 
cette  troupe  incomparable  qui,  pendant  deux  ans  et  demi  (du  26  jan- 


vier 1789  au  12  août  1792)  fit  l'enchantement  et  l'admiration  des 
Parisiens. 

Le  personnel  des  chanteurs  italiens  formait  en  effet,  à  lui  seul,  la 
réunion  de  virtuoses  la  plus  parfaite  que  Paris  ait  jamais  possédée, 
depuis  l'arrivée  des  bouffons  en  1755  jusqu'en  l'an  de  grâce  1863. 
Faut-il  citer  Raffanelli,  le  célèbre  buffo  caricato;  le  buffo  cantante 
Rovedino  ;  Mandini,  baryton  exquis  ;  les  primi  lenori  Viganoni  et 
Mengozzi,  ce  dernier,  compositeur  d'un  très-grand  talent  ;  les  signori 
Baletti,  Morichelli  et  Mandini,  dont  les  noms  ne  sont  point  encore 
oubliés  ?  Pour  montrer  que  l'opéra-comique  français  n'était  point 
sacrifié,  il  me  suffira  sans  doute  de  nommer  Martin,  Ga veaux,  Saint- 
Aubin,  Gavaudan,  Lesage,  et  Mmes  Lesage,  Justalle  et  Rolandeau, 
qui  tenaient  les  principaux  emplois.  Quant  à  l'orchestre,  placé  d'abord 
sous  la  direction  de  Mestrino,  il  fut  ensuite  conduit  par  la  Hous- 
saye,  et  l'on  y  remarquait  des  virtuoses  comme  Rode,  Smierzka,  De- 
vienne, Delcambre  et  Frédéric  Duvernoy,  dont  la  plupart  étaient  des 
compositeurs  extrêmement  distingués.  C'est  Ferrari,  l'auteur  de  tant 
de  charmantes  romances,  qui  était  accompagnateur,  et  Jadin,  auquel 
on  doit  un  si  grand  nombre  d'opéras,  qui  était  chargé  des  répétitions. 
Enfin  Cherubini,  qui  arrivait  en  France,  préludait  à  ses  succès  futurs 
en  ajoutant  aux  opéras  italiens  joués  par  la  nouvelle  troupe,  une  foule 
de  morceaux  délicieux  qui  fondèrent  sa  brillante  réputation. 

Telle  était  l'entreprise  à  laquelle  Viotti  et  Martini  donnaient  tous 
leurs  soins,  consacraient  tous  leurs  instants.  Le  théâtre  de  Monsieur, 
malgré  sa  trop  courte  existence,  n'a  pas  été  sans  exercer  une  grande 
influence  sur  le  goût  du  public  et  sur  l'avenir  de  la  musique  fran- 
çaise, tant  par  la  révélation  qu'il  nous  fit  des  magnifiques  chefs- 
d'œuvre  de  l'école  italienne  que  par  la  façon  admirable  dont  ces 
chefs-d'œuvre  étaient  interprétés  par  des  virtuoses  hors  ligne.  Ceux- 
ci  donnèrent  en  effet,  sans  le  savoir,  naissance  à  notre  école  de  chant 
nationale,  école  dont  les  traditions  semblent,  malheureusement,  per- 
dues aujourd'hui,  et  dont  le  célèbre  Garât,  qui  s'inspirait  des  chanteurs 
ultramontains,  peut  être  considéré  comme  l'initiateur  et  le  chef  su- 
prême. 


(La  suite  prochainement . 


Arthur  POUGIN. 


LETTRES  DE  FÉLIX  BIENDELSSOHR 

(Suite.) 

Lettre  du  conseiller  intime  de  cabinet  Millier  à  F.  Mendelssohn. 

Berlin,  5  mars  1S45. 

Il  s'agit  maintenant  de  composer  les  chœurs  de  la  trilogie  à'Aga- 
memnon,  des  Coephores  et  des  Euménides,  que  l'on  a  abrégées  pour 
la  représentation.  D'après  ce  que  mande  Tieck,  vous  en  auriez  éga- 
lement décliné  la  composition  sous  cette  forme,  Sa  Majesté  ne  sau- 
rait ajouter  foi  à  cette  nouvelle,  se  rappelant  positivement  que  vous 
avez  déclaré  de  vive  voix,  être  disposé  à  vous  en  charger.  En  con- 
séquence, le  roi  m'enjoint  de  vous  demander  si  vous  ne  vous  en 
tiendrez  pas  à  la  promesse  verbale,  et  si  vous  voulez  de  nouveau 
faire  savoir  que  vous  êtes  prêt  à  entreprendre  le  travail,  ce  qui  fe- 
rait plaisir  à  Sa  Majesté,  et  serait  conforme  à  votre  promesse,  de 
vous  charger  volontiers  des  travaux  qui  vous  seraient  confiés  par  Sa 
Majesté. 

Votre  dévoué,  Muller. 


Au  conseiller  intime  de  cabinet  Millier,  à  Berlin. 

Francfort,  12  mars  1845. 

Si  Majesté  le  roi  ne  m'a  jamais  parlé  de  la  composition  des  chœurs 


DE  PARIS. 


21 


dans  la  trilogie,  abrégée  et  réduite,  Agamemnon,  des  Coephores  et 
des  Euménides.  Ce  qui  est  exact,  c'est  que  l'hiver  dernier  Sa  Ma- 
jesté daigna  me  charger  de  meltre  en  musique  les  chœurs  des  Eu- 
ménides d'Eschyle.  Je  ne  pouvais  m'engager  à  livrer  cette  composi- 
tion, parce  que  de  prime  abord  il  m'avait  semblé  que  c'était  une  tâ- 
che au-dessus  de  mes  forces.  Toutefois,  je  promis  à  Sa  Majesté  de 
faire  un  essai,  et  je  ne  lui  cachai  pas  les  grandes,  et  à  mon  sens, 
insurmontables  difficultés  qui  me  faisaient  douter  du  succès  de  ma 
tentative. 

Depuis  lors  je  me  suis  occupé  très-sérieusement  de  cette  tragédie  ; 
j'ai  cherché  par  toutes  les  voies  à  découvrir  dans  les  chœurs  un 
côté  musical,  par  lequel  il  me  fût  possible  de  les  aborder  pour  la 
composition  ;  mais  je  n'ai  pu  réussir  à  m'acquilter  de  ma  tâche  — 
même  à  l'égard  d'un  seul  chœur  —  comme  l'exigeraient  la  grandeur 
du  sujet  et  le  sens  artistique  exquis  de  Sa  Majesté.  Car  naturellement 
il  ne  s'agissait  pas  de  jeter  sur  le  papier  une  musique  quelconque 
pouvant  s'adapter  au  chœur,  ainsi  que  doit  être  en  état  de  le  faire 
pour  tout  exposé  de  paroles,  tout  compositeur,  maître  des  formes 
extérieures  :  il  était  question  de  créer  avec  la  poésie  d'Eschyle  des 
morceaux  de  musique  dans  le  bon  goût  actuel,  exprimant  et  vivifiant 
le  sens  de  ces  chœurs  à  l'aide  de  nos  procédés  musicaux.  Voilà  ce 
que  j'ai  essayé  de  faire  pour  les  chœurs  de  Sophocle,  dans  ma 
musique  pour  Antigone;  avec  les  chœurs  d'Eschyle,  je  n'ai  pas 
réussi  jusqu'ici,  même  dans  un  seul  essai,  malgré  tous  mes  efforts. 

La  réduction  en  une  seule  pièce  augmente  ces  difficultés  d'une 
manière  singulière,  et  j'ose  soutenir  que  parmi  les  compositeurs 
contemporains  aucun  ne  serait  de  force  à  s'acquitter  consciencieu- 
sement de  cette  tâche;  à  plus  forte  raison  cela  me  serait  impos- 
sible. 

En  priant  Votre  Excellence  de  faire  part  de  ces  observations  à  Sa 
Majesté,  je  la  prie  en  même  temps  de  vouloir  bien  lui  rappeler  trois 
de  mes  compositions,  qui,  par  ordre  de  Sa  Majesté,  sont  prêtes  à 
être  exécutées  ;  à  savoir  OEdipe  à  Col  on  e,  de  Sophocle  ;  Âthalie, 
de  Racine,  et  OEdipe  roi,  de  Sophocle. 

Les  deux  premières  sont  complètes;  en  partition,  il  ne  s'agit  plus 
que  faire  la  distribution"  aux  chanteurs  et  aux  acteurs.  La  de'rnière 
(OEdipe  à  Colone)  est  également  terminée  en  projet.  Je  fais  mention 
de  ces  compositions  dans  l'espoir  qu'elles  serviront  à  prouver  que 
Inexécution  des  ordres  de  Sa  Majesté  est  toujours  pour  moi  un  devoir 
et  un  plaisir,  dès  que  j'ai  la  moindre  espérance  de  remplir  ma  tâche 
d'une  manière  tant  soit  peu  satisfaisante,  et  que  c'est  donc  faute  de 
talent,  et  non  de  bonne  volonté,  que  je  laisse  l'un  ou  l'autre  de  ces 
travaux  inexécuté. 


Réponse  de  Millier. 


Berlin,  19  mars  1845. 

Immédiatement  après  réception  de  votre  honorée  lettre  du 
12  mars,  j'en  ai  communiqué  la  teneur  à  Sa  Majesté.  Sa  Majesté 
regrette  d'être  forcée  de  renoncer  au  plaisir  de  voir  les  chœurs 
d'Eschyle  composés  par  vous  ;  elle  a  appris  avec  satisfaction  que 
la  trilogie  de  Sophocle  ainsi  que  les  chœurs  d'Athalie  sont  ter- 
minés, et  compte  vous  voir  ici  l'été  prochain,  ne  voulant  prendre 
connaissance  de  ces  nouvelles  compositions  que  sous  votre  di- 
rection. 

Traduit  par  1.  DUESBERG. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

La  liberté  des  théâtres.  —  Odéon  :  Les  Relais,  comédie  en  quatre 
actes,  par  M.  Louis  Leroy.  —  Palais-Royal  :  La  Commode  de  Vic- 
torine, comédie- vaudeville  de  MM.  Eug.  Labiche  et  Ed.  Martin: 
Trois  Chapeaux  de  femmes,  comédie-vaudeville  de  MM.  Lafargue 
et  Siraudin.  —  Variétés  :  La  Revue,  au  cinquième  étage,  vaude- 
ville en  un  acte  et  trois  tableaux,  par  MM.  Clairville,  Siraudin  et 
Blum.  —  Les  revues  des  petits  théâtres. 

La  liberté  des  théâtres  est  un  fait  accompli  ;  le  décret  qui  consa- 
cre les  promesses  du  discours  d'ouverture  a  paru  dans  la  Moniteur, 
et,  contre  l'ordinaire  usage,  toutes  les  prévisions  fondées  sur  les 
promesses  ont  été  dépassées.  Que  va-t-il  sortir  de  ce  nouvel  ordre 
de  choses?  Nul  ne  saurait  le  dire  et  le  temps  seul  nous  l'apprendra. 

En  attendant,  les  vieux  théâtres  subventionnés  et  privilégiés  n'en 
poursuivent  pas  moins  le  cours  de  leurs  travaux  réglés  par  l'an- 
cienne loi.  L'Odéon,  ce  vaillant  théâtre  français  de  la  rive  gauche, 
a  notamment  commencé  l'année  par  un  de  ces  succès  de  bon  aloi 
qui  attestent  que  l'esprit  et  le  goût  ne  sont  pas  près  d'abdiquer  leurs 
titres  imprescriptibles,  quelque  chose  qu'il  arrive.  Ce  n'est  pourtant 
pas,  on  doit  l'avouer,  que  la  comédie  de  M.  Louis  Leroy  brille  par 
l'invention  et  par  la  nouveauté.  Il  faut  savoir  vieillir  et  se  résigner 
à  céder  le  pas  aux  jeunes  qui  se  pressent  derrière  nous  sur  le 
chemin  de  la  vie;  telle  est  la  thèse  un  peu  surannée  qui  a  ins- 
piré les  quatre  actes  de  cette  œuvre  appelée  assez  improprement 
les  Relais.  Pourquoi  pas  Place  aux  jeunes  ?  C'est  peut-être  que  la 
petite  presse  a  trop  souvent  poussé  ce  cri  de  guerre  pour  qu'on  le 
prenne  en  bonne  part.  Une  coquette  sur  le  retour,  un  vieux  lion 
édenté,  un  peintre  hors  de  concours,  voilà  les  personnages  sur  les- 
quels repose  l'action.  On  leur  prouve  que  l'heure  de  la  retraite  a 
sonné  pour  eux,  et  tout  est  dit.  Mais  ce  qui  justifie  l'accueil  plus 
que  favorable  dont  cette  donnée  si  simple  a  été  l'objet,  c'est  un 
dialogue  pétillant  de  saillies  fines  et  spirituelles.  On  se  demandait, 
après  le  premier  acte,  comment  l'auteur  soutiendrait  jusqu'au  bout 
l'escarmouche  engagée  d'une  façon  si  brillante,  et  chaque  fois 
que  le  rideau  tombait,  on  était  obligé  de  convenir  que  le  feu  de 
file  allait  croissant  et  s'épanouissant  en  gerbes  de  plus  en  plus  lu- 
mineuses. Un  rôle  très-heureusement  tracé  dans  la  voie  où  Théo- 
dore Barrière  a  jeté  son  Desgenais,  le  sarcasme  personnifié,  a  mis 
en  relief  les  qualités  incisives  d'un  jeune  comédien,  Thiron,  qui  s'était 
déjà  distingué  en  plus  d'une  circonstance,  mais  qui  n'avait  pas  en- 
core remporté  une  victoire  à  ce  point  complète. 

—  Au  Palais  Royal,  la  rentrée  de  Geoffroy,  retardée  par  une  ma- 
ladie grave  de  son  confrère  Lheritier,  a  eu  lieu  enfin  dans  une  très- 
agréable  comédie-vaudeville,  intitulée  la  Commode  de  Victorine.  Ne 
nous  interrogez  pas  sur  les  vertus  de  cette  commode,  et  encore  moins 
sur  celles  de  Mlle  Victorine,  qui  en  est  la  propriétaire.  Ce  sont  là 
de  ces  accessoires  insignifiants  qui  échappent  à  l'attention  la  plus 
scrupuleuse.  Car  la  raison  d'être  de  ce  gai  petit  acte  n'est  pas  là; 
elle  réside  dans  la  critique  éminemment  actuelle  de  cette  manie  ho- 
micide dont  une  certaine  partie  de  notre  jeune  génération  semble  au- 
jourd'hui atteinte.  On  se  bat  sans  trop  savoir  pourquoi  ;  on  prend 
à  la  légère  des  témoins  qui,  vous  connaissant  à  peine,  ne  se  soucient 
guère  de  vos  intérêts  véritables,  et  qui  vous  laisseraient  bel  et  bien 
hacher  menu,  si  leurs  convenances  personnelles  ne  leur  faisaient, 
par  hasard,  souhaiter  un  arrangement  amiable.  Tout  cela,  joyeuse- 
ment traité,  escompte  une  heure  de  rire  aux  dépens  d'un  travers  qui 
deviendrait  odieux,  s'il  ne  commençait,  à  être  frappé  de  ridicule. 

Au  même  théâtre,  Trois  Chapeaux  de  femmes,  constituent  un 
imbroglio  qui  s'enchevêtre  à  la  manière  du  nœud  gordien,  et  qui  se 
tranche  finalement  par  un  tour  de  passe-passe. 

—  Vous  remarquerez  que  nous  ne  vous  avons  pas  encore  dit 
un  mot   des   revues    annuelles    dont  il   se  fait  ordinairement  une 


22 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


si  grande  consommation  à  cette  époque.  C'est  qu'il  y  a  éclipse 
totale  sur  toute  la  ligne  des  théâtres  de  genre,  un  seul  excepté,  et 
cette  exception  confirme  la  règle  par  son  peu  d'importance.  Il  est  donc 
bien  avéré  que  l'on  se  lasse  de  tout,  même  des  revues,  dont  la 
mode  a  duré  si  longtemps  et  si  obstinément.  Toutefois ,  nous  ferons 
acte  de  justice  en  constatant  que  la  Revue  au  cinquième  étage,  des 
Variétés,  si  elle  ne  dure  qu'une  heure,  ou  plutôt  parce  qu'elle  ne 
dure  qu'une  heure,  n'en  est  pas  moins  un  fort  amusant  caquetage 
sur  les  affaires  du  jour,  particulièrement  sur  les  facteurs  parisiens  et 
sur  les  chanteuses  de  cafés- concerts,  parodiées  d'une  manière  très- 
drôle  par  une  demoiselle  Toudouze,  que  l'on  n'avait  fait  qu'entrevoir 
à  la  Porte  Saint-Martin  et  qui  parait  vouloir  conquérir  une  place  au 
soleil  des  Variétés. 

—  Mais  pourquoi  disions- nous  que  les  revues  étaient  mortes?  Que 
les  amateurs  de  ces  sortes  d'exhibitions  se  rassurent  ;  elles  ont  changé 
de  niveau,  sans  doute,  elles  ont  déserté  les  théâtres  dont  elles  ont 
fait  naguère  la  fortune,  mais,  en  descendant  quelques  échelons,  elles 
ont  mis  le  pied  dans  les  petits  théâtres,  et  elles  y  régnent  souverai- 
nement. Par  exception,  qu'on  nous  permette  de  les  compter.  Aux 
Délassements-Comiques,  Lâches  tout!  Cette  expression,  empruntée 
au  vocabulaire  des  aérostats,  décèle  une  des  fortes  préoccupations 
de  l'an  dernier.  On  comprend  d'ailleurs  tout  ce  qu'une  pièce,  qui  se 
passe  dans  les  airs,  peut  et  doit  suggérer  de  piquant,  d'imprévu 
au  costumier  et  au  décorateur. 

C'est  néanmoins  sur  terre,  dans  la  parodie  de  l'Aïeule  de  l'Ambigu, 
mimée  de  la  façon  la  plus  grotesque  par  Paul  Legrand,  qu'il  faut  cher- 
cher le  motif  principal  de  l'éclatant  succès  de  cette  revue,  due  à 
l'association  toujours  heureuse  de  MM.  Ernest  Blum  et  Alexandre  Flan. 
Au  théâtre  Déjazet,  MM.  Clairville  et  Dornai  ont  également  obtenu 
un  signalé  triomphe,  en  se  plaçant  sous  l'invocation  de  Nadar.  En 
ballon!  tel  est  le  titre  de  cette  revue,  pour  laquelle  la  direction  n'a 
reculé  devant  aucune  dépense.  On  y  applaudit  un  aquarium  parisien, 
à  l'instar  de  l'aquarium  de  Peau-d'Ane,  et  des  tableaux  vivants  d'a- 
près les  productions  populaires  des  deux  grands  peintres,  que  nous 
avons  perdus  dans  le  courant  de  l'année  dernière,  Horace  Vernet  et 
Eugène  Delacroix.  L'idée  est  bonne  et  nous  joignons  nos  bravos  à 
ceux  du  public  qui,  chaque  soir,  acclame  sympathiquement  Hamlel 
la  barque  du  Dante,  en  regard  du  Cheval  du  trompette  et  de  la 
Barrière  de  Clichy.  Enfin,  au  Luxembourg,  M.  Saint-Agnan  Choler, 
le  fournisseur  annuel  du  lieu,  affiche  intrépidement  :  Cocher!  à  Bo- 
bino  !  et  pour  ce  fortuné  petit  théâtre,  cette  annonce  audacieuse  n'est 
pas  une  utopie.  On  y  accourt  de  tous  les  points,  pour  passer  une 
joyeuse  soirée,  avec  le  ballon  Nadar,  les  courses  du  bois  de  Vincen- 
nes,  les  tableaux  refusés,  et  surtout  un  ballet  d'automates  des  mieux 
réussis.  Allons,  vite,  cocher,  àBobino! 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

„*»  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  iUoV.se  a  été  joué  les  trois  jours  de 
la  semaine  passée  ;  l'affluence  du  public  n'a  pas  diminué. 

***  L'opéra  en  un  acte  de  M.  Boulanger,  qu'on  répète  en  ce  moment 
et  qui  doit  accompagner  le  nouveau  ballet  composé  pour  Mlle  Bos- 
chetti,  servira  de  début  à  Mlle  Léveilli,  jeune  cantatrice  d'un  très-beau 
talent. 

»%  Voici  la  distribution  des  rôles  dans  l'opéra  de  M.  Mermet,  Roland 
à  Ronceveaux:  Roland,  M.  Gueymard  ;  l'archevêque  Turpin,  M.  Belval  ; 
Gonnelon,  M.  Cazaux;  un  pâtre,  M.  Warot  ;  Aide,  Mme  Gueymard; 
Saïda,  Mlle  de  Taisy;  un  page,  Mme  Saint-Agnet. 

*%  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  honoré  de  leur  pré- 
sence la  seconde  représentation  de  ta  Fiancée  du  roi  de  Garbc. 

**„,  Hier  samedi,  une  indisposition  d'Achard  a  empêché  la  quatrième 
représentation  de  ce  nouvel  opéra. 


t%  Mario  va  rentrer  sous  peu  de  jours  au  théâtre  Italien.  Il  y  chan- 
tera, avec  Adelina  Patti,  il  Barbiere,  Marta  et  la  Traviata. 

*%  Au  théâtre  Lyrique  impérial  on  annonce  les  dernières  représen- 
tations de  Faust,  et  la  prochaine  apparition  du  nouvel  opéra  de  Gou- 
nod:  Mireille. 

t%  Mme  Ugalde  est  engagée  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  et  va 
reparaître  dans  les  Bavards,  d'Offenbach,  dont  elle  a  créé  le  principal 
rôle  d'une  façon  si  brillante.  La  reprise  de  cet  ouvrage,  que  la  plupart 
des  théâtres  de  province  montent  en  ce  moment,  aura  lieu  vers  la  fin 
de  la  semaine.  Lischen  et  Fritzchen,  dont  toute  la  presse  a  constaté  l'é- 
clatant succès,  accompagnera  chaque  soir  les  Bavards. 

,*„  Demain  sera  donnée  la  première  représentation  de  l'opérette  en 
un  acte  d'Offenbach,  Il  signor  Fagotto. 

a**  Les  recettes  des  théâtres,  concerts,  bals  et  spectacles  de  tout 
ger;re  pendant  lé  mois  de  décembre  ont  été  de  4,853,273  francs.  La  re- 
cette totale  de  l'année  1863  s'est  élevée  â  18,761,030  francs  et  a  dépassé 
celle  de  1862  de  1,360,378  francs. 

„■%  Au  concert  du  Conservatoire ,  donné  dimanche  passé,  George 
Hainl,  le  nouveau  chef  d'orchestre,  a  fait  preuve  d'un  très-grand  talent 
qui  a  été  hautement  apprécié  par  l'auditoire.  Il  a  été  applaudi  et  ac- 
clamé par  toute  la  salle,  et  l'exécution  du  programme  qui  était  fort  in- 
téressant, bien  que  ne  contenant  rien  de  nouveau,  a  été  aussi  parfaite 
que  possible. 

z*x  Au  concert  populaire  de  dimanche  dernier,  l'orchestre  dirigé  par 
Pasdeloup  a  supérieurement  exécuté  l'admirable  musique  composée  par 
Beethoven,  pour  VEgmont,  de  Goethe.  Plusieurs  fragments  ont  produit 
la  plus  vive  impression  sur  tout  l'auditoire. 

£%  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  cirque  Napoléon  :  1°  ouverture  de.Slruen- 
sée,  de  Meyerbeer;  2°  symplionie  et  la,  de  Beethoven;  3"  largo  et  finale 
de  la  symphonie,  n°  29,  de  Haydn  ;  4°  air  du  ballet  de  Promélhée,  de 
Beethoven  (solo  par  M.  Poëncet);  5°  Jubel-ouverture,  de  Webcr.  L'or- 
chestre sera  dirigé  par  M.  J.  Pasdeloup. 

***  L'inauguration  du  nouvel  Athénée  musical,  construit  au  Boulevard 
Saint-Germain,  près  du  musée  de  Cluny,  dont  la  direction  est  confiée  à 
M.  de  Baousset-Boulbon,  aura  lieu  ce  soir  et  se  composera  d'un  grand 
concert  à  orchestre,  avec  chœurs  et  solistes-chanteurs  et  instrumen- 
tistes. Nous  en  rendrons  compte  dimanche  prochain. 

t%  MM.  Armingaud,  Jacquart,  Lalo  et  Mas,  vont  donner  six  séances 
de  musique  de  chambre,  dans  les  salons  de  MM.  Pleyel-Wolff  et  C°.  La 
première  de  ces  séances  aura  lieu  mercredi  prochain  à  8  heures  1/2 
du  soir,  avec  le  concours  de  M.  Lubeck.  En  voici  le  programme  : 
1°  grand  trio,  op.  97  de  Beethoven  ;  2°  quatuor  en  mi  bémol  de  Mo- 
zart, pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle  ;  3"  pièces  pour  piano  et 
violoncelle  de  Schumann  ;  4°  ottetto,  op.  20  de  Mendelssohn,  pour 
quatre  violons,  deux  altos  et  deux  violoncelles. 

*%,  Voici  le  programme  de  la  séance  populaire,  qui  sera  donnée  mardi 
prochain,  salle  Herz,  par  MM.  Ch.  Lamoureux  et  E.  Rignault  :  Quintette 
en  sol  mineur,  de  Boccherini  ;  sonate  en  fa,  pour  piano  et  violoncelle, 
de  Beethoven  ;  variations  sur  l'Hymne  autrichien,  pour  deux  violons; 
alto  et  violoncelle ,  de  Haydn  ;  adagio  et  mouvement  perpétuel,  pour 
piano,  de  Weber,  exécutés  par  Mlle  Marie  Colin  ;  quatuor  en  ut  (n°  6), 
de  Mozart. 

%**  Le  concert  de  Mlle  Marie  Darjou  est  fixé  au  mercredi  27  janvier, 
à  la  salle  Herz.  La  dernière  composition  d'Emile  Prudent,  les  Trois 
Rêves,  y  sera  exécutée,  ainsi  que  les  Bois,  du  même  maître,  avec 
orchestre.  Mlle  Marie  Darjou  fera  entendre  en  outre  deux  de  ses  der- 
nières compositions,  et  une  romance  sans  paroles  de  Mendelssohn, 
une  pensée  musicale  de  F.  Schubert,  et  le  Scherzo,  op.  20,  de  Chopin. 
L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  A.  Placet. 

.,.%  La  cathédrale  de  Cahors  vient  d'être  dotée,  parle  gouvernement, 
d'un  orgue  qui  peut  être  compté  parmi  les  meilleurs.  L'instrument, 
sorti  des  ateliers  de  M.  Stoltz,  facteur  à  Paris,  possède  quarante-cinq 
jeux  distribués  sur  trois  claviers  à  la  main  et  un  clavier  de  pédales,  et 
de  plus  dix  pédales  de  combinaison  qui  permettent  à  l'organiste  de 
varier  ses  effets  avec  la  plus  grande  facilité.  M.  Auguste  Durand,  or- 
ganiste de  Saint-Vincent-de-Paul,  avait  été  désigné  par  S.  Exe.  le 
ministre  de  la  justice  et  des  cultes  pour  recevoir  cet  important  travail. 
Dans  plusieurs  séances  auxquelles  l'élite  de  la  population  de  Cahors 
s'est  rendue  avec  empressement,  M.  Durand  a  fait  ressortir  avec  un 
talent  qui  a  été  fort  apprécié  les  qualités  de  ce  bel  instrument. 

%*%  La  messe  en  mi  mineur  de  M.  G.  Roberti  sera  exécutée  à  l'é- 
glise Saint-Vincent-de-Paul,  aujourd'hui,  à  10  heures  très-précises,  par 
quarante  voix,  avec  orchestre  d'instruments  à  cordes  et  orgue,  sous  la 
direction  do  M.  Mullot,  maître  de  chapelle  de  la  paroisse. 

**„.  Vendredi  prochain  aura  lieu,  à  la  salle  Herz,  le  concert  avec  or- 
chestre donné  par  Mlle  L.  Murer,  qui  fera  entendre  les  Trois  Rêves  et 
la  Danse' des  Fées,  d'E.  Prudent,  ainsi  que  plusieurs  compositions  de 
Mendelssohn,  Beethoven  et  Ilenselt.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Til- 
mant. 
„,**  L'Académie  des  Beaux-Arts  a  désigné,  pour  l'année  !86i,  M.  de 


DE  PARIS. 


23 


Cisors  pour  son  président,  et  H.  Ambroise  Thomas  pour  son  vice-pré- 
sident. 

»**  Gennaro  Perelli,  l'excellent  pianiste  compositeur  a  été  nommé 
officier  de  l'ordre  d'Isabelle  la  Catholique. 

***  Samedi  soir,  23  janvier,  aura  lieu  à  la  salle  Pleyel-Wolff,  l'audition 
des  œuvres  nouvelles  d'Eugène  Ketterer,  avec  le  concours  d'Herman, 
Archainbaud,  A.  Durand  et  Duvcrnoy. 

*■%  On  annonce  pour  le  25  janvier  un  concert  donné  par  Mlle  Lea 
Karl,  cantatrice  de  talent,  qui  après  avoir  débuté  avec  succès  en  Alle- 
magne, s'est  fixée  à  Paris.  Mlle  Karl  aura  le  concours  de  Mme  Aermy 
et  de  MM.  Kriiger,  E.  Nathan,  Poisot  et  Sokolowski. 

***  Les  séances  de  musique  de  chambre  organisées  par  la  société 
des  Beaux-Arts  sont  très-suivies.  M.  Danbé,  violoniste  d'un  talent  réel, 
y  a  produit  beaucoup  d'effet  dans  un  solo  de  violon,  et  les  artistes  qui 
composent  le  quatuor  obtiennent  souvent  de  justes  applaudissements. 

„/%  M.  Camille  Saint-Saëns  annonce  une  série  de  concerts  bien  faits 
pour  exciter  l'intérêt  des  amateurs  de  bonne  et  sérieuse  musique.  Il  se 
propose  de  faire  entendre,  avec  accompagnement  d'orchestre,  les  con- 
certos de  Mozart  pour  le  piano.  Ces  concerts,  au  nombre  de  six,  et 
qui  seront  divisés  en  deux  séries,  auront  lieu  dans  les  salons  Pleyel, 
Wolff  et  Comp.  Le  premier  est  fixé  au  vendredi  12  février. 

*%  Le  concert  de  M.  P.olland,  chef  de  musique  de  la  gendarmerie 
papale,  aura  lieu  demain  à  la  salle  Herz. 

**„  On  écrit  de  Pesth  :  «  On  ne  tardera  pas  sans  doute  à  entendre 
un  opéra  hongrois  à  Paris;  la  partition  de  Hunyady,  par  Erkely,  vient 
d'être  expédiée  pour  cette  capitale,  et  nous  attendons  avec  une  vive 
curiosité  le  succès  de  cette  œuvre  madgyare. 

.,**  Strauss  et  Arban  viennent  de  composer  sur  Lischen  et  Frilzchen, 
l'un  une  polka  très-réussie,  l'autre  une  charmante  valse,  qui  paraîtront 
cette  semaine,  ainsi  que  le  nouveau  quadrille  les  Chasses,  dont  le  suc- 
cès a  été  partagé  au  dernier  bal  de  l'Opéra  par  la  polka  des  Hor- 
loges et  les   quadrilles  du  Brésilien  et  de  Moïse. 

***  M.  Mayer-Marix,  le  facteur  d'harmoniflûtes  à  Paris,  vient  de  faire 
paraître  :  1  °  la  Perle  cVor,  valse  expressive  ;  2°  le  Diamant,  redowa  ; 
3°  Musette,  par  N.  Alkan.  Ces  morceaux  sont  arrangés  pour  piano, 
orgue  de  salon  et  harmoniflûte. 

***  Victor  Dourlen,  le  doyen  des  grands  prix  de  Rome  (il  avait  obtenu 
le  second  prix  en  1803  et  le  premier  en  1804),  vient  de  mourir  âgé  de 
81  ans.  Elève  de  Catel  et  de  Gossec,  il  fit  jouer  plusieurs  opéras:  le 
frère  Philippe,  Linné,  la.  Dupe  de  son  art,  Caglioslro  (en  collaboration  avec 
Reicha),  Plus  heureux  que  sage,  Narini  et  le  Petit  souper.  La  plupart  de 
ces  ouvrages  ont  obtenu  du  succès,  surtout  le  frère  Philippe,  dont  les 
paroles  étaient  de  M.  Duport,  père  de  M.  Paul  Duport,  qui  fut  long- 
temps l'un  des  auteurs  les  plus  féconds  des  théâtres  du  Vaudeville,  du 
Gymnase,  et  aussi  de  l'Opéra- Comique.  Nommé  professeur  d'harmonie 
et  d'accompagnement  au  Conservatoire  en  1816,  il  y  continua  les  tra- 
ditions de  Catel,  avec  lequel  son  style  offrait  souvent  de  l'analogie. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


*%  Pau.  —  Le  théâtre  italien  vient  de  donner  Linda  di  Chamouni 
avec  un  grand  succès,  dont  Mme  Harjhi  et  le  ténor  Tombesi  peuvent 
revendiquer  une  bonne  part.  Le  baryton  Marra  a  été  également  ap- 
précié. On  monte  la  Marta  de  Flotow. 

+*4  Nîmes.  —  La  nouvelle  église  de  Sainte-Perpétue  vient  de  recevoir 
un  orgue  de  la  maison  A.  Cavaillô-Coll,  dont  l'inauguration  a  eu  lieu 
samedi  dernier.  La  commission  chargée  de  recevoir  l'instrument  n'a  eu 
que  des  éloges  à  décerner  à  M.  Cavaillé-Coll,  pour  le  soin  apporté  à 
toutes  les  parties  de  l'instrument.  On  a  beaucoup  remarqué  le  beau  ta- 
lent de  Mme  Escalon,  de  Beaucaire,  qui  a  touché  l'orgue,  ainsi  que  celui 
de  M.  Laurens,  de  Montpellier,  et  M.  Ch.  Widor,  de  Lyon,  un  élève  de 
Fétis  et  de  Lemmens,  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  ses  maîtres. 
M,  Widor  a  d'abord  exécuté  un  prélude  et  une  fugue  en  mi  de  S.  Bach, 
puis  une  improvisation  sur  les  jeux  de  fonds ,  et  il  a  terminé  par  un 
superbe  finale  de  Haandel.  Cet  artiste,  ce  virtuose  consommé  est  un 
tout  jeune  homme,  presque  un  enfant. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


t%  Bruxelles.  —  Un  opéra  fantastique,  en  deux  actes,  intitulé  VOrco, 
a  été  représenté  au  théâtre  de  la  Monnaie.  Les  paroles,  empruntées  à 
une  nou\elle  de  George  Sand,  sont  de  M.  Louis  llymans,  et  la  musique 


de  M.  Stoumon.  Voici  en  quels  termes  s'exprime  le  Guide  musical  au 
sujet  de  cet  ouvrage  :  «  Le  librettiste  nous  a  paru  satisfaire  assez  médio- 
crement aux  exigences  scéniques.  Pour  le  musicien,  nous  avouerons 
qu'il  a  de  la  mélodie,  qu'il  instrumente  avec  habileté,  et  qu'il  est  en 
progrès  pour  la  vérité  dramatique.  Mais,  nous  ne  lui  cacherons  pas  un 
défaut  qui  gâte  ses  meilleures  qualités  :  c'est  l'exagération  orchestrale. 
Il  lui  faut  sans  cesse  ses  quatre  cors,  ses  trompettes  et  ses  trombones.  De 
lu  vient  que  l'effet  ne  se  trouve  nulle  part.  II.  Stoumon  est  d'un  accom- 
modement trop  facile  pour  le  choix  des  thèmes.  Il  prend  le  premier  qui 
s'offre  à  lui,  eût-il  un  lien  de  parenté  très-rapproebé  avec  des  mélodies 
connues.  Nous  ne  dirons  rien  de  l'exécution  et  delà  mise  en  scène  qui 
laissaient  assez  à  désirer.  L'auditoire  a  applaudi  avec  une  vive  sympa- 
thie. —  Carlotta  Patti  s'est  fait  entendre  deux  fois  au  même  théâtre, 
avec  le  concours  d'Alfred  Jaell,  de  M.  Laub  et  Kellermann,  et  a  donné  éga- 
lement des  concerts  à  Lié  ge  et  à  Mons.  Le  succès  que  cette  étonnante 
cantatrice  a  obtenu  dans  ces  dernières  villes  a  été  très-grand,  mais  il 
n'en  a  pas  été  entièrement  de  même  ici,  où  Mlle  Patti  ne  paraissait  pas 
jouir  de  tous  ses  moyens.  On  l'a  cependant  fréquemment  applaudie. 
Alfred  Jaell  a  joué,  avec  son  talent  hors  ligne,  divers  morceaux  de  sa 
composition ,  parmi  lesquels  son  caprice  sur  le  Pardon  de  Plo'érmel, 
et  a  eu  tous  les  suffrages.  M .  Laub,  dans  la  fantaisie  d'Ernest,  sur 
Otello,  et  M.  Kellermann,  dans  la  Romancsca,  transcrite  par  Servais, 
ont  eu  également  des  bravos  bien  mérités. 

„%  Manheim.  —  Nous  avons  eu  ici  une  fort  bonne  représentation  de 
Macbeth,  par  ïaubert,  et  de  Loreley,  par  Max  Bruch  ;  dans  ces  deux 
pièces  les  rôles  principaux  ont  été  interprétés  par  Mme  Michaelis-Nimbs, 
qui  a  eu  surtout  un  éclatant  succès  dans  celui  de  lady  Macbeth. 

**t  Leipzig.  —  Au  douzième  concert  du  Gewandhaus  s'est  fait 
entendre  pour  la  première  fois  Mlle  Orgeni,  élève  de  Mme  Viardot, 
Sa  voix  de  soprano  est  sympathique,  mais  elle  a  besoin  d'être  cultivée. 
La  suite,  œuvre  2  de  Franz  Lachner,  a  été  exécutée  avec  tout  le  soin 
dont  cette  composition  remarquable  est  digne  à  tous  égards  ;  le  succès 
a  été  des  plus  brillants. 

„%  Vienne.— Il  y  a  vingt  ans,  le  pianiste  Pauer  s'est  fait  entendre  ic 
pour  la  première  fois.  Aujourd'hui,  professeur  à  l'Académie  de  musique 
à  Londres,  M.  Pauer  a  reparu  devant  le  public  qui  avait  encouragé  ses 
débuts.  Les  principaux  morceaux  de  son  programme  étaient  :  trio  de 
Schumann,  pour  piano  ;  concerto  pour  orgue  de  Hsendel,  transcrit  pour 
piano,  et  sonate  en  ut  mineur  de  Beethoven.  Dans  l'exécution  de  ces 
compositions  d'un  style  si  divers,  le  bénéficiaire  a  montré  la  flexibi- 
lité de  son  talent.  M.  Hellmesberger,  les  cantatrices  Dustman  et  Bet- 
telheim  lui  avaient  prêté  leur  concours.  Ces  artistes,  ainsi  que  M.  Pauer, 
ont  reçu  du  nombreux  auditoire  d'honorables  témoignages  de  sympathie. 

„*„,  Madrid.  —  Mme  Borghi-Mamo  a  été  acclamée  à  sa  rentrée  au 
théâtre  de  l'Oriente,  qui  a  eu  lieu  dans  la  Favorita.  Mario  a  partagé  le 
succès  de  la  célèbre  cantatrice.  —  Le  concert  donné  par  M.  André 
Parera,  flûtiste  et  compositeur,  avec  le  concours  de  Mme  Calderon  et 
du  ténor  Pagans,  a  été  l'un  des  meilleurs  de  la  saison.  11  a  eu  lieu  dans 
les  salons  du  Conservatoire. 


Le  Directeur  :   S.  DUFOL'R. 


NOUVEAU  JOURNAL  DE  MUSIQUE  MILITAIRE 

Publié  en  Partition  et  Parties  séparées. 


Fondation  GAUTROT   aîné. 


Ce  Journal  contiendra  annuellement  36  morceaux 

POUR 

HARMONIES    et   FANFARES 
Pris  en  grande  partie  sur  des  motifs  d'opéras. 

On  s'abonne  à  Paris  : 

CHEZ  GAUTROT  AÎNÉ,  GO,  RUE  SAINT-LOUIS  (MARAIS). 


2  h 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


NOUVELLES  PUBLICATIONS  DE  J.  MAHO,  FAUBOURG  SAINTHONORÉ,  25,  A  PARIS 


MUSIQUE    DE    PIANO    —    MÉTHODES-     ÉTUDES 

Bach  (J.  S.).  Choix  de  Préludes  non  difficiles 9 

Chopin  (Fr.).  Op.  10.  Douze  Etudes  en  deux  livres,  chaque.  .  10 

—    Op.  25.  Douze  Etudes  en  deux  livres,  chaque 10 

Délier  (Stephen).    Op.  90.  Vingt-quatre  nouvelles  Etudes  en 

deux  livres,  chaque 12 

te  Couppey  (F.).  Cours  de  Piano  élémentaire  et  progressif, 
adopté  au  Conservatoire  de  Paris  et  approuvé  par  l'Ins- 
titut de  France 

1.  A  B  G  du  Piano,  Méthode  pour  les  commençants.   ...  15 

2.  L'Alphabet,  vingt-cinq  Etudes  très-faciles,  op.  17.    .    .   .  12 

3.  Le  Progrès,  vingt-cinq  Etudes  faciles,  op.  24 12 

4.  Le  Rhythme.  vingt-cinq  Etudes  sans  octaves,  op.  22  .   .12 

5.  L'Agilité,  vingt-cinq   Etudes  progressives,  op.  20.   ...  12 

6.  Le  Style,  vingt-cinq  Etudes  de  genre,  op.  21 15 

7.  Ecole  du  Mécanisme,  quinze  séries  d'exercices 15 

Seellnjj  (H.).  Op.  10.  Douze  grandes  Etudes  de  concert  en  deux 

livres,  chaque 15 


SONATES,     FANTAISIES,    AIRS    VARIÉS,    ETC. 


Adler  (V.).  Op.  21.  1. 
2. 


Diseuse  de  bonne  aventure 

Prélude 

3.  Humoresque 

4.  Chant  du  Barde 

—  Op.  22.  Un  Soir  à  Saint-Gratien ,  idylle 

—  Op.  23.  La  Bergère,  scène  champêtre 

—  Op.  24.  Grande  marche 

AscHer  (J.).  Perle  d'Allemagne,  bluette  à  la  mazurka 

Bazin  (J.).  Les  Primevères,  variations  brillantes  sur  un  thème 

de  Haydn     

Beethoven .   Deux  sonatines 

BehreiiM  (A.).  Op.  1.  Hymne  national  polonais,  varié.   .... 

—  Op.  2.  Douze  valses  en  deux  livres,  chaque 

Blllema  (R.).  Op.  42.  Une  Soirée  sur  l'eau,  morceau  de  salon 

—  Op.  45.  Fleur  d'espérance,  nocturne ... 

Blnet  (E.).   Isabella,  valse  de  salon 

Bourges  (M.).  Nymphéa,  romance  sans  paroles 

—  Le  Papillon  de  nuit,  caprice 

—  Chant  des  Rameurs,  barcarolle 

Rranli  (K.).  Op.  15.  L'Ondine,  idylle 

—  Op.  16.  Tarentelle 

—  Op.  17.  Murmure  du  ruisseau,  caprice 

—  Op.  18.  Le  Rêve,  fantaisie 

—  Op.  19.  Le  Trémolo,  air  bohémien 

Caspar  (C.  A.).  Beaufort,  mazurka  de  concert 

Cblmay  (A.  de).  Mélusine,  valse 

Chopin  (F.).  Op.  7.  Quatre  mazurkas,  à  Johns 

—  Op.     9.  Trois  nocturnes,  à  Mme  Pleyel 

—  Op.  11.  Concerto  en  mi  mineur 

—  Op.  15.  Trois  nocturnes,  à  Ililler 

—  Op.   18.  Val?e  en  nu  bémol 

—  Op.  29.  Impromptu  en  la  bémol 

—  Op.  31.  Scherzo  en  si  bémol  mineur 

—  Op.  32.  Deux  nocturnes,  à  Mme  de  Billing 

—  Op.  34.  N°  2.  Valse  en  la  mineur 

—  Op.  35.  Marche  funèbre 

—  Op.  55.  Deux  nocturnes,  à  Mlle  Stirling 

—  Op.  57.  Berceuse 

—  Op.  64.  1.  Valse,  ré  bémol  majeur 

2.  Ut  dièse  mineur 

Damcke  (Louise).  Op.  1.  Nocturne 

Bclannoj   (V.).  Élégie 

Gadc  (N.j.  Sylphides,  bluette 

Gras t  (A.).  Op.  8.  Deux  solos  de  concours: 

1 .  Andantino.  —  2 .  Allegretto,  chaque 

Délier   (Stephen).    Op.   88    bis.  Scherzo-capricip  extrait  de  la 
Sonate  op.  88 ' 

—  Op.  97.  Douze  Laendler  et  valses,  en  2  suites  :  1,  5  fr.— 2, 

—  Op.  99.  Quatre  Phantaisie-Siuecke,  en  deux  livres,  chaque 

—  Op.  100.  Deuxième  canzonetta 

—  Op.  105.  Trois  romances  sans  paroles 

—  Op.  110.  Pour  un  Album,  deux  morceaux:  1,  7  fr.  50.— 2. 

Benselt  (A.).  Valse  sentimentale 

Dubené  (L.).  Op.  24.  Une  Larme,  pensée  musicale 

—  Op.  25.  L'Illusion,  morceau  de  genre 

—  Op.  26.  Express-Train,  grand  galop 

—  Op.  27.  Cordélia,  grande   valse  brillante 

—  Op.  28.  Bel  astre  du  soir,  rêverie 

—  Op.  29.  Sous  les  tilleuls,  rêverie  nocturne 

Johannien  (J.).  Op.  14.  L'Irrésistible,  valse  brillante.  .  .  . 
Kruger  (W.).  Op.  100.  Grande  Sonate  en  ut 

—  Op.  101.  Les  Regrets,  rêverie-nocturne 

—  Op.  102.  Le  Rouet,  fantaisie-impromptu 

—  Op.  111.  Allegretto-scherzando 

l<e  Couppey  (F.).  Rigodon  de  Bardanus  de  Rameau,  1"  trans- 
cription   

—  Ballet  des   Scythes  (d'Iphigénie  en   Tauride)   de    Gluck, 

2e  transcription 

Loïrtcr  (Richard).  Op.  41.  Lauterbach,  idylle-styrienne .  .  .  . 
Lortzing.  Pierre  le  Grand  à  Saardam,  opéra-comique  en  trois 

actes,  arr.  4°  net 

—  La  Sabotière,  air  de  billet  de  Pierre  le  Grand  à  Saardam 


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Iiuberk  (E.).  11.  Tarentelle 

—  13.  Berceuse 

—  14.  Polonaise,  morceau  de  concert 

Mayer  (Ch.).  Op.  134.  Romance  italienne 

IV.  S.  (Mlle).  Impromptu-idylle 

Oesten  (Th.).  Op.  50.  Six  morceaux  de  salon,  chaque    .... 

1.  Valse  brillaute.  2.  Chants  des  Alpes.  3.  Le  Printemps. 
4.  Sérénade.  5.  Chant  d'amitié.      6.  Séparation. 

—  Op.  61.  Le  Muguet,  vingt-cinq   petits  morceaux   faciles, 

en  trois  livres,  chaque 

Papendteck  (H.).  Op.  3.  Capricio 

—  Op.  4.  Impromptu-mazurka 

Belnecke  (Ch.).  Op.  77.  Au  coin  du  foyer,  dix-huit  morceaux 

pour  le  développement  du  goût  et  de  l'expression,  en 

trois  cahiers,  chaque 

Bemaury  (Caroline).  Op.  1.  Impromptu-étude 

—  Op.  t.  Berceuse 

Blchards  (Brinley).  Op.  7.  Andante  con  moto,  pastorale  .   .   . 

—  Op.  30.  Sibylle,  romance 

—  Op.  36.  La  Preciosa,  valse 

—  Op.  40.  La  Reine  blanche,  galop  de  concert 

—  Op.  50.  Le  Chant  du  soir,  romance 

—  Op.  60.  Marie,  nocturne 

—  Op.  67.  Louise,  2e  nocturne 

—  Op.  68.  La  Fleur  fanée,  romance  transcrite 

—  Op.  75.  Florence,  nocturne 

—  Op.  81.  Alexandra,  nocturne 

—  Op.  82.  Chant  du  matin,  romance 

SchllTniacher.  Op.  29.  Valse 

Schumann.  Op.  12.  Pièces  romantiques  en  deux  livres,  chaque 

1 .  Au  soir.  Elévation.  Et  pourquoi  ?  Papillons  noirs. 

2.  Nuitamment.    Conte.    Hallucinations.   Amici,  Co- 
media  finita  est. 

—  Op.  16.  Kreissleriana,  fantaisies  en  deux  livres,  chaque    . 
Seellaig  (H.)  Op.  1.  Deux  Impromptus 

—  Op.  2.  Loreley,  morceau  caractéristique 

—  Op.  3.  Nocturne 

—  Op.  4.  Trois  Mazurkas 

—  Op.  5.  Allegro 

—  Op.  6.  Idylle 

—  Op.  10.  Douze  grandes  Etudes  de  concert,  en  2  liv.,  cha. 

—  Les  mêmes,  séparément de  3  à 

—  Op.  1 1 .  Schilflieder.  Cinq  Pièces  d'après  les  Poésies  de  Lenau 
Stelnkuhler.  Op.  63.  Boléro,  morceau  de  salon    .    .    .    .    .    . 

Szarvatty  (Mme,  née  Clauss).  Morceaux  tirés  de  ses  program- 
mes de  concert. 

1er  livre  :  Sonate  de  Scarlatti;  air  de  Pergolèse  trans- 
crit; les  Niais  de  Sologne  de  Rameau 

2e  livre  :  Gaillarde  de  Cliambonnières;  La  de  Croissy 

de  Couperin;  Gavotte  de  Rameau 

3"  livre:  Sonate   de  Scarlatti;  Sonate  de  Marcello; 

Romance  de  Balbastre 

Talcxy  (A.).  Chanson  d'avril,  mélodie  pour  le  piano 

Thalberg  (S.).  Op.  72.  Borne,  sweet  home,  air  anglais  .... 

—  Op.  73.  The  last  Rose  of  Summer,  air  irlandais 

—  Op.  74.  Lilly  Baie,  air  américain 

Thurner  (A.).  Op.  5.  Soirée  d'automne,  rêverie 

—  Op.  7.  Maroussia,  caprice-mazurka 

Zarzycky  (A.).  Op.  1.  Trois  poésies  musicales,  1er  cahier  .   . 

—  Op.  3.  Trois  poésies  musicales,  2e  cahier  : 

1.  Elégie.  2.  Prière.  3.  Plainte,  chaque 

Les  trois  réunies . 

Zompl  (D.).  Op.  9    Romance  sans  paroles 

—  Op.  10.  Scherzo-valse 

MUSIQUE    DE    DANSE 

Castanlé  (F.  de).  La  Couronne,  schottisch 

Faust  (Ch.).  Jadis  et  aujourd'hui,  valse  arr.  par  Desgranges  .   . 

«alabert.  Sylvana,  redowa 

Place*.  J'ai  du  bon  tabac,  polka 

—  Sempronia,  polka-mazurka 

Servel  (E.).  Delphine,  polka-mazurka 

MUSIQUE    POUR    PIANO    A    QUATRE    MAINS 

Ascher  (J.).  Perle  d'Alh'.magne,  bluette  à  la  mazurka   .... 

Faust  (Ch.).  Jadis  et  aujourd'hui,  valse  arr.  par  Desgranges   . 

IiOrlzlug  (G.  A.).  Pierre   le  Grand  à  Saardam,  opéra-comique 
en  trois  actes,  arrangé  in-4°,  net 

Belnecke   (Ch.).   Op.    54.  Douze   morceaux    faciles   en  deux 
livres,  chaque 

(Saint-Sacns  (Camille).  Duettino 

Splndler  (F.).  Op.  136.  Six  sonatines,  chaque 

DUOS,    TRIOS 

Battanchon  (Félix).  Op.  8.  Souvenir  de  la  sérénade  de  Beetho- 
ven pour  violoncelle,  avec  accompagnement  de  piano 

Bourges  (Maurice).  2e  sonate  pour  piano  et  violon,  en  mi  bémol 

—  Trio  [la  mineur  pour  piano,  violon  et  violoncelle)  .... 
Konlskî  (A.  de).  Op.  3.  La  Cascade,  caprice  pour  violon,  avec 

accompagnement  de  piano 

Mathlas  (G.).  Op.  33.  Troisième   trio  en  fa  pour  piano,  vio- 
lon et  violoncelle,  net 

Bubinstein  (A.).  Op.1 8.  Sonate  en  ré  pour  piano  et  violoncelle 


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11PB1HEILIE  CENTRALE  DE  IWfOlEOK  CIIAIX 


c,  BLE  BGBGÈBE,   20. 


BUREAUX   A   PARIS  :  BOULEVARD    DES    ITALIENS,  4'. 


3ic  Année, 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  TV'|>firtemnnts  et  n  L'Étranger, 

c*icz  tous  les  Murchnnds  de  Musique,  les  Librairt 

et  aux  Bureaux  dos  Messageries  cl  dis  Postes. 


iV  4. 


REVUE 


24  Janvier  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 2*  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse...    3Û  »       id. 

Étranger 3i  «       id. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Concerts  et  auditions,  par  D.  A.  O.  Saïnt-YTes.  —  Messe 
de  G.  Roberti  exécutée  à  Saint-Vincent-de-Paul.  —  Théâtre  des  Rouffes-Pari- 
siens  :  /(  signor  Fagoilo,  opérette  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Nuitter  et 
Tréfeu,  musique  de  M.  J.  Offenbach.  —  Martini  (6°  article),  par  Arthur 
Pougin.  —  Mémoire  sur  l'origine  de  la  musique  (2e  article),  par  B. 
Beaulïeu.  —  Nouvelles  et  annonces. 


CONCERTS  ET  AUDITIONS. 

Inauguration  de  l'Athénée  musical.  —  Concert  de 
Hlle  Marie  Jungk. —  D.  llagnns.  —  Mlle  Louise  Murer. 
—  Séances  de  musique  de  cliambre  d'Alard  et 
Franchomnie. 

Sous  le  nom  d'Athénée  musical,  une  nouvelle  salle  de  concerts 
vient  de  s'ouvrir  sur  le  boulevard  Saint-Germain,  à  côté  du  jardin 
de  l'hôtel  Cluny.  Cet  établissement,  qui  affecte  d'assez  vastes  propor- 
tions, n'a  rien  de  commun  avec  les  cafés-chantants,  tel  que  l'Eldo- 
rado ou  l'Alcazar,  où  l'on  consomme  une  demi-tasse  ou  une  chope 
de  bière,  en  écoutant  une  polka-mazurka  ou  une  chansonnette  gri- 
voise. L'Athénée  musical  a  des  visées  plus  artistiques  ;  il  veut  ré- 
pandre le  goût  de  la  musique  sérieuse  dans  un  quartier  presque  en- 
tièrement sevré  jusqu'à  ce  jour  d'entreprises  de  ce  genre,  et  à  ce 
titre  il  mérite  nos  sympathies,  il  a  droit  à  nos  encouragements. 

M.  le  comte  de  Raousset-Boulbon,  à  qui  appartient  l'initiative  de 
cette  heureuse  inspiration,  n'a  rien  épargné  pour  rendre  son  Athénée 
tout  à  fait  digne  du  but  qu'il  s'est  proposé  en  l'édifiant.  L'aspect  ex- 
térieur en  est  monumental,  un  peu  sévère  peut-être,  mais  au  demeu- 
rant d'un  bon  effet  d'ensemble,  qui  témoigne  en  faveur  de  M.  Félix 
Pigeory,  sur  les  plans  duquel  ce  bâtiment  a  été  exécuté  par  M.Gérault. 
Quant  à  l'intérieur,  il  défie  toute  critique  ;  c'est  un  carré  long,  dont 
le  vaisseau  peut  contenir  environ  quinze  cents  personnes  ;  il  est  com- 
posé d'un  vaste  parterre  autour  duquel  on  circule  librement,  d'une 
galerie  superposée,  et,  en  face  de  l'orchestre  qui  occupe  le  fond  de 
la  salle,  d'un  vaste  amphithéâtre.  Des  escaliers  spacieux  conduisent  à 
l'étage  supérieur.  Les  décorations  de  la  salle  sont  de  style  Louis  XV, 
c'est-à-dire  blanc  et  or,  et  elles  sont  éclairées  par  trois  grands  lus- 
tres et  par  une  quantité   de  candélabres,  qui  font  brillamment   res- 


sortir les  peintures  et  les  fresques  de  M.  Charles  Hugo,  ainsi  que  les 
sculptures  de  M.  Bernard. 

Pour  inaugurer  toutes  ces  merveilles,  M.  de  Raousset-Boulbon  a 
voulu  débuter  par  un  concert  exceptionnel,  auquel  n'ont  pas  dédaigné 
de  concourir  plusieurs  artistes  renommés,  tels  qu'A.  Bettini,  Mme  Tre- 
belli  Bettini,  M.  Ravina,  M.  Lavigne,  etc.  La  valse  de  Faust,  chantée 
par  Mme  Trebelli-Bettini  avec  cette  souplesse  de  voix,  avec  cette 
sûreté  d'intonation  qui  lui  ont  valu  de  si  éclatants  succès  aux  opéras 
italiens  de  Paris  et  de  Londres,  a  ravi  l'auditoire.  La  délicieuse  ro- 
mance de  Marta  n'a  pas  été  moins  favorable  à  Bettini,  qui  l'a  détail- 
lée avec  infiniment  d'âme  et  de  goût.  Ravina  nous  a  fait  entendre 
pour  la  première  fois  une  fantaisie  espagnole,  intitulée  Havaneras, 
qu'il  a  exécutée,  comme  toujours,  magistralement,  et  qui  comptera 
parmi  ses  meilleures  compositions.  Enfin  le  hautbois  de  M.  Lavigne 
a  soulevé  des  tempêtes  de  bravos,  avec  ses  Souvenirs  des  montagnes, 

La  partie  chorale  de  ce  concert,  qui,  du  reste,  doit  être  signalée 
comme  un  de  ses  attraits  journaliers,  n'est  pas  demeurée  au-dessous 
de  la  partie  instrumentale  et  vocale.  Les  chœurs,  composés  de 
quinze  hommes  et  de  quinze  femmes,  ont  interprété  avec  un  remar- 
quable ensemble  une  Cantate  d'inauguration,  paroles  de  G.  du  Locle 
et  musique  de  Duprato,  entremêlée  de  soli  et  de  déclamation.  Cette 
cantate,  un  peu  dans  les  nuages,  a  fourni  au  compositeur  plusieurs 
inspirations  saillantes,  mais  le  caractère  nous  en  a  paru  trop  cons- 
tamment sérieux  pour  la  circonstance.  Ce  n'est  pas  ainsi  que  nous 
aurions  compris  la  réalisation  de  ce  vœu  si  naturel  : 

Que  l'écho  s'éveille  et  répète 
Nos  chants  joyeux. 

Nous  devons  une  mention  à  Mme  Marie  Praldi,  chargée  de  repré- 
senter l'Harmonie,  et  à  Mme  Daulnay  à  qui  était  échu  le  rôle  de  la 
Muse. 

Les  étoiles  que  nous  avons  citées  plus  haut  sont  maintenant  rem- 
placées par  des  constellations  plus  modestes  ;  mais  ce  que  l'on  peut 
applaudir  chaque  soir,  comme  on  l'a  applaudi  le  jour  de  l'inaugu- 
ration, c'est  un  très-bon  orchestre  de  quarante  à  cinquante  musi- 
ciens, conduit  supérieurement  par  J.  Duprato,  et  qui,  la  première 
fois,  a  enlevé,  c'est  le  mot,  l'ouverture  de  la  Muette  et  la  Marche 
du  songe,  de  Mendelssohn. 

—  Une  des  élèves  les  plus  distinguées  de  Henri  Herz,  Mlle  Marie 
Jungk,  s'est  fait  entendre  à  la  salle  de  la  rue  de  la  Victoire,  sous  le 


26 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


patronage  et  avec  le  concours  de  son  illustre  maître.  Le  grand  duo 
concertant  pour  deux  pianos,  sur  des  thèmes  de  Mozart  et  de 
Rossini,  exécuté  par  le  professeur  et  par  l'élève,  a  mis  en  relief 
les  éminentes  qualités  de  Mlle  Marie  Jungk,  dont  le  jeu  brillant  et 
pur  n'a  pas  trop  souffert  de  la  comparaison.  Le  cinquième  concerto 
de  Henri  Herz,  le  trio  de  Beethoven,  avec  violon  et  violoncelle,  le 
septuor  de  Lucia  et  la  Tarentelle  nouvelle,  aussi  de  Henri  Herz, 
n'ont  fait  que  confirmer  l'impression  bienveillante  acquise  à  la  béné- 
ficiaire. 

Le  programme  de  ce  concert,  très-riche  et  très-varié,  nous  ré- 
servait une  surprise  des  plus  inattendues  et  des  plus  intéres- 
santes. Nous  avons  annoncé  la  présence  à  Paris  de  M.  Marc  Soko- 
lowski,  un  artiste  de  mérite  qui  s'est  fait  connaître  avantageusement 
en  Allemagne,  en  Belgique,  en  Russie,  mais  qui  n'avait  jamais  paru 
devant  un  public  français.  Pour  notre  part,  nous  ne  nous  faisons  pas 
de  difficulté  d'avouer  que  nous  avions  des  préventions  fort  enracinées 
contre  cet  instrument  sourd  et  ingrat  qu'on  nomme  une  guitare.  Mais 
après  avoir  vu  et  entendu  le  parti  vraiment  inouï  que  M.  Marc  Soko- 
lowski  sait  tirer  de  l'instrument  en  question,  il  nous  faut  bien  rabat- 
tre de  nos  préjugés.  Le  rondo  alla  Palacca,  des  Puritains,  avec  ac- 
compagnement de  piano,  et  la  fantaisie  sur  le  Pirate  que  cet  artiste 
a  successivement  exécutés,  ont  d'abord  étonné,  puis  forcé  ses  auditeurs 
à  le  combler  des  félicitations  les  plus  enthousiastes.  M.  Marc  Soko- 
lowski  sera  bien  certainement  l'un  des  virtuoses  les  plus  à  la  mode  de 
la  saison.  Quand  nous  aurons  ajouté  que  dans  ce  même  concert  on 
a  entendu  Mme  Oscar  Omettant,  les  frères  Guidou,  le  violoniste 
Bauerkeller  et  le  violoncelliste  Muller,  nous  n'aurons  sans  doute  pas 
besoin  d'insister  sur  le  très-grand  effet  qu'il  a  produit,  chose  rare,  de- 
puis le  premier  jusqu'au  dernier  morceau. 

—  Une  audition  des  nouvelles  œuvres  de  D.  Magnus,  l'un  de  nos 
pianistes-compositeurs  les  plus  justement  estimés,  vient  d'avoir  lieu 
dans  les  talons  de  Pleyel-Wolff.  Parmi  les  morceaux  de  lui  qui  dé- 
frayaient son  concert,  et  qui  ont  tous  été  exécutés  par  D.  Magnus 
avec  ce  style  large  et  puissant  qui  le  distinguent,  nous  avons  parti- 
culièrement remarqué  une  excellente  transcription  du  finale  du  troi- 
sième acte  de  Moise,  le  Chant  des  sirènes,  et  Fleurs  et  dentelles. 
L'accueil  fait  à  ces  trois  compositions  leur  garantit  pour  longtemps  la 
faveur  des  salons.  Les  repos  nécessaires  au  pianiste  interprétant  lui- 
même  ses  œuvres,  ont  été  remplis,  dans  cette  soirée,  par  le  violon 
de  Sarasate,  et  pour  la  partie  vocale,  par  Mme  A.  Gagliano  et  par 
Aurèle. 

—Dans  son  concert  annuel  que  Mlle  Louise  Murer  a  donné  à  la  salle 
Herz,  cette  jeune  et  habile  pianiste  a  eu  la  bonne  idée  de  passer  en  revue 
les  principales  productions  d'Emile  Prudent,  ce  professeur  tant  re- 
gretté, dont  d!e  était  l'une  des  plus  méritantes  élèves.  Comme  on  le 
pense  bien,  la  Danse  des  fées  n'a  pas  été  oubliée,  non  plus  que  la 
Somnambule  et  le  Chant  d'Ariel.  Mais  ce  qui  a  excité  au  plus  haut 
point  l'intérêt  du  nombreux  auditoire  qu'avait  attiré  cette  soirée,  c'a 
été  l'exécution  des  Trois  Eéves,  morceau  de  concert  pour  piano  et 
orchestre,  dans  lequel  Emile  Prudent  a  condensé  trois  ravissantes 
inspirations,  qu'on  ne  peut  entendre  sans  déplorer  la  perte  prématu- 
rée de  ce  compositeur,  frappé  soudainement  dans  toute  la  force 
du  talent  et  de  l'âge.  Ce  morceau  est  divisé  en  trois  parties, 
les  Esprits  des  campacjncs,  allegro  ;  les  Génies  du  foyer,  andante  ;  et 
le  Ballet  des\linyari,  rondeau  final.  Mlle  Louise  Murer  les  a  inter- 
prétées toutes  trois  en  grande  artiste,  avec  une  sûreté,  une  précision 
qui  n'excluent  ni  la  délicatesse  ni  la  grâce.  Elle  a  été  d'ailleurs  mer- 
veilleusement secondée  par  un  très-bon  orchestre,  que  dirigeait  Til- 
mant,  dont  le  nom  nous  dispense  de  tout  éloge.  Le  chant  était  re- 
présenté par  Archainbaud  et  par  Mme  Aimé  Tillemant,  qui  ont  dit 
avec  goût  plusieurs  compositions  de  Mercadante,  de  Rossini,  de  Mute], 
d'E.  Durand  et  de  Lhuillier. 
—  Les  séances  de  musique  de  chambre  d'Alard  et  de  Franchomme 


ont  repris  leur  cours.  Dans  la  matinée  de  dimanche  dernier,  ces  deux 
virtuoses,  en  compagnie  de  White,  de  Casimir  Ney  et  de  Diémer, 
l'un  des  bons  élèves  de  Marmontel,  ont  interprété  l'un  des  trios  com- 
posés par  Beethoven,  en  1798,  le  quatuor  en  mi  mineur  de  Mendels- 
sohn,  la  troisième  des  sonates  de  Beethoven  dédiées  à  l'empereur 
Alexandre,  et  le  quintette  en  la  de  Mozart.  Ces  œuvres  d'élite,  supé- 
rieurement exécutées,  surtout  par  Alard  qui  a  fait  merveille  dans 
l'adagio  du  quintette,  ouvrent,  de  la  façon  la  plus  brillante,  la  série 
des  séances  de  cette  saison  qui,  malgré  la  concurrence  croissante  des 
auditions  de  musique  de  chambre,  ne  seront  pas  moins  suivies  que 
celles  des  années  précédentes. 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


liesse  de  Ci.  Roberti  exécutée  »  Saint-Vinccnt- 
dc-Paul. 

Ceux  qui  connaissent  l'état  actuel  de  la  musique  sacrée  en  Italie, 
pouvaient  s'attendre  à  un  ensemble  de  morceaux  d'opéra  plus  ou 
moins  adroitement  adaptés  au  texte  latin.  Mais  les  premières  mesures 
du  Kyrie  ont  suffi  pour  dissiper  cette  idée  et  pour  prouver  que  l'on 
avait  affaire  à  une  œuvre  des  plus  sérieuses,  aussi  profondément  ins- 
pirée qu'habilement  travaillée ,  joignant  une  grande  pureté  et  une 
élévation  toujours  contenue  de  style  à  une  originalité  et  à  une  indi- 
vidualité fort  rares  de  notre  temps.  Ces  qualités  se  rencontrent  sur- 
tout dans  le  Kyrie,  dans  le  Sanctus  et  dans  ÏAgnus,  trois  parties 
qui  nous  ont  le  plus  frappé.  Le  Gloria  est  plein  de  feu  et  d'anima- 
tion; aux  paroles  Qui  tollis,  une  phrase  de  violoncelle,  qui  est  en 
même  temps  le  chant  et  la  basse,  se  reproduit  dans  différents  tons, 
et  sert  de  base  à  une  autre  phrase  dite  par  les  quatre  parties  de 
chant  en  solo,  et  le  chœur  répond  :  Miserere  nobis;  la  mélodie  est 
incontestablement  neuve,  le  dessin  harmonique  d'une  remarquable 
élégance  et  la  couleur  très-dramatique  sans  sortir  des  bornes  du  style 
sacré.  Quelques  parties  du  Credo  nous  ont  paru  relativement  plus 
faibles  comme  composition,  bien  que  le  sentiment  y  soit  toujours 
irréprochable. 

Somme  toute,  la  messe  de  M.  Roberti  est  une  œuvre  digne  en 
tous  points  de  la  réputation  qu'elle  a  faite  à  son  auteur  en  Angle- 
terre, où  elle  a  été  publiée  par  la  maison  Novello.  L'exécution  en 
était  confiée  à  quarante  voix,  accompagnées  par  un  triple  quatuor 
avec  l'orgue,  et  elle  a  fait  beaucoup  d'honneur  au  talent  et  au  zèle 
de  M.  Mulle,  maître  de  chapelle  de  la  paroisse  ;  nous  nous  permet- 
trons seulement  de  remarquer  que  la  partie  vocale  est  restée  bien 
au-dessous  de  la  partie  des  instruments,  ce  qui  n'étonnera  d'ailleurs 
personne,  quand  on  saura  que  les  pupitres  de  l'orchestre  étaient  oc- 
cupés par  nos  premiers  solistes,  parmi  lesquels  MM.  Sighicelli,  Pilet, 
Langhans,  etc.,  etc.  Le  grand  orgue  était  tenu  par  M.  Aug.  Durand, 
avec  la  perfection  qui  lui  est  habituelle. 

Y. 


THÉÂTRE  DES  BOUFFES-PARISIENS. 

IL  SICi\OR  FAGOTTO, 

Opérette  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Nuitter  et  TnÉrru,  musique  de 
J.  Offenbach. 

Ainsi  que  Lischen  et  Fritschen,  cette  opérette  a  été  représentée 
pour  la  première  fois  à  Ems,  dans  le  courant  de  l'été  dernier,  et  y  a 
été  fort  goûtée  par  le  parterre  aristocratique  de  cette  ville  d'outre- 
Rhin.  La  nouvelle  épreuve  tentée  par  les  Bouffes-Parisiens  ne  pou- 
vait donc  être  douteuse  ,  et  n'a  fait  que  confirmer  ce  jugement 
de  première  instance.  Constatons  toutefois,  pour  être  juste,   qu'en- 


BE  PARIS. 


27 


tre  les  deux  opérettes  il  y  a  une  légère  nuance,  tout  à  l'avan- 
tage de  la  gentille  pièce  d'ouverture  dont  nous  avons  rendu  compte 
dans  un  de  nos  derniers  numéros.  Faut-il  attribuer  ce  résultat  aux 
auteurs  des  paroles?  Quelques  mots  d'analyse  répondront  pour  nous. 

Il  signor  Fagotto  remplit  le  monde  de  sa  renommée  musicale,  et 
partout  où  il  passe,  les  populations  enthousiastes  le  saluent  de  leurs 
acclamations  et  lui  dressent  des  arcs  de  triomphe.  Dans  une  petite 
ville  où  il  est  attendu,  habite  un  mélomane  qui  est  sur  le  point  de 
marier  sa  ûlle  à  un  antiquaire.  Mais  Mlle  Clorinda  n'a  aucun  goût  pour 
les  débris  des  autres  âges,  et  elle  leur  préfère  tout  naturellement  les 
vingt  printemps  de  son  professeur  de  musique.  Or,  il  y  a  dans  la 
maison  un  valet  déluré  qui,  pour  obtenir  la  main  de  la  servante 
Moschelta,  propose  à  sa  jeune  maîtresse  de  faire  manquer  son  ma- 
riage avec  l'antiquaire.  Dans  ce  but,  il  prend  le  nom  et  le  visage  d'il 
signor  Fagotto,  se  présente  au  mélomane  Bertolucci  sous  cette  appa- 
rence trompeuse,  et,  mettant  à  profit  ses  préventions  favorables,  il  le 
dégoûte  de  l'antiquaire  et  lui  fait  accroire  que  sa  fille  pourrait  lui 
convenir.  L'exécution  d'un  grand  opéra  de  sa  composition  achève  de 
tourner  la  tête  à  Bertolucci,  qui  déclare  que  Clorinda  n'épousera 
jamais  que  l'auteur  de  cette  œuvre  remarquable.  On  le  prend  au 
mot,  et  Clorinda  devient  la  femme  de  son  maître  de  musique,  car 
c'est  lui  qui  a  fait  l'opéra  d'il  signor  Fagotto,  lequel  est  démasqué 
par  l'antiquaire,  mais  quand  il  n'est  plus  temps  de  revenir  sur  les 
faits  accomplis. 

Il  y  a  de  la  gaieté  dans  celte  bluette;  mais  elle  a,  comme  on 
peut  s'en  convaincre,  le  défaut  de  rappeler  bien  des  situations  usées 
à  la  scène.  C'est  cet  inconvénient  que  la  musique  d'Offenbach  a 
essayé  de  faire  oublier.  Plusieurs  morceaux  sont  traités  avec  cette  verve, 
cet  esprit,  cette  finesse  que  ce  compositeur,  si  bien  doué,  ne  saurait  se 
défendre  de  semer  à  pleines  mains  dans  ses  moindres  ouvrages. 
Le  trio  de  leçon  de  chant  est  notamment  très-bien  venu,  et  il  est 
tout  à  fait  en  situation.  Nous  citerons  aussi  les  couplets  de  Mo- 
schetta  :  Vous  êtes  trop  bête  ;  l'air  d'introduction  d'il  signor  Fagotto, 
dans  lequel  les  imitations  les  plus  baroques  de  cris  d'animaux  et 
d'autres  bruits  non  moins  singuliers  sont  très-heureusement  enca- 
drées, un  très-joli  duettino,  la  chanson  de  l'antiquaire,  accompagnée 
sur  la  lyre  de  Pindare,  et  comme  couronnement  de  l'œuvre,  le  mor- 
ceau d'échantillon  de  l'opéra  destiné  à  séduire  le  mélomane  Ber- 
tolucci. 

Cette  nouvelle  opérette  d'Offenbach  est,  d'ailleurs,  parfaitement 
interprétée  par  Désiré,  Pradeau,  Ed.  Georges,  Mlles  Tostée,  ïaffanel 
et  Zulma  Bouffar. 


MARTINI. 

(6e  article)  (1). 
V. 

La  fameuse  journée  du  10  août  1792  frappa  du  même  coup  la  mo- 
narchie et  le  théâtre  Italien  dont  le  palais  des  Tuileries  étant  l'asile. 

Les  bouffons  effrayés  repassèrent  les  Alpes,,  mais  cette  retraite  pré- 
cipitée portait  un  coup  terrible  à  l'entreprise.  Les  chanteurs  français 
continuèrent  cependant  de  jouer  dans  la  salle  de  la  rue  Feydeau,  et  le 
nom  de  a  Théâtre  de  Monsieur  »  fut  abandonné. 

Jusqu'en  1801,  époque  où  les  deux  troupes  se  réunirent  pour  ne 
plus  former  que  celle  de  l'Opéra-Comique,  ces  chanteurs  firent  une 
rude  concurrence  à  leurs  confrères  du  théâtre  Favart.  L'administra- 
tion nommée  par  Monsieur  s'étant  retirée,  Martini  perdit,  dans  la 
même  année,  sa  place  de  directeur  général,  celle  de  surintendant  en 

(1)  Voir  les  nos  49,  50,  51  de  l'année  1863  et  les  n"  2  et  3. 


survivance  de  la  maison  du  roi,  et  enfin  celle  de  directeur  de  la 
musique  du  comte  d'Artois,  et  se  vit,  à  cinquante  ans,  plongé  dans 
un  état  voisin  de  la  misère. 

En  ce  temps-là  vivait  à  Paris  une  jeune  femme  qui  [s'y  fit,  au  mi- 
lieu des  jours  orageux  de  la  révolution,  une  réputation  de  poëte  et 
de  philosophe,  bien  effacée  de  nos  jours  où  son  nom  même  est  à 
peu  près  oublié.  Fille  elle-même  d'un  littérateur  distingué,  Constance- 
Marie  de  Theis,  qui  devait  plus  tard  être  princesse  de  Salm,  avait 
épousé,  en  1789,  un  médecin  de  talent,  le  docteur  Pipelet.  La  «  ci- 
toyenne «  Pipelet  avait  reçu  une  brillante  éducation  :  à  quinze  ans 
elle  parlait  plusieurs  langues,  étudiait  avec  ardeur  la  composition 
musicale  (elle  écrivit  les  paroles  et  la  musique  de  plusieurs  roman- 
ces), et  faisait  déjà  les  vers  avec  une  grande  facilité.  A  partir  de 
1785,  elle  commença  à  se  faire  connaître  par  quelques  pièces  de 
poésie  insérées  dans  différents  recueils,  notamment  par  la  célèbre 
chanson  :  Bouton  de  rose,  publiée  dans  VAlmanach  des  Grâces  de 
1788,  et  mise  en  musique,  dix  années  plus  tard,  par  Pradher.  Le  sa- 
lon de  cette  femme  distinguée  devint  le  lieu  de  rendez-vous  de  tout 
ce  que  les  arts,  les  sciences  et  les  lettres  comptaient  à  Paris  de  re- 
présentants les  plus  remarquables  :  Girodet,  Talma,  Guérin,  Pajou, 
Vernet,  Houdon,  Gudin,  de  Humboldt,  Lalande,  de  Jussieu,  Say, 
Bréguet,  de  Candolle,  Paul-Louis  Courier,  Ginguené,  Mme  Dufrénoy, 
les  frères  Duval,  Lava,  Vigée,  Andrieux,  Prony,  la  Chabeaussière  s'y 
réunissaient  souvent  et  entamaient  entre  eux  de  longues  discussions 
dont  les  sciences,  la  philosophie,  la  littérature  et  toutes  les  branches 
de  l'art  étaient  les  thèmes  ordinaires. 

Martini  fut  l'un  des  premiers  hôtes  de  ce  salon  élégant.  Plus  âgé  de 
vingt-cinq  ans  que  celle  qui  en  faisait  les  honneurs,  il  fut  toujours 
reçu  et  traité  par  elle  avec  un  grand  respect,  un  tendre  attachement 
et  une  affection  presque  filiale.  L'amitié  sincère  qui  les  unissait  leur 
avait  inspiré  la  pensée  d'une  collaboration  :  déjà  ils  avaient  com- 
mencé en  commun  un  travail  important,  en  entreprenant  de  traiter 
et  de  transporter  sur  la  scène  lyrique  française  les  amours  et  la  mort 
de  Sapho.  Leur  œuvre  était  déjà  avancée  lorsque  l'orage  qui  gron- 
dait depuis  1787  éclata  dans  toute  sa  violence.  La  journée  du  10 
août  1792,  les  massacres  de  septembre,  bientôt  suivis  de  la  procla- 
mation de  la  Bépublique,  étaient  bien  faits  pour  inspirer  des  craintes 
sérieuses  à  tous  ceux  qui  avaient  eu  des  relations  avec  la  cour.  Or, 
Martini  était  dans  ce  cas  :  surintendant  de  la  musique  de  Louis  XVI, 
son  attachement  pour  la  famille  royale  était  connu,  et  il  pouvait 
craindre  d'être  inquiété.  Il  prit  donc  le  parti  de  se  cacher  et  d'atten- 
dre dans  la  retraite  que  toute  apparence  de  danger  eût  disparu.  «  La 
renommée  dont  jouissait  Martini  —  dit  la  princesse  de  Sahn  dans 
['Eloge  dont  j'ai  déjà  parlé  —  lui  avait  acquis  depuis  longtemps  l'es- 
time et  l'amitié  d'un  grand  nombre  de  personnes  recommandables , 
entre  autres  d'un  homme  fort  riche.  M.  Lenormand  d'Etiolés,  an- 
cien fermier  général,  ami  des  aFts  et  grand  amateur  de  musique,  qui 
avait  désiré  qu'il  demeurât  chez  lui.  Il  attendit  tranquillement  dans 
cette  honorable  retraite  que  les  événements  publics  lui  permissent 
de  paraître  de  nouveau. . .  »  (Œuvres  complètes  de  "Jtlme  la  prin- 
cesse Constance  de  Salm,  t.  IV,  p.  121.) 

Cependant,  après  quelques  mois  de  réclusion  volontaire,  Martini 
s'aperçut  qu'il  n'avait  rien  à  craindre.  Il  sortit  alors  de  sa  retraite, 
confiant  et  rassuré,  reparut  au  grand  jour  et  s'empressa  de  reprendre 
ses  chers  travaux.  La  partition  de  Sapho  devint  l'objet  de  tous  ses 
soins,  et  c'est  avec  une  ardeur  presque  juvénile  que,  malgré  ses  cin- 
quante-trois ans,  il  se  mit  en  devoir  d'achever  cette  œuvre  très- 
considérable.  Sapho  fut  reçue  au  théâtre  de  la  rue  de  Louvois,  re- 
présentée pour  la  première  fois  le  14  décembre  1794,  accueillie  par 
le  public  avec  un  véritable  enthousiasme,  et  son  succès  fut  si  écla- 
tant qu'il  se  prolongea  pendant  plus  de  cent  représentations,  chose 
singulièrement  rare  surtout  à  cette  époque. 

L'ouvrage  était  une    «  tragédie  lyrique  »  en  trois  actes,   c'est-à- 


28 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dire  que  le  poëme  était  écrit  en  vers,  bien  que  le  chant  fût  mêlé 
de  dialogue.  L'action  en  est  languissante  ;  le  vers  en  est  à  la  fois 
compassé,  banal  et  emphatique;  enfin,  le  caractère  général  de 
l'ouvrage  n'a  rien  d'émouvant  ni  de  dramatique.  De  tout  ceci  je 
conclus  que  si  la  pièce  obtint  un  très-grand  succès,  elle  le  dut  à  la 
pompe  du  spectacle  qui  y  était  déployée,  au  talent  de  ses  interprètes, 
et  surtout  à  la  musique  de  Martini. 

J'ai  lu  avec  la  plus  grande  attention  cette  volumineuse  partition  de 
Saplid,  laquelle  ne  contient  pas  moins  de  quatre  cents  pages,  et  je 
puis  dire  en  toute  assurance  que  si  elle  n'est  point  un  chef-d'œuvre, 
c'est  du  moins  une  production  des  plus  remarquables.  Il  me  semble 
que  l'air  de  Stésichore  :  Aux  beaux-arts  livrez-vous  sans  cesse,  que 
le  finale  du  premier  acte,  que  la  magnifique  prière  en  chœur  :  0  fils  du 
maître  du  tonnerre!....,  que  le  charmant  duo  de  Cléis  et  de  Phaon  : 
Plus  de  regrets,  plus  de  tristesse,  que  le  finale  du  second  acte,  que  le 
grand  air  de  Phaon,  surtout  dans  sa  seconde  partie  :  Fuyez,  trans- 
port coupable,  que  la  scène  de  l'enlèvement,  l'air  de  Sapho  :  Amour, 
hymen,  partagez  mon  ivresse,  enfin,  que  le  finale  du  troisième  acte, 
qui  est  traité  avec  une  science,  une  habileté  et  une  ampleur  magis- 
trales, sont  des  morceaux  de  premier  ordre,  et  tels  qu'on  en  entend 
rarement. 

Eh  bien,  malgré  son  immense  succès,  Sajjho  ne  fut  jamais  reprise 
et  disparut  sans  retour.  Ce  fait  tient  évidemment  à  b  transformation 
du  théâtre  Louvois,  qui  fut,  quelques  années  plus  tard,  exclusivement 
consacré  à  la  comédie ,  et  au  genre  de  l'ouvrage,  qui,  n'étant  ni  un 
opéra-comique  ni  un  grand  opéra,  ne  convenait  pas  plus  à  l'Opéra 
qu'au  théâtre  Feydeau. 

VI. 

Ce  fut  vers  le  même  temps  que  Martini  composa,  pour  les  fêtes 
populaires  de  la  République,  la  musique  de  plusieurs  chants  patrio- 
tiques. 

Je  ne  sais  combien  Martini  écrivit  de  ces  morceaux  de  circonstance; 
je  n'en  puis  citer  que  deux,  un  Chant  funèbre  et  un  Hymne  à 
l'agriculture,  ce  dernier  chanté  à  la  fête  de  l'Agriculture  qui  fut  cé- 
lébrée en  1796,  au  Champ  de  Mars,  avec  une  pompe  si  imposante. 
Les  paroles  de  ces  deux  opuscules  sont  de  la  princesse  de  Salm,  qui 
eut  le  tort  impardonnable  de  les  reproduire  dans  ses  œuvres  com- 
plètes. 

Par  un  double  décret,  en  date  du  16  thermidor  an  III  (3  août  1795) 
et  rendu  sur  un  rapport  de  Marie-Joseph  Chénier,  la  Convention 
ayant,  d'une  part,  supprimé  l'école  gratuite  de  musique  de  la  garde 
nationale,  ainsi  que  l'école  de  chant  fondée  par  Gossec  en  1784,  et, 
d'autre  part,  ordonné  la  fondation  et  l'organisation  du  Conservatoire 
de  musique;  cet  établissement  fut,  on  le  sait,  placé  sous  la  direction 
de  Sarrette.  Celui-ci  rédigea  le  règlement  de  la  nouvelle  école  et  son- 
gea à  s'entourer,  pour  le  bien  de  son  œuvre,  des  hommes  les  plus 
compétents  et  les  plus  recommandables.  Non-seulement  on  choisit, 
comme  professeurs,  des  artistes  de  l'ordre  le  plus  élevé,  mais  l'ins- 
pection des  classes  fut  confiée  aux  compositeurs  les  plus  en  renom. 
Le  nombre  des  inspecteurs  fut  fixé  à  six,  et  ce  ne  fut  sans  doute 
pas  un  médiocre  honneur  pour  Martini  que  d'être  choisi  pour  rem- 
plir une  de  ces  places. 

Faut-il  attribuer  aux  fonctions  qu'il  remplissait  au  Conservatoire  le 
silence  que  Martini  garda  de  nouveau  pendant  plusieurs  années?  cela 
n'est  guère  probable  ;  mais  il  vieillissait,  et  le  besoin  du  repos  se 
faisait  peut-être  sentir.  Jusqu'en  1800,  il  n'est  plus  question  de  lui, 
si  ce  n'est  à  propos  d'un  ballet  intitulé  Héro  et  Léandre,  représenté 
à  l'Opéra  le  13  frimaire  an  VIII  [h  décembre  1799).  L'auteur  de  la 
musique  de  ce  ballet,  Lefebvre  fils,  qui  faisait  partie  de  l'orchestre 
de  l'Opéra,  avait  intercalé  dans  sa  partition  plusieurs  morceaux  d'au- 
tres compositeurs.  «  Parmi  les  airs  adaptés  —  disait,  en  rendant 
compte  de  la  représentation,  le  Courrier  des  spectacles  du    15  fri- 


maire —  on  a  principalement  applaudi  une  belle  tempête  du  célèbre 
Vogel,  un  air  délicieux  de  Martini,  exécuté  sur  le  cor  avec  un  goût 
exquis  par  le  citoyen  Frédéric  (Duvernoy),  un  petit  fragment  de  Mo- 
zart, composant  un  duo  du  Mariage  de  Figaro,  et  un  joli  presto 
d'Haydn.  » 

J'arrive  à  l'avant-dernier  ouvrage  dramatique  de  Martini,  Annette  et 
Lubin.  Ce  petit  opéra,  donné  au  théâtre  Favart  le  28  germinal  an  VIII 
(18  avril  1800),  avait  été  composé  avant  Sapho;  et  une  représenta- 
tion en  avait  eu  lieu  sur  un  théâtre  de  la  cour,  le  6  février  1789; 
la  partition  en  fut  publiée  dès  cette  même  année  1789  (1). 

La  nouvelle  partition  d' Annette  et  Lubin,  quoique  fort  supérieure  à 
celle  de  Laborde,  n'obtint  presque  aucun  succès  sur  la  sccne  de  Fa- 
vart, où  elle  était  chantée  par  Moreau ,  Saint-Aubin,  Paulin  et 
Mme  Philis. 

Six  mois  plus  tard,  le  24  vendémiaire  an  IX  (16  octobre  1800), 
Martini  donnait  à  Feydeau  son  dernier  ouvrage  dramatique,  Ziméo, 
opéra-comique  ou  plutôt  mélodrame  lyrique  en  trois  actes,  qui  par 
la  faute  du  librettiste,  Lourdet  de  Santerre,  n'eut  pas  plus  de  succès 
qu' 'Annette  et  Lubin. 

Le  soir  de  la  première  représentation  de  Ziméo,  le  public  ne  vou- 
lut pas  entendre  le  nom  de  l'auteur  des  paroles:  mais  il  demanda 
avec  instance  celui  du  musicien,  qui  fut  couvert  d'applaudissements 
unanimes.  Les  principaux  rôles  étaient  tenus  par  Vallière,  Rezicourt, 
Dessaules,  Fay,  Mmes  Aubert  (Mlle  Lesage),  Beck  et  Gavaudan  ca- 
dette. Malgré  cette  bonne  distribution  et  le  talent  déployé  par  les 
acteurs,  malgré  le  charme  de  la  musique,  l'ouvrage  ne  put  se  soute- 
nir à  la  scène,  et  Ziméo  ne  put  même  atteindre  sa  douzième  repré- 
sentation. 

Arthur  POUGIN. 
(La  suite  prochainement .  ) 


MÉMOIRE  SDR  L'ORIGINE  DE  LÀ  MUSIQUE. 

(2e  article)  (2). 

Veut-on  savoir  maintenant  quel  est  le  caractère  particulier,  essen- 
tiel de  cet  accent?  MM.  Wiel  et  Renloew  nous  l'apprendront.  Ils 
nous  diront  qu'en  latin,  où  l'accent  si  vif,  si  animé,  si  pittoresque, 
des  langues  primitives  avait  déjà  beaucoup  perdu  de  sa  puissance, 
et  était  en  partie  remplacé  par  un  autre  accent,  expression  d'une 
pensée  plus  réfléchie  :  en  latin  où  ces  intonations  primordiales 
étaient  loin  d'être  aussi  prononcées  qu'en  grec,  et  bien  moins  en- 
core qu'en  sanscrit  :  en  latin,  dis-je,  cet  ancien  accent  était  encore 
une  sorte  de  vocalisation,  une  note  musicale  (3).  Suivant  Cicéron, 
dont  l'opinion  est  ici  d'un  grand  poids,  il  y  a  dans  le  discours,  même 
ordinaire,  une  espèce  de  chant.  Toutes  les  langues  chantent,  nous  dit- 
on,  dès  que  l'expression  s'anime.  Cela  est  vrai,  et  il  me  sera,  je 
crois,  facile  de  le  prouver.  Je  prendrai  pour  exemple  notre  français, 
l'idiome  peut-être  le  moins  accentué.  Je  prie  de  suivre  avec  quelque 
attention  la  progression  que  je  vais  exposer.  Si  deux  personnes  par- 
lent, dans  cette  langue,  de  choses  indifférentes,  leur  accent  sera  bien 
peu  prononcé  et  n'offrira  à  l'oreille  qu'une  sorte  de  murmure  pres- 
que monotone.  Que  leur  entretien  passe  à  des  objets  moins  indiffé- 
rents, cet  accent  s'animera  peu  à  peu  à  mesure  que  se  développera, 
que  grandira  l'intérêt  du  sujet.  Si  bientôt  une  contestation,  une  que- 


(1)  C'est  sans  doute  à  la  suite  de  la  représentation  à'Annetle  cl  lubin  à  la 
cour,  que  le  comte  d'Artois,  pour  témoigner  à  Martini  du  plaisir  qu'il  avait  pris 
à  l'audition  de  cet  ouvrage,  l'avait  nommé  directeur  de  sa  musique. 

(2)  Voir  le  n°  51. 

(3)  Wiel  et  Beuloew,  de  l'Accent,  lat.,  pag.  h,  5,  6,  7,  8,  9,  13,  15  et  suiv., 
70,  106,  107,  180,  181. 

Beuloew,  Accent,  des  lang.  indo-cur.,  pag,  39,  203. 


DE  PARIS. 


29 


relie  s'élève  entre  elles,  elles  arriveront  graduellement  à  employer 
des  intonations  presque  théâtrales.  De  là,  passant  progressivement  à 
la  déclamation  dramatique  la  plus  véhémente,  on  touche  aux  limites 
de  la  déclamation  notée,  au  récitatif  musical  qui,  un  pas  de  plus, 
nous  conduit  au  chant  mesuré.  Ceux  qui  ont  entendu  l'opéra  bouffe 
italien  ont  pu  remarquer  combien,  dans  ce  genre,  le  récitatif  se 
rapproche  de  l'accentuation  orale,  de  la  simple  parole,  et  combien  il 
est  facile  de  passer  de  l'un  à  l'autre  d'une  manière  presque  insen- 
sible. 

Les  anciens  considéraient  tellement  l'accent  du  discours  comme 
musical,  qu'ils  ont  cherché  à  déterminer  les  intervalles  que  la  voix 
parcourait  dans  ce  genre  d'intonations.  Plusieurs  auteurs,  parmi  les- 
quels je  citerai  Denys  d'Halicarnasse,  nous  disent  que  la  différence  du 
grave  à  l'aigu,  dans  la  voix  parlée,  s'étend  à  peu  près  à  une  quinte. 
J'ai  assisté  au  sermon  d'un  prédicateur  qui,  à  presque  toutes  ses  fins 
de  phrases,  faisait  entendre  une  chute  de  voix,  qu'avec  un  peu  d'at- 
tention on  reconnaissait  être  à  la  quarte.  Ce  qui  semble  confirmer 
d'une  manière  positive  l'opinion  des  anciens  à  ce  sujet,  c'est  l'usage 
où  l'on  était  de  faire  soutenir  dans  certains  moments,  les  orateurs 
par  un  instrument  de  musique.  Li  chose  eût  été  choquante,  s'il  n'y  eût 
eu  un  rapport  facilement  sensible  entre  les  sons  de  la  voix  de  celui 
qui  parlait  et  ceux  de  l'instrument  chargé  de  lui  servir  d'appui. 

Tous  ceux  qui  ont  traité  de  l'origine  du  langage  s'accordent  à 
dire  que  les  premiers  mots  ont  été  des  espèces  d'interjections  mono- 
syllabiques (1).  Or  l'interjection,  qu'est-elle  autre  chose  qu'un  son 
fortement  accentué,  et,  sinon  un  chant  à  cause  de  sa  brièveté,  du 
moins  une  sorte  de  ton  musical,  expression  d'un  sentiment  vif,  pro- 
fond, et  qui,  de  nos  jours,  dans  nos  langues  modernes,  où  l'analyse 
domine,  vient  encore  colorer,  animer  le  discours.  Les  auteurs  ajoutent 
que  le  premier  langage  de  l'homme  fut  imitatif,  qu'il  offrait  une  sorte 
de  calque  de  ce  qui  venait  d'affecter  sa  vue,  son  ouïe,  lous  ses  sens, 
et  qu'il  avait  pour  but,  de  la  part  de  celui  qui  parlait,  de  frapper 
l'imagination  de  ceux  auxquels  il  s'adressait.  De  là  proviennent  ces 
onomatopées,  ces  mots  où  l'on  cherche,  pour  ainsi  dire,  à  peindre  à 
l'esprit  les  choses  que  l'on  nomme,  et  qu'on  trouve  d'autant  plus 
nombreuses  dans  les  langues  qu'elles  sont  plus  anciennes.  De  là 
provient  encore  l'usage  d'exprimer  dans  certains  idiomes  la  rapidité 
de  l'action  par  la  brièveté  de  la  voyelle;  par  son  renforcement,  la 
durée,  la  stabilité,  et  par  un  simple  allongement  de  cette  voyelle,  la 
réflexion,  la  méditation  ou  l'incertitude,  le  vague  de  la  pensée.  Dans 
les  premiers  essais  de  la  parole,  l'accent  devait  jouer  un  grand  rôle. 
Lorsqu'un  nouvel  objet  se  manifestait,  ou  si  une  sensation  jusqu'alors 
inconnue  venait  à  se  produire,  au  lieu  d'inventer,  toujours  avec  un 
certain  effort  un  mot  pour  les  désigner,  il  était  plus  facile  de  les 
rapporter  à  un  autre  objet,  à  une  sensation  précédemment  nommée, 
et  de  se  servir  d'une  expression  antérieurement  employée,  en  la  mo- 
difiant par  l'articulation  ou  l'accentuation,  suivant  la  ressemblance  ou 
la  dissemblance  qui  pouvait  exister  entre  ce  qui  était  nouveau  et  ce 
qui  ne  l'était  déjà  plus.  Dans  ces  modifications,  ce  qui ,  est  de  l'ac- 
cent devait  particulièrement  tenir  un  rang  important,  parce  qu'il 
offre,  dans  ses  variantes,  plus  de  facilité  que  l'articulation.  Ces 
nuances  d'intonations  nombreuses,  multipliées,  que  nous  trouvons  en 
sanscrit,  en  chinois  et  dans  bien  d'autres  langues,  pour  ne  pas  se 
confondre  et  ne  pas  amener  le  désordre  dans  l'expression  de  la  pen- 
sée, cnt  dû  nécessairement  avoir  une  assez  grande  précision  et  se 
rapprocher  ainsi  beaucoup  des  intonations  musicales,  les  plus  pré- 
cises de  toutes. 

Ces  nombreuses  onomatopées,  ces  mots  par  lesquels  on  s'efforce 
d'exprimer  d'une  manière  pittoresque,  de  reproduire,  autant  que 
possible,  avec  les  sons  de  la  voix,  les  qualités  propres,  les  caractères 

(l)  Beulow,  Accent,  des  langues  indo-européennes,  page  5  et  suivantes.  Eneycl. 
tome  IX,  page  2G0,  col.  2.  Tome  VIII,  page  287,  col.  1  et  2;  page  208,  col.  '.. 


particuliers  des  objets  dénommés,  en  d'autres  termes,  les  effets  phy- 
siques qu'ils  produisent,  ou  ce  qui  dans  nos  sentiments  peut  être 
assimilé  à  des  effets  de  ce  genre,  ces  onomatopées,  dis-je,  ne  sont- 
elles  pas  aussi  une  sorte  de  musique,  une  musique  imitative  ?  La 
pensée  qui  les  créa  n'est-elle  pas  la  même  qui  a  dicté,  qui  inspire 
encore  quelques  passages  des  compositions  dramatiques  où,  se  con- 
formant au  sens  des  paroles,  on  vise  à  rendre  par  les  combinaisons 
de  l'orchestre,  ou  par  celles  des  voix,  certains  bruits  de  la  nature? 
Cette  pensée  est  séduisante,  trop  séduisante  même,  car  elle  a  en- 
traîné des  compositeurs  d'ailleurs  de  beaucoup  de  mérite,  à  faire, 
dans  des  œuvres  purement  instrumentales,  ce  que  l'on  nomme  de  la 
musique  descriptive,  dont  le  moindre  inconvénient  est  de  nécessiter 
un  programme  où  l'on  dit,  par  exemple  :  Ceci  est  un  lever  de  so- 
leil, cela  un  rocher  sombre  et  aride  ;  dans  ce  passage  vous  recon- 
naîtrez  une  tempête,  me  direz-vous?  Non,  c'est  la  colère  furieuse, 

terrible,  d'un  amant  dévoré  de  jalousie,  et  cet  accord  frappé  avec 
violence  par  tout  l'orchestre,  y  compris  les  cymbales,  c'est  le  Non 
étourdissant,  foudroyant  du  fiancé  repoussant  devant  l'autel  sa  fian- 
cée. Ces  paroles  ne  sont  point  exagérées,  comme  on  pourrait  le 
croire  ;  je  pourrais  citer  des  exemples.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que  le  penchant  vers  l'harmonie  imitative,  cette  musique  que  je  pour- 
rais appeler  la  musique  des  sens,  semble  un  instinct  inné  chez 
l'homme;  il  inspire  les  sons  que  bégaie  l'enfant,  et  les  premiers  mots 
que  lui  fait  entendre  sa  mère,  il  a  présidé  aux  commencements  de 
la  poésie  et  jusque  dans  nos  temps  modernes  a  créé  plus  d'un  vers 
célèbre;  enfin,  à  la  naissance  des  sociétés,  il  a  pris  une  large  part  à 
la  formation  du  langage.  Ainsi,  l'analyse  des  langues,  l'étude  de  leur 
histoire,  les  dispositions  naturelles  à  l'homme,  les  nécessitées  résul- 
tant de  la  constitution  de  ses  organes,  tout  nous  dit  que  les  premiers 
idiomes  ont  été  fortement  accentués;  que  cet  accent  modifiait,  déter- 
minait le  sens  des  mots,  et  conséquemment,  pour  éviter  toute  con- 
fusion, qu'il  avait  forcément  quelque  chose  d'assez  précis  et  se  rap- 
prochait beaucoup  du  son  musical  ;  en  un  mot,  comme  le  disent  les 
paroles  que  j'ai  déjà  citées,  qu'il  était  un  chant  perpétuel  de  l'âme. 

D.  BEAULIEU. 
{La  suite  prochainement.) 


NOUVELLES. 


t%  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  Moïse  a  été  représenté  lundi. 
Mlle  Battu  s'identifie  déplus  en  plus  avec  le  rôle  d'Anaï,  et,  notamment 
dans  l'air  du  quatrième  acte,  elle  y  obtient  le  plus  brillant  succès. 
Mercredi,  on  a  donné  Guillaume  Tell,  et  Villaret  y  a  continué  ses  dé- 
buts dans  le  rôle  d'Arnold  où  il  montre  un  véritable  talent.  —  L'indis- 
position qui  depuis  quelques  jours  éloigne  Faure  de  la  scène  a  encore 
empêché  de  donner  Moïse  vendredi.  On  a  joué  le  Trouvère,  et  Villaret 
a  chanté  le  rôle  de  Manrique.  —  Demain  lundi  on  donnera  les  Huguenots. 

„%  On  annonce  pour  la  semaine  prochaine  la  première  représentation 
du  ballet  en  trois  actes  de  MM.  de  Saint-Georges  et  P.  Giorza.  La  mise 
en  scène  en  sera  magnifique  :  Mlle  Boschetti,  la  danseuse  qui  doit  y 
débuter,  produit  un  très-grand  effet  dans  les  répétitions. 

***  Six  représentations  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe  ont  confirmé  le 
succès  que  le  nouvel  ouvrage  d'Auber  a  obtenu  dès  son  apparition. 
Achard,  entièrement  rétabli,  y  est  toujours  unanimement  applaudi, 
ainsi  que  Mlle  Cico. 

***  Les  répétitions  de  Lara,  le  nouvel  opéra-comique  de  Maillart, 
ont  été  reprises,  et  la  première  représenta lio a  en  aura  probablement  lieu 
dans  le  courant  du  mois  prochain. 

„.*„.  Au  théâtre  Italien,  le  ténor  Musiani  a  débuté,  mercredi,  dans  le 
rôle  de  Manrico  du  Trovalore.  Une  indisposition  subite  l'avait  privé 
d'une  partie  de  ses  moyens  ;  nous  attendrons  donc  une  autre  représen- 
tation pour  le  juger. 

„**  Adelina  Patti  a  reparu  trois  fois  dans  la  Sonnambula  et  a  en- 
thousiasmé l'auditoire,  qui  remplissait  la  salle  jusqu'aux  combles. 

,%  Fraschini  nous  reviendra  vers  le  1er  avril,  quand  Mario  doit  se 
rendre  à  Londres ,  et  chantera  ici  jusqu'à  la  clôture  de  la  uaison. 


30 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


2%  Deux  artistes,  nouveaux  pour  nous,  Scalese  et  Antonucci,  venant 
avec  Mario  de  Madrid,  doivent  débuter  cette  semaine.  Les  sœurs  Marchisio 
et  Naudin  les  suivront  de  près. 

*%  La  reprise  des  Bavards  d'Offenbach,  et  la  rentrée  de  Mme  Ugalde, 
auront  lieu  ajourd'bui  au  théâtre  des  Bouffes -Parisiens. 

***  Roger  se  trouve  à  Bruxelles,  où  il  obtient  tous  les  suffrages  au 
théâtre  de  la  Monnaie.  L'éminent  ténor  y  a  chanté  la  semaine  passée 
dans  Lucie  et  la  Favorite 

„%  M.  et  Mme  Bettini-Trebelli  se  rendent  à  Rome,  où  ils  comptent 
rester  quelque  temps. 

„,*,.  Voici  le  programme  du  concert  que  la  société  du  Conservatoire 
donnera  aujourd'hui  :  Ouverture  de  Struensée,  de  Meyerbeer;  Chœur 
de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau  ;  Concei  to  en  ut  mineur,  de  Beethoven, 
pour  piano,  exécuté  par  M.  Georges  Pfeiffer;  Chœur  d'Une  nuit  du  Sab- 
bat, de  Mendelssohn;  Symphonie  d'Haydn. 

***  Au  conceit  de  dimanche  dernier  au  cirque  Napoléon,  l'ouver- 
ture de  Struensée,  de  Meyerbeer,  admirablement  exécutée,  a  produit 
tout  l'effet  qu'on  pouvait  attendre  de  ce  grand  drame  musical,  préface 
passionnée  de  l'autre  drame  qui  se  joue  sur  le  théâtre,  et  dont  la 
péroraison  grandiose  arrive  à  une  puissance  inconnue  jusqu'alors. 

»%  Le  célèbre  violoniste  Alfred  Piatti  s'est  fait  entendre  avec  le 
plus  grand  succès,  le  15  janvier,  au  concert  de  la  Société  philharmo- 
nique d'Orléans.  M.  Piatti  est  de  retour  à  Paris  et  joue  aujourd'hui 
pour  la  seconde  fois  aux  concerts  populaires  du  Cirque. 

*%  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  Cirque  Napoléon  :  ouverture  de  la  flûte 
enchantée,  de  Mozart  ;  symphonie  en  si  bémol,  de  Beethoven  ;  sonate 
pour  violoncelle,  de  Boccherini,  exécutée  par  M.  Piatti  ;  andante,  de 
Haydn;  symphonie  en  la  majeur,  de  Mendelssohn.  La  troisième  et 
dernière  série  de  ces  concerts  commencera  le  dimanche  H  février. 
Elle  se  composera  de  six  concerts  de  musique  classique  et  de  trois 
festivals  :  1°  festival  Beethoven;  %"  festival  Mendelssohn  ;  3°  festival  Haydn 
(orchestre  et  chœurs,  500  exécutants). 

2*2  Madame  Clara  Pfeiffer  a  rouvert  ses  salons  dimanche  dernier  par 
une  brillante  matinée  musicale;  c'était  une  de  ces  rares  réunions  d'ar- 
tistes et  d'amateurs  habitués  chaque  saison  à  l'audition  des  œuvres  clas- 
siques et  des  compositions  modernes  les  plus  distinguées  :  MM.  Blanc, 
dont  on  a  exécuté  un  délicieux  trio,  Ferrand,  Lebouc  et  Gouffé,  com- 
plétaient la  partie  instrumentale  dont  on  peut  juger  la  perfection  ; 
Mme  Bertrand,  Mme  Clara  Pfeiffer  et  Georges  Pfeiffer  ont  recueilli  les 
applaudissements  enthousiastes  de  cet  auditoire  d'élite. 

***  Vendredi,  29  janvier,  concert  de  Mlle  Etterlin  à  la  salle  Ilerz, 
avec  le  concours  de  Jllle  Astieri,  de  MM.  Bollaert  et  les  frères  Lamoury. 

,.*,.  JI.  Pereire  a  fait  construire  à  Marseille  un  vaste  théâtre  qui 
vient  d'être  ouvert  sous  le  titre  des  Bouffes-Marseillais. 

**„  Mme  J.  Robinson,  pianiste  anglaise  d'un  très-beau  talent,  se  trouve 
à  Paris  et  se  fera  entendre  le  i  février  dans  la  salle  Erard,  avec  le  con- 
cours d'Armingaud  et  de  Lefort. 

*%  Les  représentations  et  intermèdes  de  musique  et  de  chant  orga- 
nisés par  M.  Charles  Desolme  à  la  salle  Molière,  sont  très-suivis.  Hier 
soir  l'opéra-comique  le  Chalet,  le  duo  de  Guillaume  Tell,  chanté  par 
MM.  Desplaces  et  Millet,  et  un  nocturne  de  Ravina,  joué  par  Mlle  Le- 
chesne,  premier  prix  du  Conservatoire,  y  ont  été  fort  applaudis. 

***  Le  1er  février  prochain  aura  lieu,  dans  la  salle  Herz,  le  concert 
annuel  de  l'excellent  violoniste  Sarasate  ;  le  programme  en  sera  très- 
intéressant  :  Mlle  Marimon  MM.  Léon  Duprez,  Diemer  et  Berthelier  y 
prêteront  leur  concours  au  jeune  artiste. 

.,**  Le  compositeur  Abert,  à  Stuttgart,  vient  de  terminer  une  sympho- 
nie :  Christophe  Colomb  ;  elle  sera  exécutée  prochainement,  par  la  cha- 
pelle de  la  cour,  à  Loewenberg. 

„;*,  Un  nouveau  ballet  en  deux  actes,  les  Aimées,  dont  la  musique  est 
composée  par  le  comte  Gabrielli,  a  été  représenté  avec  beaucoup  de 
succès  au  grand  théâtre  de  Lyon.  La  verve  mélodique  et  la  touche  ex- 
périmentée de  l'auteur  de  l'Etoile  de  Messine  y  ont  été  généralement 
appréciées.  Le  scénario  de  ce  ballet  a  pour  auteurs  MM.  Desarbres  et 
Mazilier. 

*%  J.  Schulhoff  vient  d'arriver  à  Paris. 

a**  La  presse  belge  est  unanime  pour  proclamer  le  rare  talent 
d'Alfred  Jaell  et  le  succès  exceptionnel  qu'il  a  obtenu  aux  concerts 
donnés  par  Carlotta  Patti  à  Bruxelles  et  a  Liège,  Mons,  Gand  et 
Anvers.  L'Indépendance  belge  consacre  un  intéressant  article  au  célèbre 
virtuose  qui  possède  le  mécanisme,  le  style  et  le  sentiment.  L'Echo 
de  Bruxelles  ne  se  montre  pas  moins  enthousiaste,  et  constate  qu'Al- 
fred Jaell  a  été  le  héros  de  la  soirée  donnée  au  théâtre  royal  de  la 
Monnaie  Enfin  la  Meuse,  de  Liège,  le  place  au  rang  de  Liszt  et  de  Thal- 
berg.  «  Alfred  Jaell  est  un  maître,  ajoute  cette  dernière  feuille.  Dans  le 
magnifique  concerto  en  sol  mineur,  de  Mendelssohn,  nous  avons  admiré 
avec  quel  art  Jaell  maintient  toujours  son  instrument  à  la  place  que 
lui  a  assignée  le  compositeur,  le  fondant  tour  à  tour  parmi  les  voix 


de  l'orchestre  ou  le  faisant  vibrer  au-dessus  d'un  accompagnement 
magistral.  » 

„.%  La  Société  musicale,  connue  sous  le  nom  de  Tonhalle,  à  Manheim, 
vient  de  se  dissoudre.  Fondée  il  y  a  douze  ans,  dans  le  but  d'encoura- 
ger les  artistes  musiciens,  cette  Société  a  décerné  un  grand  nombre  de 
prix,  qui  ont  été  accordés  à  divers  compositeurs  :  par  ces  concours 
elle  a  fourni  à  beaucoup  de  jeunes  talents  l'occasion  de  se  révéler  au 
public. 

„,**  Il  est  question  d'un  concours  international  qui  aurait  lieu  entre 
toutes  les  sociétés  de  musique  vocale  et  instrumentale  de  France  et 
d'Angleterre,  et  qui  amènerait  pour  la  seconde  fois  à  Londres  les  orphéo- 
nistes français. 

„**  Le  concert  de  Mlle  Marie  Darjou  est  toujours  fixé  au  mercredi 
2T  janvier.  M.  Crosti,  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  ;  Mlle  Loy- 
sel  de  la  Haulière  et  M.  Bollaert  prêteront  leur  concours  à  cette  so- 
lennité artistique.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  A.  Placet. 

t*ç  Voici  le  programme  de  la  quatrième  et  dernière  séance  populaire 
de  musique  de  chambre  qui  aura  lieu  à  la  salle  Herz,  mardi  prochain  : 
Grand  trio,  op.  97,  de  Beethoven,  exécuté  par  Mme  Tardieu  de  Malle- 
ville,  MM.  Ch.  Lamoureux  et  E.  Rignault;  Quatuor  de  Mozart;  Menuet 
en  sol  de  Haydn;  air  varié,  en  ré  mineur  de  Haendel,  exécutés  par  Mme  Tar- 
dieu de  Malleville  ;  Fragments  de  la  Sérénade  pour  violon,  alto  et  violon- 
celle de  Beethoven. 

„%  Nous  empruntons  au  journal  2a  France  le  fait  suivant:  «  Par  ordre 
de  Sa  Sainteté,  les  archives  de  la  chapelle  papale  viennent  d'être  mises 
en  ordre  et  classées  dans  un  catalogue.  Ces  archives,  déposées  au  Qui- 
rinal,  renferment  les  compositions  des  plus  fameux  auteurs,  depuis  la 
renaissance  de  la  musique  figurée  jusqu'à  ros  jours.  On  y  conserve  aussi 
les  principales  œuvres  de  bon  nombre  de  compositeurs  qui  ont  brillé 
avant  Palestrina.  Le  plus  ancien  de  ces  maestri  est  le  Français  Guillaume 
Dufay,  venu  à  Rome  avec  Grégoire  XI.  En  1440,  le  Flamand  Jean  Ocke- 
ghem  s'illustra  par  son  fameux  motet  à  trente-six  voix  ;  son  compatriote 
Jeusquin  des  Prés  recueillit  des  applaudissements  aussi  enthousiastes. 
Après  lui,  Festa  et  Morales  imprimèrent  à  la  musique  sacrée  ce  carac- 
tère de  simplicité  que  Palestrina  fixa  plus  tard  avec  un  génie  qui  lui  a 
valu  le  titre  de  prince  de  la  musique.  » 

2*2  La  Société  des  quatuors  français  va  très-prochainement  repren- 
dre ses  travaux.  Elle  donnera  cette  année  trois  séances,  dont  la  pre- 
mière est  annoncée  pour  le  28  de  ce  mois  et  les  deux  autres  pour  les 
11  et  25  février.  Dans  la  première,  M.  Georges  Pfeiffer,  qui  prêtera  son 
concours  pour  cette  fois,  fera  entendre  en  outre  un  quatuor  de  M.  Au- 
guste Morel,  le  savant  directeur  du  Conservatoire  de  Marseille,  et  un 
quintette  d'Adolphe  Blanc. 

2*2  Un  concours  de  pièces  de  vers  propres  à  être  mises  en  musique 
pour  être  chantées  dans  les  réunions  de  l'Orphéon,  dans  les  écoles  com- 
munales et  dans  les  classes  d'adultes,  est  ouvert  par  la  ville  de  Paris. 
Les  paroles  devront,  en  conséquence,  répondre  par  le  sujet  et  par  le 
style  à  cette  destination.  Les  pièces  de  vers  pourront  être  divisées  en 
couplets,  en  strophes  à  rhythme  uniforme  ou  varié.  Le  nombre  des  vers 
ne  devra  pas  dépasser  quarante.  Outre  le  mérite  de  la  poésie  et  de  la 
versification,  il  sera  tenu  compte  îles  ressources  qu'offriront  au  compo- 
siteur de  musique  le  rhythme  et  le  sujet.  Les  poésies  présentées  seront 
jugées  par  une  commission  spéciale.  Des  médailles,  d'une  valeur  de  100 
à  300  francs,  selon  l'importance  des  morceaux,  seront  décernées  pour 
chacune  des  pièces  acceptées,  dont  la  propriété  restera  à  la  Ville.  Les 
manuscrits  devront  être  envoyés  à  l'Hôtel  de  Ville,  bureau  de  l'instruc- 
tion publique,  avant  le  1or  mars.  Ils  ne  devront  pas  porter  de  nom  d'au- 
teur, mais  une  épigraphe  ou  devise  qu'il  faudra  reproduire  sur  un  billet 
cacheté  dans  lequel  le  nom  de  l'auteur  sera  inscrit. 

***  Le  violoncelle  de  Séligmann,  qui  faisait  l'admiration  de  tous  les 
connaisseurs,  et  qu'on  supposait  être  d'Amati,  vient  d'être  réparé  par 
Bianchi,  l'habile  luthier,  qui,  en  ouvrant  la  table  d'harmonie,  a  reconnu 
que  ce  violoncelle  est  entièrement  de  la  main  de  Stradivarius.  Cet  ins- 
trument, qui  avait  perdu  de  sa  sonorité  par  l'inintelligence  de  quelques 
luthiers  du  siècle  dernier,  qui  avaient  eu  la  malencontreuse  idée  d'appo- 
ser de  la  toile  aux  parties  fracturées  de  l'intérieur  de  l'instrument,  a 
acquis  une  excellence  telle  que  peu  d'instruments  peuvent  lui  être  com- 
parés. Nous  espérons  que  cette  heureuse  circonstance  décidera  Séligmann 
à  se  faire  entendre  cet  hiver.  Le  même  luthier,  Bianchi,  vient  aussi  do 
réparer  le  fameux  violoncelle  de  Stradivarius,  qui  a  appartenu  à  l'in- 
fortunée Lise  Christiani,  morte  il  y  a  quelques  années  dans  le  nord  de 
la  Russie,  où  elle  donnait  des  concerts.  C'est  un  passionné  amateur  de 
violoncelle  qui  s'est  rendu  acquéreur  de  ce  bel  instrument.  Comme  ce- 
lui de  Séligmann,  ce  violoncelle  avait  fléchi  sous  le  chevalet,  et  Bianchi 
lui  a  rendu  toute  sa  ricnesse  harmonique.  Si  c'est  le  plus  souvent 
la  main  des  artistes  qui  fait  valoir  les  instruments,  il  faut  reconnaître 
aussi  qu'un  luthier  tel  que  Bianchi  peut  leur  donner  une  nouvelle  va- 
leur et  les  préparer  à  de  nouveaux  effets. 

.,.**  L'Annuaire  de  la  Noblesse,  par  M.  Borel  d'Hauterive,  archiviste- 
piléographe,  année  1864,  vingt  et  unième  volume,  vient  d'être  mis  en 
vente.  Ce  rival   des  peerages  anglais  et  des  almanachs  de   Gotha,  est 


DE  PARIS. 


très-intéressant  et  très-précieux  par  les  documents  généalogiques  et 
par  les  renseignements  usuels  qu'il  renferme.  Les  nouveaux  ducs  de 
Morny,  de  JUontmorot,  etc.,  les  comtes  de  Peluze  et  de  Palikao,  de 
création  récente,  y  figurent  en  première  ligne.  On  y  trouve  aussi  une 
liste  de  tous  les  membres  de  la  Légion  d'honneur,  qui  de  1808  à  1830, 
justifièrent  d'un  revenu  net  de  3,000  francs  pour  rendre  héréditaire 
leur  titre  de  chevalier.  La  collection  de  V Annuaire  est  devenue  un 
des  premiers  livres  de  fond  de  toute  bonne  bibliothèque. 

„*„  On  va  ériger  une  statue  en  fonte  à  Haydn,  dans  le  cimetière  de 
Gumpendorr.  Dans  la  rue  Haydn,  près  du  cimetière,  on  montre  encore 
la  petite  maison  à  un  étage,  où  l'illustre  compositeur  a  écrit,  de  1793 
à  1800  (31  mai),  la  Création,  les  Saisons  et  tant  d'autres  œuvres  immor- 
telles. La  statue  sera  placée  devant  l'église  paroissiale,  où  dans  le  temps 
fut  levé  le  corps,  qui  aujourd'hui  repose  dans  le  caveau  de  la  famille 
Esterhazy. 

»%  Le  professeur  Schindler,  qui  s'était  fait  connaître  par  divers 
écrits  très-remarquables  sur  la  musique,  vient  de  mourir  à  Bockenheim, 
où  il  vivait  dans  la  retraite.  Beethoven  avait  légué  sa  succession  artis- 
tique a  Schindler,  qui  l'avait  cédée  au  gouvernement  prussien,  contre  une 
rente  viagère. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


,%  Bordeaux.  —  Les  Noces  de  Figaro  viennent  d'être  représentées 
pour  la  première  fois,  et  l'exécution  du  chef-  d'œuvre  de  Mozart 
mérite  tous  les  éloges.  Mme  Rey-Balla  (Suzanne),  Mlle  Bléan  (Chérubin), 
et  M.  Meric  (Figaro)  s'y  sont  distingués  et  ont  obtenu  de  nombreux 
bravos.  On  monte  Slradella  de  Flotow. 

t*i  Toulouse.  —  Sivori  a  donné  trois  concerts  avec  un  éclatant  succès. 
Le  public  lui  a  fait  l'accueil  le  plus  enthousiaste.  L'ouverture  de  l'Union 
des  arts  a  été  très-brillante;  un  concert  très-varié  en  composait  le 
programme.  Balanqué  s'y  est  fait  applaudir  dans  la  romance  de  l'Etoile 
du  Nord  et  M.  Luidgini  dans  un  arrangement  à  quatre  mains  d'une 
Marche  aux  Flambeaux  de  Meyerbeer. 

***  Nice.  —  L'opéra  Guerra  in  quatlro  de  Pedrotti  n'a  obtenu  qu'un 
médiocre  succès,  malgré  une  interprétation  remarquable.  Mosé  in  Egillo 
est  à  l'étude.  —  J.  Becker,  le  célèbre  violoniste,  a  pleinement  justifié 
la  renommée  qui  l'avait  précédé  ici.  Tous  ceux  qui  l'ont  entendu  sont 
impatients  de  l'entendre  encore. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


***  Berlin.  —  On  attend  avec  impatience  la  première  représentation 
de  l'opéra  de  Bépédict,  la  Rose  d'Erin,  qui  doit  avoir  lieu  très-prochai- 
nement. L'intendant  de  l'opéra,  appréciant  l'importance  de  cette  œuvre, 
n'a  pas  voulu  la  produire  pendant  le  carnaval.  —  Mme  Harriers-Wip- 
pern,  qui  est  remise  de  son  indisposition,  a  fait  sa  rentrée  par  le  rôle 
de  Rézta  dans  Oberon.  Mlle  Kropp,  du  théâtre  de  la  cour  à  Vienne, 
a  chanté  sans  grand  succès  les  rôles  d'Isabelle  (Robert),  de  Lucie 
et  de  Julietta  (Capuleti).  —  La  chapelle  royale  a  donné  sa  sixième 
séance  de  symphonies,  qui  a  commencé  par  la  première  ouverture  de 
Léonore  et  terminé  par  la  troisième.  —  Le  18  janvier  a  été  célébrée  à 
Berlin  la  fête  du  couronnement  et  de  l'ordre  ;  on  y  a  exécuté  la  Marche 
du  couronnement,  par  Meyerbeer. 

**JStcttin. — La  Clochette  de  l'ermite,  l'opéra  de  Maillart,  vient  d'obtenir  un 
très-grand  succès  sur  le  théâtre  de  notre  ville,  où  on  l'a  représen- 
tée pour  la  première  fois.  L'exécution  en  a  été  très-satisfaisante. 
Miles  Otto  et  Zschiesche  s'y  sont  surtout  distinguées  dans  les  rôles  de 
Rose  et  de  Georgette. 

***  Olmutz.  —  Pendant  la  saison  théâtrale  qui  vient  de  finir,  quatre- 
vingt-deux  représentations  d'opéras  ont  été  données,  parmi  lesquelles 
se  distinguent  celles  du  Pardon  de  Plocrmel,  dont  le  succès  a  été  le  plus 
grand.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  dû  être  joué  six  fois,  et  tou- 
jours devant  une  salle  comble.  La  reprise  du  Prophète  doit  inaugurer 
la  nouvelle  saison. 

***  Vienne.  —  Esmcralda,  ballet  de  Perrot,  a  été  l'occasion  d'une  vé- 
ritable fête  pour  Mlle  Friedberg.  --  On  annonce  que  Mme  Liebhart 
quitte  le  théâtre  de  la  cour  pour  se  rendre  â  Berlin,  où  elle  est  engagée 
au  théâtre  royal. 

***  Hambourg.  —  Mlle  Tietjens  est  ici  en  représentations.  L'éminente 
cantatrice  a  débuté  avec  succès  par  le  rôle  de  la  comtesse,  dans  les 
Noces  de  Figaro. 


.„%  Milan.  —  Lundi  dernier  a  eu  lieu,  au  théâtre  de  la  Scala,  la  pre- 
mière représentation  de  l'opéra  du  jeune  maestro  Rota,  Ginevra  di 
Scozia,  déjà  joué  précédemment  à  Parme  et  à  Trieste.  Le  résultat  de  la 
soirée  a  été  un  fiasco  complet.  Non-seulement  l'oeuvre  a  paru  au  public 
très-médiocre,  mais  l'exécution  elle-même  était  au-dessous  de  l'ordinaire. 
Le  ténor  Bertolini  a  pu  seul  recueillir  quelques  applaudissements. 

„*„  Florence.  —  La  Società  del  quartetto,  qui  est  considérée  comme  la 
première  et  la  meilleure  société  musicale  de  l'Italie,  continue  à  prospérer. 
Les  villes  principales  de  la  Péninsule  ont  déjà  imité  Florence  en  for- 
mant des  sociétés  de  quatuors.  Les  deux  dernières  matinées  musicales 
de  la  Società  del  quartetto  ont  été  très-brillantes.  Or:  a  beaucoup  dis- 
tingué un  jeune  violoniste,  M.  Papini,  élève  de  notre  Conservatoire.  Dans 
la  prochaine  matinée  du  31  courant,  il  exécutera  le  1er  quintette  de 
M.  Fétis.  C'est  la  première  fois  qu'on  l'entendra  en  Italie.  Il  y  a  quel- 
que temps  qu'on  a  exécuté  le  2e  quintettejdu  même  auteur  avec  un  suc- 
cès extraordinaire.  —  On  attend  avec  anxiété  le  résultat  du  concours 
Basevi,  ouvert  cette  année  pour  les  compositeurs  italiens  et  étrangers. 

***  Barcelone.  —  Mme  Lagrua  a  obtenu  un  immense  succès  dans  Mac- 
beth. La  célèbre  artiste  s'y  est  montrée  aussi  grande  cantatrice  que  tra- 
gédienne. Le  baryton  Squarcia  et  la  basse  Silva  y  ont  été  également 
applaudis. 

3%  Madrid.  —  Saffo,  l'opéra  de  Pacini,  a  obtenu  un  très-grand  succès 
au  théâtre  de  l'Oriente,  Mme  Borghi-Mamo  y  chante  avec  beaucoup 
d'effet  le  principal  rôle. 

***  Saint-Pétersbourg,  12  janvier. —  Le  Faust,  de  Gounod,  vient  d'être 
représenté  pour  le  bénéfice  de  Tamberlick.  Ce  célèbre  artiste  n'a  pas  été 
très-chaudement  accueilli  dans  le  rôle  principal.  Everardi  s'acquitte  fort 
bien  de  celui  de  Méphistophélès,  ainsi  que  Meo  du  rôle  de  Valentin. 
Mme  Barbot  a  obtenu  quelque  succès  dans  le  rôle  de  Marguerite,  et  plus 
que  Mme  Kantier-Didiée  dans  celui  de  Siebel.  Il  y  a  eu  pourtant  de 
nombreux  rappels.  La  mise  en  scène  est  riche  comme  toujours.  Les 
décors  sont  fort  beaux.  —  Les  répétitions  de  la  Bianca  Dama  vont 
commencer. 

*%  Moscou.  —  Roberto  il  Diavolo  attire  la  foule  au  théâtre  italien.  Le 
ténor  Schmidt  y  fait  preuve  d'un  grand  talent  et  la  salle  est  comble  aux 
représentations  très-nombreuses  de  l'œuvre  magistrale  de  Meyerbeer.  Le 
ténor  Pancani  est  justement  applaudi  dans  II  Profeta,  Masaniello,  Ugo- 
notli,  Trovaiore  et  Maria.  On  a  mis  à  l'étude  Moise  et  /(  Giuramento. 


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32 


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LES    AIRS    DÉTACHÉS    DE    CHANT  : 

1 .  Couplet»  chantés  par  Désiré  :  Me  chasser,   me  forcer  à  lais- 

ser mon  service 3 

2.  Cbanson  chantée  par  Mlle  Bouffai-  :  P'tils  balais,  je   vends 

des  toutes  p'i'its  balais i 

3.  Dno  :  Je  suis  Alsacienne.  —  Je  suis  Alsacien 6 

4.  Fable  chantée  par  Mlle  Bouffar  :   Einmal  eine  rat  de  ville 

invite  eine  rats'  des  champs 4 

STRAUSS.  —  Grande  valse  pour  le  piano 6    » 

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ADOE.PHE    SAX 


*  * 


50,  rue  Saint-Georges 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ    DES   AVANTAGES   DES   SAXHORNS   ET   DES   SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son;  supérieur  comme  j ustesse ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  ifTTxl 

Tom  les  instruments  sortant  de  la  fabrique  portent  l'inscription  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,      YtKsN 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  et  le  poinçon  ci-apr'es  :  J^_\i^i: 


hauteur  et 
à  faire  un 


PRIX  ACCORDÉ  A  L'UNANIMITÉ  A   l'EXPOSITlON 
UNIVERSELLE   DE    LONDRES   1851. 

Fournisseur  des  Ministères  de  la 
Guerre  et  de  la  marine  de  franco. 

Seuls   agents   à    Londres 

CHAPPELL  &  HAMOND,  S"  DE  JDLLIEN  &Ce 

214  ,   Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 

S  8,  rue  île»  Murais  -  Saint  -  Martin  ,   S  8 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MÉDAILLE  D'ARGENT   DO  1"   CLASSE 
A    l'exposition    UNIVERSELLB    DE  PARIS   1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
r Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BOTTNER, 

Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 

MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Rue  «le  la  Victoire,  48,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


i  —   IlIPRlUEME  CENTRALE  DE  NVI'OLE 


C",  RUE  BERGERE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :  BOULEVARD    DES   ITALIENS,  4 . 


31e  Année, 


!•  5. 


51  Janvier  1861 


ON  S'ABONNE: 

Dans  les  DOportcments  et  à  l'Étranger, 
■z  tous  les  Marchands  de   Musique,  1rs  Libraire; 
i"t  aux  Iturenux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Taris 24  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  n       id. 

Étranger 34  n       id. 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


ET 


GAZETT 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  italien:  Mario  et  Mlle  Adelina  Patti  dans  le 
Barbier  de  Sêville  ;  débuts  de  Scalese  et  Antonucci.  —  Société  des  concerts  du 
Conservatoire  impérial  de  musique,  par  A.  Elwart.  —  Auditions  et  con- 
certs, par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Martini  (7e  article),  par  Arthur 
Pougin.  —  Mémoire  sur  l'origine  de  la  musique  (3e  article),  par 
D.  Beanlfen.  —  Correspondance  :  Saint-Pétersbourg.  —  Nouvelles  et  an- 
nonces. 


THEATRE  IMPÉRIAL  ITALIEN, 

Harlo   et   Bille    Adelina    Patti    dans   le    Barbier    Ae 
Scville.  —  Débnts  de  Scalese  et  Antonucci. 

C'était  double  fête  pour  le  théâtre  et  double  plaisir  pour  le  public. 
Mario  et  Mlle  Patti  dans  le  même  opéra,  dans  cet  heureux  Barbier, 
toujours  si  jeune  d'esprit  et  de  verve  !  Mario  n'est-il  pas  plus  que  ja- 
mais l'idéal  de  ce  comte  Almaviva,  grand  seigneur  amoureux  qui  sait 
se  faire  aimer  pour  lui-même,  qui  séduit,  épouse,  comme  il  joue  et 
chante,  avec  des  manières  pleines  de  grâce  et  d'abandon  ?  Et  Mlle 
Patti  !  quel  résumé  complet  des  gentilles  passions,  des  coquettes  ar- 
deurs, des  pétulantes  moqueries  d'une  pupille  espagnole,  en  guerre 
ouverte  avec  son  risible  tuteur  !  Aussi  vous  pensez  bien  que  la  foule 
était  accourue,   et  que  la  salle  Ventadour  ètincelait  de  toutes  parts. 

Deux  ou  trois  salves  de  bravos  ont  salué  la  première  entrée  de 
Mario,  qui  a  dit  sa  cavatine  :  Spunta  la  bella  Aurora  avec  ce  charme 
et  cette  adresse  dont  nul  ne  saurait  lui  disputer  le  privilège.  Les  bra- 
vos ont  donc  repris  et  avec  justice.  Il  ne  faut  demander  à  Mario  que 
ce  qu'il  peut  donner,  et  c'est  à  propos  de  lui  qu'on  peut  dire  en  toute 
sûreté  :  La  façon  de  donner  vaut  mieux  que  ce  qu'on  donne.  C'est 
ainsi  qu'il  s'est  fort  habilement  tiré  de  son  duo  avec  Figaro.  Ce  qui 
le  gênait,  il  l'a  simplifié,  esquivé  sans  avoir  l'air  d'y  prendre  garde, 
et  l'auditoire  l'a  laissé  faire  très-poliment.  C'est  à  peu  près  là  que  se 
borne  le  rôle  musical  du  comte  Almaviva  ;  celui  de  Rosine  n'est 
guère  plus  long  ni  plus  chargé  :  une  cavatine,  un  duo,  et,  pour  le 
reste,  une  leçon  de  chant,  où  la  cantatrice  choisit  le  morceau  qui  lui 
plaît.  Il  est  bien  loin  de  nous  le  temps  où  l'on  y  intercalait  le  fameux 
air  de  Tancredi,  et  où  le  comte  Almaviva  répondait  à  Bartolo  qui 
voulait  en  connaître  l'auteur  :  E  d'un  giovin  d'un  gran  genio.  Or  ce 


jeune  homme  dont  on  se  dispose  à  célébrer  l'anniversaire  natal,  aura 
bientôt  vu  sa  dix-huitième  année  bissextile,  et  l'année  bissextile  ne 
revient  que  tous  les  quatre  ans. 

Deux  débutants  se  présentaient  dans  les  rôles  de  Bartolo  et  de 
Basilio  :  nous  n'avons  que  des  compliments  à  faire  au  directeur  pour 
l'acquisition  de  ces  deux  artistes.  Scalese,  le  tuteur,  a  une  bonne 
figure  franchement  comique  sans  contorsions  ni  grimaces,  une 
bonne  voix,  qui  sonne  juste  et  fort,  une  articulation  nette  et 
facile.  Antonucci  n'est  peut-être  pas  aussi  bien  doué  ;  nous  lui  re- 
procherions d'aider  un  peu  trop  sa  voix  par  la  pantomime,  si  l'on  ne 
nous  eût  dit  qu'un  enrouement  le  privait  d'une  partie  de  ses  moyens. 
La  cause  est  donc  remise  à  une  autre  audience  pour  le  prononcé  du 
jugement.  Constatons  en  attendant  que  Délie  Sedie  a  obtenu  un  véri- 
table succès  dans  le  rôle  de  Figaro,  que  rarement  il  avait  chanté 
avec  autant  de  voix  et  plus  de  maestria  formée  à  la  meilleure  école  de 
son  pays,  cette  école  dont  les  élèves  deviennent  de  jour  en  jour 
plus  rares. 

Pour  que  rien  ne  manquât  à  cette  représentation  exceptionnelle , 
nous  y  avons  entendu  une  nouvelle  Marceline,  dont  le  nom  nous 
échappe,  et  qui  a  chanté  les  couplets  du  second  acte  avec  une  fer- 
meté de  voix  et  d'accent,  dont  la  tradition  s'était  entièrement  perdue 
depuis  la  disparition  de  Mme  Lebrun,  femme  de  l'auteur  du  Rossignol, 
espèce  de  métronome  vivant.  La  nouvelle  Marceline  a  de  grands 
avantages  sur  l'ancienne,  mais  elle  a  aussi  une  ambition  dont  l'ex- 
cès l'a  égarée.  A  la  fin  ds  ses  couplets,  elle  eût  été  applaudie  certai- 
nement, si  elle  eût  fait  un  peu  moins  d'efforts  pour  l'être.  C'est  une 
revanche  à  prendre,  et  nous  lui  en  indiquons  le  moyen. 

P.  3. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS 

OU     CONSERVATOIRE     IMPÉRIAL    DE    MUSIQUE. 
(37e   ANNÉE.) 

2°  concert,  dimanche,  2k  janvier. 

Ce  concert  offrait  un  grand  intérêt.  Le  programme  sorLant  enfin  de 
son  statu  quo  traditionnel,  annonçait  une  belle  composition  sympho- 
nique  d'un  grand  maître  contemporain,  et  le  début,  au  Conserva- 
toire, d'un  jeune  pianiste  déjà  applaudi  à  Paris  et  à  Londres. 


■ih 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


La  séance  a  commencé  par  l'ouverture  de  Struensée,  de  Meyer- 
beer.  Nous  avons  souvent  parlé  de  ce  morceau  capital ,  tant  de  fois 
applaudi  dans  les  grands  concerts  de  Bruxelles  et  de  Paris.  C'est  le 
19  septembre  18£6  que  le  drame  du  frère  de  l'illustre  compositeur 
fut  représenté  pour  la  première  fois ,  sur  le  théâtre  de  la  cour,  à 
Berlin  ;  alors,  comme  partout  où  cette  ouverture  a  été  exécutée  de- 
puis, elle  a  toujours  produit  un  effet  extraordinaire. 

Le  début  en  est  grandiose,  l'allégro  passionné  ;  et  la  péroraison  cha- 
leureuse réunit  en  gerbes  brillantes  les  différents  motifs  de  la  com- 
position entière.  Enfin,  l'instrumentation  si  neuve,  si  riche  par  la 
combinaison  des  timbres,  d'un  effet  saisissant,  place  cette  ouverture 
sur  la  ligne  des  compositions  les  plus  célèbres  du  genre. 

On  sait  que  pour  le  drame  de  Struensée,  M.  G.  Meyerbeer  a  écrit 
plusieurs  morceaux  importants,  parmi  lesquels  on  remarque  une 
polonaise,  la  sœur  aînée  des  quatre  marches  aux  flambeaux,  popu- 
laires à  Berlin,  ainsi  qu'à  Paris,  où,  grâce  à  l'initiative  du  fondateur 
de  la  Société  des  jeunes  artistes  du  Conservatoire,  elle  a  été  souvent 
acclamée,  reçue  avec  transports. 

L'orchestre  de  la  Société  a  parfaitement  interprété  cette  magistrale 
composition.  Le  début,  exécuté  par  l'harmonie,  ne  nous  a  pas  paru 
être  d'un  accord  irréprochable.  Si  les  artistes  avaient  un  foyer  éloigné 
de  l'orchestre,  pour  y  préluder,  ils  échaufferaient  leurs  instruments  ; 
et  la  perfection  de  l'exécution  ne  pourrait  qu'y  gagner.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  public  du  Conservatoire  a  unanimement  applaudi  l'œuvre 
grandiose  de  Meyerbeer  et  ses  habiles  interprètes. 

Pour  la  trentième  fois  au  moins,  depuis  la  fondation  de  la  Suriété  des 
concerts,  on  a  exécuté  le  chœur  de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau.  Il  n'a 
pas  été  bissé,  ce  qui,  nous  l'avouerons,  nous  a  fait  infiniment  de  plaisir. 
Est-ce  que  l'immortel  organiste  de  Dijon  n'aurait  composé  qu'un  seul 
opéra  ?  Et  Dardâmes  !  et  Zoroastre  !  et  tant  d'autres  ouvrages  qui  ont 
préparé  l'avènement  de  Gluck,  ne  contiennent-ils  donc  rien  qui  soit 
digne  d'être  entendu  ?  Que  doivent  penser  de  nousles  Allemands  et  les 
Anglais,  eux  qui  exécutent  presque  chaque  mois  des  œuvres  entières 
de  Bach,  de  Hœndel  et  d'autres  vieux  maîtres  dont  les  noms  sont  à 
peine  connus  en  France?  Enfin,  l'orchestre  a  joué  le  magnifique  tutti 
du  concerto  en  UT  mineur  de  Beethoven,  et  M.  Georges  Pfeiffer  en 
a  attaqué  avec  aisance  le  premier  solo.  Ce  jeune  artiste  a  tiré  tout  le 
parti  possible  de  l'un  des  concertos  les  moins  brillants  pour  le  piano, 
que  Beethoven  ait  composés,  et  il  a  parfaitement  arrangé  le  grand 
point  d'orgue  par  lequel,  suivant  l'usage,  il  a  terminé  le  premier  aile 
gro  du  concerto.  Il  a  fait  de  cette  espèce  de  hors-d'œuvre  musical  la 
pièce  importante  du  morceau  dans  lequel,  on  le  sait,  Beethoven  sem- 
ble n'avoir  considéré  le  piano  que  comme  le  brillant  accessoire  d'un 
magnifique  travail  symphonique. 

M.  G.  Peiffer  a  du  mécanisme,  de  la  netteté  et  un  sentiment  du 
rhylhme  excellent.  Si  dans  l'andante  il  a  su  exprimer  la  pensée 
souvent  mélancolique  du  maître,  dans  le  finale,  il  a  montré  autant 
de  brio  que  de  légèreté.  Félicitons  la  Société  des  concerts  de 
l'accueil  qu'elle  fait  depuis  quelques  temps  aux  jeunes  virtuoses. 
Après  F.  Planté,  elle  nous  a  fait  entendre  Mlle  Caroline  Rémaury, 
la  brillante  élève  de  Félix  le  Couppey,  et  enfin  Georges  l'eiffer, 
qui  doit  aux  conseils  et  à  l'exemple  de  sa  mère,  l'une  des  femmes 
les  plus  instruites  de  notre  époque ,  le  talent  dont  il  ne  lui  a  été 
permis,  dimanche  dernier,  de  ne  montrer  que  l'une  des  faces,  au 
Conservatoire.  Après  l'exécution  assez  remarquable  d'un  chœur  à'une 
nuit  de  sabbat,  de  Mendelssohn,  l'orchestre  a  fait  entendre  une  sym- 
phonie en  sol,  de  J.  Haydn,  dont  l'andante  est  l'une  des  plus  suaves 
inspirations  du  grand  maître. 

On  parle  de  l'exécution  prochaine  d'une  symphonie  de  Méhul  ; 
grande  nouvelle  qui  ne  peut  manquer  d'intéresser  les  amis  de  notre 


gloire  nationale.  Du  reste,  il  y  a  longtemps  que  cette  œuvre,  in- 
connue en  France,  occupe  un  rang  distingué  en  Allemagne,  où  elle 
figure  souvent  sur  les  programmes  des  plus  célèbres  sociétés  mu- 
sicales de  cette  terre  classique  de  l'épique  symphonie. 

A.  ELWART. 


ADDITIONS  ET  CONCERTS. 

Illle  Ilarle  Oarjou  —  Mlle  Iiéa  Karl.  —  Matinées  de 
M.  Lcbouc.  —  Séances  «le  musique  de  chambre,  de 
H.  Arniinguud.  —  Société  des  quatuors  français,  de 
M.  Ferrand.  —  MM.  Delcroix,  Ménétrier  et  Vander- 
U  lient. 

Mercredi  dernier,  dans  la  salle  Herz,  Mlle  Marie  Darjou  a  donné 
un  très-beau  concert,  avec  orchestre,  qui  avait  attiré  un  nombreux 
auditoire.  Faut-il  rappeler  que  Mlle  Marie  Darjou,  comme  Mlle  Louise 
Murer,  était  l'une  des  élèves  les  plus  distinguées  d'Emile  Prudent  ? 
Tout  le  monde  connaît  aujourd'hui  ce  talent  si  fin,  si  gracieux  et  en 
même  temps  si  expressif  qui  s'est  formé  sous  l'influence  des  con- 
seils et  des  exemples  d'un  de  nos  plus  grands  maîtres.  Cette  influence 
s'est  surtout  manifestée  par  la  manière  large  et  brillante  avec  la- 
quelle Mlle  Darjou  a  rendu  les  Trois  Rêves,  l'une  des  dernières  œu- 
vres de  son  maître. 

Le  morceau  de  chasse,  les  Bois,  du  même  compositeur,  et  aussi  pour 
piano  et  orchestre,  n'a  pas  été  moins  bien  interprété  par  son  élève. 
Mais  après  nous  avoir  fait  entendre  trois  délicieux  caprices,  supé- 
rieurement enlevés,  une  Romance  sans  paroles,  de  Mendelssohn, 
une  Pensée  musicale,  de  F.  Schubert,  et  un  scherzo,  de  Chopin, 
l'élève  a  voulu  nous  prouver  à  son  tour  qu'elle  avait  aussi  bien  pro- 
fité des  leçons  du  compositeur  que  de  celles  du  virtuose.  Un  andante, 
Au  bord  de  l'eau,  et  un  allegro,  Sentiers  fleuris,  inspirations  des 
plus  heureuses  et  des  mieux  réussies,  ont  valu  à  l'auteur  des  applau- 
dissements enthousiastes.  On  lui  a  fait  redire  ses  Sentiers  fleuris, 
où,  par  parenthèse,  d'autres  doigts  que  les  siens  rencontreraient 
plus  d'une  épine.  Mais,  nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  la  difficulté 
vaincue  est  le  moindre  de  ses  mérites;  la  grâce,  l'expression,  l'é- 
nergie, telles  sont  ses  qualités,  caractéristiques. 

Sauf  l'orchestre  de  M.  Placet,  qui  a  parfaitement  secondé  Mlle  Dar- 
jou, et  qui  a  fort  bien  exécuté  les  ouvertures  d'Egmont  et  des  Noces 
de  Figaro,  il  n'y  avait,  dans  cette  soirée,  pour  la  partie  instrumen- 
tale que  la  bénéficiaire. 

La  partie  vocale  était  confiée  à  un  M.  Bollaërt,  un  ténor...  par- 
don, nous  voulons  dire  un  sopraniste,  dont  la  voix  étrange  a  plutôt 
étonné  que  satisfait  les  auditeurs  ;  puis  Mlle  Loysel  de  la  Hautière, 
qui  a  chanté  avec  goût  deux  airs  du  Barbier  et  de  la  Fille  du  Ré- 
giment, et  enfin  Crosti,  de  l'Opéra-Comique,  qui  s'est  fait  grande- 
ment applaudir  dans  l'air  d'entrée  du  Barbier,  et  surtout  dans  une 
très-jolie  mélodie  de  Duprato,  Mon  cœur,  que  faut-il  faire  ?  qu'on 
a  redemandée  unanimement,  autant  pour  l'interprète  que  pour  l'au- 
teur. 

—  Mlle  Léa  Karl,  qui  s'est  fait  entendre  cette  semaine  dans  la 
salle  de  la  rue  Rochechouart,  possède  une  belle  voix  de  mezzo-so- 
prano,  qui  semble  plutôt  convenir  à  un  théâtre  qu'à  un  salon  de 
concert.  Celte  cantatrice  nous  vient,  dit-on,  d'Allemagne,  et  pourrait 
bien  ne  pas  y  retourner,  si  quelque  directeur  d'une  de  nos  scènes 
lyriques  lui  faisait  des  propositions.  A  en  juger  par  la  façon  dont 
elle  a  chanté,  avec  M.  Verger,  son  duo  du  Barbier,  et  dont  elle  a 


DE  PARIS. 


35 


dit  son  air  du  Trouvère,  son  arioso  du  Prophète  et  sa  valse  de 
Venzatio,  nous  croyons  qu'elle  recevrait  un  bon  accueil  du  public 
parisien.  M.  Verger,  son  partenaire,  qui  a  ensuite  obtenu  un  succès 
personnel  dans  un  air  du  Ballo  in  maschera,  est  un  baryton  re- 
marquable, dont  la  voix  franche  et  sympathique  ne  serait  pas  non 
plus  déplacée  au  théâtre. 

Après  avoir  apprécié,  comme  il  convient,  le  talent  très-réel  de 
Mlle  Karl,  nous  n'avons  également  que  des  éloges  à  décerner  à  la 
partie  instrumentale  de  son  concert.  Ernest  Nathan  s'est  surpassé 
dans  un  grand  duo  sur  Maria,  pour  piano  et  violoncelle,  composé 
par  l'éminent  artiste  et  par  Somma  ;  c'était  M.  Poisot  qui  tenait  avec 
lui  le  piano.  Nathan  a  conquis  une  seconde  fois  tous  les  suffrages 
dans  une  brillante  fantaisie  sur  des  thèmes  de  Norma.  W.  Krùger, 
que  l'on  a  regretté  de  ne  pouvoir  applaudir  davantage,  a  exécuté, 
avec  la  maestria  qui  lui  est  habituelle,  deux  de  ses  compositions, 
l'Echo  de  la  vallée,  mélodie  nocturne,  et  un  charmant  caprice  sur 
la  romance  de  Moniuwsko,  intitulée  la  Cosaque.  Le  nouveau  guita- 
riste Sokolowski,  dont  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  parler,  à 
propos  du  récent  concert  de  Mlle  Maria  Jungk,  a  complété  les  plai- 
sirs de  cette  soirée  en  jouant  deux  morceaux,  auxquels  on  n'a  pas 
épargné  les  bravos  les  plus  vifs. 

—  M.  Lebouc  a  repris  ses  matinées,  qui  sont  toujours  fort  recher- 
chées par  les  amateurs  de  bonne  musique,  choisie  avec  goût  et  in- 
terprétée avec  art.  Le  programme  de  celle  de  lundi  dernier  portait 
deux  œuvres  signées  du  nom  de  Meyerbeer.  La  première  était  la  dé- 
licieuse mélodie  Près  de  toi,  que  Mme  Ernest  Bertrand  a  chantée  avec 
un  charme  et  une  pureté  extraordinaires,  accompagnée  par  le  vio- 
loncelle de  M.  Lebouc.  La  seconde  n'était  autre  que  la  fameuse 
Marche  aux  flambeaux,  transcrite  pour  le  piano  par  M.  Camille 
Saint-Saëns,  et  exécutée  par  lui  avec,  une  habileté  prodigieuse. 
Mme  Ernest  Bertrand  a  dit,  en  outre,  un  air  i'Alcina,  de  Haendel, 
et  une  ariette  d'Haydn,  qui  ont  été  fort  applaudis,  et  la  séance  s'est 
terminée  par  un  beau  quintette  d'Adolphe  Blanc,  interprété  par  l'au- 
teur, et  par  MM.  White,  Trombetta,  Lebouc  et  Gouffé.  L'auditoire 
qui  assistait  à  cette  belle  séance  a  témoigné,  à  plusieurs  reprises,  la 
satisfaction  la  plus  flatteuse,  tant  à  M.  Adolphe  Blanc,  comme  com- 
positeur, qu'à  tous  les  artistes  dont  le  talent  a  défrayé  la  matinée 
de  M.  Lebouc. 

—  Les  six  séances  de  musique  de  chambre,  annoncées  par  MM. 
Armingaud,  Jacquart,  Lalo  et  Mas  sont  commencées.  La  première 
de  ces  séances,  qui  a  eu  lieu  mercredi  dans  les  salons  de  Pleyel-Wolff, 
avait  attiré  beaucoup  de  monde,  et  a  complètement  répondu  à  l'at- 
tente générale.  Il  est  impossible  d'entendre  exécuter  avec  plus  de 
perfection  et  d'ensemble  les  morceaux  d'élite  qui  en  composaient  le  pro- 
gramme. Tout  l'auditoire  a  acclamé,  avec  un  égal  enthousiasme,  le 
grand  trio,  op.  97,  de  Beethoven,  le  quatuor  en  mi  bémol  de  Mozart, 
les  pièces  pour  piano  et  violoncelle,  de  Robert  Schumann,  où  le  con- 
cours de  Lûbeck  a  augmenté  le  plaisir  des  assistants,  et  VOtello,  op. 
20,  de  Mendelssohn,  pour  quatre  violons,  deux  altos  et  deux  violon- 
celles. 

—  La  Société  des  quatuors  français,  fondée  l'hiver  dernier  par 
M.  Ferrand,  a  donné,  cette  semaine,  la  première  de  ses  trois  séances 
annuelles,  dans  la  salle  Pleyel-Wo'.ff.  On  y  a  entendu  plusieurs  très- 
remarquables  compositions  de  Georges  Pfeiffer,  son  trio  en  sol  mineur, 
pour  piano,  violon  et  violoncelle,  deux  études  et  une  fort  gracieuse 
barcarolle  pour  piano.  Ces  divers  morceaux  étaient  inlerprétés  par  l'au- 
teur qui,  une  fois  de  plus,  a  fait  preuve  de  cette  puissance  de  son  et  de 
cette  largeur  de  style  dont  nous  avons  signalé  les  progrès,  en  ren- 
dant compte  de  ses  dernières  apparitions  en  public.  Dans  cette  même 
soirée,  on  a  encore  joué  un  quatuor  en  mi  pour  instruments  à  cor- 


des, de  la  composition  de  M.  Auguste  Morel,  directeur  Ju  Conserva- 
toire de  Marseille,  et  le  quintette  en  ré,  également  pour  instruments 
à  cordes,  par  Adolphe  Blanc.  L'auditoire  s'est  retiré  enchanté,  et  en  se 
promettant  de  revenir,  si  la  place  n'est  pas  prise,  aux  deux  autres 
séances. 

—  Décidément  le  goût  de  la  musique  de  chambre  se  propage  dans 
le  monde  parisien,  avec  une  croissante  rapidité.  Chaque  jour,  de  nou- 
velles séances  s'organisent,  et  trouvent  à  souhait  des  auditeurs.  Parmi 
celles  qui  ont  pris  naissance  dans  ces  derniers  jours,  nous  citerons 
l'association  heureuse  de  MM.  Delcroix,  Ménétrier  et  Vander-Gucht, 
à  qui  M.  Lebouc  a  ouvert  ses  salons  hospitaliers.  M.  Delcroix,  pia- 
niste distingué,  M.  Ménétrier,  violoniste  de  talent,  en  dépit  de  son 
nom,  et  M.  Vander-Gucht ,  violoncelle-solo  des  Italiens,  se  sont  ad- 
joint, pour  leur  première  séance,  MM.  Cohen,  Dragone  et  Delamour, 
avec  lesquels  ils  ont  supérieurement  interprété  quelques  œuvres  de 
nos  grands  symphonistes.  De  pareils  essais,  faits  dans  de  telles  condi- 
tions, sont  toujours  dignes  d'encouragements,  et  les  nôtres  ne  man- 
queront pas  à  MM.  Delcroix,  Ménétrier  et  Vander-Gucht. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


MARTINI. 

(7=  article)  (1). 
VII. 

Ziméo  vient  clore  la  liste  des  œuvres  dramatiques  de  Martini.  La 
chute  de  cet  opéra,  succédant  de  près  à  celle  à'Annette  et  Lubin, 
le  décida  sans  doute  à  renoncer  pour  jamais  au  théâtre.  Du  reste, 
il  avait  en  portefeuille  trois  autres  ouvrages  qui  ne  furent  jamais  re- 
présentés :  le  Poète  supposé,  Sophie,  ou  le  Tremblement  de  terre  de 
Messine,  et  la  Partie  de  campagne. 

La  fortune  ne  souriait  plus  à  Martini.  J'ai  dit  que,  lors  de  la  créa- 
tion du  Conservatoire,  il  avait  été  nommé  l'un  des  inspecteurs  de  cet 
établissement  ;  mais  ce  fut  seulement  à  la  suite  de  la  démission  don- 
née par  Grétry,  que  Martini  fut  appelé  à  ce  poste  envié.  A  partir  de 
l'an  VII  (1798)  il  partagea  donc  ces  fonctions  avec  Méhul,  Lesueur, 
Gossec  et  Chérubini  (2).  De  plus,  et  en  vertu  du  règlement  de  ger- 
minal an  VIII  (mars  1800),  il  était,  ainsi  que  ses  quatre  collègues, 
titulaire  d'une  des  cinq  classes  de  composition.  Ce  règlement,  qui 
réduisait  à  soixante-quatorze  (30  de  première  classe  et  kk  de  se- 
conde classe),  le  nombre  des  professeurs,  fixé  à  cent  vingt-cinq  par 
la  loi  du  16  thermidor  an  III  (3  août  1795),  ne  diminuait  point  celui 
des  inspecteurs.  Mais  les  réformes  opérées  en  l'an  X  (1802)  pour 
des  raisons  d'économie  furent  plus  considérables  encore  :  vingt-cinq 
professeurs  et  troisinspecteurs  restèrent  seuls  attachés  au  Conservatoire; 
tout  le  reste  du  personnel  fut  brusquement  congédié.  Méhul,  Gossec 
et  Chérubini  furent  seuls  maintenus  dans  leurs  fonctions  supérieures; 
moins  heureux,  Martini  et  Lesueur  se  virent  enlever  leur  emploi. 

Depuis  cette  époque,  Martini  se  livra  avec  [ardeur  à  la  composi- 
tion d'un  assez  grand  nombre  d'œuvres  de  musique  religieuse.  II 
publia  successivement  en  ce  genre  :  six  psaumes  à  deux  voix,  avec 
accompagnement  d'orgue,  dédiés  par  lui  au  cardinal  de  Cambacérès, 
archevêque  de  Rouen,  et  non,  ainsi  qu'un  biographe  l'a  dit  à  tort,  au 


(1)  Voir  les  n"  49,  50,  51  de  l'année  1863, et  les  n"'  2  3,  et  4. 

(2)  o  L'organisation  du  Conservatoire  n'établit  que  cinq  inspecteurs  de  l'ensei- 
gnement :  la  sixième  place,  créée  à  titre  de  récompense  nationale,  pour  Piccinni, 
fut,  après  sa  mort,  conservée  à  Monsigny.  »  (Lassabathie,  Histoire  du  Conserva- 
toire, note  de  la  page  349.) 

Cette  sixième  place  n'était  sans  doute  qu'honoraire. 


36 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


duc  de  Cambacérès,  archichanclier  de  l'empire  ;  —  deux  messes 
solennelles  pour  quatre  voix,  chœur  et  orchestre,  dont  il  dédia  la 
première  à  Son  Altesse  Eminentissime  le  prince  primat  de  la  Confé- 
dération du  Rhin,  prince  souverain  de  Francfort,  Ratisbonne,  As- 
chaffenbourg,  Wetzlar,  etc.,  etc.  (1); —  une  messe  de  Requiem  à 
quatre  voix,   chœur  et  orchestre. 

En  1810,  lors  du  second  mariage  de  Napoléon,  Martini  mit  en  mu- 
sique une  cantate  de  circonstance,  dont  les  paroles  lui  avaient  été 
fournies  par  son  amie  Mme  la  princesse  de  Salm.  Je  n'ai  pu  décou- 
vrir où  cette  cantate  a  été  exécutée. 

J'ai  dit  plus  haut  que,  peu  de  temps  avant  a  Révolution ,  Martini 
avait  obtenu  la  survivance  de  la  place  de  surintendant  de  la  musique 
du  roi.  On  sait  que  les  emplois  de  ce  genre  étaient  des  espèces  de 
charges  qui  s'acquéraient  à  prix  d'argent.  Martini  avait  payé  celle-ci 
à  beaux  deniers  comptant,  et  n'en  avait  pas  été  quitte  à  moins  de 
16,000  livres.  Lorsque  la  Restauration  ramena  Louis  XVIII  sur  le 
trône  des  Bourbons,  Martini  fit  valoir  auprès  du  nouveau  souverain 
les  droits  que  l'argent  déboursé  lui  donnait  à  cette  place,  et  il  reçut 
effectivement  sa  nomination  le  10  mai  181Z|,  .remplaçant  ainsi  Le 
sueur,  qui  avait  été  directeur  de  la  musique  et  de  la  chapelle  de 
l'Empereur  (2). 

Malgré  son  âge  très-avancé,  Martini  se  remit  alors  au  travail  et, 
dans  l'espace  de  moins  de  deux  années,  produisit  plusieurs  œuvres 
importantes  de  musique  religieuse.  Ce  fut  d'abord  un  grand  Te  Deum 
à  quatre  voix  et  orchestre,  un  Domine  salvum  fac  regem  à  quatre 
voix  et  orgue,  puis  un  O  Salutaris  hostiu  à  cinq  voix  et  orgue,  et 
enfin  une  deuxième  messe  de  Requiem,  qui  fut  exécutée  sous  sa  di- 
rection, à  Saint-Denis,  le  21  janvier  1816,  jour  anniversaire  de  la 
mort  de  Louis  XVI,  en  présence  du  roi  et  de  toute  la  Cour. 

Mais  sa  fin  approchait.  Peu  de  temps  auparavant,  sans  l'avoir  de- 
mandé, dit  Mme  de  Salm,  il  avait  reçu  le  grand  cordon  de  l'ordre 
de  Saint-Michel.  Le  21  au  matin,  quoique  assez  gravement  indisposé, 
il  crut  ne  pouvoir  manquer  à  son  devoir  et  se  rendit,  ainsi  que  je 
viens  de  le  dire,  à  Saint-Denis,  pour  y  diriger  l'exécution  de  la 
messe  qu'il  avait  composée  expressément  pour  cette  circonstance. 
L'  œuvre  produisit  un  très-grand  effet,  et  le  roi  envoya  aussitôt  féli- 
citer le  compositeur;  mais  celui-ci,  qui  sentait  que  la  vie  lui  échap- 
pait, dit  aux  artistes  qui  avaient  pris  part  à  l'exécution:  «Mes  amis,  je 
sens  que  je  ne  vivrai  plus  longtemps  ;  je  vous  prie  d'exécuter  cette 
messe  pour  moi,  après  ma  mort,  aussi  bien  que  vous  venez  de  le 
faire.  » 

En  effet ,  à  peine   de  retour   à  Paris  et  chez  lui ,    Martini  dut  se 


(1)  C'est  sans  doute  cette  messe  qui  fut,  selon  Choron  et  Fayolle,  «  exécutée 
pendant  plusieurs  anDées,  à  Vienne  en  Autriche,  le  jour  de  la  fête  patronale  de 
la  cathédrale  de  Saint-Etienne.  »  (V.  Dictionnaire  historique  des  musiciens,  par 
Choron  et  Fayolle,  art.  Martini.) 

Martini  dit,  dans  sa  dédicace  au  prince  primat,  datée  du  30  janvier  1808  et 
placée  en  tête  de  cet  ouvrage  :  et  J'ose  supplier  Votre  Altesse  Eminentissime  de 
protéger,  à  son  retour  dans  ses  Etats,  cette  production,  ainsi  que  mes  Psaumes 
et  mon  Ecole  d'orgue  (puUiée  antérieurement),  que  j'ai  eu  également  l'honneur 
de  lui  présenter.  Cette  nouvelle  marque  de  bonté  pourrait  me  faire  espérer  que 
ces  trois  ouvrages,  consacrés  au  culte,  me  survivront  aussi  dans  n:a  première 
patrie.  » 

(2)  Dans  son  livre  intitulé  ;  Chapelle-musique  des  rois  de  France,  Castil-Blaze, 
ne  tenant  aucun  compte  de  ce  fait,  dit,  dans  le  chapitre  qui  se  rapporte  à  l'é- 
poque de  1  a  Restauration:  M.  Lesueur,  directeur  de  chapelle  de  Napoléon,  devint 
surintendant  de  celle  de  Louis  XVIII,  et  partagea  le  sceptre  de  l'harmonie  avec 
un  illustre  collègue,  M.  Cherubini.  » 

L'erreur  est  ici  manifeste,  et  Castil-Blaze  anticipe  sur  les  événements,  car, 
après  avoir  annoncé  la  mort  de  Martini,  voici  ce  que  disait,  le  18  février  1<S16, 
un  journal  ordinairement  bien  informé  de  ces  sortes  de  choses  :  a  M.  Cherubini 
1  ui  succède  dans  sa  place  de  maître  de  musique  de  la  chapelle,  dont  il  avait 
la  survivance.  » 


mettre  au  lit  et  tomba  très-gravement  malade.  Son  mal  fit  des  pro- 
grès extrêmement  rapides,  et  il  expirait  le  H  février  1816,  âgé  de 
soixante-quinze  ans  et  quelques  mois. 

Arthur  POUGIN. 
{La  fin  prochainement .  ) 


MÉMOIRE  SUR  L'ORIGINE  DE  LÀ  MUSIQUE. 

(3e  article)  (1). 

Ce  chant,  cet  accent  très-prononcé,  vif,  animé,  sorte  de  vocalisme, 
comme  le  disent  les  auteurs,  a  été,  selon  moi,  la  première  musique 
de  l'homme.  Mais  alors,  s'il  en  est  ainsi,  que  devient  la  tradition  re- 
montant aux  premiers  âges  du  monde  et  si  généralement  répandue, 
suivant  laquelle  des  personnages  qui  ont  imaginé,  fabriqué  des  instru- 
ments, sont  les  inventeurs  de  l'art  musical?  Cette  question,  qui ,  aa 
premier  coup  d'oeil,  peut  sembler  sans  importance,  en  a  peut-être 
plus  qu'on  ne  le  suppose  d'abord.  Je  vais  chercher  à  l'éclaircir,  au- 
tant que  mes  forces  me  le  permettront,  et  je  soumettrai  à  de  plus 
érudits  que  moi  les  observations  qu'elle  m'aura  donné  lieu  de  faire. 

Cet  accent  qui  diversifiait,  déterminait  le  sens  des  mots,  devait 
être  connu,  apprécié,  pratiqué  de  la  même  manière  par  tous  ceux 
qui  parlaient  la  même  langue,  sous  peine  de  ne  pas  s'entendre  ;  et 
pourtant  plusieurs  auteurs  anciens  nous  disent  que  les  signes  avec 
lesquels  on  l'indique  dans  l'écriture  en  latin,  en  grec,  en  hébreu,  sont 
loin  de  remonter  à  l'origine  de  ces  langues,  et  sont  même  d'une  in- 
vention assez  récente,  relativement  à  cette  origine  (2).  Il  fallait  pour 
ces  idiomes  que  toutes  les  nuances  d'accent  fussent  bien  familières  à 
chacun  et  ne  laissassent  aucun  doute  dans  les  esprits,  pour  qu'on  ait 
pu  se  passer  ainsi  pendant  un  long  temps  de  signes  graphiques  des- 
tinés à  les  représenter  aux  yeux  dans  la  parole  écrite  (3).  Il  y  a  plus. 
Cet  accent  n'affectait  et  nécessairement  ne  pouvait  affecter  que  les 
voyelles.  On  comprend  en  effet  que  ces  sons,  produits  de  l'émission 
la  plus  simple  de  la  voix,  peuvent  seuls  être  graves,  élevés  ou  se 
tenir  dans  le  médium  :  la  consonne  sans  voyelle  n'est  qu'une  articu- 
lation sourde.  Eh  bien  !  ces  voyelles,  dans  des  langues  où,  dans  cer- 
tains cas,  leurs  diverses  sortes,  dans  d'autres  leurs  diverses  intona- 
tions, quelque  vagues  ,  quelque  nuageuses  qu'elles  soient ,  agissent 
sur  le  sens  des  mots  ;  ces  voyelles,  en  hébreu  et  dans  d'autres 
idiomes,  sont  souvent  supprimées  dans  l'écriture  (4).  En  vérité,  on  a 
peine  à  concevoir  comment  les  sons,  qr.i  exercent  une  action  si  im- 
portante dans  le  langage,  qui  par  l'emploi  de  leurs  différentes  es- 
pèces, de  leurs  différents  degrés  de  gravité  ou  d'acuité,  déterminent, 
fixent  le  sens  des  paroles,  on  comprend  difficilement  que  dans  la 
langue  écrite,  les  signes  qui  les  représentent  aient  pu  non-seulement 
ne  pas  recevoir  d'indication  particulière  pour  chaque  nuance  de  vo- 
calisation, mais  encore,  ce  qui  est  bien  plus  surprenant,  être  même 
parfois  supprimas.  Cela  ne  peut  s'expliquer  que  par  un  usage  bien 
déterminé  et  constant  de  ces  intonations.  C'est  là  un  premier  fait 
majeur  que  j'ai  dû  m'attacher  à  établir.  Ainsi  donc,  les  nuances  dans 
le  son  des  voyelles   étaient  connues,  appréciées,  employées  unifor- 


(1)  Voir  le  n°  51  de  l'année  1863  et  le  n°  4. 

(2)  Wiel  et  Benloew,  Accent,  lai.,  pag.  295,  312,  314,  318. 

Encycl.,  t.  VIII,  pag.  78  et  79;  t.  XII,  pag.  870,  col.  1  et  2.  Court  de  Gébelin, 
Orig.  du  long.,  pag.  466  et  suivantes. 

(3)  On  voit  encore  quelque  chose  de  semblable  dans  la  musique  italienne,  où 
certaines  aopogiatures,  qui  ne  sont  autres  que  des  accents,  se  font  généralement 
par  tous  les  chanteurs  sans  qu'il  soit  besoin  de  les  écrire. 

(4)  Balbi,  Atlas  elhnog.,  t.  III.  Encycl.,  t.  VIII,  pag.  78,  79;  t.  XII,  pag.  870, 
col.  1.  Court  de  Gibelin,  Orig.  des  long.,  pag.  446  et  suivantes,  454.  Pour 
l'importance  des  voyelles  en  hébreu,  voy.  Benloew,  Aperçu  général  de  la  science 
cornp.  des  langues,  pag.  31. 


DE  PARIS. 


37 


mément  par   tous  ceux  qui  parlaient    la  même  langue,  et   dans  la 
pratique  ne  laissaient  aucun  doute. 

MM.  Wiel  et  Benloew  nous  disent  aussi  qu'en  sanscrit  on  passe  su- 
bitement, et  comme  par  un  bond,  des  sons  graves  à  l'accent  aigu, 
ce  qui  est  bien  un  des  caractères  de  la  note  musicale,  qui  est  tou- 
jours très-distincte  de  celle  qui  la  précède  ou  qui  la  suit.  Ils  ajoutent 
encore  que  clans  cet  idiome  on  ne  se  sert  que  de  ces  deux  accents, 
le  grave  et  l'aigu,  et  qu'on  n'y  emploie  pas  l'accent  circonflexe  pro- 
prement dit  (1),  qui  paraît  pour  la  première  fois  dans  le  grec,  et  qui 
plus  tard,  dans  le  latin,  devient  d'un  usage  fréquent  (2).  Or,  la  dif- 
férence est  grande  entre  cet  accent  circonflexe  et  les  deux  premiers. 
Pour  ceux-ci,  la  voix  se  pose  sur  une  intonation  basse  ou  élevée, 
s'y  arrête  ou  s'en  écarte  peu,  de  telle  façon  que  même  dans  nos 
langues  modernes,  si  faiblement  accentuées,  cette  intonation  pour- 
rait en  quelque  sorte  être  notée,  et  que  dans  les  langues  anciennes, 
bien  plus  harmonieuses,  elle  se  rapproche  encore  davantage  de  l'in- 
tonation musicale  au  point  de  pouvoir,  à  mesure  qu'on  remonte  les 
siècles,  lui  être  presque  entièrement  assimilée.  Pour  l'accent  circon- 
flexe, au  contraire,  la  voix,  sur  une  seule  syllabe,  ou  mieux  encore 
sur  une  seule  voyelle,  pa*se  en  glissant  du  grave  à  l'aigu  et  revient 
de  la  même  manière  au  grave,  sans  que  l'on  puisse  saisir,  entre  les 
points  extrêmes,  un  point,  un  sou  déterminé  intermédiaire.  Ainsi, 
voilà  une  différence  bien  tranchée  entre  ces  deux  sortes  d'accents  : 
d'une  part,  l'accent  grave  et  l'accent  aigu  se  posant  chacun  sur  un 
son  distinct  qui  sert  d'appui  à  la  voix;  de  l'autre,  l'accent  circon- 
flexe où  la  voix  glisse  d'un  son  bas  à  un  son  élevé  et  revient  au 
grave  par  des  nuances  d'intonation  dont  les  degrés  sont  insaisissa- 
bles. Ces  deux  sortes  d'accent  caractérisent,  la  première,  les  langues 
les  plus  anciennes,  entre  autres  le  sanscrit;  la  seconde,  les  idiomes 
moins  anciens  tels  que  le  grec  et  le  latin  (3)  ;  l'une  est  éminemment 
musicale,  l'autre  a  conduit  à  notre  débit  oral  moderne  (4). 

D.  BEAULIEU. 
(La  suite  prochainement.) 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg  le  14/26  janvier. 

Si  je  ne  vous  ai  pas  écrit  depuis  quelque  temps,  c'est  que  rien  qui 
valût  la  peine  de  vous  être  mandé  ne  s'est  passé  au  théâtre  italien. 
Fausto  y  a  été  donné  deux  ou  trois  fois,  et  il  n'est  pas  accueilli  avec 
plus  d'enthousiasme  qu'à  la  première  représentation.  Everardi  (Me- 
phisto)  y  a  rencontré  une  création  remarquable,  et  c'est  lui  qui  chaque 
soir  a  les  honneurs  de  la  représentation.  —  Les  répétitions  de  li  Dama 
bianca  marchent  lentement.  L'opéra  de  Boieldieu  ne  paraît  pas  devoir 
passer  avant  la  première  quinzaine  de  février  (style  russe).  On  n'en 
jouira  donc  pas  longtemps,  puisque  le  carême  commencera  bientôt 
après  et  viendra  clore  une  saison  qui,  en  somme,  n'aura  pas  été  très- 
brillante. 

En  revanche,  les  concerts  commencent.  Chaque  hiver  on  en  donne 
deux,  qui  se  ressemblent  par  le  but,  sinon  par  le  programme  ;  l'un  orga- 


(1)  Wiel  et  Benloew,  Accent,  lai.,  pag.  107,  108  et  109.  Benloew,  Accent,  des 
lang.  indo-europ.,  pag.  51  et  suivantes. 

(2)  Wiel  et  Benloew,  Accent,  lat.  Tout  le  chapitre  II,  particulièrement  les  pag. 
1S,   19,  20,  21,  23,  108. 

Benloew,  Accent,  des  lang.  indo-europ.,  pag.  171,  293. 

(3)  Voir  à  la  page  précédente  les  Dotes  1  et  2. 

(4)  Wiel  et  Benloew,  Accent,  lat.,  page  112. 

J'ajouterai  ici  une  observation  qui  me  semble  avoir  de  l'importance.  Dans  un 
traité  de  musique  de  la  fin  du  xivc  siècle  ou  du  commencement  du  xve,  intitulé: 
la  Calliopée  légale,  en  parlant  des  divers  mouvements  de  la  voix  dans  le  chant, 
lesquels  sont  nommés  aigu,  grave  et  circonflexe,  on  expose  des  principes  qui  ont 
un  rapport  très-remarquable  avec  ce  que  disent  les  auteurs  au  sujet  des  accents 
du  même  nom,  sauf  la  différence  qui  existe  entre  la  voii  parlée  et  la  voix  chan- 
tante. 


nisé  par  notre  Société  philharmonique,  au  profit  de  ses  veuves  et  de  ses 
orphelins;  l'autre  tout  militaire,  au  profit  des  invalides  de  l'armée. 

Le  premier  a  eu  lieu,  hier  dimanche,  dans  la  magnifique  salle  de  la 
Noblesse,  avec  une  grande  solennité.  La  Cour  tient  à  honneur  d'y  as- 
sister et  l'aristocratie  se  garde  bien  de  ne  pas  l'imiter.  Le  programme 
était  d'ailleurs  splendide  et  l'exécution  confiée  à  l'élite  des  artistes  ita- 
liens. Je  ne  vous  donnerai  pas  la  nomenclature  des  quatorze  morceaux 
qui  le  composaient,  mais  je  vous  dirai  qu'un  de  ceux  qui  a  produit  le 
plus  grand  effet  a  été  l'admirable  trio  du  Pardon  de  Ploermel  chanté 
par  Mme  Fioretti,  Calzolari  et  Graziani  ;  citer  ces  trois  noms,  c'est  dire 
avec  quelle  perfection  ce  trio  a  été  interprété  ;  aussi  l'a-t-on  écouté 
dans  un  silence  et  avec  une  attention  qui  témoignaient  de  l'intérêt  qu'y 
prenait  tout  l'auditoire  ;  il  faut  dire  encore  que  depuis  deux  ans  nous 
sommes  privés  du  dernier  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  en  sorte,  que  ce 
morceau  avait  de  plus  le  charme  de  la  nouveauté  ;  à  peine  fini,  il  a  été 
salué  par  un  immense  et  unanime  applaudissement.  Le  grand  air  de 
Stradella  (10e  siècle)  chanté  délicieusement  par  Calzolari,  et  la  romance 
de  Marta,  dite  avec  beaucoup  d'expression  par  Giuglini,  le  quatuor  de 
Don  Pasquale,  par  Mme  Fioretti,  MM.  Calzolari,  Everardi  et  Fioravanti 
ont  été  ensuite  les  plus  goûtés. 

En  dehors  du  répertoire  italien,  une  jolie  valse  de  Ciardi,  VAmo, 
chantée  par  Mme  Fioretti,  et  une  romance  russe  fort  en  vogue  de  la 
princesse  Kotschoubey,  Skafi  itï  (Dites-lui),  dite  avec  beaucoup  d'âme 
par  Tamberlick  et  qui  terminait  le  programme,  ont  fait  grand  plaisir. 

La  salle  était  complètement  remplie  et  la  recette  a  été  considérable 

En  fait  de  réceptions,  celle  du  ministre  d'Italie,  le  marquis  Pepoli, 
mérite  d'être  citée,  comme  exceptionnelle.  Tout  Saint-Pétersbourg  était 
là,  tout  le  Saint-Pétersbourg  aristocratique,  élégant,  et  le  personnel 
complet  de  notre  scène  italienne  y  exécutait  une  grande  cantate  en 
l'honneur  de  l'Italie.  Si  la  Itosati  ne  fût  partie,  nous  aurions  eu  la 
danse.  L'auteur  de  la  cantate,  le  maestro  Ricci,  était  au  piano,  entouré 
de  Mme  Fioretti,  de  Tamberlick,  Calzolari,  Giuglini,  Graziani,  Malvezzi 
Fioravanti,  Meo  et  Angelini. 

La  seconde  partie  du  concert,  composée  de  morceaux  choisis  de 
maîtres  illustres,  a  été  applaudie  comme  la  première.  Vers  deux  heu- 
res du  matin  seulement  on  s'est  séparé,  chacun  louant  à  l'envi  l'orga- 
nisation et  l'éclat  de  cette  fête  à  laquelle  rien  n'avait  manqué,  et  dont 
le  ministre  d'Italie  et  Mme  la  marquise  Pepoli,  aidés  de  leurs  char- 
mantes filles,  ont  fait  les  honneurs  avec  l'exquise  cordialité  et  l'affec- 
tueuse bonne  grâce  qui  distinguent  leurs  habitudes  d'hospitalité. 

D. 


NOUVELLES. 


***  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  les  Huguenots  ont  exercé,  lundi 
dernier,  leur  influence  ordinaire  sur  le  public,  et  la  représentation  du 
chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  très-brillante.  M.  et  Mmes  Geymard, 
Faure  et  Belval  s'y  sont  notamment  distingués.  Dans  la  Juive,  qu'on  a 
donnée  mercredi,  Mlle  Sax  et  Villaret  ont  eu  les  honneurs  de  la  soirée 
et  vendredi  Moïse,  dont  l'indisposition  de  Mlle  Battu  avait  interrompu 
les  représentations,  avait  attiré  une  grande  affluence. 

**,,.  Le  titre  du  nouveau  ballet,  dont  la  première  représentation  doit 
avoir  lieu  cette  semaine,  est  la  Maschera  ou  les  Xuits  de  Venise. 

i**  Le  nouvel  ouvrage  en  un  acte  de  MM.  Corrnou,  Carré  et  Boulan- 
ger intitulé  provisoirement  Daniel,  suivra  de  près  ce  ballet  et  sera 
chanté  par  Mlle  Leveilli,  MM.  Warot,  Cazaux  et  Grisy. 

t%  La  nouvelle  publiée  par  plusieurs  journaux,  que  Meyerbeer  se 
proposerait  de  donner  l'opéra  de  Judith  au  théâtre  Lyrique,  est  tout 
à  fait  dénuée  de  fondement. 

**„.  A  l'Opéra-Comique,  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe  continue  de  remplir 
la  salle.  Un  succès  durable  paraît  de  plus  en  plus  assuré  à  la  char- 
mante partition  d'Auber. 

»%  L'engagement  d'Adelina  Patti  a  été  prolongé  jusqu'à  la  fin  du  mois 
d'avril.  A  sa  seconde  apparition  dans  il Barbiere elle  a  dû  répéter  la  Gioja 
insolita,  la  charmante  valse  de  Strakosch  qu'elle  avait  intercalée  dans  la 
leçon  de  chant.—  Le  début  du  baryton  Aldighieri  qui  devait  avoir  lieu 
dans  la  Traviata  est  ajournépar  suite  de  son  indisposition.  —  Mme  Spe- 
zia,  soprano  dramatique,  fort  renommée  en  Italie,  va  débuter  prochai- 
nement dansA'orma. 

***  Au  premier  jour,  le  théâtre  Italien  reprendra  Maria  di  Rohan, 
de  Donizetti,  chantée  par  MMmes  Charton-Demeur,  Méric-Lablache, 
MM.  Delle-Sedie  et  Nicolini. 

***  Après  ses  représentations  d'il  Barbiere,  Mlle  Patti  abordera  Marta, 
pour  la  première  fois  à  Paris,  avec  Mario,  Delle-Sedie  et  Mme  Lablache 
pour  partenaires. 

***  La  reprise  des  Bavards,  le  grand  succès  de  l'année  dernière  aux 


38 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Bouffes-Parisiens,  retardée  par  indisposition  de  Mme  Ugalde,  a  eu  lieu 
vendredi  derant  une  nombreuse  assemblée  qui  avait  envahi  toutes  les 
places,  et  avec  le  succès  le  plus  brillant.  Le  joyeux  ouvrage  d'Offen- 
bach  a  paru  encore  mieux  placé  dans  le  cadre  agrandi  de  la  nouvelle 
salle,  et  l'effet  y  a  dépassé  celui  qu'il  avait  produit  sur  l'ancienne  scène, 
beaucoup  trop  étroite  pour  les  chœurs  et  les  personnages  assez  nombreux 
de  cette  opérette.  Mme  Ugalde  aussi  en  a  profité  pour  s'y  faire  mieux 
entendre  :  elle  y  semblait  plus  a  l'aise,  et  elle  a  déployé  une  verve 
et  un  talent  vraiment  admirables  dans  le  rôle  de  Roland  qui  restera  cer- 
tainement l'un  des  meilleurs  de  sa  brillante  carrière.  Elle  a  été  fêtée  et 
applaudie  de  la  manière  la  plus  chaleureuse,  et  a  obtenu,  notamment 
dans  les  fameux  couplets  bachiques  :  C'est.  l'Espagne,  un  vrai  triomphe. 
Interrompue  à  plusieurs  reprises  par  des  bravos  unanimes,  elle  a  dû 
les  répéter  à  la  demande  générale  et  reparaître  à  la  fin  du  spectacle. 
Désiré  et  Georges,  l'alcalde  et  son  greffier,  Mlles  Tostée  et  Taffanel, 
qui  a  remplacé  avantageusement  Mlle  Thompson,  complétaient  l'excel- 
lent ensemble,  et  les  Bavards,  ainsi  interprétés,  fourniront,  selon  toute 
apparence,  une  longue  série  de  représentations  fructueuses. 

„,%  La  semaine  passée,  Desmonts  a  remplacé  Désiré,  indisposé,  dans 
Lischen  et  Fritzehen,  dont  le  succès  augmente  à  chaque  représentation 
et  qui  tend  à  devenir  populaire. 

*%  Deux  opérettes  en  un  acte,  Rosette,  musique  de  Canoby,  et  la  Barbe 
de  Bétasson,  composée  par  Georges  Douay.  ont  été  représentées  avec  suc- 
cès au  théâtre  des  Champs-Elysées.  Ces  œuvres  légères  ne  manquent 
pas  d'un  certain  mérite. 

*%  Voici  le  programme  du  7e  concert  de  musique  classique  qui  aura 
lieu  aujourd'hui  au  Cirque  Napoléon  :  Ouverture  de  Médèe,  de  Cheru- 
bini;  Symphonie  (n°  51),  de  Haydn;  Ouverture  de  Coriolan,  de  Bee- 
thoven; Adagio  du  quintette  (op.  108),  de  Mozart,  exécuté  par  M.  Au- 
roux  (clarinette),  et  tous  les  instruments  à  cordes;  le  Songe  d'unenuit 
d'été,   de  Mendelssohn.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Pasdeloup. 

»%  Dimanche  dernier,  l'excellent  violoncelliste  Piatti  s'est  fait  en- 
tendre pour  la  seconde  fois  au  concert  du  Cirque  Napoléon.  11  a  joué 
une  sonate  de  Boccherini,  avec  un  simple  accompagnement  de  piano 
Dans  ce  morceau,  dont  le  premier  mouvement  surtout  est  rempli  de  ce 
charme  mélodieux  que  Boccherini  savait  imprimer  à  presque  toutes 
ses  œuvres,  l'habile  virtuose  a  tiré  de  son  instrument  des  sons  d'une 
puissance  égale  à  celle  de  la  voix  humaine.  Il  a  été  plusieurs  fois 
salué  des  applaudissements  de  la  salle  entière.  L'andante  d'Haydn,  qui 
venait  ensuite,  n'a  pas  été  moins  généralement  goûté. 

*%  Plusieurs  journaux  annoncent  qu'une  magnilique  statue  en  bronze 
de  Rossini,  due  au  ciseau  du  célèbre  sculpteur  Marochetti,  a  été  offerte 
à  la  ville  de  Pesaro  par  M.  le  marquis  de  Salamanca  et  M.  Delahante, 
directeurs  des  chemins  de  fer  romains.  A  cette  occasion,  il  s'est  formé 
une  société  qui  a  pris  le  nom  de  Société  llossini,  et  s'est  chargée  de 
pourvoir  à  tous  les  frais  de  l'inauguration  de  cette  statue.  Le  monu- 
ment sera  élevé  sur  la  place  la  plus  voisine  de  la  station  du  chemin  de 
fer,  et  cette  place  prendra  le  nom  de  place  Rossini.  On  pense  que  la 
fête  d'inauguration  aura  lieu  le  29  février,  jour  anniversaire  de  la  nais- 
sance de  l'illustre  auteur  de  Guillaume  Tell  et  du  Barbier. 

***  J.  Offenbach  a  eu  l'honneur  d'être  reçu  en  audience  par  S.  M. 
l'empereur  d'Autriche,  qui  a  daigné  permettre  au  compositeur  de  tant 
d'œuvres  populaires  de  lui  dédier  son  nouvel  opéra,  les  Sylphides  du  Rhin, 
en  ce  moment  à  l'étude  au  théâtre  de  la  cour. 

j  ***  La  reine  d'Espagne,  qui  avait  récemment  décoré  M.  Strakosch  de 
l'ordre  de  Charles  111,  a  accordé  la  même  distinction  à  MM.  Mario  et 
Na.udin. 

**»  On  annonce  la  prochaine  arrivée  à  Paris  d'un  pianiste  d'une  grande 
distinction,  M.  Prulkner,  élève  de  Liszt.  M.  Prulkner  donnera  un  con- 
cert chez  ErarJ,  le  1er  mars. 

*%  Roger  continue  de  charmer  le  public  bruxellois.  Dans  le  rôle  de 
Raoul  des  Huguenots  son  succès  a  été  immense  ;  ses  représentations  au 
théâtre  de  la  Monnaie  se  prolongeront  probablement  pendant    un  mois. 

***  Un  nombreux  public  assistait,  samedi  passé,  à  l'audition  donnée 
àlasallePleyel  par  E.  Ketterer,  quia  été  souvent  etjustement  applaudi. 
Des  morceaux  de  chant  d'A.  Mutel,  parmi  lesquels  la  Chanson  du  mar- 
chand de  mouron,  chantée  par  M.  Archainbaud  et  Mme  Peudefer,  ont 
également  beaucoup  plu. 

»%  Mme  Volpini  vient  de  débuter  au  théâtre  del  Liceo,  à  Barcelone, 
dans  le  rôle  de  Marta,  et  y  a  été  accueillie  brillamment.  Elle  a  été  rap- 
pelée plusieurs  fois,  et  a  dû  répéter  l'air  de  la  Rose,  qu'elle  a  chanté 
avec  beaucoup  de  charme. 

*%  Mlle  Tietjens  s'est  trouvée  à  Paris  la  semaine  passée,  se  rendant 
à  Naples,  où  elle  est  engagée  au  théâtre  de  San-Carlo  pour  une  série  de 
représentations. 

»**  M.  Chauvet,  orgauiste  de  Saint-Bernard,  vient  d'être  nommé  au 
grand  orgue  de  Saint-Merry,  à  la  suite  d'un  concours. 

***  François  Kullack,  excellent  pianiste  et  fils  du  célèbre  Th.  Kul- 
lack,  à  Berlin,  se  propose  de  donner  un  concert  le  17  février  dans  les 


salons  d'Érard.  Un  vif  intérêt  s'attache  à  cette  audition  du  jeune   pia- 
niste. 

„,**  Au  concert  que  donnera  Mme  Robinson,  jeudi  prochain,  dans  les 
salons  d'Érard,  l'excellente  pianiste  anglaise  jouera  deux  fantaisies  de 
Tlialberg  et  quatre  morceaux  de  sa  composition  intitulés  :  la  Constance, 
les  Etincelles,  Marche  funèbre  et  Fête  rustique. 

„,%  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo  et  Mas  donneront,  avec  le  con- 
cours de  Mme  Massart,  leur  deuxième  séance  mercredi  prochain  : 
Le  trio,  en  ré  mineur,  de  Mendelssohn;  le  premier  quatuor,  de  Beet- 
hoven, la  sonate,  en  soi  mineur,  de  Mozart,  pour  piano  et  violon;  et  le 
70e  quatuor  de  Haydn,  y  seront  exécutés. 

**»  La  fantaisie  pour  le  piano,  que  Paul  Bernard  a  composée  sur  des 
thèmes  de  Moïse,  à  peine  publiée,  se  trouve  déjà  entre  les  mains  d'un 
très-grand  nombre  d'amateurs  du  talent  si  distingué  de  l'excellent  com- 
positeur-pianiste. Les  principaux  thèmes  de  l'opéra  de  Rossini  y  sont 
traités  d'une  manière  fort  ingénieuse,  et  en  font  un  morceau  d'un  très- 
grand  effet. 

*%  Au  dernier  concert  donné  par  le  Cercle  de  l'Union  artistique,  on  a 
exécuté  plusieurs  œuvres  inédites  fort  remarquables  :  un  chœur,  les 
Dryades,  du  prince  de  Polignac;  des  fragments  d'une  symphonie  inédite, 
d'Hector  Salomon,  et  un  chœur,  Otahiti,  d'Aristide  Hignard. 

***  La  composition  la  plus  récente  d'Alfred  Jaëll,  qui  obtient  tant  de 
succès  dans  ses  concerts,  vient  de  paraître  et  se  trouvera  bientôt  sur 
tous  les  pianos.  Nocturne  dramatique  en  est  le  titre. 

*%  C'est  demain,  lundi,  que  le  concert  de  Sarasate  aura  lieu  dans 
la  salle  Herz. 

a,**  Le  Musical  World  de  Londres  rend  compte  d'un  premier  concert 
public  qui  a  eu  lieu  dans  l'empire  du  Japon,  dans  la  ville  de  Yokohama. 
C'est  au  mois  de  septembre  que  ce  concert,  ainsi  que  plusieurs  autres, 
a  été  donné  par  des  artistes  anglais,  miss  Bailey,  cantatrice,  et  M.  Mar- 
quis-Chisholm,  pianiste.  Les  habitants  les  plus  distingués  de  la  ville  y 
assistaient,  et  c'est  le  cas  de  dire  que  les  artistes  ont  fait  sensation. 
Le  journal  anglais  ne  donne  qu'un  aperçu  succinct ,  mais  promet 
pour  son  prochain  numéro  un  compte  rendu  détaillé. 

„**  Le  premier  concert  de  M.  Camille  Saint-Saëns  aura  lieu  dans  les 
salons  Pleyel-Wolff  et  C%  le  vendredi  22  février,  avec  le  concours  de 
Mme  Talvo-Bedogni  et  de  MM.  White  et  Lasserre.  En  voici  le  pro- 
gramme :  1.  Premier  concerto  (ut  majeur,),  de  Mozart;  E.  Camille 
Saint-Saëns  ;  2.  Le  lac,  mélodie  de  M.  C.  Saint-Saëns  :  Mme  Talvo- 
Bedogni  ;  3.  Morceau  de  fantaisie  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  de 
R.  Schuman  :  MM.  Saint-Saëns,  "Withe  et  Lassere  ;  4.  A.  Le  Sommeil 
des  Fleurs,  B.  L'Attente,  mélodies  de  M.  C.  Saint-Saëns  :  Mme  Talvo- 
Bedogni  ;  5.  Sixième  concerto  (mi  bémol),  de  Mozart  :  M.  Camille 
Saint-Saëns.  L'orchestre  sera  conduit  par  M.  Seghers. 

***  Notre  excellent  pianiste  W.  Kruger  donnera,  le  22  février,  un 
concert  avec  orchestre  à  la  salle  Herz.  M.  Kruger  y  fera  entendre,  entre 
autres  œuvres,  son  deuxième  concerto  pour  piano,  qui  a  obtenu  un  si 
grand  succès  au  concert  donné  par  l'éminent  artiste,  l'été  dernier,  à 
Stuttgard. 

*%  Mardi  prochain  aura  lieu,  dans  les  salons  de  Pleyel,  Wolff  etCie, 
un  grand  concert  vocal  et  instrumental,  donné  par  Henri  Ketten,  avec 
le  concours  de  MlleRosa  Ketten,  MM.  Elie  Pilo,  Vizentini,  Gradewohl  et 
S.  Lee.  Le  programme  en  est  fort  intéressant,  et  le  jeune  virtuose  l'est 
encore  davantage.' 

„.*„,  Demain  soir,  M.  Silvestro  Nicosia,  excellent  violoniste,  donnera 
un  concert  dans  la  salle  de  Pleyel-Wolff. 

„*<[  La  librairie  Castel  va  mettre  en  vente,  le  5  février  prochain,  un 
nouvel  ouvrage  de  M.  A.  Elvvart,  qui  nous  paraît  destiné  à  obtenir  un 
véritable  succès.  C'est  l'Histoire  de  la  société  des  concerts  populaires  de 
mufique  classique.  Joli  volume  in-18  de  trois  cents  pages,  dans  lequel 
nous  avons  remarqué  les  programmes  annotés  des  trois  années  ;  six  es- 
quisses sur  la  vie  des  grands  maîtres  de  la  symphonie  et  quelques 
pièces  de  vers  qui  ne  dépareraient  pas  YAlmannch  dei  muses,  s'il  était 
encore  de  ce  monde.  Pour  garantir  au  livre  de  M.  Elwart  la  popularité 
la  plus  étendue,  l'éditeur  en  a  fixé  le  prix  à  50  c. 

*%  L'Athénée  musical,  boulevard  Saint-Germain,  tient  toutes  ses  pro- 
messes. Chaque  soir,  une  foule  compacte  se  réunit  dans  ce  bel  établis- 
sement pour  entendre  et  applaudir  les  œuvres  vocales  et  instrumentales 
des  meilleurs  compositeurs.  La  semaine  passée,  deux  nouveaux  chœurs 
ont  paru  sur  l'affiche:  le  Co7iscrit,àe  Kiicken,  et,  Près  du  Fleuve  étran- 
ger, de  Gounod.  Ils  ont  été  bien  accueillis  par  le  public. 

„,*.,,  La  dixième  séance  de  musique  de  chambre  de  la  Société  na- 
tionale des  Beaux-Arts,  26,  boulevard  des  Italiens  (section  de  musique), 
sous  la  présidence  de  M.  Félicien  David,  n'aura  lieu  que  dans  les  pre- 
miers jours  de  février,  à  l'époque  de  l'ouverture  de  l'exposition  inédite 
des  peintures,  sculptures,  gravures  et  dessins  des  artistes  sociétaires. 

„%  Sous  ce  titre  :  Aventures  d'un  imprésario,  la  librairie  Dentu  met 
en  vente  un  charmant  volume,  qui  contient  tout  un  roman  d'aventures 
en  miniature.  Contrairement  aux  écrivains  ordinaires  de  ces  petits 
livres,  l'auteur,  M.  Octave  Féré,  a  visé  à  l'intérêt  et  non  au  scandale. 
Ce  récit,  où  figurent  les  noms  les  plus  renommés  du  théâtre  contem- 
porain, offre  un  entrain  et  une  gaieté  qui  en  garantissent  le  succès. 


L>E  PARIS. 


s  g 


„,*„  Le  Prophète  de  Meyerbeer  doit  être  joué  bientôt  en  langue 
hongroise  à  Klausenbourg.  Les  meilleurs  artistes  du  théâtre  de  cette  ville 
hongroise  sont  :  la  prima  donna  Mlle  Eéhérvari,  engagée  précédemment 
à  l'opéra  de  Turin,  et  les  deux  tinors  Dalnoky  et  Fckter. 

,%  Le  mardi  2  février,  à  II  heures,  jour  de  la  présentation  de  Notre 
Seigneur  et  de  la  purification  de  la  sainte  Vierge,  l'Association  des  artistes 
musi-  ciens  de  France  célébrera  cette  fête  en  faisant  entendre,  en  l'église 
Saint-Vincent-de-Paul,  et  sous  la  direction  de  l'auteur,  la  deuxième 
messe  de  M.  V.  F.  Verrimst,  à  grand  orchestre,  avec  soli  et  chœurs. 
Les  chœurs  seront  dirigés  par  M.  Mulot,  maître  de  chapelle  de  cette 
église.  Le  grand  orgue  sera  tenu  par  M.  Durand,  et  l'orgue  d'accom- 
pagnement par  M.  Taite.  Le  produit  des  chaises  et  de  la  quête  est  destiné 
à  la  caisse  de  secours  de  la  Société  des  artistes  musiciens.  Les  person- 
nes qui  désireraient  se  procurer  à  l'avance  des  places  réservées,  peuvent 
s'adresser  à  il.  Bolle-Lasalle,  agent-trésorier  de  l'œuvre,  rue  de  Uondy,  68. 

*%  Strauss  a  fait  entendre,  au  bal  de  l'Opéra  d'hier,  pour  la  pre- 
mière fois  sa  grande  valse  sur  Lischen  et  Fritzchen,  qu'il  a  dû    répéter. 

„%  Dans  le  courant  de  l'année  dernière,  M.  Edm.  Van  der  Straeten 
d'Audenarde,  jeune  musicologue,  qui  s'est  déjà  signalé  par  plusieurs 
importantes  découvertes,  a  été  attaché  aux  Archives  générales  du 
royaume ,  à  Bruxelles.  Quelques  mois  à  peine  se  sont  écoulés,  et  voilà 
qu'il  annonce  un  ouvrage  des  plus  intéressants,  tout  plein  de  documents 
nouveaux  sur  l'histoire  musicale  des  provinces  belges.  La  Musique  aux 
Pays-Bas  avant  le  XIX*  siècle,  tel  est  le  titre  du  livre  dans  lequel 
M.  Vau  der  Straeten  donne  le  catalogue  des  compositions  que  pos- 
sédait l'un  des  musiciens  dont  il  esquisse  la  biographie,  J.-B.  Dan- 
deleu,  surintendant  du  comte  de  Furstemberg,  décédé  à  Bruxelles 
en  1667.  Les  archives  du  royaume  possèdent  deux  listes  de  ces  com- 
positions, l'une  vraisemblablement  faite  par  le  propriétaire  lui-même, 
et  l'autre,  plus  détaillée,  donnant  presque  textuellement  le  titre  des 
ouvrages  possédés  par  J.-B.  Dandeleu.  M.  Van  der  Straeten  publie 
ces  listes,  et  il  met  ainsi  au  jour  des  centaines  d'oeuvres  inconnues.  Les 
grands  maîtres  d'Italie  et  de  Flandre  y  sont  représentés  par  des  pro- 
ductions magistrales  :  madrigaux,  chansons  à  diverses  parties,  compo- 
sitions instrumentales,  livres  de  science,  musique  sacrée,  musique 
profané,  instruments  divers,  il  y  a  tout  dans  ce  catalogue,  et  nous 
n'hésitons  pas  à  dire  qu'il  forme  à  lui  seul  une  mine  précieuse  pour 
l'histoire  de  l'art  du  moyen  âge. 

„%  M.  J.-J.  Soubre,  le  doyen  des  marchands  de  musique  en  Belgique 
et  le  père  du  directeur  du  Conservatoire  de  Liège,  M.  Etienne  Soubre, 
est  mort  à  l'âge  de  soixante- seize  ans. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

„%  Bordeaux,  25  janvier.  —  M.  Biche-Latour,  directeur  des  théâtres 
de  cette  ville  ayant  suspendu  ses  paiements,  a  été  déclaré  en  état  de 
faillite.  Les  artistes  abandonnés  à  eux-mêmes  ont  prié  M.  Mézeray, 
l'excellent  chef  d'orchestre,  qui  depuis  vingt  ans  dirige  avec  autant 
de  talent  que  de  zèle  le  grand  opéra,  de  se  mettre  à  leur  tête  comme 
directeur  gérant.  M.  Mézeray  a  accepté  cette  mission,  et  à  ce  sujet 
il.  le  maire  de  Bordeaux  lui  a  fait  l'honneur  de  lui  écrire  une  lettre 
que  les  journaux  ont  publiée.  Dans  la  représentation  des  Noces  de  Fi- 
garo, donnée  dernièrement  par  ses  soins  et  à  son  bénéfice,  une  très- 
belle  couronne  en  or  avait  été  déposée  sur  son  pupitre  par  les  acteurs 
aux  applaudissements  de  toute  la  salle.  On  annonce  que  M.  Bernard, 
directeur  à  Strasbourg,  est  nommé  directeur  à  Bordeaux  pour  la  campa- 
gne prochaine. 

t*t  Rennes.  —  Le  concert  donné  par  le  ténor  Altavilla  et  les  frères 
Lainoury  leur  a  valu  de  chaleureux  bravos.  M.  d'Altavilla  a  obtenu 
de  vifs  applaudissements  en  chantant  les  principaux  morceaux  de  son 
répertoire,  où  il  a  montré  une  voix  remarquable  de  timbre  et  d'éten- 
due, une  ^méthode  irréprochable.  Les  frères  Lamoury  ont  été  vive- 
ment applaudis  dans  une  fantaisie  de  Vieuxtemps,  un  duo  sur  les  Hu- 
guenots et  le  rondo  militaire  de  Servais.  Même  succès  pour  ces  ar- 
tistes dans  le  concert  donné  à  Laval  le  21  janvier. 

%%  La  Rochelle.  —  La  Société  philharmonique  a  donné  au  théâtre 
un  premier  concert  populaire  qui  a  parfaitement  réussi.  On  remarquait 
parmi  les  auditeurs  bon  nombre  de  marins,  de  mousses,  d'ouvriers  en 
blouse,  de  paysans  qui  ont  très-chaleureusement  applaudi  les  œuvres 
capitales  qu'on  a  exécutées.  Les  loges  étaient  occupées  par  toutes  les 
dames  de  la  haute  société;  moins  celles  qui,  en  fort  brillantes  toilettes, 
faisaient  partie  des  chœurs.  C'est  un  exemple  que  toutes  les  sociétés 
philharmoniques  des  départements  feront  bien  d'imiter. 

„%  Lille.  —  Mlle  de  la  Pommeraye  a  donné  plusieurs  représentations 
et  y  a  fait  preuve  de  talent.  Mme  Barbot  s'est  fait  entendre  dans  3a 
guarita  et  y  a  obtenu  un  très  -  beau  succès.  On  monte  l'Étoile  du 
Nord;  Mme  Barbot  chantera  le  rôle  de  Catherine. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


*%  Bruxelles.—  Roger  est  en  ce  moment  le  hérjs  du  théâtre  de  la 
Monnaie.  Après  de  grands  succès,  qu'il  a  obtenus  dans  Lucie  et  la  Fa- 
vorite, il  vient  d'exciter  l'enthousiasme  dans  le  rôle  de  Raoul  des 
Huguenots.  —  Une  brillante  reprise  des  Dragons  de  Villars  a  eu  lieu. 
Mlle  Borghèse,  qui  avait  créé  d'une  façon  si  originale  le  rôle  de  Rose 
au  théâtre  Lyrique,  à  Paris,  s'y  est  produit  pour  la  première  fois  à 
Bruxelles,  et,  sans  faire  oublier  Mme  iiayer-Boulard  qui  a  chanté  tant 
de  fois  ici  aux  applaudissements  unanimes  le  mélodieux  opéra  de 
Maillart,  elle  a  su  gagner  tous  les  suffrages.  —Mme  Ferraris  vient  d'être 
engagée  et  est  attendue.  —  Le  concert  du  Conservatoire  nous  adonné  la 
deuxième  symphonie  ae  M.  Fétis.  L'auteur  dirigeait,  c'est-à-dire  que 
l'exécution  a  été  supérieure,  digne  des  interprètes  et  de  l'ouvrage  dont 

une  seconde   audition  vient  de  confirmer  le  succès  de  la  première.  

La  brillante  pianiste,  Mme  Grœver,  et  une  jeune  cantatrice,  Mlle  Ver- 
cken,  se  sont  fait  entendre  au  même  concert.  Mme  Grœver  a  exécuté 
le  concerto  national  hollandais  de  Litolff  :  une  des  premières  places 
lui  appartient  parmi  les  femmes  virtuoses.  Le  public  a  tenu  à  le 
lui  prouver  par  d'unanimes  applaudissements.  Une  bonne  méthode 
distingue  surtout  Mlle  Vercken.  Elle  a  chanté  le  grand  air  de  Cvociaio 
et  a  été  récompensée  par  un  succès  légitime  —  M.  Brassin  a  repris,  au 
Cercle  artistique,  ses  séances  de  musique  classique.  11  y  a  joué  trois  so- 
nates de  Beethoven,  l'ouv.  7,  l'ouv.  18,  n.  2  et  l'ouv.  27,  n.  2.  Un  au- 
ditoire nombreux  lui  a  témoigné  la  plus  vive  admiration  pour  son  beau 
talent. 

»%  La  Haye.  —  Mlle  Ella  de  Schultz,  la  brillante  pianiste  russe,  qui 
s'était  signalée,  dès  l'année  dernière,  dans  un  concert  à  la  salle  Dili- 
gentia,  vient  de  se  faire  entendre  de  nouveau  à  la  cour  ;  elle  a  aussi 
donné  un  concert  avec  Mlle  Artot.  Dans  une  soirée  où  M.  Servais  re- 
paraissait dans  toute  la  force  et  tout  l'éclat  de  son  talent  de  compo- 
siteur et  de  virtuose,  Mlle  Ella  Schultz  a  été  rappelée  trois  fois.  Des 
ordres  supérieurs  l'obligeant  à  retourner  en  Russie,  elle  n'a  pu  se  ren- 
dre aux  pressantes  invitations  de  plusieurs  villes  importantes,  telles 
qu'Amsterdam  et  Utrecht. 

„%  Cologne.  —  Carlotta  Patti  vient  de  se  faire  entendre  ici  et  a 
obtenu  un  très-grand  succès.  La  célèbre  cantatrice  n'a  pas  produit 
moins  d'effet  à  Aix-la-Chapelle,  où  elle  a  donné  un  brillant  concert. 
Au  sixième  concert  d'abonnement,  Alfred  Piatti  a  joué  un  concerto  de 
sa  composition  et  a  été  beaucoup  applaudi.  Mlle  Julie  Rothenberg  a 
parfaitement  chanté  l'In/lammatus  du  Slabat  de  Rossini.  Dans  la 
deuxième  partie  du  concert  a  été  exécutée  la  neuvième  symphonie  de 
Beethoven. 

„.'%  Mayence.] —  Un  nouvel  opéra  en  trois  actes,  Rosita,  composé  par 
M.  R.  Gênée,  chef  d'orchestre  de  notre  théâtre,  a  obtenu  un  franc 
succès. 

„**  Hambourg.  —  Mlle  Tietjens  nous  a  quittés,  après  nous  avoir  fait 
ses  adieux  dans  le  rôle  de  Valentine.  On  attend  Mlle  Lucca  qui  doit 
donner  une  série  de  représentations  depuis  le  30  janvier  jusqu'au  14  fé- 
vrier :  toutes  les  loges  et  stalles  sont  louées  d'avance. 

„,**  Berlin.  —  A  propos  de  la  fête  de  l'ordre,  le  théâtre  royal  de 
l'Opéra  a  donné  le  deuxième  acte  du  Camp  de  Silésie,  précédé  de  l'ou- 
verture, par  Meyerbeer.  Au  théâtre  F.  Wilhelmstadt,  une  Société  ita- 
lienne doit  commencer  une  série  de  représentations,  sous  la  direction 
du  maître  de  chapelle  Orsini.  Voici  le  personnel  de  cette  Société  : 
Mmes  Kennet  et  Lustani,  Mmes  Agretti,  Fagotti,  Revi  et  Marini. 

,.%  Vienne.  —  Quoique  les  répétitions  de  la  Rhein  Nixe  d'Offenbach 
aient  été  interrompues  un  moment,  on  annonce  la  première  représen- 
tation pour  le  30  janvier.  Au  cinquième  concert  philharmonique  Bauer 
a  joué  le  concerto  en  mi  bémol  mineur  de  Beethoven,  et  l'éminent 
pianiste  a  obtenu  un  vrai  triomphe.  Dans  la  même  soirée  a  été  exécutée 
une  ouverture  â'Aladin,  œuvre  inédite  de  L.  Keinecke. 

„,%  Dresde.  —  A  la  fin  d'une  représentation  d'Armide,  de  Gluck,  le 
feu  prit  aux  vêtements  de  Mme  Burde-Ney,  pendant  qu'elle  se  tenait 
debout  dans  son  char  traîné  par  des  dragons.  Le  machiniste  Haenel 
parvint  à  étouffer  les  flammes,  non  sans  se  blesser  assez  grièvement  aux 
mains.    Mme  Burde-Ney  en  fut  quitte  pour  quelques  brûlures  au  bras. 


Le  Directeur  :   S.  DtlFOCK. 


Chez  E.  GJROD,  éditeur,  boulevard  Montmartre,  16: 

EBna©s;»El.i,B5  (Jaskoleczka).  Mazurka  avec  paroles  françaises  et  po- 
lonaises, pour  voix  seule.  Traduction  du  polonais  par  H.  Barbedette, 
musique  de  A.  Sowiiisfc».  Net  1  franc. 


40 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PAPIS. 


Chez  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1er. 


QUATRE  MARCHES  AUX  FLAMBEAUX 


Composées  pour  musique  militaire  par 


CrlâGOMO    HEEYEBBEBB, 

Arrangées  pour  ORCHESTRE  ORltn'AIRE  par  Wleprecht. 


lre  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  si  bémol  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 6     » 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains 7  50 


2e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  mi  bémol  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 7  50 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains  ......  10    » 

BURGMULLER.  Souvenir  de  la  Marche  aux  flambeaux 


3e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  ut  mineur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 
La  même,  arrangée  pour  les  instruments  de  Sax,  par  Mohr.   .    .  18 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 9 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  E.  Wolff.  10 


4e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  ut  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 9    > 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains 40 

de  Meyerbeer,  morceau   de   salon  pour  le  piano,  7  fr.  50. 


OUVERTURE 

Grande  partition    et    parties 

d'orchestre,  chaque.   ...  24 

La  même,  arrangée  pour  piano  9 

Ai  rangée  à  quatre  mains.  .   .  10 


STRUENSEE 


POLONAISE 

Grande   partition    et  parties 

d'orchestre,  chaque.  ...  20  » 
La  même,  arrangée  pour  piano  7  50 
Arrangée  à  quatre  mains  .  .    9    » 


SCHILLER  -MARSCH 

Composée  pour  la  célébration  du  100e  anniversaire  de  la  naissance  de  Schiller. 

Grande  partition 28    »    |    Parties  d'orchestre  .   ...  24    » 

Arrangée  pour  le  piano,  par  Chariot 7  50 

Arrangée  à  quatre  mains,  par  E.  Wolff 10     » 

Liszt.  —  Transcription,  morceau  de  concert 10    » 


MARCHE  DU  COURONNEMENT 

Composée  pour  le  sacre  du  roi  Guillaume  Ier  de  Prusse. 

Pour  2  orchestres,  grande  partition  et  parties  d'orchestre,  chaq.  30 

La  même,  arrangée  pour  un  orchestre,  parties  d'orchestre  ...  24 

Arrangée  pour  le  piano,  par  Kullack 9 

Arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  Brissler 10 


OUVERTURE    EN    FORME  DE    MARCHE,    composée   pour   i'îiiaiigiirn(3on  de  l'Exposition   universelle  de  londres. 

Grande  partition,  24  fr.  —  Parties  d'orchestre,  24  fr.  —  Arrangement  pour  le  piano,  10  fr.  —  Arrangement  à  quatre  mains  42  fr. 


MORCEAUX  NOUVEAUX  POUR  LE  PIANO 


STEPHEN  HELLER 


Feuilles  d'automne. 
Op.  109.  —  Prix:  9  fr. 


PAUL  BERNARD 


Fantaisie  sur  Moïse,  de  Rossini. 
Op.  74-  —  Prix:  9  fr. 


VINCENT  ADLER       0p.  T-Z^%.  50. 


ALFRED  JAELL 


Nocture  dramatique. 
Od.   122.  —  Prix  :  6  fr. 


t\      nuinATïTC     Finale  du  3e  acte  de  Moïse,  transcrip.  de  concert 
[).    lllfiblMllo  Op.  100.  —  9  fr. 


L.-P.    GERVILLE 


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Rêverie  de  jeune  fille. 
Op.   70.    —  Prix  :  »  fr. 


(1       IMl'D'DlïlïT'îï  T  P     Polka-Galop  de  concert  sur  le  Prophète, 
i.     U/ltiJDlii  VILLEj  de  "       ■ 


i  Meyerbeer.  —  Prix:  6  fr. 


ED.    WOLFF 


Duo  sur  les  Bavards,  de  J.  Offenbach. 
Op.  254.  —  Prix  :  9fr. 


JDIlMMUt  Souvenirs  de  l'Opéra  français, 

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Sur  les  plus  célèbres  opéras. 

Paru  :  10  numéros.  —  Prix  de  chaque  :  6  fr. 


uxam  it  Fin™ 

Conversation  alsacienne, 
Paroles    de    PAXJIi    JBOISSEI<OT,    musique  de 

4ACQUES  OFFENBACH 

LES    AIRS    DÉTACHÉS    DE    CHANT  : 

1 .  Couplets  chantés  par  Désiré  :  Me  chasser,   me  forcer  à  lais- 

ser mon  service 3 

2.  Chanson  chantée  par   Mlle  Bouffar:  P'tits  balais,  je   vends 

des  toutes  p'tits  balais 4 

3.  Duo  :  Je  suis  Alsacienne.  —  Je  suis  Alsacien 6 

4.  Fable  chantée  par  Mlle  Bouffar  :   Eïnmal  eine  rat  de  ville 

invite  eine  ralz'  des  champs 3 

STKAl'SS.  —  Grande  valse  pour  le  piano 6    » 

jtKBAlv.  —  Polka  pour  le  piano 4    » 

SOUS  PRESSE  : 

La  Partition  pour  Chant  et  Piano  avec  Dialogue, 

Format  in-è°.  —  Prix  net  :  5  francs. 


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Musique  de  ROSSINI 

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CHANT  DES  PIFFERARI 

Musique  de  CGVAGHI 

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Charité    par    BERTHELIER    dans 

LE     PIFFERARO 

Joué  au  théâtre  du  Palais-lloyal. 


nirsitiFtin:  ceiwtbale  de  n\poieon  i 


:  ET   C«,  BLE  BKHCKKE,   20. 


BUREAUX    A   PARIS  :  BOULEVARD    DES   ITALIENS,   11. 


31e  Année, 


N°  6. 


7  Février  1861 


ON  S'ABONNE  : 
Dans  Us  DÊporlemeiUs  et  ;i  L'Étranger, 

f.ms   lis    Miirrtinnils  île    Musique,  1rs  Lilirai 

■  oui  Bureau*  acs  Messageries  vi  des  Po?ies 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paria, 24  r. par  on, 

Départements,  Belgique'  et  Suisse...      îffi  h        id. 
Étranger 34  »       i<l. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui, 
les  titres  et  la  table  analytique  des  matières  pour 
l'année  18G3. 

Au  prochain  numéro  sera  jointe  une  nouvelle  com- 
position d'ALFRED  JAEIiL  :  Nocturne  dramatique, 
pour  le  piano. 


SOMMAIRE.  —  La  liberté  des  théâtres  au  point  de  vue  musical  (2e  article  ), 
par  Paul  Smith.  —  Théâtre  impérial  italien  :  Don  \Pasqualc  et  Maria  di 
Rohan.  —Auditions  et  concerts.  —  Revue  critique.  —  Revue  des  théâtres, 
par  O.  A.  O.  Sinînt-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DE  LA  LIBERTÉ  DES  THÉÂTRES 

Au  point  de  vue  musical . 

(2S  article)  (1). 

En  résumé,  nous  l'avons  vu,  dix  années  de  liberté    théâtrale  et 
musicale  n'enrichirent  pas  notre  grand  Opéra  d'un  seul  chef-d'œu- 
vre. Pendant  la   crise  révolutionnaire,  les  compositeurs  étrangers 
avaient  fui,  et  ils  ne  revinrent  qu'avec  le  privilège.  De  ces  dix  an- 
nées, il  ne  sortit  qu'un  compositeur  nouveau  pour  l'opéra-comique, 
Boïeldieu,  qui  certainement  serait  arrivé  sous  tout  autre  régime. 
Mais  l'exemple  souvent  n'est  qu'un  miroir  trompeur, 
Et  l'ordre  du  destin,  qui  gêne  nos  pensées, 
N'est  pas  toujours  écrit  dans  les  choses  passées. . . 

Entre  la  fin  du  dernier  siècle  et  notre  époque,  il  existe  des  diffé- 
rences dont  nous  devons  tenir  compte.  D'abord,  l'institution  du  con- 
cours annuel  pour  les  prix  de  composition  musicale  que  décerne 
l'Académie  des  beaux-arts,  ne  date  que  de  1803  :  auparavant  il  n'y 
avait  pas  de  musiciens  allant  à  Rome  et  en  revenant  périodiquement. 
A  cette  heure  où,  dans  une  vive  controverse,  les  avantages  de  ces 
concours,  dont  la  peinture,  la  sculpture,  l'architecture  et  la  gravure 


(1)  Voir  le  n"  52  de  l'année  1863. 


étaient  en  possession  longtemps  avant  l'art  musical,  viennent  d'être 
plutôt  amoindris  que  rehaussés,  nous  dirons  à  notre  tour  ce  que 
nous  en  pensons,  l'œil  fixé  sur  la  liste  des  cinquante  et  quelques 
musiciens  qui,  par  la  grâce  de  Napoléon  Ier,  ont  joui  des  honneurs  du 
laurier  accadémique.  A  moins  d'être  convaincu  que,  dans  l'intérêt  de 
l'art,  on  ne  saurait  trop  décourager  ceux  qui  aspirent  à  devenir  ar- 
tistes, nous  ne  concevons  rien  de  mieux  qu'un  système  dans  lequel 
tout  est  calculé  pour  éveiller  l'espérance,  exciter  l'émulation ,  hâter 
les  progrès.  Ne  voulons-nous  plus  de  maîtres,  plus  d'écoles  ?  C'est 
un  système  comme  un  autre.  Alors  déclarons-le  sans  scrupule  et 
entrons  résolument  dans  cette  voie  ;  mais  tant  que  nous  resterons 
dans  celle  où  nous  sommes,  gardons-nous  de  changements  qui  pour- 
raient la  gâter;  ménageons  les  choses  et  plus  encore  les  per- 
sonnes :  si  nous  tenons  à  de  bons  jugements,  ne  déconsidérons  pas 
les  juges. 

Le  plus  grave  reproche  que  l'on  puisse  faire  au  prix  de  Rome, 
c'est  de  ne  pas  nous  avoir  donné,  depuis  1803,  un  grand  composi- 
teur par  année,  et  même  deux  grands  compositeurs  pour  les  années 
où  le  prix  était  double.  Mais  qui  a  jamais  espéré  cela?  Etait-ce  dans 
le  programme  et  dans  la  pensée  du  fondateur  ?  Le  malheur  commun 
aux  concours  et  aux  écoles,  c'est  qu'on  met  également  à  leur  charge 
les  médiocrités  qui  en  sont  le  produit,  et  les  sommités  qui  viennent 
d'ailleurs.  Avec  le  même  argument  on  battrait  en  brèche  les  collèges, 
qui  fournissent  des  écrivailleurs  par  centaines,  et  qui  n'ont  formé  ni 
Jean-Jacques,  ni  Mme  de  Staël,  ni  Georges  Sand,  ni  Béranger. 

Ce  fut  seulement  à  sa  neuvième  année  que  le  prix  de  Rome  ren- 
contra sa  première  illustration.  Hérold  remporta  ce  prix  en  1812; 
jusque-là  on  l'avait  décerné  à  des  hommes  d'un  mérite  réel,  comme 
Androt,  qui  mourut  presque  le  lendemain  de  son  triomphe  ;  Dour- 
len,  qui  vivait  encore  il  y  a  peu  de  jours  ;  Gosse,  Bouteiller,  Blon- 
deau,  Daussoigne,  Beaulieu,  Chelard,  tous  destinés  à  une  carrière 
honorable,  mais  non  éclatante.  D'après  le  début  on  peut  juger  du 
reste  :  le  prix  de  Rome  continua  comme  il  avait  commencé.  Sur  neuf 
lauréats,  Hérold  seul  eut  plus  que  du  talent  ;  Hérold  seul  se  montra 
vraiment  doué  de  génie  dramatique.  Pour  la  suite,  nous  nous  abs- 
tiendrons des  noms  propres,  afin  de  ne  pas  tomber  dans  la  person- 
nalité; mais  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  proportions  demeu. 
rèrent  toujours  à  peu  près  les  mêmes  :  sur  huit  ou  neuf  artistes  de 
talent,  un  seul  compositeur  s'élevaut  au  premier  ordre  ou  en  appro- 


12 


Revue  et  gazette  musicale 


chant  ;  un  seul  appelé  à  se,  signaler  au  théâtre  par  de  grands  succès. 
Un  tel  résultat  ne  suffl.'t-il  pas  à  la  justification  du  prix  de  Rome? 
Où  trouver  un  fonds  de  meilleur  rapport'  Si  l'on  se  récriait  sur  la 
rareté  des  musiciens  dramatiques,  il  faudrait  s'en  prendre,  non  au  prix 
de  Renie,  mais  à  te  nsture  même,  si  avare  des  qualités  par  lesquelles 
on  réussit  au  théâtre.  Pour  consommer  cette  œuvre  du  démon  qu'on 
nomme  un  opéra,  il  faut  un  instinct  naturel  plus  fort  que  toutes  les 
études  ;  il  faut  une  intuition,  une  divination  toute  particulière  qui 
vous  mette  en  rapport  avec  le  public,  et,  quand  elle  vient  à  man- 
quer, tout  manque.  Dans  la  vie  des  compositeurs  les  plus  féconds, 
Auber  excepte,  nous  avons  vu  des  lacunes  de  ces  divinations  heu- 
reuses. Dans  celle  de  quelques  grands  compositeurs,  Cherubini  en- 
tre autres,  la  divination  n'est  apparue  qu'une  fois,  et  la  conjonction 
entre  le  public  et  lui  ne  s'est  opérée  que  dans  les  Deux  Journées. 
Justement,  à  cette  époque,  le  théâtre  Feydeau  payait  fort  mal  les  droits 
d'auteur,  et  ce  n'était  pas  un  des  moins  fâcheux  effets  de  la  con- 
currence. 

Notre  unique  grief  contre  le  prix  de  Rome,  ce  sont  les  illusions 
qu'il  ne  peut  manquer  de  créer.  Comment  le  jeune  musicien  dont 
on  couronne  la  cantate  se  défendrait-il  de  l'idée  qu'il  est  né  tout 
exprès  pour  briller  au  théâtre,  pour  y  récolter  à  pleines  mains 
la  gloire  et  la  fortune?  Cependant  quoi  de  plus  incertain?  Nous 
n'avons  jamais  cessé  de  le  dire  aux  lauréats  qui  s'acheminent  vers 
Rome.  Nous  voudrions  qu'une  fois  pour  toutes  il  fût  bien  entendu 
que  le  couronnement  d'une  cantate  n'est  autre  chose  qu'un  examen 
subi  avec  succès,  qu'une  étape  sur  la  route  de  l'artiste,  et  nulle- 
ment un,f brevet  qui  lui  garantisse  l'avenir.  Il  est  encore  un  mirage 
qui  contribue  à  tromper  les  jeunes  gens  :  c'est  ce  libretto,  ce  poëme, 
qu'on  leur  promet  au  retour  de  leur  voyage,  et  que  jamais  on  ne 
leur  donne,  que  moins  que  jamais  on  pourra  leur  donner.  Pourquoi 
ne  pas  rayer  des  cahiers  de  charges  une  clause  inexécutable,  par  cette 
simple  raison  que  ni  l'Etat  ni  les  directeurs  n'ont  droit  de  contrainte 
sur  les  auteurs,  et  que  nous  n'avons  pas  encore  d'atelier  où  l'on 
confectionne  des  libretti  sur  mesure?  De  quoi  le  lauréat  pourrait-il 
se  plaindre?  L'Etat  n'a-t-il  pas  fait  assez  pour  lui  en  le  désignant 
au  public  par  une  distinction,  une  récompense,  en  l'aidant  par  une 
pension  de  cinq  années  à  terminer  son  éducation  ?  Il  faut 
empêcher  le  prix  de  Rome  de  se  convertir  en  créance  à  terme 
fixe,  dont  tout  lauréat  vient  réclamer  le  paiement  ;  et  si  on  ne  le 
satisfait  pas,  il  proteste  avec  bruit  et  scandale.  Le  pensionnaire  de 
Rome  ne  doit  pas  tendre  à  se  transformer  en  pensionnaire  à  per- 
pétuité, dont  l'Etat  s'engage  à  faire  les  affaires,  accepte  la  tutelle  et 
assure  le  pain  quotidien  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours.  L'éducation 
donnée,  le  mérite  constaté,  n'est-il  pas  bon  que  le  lauréat  sache 
que  le  moment  est  venu  de  voler  de  ses  propres  ailes  et  de  pour- 
voir lui-même  à  ses  intérêts,  à  ses  besoins? 

Moyennant  ces  légères  corrections,  nous  trouverions  le  prix  de  Rome 
à  l'abri  de  toute  critique.  En  serait-il  de  même,  si  on  lui  appliquait  les 
amendements  introduits  récemment  dans  les  conditions  des  grands  prix 
de  peinture,  de  sculpture,  d'architecture,  de  gravure,  les  quatre  aînés  du 
grand  prix  de  musique  ?  Il  ne  faut  pas  être  un  grand  clerc  pour  recon- 
naître sur-le-champ  que  le  concours  ne  gagnerait  rien  à  changer  de 
juridiction,  et  à  passer  de  l'aréopage  d'une  académie  à  celui  d'un  jury 
composé  de  membres  dont  les  noms  seraient  tirés  au  hasardjsur  une 
liste  dressée  par  une  autorité  quelconque.  Le  prix  n'en  aurait  pas 
plus  de  valeur,  ni  le  jugement  plus  d'indépendance.  On  objecte  que 
dans  l'Académie  des  beaux-arts  il  n'y  a  que  six  musiciens,  et  que  leurs 
trente-quatre  confrères  sont  peintres,  sculpteurs,  architectes,  graveurs. 
Mais  voilà  précisément  le  jury  que  nous  demanderions  pour  toute  œuvre 
poétique  et  musicale  du  genre  delà  cantate.  S'il  s'agissait  de  pur  con- 
tre-point, de  fugue,  un  jury  spécial  serait  indispensable,  tandis  que 
pour  une  production  qui  se  présente  sous  forme  théâtrale,  il  faut  un 
auditoire  varié,  comme  celui  du  théâtre  :  des  artistes  et  des  gens  du 


monde.  Les  six  musiciens  sont  là  pour  signaler  les  fautes  d'orthogra- 
phe que  les  concurrents  ont  pu  commettre,  pour  constater  que  les 
règles  techniques  ont  été  ou  non  observées  ;  quant  au  sentiment,  à 
l'expression,  à  l'effet,  leurs  confrères  en  jugent  aussi  bien  qu'eux, 
souvent  mieux.  Qui  ne  sait  le  danger  du  jugement  des  hommes  spé- 
ciaux, uniquement  préoccupés  de  certaines  parties  de  leur  art?  Ecou- 
tez notre  illustre  et  savant  collaborateur,  M.  Fétis  (1)  :  «  Les  artistes, 
les  savants  en  musique,  en  peinture,  ne  sont  pas  plus  exempts  de  pré- 
ventions et  de  préjugés  que  les  ignorants  :  seulement  ces  préventions 
et  ces  préjugés  sont  d'une  autre  espèce.  Il  n'est  que  trop  ordinaire  d'en- 
tendre les  musiciens  soutenir  sérieusement  qu'eux  seuls  ont  le  droit,  non- 
seulement  de  juger  la  musique,  mais  de  s'y  plaire.  Etrange  aveugle- 
ment, qui  fait  qu'on  croit  honorer  son  art  en  limitant  sa  puissance!  » 
Nous  nous  permettons  d'ajouter  :  On  n'évoque  les  procès,  on  ne  des- 
saisit les  tribunaux  que  pour  cause  de  suspicion  légitime.  Où  sont  les 
faits  qui  motivent  celle  qu'on  ferait  planer  sur  l'Académie  des  beaux- 
arts?  Où  sont  les  concurrents  qui,  toujours  méconnus  par  elle,  tou- 
jours privés  des  palmes  du  concours,  lui  ont  démontré  son  aveuglement, 
en  s'emparant  triomphalement  de  nos  théâtres,  en  conquérant  un 
siège  dans  son  enceinte  ?  Non,  rien  de  tel  ne  s'est  jamais  produit.  Si 
l'Académie  a  mérité  d'être  accusée,  ce  n'est  que  d'une  indulgence 
trop  grande.  Et  par  qui  donc  remplacer  ces  six  musiciens,  aujour- 
d'hui chargés  de  juger  en  première  instance  le  concours  de  musique  ? 
Nous  défions  qui  voudra  de  trouver  parmi  les  compositeurs  de  Paris, 
de  toute  la  France,  six  noms  qui  inspirent  autant  de  confiance  que 
ceux  de  MM.  Auber,  Carafa,  Ambroise  Thomas,  Reber,  Berlioz,  Cla- 
pisson.  Et  ces  six  noms  représentent  l'Institut  :  ceux  qu'on  leur  subs- 
tituerait, que  représenteraient-ils  ? 

Donc,  il  n'y  aurait  aucun  profit  à  déposséder  l'Académie  des  beaux- 
arts  du  jugement  des  concours  de  musique.  Serait-il  plus  utile  d'a- 
baisser de  cinq  ans,  comme  on  l'a  fait  pour  les  autres  concours,  la 
limite  d'âge,  et  de  déclarer  qu'au-delà  de  vingt-cinq  ans  les  musi- 
ciens ne  pourraient  plus  concourir,  et  aussi  d'abréger  d'un  cinquième 
le  voyage  de  Rome  et  la  pension  dont  les  lauréats  jouissaient  pen- 
dant cinq  ans  ?  Tout  cela  est  de  peu  d'intérêt.  Sur  la  totalité  des 
grands  prix,  c'est  à  peine  si  trois  ou  quatre  concurrents  avaient  plus 
de  vingt-cinq  ans  ;  et  même  on  en  a  vu  qui  n'en  comptaient  pas 
plus  de  quatorze  ou  quinze.  Quant  au  voyage,  la  plupart  l'abrègent 
eux-mêmes.  Qu'importe  que  la  pension  dure  moins  longtemps,  si 
l'on  en  grossit  le  chiffre  ?  Reste  la  suppression  des  seconds  prix,  en, 
faveur  desquels  il  a  été  fait  des  libéralités  nombreuses.  D'autres 
que  nous  examineront  s'il  y  a  justice  et  convenance. 

Aujourd'hui,  nous  n'avons  plus  assez  d'espace  pour  traiter  de  la 
situation  que  les  compositeurs,  les  auteurs  et  les  artistes  font  aux 
théâtres,  ainsi  que  des  projets  d'établissement  d'opéras  populaires  et 
de  leurs  chances  de  succès. 

Paul  SMITH. 
{La  suite  prochainement.) 


THEATRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

MËott  IBftsfjunle  et  Mafia  «f»  Mtohan. 

Il  y  a  tout  justement  huit  jours  que  Don  Pasquale  nous  est  revenu 
avec  Mlle  Patti  dans  le  rôle  de  Norina,  qui  lui  avait  valu  l'un  de  ses  plus 
beaux  succès  de  l'année  dernière.  Faut-il  dire  ce  qu'il  lui  a  valu  cette 
année,  où,  de  l'aveu  général,  sa  voix  a  gagné  en  force,  en  éclat,  sa 
méthode  en  richesse  étincelante  et  variée  ?  Quant  à  la  comédienne, 
elle  ne  pouvait  faire  de  progrès.  Mlle  Patti  est  une  Norina  telle  qu'on 

(1)  La  Musique  mise  à  la  portée  de  tout  le  monde,  p.  296. 


DE  PARIS. 


63 


en  chercherait  vainement  une  autre  dans  toutes  les  régions  drama- 
tiques. C'est  la  coquetterie,  la  séduction,  la  ruse  féminine  dans  son 
expression  la  plus  haute  et  la  plus  triomphante  !  Il  y  a  là  de  quoi 
faire  tourner  la  tète  à  tous  les  barbons  les  plus  sages  et  les  plus  forts, 
sauf  à  les  frapper  ensuite,  sans  scrupule  et  sans  pitié,  du  coup 
mortel. 

Le  nouveau  buffo  Scalese  n'a  pas  moins  réussi  dans  le  rôle  de 
don  Pasquale  que  dans  celui  de  Bartolo.  C'est  décidément  un  artiste 
qui  a  marqué  son  rang  dans  la  troupe  parisienne.  Il  a  dit  à  merveille, 
avec  son  adorable  et  terrible  préLendue  le  duo  du  soufflet.  Delle-Sed  ie 
chante  et  joue  parfaitement  le  rôle  du  docteur  Malatesta  ;  en  revoyant 
Mario  dans  celui  d'Ernesto,  le  coquin  de  neveu,  nous  avons  oublié 
que  vingt  et  un  an  se  sont  écoulés  depuis  la  première  représentation 
de  l'ouvrage  ;  nous  l'avons  encore  oublié  bien  mieux  en  l'entendant 
chauler  la  printanière  et  juvénile  sérénade  :  Corn'  è  gentil —  in  notte 
a  wezzo  april,  qu'on  lui  a  redemandée  unanimement  et  qu'il  a  re- 
dite au  milieu  des  bravos. 

De  toute  la  saison,  nous  n'avons  pas  eu  d'opéra  aussi  bien  monté 
que  Don  Pasquale.  Et  puis  c'est  chose  si  amusante,  si  bonne  qu'une 
musique  spirituelle  et  franche,  rappelant  les  vieux  chefs-d'œuvre  de 
l'école  italienne,  sans  cependant  trop  les  copier  ! 

Maria  di  Rohan  a  été  jouée  deux  jours  après  Don  Pasquale  : 
c'est  encore  du  Donizetti,  mais  d'un  tout  autre  style.  On  y  trouve 
plus  de  savoir-faire  et  de  talent  que  d'inspiration  vraie.  Le  Duel 
sous  Richelieu  était  un  drame  trop  serré,  trop  violent  pour  qu'un 
compositeur  y  eût  ses  coudées  franches.  Donizetti  s'y  est  servi  d'un 
procédé  qu'il  n'a  employé  que  trop  souvent  quand  les  idées  ne  lui 
venaient  pas,  pour  faire  des  opéras  à  peu  près  sans  musique.  Du 
reste ,  Maria  di  Rohan  n'a  eu  qu'à  se  louer  de  ses  interprètes,  et, 
d'abord,  de  Mme  Charton-Demeur,  dont  la  voix  a  le  double  avantage 
de  la  vigueur  et  de  la  légèreté.  Nulle  autre  qu'elle  n'aurait  pu  rendre 
mieux  l'air  du  troisième  acte,,  qui  a  enlevé  tant  de  bravos.  Sans  éga- 
ler Ronconi  qui  était  inimitable  dans  le  rôle  d'Enrico,Delle-Sedie  y  a 
montré  un  profond  senliment;  et  le  jeune  Nicolini  a  fait  encore  un 
pas  en  avant  dans  le  rôle  de  Ricardo ,  le  Chalais  de  la  pièce  fran- 
çaise. 

P.  S. 


ADDITIONS  ET  CONCERTS. 

Sarasate.  —  Mlle  Mêlante  Etterlin.  —  il,  et  lime  Ar- 
chatnbaud.  —  Henri  Ketteii.  —  Silvestrïo  Slicosio.  — 
Mme  Joseph  Ronlnson. 

Un  des  concerts  les  plus  intéressants  de  la  saison,  du  moins  jus- 
qu'à ce  jour,  c'est  celui  que  le  violoniste  Sarasate  a  donné  lundi 
dernier  dans  la  salle  Herz,  en  présence  d'un  nombreux  auditoire.  Ce 
jeune  artiste  a  tenu  toutes  les  promesses  de  ses  débuts.  C'est  aujour- 
d'hui un  virtuose  complet,  joignant  à  la  pureté,  à  la  justesse,  à 
l'énergie  du  son,  un  sentiment  exquis,  un  charme  pénétrant.  Les 
quatre  morceaux  exécutés  par  lui,  dans  sa  soirée  de  lundi,  ont  am- 
plement confirmé  notre  appréciation.  La  fantaisie  sur  différents  motifs 
de  la  Forza  del  destino,  a  été  dite  avec  une  perfection  rare.  Ses 
souvenirs  de  Faust  l'ont  pourtant  mieux  servi  encore  ;  on  y  retrouve 
tous  les  sentiments  dramatiques,  tous  les  gracieux  accents  qui  ont  valu 
tant  de  sympathies  à  ce  bel  opéra  de  Gounod.  Nous  en  dirons  autant 
du  duo  pour  piano  et  violon,  composé  sur  des  motifs  de  la  Juive, 
par  Sarasate  et  L.  Diémer.  Ce  morceau  a  clos  dignement  ce  concert, 
dont  Sarasate  a  eu,  comme  de  raison,  les  honneurs  principaux.  Ne 
négligeons  pas  toutefois  de  signaler  les  artistes  qui  lui  ont  prêté  leur 


concours,  et  qui  tous,  sans  exception,  ont  mérité  d'avoir  leur  part 
dans  les  bravos  qu'on  lui  a  prodigués. 

La  partie  vocale  était  confiée  à  trois  artistes,  recommandables  cha- 
cun dans  son  genre.  Le  mezzo-soprano  de  Mme  Gagliano  a  fait  par- 
ticulièrement merveille  dans  le  magnifique  arioso  du  Prophète. 
Léon  Duprez  a,  peut-être,  été  moins  heureux  ;  sa  voix  n'a  pas  conquis 
la  force,  la  sonorité  qui  lui  manquaient  au  théâtre  Lyrique  ;  mais  en 
revanche,  il  la  conduit  avec  un  art  qui  trahit,  à  chaque  émission, 
l'influence  des  leçons  paternelles.  Quant  à  Berlhelier,  tout  le  monde 
sait  avec  quel  entrain  ,  et  quelle  verve,  nous  dirons  plus ,  avec 
quelle  finesse   spirituelle  il  dit   ses  amusantes  chansonneLtes. 

—  Mlle  Mélanie  Etterlin  est  une  jeune  pianiste  qui  mérite  d'être 
distinguée  pour  la  netteté  et  l'élégance  de  son  jeu.  Le  concert 
qu'elle  a  donné  a  été  des  plus  satisfaisants,  et  le  choix  des  morceaux 
qu'elle  y  a  exécutés,  n'a  pas  peu  contribué  à  ce  résultat.  Comme 
artiste,  elle  a  conquis  tous  les  suffrages  dans  la  sonate  en  la  majeur 
de  Scarlatti,  dans  une  très-jolie  saltarelle  de  Dreyschock  et  dans 
une  brillante  fantaisie  de  Thalberg.  La  musique  d'ensemble  ne  lui  a 
pas  été  moins  favorable,  et  elle  a  dit,  en  excellente  musicienne,  le 
deuxième  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  de  Mayseder,  avec  le 
concours  des  frères  Lamoury,  ainsi  qu'une  grande  fantaisie  pour 
piano  et  violon,  sur  Oberon,  par  Wolff  et  Vieuxtemps,  avec  Fran- 
çois Lamoury.  Ce  dernier  a,  en  outre,  interprété  d'une  manière  re- 
marquable une  Fantaisie  appassionaia  de  Vieuxtemps,  et  son  frère 
Philippe  a  fait  applaudir  sur  son  violoncelle,  VAndanle  religioso  et 
le  Rondo  du  beau  concerto  militaire  de  Servais.  Le  chant  était 
représenté  par  Mme  Alard-Guérette  et  par  le  sopraniste  Bollaërt  qui, 
en  dépit  de  l'étrangeté  de  sa  voix,  a  forcé  les  bravos  de  l'auditoire 
par  le  goût  qu'il  a  mis  dans  l'interprétation  de  deux  charmantes 
mélodies  de  J.  Cressonnois,  Regrets,   et  Riche  et  Pauvre. 

—  M.  et  Mme  Archainbaud  sont  fidèles  à  la  bonne  habitude  qu'ils 
ont  prise  de  faire  intervenir  l'opérette  de  salon  dans  leurs  con- 
certs de  chaque  awiée.  La  première  partie  de  la  soirée  donnée 
par  eux,  ces  jours  derniers,  dans  les  salons  de  Pie yel- Wolff,  était 
remplie  par  un  choix  excellent  de  morceaux,  qui,  tous,  ont  fait 
le  plus   grand  plaisir. 

L'opérette  d'A.  Mutel,  qui  composait  la  deuxième  partie,  a  été 
accueillie  par  d'unanimes  bravos.  Elle  a  pour  titre  :  Promenade 
dans  un  salon,  et  ne  comporte  que  deux  personnages,  joués  ce 
soir-là  par  le  couple  Archainbaud.  Il  s'agit,  dans  cette  bluette,  d'un 
M.  Albert  qui,  pour  fuir  les  fureurs  jalouses  de  sa  maîtresse,  se 
réfugie  chez  une  jeune  veuve,  locataire  de  sa  maison,  dont  il  trouve 
les  portes  ouvertes,  et  qui  finit  par  se  retirer  en  emportant  l'es- 
poir de  lui  faire  bientôt  oublier  son  veuvage.  Ce  petit  acte,  leste- 
ment conduit,  est  semé  de  jolis  morceaux,  parmi  lesquels  nous 
avons  remarqué  une  très-gracieuse  romance  et  un  duo  fort  bien 
fait  et  rempli  d'agréables  détails.  M.  et  Mme  Archaimbaud  se  sont 
acquittés  de  leurs  rôles  en  vrais  comédiens,  tout  à  fait  en  état  de 
soutenir  victorieusement  la  comparaison  avec  plus  d'un  artiste  de 
nos  scènes    parisiennes. 

—  Le  concert  donné,  mardi,  par  Henri  Ketten,  dans  les  salons  de 
Pleyel-Wolff,  a  été  de  sa  part  un  continuel  enchantement.  Après  avoir 
supérieurement  fait  sa  partie  dans  le  quatuor  en  mi  bémol  de  Beetho- 
ven, qui  a  été  couvert  d'applaudissements,  il  a  exécuté,  avec  un  talent 
inimitable,  trois  fort  jolis  morceaux  de  sa  composition,  la  Cascade,  le 
Chant  des  Pêcheurs  et  une  Mazurka.  Dans  la  seconde  partie,  il 
s'est  encore  surpassé,  s'il  est  possible;  en  jouant  avec  M.  Joseph 
Wbite  le  beau  duo  sur  Guillaume  Tell,  arrangé  par  Osborne  et  de 
Beriot,  puis,  seul,  une  mélodie  hongroise  de  Schubert,  le  nocturne 
en  fa  dièze  de  Chopin,  et  la  délicieuse  fantaisie  de  Thalberg  sur  l'E- 
lisire  d'amore. 

La  partie  vocale  nous  a  révélé  une  toute  jeune  cantatrice,  Mlle  Rosa 


hh 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Ketten,  la  sœur  du  bénéficiaire,  dont  la  voix  pure  et  bien  timbrée 
donne  déjà  plus   que  des  espérances. 

—  A  son  concert  donné  dans  la  salle  Pleyel-Wolff,  M.  Silvestrio 
Nicosio,  qui  s'intitule  lui-même  violoniste  italien,  a  joué  plusieurs 
morceaux  fort  bien  choisis  et  dont  l'effet  ne  saurait. être  contesté.  Nous 
persistons  toutefois  dans  l'opinion  que  nous  avons  émise  sur  les  iné- 
galités de  cet  artiste,  qui  sait  parfois  tirer  de  son  instrument  des  sons 
purs  et  suaves,  mais  qui  trop  souvent  sacrifie  le  bon  goût  à  d'excen- 
triques fantaisies,  à  des  traits  dont  l'audace  heureuse  ne  peut  faire 
excuser  la  singularité.  Nous  excepterons  de  cet  arrêt  qui,  d'ailleurs, 
nous  est  tout  personnel,  la  sonate  de  Beethoven  pour  piano  et  violon, 
que  M.  Nicosio  a  exécutée  avec  M.  Steiner  d'une  façon  irréprochable; 
ce  n'est  cependant  pas  ce  morceau  qui  lui  a  valu  le  plus  de  bravos. 

—  L'Angleterre,  qui  a  aussi  ses  virtuoses,  pratique  avec  nous  le 
libre-échange  en  fait  d'art  comme  en  fait  de  commerce,  témoin 
Mme  Joseph  Robinson,  une  gracieuse  et  brune  Anglaise,  qui  nous  ar- 
rive précédée  par  une  réputation  dont  elle  vient  chercher  la  consé- 
cration à  Paris.  Naturellement,  un  grand  nombre  de  ses  compatriotes 
l'assistait,  jeudi  dernier,  dans  les  salons  Erard,  où  avait  lieu  sa  soirée 
d'épreuve.  Encouragée  sans  doute  par  leur  présence,  Mme  Robinson 
s'est  parfaitement  tirée  de  son  premier  contact  avec  un  public  pari- 
sien, et  son  triomphe  a  été  des  plus  complets.  Dès  le  début,  on  a  re- 
connu qu'on  avait  affaire  à  une  habile  musicienne,  possédant  de  rares 
et  précieuses  qualités.  L'expression,  la  netteté,  la  délicatesse,  voilà 
ce  qui  frappe  d'abord  dans  son  jeu,  auquel  on  ne  pourrait  souhaiter 
qu'un  peu  plus  d'énergie  et  d'ampleur.  La  perfection  avec  laquelle 
elle  a  interprété,  en  compagnie  d'Armingaud,  l'andante,  les  variations 
et  le  presto  de  la  sonate  de  Beethoven  pour  piano  et  violon,  nous  a 
prouvé  qu'aucun  secret  de  la  science  des  maîtres  ne  lui  était  étranger. 

Les  seuls  partenaires  de  Mme  Robinson,  dans  cette  soirée,  étaient 
le  violoniste  Armingaud,  qui  a  dit  avec  un  grand  charme  de  style 
la  romance  en  sol  de  Beethoven,  et  Iules  Lefort,  qui  a  chanté  avec  un 
"oût  parfait  plusieurs  mélodies,  et  entre  autres  :,Page,  écuyer,  capi- 
taine, de  Membrée,  et  Comme  à  vingt  ans,  de  Durand,  qui  lui  ont 
valu  des  bravos  unanimes. 


REVUE  CRITIQUE. 

Stcpticn  Heller.  —  Feolles  d'automne,  pour  piano. 

«  S'il  est  quelque  chose  qui  console  au  point  où  l'art  est  par- 
venu, c'est  de  rencontrer  un  esprit  vigoureux,  un  sentiment  actif 
qui,  dans  l'exiguïté  de  la  dimension,  sache  placer  le  grand  et  le 
beau ,  lesquels  résultent  toujours  de  l'originalité  de  la  pensée  : 
Stéphen  Heller  est  cet  esprit-là.  »  Ces  lignes,  que  nous  empruntons  à 
la  biographie  de  cet  éminent  artiste,  sont  de  M.  Fétis,  le  juge  le  plus 
autorisé  en  matière  musicale.  Si  nous  les  rappelons  ici,  c'est  qu'elles 
sont  la  meilleure  préface  de  l'œuvre  nouvelle  qui  nous  occupe. 

Feuilles  d'automne,  tel  est  le  titre  de  cette  exquise  composition,  tout 
empreinte  d'un  charme  rêveur,  d'une  expression  élégiaque,  dont  l'affi- 
nité dans  les  idées  explique  peut-être  l'identité  de  ce  titre  avec  celui 
d'un  des  recueils  de  poésies  les  plus  célèbres  de  Victor  Hugo.  Stéphen 
Heller,  poëte  autant  que  musicien,  est  du  très-petit  nombre  de  ces 
hommes  exceptionnels  qui,  dans  leur  art,  peuvent  affronter  un  rappro- 
chement avec  le  grand  génie  que  la  politique  nous  a  fait  perdre,  et  que 
nous  regrettons  de  voir  se  consumer  vainement  dans  un  exil  volon- 
taire. 

Par  un  autre  point  de  ressemblance,  Stéphen  Heller  s'est  aussi  exilé 
de  l'arène  militante  ;  pianiste  hors  ligne,  il  a  pour  ainsi  dire  renoncé  à 
se  faire  entendre  en  public,  si  ce  n'est  dans  de  bien  rares  circonstan- 
ces, comme  celle  qui  l'a  décidé  à  rompre,  cet  été,  le  silence  en  faveur 
de  nos  voisins  d'Angleterre.  Mais,  du  moins,  le  temps  qu'il  refuse  à  l'in- 
terprétation de  ses  œuvres,  il  le  consacre  utilement  à  produire  de 
charmantes  choses,  dont  les  plus  exiguës,  les  plus  modestes  contien- 
nent encore  plus  d'inspirations  nobles  et  élevées  que  certains  grands 
morceaux  prônés  avec  fracas,  mais  bientôt  oubliés. 

Feuilles  d'automne,  par  exemple,  c'est  à  peine  un  morceau  de  quel- 


ques pages,  et  qui,  néanmoins,  se  subdivise  en  deux  parties,  un  allegro 
assai  et  un  andante  tenero.  Bien  peu  de  compositeurs  seraient  capables 
de  réunir  dans  une  œuvre  aussi  courte  autant  de  pensées  mélodiques, 
variées  dans  leur  forme  et  dans  leur  caractère,  jamais  vulgaires,  jamais 
banales,  exemptes  surtout  de  ces  difficultés  prétentieuses  qui  fatiguent 
et  rebutent  l'auditoire,  quand  l'exécutant  n'y  succombe  pas  lui-même. 
En  somme,  cette  dernière  œuvre  de  Stéphen  Heller,  que  nous  n'osons 
analyser  de  peur  d'en  détruire  le  prestige,  obtiendra  les  sympathies 
des  connaisseurs  aussi  sûrement  que  la  plupart  des  précédentes  pro- 
ductions de  ce  maître,  dont  le  talent  est  celui  qui  se  rapproche  le 
plus  du  genre  de  Chopin.  C'est  un  digne  corollaire  de  ces  inimitables 
Préludes  dont  l'éclatant  succès  est  bien  loin  d'avoir  dit  son  dernier 
mot.  Tous  les  pianistes  qui  les  ont  admirés  avec  juste  raison,  vou- 
dront connaître  les  Feuilles  d'automne.  La  renommée  de  Stéphen  Hel- 
ler ne  pourra  pas  grandir  puisqu'elle  est  à  son  apogée,  mais  elle  y 
gagnera,  sans  nul  doute,  une  nouvelle  et  glorieuse  consécration. 

P.  3. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Odéon  :  une  Journée  à  Dresde,  comédie  en  un  acte  et  en  vers,  de 
M.  Manceau .  —  Vaudeville  :  Monsieur  et  Madame  Fernel,  comé- 
die en  quatre  actes ,  avec  prologue ,  par  MM.  Louis  Ulbach  et 
Crisafulli.  —  Gaité  :  la  Maison  du  baigneur,  drame  en  cinq  actes 
et  douze  tableaux,  par  M.  Auguste  Maquet. —  Théâtre  impérial  du 
Chatelet  :  Reprise  du  Naufrage  de  la  Méduse,  de  MM.  Dennery 
et  Ch.  Desnoyers. 

A  cette  époque  de  l'année  les  nouveautés  sont  rares  ;  le  carnaval 
a  ses  indulgences,  et  1er  épertoire  courant,  qu'il  soit  bon  ou  mauvais, 
suffit  au  public,  qui  réserve  ses  sévérités  pour  le  carême.  En  atten- 
dant, la  moisson  de  notre  quinzaine  se  réduit  à  deux  pièces  de  quel- 
que importance  et  à  un  petit  acte  en  vers,  assez  insignifiant.  Ce  der- 
nier a  été  joué  à  l'Odéon,  sous  le  titre  d'une  Journée  à  Dresde. 
Trop  d'actualité  n'est  certes  pas  le  reproche  qu'on  puisse  lui  faire  ; 
on  serait  plutôt  porté  à  se  demander  où  est  l'à-propos  de  ce  souvenir 
anedoctique   de  la  campagne   de   1813. 

La  pièce  est  signée  du  nom  de  M.  Alexandre  Manceau,  déjà 
connu  comme  graveur  de  talent  dans  le  monde  artistique.  Il 
avait  fait  courir  le  bruit  qu'une  illustre  collaboration  l'avait  aidé  à 
se  produire  au  théâtre.  Mais  ,  grâce  à  un  plus  ample  informé ,  il 
paraît  que,  du  fond  de  sa  retraite  de  Nohant,  Mme  Sand  s'est  bornée 
à  patronner  le  jeune  auteur,  dont  l'œuvre,  après  tout,  semée  ça  et  là 
de  vers  heureux,  a  réussi  suffisamment  pour  dégager  la  responsabilité 
de  sa  généreuse  protectrice. 

Sous  le  titre  de  Monsieur  et  Machine  Fernel,  il  existe  un  roman 
dans  lequel  M.  Louis  Ulbach  a  fait  preuve  de  qualités  analytiques  qui 
rappellent,  dans  plus  d'un  passage,  la  manière  de  Balzac.  Le  succès 
du  livre  a  déterminé  l'auteur  à  le  dramatiser,  et  en  cela,  nous  croyons 
qu'il  pourrait  avoir  fait  un  mauvais  calcul.  A  la  scène  il  faut 
de  l'action,  du  mouvement;  l'analyse,  quelque  fine,  quelque  ingé- 
nieuse qu'elle  soit,  n'est  pas  de  saison.  Balzac  est  là  pour  le  prou- 
ver ,  ses  plus  charmantes  créations  n'ont  pu  prendre  même  au  théâ- 
tre, la  Comédie-Française  n'a  pas  oublié  le  triste  sort  du  Lys  dans 
la  vallée,  ce  chef-d'œuvre  du  genre.  jOr,  en  élaguant  du  roman 
de  M.  Ulbach  la  peinture  délicate  des  mœurs  provinciales,  qui  cons- 
titue son  principal  mérite ,  que  reste-t-il  ?  Une  intrigue  assez  pro- 
saïque, assez  commune  qui  n'a  plus,  pour  la  sauver,  le  prestige 
des  développements  littéraires.  M.  Fernel,  un  ancien  notaire  de  pro- 
vince, a  épousé  une  jeune  femme  parfaitement  honnête,  dont  l'idéal 
ne  semble  pas  s'élever  au-dessus  des  soins  du  ménage  et  de  l'éduca- 
tion de  ses  enfants.  Survient  un  journaliste,  un  jeune  homme  instruit, 
distingué,  formé  aux  façons  du  monde;  et  voilà  la  paix  du  cœur  de 
Mme  Fernel  à  tout  jamais  compromise.  Elle  aime  Jules  Renaut  sans 
oser  l'avouer,  et  celui-ci  l'adore  sans  le  lui  dire.  Il  est  bien  en- 
tendu que,  selon  l'éternel  usage,  l'ancien  notaire  ne  voit  et  ne  soup- 
çonne rien.  Ses  yeux  sont,  d'ailleurs,  fortement  fascinés  par  les  coquet- 


DE  PARIS. 


Zi5 


teries  d'une  charmante  Parisienne  qui  est  venue  lui  rendre  visite.  Mais 
si  le  mari  est  aveugle  ,  il  y  a  dans  la  maison  un  ami,  le  docteur 
Bourgoin,  dont  la  vue  est  excellente.  Il  a  deviné  l'amour  concentré  de 
Mme  Fernel  pour  le  brillant  journaliste,  et  dès  lors,  il  se  fait  la 
promesse  de  ne  plus  prendre  de  repos  avant  d'avoir  détourné  l'o- 
rage qui  gronde  sur  la  tète  de  son  ami  Fernel.  Le  moyen  qu'il  em- 
ploie est  bien  simple  et  ne  lui  coûte  pas  un  trop  grand  effort 
d'esprit.  11  a  remarqué  que  Mme  de  Soligny,  la  Parisienne  échouée 
sur  ce  récif  départemental,  n'était  pas  éloignée  de  prendre  du  goût 
pour  Jules  Renaut;  en  conséquence,  il  met  tout  en  œuvre  pour  les 
rapprocher  l'un  de  l'autre,  pour  leur  persuader  qu'ils  se  convien- 
nent, et  finalement,  il  les  marie,  sans  tenir  compte  de  l'opposition 
jalouse  de  M.  Fernel,  ni  des  douleurs  secrètes  de  sa  femme.  Il  sait, 
en  bon  médecin,  que  le  temps  guérira  sa  blessure. 

Telle  est,  en  substance,  la  donnée  de  la  pièce  et  du  livre  de  M.  Louis 
Ulbach.  N'avions-nous  pas  raison  de  dire  que  les  détails  étaient  tout 
dans  un  pareil  sujet?  et  les  détails,  à  la  scène,  disparaissent  forcé- 
ment à  travers  les  exigences  d'une  marche  rapide.  Nous  n'en  avons 
pas  moins  à  constater  un  succès  contre  lequel  n'a  surgi  aucune  pro- 
testation. Mais,  en  dépit  de  ce  résultat,  nous  doutons  que  M.  et  Mme 
Fernel  obtiennent  au  théâtre  la  vogue  persistante  qu'ils  ont  con- 
quise en  librairie.  Les  artistes,  d'ailleurs,  ne  sont  pas  tous  à  leur  place 
dans  cet  ouvrage,  et  ils  y  font  de  vains  efforts  pour  conjurer  les  vices 
d'une  malencontreuse  distribution.  Ce  qu'on  y  a  le  plus  remarqué, 
ce  sont,  il  faut  l'avouer,  les  toilettes  un  peu  tapageuses  de  Mlle 
Francine  Cellier.  Ah  !  s'il  suffisait  de  quatre  ou  cinq  robes  élégantes, 
portées  par  une  jolie  femme,  pour  faire  réussir  un  pièce ,  comme 
celle-ci  irait  aux  nues  ! 

—  C'est  encore  d'un  roman  que  le  nouveau  drame  de  la  Gaîté  est 
tiré. La  Maison  du  baigneur,  de  M.  Auguste  Maquet,  fait  suite  à  la 
Belle  Gabrielte,  ouvrage  du  même  auteur.  11  y  a,  dans  ce  dernier  li- 
vre, un  certain  chevalier  de  Pontis,  personnage  très-sympathique, 
qui  a  le  malheur  de  tuer,  au  dénoûment,  le  meilleur  de  ses  amis. 
Le  chevalier  est  allé  ensevelir  sa  douleur,  mêlée  de  remords,  à  Gre- 
noble, où  il  est  investi  du  titre  de  lieutenant  du  roi.  Mais  il  a  laissé 
à  Paris  son  beau-frère,  l'avocat  Du  Bourdet  et  ses  deux  fils.  Ceci  se 
passe  quelque  temps  avant  l'avènement  de  Louis  XIII  au  trône  de  son 
père,  assassiné  par  Ravaillac.  Le  fanatique,  en  subissant  son  horrible 
supplice,  a  protesté,  jusqu'au  dernier  moment,  contre  toute  espèce  de 
complicité;  mais  l'opinion  publique  murmure  tout  bas  des  noms 
abhorrés,  et  l'avocat  Du  Bourdet  a  le  droit  d'attester  que  l'instinct 
populaire  ne  fait  pas  fausse  route.  Le  hasard  lui  a  livré  le  secret  d'un 
conciliabule  tenu,  dans  la  maison  d'un  baigneur,  entre  l'assassin  du 
roi  et  quatre  personnes  de  haut  rang,  à  la  veille  de  la  catastrophe. 
Ces  personnes  sont  la  marquise  de  Verneuil,  ancienne  maîtresse  de 
Henri  IV  ;  d'Épernon,  l'un  de  ses  principaux  gentilshommes  ;  Con- 
cini,  le  favori  du  jour;  et  un  Espagnol,  qu'on  appelle  le  comte  de 
Siete-Iglesias.  Il  est,  de  plus,  avéré  que  la  reine  Marie  de  Médicis 
n'est  pas  restée  étrangère  à  cette  ténébreuse  machination. 

Tout  le  drame  nouveau  de  M.  Maquet  est  dans  la  lutte  qui  s'établit 
entre  les  complices  de  Ravaillac  et  l'homme  qui  peut  les  dénoncer  et 
les  perdre.  Une  demoiselle  de  Comon,  dont  les  mémoires  de  l'époque 
ont  parlé,  connaît  aussi  le  secret  de  l'avocat  Du  Bourdet  ;  mais  l'au- 
teur de  la  Maison  du  baigneur  n'a  pas  jugé  à  propos  de  la  mettre  en 
scène.  Du  Bourdet  seul  supporte  le  poids  de  la  haine  de  ses  puis- 
sants ennemis,  et  finit  par  y  succomber.  Alors,  son  fils  Bernard  fait 
le  serment  de  le  venger.  Malheureusement,  son  bras  est  bien  faible 
pour  une  pareille  tâche,  et,  vingt  fois,  il  y  laisserait  sa  vie,  comme 
son  père,  s'il  n'était  protégé  secrètement  par  une  femme  attachée  au 
service  de  la  reine  mère.  Poursuivi  et  traqué  par  ses  adversaires,  il 
est  sur  le  point  de  périr,  lorsque  le  chevalier  de  Pontis  sort  enûn 
de  sa  retraite,  force  les  portes  du  Louvre,  et  vient,  à  lui  seul,  éclairer 
la  religion  du  jeune  roi  :  car  Pontis  accompagnait  son  beau-frère  dans 


la  maison  du  baigneur,  le  jour  de  la  fameuse  révélation.  Le  roi  veut 
des  preuves,  et  Pontis  le  conduit  dans  cette  même  maison,  où  il  lui 
fait  voir  les  mêmes  individus  occupés,  cette  fois,  à  comploter  sa  dé- 
chéance et  peut-être  sa  mort.  Louis  XIII  rentre  au  Louvre  aussi 
mystérieusement  qu'il  en  est  sorti,  et  le  lendemain  Paris  apprend,  en 
se  réveillant,  que  Concini  a  été  tué  sur  le  seuil  de  l'habitation  royale, 
et  que  la  reine-mère  est  exilée  à  Blois.  Le  comte  de  Siete-Iglesias  a  péri, 
écrasé  dans  la  maison  du  baigneur  où  il  s'était  réfugié,  et  Bernard  est 
libre  d'épouser  sa  veuve,  qui  n'est  autre  que  la  femme  inconnue  à 
laquelle  il  doit  la  conversation  de  sa  vie  et  de  celle  de  son  jeune 
frère. 

Ce  drame,  bâtons-nous  de  le  dire,  a  obtenu  un  éclatant  succès, 
grâce  à  l'intérêt  qui  y  règne  d'un  bout  à  l'autre,  et  à  l'habileté  dont 
M.  Maquet  y  a  fait  preuve  presque  â  chaque  scène.  La  direction  n'a 
rien  épargné  pour  les  décors  et  les  costumes.  Quant  à  la  distribution, 
tout  le  monde  s'est  accordé  à  la  trouver  irréprochable;  mais  les 
bravos  ont  surtout  été  prodigués,  et  c'était  justice,  à  Mlle  Lia  Félix, 
chargée  du  rôle  de  la  comtesse,  et  â  Dumaine,  qui  représente  le  che- 
valier de  Pontis. 

—  L'importante  reprise  du  Naufrage  de  la  Méduse  attire  du  monde 
au  théâtre  impérial  du  Châtelet.  Cette  pièce,  jouée  pour  la  première 
fois  à  l'Ambigu,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  a  bien  un  peu  vieilli;  mais 
les  magnificences  d'une  mise  en  scène  réglée  par  M.  Hostein  qui  est, 
comme  on  sait,  passé  maître  en  ce  genre,  font  oublier  tout  le  reste. 
On  se  préoccupe  fort  peu  de  l'action  ;  on  ne  voit  qu'un  spectacle 
fait  pour  charmer  les  yeux  bien  plus  que  les  oreilles,  et  on  applaudit 
à  toute  outrance  le  tableau  qui  reproduit  l'œuvre  célèbre  de  Géricault, 
ainsi  que  celui  du  baptême  de  la  ligne,  où  l'on  a  intercalé  un  ballet 
fort  original,  de  M.  Honoré. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


„.**  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  Moise  a  rempli  seul  les  trois  re- 
présentations de  la  semaine.  Toujours  même  admiration  pour  l'œu- 
vre, même  exécution  remarquable  et  même  recette.  Mme  Zina- 
Mérante  avait  remplacé  Mlle  Vernon  dans  le  pas  de  trois;  elle  y  a  été 
beaucoup  et  justement  applaudie. 

„%  On  annonce  pour  cette  semaine  la  première  représentation  du 
nouveau  ballet  en  trois  actes,  la  Maschera. 

***  Mlle  Sax  est  en  ce  moment  en  représentations  à  Nantes.  Elle  a 
chanté  successivement  dans  Robert,  le  Diable  et  le  Trouvère,  avec  un 
grand  et  légitime  succès. 

*%  La  Fiancée  du  roi  de  Garbe  obtient  de  plus  en  plus  la  faveur  du 
public  ;  les  recettes  du  dernier  opéra-comique  d'Auher  ont  été  jusqu'à 
présent  d'environ  6,100  francs  par  représentation. 

„.*„.  Mlle  Darcier  a  débuté  mercredi  dans  la  Fille  du  régiment.  Cette 
jeune  cantatrice ,  qu'on  a  vue  aux  Bouffes-Parisiens,  ne  manque  pas 
d'habitude  ni  d'aplomb,  mais  sa  voix  est  tout  à  fait  insuffisante  pour 
l'opéra-comique. 

***  IX.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  assisté  dimanche  passé 
à  la  représentation  du  Barbure  où  jouait  Adelina  Patti,  et  ont  daigné 
souvent  donner  le  signal  des  applaudissements.  Après  la  Gioja  insolita. 
Mlle  Patti  a  chanté  aux  bravos  unanimes  la  Calesera,  que  le  public  a 
également  redemandée.  —  Les  sœurs  Marchisio,  qui  débuteront  dans 
Semiramide,  Mme  Spezia,  Agnesi  et  Pagans  doivent  se  faire  entendre 
incessamment. 

***  Hier  le  baryton  Aldighieri  a  débuté  dans  le  Trovatore,  chanté  par 
Mmes  Charton,  Méric-Lablache  et  Musiani. 

***  Au  théâtre  Lyrique,  où  les  représentations  de  Rigoletto  sont  très- 
suivies,  on  annonce  pour  ce  soir  la  dernière  représentation  de  Faust  et 
la  très-prochaine  apparition  du  nouvel  ouvrage  de  Gounod,  Mireille, 
qui,  dit-on,  sera  donnée  le  20  de  ce  mois. 

*%  Les  Bavards  et  Mme  Ugalde,  Lischen  et.  Fritzckcn  et  Signor  Fagotto 
attirent  la  foule  aux  Bouffes-Parisiens.  Le  Violoneux,  d'Offenbach,  tou- 


m 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


jours  revu  avec  plaisir,  et  le  Duel  de  Benjamin,  la  charmante  opérette  de 
Jonas,  ont  été  repris  à  ce  théâtre. 

*%  Mme  Frezzolini,  qui  se  trouve  à  Venise  à  la  tête  d'une  troupe 
d'opéra  italien,  a  donné  au  théâtre  San  Benedetto  plusieurs  représenta- 
tions dont  le  résultat  a  été  très-satisfaisant  pour  l'éminente  cantatrice. 

„*„,  M.  Auber  est  complètement  rétabli  de  l'indisposition  dont  plu- 
sieurs journaux  ont  parlé.  Il  a  pu  présider  le  dîner  qu'il  donnait  pour 
le  82e  anniversaire  de  sa  naissance. 

***  Le  Théâtre-Royal  de  Bruxelles  vient  de  monter  avec  un  grand 
succès  un  ballet  féerique  qui  dépassera  tout  ce  qu'on  a  vu  à  Bruxelles 
par  la  splendeur  de  la  mise  en  scène  et  par  l'éclat  des  talents,  etc.  Les 
journaux  signalent  dans  ce  ballet,  intitulé  Flamma,  une  nouveauté,  l'in- 
troduction à  l'orchestre  d'un  instrument  qui  a  produit  le  plus  bel  effet. 
Les  variations  exécutées  par  M.  Beeckmans  sur  le  saxophone  ont  dé- 
routé une  bonne  partie  du  public.  M.  Beekmans  les  a  jouées  avec  une 
sûreté,  une  justesse,  une  élégance,  une  précision  et  un  éclat  incom- 
parables. 

**»  Mlle  Lagrua  vient  d'être  engagée  par  M.  Gye  à  l'opéra  italien  de 
Covent-Garden,  à  Londres,  pour  trois  saisons.  C'est  une  bonne  fortune 
pour  le  théâtre.  . 

***  L'excellent  ténor  Reichardt,  l'auteur  de  la  romance  :  Oh  belle 
étoile  !  qui  récemment  a  obtenu  tant  de  succès  dans  une  tournée  ar- 
tistique entreprise  en  Angleterre  avec  Carlotta  Patti,  se  trouve  à  Paris, 
où  nous  aurons  bientôt  occasion  d'aprécier  son  talent  de  chanteur  et 
de  compositeur. 

***  La  Société  philharmonique  de  Saint-Pétersbourg  avait  engagé 
Henri  Litolff  à  venir  diriger  deux  de  ses  concerts,  mais  le  célèbre 
artiste  n'a  pu  accepter  cette  offre  brillante.  Il  ne  quittera  pas  Paris 
cet  hiver;  il  met  la  dernière  main  à  plusieurs  ouvrages  importants, 
destinés  à  nos  scènes  lyriques,  et  consacrera  ses  moments  de  loisir  à 
donner  quelques  leçons  de  composition  et  de  piano  chez  lui. 

***  Le  troisième  concert  du  Conservatoire  a  lieu  aujourd'hui,  diman- 
che. En  voici  le  programme  :  1.  Symphonie  en  ré,  de  Beethoven;  2.  Frag- 
ments de  Fernand  Cortez,  scène  de  la  révolte,  de  Spontiui;  solo  chanté 
par  M.  Gueymard:  3.  Concerto  pour  violon,  de  Mendelssohn,  exécuté 
par  M.  Maurin;  4.  Les  Ruines  d'Athènes,  de  Beethoven;  Guillaume  Tell, 
de  Rossini. 

***  Camille  Sivori,  qui  se  fait  entendre  aujourd'hui  au  Cirque, 
donnera,  le  15  février,  un  concert  à  la  salle  Herz.  Le  célèbre  violo- 
niste sera  secondé  par  Mme  Gagliano,  Mlle  Perez  ,  professeur  au 
Conservatoire  de  Marseille,  M.  Braga  et  M.  Stroheker. 

***  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique, 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  Cirque-Napoléon  :  symphonie  en  fa  ma- 
jeur, de  Beethoven  ;  marche  turque,  de  Mozart  ;  la  chasse,  de  Haydn  ; 
concerto  en  si  mineur  pour  violon,  de  Paganini,  exécuté  par  Sivori  ;  ou- 
verture d'Oberon,  de  Weber. 

***  On  annonce  une  soirée  de  musique  de  chambre  donnée,  le  jeudi 
18  février  dans  les  salons  Erard  par  Mme  Tardieu  de  Malleville, 
MM.  Sivori  et  Piatti.  De  pareils  noms  dispensent  de  tout  commentaire. 

*%  La  Société  des  quatuors  français  donnera  sa  deuxième  séance 
le  11  courant,  dans  les  salons  de  Pleyel.  L'intéressant  programme  dû 
aux  œuvres  de  nos  compatriotes  est  des  mieux  choisis  ;  on  peut  en 
juger  :  1°  huitième  quatuor  de  Ch.  Dancla  ;  2°  troisième  trio  de 
H.  Reber;  3°  huitième  quintette  de  G.  Onslow,  connu  des  amateurs 
par  sa  dédicace  au  baron  de  Pounat. 

***  Louis  Lacombe  se  dispose  à  donner,  le  24  de  ce  mois,  un  grand 
concert  dans  les  salons  d'Erard.  Ce  sera  le  premier,  après  un  silence 
de  trois  ans. 

.%  C'est  le  vendredi  12  février  et  non  le  22,  comme  on  l'a  écrit  par 
erreur,  que  doit  avoir  lieu,  dans  les  salons  Pleyel,  le  premier  concert 
de  M.  Camille  Saint-Saens.  M.  Portheaut  conduira  l'orchestre. 

*%  Le  16  février,  dans  les  salons  Erard,  concert  de  M.  et  Mme  Wilhelm 
Langhans,  avec  le  concours  de  Mme  Ernest  Bertrand  et  de  M.  Lee. 

,%  Mlle  Marie  Perez,  professeur  au  Conservatoire  de  Marseille,  don- 
nera le  23  février  un  concert  à  la  salle  Herz.  Mlle  Perez,  dont  le  ta- 
lent est,  dit-on,  fort  remarquable,  aura  le  concours  de  Sivori,  de  G. 
Braga  et  de  divers  artistes  de  mérite. 

„,%  Une  Saltarelle  pour  le  piano  composée  par  Scotson  Clark,  auteur 
anglais  d'un  talent  réel,  obtient  en  ce  moment  un  succès  très-mérité. 

,,**  Le  bal  annue',  organisé  par  le  comité  de  l'association  de  secours 
mutuels  des  artistes  dramatiques  et  patronné  par  LL.  MM.  l'Empereur 
et  l'Impératrice  aura  lieu,  le  27  février,  dans  la  salle  de  l'Opéra-Co- 
mique. 


„..**  La  transcription  du  finale  du  troisième  acte  de  Moïse  par  D.  Ma- 
gnus  est  très-recherchée  par  les  amateurs  de  musique  de  piano  bien 
faite  et  à  effet. 

***  Les  éditeurs  E.  Challiot  et  C°  ont  traité  avec  M.  Auber  pour  la 
partition  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe. 

s**  Un  ouvrage  nouveau  de  M.  Edouard  Grégoir ,  d'Anvers  .  L'His- 
toire de  la  facture  et  des  facteurs  d'orgues,  suivi  d'une  Biographie  générale 
de  tous  les  organistes,  et  la  nomenclature  des  ouvrages  didactiques  et  histori- 
ques publiés  sur  l'orgue,  va  paraître  prochainement.  Ce  livre  comprendra 
principalement  l'histoire  de  l'orgue  dans  les  Pays-Bas  et  la  Belgique. 

***  Une  famille  d'artistes  qui  ont  habité  la  Havane  et  la  Nouvelle- 
Orléans,  où  ils  donnaient  des  leçons  de  piano,  désirent  trouver  dans  une 
ville  du  entre  Cou  du  Midi,  un  fonds  de  magasin  de  musique  à  céder. 
S'adresser  pour  les  renseignement  au  Nouvelliste,  à  Alençon. 

„,**  L'Agenda  musical  de  1864  (Musical  directorg)  donne  les  indica- 
tions suivantes  sur  les  personnes,  à  Londres,  dont  les  occupations 
touchent  à  la  musique.  Professeurs  de  chant,  d'instrument  et  d'harmo- 
nie, environ  1,450;  éditeurs  et  marchands  de  musique,  129;  fabricants 
de  pianos,  160;  facteurs  d'orgues,  45;  facteurs  d'instruments  et  luthiers, 
80.  A  Londres  il  existe  environ  60  sociétés  musicales,  plus  ou  moins  im- 
portantes, parmi  lesquelles  nous  citerons  l'Académie  royale,  l'Académie 
de  Londres  ;  la  société  de  musique  sacrée,  fondée  en  1832  ;  la  société 
Bach  (1840);  la  société  chorale  de  Handel,  la  société  de  musique  sacrée 
de  Londres,  la  société  chorale  nationale,  la  société  de  musique  de  Lon- 
dres (1858).  Les  chœurs  dirigés  par  Leslie;  l'Union  musicale,  l'Associa- 
tion vocale  (1836);  la  société  philharmonique  (1S13),  la  nouvelle  société 
philharmonique  (1852),  la  société  royale  des  musicieus  de  la  Grande- 
Bretagne  (1738),  etc.,  etc. 

***  Tandis  que  la  valse  de  Strauss  sur  Lischen  et  Fritzchen  ainsi  que 
ses  quadrilles  sur  Moïse  et  le  Brésilien  et  les  Bavards  font  fureur  aux 
bals  de  l'Opéra,  la  polka  d'Arban  sur  la  Conversation  alsacienne  d'Offen- 
bach  n'obtient  pas  moins  de  succès  dans  le  monde  dansant. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


**%  Amiens,  1er  février.  —  Le  premier  concert  donné  cette  année  par 
la  Société  philharmonique  a  parfaitement  réussi.  M.  le  président  de  la 
Société  philharmonique  avait  eu  l'heureuse  idée  de  varier  le  pro- 
gramme ordinaire  de  ces  concerts,  en  remplaçant  par  un  quatuor 
d'instruments  à  cordes  les  cantatrices  et  les  chanteurs  en  renom 
qu'il  nous  fait  entendre  d'ordinaire  pendant  ces  heureuses  soirées  ; 
cette  innovation  a  été  généralement  approuvée,  et  le  7e  quatuor  de 
Mozart,  la  Sérénade  de  Beethoven,  l'Hymne  de  Haydn,  magistralement 
exécutés  par  MM.  Alard,  Franchomme,  Ney  et  White  (ce  dernier  rem- 
plaçant M.  Magnin,  retenu  à  Paris  par  une  assez  grave  indisposition), 
ont  été  applaudis  avec  enthousiasme. 

„,*„.  Lyon.  —  M.  Luigini,  le  successeur  de  George  Hainl  à  l'orchestre 
du  grand  théâtre,  annonce  son  premier  concert  qu'il  organise  à  l'instar 
de  ceux  que  donnait  avec  tant  de  succès  son  prédécesseur.  En  voici 
l'Intéressant  programme  :  fragments  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Men- 
delssohn ;  la  prière,  des  Bardes,  de  Lesueur,  avec  accompagnement  de 
harpe;  l'ouverture  de  Ruy-Blas,  de  Mendelssohn  ;  la  Marche  du  cou- 
ronnement, composée  par  Meyerbeer  à  l'occasion  du  sacre  du  roi  de 
Prusse.  —  Les  reprises  des  Martyrs  et  les  Dragons  de  Villars  ont  plei- 
nement réussi.  —  Mme  Cabel  s'est  rendue  dans  le  Midi  pour  y  hâter  le 
rétablissement  de  sa  santé. 

*%  Niort.  —  Un  éclatant  hommage  a  été  rendu  à  la  mémoire  de 
M.  Beaulieu,  membre  correspondant  de  l'Institut,  grand  prix  de  Rome 
et  fondateur  des  congrès  de  l'Ouest.  A  l'occasion  d'un  service,  la  So- 
ciété philharmonique,  à  laquelle  s'était  adjoint  un  grand  nombre  de 
musiciens  des  villes  de  l'association,  a  exécuté  la  messe  :de  Requiem, 
que  l'élève  de  MéhuI  avait  composée  pour  son  maître.  Cette  œuvre 
remarquable,  déjà  deux  fois  entendue  à  Paris,  se  distingue  par  l'éléva- 
tion de  la  pensée,  un  sentiment  religieux  profond,  un  style  sévère  et 
une  instrumentation  dont  la  sobriété  n'exclut  pas  la  puissance.  Sous  la 
conduite  de  M.  E.  de  Lavault,  les  chœurs  et  l'orchestre  ont  rendu  les 
moindres  détails  de  (cette  magistrale  composition  avec  un  ensemble 
parfait  et  une  grande  intelligence.  Aussi  l'œuvre  de  M.  Beaulieu  a-t-elle 
produit  une  vive  impression  sur  l'auditoire  distingué  qui  se  pressait 
dans  l'église  de  Saint-André.  Une  quête  faite  au  bénéfice  des  indigents 
a  produit  une  somme  de  900  francs. 

»*„  Poitiers,  3  février.  —  Le  conceit  annuel  au  profit  des  pauvres  a 


DE  PARIS. 


47 


eu  lieu  vendredi  2(J  janvier.  Il  y  avait  foule.  L'habile  violoniste  E.  Le- 
vôque  a  fait  littéralement  furore.  On  a  entendu  aussi  avec  plaisir  le  ténor 
Peschard,  et  M.  Clavel,  baryton.  Mlles  Mezeray,  filles  de  l'excellent  chef 
d'orchestre  du  grand  théâtre  de  Bordeaux,  que  nous  connaissions  déjà, 
ont  été  fort  bien  accueillies.  Nous  constatons  avec  plaisir  les  progrès  de 
notre  Société  chorale.  Deux  ouvertures  convenablement  exécutées,  sous 
la  direction  de  M.  Purais,  complétaient  le  programme  de  la  soirée. 


CHRONIQUE   ETRANGERE. 

„*»  Londres.  —  Le  premier  concert  que  la  Société  musicale  de  Lon- 
dres vient  de  donner  cet  hiver  a  été  très-remarquable.  L'ouverture  de 
Struensée,  de  Meyerbeer,  et  de  Coriolan,  de  Beethoven,  une  scène  de  la 
cantate  de  Bénédict  Richard-Cœur-de-Lion,  la  symphonie  de  Spohr, 
Die  Weihe  dir  Tœne  et  un  concerto  de  Mozart  en  étaient  les  princi- 
paux éléments.  —  Vieuxtemps  s'est  fait  entendre  au  dernier  concert  po- 
pulaire du  lundi  ;  il  y  a  partagé  son  succès  avec  Arabella  Goddard  et 
M.  Santley. 

-  „*„.  Berlin.  —  Robert  le  Diable  avait  attiré  la  foule  au  théâtre  de  la 
cour.  Mme  Braunhofer,  du  théâtre  de  Karlsruhe,  a  chanté  le  rôle  d'Isa- 
belle ;  Mlle  Santer,  celui  d'Alice.  —  La  troupe  italienne  est  inférieure  à 
celles  que  nous  avons  entendues  précédemment.  Jusqu'ici  elle  a  repré- 
senté deux  opéras  au  théâtre  Wilhelmstadt  :  Le  Trovatore,  avec  Mme 
Keneth  (Léonore),  et  la  Somnambule,  Mme  Lustani  (Adine).  —  Dans  la 
deuxième  soirée  du  Domchor  on  a  entendu  entre  autres  :  0  Magnum  mys- 
terium,  de  Scarlatti  ;  Requiem,  de  Jomelli;  motets  de  Melchior  Frank  et 
de  S.  Bach  ;  air  et  chœur  du  Stabat,  de  Joseph  Haydn. —  Un  concerta  eu 
lieu  à  la  cour  dans  la  salle  blanche.  On  y  a  exécuté  :  Le  chœur  à'An- 
tigonc,  de  Mendelssohn;  ouverture  de  Struensée,  de  Meyerbeer;  sextuor 
de  Un  ballo  in  maschera,  de  Verdi  ;  fantaisie  sur  Don  Juan,  de  Fr.  Liszt, 
etc.  —  Les  représentations  de  Mlle  Artot  commenceront  prochainement 
au  théâtre  de  la  cour. 

***  Francfort.  —  Carlotta  Patti  vient  de  donner  son  premier  concert 
en  société  avec  Laub,  Jaell  etKellermann.  Une  foule  immense  remplis- 
sait la  salle.  Un  grand  nombre  d'amateurs  des  environs  de  la  ville 
étaient  accourus  à  cette  brillante  soirée,  pour  y  admirer  les  quatre  ar- 
tistes hors  ligne. 

»%  Vienne.  —  Le  2  février,  une  messe  vocale,  de  Franz  Schubert, 
a  été  chantée  à  l'église  des  Augustins.  Le  même  jour,  à  l'église  natio- 
nale italienne,  on  a  exécuté  une  messe  nouvelle  de  Laurent  Weiss. — 
Au  théâtre  de  la  cour,  on  a  représenté  les  Huguenots,  avec  Mlle  Dust- 
mann  (Valentine)  et  Walter  (Raoul).  L'opéra  de  Gluck  :  Iphigénie  en 
Àidide,  lequel  est  en  répétition,  sera  représenté  vers  la  fin  de  février. 

t%  Leipzig.  —  Au  treizième  concert  du  Gewandhaus,  on  a  entendu 
une  œuvre  inédite  de  Norbert  Burgmuller  ;  c'est  l'ouverture  d'un  opéra 
nouveau  de  sa  composition,  intitulé  Denys.  L'accueil  qu'on  lui  a  fait  a 
été  des  plus  honorables  pour  l'auteur. 

„%  Prague.  —  Mlle  Brenner  avait  choisi  pour  son  bénéfice  l'Etoile  du 
Nord,  de  Meyerbeer.  La  salle  était  comble,  et  le  succès  de  la  bénéfi- 
ciaire a  été  des  plus  brillants.  M.  Gustave  Schmidt  à  Francfort  a  été  en- 
gagé comme  chef  d'oichestreau  théâtre  national  de  Prague. 

%*%  Milan.  —  Le  nouvel  opéra  de  Rota,  Ginevra  di  Scozia,  a  fait  un 
fiasco  complet  à  la  Scala.  Le  ballet  Gazelda,  de  Perrot,  représenté  au 
même  théâtre,  n'a  pas  eu  un  meilleur  sort. 

***  Moscou  —  Les  représentations  de  Roberto  il  Diavolo  sont  toujours 
très-suivies.  Vialetti,  dans  le  rôle  de  Bertram,  y  obtient  surtout  un  suc- 
cès éclatant. 


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48 


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1 .  Couplets  chantés  par  Désiré  :  Me  chasser,  me  forcer  à  lais- 

ser mon  service 3 

2.  Chanson  chantée  par   Mlle  Bouffar:  P'tits  balais,  je   vends 

des  toutes  p'iïts  balais 4 

3.  Duo  :  Je  suis  Alsacienne.  —  Je  suis  Alsacien 6 

i.  Fanle  chantée  par  Mlle  Bouffar  :   Einmal  eine  rat  de  ville 

invite  eine  ralz'  des  champs 3 


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ARBAN.  Quadrille,  piano  et  à  4  mains k  50 

STRAUSS.  Quadrille  sur  les  Bavards  et  le  Brésilien k  50 

MUSARD  Valses,  piano  et  à  h  mains 6    » 

MARX.  Polka 4     » 

MICHEL  (C.)    Polka-mazurka 4    » 

MERZ  (C).  Schottisch 4    ,, 

STRAUSS.  Grand  galop 3     » 

LECARPENTIER.  Bagatelle 5     » 

HESS  (CH.).  Caprice-valse 6    » 

VA I.IQUET.  Valse  très-facile 3     » 

DEPAS.  Fantaisie  facile  pour  violon  avec  piano 6    » 

WOLFF  (E.).  Duo  à  quatre  mains 9     » 

WOLFART.  —  Transcription  facile  pour  le  piano 5    » 

—      La  même,  à  quatre  mains 6     * 

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Par  Adelina  Patti: 

LA  GIOJA  INSOLITA 

Valse  chantée,  dédiée  à  Madame  la  comtesse  Walewska 

et  composée  par 

Prix:6fr.  MAURICE       STRAKOSCH     I*  même,  irampoiëe. 

(Paroles  italiennes) 


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La  même,  transposée. 


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Paroles  françaises 

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Chant    andalous    avec    paroles    espagnoles   et   françaises, 
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Valse  arrangée  sur  Jj^    HiXJEa    (fca  Cioja  insollta  ; 

Par  EMILE  DESGRANGES 

Pour  le  Piano,  prix  :  6  fr. 


COMPOSÉE 

Par    ALBERT     SjOWINSKI 

PUBLIÉE  PAR   LES  PRINCIPAUX  ÉDITEURS  DE  MUSIQUE   DE  PARIS. 

Op.  66.  Saint-Adalbert.  Oratorio  en  3  parties  avec  chœur  et  or- 
chestre. Partition,  piano  et  chant.  Format  in-S°,  prix  .  20  fr. 

Op.  61.  Messe  solennelle  à  3  voix  et  double  chœur,  accompagne- 
ment d'orgue,  composée  pour  le  couvent  des  Oiseaux   .  20  » 

Op.  71.  Messe  Brève  à  k  voix  et  chœur,  accompagnement  d'orgue, 
composée  pour  la  chapelle  d'Hautefort,  dédiée  au  baron 
de  Damas 12  » 

Op.  57.  Chants    religieux    à   2,    3    et   4   voix,   accompagnement 

d'orgue,  dédiés  à  Mme  la  duchesse  de  Rauzan 12  » 

Op.  80.  Six  Motets  à  2,  3  et  4   voix,   accompagnement    d'orgue, 

calculés  pour  être  chantés  pendant  une  messe  basse.   .  12  » 

Op.  86.  Salve  Rcgina  à,  trois  voix  égales,  accompagnement  d'orgue, 

dédié  à  M.  l'abbé  Moreau,  publié  dans  la  Lyre  angélique     3  » 

Op.  100.  Trois  chants  à  Marie  à  3  voix  égales,  accompagnement 
d'orgue.  1.  «  Tota  pulchraes.  »  2.  «  Inviolata.  0  3.  «  Ave 
Maris  Stella.  » 5  „ 

Op.  93.  Trente  chants  liturgiques  de  l'Antiphonaire  polonais,  ar- 
rangés et  harmonisés  à  3  voix  égales,  paroles  françaises 
de  Mme  la  vicomtesse  de  la  Berge.  Accompagnement 
d'orgue.  Partition,  piano  et  chant.  Format  in-8°.  Chez 
E.  Girod 12  » 


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Joué  au  théâtre  du  Palais-Royal. 


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Rue  de  la  Victoire,  4 8,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


BUREAUX    A   PARIS  :  BOULEVARD    DES   ITALIENS,  il. 


31e  Année, 


7. 


14  Février  1864. 


ON   S'ABONNE  : 

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et  aux  Bureaux  des  Mrssiigenes  et  dis  Portes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

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Départements,  Belgique  cl  Suisse...     30  »       id. 

Étranger 34  »       id. 

Le  Journal  paniU  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  te  numéro  d'aujourd'hui, 
une  nouvelle  composition  d'ALFRED  J,\ELLi  :  ifoc- 
tui'ne  étramatiQue,  pour  le  piano. 


SOMMAIRE .  —  Robert  Schumann,  par  le  baron  lïrnonf.  —  Théâtre  impérial 
italien:  Sémiramide  et  les  sœurs  Marchisio;  Mme  Spezia  dans  Norma.  — 
Correspondance  :  Bruxelles,  lettre  de  M.  Fétis  père  ;  Marseille,  le  Pardon  de 
Ploermel.  —  Nouvelles  et  annonces. 


ROBERT  SCH01ANN  0). 

. . .  Enfin,  vers  le  milieu  de  l'année  1830,  Schumann  (il  était  né 
le  8  juin  1810),  ne  pouvant  vaincre  sa  répugnance  pour  l'étude  du 
droit,  trouva  le  courage  de  se  déclarer  positivement  à  ce  sujet.  Jus- 
que-là, en  s'adressant  au  redouté  parrain,  il  évitait  même  de  pro- 
noncer le  mot  de  musique,  bien  qu'il  ne  fût  guère  question  que  de 
cela  dans  le  reste  de  sa  correspondance.  Au  mois  de  juillet  1830, 
tout  en  le  remerciant  d'un  envoi  d'argent,  il  ose  insinuer  que  «  pour- 
tant il  voudrait  bien  ne  pas  abandonner  tout  à  fait  l'étude  du  piano.» 
Le  temps  était  à  l'émancipation  ;  le  jour  même  où  s'accomplissait  à 
Paris  une  mémorable  révolution,  Schumann  faisait  à  Heidelberg  sa 
petite  révolution  tout  intime.  Le  30  juillet,  il  écrivait  à  sa  mère 
pour  lui  annoncer  qu'il  était  décidé  à  rester  musicien,  rien  que  mu- 
sicien. 

a  Cetle  lettre,  dit-il,  est  la  plus  importante  que  j'aie  encore  écrite, 
que  j'écrirai  jamais.  Ma  vie  est  présentement  une  lutte  entre  la  poésie 
et  la  prose,  la  musique  et  le  droit.  Dans  le  cercle  des  études  prati- 
ques, j'avais  également  mon  idéal.  Là  aussi,  je  voulais  devenir  maî- 
tre, arriver  à  une  position  honorable  et  enviée  ;  mais  est-il  possible 
que  j'y  réussisse  jamais  en  Saxe,  moi  qui  ne  suis  ni  noble  ni  riche, 
qui  n'ai  ni  protecteurs  puissants  ni  goût  pour  ces  allures  de  mendiant, 
pour  ces  chipotages  juristiques  par  lesquels  il  faut  passer  pour  faire 


(1)  Dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  contemporaine  (31  janvier)  M.  le  baron 
Ernouf  a  publié  sur  ce  célèbre  et  malheureux  artiste,  une  remarquable  étude, 
dont  nous  reproduirons  quelques  fragments. 


son  chemin  dans  cette  carrière.  A  Leipzig,  je  n'avais  rien  fait  qui 
vaille  ;  ici,  tout  en  travaillant  davantage,  je  me  sens  de  plus  en  plus 
impérieusement  dominé  par  ma  vocation  artistique.  Me  voilà  au  carre- 
four, et  c'est  en  tremblant  que  je  me  demande  :  Où  vais-je?  Un  pen- 
chant secret,  une  voix  intime  me  sollicite  du  côté  de  l'art,  et  je  crois 
que  c'est  ma  voie  véritable.  Au  fond,  et  tu  le  sais  (ne  te  fâche  pas, 
je  te  dis  cela  bien  bas  et  bien  tendrement),  cette  vocation  fut  tou- 
jours la  mienne.  C'est  toi  qui  m'en  avais  détourné  ;  tu  avais  pour  cela 
de  graves  raisons,  que  moi  aussi  je  comprenais,  un  avenir  incertain, 
des  moyens  d'action  insuffisamment  garantis.  Mais,  après  tout,  est-il 
une  torture  intime  plus  cruelle  pour  un  homme  qu'un  avenir  dé- 
charné, misérable,  mort-né,  auquel  il  s'est  condamné  lui-même?  C'est 
vers  un  semblable  avenir  que  m'entraîne  l'étude  forcée  d'une  science 
que  je  n'aime  pas,  que  je  puis  à  peine  estimer...  » 

Schumann  s'efforçait  ensuite  de  prouver  à  sa  mère  qu'avec  six 
années  d'études  il  pouvait  devenir  un  pianiste  de  première  force,  et 
peut-être  un  compositeur.  Il  la  suppliait  de  lui  donner  une  réponse 
favorable  et  prompte  surtout,  «  car,  ajoutait- il,  il  y  a  des  moments 
où  je  pense  avec  amertume,  avec  désespoir,  à  tout  le  temps  déjà 
perdu.  »  Enfin,  il  la  conjurait  de  consulter,  sur  la  réalité  de  sa  voca- 
tion musicale,  le  professeur  Wieck,  qu'elle  connaissait  de  réputa- 
tion. Cette  consultation  eut  lieu  en  effet,  et  fut  pleinement  favorable 
à  Robert  ;  mais  il  regretta  toujours,  avec  trop  de  raison,  de  n'avoir 
pas  agi  avec  cette  décision  trois  ans  plus  tôt.  Ainsi  qu'il  l'avait  es- 
péré, l'opinion  de  Wieck  détermina  Jeanne  Schumann  à  accéder  aux 
vœux  de  son  fils.  Il  n'y  eut  que  le  parrain  qui  tint  bon  jusqu'à  la 
fin  pour  la  jurisprudence.  Voyant  enfin  que  ses  représentations  de- 
meuraient sans  effet,  bien  qu'appuyées  d'arguments  qu'on  répute  en 
général  irrésistibles,  il  se  fâcha  tout  de  bon,  et  rompit  tout  commerce 
avec  son  filleul.  Celui-ci,  ivre  de  joie,  ne  se  tourmenta  guère  de  cet 
abandon.  Sa  lettre  de  remercîment  à  Wieck  (21  août  1830)  respire 
l'enthousiasme  le  plus  vif  et  le  plus  pur  :  «  Je  retrouve  enfin  assez 
de  calme  dans  la  joie  pour  pouvoir  écrire. . .  Il  me  semble  que  j'ai 
un  soleil  dans  le  cœur. . .  Le  sentier  de  la  science  escalade  des  mon- 
tagnes âpres  et  stériles  ;  celui  de  l'art  a  aussi  les  siennes,  mais  ce 
sont  des  collines  d'Orient,  où  affluent  les  rêves,  les  espérances  et  les 
fleurs.  Croyez-moi,  je  n'ai  pas,  et  pour  cause,  de  folle  présomption, 
mais  j'ai  le  courage,  la  patience,  la  confiance,  la  docilité.  Aucune  cri- 
tique ne  saura  m'abattre,   aucun  éloge  m'énerver. . .   Ah!  comment 


50 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


peut-on  donc  (Ire  quelquefois  si  heureux  dans  ce  monde  ?  »  Quelques 
jours  après,  nous  le  retrouvons  installé  à  Leipzig  et  livré  tout  entier 
à  l'étude  du  piano.  Mais  les  bonheurs  du  pauvre  Schumann  n'étaient 
jamais  de  longue  durée.  Son  fougueux  empressement  à  réparer  le 
temps  perdu,  à  surmonter  ou  plutôt  à  rompre  les  difficultés  maté- 
rielles d'exécution  lui  occasionna  un  accident  qui  n'a  pas  été  sans 
influence  sur  sa  destinée. 

Nous  croyons  devoir  nous  arrêter  un  moment  au  détail  technique 
de  cet  accident  ;  rien  ne  peut  mieux  donner  l'idée  de  la  résolution 
opiniâtre  qu'apportait  Schumann  dans  tout  ce  qui  concernait  l'art 
musical.  On  sait  que  la  rigidité  naturelle  des  deux  quatrièmes 
doigts,  et  particulièrement  de  celui  de  la  main  droite,  est  un  des 
plus  grands  obstacles  qui  se  rencontre  dans  le  mécanisme  du  piano; 
sans  cette  difficulté  providentielle,  le  monde  appartiendrait  aux  pia- 
nistes. Cette  roideur  ne  peut  être  corrigée  que  par  un  exercice 
assidu,  commencé  dès  le  jeune  âge.  Ce  n'était  malheureusement 
pas  le  cas  de  Schumann,  qui,  entraîné  par  son  ardeur  juvénile, 
avait  pris  de  très-bonne  heure  l'habitude  de  se  lancer  en  casse- 
cou,  sans  doigter  réglé,  dans  l'exécution  des  morceaux  les  plus  dif- 
ficiles. Aussi  se  trouva-t-il  cruellement  gêné  par  ce  doigt  rebelle 
quand  il  entreprit  de  régulariser  son  Jeu.  Ce  fut  alors  qu'il  imagina 
et  mit  à  exécution,  à  l'insu  de  son  professeur,  le  singulier  et  dange- 
reux procédé  que  voici.  Au  moyen  d'un  appareil  fixé  au  plafond,  il 
maintenait,  pendant  des  heures  entières  d'étude,  le  troisième  doigt 
suspendu  en  l'air,  et  se  forçait  à  travailler  ainsi  les  passages  les  plus 
difficiles  pour  dompter  son  quatrième  doigt.  Schumann  arriya  à  un 
résultat  bien  différent  de  celui  qu'il  espérait.  Le  quatrième  doigt  ne 
devint  pas  beaucoup  plus  flexible,  irais  le  doigt  suspendu  contracta 
une  rigidité  douloureuse,  qui  s'étendit  même  à  toute  la  main  et  le 
contraignit  de  discontinuer  ses  leçons  ;  il  ne  put  même  jamais  s'en 
débarrasser  tout  à  fait,  en  ce  sens  qu'il  lui  devint  impossible,  sans 
risquer  d'être  arrêté  par  quelque  crampe,  d'exécuter  de  la  main 
droite  de  ces  traits  brillants  et  soutenus  qui  exigent  une  grande  flexi- 
bilité de  doigter.  Le  grand  et  malheureux  artiste  se  révèle  tout  en- 
tier dans  ces  incidents  :  il  comprenait  son  avenir  d'exécutant  en 
voulant  en  faire  trop  à  la  fois  et  trop  vite.  Ainsi  il  devait  plus  tard, 
par  la  surexcitation  imprudente  de  la  faculté  créatrice,  user  préma- 
turément son  cerveau  et  abréger  sa  vie. 

On  peut  du  moins,  dans  l'intérêt  de  sa  gloire,  se  consoler  de  cet 
accident.  S'il  a  empêché  Schumann  de  devenir  un  des  plus  grands 
pianistes  de  son  siècle,  il  l'a  violemment  rejeté  vers  les  hautes  études 
musicales,  qui  étaient  sa  véritable  vocation.  11  a  même  contribué  à 
donner  un  tour  particulièrement  original  à  ses  compositions  pour  le 
piano,  en  l'obligeant  à  remplacer  par  des  effets  nouveaux  les  bril- 
lantes fusées  chromatiques,  les  rapides  séries  d'arpèges  qui  caracté- 
risent les  œuvres  des  Pixis,  Moscheles,  Kalkbrenner,  œuvres  qui  ré- 
clament avant  tout  des  mains  légères  et  des  doigts  indépendants.  Ne 
pouvant  les  égaler  pour  le  fini  et  le  brillant  de  l'exécution,  Schumann 
marcha  résolument  dans  une  voie  toute  différente.  Il  reconnut  que 
les  véritables  maîtres  de  l'art,  depuis  le  colossal  Sébastien  Bach 
jusqu'au  maladif  et  gracieux  Schubert,  ont  toujours  considéré  comme 
secondaire  le  mérite  de  la  difficulté  vaincue.  Préoccupés  surtout  de 
la  conception  et  du  développement  de  la  pensée,  ils  vont  droit  au 
but,  sans  s'inquiéter  de  la  facilité  et  de  l'àpreté  du  chemin,  sans 
redouter  ni  rechercher  les  obstacles.  Ce  système  austère  et  magis- 
tral, qui  s'applique  aussi  bien  à  toute  espèce  de  musique  qu'à  celle 
de  piano,  n'a  rien  à  voir  avec  les  caprices  et  les  ovations  éphémères 
de  la  mode,  mais  il  mène  aux  succès  élevés  et  durables. 

Ce  fut  dans  cet  ordre  d'idées  que  travailla  Schumann  ;  il  s'attacha 
surtout  à  intéresser  l'auditeur  et  l'exécutant  par  la  nouveauté  des 
tournures  mélodiques  et  des  rhylhmes,  par  la  richesse  hardie  des 
combinaisons  et  des  transitions  harmoniques.  Cette  musique  fait  par- 
ois l'effet  d'une  course  de  haies.  Pour  se  dédommager  des  traits  liés 


qu'il  ne  veut  pas  risquer,  Schumann  procède  par  bonds  prodigieux, 
par  séries  d'accords  plaqués,  que  les  transitions  harmoniques  sur- 
chargent à  chaque  moment  de  doubles  dièzes  ou  bémols,  et  qui 
exigent  une  profonde  habitude  de  lecture  et  du  clavier,  une  rare  sûreté 
d'élan.  Il  fait,  comme  Mozart,  un  très-grand  usage  de  la  main  gauche, 
qu'il  avait  extraordinairement  exercée,  pour  se  consoler  des  mésa- 
ventures de  la  droite.  De  tous  les  pianistes  contemporains,  Chopin  est 
le  seul  qui,  grâce  à  la  conformation  exceptionnelle  de  ses  mains,  ait 
osé  risquer  parfois  de  toutes  les  deux,  des  écarts  semblables  à  ceux 
que  Schumann  exige  sans  relâche  de  la  gauche.  Il  l'emploie  surtout 
fréquemment  à  frapper  des  basses  redoublées  de  deux  octaves  ou 
d'octave  et  de  dixièmes,  ce  qui  produit  sur  le  piano  un  effet  compa- 
rable à  celui  de  la  contre-basse  soutenant  le  violoncelle.  Il  fait  aussi 
un  grand  et  heureux  usage  des  croisements  de  mains,  des  répliques 
et  contre-répliques,  et  de  ces  chants  soutenus  dans  le  médium,  qu'il 
nomme  des  «  voix  intérieures  ».  On  rencontre  encore  dans  l'exécu- 
tion de  la  musique  de  Schumann  une  autre  difficulté,  plus  intellec- 
tuelle en  quelque  sorte  que  mécanique  ;  nous  voulons  parler  des 
modifications  qu'il  introduit  plus  souvent  qu'aucun  autre  dans  la  me- 
sure :  intercalant,  par  exemple,  dans  un  morceau  écrit  en  six-huit  ou 
douze-huit  une  mesure  ou  fraction  de  mesure  à  deux  temps,  et  réci- 
proquement, ou  même  faisant  marcher  ensemble  deux  ou  trois 
rhythmes  différents.  Schumann  use  peut-être  trop  fréquemment  de 
ces  licences  romantiques,  non-seulement  dans  ses  œuvres  pour  piano 
seul,  mais  dans  ses  symphonies  et  autres  œuvres  à  grand  orchestre, 
et  c'est  là  une  des  causes  de  leur  extrême  difficulté  d'exécution. 

Robert  accepta  donc  avec  une  courageuse  résignation  son  rôle  de 
pianiste  invalide  :  «  Je  considère  cela  comme  une  épreuve  et  n'ai 
que  ce  que  je  mérite,  écrivait-il  à  un  de  ses  amis.  C'est  une  dange- 
reuse erreur  de  vouloir  escamoter  par  des  procédés  mécaniques  et 
un  travail  forcé  des  résultats  qui  ne  peuvent  être  que  l'œuvre  du 
temps.  »  D'après  le  conseil  de  Wieck  lui-même,  il  se  livra  presque 
entièrement  à  l'étude  de  la  .haute  composition.  Il  eut  le  bonheur  de 
trouver  à  Leipzig  un  des  plus  savants  musiciens  de  l'Allemagne, 
Henri  Dorn,  alors  chef  d'orchestre  du  grand  théâtre,  et  depuis  maître 
de  chapelle  du  roi  de  Prusse.  Avec  un  pareil  maître,  Schumann  fit 
de  rapides  progrès.  On  s'en  aperçoit  en  comparant  les  productions  de 
sa  première  jeunesse  avec  celles  où  se  montrent  déjà  les  résultats  de 
cette  forte  et  saine  éducation  musicale.  Ce  n'est  pas  que  le  charme  et 
surtout  l'originalité  fassent  défaut  à  ces  essais  juvéniles,  notamment 
au  recueil  intitulé  les  Papillons  (œuvre  2,  publiée  dès  1832),  suite  de 
petits  morceaux  caractéristiques  dédiés  à  ses  trois  belles-sœurs,  Thé- 
rèse, Rosalie  et  Emilie.  Dans  ces  caprices,  de  même  que  dans  beau- 
coup d'œuvres  subséquentes,  Schumann  a  voulu  faire  de  ces  portraits 
musicaux  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Ainsi,  le  nn  10  des  Papillons, 
par  la  brusque  opposition  d'accords  bruyants  et  précipités  avec  des 
ondulations  de  valse,  donne  clairement  l'idée  des  contrastes  d'une 
nature  féminine,  où  des  élans  de  vivacité  presque  violente  alternent 
avec  des  retours  d'effusion  sentimentale.  Pour  rendre  ses  portraits 
plus  reconnaissables,  Schumann  ne  dédaignait  pas  quelquefois,  dans 
les  premiers  temps,  un  artifice  matériel  de  composition,  consistant  à 
prendre  pour  sujet  des  notes  qui,  dans  l'alphabet  musical  allemand, 
correspondaient  aux  lettres  composant  le  nom  des  personnes  aux- 
quelles il  avait  songé.  Ainsi,  dans  le  thème  varié  qu'il  fit  graver  sous 
le  nom  d'œuvre  1",  les  cinq  premières  notes  du  thème,  la,  si,  mi, 
sol,  sol,  donnent  dans  l'alphabet  musical  allemand,  la  série  de  lettres 
a,  b,  e,  g,  g,  qui  forme  précisément  le  nom  de  la  personne  à  la- 
quelle l'œuvre  est  dédiée.  Ce  procédé  pourra  sembler  puéril,  mais 
il  est  juste  de  dire  que  Schumann  en  avait  trouvé  des  exemples  dans 
les  anciens  maîtres,  et  notamment  dans  Bach  lui-même,  qui  a  écrit 
une  fugue  célèbre,  dont  le  sujet  désigne  ainsi  son  propre  nom. 

Schumann  avait  passé  sous  le  toit  de  Wieck  ces  deux  années  de 
labeur  dévorant  (1831,1832).  Le  jeune  compositeur,  qui  commençait 


DE  PARIS. 


51 


à  être  connu,  grâce  au  succès  des  Papillons  et  de  quelques  autres 
blueltes,  fit,  dans  l'hiver  de  1832-1833,  une  petite  excursion  dans  son 
pays  natal,  et,  malgré  le  proverbe,  il  y  fut  accueilli  en  prophète. 
«  Il  n'y  a  pas,  écrivait-il  a  Wieck,  jusqu'au  bourgmestre  R...,  celui 
qui  me  traitait  de  fainéant,  propre  à  rien  (Sckliugel),  etc.,  qui  main- 
tenant me  tire  son  chapeau.  »  dette  année  1833  est  une  date  mémo- 
rable, à  plus  d'un  titre,  dans  la  vie  de  Schumann.  Ce  fut  au  mois 
d'août  que  parut  l'œuvre  la  plus  remarquable  qu'il  eût  écrite  encore 
pour  le  piano,  la  série  d'impromptus  sur  une  romance  de  Clara  Wieck. 
Ainsi  que  l'observe  justement  son  biographe,  cette  composition  ma- 
gistrale, où  Schumann  à  mis  à  profit,  pour  la  première  fois,  les  leçons 
de  Dorn,  se  rapproche  beaucoup,  pour  les  détails  de  facture,  des 
célèbres  variations  de  Bach  et  de  celles  de  Beethoven  sur  le  motif 
du  finale  de  la  symphonie  héroïque.  Comme  eux,  Schumann  se  plaît 
à  décomposer  son  sujet,  reprend  alternativement  la  basse,  le  chant, 
les  notes  intermédiaires,  pour  les  associer  à  de  nouvelles  combinai- 
sons mélodiques  et  harmoniques,  ramenant  ainsi  à  l'unité  toutes  les 
fantaisies  d'une  imagination  flexible  et  puissante.  Quinze  ans  plus  tard, 
Schumann  publia,  de  cette  œuvre,  une  édition  corrigée,  dans  laquelle 
il  a  fait  disparaître  quelques  témérités  incorrectes,  et  remanié  en- 
tièrement le  finale, qui  était  effectivement  la  partie  la  plus  défectueuse. 

A  l'époque  de  la  publication  de  cet  ouvrage,  Robert  n'habitait 
plus  chez  le  père  de  la  jeune  virtuose,  qui  accomplissait  déjà  sa  quin- 
zième année.  Cette  séparation,  qu'exigeaient  les  convenances,  fut  mal- 
heureuse pour  lui.  Il  avait  trouvé,  pour  la  belle  saison,  un  pavillon 
isolé  au  milieu  d'un  jardin,  dans  un  des  faubourgs  de  Leipzig  ;  là,  il 
consacrait  au  travail  les  matinées  et  une  grande  partie  des  après- 
midi,  et  allait  généralement  passer  ses  soirées  dans  une  sorte  de  ta- 
verne demi-citadine,  demi-champêtre  [Restaurationslokal). 

Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  commença  à  contracter  l'habitude  de 
boire  quotidiennement  une  quantité  immodérée  de  bière  et  de  fumer 
des  cigares  très-forts,  qu'il  nommait  ses  diablotins.  » 

B<">  ERNODF. 


THEATRE  IMPERIAL  ITALIEN. 

Setniramitle  et  les  sœurs  Marcliiaio.  — 
Mme  Spezia  dans  IVorma. 

C'est  au  mois  de  juillet  1860  que  les  sœurs  Marchisio.  Carlotta 
le  soprano  et  Barbara  le  contralto,  ont  fait  leur  première  apparition 
sur  notre  grande  scène  lyrique  dans  Semiramis,  traduite  en  français 
et  montée  exprès  pour  elles.  Justice  leur  fut  alors  pleinement  rendue, 
et  nous  ne  fûmes  pas  les  derniers  à  reconnaître  ce  qu'il  y  avait  de 
remarquable  dans  cette  alliance  de  voix  et  de  talents,  commencée 
par  une  étroite  parenté,  achevée  et  consacrée  par  un  succès  univer- 
sel. Aujourd'hui,  les  voilà  qui  nous  reviennent  dans  le  même  opéra, 
mais  non  sur  le  même  théâtre  ;  elles  rentrent  en  quelque  sorte  dans 
leur  patrie,  en  reprenant  leur  idiome  natal.  Elles  ne  pouvaient  qu'y 
gagner,  et  aussi  l'accueil  qu'on  leur  a  fait  n'a  rien  laissé  à  désirer 
en  chaleur  sympathique.  La  voix  de  Carlotta  nous  a  paru  avoir  plus 
de  force,  d'éclat,  de  souplesse,  malgré  l'émotion  qui  lui  en  dérobait 
encore  une  bonne  partie  :  Barbara,  plus  calme  et  plus  ferme,  a  dit 
magistralement  son  rôle  tout  entier.  Dans  le  fameux  duo  du  troisième 
acte  :  Ebben,  ferisci,  les  deux  sœurs  se  sont  partagé  les  bravos  et 
l'enthousiasme  ;  l'entente  cordiale  des  voix  ne  saurait  aller  plus  loin, 
ni  rien  produire  de  plus  ravissant. 

Dans  cette  brillante  représentation  de  Semiramide,  M.  Pagans,  té- 
norinode  la  plus  mince  espèce,  etM.Agnesi,  basso  robuste  et  solide, 
excellent  musicien  d'ailleurs,  subissaient  l'épreuve  du  début.  Déjà, 
l'année  dernière,  il  nous  semble  bien  avoir  entendu  M.  Agnesi  dans 
ce  même  rôle  d'Assur,  où  il  ne  manque  ni  d'intention,  ni   d'effet. 


Quelques  jours  auparavant,  deux  autres  débutants,  MM  Musiani, 
ténor,  et  Aldighieri,  baryton,  s'étaient  essayés  dans  le  Trovatore. 
Ce  ne  sont  point  des  artistes  sans  talent,  ni  sans  défauts  non  plus. 
Pour  les  juger  plus  sûrement,  on  aurait  besoin  de  les  entendre  en- 
core. Mais  au  théâtre  Italien,  les  débuts  se  précipitent,  et  l'on  pour- 
rait dire  à  M.  Bagier,  le  directeur  : 

Vous  marchez  d'un  tel  pas  qu'on  a  peine  à  vous  suivre. 

Ainsi,  par  exemple,  le  lendemain  même  du  grand  succès  des 
sœurs  Marchisio,  nous  avons  dû  faire  connaissance  avec  Mme  Spezia 
dans  le  rôle  de  Norma.  Mme  Spezia  est  une  célébrité;  depuis  long- 
temps Paris  sait  son  nom,  et  vraiment  nous  regrettons  qu'elle  ait 
tant  attendu  pour  se  présenter  à  nous  en  personne.  Aujourd'hui  on 
retrouve  encore  en  Mme  Spezia  un  très-beau  talent  de  cantatrice 
et  de  tragédienne,  mais  ses  moyens  ont  faibli,  c'est  surtout  lors- 
qu'elle aspire  aux  notes  élevées  que  la  fatigue  de  sa  voix  se  fait  sen- 
tir. Comme  actrice,  par  son  physique,  par  son  jeu,  par  ses  gestes, 
Mme  Spezia  rappelle  souvent  Mme  Ristori,  dont  toutefois  elle  exa- 
gère les  plus  saillantes  qualités. 

Nous  n'admettons  la  reprise  d'une  œuvre  aussi  connue  que 
Norma,  qu'avec  des  artistes  hors  ligne,  un  ensemble  parfait,  et, 
il  faut  le  dire.  Mme  Spezia  n'était  pas  assez  bien  secondée  jeudi 
soir.  Le  rôle  d'Adalgisa  est  au-dessus  des  moyens  de  Mme  Van  der 
Beck;  M.  Antonucci  ne  nous  fera  pas  oublier  Lablache,  et  M.  Nico- 
lini  n'a  pas  ce  qu'il  faudrait  pour  rendre  supportable  le  rôle  ingrat 
de  Pollion.  Les  chœurs  de  Norma  ne  sont  pas  bien  difficiles,  et 
pourtant  ils  marchaient  mal.  En  somme  la  représentation  a  été  fai- 
ble, et,  comme  si  le  public  l'eût  pressenti,  la  salle  ne  s'est  remplie 
qu'à  moitié. 

P.  3. 


REVUE  CRITIQUE. 

D.  Magnus.  —  Moïse  ,  transcription  de  concert  pour  piano. 

La  reprise  récente  de  Moise,  à  l'Opéra,  en  faisant  revivre  les  mélodies 
de  ce  chef-d'œuvre,  trop  longtemps  négligé,  a  inspiré  plusieurs  trans- 
criptions que  nous  sommes  heureux  de  signaler  à  l'attention  des 
admirateurs  du  génie  de  Rossini,  c'est-à-dire  à  l'universalité  des 
musiciens  et  des  amateurs  de  musique.  L'un  des  premiers,  D.  Magnus, 
jaloux  de  retrouver  le  succès  qui  a  accueilli  ses  excellentes  transcrip- 
tions des  Huguenots  et  du  Pardon  de  Plocrmel,  s'est  emparé  du  grand 
finale  du  troisième  acte  de  Mo'ise  pour  le  traduire  en  un  brillant  mor- 
ceau de  concert.  Certes,  le  sujet  prêtait  assez  pour  que  l'arrangement 
de  ces  admirables  pages  fût  un  travail  des  plus  faciles.  Mais  l'intelligent 
transcripteur  ne  s'est  pas  borné  à  une  imitation  servile,  et,  tout  en  res- 
pectant les  principaux  motifs  de  ce  finale  célèbre,  il  y  a  mis  son  cachet 
personnel.  Toutes  les  richesses  de  l'harmonie  sont  surtout  prodiguées  à 
la  reproduction  de  la  fameuse  phrase  de  Moïse  :  Redoublez  d'amour  et  de 
sèœ,  que  la  basse  et  le  dessus  s'empruntent  tour  à  tour,  de  même  que 
dans  l'opéra,  où  le  chœur  succède  aux  accents  inspirés  de  l'envoyé  de 
Dieu.  Puis  éclate  l'explosion  finale,  dont  le  pianiste-compositeur  a  tiré 
un  parti  remarquable.  Il  y  a  là  des  effets  d'autant  plus  certains  qu'ils  ne 
sont  pas  entravés  par  ces  énormes  difficultés  d'exécution,  dont  l'abus 
ne  sert  le  plus  souvent  qu'à  déguiser  une  disette  absolue  de  pensée  et 
de  style. 


Paul  Bernard.  —  Moïse,  fantaisie  pour  piano. 

Cette  fantaisie,  plus  compliquée  que  la  transcription  de  D.  Magnus, 
n'est  pas  non  plus  dénuée  de  qualités  sérieuses  et  substantielles.  On  sait 
que  M.  Paul  Bernard  est  un  professeur  distingué,  qui  ne  se  contente  pas 
de  faire  de  très-bons  élèves,  mais  qui  aspire,  non  sans  y  avoir  acquis 
déjà  des  droits  nombreux,  au  titre  de  compositeur.  Lui  aussi,  il  a  atta- 
ché son  nom  à  une  transcription  fort  estimée  du  Pardon  de  Ploërmel.  Sa 
fantaisie  sur  Moïse  ne  lui  vaudra  pas  moins  de  suffrages.  C'est  un  mor- 
ceau qui  se  recommande  par  un  arrangement  ingénieux,  par  d'heureuses 
modulations,  par  une  forme  élégante  et  par  une  science  d'harmonie  des 
plus  incontestables.  Il  débute  brillamment  par  un  fragment  du  grand 


52 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


duo  d'Aménophis  et  d'Anaï,  au  premier  acte  de  l'opéra.  Les  ornements 
que  le  compositeur  a  jugé  à  propos  d'adjoindre  au  motif  de  l'andantino 
ne  font  que  lui  prêter  un  charme  de  plus.  L'allégro  est  également  traité 
avec  un  goût  parfait.  Quant  au  motif  de  l'introduction  qui  vient  ensuite 
et  qui  donne  lieu  à  de  charmantes  variations,  nous  ne  pouvons  qu'en 
approuver  le  choix.  C'est  une  bonne  et  belle  conclusion ,  empruntée  à 
l'une  des  inspirations  les  plus  saillantes  de  cette  œuvre  de  génie  qui  en 
compte  un  si  grand  nombre.  M.  Paul  Bernard  ne  pouvait  mieux  termi- 
ner sa  fantaisie,  qui  prendra  assurément  place  parmi  les  plus  agréables 
morceaux  de  salon  transcrits  d'après  les  opéras  en  vogue. 


Pascal  tiorvilh'.  —  Rêverie  de  jeune  fille,  pour  piano. 

Le  nouveau  morceau  de  M.  Pascal  Gerville  dénote,  comme  tout  ce  que 
fait  cet  auteur,  un  sentiment  Jouable  et  un  travail  consciencieux.  Le 
thème  qui  lui  sert  de  début  est  d'une  extrême  simplicité  et  d'une  fran- 
chise non  moins  grande.  C'est  une  véritable  Romance  sans  paroles,  plus 
digne  de  ce  nom  que  bien  des  œuvres  médiocres  qui  se  l'attribuent  sans 
y  avoir  aucun  droit.  Amplifié  avec  beaucoup  de  soin,  ce  thème  reparaît 
toujours,  clair  et  lucide,  sous  les  élégantes  broderies  dont  le  composi- 
teur l'a  entouré.  Très-sobre  dans  ses  développements,  M.  Pascal  Gerville 
semble  n'avoir  songé  qu'à  prouver  à  quel  point  on  peut,  avec  certaines 
combinaisons  basées  sur  la  science  la  plus  aimable  et  la  plus  ingénieuse, 
se  passer  de  ces  interminables  longueurs,  et  surtout  de  ces  bizarreries 
pénibles  qui  n'ont  d'autre  effet  que  de  fatiguer  les  oreilles  et  d'épuiser 
la  patience  des  malheureux  condamnés  à  les  entendre. 

Y. 


CORRESPONDANCE. 

Lettre  de  M.  Fétis  père. 

Bien  qu'il  n'entre  pas  dans  nos  habitudes  de  publier  des  lettres  par- 
ticulières, d'un  caractère  presque  confidentiel,  nous  ferons  une  excep- 
tion pour  la  lettre  que  l'on  va  lire,  tant  à  cause  de  son  auteur  que  de 
l'artiste  qu'elle  concerne.  Nous  aurions  trop  de  regret  et  nous  croirions 
même  commettre  une  injustice,  si,  par  un  scrupule  exagéré,  nous  pri- 
vions Mme  Graever  de  l'avantage  si  légitime  d'un  jugement  émané  du 
plus  illustre  et  du  plus  compétent  de  tous  les  juges.  De  son  côté,  nous 
l'espérons,  notre  savant  collaborateur  ne  pourra  nous  en  vouloir  de 
notre  indiscrétion,  qui  n'est  au  fond  qu'un  hommage  à  son  autorité  et 
à  ses  lumières. 
Voici  le  texte  de  sa  lettre  : 

Bruxelles,  le  2  février  1864. 

Cher  Monsieur  Monnais, 

Vous  avez  recommandé  Mme  Johnson  Graever  à  ce  que  vous  appe- 
lez ma  protection  :  j'ai  fait  honneur  à  votre  patronage,  en  accueillant 
cette  dame  avec  toute  la  distinction  qu'elle  mérite  aussi  bien  par  sa 
personne  que  par  son  talent. 

Avant  la  réception  de  votre  leLtre,  mon  attention  avait  été  flxée  sur 
le  nom  de  Mme  Graever,  par  les  comptes  rendus  des  concerts  donnés 
par  elle  à  Paris,  notamment  par  la  Gazette  musicale.  J'avoue  que  le 
titre  d'élève  de  Litolff,  qu'on  lui  donnait,  me  mettait  un  peu  en  dé- 
fiance ;  car  Litolff,  artiste  plein  de  feu,  de  verve  et  d'entrain,  n'est 
pas  un  homme  d'école  et  ne  se  pique  pas  beaucoup  de  correction 
dans  son  jeu  ;  lorsqu'elle  me  remit  votre  lettre,  elle  me  demanda  de 
l'entendre  et  me  joua  la  grande  fantaisie  de  Hummel.  J'y  reconnus 
aussitôt  des  traditions  de  style  et  de  sonorité  qui  ne  sont  pas  celles  du 
maître  qu'on  lui  donne  ;  je  m'en  expliquai  avec  elle  et  j'appris  qu'elle 
avait  reçu  les  leçons  de  Litolff,  qui  a  toujours  été  fort  bon  pour  elle, 
mais  qu'elle  a  reçu  aussi  des  conseils  de  Moschelès  et  de  Thalberg, 
et  qu'en  Amérique,  elle  a  travaillé  pendant  plusieurs  années  pour 
acquérir  l'ampleur  du  son,  dont  ce  dernier  artiste  offre  un  parfait 
modèle. 

Je  ne  pouvais  seconder  activement  Mme  Graever  dans  ses  projets 
de  concerts  à  Bruxelles,  parce  que,  bien  que  les  sociétés  musicales 
qui  possèdent  les  salles  où  se  donnent  les  concerts  dans  cette  ville 
m'aient   fait    l'honneur  de  me  nommer  un  de  leurs  membres  hono- 


raires, je  m'abstiens  en  toute  circonstance  d'y  intervenir  de  manière 
à  blesser  la  susceptibilité  de  leurs  chefs  d'orchestre.  Je  ne  pouvais 
être  utile  à  Mme  Graever  que  pour  un  des  concerts  du  Conservatoire  ; 
elle  désirait  vivement  s'y  faire  entendre,  ce  que  je  lui  accordai  très- 
volonliers,  ne  doutant  pas  du  succès  qu'elle  y  obtiendrait.  Elle  fit  son 
début  à  Bruxelles  dans  un  concert  de  la  société  de  la  Grande-Har- 
monie, où  elle  joua  trois  morceaux  du  quatrième  concerto-symphonie 
de  Litolff  avec  un  brio  qui  enleva  la  salle,  et  le  Caprice,  de  Chopin, 
qu'elle  exécuta  avec  une  grande  délicatesse.  Après  un  voyage  en 
Hollande,  elle  revint  à  Bruxelles  pour  acquitter  l'engagement  qu'elle 
avait  pris  de  jouer  pour  l'Association  des  artistes  musiciens.  Elle  exé- 
cuta dans  leur  concert  le  concerto  en  si  mineur  de  Hummel,  et  s'y 
montra  sous  un  aspect  tout  différent  de  celui  où  elle  avait  paru  au 
concert  de  la  Grande- Harmonie;  car  son  jeu  y  prit  le  caractère  de 
la  musique  classique  qu'elle  exécutait.  Au  deuxième  concert  du  Con- 
servatoire, donné  le  4  janvier  dernier,  Mme  Graever  a  joué  le  troi- 
sième concerto-symphonie  de  Litolff,  connu  sous  le  nom  de  Concerto 
hollandais.  Secondée  par  le  puissant  et  valeureux  orchestre  qui  l'ac- 
compagnait, elle  y  a  produit  une  vive  impression  sur  les  artistes 
comme  sur  le  public.  Son  articulation  a  une  singulière  puissance,  et 
son  rhythme  une  rare  énergie.  Je  ne  doute  pas  que  sa  renommée  ne 
s'étende  bientôt  dans  le  monde  musical  européen,  où  son  nom  ne  ré- 
sonne que  depuis  peu  de  temps.  Elle  a  la  conscience  des  vrais  artis- 
tes, et  se  livre  chaque  jour  au  travail  avec  ardeur  pour  y  chercher 
la  perfection,  but  idéal  de  l'art,  vers  lequel  les  organisations  d'élite 
s'avancent  pas  à  pas,  sans  jamais  l'atteindre. 

Ce  que  j'ai  pu  faire  pour  votre  protégée,  cher  monsieur  Monnais, 
est  peu  de  chose,  puisque  cela  s'est  borné  à  faire  connaître  son  ta- 
lent aux  abonnés  des  concerts  du  Conservatoire;  si  j'avais  pu  lui 
être  plus  utile,  je  l'aurais  fait  avec  grand  plaisir  ;  mais  il  ne  faut  pas 
se  dissimuler  que  le  beau  temps  pour  les  virtuoses  est  passé  pour 
jamais.  L'immense  quantité  de  sociétés  musicales,  qui  couvre  main- 
tenant l'Europe,  a  rendu  partout  les  concerts  particuliers  à  peu  près 
impossibles.  Les  plus  grands  artistes  sont  obligés  d'accepter  les  en- 
gagements que  leur  offrent  les  sociétés,  et  le  chiffre  de  ces  engage- 
ments s'abaisse  chaque  année. 

Votre  amitié  m'autorise  à  vous  parler  un  peu  de  moi  en  confidence: 
ma  deuxième  symphonie  (en  sol  mineur)  a  été  exécutée  au  second 
concert  du  Conservatoire  et  y  a  produit  une  profonde  impression. 
Malgré  les  immenses  difficultés  de  cet  ouvrage,  l'excellence  de  l'exé- 
cution par  l'orchestre  a  été  telle,  que  j'ai  pu  me  faire  une  opinion 
certaine  sur  la  valeur  de  l'œuvre.  Depuis  longtemps  je  suis  préoccupé 
de  voies  nouvelles  à  ouvrir  dans  les  formes  de  l'art  :  je  crois  avoir 
réalisé  cette  fois  ce  que  j'ai  voulu  faire. 

Je  vous  réitère,  mon  cher  monsieur  Monnais,  l'assurance  de  mes 
sentiments  affectueux. 

FETIS  père. 


Marseille,  10  février. 
lie   Pardon  de  Ploërniel. 

(Première  représentation.) 

Si  le  Pardon  de  Ploërmel  arrive  un  peu  tard  au  Grand-Théâtre  de 
Marseille,  on  aurait  tort  d'en  accuser  les  directeurs  qui  se  sont  succédé 
chez  nous  depuis  1859,  époque  où  parut,  pour  la  première  fois,  la 
dernière  partition  de  Meyerbeer,  à  l'Opéra-Comique. 

Les  directeurs  dont  nous  parlons,  il  faut  leur  rendre  cette  justice, 
pleins  de  respect  et  de  déférence  pour  l'œuvre  du  maître,  à  qui  la  scène 
lyrique  française  doit  une  grande  partie  de  sa  gloire  et  de  sa  fortune, 
n'auraient  pas  voulu  sacrifier  le  Pardon  en  confiant  les  rôles  principaux 
de  la  pièce  à  des  artistes  insuffisants  ou  incomplets,  et  cette  raison 
seule  a  pu  les  empêcher  de  satisfaire  jusqu'à  ce  jour  le  désir  du  pu- 
blic, qui  attendait  avec  impatience  le  dernier  opéra  de  l'auteur  de 
Robert,  des  Huguenots  et  du  Prophète. 

Enfin  l'heure  propice  a  sonné  :  le  Pardon  de  Ploërmel  a  pu  être  re- 


DE  PARIS. 


53 


présenté  dignement  et  dès  le  premier  jour  le  succès  en  a  été  magni- 
fique ;  applaudissements,  rappels,  rien  n'y  a  manqué. 

Je  ne  vous  parle  pas  de  l'œuvre.  Vous  la  connaissez  et  vous  l'admi- 
riez bien  avant  nous.  Je  ne  m'occupe  donc  que  de  sa  triomphale  appa- 
rition dans  notre  ville. 

Pour  cette  fois,  le  directeur,  M.  Halanzier,  s'est  surpassé,  de  l'aveu 
de  toutes  les  personnes  qui  ont  pu  voir  le  chef-d'œuvre  monté  avec  le 
môme  soin,  le  même  goût  qu'à  l'Opéra-Comique  de  Paris.  Les  décors 
nouveaux  font  honneur  à  M.  l'onson,  celui  du  deuxième  acte  surtout, 
dominé  par  la  fameuse  cascade  dont  l'effet  a  été  complet. 

Quant  aux  artistes,  nous  pouvons  dire  qu'ils  ont  réussi  comepléte- 
ment.  Mme  Gasc  surtout  mérite  une  mention  exceptionnelle  comme 
chanteuse  et  comme  comédienne.  La  grâce,  l'énergie  ne  lui  ont  pas 
fait  défaut  un  seul  instant,  et  la  scène  de  l'ombre,  enlevée  par  elle,  lui 
a  valu  des  applaudissements  unanimes,  suivis  d'un  rappel,  où  l'appui 
officiel  des  descendants  de  César  et  d'Auguste  n'entrait  pour  rien. 

Le  rôle  de  Hoël  ne  pouvait  rencontrer  un  plus  habile  interprète  que 
M.  Barré;  il  a  soutenu  vaillamment,  jusqu'au  bout,  sa  partie  sans  faiblir, 
et  dit  son  grand  air  en  artiste  exercé,  pour  qui  l'art  du  chant  et  de  la 
déclamation  n'ont  plus  de  secrets.  M.  lloltzem,  outre  sa  jolie  voix,  est 
un  excellent  musicien;  il  l'a  prouvé  de  reste  dans  les  deux  premiers 
actes.  Les  couplets  de  la  Peur  l'ont  fait  applaudir  à  deux  reprises  par  la 
salle  entière. 

Enfin,  nommer  MM.  Vanhuflen,  Metzler,  Mines  Poncer  et  Arquier  dans 
le  Braconnier,  le  Faucheur  et  les  deux  jeunes  Pâtres,  c'est  dire  que  ces 
rôles  secondaires  ont  été  rendus  à  la  satisfaction  du  public,  de  même 
que  les  morceaux  d'ensemble  confiés  à  nos  choristes. 

L'orchestre  a  été  très-remarquable,  et  l'on  ne  saurait  trop  louer  le 
talent,  le  zèle  et  le  dévouement  qu'a  déployés  M.  Momas,  secondé  d'ail- 
leurs par  une  phalange  d'excellents  instrumentistes. 

La  seconde  représentation,  donnée  lundi  10  février,  a  pleinement 
confirmé  le  grand  effet  de  la  première. 


NOUVELLES. 


***  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  cinq  représentations  ont  été  don- 
nées la  semaine  dernière.  La  Favorite,  suivie  du  Marché  des  Innocents, 
ballet  dans  lequel  Mlle  Fioretti  a  remplacé  avec  succès  Mlle  Vernon, 
Robert  le  Diable  et  Moïse  ont  tour  à  tour  attiré  la  foule.  Le  chef-d'œuvre 
de  Meyerbeer,  donné  le  mardi  gras  devant  une  salle  comble,  a  été  su- 
périeurement interprété  par  Mlle  Sax,  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  Guey- 
mard  et  Belvai. 

**„.  Le  nouveau  ballet  ne  sera  probablement  représenté  que  la  semaine 
prochaine. 

***  On  annonce  que  Mme  Vandenheuvel-Duprez  va,  pour  cause  de 
santé,  quitter  prochainement  l'Opéra. 

„*„.  On  a  eu  des'  craintes  à  Saint-Pétersbourg  pour  les  jours  de  la 
charmante  danseuse  Mme  Petipa.  Prise  au  sortir  d'une  représentation 
du  ballet  :  la  Belle  du  Liban,  d'un  violent  transport  au  cerveau,  elle  a 
eu  pendant  plusieurs  jours  le  délire,  et  la  fièvre  typhoïde  paraissait 
imminente.  Le  danger  a  heureusement  disparu,  et  elle  est  depuis  quel- 
ques jours  entrée  en  convalescence. 

„*„  Lara,  le  nouvel  ouvrage  en  trois  actes  d'Aiméplaillart,  sera  inter- 
prété par  Montaubry  (Lara),  Crosti  (Ezzelin),  Gourdin  (Lambro),  Trillet 
(Antonio)  ;  Mmes  Galli-Marié  (Kaled),  Baretti  (Camille),  Tuai  (Casilda), 
Casimir  (Barbara).  La  première  représentation  en  aura  lieu  au  com- 
mencement du  mois  prochain. 

,.**  Mlle  Marimon  doit  quitter  l'Opéra-Comique  pour  se  consacrer  à  la 
carrière  italienne. 

»%  Adelina  Patti  a  chanté,  la  semaine  passée,  dans  Don  Pasquale  et 
il  Barbierc  di  Scviglia,  et  elle  y  a  produit  un  effet  prodigieux.  La  célè- 
bre cantatrice  va  maintenant  aborder  le  rôle  de  Marta,  qu'elle  chantera 
pour  la  première  fois  à  Paris  :  Mario,  Délie  Sedie,  et  Mme  Méric-La- 
blache  rempliront  les  autres  rôles  de  l'opéra  de  Flotow. 

#%  On  annonce  que  le  nouvel  opéra  de  Gounod  ne  sera  donné  qu'au 
commencement  du  mois  prochain.  Faust  et  Rigoletto  continuent  donc  à 
occuper  l'affiche  du  théâtre  Lyrique. 

„.%  Toujours  la  même  affluence  aux  Bouffes-Parisiens,  avec  les  Bavards, 
Lischen  et  Fritzchen  et  Fagotto. 

***  Plusieurs  des  artistes  que  l'on  applaudissait  tout  récemment  en- 
core au  théâtre  Italien  de  Paris,  viennent  de  faire  brillamment  leur 
rentrée  à  Madrid.  Dans  Lucia,  le  baryton  Giraldoni  n'a  pas  reçu  un 
accueil  moins  flatteur  que  Fraschini,  Mme.de  la  Grange  et  Bouché. 

***  On  cite  parmi  les  engagements  d'artistes  faits  pour  la  saison  pro- 
chaine par  M.  Benazet  :  Mmes  Charton-Demeur  et  Faure-Lefebvre  ; 
Mlle  Battu,  MM.Naudin,  Délie  Sedie,  Jourdan,  Sainte-Foy,  Petit  et  Raynal. 


„,**  M.  Bettini  et  Mme  Trebelli-Bettini  se  sont  fait  entendre  avec  un 
très-grand  succès  à  Bordeaux,  au  Cercle  philharmonique. 

***  Dimanche  dernier,  au  concert  du  Cirque  Napoléon,  Sivori  a  exé- 
cuté le  concerto  en  si  mineur  de  Paganini,  que  nous  lui  avions  déjà 
entendu  jouer,  il  y  a  deux  ans,  dans  le  même  local.  Comme  la  première 
fois,  l'effet  a  été  merveilleux,  extraordinaire.  Sivori  s'est  montré  plus 
que  jamais  le  digne  élève  et  continuateur  de  l'auteur  du  célèbre  con- 
certo. Les  applaudissements  et  les  rappels  ont  été  innombrables.  Au- 
jourd'hui Sivori  doit  jouer  la  Mélancolie,  de  Prume. 

***  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  Cirque  Napoléon  :  marche  religieuse,  de 
A.  Adam;  symphonie  en  la  mineur,  de  Mendelssohn  ;  hymne,  de  Haydn 
(par  tous  les  instruments  à  cordes);  ouverture  de  Léonore,  de  Beethoven; 
la  Mélancolie,  de  Prume,  exécutée  par  C.  Sivori  ;  ouverture  de  Guillaume 
Tell,  de  Rossini. 

***  Nous  avons  assisté  récemment  à  l'audition  d'une  œuvre  dont 
l'idée  vraiment  neuve  appartient  â  notre  excellent  confrère,  J.  d'Or- 
tigue.  Nous  ne  croyons  pouvoir  mieux  en  faire  comprendre  la 
portée  et  le  mérite  qu'en  reproduisant  l'espèce  de  programme,  que  l'au- 
teur s'est  tracé  à  lui-même,  et  qu'il  a  suivi  toujours  avec  un  remar- 
quable talent:  —  Messe  sans  Paroles,  pour  piano  ou  orgue,  violon  ou 
violoncelle,  adaptée  aux  messes  basses.  C'est,  pour  ainsi  dire,  une  suite  de 
cinq  méditations  musicales  appropriées  aux  cinq  parties  de  la  messe. 
1°  Depuis  la  sortie  du  prêtre  de  la  sacristie  jusqu'à  l'Évangile.  —  Con- 
fiteor.  —  Kyrie  Eleison.  —  Gloria.  —  Le  morceau  est  en  ré  mineur  et 
se  termine  en  majeur.  L  idée  principale  du  Gloria  est  comprise  dans  le 
majeur.  Néanmoins,  il  y  a,  dans  le  Gloria,  des  choses  qui  rentrent  dans 
l'expression  du  Kyrie  :  par  exemple,  ces  paroles  :  Suscipe  deprecationem 
nostram qui  tollis  peccata  mundi,  miserere  nobis.  —  2°  Depuis  l'Evan- 
gile jusqu'à  la  Préface.  Credo.  —  Offertoire.  —  Affirmation  du  dogme. 

—  Offrande  du  sacrifice  en  mémoire  de  la  passion.  —  Le  morceau  est 
un  solo  de  basse  en  sol  mineur.  Il  est  coupé  par  un  épisode  en  si  bé- 
mol. En  écrivant  cet  épisode,  l'auteur  a  été  dominé  par  l'idée  du  mys- 
tère de  l'incarnation  et  des  sentiments  d'abandon,  de  douce  et  tendre 
confiance  qu'il  doit  inspirer.  —  3°  Préface.  —  Sanctus.  —  Hosanna.  — 
Benedictus.  —  Les  anges  descendent  sur  l'autel.  La  victime  va  paraître 
aux  paroles  de  la  consécration.  Le  trait  de  violon  en  si,  c'est  V hosanna. 

—  4°  Elévation.  —  Anéantissement.  —  Profonde  adoration.  —  5°  De- 
puis l'Agnus  Dei  jusqu'à  la  fin.  —  Agnus  Dei.  —  Communion.  —  Sortie. 

—  Sentiments  de  douce  paix  :  donu  nobis  pacem....  Domine,  non  sum 
dignus  ut  intres  sub  tectum  meum,  sed  tantum  die  verbum  et  sanabitur  anima 
mea.  —  Vers  le  milieu  du  morceau,  la  messe  est  achevée,  mais  le 
chrétien  reste  quelque  temps  encore  en  prières,  il  repasse  dans  son 
esprit  les  pensées  qui  l'ont  le  plus  touché  durant  le  sacrifice.  La  réca- 
pitulation des  divers  motifs  des  morceaux  précédents  a  lieu  dans  les 
mêmes  tons  des  morceaux,  et  elle  se  fait  au  moyen  de  quelques 
phrases  de  récitatif  d'une  extrême  simplicité.  Le  chrétien  se  retire  l'âme 
contente  et  recueillie. 

***  Le  concert  de  Camille  Sivori  reste  fixé  au  15  février  et  aura  lieu 
à  la  salle  Herz,  qui  ce  soir  sera  trop  petite  pour  contenir  la  foule  qui 
voudra  entendre  le  grand  violoniste. 

***  M.  Georges  Pfeiffer,  qui  a  obtenu  un  si  brillant  succès  à  Favant- 
dernier  concert  de  la  société  du  Conservatoire,  prépare  pour  le  29  fé- 
vrier un  grand  concert  avec  orchestre  et  chœurs.  Il  y  fera  entendre, 
entre  autres  morceaux  de  sa  composition,  son  deuxième  concerto,  ap- 
prouvé par  le  Conservatoire,  et  une  ouverture.  Nous  donnerons  le  pro- 
gramme de  cette  soirée  qui  aufa  lieu  dans  les  salons  Pleyel,  WolffetCe. 

*%  Le  concert  de  L.  Lacombe  reste  fixé  au  24  février. 

***  Une  audition  tout  intime  et  par  invitations  a  eu  lieu  ces  jours 
derniers  à  la  salle  Pleyel.  M.  Wekerlin  y  a  fait  entendre  quelques  com- 
positions nouvelles  de  musique  vocale,  dont  quelques-unes  encore  inédi- 
tes. On  a  chanté  en  trois  langues  :  en  italien,  en  français  et  en  indien. 
Et,  voyez  l'attrait  que  le  public  trouve  aux  innovations,  c'est  la  chan- 
son indienne  précisément  qui  a  obtenu  les  honneurs  du  bis  avec  quel- 
ques autres  morceaux.  Trois  cantatrices  de  salon  auxquelles  le  talent  ne 
fait  certes  pas  défaut,  ont  concouru  à  cette  soirée  musicale  :  Mme  Ch. 
Ponchard  a  dit  une  pastorale  sur  des  paroles  de  1600,  le  Bouquet  de  vio- 
lettes ;  Mme  Barthe  Banderali  une  valse  italienne,  Licinda,  et  une  Aubade 
béarnaise;  Mme  E.  Bertrand  la  Rosée  de  mai  et  Désir,  nouvelle  tyrolienne  ; 
M.  Félix  Lévy  Combien  j'ai  douce  souvenance  ;  M.  Archainbaud  J'avais 
quinze  ans  et  le  duo  de  la  Herse  avec  M.  Mortier.  Des  trios  et  des  qua- 
tuors complétaient  le  programme,  qui  a  débuté  et  s'est  terminé  par  des 
chœurs  chantés  par  l'orphéon  Pleyel-Wolff,  sous  la  direction  deM.  O'Kelly. 
Le  public  a  témoigné  la  plus  flatteuse  sympathie  aux  exécutants  et  au 
compositeur,  M.  Wekerlin. 

***  Mlle  Marie  Perez  est  arrivée  à  Paris  ;  son  concert  est  fixé  au  1er 
mars,  salle  Herz.  Nous  en  ferons  connaître  le  programme  complet. 

***  Le  concert  de  W.  Krûger  reste  fixé  au  lundi  22  février,  salle  Herz. 
M.  Krûger  y  fera  entendre  les  œuvres  suivantes  de  sa  composition  : 
Deuxième  concerto  en  la  majeur  pour  piano  et  orchestre  (inédit)  ;  Ber- 
ceuse, air  de  ballet  (inédits)  ;  l'Echo  de  la  vallée,  la  Coupe  d'or  (deman- 
dés). M.  Krûger  exécutera  en  outre  le  rondo  de  Mendelssohn  avec  ac- 


m 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


compagnement  d'orchestre.  Mme  Gagliano  et  M.   Vincent   sont  chargés 
de  la  partie  vocale. 

***  Depuis  deux  mois,  Ernest  Nathan  a  ouvert  son  salon  à  un  choix  de 
dilettantes,  qui  viennent  y  chercher  la  bonne  musique,  interprétée  avec 
un  vrai  talent.  La  semaine  dernière,  M.  Charles  Poisot  et  lui  jouaient 
ensemble  au  concert  de  Mlle  Léa  Karl  le  duo  de  Alartha,  composé  par 
Nathan,  et  qui  a  été  vivement  applaudi  par  une  nombreuse  assemblée. 
(S'athan  a  dit  aussi  une  autre  fantaisie  de  sa  composition  sur  Norma, 
qui  met  en  relief  toute  l'expressive  sensibilité  de  son  jeu. 

**„,  M.  Pruckner,  pianiste  fort  distingué,  donnera  le  1  er[inars  un  con- 
cert dans  les  salons  Erard. 

*%  Le  célèbre  flûtiste,  Gariboldi,  s'est  fait  entendre  récemment  à  la 
villa  Mackenzie  à  Saint-Germain  :  il  y  a  joué  une  fantaisie  sur  le  Trova- 
tore.  Dans  la  même  séance,  plusieurs  fragments  du  Marchand  de  Venise, 
de  Shakspeara,  ont  été  fort  bien  déclamés  par  M.  Beaumont. 

***  Le  jeudi,  18  février,  salons  Erard,  soirée  de  musique  de  chambre; 
donnée  par  Mme  Tardieu  de  Malleville,  C.  Sivori  et  A.  Piatti.  On  y  en- 
tendra le  trio  en  si  bémol,  de  Beethoven;  sonate,  de  Boccherini,  pour 
piano  et  violoncelle;  sonate,  de  Mozart,  pour  piano  et  violon;  air 
varié  en  ré  mineur,  de  Haendel,  pour  piano;  trio  en  sol,  de  Haydn. 

»%  M.  Edmond  Hocmelle,  organiste  de  Saint-Philippe  du  Roule  et  de 
la  chapelle  du  Sénat,  donnera,  le  vendredi  26  courant,  salle  Herz,  une 
brillante  soirée  musicale  et  littéraire.  Un  proverbe  de  Mlle  Jenny  Sa- 
batier,  interprété  par  Samson,  un  opéra  par  M.  Hocmelle  et  un  concert 
composé  d'artistes  d'élite  donnent  à  cette  fête  artistique  un  intérêt  tout 
spécial. 

*%Les  frères  Emile  et  Auguste  Sauret,  habiles  pianistes  et  violonistes 
bien  qu'âgés  seulement  de  dix  et  onze  ans,  dont  nous  avons  eu  souvent 
occasion  d'enregistrer  les  succès,  donneront,  le  7  mars  prochain,  dans 
les  salons  d'Erard,  un  concert  qui  offrira  un  grand  attrait. 

**„  A  la  prochaine  séance  donnée  par  MM.  Armingaud,  Jacquard, 
Lalo  et  Mas,  qui  aura  lieu  mercredi  prochain  avec  le  concours  de 
M.  Lubeck,  on  exécutera  un  trio  de  Mozart,  deux  quatuors  de  Schu- 
bert et  Mendelssohn,  et  la  sonate  op.  33  pour  le  piano  par  Beethoven. 

**,  Après  de  longs  séjours  à  l'étranger,  Alexandre  Billet,  dont  nous 
annonçons  le  retour  à  Paris,  vient  s'y  fixer  décidément.  Nos  concerts 
vont  y  gagner  un  élément  de  vogue  et  le  monde  des  pianistes  un  grand 
professeur. 

*%  La  Société  des  quatuors  français  tiendra  jeudi  prochain  sa 
deuxième  séance.  On  entendra  MM.  Albert  Ferrand,  Lée,  Rinck,  Ernest 
Bernhard  et  Mme  A.  Ferrand. 

***  Burgmuller  vient  de  composer  une  délicieuse  valse  de  salon  pour 
le  piano  sur  :  Je  suis  Alsacienne,  le  duo  devenu  si  vite  populaire  de  Lis- 
chen  et  Fritzchen. 

***  L'éminent  organiste  G.  Romano,  que  nous  avons"applaudi  l'hiver 
dernier,  vient  d'arriver  à  Paris  où  il  se  fera  probablement  entendre. 

„*,  Le  legs  d'une  rente  annuelle  de  700  francs  pendant  cent  ans  avait 
été  fait  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  l'Institut,  par  M.  Chartier,  pour 
être  décerné  en  prix  ou  encouragements  aux  auteurs  des  meilleures 
œuvres  de  musique  de  chambre  ou  aux  éditeurs  reproducteurs  des  chefs- 
d'œuvre  du  genre.  Les  héritiers  de  M.  Chartier  ont  proposé  de  payer 
une  somme  de  10,000  francs  au  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  en 
échange  de  cette  rente.  L'Académie  des  Beaux-Arts  a  accepté  cette 
offre  dans  sa  séance  du  31  octobre  1863,  et  un  décret  impérial  du 
27  janvier  vient  d'autoriser  cette  transaction.  La  somme  de  10,000  fr. 
sera  placée  en  rente  3  0/0  sur  l'Etat  français  et  conservera  la  destina- 
tion spécifiée  par  le  testament  de  feu  M.  Chartier. 

Ji  La  marche  religieuse  des  Ruines  d'Athènes  et  le  finale  de  la  sym- 
phonie héroïque  de  Beethoven,  transcrits  pour  orgue,  qui  ont  été  exé- 
cutés par  M.  Edouard  Batiste  et  ont  produit  un  si  grand  effet  à  la 
fête  solennelle  de  Sainte-Cécile,  viennent  de  paraître  chez  Richault.  'ij 

***  L'excellent  pianiste  compositeur  Vincent  Adler  obtient  en  ce 
moment  de  très-grands  succès  à  Lyon,  où  il  s'est  fait  entendre  dans  la 
salle  philharmonique. 

„%  Mlle  Anna  Bertini  prêtera  son  concours  au  concert  de  François 
Kullack,  que  ce  jeune  pianiste  donnera  mercredi  prochain  dans  les  sa- 
lons Erard.  11  y  exécutera  :  prélude  et  fugue  en  la  pour  orgue,  de  Bach; 
nocturne  en  fa  mineur,  de  Chopin;  Psyché,  étude  fantastique  de  Th. 
Kullack;  sonate  en  (a  bémol  (op.  110),  de  Beethoven;  polonaise]  de 
Chopin. 

*%  Sous  le  titre:  Souvenir  cVun  songe,  M.  Emile  Jonas  vient  de  pu- 
blier une  mélodie  pour  piano  très-originale  qui  mérite  d'être  vivement 
recommandée. 

„%  Mlle  Marie  Deschamps,  organiste  de  la  meilleure  école,  a  donné, 
dimanche  dernier,  une  matinée  musicale  dans  les  salons  des  bains  de  Tivoli. 
On  a  beaucoup  admiré  la  belle  qualité  de  son  qu'elle  tire  de  son  instru- 
ment, et  son  succès  a  été  très-grand.  Mlle  Nina  Gaillard,  une  des  meil- 
leures élèves  de  Herz,  a  joué  de  la  manière  la  plus  élégante  un  beau 
morceau  sur  Faust.  Les  deux  charmantes  artistes  ont  été  fêtées,  rappe- 
lées et  applaudies  comme  elles  le  méritaient. 


„%  La  Société  des  gens  de  lettres  se  réunira  en  assemblée  générale 
ordinaire  et  extraordinaire,  le  21  février  1 86i,  dans  les  salons  de  Le- 
mardelay,  rue  de  Richelieu,  100. 

„.%  M.  Joseph  Franck,  de  Liège,  donnera  le  15  mars  un  concert  dans 
la  salle  Herz,  où  on  entendra  divers  morceaux  de  sa  composition. 

**„  La  veuve  de  Nicolo  Isouard,  l'auteur  de  Ccndrillon,  Joconde,  Jean- 
not  et  Colin,  les  Rendez-vous  bourgeois,  etc.,  vient  de  mourir  à  Paris,  à 
l'âge  de  soixante- dix-huit  ans. 

„*„.  On  annonce  la  mort  du  compositeur  de  musique  sacrée  Michèle 
Puccini,  contre-pointiste  distingué.  Il  a  écrit  des  mémoires  relatifs  à  di- 
vers points  d'histoire  et  de  théorie  musicale.  Puccini  était  élève  de 
Mercadante  ;  il  est  mort  à  Lucques,  âgé  de  cinquante-huit  ans. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


%%  Arras.  —  Un  grand  concert  a  été  donné  par  la  Société  philhar- 
monique, avec  le  concours  de  plusieurs  chanteurs  et  instrumentistes  de 
renom.  Parmi  ces  derniers  se  trouvait  M.  Wuille,  de  l'orchestre  de 
Strasbourg,  qui  était  venu  se  faire  entendre  chez  nous,  il  y  a  deux  ans; 
nous  l'avons  retrouvé  ce  que  nous  l'avions  connu,  toujours  admirable. 
Sous  ses  doigts,  la  clarinette  devient  un  violon,  pour  la  douceur  des 
sons,  pour  les  doubles  notes  qu'il  en  tire.  Tous  ses  morceaux  sont  d'une 
excessive  difficulté,  notamment  l'air  de  Marlborough  si  digne  de  son 
titre  de  Trille  diabolique,  et  il  les  joue  avec  la  plus  grande  aisance. 
M.  Wuille  a  été  applaudi,  bissé,  rappelé  avec  enthousiasme,  comme  il 
le  méritait. 

,.*„  Strasbourg.  —  La  reprise  du  Comte  Ory  vient  d'avcir  lieu  avec  un 
grand  succès.  M.  Warnot,  Mme  L.  Cyriali  et  Mlle  Latouche  y  ont  été 
justement  applaudis. 

„%  Rordeaux.  —  Le  concert  donné  le  30  janvier  dernier  par  la  Société 
philharmonique  a  été  très-brillant.  Parmi  les  morceaux  les  plus  applau- 
dis nous  devons  citer  la  belle  Ouverture  de  concert,  de  Bouleau-Neldy,  et 
la  cantate  que  ce  lauréat  du  dernier  concours  de  la  Société  de  Sainte- 
Cécile  a  composée  en  l'honneur  de  notre  président,  l'honorable  M.  H. 
Brochon,  nommé  maire  de  Bordeaux.  Peschard  a  fort  bien  chanté  les 
solos  de  ténor;  et  les  choristes  de  Sainte- Cécile,  sous  la  direction  de 
M.  Sarreau,  leur  chef,  ont  rendu,  avec  beaucoup  d'énergie,  cette  partie 
de  l'œuvre  de  l'éminent  organiste  de  Saumur. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


„,%  Londres,  9  février.  —  M.  Howard  Glover,  le  compositeur  popu- 
laire, en  Angleterre  le  critique  excellent  du  Morning-Post,  a  donné  la 
semaine  dernière  son  concert  annuel  dans  la  salle  de  spectacle  de 
Drury-Lane.  Ce  qui  nous  a  paru  le  plus  original  dans  l'immense 
programme,  c'est  la  symphonie  pastorale  de  Beethoven,  illustrée  par  des 
danses  et  des  paysages.  —  Au  théâtre  de  Sa  Majesté,  M.  Marchesi  conti- 
nue de  chanter  avec  beaucoup  de  succès  le  rôle  de  Méphisto  dans  Faust, 
Mme  Lemmens-Sherrington  montre  infiniment  de  goût  dans  le  rôle 
de  Marguerite.  —  M.  et  Mme  Marchesi  sont  engagés  par  Cramer  et  Beale 
pour  une  tournée  provinciale,  qui  durera  depuis  la  fin  de  mars  jus- 
qu'en mai.  Avant  leur  départ,  ils  donneront  un  concert  historique. 

„.%  Bruxelles.  —  Mme  Ferraris  est  à  la  veille  de  débuter  dans  Giselle, 
au  théâtre  de  la  Monnaie,  où  le  succès  de  Roger  ne  diminue  pas.  Après 
plusieurs  représentations  des  Huguenots,  il  va  se  faire  entendre  dans  le 
Trouvère  et  le  Prophète  qu'on  répète  activement.  —  Une  réunion  d'ar- 
tistes les  plus  distingués  a  eu  lieu  dimanche  dernier,  dans  les  salons  de 
Mme  Pleyel.  Cette  grande  et  incomparable  artiste  a  fait  entendre  sur 
le  piano  l'œuvre  capitale  de  Hummel,  la  fantaisie  du  Cor  enchanté 
d'Oberon.  Mme  Pleyel  a  électrisô  son  auditoire.  Une  perfection  déses- 
pérante dans  son  exécution,  et  une  sonorité  dont  elle  seule  possède  le 
secret,  sont  les  qualités  qui  ont  excité  la  plus  vive  admiration.  Elle  a 
exécuté  ensuite  la  délicieuse  polonaise  en  nu  bémol  de  Chopin;  jamais 
on  n'a  entendu  jouer  cette  artiste  avec  tant  de  charme  et  de  délicatesse. 
L'orchestre,  composé  des  principaux  professeurs  du  Conservatoire  royal 
de  musique  de  Bruxelles,  était  dirigé  par  leur  savant  chef  M.  Fétis. 

„%  Gand.  —  Roucluird  d'Avesnes,  grand  opéra  national  en  cinq  actes 
et  sept  tableaux,  de  MM.  Van  Pee  et  Miry,  a  été  représenté  samedi, 
pour  la  première  fois  sur  notre  théâtre.  La  nouvelle  partition  de 
M.  Miry  constate  un  immense  progrès  comme  inspiration  mélodique  et 
comme  science  orchestrale.  Le  grand  finale  du  second  acte  ,  la  mar- 
che du  troisième  et  le  chœur  de  l'anathème  qui  termine  l'ouvrage,  sont 
des  morceaux  d'une  importance  capitale  et  que  le  public  a  surtout 
applaudis.  Ses  interprètes,  MM.  Carman,  de  Quercy,  Filliol,  Mmes  Baibi, 


DE  PARIS. 


55 


Baudier  et  Geoffroy,  ont  leur  part  à  revendiquer  dans  la  réussite  de 
l'ouvrage.  Compositeur,  poète  et  artistes  ont  été  rappelés  a  grands  cris 
à  la  chute  du  rideau  et  accueillis  par  des  acclamations  sans  fin.  Les 
chœurs,  qui  occupent  dans  la  partition  une  place  importante,  ont  tous 
été  irréprochablement  chantés,  et  Porchestre,  sous  la  direction  de 
M.  Singelée,  a  accompli  sa  tacha  à  la  satisfaction  générale. 

„*„,  Hambourg.  —  Mlle  Lucca  de  Berlin  a  débuté,  le  2  février,  par  le 
rôle  de  Valentine  dans  les  Huguenots,  avec  un  succès  qui  tenait  du  fana- 
tisme. Joachim  se  fera  entendre  au  prochain  concert  philharmonique. 

*%  Berlin.—  Mlle  Désirée  Artot  a  continué  auec  beaucoup  de  succès 
ses  débuts  par  le  rôle  de  Marie  dans  la  Fille  du  Régiment.  Elle  avait 
débuté   par  le  rôle   de  Rosine  dans  le  Barbier. 

*%  Vienne,  8  février.  —  Le  nouvel  opéra  de  J.  Offenbach,  la  Fée  du 
Rhin  (Rhcin  nixe),  vient  d'obtenir  le  plus  grand  succès.  Toute  la  cour 
assistait  à  la  première  représentation,  qui  a  été  des  plus  brillantes.  Le 
compositeur  a  été  rappelé  jusqu'à  huit  fois  avec  acclamations.  La  se- 
conde représentation  n'a  pas  été  moins  heureuse  ;  dès  cinq  heures  du 
matin  on  assiégeait  les  bureaux  pour  avoir  des  billets.  A  la  troisième, 
égal  empressement,  égale  affluence.  Nous  empruntons  les  détails  sui- 
vants aux  journaux  viennois  :  «  Dès  le  début,  un  chœur  de 
paysans,  une  marche,  un  grand  air,  dit  par  Mme  Wildauer,  et  un  air 
du  baryton  Beck,  ont  obtenu  le  succès  le  plus  franc,  le  plus  animé. 
Le  chant  de  la  patrie  (Vaterland)  et  un  splendide  finale  avaient,  dès  le 
premier  acte,  assuré  le  triomphe  de  l'œuvre.  Le  second  acte  n'a  pas 
laissé  refroidir  un  seul  instant  l'effet  de  ce  début.  Coup  sur  coup,  une 
romance  de  ténor,  un  grand  duo,  un  chœur  d'Elfes,  une  ballade  du  ba- 
ryton et  un  chœur  de  lansquenets,  ont  excité  les  applaudissements  les 
plus  bruyants.  Le  troisième  acte,  le  plus  court  des  trois,  n'a  pas  été  le 
moins  fêté.  Il  présente  quatre  morceaux  d'une  importance  capitale  et 
d'un  effet  saisissant  :  c'est  un  duo,  puis  un  chœur  et  un  air  du  ténor, 
tous  les  trois  merveilleusement  réussis,  et  enfin,  dans  le  finale,  le  re- 
tour de  ce  fameux  chant  du  Vaterland,  qui  a  porté  au  comble  l'émotion 
et  l'enthousiasme  des  assistants.  » 

***  Stuttgard.  —  Au  concert  d'abonnement,  de  la  Chapelle -Royale, 
a  été  exécuté  :  Christophe  Colomb,  tableau  symphonique,  par  J.  Abert. 
Ce  jeune  compositeur,  avantageusement  connu  par  deux  symphonies 
et  deux  opéras  :  Anna  de  Landskron  et  le  Roi  Ensio,  a  de  nouveau  fait 
preuve  d'un  talent  des  plus  remarquables.  Ce  n'est  pas  un  événement 
historique  qu'il  a  voulu  peindre  en  forçant  les  limites  de  son  art  ;  son 
but  a  été  de  rendre  les  diverses  impressions  pendant  un  voyage  sur  mer  : 
le  Départ  au  matin,  Chant  des  matelots,  la  Nuit,  la  Tempête.  C'est  une  série 
de  tableaux  pleins  de  poésie  et  richement  colorés,  où  la  forme  la  plus 
correcte  et  une  savante  instrumentation  s'allient  à  la  verve  du  poète. 
Un  accueil  enthousiaste  a  été  fait  à  la  nouvelle  symphonie,  qui  ne  tar- 
dera pas  à  faire  le  tour  de  l'Allemagne.  Malheureusement  le  triomphe 
du  jeune  compositeur  a  été  troublé  par  un  cruel  accident.  Invité  à  se 
rendre  à  Loewenberg  pour  y  diriger  l'exécution  de  Christophe  Colomb, 
pour  la  chapelle  du  prince,  il  s'était  mis  en  route.  A  une  lieue  de 
Loewenberg,  le  cheval  attelé  au  traîneau  qui  le  conduisait,  a  pris  le 
mors  aux  dents  ;  le  traîneau  fut  renversé  et  le  pauvre  artiste  resta  éva- 
noui sur  la  route  par  un  froid  rigoureux.  Un  voyageur  l'ayant  trouvé 
dans  cet  état  une  heure  après,  le  fit  conduire  à  Loewenberg,  où  les 
soins  d'un  médecin  le  rappelèrent  à  la  vie.  Aujourd'hui  encore,  Abert 
est  très-mal,  et  l'on  ignore  combien  de  temps  il  faudra  pour  son 
entier  rétablissement. 

„*»  Leipzig.  —  Au  Gewandhaus  a  eu  lieu  un  concert  au  profit  des 
pauvres.  On  y  à  surtout  applaudi  Mme  Viardot  quia  chanté  deux  noc- 
turnes de  Chopin,  avec  paroles  espagnoles  ;  inutile  d'ajouter  que  son 
succès  a  été  complet. 

*%  Mayence.  —  Enfin,  nous  avons  entendu  Carlotta  Patti  :  notre  at- 
tente a  été  dépassée  :  l'effet  a  été  très-grand.  A.  Jaell  a  enthousiasmé 
le  public  en  jouant,  avec  le  talent  que  vous  lui  connaissez,  sa  fantai- 
sie de  Dinorah.  Le  célèbre  violoncelliste  Kellermann  et  Laub,  violo- 
niste, ont  également  obtenu  un  grand  succès.  Un  deuxième  concert  est 
annoncé. 

..„%  Darmstadt.  —  L'opéra  de  Gluck  :  Iphigénie  en  Aulide,  qu'on  n'avait 
pas  entendu  depuis  de  longues  années,  a  été  repris  avec  le  plus  brillant 
succès, 

„.**  Milan,  6  février.  —  La  gracieuse  et  sympathique  prima  donna, 
Osea  Legramenti,  qui  a  déjà  chanté  avec  succès  à  Saint-Pétersbourg  et 
autres  villes,  est  de  retour  ici.  Pendant  huit  mois,  elle  a  pris  à  Paris 
des  leçons  de  perfectionnement  de  Panofka,  le  célèbre  professeur. 

***  Florence.  —  La  commission  du  Royal  Institut  musical  a  décerné 
le  premier  prix  du  concours  ouvert  par  le  duc  de  San  Clementi  pour 
la  mise  en  musique  de  la  prose  Victimœ  Pascali  à  M.  Tomadini.  Le 
second  prix  a  été  mérité  par  A.  Bazzini  l'excellent  violoniste.  Les  deux 
œuvres  couronnées  vont  être  exécutées  en  public. 


„%  Florence,  3  février.  —  Dans  sa  cinquième  matinée,  la  Société  del 
quartetto  a  exécuté  le  premier  quintette  pour  deux  violons,  deux  altos 
et  violoncelle,  de  la  composition  de  M.  Fétis  père.  Cet  excellent  mor- 
ceau a  réuni  tous  les  suffrages.  —  Mme  La  Grua  vient  de  chanter 
Gemma  di  Vcrgy  qui  lui  a  valu  un  nouveau  triomphe.  Rarement  la  cé- 
lèbre cantatrice  ne  s'est  montrée  plus  dramatique  et  a  produit  une  plus 
grande  impression.  Elle  a  été  fort  bien  secondée  par  le  téuor  Négrini. 


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56 


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RÉSUMÉ   DES   AVANTAGES    DES   SAXHORNS   ET   DES   SAXOTROMBAS,    INVENTION   DE   1845  : 

Le  Saxotromba  ou  le  Saxhorn  est  supérieur  à  ses  analogues  existant  précédemment,  comme  son,  comme 
'  justesse,  comme  création  de  famille  complète,  comme  facilité  et  unité  de  doigté,  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument,  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'audi- 
teur de  recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance)  ;  supérieur,  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour 
former,  avec  des  amateurs  ou  de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable;  supérieur,  en  ce  que 
les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se  tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras 
gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres  et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des 
doigts  sur  les  pistons  ou  cylindres  ;  supérieur,  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des  études  et  qu'il  est 
obligé  de  changer  d'instrument,  soit  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  pour  tout  autre  motif,  ses  études  ac- 
quises servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument;  supérieure,  en 
ce  que,  dans  les  Sociétés  de  fanfares  ou  dans  un  régiment,  surtout  lors  des  congés,  il  arrive  souvent  que  tous 
les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer  en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties 
les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes,  supérieur,  en  ce  que  la  musique  en  marche  conserve  la  même  sonorité 
qu'au  repos,  par  suite  de  la  fixité  de  l'embouchure  sur  les  lèvres;  supérieur  pour  les  régiments,  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la 
même  position,  toutes  les  mains  à  la  même  hauteur  et  tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droits  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval 
ou  de  cavalerie  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient  à  faire  un  écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans 
déranger  l'instrument  de  sa  p'osition.  —  (Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  SAX,  consulter  la  notice  qui 
se  distribue  à  sa  manufacture,  rue  Saint-Georges,  50.)  •  ^g^| 

Toui  le»  instrument»  sortant  de  la  fabrique  pnrient  l'inscription  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,      Vrfeh 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumenl  et  le  poinçon  ci-après  :  JKAîiL 

Catalogue  des  Ouvrages  en  vente  chez  ADOLPHE  SAX,  rue  Saint-Georges,  SO  : 


MUSIQUE   POT»   INSTRUMENTS    SAX 
a  pistons  et  a  clefs 

(Inventées  par  Adolphe  Sax). 
Singelée,  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Gand  et  du 
Jardin  zoologique  de  Bruxelles.  Fantaisie. 
Pour  paraître  incessamment  : 
Savari,  chef  de  musique  au  34e.  Fantaisie. 
Arban,  chef  d'orchestre  au  Casino.  Fantaisie. 
Demerseman.  Air  varié. 

MUSIQUE  POUR  INSTRUMENTS  SAX 
a  pistons  et  a  tube  indépendant. 
(Invantés  par  Adolphe  Sax) 
Demerseman.    Fantaisie  sur  le  Désir,  de  Bee- 
thoven, pour  Trombone  Sax  à  pistons  et 
à  tube  indépendant 6    » 

—  2  morceaux  études  de  trompette  ;  Solo  de 

trombone  et  saxhorn  ;  Fantaisie  pour  basse 

(air  varié  sur  Don  Juan);  deux  duos...    »     » 

J.-B.  Singelée.  1e' solo  de  concert  pour  Trom- 
bone Sax  à  pistons  et  à  tube  indépendant.     7  50 

B.-C.  Faoconier.  Messe  solennelle  vocale  et  in- 
strumentale (musique  militaire),  à  l'usage 
de  toutes  les  localités,  quelle  que  soit  leur 
importance,  comprenant  la  messe  dite  de 
Dumont  et  cinq  morceaux  :  cantabile,  of- 
fertoire, élévation,  communion  et  sortie..  36    » 

MUSIQUE    MILITAIBE 

fantaisies,  Variations,  Quadrilles,  Morceaux 
reilglcux,  Marches  et  Pas  redoubles. 

Fessy.  Six  fantaisies  pour  la  cavalerie  en  deux 

suites,  chacune 12    » 

—  Pas  redoublé 7  50 

—  2e  Fantaisie  à  S.  M.  Léopold  1=' 20    » 

—  Fantaisie  à  M.  le  comte  de  Rumigny 25    » 

Mohr,  chef  de  musique  des  guides  de  la  garde 

Gr.fant.  sur  Quentin  Durward  (Gevaèrt).  20    » 

—  Quadrille  sur  Quentin  Durward 15    » 

—  Fantaisie  id  15    » 

Grande  valse  sur  Faust,  de  Ch.  Gounod..  25    » 

Chœur  des  Soldats,  de  Faust,      id 15    » 

B.-C.  Faoconier.  5  morceaux  religieux  : 

N°l.  Cantabile.  N°  2.  Offertoire.  Chaque.     6    » 

N"  3.  Élévation 5    » 

N°  4.  Communion.  N"  5.  Sortie.  Chaque.     6    » 
J.  Cressonnois,  chef  de  mus.  du  2°  cuirassiers 

delagarde.  La  France,  avec  chant,  à  S.  M.    5    » 
Léon  Chic,  chef  de  musique  aux  équipages  de  la 

flotte.  Fantaisie  sur  Gil  Blas  (Semetj...  18    » 
François  Donkler,    directeur   de  la  musique 

des  grenadiers  et  chasseurs,  à   la  Haye. 

Grandes  fantaisies  : 

Sur  Philémon  et  Baucis,  de  Ch,  Gounod.  30    » 

Sur  Yvonne,  de  Limnander 30    » 

Pablcs,  chef  de  musique  de  la  garde  de  Paris. 

Elias,  de  Mendelssohn 20    » 

Léon  Magnibr,  chef  de  musique  du  1e'  grena- 

diersdela  garde.  La  Fête  du  premier  pas, 
à  S.  A.  le  Prince  Impérial 6    n 


Léon  Magnier.  Retraite  de  Crimée 9  » 

—  Souvenir  deConstantinople, marcheturque.  10  » 

—  Les  Petits  Oiseaux,  fantaisie 20  » 

—  Le  Jeune  soldat,  marche 12  » 

—  L'Abeille ,  marche 9  i> 

—  Miss  Flattery,  fantaisie 10  a 

—  L'Alouette,  fantaisie 18  » 

—  Les  Pupilles,  marche 7  50 

—  Emilie,  redowa 12  » 

—  Faustina,  marche 15  » 

François  Dunkler.  Grande  fantaisie  sur  Lalla- 

Roukh,  de  Félicien  David 30  » 

—  Grande  fantaisie  sur  les  Petits  Prodiges, 
d'Emile  Jonas 25  » 

—  Pas  redoublé  sur  le  Roi  boit,  d'Emile  Jonas.  10  » 
H.  Close,  chef  de  musique  de  l'artillerie  de  la 

garde.  Marche  de  Puebla,  d'Arban 12  a 


avec  accompagnement  fie  piano. 

Arran.  Fantaisie  et  variations  sur  le  Carna- 
val de  Venise 9  » 

—  Caprice  et  variations  (si  b.) 7  50 

J.  Cressonnois.  La  Chanson  du  Printemas, 

pour  chant  et  Saxophone 3  » 

—  La  France,  piano  et  chant 3  » 

—  Id.        grand   orch 5  » 

V ARIATIONS  HT  EANTAISIES 

pour  Saxophones,  avec   accompagnement  de 
piano. 

Léon  Chic.  Tyrolienne  variée  (alto  mi  b.) 7  50 

Arban.  Caprice  et  variations  (alto  mi  b.)...  7  50 

H.  Klosé.  Solo  (mi  b.) 7  50 

Savari.  Fantaisie  sur  le  Freychûtz  lalto  mi  b.)  7  50 

—  lr"  fantaisie  sur  un  thème  original  (mi  b.).  7  50 

—  2e  fantaisie  sur  un  thème  original  (mi  bJ.  7  50 

—  3e  fantaisie  sur  un  thème  original  (si  b.'.  7  50 
J.  B.  Singelée.  Op.  49.  Fantaisie  [si  b.) 6  » 

—  Op.  50.  (si  b.) G  a 

—  Op.  51.  Sur  un  thème  suisse  (alto  mi  b.). .  6  » 

—  Gp.   55.  Duo  concertant  (2  saxophones  : 
soprano  si  b.,  alto  mi  b.) 

1"  partie 9  a 

2e  partie.  Andante .' 6  » 

3=  partie.  Final 7  50 

—  Op.  56.  Fantaisie  pastorale  (si  b.) 7  50 

—  Op.  57.  Concerto  (si  b.) 6  » 

—  Op.  60.  Fantaisie  (mi  b.) 5  n 

—  Op.  63.  Adagio  et  rondo  (si  b.) 6  » 

—  Op.  73.  Souvenir  de  la  Savoie,  fant.  (si  b.)  6  » 

—  Op.  74.  Solo  de  concert  (mi  b.) 5  » 

—  Op.  75.  Fantaisie  brillante  [si  b.J ,.  5  » 

—  Op.  77.  Solo  de  concert  (mi  b.) 6  » 

—  Op.  78.  Concertino  (mi  b.) 6  » 

—  Op.  80.  Caprice  (soprano  si  b.) 6  » 

—  Op.  83,  3e  solo  de  concert  (baryton  mi  b.)  7  50 

—  Op.  84.  4e  solo  de   concert  Jténor  si  b.)..  5  » 

—  Op.  80.  Fantaisie  brillante  (alto  mi  b.)...  6  » 


DUOS  POUR  SAXOPHONES 

Singelée.  Op.  55.  Duo  concertant  (2  saxopho- 
nes :  soprano  si  b.,  alto  mi  b.): 

V  partie 9    » 

2e  partie.  Andante 6    » 

3»  partie.  Final 7  50 

Savari.  Soprano  et  alto,  ou  ténor  et  basse...  3    » 
TRIOS  POUR  SAXOPHONES. 

Savari.  En  3  parties:  1"  partie 5     » 

2e  et  3e  partie.  Chaque 3  75 

J.  Cressonnois.  Romance  de  Proserpine 3    a 

QUATUORS  POUR  SAXOPHONES. 

Savari.  En  4  parties.  1"  et  4e  partie,  chaque  4  50 

2e  partie 6    » 

3°  partie 3    a 

Sellenick.  Andante  religioso 3    a 

J.  Cressonnois.  Pifferari 3     » 

Emile  Jonas.  Quatuor  ou  sextuor 5    » 

J.-B.  Singelée.  En  4  parties,  chaque 5    » 

—  Grand  quatuor  concertant  en  3  parties  : 

1"  partie 7  50 

2e  partie.  Andante 5    » 

—  1er  quatuor,  1"  partie  en  petite  partition. 

Prix  net 2  25 

J.  Cressonnois.   Tambourin    (de  Rameau) ...  4  50 

Léon  Kreutzer.  lrc  partie  ;  petite  part.,  net .  3  75 

QUINTETTES  POUR  SAXOPHONES. 

Savari.  2  sop. ,  alto,  ténor  et  basse,  4  parties, 

chaque 5    » 

Limnander.  lrc  partie,  petite  part.,  net 1  50 

SEXTUORS  POUR  SAXOPHONES. 

Savari.  2  sop.,  2  altos,  ténor  et  basse 5    » 

Emile  Jonas.  Sextuor   ou   quatuor 5    a 

SEPTUORS  POUR  SAXOPHONES. 

Savari.  2  sop.,  2  altos,  2  ténors  et  2  basses.  7  50 
OCTUORS  POUR  SAXOPHONES. 

Savari.  2  sop.,  2  altos,  2  ténors  et  2  basses  .  9    a 
PIANO  SOEO. 

J.  Cressonnois.  Retraite  de  cavalerie 4  50 

Léon  Magnier.  Souvenir  de  Conslanlinople  . .  6    a 

—  La  Fêle  du  premier  pas,  à  S.  A.  le  Prince 

Impérial 4    » 

—  Retraite  de  Crimée 4    » 

—  Tambour  et  Trompctl» 6    a 

—  Emilie,  redowa 5    » 

—  Les  petits  oiseaux,  fantaisie 6    » 

—  Le  jeune  soldat,  marche 4  50 

—  L'Abeille,  marche 3    a 

—  Miss  Flattery,  fantaisie 3    a 

—  L'Alouette,  fantaisie 5    » 

—  Les  Pupilles,  marche 3    a 

—  Faustina,  marche 4  50 

Arban.  Les  Eperons 4  50 

—  Puebla,  marche 7  20 

Pour  paraître  prochainement,  nouvelles  Tablatures 

et  Petites  Méthodes  pour  tous  les  instruments  et  pour 
les  instruments  à  6  pistons  et  tubes  indépendants. 


PARIS   —  II1P1U1IEBIE  centrale  de  nipoiéon  cnAlx  ET  c«,  rue  bergère,  20. 


BUREAUX   A  PARIS  :  BOULEVARD    DES  ITALIENS,  1 


31e  Année, 


ON   S'ABONNE  : 
Dan»  les  Dityortemcnts  et  a  l'Étranger, 
chex  tous  les  Marchands  de  Musiqur,  1rs  Libr 
et  aui  Bureaux  des  Messageries  et  doF  Po?!. 


N°  8. 


REVUE 


21  Février  1861 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 2*  r.pwu 

Départements,  Belgique  el  Suisse....    30»       id. 

Étranger 31  "       id- 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.    —   Théâtre  impérial  de   l'Opéra:    la  Maschera  ou  les    Nuits  de 
Venue,  ballet-pantomime  en  trois  actes  et  six  tableaux  de  MM.  de  Saint-Geor- 
ges et  Rota,  musique  de  M.  Giorza,  par  Paul  Smith.   —  Auditions  et  con- 
certs. —  Lettres  de    Félix   Mendelssohn,   traduites   par   «ï.  Duesberg.  — 
*  Trésor  des  pianistes,  lettre  à  M.  Fétis  père,  par  A..  Farrenc.  —  Revue  des 
t  théâtres,  par  O.  A.  D.  Saint- Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

IiA.  IflASCHERA.  OIT  ILES  NUITS  DE  VENISE, 

Ballet-pantomime  en  trois  actes  et  six  tableaux  de  MM.  de  Saint- 
Georges  et  Rota,  musique  de  M.  Giorza,  décors  de  MM.  Cambon, 
Thierry  et  Desplechin. 

(Première  représentation  le  19  février  1804.) 

Que  de  nouveautés  dans  ce  ballet  !  Une  danseuse  nouvelle  !  Un 
nouveau  chorégraphe  !  Ua  compositeur  nouveau  !  Parlons  d'abord  de 
la  danseuse,  Amina  Boschetti,  dont  le  nom  avait  franchi  les  Alpes 
depuis  deux  ou  trois  ans.  On  dit  qu'elle  en  a  vingt-cinq  ou  vingt- 
six  :  on  la  vieillit  peut-être.  Ce  que  nous  dirons,  avec  pleine  assu- 
rance, c'est  qu'au  premier  aspect  elle  ressemble  à  une  seconde  édi- 
tion de  la  Cerrito,  revue  et  augmentée  surtout  quant  à  la  dimension 
des  jambes.  En  la  voyant  d'abord  apparaître  sous  la  protection  d'un 
masque  noir,  nous  doutions  de  son  visage,  et  nous  pensions  qu'elle 
avait  ses  raisons  pour  le  cacher  :  tout  au  contraire  elle  en  avait 
pour  le  découvrir  ;  cette  dissimulation  n'était  de  sa  part  qu'une  co- 
quetterie. Amina  Boschetti,  la  Milanaise,  est  dotée  d'un  profil  anti- 
que; l'arête  du  nez  est  fine,  les  yeux  sont  vifs,  la  physionomie  mo- 
bile, expressive  ;  à  tout  prendre,  on  ne  saurait  critiquer  en  elle 
qu'un  léger  excédant  de  rondeur  et  de  force.  L'Opéra  ne  se  conduit- 
il  pas  à  peu  près  comme  le  seigneur  Don  Juan,  d'humeur  si  chan- 
geante ? 

Vuol  d'estate  la  magrotta 
Vuol  d'inverno  la  grassotta. 

L'été  dernier,  il  nous  avait  donné  Mlle  Mourawieff,  de  nature 
presque  diaphane,  la  fée  Mab  de  la  danse.  Cet  hiver,  il  nous  pré- 
sente Amina  Boschetti,  symbole  de  la  vigueur  et  de  la  solidité.  Ce 


qu'elle  exécute  avec  une  sorte  de  furie  et  de  volubilité  ,  c'est  une 
fantasia  d'entrechats  horizontaux,  qui  éblouissent  comme  des  éclairs. 
Elle  a  aussi  des  pointes  extraordinaires,  sur  lesquelles  elle  s'en  va 
sautillant  à  reculons.  Nous  l'aimons  moins,  quand  d'un  bout  de  la 
scène  à  l'autre  elle  s'élance  sur  son  danseur  et  s'installe  dans  ses 
bras  :  c'est  le  commencement  de  la  pyramide  humaine,  plus 
convenable  en  tout  autre  lieu  qu'à  l'Opéra.  Quand  donc  aussi  les 
danseurs  renonceront- ils  à  emporter  leurs  danseuses  sous  le  bras, 
comme  des  bottes  de"  paille,  et  à  les  promener  la  tête  en  bas?  En 
vérité,  cela  n'est  nullement  gracieux  et  rappelle  trop  la  place  publique. 

Faut-il  expliquer  en  quelques  lignes  le  sujet  de  ta  Maschera  ?  Voici 
ce  qu'en  dit  la  notice  placée  en  tête  du  programme  :  «  En  1730, 
Venise  possédait  une  célèbre  ballerine,  appelée  la  Zanzara.  Chaque 
soir,  une  foule  nombreuse  encombrait  le  théâtre,  où  la  belle  danseuse 
recueillait  de  magnifiques  présents  et  de  frénétiques  applaudisse- 
ments. Cette  femme  était  riche  et  habitait  un  splendide  palais  dans 
lequel,  à  la  prière  de  ses  admirateurs  intimes,  les  sénateurs  et  les 
plus  grands  personnages  de  Venise,  elle  se  plaisait  à  reproduire  quel- 
ques scènes  des  ballets  où  elle  paraissait.  Un  incident  étrange  vint 
distraire  l'attention  publique  des  succès  de  la  Zanzara..  Une  rivale  de 
son  talent  surgit  tout  à  coup.  Une  sorte  de  zingarelle,  de  danseuse 
bohème,  parut  en  Italie,  au  Ridotto,  sur  la  place  Saint- Marc,  et  ravit 
la  foule  pendant  toute  la  durée  du  carnaval  par  la  fougue  de  son  ta- 
lent et  l'originalité  de  sa  danse.  Cette  femme  était  toujours  masquée. 
Elle  portait  un  loup  de  velours  noir  qu'elle  ne  quittait  jamais.  Un 
jeune  seigneur  voulut  un  jour  soulever  ce  masque,  mais  le  poignard 
de  la  danseuse  se  teignit  aussitôt  du  sang  de  cette  main  téméraire. 
Ce  ne  fut  que  longtemps  après  le  carnaval  de  1730  que  l'on  connut 
le  secret  de  la  mystérieuse  ballerine,  qui  n'était  autre  que  la  Zanzara 
elle-même.  Différentes  versions  circulèrent  sur  cette  bizarre  aventure. 
Les  uns  prétendirent,  qu'éprise  d'un  f  jl  amour  pour  un  beau  gondo- 
lier du  port,  la  Zanzara,  sous  ce  travestissement  cherchait  à  le  cap- 
tiver par  des  succès  populaires  ;  d'autres  affirmèrent  que  l'artiste, 
passionnée  pour  son  art,  après  avoir  enthousiasmé  la  cour  et  la  no- 
blesse, avait  voulu  obtenir  les  mêmes  triomphes  parmi  le  peuple  de 
Venise.  » 

De  cette  anecdote  est  issu  le  ballet  dont  l'origine  étrangère  se  trahit 
à  chaque  instant.  Le  nom  de  M.  de  Saint-Georges  figure  à  côté  de  celui 
de  M.  Rota  ;  mais  le  célèbre  auteur  n'est,  sans  doute,  intervenu  que 


58 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


pour  soumettre  à  la  discipline  française  les  idées  italiennes  de  son 
collaborateur.  M.  Rota  est  en  ce  moment  le  grand  confectionneur  de 
ballets  à  Turin,  à  Milan,  à  Gênes,  à  Florence.  On  le  demande  partout 
à  la  fois,  lui  et  ses  œuvres,  et  on  ne  lui  a  même  pas  laissé  le  temps 
de  voir  à  Paris  la  première  représentation  de  sa  Maschera. 

La  Maschera  n'est  pas  sans  analogie  avec  l'Étoile  de  Messine  et  la 
Fond,  deux  ballets  qui  avaient  aussi  des  danseuses  pour  héroïnes, 
mais  le  troisième  diffère  des  autres  en  ce  qu'il  se  termine  par  un 
sacrifice  et  non  par  une  mort.  Lucilla,  c'est  le  nom  de  la  danseuse, 
commence  par  tourner  la  tête  à  un  jeune  peintre,  Donato  Rizzi,  qui 
doit  épouser  Marietta,  sa  jolie  cousine;  elle  pousse  même  fort  loin  la 
séduction,  puisqu'elle  l'attire  dans  sa  demeure  sous  prétexte  de  lui 
faire  faire  son  portrait,  et  qu'elle  s'amuse  à  jouer  pour  lui  quelques- 
unes  de  ces  scènes  dont  il  est  question  dans  la  notice.  Quelle  maison 
que  celle  de  Lucilla,  si  l'on  pouvait  y  donner  de  tels  spectacles,  y 
exécuter  de  tels  changements  à  vue  !  Imaginez  que  Lucilla  se  montre 
successivement  à  Donato  dans  quatre  tableaux,  comme  déesse  de 
Y  air,  de  l'eaw,  de  la  terre,  et  Reine  du  feu!  Ne  serait-ce  pas  là  une 
idée  italienne  à  laquelle  nous  ne  trouvons  qu'un  petit  inconvénient  : 
c'est  que  Lucilla  perd  à  changer  de  costume  un  temps  qu'elle  pouvait 
employer  bien  mieux,  et  que  Donato  reste  forcément  en  conversation 
avec  ses  femmes  de  chambre.  Les  tableaux  n'en  sont  pas  moins 
charmants,  éblouissants,  et  ne  risqueraient  d'être  refusés  à  aucune 
exposition  d'Italie  ou  de  France. 

Du  boudoir  de  la  danseuse,  on  se  rend  à  une  fête  au  Lido,  puis  à 
l'atelier  de  Donato,  où  la  pauvre  Marietta  se  rencontre  avec  sa  dan- 
gereuse rivale.  Quand  elle  est  bien  convaincue  de  son  malheur  et 
qu'elle  n'espère  plus  rien  en  ce  monde,  elle  ouvre  une  fenêtre  et  se 
précipite  dans  le  canal.  Ce  désespoir  a  ému  Lucilla,  qui  d'abord  sauve 
la  jeune  fille,  avec  l'aide  de  deux  gondoliers  ;  ensuite,  elle  l'emmène 
au  bal  où  elle  a  donné  rendez-vous  à  Donato.  Lucilla  et  Marietta  ont 
revêtu  un  domino  exactement  pareil,  avec  même  nœud  de  rubans  sur 
l'épaule  et  même  bouquet. 

Devine  si  tu  peux  et  choisis  si  tu  l'oses. 

Une  idée  vient  à  l'esprit  du]  jeune  artiste,  une  idée  italienne 
ou  française  ?  nous   la  croyons  italienne. 

11  pose  sa  main  sur  le  cœur  de  l'un  des  dominos  et  compte  ses 
battements. 

Puis  après  un  instant  d'indécision,  il  recommence  le  même  jeu  de 
scène  avec  l'autre  femme,  dont  le  cœur  bal  encore  plus  fort  que  le 
premier,  et  il  tombe  à  ses  genoux.  Bientôt  Donato  reconnaît  sa  cou- 
sine Marietta,  presque  évanouie  de  saisissement  et  de  joie.  —  Voilà 
celle  que  tu  dois  aimer,  dit  Lucilla  en  ôtant  son  masque,  et  alors, 
saisissant  une  des  couronnes  d'or,  gage  et  souvenir  d'un  de  ses  plus 
beaux  triomphes,  elle  dit  adieu  à  l'amour,  pour  se  livrer  plus  que 
jamais  à  la  danse  et  à  la  gloire,  sic  itur  ad  astra!  Un  galop  général 
termine  la  fête  et  le  ballet. 

Peut-être  nos  lecteurs  se  souviennent-ils  de  ce  qu'un  de  nos  colla- 
borateurs leur  a  dit  l'année  dernière  de  M.  Paolo  Giorza,  qui  a  écrit 
la  musique  de  ce  ballet  (1),  comme  il  a  écrit  celles  de  beaucoup 
d'oeuvres  du  même  genre,  presque  toujours  en  société  avec  M.  Rota, 
l'infatigable  chorégraphe.  Evidemment  M.  Paolo  Giorza  ne  manque 
ni  de  facilité,  ni  d'habitude,  mais  nous  ne  lui  trouvons  pas  beaucoup 
de  gaieté.  La  persistance  du  rhythme  ternaire  répand  sur  sa  musique  une 
couleur  monotone,  que  les  cuivres  de  l'orchestre  augmentent  quelquefois 
par  latristesse  de^leurs  accompagnements.  Cette  musique,  faut-il  le  dire, 
prend  trop  au  sérieux  l'idée  du  drame  ;  elle  a  trop  l'air  de  croire  que 
c'est  arrivé,  tandis  que  nos  musiciens  français,  comme  Adolphe  Adam 


(1)  Voir  Revue  et  Gazelle  musicale,  14  juin  1863,  n"  24. 


par  exemple,  avaient  l'art  de  tout  faire  passer,  de  tout  excuser, 
même  l'absurde,  en  se  permettant  d'en  rire  les  premiers. 

Mérante  et  Coralli,  Mmes  Sanlaville,  Caroline  et  Fiocre  remplis- 
sent, avec  Mlle  Amina  Boschetti  les  principaux  rôles  de  la  Maschera  : 
mais  comment  nommer  toutes  les  jeunes  et  jolies  ballerines,  qui  tien- 
nent leur  place  dans  des  pas  nombreux  et  brillants,  comme  le  Brindisi, 
les  Cartes,  les  Eléments,  la  Furlana,  etc,,  etc.?  nous  nous  dispen- 
serons de  parler  des  décors  et  des  costumes,  qui  sont  aussi  soignés, 
aussi  variés  que  possible.  On  a  vivement  applaudi  et  rappelé  la 
danseuse  nouvelle  :  on  a  bien  accueilli  les  noms  des  auteurs. 

LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  assistaient  à  la  représentation 
lune  des  plus  brillantes  que  l'on  ait  vues, 

Paul  SMITH. 


ADDITIONS  ET  CONCERTS. 

Camille    Saint-Saens   (audition   de»    concerto*   de    Mo- 
zart).  —    Camille    Sivori.   —     François     Knllack.  — 
lime  Tardien  de  Halleville  (musique  de  chambre). 

Cette  année,  sans  renoncer  tout  à  fait  à  nous  faire  entendre  quel- 
ques-unes de  ses  compositions,  M.  Camille  Saint-Saens  s'est  proposé 
de  passer  en  revue,  dans  une  série  de  six  concerts  avec  orchestre, 
les  concertos  de  Mozart.  Voilà,  certes,  une  heureuse  idée,  à  laquelle 
nous  applaudissons  d'autant  plus  volontiers,  qu'elle  semble  dénoter  à 
la  fois ,  chez  celui  qui  l'a  conçue,  une  certaine  abnégation  et  un 
amour  déclaré  pour  les  chefs-d'œuvre  classiques.  Au  premier  concert, 
qui  a  eu  lieu  chez  Pleyel-Wolff,  M.  Camille  Saint-Saens  a  débuté  par 
le  1er  concerto  en  ut  majeur  et  par  le  6e  en  mi  bémol  ;  les  autres 
viendront  successivement  et  deux  par  deux.  Il  faut  de.,  rares  et 
nombreuses  qualités  pour  interpréter  dignement  cette  admirable  mu- 
sique de  l'auteur  de  Don  Juan;  M.  Saint-Saens  les  possède  à  peu 
près  toutes,  et  si  son  talent,  très-fini,  très-correct,  avait  un  peu  plus 
de  souplesse  et  d'animation,  nous  n'aurions  absolument  rien  à  lui 
reprocher.  Secondé  avec  un  remarquable  ensemble  par  l'orchestre  de 
M.  Portehaut,  composé  en  grande  partie  d'artistes  du  théâtre  Italien, 
il  a,  en  résumé,  conquis  tous  les  suffrages  de  l'auditoire,  non-seule- 
ment pour  le  compte  de  Mozart,  mais  aussi  pour  le  sien  propre.  Tout 
en  reconnaissant  que  le  concerto  en  ut  majeur  a  fait  grand  plaisir, 
nous  devons  constater  que  le  second,  celui  en  mi  bémol,  a  été  mieux 
accueilli  encore,  principalement  l'andante  et  le  finale,  qui  ont  produit 
un  effet  prodigieux. 

Entre  ces  deux  morceaux,  M.  Saint-Saens  a  très-bien  dit,  avec 
MM.  White  et  Lasserre,  un  trio  fantaisiste  de  Robert  Schumann,  dans 
lequel  on  retrouve,  à  côté  de  charmants  détails,  l'inégalité  et  parfois 
l'obscurité  de  ce  musicien  d'outre-Rhin.  Trois  mélodies  de  M.  Saint- 
Saens,  chantées  par  Mme  Talvo-Bedogni,  avec  beaucoup  de  goût  et 
de  méthode,  ont  eu  aussi  leur  bonne  part  de  bravos,  sur  lesquels  le 
compositeur  a  pu  revendiquer  ses  droits,  moins  peut-être  pour  le 
mérite  de  ses  idées  mélodiques  que  pour  la  grâce  et  la  distinction  de 
son  accompagnement. 

—  Nous  n'étonnerons  personne  en  disant  que  le  concert  de  Sivori 
avait  attiré  à  la  salle  Herz  un  auditoire  tellement  nombreux  qu'il  y 
avait  foule  jusque  sur  l'estrade  des  artistes.  C'est  qu'il  y  a  bien 
peu  d'artistes,  même  parmi  les  mieux  doués,  qui  sachent,  comme 
lui,  s'emparer  du  public,  le  passionner,  le  dominer  par  les  qualités 
exceptionnelles  qui  caractérisent  son  admirable  talent. 

Tout  a  été  dit  sur  la  perfection  vraiment  magique  avec  laquelle 
Sivori  exécute  certains  morceaux  de  son  répertoire,  sa  fantaisie  sur 
le  Trovatore,  la  magnifique  prière  de  Moïse  et  le  thème  varié  de  Pa- 
ganini,  sur  une  seule  corde,  le  Carnaval  de  Venise  surtout,  ce  tour 
de  force  merveilleux  qu'on  ne  se  lasse  pas  de  lui  demander  et  qu'il  est 


DE  PARIS 


50 


impossible  d'entendre  après  lui,  tant  il  y  fait  preuve  d'une  déses- 
pérante supériorité.  Tous  ces  morceaux  figuraient  sur  le  pro- 
gramme de  son  concert,  sauf  le  Carnaval,  qu'il  a  eu  la  gracieuseté 
d'ajouter  après  coup,  pour  répondre  aux  vœux  du  public,  qui  l'en  a 
remercié  par  des  applaudissements  non  moins  prolongés  que  fréné- 
tiques. 

Mais,  en  dehors  de  ces  brillants  caprices  du  soliste,  l'éminent  vir- 
tuose tient  toujours  à  prouver,  et  avec  juste  raison,  que  son  talent 
multiple  ne  le  cède  à  aucun  autre  dans  l'interprétation  de  la  musique 
d'ensemble.  Il  est  certain  que  personne  n'aurait  pu  mieux  dire  sa 
partie  dans  le  trio  de  salon  de  G.  Braga,  qu'il  a  exécuté  avec  l'auteur 
et  Mlle  Marie  Perez,  non  plus  que  dans  l'andanle  et  le  finale  de  la 
sonate  en  si  bémol  de  Mendelssobn,  où  il  a  eu  encore  Mlle  Perez 
pour  partenaire. 

Puisque  nous  avons  prononcé  les  noms  de  G.  Braga  et  de  Mlle  Marie 
Perez,  hàtons-nous  de  dire  que  leur  concours  n'a  pas  peu  contribué 
aux  plaisirs  de  cette  belle  soirée.  Comme  compositeur,  M.  Braga, 
malgré  les  succès  bien  plus  importants  auxquels  il  est  habitué ,  doit 
être  satisfait  des  suffrages  qui  ont  accueilli  son  trio  de  salon,  tout 
plein  de  détails  piquants,  gracieux  et  distingués.  Comme  exécutant,  il 
a  fait  en  outre  applaudir  un  très-joli  caprice  de  sa  composition. 

Mlle  Marie  Perez,  qui  nous  vient  du  Conservatoire  de  Marseille,  où 
elle  professe  le  piano,  est  une  charmante  personne,  dont  la  physio- 
nomie agréable  n'a  certainement  pas  nui  aux  favorables  dispositions 
que  l'auditoire  lui  a  témoignées.  Elle  possède,  d'ailleurs,  un  talent  réel 
et  qui  aurait  suffi  à  son  triomphe.  Nous  en  parlerons  à  l'occasion  du 
concert  qu'elle  se  propose  de  donner  bientôt.  La  partie  vocale  étai1 
fort  bien  représentée,  dans  cette  soirée,  par  Mme  Gagliano  et  par  un 
jeune  ténor,  du  nom  de  Stroheker. 

— Dans  le  concert  donné,  à  la  salle  Erard,  par  M.  François  Kullack, 
avec  le  seul  concours  de  Mme  Anna  Bertini,  ce  jeune  pianiste  s'est  fait 
connaître  avantageusement  au  public  parisien,  en  plaçantses  débuts  sous 
l'invocation  des  maîtres  tels  que  J.-S.  Bach,  transcrit  par  Liszt, 
Beethoven  et  Chopin.  M.  F.  Kullack  appartient  à  l'école  allemande  ; 
son  jeu  est  ferme,  expressif,  très-bien  nuancé  et  s'élève  parfois  jus- 
qu'au pathétique,  mais  il  n'a  peut-êLre  pas  encore  l'originalité  qui  fait 
les  grands  artistes  ;  M.  F.  Kullack  est  assez  jeune  pour  perfectionnerson 
talent  par  de  sérieuses  études,  et,  avant  tout,  pour  acquérir  une  netteté 
d'exécution  qui  pourrait  être  plus  complète.  Néanmoins,  nous  n'avons 
que  des  éloges  à  lui  donner  pour  la  manière  dont  il  a  dit  la  sonate 
en  te  bémol  (op.  110)  de  Beethoven,  qui  était  le  morceau  capital  de 
la  soirée.  Il  nous  a  prouvé  qu'en  digne  compatriote,  il  en  comprenait 
l'esprit  véritable  dans  toute  sa  variété  et  sa  puissance.  Une  étude 
fantastique,  Psyché,  de  Théodore  Kullack,  le  pianiste  de  la  cour  de 
Berlin,  lui  a  valu  aussi  des  bravos  unanimes.  Quant  à  Mme  Bertini, 
nous  lui  savons  gré  de  nous  avoir  révélé  une  charmante  valse  de 
F.  Abt. 

— La  musique  de  chambre  a  aujourd'hui  de  nombreux  adeptes,  et  il 
en  surgit  chaque  jour  de  nouveaux  qui  trouvent  des  auditeurs.  Nous 
l'avons  constaté  plusieurs  fois  avec  plaisir,  parce  que  c'est  un  signe 
infaillible  des  progrès  immenses  que  le  goût  musical  fait  dans  toutes 
les  classes  de  la  société.  Mais  s'il  existe  des  concerts  populaires  pour 
initier  les  profanes  à  la  connaissance  des  maîtres,  il  y  en  a  aussi  qui 
s'adressent  à  un  monde  spécial  dont  l'éducation  est  faite,  et  qui  ne 
compte  que  des  appréciateurs  éclairés.  La  soirée  que  Mme  Tardieu 
de  Malleville  a  donnée  jeudi,  dans  les  salons  Erard,  est  de  ce  nom- 
bre. L'éminente  pianiste,  secondée  par  Sivori  et  Piatti,  nous  a  fait 
faire,  on  peut  le  dire  sans  trouver  de  contradicteurs,  une  ravissante 
excursion  dans  le  passé.  Le  trio  en  si  bémol  (op.  97),  de  Beethoven, 
interprété  avec  une  rare  perfection  de  style  par  les  trois  virtuoses, 
a  ouvert  brillamment  la  séance,  et  le  trio  en  sol,  d'Haydn,  l'a  ter- 
minée d'une  façon  non  moins  remarquable. 


Entre  ces  deux  morceaux  d'élite,  le  choix  le  plus  heureux  d'oeu- 
vres empruntées  aux  mêmes  sources,  a  mis  tour  à  tour  en  relief  le 
talent  de  chaque  concertant.  Piatti,  le  premier,  a  électrisé  l'audi- 
toire avec  une  délicieuse  sonate  de  Boccherini,  pour  violoncelle  et 
piano,  où  il  a  développé,  en  grand  artiste  qu'il  est,  toute  la  grâce, 
toute  la  légèreté  de  son  jeu  correct  et  pur.  Aussi  les  bravos  ont-ils 
été  largement  partagés  entre  l'exécutant  et  le  compositeur.  Puis  est 
venue  la  belle  sonate  en  si  bémol  (n°  4),  de  Mozart,  où  le  violon 
prestigieux  de  Sivori  a  donné  la  réplique  au  piano  de  Mme  Tardieu. 
L'andante  cantabile  de  celte  sonate,  une  mélodieuse  inspiration,  a  été 
divinement  traduite  par  tous  les  deux,  et  a  particulièrement  excité 
l'enthousiasme  des  auditeurs.  Enfin,  Mme  Tardieu  a  joué  seule  un 
air  varié  de  Haendel,  dont  la  puissante  originalité  a  été  trôs-goûtée, 
et  qui  a  été  détaillé  par  la  charmante  pianiste,  tantôt  avec  une  am- 
pleur magistrale,  tantôt  avec  une  entraînante  dextérité.  A  la  suite  de 
cette  intéressante  soirée,  qui  n'a  donné  lieu,  chose  bien  rare,  à  au- 
cune déception,  tout  le  monde  est  parti  enchanté,  et  en  se  promet- 
tant d'assister  à  la  seconde  séance  que  Mme  Tardieu  doit  organiser 
prochainement. 

Y. 


LETTRES  DE  FÉLIX  IEHDELSS0M 

(Suite  et  fin.) 

Birmingham,  le  26  août  1846. 

Dès  le  principe  tu  t'es  si  vivement  intéressé  à  mon  Elie,  et 
par  là  tu  m'as  si  puissamment  encouragé  à  le  terminer,  qu'après 
la  première  exécution  qui  a  eu  lieu  hier,  il  faut  que  je  t'écrive  et 
que  je  t'en  rende  compte.  Jamais  aucun  de  mes  ouvrages  n'a  si  bien 
marché  dès  la  première  fois,  et  n'a  été  accueilli  par  les  musiciens  et 
par  les  auditeurs  avec  autant  d'enthousiasme  que  cet  oratorio.  A  la 
première  répétition  à  Londres,  il  était  facile  de  voir  qu'ils  en  étaient 
contents  et  qu'ils  avaient  du  plaisir  à  le  chanter  et  à  le  jouer; 
mais  qu'à  l'exécution  il  prendrait  un  tel  essor,  je  l'avoue,  je  ne  m'y 
attendais  pas  moi-même.  Que  n'étais-tu  présent?  pendant  tout  le  temps 
que  cela  a  duré  —  deux  heures  et  demie  —  toute  cette  vaste  salle 
avec  ses  deux  mille  personnes  et  le  nombreux  orchestre  étaient  si 
complètement  dirigés  vers  la  seule  chose  dont  il  s'agissait,  qu'on 
n'entendait  pas  le  plus  léger  bruit  dans  l'auditoire,  et  qu'avec  ces 
masses  énormes  de  l'orchestre,  des  chœurs  et  de  l'orgue,  je  pouvais 
aller  en  avant  et  en  arrière,  à  mon  gré.  Que  de  fois  n'ai-je  pas 
pensé  à  toi!  mais  surtout  au  moment  où  vient  la  pluie,  et  lorsqu'ils 
jouèrent  et  chantèrent  le  chœur  final  comme  des  enragés,  de  sorte 
qu'après  la  fin  de  la  première  partie  il  nous  fallut  répéter  ce  morceau. 
Pas  moins  de  quatre  chœurs  et  de  quatre  airs  ont  été  bissés.  Pas  une 
faute  dans  toute  la  première  partie  ;  il  y  en  eut  quelques-unes  dans 
la  deuxième,  mais  elles  étaient  insignifiantes.  Un  jeune  ténor  anglais 
chanta  si  admirablement  le  dernier  air,  que  je  dus  rassembler  toutes 
mes  forces  pour  ne  pas  me  laisser  émouvoir,  et  pouvoir  continuer 
à  battre  exactement  la  mesure.  Je  le  répète,  que  n'étais-tu  là  1  mais 
demain  je  me  mets  en  route  pour  revenir.  Au  mois  d'octobre  j'espère 
te  voir  à  Berlin,  et  j'apporterai  la  partition  pour  la  faire  exécuter, 
ou,  en  tout  cas,  pour  vous  la  jouer  à  toi,  à  Fanny  et  à  Rebecca,  ou 
l'un  et  l'autre. 

Adieu,  cher  frère,  pardonne  si  ma  lettre  est  sotte,  mais  j'ai  été 
dérangé  souvent;  dans  le  fait,  je  voula;s  simplement  te  dire,  que  je 
te  sais  gré  de  t'être  intéressé  à  mon  Elie  et  de  m'avoir  aidé  à 
l'écrire. 

Ton  Félix. 


60 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Après  la  première  exécution  cïElie  à  Londres,  le  prince  Albert 
écrivit  les  paroles  suivantes  sur  le  librelto  dont  il  s'était  servi  dans 
celte  occasion,  et  l'envoya  comme  souvenir  à  Mendelssohn  :  «  Au 
noble  artiste,  qui,  au  milieu  du  culte  de  Baal  de  l'art  mensonger, 
grâce  à  son  génie  et  à  l'étude,  a  su  conserver  fidèlement  le  culte 
de  l'art  vrai  :  et  habituer  de  nouveau  notre  oreille,  énervée  par  le 
chatouillement  de  sons  vains  et  frivoles,  aux  purs  accords  du  senti- 
ment et  de  l'harmonie  normale  ;  et  dans  le  développement  paisible 
de  sa  pensée  fait  passer  devant  nous  les  frémissements  les  plus 
doux  comme  la  redoutable  tempête  des  éléments,  —  ces  lignes  sont 
adressées  comme  souvenir  de  reconnaissance. 

Signé  :  Albert. 


A  Paul  Mendelssohn. 

Leipzig,  25  octobre  1847. 

Cher  frère, 
Quant  à  mes  projets,  je  ne  sais  trop  qu'en  dire.  A  la  vérité,  grâce 
à  Dieu,  ça  va  mieux  de  jour  en  jour,  et  mes  forces  reviennent  de 
plus  en  plus;  mais  l'idée  de  partir  d'aujourd'hui  en  huit  pour  Vienne, 
et  ce  serait  au  plus  tard,  pour  pouvoir  assister  encore  à  une  répé- 
tition du  festival,  cette  idée-là,  je  ne  saurais  m'y  faire.  (Il  s'agissait 
pour  Mendelssohn  d'y  diriger  une  exécution  à'Elië).  Sans  doute  il 
est  fâcheux  qu'on  ait  fait  tous  les  préparatifs,  et  que  mon  voyage 
manquât  pour  la  seconde  fois.  J'ai  déjà  écrit  à  ces  messieurs,  et  leur 
ai  demandé  s'ils  pouvaient  attendre  huit  jours  :  mais ,  comme  je 
te  l'ai  dit,  je  ne  crois  pas  trop  à  la  possibilité  de  la  chose,  etje  pense 
que  je  resterai  ici.  En  aucun  cas  je  ne  peux  songer  à  me  mettre  en 
route  avant  huit  jours,  et  quant  à  mon  voyage  à  Berlin,  M.  d'Arnim 
ne  t'a-t-il  pas  rapporté  ma  réponse  en  détail  ?  Si  je  ne  puis  aller  à 
Vienne,  par  les  mêmes  motifs  qui  m'empêchent  de  m'y  rendre,  je 
suis  forcé  de  rester  encore  quinze  jours  ou  trois  semaines  ici,  et 
de  remettre  l'exécution  (à'Etie)  jusqu'à  fin  novembre  :  et  d'ailleurs  si 
je  vais  à  Vienne,    cet   ajournement   est  également    nécessaire,   etc. 

—  Maintenant  il  s'agit  encore  de  savoir  si  je  te  reverrai  samedi  ?  Dis 
que  oui,  je  t'en  prie  :  tu  me  ferais  plus  de  bien  que  mon  médecin. 

—  Et  écris-moi  bientôt  deux  lignes,  et  fais  en  sorte  que  tu  peux 
me  promettre  de  venir,  et  dis-leur  bien  des  choses  à  tous,  et  conserve 
ton  affection  à  ton  Félix. 

Le  30  octobre  suivant  un  nouvel  accès  qu'éprouva  Mendelssohn  ap- 
pela son  frère  à  Leipzig,  et  le  k  novembre  Mendelssohn  avait  cessé 
de  vivre. 

Traduit  par  1.  DUESBERG. 


TRÉSOR  DES  PIANISTES  ('). 

A  M.  F.-J.  Fétis,  maître  de  chapelle  de  S.  M.  le  roi  des  Belges,  et  directeur 
du  Conservatoire  royal  de  musique  de  Bruxelles. 

Cher  et  illustre  maître, 

Vous  avez  jugé  digne  de  toute  votre  attention  l'œuvre  que  j'ai  entre- 
prise, et  vous  lui  avez  accordé  des  éloges  dont  j'apprécie  la  haute  va- 
leur. Votre  parole,  qui  a  tant  d'autorité  partout  où  l'on  cultive  la  mu- 
sique comme  art  et  comme  science,  a  grandement  contribué  au  succès 
du  Trésor  des  pianistes,  et  l'hommage  éclatant  que  vous  rendez  aux 
grands  artistes  dont  je  publie  les  couvres  est  à  la  hauteur  de  leur  mé- 
rite. 

Mais  je  vous   dois,  cher  maître,  bien  plus  que  ce  qui  est  connu  de 


'f  (1)  Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  les  excellents  articles  publiés  par  M.  Fétis 
père  sur  cet  intéressant  recueil,  et  dont  le  dernier  a  paru  dans  notre  numéro  du 
6  décembre  1863.  C'est  à  cette  occasion  que  M.  Farrenc  a  adressé  à  notre  illustre 
collaborateur  la  lettre  que  l'on  va  lire. 


tout  le  monde,  et  j'éprouve  en  ce  moment  le  besoin  d'acquitter  ma 
dette  de  reconnaissance.  La  publication  à  laquelle  je  me  suis  dévoué 
n'eût  vraisemblablement  jamais  été  exécutée  sans  vous,  sans  vos  doctes 
et  intéressants  écrits,  qui  ont  donné  un  élan  si  puissant  à  la  littérature 
musicale,  et  sans  vos  célèbres  concerts  historiques.  Apre?  ces  séances 
mémorables  où  des  trésors  de  créations  toutes  originales  interprétées 
par  les  Rubini,  les  Lablache,  les  Schrœder-Devrient,  les  Dorus-Gras,  les 
Baillot  et  d'autres  grands  artistes,  nous  faisaient  découvrir  un  monde 
nouveau  ;  qui  donc,  parmi  ceux  qui  aiment  l'art  avec  passion,  pouvait 
ne  pas  éprouver  un  grand  désir  :  celui  de  pénétrer  dans  ces  archives 
du  passé  que  de  nouvelles  générations  toujours  engouées  de  la  mode 
avaient  dédaignées,  malgré  les  immenses  richesses  qu'elles  renferment? 
Si,  aux  personnes  peu  instruites  de  l'histoire  de  l'art  et  de  ses  vicissi- 
tudes, je  devais  donner  des  preuves  de  ce  que  j'avance,  je  n'aurais  be- 
soin que  de  citer,  parmi  une  foule  d'exemples,  les  noms  de  Sébastien 
Bach,  ceux  de  ses  deux  fils  Philippe-Emmanuel  et  Wilhelm  Friedemann; 
ceux  de  Kuhnau,  du  Père  Martiui,  de  Kirnberger,  des  deux  Muffat,  de 
Chambonnières,  de  Froberger,  de  Frescobaldi  et  de  tant  d'autres  artistes 
célèbres  dont  j'ai  tiré  les  œuvres  de  la  poussière  des  bibliothèques,  où 
depuis  des  siècles  elles  semblaient  condamnées  à  un  oubli  et  à  un  si- 
lence éternels. 

Dès  que  vous  avez  connu  notre  plan  et  reçu  notre  première  livraison, 
vous  avez  mis  à  notre  disposition,  avec  une  bonté  infinie,  les  trésors 
de  votre  riche  bibliothèque,  la  plus  importante,  je  pense,  que  de  nos 
jours  possède  un  particulier.  Les  rarissimes  sonates  de  Kuhnau  que  nous 
avons  données  dans  notre  deuxième  livraison  ;  le  second  recueil  des 
pièces  diverses  du  même  auteur,  que  nous  publierons  plus  tard;  les 
pièces  de  Théophile  Muffat  qui  entreront  dans  la  septième  livraison; 
voilà  en  partie  ce  que  nous  vous  devons.  Ces  ouvrages,  il  est  vrai,  se 
trouvent  dans  quelques  grandes  bibliothèques,  et  nous  savons  qu'ils 
existent  dans  celle  de  Berlin  :  on  pouvait  les  faire  copier  ;  mais  quelle 
différence  pour  le  nouvel  éditeur  de  posséder  des  copies  quelquefois 
très-incorrectes,  ou  d'avoir  à  sa  disposition  les  éditions  originales  que, 
pour  des  cas  douteux,  on  peut  consulter  à  chaque  instant! 

Tels  sont,  cher  maître,  les  services  importants  que  vous  nous  avez 
rendus  et  qui  nous  ont  procuré  un  inappréciable  avantage.  Mais  il  en 
est  un  autre  qui  ajoutera  sans  doute  un  grand  prix  au  Trésor  des  pia- 
nistes :  je  veux  parler  des  nombreuses  sonates  manuscrites  d'Emmanuel 
Bach  qui  n'ont  jamais  été  publiées.  Sans  vous,  ces  compositions  eussent 
été  disséminées  et  peut-être  perdues,  totalement  ou  en  partie.  Votre 
amour  pour  tout  ce  que  l'art  a  d'intéressant  dans  ses  produits,  en  vous 
faisant  faire  l'acquisition  de  la  bibliothèque  de  Westphal,  organiste  à 
Schwerin,  et  l'ami  intime  d'Emmanuel  Bach,  vous  a  mis  à  même  de 
conserver,  pour  en  faire  généreusement  jouir  le  monde  musical,  cette 
belle  collection  que  l'ardent  collecteur  avait  en  partie  copiée  de  sa 
main  lorsque  les  œuvres  n'avaient  point  été  publiées  ou  qu'il  n'avait 
pu  se  procurer  celles  qui  étaient  déjà  imprimées.  Vous  savez  combien 
les  copies  de  Westphal  sont  précieuses  par  leur  exactitude  et  remarqua- 
bles sous  le  rapport  de  la  calligraphie.  C'est  à  ce  digne  ami  d'Emmanuel 
que  nous  devons  également  cet  admirable  catalogue  raisonné  et  théma- 
tique de  l'œuvre  entier  du  grand  musicien.  Ce  beau  catalogue  que, 
grâce  à  vous,  j'ai  constamment  sous  les  yeux,  me  met  à  même  de  sa- 
voir, pour  chaque  morceau  :  en  quelle  année  et  en  quelle  ville  il  a  été 
composé  ;  si  l'œuvre  a  été  publiée,  et  par  quel  éditeur  ;  enfin,  il  nous 
permet  de  distinguer  les  compositions  inédites  de  celles  qui  ont  vu  le 
jour. 

Lorsque  vous  m'accordiez  tant  d'éloges  comme  éditeur,  il  m'était  pé- 
nible, cher  maître,  de  ne  pas  satisfaire  le  désir  que  j'éprouvais  de  faire 
connaître  au  public  tout  ce  que  je  vous  dois  et  tout  ce  que  vous  doit 
cette  collection  pour  laquelle  j'ai  le  bonheur  de  recevoir  chaque  jour 
des  témoignages  de  vive  sympathie,  cette  collection  jugée  enfin  par 
vous-même  comme  la  plus  belle  dont,  en  musique,  on  ait  eu  l'idée. 

Veuillez  agréer,  cher  et  illustre  maître,  l'hommage  de  ma  profonde 
reconnaissance. 

A.  FARRENC. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Variétés  :  La  Fiancée  du  corps  de  garde,  vaudeville  en  trois  actes, 
par  MM.  Clairville  et  Siraudin.  —  Palais-Royal  :  Fallait  pas 
qu'y  aille  ou  la  Famille  du  Bœuf  gras,  à-propos  carnavalesque, 
mêlé  de  chants  et  de  danses,  des  mêmes  auteurs;  Monsieur 
boude,  comédie  de  M.  Delacour.  —  Ambigu  :  Les  Fils  de  Char- 
les-Quint, drame  en  cinq  actes,  avec  un  prologue  en  deux  par- 
ties, par  M.  Victor  Séjour. 

Plus  une  pièce  est  grave  et  sérieuse,  plus  elle  prête  à   la  paro- 
die ;  les  meilleures  bouffonneries  en  ce  genre  ont  été  inspirées  par 


DE  PARIS. 


61 


Hernani,  par  Atigelo,  tyran  de  Padoue  et  par  quelques  autres  dra- 
mes ou  tragédies ,  estompés  au  fusain  le  plus  noir.  Mais  que  l'on 
espère  obtenir  des  effets  comiques  en  ^avertissant  une  œuvre  folle 
et  parfois  burlesque,  c'est  ce  qu'il  est  difficile  de  comprendre.  Les 
Variétés  ont  fait,  à  leurs  dépens,  l'apprentissage  de  ce  principe,  en 
voulant  parodier  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe.  Cet  infortuné  monar- 
que est  devenu  un  vieux  procureur  au  Châtelet;  et  la  barbière  Fi- 
garina  a  été  transformée  en  une  cuisinière  répondant  au  nom  de 
Javolte  ;  ainsi  du  reste.  Suivant  pas  à  pas  le  livret  de  l'Opéra- 
Comique,  la  fille  du  procureur  et  sa  compagne  sont  lancées  dans 
des  aventures  qui  ont  été  tout  uniment  calquées  sur  celles  des 
héroïnes  de  M.  de  Saint-Georges.  Des  clercs  de  procureur,  des 
brigands  affiliés  à  la  bande  de  Mandrin,  des  cadets  du  régiment  de 
Bourgogne  remplacent  le  personnel  de  l'Opéra,  et  au  lieu  du  collier 
qui  s'égrène  a  chaque  infidélité  de  la  fiancée,  ou  plutôt  de  sa  ser- 
vante, ce  sont  des  oeufs  blancs  qui  passent  au  rouge  à  chaque  baiser 
reçu  par  Javotte.  Pour  justifier  le  titre  de  la  Fiancée  du  corps  de 
garde,  qui,  dans  tout  cela,  est  peut-être  la  seule  parodie,  un  peu 
réussie,  il  a  fallu  entrer  dans  des  détails  incohérents  qui  ont  achevé 
d'indisposer  le  public  de  la  première  représentation.  On  a  beaucoup 
sifflé,  les  auteurs  ont  refusé  de  se  faire  connaître,  et  répondant  le 
lendemain,  leurs  noms  étaient  sur  l'affiche,  où,  depuis,  la  pièce  n'a 
pas  cessé  de  se  maintenir.  Nous  ne  nous  expliquons  ce  singulier  ré- 
sultat que  par  les  séductions  de  l'escadron  volant  de  jolies  femmes 
qui  figurent  dans  ce  vaudeville,  et  par  la  gentillesse  de  ses  deux 
principales  interprètes,  Mlles  Toudouge  et  Martine. 

—  Le  Palais -Royal  a  enterré  le  carnaval,  avec  un  à-propos  qui 
n'avait  pas  beaucoup  de  sel  pendant  les  jours  gras,  et  qui  en  a 
encore  bien  moins  depuis  que  nous  sommes  en  carême.  Cela  s'ap- 
pelle :  Fallait  pas  qu'y  aille,  d'après  un  refrain  idiot  chanté  à 
l'Alcazar  par  Joseph  Kelm,  et  dont  les  gamins  se  sont  emparés  pour 
l'agacement  des  gens  qui  ont  le  malheur  de  posséder  des  nerfs.  Nous 
userons  de  discrétion  à  l'endroit  de  cette  famille  de  charcutiers  et 
de  bouchers,  bien  dignes  assurément  d'escorter  le  boeuf  gras  à  l'a- 
battoir, mais  qui  n'auraient  pas  dû  en  sortir. 

Comme  compensation,  le  même  théâtre  nous  a  offert  un  assez 
gentil  tableau  de  mœurs,  par  M.  Delacour.  Monsieur  boude....  et  il 
a  tort,  parce  qu'une  femme  bien  avisée  saura  toujours  lui  faire  payer 
les  frais  de  sa  bouderie.  Mme  Livarot  gagne  un  bracelet  à  ce  jeu,  et 
voici  comment  :  Elle  excite  la  jalousie  de  son  mari  par  une  lettre 
supposée,  pour  lui  faire  rompre  le  mutisme  qu'il  a  contracté  à  la 
suite  d'une  querelle  de  ménage,  puis,  quand  elle  a  remporté  la  vic- 
toire, elle  lui  prouve  que  ses  craintes  étaient  chimériques.  Livarot 
s'humilie  et  promet  de  ne  plus  bouder  ;  si  sa  femme  l'y  reprend  ja- 
mais, il  s'engage  à  lui  payer  un  bracelet  magnifique.  A  compter  de 
ce  moment,  Mme  Livarot  peut,  en  toute  sûreté,  recevoir  de  vérita- 
bles missives  galantes;  Livarot  fermera  obstinément  les  yeux,  parce 
qu'il  croira  à  une  nouvelle  épreuve.  Par  bonheur,  il  a  affaire  à  une 
honnête  femme,  et,  forcé  de  se  rendre  à  l'évidence,  il  en  est  quitte 
encore  une  fois  pour  la  peur....  et  pour  le  bracelet  que  Mme  Livarot, 
convenons-en,  a  bien  mérité.  Ce  petit  mot  anodin  est  agréablement 
joué  par  Hyacinthe,  Lassouche  et  Mlle  Paurelle,  une  jolie  femme  qui, 
depuis  sa  sortie  des  Délassements,  est  devenue  comédienne. 

—  Les  drames  historiques  semblent  vouloir  reprendre  aujourd'hui 
quelque  crédit.  Le  temps  n'est  plus  pourtant  où  Victor  Hugo  et 
Alexandre  Dumas  faisaient  fanatisme  en  reconstruisant  le  moyen  âge 
à  la  Porte- Saint- Martin.  Mais  ils  ont  laissé  des  disciples  qui  s'évertuent, 
avec  plus  ou  moins  de  bonheur,  à  marcher  sur  leurs  traces. 

L'autre  jour,  c'était  M.  Maquet  qui,  à  la  Gaîté,  se  faisait  le  propa- 
gateur d'une  hypothèse,  très-controversable,  il  est  vrai,  mais  du  moins 
fort  intéressante,  à  propos  de  l'assassinat  d'Henri  IV.  A  l'Ambigu, 
c'est  à  présent  M.  Victor  Séjour  qui  nous  a  fait  l'histoire  des  Fils  de 
Charles- Quint,  en  prenant  pour  ainsi  dire  le  contre-pied  des  tragédies 


célèbres  que  ce  même  sujet  a  inspirées  à  Schiller  et  à  Alûeri.  Don 
Carlos,  conspirant  contre  son  père,  n'est  plus  ici  cet  amoureux  idéal 
qui  fait  excuser  sa  faute  par  l'entraînement  de  la  passion  la  plus  pure 
et  la  plus  désintéressée.  Les  fortes  études  des  historiens  modernes, 
en  redressant  une  foule  d'erreurs  populaires,  en  élucidant  une  mul- 
titude de  faits  restés  dans  l'ombre,  ont  opér.'-  bien  des  métamorphoses. 
Don  Carlos,  par  exemple,  dépouillé  de  son  auréole,  a  été  connu  pour 
ce  qu'il  était,  c'est-à-dire  pour  un  fils  ingrat,  pour  un  fou  ambitieux 
et  cruel.  S'il  eût  régné,  c'eût  été  peut-être  pour  la  ruine  et  la  déso- 
lation de  l'Espagne.  En  revanche,  Philippe  II  a  gagné  dans  l'estime  de 
la  postérité,  tout  ce  que  son  fils  y  perdait,  et  en  lui  conservant  son 
masque  sombre  et  austère,  on  n'a  plus  vu  en  lui  qu'un  père  malheu- 
reux et  un  grand  politique.  Ces  nuances  ne  sont  pas  très-rigoureuse- 
ment observées,  sans  doute,  dans  la  pièce  de  M.  Victor  Séjour,  parce 
qu'il  faut  bien  faire  la  part  des  nécessités  de  l'action  dramatique; 
mais  elles  sont  indiquées  d'une  manière  suffisante.  Si  l'infant  don  Carlos 
n'est  pas  précisément  un  maniaque  aux  instincts  féroces,  c'est  tout 
au  moins  un  ambitieux  sans  entrailles,  qui  se  laisse  entraîner  dans 
une  conspiration  contre  son  père,  par  un  des  plus  implacables  enne- 
mis de  l'Espagne,  par  le  fils  de  ce  comte  de  Horn,  dont  le  duc 
d'Albe  a  fait  tomber  la  tête  sur  Téchafaud.  C'est  donc  très- justement 
que  son  père,  Philippe  II,  l'accuse  et  le  maudit,  et  que  la  main  de 
Dieu  le  fait  mourir  par  le  poison.  Nous  aurions  souhaité  que  M.  Victor 
Séjour  lui  épargnât  ce  luxe  de  sentences  libérales,  qui  n'est  pas  dans 
la  vérité  du  personnage  et  qui  est  presque  un  anachronisme;  mais  il 
faut  accepter  cet  auteur  avec  ses  qualités  et  ses  défauts.  Il  est  du 
petit  nombre  de  ceux  qui  savent  creuser  un  sujet,  avec  recueillement, 
avec  conscience,  et  qui  savent  en  tirer  des  situations  grandes  et  pa- 
thétiques ;  à  ce  prix,  on  peut  bien  lui  passer  quelques  déclamations 
hors  de  propos.  C'est  sa  manie  ;  que  voulez-vous?  on  n'est  pas  parfait. 
Il  y  a,  dans  ce  drame,  autour  de  l'intrigue  politique,  une  action 
secondaire  et  cependant  très-développée,  dans  laquelle  il  est  question 
d'enfants  perdus,  de  courtisanes,  de  bohémiennes,  etc.,  enfin  de 
tous  les  ingrédients  ordinaires  de  ces  sortes  de  pièces.  Nous  ne  nous 
en  occuperons  que  pour  constater  l'éclatant  succès  de  Mlle  Rousseil, 
dans  le  rôle  de  la  maîtresse  du  comte  de  Horn,  et  l'excellent  ac- 
cueil fait  à  Mlle  Pauline  Cico  dans  celui  de  la  bohémienne  Belferada 
qui  est  malheureusement  fort  court.  Don  Carlos,  le  principal  person- 
nage du  drame,  est  représenté  par  Taillade,  avec  un  mélange  de 
bonnes  et  mauvaises  qualités.  Beauvallet,  qui  n'est  que  des  deux  der- 
niers actes,  reproduit,  avec  son  talent  habituel,  la  physionomie  his- 
torique du  roi  Philippe  II.  En  résumé,  les  Fils  de  Charles-Quint  ont 
complètement  réussi,  et  nous  avons  tout  lieu  de  croire  qu'ils  four- 
niront une  carrière  honorable. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

,%  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  Mlle  Marie  Sax  et  Villaret , 
Mme  Gueymard  et  Michot  ont  chanté  dimanche  et  lundi  avec  leur 
talent  habituel  les  principaux  rôles  de  la  Juive  et  de  la  Favorite.  Mer- 
credi, Mlle  Battu  et  Faure  ont  eu  les  honneurs  de  la  soirée  dans  Moïse, 
dont  l'attrait  est  toujours  très-grand  pour  le  public.  Vendredi  on  a 
donné  la  Maschera,  le  nouveau  ballet  dont  nous  rendons  compte  plus 
haut. 

„*„  Les  opéras  de  Meyerbeer  jouissent  en  Italie  d'une  vogue  de  plus 
en  plus  marquée.  En  ce  moment,  tes  Huguenots  sont  en  répétition  au 
théâtre  de  la  Scala  à  Milan,  et  Robert  le  Diable  à  Parme. 

„,%  L'opéra  en  un  acte  dont  l'auteur  est  M.  Ernest  Boulanger  passera 
dans  une  quinzaine  de  jours  et  Roland  à  Roncevaux  quelques  semaines 
après. 

„%  Fra  Diavolo  a  été  repris  à  l'Opéra  Comique,  avec  Montaubry  qui 
y  obtient  un  grand  et  légitime  succès.  La  Fiancée  du  roi  de  Garbe  est 
jouée  trois  fois  par  semaine  devant  une  salle  constamment  remplie. 

a.%  On  a  lu    aux  artistes  l'opéra  en  trois  actes  de  MM.  V.  Sardou 


62 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  Cevaert  :  le  Capitaine  Benriot,  qui  ne  sera  représenté  que  l'automne 
prochain.  La  distribution  dos  rôles  n'en  est  pas  encore  entièrement 
arrêtée . 

,%  Mme  Charton-Demeur  a  quitté  Paris  pour  Madrid,  où  elle  va 
chanter  au  théâtre  de  l'Oriente.  —  Naudin  est  attendu  aujourd'hui  et 
fera  sa  rentrée  dans  Cosi  fan  lutte. 

***  Adelina  Patti  n'a  chanté  la  semaine  passée  que  dans  Don  Pasqualc, 
et  elle  y  a  enthousiasmé  le  public  qui  ne  se  lasse  pas  d'applaudir  la  nou- 
velle Norina,  l'une  des  meilleures,  sinon  la  meilleure  qu'il  ait  entendue. 
Le  grand  succès  que  les  sœurs  Marchisio  ont  obtenu  à  la  reprise  de 
Sémiramide  n'a  fait  qu'augmenter  aux  représentations  suivantes. 
Mme  Spezia  a  reparu  hier  dans  Lucrczia  Borgia. 

»%  Aujourd'hui  la  reprise  de  Maria,  de  Flotow,  chantée  par  Mlle 
Patti  et  Mme  Merie-Lablache,  Mario,  Delle-Sedie  et  Scalese. 

„%  Mlle  Sannier  vient  d'être  engagée  au  théâtre  Lyrique  pour  y  créer 
le  principal  rôle  dans  l'opéra  la  Captive,  de  Félicien  David,  dont  la  pre- 
mière représentation  doit  avoir  lieu  au  commencement  d'avril. 

„%  On  répète  au  théâtre  Lyrique  un  opéra  comique  en  un  acte  : 
Fanchette,  dont  les  paroles  sont  de  MM.  Nuitter  et  Desarbres  et  la  mu- 
sique du  comte  Gabrielli.  Mmes  Faure-Lefebvre  et  Duclos,  MM.  Guyon 
et  Cabel  en  rempliront  les  rôles. 

„%  Aux  Bouffes-Parisiens  on  a  repris  la  Clianson  de  Fortunio  qui 
accompagne  les  Bavards,  et  Lischen  et  Fritzcken,  les  pièces   en  vogue. 

*%  Dans  le  budget  de  1865,  distribué  aux  Chambres,  figurent  les  al- 
locations suivantes  :  subventions  à  l'Opéra,  820,000  francs  ;  à  l'Opéra- 
Comique,  240,000  francs;  au  théâtre  Lyrique,  100,000  francs;  au  Con- 
servatoire et  succursales  des  départements,  195,000  francs;  indemnités 
et  secours  aux  auteurs  et  artistes,  90,000  francs;  encouragements, 
47,000  francs. 

»*»  La  direction  de  l'Opéra  de  la  cour,  à  Vienne,  a  commandé  à  J. 
Offenbach  deux  nouveaux  opéras,  l'un  comique,  l'autre  romantique. 

*%  Mme  Tedesco  vient  de  chanter  à  Lisbonne  le  rôle  de  Rosine  du 
Barbiere,  et  y  a  obtenu  un  très-grand  succès. 

»%  C'est  à  Barcelone  et  non  à  Florence,  comme  par  une  erreur  ty- 
pographique on  le  lisait  dans  notre  dernier  numéro,  que  Mlle  Lagrua  a 
chanté  Gemma  de  Vergy  avec  un  immense  succès. 

t%  Cinq  représentations  consécutives  données  devant  une  salle  com- 
ble, ont  confirmé  l'éclatant  succès  que  le  Pardon  de  Ploërmel  avait  ob- 
tenu à  sa  première  représentation  à  Marseille. 

***  Inès  de  Portugal,  un  nouveau  grand  opéra  en  quatre  actes,  a  été 
représenté  à  Nancy.  Les  paroles  en  sont  de  M.  Duchène,  la  musique 
de  M.  Gérolt.  C'est  un  ouvrage  correctement  écrit ,  mais  n'offrant  que 
peu  de  morceaux  saillants. 

*%  Le  programme  du  quatrième  concert  de  la  Société  des  concerts 
du  Conservatoire  est  composé  de  la  manière  suivante  :  1°  52e  symphonie 
en  si  bémol  de  Haydn  ;  2°  marche  et  chœur  de  Joseph,  de  Méhul  ; 
3°  finale  du  premier  acte  d'Obcron,  de  Weber,  air,  duo  et  chœur,  soli 
chantés  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez  et  Mlle  de  Taisy  ;  4°  ouverture 
du  Retour  au  pays,  de  Mendelssohn;  5°  récit  et  chœur  tfldoménée,  de 
Mozart,  solo  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez  ;  6°  symphonie  en  ut  ma- 
jeur, de  Beethoven. 

»*.  M.  Alexandre  Basset  a  été  nommé  membre  de  la  commission  d'exa- 
men des  ouvrages  dramatiques,  en  remplacement  de  M.  Dulong,  décédé. 
Avant  d'arriver  à  la  direction  de  l'Opéra-Comique,  M.  Basset  avait  été, 
pendant  dix  ans,  membre  de  la  commission  d'examen.  Donc.ce  choix  ne 
pourra  qu'être  approuvé  par  les  auteurs  dramatiques,  qui  connaissent 
l'honorabilité  du  nouveau  censeur,  et,  en  outre,  retrouveront  en  lui  un 
ancien  confrère. 

***  Dans  une  brillante  soirée  chez  Rossini,  les  nouveaux  morceaux 
de  sa  composition  ont  été  exécutés  sans  préjudice  de  quelques  anciens 
chefs-d'œuvre.  Adelina  Patti  a  chanté  à  Grenade,  chanson  espagnole, 
et  Gardoni  il  Farinello  Smarrito,  sonetto.  A  l'Hôtel  de  ville,  la  Bénédic- 
tion des  Poignards,  des  Huguenots,  a  produit  beaucoup  d'effet.  Chez 
S.  Exe.  le  ministre  de  l'intérieur,  parmi  les  morceaux  les  plus  applau- 
dis, il  faut  citer  la  romance  de  l'Etoile  du  Nord,  de  Meyerbeer,  et  les 
Rameaux,  chantés  par  Faure. 

t*„  Sivori  a  encore  obtenu  dimanche  dernier  au  Cirque  Napoléon 
un  succès  d'enthousiasme,  en  jouant  la  Mélancolie,  de  Prume.  La  sym- 
phonie en  la  mineur  de  Mendelssohn  a  été  exécutée  mieux  que  jamais. 

***  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique, 
au  Cirque  Napoléon,  pour  aujourd'hui  dimanche,  21  février  :  Ouverture 
de  Fidelio,  en  mi  majeur,  de  Beethoven;  Andante  sostenuto  (op.  45) 
4'e  audition,  de  Gade;  Concerto  n°  8,  en  ré  mineur,  pour  piano,  de 
Mozart,  exécuté  par  Mme  Tardieu  de  Malleville;  Ouverture  de  la  Belle  Mé- 
lusine,  de  Mendelssohn  ;  Fragment  de  quatuor,  adagio  en  mi  majeur,  de 
Haydn,  par  tous  les  instruments  à  cordes  ;  Symphonie  en  ut  mineur,  de 
Beethoven. 

***  Les  excellentes  transcriptions  pour  piano  des  mélodies  de  Schu- 
bert, par  Stephen  Heller,  sont  depuis  longtemps  entre  les  mains  de  tous 


les  pianistes  et  leur  mérite  est  universellement  reconnu.  C'est  ce  qui  a 
fait  naître  l'idée  de  les  arranger  également  pour  harmonium,  et  M.  F. 
Brisson  s'est  acquitté  de  cette  tâche  avec  son  habileté  ordinaire.  Plus 
que  tout  autre  instrument  l'harmonium  se  prête  d'ailleurs  à  reproduire 
les  simples  et  suaves  mélodies  de  Schubert,  toujours  si  chantantes. 

**„  La  cantate  pour  laquelle  Bazzini,  le  célèbre  violoniste,  a  obtenu 
un  prix  dans  le  concours  ouvert  à  Florence  par  le  duc  de  San-Clemente, 
est  à  quatre  voix  et  orchestre  dans  le  style  religieux.  Elle  comprend 
cinq  chœurs,  tantôt  avec  orchestre,  tantôt  pour  les  voix  seulement,  un 
grand  solo  pour  soprano  aussi  avec  chœur,  etc.,  etc.  L'œuvre  a  eu  les 
honneurs  de  l'exécution  aux  frais  du  fondateur. 

„•»  Brasseur  et  Berthelier  ont  eu  l'honneur  de  chanter,  lundi  passé, 
aux  Tuileries  devant  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  qui  ont  sou- 
vent daigné  les  applaudir  et  complimenter.  Outre  plusieurs  morceaux 
de  leur  nouveau  répertoire,  les  excellents  chanteurs  comiques  ont  dit  : 
C'est  ma  Fille,  le  Brésilien,  et  autres  chansons  qui  ont  fort  diverti  l'as- 
semblée, composée  de  quatre  cents  personnes. 

***  Le  22  mai  aura  lieu  à  Lyon  un  grand  concours  d'Orphéons  de 
musique  d'harmonie  et  de  fanfare  ouvert  à  toutes  les  Sociétés  musi- 
cales de  France  et  de  l'étranger. 

*%  Dans  la  troisième  séance  de  la  Société  des  quatuors  français  qui 
est  annoncée  pour  le  jeudi  25  février,  on  entendra  un  quatuor  inédit 
pour  instruments  à  cordes  de  Léon  Gastinel;  un  nouveau  trio  pour  piano, 
violon  et  violoncelle  exécuté  par  l'auteur,  G-  Mathias,  et  le  huitième 
quatuor  de  Ch.  Dancla  qui  a  été  très-apprécié  à  la  dernière  séance 
des  quatuors  français  et  qui  a  été  redemandé. 

***  MM.  Seligmann,  Lebouc  et  Nathan  exécutent  de  préférence  une 
très-belle  sonate  de  Félix  Godefroid,  pour  piano  et  violoncelle  ou  violon, 
dans  laquelle  ils  produisent  le  plus  grand  effet. 

,,%  Le  concert  dé  M.  Pruckner,  pianiste  élève  de  Liszt,  reste  fixé  au 
mardi  1er  mars,  dans  les  salons  Erard.  MM.  Lamoureux  et  Rignault  se- 
conderont M.  Pruckner. 

„%  Jeudi  prochain,  25  février,  aura  lieu,  dans  les  salons  d'Erard, 
une  deuxième,  soirée  de  musique  de  chambre,  donnée  par  Mme  Tardieu 
de  Malleville,  Sivori  et  Piatti. 

***  Vendredi  prochain,  26  février,  dans  les  salons  Pleyel,  deuxième 
des  concerts  consacrés  par  M.  Camille  Saint-Saens  à  l'exécution  des 
concertos  de  Mozart. 

***  Le  29  février,  dans  les  salons  Erard,  concert  des  frères  Poznanski, 
pianiste  et  violoniste. 

„,*„,  M.  Diomède  Zompi,  pianiste  d'un  talent  très-apprécié  dans  le 
monde  artistique,  va  bientôt  épouser  Mlle  Marie  Barrant  ;  la  célébra- 
tion de  ce  mariage  aura  lieu  le  25  février  à  midi  précis,  en  l'église  de 
la  Trinité. 

,,*,  Dans  le  courant  de  février  on  a  célébré  à  Berlin  les  anniver- 
saires de  la  naissance  de  Paganini  (né  le  18  février  1784),  de  Mendels- 
sohn (13  février  4809),  de  Clara  Heinefetter  (O  février  1811,  morte  le 
24  février  1851);  les  anniversaires  de  la  mort  de  Chelard  (12  février 
1856)  et  de  Mme  Schroeder-Devrient  (26  février  1861). 

„%  Les  succès  de  Bazzini  comme  virtuose  se  continuent  en  Belgique 
et  en  Hollande.  Il  se  fera  entendre  le  mois  prochain  à  Bruxelles. 

***  M.  Lefeuve,  dans  une  livraison  nouvelle  des  Anciennes  maisons  de 
Paris,  signale  une  maison  de  la  rue  des  Tournelles  comme  ayant  été  une 
sorte  de  Conservatoire  de  la  musique  sous  Henri  IV,  appelée  alors  Lo- 
gis de  la  musique  du  roi,  et  comme  ayant  appartenu,  en  1684,  à  Antoine 
Dupuis,  chantre  ordinaire  du  roi. 

**#  Le  concert  de  L.  Lacombe  reste  fixé  au  24  février.  En  voici  le 
très-intéressant  programme:  Première  partie:  1°  Andante  con  moto  et 
scherzo  du  trio  en  mi  bémol,  de  F.  Schubert,  exécutés  par  MM.  Garcin, 
Lebouc  et  Lacombe  ;  2°  Enfant,  si  fêtais  roi  et  Chanson  du  Fossoyeur, 
de  L.  Lacombe,  mélodies  chantées  par  M.  Archaimbaud  ;  3°  Élégie  pour 
violon,  de  L.  Lacombe;  4°  Mes  vers  fuiraient  doux  et  frêles  et  Viens I 
une  flûte  invisible,  poésie  de  Victor  Hugo,  musique  de  L.  Lacombe,  chan- 
tées par  Mme  Anna  Barthe  ;  5°  Scherzo  (op.  33),  de  Beethoven  ;  Scherzo 
de  la  sonate  en  la  bémol,  de  Weber  ;  Scherzo  de  la  sonate  en  sol,  de 
F.  Schubert  ;  Scherzo  en  si  bémol  mineur,  de  Chopin  ;  6°  Scherzo  pour 
deux  violons,  alto  et  violoncelle,  de  L.  Lacombe.  —  Deuxième  partie  : 
1°  Adagio  et  allegretto  scherzando  de  la  sonate  en  ré,  de  Mendelssohn, 
exécutés  par  MM.  Lebouc  et  Lacombe  ;  2°  La  Source  et  la  Mer  ;  Au  clair 
de  la  lune,  musique  de  L.  Lacombe,  mélodies  chantées  par  M.  Archaim- 
baud ;  3°  Adagio  et  scherzo  du  trio  en  la  mineur,  de  L.  Lacombe,  exé- 
cutés par  MM.  Garcin,  Lebouc  et  l'auteur;  4°  Ahl  si  fêtais  la  brise  et 
Si  vous  n'avez  rien  à  me  dire;  la  CJumson  de  Barberine,  musique  de  L. 
Lacombe,  chantées  par  Mme  Anna  Barthe;  5°  Scherzo  et  finale  de  la 
symphonie  en  ut  mineur,  de  Beethoven,  arrangés  à  deux  pianos  par 
Eberwein,  et  exécutés  par  MM.  Ravina  et  Lacombe. 

***  M.  Jules  Dulong,  membre  de  la  commission  d'examen,  agent  ho- 
noraire de  la  société  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  est  mort 
dimanche  dernier.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  mardi  à  l'église  Saint-Eu- 
gène. M.  Jules  Dulong  était  âgé  de  soixante-sept  ans,  et  avant  de  suc- 


DE  PARIS. 


68 


céder  à  M.  Michel  comme  agent  dramatique,  il  avait  beaucoup  travaillé 
pour  le  théâtre. 

t%  Stefhen    C.  Foster,  auteur  de  ballades  anglaises  justement  re- 
nommées, est  mort  à  New-York. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


„%  Londres.  —  C'est  chose  rare  chez  nous  que  l'apparition  d'un  ou 
vrage  original  et  d'un  compositeur  anglais.  Cette  bonne  fortune  est 
échue  cependant  à  M.  Macfarren,  un  de  nos  musiciens  les  plus  distin- 
gués. Un  opéra  nouveau  de  sa  composition,  en  trois  actes,  vient  d'être 
représenté  à  l'Opéra  anglais  avec  un  succès  aussi  brillant  que  légitime. 
Le  libretto  est  tiré  de  la  comédie  de  Goldsmith,  She  stoops  to  conquer, 
dont  le  parolier  anglais,  M.  Fitzball,  a  conservé  le  titre.  C'est  donc 
sous  tous  les  rapports  un  ouvrage  essentiellement  anglais.  Le  succès, 
nous  l'avons  dit,  a  été  complet  ;  les  applaudissements  ont  commencé 
avec  l'ouverture  et  n'ont  cessé  qu'à  la  chute  du  rideau.  On  a  rap- 
pelé le  compositeur  trois  fois  et  huit  morceaux  ont  été  bissés.  Les  in- 
terprètes de  l'œuvre  de  M.  Macfarren,  Mlles  Louisa  Pyne  et  Hiles,  et 
MM.  Harrisson,  Weiss,  Perren  et  Corri,  ont  eu  leur  bonne  part  des 
applaudissements,  et  l'ouvrage  se  joue  tous  les  soirs  à  l'Opéra  anglais. 
— 11  s'est  formé  ici  une  Compagnie  par  actions  avec  un  capital  de  près 
d'un  million  pour  l'exploitation  en  grand  de  V abonnement  à  la  lecture 
musicale,  généralement  négligé  par  nos  éditeurs  de  musique,  qui  aiment 
mieux  vendre  leurs  éditions  que  de  les  louer.  La  nouvelle  entreprise 
comprendra  tout  genre  de  musique,  mais  son  utilité  sera  surtout  sen- 
tie par  les  nombreuses  sociétés  de  province  pour  lesquelles  l'exécution 
des  grands  oratorios,  si  en  faveur  chez  nous,  sera  éminemment  facilité 
par  les  moyens  que  l'établissement  projeté  mettra  à  leur  disposition. 
Le  prix  d'un  simple  abonnement  ne  sera  que  d'une  demi-guinée  (13 
francs)  par  an.  D'ailleurs,  M.  Willert  Beale  étant  un  des  directeurs  de 
l'établissement,  l'affaire  ne  peut  manquer  de  prospérer  et  de  profiter 
à  la  propagation  de  la  musique  en  Angleterre. 

„**  Bruxelles.  —  Le  succès  que  Mme  Ferraris  a  obtenu  dans  Giselle, 
a  dépassé  toutes  les  espérances.  Rarement  danseuse  a  eu  un  triomphe 
pareil  au  théâtre  de  la  Monnaie.  L'étoile  de  Messine,  le  ballet  dont  la 
musique  est  due  au  comte  Gabrielli,  va  être  montée  pour  la  célèbre 
danseuse  qui  en  avait  créé  à  Paris  le  rôle  principal.  —  Roger,  qui  se 
prépare  à  chanter  le  Prophète,  a  été  accueilli  avec  une  grande  faveur 
dans  le  Trouvère. 

***  Liège.  —  Le  premier  concert  du  Conservatoire  donné  sous  la  di- 
rection de  M.  Soubre,  l'excellent  directeur  du  Conservatoire,  a  été  très- 
brillant.  Le  programme  s'est  composé  de  symphonies  de  Haydn  et  Beetho- 
ve.n,  de  l'ouverture  d'Euryanlhe,  des  fragments  de  Samson,  de  Haen- 
del,  du  chœur  des  Ruines  d'Athènes,  et  de  deux  chœurs  de  F.  Hiller, 
qui  était  venu  de  Cologne  pour  assister  à  ce  concert. 

t*t  Amsterdam,  19  février.  —  Au  dernier  festival  de  la  Société  pour 
l'encouragement  de  l'art  musical,  l'oratorio  Josué,  de  Haendel,  a  été 
exécuté  avec  un  immense  succès  ;  le  docteur  Gunz,  de  Hanovre,  un 
des  premiers  ténors  que  l'Allemagne  possède  aujourd'hui,  a  chanté  la 
partie  de  Josué  et  a  transporté  l'auditoire,  qui  l'a  rappelé  après  chaque 
morceau  ;  les  autres  parties  ont  été  confiées  à  Mlle  Schreck,  de  Bonn, 
Mme  Offermans,  de  la  Haye,  et  M.  Lindeck,  de  Cologne.  L'orchestre  et 
les  chœurs,  sous  la  puissante  direction  de  Verhulst,  ont  fait  merveille. 
Les  concerts  populaires  continuent  a  attirer  la  foule,  et  à  chaque  con- 
cert la  salle  du  Parc  est  comble.  Au  troisième  concert,  une  nouvelle 
ouverture  d'Edouard  de  Hartog,  Pompée,  admirablement  exécutée, 
a  été  acclamée  par  le  nombreux  auditoire  et  couverte  d'applau- 
dissements. —  Carlotta  Patti  a  commencé  la  série  de  ses  concerts 
avec  Laub  et  Jaell,  deux  grands  maîtres  ;  à  chaque  concert  la  salle  est 
comble,  et  la  Patti,  si  exceptionnellement  douée  par  la  nature,  est  vi- 
vement applaudie.  Quant  à  Laub  et  Jaell,  leur  succès  est  très-grand  ; 
ils  électrisent  le  public  à  chaque  concert.  C'est  de  la  perfection  !  —  On 
parle  d'un  grand  festival  musical,  qui  aura  lieu,  au  mois  de  septembre, 
à  Amsterdam,  pour  l'inauguration  du  palais  de  l'industrie,  et  qui  du- 
rera trois  jours  comme  les  festivals  rhénans.  —  Au  premier  concert 
donné  par  Mlle  Carlotta  Patti  on  a  exécuté,  avec  beaucoup  de  succès, 
l'ouverture  triomphale  à  grand  orchestre  de  M.  A.  Berlyn,  et  la  marche 
du  Prophète,  de  Meyerbeer. 

**„,  Berlin.  —  La  Bose  d'Erin,  de  Jules  Benedict,  vient  d'être  repré- 
sentée pour  la  première  fois  au  théâtre  royal  de  l'Opéra.  C'est  le  même 
ouvrage  qui,  sous  le  titre  de  Lilly  of  Killarney,  a  obtenu  il  y  a  deux 
ans  un  succès  si  éclatant  à  l'opéra  anglais  de  Londres,  et  ce  succès  le 
public  berlinois  vient  de  le  ratifier  complètement.  MM.  Betz  et  Formes 
et  Mlle  Santer  remplissaient  les  principaux  rôles,  et  c'est  M.  Betz,  sur- 
tout dans  le  rôle  de  Myles,  qui  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée  ;  Formes 


se  sentit  un  peu  à  l'étroit  dans  le  rôle  de  Harry,  tandis  que  pour 
Mlle  Santer,  une  toute  jeune  artiste,  un  rôle  aussi  important  que  celui 
de  Nora,  était  peut-être  trop  fort.  Mais  Mlle  Santer  possède  une  belle 
et  fraîche  voix  de  soprano,  que  la  musique  de  Benedict,  si  bien  disposée 
pour  les  voix,  a  admirablement  fait  ressortir.  La  direction  a  prouvé, 
par  une  magnificence  inouie,  de  décors  et  de  mise  en  scène  ainsi  que 
par  un  ballet  intercalé  et  réglé  par  Taglioni,  toute  l'importance  qu'elle 
attachait  à  l'œuvre  de  Benedict.  Trois  représentations  consécutives  ont 
confirmé  le  succès  de  la  première,  et  tout  semble  présager  que  la  Rose 
d'Erin  se  maintiendra  longtemps  sur  le  répertoire  de  notre  Grand- 
Opéra. 

*%  Vienne.  —  Le  succès  des  Rheinnixen,  le  nouvel  opéra  d'Offen- 
bach,  ne  fait  qu'augmenter  au  théâtre  de  la  cour,  où  il  est  à  sa 
sixième  représentation.  L'empereur  l'a  entendu  quatre  fois.  Au  Theater 
an  der  Wien  on  a  donné  :  Vécuyère,  imitation  de  l'opérette  :  Une  demoi- 
selle en  loterie,  pour  laquelle  Oflenbach  a  écrit  plusieurs  nouveaux  mor- 
ceaux, qui  ont  été  fort  applaudis.  Enfin  au  Karltheater,  Il  signor 
Fagotto  a  été  représenté  avec  beaucoup  de  succès.  Offenbach,  pendant 
son  court  séjour  ici,  a  pu  ainsi  assister  à  la  première  représentation 
de  trois  ouvrages  de  sa  composition. 

»*„.  Dresde.  —  Dans  le  courant  de  l'année  1863,  Il  y  a  eu  au  théâtre 
de  la  cour  cinquante  et  une  représentations  d'opéras.  Ont  été  données 
pour  la  première  fois  :  Feramors,  de  Rubinstein  ;  la  Clochette  de  l'er- 
mite, par  A.  Maillart,  et  la  Reole,  par  G.  Schmidt.  On  annonce  pour  la 
semaine  prochaine  la  représentation  d'un  opéra  nouveau  de  Louis  Schu- 
bert :  le  Devin.  —  Robert  le  Diable  vient  d'être  représenté  avec  beaucoup 
de  succès  au  théâtre  de  la  Cour,  pour  les  débuts  de  M.  Scarria,  qui  a 
parfaitement  rendu  le  rôle  de  Bertram. 

%%  Saint-Pétersbourg.  —  Une  solennité  musicale  tout  exceptionnelle 
a  été  organisée  au  profit  d'une  famille,  dont  le  chef  est  mort  l'été  der- 
nier, à  l'étranger,  ne  laissant  d'autre  fortune  qu'un  nom  cher  à  tous  ceux 
qui  aiment  les  arts.  Charles  Schubert  était  non-seulement  violoncelliste 
distingué,  mais  compositeur  d'un  mérite  réel.  Quand  il  a  été  question 
d'un  concert  à  donner  pour  le  maître  dont  l'obligeance  n'avait  jamais 
fait  défaut  à  personne,  tous  les  artistes  se  sont  empressés  d'offrir  leurs 
services.  On  entendra  donc  dans  le  concert,  qui  aura  lieu  le  dimanche 
2/14  février,  Mmes  Barbot,  Fioretti,  Nantier-Didiée  ;  MM.  Angelini,  Gra- 
ziani,  Giuglini,  Everardi,  Calzolari,  Tamberlick,  Fioravanti,  Wieniawsky. 
Davydovv,  Dreyscchok  et  Rubinstein.  L'orchestre  et  les  chœurs  seront 
ceux  du  Grand  Théâtre.  Le  maestro  Baveri  dirigera  le  concert. 


le  Directeur  :  S.  DDFOUR. 


En  vente  chez  S.  R1CHAULT,  éditeur,  4.  boulevard  des  Italiens. 


Pour  le  Piano.  La  Fureur,  étude  de  concert Op.  24 

—  Deuxième  Tarentelle Op.  26 

—  Cantilène Op.  29 

—  Troisième  Tableau  de  genre Op.  30 


L'INSTRUMENTAL 

NOUVEAU  JOURNAL  DE  MUSIQUE  MILITAIRE 

Publié  en  Partition  et  Parties  séparées. 


Fondation  GAUTROT   aîné. 


Ce  Journal  contiendra  annuellement  36  morceaux 

POUR 

HARMONIES   et   FANFARES 
Pris  en  grande  partie  sur  des  motifs  d'opéras. 

On  «'abonne  a  Pari»  : 

CHEZ  GAUTROT  AÎNÉ,  80,  RUE  SAINT-LOUIS  (MARAIS). 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  Ci.  KRANDUS   et  8.  «IIFOUR,  éditeurs,  I03,  rue  de  Richelieu,  au  1". 

MUSIQUE    POUR    HARMONIUM 


AIRS    VARIES,    FANTAISIES,    ETC. 


Adam  (A.) .  Fantaisie  sur  la  Muette  de  Par- 
tiel, composée  par  S.  Thalberg,  ar- 
rangée pour  le  mélodiutn  et  piano  . 

Aida;  (F.).  Op.  15.  Les  Huguenots,  fan- 
taisie brillante  pour  harmonium.   .    . 

—  Fantaisie  de  salon  sur  l'Etoile  du  Nord 
Badarzewska    (  T.  ) .     La     Prière     d'une 

vierge,  pour  harmonium 

Brlsson.  Adagio  de  Beethoven  ,  transcrit 
pour  harmonium  ou  orgue  et  piano. 

—  Casta  Diva,  cavatine  de  Norma,  trans- 

crite   pour    harmonium    ou    orgue , 
piano  et  violon 

—  La  Somnambule,  trio  pour  harmonium 

ou  orgue,  piano  et  violon 

—  La  Charité,  chœur  de  Rossini ,  trans- 

crit pour  harmonium  ou  orgue,  piano 
et  violon . 

—  Op.  66.  Maria,  trio  pour  piano,  orgue 

et  violon 

—  Op.   69.  Robert  le  Diable,  grand  duo 

caractéristique  pour  piano  et  orgue  . 

—  Op.  70.  Le   Pardon  de  Ploërmel,  duo 

de  concert  pour  piano  et  orgue.   .   . 

—  Op.  71.  Méditation  sur  le  chœur   reli- 

gieux   du    Pardon    de    Ploërmel, 
transcription    pour    piano,   orgue  et 

violon  ou  violoncelle 

Durand  Première  romance  sans  paroles  de 
Mendelssolin,  en  trio  pour  violon,  or- 
gue et  piano 

—  Ouverture  de  la  Sirène,  pour  harmo- 

nium et  piano 

Engel  (L.).  Fantaisie  pour  harmonium  sur 
l'Etoile  du  Nord 

—  Grande  fantaisie  pour  orgue-harmonium 

sur  le  Pardon  de  Ploërmel  .... 

—  Grand  duo  pour  piano   et   harmonium 

sur  le  Pardon  de  Ploërmel  .... 
Fessy.  Fant.  sur  le  chœur  du  Domino  noir 

—  Réminiscence  du  Stabat  Mater  de  Rossini 

—  Andante  et  boléro 

—  Cavatine  de  Torqualo  Tasso  et  caprice 

—  Six  morceaux  sur  des  motifs  de  Rossini, 

Auber  et  Donizetti,  2  suites,  chaque. 

Uerz    et    Fessy.    Deux    duos  concertants, 

pour  harmonium   et   piano,  2  suites, 

chaque 

1.  Cavatine  de  Vaccaj. 

2.  Thème  de  Beethoven. 


7  50 
7  50 


7  50 

7  50 
12  » 
10    » 

7  50 

7  50 
6     <> 


7  50 
7  50 


7  50 
7  50 


Frelon.  Trois  marches  pour  orgue  expressif 
à  percussion  : 

1.  Marche  du  sacre  du  Prophète.   .   . 

2.  Marche  de  Robert  Bruce 

3.  Marche  de  te  Muette  de  Portici.  . 

—  La  Part  du  Diable,  fantaisie  pour  or- 

gue et  piano : 

—  Le  Prophète,  fantaisie  de  concert  pour 

orgue  avec  accomp.  de  piano  obligé.  : 

—  Romance  sans  paroles  de  Thalberg  pour 

orgue  et  piano 

Lebeau.  Op.  42.  L'Abandon,  romance  sans 
paroles  pour  harmonium 

—  Op.  45.  Danse  bretonne,  villanelle  pour 

harmonium: 

—  Op.  tili.    La  Rosée  du  matin,    caprice 

pour  harmonium 

—  Op.    45.    Sylvie,  souvenir    d'autrefois, 

pour  harmonium 

—  Op.  46.  En  mer,  chant  maritime,  pour 

harmonium 

—  Op.  47.  Impromptu  pour  harmonium.. 
Iionis.  Op.   271.    Entretiens  familiers   pour 

orgue  et  piano,  3  suites,  chaque.   .   . 

Marias  Cinelt.  Op.  34.  Cinquante  mor- 
ceaux de  différents  caractères,  classés 
ton  par  ton,  et  disposés  de  manière  à 
pouvoir  servir  d'Antiennes  ou  de  Ver- 
sets aux  chants  de  l'office  divin,  pour 
orgue  ou  harmonium,  2  suites,  chaq.  : 

■lereanx.  Op.  65.  Grand  caprice  sur  Ro- 
bert le  Diable,  pour  harmonicorde , 
piano  et  violon : 

Sloreau.  Ouverture  de  Giralda,  pour  orgue 
et  piano 

—  Ouverture  des   Diamants  de    la  Cou- 

ronne, pour  orgue  et  piano 

Iliolan.  Fantaisie  sur  Moïse,  composée  par 
S.  Thalberg,  arrangée  pour  mélodium 
et  piano  

Riballier.  Cavatine  du  sommeil  de  la 
Muette  de  Portici,  pour  orgue,  piano 
et  violon,  ou  violoncelle 

Romano  (Giuseppe).  La  Carita,  chœur  re- 
ligieux de  Rossini,  pour  harmonium 


Ave  Maria,  de  Schubert,  pour  harmo- 
nium seul 

Prière  de  Slradella  {Piela  signor), 
pour  harmonium  seul 


Harmonium  seul  : 


F.  BUISSON 

LES  DÉLASSEMENTS  DE  L'ÉTUDE 

NOUVELLE  ÉDITION. 

48  MÉLODIES  OU  AIRS  FAVORIS) 

Tirés  des  opéras  de 

AD.    ADAM,    AUBER,   FLOTOW,    HALÉVY,    MAILLART,    MEÏER- 
BEER,   MOZART,    ROSSINI,    A.    TIIOMAS  et    WEBER. 


lre  SUITE. 

3e   SUITE. 

1. 

Le  Prophète. 

25. 

Dragons  de  Villars. 

2. 

Pardon  de  Ploërmel. 

26. 

Pardon  Je  Ploërmel. 

3. 

Stradella. 

27. 

Le  Roman  d'Elvire. 

4. 

La  Muette  de  Portici. 

23. 

Le  Comte  Ory. 

5. 

Zerline. 

29. 

La  Fiancée. 

6 

Robert  le  Diable. 

30 

Pardon  de  Ploërmel. 

7. 

Oberon. 

31. 

La  Muette  de  Portici. 

8. 

Le  Postillon  de  lonjjnintau 

32. 

L'Etoile  du  Nord. 

9. 

Le  Prophète. 

33. 

Nozze  di  Figaro.    -"^ 

10. 

La  Muette  de  Portici. 

34. 

Haydée 

11. 

Marta. 

35. 

Pardon  de  Ploërmel. 

12 

La  Sirène. 

36. 

Le  Roman  d'Elvire. 

2e    SUITE. 

4e  SUITE. 

13. 

Le  Philtre. 

37 

L'Ambassadrice. 

14 

Guillaume  Tell. 

38 

Les  Huguenots. 

15. 

Lestocq. 

39. 

La  Fée  aux  Roses. 

16. 

L'Etoile  du  Nord. 

40. 

Guillaume  Tell. 

17 

Haydée. 

41 

La  Fiancée. 

18 

Marta. 

42. 

Pardon  de  Ploërmel . 

19 

La  Fiancée. 

43. 

Le  Roman  d'Elvire, 

20 

Le  Postillon  de  Longjnmeau 

44. 

Robert  le  Diable. 

21 

Le  Domino  noir. 

45. 

Fra  Diavolo. 

22 

La  Muette  de  Portici 

46 

Le  Domino  noir. 

23 

Les  Huguenots. 

47 

Le  Roman  d'Elvire. 

24 

Le  Prophète. 

48 

Le  Cheval  de  bronze. 

Trente  Mélodies  de  F.  Schubert 


Transcrites 


POUR    LE    PIANO    PAR      STE  PUES  M       IIIGÏiEiEffil       ET    ARRANGÉES    POUR 

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PAR 

F.     BRISSON 


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Chaque  n", 
4  francs  p.  m. 


4 .   Adieu . 

2.  La  Jeune  Mère. 

3.  Eloges  des  larmes. 

4.  La  Rose. 

5.  Sur  le  bord  du  lac. 

6.  La  plainte  du  pâtre. 

7.  Les  larmes. 

15. 


PUBLIÉE  : 

1™  SÉRIE. 

8.  Les  astres. 

9.  La  berceuse. 

10.  La  jeune  Fille  et  la  Mort. 

1 1 .  Rosemonde. 

12.  La  sérénade. 

13.  Ave  Maria. 

14.  La  cloche  des  agonisants . 
Mes  rêves  sont  finis. 


SOUS  PRESSE  : 


1 .  Le  Chasseur  des  Alpes. 

2.  Tu  es  le  repos. 

3.  L'illusion. 

4.  L'Exilé. 

5.  A  Mignon. 

6.  Impatience. 

7.  Dans  le  bosquet. 


2e  SÉRIE. 

8.  Les  plaintes  de  la  jeune  fille. 

9.  Le  voyageur. 

10.  Bonjour. 

1 1 .  Le  pêcheur. 

12.  Chanson  des  chasseurs. 

13.  La  Truite 

14.  Le  joueur  de  vielle. 


15.  Sois  toujours  mes  seules  amours. 


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N°0. 


28  Février  1864. 


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REVUE 


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Départements,  Belgique  et  Suisse....    'M  »       id. 

Étranger 3-1  »       id- 

Le  Journal  parait  le  Dimanche 


GAZETTE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE. —  Théâtre  Lyrique  impérial:  reprise  de  Maria,  Mlle  Adelina  Patti  ; 
Mme  Spezia  dans  Lucrezia  Borgia.  —  Concerts  populaires  de  musique  classique 
au  cirque  Napoléon,  par  Paul  Smith.  —  Auditions  et  concerts.  — Martini 
(8*  et  dernier  article),  par  Arthur  Pougin. —  Le  Pardon  de  Ploërmel  à 
Marseille,  par  <S.  Bénédict.  —  Correspondance  :  Saint-Pétersbourg.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

Reprise  de  Maria.  —  aille  Adelina  Patti.  —  Urne  Spe- 
zia dans  M/Ucrczia  Borgia. 

Le  rôle  principal  de  Marta  semblait  fait  exprès  pour  Adelina 
Patti.  Cette  nouvelle  marquise  de  Clainville,  qui  s'ennuie  au  point 
de  ne  savoir  par  quelle  extravagance  elle  pourrait  se  distraire,  qui 
ne  trouve  rien  de  mieux  que  d'aller  au  marché  où  s'engagent  les 
servantes,  et  que  de  s'y  enrôler  elle-même  sous  les  ordres  d'un 
maître  inconnu,  en  vérité  c'était  un  personnage  fabriqué  à 
souhait  pour  une  jeune  artiste  dont  le  talent  a  quelque  chose 
de  si  original,  de  si  spontané!  Ce  qui  nous  a  toujours  paru 
curieux  dans  l'immense  succès  de  Mlle  Patti,  ce  sont  les  arguments 
qu'employaient  ses  adversaires  pour  l'amoindrir.  Et,  notez  que  ses 
adversaires  n'étaient  pas  seulement  parmi  les  artistes,  dont  au  moins 
la  jalousie  s'expliquait  ;  on  en  rencontrait  aussi  chez  les  grandes 
dames,  qui  s'indignaient  que  l'on  se  passionnât  pour  une  enfant  !  — 
Calmez-vous,  Mesdames,  l'enfant  vient  d'atteindre  sa  majorité  !  quant 
aux  artistes,  c'était  autre  chose;  elles  n'admettaient  pas  que  l'on 
réussît  plus  qu'elles  en  s'y  prenant  autrement  qu'elles,  et  pourtant 
c'était  le  vrai  moyen  !  Elles  ne  cessaient  de  se  récrier  sur  le  défaut 
d'art,  et  ne  comptaient  pour  rien  la  nature!  —  Mais  où  a-t-elle  étu- 
dié? quels  sont  ses  maîtres  ?  à  qui  la  comparer  ?  comment  la  clas- 
ser? Ce  dernier  point  embarrassait  surtout  les  critiques  de  pro- 
fession à  qui  leurs  profondes  lectures  et  leur  vaste  mémoire  ne 
rappelaient  rien  d'analogue. 

Après  son  merveilleux  avènement  de  l'année  dernière,  dans  la 
Sonnambula,  11  Barbiere,  Don  Pasquale  et  même  Don  Giovanni,  il  ne 
manquait  à  Mlle  Patti  que  de  se  montrer  dans  de  nouveaux  rôles. 


Elle  a  eu  grandement  raison  de  commencer  par  celui  de  Marta,  qui 
ouvrait  une  si  libre  carrière  à  la  variété  de  ses  inspirations  tout 
individuelles.  La  jeune  artiste  s'y  est  élancée  avec  son  vif  et  sûr 
instinct,  sa  verve  de  comédienne  et  de  cantatrice  :  elle  n'avait  pu 
voir  aucune  des  artistes  de  mérite,  Mme  Frezzolini  et  Mlle  Ma- 
rie Battu  surtout,  qui  avaient  joué  le  rôle  à  Paris  :  elle  l'a  donc 
joué  à  sa  manière,  comme  elle  le  comprenait  et  le  sentait  :  c'est  ce 
qui  fait  qu'elle  y  a  été  charmante,  et  que  ce  rôle  restera  l'un  de  ses 
meilleursparce  qu'il  est  un  de  ceux  qui  lui  appartiennent  le  plus. 

Mario,  lui  aussi,  doit  aimer  cette  Marta,  qui  lui  est  si  favorable, 
et  ce  rôle  de  Lionello,  qu'il  chante  si  bien,  sans  effort,  sans  fatigue. 
Il  y  a  été  applaudi,  rappelé  avec  pleine  justice.  La  délicieuse  ro- 
mance de  la  Rose  assure  toujours  au  chanteur  et  à  la  cantatrice  une 
de  ces  ovations  qui,  pour  n'être  pas  difficiles  à  conquérir,  n'en  son  t 
pas  moins  agréables  à  mériter.  Dans  sa  romance  du  troisième  acte  ' 
Mario  a  produit  aussi  beaucoup  d'effet.  Sans  égaler  Graziani,  dont  la 
belle  voix  résonnait  si  bien  dans  la  chanson  du  Porter  et  dans  tout 
le  rôle  de  Plumkett,  Delle-Sedie  n'y  déroge  pas  à  sa  louable  habitude 
de  faire  bien  tout  ce  qu'il  fait,  de  ne  jamais  déserter  son  poste. 
Mme  Méric-Lablache  et  Scalese,  le  nouveau  bouffe,  sont  tout  à  fait 
à  leur  place  dans  les  rôles  de  Nancy  et  de  lord  Tristano. 

Quant  à  la  partition  de  Maria,  que  le  théâtre  Italien  de  Paris  nous 
a  fait  entendre  pour  la  première  fois,  au  moisde  février  1858,  le  pu- 
blic l'a  trouvée  aussi  jeune,  aussi  mélodique,  aussi  séduisante  qu'il  y 
a  six  ans.  Voilà  encore  un  succès,  qui  par  sa  continuité,  son  uni- 
versalité, déconcerte  bien  des  jugeurs  ! 

La  musique  de  M.  de  Flotow  ne  ressemble  ni  à  celle  de  Kossini, 
ni  à  celle  de  Bellini,  de  Donizetti,  de  Verdi  ?  Comment  se  fait-il  donc 
qu'elle  plaise  à  tous  ceux  qui  l'entendent,  et  que,  quand  on  l'a  en- 
tendue, on  soit  heureux  de  l'entendre  encore?  Cela  pourrait  venir 
de  ce  qu'elle  est  la  musique  de  M.  de  Flotow. 

Dans  Lucrezia  Borgia,  Mme  Spezia  s'est  montrée  éminemment 
douée  du  sentiment  dramatique  dont  elle  avait  déjà  fait  preuve  dans 
Norma.  Nicolini  s'est  fort  bien  acquitté  du  rôle  de  Gennaro,  qu'il 
n'avait  pas  rempli  encore. 


66 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


CONCERTS  POPULAIRES  LE  MUSIQUE   CLASSIQUE 

au  Cirque  Napoléon. 

Les  programmes  de  M.  Pasdeloup  sont  composés  avec  un  soin  ex- 
trême et  de  telle  sorte  que  les  noms  des  plus  illustres  compositeurs, 
Haydn,  Mozart,  Beethoven,  Weber,  Mendelssohn,  Meyerbeer,  s'y  ren- 
contrent presque  toujours,  tantôt  dans  un  ordre ,  tantôt  dans  un 
autre.  Dimanche  dernier,  immédiatement  après  le  nom  de  Beethoven, 
venait  celui  d'un  musicien  jeune  encore,  dont  nous  connaissons  peu 
de  choses,  et  ce  peu,  nous  le  devons  à  l'orchestre  de  M.  Pasdeloup, 
du  temps  qu'il  préludait  dans  la  petite  salle  Herz  aux  grandes  solen- 
nités du  Cirque.  Nous  voulons  parler  de  M.  Niels  Gade,  maître  de 
chapelle  du  roi  de  Danemark.  Un  amiante  sostenuto  (op.  15),  de  sa 
composition,  exécuté  pour  la  première  fois,  il  faut  bien  le 
dire,  a  été  reçu  très-froidement  :  on  l'a  écouté  avec  attention  et 
laissé  finir  dans  un  silence,  troublé  seulement  par  quelques  chuts. 
A  ce  sujet,  nous  recevons  de  l'un  de  nos  honorables  collaborateurs, 
M.  Maurice  Cristal,  une  espèce  de  protestation  contre  l'accueil, 
très-immérité,  suivant  lui,  dont  une  œuvre  de  Gade  a  partagé 
l'affront  avec  les  productions  de  Schumann,  entendues  dans  le  même 
lieu. 

Est-ce  la  faute  des  œuvres  ?  est-ce  celle  du  public  ?  Nous  qui 
avons  été  du  même  avis  que  lui,  nous  n'hésiterons  pas  à  décider  la 
question  contre  les  musiciens  et  leur  musique.  Vainement  nous  nous 
sommes  recueilli  pour  suivre  sans  distraction  cet  andante  sostenuto 
de  couleur  terne  et  d'allure  monotone  :  nous  n'avons  pu  en  deviner 
le  sens  ;  nulle  idée  ne  s'en  est  dégagée  à  nos  yeux,  et  nos  conscien- 
cieux efforts  ne  nous  ont  procuré  qu'une  certaine  dose  d'ennui,  de 
fatigue.  Après  cela,  que  faire  ?  Entendre  une  seconde  fois  le  morceau 
et  nous  constituer  en  cour  d'appel  vis-à-vis  de  nous-même  ?  Nous 
ne  demandons  pas  mieux,  et,  en  attendant,  pour  faire  preuve  d'im- 
partialité, nous  communiquerons  à  nos  lecteurs  quelques  renseigne- 
ments que  nous  transmet  notre  collaborateur  sur  le  musicien,  auteur 
de  Yandanle  : 

«  Gade  raquil  en  1819,  à  Copenhague.  Il  chercha,  tout  d'abord, 
à  se  créer,  au  sein  de  l'Allemagne  musicale,  un  point  d'appui,  pour 
se  faire  ensuite  victorieusement  reconnaître  par  son  pajs.  Pauvre  et 
sans  protecteurs,  il  fut  mal  accueilli.  Sa  musique  n'éveilla  que  doute 
et  prévention  ;  ses  démarches  ne  lui  suscitèrent  que  des  antipa- 
thies. 

»  Désespéré,  il  écrivit  à  Mendelssohn  et  joignit  à  son  épître  sa 
symphonie  préférée.  Mendelssohn  étonné,  ravi,  mit  aussitôt  cette 
œuvre  à  l'étude  et,  quelques  jours  après,  il  écrivit  à  Gade  :  «  Vous 
commencez  par  où  j'ai  fini,  et  pour  que  vous  soyez  convaincu  de  la 
sincérité  de  mon  compliment,  apprenez  que  votre  symphonie  vient 
d"être  exécutée  aux  applaudissements  de  tout  ce  que  Leipzig  compte 
de  dilettanti.  »  En  effet,  le  succès  avait  été  immense.  L'écho  en  ar- 
riva à  Copenhague  et,  de  ce  jour,  les  Danois,  qui,  comme  les  hom- 
mes de  tous  les  pays  du  monde,  ont  besoin  pour  croire  à  la  valeur 
d'un  compatriote,  que  les  étrangers  viennent  les  en  informer,  — 
s'enthousiasmèrent  pour  le  musicien  et  le  proclamèrent  un  grand 
maître.  Bientôt  l'Allemagne  disputa  Gade  à  sa  patrie.  Quand  Men- 
delssohn mourut,  la  ville  de  Leipzig  le  chargea  de  la  direction  de  la 
société  des  concerts,  et  il  y  fut  établi  jusqu'au  moment  où  la  guerre 
du  Sleswig  le  rappela  en  Danemark.  Si  l'on  y  réfléchit,  un  pareil 
poste,  en  Allemagne  est  significatif,  et  la  succession  du  chantre 
d'Elie  et  du  Songe  d'une  nuit  d'Eté  est  d'autant  plus  honorable  que 
ce  fut  Mendelssohn  lui-même  qui  désigna  son  héritier. 

»  Nous  connaissons  de  M.  Gade  :  Mariotta,  partition  facile  et  agréa- 
ble, mais  qui  n'accuse  pas  suffisamment  sa  personnalité  ;  l'ouverture 
in  the  HUjhlands,  résumé  admirable  d'impressions  produites  par 
l'Ecosse  romantique;  Comala,  intermède  symphonie,  œuvre  instru- 


mentale mêlée  de  récits,  de  cavatines  et  de  chœurs,  création  capitale 
où  le  génie  de  Gade  se  révèle  dans  son  originalité  et  dans  sa  force, 
et  qu'on  nous  a  promise  pour  l'hiver  prochain  à  Paris  ;  plusieurs 
symphonies  remarquables  à  divers  titres,  parmi  lesquelles  nous  signa- 
lerons celle  qui  a  pour  thème  principal  un  air  national  danois,  et 
celle  en  la,  qui  est  très-renommée  à  Leipzig;  enfin  X andante  soste- 
nuto (op.  15),  qui  vient  d'être  exécuté  à  Paris. 

»  La  puissance  de  l'instrumentation,  la  verve  mélodique,  l'origina- 
lité de  la  composition,  la  combinaison  des  effets  imprévus ,  sont  les 
qualités  incontestées  de  M.  Gade.  Ce  qui  leur  donne  leur  cachet,  c'est 
qu'elles  se  révèlent  par  un  style  âpre,  abrupte,  sauvage  même,  qui  est 
le  caractère  particulier  des  artistes  du  Nord.  Mais  cette  rudesse  que 
nous  signalons  n'est  pas  sans_  charme  ;  elle  s'allie  avec  une  ^tristesse, 
une  mélancolie  qui  envahit  peu  à  peu  l'auditoire  et  le  retient  charmé, 
fasciné.  L'art  a  abusé  en  France  de  la  mélancolie  de  convention,  de 
la  sauvagerie  affectée.  Chez  .M.  Gade,  la  mélancolie  est  à  sa  source 
primitive.  Elle  n'a  rien  à  démêler  avec  un  faux  sentimentalisme,  avec 
cette  rêverie  grêle  et  maladive  que  l'esprit  d'imitation  dicte  trop  sou- 
vent aux  artistes  de  second  ordre.  La  sauvagerie  de  son  style  n'a  rien 
de  fardé,  c'est  plutôt  une  énergie  salubre  et  fécondante,  la  tristesse 
dans  la  force,  l'énergie  et  la  verdeur  dans  la  mélancolie,  une  rêverie 
austère  et  grave  qui  rappelle  une  superbe  création,  la  Mélancolie 
d'Albert  Durer.  » 

Voilà  comment  s'exprime  l'apologiste  de  M.  Gade,  et  notre  vœu  le 
plus  sincère  est  qu'il  ne  se  trompe  ni  dans  ses  appréciations,  ni  dans 
ses  éloges.  Mais  pour  le  moment,  nous  ne  pouvons  faire  autre  chose 
que  persister  dans  notre  sentiment  à  l'égard  de  Yandanle  sostenuto. 
Pour  l'enthousiasme,  de  même  que  pour  la  foi,  la  bonne  volonté  ne 
suffit  pas. 

Dans  le  même  concert,  il  y  a  huit  jours,  Mme  Tardieu  de  Malle- 
ville  a  fort  honorablement  joué  le  concerto  (n°  8)  en  ré  mineur  pour 
piano,  de  Mozart.  Nous  nous  rappelons  le  temps  où  cette  pianiste 
habile  et  distinguée  frappait  inutilement  aux  portes  de  la  Société 
des  concerts,  qui  la  congédiait  sans  trop  de  politesse,  elle  et  ses 
partisans.  Aujourd'hui,  la  Société  est  moins  fière,  si  l'on  en  juge  par 
les  virtuoses  qu'elle  accueille,  mais  peut-être  Mme  Tardieu  de  Malle- 
ville  l'est-elle  devenue  davantage,  en  voyant  les  concerts  populaires 
lui  accorder  si  gracieusement  l'hospitalité.  Le  seul  tort  qu'elle  ait  eu, 
selon  nous,  c'est  de  choisir  un  concerto  que  Mozart  n'avait  pas  écrit 
certainement  pour  une  si  vaste  salle. 

Paul  SMITH. 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 


M.  W.  Krùger. 


M.  Louis  liacoraibe.  —   Mlle  Hélène  et 
91.  Hugo  Heermann. 


Il  y  a  toujours  dans  les  soirées  que  donne  M.  W.  Krùger, 
le  pianiste  de  S.  M.  le  roi  de  Wurtemberg,  un  attrait  double,  parce 
que,  à  côté  du  virtuose  dont  le  talent  est  depuis  longtemps  reconnu, 
on  rencontre  le  compositeur,  dont  les  qualités  spéciales  prêtent  un 
intérêt  puissant  à  l'audition  de  ses  œuvres  nouvelles.  Ainsi,  dans  son 
concert  à  grand  orchestre  de  lundi  dernier,  M.  W.  Kriiger  nous  a  fait 
enlendre  un  concerto  inédit  en  la  majeur,  qui  est  vraiment  fort  beau 
et  fort  brillant.  Nous  en  avons  surtout  remarqué  l'introduction,  es- 
sentiellement mélodique,  pleine  de  hardiesse  et  d'élégante  franchise. 
Le  chant  des  violoncelles,  repris  par  les  violons,  est  une  charmante 
inspiration.  Le  piano  joue,  dans  ce  morceau,  un  rôle  des  plus  écla- 
tants, et  l'exécution  prestigieuse  du  pianiste-compositeur  n'a  pas  peu 
contribué  à  en  faire  ressortir  la  variété  et  la  richesse.  Dans  un  ordre 
inférieur,  M.  W.  Krùger  a  ravi  l'auditoire  avec  deux  ouvrages  égale- 


DE  PARIS. 


67 


ment  inédits,  et  de  plus  courte  haleine,  une  Berceuse  et  un  air  de 
ballet,  qui  ne  tarderont  pas  à  obtenir  la  vogue. 

Mais  M.  W.  Kriiger  ne  s'est  pas  borné  à  l'exécution  de  ses  œuvres 
originales  ;  on  lui  avait  en  quelque  sorte  imposé  l'obligation  d'y 
joindre  l'Echo  de  la  vallée  et  la  Coupe  d'or,  délicieux  caprices,  et 
de  chaleureux  bravos  l'ont  amplement  récompensé. 

En  sa  qualité  de  virtuose,  il  lui  restait  à  prouver  que  ses  compo- 
sitions ne  sont  pas  les  seules  dans  lesquelles  il  sache  déployer  toutes 
les  ressources  de  son  magnifique  talent.  Le  rondo  en  mi  bémol,  avec 
orchestre,  de  Mendelssohn,  a  donc  été  pour  lui  l'occasion  d'un 
triomphe  d'autant  plus  complet  que  l'enthousiasme  provoqué  par  le 
choix  de  ce  splendide  morceau,  a  nécessairement  réagi  sur  les  excel- 
lentes dispositions  de  ses  auditeurs.  L'orchestre,  conduit  par  M.  Pas- 
deloup,  l'a  supérieurement  secondé. 

La  partie  vocale  de  cette  belle  soirée  était  représentée  par  M.  Vin- 
cent, dont  la  voix  sympathique  et  la  bonne  méthode  ont  été  très-goû- 
tées,  et  par  Mme  Talvo-Bedogni  qui,  prévenue  au  dernier  moment, 
n'en  a  pas  moins  consenti  à  remplacer  Mme  Gagliano,  qu'une  indis- 
position retenait  chez  elle.  L'aimable  cantatrice  n'a  pas  eu  à  se  re- 
pentir de  cet  acte  de  complaisance. 

—  Parmi  les  pianistes  de  l'école  française,  il  en  est  peu  qui  puis- 
sent être  comparés  à  Louis  Lacombe.  Son  talent  hors  ligne  est  au- 
dessus  de  tout  éloge  ;  son  style  est  large  et  pur  ;  il  a  tour  à  tour  de 
la  grâce,  de  l'énergie,  du  sentiment  ;  dans  les  plus  grandes  difficultés, 
il  est  toujours  clair  et  précis  ;  enfin,  [c'est  un  exécutant  parfait.  A 
son  concert  qui  a  eu  lieu  mercredi  dans  les  salons  Erard,  il  a  élec- 
trisé  l'auditoire  rien  qu'avec  quatre  fragments  de  modeste  étendue, 
des  scherzi  empruntés  à  Beethoven,  à  Weber,  à  F.  Schubert  et  à 
Chopin.  Ce  dernier  surtout,  qui  ne  se  laisse  pas  facilement  aborder, 
n'a  peut-être  été  jamais  mieux  interprété  que  par  1  eminent  virtuose. 
Il  semblait,  à  l'entendre,  que  ce  fût  la  chose  du  monde  la  plus  sim- 
ple et  la  plus  naturelle.  Louis  Lacombe  a  fait  en  outre  sa  partie  de  la 
manière  la  plus  remarquable  dans  l'andante  et  le  scherzo  du  trio  en 
mi  bémol  de  Schubert,  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  dans  l'ada- 
gio et  l'allégretto  scherzando  de  la  sonate  en  ré  de  Mendelssohn, 
pour  violoncelle  et  piano,  et  dans  un  admirable  fragment  de  la  sym- 
phonie en  ut  mineur  de  Beethoven,  arrangée  pour  deux  pianos  par 
Eberwein.  Le  second  piano  était  tenu  par  Ravina,  très-digne  émule 
du  bénéficiaire  et  non  moins  applaudi. 

Mais  on  sait  que  Louis  Lacombe  n'est  pas  seulement  un  très-ha- 
bile pianiste  ;  comme  compositeur,  il  a  aussi  des  litres  sérieux  à  faire 
valoir.  Ses  œuvres  nombreuses  pour  le  piano,  l'orchestre  et  le 
chant  sont  assez  connues  pour  que  nous  n'ayons  pas  besoin  de  les  rap- 
peler ici.  Nous  ne  citerons  que  celles  qui  ont  été  exécutées  à  la  soi- 
rée de  mercredi,  et  qui  nous  ont  fait  généralement  beaucoup  déplai- 
sir. Et  d'abord  l'adagio  et  le  scherzo  de  son  trio  en  la  mineur,  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  et  une  élégie  pour  le  violon,  deux  mor- 
ceaux qui  nous  ont  paru  réunir  à  un  haut  degré  le  mérite  de  l'idée 
et  celui  de  la  forme.  Ils  ont  d'ailleurs  parfaitement  été  joués  par  le 
compositeur  ainsi  que  par  MM.  Lebouc  et  Garcin.  Plusieurs  mélodies 
chantées  par  Archainbaud  et  par  Mme  Anna  Barthe  n'ont  pas  été 
moins  applaudies,  quoique  leur  élévation  poétique,  un  peu  trop  va- 
gue, trop  idéale,  ne  les  mette  pas  à  la  portée  de  toutes  les  intelligen- 
ces. Mme  Barthe,  douée  d'une  voix  pure  et  bien  timbrée,  a  produit 
beaucoup  d'effet,  notamment  avec  la  Chanson  de  Barberine,  l'une  des 
meilleures  et  des  plus  originales  inspirations  de  Louis  Lacombe. 

—  M.  Hugo  Heermann,  violoniste,  et  sa  sœur  Mlle  Hélène  Heer- 
mann,  harpiste,  sont  à  peu  près  inconnus  à  Paris,  mais  en  revan- 
che, ils  sont  fort  appréciés  de  l'autre  côté  du  Rhin,  à  Bade,  à 
Leipzig,  à  Francfort,  à  Brème,  etc.,  où  ils  ont  laissé  une  très-bonne 
impression  de  leur  passage.  Le  concert  qu'ils  ont  donné  vendredi, 
chez  Erard,  nous  a  mis  à  même  de  les  juger  à  notre  tour,   et    de 


confirmer  leurs  triomphes  germaniques.  M.  Hugo  Heermann  est  encore 
fort  jeune  ;  mais  il  possède  un  sentiment  musical  très-développé  ; 
il  a  du  style,  de  l'expression  ;  il  ne  lui  manque  peut-être  qu'un  peu 
plus  de  fermeté  et  de  chaleur;  cela  viendra  sans  doute  avec  le 
temps.  Il  a  dit  à  merveille  sa  partie  de  premier  violon  dans  un 
quatuor  d'Haydn,  où  il  avait  pour  exécutants  MM.  Muller,  Bauer- 
keller  et  Hunnemann.  Il  s'est  très-bien  tiré  aussi  de  la  fantaisie 
d'Ernst  sur  la  marche  et  la  romance  d'Otello.  Mlle  Hélène  Heer- 
mann est,  dit-on,  une  des  meilleures  élèves  de  M.  Théophile  Kri'i- 
ger, de  Stuttgard.  Elle  a,  dans  son  jeu,  infiniment  de  grâce,  de  dis- 
tinction et  de  délicatesse.  Les  qualités  charmantes  dont  elle  a  fait 
preuve  dans  le  Rêve  et  dans  les  Adieux  de  Félix  Godefroid,  ainsi 
que  dans  une  très-jolie  mélodie  irlandaise  de  John  Thomas,  lui  ont 
conquis  tous  les  suffrages.  Les  plaisirs  de  cette  soirée  ont  été  com- 
plétés par  Ernest  Lubeck,  qui  a  joué  avec  un  brio  tout  à  fait  magis- 
tral la  polonaise  en  la  bémol  de  Chopin,  par  M.  Muller,  habile  vio- 
loniste, qui  a  remarquablement  interprété  deux  agréables  mélodies 
d'Ehmant,  et  par  un  M.  Wagner,  chanteur  allemand,  dont  la  belle 
voix  de  basse  a  fait  oublier  l'inconvénient  de  ne  pouvoir  le  com- 
prendre. 

Y. 


MARTINI. 

(8e  et  dernier  article)  (1). 

Le  talent  de  Martini,  talent  qui  fut  réel,  incontestable,  s'exerça  sur 
une  foule  de  sujets,  dans  des  genres  très-différents.  On  a  vu  qu'il 
fit  représenter  un  assez  grand  nombre  d'opéras,  auxquels  je  dois 
ajouter  encore  l Amant  sylphe,  ouvrage  en  trois  actes  qui  fut  donné 
sur  le  théâtre  particulier  de  la  cour,  à  Versailles,  en  1785.  J'ai  si- 
gnalé ses  productions  de  musique  religieuse,  au  sujet  desquelles 
M.  Fétis  s'exprime  ainsi  :  «  La  musique  d'église  de  Martini  a  eu 
beaucoup  de  renommée ,  mais  elle  a  été  trop  vantée  :  son  carac- 
tère est  plus  brillant  que  religieux;  d'ailleurs,  elle  manque  de  sim- 
plicité et  de  netteté  dans  l'harmonie.  »  L'appréciation  de  M.  Fétis 
est  très-juste;  mais  il  faut  reconnaître,  ainsi  qu'il  le  fait  lui-même, 
que  les  œuvres  sacrées  de  Martini  jouirent,  du  vivant  de  leur  auteur, 
d'un  très-grand  renom,  et  produisaient  une  vive  sensation.  11  est 
certain  qu'elles  concouraient  avec  celles  de  Zingarelli,  d'Haydn,  de 
Paisiello  et  de  Lesueur  à  former  le  répertoire  de  la  chapelle  impé- 
riale. 

Je  n'ai  fait  jusqu'ici  que  mentionner  ses  romandes  ;  ses  nombreuses 
productions  en  ce  genre  démontrent  qu'il  y  était  passé  maître.  Il  a 
publié  six  s  recueils  de  petits  airs  de  chant,  avec  accompagnement 
de  piano-forte  ou  de  harpe.  »  On  peut  dire  que  sous  ce  rapport  il 
fut  novateur,  en  ce  sens  que  non-seulement  il  remplaça  les  simples 
basses  chiffrées  que  l'on  se  contentait  alors  d'indiquer  sous  la  partir 
de  chant  par  un  véritable  et  intéressant  accompagnement  de  piano, 
mais  encore  en  ce  qu'il  fit  précéder  et  suivre  ces  petits  morceaux 
d'élégantes  ritournelles,  moyen  dont  on  n'usait  pas  non  plus  avant 
lui. 

J'ai  sous  les  yeux  quatre  de  ces  recueils.  Le  «  deuxième  »  est 
«  dédié  à  Mme  Le  Brun,  de  l'Académie  royale  de  peinture .  » 

Ce  deuxième  recueil  est  composé  de  treize  morceaux ,  parmi  les- 
quels je  remarque  le  n"  6  : 

Cruels  moments  qui  pénétrez  mon  âme .   . 

véritable  fragment  dramatique  qui  semble  appeler  le  secours  de  l'or- 
chestre, et  celui  intitulé  le  Novice  de  la  Trappe,  écrit  sur  des  paro- 


(1)  Voir  les  n0'  49,  50,  51  de  l'année  1863, et  les  n01  2,  3,  h  et  5. 


68 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


les  de  Florian,  comprenant  deux  strophes  musicales  alternées,  l'une 
mineure,  l'autre  majeure,  et  qui  respire  une  douleur  profonde. 

Dans  le  quatrième  recueil,  divisé  en  deux  parties,  contenant  cha- 
cune sept  romances,  chansons  et  cavatine.s  —  car  Martini  ne  se  ren- 
fermait pas  dans  un  genre  étroit  et  unique  — et  dédié  à  «  la  citoyenne 
Théis-Pipelet,  »  je  citerai  les  Amants  heureux  (n°  1),  inspiration 
d'une  grâce  sans  pareille  ;  le  Vieux  Robin  Gray  (n°  2),  sorte  d'élégie 
dont  la  musique,  aussi  bien  réussie  que  les  charmants  vers  de  Flo- 
rian, respire  la  même  simplicité  douloureuse,  la  même  résignation 
plaintive,  et  la  «  Chanson  »  (u°  3),  chantée  par  Mlle  Contât  dans 
une  comédie  de  Vigée  représentée  au  Théâtre-Français,  la  Matinée 
d'une  jolie  femme,  chanson  dont  la  mélodie  est  remplie  de  délica- 
tesse, de  charme  et  d'élégance.  Je  m'arrête  dans  cette  énumération  ; 
mais  je  ne  saurais  m'empêcher  de  faire  remarquer  que ,  par  ces  pe- 
tits chefs-d'œuvre,  Martini  ouvrit  la  voie  aux  musiciens  qui  se  sont 
le  plus  distingués  dans  le  genre  de  la  romance  et  que,  notamment, 
il  précéda  Ferrari,  Garât,  Blangini  et  Boïeldieu. 

Martini  mit  aussi  en  musique,  en  collaboration  avec  Dalayrac,  De- 
vienne et  Foignet,  les  romances  de  Berquin,  qui  furent  ainsi  publiées 
en  1788  (1).  Je  dois  mentionner  encore  une  cantate  intitulée  Arca- 
bonne,  avec  accompagnement  d'orchestre. 

Martini  composa,  de  plus,  un  assez  grand  nombre  d'oeuvres  de 
musique  de  chambre,  trios  et  quatuors  pour  instruments  à  cordes, 
quelquefois  avec  flûte,  d'autres  fois  avec  clavecin,  parfois  encore 
avec  accompagnement  d'orchestre. 

Enfin,  il  me  reste  à  parler  de  ses  ouvrages  didactiques,  qui  sont 
au  nombre  de  trois.  Sa  Mélopée  moderne  ou  l'Art  du  chant  réduit 
en  principes,  arracha  à  Grétry,  peu  flatteur  de  sa  nature,  ces  lignes 
louangeuses  :  «  Tout  ce  que  dit  cet  habile  homme  est  dans  l'exacte 
vérité.  C'est  avec  regret  que  je  ne  vois  pas  Martini  assis  à  côté  de 
moi  au  Conservatoire  de  musique...  (2).  Il  méritait  mieux  que  moi 
d'occuper  une  place  dans  cet  établissement  utile  :  il  est  plus  métho- 
dique, plus  didactique.  »  Mais  à  côté  de  ces  éloges,  il  faut  placer 
une  réflexion  de  M.  Fétis,  qui  dit  que  «  les  principaux  matériaux  de 
cet  ouvrage  ont  été  puisés  dans  le  traité  du  chant  de  Hiller,  »  auquel 
cas  la  gloire  de  Martini  sous  ce  rapport  se  réduirait  à  peu  de  chose. 

Pour  ce  qui  est  du  deuxième  ouvrage,  Partition  pour  accorder  le 
piano  et  l'orgue,  je  me  contenterai  de  le  nommer,  et  quant  au  troi- 
sième, Ecole  d'orgue,  divisée  en  trois  parties  et  résumée  d'après 
les  ouvrages  des  plus  célèbres  organistes  de  l'Allemagne,  publiée 
chez  Imbault,  je  rapporte  encore  les  paroles  de  M.  Fétis  :  «  Ce  titre, 
dit  l'infatigable  écrivain,  n'est  point  exact,  car  on  ne  trouve  dans 
l'ouvrage  de  Martini  qu'une  traduction  de  YOrgelschule,  de  Knecht, 
où  le  livre  allemand  est  bouleversé  sans  que  le  traducteur  y  ait  mis 
plus  d'ordre.  » 

Enfin,  Martini  avait  laissé  en  manuscrit  un  Traité  élémentaire 
d'harmonie  et  de  composition  qu'on  a  retrouvé  dans  ses  papiers,  en 
même  temps  qu'une  collection  considérable  d'extrails  et  de  traduc- 
tions d'ouvrages  allemands  portant  sur  ce  sujet. 

Par  tout  ce  qui  précède,  on  peut  se  convaincre  que  la  vie  de 
Martini  ne  fut  pas  moins  laborieuse  que  longue.  Les  travaux  de  cet 
artiste  distingué  sont  loin  d'avoir  été  sans  utilité  pour  l'art  musical, 
car,  en  même  temps  qu'il  continuait  au  théâtre  les  bonnes  et  saines 
traditions  de  l'opéra-cornique  français,  en  même  temps  qu'il  se  fai- 
sait remarquer  par  des  qualités  véritables,  quoiqu'un  peu  mondaines, 
dans  ses  nombreuses  productions  de  musique  d'église,  il  réformait 
le  genre  de  la  romance,  répandait  le  goût  de  la  musique  d'ensemble 


(1)  V.  le  Calendrier  musical  de  1789,  page  253. 

(2)  On  a  va  que  Martini  y  occupa  la  place  même  de  Grétry,  lorsque  celui-ci  eut 
donné  sa  démission. 


pour  instruments  à  cordes,  et,  enfin,  faisait  faire  les  premiers  pas  à 
la  réforme  de  nos  musiques  mililaires,  réforme  que  Devienne  accom- 
plit à  sa  suite.  Voici  comment  s'expriment  à  ce  sujet  Choron  et 
Fayolle,  dans  leur  Dictionnaire  historique  des  musiciens  •'  «  M.  Mar- 
tini est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribué  à  former  des  corps  de 
musiciens,  dans  les  régiments  de  France,  par  la  grande  quantité  de 
morceaux  de  musique  pour  les  instruments  à  vent  qu'il  a  composés 
à  l'époque  où  il  était  chez  le  prince  de  Condé,  et  que  tous  les  co- 
lonels de  ce  temps  lui  ont  demandés  pour  leurs  régiments.  » 

«  Martini  était  à  la  fois,  dit  Mme  de  Salm,  homme  instruit  et 
homme  de  société;  son  esprit  était  actif,  son  jugement  sûr  et 
prompt.  On  lui  reprochait  de  la  brusquerie  et  de  l'emportement,  sur- 
tout quand  il  était  contrarié,  ou  plutôt  blessé  dans  ce  qui  tenait  à  son 
art;  mais  ce  défaut,  commun  à  presque  tous  les  grands  arlistes,  n'avait 
point  d'influence  sur  sa  conduite  dans  le  monde,  ni  dans  les  fonc- 
tions qu'il  avait  à  remplir,  et  son  équité  naturelle,  la  véritable  bonté 
de  son  cœur,  le  ramenaient  à  l'instant  à  des  sentiments  bienveillants 
et  généreux.  Ces  qualités  essentielles,  qui  lui  méritaient  autant  que 
son  talent  supérieur  l'estime  générale,  lui  avaient  acquis  des  amis 
sincères  qu'il  conserva  jusqu'aux  derniers  moments  de  sa  vie.  » 

Mme  de  Salm  a  montré  évidemment  dans  ce  portrait  toute  l'in- 
dulgence d'une  amie  dévouée. 

Ce  qui  paraît  certain,  c'est  que  Martini  était  quinleux  envers  ses 
égaux,  envieux  et  jaloux  de  ses  confrères,  dur  et  hautain  avec  ceux 
qu'il  considérait  comme  ses  inférieurs.  A  la  suite  de  la  réforme  de 
l'an  X,  dans  laquelle  il  avait  été  compris,  il  nourrit  jusqu'à  ses  der- 
niers jours  un  sombre  ressentiment  contre  Méhul  et  Catel,  qu'il  sup- 
posait —  à  tort,  je  crois  —  lui  avoir  nui  dans  cette  affaire.  «  Au 
surplus  —  dit  M.  Fétis  qui  l'a  connu,  et  faisait  ses  études  au 
Conservatoire  lorsque  Martini  y  était  encore  inspecteur  —  il  aurait 
été  difficile  de  deviner,  à  la  brusquerie,  à  la  dureté  de  ses  manières 
et  au  despotisme  qu'il  affectait  avec  ses  subordonnés,  l'auteur  d'une 
multitude  de  mélodies  empreintes  de  la  plus  douce  sensibilité.  » 

C'est  par  une  petite  histoire  fort  piquante  que  M.  Fétis  nous  fait 
surtout  connaître  un  côté  curieux  du  caractère  de  cet  artiste.  Comme 
elle  le  peint  à  merveille,  c'est  par  elle  que  je  veux  terminer  ce  long 
travail  : 

ci  Je  me  souviens,  dit-il,  que  lorsque  j'étudiais  l'harmonie  au  Con- 
servatoire de  Paris,  sous  la  direction  de  Rey,  Martini  vint  inspecter 
la  classe,  et  qu'il  corrigea  une  leçon  que  je  lui  présentai.  Je  lui  fis 
remarquer  que  dans  un  endroit  sa  correction  n'était  pas  bonne  parce 
qu'elle  donnait  lieu  à  une  succession  de  quintes  directes  entre  l'alto 
et  le  second  violon.  «  Dans  le  cas  dont  il  s'agit,  on  peut  faire  des 
»  quintes  consécutives  (me  dit-il).  —  Pourquoi  sont-elles  permises? 
»  —  Je  vous  dis  que  dans  ce  cas  on  peut  les  faire.  —  Je  vous  crois, 
»  Monsieur;  mais  je  désire  savoir  le  motif  de  cette  exception. —  Vous 
»  êtes  bien  curieux  !»  A  ce  mot,  dont  le  ridicule  n'a  pas  besoin 
d'être  commenté,  tous  les  élèves  partirent  d'un  éclat  de  rire,  et  la 
grave  figure  de  notre  professeur  même  se  dérida.  Depuis  ce  temps, 
chaque  fois  que  je  rencontrai  Martini,  il  me  lança  des  regards  pleins 
de  courroux.  » 

Arthur  POUGIN. 


LE  PARDON  DE  PLOEBJEL 


A  Marseille. 


Voici  la  conclusion  du  second  article  publié  dans  le  feuilleton  du 
Sémaphore  par  notre  excellent  confrère  G.  Bénédicl.  En  la  transcri- 
vant, nous  regrettons  vivement  de  ne  pouvoir  reproduire  son  appré- 
ciation entière  du  chef-d'œuvre,  dont  nous  avons  annoncé  déjà  le 
grand  succès. 

o  On  le  voit,  il  n'est  pas  dans  cette  partition,  où  l'on  ne  compte  pas 


OR  PARIS. 


69 


moins  de  vingt  morceaux,  une  seule  scène  négligée  par  le  compositeur, 
il  a  tenu  compte  de  tout  en  donnant  à  chaque  personnage,  à  chaque  si- 
tuation son  caractère  et  sa  couleur  locale. 

Maintenant  que  dire  de  cette  merveilleuse  instrumentation  qui  atteint 
l'apogée  de  l'art  dans  ses  plus  poétiques  sommets?  Renferme-telle 
assez  de  rhythmes  nouveaux,  d'effets  assez  piquants  et  d'heureux  con- 
trastes! liais  ce  qui  frappe  surtout  les  connaisseurs  dans  cette  partition 
du  Pardon,  où  est  si  scrupuleusement  respecté  le  septième  commande- 
ment du  décalogue  :  «  Le  bien  d'autrui  lu  ne  prendras,  »  c'est  l'unité 
du  style  et  l'harmonie  des  proportions  musicales.  Là,  point  de  longueurs 
fastidieuses,  chaque  morceau  a  sa  durée  logique  et  ne  dépasse  jamais 
les  développements  qu'il  comporte  dans  ses  rapports  avec  l'ensemble  de 
l'œuvre  entière. 

Parlerons-nous  de  la  clarté  du  style  de  Meyerbeer,  où  l'on  cherche- 
rait en  vain  la  moindre  obscurité,  la  plus  petite  broussaille?  L'opéra 
tout  entier  est  écrit  d'une  main  libre  et  sûre  qui  exclut  les  embarras 
et  les  tâtonnements;  aussi  quelle  netteté  dans  sa  marche!  comme  l'air 
et  la  lumière  circulent  à  travers  tous  ces  accompagnements  d'un  tissu 
si  fin  et  si  habilement  ouvragé! 

Pour  la  couleur,  elle  se  montre  partout,  sans  qu'une  teinte  criarde 
et  disparate  vienne  en  compromettre  l'éclat  et  la  douceur.  Loin  de  ces 
musiciens  qui  croient  intéresser  l'audiloire  par  l'emploi  fréquent  de 
certains  effets  excellents  en  soi,  mais  qu'ils  reproduisent  sans  cesse  au 
risque  d'en  saturer  et  de  compromettre  leur  harmonie,  Meyerbeer,  qui 
mieux  que  personne  connaît  jusqu'aux  dernières  ressources  de  l'art  in- 
strumental, n'en  abuse  jamais  systématiquement  au  point  d'entacher  ses 
œuvres  par  l'uniformité  et  la  monotonie.  A  l'égal  des  compositeurs 
modernes  et  comme  eux  il  emploie  tour  à  tour  les  procédés  en  usage  : 
trémolo,  sourdines,  tenues  de  cor  et  de  basson,  mais  ave3  quelle  intel- 
ligence, avec  quel  esprit  et  quelle  discrétion  !  C'est  à  peine  si  dans  le 
Pardon  Meyerbeer  se  sert  des  trombones.  Comment  s'étonner  dès  lors 
qu'il  arrive  à  soutenir  l'attention  de  ses  auditeurs  sans  malaise,  sans  fa- 
tigue et  sans  ennui?  Le  premier  acte  du  Pardon  ne  dure  pas  moins  d'une 
heure  et  quart  montre  en  main,  et  pourtant,  oserait-on  réclamer  contre 
la  longueur  de  cette  partie  de  l'ouvrage,  qui  file  sur  les  rails  du  ca- 
price et  de  la  fantaisie  avec  la  légèreté  d'un  simple  vaudeville?  A  ce 
propos,  nous  en  appelons  aux  partisans  de  la  musique  impossible,  et 
nous  les  invitons  à  faire  une  étude  spéciale  des  œuvres  de  Meyerbeer. 
Ils  y  apprendront  comment,  avec  une  science  aussi  vaste  et  aussi  pro- 
fonde qu'il  soit  donné  à  un  musicien  de  posséder  ;  on  peut  être  acces- 
sible à  tous  les  esprits  et  charmer  toutes  les  oreilles  humaines  en  de- 
hors des  formules  stéréotypées  des  platitudes  et  des  banalités  de  cer- 
taines œuvres  par  trop  faciles.  Ce  qui  n'est  pas  compréhensible  en  fait 
de  science  musicale,  ce  sont  les  problèmes  et  les  équations  algébriques, 
les  syllogismes  obscurs  et  les  cavernes  sombres  où  se  complaisent  les 
extravagants  et  les  fous  dans  l'impuissance  où  ils  sont  de  pouvoir  fixer 
la  lumière. 

Une  chose  digne  de  remarque  dans  le  Pardon  de  Ploe'rmel,  et  qu'il  n'est 
pas  inutile  de  signaler,  c'est  la  partie  du  biniou,  instrument  local  dont 
Meyerbeer  s'est  si  bien  servi  au  premier  acte  de  son  ouvrage,  qu'en  l'é- 
coutant on  rêve  malgré  soi  aux  charmants  poëmes  de  Brizeux,  transporté 
en  esprit  aux  lieux  où  se  déroule  le  drame  nouveau  de  l'auteur  de 
Robeit.  Ah!  Monsieur,  nous  disait  un  jeune  Breton  à  la  dernière  repré- 
sentation du  dernier  chef-d'œuvre  du  maître,  ces  airs  me  rappellent  mon 
pays  et  m'attendrissent  jusqu'aux  larmes;  comprendre  de  la  sorte  un 
instrument,  ce  n'est  pas  seulement  écrire  pour  lui,  c'est  l'inventer. 

G.  BÉNÉDICT. 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg,  10/22  février  1864. 

Vendredi  a  été  donnée,  au  bénéfice  de  Calzolari,  la  première  repré- 
sentation de  la  Dame  blanche  de  Boïeldieu,  traduite  en  italien  sous  le 
titre  de  la  Dama  bianca,  avec  récitatifs  de  notre  chef  d'orchestre,  Ba- 
veri.  Cette  tentative,  il  faut  bien  l'avouer,  n'a  pas  eu  le  succès  sur  le- 
quel on  comptait.  Dépouillée  de  son  dialogue  spirituel,  la  jolie  comédie 
de  Scribe  a  paru  froide,  et  malgré  le  talent  des  artistes  éminents  char- 
gés d'en  interpréter  la  musique,  cette  impression  s'est  maintenue  toute 
la  soirée.  C'est  en  vain  que  Calzolari  avait  mis  au  service  du  rôle  de 
Georges  tout  le  charme  de  sa  voix,  que  dans  ce!ui  d'Anna  Mme  Fioretti 
déployait  sa  brillante  vocalisation  ;  que  Mme  Bernardi  se  montrait  la 
plus  séduisante  Jenny,  Everardi  un  remarquable  Gaveston;  qu'enfin 
l'orchestre  faisait  de  son  mieux,  la  salle  est  restée  silencieuse  ;  ses  rares 
applaudissements  s'adressaient  visiblement  aux  artistes  aimés  et  non 
à  l'œuvre  elle-même.  Sous  ce  rapport  du  moins,  Calzolari,  le  bénéfi- 
ciaire, a  été  largement  partagé,  et  plusieurs  rappels  accompagnés  de 
couronnes  et  de  bouquets,  l'ont  dédommagé  de  l'insuccès  d'une  initia- 
tive qui  avait  pour  but  honorable  d'introduire  au  répertoire  de  notre 
scène  italienne    un  des  chefs-d'œuvre  de  l'opéra  français.  Après   lui 


Mme  Bernardi  s'est  fait  légitimement  applaudir,  en  donnant  à  la  bal- 
lade, d'ailleurs  fort  bien  dite,  une  expression  de  vérité  qui  a  produit 
beaucoup  d'effet. 

Le  physique  de  Mme  Fioretti  se  prêtait  défavorablement  au  person- 
nage d'Anna;  on  s'est  étonné  avec  raison  qu'il  n'eût  pas  été  revendiqué 
avec  empressement  par  Mme  Barbot,  à  laquelle  sa  qualité  de  Française 
imposait  le  devoir  de  soutenir  à  l'étranger  la  gloire  d'un  de  ses  compa- 
triotes; elle  l'eût  peut-être  moins  bien  chanté  que  Mme  Fioretti,  mais 
on  lui  eût  certainement  tenu  compte  du  sentiment  auquel  elle  aurait 
obéi.  La  deuxième  représentation  de  la  Dama  bianca  a  lieu  ce  soir. 

Hier  dimanche,  un  magnifique  concert,  organisé  au  profit  de  l'asile 
du  prince  d'Oldenbourg,  remplissait  à  2  heures  l'immense  et  magnifique 
salle  de  la  noblesse.  Tous  les  artistes  italiens  figuraient  au  programme, 
qui  était  aussi  riche  que  varié.  Calzolari  y  a  chanté  entre  autres  l'arioso 
ajouté  par  Meyerbeer  à  la  partition  italienne  de  rEtoile  du  Nord  avec 
un  sentiment  et  une  expression  qui  ont  soulevé  des  tonnerres  d'ap- 
plaudissements. Rubinstein  a  exécuté  plusieurs  morceaux  de  piano  et 
ta  Marche  des  ruines  d'Athènes,  et  Wieniawski  des  airs  russes  sur  le 
violon. 

S.   D. 


NOUVELLES. 

**„  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  deux  représentations  de  la  Mas- 
chera,  le  nouveau  ballet,  ont  été  données  la  semaine  dernière.  Vendredi, 
Moïse  avait  attiré  une  grande  affluence. 

***  Aujourd'hui  par  extraordinaire,  les  Huguenots. 

***  Au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  le  Postillon  de  Lonyjumeau  a  été 
repris.  Montaubry  s'y  montre  toujours  aussi  bon  acteur  que  chanteur. 
Les  répétitions  générales  de  Lara,  l'opéra  nouveau  de  Maillart,  ont 
commencé  vendredi  ;  la  première  représentation  en  est  donc  très-pro- 
chaine. 

.,**  Aujourd'hui  dimanche,  au  théâtre  Italien,  rentrée  de  Naudin  dans 
Rigoletto,  arec  Carlotta  Marchisio  dans  le  rôle  de  Gilda. 

„..**  S.  M.  l'Impératrice  assistait  dimanche  dernier  à  la  reprise  de 
Marta,  et  a  daigné  exprimer  sa  satisfaction  à  M.  Bagier  qu'elle  avait 
fait  appeler  dans  sa  loge. 

***  Adelina  Patti  a  rempli  mercredi,  pour  la  seconde  fois,  le  rôle  de 
Marta,  et  hier  celui  de  Rosine  du  Barbier.  La  célèbre  cantatrice  doit 
prochainement  chanter  la  Traviata. 

*%  Au  théâtre   Lyrique  impérial,  Mireille  doit  paraître  bientôt. 

„.%  Le  Violoneux  a  remplacé  la  Chanson  de  Fortunio  sur  l'affiche  des 
Bouffes-Parisiens  et  complète  le  spectacle  composé  tous  les  soirs  des 
Bavards  et  de  Lischen  et  Fritzchen. 

*%  Plusieurs  représentations  consécutives  de  l'opéra  nouveau  de  Bé- 
nédict,  la  Rose  d'Erin.  ont  tout  à  fait  consolidé  son  succès  à  l'opéra 
royal  de  Berlin.  C'est  par  suite  d'une  erreur  typographique  que  la  dis- 
tribution des  rôles  de  cet  ouvrage  a  été  mal  indiquée  dans  notre  dernier 
numéro.  C'est  M.  Formés  qui  joue  le  rôle  de  Myles  et  M.  Betz  celui  de 
Sullivan. 

**,  Un  opéra  en  quatre  actes  la  Gitana,  composé  par  M.  Rey,  vient 
d'être  représenté  avec  succès  au  théâtre  de  Bordeaux.  M.  Eey  est  le 
mari  de  la  cantatrice  connue  sous  le  nom  de  Rey-Balla,  et  qui  rem- 
plissait le  principal  rôle  de  l'ouvrage. 

***  Au  deuxième  concert  donné  mardi  dernier  aux  Tuileries,  se  sont 
fait  entendre  des  artistes  de  l'Opéra-Comique  et  du  théâtre  Lyrique  : 
Mme  Cico  et  Mme  Miolan  Carvalho,  MM.  Achard  et  Ismael.  Les  artistes 
du  Théâtre-Italien  et  de  l'Opéra  doivent  chanter  au  concert  prochain. 

**„  Comme  d'habitude  depuis  plusieurs  années,  Mme  la  baronne 
Vigier  (Sophie  Cruvelli)  a  organisé  à  Nice  un  concert  de  bienfaisance 
qui  a  eu  lieu  dans  la  salle  du  théâtre  avec  le  concours  de  sa  sœur  Marie 
Cruvelli  et  d'autres  artistes  distingués.  Dans  l'air  Casta  diva,  l'air  final 
de  la  Sonnambula  et  quelques  autres  morceaux  de  son  répertoire, 
l'ancienne  prima  donna  a  prouvé  ,qu'elle  n'a  rien  perdu,  ni  de  sa 
voix  ni  de  son  talent,  et  le  résultat  du  concert  a  été  sous  tous  les 
rapports  très-brillant.  La  recette  s'est  élevée  au  chiffre  de  -17,000  francs. 

4*t  On  s'occupe  avec  le  plus  vif  intérêt  de  la  prochaine  audition 
d'une  messe  à  quatre  voix,  soli  et  chœur  composée  récemment  par 
Rossini,  et  qui  doit  être  exécutée  pour  l'inauguration  du  nouvel  hôtel 
que  le  comie  Pillet-Will  a  fait  construire,  rue  Moncey. 

***  Nous  avons  assisté  samedi  dernier  à  une  brillante  soirée  musicale 
donnée  par  M.  et  Mme  Melchior  Mocker  ;  on  y  a  beaucoup  applaudi  le 
second  trio  de  Damcke,  œuvre  magistrale,  et  diverses  pièces  de  Ch. 
Mayer,  Chopin,  etc.,  interprétées  avec  beaucoup  de  charme  et  d'élé- 
gance par  M.  Mocker.  La  partie  vocale  y  était  dignement  représentée 
par  Mlle  Girard  et  Gourdin,  qui  ont  dit  à  ravir  diverses  mélodies  et 
le  duo  bouffe  du  Caïd,  ainsi  que  par  le  spirituel  chansonnier  Nadaud, 
dont  les  productions  sont  toujours  fort  appréciées  du  monde  élégant. 


70 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


*%  Le  Conseil  de  préfecture  de  la  Seine  a  rendu  son  jugement  jeudi 
dernier,  dans  l'affaire  des  directeurs  des  théâtres  de  Paris  contre  l'ad- 
ministration des  droits  des  pauvres  à  percevoir  sur  les  billets  d'au- 
teurs. Les  requêtes  des  directeurs  ont  été  rejetées;  donc,  ils  seront 
tenus  d'acquitter  les  droits  réclamés. 

,.*„  Mlle  de  La  Pommeraye,  dont  les  représentations  à  l'Opéra  ne 
sont  pas  oubliées  et  qui  récemment  a  obtenu  de  beaux  succès  sur  les 
principaux  théâtres  de  la  province,  renonce  à  la  carrière  théâtrale 
pour  se  vouer  à  l'enseignement  musical.  Nous  sommes  convaincus  que 
les  élèves  ne  feront  pas  défaut  à  l'excellente  cantatrice. 

,*,  Voici  le  programme  du  troisième  concert  populaire  de  musique 
classique  qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  Cirque  Napoléon  :  Symphonie  en 
ré  majeur,  de  Beethoven  ;  solo  de  cor  (boléro),  de  Mohr;  ouverture  de 
la  Grotte  de  Firigàl,  de  Mendelssohn  ;  symphonie  en  mi  bémol,  de  Mo- 
zart ;  invitation  à  la  valse  (orchestrée  par  M.  Berlioz),  de  Weber. 

t%  L'élite  des  peintres  et  sculpteurs  inaugurait,  jeudi  soir,  les 
réunions  de  la  Société  des  Beaux-Arts.  Les  tableaux  de  l'exposition  du 
boulevard  des  Italiens  étaient  éclairée,  et  la  musique  était  venue  se 
joindre  aux  attraits  de  la  soirée.  Mme  Miolau  Carvalho,  MM.  Faure  et 
Warot  représentaient  la  partie  vocale,  M.  Georges  Pfeiffer  la  partie  ins- 
trumentale, avec  les  quatuors  si  appréciés  de  Jacobi  et  Loys. 

„%  Demain  lundi,  dans  les  salons  Pleyel,  grand  concert  avec  or- 
chestre et  chœurs  donné  par  M.  Georges  Pfeiffer,  avec  le  concours  de 
Mme  Peudefer  et  de  la  Société  chorale  Pleyel- Wolff.  M.  Pasdeloup  con- 
duira l'orchestre. 

*%  Mardi,  salon  Erard,  concert  de  M.  Dionys  Pruckner,  avec  le  con- 
cours de  Mlle  Rahier  et  de  MM.  Lamoureux  et  E.  Rignault. 

t*t  Vendredi  4  mars,  salons  Pleyel,  troisième  concert  avec  orches- 
tre donné  par  M.  Camille  Saint-Saens,  avec  le  concours  de  M.  Bus- 
sine.  M.  Saint-Saens  fera  entendre  les  3e  et  8e  concertos  de  Mozart. 

t,*t  Le  8  mars,  salons  Pleyel,  concert  de  notre  excellent  violon- 
celliste Emile  Norblin. 

***  Jeudi  10  mars,  If.  Henri  Fissot  donnera  un  concert  avec  orches- 
tre dans  la  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mlle  Lea  Karl  et  de  M.  Piatti  ; 
M.  Charles  Lamoureux  conduira  l'orchestre. 

**„.  Paul  Bernard  vient  de  composer  une  transcription-fantaisie  fort 
réussie  sur  le  chœur  religieux  de  Rossini,  la  Foi,  qui  paraîtra  cette  se- 
maine. On  se  rappelle  le  grand  succès  qu'a  obtenu  l'année  passée  la 
fanlaisie  du  même  auteur  sur  le  chœur  de  la  Charité,  de  Rossini. 

***  Le  célèbre  pianiste  Billet  donnera  le  1t  mars  un  concert  dans 
la  salle  Herz.  Ce  nom,  qui  est  celui  d'un  maître,  éveille  toutes  les  sym- 
pathies. Nous  pouvons  annoncer  dès  aujourd'hui  que  M.  Billet  fera  en- 
tendre des  compositions  musicales  de  divers  styles  et  de  diverses  époques, 
et  qu'il  sera  entouré  d'artistes  de  premier  ordre. 

*%  Mme  Béguin  Salomon  donnera  son  concert  dans  les  salons  d'E- 
rard,  le  4  9  mars  prochain,  avec  le  concours  de  MM.  White,  Poëncet, 
Gouffé,  Brunot,  Rose,  Mohé  et  Espeignet. 

t*t  Mardi  prochain  aura  lieu  dans  la  salle  Herz  le  concert  de  Mlle 
Marie  Perez,  avec  le  concours  de  Mme  Tardieu  de  Malleville,  MM.  Si- 
vori,  Piatti  et  Costanti.  Ce  sera  l'un  des  plus  brillants  concerts  de  la 
saison. 

*%  Nous  annonçons  un  concert  à  grand  orchestre  qui  sera  donné 
dans  le  courant  de  mars,  salle  Herz,  par  Mlle  Charlotte  Jacques,  jeune 
compositeur  dont  le  répertoire  est  assez  varié  pour  lui  permettre  de  ne 
faire  entendre  que  ses  œuvres.  On  se  rappelle  que  cette  artiste 
s'est  déjà  signalée  par  une^charmante  opérette,  la  Veillée,  représentée 
avec  succès  l'an  dernier  au  théâtre  Déjazet. 

„%  Dans  une  belle  soirée  musicale,  donnée  il  y  a  quelques  jours  chez 
M.  Roubier,  dont  la  fiile,  élève  de  Chopin,  se  distingue  comme  pia- 
niste, la  Messe  sans  paroles  de  M.  J.  d'Ortigue  a  été  exécutée  d'une 
manière  remarquable  et  chaleureusement  applaudie.  Mlle  Marie  Roubier 
tenait  le  piano,  M.  Maurin  le  violon  et  M.  Chevillard  le  violoncelle. 

»%  Sivori  et  Mlle  Dorus  se  sont  fait  entendre  à  Cambrai,  et  Mlle  Marie 
Battu  à  Lille,  aux  concerts  des  Sociétés  philharmoniques  où  leur  talent 
a  été  justement  apprécié. 

»%  Mlle  Marie  Beaumetz  donnera  des  séances  de  musique  classique 
pour  piano  et  instruments  à  cordes,  les  h  et  18  mars.  Une  séance  sem- 
blable, donnée  par  l'excellente  pianiste,  où  l'on  a  entendu  bon  nom- 
bre de  chefs-d'œuvre  fort  bien  exécutés,  avait  réuni  un  nombreux  au- 
ditoire. 

t*„  La  nouvelle  édition,  revue  et  perfectionnée  du  Manuel  des  princi- 
pes de  musique,  ouvrage  excellent  de  M.  Fétis,  paraîtra  cette  semaine. 

«**  Une  lettre  de  M.  Farrenc,  insérée  dans  notre  dernier  numéro, 
appelait  l'attention  du  monde  artistique  et  musical  sur  le  Trésor  des 
pianistes,  dont  le  succès  grandit  chaque  jour.  Lundi  dernier,  pour 
propager  la  connaissance  des  six  premières  livraisons  de  ce  recueil, 
Mme  Farrenc  avait  réuni  dans  la  salle  Erard  un  auditoire  choisi,  devant 
lequel  une  jeune  pianiste  de  beaucoup  de  talent,  Mlle  Mongin,  a  fait 
entendre  plusieurs  fragments  fort  peu  connus  et  fort  curieux  du 
Dr  Bulle,  de  Chambonnières,    de  Kuhnau,  de    Couperin,  de   Scarlatti, 


de  Porpora,  de  F.  Bach,  de  Lindemann,  de  Rameau,  etc.  Rien  de  plus 
piquant,  de  plus  original  que  l'audition  de  ces  gaillardes,  de  ces  cou- 
rantes, de  ces  gigues,  de  ces  sarabandes  qui  ont  fait  danser  nos  pères 
et  qui  ne  sont  plus  aujourd'hui  que  des  souvenirs  historiques  d'un  très- 
haut  intérêt.  Pour  varier  la  séance,  le  violoniste  Sighicelli  a  joué  avec 
Mlle  Mongin  une  très-remarquable  sonate  de  Mme  Farrenc,  et  une  ro- 
mance de  Beethoven.  Le  bon  effet  de  cette  soirée  ne  peut  manquer 
d'en  amener  le  renouvellement  prochain. 

„.%  La  faculté  de  philosophie  à  l'Université  d'Iéna  vient  d'accorder 
le  diplôme  de  docteur  honoraire  à  M.  Hans  de  Bulow,  comme  son  plus 
éminent  pianiste  de  l'Allemagne. 

»%  M.  Ferdinand  Schœn  donnera  son  concert,  le  12  mars,  dans  les 
salons  d'Erard.  Entre  autres  morceaux  de  sa  composition,  l'excellent 
pianiste-compositeur  fera  entendre  sa  Berceuse  et  sa  Mazurka  (Souvenir 
de  Berlin). 

**„,  A  la  quatrième  séance  de  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo  et  Mas, 
qui  aura  lieu  mercredi  prochain  avec  le  concours  de  Mme  Massart,  un 
trio  de  Schubert,  le  septième  quatuor  et  la  sonate  op.  69  de  Beetho- 
ven, et  les  variations  de  Haydn,  sur  un  thème  autrichien  pour  deux 
violons,  alto  et  violoncelle,  seront  exécutés. 

***  Le  tome  sixième  de  la  Biographie  universelle  des  musiciens,  par 
M.  Fétis,  vient  de  paraître:  entre  autres  articles  remarquables,  nous 
citerons  ceux  de  Martini,  Maitei,  Mattheson,  Méhul,  Mendelssohn-Bar- 
tholdy,  Mercadante,  Meijerbeer,  etc.  Nous  reviendrons  bientôt  sur  cette 
intéressante  livraison. 

»%  On  lit  le  fait  suivant  dans  un  journal  hebdomadaire  belge,  le 
Messager  d'ixelles:  «  Une  expérience  des  plus  curieuses,  à  laquelle  le 
monde  musical  refusait  de  croire,  a  eu  lieu  lundi,  chez  M.  V.  Capouil- 
let,  rue  aux  Laines.  Cette  expérience  avait  pour  but  de  constater  l'effet 
des  instruments  de  musique  sur  les  lampes  à  l'huile  de  pétrole,  qui 
s'éteignent  instantanément  à  une  note  donnée  par  un  instrument  de 
|  cuivre.  A  certains  passages  d'un  quatuor  exécuté  par  MM.  J.  de  Boeck, 
Pape,  Crully  et  Duyelk,  trois  ou  quatre  lampes  s'éteignaient  simultané- 
ment. L'expérience  a  été  répétée  plusieurs  fois  à  la  demande  de  l'as- 
sistance, composée  d'une  trentaine  de  personnes,  parmi  lesquelles  se 
trouvaient  plusieurs  artistes  musiciens  et  quelques  savants  ;  ceux-ci 
placèrent  eux-mêmes  à  distance  les  lampes  à  huile  de  pétrole  sur  la 
cheminée  et  sur  les  meubles  du  salon.  M.  Duhem,  professeur  au  Con- 
servatoire royal  de  musique  de  Bruxelles,  voulant  convaincre  les  spec- 
tateurs, a  éteint  successivement  huit  lampes  avec  sa  trompette.  » 

**»  Nous  nous  faisons  un  véritable  plaisir  d'annoncer  aux  amateurs 
de  la  belle  musique  le  concert  tout  à  fait  exceptionnel  qui  aura  lieu  le 
lundi  7  mars,  salle  Herz,  à  huit  heures  du  soir.  Dans  ce  concert,  donné 
au  bénéfice  de  VOrphelinat  de  Saint-Roch,  par  la  Société  académique  de 
musique  sacrée,  on  entendra  les  plus  belles  œuvres  des  anciens  maîtres 
des  diverses  écoles  (xvie,  xvne,  xvnie  siècles).  Le  succès  obtenu  par 
cette  société  d'amateurs,  l'année  dernière,  à  pareille  époque,  dans  son 
concert  annuel,  nous  assure  encore  cette  fois  une  solennité  des  plus 
intéressantes.  Les  soli,  les  chœurs  et  l'orchestre  seront  conduits  par 
M.  Charles  Vervoitte,  président-directeur  de  la  Société. 

***  L'éditeur  Adolphe  Catelin  vient  de  publier  sous  le  titre  de  Bi- 
bliothèque du  violoniste,  six  fantaisies  faciles  avec  accompagnement  de 
piano  ad  libitum,  par  M.  Guichard.  Nous  recommandons  la  première 
série  de  cet  ouvrage. 

„,*„,  Un  habitant  de  la  ville  de  Lyon,  ancien  élève  de  l'Ecole  polytech- 
nique, vientd'inventerunclavier  depianodans  lequelles  touches  blanches 
et  noires  se  succèdent  régulièrement,  de  sorte  que  les  douze  demi-tons 
de  la  gamme  sont  représentés  par  six  touches  blanches  et  six  touches 
noires.  Pour  éviter  la  confusion  que  produirait  pour  l'œil  l'aspect  d'un  cla- 
vier où  tout  serait  conforme,  un  mécanisme  fort  simple  fait  apparaître  à 
volonté,  au  milieu  des  touches  noires,  une  ligne  blanche  indiquant,  pour 
la  gamme  en  do,  la  quarte,  la  quinte,  la  sixte  et  la  septième,  et,  pour 
la  gamme  en  do  dièze,   la  tonique,  la  seconde  et  la  tierce. 

*%,  L'Histoire  des  concerts  populaires  de  musique  classique,  par  A.  El- 
wart,  a  paru  dimanche  dernier  à  la  librairie  Castel,  passage  de  l'Opéra. 
Un  volume  grand  in-18  de  250  pages,  prix  net  :  1  franc.  —  Outre  les 
programmes  des  concerts  et  six  esquisses  sur  la  vie  et  les  œuvres  des 
grands  compositeurs  symphonistes,  ce  livre  contient  un  Guide  de  V ama- 
teur de  musique  dans  Paris.  Cet  appendice  renseigne  sur  tout  ce  qui 
peut  intéresser  les  personnes  qui  s'occupent  de  l'art  musical.  Nous  ren- 
drons un  compte  plus  détaillé  du  livre  de  M.  A.  Ehvart. 

„,**  Mme  Anna  Widemann,  ancienne  artiste  de  l'Opéra  et  de  la  So- 
ciété des  concerts,  est  décédée  à  l'âge  de  quarante-neuf  ans,  le  24  fé- 
vrier 1864,  après  une  longue  et  douloureuse  maladie.  —  Ses  obsèques 
ont  eu  lieu  le  26  courant,  au  milieu  d'un  petit  cercle  d'amis.  Le  deuil 
était  conduit  par  ses  deux  fils,  et  au  cimetière  du  Nord  quelques  mots 
de  touchants  adieux  ont  été  adressés  à  cette  artiste  distinguée,  par 
M.  A.  Elwart,  ami  de  sa  famille. 

„**  A  Munich  vient  de  mourir  dans  sa  dix-neuvième  année  Mlle  Eich- 
berg,  harpiste  de  Stuttgard ,  qui  tout  récemment  s'était  fait  entendre 
au  troisième  concert  d'abonnement.  Cette  intéressante  artiste  avait  un 
talent  réel. 


DE  PARIS. 


71 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

„*„  Lyon.  —  L'événement  de  la  semaine  a  été  le  concert  du  nouveau 
chef  d'orchestre  Luigini,  qui  avait  attiré  un  brillant  et  nombreux  audi- 
toire au  grand  théâtre.  Vincent  Aider,  l'excellent  pianiste-compositeur, 
les  sœurs  Delepierre,  Mmes  Lacombe  et  Dulaurens,  des  fragments 
d'une  messe,  de  Luigini,  le  chant  des  Bardes,  de  Lesueur,  l'ouver- 
ture de  Rug  Blas  et  la  marche  du  Songe  a'unc  nuit  d'été,  de  Wendels- 
hon,  ont  été  tour  à  tour  applaudis;  mais  l'attrait  principal  du  con- 
cert consistait  dans  la  première  audition  de  la  marche  triomphale  com- 
posée par  Meyerboer  pour  la  fètedu  cour  jnnement  du  roi  Guillaume  I''. 
L'effet  de  cette  œuvre  magistrale  a  été  immense;  l'exécution  à  laquelle 
avait  concouru  la  fanfare  lyonnaise  n'a,  du  reste,  laissé  rien  à  désirer. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


3%  Bruxelles.  —  Roger,  engagé  depuis  un  mois  au  théâtre  de  la 
Monnaie  pour  y  donner  trois  représentations,  en  est  maintenant  à  sa 
quinzième,  et  son  succès  ne  fait  qu'augmenter.  La  cour  avait  demandé 
cette  semaine  une  représentation  des  Huguenots  qui  a  eu  lieu  avec  une 
grande  pompe,  et  dont  Roger  a  été  le  héros.  Au  concert  de  la  Grande- 
Harmonie,  où  il  s'est  fait  entendre,  son  succès  n'a. pas  été  moins  grand, 
et  il  en  a  été  de  même  à  la  représentation  au  bénéfice  de  la  veuve  d'un 
artiste  de  ce  théâtre,  où,  dans  le  quatrième  acte  des  Huguenots,  Roger  et 
Mme  Meillet  ont  enthousiasmé  la  salle.  Mme  Ferraris,  qui  est  toujours 
fort  applaudie,  a  eu  également  de  chaleureux  bravos  à  cette  représen- 
tation. 

*%  Cologne. — MmeTuczek,qui  est  ici  en  représentation,  a  débuté  par 
le  rôle  de  Suzanne  dans  les  Noces  de  Figaro.  Le  nom  de  la  cantatrice 
avait  attiré  beaucoup  de  monde,  et  le  succès  a  été  des  plus  flatteurs. 

t%  Hambourg.  —  Nous  avons  entendu  Joachim  au  dernier  concert 
philharmonique.  L'éminent  violoniste  a  joué  son  concerto  hongrois  et 
la  sonate  de  Tartini.  Le  concerto  hongrois  est  une  des  plus  remarqua- 
bles compositions  qu'on  ait  écrites. 

*%  Berlin.  —  Une  très-belle  reprise  de  la  tragédie  de  Struensée,  avec 
la  musique  de  Meyerbeer,  vient  d'être  donnée  au  théâtre  royal.  La  salle 
était  comble  et  le  drame  a  été  admirablement  joué  par  M.  Hendrichs   et 


Mme  .lachmann.  La  belle  musique  de  Meyerbeer,  touchant  hommage  de 
piété  fraternelle,  a  vivement  impressionné  un  auditoire  d'élite. 

***  Leipzig.  —  Au  dix-huitième  concert  du  Gewandhaus  nous  avons 
entendu  deux  compositions  nouvelles  pour  nous  :  La  Nixt,  par  An- 
toine Itubinstein,  et  chant  d'Héloïse  et  des  religieux  au  tombeau  d'Abai- 
lard,  par  Hiller.  La  Nixc  a  beaucoup  de  charme  et  aurait  eu  un  succès 
d'enthousiasme  si  l'exécution  en  eût  été  moins  faible.  —  M.  de  Bu- 
low  a  donné  sa  dernière  soirée  pour  musique  de  piano,  ancienne  et  mo- 
derne. Le  programme  n'indiquait  absolument  que  des  oeuvres  de  Bee- 
thoven. M.  deBiilow  les  a  exécutées  de  mémoire,  sans  se  permettre  la 
moindre  altération,  restant  toujours  fidèle  au  texte  avec  la  plus  scru- 
puleuse exactitude.  Un  succès  complet  a  récompensé  l'artiste. 

***  Vienne.  —  Le  théâtre  de  la  cour  a  repris  Robert  le  Diable,  avec 
Walter,  Mme  Krauss  et  Mlle  Wildauer,  dans  les  rôles  de  Robert,  d'Alice 
et  d'Isabelle.  L'auteur  des  Pages  de  Versailles,  Mme  de  Ilornstein,  vient 
de  présenter  une  nouvel'e  opérette  au  Carhheater. 

„.*„,  Prague.  —  La  cantatrice  polyglotte,  Mlle  Tiefensée,  a  donné  ,  le 
17  courant,  une  séance  où  elle  a  tout  à  fait  justifié  sa  renommée.  Après 
des  compositions  de  Haendel,  Mozart,  Rossini  et  Bellini,  dans  la  langue 
originale,  Mlle  Tiefensée  a  fait  entendre  des  chants  nationaux  hongrois, 
espagnols  et  tchèques,  en  s'accompagnant  elle-même  au  piano.  Son  suc- 
cès a  été  des  plus  brillants. 

«**  Mayence.  —  La  Réole,  opéra  de  G.  Schmidt,  a  été  donné  ici 
avec  succès.  Le  compositeur  a  été  rapp.lé  après  la  chute  du  rideau. 

***  Naplcs.  —  Mlle  Titjens  a  reparu  au  théâtre  de  San-Carlo  en  chan- 
tant Lucia,  et  a  été  accueillie  avec  une  grande  faveur.. 

** ^.Barcelone.  —  Mme  Volpini  a  obtenu  un  nouveau  succès  dans  Faust, 
qui  a  été  très- favorablement  accueilli. 

***  Moscou.  —  Dix-sept  opéras  ont  déjà  été  représentés  au  théâtre  : 
Le  ténor  Vialetti  a  chanté  dans  douze  de  ces  ouvrages  :  Les  Huguenots, 
Robert  le  Diable,  Moïse,  Don  Juan,  la  Muette,  la  Favorite,  te  Barbier, 
Norma,  le  Comte  Ory,  Marta,  les  Puritains,  et  il  a  concouru  à  soixante 
représentations  avec  un  zèle  égal  à  son  talent.  C'est  l'artiste  infatigable, 
que  le  public  soutient  par  sa  faveur. 


Le  Directeur  :   S.  DL'Fûl'R. 


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ment de  Piano   (ad.  lib.)  sur  des  tlièmes  allemands,  par 

M.   GUICHARD 


1 .  Le  Chant  du  Papillon . 
Où  s'en  vont  mes  rêves 

2.  L'Absence. 
Le  Délir  du  cœur. 

3.  Un  Rayon  de  tes  yeux. 
Printemps  bien  aimé. 


4.  Rosée  amère. 
La  Fleur  du  vallon. 
Berceuse. 

5.  Ombre  adorée. 
La  Dernière  Rose. 
La  Captive. 

(i.  Porte  étendard. 

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Par  F.-JT.  FÉTIS 

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72 


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ASCII  ER.  —  Op.  77.  Illustration  pour  le  piano 9     » 

BEI  EB.  —  Bouquet  de  mélodies,  petite  fantaisie,  chaque.  .   .  6    » 

BURGIIULLER.  —  Valse  brillante fi     » 

CROISEZ.  —  Duo  facile  à  quatre  mains 7  50 

FAYARGEK-  —  Fantaisie  pour  le  piano 9     » 


iiECARPEXTiER.  —  Bagatelle 5 

RUUUËL.  —  Fantaisie  pour  piano  et  à  quatre  mains,  chaque  6 

VAEiIQjUET.  —  Morceau  très-facile  pour  piano  et  à  quatre  mains  3 

VOSS  (Ci.),  —  Op.  106.  Fantaisie  brillante  pour  le  piano  .   .  7 
Quadrilles,  Valses,   Polkas. 


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reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


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MÉDAILLE  D'ARGENT    DE  1"   CLASSE 
A    l'exposition    UNIVERSELLE    DE  PARIS   1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
I1  Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

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Perspect.  Newsky,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


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Maison  ADOLPHE  SAX 


Fadeur   de    la   Maison  militaire   de   l'Empereur.    —  Professeur   au    Conservatoire  impérial  de   musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des  Guides  et  des  autres  régiments  de  la  Garde  impériale. 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  ADX  EXPOSITIONS  UNIVERSELLES  DE  1851  ET  1855  (Council  medal) 

§EHE  %"  MÉoAIMiB  A  L'EXPOSITION  DES  BEAUX-ARTS  APPLIQUÉS  A  L'INDUSTRIE,  PARIS  1S03 

Inventeur  des  Familles  des  Saxo-Trombas,  Saxhorns,  Sax-Tubas,  Saxophones,  des  instruments  à  six  pistons 
et  à  tubes  indépendants,  etc.,  etc. 

RÉSUMÉ    DES   AVANTAGES   DES   S.AXIIORNS   ET   DES   SAXOTROMBAS,    INVENTION   DE   1845  : 

Le  Saxotromba  ou  le  Saxhorn  est  supérieur  à  ses  analogues  existant  précédemment,  comme  son,  comme 
justesse,  comme  création  de  famille  complète,  comme  facilité  et  unité  de  doigté,  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument,  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'audi- 
teur de  recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance)  ;  supérieur,  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour 
former,  avec  des  amateurs  ou  de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable;  supérieur,  en  ce  que 
les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se  tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras 
gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres  et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des 
doigts  sur  les  pistons  ou  cylindres;  supérieur,  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des  études  et  qu'il  est 
obligé  de  changer  d'instrument,  soit  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  pour  tout  autre  motif,  ses  études  ac- 
quises servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument;  supérieure,  en 
ce  que,  dans  les  Sociétés  de  fanfares  ou  dans  un  régiment,  surtout  lors  des  congés,  il  arrive  souvent  que  tous  — 
les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer  en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties 
es  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes,  supérieur,  en  ce  que  la  musique  en  marche  conserve  la  même  sonorité 
qu'au  repos,  par  suite  de  la  fixité  de  l'embouchure  sur  les  lèvres  ;  supérieur  pour  les  régiments,  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la 
même  position,  toutes  les  maius  à  la  même  hauteur  et  tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval 
ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient  à  faire  un  écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans 
déranger  l'instrument  de  sa  position.  —  (Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  SAX,  consulter  la  notice  qui 
se  distribue  à  sa  manufacture,  rue  Saint-Georges,  50.)  /f^ 

Tooi  U>  instruments  sortant  de  la  fabrique  portent  l'inscription  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     |o^à 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  et  le  poinçon  ci-après  :  JP-  v  v: 


■    l'M'RIMEBIE  CEIVTRM.E   DE  NAPOLEON   CHA1X    ET    C,  BUE  BEB 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  i\. 


31e  Année, 


N°  10. 


6  Mars  1861 


ON  S'ABONNE: 

Dam  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

cher  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Librair* 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


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Paris 2*  r.parai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  n       id. 

Étranger 34  »       '<!• 

Le  Journal  pami   le  Dimanche. 


GAZETTE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  De  l'éducation  musicale  préventive  pendant  la  première  et  la 
seconde  enfance  (1er  article),  par  Maurice  Cristal.  —  Auditions  et  con- 
certs. —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


DE  L'ÉDUCATION  MUSICALE  PRÉVENTIVE 

PENDANT  LA  PREMIÈBE  EX  LA  SECONDE  ENFANCE. 

(Gymnastique  de  l'ouïe  et  de  la  voix.)  (1). 

(Premier  article.) 

La  vulgarisation  de  la  musique,  dans  les  classes  populaires,  est 
une  des  grandes  choses  accomplies  dans  notre  époque.  L'éducation 
musicale  est  mise  à  la  portée  de  tout  le  monde  ;  des  cours  gratuits, 
les  orphéons  sollicitent  partout  les  ouvriers,  les  cultivateurs,  et  cha- 
cun constate  les  facilités  immenses  qui  chaque  jour  sont  mises  à  leur 
disposition  pour  qu'ils  fournissent  à  leurs  enfants  une  éducation  sé- 
rieuse, et  spécialement  pour  la  musique,  une  instruction  à  la  portée 
de  la  jeunesse.  Tout  cela  c'est  très-bien,  mais  on  oublie  l'enfant,  on 
néglige  les  années  premières  de  la  vie,  celles  où  les  impressions  se 
gravent  inelTaçablement  en  nous  ;  on  laisse  gaspiller  l'époque  la  plus 
profitable  pour  l'éducation,  surtout  pour  l'éducation  musicale;  on  ne 
songe  point  à  la  mère  de  famille  qui,  même  antérieurement  à  l'âge 
où  les  enfants  vont  à  l'école,  veut  et  sent  qu'il  est  de  son  devoir  de 
préparer  son  petit  enfant  à  cette  éducation  musicale  qu'elle  projette 
de  lui  faire  donner  plus  tard  complète  et  définitive. 

Tel  est  le  problème  :  influencer  dès  la  première  enfance,  dès  la 
naissance,  les  sens  musicaux  de  l'enfant,  les  empêcher  de  se  fausser, 
les  diriger  sainement,  et,  en  un  mot,  maintenir  dans  une  hygiène 
musicale,  au  moyen  d'une  gymnastique  et  d'une  éducation  appro- 
priées, le  sens  et  le  sentiment  de  l'ouïe,  de  la  parole,  du  chant  et 


(1)  Sous  ce  titre,  M.  Maurice  Cristal  a  composé  un  véritable  traité,  rempli  de 
curieuses  observations  et  d'enseignements  utiles.  Ne  pouvant,  à  raison  de  son 
étendue,  le  publier  tout  entier,  nous  en  détacherons  quelques  fragments  pour  le 
faire  connaître.  Nous  rappellerons  que  M.  Maurice  Cristal  est  l'auteur  des  deux 
remarquables  articles  sur  la  Musique  dans  les  cités  ouvrières,  qui  ont  paru  l'an- 
née dernière  dans  ce  journal. 


de  la  musique,  de  telle  sorte  que,  lorsque  arrive  l'étude  sérieuse  de 
l'art,  l'enfant  n'aborde  pas  en  ignorant  un  monde  inconnu. 

Ce  problème  intéresse  l'avenir  musical  tout  entier.  Bien  des  mères 
l'ont  résolu  chacune  selon  son  pouvoir  et  à  sa  manière.  Nous  avons 
été  frappés  de  tous  les  essais  que  nous  avons  vu  faire,  et,  pour  fa- 
ciliter leur  devoir  aux  mères  qui  comprennent  si  bien  l'éducation  de 
leurs  enfants,  nous  avons  réuni  tout  ce  que  nos  études,  nos  ob- 
servations et  notre  position  douloureuse  de  père  veillant  à  l'éduca- 
tion d'une  enfant  dont  la  mère  n'est  plus,  nous  a  pu  donner  d'ex- 
périence. Nous  avons  déjà  fait  un  semblable  travail  pour  l'éducation 
préventive  de  l'œil  et  de  la  main  dans  les  arts  du  dessin  et  de  la 
sculpture.  L'accueil  qu'on  lui  a  fait  nous  donne  à  espérer  qu'on  sera 
bienveillant  pour  cette  étude,  où  nous  apportons  toute  notre  cons- 
cience et  toute  notre  sincérité. 

L'art,  dans  son  aspiration  la  plus  élevée,  tend  à  remonter  à  Dieu, 
en  qui  est  sa  source  première.  C'est  donc  pour  ainsi  dire  rapprocher 
l'enfant  du  divin  auteur  de  toutes  choses,  que  de  l'initier  aux  jouis- 
sances intellectuelles  qui  répondent  aux  besoins  de  son  âme,  et  le 
font  entrer  dans  une  voie  où  se  complète  la  destinée  de  son  être.  Il 
nous  y  invite  d'ailleurs  lui-même  par  ses  sourires  ou  par  ses  pleurs. 
Pleurer  est  une  loi  commune  à  tous  les  âges,  et  la  source  des  larmes 
n'est  jamais  entièrement  tarie.  Les  larmes  restent  longtemps  le 
seul  langage  de  l'enfant.  Par  elles  il  dit  sa  faiblesse,  ses  souffrances, 
ses  besoins.  Pour  arrêter  les  cris  de  l'enfant,  pour  sécher  ses 
larmes,  le  moyen  le  plus  efficace  que  puisse  employer  une  mère, 
c'est  le  chant.  Assise  près  de  la  couchette  dans  laquelle  l'enfant 
s'agite,  qu'elle  chante  de  sa  douce  voix  de  femme,  sans  le  bercer, 
quelques-unes  de  ces  vieilles  ballades  composées  par  les  mères 
d'autrefois.  Son  chant  ne  sera  pas  longtemps  troublé  par  les 
plaintes  du  petit  être  qu'elle  est  venue  consoler  ;  soudain  il  se 
calmera  ;  il  fermera  les  yeux  pour  se  recueillir,  et  il  écoutera  en  si- 
lence le  chant  maternel;  sur  sa  joue  ses  larmes  se  sécheront,  le  sou- 
rire s'épanouira  sur  ses  lèvres  ;  entre  l'âme  de  la  mère  et  l'âme  à 
peine  éclose  de  l'enfant,  la  musique  aura  ajouté  de  nouveaux  liens. 
Et  maintenant,  tous  les  jours  de  sa  vie  encore  si  peu  nombreux,  les 
chants  de  sa  mère  le  berceront  doucement,  et  par  son  oreille  de  plus 
en  plus  sensible  aux  bruits  qui  l'entourent,  le  mettront  en  commu- 
nication avec  le  monde  extérieur,  que  ses  yeux  lui  révéleront  plus 
tard. 


74 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


La  musique,  c'est  là  le  merveilleux  témoignage  de  son  action  puis- 
sante et  féconde,  agit  sur  l'âme.  Elle  provoque  l'émotion  salubre  et  sainte. 
Elle  nous  console  et  essuie  nos  pleurs,  elle  les  fait  doucement  couler. 
Elle  endort  dans  le  repos  l'enfant  qui  souffre  ;  plus  tard  elle  assoupit  les 
cuisantes  douleurs,  elle  repose  des  agitations  de  l'existence,  elle  élève 
aux  célestes  sphères,  dans  de  saintes  aspirations,  les  désespoirs  d'ici- 
bas,  et  elle  offre  à  la  mère  le  moyen  le  plus  facile,  le  plus  puissant 
d'élever  son  enfant,  de  communier  sans  cesse  avec  lui,  d'être  en  con- 
tact immédiat  et  incessant  avec  l'âme  de  son  enfant. 

La  musique  est  donc  une  aptitude  naturelle  que  les  enfants  possè- 
dent à  des  degrés  différents,  il  est  vrai,  et  qu'il  faut  développer  au 
profit  de  leur  intelligence,  de  leur  raison  et  de  leur  cœur.  Si  quelques- 
uns  seulement  sont  appelés  à  être  virtuoses  et  à  créer  des  chefs-d'œu- 
vre, tous  peuvent  devenir  capables  de  les  comprendre,  d'en  ressentir 
les  bienfaisants  effets.  C'est  donc  cette  pensée  qu'il  faut  inspirer  dès 
le  premier  âge,  faire  sucer  avec  le  lait  maternel,  le  sentiment  du  beau 
en  toutes  choses  et  dans  l'art,  parce  que  là  est  le  vrai,  et  que  le  vrai 
conduit  au  bien. 

On  ne  songe  point  assez  à  l'utile  parti  que  les  mères  peuvent  tirer 
de  la  musique  employée  comme  moyen  d'éducation.  Le  but  suprême  de 
l'éducation  est  d'établir  une  entière  harmonie  entre  toutes  les  facultés 
humaines.  La  musique  tend  à  soumettre  les  sens  à  une  loi  analogue. 
Elle  met  en  jeu  nos  sensations,  elle  fait  palpiter  en  nous  toutes  les 
fibres  sacrées  :  nos  sensations,  soumises  à  l'action  de  la  musique, 
n'ont-elles  donc  pas  aussi  un  rôle  dans  la  grande  loi  d'harmonie  mo- 
rale vers  laquelle  tend  l'éducation  ?  Entre  ces  deux  puissances,  l'édu- 
cation et  la  musique,  n'y  a-t-il  pas  des  liens  secrets,  mystérieux,  in- 
times ? 

Montaigne  nous  a  appris  que  dans  son  premier  âge,  son  père  le 
faisait  éveiller  chaque  malin  au  son  d'une  musique  italienne.  Mon- 
taigne eut-il  l'oreille  juste  ?  Je  le  crois;  mais  combien  son  esprit  était 
juste,  chacun  le  sait;  et  toute  la  vie  il  eut  la  mémoire  embaumée 
des  concerts  qui  avaient  bercé  toute  son  enfance  dès  les  premiers 
jours  de  sa  vie. 

Thomas  Moore,  le  plus  grand  poëte  de  l'Angleterre  après  Byron, 
fut  également  bercé  pendant  sa  première  enfance,  par  les  incompa- 
rables mélodies  irlandaises  que  sa  mère  chantait  près  de  son  berceau. 
Au  collège,  il  eut  pour  ami  Robert  Emmet  qui,  comme  lui,  avait  pen- 
dant toute  son  enfance  entendu  sa  mère  calmer  ses  pleurs  en  lui  chan- 
tant les  mélodies  natales.  Ils  parlaient  souvent  entre  eux  de  ces  airs 
ravissants.  Moore,  sans  jamais  avoir  reçu  de  leçons  de  musique,  ap- 
prit à  jouer  sur  le  piano  quelques-uns  de  ces  airs.  Emmet  s'asseyait 
à  côté  de  lui  pendant  qu'il  jouait.  Un  jour,  après  s'être  longtemps 
enivré  tous  les  deux  de  ces  refrains  qui  évoquaient  pour  eux  la  pa- 
trie dans  sa  force  et  dans  sa  gloire,  Emmet  se  leva  précipitamment 
comme  un  homme  qui  sort  d'un  rêve,  et  s'écria  :  <  Oh!  que  ne 
suis-je  à  la  tête  de  vingt  mille  hommes  marchant  au  son  de  cet  air  !  » 
Ils  n'avaient  pas  dix  ans  ni  l'un  ni  l'autre.  Plus  tard,  ces  souvenirs 
d'enfance  inspirèrent  si  bien  Moore  qu'il  composa  pour  les  airs  na- 
tionaux chantés  par  sa  mère  à  son  berceau,  les  immortelles  Mélodies 
irlandaises  qui,  au  jugement  de  Byron,  ratifié  déjà  par  la  postérité, 
survivront  à  tous  les  siècles,  et  dureront  aussi  longtemps  que  la  musi- 
que et  '.a  poésie. 

Pour  la  mère  prévoyante,  la  musique  sera  une  ressource  immense 
pour  former  l'oreille  et  le  goût,  et  préparer  pour  l'homme,  dans  l'en- 
fant, un  langage  doux,  correct,  harmonieux.  Un  jour,  en  effet,  bien- 
tôt, les  lèvres  de  l'enfant  vont  s'ouvrir;  il  assemblera  des  syllabes, 
son  gosier  rendra  des  sons,  sa  voix  subira  des  métamorphoses  succes- 
sives, s'arrêtera,  enfin,  à  un  timbre  déterminé  et  qui  ne  variera  plus. 
Sera-t-elle  fausse?  sera-t-elle  juste?  Elle  sera  juste;  elle  aura  des 
notes  harmonienses  et  profondes,  elle  sera  souple,  expressive  et  vi- 


brante, si,  déjà  bien  douée  par  la  nature,  elle  a  pu  se  former  sur  le 
chant  d'une  mère  intelligente.  Or,  une  voix  rude,  disgracieuse,  vio- 
lente est  un  obstacle  dans  la  vie  ;  une  voix  juste,  forte,  pénétrante, 
bien  timbrée,  est  un  moyen  de  persuasion,  de  séduction  même,  une 
cause  à  peu  près  certaine  de  supériorité  et  de  succès.  Nous  ne  par- 
lons pas  des  joies  intimes  que  peut  procurer  l'art  de  l'élévation  des 
sentiments  dont  il  est  l'occasion,  et  de  l'enrichissement  qu'il  donne  à 
l'intelligence  toujours  inquiète  quand  elle  sent  qu'il  lui  reste  des 
horizons  à  découvrir  et  à  explorer. 

A  tous  ces  titres,  la  musique  doit  prendre  place  dans  l'éducation 
du  premier  âge,  et  la  mère  prudente  ne  négligera  jamais,  si  elle  se 
préoccupe  de  la  santé,  de  l'intelligence,  du  bonheur  et  de  l'artistique 
sensibilité  de  son  enfant,  de  faire  entrer  dans  son  éducation  la  gym- 
nastique de  l'oreille,  de  l'ouïe,  du  langage  et  de  son  appareil. 

Maurice  CRISTAL. 
{La  suite  prochainement.) 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 

Si.  Georges  Pfeiffer.  —  M.  Edmond  Ilocmelle.  —  lies 
frères  Poznanthi, —  SEIIc  marie  Perese.  —  M.  Dyonis 
Prucliner.  —  Conceit  de  la  loge  maçonnique  les 
Frères- Unis  i-nséttaraWes,  an  profit  de  son  œuvre 
d'adoption  d'orpnelins. 

Georges  Pfeiffer  nous  a  fait  assister  lundi,  dans  les  salons  de 
Pleyel-Wolff,  à  une  nouvelle  audition  de  son  deuxième  concerto, 
pour  piano  avec  orchestre,  qui  faisait  déjà  partie  du  programme  de 
son  concert  de  l'an  dernier.  Ce  morceau,  qui  dénote  chez  son  au- 
teur, un  esprit  formé  à  bonne  école  et  nourri  de  la  substance  des 
maîtres,  a  été  écouté  avec  une  satisfaction  marquée.  L'allégro  est 
bien  traité;  le  compositeur,  toujours  dominé  par  son  sujet,  et  sa- 
chant le  présenter  sous  des  aspects  divers,  ne  se  laisse  pas  entraîner 
à  des  caprices  hors  de  propos,  comme  cela  arrive  si  souvent  en  pa- 
reille matière;  c'est  une  page  sérieuse  et  recommandable.  Néanmoins, 
la  barcarolle,  dont  le  principal  motif  est  très- heureusement  trouvé, 
a  rencontré  plus  d'appréciateurs,  ainsi  que  le  finale,  pièce  fine  et 
élégante,  dans  laquelle  le  retour  de 'la  barcarolle  amène  une  péro- 
raison des  plus  neuves  et  des  plus  saisissantes.  Georges  Pfeiffer, 
dont  le  talent  acquiert  chaque  jour  plus  de  puissance  et  plus  d'am- 
pleur, a  joué  son  concerto  avec  une  verve  peu  ordinaire,  et  l'orches- 
tre, supérieurement  conduit  par  M.  Pasdeloup,  l'a  non  moins  bien 
accompagné. 

L'ouverture  du  CM,  que  Georges  Pfeiffer  faisait  entendre  pour  la 
première  fois,  a  vivement  impressionné  l'auditoire.  On  y  reconnaît  un 
incontestable  mérite  d'harmonie  qui  trahit  le  musicien  habile  et  ins- 
truit. 

Le  Chêne  et  le  Roseau,  fable,  et  la  kermesse  de  Faust,  sont  des 
morceaux  de  plus  courte  haleine  qui  ont  d'ailleurs  de  la  grâce  et  de 
la  fraîcheur.  Georges  Pfeiffer  les  a  parfaitement  interprétés,  ainsi 
que  le  nocturne  en  ré  bémol  de  Chopin  et  l'allégro  du  concerto  en 
ut  mineur  de  Beethoven. 

Outre  Mme  Peudefer,  très-agréable  chanteuse,  qui  a  détaillé  avec 
beaucoup  de  goût  et  de  méthode  l'air  des  bijoux  de  Faust,  la  so- 
ciété chorale  Pleyel-Wolff,  sous  la  direction  de  M.  Joseph  O'Kelly, 
s'est  fort  bien  acquittée  de  l'exécution  du  chœur  des  Prêtres,  des 
Mystères  d'Isis  et  du  Tyrol,  scène  dramatique  de  M.  Ambroise 
Thomas.  L'orchestre  de  M.  Pasdeloup  a  aussi  contribué  à  l'éclat  de 
cette  soirée  par  la  façon  dont  il  a  dit  la  si  gracieuse  ouverture  du 
Matrimonio  segreto. 


DE  PARIS. 


75 


—  Dans  sa  soirée  musicale  et  littéraire,  donnée  à  la  salle  Herz, 
M.  Edmond  Hocmelle,  l'organiste  de  la  chapelle  du  Sénat,  a  joué 
sur  l'orgue  d'Alexandre  plusieurs  petits  morceaux  de  sa  composition, 
une  Romance  sans  paroles,  une  Tarentelle,  une  Méditation  et  une 
Marche,  qui  ne  sont  pas  sans  mérite,  mais  qui  n'ont  pas  une  bien 
grande  portée  ;  ce  sont  d'agréables  bagatelles,  élégantes  et  correctes, 
dont  les  développements,  nécessairement  bornés,  ne  laissent  à  l'au- 
ditoire qu'une  impression  fort  vague.  Pour  mieux  apprécier  les  qua- 
lités sérieuses  de  M.  Hocmelle,  il  nous  aurait,  sans  doute,  fallu  en- 
tendre son  trio  sur  une  Fièvre  brûlante  pour  orgue,  piano  et  violon  ; 
mais  l'absence  de  M.  "While  n'a  pas  permis  de  remplir  cette  pro- 
messe du  programme.  Quant  à  ses  romances  avec  paroles,  pourquoi 
M.  Hocmell  j  s'obstine-t-il  à  les  chanter  lui-même  ?  Nous  croyons 
que,  dans  l'intérêt  de  ses  mélodies,  il  ferait  mieux  d'en  confier  l'in- 
terprétation à  d'autres  voix  que  la  sienne. 

Quoique  la  partie  exclusivement  musicale  de  ce  concert  ne  com- 
portât pas  moins  d'une  dizaine  de  morceaux,  la  partie  littéraire  se 
composait  de  deux  ouvrages  dramatiques,  un  proverbe  et  un  opéra- 
comique.  Le  proverbe,  intitulé  Un  bon  tiens  vaut  mieux  que  deux 
tu  l'auras,  était  joué  par  l'auteur,  Mlle  Jenny  Sabatier  et  par  Sam- 
son,  l'ex-artiste  du  Théâtre-Français.  Tous  deux  ont  fait  le  plus  grand 
plaisir,  et  Mlle  Jenny  Sabatier  a  été  doublement  fêtée  comme  auteur 
et  comme  actrice.  L'opéra-comique,  Un  service  d'ami,  dont  elle  avait 
fait  aussi  les  paroles,  et  dont  la  musique  est  de  M.  Hocmelle,  n'a 
pas  été  moins  bien  accueilli.  On  y  a  particulièrement  applaudi  des 
couplets  du  baryton,  un  air  bouffe  par  Castel,  et  un  trio  contenant 
de  très-jolis  motifs.  Le  rôle  féminin  de  cette  opérette ,  à  trois 
personnages  ,  était  tenu  par  Mlle  Adam-Boisgontier,  jeune  et  char- 
mante cantatrice ,  qui ,  dans  l'une  et  l'autre  partie  de  la  soirée,  a 
obtenu  des  applaudissements  très-mérités. 

—  Les  frères  Poznanski,  pianiste  et  violoniste  américains,  de  Char- 
lestown.quise  sont  produits  ces  jours  derniers  dans  les  salons  d'Erard, 
sont  des  artistes  d'avenir  qui  ont  droit  aux  plus  sympathiques  encou- 
ragements. Le  pianiste,  Joseph  Poznanski,  est  un  tout  jeune  homme, 
dont  l'exécution  ne  manque  ni  de  netteté,  ni  de  souplesse  ;  quand  d'o- 
piniâtres études  lui  auront  fait^acquérir  les  qualités  de  style,  sanslesquel- 
les  il  n'y  a  pas  d'individualité  possible,  il  forcera  bien  certainement 
la  critique  de  compter  sérieusement  avec  lui.  La  manière  dont  il  a  inter- 
prété les  variations  de  Thalberg  sur  la  barcarolle  de  YElisire  d'amore, 
a  été  très-goûtée,  et  d'unanimes  bravos  ont  accueilli  une  Bourrée  et 
une  Rêverie  de  sa  composition.  Son  frère,  J.-B.  Poznanski,  le  violo- 
niste, a,  selon  nous,  plus  de  fini,  plus  de  brio,  plus  d'expression  dans 
son  jeu.  Il  a  parfaitement  dit  la  magnifique  Fantasia  appassionata  de 
Vieuxtemps,  ainsi  qu'un  Nocturne  et  une  Sérénade  composés  par 
lui,  et  dans  le  grand  duo  sur  des  motifs  de  Don  Juan,  qui  a  terminé 
la  soirée,  c'est  encore  son  violon  qui  a  eu  l'avantage  sur  le  piano  de 
son  frère.  M.  Kleczynski  et,  pour  le  chant,  M.  Alphy  Morel  et 
Mlle  Bellerive,  prêtaient  leur  concours  à  cet  intéressant  début. 

—  Dernièrement,  nos  lecteurs  s'en  souviennent  sans  doute,  nous 
avons  eu  occasion  de  constater  l'apparition  dans  nos  concerts  pari- 
siens d'une  nouvelle  étoile  en  la  personne  de  Mlle  Marie  Perez,  pro- 
fesseur de  piano  au  Conservatoire  de  Marseille.  Cette  jeune  et  jolie 
virtuose  a  donné  mardi,  dansla  salle  Herz,  un  très-brillant  coneert,  qui 
a  confirmé  les  connaisseurs,  et  ils  étaient  nombreux,  dans  la  très- 
bonne  opinion  qu'elle  avait  fait  concevoir  de  son  talent.  Remarquable 
musicienne,  Mlle  Marie  Perez  possède  en  outre  les  plus  précieuses 
qualités  d'exécution  :  de  la  grâce,  de  l'élégance,  et,  lorsqu'il  le  faut, 
de  l'énergie,  mais  par-dessus  tout  un  goût  exquis  et  un  style  distin- 
gué. Aussi  a-t-elle  été  plus  appréciée  encore  par  les  pianistes  émi- 
nents  qui  assistaient  à  sa  soirée  que  par  le  reste  de  l'auditoire,  et  ce 
n'est  pas  là  un  triomphe  facile  non  plus  que  vulgaire.  Selon  la  cou- 
tume, elle  a  débuté  par  un  morceau  concertant  qui  n'était  autre  que 


le  trio  en  ut  mineur  de  Beethoven,  où  elle  avait  pour  partenaires  Si- 
vori  et  Piatti.  Il  ne  faut  pas  demander  si  cette  œuvre  grandiose,  in- 
terprétée d'une  façon  irréprochable,  a  été  chaleureusement  acclamée. 
Mlle  Marie  Perez  a  dit  ensuite  avec  un  charme  infini  la  Deuxième 
barcarolle  d'Edouard  Wolff,  ravissant  morceau  de  concert  qui  a  plu- 
sieurs fois  soulevé  l'enthousiasme  du  public,  en  dehors  de  l'exécu- 
tion de  l'artiste;  puis,  avec  Mme  Tardieu  de  Malleville,  que  l'on  ren- 
contre toujours  dans  les  fêtes  d'élite,  elle  a  joué  la  belle  sonate  en 
ré,  de  Mozart,  pour  deux  pianos,  qui  a  procuré  à  ses  aimables  inter- 
prètes un  partage  égal  de  bravos.  Pour  finir,  Mlle  Marie  Perez  a  mer- 
veilleusement dit  deux  morceaux  de  moindre  importance,  mais  qui 
ont  eu  pour  effet  de  prouver  l'extrême  variété  de  son  exécution. 

Tour  à  tour  Sivori  et  Piatti,  alternant  avec  la  bénéficiaire,  ont 
passionné  l'auditoire,  le  premier  avec  sa  brillante  fantaisie  sur  II 
Ballo  in  maschera,  le  second  avec  ses  délicieuses  variations  sur  la 
barcarolle  de  Marino  Faliero.  Comme  couronnement  de  celte  ma- 
gnifique séance,  Sivori  a  enlevé  avec  un  entrain  sans  pareil  les  dia- 
boliques variations  de  Paganini  sur  Nel  cor  piu  non  mi  sento.  C'é- 
tait le  dernier  morceau  de  la  soirée,  et  personne,  avons-nous  besoin 
de  le  dire,  n'a  quitté  sa  place  avant  d'avoir  témoigné  au  succes- 
seur du  plus  étonnant  violon  de  ce  siècle,  l'admiration  qu'on  avait 
éprouvée  à  l'entendre. 

—  Le  premier  concert  donné  à  Paris  par  M.  Dyonis  Pruckner 
avait  réuni  un  assez  nombreux  auditoire  dans  les  salons  d'Erard, 
et  la  soirée  a  été  bonne  pour  ce  nouveau  pianiste,  qui  ne  s'est  pas 
montré  indigne  de  l'intérêt  qu'on  semblait  lui  porter.  Après  avoir 
fait  convenablement  sa  partie  avec  MM.  Lamoureux  et  Rignault, 
dans  le  trio  en  mi  bémol  de  Schubert  pour  piano,  violon  et  violon- 
celle, il  a  rendu  avec  un  bon  sentiment  musical  plusieurs  morceaux, 
parmi  lesquels  on  a  surtout  applaudi  la  Rapsodie  hongroise  de  Liszt, 
une  chanson  de  Mcndelssohn  et  la  valse  du  Faust,  transcrite  également 
par  Liszt.  M.D.  Pruckner  a,  dans  son  jeu,  de  la  franchise  unie  à  une 
certaine  délicatesse;  si  nous  en  jugeons  par  l'effet  qu'il  a  produit,  c'est 
plutôt  dans  la  fantaisie  gracieuse  et  légère  qu'il  réussira  que  dans 
les  morceaux  de  force  et  de  bravoure.  Cependant,  il  s'agit  d'une 
première  audition,  et  ce  n'est  pas  le  cas  de  prononcer  un  jugement 
sans  appel.  Le  succès  obtenu  par  M.  Pruckner  a  rejailli  sur 
Mlle  Mathilde  Rahier,  qui  a  très-bien  chanté  deux  airs  des  Noces  de 
Figaro,  en  français,  et  de  la  Linda,  en  italien. 

—  Tous  les  ans,  la  loge  maçonnique  les  Frères-Unis-Inséparables 
donne  une  grande  matinée  musicale,  au  profit  de  son  œuvre  d'a- 
doption d'orphelins.  Cette  solennité  excite  toujours  un  très-vif  inté- 
rêt, non-seulement  en  raison  de  son  but  humanitaire,  mais  aussi 
parce  qu'elle  est  organisée  avec  un  soin,  avec  un  éclat  tout  à  fait 
exceptionnels.  Où  trouver,  par  exemple,  une  réunion  de  talents  plus 
complète  que  celle  qui  avait  répondu,  dimanche  dernier,  à  l'appel 
de  cette  bienfaisante  association,  dans  la  salle  du  Grand-Orient?  Ci- 
tons d'abord  MM.  Triebert  et  Jancourt,  qui  ont  ouvert  la  séance  avec 
une  fantaisie  concertante  pour  hautbois  et  basson  sur  des  motifs  de 
Sémiramide  ;  puis  le  charmant  violoniste  Sighicelli ,  qui  a  exécuté 
avec  une  rare  perfection  des  Souvenirs  de  Bellini,  une  Mélodie  de 
sa  composition  et  des  Variations  excellentes  de  Mayseder  ;  Ravina  et 
Mlle  Louisa  Barnard,  son  excellente  élève,  une  de  nos  meilleures 
pianistes,  qui,  dans  un  morceau  à  quatre  mains,  sur  Euriante,  ont 
conquis  d'unanimes  suffrages,  et  enfin  le  harpiste  inimitable  F.  Go- 
defroid. 

Mais  ce  n'est  pas  tout;  la  partie  vocale,  confiée  à  Mme  G.  Grisi, 
à  Mario  et  à  Delle-Sedie,  aussi  zélé  maçon  qu'il  est  excellent  chan- 
teur, a  été  vraiment  magnifique,  et  ces  trois  artistes  se  sont  prodi- 
gués avec  une  générosité  exemplaire.  Chacun  d'eux,  après  avoir 
chanté  un  air,  a  encore  fait  sa  partie  dans  un  duo  et  dans  un  trio, 
et  avec  quel  goût,  quel  élan,  quelle  maestria!  Mme  Grisi  était  vi- 
siblement souffrante,  et  l'on  a  su  qu'elle  avait  quitté  sa  chambre  de 


76 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


malade  pour  faire  honneur  à  sa  parole.  Aussi  a-t-elle  été  applaudie 
avec  ardeur,  et,  nous  devons  le  proclamer,  jamais  la  grande  canta- 
trice, électrisée  sans  doute  par  ces  bravos  légitimes,  n'a  mieux 
chanté,  ni  avec  plus  de  charme,  ni  avec  plus  de  suave  expression, 
la  romance  irlandaise  de  la  rose,  de  Maria,  qui  lui  a  valu  tant  de 
succès  en  Irlande  même. 

Nous  croyons  bien  fermement  que  cette  matinée  musicale  sera 
comptée  au  nombre  des  plus  belles  qui  aient  été  données  par  les 
Frères-Unis-Inséparables.  C'était  du  moins  l'impression  générale 
d'un  auditoire  dans  lequel  on  remarquait  d'éminents  appréciateurs, 
et,  en  première  ligne,  l'illustre  auteur  des  Huguenots  qui,  en  sa 
qualité  de  membre  de  la  loge,  occupait  une  place  voisine  de  celle 
de  S.  Exe.  le  maréchal  Magnan,  grand-maître  de  la  maçonnerie 
française  et  Vénérable  d'honneur  de  la  loge  des  Frères-Unis- Insé- 
parables. Les  membres  organisateurs  du  concert,  et  à  leur  tête 
M.  Aronssohm,  le  digne  président  de  la  loge,  ont  bien  mérité  des 
orphelins,  car  la  recette  en  leur  faveur,  y  compris  la  quête  gra- 
cieusement faite  par  Mme  Grisi  et  par  la  fille  du  maréchal  Magnan, 
s'est  élevée  à  un  chiffre  très-considérable. 

Y. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre  Français  :  reprise  de  H  ne  faut  jurer  de  rien,  comé- 
die en  trois  actes,  d'Alfred  de  Musset  ;  début  de  Mme  Victoria 
Lafontaine.  —  Odéon  :  le  Marquis  de  Villemer,  comédie  en  qua- 
tre actes  et  en  prose,  par  George  Sand.  —  Vaudeville  :  reprise 
des  Lionnes  pauvres ,  comédie  en  cinq  actes,  par  MM.  Emile  Augier 
et  Edouard  Foussier.  —  Variétés  :  le  Petit  de  la  rue  du  Pon- 
ceau,  comédie  en  deux  actes,  par  MM.  Edouard  Martin  et  Albert 
Monnier  ;  la  Vieillesse  de  Brididi ,  vaudeville  de  MM.  Adolphe 
Choler  et  Henri  Rochefort  ;  un  Bal  d' Alsaciennes ,  mascarade  mê- 
lée de  chant  et  de  danse,  par  MM.  Siraudin  et  Rlum.  —  Palais- 
Royal  :  la  Cagnotte,  comédie-vaudeville  en  trois  actes,  par  MM.  de 
Labiche  et  Delacour.  —  Porte-Saint-Martin  :  Faustine,  drame 
en  cinq  actes  et  neuf  tableaux,  par  M .  Louis  Bouilhet.  —  Théâ- 
tre Déjazet  :  la  Nuit  de  la  mi-carême,  opérette  en  un  acte ,  de 
M.  Emile  Abraham,  musique  de  M.  Eugène  Déjazet. 

Il  y  a  eu,  dans  le  cours  de  cette  quinzaine,  un  début  fort  impor- 
tant à  la  Comédie  française,  celui  de  Mme  Victoria  Lafontaine,  pour 
qui  l'on  a  repris  un  des  plus  charmants  proverbes  d'Alfred  de  Mus- 
set, Il  ne  faut  jurer  de  rien.  Le  rôle  de  Cécile,  joué  primitivement 
par  Amédine  Luther ,  offre  des  éléments  tellement  variés ,  que 
Mme  Victoria  Lafontaine  a  pu,  tout  à  son  aise,  y  déployer  les  qua- 
lités précieuses  qui  lui  ont  valu  tant  de  succès  au  Gymnase,  la  grâce, 
la  décence,  l'ingénuité  et  la  sensibilité  la  plus  exquise.  Elle  a,  d'ail- 
leurs, été  merveilleusement  secondée,  dans  cette  délicate  épreuve, 
par  Provost,  Delaunay,  Got  et  Mlle  Augustine  Brohan  qui,  pour  la 
première  fois,  a  franchement  abordé  l'emploi  des  caractères  et  ré- 
colté une  glorieuse  moisson  de  bravos,  en  récompense  de  son  abné- 
gation féminine. 

— Tout  le  monde  connaît  le  Marquis  de  Villemer,  ce  roman  de 
George  Sand,  dont  la  date  est  récente  et  qui  pourtant  semble  avoir 
été  écrit  à  la  meilleure  époque  de  la  vie  et  du  talent  du  célèbre 
écrivain.  Le  sujet,  comme  on  sait,  en  est  fort  simple,  et  rappelle  à 
certains  égards  celui  de  Jeane  Eyre,  l'un  des  grands  succès  de 
la  littérature  moderne  en  Angleterre.  Nous  dirons,  en  quelques 
mots,  qu'il  s'agit  dans  ce  livre,  d'une  jeune  lectrice  placée  près 
d'une  marquise,  mère  de  deux  Dis  qui  sont  issus  d'un  noble  mariage. 
L'aîné  se  nomme  le  duc  d'Aleria,  et  le  second  est  marquis  de  Ville- 
mer. Tous  deux  deviennent  épris  des  charmes  de  Mlle  Caroline,  mais 
chacun  selon  son  tempérament,  c'est-à-dire  que  le  duc  n'a  qu'un 
caprice  éphémère,  et  que  le  marquis  éprouve,  au  contraire,  une  pas- 


sion profonde  et  respectueuse.  La  vieille  marquise,  qui  adore  son 
dernier  fils,  est  prête  à  capituler  en  sa  faveur  avec  tous  ses  préju- 
gés nobiliaires,  et  à  autoriser  son  union  avec  Caroline.  Mais  la  ca- 
lomnie jette  sa  boue  sur  la  vie  innocente  et  pure  de  la  lectrice,  et 
les  projets  du  marquis  sont  entravés  jusqu'au  jour  où  reconnaissant 
l'injustice  de  ses  soupçons,  il  obtient  le  consentement  définitif  de  sa 
mère  et  épouse  !a  jeune  fille,  dont  le  duc  d'Aleria  repentant  s'est  ins- 
titué le  plus  vaillant  et  le  plus  intéressé  protecteur. 

Cette  donnée,  en  apparence  si  pauvre  d'incidents  dramatiques,  est 
traitée  avec  une  extrême  délicatesse  de  plume,  et  l'étude  approfondie 
du  cœur  humain  y  remplace  avec  avantage  les  péripéties  à  effet,  les 
coups  de  théâtre  imprévus  qu'on  y  rechercherait  en  vain.  Mais  cette 
sobriété  d'événements  est-elle  de  mise  à  la  scène  ?  On  aurait  pu  parier 
pour  la  négative,  et  cependant  le  Marquis  de  Villemer  a  réussi, 
l'autre  soir,  d'une  manière  éclatante,  à  l'Odéon.  Par  un  de  ces  tours 
de  force,  dont  Mme  Sand  est  peut-être  seule  capable,  l'intérêt  s'y  sou- 
tient sans  faiblir  un  instant,  depuis  le  premier  acte  jusqu'au  dernier. 
On  est  ému,  subjugué  par  un  drame  d'intérieur  bien  plus  cent  fois 
que  par  ces  pièces  à  spectacle,  où  les  combinaisons  les  plus  terribles, 
les  plus  inattendues  se  succèdent  sans  pitié  ni  merci,  sous  les  yeux 
du  spectateur  aux  aboi?. 

Le  renom  immense  et  mérité  de  l'auteur  du  Marquis  de  Villemer, 
avait  fait  de  cette  représentation  une  véritable  solennité.  Les  portes 
du  théâtre  étaient  assiégées  de  bonne  heure  par  une  foule  considé- 
rable, dont  la  majeure  partie,  ne  pouvant  trouver  place  dans  la  salle, 
a  stationné,  pendant  toute  la  soirée,  devant  le  péristyle,  et  s'est 
portée  ensuite  au  domicile  de  George  Sand  pour  lui  décerner  une 
ovation  qui  n'a  manqué  que  par  l'absence  de  l'heureux  triomphateur. 
La  crainte  d'un  tout  autre  dénoûment,  basée  sur  la  publication  sin- 
gulièrement controversée  de  son  dernier  roman,  Mlle  de  la  Quinlinie, 
s'était  insinuée  à  tort  dans  l'esprit  de  quelques  trembleurs.  Tout  s'est 
passé  à  merveille  ;  au  dedans  comme  au  dehors,  il  ne  s'est  produit 
aucune  manifestation  hostile,  bien  loin  de  là  ;  le  public  a  applaudi 
frénétiquement  ;  l'Empereur  et  l'Impératrice,  qui  assistaient  au  spec- 
tacle, ont  fait  transmettre  leurs  félicitations  à  l'auteur  ainsi  qu'à 
ses  principaux  interprètes,  Mlle  Thuillier,  Berton,  Ribes,  et  grâce 
à  Mme  Sand,  voilà  l'Odéon  à  flot  pour  tout  le  reste  de  sa  cam- 
pagne. 

— Le  Vaudeville  a  eu  l'excellente  idée  de  reprendre  les  Lionnes  pau- 
vres, une  des  pièces  hardies  et  fortement  accentuées,  comme  M.  Emile 
Augier  sait  les  faire  dans  ses  jours  d'imagination.  Félix  et  Mlle  Far- 
gueil  ont  conservé  leurs  rôles,  à  la  satisfaction  générale.  Parade  a 
hérité  de  celui  de  Chotel,  et  en  a  fait  une  sorte  de  création.  Tous 
les  soirs  on  renvoie  du  monde,  et  rien  ne  fait  présager  que  ce  re- 
gain de  prospérité  ait  un  terme  prochain. 

—  En  une  semaine,  les  Variétés  ont  complètement  renouvelé  leur 
affiche,  et  ont  retenu,  par  cette  activité  opportune,  le  public  prêt  à 
s'enfuir.  Le  Petit  de  la  rue  du  Ponceau,  la  pièce  de  résistance,  n'est 
pourtant  point  un  chef-d'œuvre  ;  mais  il  y  a  quelques  bonnes  scènes 
dans  cette  odyssée  en  partie  double  d'un  clerc  de  notaire  à  la  re- 
cherche d'une  dot  et  d'une  étude,  et  de  cet  Antony  désespéré  qui,  au 
moment  de  se  jeter  par  la  fenêtre,  trouve  un  père  et  devient  son  ri- 
val heureux.  Cette  situation  est  à  peu  près  la  même,  au  comique, 
bien  entendu,  que  celle  de  Jean  Baudry  ;  mais  il  faut  convenir  que 
si  les  auteurs  de  la  comédie  des  Variétés  ont  eu  l'intention  de  paro- 
dier le  drame  de  M.  Vacquerie,  ils  s'y  sont  pris  un  peu  tard. 

La  Vieillesse  de  Brididi  est  une  amusante  bouffonnerie  qui  a  un 
point  de  départ  réel.  Il  y  a  environ  quinze  ou  vingt  ans,  on  remar- 
quait, dans  les  bals  publics,  un  danseur  excentrique  qui,  sous  le  nom 
de  Brididi,  essayait  de  balancer  la  colossale  réputation  de  Chicard. 
Un  beau  jour,  ce  danseur  a  disparu,  et  comme  nous  ne  voyons  au- 
cun inconvénient  à  supposer  qu'il  se  soit  rangé  et  qu'il  ait  fait  une 
fin   bourgeoise,  nous  voulons  bien'  croire,  sur  la  foi  de  MM.  Cho- 


DE  PARIS. 


77 


let  et  Rochefort,  qu'il  s'est  tout  bonnement  marié,  sans  révéler  5  sa 
femme  ses  précédents  légers,  et  qu'il  aspire  aujourd'hui  à  la  gloire 
d'être  élu  maire  d'Argenteuil  et  de  couronner  des  rosières.  Mais  hé- 
las !  il  existe  de  par  le  monde  une  demoiselle  Trafalgar  qui  a  connu 
jadis  Brididi  et  qui  prétend  le  forcer  à  enseigner  à  un  jeune  cocodès 
qu'elle  protège,  son  fameux  pas  du  Serpent  et  du  Dragon  volant.  De 
là,  tempête  dans  le  ménage  du  futur  maire  d'Argenteuil.  Sa  femme, 
qui  gémit  sous  le  sceptre  sévère  de  l'ex-Brididi,  se  sert  du  secret 
qu'elle  a  surpris  pour  le  contraindre  à  lui  octroyer  une  charte  plus 
libérale.  Mme  Emilie  Durand  est  charmante  dans  ce  rôle  de  femme 
révoltée  contre  la  tyrannie  conjugale,  et  elle  danse  à  ravir  le  pas  fas- 
cinateur  du  Serpent. 

Mais  il  paraît  qu'il  en  est  de  la  danse  comme  du  galop,  et  que 
lorsqu'on  en  prend,  on  n'en  saurait  trop  prendre.  Les  Variétés 
pour  célébrer  la  mi- carême,  ont  donné  à  la  Vieillesse  de  Brididi  un 
pendant  qui  s'appelle  un  Bal  d'Alsaciennes  ;  c'est  un  de  ces  à-pro- 
pos sans  prétention,  où  l'on  parle  peu,  mais  où  l'on  s'agite  beaucoup, 
où  l'on  polke,  où  l'on  chante  et  où  l'on  exhibe  un  bataillon  de 
jolies  femmes  en  jupons  courts. 

—  Qu'est-ce  qu'une  cagnotte  ?  Si  vous  ne  le  savez  pas,  le  Palais- 
Royal  vous  répondra  que  c'est  une  modeste  cotisation  que  des 
joueurs,  habitués  à  faire  la  partie  ensemble,  s'imposent  chaque  soir, 
pour  l'employer,  au  bout  d'un  certain  temps,  à  quelques  bonnes 
œuvres  ou  à  quelques  joyeux  plaisirs.  Après  bien  des  débats,  une 
société  de  braves  bourgeois  de  la  Ferté-sous-Jouarre  adopte,  sinon 
le  meilleur,  du  moins  le  plus  gai  de  ces  deux  moyens,  de  dépenser 
leur  cagnotte,  et  l'on  vote,  d'enthousiasme,  une  visite  à  la  Babylone 
moderne,  style  local  pour  désigner  Paris.  Mais  que  de  déceptions 
cachées  sous  ce  mot  à  la  fois  redoutable  et  magique  !  A  peine  arri- 
vés, nos  excursionnistes,  écorchés  dans  un  restaurant,  sont  arrêtés 
comme  des  voleurs  et  conduits  à  la  préfecture.  Ils  s'échappent  en 
route,  vont  le  soir  au  bal,  en  sont  chassés  par  la  tête  de  Méduse 
de  leur  dénonciateur,  passent  la  nuit  dans  une  maison  en  construc- 
tion, y  sont  de  nouveau  traqués,  et  l'on  ne  sait  vraiment  où  s'arrê- 
terait le  cours  de  leurs  mésaventures,  si  un  jeune  notaire  amoureux 
n'apparaissait  tout  à  coup,  comme  le  dieu  de  l'opéra  dans  sa  gloire, 
et  ne  venait  les  délivrer,  sous  bénéfice  de  mariage. 

Cette  comédie,  ullrà-bouffonne,  qui  n'est  qu'un  éclat  de  rire  per- 
pétuel, nous  paraît  destinée  à  ressusciter  la  vogue  du  Chapeau  de 
paille  d'Italie,  le  prototype  de  ces  folles  et  divertissantes  gageures 
contre  le  sens  commun.  Tous  les  bons  comiques  du  Palais-Royal  y 
font  assaut  de  verve  et  d'entrain  ;  il  faut  y  voir  surtout  Brasseur 
dans  son  rôle  de  paysan  abruti  et  ahuri.  C'est  plus  fort  que  nature, 
mais  c'est  bien  amusant  ! 

—  Dans  ce  moment,  comme  aux  beaux  jours  du  romantisme,  les 
études  historiques  ont  envahi  tous  les  théâtres  du  drame.  A  la  Gaîté, 
c'est  le  règne  de  Louis  XIII  ;  à  l'Ambigu ,  celui  de  Philippe  II  ;  au 
Châtelet,  c'est  la  Jeunesse  de  Henri  IV  que  l'on  prépare.  La  Porte- 
Saint-Martin  fait  mieux  les  choses;  elle  remonte  d'emblée  jusqu'à 
l'époque  romaine,  et  nous  révèle,  jusque  dans  ses  plus  minutieux 
détails,  la  vie  intime  de  l'empereur  Marc-Aurèle  et  de  sa  chaste 
épouse  Faustine.  Néanmoins,  il  faut  l'avouer,  les  chroniqueurs  de  la 
Rome  impériale  ont  été  plus  loin  que  M.  Louis  Bouilhet  dans  la  sa- 
tire de  cette  cour,  où  le  vertueux  Marc-Aurèle  représentait,  sans  le 
savoir,  le  personnage  d'un  de  ces  maris  tant  bafoués  par  Molière.  La 
Faustine  de  la  Porte-Saint-Martin  ne  donne  pas  précisément  des 
coups  de  canif  dans  le  contrat;  elle  escompte  seulement  son  pro- 
chain veuvage,  et  jette  d'avance  son  dévolu  sur  le  bel  officier  Avidius 
Cassius  pour  l'épouser  en  secondes  noces.  L'empereur,  prévenu  de 
ce  joli  marché,  se  fait  passer  pour  mort,  et  les  amants  ravis  tombent 
dans  la  nasse.  Mais  à  quoi  bon,  puisque  Marc-Aurèle  dédaigne  de 
se  venger  ?  N'est-ce  pas  là  un  excès  de  bonté  assez  encourageant 


pour  Faustine  qui,  dès  le  lendemain,  ne  se  privera  sans  doute  pas 
du  plaisir  de  recommencer  l'épreuve. 

Ce  drame  littéraire,  suscité,  selon  toute  apparence,  par  le  succès 
de  Salamm'bo,  se  distingue  principalement  par  une  peinture  de  mœurs 
fort  curieuse,  qui  ne  doit  pas  nous  surprendre  chez  l'auteur  de  Mé- 
lœnis.  On  se  demande  seulement  pourquoi  il  ne  l'a  pas  écrit  en  vers. 
A  cela  on  pourrait  dire  peut-être  qu'ayant  fait  parler  le  langage  des 
dieux  à  ses  acteurs  en  habit  noir,  il  est  assez  rationnel  qu'il  réserve 
sa  prose  pour  les  porteurs  de  toge;  c'est  une  innovation  tout  comme 
une  autre.  Du  reste,  la  direction  de  la  Porte-Saint-Martin  n'a  rien 
négligé  pour  entourer  cette  pièce  d'un  grand  éclat.  Outre  les  déco- 
rations, qui  sont  fort  belles,  on  y  admire  des  fontaines  d'eau  lu- 
mineuse et  prismatique  d'un  effet  très-original,  et  l'on  y  applaudit 
un  ballet  de  Psylles,  dont  les  serpents  ont  été  pris  par  les  loustics 
du  paradis  pour  des  anguilles  de  Melun.  Faites  donc  pour  ces  mes- 
sieurs des  frais  de  chorégraphie  antique  ! 

Plaisanterie  à  part,  le  drame  de  Faustine,  remarquablement  joué 
par  Clarence,  par  Mlle  Agar  et  par  Mlle  Duguerret,  qui  a  fait  ses 
premières  armes  à  l'Odéon,  mérite  d'être  vu,  et  nous  ne  serions  pas 
étonné  qu'il  exerçât  une  notable  influence  sur  les  recettes  de  la 
Porte  Saint-Martin. 

—  Nous  ne  terminerons  pas  sans  adresser  quelques  mots  d'éloges 
à  la  Nuit  de  la  mi-carême,  opérette  dont  M.  Eugène  Déjazet  a  fait 
la  musique,  et  qui  varie  fort  agréablement  son  spectacle,  en  attendant 
la  pièce  de  M.  Victorien  Sardou,  pour  la  rentrée  de  sa  mère. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

.j,.**  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  les  Huguenots,  Muse  et  la  Mas- 
chera  ont  composé  le  programme  des  spectacles  de  la  semaine  passée 
auxquels  assistait  un  très-nombreux  public.  —  Le  Docteur  Magnus,  l'ou- 
vrage nouveau,  dont  la  musique  est  de  M.  Boulanger,  sera  donné  mer- 
credi. 

*%  Mlle  Marie  Sax  est  de  retour  de  Lyon,  où  elle  vient  de  jouer 
avec  un  éclatant  succès  le  rôle  de  Valentine  des  Huguenots.  • 

„.%  Il  est  de  nouveau  question  de  reprendre  le  Dieu  et  la  Bayadére, 
d'Auber,  avec  Mlle  Mourawieff  qui  doit  prochainement  faire  sa  rentrée. 

„,**  Lara,  le  nouvel  opéra  de  Maillart,  passera  probablement  vers  la 
fin  de  cette  semaine.  En  attendant,  Lalla  Roukh,  où  Capoul  et  Mlle  Mon- 
rose  remplacent  Montaubry  et  Mlle  Cico,  a  été  reprise  avec  succès. 

s%  A  la  troisième  représentation  de  la  reprise  de  Marta  et  dans  le 
Barbiere,  Adelina  Patti  a  obtenu  de  nouveaux  succès  la  semaine  der- 
nière. Hier  au  soir,  Carlotta  Marchisio  a  débuté  daus  le  Trovatore.  Nau- 
din  chantera  ce  soir  avec  Mlle  Paiti  dans  la  Sonnambula. 

**„  On  annonce  l'engagement  du  ténor  Reichardt  au  théâtre  Italien. 
Son  début  doit  avoir  lieu  dans  Uathilde  di  Shabran,  qu'on  remonte  en 
ce  moment. 

à.**  Mmes  Miolan-Carvalho,  Faure-Lefèbvre,  MM.  Ismaël,  Morini  et 
Petit  rempliront  les  principaux  rôles  de  Mireille,  le  nouvel  opéra  de 
Gounod,  dont  la  première  représentation  aura  lieu  incessamment. 

x**  Les  Bavards  ont  fêté  la  semaine  passée  leur  centième  représen- 
tation aux  Bouffes-Parisiens.  —  Lischen  et  Fritzchen  en  sont  à  leur  cin- 
quantième. 

„**  Dans  quelques  jours,  les  Bavards,  malgré  leur  vogue  constante 
et  le  joyeux  talent  de  Mme  Ugalde,  devront  céder  la  place  au  grand 
ouvrage  depuis  longtemps  annoncé,  les  Géorgiennes,  de  MM.  J.  Moi- 
naux  et  J.  Offenbach.  Les  répétitions  sont  poussées  avec  la  plus  grande 
activité.  Tout  fait  espérer  un  succès  qui  fera  époque.  Le  principal  rôle 
des  Géorgiennes,  celui  de  Férosa,  la  générale  en  chef,  servira  de  début 
à  Mlle  Saint-Urbain.  Celui  de  la  capitaine  Nani  sera  rempli  par  Mlle  Zulma 
Bouffar,  qui  aura  sous  ses  ordres  tout  le  personnel  féminin,  notamment 
Mlles  Taffanel,  Simon,  etc.,  et  plusieurs  débutantes.  Pradeau,  Désiré, 
Léonce,  Edouard  Georges,  Duvernoy  et  Desmonts,  joueront  aussi  dans 
les  Géorgiennes,  pour  lesquelles  rien  n'aura  été  épargné. 

„*,  On  prépare  activement,  au  théâtre  Begio  de  Turin ,  le  nouvel 
opéra  du  maestro  Petrella.  Le  poëme  de  cet  ouvrage  est  tiré  du  drame 
de  M.  Octave  Feuillet,  Dalila,  et  a  été  écrit  par  l'un  des  meilleurs  li- 
brettistes italiens,  M.  Giovanni  Peruzzini.  Pendant  ce  temps  M.  Ferrari, 
l'auteur  du  Pipelet  et  du  Menestrello,  écrit  une  nouvelle  partition,  il  Ca- 


78 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


detto  di  Guascogna,  qui  doit  être  entendue  au  théâtre  Victor-Emmannel 
le  printemps  prochain. 

„**  Mmes  Gueymard  et  Battu,  Faure,  Gueymard,  Obin  et  Warot,  ainsi 
que  le  violoniste  White,  ont  concouru  au  concert  donné  mardi  passé  aux 
Tuileries  devant  LL.  MM.  Impériales.  On  choix  de  morceaux  très-re- 
nommés du  répertoire  de  l'Opéra,  la  mélodie  les  Rameaux,  de  Faure,  un 
chœur  de  Cristophe-Colomb  et  une  fantaisie  sur  Nabuco,  d'Alard,  jouée 
par  White,  en  composaient  le  programme. 

***  Aujourd'hui  aura  lieu  le  cinquième  concert  de  la  Société  du  Con- 
servatoire; en  voici  le  programme  :  1°  symphonie  en  fa  de  Beethoven  ; 
2°  fragments  de  Joseph,  de  Méhul;  romance  de  Benjamin  et  trio, 
par  Mlle  Dorus,  MM.  Warot  et  Bussine;  3°  morceau  de  concert  de  Weber, 
exécuté  par  Mme  Massart;  i°  air  des  Abencérages,  de  Chérubin!,  chanté 
par  M.  Warot  ;  grande  symphonie  en  sol  mineur  de  Mozart. 

***  La  commission  du  concours  de  composition  musicale,  ouvert  par 
M.  Adolphe  Sax,  a  commencé  ses  séances  pour  l'examen  des  œuvres 
musicales  qui  lui  ont  été  adressées.  Cette  commission  se  compose  de 
MM  Georges  Kastner,  membre  de  l'Institut,  président  ;  le  général  Mel- 
linet,  vice-président;  Ambroise  Thomas,  Clapisson,  membres  de  l'Ins- 
titut-, Félicien  David,  Limnander,  Elwart,  Emile  Jonas  et  Jules  Simon, 
secrétaires.  Nous  ferons  connaître  prochainement  le  résultat  de  ce  con- 
cours. 

*%  M.  Gye,  le  directeur  de  l'Opéra  de  Covent-Garden  était  à  Paris  la 
semaine  passée,  et  vient  de  compléter  sa  troupe  pour  la  saison  prochaine. 
Elle  se  composera  de  limes  Patti,  Lagrua,  Lucca,  Battu,  Fricci ,  Dell' 
Agnese,  Nantier-Didiée,  Tati,  Rudersdorf  et  Tagliafico;  MM.  Tamber- 
lic,  Mario,  Naudin,  Wachtel,  Neri-Baraldi,  Graziani,  Ronconi,  Ciampi, 
Atry,  Capponi,  Schmidt,  Lucchesi,  Bossi,  Tagliafico,  Colonese.  Nous  pu- 
blierons prochainement  le  programme  de  sa  saison  théâtrale,  dans  le- 
quel on  trouvera  la  reprise  de  la  Stella  dcl  Nord,  dont  Mlle  Lucca  et 
Faure  chanteront  les  principaux  rôles. 

***  Des  concerts  classiques  ont  lieu  depuis  quelque  temps  à  Milan 
sous  la  direction  d'un  jeune  élève  de  Mercadante,  M.  Adolfo  Noseda. 
Le  programme  du  dernier  de  ces  eoucerts  contenait  la  symphonie  en 
ut  majeur  de  Beethoven,  l'ouverture  du  l'reyschutz,  celle  des  Noces  de 
Figaro,  une  symphonie  fantastique  de  M.  Noseda,  et  l'ouverture  d' Ali- 
Baba,  de  Cherubini. 

***  Le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique  qui  sera 
donné  aujourd'hui  au  cirque  Napoléon,  se  compose  de  la  symphonie  en  si 
bémol  (op.  ci2),  de  Haydn  ;  allegretto  scherzando  de  la  symphonie  en 
fa  de  Beethoven  ;  suite  pour  orchestre  en  ré  majeur,  de  F.  Lachner  (pre- 
mière audition);  d'un  andante  de  Mozart  et  de  l'ouverture  de  Leonore 
(op.  72,  n°  3),  de  Beethoven. 

.,,**  Un  grand  concert  spirituel,  chœur  et  orchestre  (cinq  cents  exé- 
cutants), sera  organisé  par  M.  Pasdeloup  pour  le  vendredi  saint.  — 
Les  festivals  Beethoven,  Mendelssohn  et  Haydn  auront  lieu  les  3,  10  et 
17  avril. 

$*■„  Pendant  l'année  1863,  il  y  a  eu  au  théâtre  royal  de  l'Opéra,  à 
Berlin,  162  représentations  d'opéras  et  6b  de  ballets. 

±%  Le  pianiste  Charles  Wehle  et  Féri  Kletzer,  violoncelliste ,  ont 
donné  leur  premier  concert  à  Bombay. 

„,%  L'inauguration  du  monument  élevé  à  la  mémoire  d'Halévy  aura 
lieu  le  jeudi,  17  mars,  jour  anniversaire  de  la  mort  de  l'illustre  com- 
positeur. 

*%  Mmes  Marchisio,  Gardoni  et  Agnesi  chanteront,  le  14  mars,  les 
soli  de  la  messe  composée  par  Rossini,  dans  le  nouvel  hôtel  du  comte 
Pillet-Will.  Les  chœurs  du  Conservatoire  concourront  à  l'exécution  de 
cette  œuvre.  L'accompagnement  sera  joué  sur  l'orgue  Alexandre  et  deux 
pianos  par  M.  Lavignac,  Peruzzi  et  Jules  Cohen,  qui  dirigera  l'œuvre 
entière. 

„*.,.  On  annonce  un  concert  de  Schulhoff,  dansi  les  salons  d'Erard, 
pour  le  9  mars. 

***  Ravina  donnera  un  concert  le  8  mars  à  la  salle  Herz. 

**„  L'excellent  organiste-compositeur  J.  Romano,  donnera  une  mati- 
née musicale  le  15  mars,  qui  aura  lieu  chez  Mme  Alboni ,  avec  le  con- 
cours de  MM.  Sivori  et  Piatti. 

.,%  Nous  rappelons  le  concert  qui  aura  lieu  lundi  7  mars,  salle  Herz, 
à  huit  heures  du  soir,  au  bénéfice  de  l'Orphelinat  de  Saint-Roch,  et 
sera  donné  par  la  Société  Académique  de  musique  sacrée-  Les  soli 
seront  chantés  par  MM.  Battaille,  Bussine,  Stoheker  et  Mmes  Brezil, 
Bernard-Desportes  et  Teudefer. 

»*,  Une  indisposition  de  Mme  Rossini  a  empêché  lundi  dernier  le 
concert  auquel  devaient  concourir  Mlles  Patti,  Marchisio,  Battu  ;  MM. 
Faure,  Villaret,  Delle-Sédie,  Berthelier  et  autres  artistes,  pour  célébrer 
l'anniversaire  de  la  naissance  de  Rossini,  qui  atteignait  sa  soixante- 
douzième  année. 

»*„.  Mardi  prochain  8  mars,  concert  de  notre  éminent  violoncellist3 
Emile  Norblin. 

*%  Mercredi  9,  dans  les  salons  Erard,   Slme  Tardieu  de   Malleville, 


Sivori  et  Piatti  donneront  une  soirée  de  musique  classique  et  moderne 
dans  les  salons  Erard. 

„,%  Jeudi  10,  à  la  salle  Herz,  concert  avec  orchestre  donné  par 
M.  Henri  Fissot,  avec  le  concours  de  Mme  Peudefer. 

„**  Samedi  12,  salons  Erard,  concert  de   M.  Ferdinand  Schœn. 

»%  M.  Lafuente,  jeune  pianiste  espagnol,  dont  nous  venons  d'ap- 
plaudir le  vrai  talent  dans  une  soirée  intime  où  l'on  faisait  d'excellente 
musique,  donnera,  avec  le  concours  des  sœurs  Clauss,  le  14  mars,  dans 
la  salle  Pleyel-Wolff,  un  concert  qui  sera  l'un  des  plus  intéressants  de 
la  saison.  Nous  en  publierons  le  programme  dimanche  prochain. 

»%  Mardi,  15,  salons  Erard,  concert  de  M.  Désiré  Dolcroix,  pianiste, 
élève  de  Thalberg,  avec  le  concours  de  Mme  Anna  Bertini,  et  autres 
artistes  distingués. 

**„  La  messe  à  grand  orchestre,  composée  par  Th.  Manry,  sera 
exécutée  à  l'église  de  Saint-Eustache  le  10  mars,  au  profit  de  la  caisse 
des  écoles  du  IIe  arrondissement. 

***  La  violoniste  Wilhelmine  Néruda  a  reçu  du  roi  de  Suède  la 
grande  médaille  en  or. 

„.*„.  Un  fort  beau  concert  a  été  donné  samedi  dernier  par  M.  Henri 
Kowalski.  Ce  jeune  et  brillant  pianiste  polonais  n'a  guère  exécuté  que 
des  morceaux  de  sa  propre  composition.  Parmi  ceux  qui  ont  été  le  plus 
applaudis,  nous  citerons  :  l'Impromptu  de  concert,  la  Bmse  des  Farfadets, 
une  grande  Polonaise,  un  Nocturne,  et  surtout  une  valse  charmante,  in- 
titulée les  Souvenirs  de  Champigny.  Une  scène  dramatique  du  même 
compositeur  portant  le  nom  de  Jeanne  d'Arc,  et  chantée  avec  beaucoup 
d'âme  par  Mlle  Azimon,  a  produit  le  plus  grand  effet.  Un  trio  de  Men- 
delssohn, pour  piano,  violon  et  violoncelle,  exécuté  par  MM.  Kowalski, 
Lebrun  et  Poëncet,  avait  magistralement  ouvert  la  séance. 

**,,.  Le  concert  annuel  de  M.  Léopold  Dancla  et  de  Mme  Dancla,  aura 
lieu  dans  la  salle  Pleyel-Wolff,  le  18  mars,  avec  le  concours  de  Mme 
Sabatier-Blot,  MM.  Poincet,  Flamand,  Bach  et  E.  Fauvre. 

***  La  musique  a  eu  sa  part  de  la  représentation  donnée  la  semaine 
passée  dans  la  salle  du- Conservatoire  au  profit  de  l'œuvre  de  Sainte- 
Anne,  et  organisée  par  Mme  la  princesse  de  Beauveau.  Après  la  tragé- 
die des  Enfants  d'Edouard,  on  a  applaudi  M.  Franceschi,  Mme  la  mar- 
quise Jules  d'Aoust  et  Mme  Moulton,  la  brillante  élève  du  professeur 
Panofka,  qui  a  chanté  avec  un  sentiment  exquis,  une  voix  délicieuse  et 
une  excellente  méthode  l'air  de  Chérubin  des  Noces  de  Figaro.  Le  con- 
cert s'est  terminé  par  le  quatuor  du  rouet  de  Uarta  dit  avec  autant  de 
verve  que  de  talent  par  les  artistes  dilettanti. 

„.**  Sivori,  Godefroid,  Lubeck  et  Reichardt  se  sont  fait  applaudir  di- 
manche dernier  dans  les  beaux  salons  de  Mme  Erard,  où,  entre  autres 
artistes  de  grand  mérite,  Edouard  Wolff  a  obtenu  tant  de  succès  cet 
hiver.  L'excellent  ténor  Richardt  a  dit  d'une  manière  délicieuse  l'n'- 
aura  amorosa  de  Mozart,  la  Truite  de  Schubert  et  sa  gracieuse  ro- 
mance 0  belle  Etoile,  qui  a  été  le  grand  succès  de  la  soirée. 

a,**  Arban  donnera  le  samedi  12  mars,  dans  les  salons  du  Casino,  son 
grand  festival  annuel,  dont  le  programme  se  distingue,  comme  toujours, 
par  la  richesse  et  la  variété.  Entre  autres  morceaux  remarquables,  on  y 
entendra  pour  la  première  fois  une  ouverture  de  concert  composée  par 
M.  Josse,  une  symphonie  de  L.-L.  Schmidt,  la  première  Marche  aux 
Flambeaux,  de  Meyerbeer,  une  fantaisie  de  Thalberg,  exécutée  par  M.  Da- 
vid Laurent,  du  Conservatoire,  une  cantate  de  Charles  Constantin,  David 
Rizzio,  une  Orgie  aux  enfers,  galop  expressément  composé  par  Litholff. 
Enfin  Arban  lui-même  exécutera  ses  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise, 
et  fera  entendre  une  grande  fantaisie  vocale  et  instrumentale  sur  le 
Clialet,  d'Ad.  Adam,  ainsi  que  les  Echos  de  Berlin,  valse  de  concert  de 
sa  composition. 

***  La  tournée  artistique  d'Alfred  Jaell  en  Hollande  est  fabuleuse  par 
le  nombre  et  le  produit  des  concerts.  Partout  salle  comble,  bravos  et 
enthousiasme.  Carlotta  Patti  n'est  pas  la  moins  bien  partagée  dans  ce 
succès  extraordinaire.  On  l'applaudit  surtout  lorsqu'elle  chante  l'air  de 
Linda  et  la  valse  d'Ascher.  Laube  produit  beaucoup  d'effet  dans  le  con- 
certo de  Mendelssohn.  On  redemande  toujours  à  Alfred  Jaell  sa  valse- 
caprice  du  Pardon  de  Ploêrmel. 

*%  M.  de  la  Nux,  un  de  nos  pianistes  les  plus  distingués,  donnera  un 
concert  le  17  de  ce  mois  dans  les  salons  Pleyel,  avec  le  concours  de 
MM.  White  et  Gueymard.  Le  programme  sera  très-intéressant. 

***  Un  concours  international  d'orphéons  et  de  fanfares,  dans  lequel 
seront  admises  les  Sociétés  chorales  de  France  et  d'Espagne,  aura  lieu  au 
mois  de  juillet  à  Bayonne,  à  l'occasion  de  l'exposition  franco-espagnole. 

,*i  La  méthode  pour  cornet  à  pistons  et  saxhorn  de  M.  Arban,  a  été 
approuvée  pour  le  Conservatoire  de  musique  par  le  comité  des  études 
musicales,  et  adoptée  pour  l'enseignement. 

t%  Un  nouveau  quadrille  très-facile  de  Valiquet,  intitulé  la  Chasse 
du  prince  Impérial,  obtient  en  ce  moment  la  vogue.  L'auteur  de  la  Mois- 
son d'or  et  des  Fleurs  de  la  danse  compte  un  succès  de  plus. 

„/**  Au  dernier  bal  de  l'Opéra,  donné  jeudi  dernier,  Strauss  a  fait  mer- 
veille avec  son  nouveau  répertoire  :  La  Muette  de  l'ortici,  les  bavards 
et  le  Brésilien,  les  Chusses,   la  valse  de  Lischen  et  Frilzchen,  la  Polka  des 


DE  PARIS. 


79 


Horloges  et  autres  danses  nouvelles  auxquelles  la  vogue  est  désormais 
acquise. 

,*.  Chez  l'éditeur  do  musique  C.  A.  Spina,  à  Vienne,  a  été  ouverte 
une  souscription  au  bénéfice  de  la  veuve  et  des  enfants  de  Ferdinand 
Schubert,  frère  ds  François  Schubert  ;  c'était  uu  artiste  de  mérite,  et 
qui  a  laissé  sa  famille  dans  la  misère. 

***  Le  compositeur  suédois  Otto  Lindblad  vient  de  mourir  dans  sa 
quarante-quatrième  année;  il  s'est  surtout  fait  connaître  par  ses  lie- 
der. 

„%  Le  compositeur-amateur  W. -Henri  Veit,  président  du  tribunal  du 
Cercle,  e>t  mort  le  15  février  à  Leitméritz  (Bohème);  il  laisse  un  grand 
nombre  d'ouvrages,  entre  autres  une  messe,  une  symphonie,  neuf  qua- 
tuors, une  ouverture,  des  compositions  pour  piano  et  des  lieders.  Veit 
avait  surtout  étudié  les  reuvres  d'Onslow  et  de  Mendelssohn. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


*%  Londres.  —  La  saison  musicale  commencera  de  très-bonne  heure 
cette  année,  et  déjà  les  deux  théâtres  Italiens  se  préparent  à  la  lutte, 
Covent-Garden  ouvrira  le  29  mars,  et  Her  Majeslifs  théâtre  huit  jours 
après.  En  attendant,  la  Société  philharmonique  (l'ancienne,  la  classique) 
vient  de  donner  son  premier  concert,  et  le  comité  de  cette  Société 
d'artistes,  émule  de  la  Société  des  concerts  de  Paris,  a  choisi  le  29  fé- 
vrier, anniversaire  de  la  naissance  de  Rossini,  pour  son  jour  d'ouver- 
ture. Cette  première  séance  était  presque  entièrement  consacrée  à 
l'auteur  de  Moise.  attention  d'autant  plus  remarquable  que  la  Société 
philharmonique,  qui  se  pique,  avant  tout,  d'être  classique,  n'a  peut- 
être  pas,  dans  tout  le  cours  de  ses  cinquante  années  d'existence  produit 
autant  d'ouvrages  du  maître  qu'elle  en  a  exécuté  dans  cette  seule  séance. 
Les  morceaux  choisis  étaient  :  les  ouvertures  de  Sémiramis  et  du  Siège 
de  Corinthe,  l'air  de  Zelmirc  et  celui  de  la  Gazza  ladra  a  di  piacer  » 
chantés  par  aille  Parepa,  le  Cujus  animam  du  Stabat  mater,  chanté  par 
M.  Wilbie  Cooper,  et  le  duo  de  Guillaume  Tell,  par  M.  W.  Cooper  et 
Mlle  Parepa.  Ces  deux  artistes  se  sont  supérieurement  acquittés  de  la 
partie  vocale  du  concert,  et  les  deux  ouvertures  ont  été  rendues  dans 
la  perfection ,  comme  c'est  l'habitude  de  l'orchestre  que  dirige 
M.  Sterndale  Bennett.  Deux  œuvres  d'une  importance  non  moindre  que 
le  reste  du  programme  complétaient  le  concert.  C'était  d'abord  une 
symphonie  inédite  de  Cherubini,  composition  extrêmement  intéres- 
sante, et  que  le  grand  contre-pointiste  composa  dans  le  temps  précisé- 
ment pour  la  Société  philharmonique  de  Londres  qui  en  possède  le  ma- 
nuscrit. Cette  symphonie  ne  fut  jamais  publiée,  le  maître  en  a 
cependant  utilisé  les  principaux  motifs  dans  son  quatuor  pour  instru- 
ments a.  cordes,  le  seul,  si  je  ne  me  trompe,  qui  existe  de  lui.  L'autre 
œuvre  était  le  concerto  pour  piano,  en  ré  mineur,  de  Mozart,  l'un  des 
beaux  concertos  de  l'immortel  auteur  qui  a  été  rendu  noblement, 
simplement  et  admirablement  par  Mme  Arabella  Goddard,  la  grande 
interprète  des  grands  maîtres. 

„%  Bruxelles.  —  Le  troisième  concert  du  Conservatoire  donné  sous 
la  direction  de  M.  Fétis  avait,  comme  d'habitude,  attiré  un  auditoire 
fort  nombreux,  et  l'exécution  a  été  excellente.  L'ouverture  du  Songe 
a"une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn,  la  symphonie  pastorale,  de  Beethoven, 
et  des  fragments  de  Judas  Machabée,  étaient  les  principaux  morceaux 
du  programme.  —  Servais  et  Brassin  ont  obtenu  de  grands  succès  au 
concert  de  la  Philharmonie.  —  Les  séances  musicales  données  par  Bras- 
sin au  cercle  artistique  pour  l'audition  des  sonates  de  Beethoven,  sont 
de  plus  en  plus  appréciées.  —  M.  Dupont  annonce  quatre  séances  dans 
lesquelles  il  fera  entendre  une  série  de  petites  pièces  pour  virginal  et 
clavecin  ;  il  donnera  un  aperçu  de  musique  historique,  à  commen- 
cer de  1563  jusqu'à  nos  jours.  —  Mme  Johnson  Graever  a  été  jus- 
tement applaudie  au  concert  annuel  des  dames  de  la  Charité,  et  va 
donner  une  brillante  soirée  musicale  dans  les  salons  du  ministre  des 
Pays-Bas.  —  Au  théâtre  de  la  Monnaie,  Quentin  Durward,  de  Gevaert,  a 


été  repris  avec  succès;  Jourdan  y  a  mérité  de  chaleureux  bravos.— 
Mme  Ferraris,  en  attendant  l'Etoile  de  Messine,  est  fort  applaudie  dans 
le  ballet  la  Vivandière.  —  Une  cantate  assez  remarquable,  composée  par 
Pellaert,  Hommage  à  Rossini,  a  été  exécutée  avant  la  représentation  du 
Comte  Ory,  l'anniversaire  du  jour  de  la  naissance  de  l'auteur. 

„%  Vienne.  —  Lundi  29  février  a  eu  lieu  au  profit  du  fonds  de  pen- 
sions de  l'opéra  de  la  cour,  la  16i°  représentation  du  Prophète;  Ander 
a  été  magnifique  d'énergie  et  de  puis>.ance  dramatique  dans  le  rôle  de 
Jean  de  Leyde.  Mlle  Destinn  a  également  rendu  celui  de  Fidès  avec 
beaucoup  d'intelligence  et  d'expression.  —  Dans  la  salle  de  l'opéra  de 
la  cour  a  eu  lieu  un  fort  beau  concert  au  profit  des  indigents  de  Hon- 
grie; on  y  a  entendu  Tausig,  qui  a  joué  le  Carnaval  de  Peslh  de 
Franz  Liszt  et  M.  Carini,  du  théâtre  national  de  Pesth  ;  l'orchestre 
a  joué  l'ouverture  du  Roi  Etienne,  de  Beethoven,  et  celle  de  l'opéra 
Ilka,  par  François  Doppler.— La  charmante  bluette  alsacienne  Litschen  e't 
Fritzchen,  doit  être  jouée  au  Carltheater  dans  le  courant  du  mois. 

„%  Berlin.  —  Notre  illustre  compatriote  Meyerbeer,  quelque  habitué 
qu'il  soit  aux  triomphes  du  théâtre,  en  obtient  en  ce  moment  d'un 
genre  nouveau  par  la  reprise  du  drame  de  Struensée,  dont  le  succès 
dépasse  toutes  les  prévisions.  Tous  les  jeudis  —  (les  exigences  du  ré- 
pertoire courant  de  l'Opéra  ne  permettant  de  jouer  le  drame  qu'une 
fois  par  semaine),  —  tous  les  jeudis  la  vaste  salle  de  notre  grand  Opéra 
est  remplie  jusqu'aux  combles  ;  et  cet  immense  succès  est  d'autant  plus 
à  remarquer,  que,  dans  la  disposition  actuelle  des  esprits,  il  était  à 
craindre  que  l'élément  danois  qui  joue  un  si  grand  rôle  dans  le  drame 
ne  provoquât  quelque  démonstration  hostile.  Mais  qui  songerait  à  des 
différends  politiques,  en  écoutant  cette  ouverture  magistrale,  cette  mu- 
sique grandiose  et  sévère  des  entr-'actes,  cette  polonaise  entraînante 
ces  accents  majestueux  et  inspirés  des  récits? —  Le  Domchor  vient  de 
donner  sa  troisième  et  dernière  soirée  dans  la  salle  de  l'Académie  du 
chant.  Parmi  les  morceaux  qui  ont  été  exécutés,  on  a  remarqué  sur- 
tout le  Credo  à  huit  voix,  par  Cherubini  ;  le  psaume  22,  par  Mendels- 
sohn, et  VAoe  nerum,  de  Mozart.  Dans  la  salle  de  l'Opéra  de  la  cour  a 
eu  lieu  la  huitième  soirée  de  symphonie,  la  deux  centième  depuis'  la 
fondation  en  1841 . 

**„.  Brème.  —  Gèdéon,  nouvel  oratorio,  composé  par  M.  Meinardus, 
a  été  exécuté  avec  succès  sous  la  direction  de  M.  Engel.  M.  Meinardus 
est  l'auteur  de  deux  autres  oratorios,  Petrus  et  Salomon,  qui  ne  sont 
pas  dépourvus  de  mérite. 

**„,  Florence.  —  On  s'occupe  au  théâtre  de  la  Pergola  de  la  prochaine 
représentation  de  l'Âidea  (Haydée),  l'opéra-comique  d'Auber. 

„*„.  Parme.  —  Roberto  il  Diavolo  vient  d'être  accueilli  avec  le  plus 
grand  enthousiasme.  Le  public  qui  remplissait  la  salle  n'a  pas  cessé 
d'applaudir  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  et  les  artistes  qui  l'ont  in- 
terprété avec  un  très-grand  talent.  Plusieurs  morceaux  ont  dû  être  ré- 
pétés, et  les  bravos  et  les  rappels  étaient  aussi  fréquents  que  chaleu- 
reux. Mmes  Berini  etSanzi,  ainsi  que  M.  Atry,  ont  surtout  fait  preuve 
d'un  très-grand  talent.  L'orchestre  et  le  metteur  en  scène  méritent  éga- 
lement les  plus  grands  éloges. 

*%  Madrid.  —  Mme  Charton-Demeur  a  fait  un  très-brillant  début 
dans  le  Trovatore.  Secondée  par  Fraschini  et  Guicciardi ,  l'éminente 
cantatrice  a  obtenu  des  applaudissements  unanimes.  Le  ténor  Baragli 
s'est  fait  entendre  avec  succès  dans  /  Puritani,  avec  Mme  de  Lagrange, 
Giraldoni  et  Bouché.  Giraldoni  vient  d'obtenir  un  succès  d'enthousiasme 
dans  Rigoletlo.  Il  s'y  montre  de  tout  point  remarquable. 

„*„.  Constantinople.  —  Un  nouvel  opéra  du  maestro  Foschini,  Giorgio 
il  bandito,  a  été  favorablement  accueilli. 

%*„,  Saint-Pétersbourg.  -  La  Dame  blanche,  jouée  au  théâtre  Italien, 
ne  paraît  devoir  s'y  établir.  Calzolari  et  Mme  Bernardi  y  obtiennent  ce- 
pendant des  applaudissements  très-mérités.  A  l'Opéra  russe,  c'est  la 
reprise  de  Martha,  de  Flotow,  qui  remplit  la  salle,  et  dont  une  nou- 
velle distribution  de  rôles  a  fourni  un  nouvel  élément  de  succès. 

Le  Directeur  :   S.  DDFOUR. 


En   vente  chez  CHALLIOT   et    Ce,  éditeurs,    rue   Saint  -  Honoré ,   376. 

LA    PARTITION    POUR     CHANT    ET    PIANO     DE 


Opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  SCRIBE  et  de  SAINT-GEORGES,  musique  de 

D.-F.-E.     illIER 

Prix  net  :    1S  fr. 

Les  Airs    détachés    et    les  Arrangements  paraîtront  prochainement. 


80 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1". 

Trente  Mélodies  de  F.  Schubert 

Transcrites 
POUR    LE    PIANO    PAR       STEPHB1V       HEIiliER       ET    ARRANGÉES    POUR 

HARMONIUM      SEUL 


En  »  séries 
de  15  nos  chaque. 


F.    BRISSON 


1 .  Adieu . 

2.  La  Jeune  Mère. 

3.  Eloges  des  larmes. 

4.  La  Rose, 
o.  Sur  le  bord  du  lac. 

6.  La  plainte  du  pâtre 

7.  Les  larmes. 


PUBLIEE.  —  \™  série. 

8.  Les  astres. 

9.  La  berceuse. 

10.  La  jeune  Fille  et  la  Mort. 

1 1 .  Rosemonde. 

12.  La  sérénade. 

13.  Ave  Maria. 

14.  La  cloche  des  agonisants. 


15.  Mes  rêves  sont  finis. 


SOUS  PRESSE. 


1.  Le  Chasseur  des  Alpes. 

2.  Tu  es  le  repos. 

3.  L'illusion. 

4.  L'Exilé. 

5.  A  Mignon. 

6.  Impatience. 

7.  Dans  le  bosquet. 


15.  Sois  toujours  mes  seules  amours. 


Chaque  n°, 
4  fr.  50  p.  m. 

—   2e   SÉRIE. 

8.  Les  plaintes  de  la  jeune  fille. 

9.  Le  voyageur. 

10.  Bonjour. 

11 .  Le  pêcheur. 

12.  Chanson  des  chasseurs. 

13.  La  Truite. 

14.  Le  joueur  de  vielle. 


Musique  de 


Opéra-bouffe  en  deux  actes 


LISGHEN  ET  FRITZGHEN    LES  BAVARDS 

Conversation  alsacienne,  paroles  de  P.  Boisselot. 

JA G QUE S 

LA    PARTITION 

Pour  Chant  et  Piano  avec  Dialogue,  de 

Format  m-8°.  —  Prix  net  :  S  francs. 

LES    AIRS    DÉTACHÉS    DE    CHANT- 

1 .  Couplets  chantés  par  Désiré  :  Me  chasser,  me  forcer  à  lais- 

ser mon  service 

2.  Chanson  chantée  par   Mlle  Bouffar:  P'tits  balais,  je   vends 

des  toutes  p'tits  balais 

3.  Duo  :  Je  suis  Alsacienne.  —  Je  suis  Alsacien 

4.  Fable  chantée  par  Mlle  Bouffar  :    Einmal  eine  rat  de  ville 

invite  eine  rat!?  des  champs . 


STB  Al'SS.  —  Grande  valse  pour  le  piano 

ARBAKf.  —  Polka  pour  le  piano 

ST1ITZ.  —  Polka-mazurka 

BURGIMUIiliEIt. —  Je  suis  Alsacienne,  grande  valse  de 

salon  pour  le  piano 

M3CAKPE3ITIER.  —  Petite  bagatelle  pour  le  piano 


LA  PARTITION   POUR  CHANT  ET  PIANO 

Format  in-8°.  —  Prix  net:  10  fr. 

lie»  Airs  détachés    de   citant. 

Arrangements  sur  LES  BAVARDS  : 

ARBAN.  Quadrille,  piano  et  à  4  mains 4  50 

STRAUSS.  Quadrille  sur  les  Bavards  et  le  Brésilien k  50 

MUSARD   Valses,  piano  et  à  h  mains 6  » 

MARX.  Polka MERZ  (C).  Schotlisch  )  .  . 

MICHEL  (G.)   Polka-mazurka.  STRAUSS.  Grand  galop  )       q"  ' 

LECARPENTIER.  Bagatelle 5  » 

HESS  (GH.).  Caprice-valse 6  » 

VALIQUET.  Valse  très-facile 3  » 

DEPAS.  Fantaisie  facile  pour  violon  avec  piano 6  » 

WOLFF  (E.).  Duo  à  quatre  mains 9  » 

WOLFART.  —  Transcription  facile  pour  piano  et  à  4  m.     5  et  6  » 
La  grande  partition.  —  les  parties  d'orchestre. 


N°  1. 

TARENTELLE 

Musique  de 

K'QSSïKI 


EE    PIFFERAR© 

Deux  morceaux  citantes  par 


CHANT  DES  PIFFÏRARI 

Musique  de 


La  Partition  pour  Piano  et  Chant  avec  paroles  italiennes 


l'OPÉRA 


mm       i^dÊk 


F.  DE  FLOTOW 


FORMAT  IN-8°,  PRIX  NET  :  20  FR. 


Paroles  françaises,  prix  net  :  15  fr.  —  Pour  piano  solo,  prix  net  :  lO  fr. 
Airs  détachés  avec  accompagnement  de  piano.  —  Ouverture  arrangée  pour  piano  et  à  quatre  mains. 

NOUVEAUX  ARRANGEMENTS  SUR  DES  THÈMES  DE  CET  OPÉRA  : 


ASCHER.  —  Op.  77.  Illustration  pour  le  piano 9  » 

BEVER.  —  Bouquet  de  mélodies,  petite  fantaisie,  chaque.  .   .  6  » 

BURCiHUIAiER.  —  Valse  brillante 6  » 

CROISEZ.  —  Duo  facile  à  quatre  mains 7  50 

FAVABëEB.  —  Fantaisie  pour  le  piano 9  » 


liECARPENTIER.  —  Bagatelle S    » 

RUBlllESi.  —  Fantaisie  pour  piano  et  à  quatre  mains,  chaque  6    » 

VALIQUET.  —  Morceau  très-facile  pour  piano  et  à  quatre  mains  3    » 

VOS**  (Cm.).  —  Op.  106.  Fantaisie  brillante  pour  le  piano  .   .  7  50 

Quadrilles,   Valses,   Polka». 


I'IPBIUEBIE  CEIVTBM.E   DE   N\P01EON   CU.UX   ET   Cc,  BUE  BEJU.L.BE, 


BUREAUX    A  PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  i\. 


3ic  Année, 


ON  S'ABONNE: 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires, 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


N°  H. 


REVUE 


13  Mars  1861 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 2*  r.parffl 

Départements,  Belgiquo  et  Suisse....    30»      a. 
34  »      a. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  le  Docteur  Magnus,  opéra  en  un 
acte,  paroles  de  MM.  Eug.  Cormon  et  Michel  Carré,  musique  de  M.  Ernest 
Boulanger.  —  Théâtre  impérial  Italien.  —  Concerts  populaires  de  musique 
classique,  par  Paul  Smith.  —  Société  des  concerts,  par  A.  Elwart.  — 
Correspondance:  Saint-Pétersbourg.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

IiE  DOCTEUR  MAGNUS, 

Opéra  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Eug.  Cobmon  et  Michel  Carré, 
musique  de  M.  Ernest  Boulanger. 

(Première  représentation  le  9  mars  1864.) 

Croiriez-vous  jamais,  si  l'Opéra  ne  vous  en  fournissait  la  preuve, 
que,  dans  un  petit  village  de  la  forêt  Noire,  le  docteur  Magnus  est 
venu  à  bout  d'établir  une  discipline  telle  qu'on  y  entendrait  une 
souris  trotter,  une  mouche  voler?  Quel  homme  que  ce  docteur,  par 
qui  s'est  accomplie  une  réforme  si  extraordinaire  !  Dans  tout  le  vil- 
lage, pas  d'époux  infidèles,  pas  d'amants  téméraires  ;  on  ne  boit  que 
quand  on  a  soif,  et  jamais  on  ne  s'enivre  !  jamais  on  ne  s'embrasse! 
jamais  on  ne  dit  à  une  jeune  fille  qu'on  la  trouve  jolie!  bien  plus, 
les  miroirs  même  en  sont  bannis  ou  restent  cachés  au  fond  des  ti- 
roirs! Et  pour  récompense  de  tant  de  vertus,  pour  dédommage- 
ment de  tant  de  privations,  quels  plaisirs  l'excellent  docteur  pro- 
cure-t-il  donc  à  ses  clients,  à  ses  administrés,  à  ses  paroissiens,  car 
le  docteur  remplit  les  fonctions  de  ministre  ?  Il  les  berce  de  sa  pa- 
role, il  les  endort  de  ses  lectures,  si  bel  et  si  bien  qu'au  lever  du 
rideau  nous  voyons  tout  son  auditoire,  les  hommes  d'un  côté,  les 
femmes  de  l'autre,  plongé  dans  le  plus  doux  sommeil,  auquel  le 
docteur  lui-même,  abandonnant  sa  bible,  juge  à  propos  de  se  livrer. 
Voilà  certainement  un  tableau  singulier,  un  début  original  !  Que  va- 
t-il  sortir  de  cet  assoupissement  universel,  du  genre  do  celui  de  la 
Belle  au  bois  dormant  ? 

Tandis  que  ces  braves  gens  ronflent  à  qui  mieux  mieux,  arrive 
un  certain  Daniel,  neveu  du  docteur,  qui  trouve  que  le  village  a  le 
sommeil  un   peu  dur.  Parmi  les  dormeuses;  il  reconnaît  Rosa,  sa 


jeune  cousine,  et  il  essaie  de  la  réveiller  par  un  baiser,  mais  Rosa, 
les  yeux  encore  à  demi  clos,  paye  le  baiser  d'un  soufflet  appliqué 
sur  la  joue  d'un  M.  Fritz,  qu'elle  en  suppose  l'auteur.  L'auteur  pré- 
tendu jette  un  cri,  et  le  cri  fait  l'effet  d'un  réveil-matin.  Tout  le  vil- 
lage est  enfin  sur  pied,  et  vous  avouerez  que  ce  n'est  pas  sans  peine. 
Daniel  s'empresse  de  dire  a  ses  anciens  compagnons  : 

Oui,  mes  amis,  me  voici  revenu  ! 
Les  beaux  jours  vont  renaître, 
J'ai  su  vous  reconnaître, 
Vous  m'avez  reconnu. 

Et  les  amis  répondent  du  même  style  : 

Il  sait  nous  reconnaître, 
Nous  l'avons  reconnu  ! 
Près  de  nous,  près  du  maître, 
Qu'il  soit  le  bien  venu  I 

Evidemment  ces  gens  croient  rêver  et  ne  savent  pas  encore 
trop  ce  qu'ils  disent.  Le  docteur  propose  à  son  neveu  de  lui  succé- 
der :  il  le  croit  très-savant,  très-sage,  et  il  lui  affirme  que  sa  mission 
sera  extrêmement  facile.  Tout  le  village  ne  demande  qu'à  dormir 
debout  : 

Mes  conseils  ont  porté  leurs  fruits,  et  j'ai  la  joie 
De  voir  chacun  suivre  la  bonne  voie. 

11  appelle  cela  la  bonne  voie  ;  mais  Daniel  ne  pense  pas  de  même . 
Le  docteur  est  convaincu  que  le  diable  perdrait  son  temps  s'il  s'a- 
visait de  vouloir  déranger  l'ordre  des  choses.  Daniel  a  envie  de  jouer 
un  peu  le  rôle  du  diable  : 

Mon  cher  docteur,  j'ai  trompé  votre  attente; 
La  science  n'est  pas  ce  que  j'aime  le  mieux  ! 
Mais  pour  me  rendre  excusable  à  vos  yeux, 

Je  veux  ramener  en  ces  lieux 
les  amours,  la  gaîté,  le  plaisir  et  la  vie  ! 
Soufflons  le  feu  qui  dort!  après  tout,  pourquoi  non? 
Ils  en  seront  meilleurs  et  j'aurai  mon  pardon. 

Aussitôt  dit,  aussitôt  fait.  Daniel  commence  par  sa  cousine  Rosa, 
qu'il  embrasse  derechef  et  en  réitérant.  Rosa,  s'éveillant  par  degrés, 
prend  du  goût  aux  baisers,  et  ne  tarde  pas  à  devenir  coquette.  Son 
amoureux  transi  et  somnolent,  M.  Fritz,  ne  lui  avait  jamais  rien  dit 
d'aimable,  de  gracieux;  il  la  laissait  dormir  sur   les  deux  oreilles. 


82 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Aussi  Rosa  n'hésite-t-elle  pas  à  s'écrier,  dans  un  trio,  le  plus  joli 
morceau  de  la  pièce  : 

Pour  monsieur  Fritz,  ma  foi,  tant  pis! 

Qu'il  se  désole  ou  qu'il  s'emporte, 

Won  cher  cousin,  peu  nous  importe; 

Ainsi  que  vous  gaîment  j'en  ris. 

Daniel  ne  s'arrête   pas  en  si  beau    chemin.  Il  engage  les  jeunes 
tilles  à  vider  le  ballot   d'un  colporteur,   qui  jamais  ne  faisait  d'af- 
faires dans  le  village;  il  emmène  les  garçons  au  cellier  et  les  exhorte 
à  vider  un  tonneau  du  plus  vieux  vin  de  son  oncle  : 
maintenant,  le  verre  en  main, 
Voyons  si  dans  notre  mémoire, 
Nous  n'avons  pas  quelque  joyeux  refrain  : 
Le  lutin  de  la  forêt  Noire  1 

Jeunes  filles  et  garçons  se  mettent  à  danser  une  ronde  en  plusieurs 
couplets,  parmi  lesquels  il  est  juste  de  remarquer  celui-ci  : 

Du  lutin  qui  passe 
Suivons  la  leçon. 
Le  diable  qu'on  chasse 
A  parfois  raison. 

Où  allons-nous?  dirait  le  pauvre  docteur,  s'il  entendait  ces  maxi- 
mes subversives.  Le  désordre  lui  semble  déjà  bien  assez  grand  pour 
qu'il  s'en  plaigne  à  Daniel,  et  lui  demande  s'il  est  venu  tout  exprès 
pour  réduire  son  œuvre  à  néant? 

Veux-tu,  pour  l'enfer  et  ses  flammes, 

Chercher  ici  de  pauvres  âmes  ? 

Alors,  Satan,  retire  toi  ! 

Mais  Daniel,  qui  n'est  pas  Satan,  entreprend  à  son  tour  de  convertir 
son  oncle,  en  lui  rappelant  qu'il  a  été  jeune,  qu'il  a  aimé,  lui  aussi, 
à  jaser,  à  boire,  à  danser.  Le  docteur  en  convient,  et,  l'indulgence 
lui  revenant  avec  la  mémoire,  il  ne  tient  rigueur  à  personne.  Il  par- 
donne aux  jeunes  filles  qui  se  sont  parées  de  dentelles  et  de  bijoux, 
aux  jeunes  gens  qui  n'ont  pas  épargné  sa  cave.  Il  pardonne  à  son 
neveu  qui,  au  lieu  d'accepter  sa  survivance,  va  décrocher  son  vieux 
fusil,  et  l'on  entend  résonner  les  fifres,  les  tambours.  Bone  Deus, 
Daniel  s'est  enrôlé  !  Daniel  est  soldat,  comme  à  vingt  ans  le  fut  son 
oncle,  et  son  exemple  entraîne  M.  Fritz,  le  pacifique.  Comptez  donc 
sur  quelqu'un  ici-bas  !  Les  deux  jeunes  gens  partent  pour  la  guerre. 
Le  docteur  les  presse  entre  ses  bras,  et  Daniel  dit  à  sa  cousine  : 

«  Mais  alors  quel  sera  ton  mari?  — Devinez,  réplique  la  cousine»  ;  et 
elle  lui  donne  son  bouquet  en  prononçant  ce  mot.  Alors  le  silence 
succède  au  bruit  ;  les  bancs  et  les  chaises  sont  remis  en  place;  chacun 
se  rassied,  comme  au  lever  du  rideau.  Le  docteur  se  réinstalle  dans 
son  fauteuil,  il  reprend  sa  bible,  et  tout  l'auditoire  se  rendort. 

Belle  conclusion,  et  digne  de  l'exorde  !  C'était  fort  bien  de  débuter 
par  le  sommeil,  mais  il  fallait  se  garder  de  finir  par  là  !  Est-il  pos- 
sible que  le  sentiment  dramatique  abandonne  à  ce  point  les  auteurs 
d'une  œuvre  de  théâtre  ?  Ce  n'est  pas  un  opéra  que  le  Docteur  Ma- 
gnus;  c'est  une  potion  calmante,  dans  laquelle  les  pavots  sont  em- 
ployés à  si  fortes  doses  qu'il  n'en  doit  plus  rester  dans  les  officines 
d'alentour  !  Si  la  pièce  eût  duré  un  peu  plus,  la  salle  entière  faisait 
chorus  avec  les  personnages. 

Comment  qualifier  une  production  de  cet  ordre  ?  Et  pourtant  quel 
jibretto  répondit  jamais  mieux  à  sa  destination,  si  cette  destination 
consiste  à  faire  désirer  impatiemment  le  ballet  qui  vient  ensuite  ? 

Nous  voudrions  pouvoir  dire  que  le  compositeur,  M.  Ernest  Bou- 
langer, a  écrit  une  partition  de  beaucoup  supérieure  à  son  poëme, 
mais  ce  ne  serait  pas  la  vérité  ;  nous  attendions  mieux  de  l'auteur 
du  Diable  àl'Ecole  et  des  Sabots  de  la  Marquise.  Il  n'y  a  de  morceau 
qui  se  détache  un  peu  de  la  monotonie  grise  et  terne  du  fond  musi- 
cal, que  celui  dont  tout  à  l'heure  nous  citions  les  paroles.  Du  reste, 


il  faut  moins  blâmer  que  plaindre  M.  Boulanger  :  il  a  subi  bon  gré 
mal  gré  l'influence  de  sou  libretto,  et  comme  il  y  avait  nécessité  de 
préparer  le  dénoûment,  c'est-à-dire  le  retour  du  sommeil,  rien  de 
moins  gai,  de  moins  épanoui,  de  moins  jeune  que  les  réminiscences 
de  jeunesse  du  vieux  docteur. 

Je  dors  en  vous  contant  la  chose  seulement. 
Le  rôle  du  docteur  est  chanté  par  Cazaux,  qui,  le  premier  jour, 
était  enrhumé  de  telle  sorte  qu'il  lui  eût  été  cent  fois  plus  aisé  de 
faire  une  pirouette  qu'une  gamme. Warot  (Daniel), avait  tousses  moyens, 
et  ne  s'est  pas  mal  acquitté  de  sa  tâche.  Une  cantatrice  nouvelle, 
Mlle  Levielly  (  comment  s'appelle-t-on  Levielly  ?  )  nous  apparaissait 
pour  la  première  fois  sous  le  costume  de  Rosa.  Elle  arrive,  dit-on, 
non  d'un  théâtre,  mais  du  casino  de  Vichy  :  elle  a  de  la  voix,  .une 
jolie  voix  de  soprano,  dont  toutes  les  notes  sonnent  facilement  :  sa 
bouche  est  [grande,  mais  c'est  un  avantage  pour  bien  chanter.  Elle  a 
de  l'aisance  dans  sa  tenue,  dans  son  jeu,  et  ce  sera  peut-être  une 
artiste;  raison  de  plus  pour  changer  de  nom.  Eose  Chéri  n'était-elle 
pas  d'abord  Mlle  Cizos,  et  sa  métamorphose  ne  contribua-t-elle  pas 
à  sa  fortune  ? 


THEATRE  IMPERIAL  ITALIEN, 

Rentrée   «le  Nandin.  —   Les  scenrs  IBarcliïsio   dans    le 
Trovatore.  —  Adelina  Pattt  dans  la  Traviata. 

Depuis  que  Naudin  nous  est  revenu,  il  s'est  déjà  montré  dans  plu- 
sieurs ouvrages  :  c'est  par  Eigolelto  qu'il  a  fait  sa  rentrée,  il  y  a 
quinze  jours,  et  ce  même  soir,  Carlotta  Marchisio  chantait  le  rôle  de 
Gilda,  non  pas  d'abord,  il  faut  bien  l'avouer,  avec  tout  l'effet  qu'on 
se  promettait  de  sa  voix  si  belle  ;  mais  bientôt  le  Trovatore  lui  a 
offert  l'occasion  de  prendre  une  éclatante  revanche  et  elle  y  a  re- 
trouvé son  succès  habituel.  Le  rôle  de  Léonora  lui  est  on  ne  peut 
plus  favorable,  et  celui  de  la  bohémienne  Azucena  ne  l'est  pas 
moins  à  sa  sœur  Barbara.  Comme  Semiramide,  le  Trovatore  est  donc 
un  ouvrage  acquis  à  leur  communauté  fraternelle.] 

Naudin  n'a  rien  perdu  de  sa  voix  ni  de  son  talent;  le  public  pa- 
risien l'a  reçu  à  bras  ouverts  dans  la  Sonnambula.  qu'il  a  chantée 
avec  Mlle  Patti,  ainsi  que  dans  Rigoletto.  C'est  un  des  artistes 
qui  a  su  le  mieux  s'assurer  chez  nous  une  belle  et  bonne  place, 
parce  qu'avec  lui  tout  est  franc  comme  l'or  et  qu'on  peut  toujours 
l'écouter  avec  pleine  confiance. 

Quanta  Mlle  Patti,  voilà  qu'elle  vient  encore  d'aborder  un  nouveau 
rôle!  On  sait  comment  elle  a  réussi  dans  Maria,  où  elle  se  montre 
si  gaie,  si  folle,  si  élincelante.  Eh  bien  !  dans  la  Traviata,  c'est  tout 
autre  chose.  Au  premier  acte,  elle  éclate  en  verve,  en  jeunesse, 
elle  chante  son  air  avec  un  brio  sans  égal,  et  la  salle  entière  le  lui 
redemande  à  l'unanimité;  mais  au  second,  elle  cède  au  chagrin, 
qui  tout  à  coup  la  frappe,  et,  au  troisième,  elle  en  meurt  avec  tant 
de  douleur,  une  douleur  si  vraie,  si  naturelle,  que  le  réalisme  ne 
saurait  être  porté  plus  loin  !  Quelle  actrice  que  cette  jeune  fille,  qui 
n'imite  personne  et  que  personne  ne  saurait  imiter!  Marta  et  la 
Traviata,  quel  contraste  ravissant  et  touchant  !  quels  beaux  fleurons 
ajoutés  à  une  couronne  déjà  si  riche  1 


CONCERTS  POPULAIRES  DE  MUSIQUE  CLASSIQUE. 

M.  Pasdeloup  ne  se  renferme  pas  dans  le  cercle  des  chefs-d'œu- 
vre consacrés  par  le  temps  et  par  l'illustration  des  grands  maîtres.  II 
tend  sans  cesse  à  l'élargir  et  à  nous  initier  aux  productions  plus  ré- 


DE  PARIS. 


83 


centes  et  moins  connues,  à  la  musiqne  contemporaine.  C'est  ainsi 
que  dimanche  dernier  il  nous  a  fait  entendre  une  suite  d'orchestre , 
dont  l'auteur  est  Franz  Lachner,  maître  de  chapelle  de  S.  M.  le  roi  de 
Bavière.  Cette  suite  d'orchestre  se  compose  de  quatre  morceaux  : 
Prélude,  menuet,  variations  et  marche.  Ce  n'est  pas  une  symphonie, 
mais  c'est  quelque  chose  d'aualogue.  Le  plus  développé,  le  plus  re- 
marquahle  des  quatre  morceaux,  ce  sont  les  variations,  écrites  pour 
divers  instruments  avec  une  distinction  rare,  et  qui  s'enchaînent  fort 
heureusement.  L'œuvre  entière,  marquée  au  cachet  d'une  main  ha- 
bile et  maîtresse  de  son  art,  a  été  fort  bien  écoutée,  fort  bien  jugée, 
et  couronnée  par  de  chaleureux  applaudissements.  Franz  Lachner, 
de  quatre  ans  moins  âgé  que  le  siècle,  est  un  des  meilleurs  musi- 
ciens dont  s'honore  l'Allemagne  ;  il  a  écrit  beaucoup  de  musique  ins- 
trumentale et  plusieurs  opéras,  parmi  lesquels  on  distingue  Catarina 
Cornaro,  dont  le  sujet  est  le  même  que  celui  de  la  Reine  de  Chypre, 
d'Halévy,  ce  qui  n'a  rien  d'étonnant,  puisque  les  deux  livrets  sont 
de  M.  de  Saint-Georges. 

Paul  SMITH. 


SOCIETE  DES  CONCERTS- 

(5e  concert.) 

La  séance  a  commencé  par  la  symphonie  en  fa  (la  huitième),  de 
Beethoven,  et  l'allégretto  si  plein  de  charme  et  de  grâce  a  été  bissé. 
Ensuite  Mlle  Dorus  a  chanté,  non  sans  terreur,  la  romance  de  Ben- 
jamin, du  Joseph,  de  Méhul. 

Dans  le  trio  du  même  opéra,  la  jeune  cantatrice,  moins  émue,  a 
beaucoup  mieux  interprété  la  pensée  du  maître.  Elle  avait  pour 
partenaires  Bussine  et  Warot.  Ce  dernier  a  déclamé  et  chanté  l'air 
sublime  des  Abenceracjes,  de  Cherubini,  avec  une  expression  vraie  et 
une  voix  dont  les  accents  pathétiques  ont  excité  les  applaudissements. 
Mme  Massart,  l'habile  et  expressive  pianiste,  avait  choisi  le  concert, 
stuck  de  Weber,  et  elle  s'y  est  montrée  constamment  la  digne  in- 
terprète du  chef-d'œuvre.  Assez  visiblement  émue  en  commençant, 
Mme  Massart  s'est  bientôt  remise,  et  elle  a  été  magnifique  dans  le 
finale  si  chaleureux,  si  joyeux,  de  l'œuvre  de  Weber.  Le  piano 
d'Erard  frémissait  sous  les  doigts  de  la  belle  virtuose  :  que  de  style 
d'une  part,  et  que  de  sonorité  de  l'autre  !  Les  sons  tenus  semblaient 
laisser  après  eux  une  trace  lumineuse  et  sonore,  et  la  rapidité  des 
traits  était  à  vous  donner  le  vertige.  Trois  salves  d'applaudissements 
universels  ont  fait  à  Mme  Massart  une  de  ces  ovations  qui  datent 
dans  la  vie  d'une  artisLe.  C'est  par  la  symphonie  en  sol  mineur  de 
Mozart  que  le  concert  s'est  terminé.  Quel  chef-d'œuvre,  que  de 
mélodies  inspirées  !  que  de  science  et  de  poésie  dans  Vandante  ! 
Le  minuetto,  dont  le  trio  est  si  lumineux,  a  été  bissé.  —  M.  Georges 
Hainl  a  dû  être  satisfait  de  l'orchestre,  qui  l'a  placé  à  sa  tête.  Chef 
et  soldats  ont  mérité,  connue  du  temps  d'Habeneck,  les  applaudisse- 
ments d'un  public  enthousiaste. 

A.  ELWART. 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 

Société  académique  de  musique  sacrée.  —  SI.  I*.  I*,  De- 
lahaye. —  M.  Henri  Fissot.  —  II.  Alexandre  Billes. 

La  Société  académique  de  musique  sacrée,  sous  la  direction  de 
M.  Charles  Vervoitte,  poursuit  avec  succès  la  tâche  qu'elle  s'est  im- 
posée l'année  dernière,  en  faisant  intervenir  la  charité  dans  l'audi- 
tion des  chefs-d'œuvre  classiques  qui  forment  la  base  principale  de 
son  programme.  Une  énorme  affluence  se  pressait  au  troisième  con- 
cert que  cette  Société  donnait  lundi  dans  la  salle  Herz,  au  profit  de 


l'orphelinat  de  la  paroisse  Saint-Roch,  et  témoignait  ainsi  de  la  fa- 
veur et  de  l'empressement  avec  lesquels  sont  accueillies  toutes  les 
tentatives  de  progrès  sérieux  dans  n'importe  quelle  branche  de  l'art 
musical.  Il  s'agissait  ici  presque  exclusivement  de  chant  religieux, 
et  les  morceaux,  choisis  avec  goût  par  M.  Vervoitte,  appartenaient 
en  grande  partie  aux  maîtres  les  plus  illustres  parmi  ceux  qui  ont 
écrit  pour  l'Église.  L'exécution  en  était  confiée  à  des  chœurs  d'hommes 
et  de  femmes  qui,  bien  qu'on  y  remarquât  une  certaine  quantité  de 
personnes  du  monde,  manœuvraient  avec  l'ensemble  et  l'habileté  de 
véritables  artistes.  Un  excellent  orchestre  accompagnait  plusieurs  de 
ces  morceaux,  dont  les  soli  étaient  chantés  par  MM.  Battaille ,  Bus- 
sine, Stroheker,  par  Mmes  Peudefer,  Brésil  et  par  Mlle  Bernard  des 
Portes.  Nous  ne  pouvons  citer  trois  autres  dames  qui  ont  dit  à  mer- 
veille le  trio  des  anges,  dans  VElie  de  Mendelssohn,  et  qui  ont  cru 
devoir  cacher  leur  modestie  sous  le  voile  de  l'anonyme.  L'orgue  était 
tenu  par  M.  Camille  Sainl-Saëns  et  le  piano  par  M.  Charles  Poisot. 
Avec  de  tels  éléments,  parfaitement  mis  en  œuvre  par  M.  Charles 
Vervoitte,  comment  cette  belle  séance  aurait-elle  pu  manquer  son 
effet?  Outre  les  fragments  de  l'oratorio  A'Elie,  on  y  a  applaudi  des 
fragments  de  Samson  de  Haendel,  du  Miserere  de  Jomelli,  du  Dixit 
Dominus  de  Pergolèse,  d'un  psaume  fort  curieux  d'Ayblinger,  puis, 
en  totalité,  le  Tantum  ergo  de  Borniantski,  un  Domine  Deas  de  l'abbé 
Clari,  le  Gaudeamus  de  Carissimi  et  un  délicieux  chœur  sans  accom- 
pagnement, de  Palestrina,  qui  se  chante  le  vendredi  saint  à  la  cha- 
pelle Sixtine. 

Pour  jeter  un  peu  de  variété  sur  ces  hymnes  admirables,  d'un 
style  si  noble  et  si  élevé,  les  chœurs  ont  dit,  encore  sans  accompa- 
gnement, deux  morceaux  d'un  tout  autre  genre,  qui  ont  ravi  l'audi- 
toire. Le  premier  est  une  chanson  française  à  quatre  voix,  intitulée 
les  Vendanges,  et  composée  au  commencement  du  xvie  siècle  par  Or- 
lando  de  Lassus.  Le  second  est  plus  connu:  c'est  cet  air  de  Lully 
qui,  sous  le  titre  de  l'Hiver,  a  été  sans  doute  l'un  des  premiers  es- 
sais de  musique  imitative  qu'on  ait  faits.  On  grelotte  rien  qu'à  l'en- 
tendre, ce  qui  n'a  pas  empêché  les  auditeurs,  engourdis  par  le  froid, 
de  le  redemander  unanimement  et  M.  Vervoitte  de  le  faire  reprendre 
en  triplant,  au  troisième  couplet,  la  note  tremblée  qui  d'abord  avait 
été  chantée  en  doubles  croches. 

Cette  soirée  a  donc  été  bonne,  non-seulement  au  point  de  vue  de 
la  propagation  du  goût  de  la  musique  religieuse,  mais  aussi  dans 
l'intérêt  de  pauvres  petits  orphelins  qui  ont  dû,  à  en  juger  par  l'as- 
pect de  la  salle,  y  récolter  une  abondante  recette. 

—  On  a  remarqué,  aux  derniers  concours  du  Conservatoire,  un 
jeune  pianiste  de  la  classe  de  M.  Marmontel,  qui  a  laissé  bien  au- 
dessous  de  lui  tous  ses  rivaux,  et  qui,  de  haute  lutte,  a  remporté  le 
premier  prix.  Une  excellente  organisation  musicale,  une  grande  sû- 
reté d'exécution,  un  doigté  d'une  extrême  délicatesse,  et,  au  besoin, 
d'une  rare  énergie,  de  l'expression  sans  enflure,  et  de  la  distinction 
sans  afféterie,  telles  étaient  les  qualités  qui  ont  alors  assuré  son 
triomphe.  Ce  jeune  pianiste,  M.  L.-L.  Delahaye ,  a  prouvé,  dans  la 
soirée  qu'il  a  donnée  mardi,  à  la  salle  Erard,  qu'il  n'avait  pas  démé- 
rité du  jugement  porté  par  le  jury,  et  que,  bien  au  contraire,  de  nou- 
velles et  sérieuses  études  l'avaient  encore  fait  progresser.  Après  avoir 
ouvert  la  séance  par  le  trio  en  si  bémol  (op.  11)  de  Beethoven,  qu'il 
a  parfaitement  interprété,  avec  M.  Vizentini,  du  théâtre  Lyrique,  et 
M.  Rabaud,  de  l'Opéra,  il  a  fait  entendre  successivement  la  fantaisie 
de  Thalberg,  sur  Moïse,  la  fantaisie-impromptu  en  ut  dièse  mineur 
de  Chopin,  et  la  marche  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  transcrite  par  lui, 
de  Mendelssohn.  En  outre,  il  a  joué  deux  petites  pièces  de  sa  façon 
qui  ont  fait  grand  plaisir,  et  qui  sont  d'un  très-bon  augure  pour  son 
avenir  de  compositeur.  Il  y  a  de  charmants  détails  dans  sa  Ronde  du 
Sérail,  et  le  principal  motif  de  sa  mazurka  en  la  bémol  ûe  manque 
pas  de  brio.  En  somme,  cette  première  audition  a  été  très-favorable 
à  M.  L.-L.  Delahaye,  et  nous  pouvons,  en  toute  assurance,  prédire 


84 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


que  l'école  française  comptera  bientôt  en  lui  un  virtuose  de  plus.  La 
partie  vocale  de  ce  concert  était  dignement  représentée  par  Mme  Anna 
Bertini  et  par  M.  Hermann-Léon,  le  fils  du  chanteur  de  ce  nom  que 
l'on  a  longtemps  applaudi  à  l'Opéra-Comique.  Parmi  les  morceaux 
qu'ils  ont  interprétés,  nousjignalerons  deux  très-gracieuses  inspira- 
tions de  M.  Henri  Salomon,  l'accompagnateur  du  théâtre  Lyrique,  et 
spécialement  la  mélodie  :  Rossignol,  si  tu  voulais  te  taire,  chantée 
par  Mme  Bertini,  et  accompagnée,  d'une  manière  remarquable,  par 
la  flûte  obligée  de  M.  Donjon. 

—  M.  Henri  Fissot  est  aussi  un  jeune,  et  même  un  très-jeune  pia- 
niste, qui  donne  un  peu  plus  que  des  espérances.  Il  est  bon  musi- 
cien, son  jeu  est  net  et  sûr;  ses  doigts  parcourent  le  clavier  avec 
dextérité,  et  parfois  avec  grâce,  mais  il  manque  de  fougue  ;  il  n'a  pas 
cette  étincelle  qui  se  dégage  pour  produire  la  commotion  par  laquelle 
se  manifestent  les  grands  artistes.  Cela  viendra  sans  doute  avec  l'âge, 
avec  l'expérience.  Du  reste,  son  concert  de  jeudi  à  la  salle  Herz  a 
été  fort  satisfaisant.  Nous  ignorons  si  M.  Henri  Fissot  s'est  déjà  es- 
sayé dans  la  composition,  mais,  à  la  différence  de  la  plupart  de  ses 
confrères,  il  n'a  joué,  dans  sa  soirée,  que  des  œuvres  de  maîtres  : 
un  concerto  de  Mendelssohn,  avec  orchestre,  un  rondo  capriccio 
du  même  auteur,  des  fragments  de  J.-S.  Bach  et  de  Beethoven.  Le 
violoncelle  de  Piatti,  la  jolie  voix  de  Mme  Peudefer,  l'ouverture  du 
Matrimonio  segreto,  très-bien  exécutée  par  l'orchestre  de  M.  Charles 
Lamoureux,  ont  complété  la  partie  musicale.  Dans  la  seconde  partie, 
Mme  Armand  a  dit  le  Caniche  et  le  Lévrier,  fable  de  M.  Charles 
Royer,  et  M.  Saint-Germain,  du  Vaudeville,  a  joué,  avec  Mlle  Garait, 
de  l'Opéra-Comique,  C'était  Gertrude,  petite  comédie  de  M.  Vercon- 
sin,  dont  on  sait  le  succès  à  la  place  de  la  Bourse.  Tout  cela  est  fort 
bien  ;  mais  nous  ne  quitterons  pas  M.  Henri  Fissot  sans  l'engager  à 
mieux  surveiller  une  autre  fois  la  distribution  de  ses  billets,  et  à  ne 
pas  laisser  à  la  porte  la  moitié  des  personnes  qui  se  dérangent  pour 
aller  l'entendre.  Il  faut  qu'il  sache  qu'on  n'est  pas  dupe  de  ce  con- 
cours extraordinaire  d'auditeurs  qui  fait  plus  de  mécontents  que  le 
talent  du  bénéficiaire  ne  lui  peut  faire  d'amis. 

—  Le  talent  de  M.  Alexandre  Billet  n'est  pas  de  ceux  dont  on  a 
besoin  de  faire  les  honneurs  au  public  ;  il  se  recommande  de  lui- 
même  par  une  longue  série  de  succès,  tant  en  France  qu'à  l'étranger. 
Nous  n'avons  donc  rien  à  apprendre  sous  ce  rapport  à  nos  lecteurs, 
et  nous  ne  pouvons  que  constater  l'intérêt  puissant  qui  accueille 
chaque  manifestation  de  ce  talent  que  les  dernières  séances  annuelles 
de  M.  A.  Billet  ont  placé  si  haut  dans  l'estime  des  connaisseurs.  Sa 
soirée  de  vendredi,  qui  a  eu  lieu  à  la  salle  Herz,  avait  réuni  une 
société  d'élite  que  l'éminent  pianiste  a  constamment  tenue  sous  le 
charme  par  le  fini,  par  l'expression,  par  l'étonnante  variété  de  son 
exécution.  Changeant  de  style  selon  les  époques,  il  a  joué  tour  à 
tour,  avec  les  accents  divers  qui  sont  propres  à  chacun,  un  grand 
trio  de  Mendelssohn,  où  il  avait  pour  concertants  MM.  Camille  et  Er- 
nest Demunck,  la  belle  sonate  en  ut  dièse  mineur  de  Beethoven,  une 
polonaise  de  Chopin,  le  Réveil  des  fées  d'Emile  Prudent,  et  plusieurs 
morceaux  de  Hœndel,  de  Weber,  de  Litolff  et  de  Fumagalli.  Les  plus 
intelligents  et,  par  instants,  les  plus  enthousiastes  bravos  ont  prouvé 
à  M.  A.  Billet  que  son  auditoire  savait  apprécier  comme  il  convient 
ses  qualités  rares  et  solides. 

Dans  cette  soirée,  on  a  entendu  et  applaudi  légitimement  Mlle  Hé- 
lène de  Katow,  cette  charmante  élève  de  Servais,  qui  joue  du  vio- 
loncelle de  manière  à  rendre  jaloux  bien  des  virtuoses  de  l'autre  sexe, 
Elle  a  interprété  avec  beaucoup  de  grâce  et  de  sentiment  la  jolie  fan- 
taisie de  son  maître  sur  la  Muette,  et  le  choix  de  ce  morceau  n'a  pas 
été  indifférent  à  l'effet  qu'elle  a  produit.  Mlle  des  Iles  el  Mlle  Léo 
Karl,  deux  fort  belles  personnes  —  ce  qui  ne  gâte  rien  —  s'étaient 
chargées  de  la  partie  vocale  et  ont  eu  aussi  leur  part  d'applaudisse- 
ments. 


A  dimanche  prochain  le  compte  rendu  du  brillant  concert  donné 
par  Schulhoff,  mercredi. 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg,  24  février  (7  mars)  d864. 

Nous  entrons  dans  la  semaine  grasse  (ici  folle)  qui  précède  le  carême. 
La  saison  finit  dans  huit  jours  et  les  théâtres  jouent  deux  fois  par  jour. 
C'est  donc  la  dernière  correspondance  que  je  vous  adresserai  cet  hiver. 
La  Dame  blanche  (Dama  bianca)  a  été  donnée  une  seconde  fois,  et  l'effet 
en  a  été  beaucoup  meilleur  qu'à  la  première  représentation.  Lorsque 
notre  public  sera  revenu  de  sa  prévention  contre  ce  chef-d'œuvre  qu'il 
qualifie  de  petite  musique,  je  ne  doute  pas  qu'il  ne  le  goûte  suivant  son 
mérite,  et  que  sa  place  ne  soit  marquée  la  saison  prochaine,  au  réper- 
toire, à  l'égal  des  plus  favorisés.  Cette  opinion  se  serait  même  déjà  fait 
jour  si  une  indisposition  de  Malvezzi,  éloigné  depuis  dix  jours  de  la 
scène,  n'était  venue  retarder  la  troisième  représentation, qui  sera  seule- 
ment donnée  ce  soir. 

La  semaine  dernière  a  eu  lieu  le  bénéfice  de  Mme  Fioretti,  qui  avait 
choisi  la  Linda.  Elle  a  chanté  admirablement  le  principal  rôle  ;  mais 
cet  ouvrage,  qui  n'avait  pas  été  donné  depuis  une  dizaine  d'années,  n'a 
pas  exercé  d'attraction  sur  le  public,  et  la  salle  était  à  moitié  vide. 

Aujourd'hui  dimanche,  c'était  le  tour  du  bénéfice  de  Mme  Barbot. 
Otello  a  été  donné  pour  cette  solennité  à  midi  ;  la  salle  était  comble  et 
la  représentation  a  été  l'une  des  plus  belles  de  la  saison.  Tamberlick 
avait  retrouvé  tous  ses  moyens,  Graziani  est  un  superbe  îago,  et  Calzo- 
lari  est  parfait  dans  Rodrigo.  Une  salve  réitérée  d'applaudissements,  ac- 
compagnée de  bouquets  et  de  rappels  a  accueilli  ce  dernier  après  son 
grand  air.  Dn  incident  [arrivé  la  veille,  et  dont  le  public  avait  connais- 
sance, n'a  pas  été  étranger  à  cette  démonstration  plus  accentuée  que  de 
coutume.  On  savait  que  Calzolari,  aussi  honorable  comme  homme  privé 
qu'éminent  artiste,  avait  administré  la  veille  une  sévère  correction  à  un 
individu  qui,  grâce  à  une  favorable  homonymie,  s'est  introduit  ici  en  se 
faisant  passer  pour  un  célèbre  chanteur  Italien ,  mais  dont  le  métier, 
depuis  trois  ans,  est  beaucoup  moins  de  donner  des  leçons  de  chant  que  de 
faire  des  dupes  et  surtout  de  faire  chanter  les  artistes.  Déjà  Tamberlick 
avait  dû  lui  donner  l'année  dernière  un  avertissement  significatif,  dont 
il  n'avait  pas  tenu  assez  de  compte.  Cette  fois  la  leçon  qu'il  a  reçue  de 
Calzolari  a  valu  à  ce  dernier  des  félicitations  qui  ont  grossi  d'autant 
les  applaudissements  dus  à  son  talent.  —  Mais  revenons  à  Otello;  on  sait 
que  le  rôle  de  Desdemona  est  un  de  ceux  qui  ont  valu  le  plus  de  succès  à  la 
cantatrice  française  ;  il  ne  s'est  pas  démenti  aujourd'Ôui,  et  le  public  lui 
a  témoigné  sa  satisfaction  en  lui  offrant  un  très-beau  diadème  composé 
de  marguerites  en  brillants,  produit  d'une  souscription  des  habitués  du 
théâtre  Italien,  et  de  magnifiques  bouquets,  sous  le  poids  desquels  la 
cantatrice  a  littéralement  plié. 

Je  crois  vous  avoir  parlé  des  débuts  très-heureux,  au  théâtre  de 
l'opéra  russe,  d'un  ténor  indigène,  AI.  Commissarjewsky.  envoyé  en 
Italie  pour  y  faire  ses  études  musicales,  et  revenu  avec  une  charmante 
voix  et  un  véritable  talent.  Une  intrigue  amoureuse,  qui  s'est  dénouée 
par  un  mariage,  vient  de  le  mettre  subitement  en  évidence.  Bien  accueilli 
dans  quelques  salons  aristocratiques,  il  n'avait  pas  tardé  à  se  voir 
distingué  par  la  fille  d'un  personnage  haut  placé,  avec  laquelle  il  faisait 
fréquemment  de  la  musique.  Il  était  plus  que  douteux  que  les  parents 
de  la  jeune  fille  consentissent  à  la  donner  à  un  artiste,  et  surtout  à  un 
chanteur  de  théâtre.  Aussi  n'essaya-t-il  même  pas  de  faire  une  demande 
qui  avait  si  peu  de  chances  de  réussir,  et  dont  le  résultat  devait  pour 
toujours  l'éloigner  de  celle  qu'il  aimait.  Il  préféra  user  de  la  méthode 
anglaise,  et  comme  la  demoiselle  était  majeure,  un  beau  jour  les  deux 
amants  se  rendirent  à  Tsarskoe-Celo,  résidence  d'été  de  la  famille 
impériale  et  d'une  partie  de  l'aristocratie,  à  cinq  ou  six  lieues  de  la 
capitale,  où  les  attendaient  des  témoins  et  un  prêtre,  et  où  ils  reçurent 
la  bénédiction  nuptiale.  Le  nouvel  époux  avait  déjà  disposé  un  appar- 
tement convenable  pour  recevoir  sa  femme  et,  lorsque,  rentrée  chez 
ses  parents  après  la  cérémonie,  il  s'agit  le  soir  de  les  quitter,  comme 
d'habitude,  pour  se  retirer  dans  sa  chambre,  quelle  ne  fut  pas  leur 
surprise  en  la  voyant  mettre  tranquillement  son  schall  et  son  chapeau 
et  prendre  congé  en  disant  qu'elle  se  rendait  chez  elle.  —  Comment 
chez  toi . . .  ?  —  Mais  oui,  chez  moi  ;  chez  mon  mari,  qui  m'attend.  — 
Quel  mari  ?. . .  Le  coup  était  porté.  En  présence  d'un  fait  accompli,  une 
esclandre  n'aurait  remédié  à  rien.  L'enfant  était  aimée;  les  parents 
pardonnèrent,  et  voilà  comme  le  premier  ténor  de  notre  opéra  se  trouve 
bel  et  bien  marié.  La  chronique  ne  dit  pas  s'il  renoncera  à 
sa  profession. 

L'événement  de  la  semaine  dernière  a  été  le  bénéfice  de  la  Mourawief, 
que  l'été  va  bientôt  vous  ramener.  Un  nouveau  ballet,  Fiammetta,  com- 
posé par  Saint-Léon  pour  le  théâtre  de  Moscou,  remanié  pour  la  scène 
de  Saint-Pétersbourg,  et  le  premier  acte  de  la  Péri,  composaient  la 
représentation  qui  avait  rempli  la  salle  jusqu'aux  combles. 

S.  D 


DE  PARIS. 


85 


L'inauguration  du  monument  élevé  à  la  mémoire  d'Halévy  aura 
lieu  jeudi  prochain  17  mars,  second  anniversaire  de  la  mort  de  l'il- 
lustre compositeur,  au  cimetière  Montmartre,  à  trois  heures  précises. 

L'exécution  du  monument  a  été  conflée  à  M.  Lebas,  et  celle  de  la 
statue  à  M.  Duret,  tous  deux  membres  de  l'Institut. 

Les  élèves  du  Conservatoire,  auxquels  s'adjoindront  des  Sociétés 
orphéoniques,  et  la  musique  de  la  Garde  de  Paris  exécuteront  des 
morceaux  tirés  des  œuvres  d'Halévy. 

M.  le  comte  de  Niewerkerke,  surintendant  des  beaux  arts,  pronon- 
cera un  discours. 

Sur  la  présentation  d'une  lettre  d'invitation,  on  sera  admis  dans 
l'enceinte  réservée. 


NOUVELLES. 


***  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  Moïse,  dont  le  succès  ne  diminue 
pas,  et  la  Maschera,  précédés  du  Docteur  Magnus,  ont  défrayé  le  réper- 
toire de  la  semaine  passée. 

*%  Aujourd'hui,  par  extraordinaire,  Moïse,  pour  les  dernières  repré- 
sentations de  Mlle  Battu  avant  son  départ  pour  Londres. 

***  Mercredi  prochain  doit  avoir  lieu  à  l'Opéra-Comique  la  première 
représentation  de  Lara,  le  nouvel  ouvrage  de  Maillart,  qui  aproduit  le 
plus  grand  effet  aux  répétitions  générales. 

***  Le  lendemain,  jeudi,  doit  être  donné,  au  théâtre  Lyrique,  Mireille, 
l'opéra  en  cinq  actes  de  Gounod. 

***  Au  théâtre  Italien,  il  est  question  de  monter  Don  Giovanni,  qui 
serait  chanté  par  Délie  Sedie,  Mario,  Scalese,  Antonucci,  Marchetti, 
Mmes  Patti,  Carlotta  Marchisio  et  Calderou. 

**„  On  va  mettre  en  répétition,  au  théâtre  Lyrique  impérial,  Erostrate, 
l'opéra  de  Méry  et  d'Ernest  Reyer.  Mlle  de  Maësen  jouera  le  rôle  prin- 
cipal de  cet  ouvrage,  qui  sera  donné  avec  la  Captive,  de  Félicien 
David. 

*%  On  annonce  pour  mardi  prochain  la  première  représentation  des 
Géorgiennes,  le  nouvel  ouvrage  d'Offenbach. 

***  Les  recettes  des  théâtres,  concerts  et  spectacles  de  tout  genre, 
se  sont  élevées  pendant  le  mois  de  février  à  la  somme  de  1,945,352  fr. 
80  c. 

*%  Mme  Cabel,  entièrement  rétablie  d'une  assez  grave  indisposition 
qui  l'éloignait  de  la  scène  depuis  plus  de  deux  mois,  a  fait  une 
rentrée  très-brillante  au  théâtre  de  Lyon,  par  le  Pardon  de  Ploérmel.  Le 
public  l'a  reçue  avec  enthousiasme,  et  l'a  souvent  applaudie,  notamment 
après  la  Berceuse  et  l'air  de  l'Ombre.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer, 
supérieurement  rendu  par  Mmes  Cabel,  Melchissédec  et  Mirai,  a  ainsi 
repris  sa  place  au  répertoire,  dont  il  sera  longtemps  l'un  des  ouvrages 
favoris.  Hier  a  dû  avoir  lieu  le  vingt-quatrième  concert  annuel  de 
Georges  Hainl,  l'ancien  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  cette  ville. 

***  Les  artistes  de  l'Opéra  italien,  le  pianiste  Wieniawski  et  le  vio- 
loniste de  la  Roncheraye  se  sont  fait  entendre  au  concert  des  Tuileries, 
lundi  dernier.  Adelina  Patti  a  ravi  l'auditoire  dans  le  brindisi  du  Tro- 
vatore,  l'air  Non  credea,  de  la  Sonnambula,  le  duo  de  l'Elisire  et  le  qua- 
tuor du  rouet  de  Marta  ;  Délie  Sedie  a  été  applaudi  après  la  romance 
Eri  tu,,  du  Ballo  in  maschera,  et  le  duo  de  Don  Pusquate,  chanté  avec 
Scalese;  Mario  a  eu  de  chaleureux  bravos  dans  la  romance  M'appari 
tuWamore  deMarta, Mme  de Méric  Lablache,  dans  le  rataplan  delà  Forsa 
del  destina. Wieniawski  a  délicieusement  joué  plusieurs  morceaux  de  sa 
composition,  et  n'a  pas  été  le  moins  bien  partagé  dans  ce  brillant  concert. 

***  Le  comité  de  l'Association  des  Artistes  musiciens  a  choisi  cette 
année  la  messe  à  trois  voix  de  François  Bazin  pour  la  solennité  religieuse 
qui  doit  avoir  lieu  à  Notre-Dame,  le  jour  de  l'Annonciation. 

**„.  Jeudi  dernier,  la  troisième  messe  solennelle  de  M.  Charles  Manry 
a  été  exécutée  à  Saint-Eustache,  sous  la  direction  d'Hurand,  par  une 
masse  chorale  imposante  et  un  excellent  orchestre.  C'est  au  bénéfice  de 
la  Caisse  des  écoles  du  deuxième  arrondissement  que  cette  belle  œuvre 
a  été  entendue  pour  la  seconde  fois  à  Paris.  Les  solos  ont  été  chastes  par 
Mlle  Marie  Sax  et  MM.  Warot  et  Bussine;  le  grand  orgue  était  touché  par 


M.  Ed.  Batiste.  Mgr  l'archevêque  de  Paris  a  officié,  et  la  quête  a  été  faite 
par  les  jeunes  pupilles  de  l'Œuvre.  L'église  était  littéralement  comble. 

***  Vivier  se  dispose  à  donner  un  concert.  Beaucoup  de  gens  s'en 
étonneront,  d'autres  refuseront  d'y  croire,  et  pourtant  rien  n'est  plus 
certain.  Le  concert  est  fixé  au  H  avril,  et  aura  lieu  dans  la  salle  Herz. 
Nous  en  publierons  le  programme,  quand  le  moment  sera  venu. 

***  Au  second  concert  de  la  Société  philharmonique  d'Amiens, 
Mlle  de  Taisy  et  M.  Caron,  de  l'Opéra,  se  sont  fait  entendre,  ainsi  que 
M.  Brunot,  le  brillant  flûtiste.  L'orchestre,  vaillamment  dirigé  par 
M.  Lacoste,  a  exécuté  la  polonaise  de  Struensée,  de  manière  à  charmer 
et  h  enthousiasmer  l'auditoire. 

*%  Edouard  Wolff  donnera  son  concert  le  9  avril,  dans  les  salons 
d'Erard.  C'est  la  meilleure  nouvelle  que  nous  puissions  annoncer  aux 
admirateurs  du  célèbre  pianiste,  qui  nous  a  rapporté  de  ses  voyages  un 
talent  singulièrement  grandi  et  d'un  irrésistible  effet.  Le  programme  se 
composera  uniquement  de  morceaux  inédits  et  composés  par  lui. 

***  Samedi  dernier  a  été  exécuté,  dans  les  salons  de  M.  d'Algarra, 
devant  une  nombreuse  et  élégante  société,  un  opéra-comique  inédit 
de  MM.  Henri  de  Bornier  et  Charles  Lartigue.  Nous  pouvons  cons- 
tater que  la  pièce  a  obtenu  un  succès  complet  et  très-mérité.  Elle 
est  intitulée  :  La  Reine  des  Gitanos.  L'action  est  simple,  mais  conduite 
avec  esprit  et  entrain  d'un  bout  à  l'autre.  Quant  à  la  musique,  elle  a 
surpassé  de  beaucoup  notre  attente;  on  nous  annonçait  une  opérette  et 
c'est  un  bel  et  bon  opéra-comique  que  nous  avons  entendu.  Il  nous 
serait  difficile  de  faire  un  choix  parmi  les  sept  ou  huit  morceaux  dont 
se  compose  la  partition  :  partout  la  mélodie  est  fraîche  et  originale,  les 
accompagnements,  écrits  pour  piano  et  quatuor,  sont  riches  et  soi- 
gnés, sans  que  l'on  y  trouve  trace  de  recherche  ou  d'effort.  M.  Lartigue,' 
qui  dirigeait  lui-même  l'exécution  de  son  ouvrage,  a  dû  être  satisfait 
de  la  manière  dont  il  a  été  interprété. 

»**  Voici  le  programme  du  cinquième  concert  populaire  de  musique 
classique  de  la  troisième  et  dernière  série,  qui  aura  lieu  aujourd'hui 
dimanche  :  1°  symphonie  en  mi  bémol,  de  Gounod.  2°  Allegretto  un  poco 
agitato  de  l'op.  58,  de  Mendelssohn.  3°  Ouverture  du  Siège  de  Corin- 
the,  de  Rossini.  4°  Adagio  du  quintette  (op.  108),  de  Mozart,  exécuté 
par  M.  Grizez  (clarinette),  et  tous  les  instruments  à  cordes.  5°  Le  Comte 
d'Egmont,  tragédie  de  Goethe,  musique  de  Beethoven. 

**„  De  retour  de  Bordeaux  où  il  a  été  princièrement  fêté  par  le  Cer- 
cle philharmonique,  Louis  Diémer  annonce  son  concert  annuel,  salons 
Erard,  pour  le  mercredi  soir,  16  mars.  Il  y  fera  entendre  ses  belles 
transcriptions  symphoniques  des  concerts  du  Conservatoire  et  des  con- 
certs populaires,  ainsi  que  les  pièces  des  classiques  Marmontel  et  des 
clavecinistes  Méreaux,  qui  ont  obtenu  un  si  grand  succès  aux  deux 
séances  déjà  données  par  ce  remarquable  virtuose.  MM.  Alard  et  Fran- 
chomme  prêteront  le  concours  de  leur  talent  à  leur  habile  partenaire 
de  musique  de  chambre,  et  Mlle  Maria  Brunetti,  MM.  Léon  Duprez  et 
Jules  Lefort  rempliront  la  partie  vocale. 

»%  L'excellent  contre-bassiste  Gouffé  donnera  mercredi  prochain  son 
concert  annuel  dans  les  salons  de  Pleyel-Wolff. 

*%  Mlle  Marie  Trautmann,  jeune  pianiste  d'un  talent  exceptionnel, 
donnera  un  concert,  le  lundi  21  mars,  dans  la  salle  Herz. 

*%  La  bénédiction  du  nouvel  orgue  que  la  maison  Cavaillé-Coll  vient 
de  placer  dans  l'église  des  Lazaristes,  a  eu  lieu  mercredi  avec  beaucoup 
de  solennité.  M.  Bazille,  organiste  de  Sainte-Elisabeth,  chargé  de  faire 
entendre  l'instrument,  a  été  fort  remarquable  pendant  toute  la  céré- 
monie. La  puissance  de  son  jeu,  la  variété  de  ses  improvisations,  ont 
fait  admirablement  valoir  les  qualités  de  ce  nouvel  orgue. 

„.%.  Du  1er  janvier  au  31  décembre  1863  on  a  donné  au  théâtre  de  la 
cour  à  Dresde  cinquante  et  un  opéras,  dont  trois  nouveaux  :  Ferramors, 
par  Rubinstein;  la  Clochette  de  l'ermite  (les  Dragons  de  Villars),  par 
A.  Maillart  ;  la  Réole,  par  G.  Schmidt.  Parmi  les  reprises,  on  a  surtout 
remarqué  celle  de  Stradella,  de  M.  de  Flotow. 

*%  La  cinquième  séance  de  quatuors  d'Armingaud,  Jacquard,  Lalo 
et  Mas,  aura  lieu  mercredi  prochain,  avec  le  concours  de  M.  Lubeck. 

***  Un  compositeur  français,  résidant  à  Florence  depuis  quelques 
années,  M.  Gabriel  Gaston,  vient  de  fonder  en  cette  ville  une  société 
vouée  à  l'exécution  des  chefs-d'œuvre  classiques  de  la  musique  de 
chambre.  La  Société  Sbolci,  régulièrement  constituée,  s'appuie  sur  un 
excellent  quatuor  composé  de  MM.  G.  Bruni  (premier  violon),  J.  Sbolci 
(violoncelle),  V.  Monnier  (second  violon),  L.  Laschi  (alto).  Elle  se  livre 
à  de  sérieuses  études,  et  va  donner  des  auditions  publiques.  M.  Gabriel 
Gaston,  littérateur  et  musicien  fort  instruit,  n'est  pas  inconnu  de  la 
presse  parisienne  :  il  fut  à  Paris,  il  y  a  quinze  ans,  le  fondateur  et  le 
directeur  d'un  journal  spécial,  intitulé  le  Moniteur  dramatique,  musical 
et  littéraire,  que  les  circonstances  ne  lui  permirent  pas  de  soutenir  au- 
delà  de  quelques  mois. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


„*»  La  partition  originale  de  la  Flûte  enchantée,  en  manuscrit,  est  à 
vendre  en  ce  moment  à  Dresde,  à  la  suite  d'une  faillite. 

***  Ferdinand  Laub.  le  célèbre  violoniste-compositeur,  l'émule  de 
Joachim,  obtient  en  Uollande  un  immense  succès.  Sa  Saltarelle  et  sa 
Polonaise  sont  de  vrais  perles  musicales,  que  chaque  violoniste  voudra 
posséder.  Laub  a  l'intention  de  visiter  Paris  pendant  la  saison  pro- 
chaine. 

*%  Edouard  .de  Hartog,  le  jeune  compositeur  hollandais,  retenu  en 
Hollande  par  des  raisons  de  famille,  sera  de  retour  à  Paris  dans  les 
premiers  jours  d'avril.  Il  s'occupe  d'un  psaume  pour  chœurs,  soli  et 
orchestre,  sans  compter  le  libretio  d'un  opéra-comique  en  trois  actes, 
que  Jules  Barbier  vient  de  lui  confier. 

**»  On  lit  dans  la  Gironde,  journal  de  Bordeaux  :  «  M.  Sarasate  a 
obtenu  hier  au  soir  un  véritable  triomphe  au  Grand-Théâtre.  Accueilli 
d'abord  avec  sympathie  par  les  personnes  qui  l'avaient  déjà  entendu  au 
concert  du  Cercle  philharmonique,  il  n'a  pas  tardé  à  se  faire  également 
apprécier  par  ceux  qui  ne  le  connaissaient  pas.  Dès  le  commencement 
de  son  premier  morceau,  par  la  sûreté  de  son  tcoup  d'archet,  par  la 
correction  de  son  jeu,  par  son  aisance  à  triompher  des  difficultés  et  à 
exprimer  les  plus  fines  et  les  plus  délicates  nuances,  il  a  fait  admirer 
par  les  spectateurs  un  talent  hors  ligne,  et  a  soulevé  les  plus  chaleu- 
reux applaudissements.  » 

***  M.  et  Mme  E.  Ettling  ont  donné  dimanche  dernier  leur  douzième 
matinée  musicale,  avec  le  concours  de  M.  Lutz,  du  théâtre  Lyrique, 
qui  a  chanté,  avec  le  talent  qu'on  lui  connaît,  la  scène  de  Ricjoletto. 
Mlle  Géraldine  Bodin  a  vocalisé  dans  la  perfection  les  variations  de 
Rode  et  l'air  du  Barbier.  —  Une  mélodie  de  Schumann  et  la  Screnata 
de  Braga  ont  été  fort  bien  chantées  par  Mlle  Lee.  L'accompagnement 
de  la  Screnata  sur  le  violoncelle,  ainsi  que  la  fantaisie  sur  Faust ,  et 
une  petite  valse,  exécutés  par  l'auteur,  M.  Lee,  ont  été  vivement  ap- 
plaudis. M.  Ettling  a  fait  entendre  plusieurs  de  ses  élèves,  qui  se  sont 
distingués.  La  séance  s'est  terminée  par  la  représentation  d'une  opé- 
rette intitulée  :  Un  jour  de  noce,  musique  de  M.  Ettling.  M.  A.  Philibert, 
l'auteur  des  paroles,  a  joué  et  chanté  avec  infiniment  de  verve  et 
d'esprit,  et  il  était  fort  bien  secondé  par  le  charmant  baryton,  M.  La- 
font.  La  musique  de  cette  opérette  est  très-jolie.  Les  mélodies  abon- 
dent, et  deux  duos  surtout  sont  parfaitement  traités. 

***  Le  concert  de  Georges  Jacobi  aura  lieu  mardi  prochain,  dans  la 
salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mme  Massard,  de  M.  Eluni  et  de  MM.  les 
membres  de  la  section  de  musique  de  la  société  nationale  des  Beaux- 
Arts.  M.  Jacobi  fera  entendre  son  nouveau  concerto  en  trois  parties, 
pour  violon  et  double  quintette. 

„,%  C'est  jeudi  17,  qu'aura  lieu,  dans  la  salle  Erard,  avec  le  concours 
de  MM.  Alard,  Diémer,  Berthelier,  Soumis  et  Mme  Peudefer,  la  soirée 
musicale  d'Alexandre  Batta.  Le  célèbre  violoncelliste  ne  se  fait  que 
rarement  entendre  à  Paris.  Les  nombreux  admirateurs  de  son  talent  ne 
voudront  donc  pas  manquer  cette  occasion  de  l'applaudir,  ainsi  que 
les  artistes  éminents  dont  il  est  entouré. 

***  W.  Kruger  va  bientôt  se  faire  entendre  à  Bruxelles.  L'éminent 
pianiste-compositeur  y  est  engagé  pour  le  concert  que  l'Association  des 
artistes  donnera  le  2  avril. 

***  M.  Giorza,  l'auteur  de  la  musique  de  la  Maschera,  donnera,  le 
dimanche  3  avril,  un  concert  à  la  salle  Herz. 

„,%  Un  nouveau  ballet  de  Rota,  intitulé  Velleda,  a  été  représenté  avec 
un  très-grand  succès  au  théâtre  de  la  Scala,  à  Milan.  A  Turin  la  Cléo- 
pâtre,  ballet  nouvellement  composé  par  Rota,  musique  de  Giorza,  n'a 
pas  moins  réussi. 

„..*»  Le  concert  de  M.  Giuseppe  Romano  reste  fixé  au  15  de 'ce  mois. 
Sivori,  Ratti  et  Carlo  Unia  prêteront  leur  concours  à  l'éminent  orga- 
niste, qui  fera  entendre,  sur  un  orgue  Alexandre,  les  ouvertures  du 
Pardon  de  Ploërmel,  de  Sémiramis  et  de  Guillaume  Tell. 

*%  Le  15  mars,  concert  du  pianiste  Delcroix  dans  les  salons  Erard, 
avec  le  concours  de  Mme  Anna  Bertini,  MM.  Stroheker,  Jules  Méné- 
trier, Vander  Gucht,  Max-Meyer,  Goufifé  et  Schlottmann. 

*%  Le  concert  de  M.  Joseph  Franck,  de  Liège,  reste  fixé  au  15  mars, 
dans  les  salons  Pleyel.  MM.  Camille  et  Ernest  Demunck  exécuteront 
avec  M.  Franck  son  premier  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle. 

**„  Vendredi  18  mars,  concert  historique  de  M.  et  Mme  Marchesi, 
salle  Ilerz,  à  2  heures. 

.t*t  Dimanche  20,  salle  Ilerz,  concert  donné  par  Mlle  Winnen  Or- 
lowska,  prima  donna  du  théâtre  San  Carlo  de  Naples,  et  M.  Soko- 
lowski,  le  célèbre  guitariste.  On  y  entendra,  outre  les  bénéficiaires, 
Mme  et  M.  Langhans,  MM.  Costanti,  et  Ernest  Demunck. 

***  Le  22,  concert  de  Mlle  de  Vattelette,  harpiste,  salle  Herz,  avec 
le  concours  de  Sivori. 


»**  M.  Vincent  Adler,  de  retour  de  Lyon  où  son  talent  a  fait  sensa- 
tion, donnera  le  jeudi,  31  mars,  un  concert  avec  orchestre  dans  les  sa- 
lons Pleyel. 

***  M.  et  Mme  Ernest  Bertrand  donneront,  aujourd'hui  une  matinée 
musicale,  à  1  heure  et  demie,  dans  les  salons  Erard. 

**«  L'intéressante  notice  sur  Martini,  publiée  dans  ce  journal,  vient 
de  paraître  en  brochure.  C'est  la  continuation  du  travail  consacré  aux 
musiciens  français  par  notre  collaborateur,  Arthur  Pougin. 

***  Un  nouveau  journal  de  musique  et  de  théâtre  :  Boosefs  musical 
and  dramatic  Review,  vient  de  paraître  à  Londres.  Le  prix  d'un  numéro 
n'est  que  d'un  penny  (10  centimes). 

*%  Mme  Simonin-Pollet,  artiste  de  réputation,  qui  avait  été  succes- 
sivement harpiste  de  l'impératrice  Joséphine  et  du  roi  de  Naples  Mu- 
rat,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  quatre-vingt  ans,  à  Châtillon,  près  Paris, 
dans  une  communauté  où  elle  s'était  retirée. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


***  Bordeaux.  —  Le  succès  de  l'opéra  de  Rey,  la  Gitana,  se  soutient. 
Le  Cheval  de  bronze,  d'Auber,  a  été  repris  et  accueilli  avec  une  grande 
faveur.  Le  ténor  Peschard,  Mme  Sallard  et  Mlle  Nordet  s'y  sont  sur- 
tout très-distingués. 

„**  Alger.  —  Le  Pardon  de  Ploërmel  vient  d'être  représenté  pour  la 
première  fois  au  théâtre  de  la  ville.  L'opéra  de  Meyerbeer  a  obtenu 
un  succès  magnifique,  bien  que  l'exécution  en  ait  laissé  à  désirer. 
L'ouverture  et  la  plupart  des  morceaux  de  chant  ont  été  applaudis 
avec  enthousiasme. 


CHRONIQUE   ETRANGERE. 


***  Londres.  —  Le  théâtre  royal  italien  de  Covent-Garden  ouvrira  sa 
dix-huitième  saison  le  29  de  ce  mois.  Voici  la  liste  exacte  des  artistes 
qui  composeront  la  troupe,  réunion  sans  pareille  des  plus  grands  noms 
des  théâtres  lyriques  de  l'Europe  :  Soprani  et  contralli  :  Mmes  Adelina 
Patti,  Pauline  Lucca,  Emmy  Lagrua,  Marie  Battu,  Nantier-Didiée,  Anto- 
nietta  Fricci,  Destinn.  Giuseppina  Tati,  Garulli,  Rudersdorff,  Anese  et 
Tagliafico.  —  Ténors  :  Mario,  Tamberlick,  Naudin,  Wachtel,  Neri-Baraldi, 
Lucchesi  et  Bossi.  —  Barytons  :  Faure,  Graziani,  Ronconi  et  Colonese. 
—  Basses  :  Schmidt  (de  Vienne),  Attri,  Scalese,  Ciampi,  Tagliafico,  Po- 
lonini,  Fallar  et  Capponi.  La  danse  comptera,  parmi  ses  principaux  re- 
présentants, Mlles  Zina  Richard  et  Salvioni.  Comme  toujours,  M.  Costa 
dirigera  l'orchestre,  et  M.  A.  Harris  la  mise  en  scène.  Les  ouvrages  qui 
seront  représentés  pendant  cette  saison  sont  .  La  Norma  (débuts  de 
Mlle  Lagrua),  le  Prophète  (débuts  de  Wachtel),  Il  Barbiere  (Mlle  Patti), 
Il  Trovatore,  le  Pardon  de  Ploërmel  (Mlle  Patti),  les  Huguenots  (Mlle  Lucca), 
Don  Juan  (Faure),  Faust,  Otello,  Robert  le  Diable  (débuts  de  M.  SchmiiJt 
dans  le  rôle  de  Bertram),  l'Elisire  d'amore  (Patti  et  Ronconi),  le  Nozze  di 
Figaro  (avec  Mlles  Lucca,  Patti  et  Battu),  la  Favorite  (Mario  et  Lagrua), 
Fidclio,  Guillaume  Tell,  la  Fille  du  régiment,  Don  Pasquale.  Deux  ouvra- 
ges nouveaux  sont  annoncés  :  la  Forza  del  destina,  de  Verdi,  et  les  Joyeu- 
ses commères  de  Windsor,  de  Nicolaï;  enfin  on  mettra  entièrement  de 
nouveau  en  scène  VEtoile  du  Nord,  dans  lequel  Mlle  Lucca  jouera  le  rôle 
de  Catherine,  Mlle  Battu,  Prascovia,  et  Faure  le  rôle  de  Peters. 

„.**  Bruxelles.  —  Roger  vient  de  faire  ses  adieux  au  public  du  théâtre 
de  la  Monnaie,  dans  la  Favorite.  Le  Nouveau  Seigneur  du  village  y  a  été 
repris  avec  succès.  Lundi  prochain  aura  lieu  la  rentrée  de  Mme  Meyer 
Boulart  dans  la  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel.  On  répète  VEtoile  de 
Messine,  le  ballet  du  comte  Gabrielli,  qui  est  venu  ici  présider  aux  ré- 
pétitions. 

t*t  Vienne.  —  C'est  un  véritable  événement  que  la  reprise  du  Prophète 
à  notre  théâtre  impérial,  après  deux  années  d'interruption.  Par  quelles 
circonstances  une  telle  œuvre  a-t-elle  pu  disparaître  pendant  si  long- 
temps du  répertoire  d'un  théâtre  où  jamais  ouvrage,  ancien  ou  mo- 
derne, n'a  obtenu  de  succès  plus  éclatant,  ni  joui  d'une  popularité  plus 
grande  ?  Nous  l'ignorons.  Toujours  est-il  que  la  reprise  du  chef-d'œuvre 
a  été  accueillie  avec  une  satisfaction  évidente,  et  que  la  salle  s'est 
trouvée  envahie   comme    pour  une    première    représentation.   Ander 


DE  PARIS. 


87 


a  repris  possession  de  son  rôle  de  Jean  de  Leyde,  qu'il  a  créé  à 
Vienne,  et  il  le  joue  avec  la  même  perfection  que  le  premier  jour; 
Mlle  Krauss  est  excellente  dans  le  rôle  de  Bertne,  et  M.  Schmidt, 
qui  vient  d'être  engagé  au  théâtre  de  Covent-Garden,  de  Londres,  est, 
sans  contredit,  ie  meilleur  Oberthal  qu'on  puisse  imaginer.  Mlle  Des- 
tinn,  qui  nous  quitte  également  pour  Londres,  remplissait  le  rôle  de  la 
mère  du  prophète.  Cette  jeune  artiste  ne  manque  certainement  pas  de 
talent,  mais  le  public  se  rappelle  Mme  Csillag,  qui  a  laissé  de  si  beaux 
souvenirs  dans  ce  beau  rôle  de  Fidôs.  —  Le  directeur  de  l'Opéra 
italien  vient  de  publier  le  programme  de  la  saison.  La  troupe  est  com- 
posée des  ténors  Mongini,  Graziani,  Pardini  et  Guidotte;  des  prime 
donne  :  Barbot,  Artot,  Lotti  délia  Santa  et  Volpini,  et  des  barytons  et 
basses,  Bartolini,  Everardi,  randolfini,  Saccomano,  Angelini  et  Cor- 
nago.  —  Le  premier  des  concerts  historiques  de  Zellner,  qui  ont 
reçu  un  accueil  si  favorable,  a  eu  lieu  le  6  mars.  On  y  a  exécuté  des 
morceaux  du  xm0,  xviL',  xvii0  et  xvme  siècle,  entre  autres  deux  chan- 
sons de  Thibaut,  roi  de  Navarre;  deux  duos  de  l'abbé  Clari  (1GG0);  air 
de  Nicolo  Tomelli  (xviii0  siècle);  sonate  de  Richelmann  (xvm°  siècle). 
M.  Zellner,  virtuose  sur  l'harmonium,  a  accompagné  sur  cet  instrument: 
Chant  de  la  pénitence,  par  Meyerbeer,  pour  solo  de  basse-taille  avec 
chœur  à  six  voix.  Ce  dernier  morceau,  si  grave  et  si  solennel ,  a  fait 
une  impression  profonde. 

„**  Stettin.  —  Notre  jolie  salle  de  spectacle,  reproduction  en  minia- 
ture de  celle  du  grand  opéra  de  Berlin,  s'est  remplie  jusqu'aux  combles 
h  l'annonce  des  Huguenots,  que  Mlle  Otto  avait  choisis  pour  son  béné- 
fice. Il  va  sans  dire  que  les  Huguenots  n'étaient  point  une  nouveauté 
pour  nous;  à  Stettin,  aussi  bien  que  sur  tous  les  théâtres  du  monde  ci- 
vilisé, le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  est  depuis  de  longues  années  un 
des  soutiens  les  plus  solides  du  répertoire.  Mais  ce  qui  donnait  un  at- 
trait nouveau  à  cette  représentation,  et  ce  qui  excitait  au  plus  haut  de- 
gré la  curiosité,  c'était  un  air  nouveau  que  Mlle  Otto,  qui  remplissait 
le  rôle  du  page,  faisait  entendre  pour  la  première  fois  à  notre  public; 
c'est  le  rondo  que  l'illustre  maître  a  ajouté,  à  Londres,  au  deuxième  acte, 
pour  Mme  Alboni.  Mlle  Otto  y  a  obtenu  un  succès  d'enthousiasme,  et, 
ce  qui  n'arrive  presque  jamais  à  notre  théâtre,  on  l'a  obligée  de  chanter 
une  seconde  fois  cette  ravissante  inspiration.  Désormais  les  Huguenots 
ne  pourront  plus  être  joués  sans  le  Rondo  du  page.  Parmi  les  autres 
artistes  qui  ont  brillamment  contribué  à  l'éclat  de  la  représentation,  il 
faut  citer  en  première  ligne  Mme  Rœske-Lund  (Valentine)  et  Mlle  Zschie- 
sche  (la  reine);  une  bonne  part  d'éloges  revient  de  droit  à  M.  Saar, 
notre  excellent  chef  d'orchestre. 

„.*,,  Franeforl-sur-Mcin.  —  Mlle  Georgina  Schubert  a  donné  ici  six  re- 
présentations. Le  rôle  où  elle  a  le  plus  de  succès  c'est  celui  de  Dino- 
rah,  gracieuse  création  qui  convient  tout  à  fait  au  talent  plein  de 
charme  et  de  poésie  de  Mlle  Schubert.  —  Au  dixième  concert  du  musée, 
le  violoniste  Bott  a  joué  le  12e  concerto  de  son  maître,  Louis  Spohr. 

***  Olmutz.—  Dinorah,  de  Meyerbeer,  ne  cesse  pas  d'exercer  une  grande 
puissance  d'attraction  sur  le  public  ;  cette  partition  magistrale  n'a  pas 
eu  moins  de  vingt  représentations,  et  la  vogue  en  est  toujours  la  même. 


—  Après  une  interruption  de  trois  années,  la  reprise  du  Prophète  a  été 
accueillie  avec  enthousiasme  ;  trois  représentations  consécutives  ont  eu 
lieu  devant  un  auditoire  qui  ne  cessait  de  donner  presque  à  chaque 
scène  des  marques  bruyantes  de  son  admiration. 

*  Brunsirick.  —  Au  huitième  concert  d'abonnement,  la  chapelle  du- 
cae  a  exécuté  l'ouverture  de  Benvenuto  Cellini,  et  la  Fée  Mab,  de  Ber- 
lioz. Ce  dernier  morceau  a  été  bissé. 

***  Schivcrin.  —  L'opéra  nouveau,  Claudine,  texte  de  Goethe,  musique 
de  Franz,  vient  d'être  joué  pour  la  première  fois  au  théâtre  de  la  cour. 
Mlle  de  Anna,  de  l'opéra  royal  de  Berlin,  chantait  le  rôle  de  Pedro  ; 
elle  a  été  souvent  applaudie  et  a  eu  les  honneurs  du  rappel  après  la 
cavatine  du  deuxième  acte. 

»*„  Lisbonne.  —  Pour  la  représentation  à  son  bénéfice,  Mme  Tedesco 
avait  choisi  le  Prophète,  de  Meyerbeer,  et  le  succès  du  chef-d'œuvre  que 
l'on  jouait  ici  pour  la  première  fois  pendant  cette  saison,  a  été  prodi- 
gieux. Celui  de  la  cantatrice,  admirablement  secondée  par  Mongini,  Ga- 
rulli  et  Beneventano,  a  dépassé  tout  ce  qu'on  pouvait  attendre.  L'or- 
chestre, sous  la  direction  du  nouveau  chef,  Emilio  Lami,  a  fait  mer- 
veille, ainsi  que  les  chœurs.  Plusieurs  passages  du  rôle  de  Fidès,  Yarioso 
du  second  acte,  la  grande  scène  du  quatrième,  l'air  du  cinquième, 
ont  fourni  à  Mme  Tedesco  l'occasion  de  soulever  des  transports  d'en- 
thousiasme. Rappelée  à  grands  cris,  elle  a  partagé  plusieurs  de  ses  ova- 
tions avec  Mongini,  l'éminent  ténor.  Les  couronnes  et  les  fleurs  ne  lui 
ont  pas  manqué  non  plus.  Des  notabilités  de  l'ordre  le  plus  élevé  assis- 
taient au  spectacle. 


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Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  les  instruments  de  Sax,  par  Mohr.   .   .  18  > 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 9  : 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  E.  Wolff.  10  : 

4e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  ut  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 9    i 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains 10    i 

de  Meyerbeer,  morceau  de    salon  pour  le  piano,  7  fr.  50. 


OUVERTURE 

Grande  partition   et    parties 

d'orchestre,  chaque.  ...  24 
La  même,  arrangée  pour  piano  9 
Arrangée  à  quatre  mains.  .   .  10 


STRDENSÉE 


POLONAISE 

Grande  partition    et  parties 

d'orchestre,  chaque.  ...  20  » 
La  même,  arrangée  pour  piano  7  50 
Arrangée  à  quatre  mains  .   .    9    » 


SCHILLER -MARSCH 

Composée  pour  la  célébration  dit  100e  anniversaire  de  la  naissance  de  Schiller. 

Grande  partition 28    »    |    Parties  d'orchestre  ....  24    • 

Arrangée  pour  le  piano,  par  Chariot 7  50 

Arrangée  à  quatre  mains,  par  E.  Wolff 10    » 

Liszt.  —  Transcription,  morceau  de  concert 10    » 


MARCHE  DU  COURONNEMENT 


Composée  pour  le  sacre  du  roi  Guillaume  Ier  de  Prusse. 

Pour  2  orchestres,  grande  partition  et  parties  d'orchestre,  chaq.  30 

La  même,  arrangée  pour  un  orchestre,  parties  d'orchestre  ...  24 

Arrangée  pour  le  piano,  par  Kullack 9 

Arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  Brissler 10 


OUVERTURE    EN    FORME  DE    MARCHE,    composée  pour  l'inauguration  de  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

Grande  partition,  24  fr.  —  Parties  d'orchestre,  24  fr.  —Arrangement  pour  le  piano,  10  fr.  —  Arrangement  à  quatre  mains,  12  fr. 


■  IUPBIUEBIE  CENTRALE  DE  N\POlÉO!V  CDAIX  ET  C«,  BVJE  I 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  ï.. 


31e  Année, 


ON  S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger. 

chez  tous  les   Marchands  de   Musique,  1rs  Librain 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


N°  12. 


=<KS©^S>*=— <=■ 


REVUE 


20  Mars  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 2*  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  "       id. 

Étranger 34  »       '<•■ 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


ET 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


Avec  le  prochain  numéro  nos  abonnés  recevront 
une  nouvelle  composition  (l'EUlLE  «JONAS,  Souvenir 
(f'tin  songe,  mélodie  pour  le  piano. 


SOMMAIRE.  —  Inauguration  du  monument  à  la  mémoire  d'Halévy.  —  Messe 
composée  par  Rossini,  par  Cï.  Héquet.  —  Théâtre  des  Bouffes  -  Parisiens  : 
te  Géorgiennes,  opéra-bouffe  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Jules  Moineaux, 
musique  M.  Jacques  Offenbach.  —  Concert  de  J.  Schulhoff.  —  Auditions  et 
concerts.  —  Correspondance:  Saint-Pétersbourg.  —  Nouvelles  et  annonces. 


IHAUGURATION  DU  MONUMENT  A  LA  MÉMOIRE  D'HALÉVY. 

(17  mars.) 

La  touchante  et  unanime  manifestation  qui  s'est  produite  aux  ob- 
sèques d'Halévy  s'est  renouvelée  à  l'inauguration  du  monument  qui 
a  été  élevé  à  la  mémoire  de  l'illustre  compositeur  par  les  soins  pieux 
de  ses  admirateurs  et  de  ses  amis.  La  même  foule  qui  se  pressait,  il 
y  a  deux  ans,  autour  d'un  cercueil,  se  pressait  aujourd'hui  autour 
d'une  statue. 

Le  monument  a  été  construit  par  un  maître,  M.  Le  Bas,  que  des 
liens  de  famille  rattachaient  à  Fromental  Halévy.  Le  tombeau  s'élève 
à  l'extrémité  du  cimetière  israélite  et  se  présente  avec  un  imposant 
caractère  de  simplicité  et  de  grandeur.  Sur  un  piédestal  de  granit 
rouge  s'étagent  trois  gradins  de  marbre  blanc,  ornés  de  trente-deux 
couronnes  formant  écussons  et  contenant  les  titres  des  œuvres  qui 
ont  porté  si  haut  le  nom  d'Halévy.  La  statue  se  dresse  au-de°sus  de 
ees  courounes  qui,  selon  les  heureuses  paroles  de  M.  le  comte  de 
Nieuwerkerke,  étaient  le  seul  piédestal  qui  convînt  à  une  semblable 
image.  Cette  statue  se  distingue  parmi  les  œuvres  les  plus  remar- 
quables de  notre  célèbre  sculpteur  Duret  ;  l'artiste  a  été  inspiré  par 
l'ami. 

Halévy  est  représenté  dans  le  costume  de  membre  de  l'Institut,  et 
sur  l'habit  moderne  vient  se  draper  un  manteau  dont  les  larges  plis 
donnent  à  cette  belle  œuvre  l'aspect  sculptural  de  la  statuaire  an- 
tique. 

Avant  l'heure  fixée  pour    la    cérémonie ,  une   foule   innombrable 


avait  envahi  l'enceinte  du  cimetière  israélite.  L'Institut,  la  société 
des  auteurs  et  des  compositeurs  dramatiques,  le  Conservatoire,  le 
héâtre,  tout  ce  qui  se  rattache  aux  arts  etj  aux  lettres,  avaient 
tenu  à  honneur  de  venir  rendre  ce  suprême  hommage  au  musicien  et 
à  l'écrivain.  Nous  renonçons  à  donner  ici  les  noms  marquants,  parce 
qu'il  faudrait  citer  tout  le  monde. 

A  3  heures  précises,  la  commission,  chargée  de  l'érection  du 
monument,  s'est  réunie  autour  du  mausolée.  Cette  commission,  pré- 
sidée par  M.  Auber,  était  composée  de  MM.  le  général  Mellinel,  le 
comte  de  Nieuwerkerke,  le  prince  Poniatowski,  le  baron  Taylor, 
vice-présidents  ; 

De  MM.  Edouard  Bertin,  le  colonel  Cerfbeer,  Joseph  Cohen,  Jules 
Cohen,  Couder,  membre  de  l'Institut,  Camille  Doucet,  Duret,  membre 
de  l'Institut,  Marchai  de  Calvi,  Emile  Pereire,  Isaac  Pereire,  Emile  Per- 
rin,  Charles  Rety,  Edouard  Rodrigues,  Alphonse  Royer,  de  Saint- 
Georges,  Ambroise  Thomas,  membre  de  l'Institut.  L.  Véron  et  Edouard 
Monnais,  secrétaire. 

Les  élèves  du  Conservatoire  ont  aussitôt  fait  entendre,  avec  un 
chaleureux  ensemble,  le  magnifique  chœur  de  l'acte  des  tombeaux 
dans  Guido  et  Ginevra,  sur  lequel  on  avait  adapté  les  paroles  d'un 
chant  funèbre  traduit  de  l'hébreu  en  français.  Au  moment  où  s'ache- 
vait h  dernière  strophe,  le  voile  qui  recouvrait  le  monument  est  tombé, 
et  la  statue,  éclairée  par  un  rayon  de  soleil,  a  rendu  à  toute  l'assis- 
tance émue  et  recueillie  les  traits  du  maître  et  de  l'ami. 

M.  le  com'e  de  Nieuwerkerke,  surintendant  des  Beaux-Arts,  a  pris 
alors  la  parole  et  a  prononcé  le  discours  suivant  : 

«  Messieurs,  s'il  est  vrai  que  les  hommes  de  génie  ne  meurent 
pas  tout  entiers,  s'il  est  vrai  que  même  après  l'heure  cruelle  qui 
met  un  terme  à  leurs  créations  magnifiques,  ils  continuent  parmi 
nous  l'œuvre  d'enchantement  pour  laquelle  ils  étaient  venus  sur 
cette  terre,  on  peut  dire  d'Halévy  que  longtemps  encore  il  vivra 
pour  nous  charmer  et  charmer  après  nous  bien  des  générations. 

»  Au  pied  de  la  statue  d'Halévy,  nous  sommes  donc  partagés  entre 
le  sentiment  d'un  regret  profond  et  celui  d'une  joie  sereine  et  grave. 
Nos  cœurs  s'unissent  ici  pour  rendre  un  hommage  solennel  à  l'homme 
aimable  que  nous  avons  tous  aimé  en  effet,  et  à  l'homme  supérieur 
qui  a  écrit  tant  de  compositions  où  une  science  merveilleuse  s'allie 
aux  inspirations  musicales  les  plus  variées  et  les  plus  riches,  à  l'au- 
teur de  la  Juive, 


90 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  J'ai  rappelé  les  qualités  morales  d'Halévy  avant  de  rappeler  les 
œuvres  de  son  génie.  Vous  me  le  pardonnerez,  Messieurs,  et  vous  le 
comprendrez.  L'homme  de  génie,  la  postérité  l'admirera  comme  nous 
l'avons  admiré.  Par  ses  ouvrages,  il  lui  appartiendra  comme  il  nous 
appartient  à  nous-mêmes.  Mais  nous  avons  joui  d'un  privilège  dont 
elle  sera  bien  jalouse  ;  elle  nous  enviera  certainement  d'avoir  connu 
celui  dont  elle  ne  connaîtra  que  les  mélodies  immortelles,  cet  homme 
d'esprit,  cet  homme  de  cœur  qui,  par  sa  gracieuse  modestie,  s'ef- 
forçait de  faire  oublier  son  éclatante  supériorité. 

»  N'éprouvons-nous  pas  tous  les  jours  ce  regret  de  n'avoir  pu 
connaître  les  grands  hommes  du  passé  ?  Qui  ne  voudrait  avoir  vu, 
ne  fûl-ce  qu'un  instant,  Mozart,  Raphaël,  Michel-Ange?  Hélas!  nous 
ne  pouvons  toujours  satisfaire  notre  pieuse  curiosité  à  cet  égard  ;  les 
traits  de  beaucoup  d'hommes  illustres  des  siècles  écoulés  ne  sont 
point  parvenus  jusqu'à  nous;  leurs  contemporains  ont  négligé  de 
nous  les  transmettre. 

»  La  postérité  ne  nous  accusera  pas  d'une  semblable  négligence. 
Si  le  génie  d'Halévy  a  réservé  de  nombreuses  jouissances  à  coux  qui 
viendront  après  nous,  nous  leur  laisserons  du  moins  une  reproduc- 
tion fidèle  de  ses  traits.  Remercions  donc  M.  Duret  de  les  avoir  re- 
produits avec  tant  de  conscience  et  de  talent. 

»  Mais,  en  voyant  Halévy  revivre  dans  ce  beau  marbre,  j'oublie 
l'œuvre  d'art  pour  ne  plus  me  souvenir  que  de  celui  qu'elle  repré- 
sente. En  le  voyant  ici,  revêtu  du  costume  de  l'illustre  compagnie 
dont  il  était  une  des  gloires,  je  me  reporte  au  jour  où  il  fut  appelé 
à  ce  poste  important  de  secrétaire  perpétuel  par  les  suffrages  de  ses 
confrères  de  l'Académie  des  beaux-arts.  Ce  fut  une  heureuse  nou- 
veauté de  voir  cette  classe  de  l'Institut  choisir  son  secrétaire  sans 
sortir  de  chez  elle.  Si  l'innovation  étonna  tout  d'abord,  on  n'eut 
bientôt  qu'à  s'en  féliciter;  car  non-seulement  Halévy  apporta  dans 
l'exercice  de  ces  délicates  fonctions  une  haute  intelligence,  une  éru- 
dition charmante,  facile,  ennemie  du  pédantisme,  un  goût  exquis  pour 
toutes  les  formes  du  beau,  qu'il  goûtait  toutes,  étant  passé  maître  au 
moins  dans  l'une  ;  un  art  de  bien  dire  dont  témoigne  le  recueil  des 
Eloges  qu'il  a  prononcés  aux  séances  annuelles  de  l'Académie  ;  il  sa- 
vait encore,  par  sa  bonne  grâce,  son  aménité  parfaite,  son  aimable 
simplicité  et  sa  grande  expérience,  il  savait,  dis-je,  adoucir  toutes  les 
aspérités  des  situations  difficiles.  Sur  cette  pente,  Messieurs,  je  m'ar- 
rête, car,  malgré  moi  je  sens  que  je  me  laisse  gagner  à  exprimer 
des  regrets,  et,  je  vous  l'ai  dit,  cette  cérémonie  ne  saurait  avoir  un 
caractère  de  deuil. 

»  Souvenons- nous  plutôt  que  les  Hébreux  nomment  d'un  nom  tou- 
chant le  terrain  où  nous  sommes  ;  ils  l'appellent  la  Maisondes  vivants. 
Ne  parlons  donc  que  de  ce  qui  ne  périra  pas  dans  Halévy,  ne  par- 
lons que  de  sa  gloire. 

»  Je  ne  vous  redirai  pas  les  difficultés  de  toutes  sortes  qui  accom- 
pagnèrent ses  débuts  dans  la  carrière  musicale.  Il  est  peu  de  grands 
hommes  qui  n'en  aient  souffert  de  pareilles,  et  il  semble  que  ces  dif- 
ficultés qui  abattent  les  fausses  vocations  soient  au  contraire  le  plus 
sûr  aiguillon  des  hommes  supérieurs.  A  vingt  ans,  il  avait  remporté 
le  grand  prix  de  composition  aux  concours  de  l'Institut.  A  Rome,  il  se 
lia  avec  Rossini,  à  Vienne  il  connut  Reethoven  :  prédestination  singu- 
lière qui  mettait  son  génie  naissant  en  contact  avec  les  représentants 
du  génie  de  l'Allemagne  et  du  génie  de  l'Italie.  En  y  ajoutant  la 
clarté,  la  sobriété  de  l'esprit  français,  et  son  originalité  propre,  c'est 
entre  la  haute  et  savante  inspiration  de  Reethoven  et  la  magnifique 
abondance  des  mélodies  de  Rossini  que  le  talent  d'Halévy  a  conquis 
une  place  à  part. 

»  Notre  mémoire  est  encore  tout  enivrée  des  beautés  de  la  Juive, 
de  cette  œuvre  puissante  qui  fut  en  France  et  bientôt  en  Europe  la 
révélation  d'un  mérite  de  premier  ordre,  d'une  organisation  musi- 
cale exceptionnelle,  faite  pour  embrasser  les  plus  vastes  créations, 
comme  le  prouvèrent  depuis  Gicido  et  Ginevra,  la  Reine  de  Chypre, 


la  Magicienne,  et  cette  grande  œuvre,  aux  accents  héroïques,  l'opéra 
de  Charles  VI.  Parmi  tant  de  créations  mélodieuses,  échappées  aux 
lyriques  effusions  de  nos  maîtres  français,  en  est-il  une  seule  qui  ait 
agité  plus  profondément  la  sympathie  populaire?  Quel  triomphe  que 
ces  chœurs  de  Charles  VI,  faisant  passer  dans  l'âme  de  tout  un  peu- 
ple les  sublimes  émotions  du  sentiment  patriotique! 

»  Après  de  tels  élans,  Halévy  se  laissait  aller,  comme  en  se  jouant, 
aux  gracieux  caprices  de  son  imagination  tour  à  tour  pathétique  et 
souriante;  il  nous  charmait  par  les  élégantes  mélodies  de  l'Eclair, 
des  Mousquetaires  de  la  Reine,  de  la  Fée  aux  Roses,  de  Jaguarita 
l'Indienne.  En  1848,  au  milieu  des  préoccupations  publiques  les  plus 
graves,  n'avait-il  pas  réussi  à  ramener  aux  paisibles  jouissances  de 
son  art  une  société  troublée  qu'il  subjuguait  par  les  naïfs  et  tendres 
échos  du  Val  d'Andorre! 

»  Je  n'insiste  pas  davantage,  Messieurs,  car,  parmi  ses  confrères 
de  l'Académie,  il  appartiendrait  à  de  plus  autorisés  que  moi  de  parler 
dignement  du  génie  musical  d'Halévy.  On  l'a  fait  d'ailleurs  en  ter- 
mes émus,  dignes  de  son  talent,  le  jour  même  où  nous  avons  rendu 
à  sa  dépouille  mortelle  les  douloureux  et  derniers  honneurs.  J'ai 
voulu  seulement  rappeler  quelques-unes  des  couronnes  de  ce  génie  fé- 
cond. M.  Le  Ras,  l'architecte  qui  a  élevé  ce  monument,  a  bien  com- 
pris que  nul  trophée  n'était  plus  glorieux  que  ces  couronnes  ;  il  s'est 
dit  justement  qu'elles  étaient  le  seul  piédestal  qui  convînt  à  une  sem- 
blable image. 

»  Entourer  de  lauriers  le  titre  de  tant  de  chefs-d'œuvre,  c'était 
formuler  le  jugement  de  l'Europe  contemporaine  sur  Halévy.  Ce  ju- 
gement, nous  en  sommes  convaincus,  sera  celui  de  la  postérité.  Nous 
pouvons  donc  dès  aujourd'hui,  sans  craindre  d'être  démentis  par  les 
âges  à  venir,  mettre  l'auteur  de  la  Juive  et  de  Charles  VI  aux  pre- 
miers rangs  de  ceux  qui  ont  charmé,  élevé,  consolé  l'humanité  par 
leur  art,  remplissant  ainsi  leur  glorieuse  mission.  C'est  Halévy,  en 
effet,  qui  a  dit  de  la  musique,  qu'elle  était  «  un  art  que  Dieu  semble 
»  nous  avoir  donné  pour  que  toutes  les  voix,  confondant  leurs  ac- 
»  cents,  lui  portent  les  prières  de  la  terre  unies  dans  un  rhythme 
»  harmonieux.  » 

Ce  discours,  qui  répondait  si  bien  aux  sentiments  intimes  d'un  im- 
mense auditoire,  a  été  interrompu  à  plusieurs  reprises  par  les  mar- 
ques les  plus  vives  de  sympathiques  approbations. 

La  musique  de  la  garde  de  Paris  a  ensuite  exécuté  la  grande 
marche  de  la  Reine  de  Chypre  et  plusieurs  autres  morceaux  tirés  des 
ouvrages  d'Halévy.  Longtemps  après  la  fin  de  cette  belle  cérémonie, 
qui  portait  en  elle  ses  tristesses  et  ses  consolations,  la  foule  station- 
nait encore  autour  de  l'image  de  celui  que  chacun  aimait  à  faire  re- 
vivre dans  sa  pensée  et  qui  ne  mourra  dans  aucun  souvenir. 

(Moniteur  du  vendredi  4  8  mars.) 


MESSE  COMPOSÉE  PAR  ROSSINI  \ 

Voici  un  grand  événement  musical.  Rossini  a  composé  une  messe 
solennelle  à  quatre  parties  vocales,  avec  solos  ou  soli,  et  cette  messe 
vient  d'être  exécutée  pour  la  première  fois  dans  le  grand  et  magni- 
fique hôtel  que  M.  le  comte  Pillet-Will  a  fait  bâtir  dans  la  rue  de 
Moncey.  Je  ferais  un  volume  si  je  voulais  décrire  toutes  les  splen- 
deurs de  cette  demeure  digne  d'un  roi.  Mais  qu'est-ce  que  le  marbre, 
et  l'or,  et  le  velours,  et  le  brocart,  au  prix  du  glorieux  éclat  qui  a 
signalé  son  inauguration,  et  de  cette  manifestation  inattendue  d'un 
génie  qui  se  transforme  et  se  révèle  sous  un  nouvel  aspect,  lorsque 
l'on  croyait  qu'il  avait  dit  depuis  longtemps  son  dernier  mot? 

(1)  Nous  empruntons  à  notre  collaborateur  G.  Héquet  l'article  que  l'on  va 
lire  et  qui  a  déjà  paru  dans  l'Illustration. 


DE  PAKIS. 


91 


Rossini  a  eu  le  29  février  dernier  soixante-douze  ans  révolus,  et 
c'est  dans  le  courant  de  l'été  passé  qu'il  a  écrit  tranquillement ,  et 
sans  le  moindre  effort,  cette  œuvre  admirable  que  j'ai  eu  le  bonheur 
d'entendre  il  y  a  peu  de  jours.  On  y  sent,  dès  les  premières  me- 
sures, le  souffle  puissant  qui  animait  ce  grand  artiste  il  y  a  trente 
ans,  lorsqu'il  lui  plut  de  s'arrêter  tout  à  coup  au  point  culminant  de 
sa  glorieuse  carrière.  L'auteur  de  Guillaume  Tell  se  dresse  devant 
vous  de  toute  sa  hauteur,  et  vous  vous  apercevez  avec  étonnement 
que  ni  le  temps  ni  l'inaction  n'ont  rien  fait  perdre  à  cette  intelli- 
gence si  merveilleusement  douée.  Même  facilité  d'invention,  même 
abondance  mélodique,  même  noblesse  de  style  et  même  élégance, 
même  nouveauté  de  tour,  même  richesse  harmonique,  même  har- 
diesse et  même  bonheur  dans  la  modulation,  même  vigueur  de  con- 
ception et  d'expression,  même  habileté  dans  la  conduite  et  l'agence- 
ment des  voix,  même  art  magistral  et  souverain  dans  le  plan  général 
de  l'ouvrage,  et  dans  le  plan  particulier  de  chaque  morceau. 

Les  croque-notes  qui  croient  tout  savoir  parce  qu'ils  ont  écrit, 
tant  bien  que  mal,  une  certaine  quantité  de  fugues  à  quatre  parties, 
tout  en  reconnaissant  à  Rossini  le  génie  qu'il  aurait  été  difficile  de 
lui  contester, se  dédommageaient  en  l'accusant  de  manquer  de  science. 
Ils  oubliaient  le  mot  de  Grétry,  qui  aurait  dû  suffire,  à  mon  sens, 
pour  résoudre  la  question  :  «  Celui  qui  a  le  génie  sans  la  science  a 
le  tout,  dont  il  ne  sait  que  faire.  »  Rossini,  dans  sa  musique  dra- 
matique, se  servait  peu  des  formules  scolastiques,  parce  qu'elles  y 
auraient  été  déplacées.  Mais  pouvait -on  imaginer  qu'il  fût  arrivé  à 
cette  fermeté  de  touche,  et  à  cette  perfection  de  forme  sans  avoir 
fait  toutes  les  études  dont  les  maîtres  de  l'art  ont  tracé  le  programme, 
sans  avoir  parcouru  le  cercle  entier  de  la  rhétorique  musicale?  Le 
genre  religieux  admettant,  appelant  même  ce  que  le  genre  théâtral 
repousse,  Rossini  a  fait,  dans  sa  messe,  à  la  fugue,  au  style  fugué,  au 
style  concerté,  la  place  qui  leur  était  due.  Son  Christe  eleison  est 
écrit  avec  cet  art  savant  dont  Palestrina  a  tracé  de  si  beaux  modèles. 

On  trouverait  difficilement  un  tissu  plus  serré  et  plus  fin  d'imita- 
tions canoniques.  Le  Credo  finit  par  une  pièce  fuguée,  digne  des  plus 
grands  maîtres,  et  que  Cherubini  lui-même  ne  désavouerait  pas. 

Enfin,  le  Gloria  in  excelsis  a  pour  conclusion  une  fugue  d'un  dé- 
veloppement immense,  d'un  effet  grandiose  et  d'un  intérêt  inouï. 
Tout  compositeur  bien  appris  peut  disposer  un  sujet  et  un  contre- 
sujet,  les  promener  en  entier  ou  par  fragments  dans  les  tons  rela- 
tifs, et  les  condenser  à  la  fin  dans  un  streito  agencé  avec  plus  ou 
moins  d'adresse.  Mais  donner  au  fruit  de  ce  travail  presque  mathé- 
matique du  caractère,  de  l'expression,  de  la  couleur,  y  mettra  de 
la  variété,  des  nuances,  des  contrastes,  satisfaire  les  oreilles  les  plus 
exercées,  et  en  même  temps  tenir  en  haleine  les  auditeurs  les  plus 
étrangers  à  ces  combinaisons,  voilà  ce  que  le  ciel  n'a  daigné  accor- 
der, depuis  deux  siècles,  qu'à  un  très-petit  nombre  de  privilégiés 
tels  que  Haendel,  Haydn,  Cherubini  ou  Mozart.  Aussi  bien  inspiré 
qu'aucun  de  ces  puissants  artistes,  Rossini  a  fait  de  sa  fugue  une 
œuvre  de  génie  plus  encore  que  de  science,  un  tableau  qui  éblouit 
l'imagination,  un  hymne  qui  saisit  le  cœur,  l'émeut  et  l'enflamme . 

Le  début  de  ce  Gloria,  qui  reparaît  après  la  fugue,  a  une  ardeur 
et  une  majesté  incomparables. 

Après  cette  belle  introduction  viennent  successivement  un  trio 
pour  contralto,  ténor  et  basse,  un  air  de  ténor,  un  air  de  basse,  un 
duo  pour  soprano  et  contralto.  Tous  ces  morceaux  diffèrent  de  rhy- 
thme,  de  couleur  et  d'expression,  selon  le  sens  des  paroles  et  le 
sentiment  à  exprimer.  Le  duo  pour  soprano  et  contralto  :  Qui  tollis 
peccata  mundi,  miserere  nobis,  a  une  tendresse,  une  mélancolie  et 
une  grâce  inexprimables. 

Dans  le  Credo,  Rossini  a  suivi  l'exemple  donné  par  Cherubini  dans 
la  messe  du  sacre.  Il  fait  répéter  au  chœur  :  Credo  !  Credo  !  après 
l'énoncé  de  chaque  article  de  foi.  Mais  l'imitation  s'arrête  là,  et  le 
compositeur  y  déploie  des  trésors  de  mélodie  dont  Cherubini  n'a  ja- 


mais eu  la  clef  à  sa  disposition.  Le  Crucifixus  a  servi  de  texte  h  un 
air  de  soprano.  Les  mots  passus  et  sepullus  est  y  sont  rendus  avec 
une  profondeur  d'expression  dont  rien  n'approche.  Le  chœur  reprend 
ensuite  à  ces  mots  :  et  resurrexit  lertiâ  die.  C'est  un  chant  triom- 
phal d'un  élan  et  d'un  éclat  extraordinaires. 

V  Offertoire  est  un  morceau  d'orgne  digne,  pour  la  facture,  de  S. 
Bach.  Mais  il  y  règne  un  charme  mélancolique  et  rêveur  dont  Bach 
lui-même  a  trouvé  bien  rarement  le  secret.  Le  début  brillant  et  ma- 
jestueux du  Sanctus  est  suivi  d'un  Benediclus  à  deux  voix,  d'une 
élégance  et  d'une  grâce  merveilleuses.  Enfin,  YAgnus  Dei,  phrase 
d'une  tendresse  infinie,  commencée  par  le  contralto  et  terminée  par 
le  chœur,  sur  les  mots  :  miserere  nobis,  —  dona  nobis  pacem,  rem- 
plit l'âme,  tout  à  la  fois,  de  tristesse  et  d'espérance. 

Cette  œuvre  magistrale  attend  un  accompagnement  d'orchestre 
qui  n'est  pas  encore  écrit.  Il  n'y  avait,  pour  soutenir  les  voix,  que 
deux  pianos  et  un  harmonium.  L'exiguïté  de  ces  moyens  d'exécution 
n'en  a  pas  empêché  l'effet,  —  quelques  passages  exceptés,  où  la  vi- 
gueur, l'éclat  et  l'accent  des  violons  auraient  été  nécessaires.  Mais 
ces  moments  ont  été  rares,  car  M.  Georges  Mathias  tenait  le  piano 
principal,  et  personne  ne  sait  donner  à  cet  instrument  une  voix  plus 
sonore  et  plus  mélodieuse. 

Les  deux  sœurs  Marchisio  chantaient  les  solos  avec  MM.  Gardoni 
et  Agnesi.  le  puis  donc  me  dispenser  d'ajouter  que  l'exécution  vocale 
a  été  à  peu  près  parfaite. 

Le  brillant  auditoire  a  voulu  entendre  deux  fois  le  Cum  Sanclo, 
le  Sanctus  et  YAgnus  Dei.  Les  applaudissements  les  plus  chaleureux 
ont  éclaté  après  chacun  des  morceaux  capitaux  dont  se  compose  cette 
messe  magistrale. 

G.  HÉQUET. 


THEATRE  DES  BOUFFES-PARISIENS. 

JL.ES»    GÉORGIENNES, 

Opéra  bouffe  en  trois  actes,  paroles  de  Jules  Moineaux, 
musique  de  Jacques  Offenbach. 

(Première  représentation  le  16  mars  1864.) 

En  agrandissant  son  cadre,  la  direction  des  Bouffes-Parisiens  a 
compris  qu'elle  devait  en  même  temps  élever  son  genre,  et  c'est 
dans  ce  but  qu'elle  a  donné  aux  Géorgiennes  les  proportions  d'un 
véritable  opérac-omique,  monté  avec  un  soin,  avec  un  luxe  qui, 
jusqu'à  ce  jour,  semblaient  ne  pouvoir  être  accessibles  qu'à  des 
théâtres  subventionnés. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pour  cela  que  la  fantaisie  en  ait  été  exclue  ; 
elle  y  règne  au  contraire  plus  que  jamais,  et  c'est  par  ce  seul  lien 
que  les  Géorgiennes  se  rattachent  à  l'ancien  ordre  de  choses.  M.  Ju- 
les Moineaux,  l'auteur  des  Deux  Aveugles,  s'est  souvenu  de  son 
premier  succès,  et  c'est  aux  mêmes  éléments  bouffons  qu'il  a  puisé 
les  effets  de  son  libretto.  Comment  raconter  de  pareilles  énormités, 
qui  déroutent  le  bon  sens,  mais  qui  désarment,  par  le  rire,  la  cri- 
tique la  plus  intraitable?  Nous  essaierons  pourtant  de  nous  recon- 
naître à  travers   ce  dédale  de  drôleries  les  plus  excentriques. 

Les  Géorgiennes  sont,  dit-on,  les  plus  belles  femmes  de  l'Orient, 
et,  à  ce  titre,  elles  excitent  les  convoitises  des  grands  seigneurs 
turcs.  Or,  l'illustre  pacha  Rhododendron  a  jeté  son  dévolu  sur  nous 
ne  savons  quelle  cité  de  la  Géorgie  pour  repeupler  son  harem. 

Tous  les  hommes  sont  appelés  aux  armes  pour  la  défense  de  leurs 
chastes  moitiés  ;  mais,  à  l'aspect  des  trente-deux  bachi-bozoucks  et 
et  des  trente-deux  éléphants  de  Rhododendron,  ils  battent  coura- 
geusement en  retraite  et  regagnent  leurs  foyers. 

Les  femmes,  furieuses  de  cette  désertion,  ne  veulent  pas  d'abord 
les   recevoir,  et   ce  n'est    qu'en  les  voyant  tous  revenir  écloppés, 


92 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


avariés,  borgnes  ou  boiteux,  que  leur  tendre  cœur  s'émeut  de  pitié 
et  qu'elles  consentent  à  leur  ouvrir  les  portes  de  la  ville. 

Avons-nous  dit  que  le  féroce  Rhododendron  s'était  aussi  introduit 
dans  la  place?  Pourquoi?  Comment?  Peu  importe,  ce  n'est  pas  notre 
affaire. 

Toujours  est-il  que,  déguisé  en  tambour-major,  il  s'enrôle  dans 
l'armée  de  femmes,  organisée  par  la  belle  Féroza,  pour  remplacer  les 
maris  invalides,  et  qu'il  découvre  à  sa  générale  la  ruse  ourdie  par 
ces  messieurs. 

Féroza,  indignée  comme  de  raison,  ordonne  que  l'on  chasse  tous 
les  hommes,  et  Rhododendron,  trahi  par  ses  propres  aveux,  est  con- 
damné à  être  fusillé. 
—  Bien  joué,  Marguerite  !  s'écrie-t-il  en  marchant  à  la  mort. 
Et  cette  allusion,  empruntée  à  la  Tour  de  Nesle,  est  à  l'instant 
saisie  par  toute  la  salle,  qui  se  tourne  en  riant  vers  la  loge  où 
Alexandre  Dumas  assiste,  comme  un  simple  mortel  en  goguette,  à  la 
représentation  de  ce  drame  cocasse. 

Mais  Rhododendron  a  la  vie  dure  ;  il  échappe  à  la  fusillade,  et, 
grâce  à  l'intervention  d'un  traître,  il  va  rejoindre  ses  trente- deux 
bachi-bozoucks  et  ses  trente-deux  éléphants.  Puis,  d'accord  avec  les 
maris  évincés,  il  reparait  dans  la  forteresse  gardée  par  les  Géor- 
giennes, en  employant  un  nouveau  stratagème. 

Pour  charmer  les  loisirs  du  corps  de  garde,  ces  dames  y  ont  ad- 
mis une  troupe  de  bohémiennes  qui,  à  un  moment  donné,  se  sai- 
sissent de  leurs  armes,  et  après  les  avoir  réduites  à  l'impuissance,  se 
jettent  sur  Rhododendron  et  sur  ses  odieux  satellites,  privés  du  se- 
cours de  leurs  éléphants. 

Est-il  besoin  d'expliquer  que  ce  sont  les  maris  qui  ont  pris  ces 
costumes  de  bohémiennes,  et  à  qui  la  peur  a  rendu  l'énergie  néces- 
saire pour  rentrer  en  possession  de  leurs  droits  méconnus  ? 

La  partition  qu'Offenbach  a  écrite  sur  ce  canevas  joyeusement  in- 
sensé, est  des  mieux  réussies.  Elle  fourmille  de  motifs  piquants,  ori- 
ginaux, et  dans  plusieurs  passages  elle  affecte  des  formes  vraiment 
sérieuses  et  distinguées,  comme  par  exemple  dans  la  Marseillaise  des 
femmes,  qui  se  chante  au  troisième  acte,  et  que  l'on  a  bissée  avec 
enthousiasme. 

Il  nous  serait  difficile  de  signaler  tous  les  morceaux  saillants  qui 
ont  été  applaudis  à  outrance  par  la  salle  entière. 

Nous  citerons  néanmoins  le  gracieux  chœur  de  femmes  qui  succède 
à  l'introduction  ;  l'air  d'entrée  du  pacha  Rhododendron;  de  jolis  cou- 
plets chantés  par  Nani,  le  finale  du  premier  acte,  dans  lequel  sont 
habilement  encadrés  une  prière  et  le  chœur  comique  des  maris 
écloppés. 

Au  second  acte,  nous  avons  remarqué  les  couplets  du  tambour- 
major,  avec  accompagnement  d'une  douzaine  de  tambourins,  encore 
des  couplets  de  Nani,  très-fins,  très-spirituels,  et  un  charmant  duo 
de  situation  entre  Féroza  et  son  époux  Jolidin. 

Mais  si  nous  nous  en  rapportons  à  l'impression  générale,  le  troi- 
sième acte  l'emporte  sur  les  deux  autres.  Tout  y  est  ravissant,  le 
chœur  des  dormeuses,  le  rondo  du  pacha,  le  bel  ensemble  de  la 
Marseillaise  des  Géorgiennes  et  le  finale,  composé  d'une  aragonaise 
entraînante  et  du  retour  de  la  Marseillaise,  pour  le  baisser  du  ri- 
deau. 

L'interprétation  de  l'ouvrage,  paroles  et  musique,  est  d'ailleurs 
excellente.  Mlle  St-Urbain,  que  nous  avons  vue  aux  Italiens  et  à  l'O- 
péra-Comique,  a  débuté  avec  éclat  dans  le  rôle  de  Féroza  ;  Mlle 
Zulma  Bouffar  est  fort  gentille  dans  celui  de  Nani.  Quant  aux  hom- 
mes, on  ne  peut  rencontrer  nulle  part,  si  ce  n'est  au  Palais-Royal, 
une  réunion  de  comiques  plus  divertissants  que  Pradeau,  Désiré, 
Léonce,  Edouard-Georges,  etc. 

Les  chœurs  très-nombreux  (on  affirme  qu'il  y  a  plus  de  soixante 
personnes  en  scène)  sont  formés,  pour  la  partie  féminine,  d'une  foule 
de  très-jolies  filles,  fort  agréables  à  voir  et  à  entendre. 


Enfin,  les  décors  sont  d'un  très-bel  effet,  et  les  costumes  sont 
d'une  richesse  extrême  et  d'un  excellent  goût. 

Si,  avec  tant  de  motifs  de  succès,  les  Géorgiennes  ne  vont  pas 
jusqu'à  deux  ou  trois  cents  représentations,  c'est  que  le  public  pari- 
sien sera  devenu  tout  à  coup  aveugle  et  sourd,  comme  les  maris  de 
ces  dames. 

D. 


CONCERT  DE  J.  SCHOLHOFF. 

Mercredi,  9  mars. 

Un  concert  donné  par  Schulhoff  excite  toujours  à  Paris  un  vif 
sentiment  de  curiosité.  A  voir  le  grand  nombre  d'artistes  qui  se  pres- 
sait l'autre  soir  autour  de  son  piano,  on  sentait  d'avance  qu'il  s'a- 
gissait d'entendre  un  pianiste  original  et  exceptionnel,  un  virtuose 
d'un  talent  incontesté,  un  maître,  en  un  mot,  un  maître  véritable, 
dont  les  œuvres  ne  sont  pas  destinées  à  mourir  avec  le  temps  qui 
les  a  vu  naître. 

Si  Schulhoff  se  contentait  de  vaincre  les  difficultés  les  plus  ardues, 
on  pourrait  lui  chercher  des  rivaux  ;  ce  serait  toujours  un  grand  vir- 
tuose, mais  il  ne  rallierait  pas  à  lui  tant  de  suffrages,  et  il  n'aurait 
pas  conquis  la  place  qu'il  occupe  aujourd'hui.  Heureusement  pour 
l'art,  Schulhoff  est  plus  qu'un  virtuose,  car  il  a  le  grand  avantage  de 
résumer  en  lui  la  pensée  et  la  forme,  c'est-à-dire  la  conception  et 
l'exécution,  et  cela  dans  une  si  large  mesure,  que  son  talent  y  puise 
une  supériorité  que  nul  ne  songe  à  lui  disputer.  Son  organisation 
d'élite,  sa  nature  rêveuse  et  poétique,  son  profond  savoir  musical, 
l'étude  qu'il  a  faite  des  grands  maîtres  dont  il  rappelle,  sans  les 
imiter,  les  plus  pures  traditions,  donnent  à  son  jeu  comme  à  ses 
compositions  quelque  chose  qui  tient  tout  à  la  fois  du  classique  et 
de  la  fantaisie  romantique.  C'est  le  rare  assemblage  de  deux  ma- 
nières réunissant  la  correction  et  l'originalité,  la  force  et  la  grâce. 

Si  nous  considérons  spécialement  Schulhoff  comme  un  compositeur, 
nous  ne  craignons  pas  de  répéter  que  ses  œuvres  le  rapprochent 
de  Chopin.  Nous  savons  que  de  nos  jours  un  grand  nombre  de  pia- 
nistes-compositeurs possèdent  un  talent  auquel  il  faut  rendre  un  juste 
hommage  ;  mais  on  en  compte  peu  qui,  comme  Schulhoff,  aient 
résisté  à  la  tentation  de  produire  en  vue  de  ces  succès  faciles  et 
éphémères,  comme  la  mode  qui  les  patronna  un  moment. 

Le  concert  de  Schulhoff  n'a  été  qu'un  long  applaudissement,  et  il 
nous  faut,  pour  trouver  l'équivalent  d'un  pareil  triomphe,  reporter 
nos  souvenirs  à  l'époque  où  Liszt  faisait  admirer  son  incomparable 
talent  d'exécution.  Les  artistes,  ceux-là  même  qui  occupent  le  plus 
haut  rang,  étaient  les  premiers  à  donner  le  signal  des  bravos.  Tous 
suivaient  avec  une  avide  curiosité  ces  mains  de  velours  et  d'acier 
qui,  après  avoir  doucement  caressé  les  touches  d'ivoire,  les  serrent 
sous  de  puissantes  étreintes, #  quand  doivent  succéder  aux  pas- 
sages de  délicatesse  et  de  grâce  ceux  qui  réclament  la  vigueur  et 
l'éclat.  Les  compositions  de  Schulhoff  n'ont  pas  excité  moins  d'en- 
thousiasme. Dans  le  nombre  de  celles  que  le  programme  annonçait, 
quelques-unes  étaient  nouvelles  pour  le  public,  entre  autres  l'ouver- 
ture d'Oberon,  de  Weber,  arrangement  d'une  conception  étonnante, 
et  où  Schulhoff  a  poussé  jusqu'à  ses  dernières  limites  l'art  de  l'a- 
daptation au  piano  des  grandes  compositions  instrumentales.  En  en- 
tendant cet  arrangement  remarquable,  on  ne  sait  ce  qu'il  faut  le 
plus  admirer  du  morceau  même  ou  de  la  perfection  avec  la- 
quelle il  est  rendu  par  l'artiste.  Le  Capriccio,  la  belle  sonate  en  fa, 
ont  soulevé  les  mêmes  transports,  et  le  public  a  fait  bisser  par  ac- 
clamation un  scherzo  adorable  de  Mendelssohn  et  une  délicieuse 
chanson  slave  que  Schulhoff  faisait  entendre  à  Paris  également  pour 
le  première  fois. 


DE  PARIS. 


93 


Et  maintenant  que  nous  avons  applaudi  au  succès  du  compositeur 
et  du  pianiste,  qu'il  nous  soit  permis  d'adresser  un  hommage  mé- 
rité à  Mlle  Peudefer,  cantatrice  de  goût,  de  style  et  d'expression,  qui 
sera  bientôt  de  tous  les  beaux  concerts,  et  qui  a  su  se  faire  applau- 
dir à  côté  de  Schulhoff.  Cela  suffit  à  classer  son  remarquable  talent. 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 

H.  Ferdinand  Schoen.  —  M.  Lamente  et  les  sœurs 
eianss.  —  SI.  Ci.  Jacobi.  —  H.  Salvador  Daniel  (audi- 
tion de  musique  arabe).  —  91.  Louis  Diémer. 

Les  deux  compositions  que  M.  Ferdinand  Schœn  a  fait  entendre 
pour  la  première  fois  dans  son  concert  de  l'an  dernier,  la  Berceuse  et 
le  Souvenir  de  Berlin,  mazurke,  ont  encore  eu  les  honneurs  de  la  soirée 
qu'il  a  donnée  récemment  dans  les  salons  Erard.  Ces  deux  morceaux, 
parfaitement  interprétés  par  M.  Ferdinand  Schoen,  ont  été  fort  ap- 
préciés par  ses  auditeurs,  qui  lui  ont  fait  aussi  redire  une  charmante 
Etude,  toute  pleine  de  verve  et  d'élégance.  Ce  même  soir,  M.  Al- 
fred Lebrun  a  obtenu  un  succès  des  plus  flatteurs,  sur  l'orgue,  en 
jouant  deux  morceaux  de  sa  composition,  une  Prière  et  Y  Appel  des 
pâtres,  qu'on  lui  a  fait  bisser.  Mme  Gagliano,  qui  chante  si  agréable- 
ment YAy  Chiquita,  d'Yradier,  a  prêté  un  grand  attrait  à  la  partie 
vocale  de  cette  séance  intéressante. 

A  la  soirée  qu'elles  ont  donnée,  cette  semaine,  dans  les  salons 
Pleyel-Wolff,  avec  le  pianiste  Lafuente,  les  deux  sœurs  Clauss,  s'empa- 
rant  de  vive  force  des  sympathies  de  l'auditoire,  ont  d'ailleurs  fait  preuve 
d'une  habileté  peu  commune.  Elles  ont  de  l'ampleur  et  de  la  no- 
blesse. 11  serait  difficile  d'exprimer  une  préférence  sur  le  mérite  de 
chacune  d'elles  ;  leur  jeu  est  à  peu  près  le  même,  et  lorsque  après 
avoir  entendu  Mlle  Fanny  dans  une  fantaisie  de  Vieuxtemps ,  et 
Mlle  Jenny,  dans  la  fantaisie  d'Alard  sur  la  Fille  du  régiment,  on 
les  voit  aux  prises  ensemble  dans  une  symphonie  de  Dancla  ,  pour 
deux  violons,  il  faut  absolument  se  contenter  de  leur  décerner  une 
part  égale  de  bravos,  sans  chercher  à  qui  donner  la  palme. 

M.  Lafuente  est  un  pianiste  de  bonne  race  ;  son  exécution,  correcte 
et  pure,  s'élève  parfois  jusqu'aux  effets  les  plus  brillants.  Dans  un 
concerto  de  sa  composition,  qu'il  a  joué  avec  Mlle  Jenny  Clauss,  il  a 
tout  d'abord  conquis  la  bienveillance  générale,  et  son  succès  n'a  fait 
que  grandir,  avec  sa  fantaisie  sur  la  Traviata,  son  Souvenir  d'Haydn, 
et  sa  valse  de  concert  pour  deux  pianos,  dans  laquelle  le  jeune  Harry 
Benson,  son  élève,  s'est  fait  justement  applaudir  à  côté  de  lui. 
Tous  ces  morceaux,  dus  à  l'inspiration  de  M.  Lafuente,  ont  fait  le 
plus  grand  plaisir,  et  ont  laissé  une  favorable  impression  de  son  ta- 
lent de  compositeur. 

—  Pour  son  concert  de  mardi,  à  la  salle  Herz,  M.  G.  Jacobi  s'était 
assuré  le  concours  de  plusieurs  membres  de  la  Société  nationale  des 
beaux-arts.  M.  Jacobi  n'est  pas  un  nouveau  venu,  et  les  connaisseurs 
savent  ce  qu'il  faut  penser  de  l'expression,  de  l'agilité,  de  l'ampleur  de 
son  jeu.  Le  concerto  de  sa  composition  qu'il  a  exécuté  mardi,  est 
très-bien  fait,  très-savamment  distribué,  et  écrit  dans  un  style 
brilhnt,  qui  accuse  de  fortes  études.  La  valse  de  concert  qu'il  a  en- 
suite interprétée,  n'a  pas  été  moins  bien  accueillie. 

Nommer  Mme  Massart,  c'est  dire  le  triomphe  remporté  par  cette 
excellente  pianiste,  dans  l'interprétation  de  deux  fragments  de  Men- 
delssohn.  La  grâce  et  le  charme  de  son  beau  talent  ont,  à  plusieurs 
reprises,  provoqué  l'enthousiasme  de  ses  auditeurs. 

—  Une  audition  vraiment  curieuse,  c'est  celle  qui  a  eu  lieu,  ces 
jours  derniers,  à  la  salle  Herz,  par  les  soins  et  sous  la  direction  de 
M.  Salvador  Daniel.   Il  s'agissait  de  morceaux  de  musique  arabe  re- 


cueillis par  cet  artiste  dans  les  provinces  d'Alger  et  de  Constantine. 
Nos  oreilles,  peu  faites  à  la  mélopée  bizarre  de  ces  chants  accompa- 
gnés par  un  frôlement  de  tambours  de  basque,  par  quelques  notes 
soutenues  des  chœurs  et  par  les  sons  aigus  du  hautbois,  ont  protesté 
contre  quelques-uns  d'entre  eux,  dont  l'effet  ressemble  assez  à  celui 
de  certains  airs  bretons  ou  auvergnats  avec  accompagnement  de  bi- 
niou ou  de  musette.  Mais  en  revanche,  plusieurs  chansons  maures- 
ques ou  kabiles,  remarquablement  interprétées  par  Mme  Barlhe-Ban- 
derali  et  par  M.  Pascal  Lamazou,  ont  été  fort  goûtées,  non-seulement 
par  nous,  mais  par  tout  l'auditoire.  Nous  citerons  le  Ramian,  en 
mode  Irack,  La  Gazelle,  Zohra  et  Yamima.  M.  Salvador,  violoniste 
distingué,  et  au  besoin,  bon  pianiste  accompagnateur,  s'est  multiplié 
avec  le  zèle  le  plus  louable  pour  faire  arriver  à  heureuse  fin  son  in- 
téressante audition.  M.  Barthélémy,  le  hautbois  de  l'Opéra,  M.  Krù- 
ger,  le  pianiste  du  roi  de  Wurtemberg,  M.  Goblin,  M.  Fissot  et  la 
société  chorale  de  l'Odéon,  dirigée  par  M.  Delafontaine,  lui  ont  prêté 
leur  aide  efficace,  et  tout  a  marché  à  souhait.  En  somme,  cet  essai 
de  propagation  de  la  musique  essentiellement  primitive  des  Arabes, 
tenté  déjà,  dans  une  mesure  restreinte,  par  M.  Félicien  David,  mé- 
rite d'être  encouragé,  et  nous  ne  saurions  trop  engager  M.  Salvador 
Daniel  à  renouveler  l'épreuve,  en  lui  conseillant  surtout  de  n'en  pas 
abuser. 

—  La  soirée  musicale  que  le  brillant  pianiste  Louis  Diémer  a  don- 
née mercredi  dans  les  salons  Erard,  a  été  de  tout  point  charmante. 
Nous  avons  eu  plusieurs  fois  l'occasion  d'apprécier,  depuis  le  com- 
mencement de  l'hiver,  le  talent  très-distingué  de  ce  jeune  virtuose  ; 
nous  ne  pourrions  que  nous  répéter  en  détaillant  les  grandes  et  so- 
lides qualités  dont  il  a  fait  preuve  de  nouveau  à  son  concert.  Tous 
les  maîtres,  Beethoven,  Mozart,  Haydn,  Mendelssohn,  Weber  et  Cho- 
pin, et  jusqu'à  Rameau,  ont  tour  à  tour  passé  par  ses  mains  presti- 
gieuses, et  lui  ont  valu  les  bravos  les  plus  chaleureux.  Alard  et  Fran- 
chomme,  Jules  Lefort,  Léon  Duprez  et  Mlle  Maria  Brunetti  ont  pris 
leur  large  part  aux  succès  de  la  soirée. 

—  A  dimanche  prochain  les  concerts  de  M.  et  Mme  Marchesi,  de 
Léopold  Dancla  et  autres,  dont  le  défaut  d'espace  nous  empêche  de 
nous  occuper  aujourd'hui. 

Y. 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg. 

Je  reprends  ma  lettre  interrompue  il  y  a  huit  jours  par  le  départ  du 
courrier,  tout  juste  au  moment  où  j'allais  vous  dire  en  quelques  mots  ce 
que  c'est  que  la  Fiammetta,  ballet  mythologique.  L'auteur  du  scénario, 
fort  peu  compliqué,  Saint-Léon,  l'a  rendu  intéressant  par  la  variété 
des  danses  et  des  pa^  dont  il  l'a  orné.  Les  danses  classiques  des  divers 
pays  et  les  leçons  de  coquetterie  données  à  I-'iammetta  par  l'Amour  et 
Terpsichore  au  premic-r  tableau  sont  fort  gracieusement  composées.  Le 
deuxième  tableau  est  le  mieux  partagé;  on  y  remarque  tine  introduc- 
tion, une  tyrolienne,  un  intermède,  une  Tsigane-Berceuse  et  une 
chanson  à  boire  en  action.  Mlle  Mouravieff  y  accomplit  des  pro- 
diges de  force,  de  grâce  et  d'imprévu;  cette  jeune  danseuse 
fait  chaque  jour  de  nouveaux  progrès  qui  vous  étonneront. 
Aussi  chacun  de  ses  écots  a-t-il  été  accueilli  par  des  tonnerres  d'applau- 
dissements et  des  rappels  sans  fin.  L'enthousiasme  s'est,  d'ailleurs,  tra- 
duit par  des  témoignages  plus  substantiels.  Par  l'intermédiaire  du  chef 
d'orchestre,  d'immenses  bouquets  de  roses  et  de  camellias  noués  par 
de  longs  rubans,  couverts  eux-mêmes  de  riches  dentelles  ;  un  service 
complet  d'argenterie,  présent  des  dames  de  la  société  russe  avec  cette 
devise  :  A  la  Sagesse,  et  une  broche  en  diamants  de  7  à  8,000  francs, 
produit  d'une  souscription  des  admirateurs  de  son  talent,  ont  été  suc- 
cessivement offerts  à  l'artiste  chérie  de  notre  public,  laquelle,  en  proie  à 
la  plus  vive  émotion,  succombait  sous  le  poids  de  ces  splendides  cadeaux. 
Mais  revenons  à  ce  second  acte  dans  lequel  la  Tsigane  a  fait  surtout 
briller  Fiammetta.  C'est  une  sorte  de  gnia-gnia  semblable  à  celle  que 
Saint-Léon  avait  introduite  dans  Diavolina  représentée  sur  la  scène  de 
votre  Opéra,  mais  beaucoup  plus  complète  et  d'un  effet  d'autant  mieux 
réussi  qu'elle  s'exécute  sur  une  musique  délicieuse,  admirablement 
appropriée  au  caractère  de  cette  chorégraphie.  Elle   a  été  applaudie  à 


-ZZ. 


» 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tout  rompre  et  unanimement  redemandée.  Les  deux  derniers  tableaux, 
quoiqu'inférieurs  à  celui-ci,  contiennent  néanmoins  un  joli  pas  dit  des 
fleurs,  une  polka-galop  et  un  grand  pas  d'action  final  dans  lequel  repa- 
rait Mlle  Mouravieff  pour  y  faire  assaut  de  poses  renversées,  d'une  har- 
diesse inouïe,  avec  une  jeune  danseuse,  Mlle  Kemmerer,  qui  s'est 
révélée  récemment,  et  dont  le  talent  s'annonce  de  la  façon  la  plus 
brillante,  et  pour  terminer  enfin  par  un  pas  ravissant  dansé  sur  les 
variations  du  Carnaval  de  Venise,  qui  a  de  nouveau  soulevé  la  salle 
entière.  Je  vous  disais  à  propos  de  la  Tsigcme-Herccusè  que  la  musique 
en  était  délicieuse;  je  dois  ajouter  que  M.  Minkus,  premier  violon  du 
théâtre  de  Moscou,  auquel  est  due  la  partition  tout  entière  du  nouveau 
ballet,  s'y  est  montré  compositeur  de  mérite  et  a  contribué  pour  sa 
bonne  part  au  succès.  Ce  n'est  pas  là  de  la  musique  banale  et  à  la  toise; 
c'est  de  la  musique  distinguée,  vive ,  mélodieuse,  colorée  et  parfaite- 
ment appropriée  aux  situations.  Si  je  ne  me  trompe,  c'est  le  coup 
d'essai  de  M.  Minkus,  mais  c'est  un  coup  de  maître. 

On  a  voulu,  dans  le  troisième  tableau,  nous  faire  faire  connaissance 
avec  les  spectres  introduits  dans  diverses  pièces  jouées  à  Paris;  mais  la 
tentative  n'a  pas  été  heureuse.  Les  apparitions  qui,  d'ailleurs,  ne  se 
lient  pas  suffisamment  à  l'action,  ont  mal  réussi.  En  somme,  le.  ballet 
de  Fiammetta  fait  honneur  à  Saint-Léon  qui,  me  dit-on,  vient  d'être 
engagé  pour  cinq  mois  à  votre  théâtre  impérial  de  l'Opéra  pour  y  mon- 
ter le  ballet  dans  lequel  Mlle  Mouravieff  doit  se  montrer  de  nouveau  au 
public  parisien. 

Il  n'y  a  qu'heur  et  malheur  en  ce  monde.  Pendant  que  Mlle  Mouravieff 
est  tout  entière  à  ses  joies  et  à  ses  triomphes,  sa  rivale,  Mme  Petipa, 
qui  partage  avec  elle  la  sympathie  et  l'affection  du  public,  languit  et 
se  désespère.  Reprise  de  la  maladie  qui  tout  récemment  a  effrayé 
ses  amis  et  ses  admirateurs,  elle  leur  donne  de  nouveau  de  l'inquié- 
tude et  paraît  devoir  rester  longtemps  éloignée  de  la  scène. 

Je  termine  cette  lettre  en  mentionnant  la  soirée  magnifique  que 
vient  de  donner  l'ambassadeur  d'Angleterre,  lord  Napier,  et  à  laquelle 
assistaient  l'empereur  et  toute  la  famille  impériale.  Le  principal  attrait 
de  cette  soirée  consistait  dans  un  concert  exécuté  par  l'élite  de  la 
troupe  italienne,  et  qui  se  composait  d'un  programme  aussi  riche 
qu'admirablement  choisi. 

J'apprends  à  l'instant  que  tous  les  artistes  italiens  sont  rengagés 
pour  la  saison  prochaine.  Cédant  à  des  instances  flatteuses,  Calzolari, 
qui  avait  jusqu'à  cette  heure  refusé  les  offres  de  la  direction,  a  promis 
de  revenir  également. 

Mme  Clara  Schumann  vient  d'arriver.  Elle  se  fait  entendre  après  - 
demain  pour  la  première  fois  à  la  deuxième  matinée  du  quatuor  donné 
par  la  direction  de  la  Société  musicale  russe. 

Et  maintenant  adieu  jusqu'à  l'hiver  prochain. 

S.  D 


NOUVELLES. 


t*%  La  deuxième  représentation  du  Docteur  Magnus,  l'opéra  nouveau 
d'Ernest  Boulanger,  a  eu  lieu  lundi.  Bonnesseur  y  a  remplacé  Cazeaux 
dans  le  rôle  principal,  et  l'ouvrage  a  beaucoup  gagné  à  ce  changement. 
Il  est  possible  que,  malgré  la  faiblesse  du  poëme,  te  Docteur  Magnus, 
dont  une  meilleure  exécution  a  permis  de  mieux  apprécier  la  musique, 
se  soutienne  au  répertoire.  La  Maschera  complétait  le  spectacle  que 
les  autres  jours  de  la  semaine  Moïse  remplissait  tout  entier.  Mlle  Battu 
y  chantera  demain  lundi  pour  la  dernière  fois  avant  de  prendre  son 
congé,  et  les  représentations  de  Moïse  seront  suspendues. 

„.*„,  Mlle  Marie  Sax  et  Villaret  chanteront  prochainement  les  rôles  de 
Valentine  et  de  Raoul  dans  les  Huguenots. 

»%  La  première  représentation  de  Lara,  le  nouvel  opéra  de  Maillart, 
est  annoncée  pour  demain  lundi. 

„%  Capoul  a  remplacé  à  l'improviste  Achard  indisposé,  dans  la 
Fiancée  du  roi  de  Garbe,  et  s'est  fort  bien  tiré  de  cette  tâche  difficile. 

*%  Adelina  Patti  s'est  fait  entendre  la  semaine  passée  dans  la  Tra- 
viata,  Don  Pasquale  et  Marta,  et  chacun  de  ses  rôles  a  été  un  nouveau 
triomphe  pour  elle.  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  fait  re- 
mettre à  la  gracieuse  artiste  un  magnifique  cadeau  par  M.  le  comte 
Bacciochi. 

»*»  Mercredi,  Mme  Carlotta  Marchisio  a  remplacé  avec  beaucoup  de 
succès  dans    Lucrczia  Borgia  Mme   Spezia-Aldighieri. 

„**  Le  théâtre  Lyrique  impérial  se  propose  de  donner,  le  jeudi  saint 
et  le  samedi  saint,  deux  grands  concerts  spirituels  avec  le  concours  de 
tous  les  artistes  du  chant,  Mme  Carvalho  en  tête,  chœur  et  orchestre 
doublés.  Les  programmes  de  ces  deux  concerts,  donnés  par  M.  Car- 
valho au  bénéfice  des  artistes  de  l'orchestre  et  des  chœurs  de  son 
théâtre,  comporteraient  les  œuvres  célèbres  des  plus  grands  maîtres, 
soli  et  morceaux  d'ensemble. 


**,  Hier  samedi  Mireille  a  été  représentés.  Nousen  rendrons  com- 
pte dimanche  prochain. 

*%  Au  concert  de  la  Société  du  Conservatoire,  qui  sera  donné  au- 
jourd'hui, on  entendra  une  symphonie  d'Haydn  ;  psaume,  double  chœur 
de  Mendelssohn  ;  fragments  du  ballet  de  Prométhée,  de  Beethoven  ; 
chœur  des  génies  i'Obéron,  de  Weber;  symphonie  en  si  bémol  de 
Beethoven;  chœur  de  Judas  Macchabée,  de  Haendel. 

^%  Voici  le  programme  du  sixième  et  dernier  concert  populaire  de 
musique  classique ,  qui  aura  lieu  aujourd'hui  dimanche  :  1°  sym- 
phonie en  ré  majeur,  de  Mozart;  2°  adagio  de  la  symphonie  en  si 
bémol,  de  Beethoven;  3°  ouverture  de  Ruy-Bla*,  de  Mendelssohn;  Man- 
dante, d'Haydn;  5°  symphonie  en  la,  de  Beethoven. 

„*,,.  L'auteur  de  l'opéra  :  Claudine,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  annoncé, 
vient  d'être  représenté  avec  succès  à  Schwerin,  est  le  comte  Hoehberg, 
jeune  homme  de  vingt  ans  à  peine,  qui  en  ce  moment  fait  son  droit 
à  Berlin. 

t*t  La  classe  des  Beaux-Arts  de  l'Académie  de  Belgique  laisse  en- 
core sur  son  programme  de  concours,  pour  1864,  la  question  sui- 
vante qui  jusqu'ici  n'a  pas  été  résolue.  «  Faire  l'éloge  de  Grétry,  dé- 
terminer ce  qui  caractérise  son  talent  dans  les  cinq  genres  de  musique 
dramatique,  à  savoir  :  la  comédie  sérieuse,  la  comédie  bouffonne,  la  pas- 
torale, le  grand  opéra  de  demi-caractère  et  la  tragédie  lyrique.  >■■  Le  prix 
sera  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  600  francs.  Les  mémoires  doi- 
vent être  écrits  lisiblement,  rédigés  en  français,  en  latin  ou  en  fla- 
mand, et  adressés,  franco  de  port,  au  secrétaire  perpétuel,  avant  le 
1er  juin  1864. 

t:*i  Le  cinquième  concert  annuel  de  la  Société  de  chant  classique, 
fondée  par  M.  Beaulieu  (de  Niort),  aura  lieu  cette  année  le  jeudi  31 
mars  à  8  heures  du  soir,  dans  la  salle  Herz.  Les  principaux  morceaux 
tirés  des  œuvres  de  Palestrina,  Jomelli ,  Haendel,  Jennequin,  Mozart, 
Cherubini  et  Beaulieu,  seront  interprétés  par  Mme  Vandenueuvel-Du- 
prez  et  MM.  C.  Battaille  et  Paulin. 

f*t  Mlle  Christine  Nillson,  jeune  suédoise,  élève  de  Wartel,  douée 
d'une  très-jolie  voix  de  soprano,  vient  d'être  engagée  dans  la  compa- 
gnie italienne  dirigée  par  Merelli.  Sou  début  doit  avoir  lieu  à  Bruxelles 
dans  un  Ballo  in  Maschera. 

#*„  Le  festival  annuel  au  bénéfice  d'Arban  a  eu  lieu  samedi  dernier 
au  Casino.  Un  programme  des  plus  variés  avait  attiré  une  foule  com- 
pacte. A  l'intérêt  de  noms  connus  et  justement  admirés  venait  se  join- 
dre l'attrait  de  nouvelles  compositions,  et  surtout  la  première  audition 
en  public  du  David  Rizzio,  de  M.  Charles  Constantin.  La  cantate  acadé- 
mique assez  bien  interprétée  par  MM.  Colomb,  Bussine  et  Mlle  de  Beaunay 
a  produit  un  bon  effet;  on  a  surtout  remarqué  l'orchestration  savante 
et  colorée  du  jeune  musicien.  Peut-être  eussions-nous  préféré  un  peu 
moins  de  science  et  un  peu  plus  d'inspiration  mélodique  ;  signalons 
toutefois  la  sérénade  à  deux  voix  de  la  deuxième  scène.  Passons  rapi- 
dement sur  les  ouvertures  de  concert  de  MM.  Josse  et  Th.  Dubois,  deux 
bonnes  pages,  et  sur  la  symphonie  de  M.  Schmidt,  pour  arriver  à  la 
première  Marche  aux  flambeaux,  de  G.  Meyerbeer,  arrangée  pour  orchestre 
ordinaire  par  Wieprecht  et  exécutée  d'une  façon  remarquable  par  l'ex- 
cellent orchestre  d'Arban.  La  symphonie  du  maître  a  été  chaleureuse- 
ment et  unanimement  applaudie.  Signalons  aussi  une  Orgie  aux  enfers, 
galop  très-réussi  de  Litolff,  brillant  et  bruyant  au  possible,  et  dont  les 
gammes  chromatiques,  éclatant  comme  les  fusées  d'un  feu  d'artifice,  ne 
sont  pas  l'effet  le  moins  original.  Nous  ne  terminerons  pas  sans  parler 
du  triomphe  remporté  par  Arban  comme  instrumentiste  ;  chacune  de 
ses  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise  a  été  saluée  par  de  vifs  ap- 
plaudissements. Signalons  enfin  une  gracieuse  valse,  les  Souvenirs  de 
Berlin,  composée  par  Arban,  et  le  chœur  des  soldats  de  Faust,  chanté 
avec  un  ensemble  remarquable  par  les  enfants  de  Lutèce  à  la  fin  de  la 
soirée. 

***  Jusqu'ici,  les  nouveaux  instruments  de  M.  Adolphe  Sax  se  sont 
principalement  produits  dans  des  morceaux  solos  ou  conceriants  desti- 
nés à  faire  ressortir  leurs  qualités  exceptionnelles.  Henri  Litolff  vient 
de  les  employer  à  l'orchestre.  A  l'occasion  du  bénéfice  d'Arban, 
(voir  plus  haut),  il  a  écrit  ur  galop  intitulé  Une  Orgie  aux  enfers, 
avec  trombones  Sax  à  six  pistons  indépendants  obligés.  Entre  au- 
tres passages  intéressants,  ces  trois  trombones  exécutent  à  l'unis- 
son une  série  de  gammes  chromatiques  ascendantes,  puis  des  gammes 
chromatiques  ascendantes  et  descendantes  d'un  effet  foudroyant.  Dans 
un  mouvement  aussi  précipité,  ce  tonnerre  roulant  de  cuivres  n'offre 
aucune  confusion,  mais  procède,  au  contraire,  avec  un  trait  net,  franc, 
arrêté,  comme  pourrait  le  faire  l'instrument  le  plus  agile.  Il  ne  faut, pas 
traiter  d'indifférent,  ni  regarder  comme  peu  sérieux  ce  premier  essai  né 
d'une  circonstance.  Il  tranche  résolument  la  question  et  démontre  de  la 
façon  la  plus  évidente  l'utilité  de  l'introduction  du  nouveau  système 
dans  l'orchestre  de  symphonie,  la  richesse  et  l'originalité  des  effets  nou- 
veaux qu'il  est  permis  d'en  attendre.  Une  fantaisie  sur  des  motifs  du 
Chalet  a  également  mis  en  son  jour  le  plus  favorable  un  nouveau  saxhorn 
basse  en  si  à  six  pistons  indépendants  chantant  la  partie  de  Max  dans  le 
duo  du  défi.  Nous  le  répétons,  ces  deux  exemples  nous  paraissent  con- 
cluants et  de  nature  à  convaincre  les  plus  incrédules. 


DE  PARIS. 


M 


i*»  Une  brillante  réunion  assistait  dimanche  passé  à  la  dernière  des 
matinées  musicales  de  Mme  Clara  l'feifl'er;  une  séance  publique  de  son 
cours  d'études  symphoniques  a  complété  la  série  des  concerts  privés  de 
cette  artiste,  aussi  distinguée  par  son  talent  de  virtuose  que  son  mérite 
de  professeur.  Comme  les  années  précédentes,  Mme  l'feifl'er  a  été 
favorisée  du  concours  d'artistes  de  premier  ordre.  MM.  Chaine,  White, 
Lebouc,  Rignault,  Gouffé,  Mmes  Bertrand,  Peudefer  et  Comettant,  et 
plusieurs  autres  que  nous  y  avons  entendus,  ont  rivalisé  de  talent  de- 
vant une  société  d'élite;  Sivori,  le  lion  de  la  saison,  y  a  délicieusement 
interprété  avec  Mme  Pfeifler  l'une  des  belles  sonates  de  Mozart,  G.  Pfeiffer 
a  aussi  contribué  de  son  magnifique  talent  à  l'éclat  de  ces  réunions; 
nous  y  avons  réentendu  son  trio  op.  U,  le  beau  point  d'orgue  du  3"  con- 
certo de  Beethoven,  exécuté  au  Conservatoire,  et  une  transcription  fort 
originale  de  la  fable  du  Chêne  et  le  Roseau,  qui  nous  paraît  appelée  à 
autant  de  succès  que  la  Huche,  du  même  compositeur. 

»*„  Un  brillant  concert  doit  être  donné  le  30  mars,  à  8  heures  du 
soir,  dans  la  salle  Herz,  par  Mlle  Peudefer.  On  y  entendra,  outre  la 
bénéficiaire,  M.  Marochetti  comme  chanteur,  et  comme  instrumentistes 
MM.  F.  Batta,  Demerssemann,  Barthélémy,  Ernest  Altès  et  Edmond  Du- 
vernoy. 

»%  Félix  Godefroid  donnera,  le  7  avril,  unconcert  chez  Erard. 
Un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  composé  par  Félix  Goden 
froid,  et  plusieurs  tutres  compositions  inédites  du  même,  y  seront 
exécutés. 

„%  M.  Dionys  Pruckner  donnera,  mercredi  prochain  23  mars,  un 
deuxième  concert  dans  les  salons  Erard  avec  le  concours  de  Krù- 
ger,  Mme  Ernest  Bertrand  et  M.  Wagner. 

„*"»  Ce  soir,  concert  du  célèbre  guitariste  Sokolowski,  et  de 
Mlle  Wienneu-Orlovvska,  à  la  salle  Herz. 

„%  Mardi  prochain,  22  mars,  un  brillant  concert  sera  donné  à  la 
salie  Herz  par  Mlle  de  Vattelette ,  harpiste ,  avec  le  concours  de 
Mme  Tardieu  de  Malleville,  de  M VI.  Sivori,  Pons  et  Mme  Fleury-Gcesy. 

*%  Un  concours  d'orphéons,  de  musiques  d'harmonie  et  de  fanfares, 
auquel  seront  admises  à  prendre  part  toutes  les  sociétés  musicales  de 
France,  aura  lieu  à  Bar-le-Duc  (Meuse)  le  dimanche  1er  mai  prochain. 
6e  concours  sera  organisé  par  l'administration  municipale  de  Bar-le-Duc 
et  par  l'association  des  Artistes  musiciens  présidée  par  M.  le  baron  Tay- 
lor,  membre  de  l'Institut.  Au  nombre  des  jurés  se  trouveront  :  pour  les 
orphéons,  MM.  Clapisson,  membre  de  l'Institut;  Bazin,  Elwart,  Battaille, 
Batiste  et  Lebel,  professeurs  au  Conservatoire  ;  Laurent  de  Bille,  composi- 
teur; Ermel,  membre  de  la  commission  de  surveillance  du  chant  de  la  ville 
de  Paris;  Michel  Lévy  et  Proust,  professeurs  de  chant  de  la  ville  de  Paris, 
et  Thomas  aîné  et  Jules  Simon,  membres  du  comité  de  l'association  des 
Artistes  musiciens;  et  pour  les  musiques  d'harmonie  et  les  fanfares, 
MM.  Meifred,  Dauverné  et  Triébert,  professeurs  au  Conservatoire;  bu- 
fresne,  capitaine  de  musique  de  la  garde  nationale  de  Paris  ;  Couder, 
chef  d'orchestre  du  Gymnase  ;  Paulus,  chef  de  musique  de  la  garde  de 
Paris,  et  Jancourt,  membre  de  la  société  des  Concerts.  Les  chefs  des  so- 
ciétés qui  désireraient  prendre  part  à  ce  concours  sont  priés  d'adresser 
une  déclaration  avant  le  25  mars,  terme  de  rigueur,  à  M.  le  maire 
de  Bar-le-Duc;  il  leur  sera  envoyé  immédiatement  un  exemplaire  du 
règlement. 

%*t  M.  Endres  donnera  un  concert  avec  orchestre  et  chœurs,  le  lundi 
28  de  ce  mois,  dans  la  salle  de  l'hôtel  du  Louvre.  L'excellent  pianiste 
compositeur  se  présente  au  public,  après  un  silence  de  quelques  an- 
nées, avec  un  grand  concerto  pour  piano  et  orchestre,  une  symphonie 
et  un  Rêve,  fragment  pour  orchestre,  soli  et  chœurs. 

***  M.  Ch.  Dancla  a  fait  entendre  chez  lui,  la  semaine  dernière,  le 
premier  quintette  de  M.  Fétis,  et  le  premier  quatuor  de  Léon  Kreutzer. 
Ces  deux  œuvres  ont  été  fort  goûtées  et  accueillies  suivant  leurs  mé- 
rites. 

*%  Le  savant  organiste  professeur  Lemmens  doit  passer  la  semaine 
sainte  à  Paris,  où  il  fera  entendre  ses  nouvelles  compositions  destinées 
à  paraître  dans  un  grand  ouvrage  intitulée  l'Organiste  catholique. 

„.%  Joseph  Wieniawski  donnera  le  lundi  4  avril,  à  2  heures  de  l'a- 
près  midi,  dans  la  salle  Pleyel,  une  matinée  musicale  avec  le  concours 
de  Mme  Miolan-Carvalho  et  de  MM.  Sivori  et  Piatti. 

.„%  M.  Adolphe  de  Groot  ouvrira,  le  samedis  avril,  un  nouveau  cours 
d'harmonie,  à  la  succursale  Pleyel,  Wolff  et  O,  93,  rue  Richelieu.  Le 
professeur  y  fera  l'explication  de  la  théorie  des  accords,  de  leur  enchaî- 
nement, etc.,  de  telle  façon  qu'au  bout  de  quelques  mois  ceux  qui  sui- 
vront cet  enseignement  pourront,  non-seulement  se  livrer  à  des  essais 
écrits,  mais  encore  à  des  préludes  improvisés,  exempts  de  ces  fautes 
qui  attestent  une  connaissance  insuffisante  des  lois  constitutives  de 
l'harmonie. 

***  Les  concerts  de  jour  donnés  au  Pré-Catelan  ont  été  le  grand 
succès  des  deux  dernières  années.   Ces   matinées   musicales  vont  être 


inaugurées  les  27  et  28  mars.  Le  dimanche  de  Pâques  Paris  aura  donc 
son  premier  concert  de  printemps. 

***  Le  Dr  Arnold,  avantageusement  connu  par  ses  vastes  connais- 
sances dans  le  domaine  de  l'histoire  de  la  musique,  est  mort  le  12  fé- 
vrier à  Elberfeld.  D'incessantes  recherches  dans  les  bibliothèques  de 
l'Allemagne  lui  avaient  fourni  de  précieux  matériaux  pour  l'histoire  du 
lied  populaire  en  Allemagne. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


***  Lyon.  —  Le  concert  donné  par  Georges  Hainl  au  Grand-Théâtre, 
dont  il  a  dirigé  l'orchestre  avec  tant  d'éclat,  a  été  fort  brillant.  Après 
l'ouverture  des  Vêpres  siciliennes  (le  premier  morceau  symphonique  dont 
le  bénéficiaire  ait  eu  à  diriger  l'exécution  à  Paris),  Mme  Vandenhen- 
vel-Duprez  a  chanté  avec  son  talent  habituel  plusieurs  morceaux,  dont 
l'un,  le  grand  air  de  la  Iraviata,  a  été  accompagné  sur  le  violoncelle 
par  G.  Hainl,  qui  s'est  fait  applaudir  ensuite  dans  les  Souvenirs  de  Spa, 
de  Servais,  et  une  fantaisie  de  Bohrer  sur  la  Fiancée.  MM.  Dulaurens 
et  Mme  Charry,  Melchisédec,  Mlles  Lagye  et  Laurentis,  artistes  du  théâ- 
tre, ainsi  que  Mlle  Besse,  ont  concouru  à  ce  concert  exceptionnel,  dont 
la  symphonie  en  ut  majeur  de  Beethoven  et  le  finale  du  premier  acte 
A'Obéron  formaient  les  points  culminants. 

***  Marseille.  —  L'opéra  le  Philtre  vient  d'être  repris  avec  succès.  Fort 
bien  chanté  par  MM.  Dufrêne,  Dumestre,  Van  Hufiler  et  Mme  Gasc,  le 
charmant  ouvrage  d'Auber  a  été  écouté  avec  grand  plaisir.  Le  succès 
du  Pardon  de  Ploërmel  se  consolide  ;  à  chaque  représentation  de  l'œuvre 
de  Meyerbeer,  le  public  accourt  en  foule. 

t%  Pau.  —  L'opéra  italien  acquiert  de  plus  en  plus  la  faveur  du  pu- 
blic. Maria,  représentée  pour  la  première  fois  et  convenablement  in- 
terprétée, attire  beaucoup  de  monde  ;  Mme  Sinico  et  M.  Tombesi  y  sont 
justement  applaudis. 

*%  Colmar.  —  La  plus  belle  soirée  que  nous  ait  donnée  la  troupe  de 
M.  Dermilly  a  été  la  représentation  au  bénéfice  de  M.  Duwast.  Il  avait 
choisi  le  rôle  d'Edgard  dans  Lucie,  et  notre  jeune  ténor  s'est  rallié  les 
plus  sympathiques  suffrages  :  ampleur,  étendue,  justesse,  expres- 
sion, rien  n'y  manquait,  pas  même  cette  aisance  qu'on  ne  ren- 
contre ordinairement  que  chez  des  artistes  moins  jeunes.  Rappelé,  après 
Vanathcmc,  par  la  salle  entière,  il  a  été  rappelé  une  seconde  fois  à  la 
fin  et  salué  d'acclamations  enthousiastes.  Les  principaux  succès  de 
M.  Duwast  avant  son  bénéfice,  ont  été  obtenus  dans  les  Mousquetaires, 
la  Dame  blanche,  les  Dragons,  la  Sirène,  le  Domino,  Faust,  Fanchon. 
nette,  Martha  et  Don  Pasquale.  Mlle  Dessalles  a  été  parfaite  dans  le  rôle 
de  Lucie. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

t%  Londres  (correspondance  particulière).  —  Vous  avez  déjà  publié 
dans  votre  dernier  numéro  le  programme  complet  du  théâtre  royal  ita- 
lien de  Covent-Garden,  qui  ouvrira  la  saison  le  29  de  ce  mois  par  la 
Norma,  ouvrage  dans  lequel  Mlle  Lagrua  fera  son  début  à  Londres.  Le 
théâtre  de  Her  Majesly  commencera  ses  représentations  quinze  jours 
plus  tard,  le  9  avril,  et  son  directeur,  M.  Mapleson,  vient  à  soa  tour 
de  publier  son  programme.  Voici  les  noms  des  artistes  engagés  :  so- 
prani  :  Mmes  Tietjens,  Vitali,  Volpini,  Liebhardt  (de  Vienne),  et  Har- 
riers-Wippern  (de  Berlin);  mezzo-soprani  et  contralti  :  Mmes  Trebelli, 
Grossi  et  Bettelheim  (de  Vienne)  ;  ténors  :  MM.  Giuglini,  Alessandro  Bet- 
tini,  Fancelli,  Volpini  et  Geremia  Bettini;  barytons:  MM.  Gassier, 
Santley  et  Fagotti  ;  basses  :  MM.  Mazzetti,  Junca,  Fricca  et  Gasperoni. 
M.  Arditi  dirigera  l'orchestre,  et  parmi  les  principales  danseuses  nous 
remarquons  Mlles  Beretta  et  Arinavari  (de  Milan).  La  direction  promet 
trois  ouvrages  nouveaux  :  la  Forza  dcl  destino,  de  Verdi,  le  Spose  aile 
gre,  de  Nicolaï,  et  le  Tanhauser,  de  Richard  Wagner. 

^*t  Bruxelles.  —  La  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel  a  eu  lieu  au  théâ- 
tre de  la  Monnaie  avec  beaucoup  d'éclat.  Mme  Mayer-Boulard  y  a  fait 
une  rentrée  très-brillante;  la  voix  de  l'excellente  cantatrice  a  paru 
plus  fraîche  que  jamais,  et  elle  s'en  est  servie  de  manière  à  enthou- 
siasmer le  public  dans  l'œuvre  de  Meyerbeer. — Au  quatrième  concert 
du  Conservatoire,  on  a  beaucoup  applaudi  une  ouverture  de  M.  Fétis, 
œuvre  pleine  d'idées  et  de  combinaisons  harmoniques  les  plus  heureu- 
ses. Un  Ave  Maria,  de  Nicolas  Gambert  (un  des  plus  grands  musiciens 
de  la  Belgique  du  xve  siècle),  ainsi  qu'un  morceau  de  concert  de  Prat- 
tin,  joué  sur  la  flûte  par  M.  Dumont,  n'avaient  produit  que  peu  d'effet. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


La  jeune  pianiste  Anna  Meyer  obtient  du  succès  à  la  Société  philhar- 
monique. Au  théâtre  du  Cirque,  on  annonce  les  prochaines  représen- 
tations d'une  troupe  d'opéra  italien,  dont  les  principaux  artistes  sont 
Mlles  Guerra,  Nilson,  de  Ponti,  MSI.  Musiani,  Corsi,  Zacchi  et  Cam- 
piani. 

„%  Genève,  1  i  mars.  —  Le  concert  destiné  a  servir  d'épilogue  aux 
concerts  officiels  du  Conservatoire,  se  composait  de  la  brillante  ouver- 
ture du  Pré  aux  clercs,  d'un  concerto  symphonique  de  M.  Bergson,  le 
nouveau  professeur  de  piano  du  Conservatoire,  et  du  Stabat  mater,  de 
Rossini.  M.  Bergson,  qui  tenait  le  piano,  tandis  que  M.  Bergalonne  di- 
rigeait l'orchestre,  s'est  fait  connaître  et  applaudir  comme  compositeur 
sérieux  et  comme  écrivain  musical.  Ce  concerto,  composé  par  lui 
pour  inaugurer  son  début  à  Genève,  a  été  fort  goûté,  particulièrement 
dans  sa  première  et  sa  seconde  partie,  l'une  pour  son  travail  habile 
d'orchestration,  l'autre  pour  la  grâce  de  son  mouvement.  Ce  début 
distingué  assure  immédiatement  à  M.  Bergson,  parmi  ses  collègues  et 
dans  l'estime  du  public,  une  place  des  plus  honorables. 

»%  Hambourg.  —  Au  théâtre  de  la  ville,  Mlle  Adèle  Henkel  a  débuté 
avec  succès  par  le  rôle  de  Léonore,  dans  Alessandro  Stradella,  de  Flotow. 
Au  dernier  concert  philharmonique,  nous  avons  entendu  Mme  J.  Grae- 
ver,  pianiste,  qui  a  joué  admirablement  le  Capriccio,  de  Mendelssohn, 
et  le  quatrième  concerto  de  Litolff. 

t%  Berlin,  —  Mlle  Artot  a  continué  avec  succès  ses  représentations 
dans  le  rôle  de  Marie  (la  Fille  du  régiment)  ;  prochainement  elle  chan- 
tera celui  d'Henriette,  dans  l'Ambassadrice.  d'Auber.  M.  Wieprecht  a 
organisé  pour  le  20  mars  un  concert  monstre  ;  l'orchestre  se  composera 
de  trois  cents  artistes  appartenant  aux  corps  de  musique  de  la  garni- 
son ;  on  y  exécutera  des  œuvres  de  Beethoven,  Meyerbeer,  Spontini,  etc. 
—  Une  représentation  fort  intéressante  du  Prophète  a  été  donnée  le  15, 
avec  Mlle  Lucca  dans  le  rôle  de  Berthe.  Le  drame  de  Struensée  conti- 
nue d'attirer  la  foule. 

t*t  Leipzig.  —  Au  dix-neuvième  concert  d'abonnement  on  a  entendu, 
entre  autres  morceaux,  le  concerto  pour  violon,  de  Beethoven,  exécuté 


d'une  manière  magistrale  par  Joachim.  La  seconde  partie  du  concert 
a  été  consacrée  à  l'exécution  d'une  composition  de  François  Schubert  ; 
primitivement  c'était  un  duo  pour  piano,  dont  Joachim  a  fait  une 
symphonie. 

„*,  Brcslau.  —  On  vient  de  donner  la  centième  représentation  de 
Martha  au  théâtre  de  la  ville,  et  cet  événement,  extraordinaire  ici,  avait 
excité  une  vive  curiosité. 

„*„  Munich.  —  Au  dernier  concert  d'abonnement  de  la  chapelle 
royale,  nous  avons  eu  le  plaisir  d'entendre  Christophe  Colomb  ,  cette 
belle  symphonie  d'Abert,  qui  est  destinée  à  faire  le  tour  de  l'Allema- 
gne. Combinaisons  ingénieuses,  intéressantes  modulations,  abondance 
de  motifs,  cette  œuvre  remarquable  offre  tout  ce  qui  peut  séduire  la 
masse  du  public  et  satisfaire  aux  exigences  des  gens  du  métier.  Le 
succès  a  dépassé  toutes  les  prévisions.  En  l'absence  de  l'auteur  qui  est 
toujours  souffrant,  le  public,  dans  son  enthousiasme,  a  rappelé  le  direc- 
teur de  la  chapelle  royale,  Franz  Lachner,  digne  à  tous  égards  de  ce 
témoignage  d'estime  et  de  sympathie. 

„,%  Turin.  —  La  Comtesse  d'Amalfi,  le  nouvel  opéra  de  Petrella,  a  été 
favorablement  accueilli  au  théâtre  Regio.  L'auteur  et  les  interprètes, 
Mines  Benduzzi  et  Grosso,  MM.  Graziani ,  Colonese  et  Junca  ont  été 
rappelés  à  plusieurs  reprises. 

i*t  Milan.  —  Au  théâtre  de  la  Scala,  l'opéra  de  Chelard,  Aguile  Ro- 
mane, a  été  représenté  sans  succès,  et  va  probablement  bientôt  dispa- 
raître de  l'affiche. 

i*i  Parme.  —  Roberto  il  Diavolo  poursuit  le  cours  du  grand  succès 
qu'il  avait  obtenu  à  son  apparition  sur  notre  théâtre.  M.  Artry,  M  mes 
Berini  et  Sanzi  se  montrent  de  plus  en  plus  remarquables  dans  le  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer. 


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BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1!. 


31e  Année, 


N°  13. 


27  Mars  1861 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  û  l'Étranger, 
;  tous  les  Marchands  de   Musique,  h  s  Libraires, 
t  oui  Bureaux  des  Kessageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30»      id. 

Étranger M  »       id- 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui, 
une  nouvelle  composition  d'EMIIiB  JONAS,  Souvent»' 
tl'iitt  songe,  mélodie  pour  le  piano. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  Lara,  opéra  -  comique 
en  trois  actes  et  six  tableaux,  paroles  de  MM.  Cormon  et  Michel  Carré,  musique 
de  M.  Aimé  Maillart,  par  D.  A.  D.  Saint-YTes .  —  Théâtre  Lyrique  im- 
périal :  Mireille,  opéra  en  cinq  actes,  paroles  de  M.  Michel  Carré,  d'après  le 
poème  de  M.  F.  Mistral,  musique  de  M.  Charles Gounod,  par  Paul  Smith.  — 
Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  — Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  I1DPÉRIA1  DE  l'OPÉRÀ-COIIQDE. 

LARA, 

Opéra-comique  en  trois  actes  et  six  tableaux,  paroles  de  MM.  Cormon 
et  Michel  Carré,  musique  de  M.  Aimé  Maillart. 

(Première  représentation  le  21  mars  1864.) 

Le  poëme  de  Lara  est  certainement  l'une  des  plus  singulières  et 
des  plus  énigmatiques  productions  de  lord  Byron.  On  le  regarde  gé- 
néralement comme  la  suite  du  Corsaire  ;  mais  on  ne  trouve  pas  un 
seul  mot,  dans  le  texte,  qui  puisse  changer  cette  opinion  en  certi- 
tude. Lord  Byron  se  plaisait  à  ces  agaceries  piquantes  qui  remuaient 
la  bile  de  ses  glossateurs,  et  le  malicieux  poêle  se  gardait  bien  de 
leur  venir  en  aide. 

Le  champ  reste  donc  ouvert  aux  suppositions,  et  nous  ne  pouvons 
blâmer  MM.  Cormon  et  Michel  Carré  d'avoir  adopté  celle  qui  con- 
siste à  faire  de  Lara  la  continuation  du  Corsaire,  non  plus  que 
d'avoir  puisé  à  leur  propre  fonds  la  plupart  des  éléments  qui  en- 
trent dans  l'économie  de  leur  drame.  En  effet,  les  personnages  tra- 
cés par  l'admirable  pinceau  de  lord  Byron,  agissent  peu,  surtout  au 
point  de  vue  du  théâtre,  et  les  auteurs  dramatiques  qui  s'emparent 
de  leur  individualité  toute-puissante,  sont  bien  forcés  de  lui  trouver 
un  cadre. 

Depuis  dix  ans  le  jeune  Lara,  entraîné  par  la  fougue  de  ses  pas- 
sions, par  son  besoin  d'indépendance,  a  déserté  le  manoir  paternel, 


et  nul  ne  peut  dire  ce  qu'il  est  devenu.  Son  père  est  mort  en  lais- 
sant une  riche  succession,  et  comme  au  bout  d'un  si  long  temps 
l'héritier  naturel  ne  s'est  pas  présenté  pour  la  recueillir,  le  roi  a 
décidé  que  la  comtesse  Camille  de  Flor,  cousine  de  Juan  de  Lara, 
serait  mise  en  possession  de  ses  domaines,  et  que  le  mari  qu'elle  dé- 
signerait elle-même  prendrait  le  nom  et  les  titres  de  l'absent. 

Tel  est  l'état  des  choses,  au  début  de  l'ouvrage,  quand  la  com- 
tesse de  Flor,  escortée  de  ses  nombreux  prétendants,  vient  frap- 
per à  la  porte  du  château  de  Lara,  pour  se  la  faire  ouvrir.  Mais 
derrière  cette  porte  veille  un  vieux  serviteur  qui,  à  l'exemple  de 
dame  Marguerite,  dans  la  Dame  blanche,  ne  croit  pas  à  la  mort  de 
son  jeune  maître,  et  attend  son  retour.  Persuadé  que  chaque  jour  il 
va  le  voir  apparaître,  le  fidèle  Lambro  tient  ses  appartements  tout 
prêts  à  le  recevoir,  et  consacre  à  cet  usage  les  redevances  qu'il  n'a 
pas  cessé  de  toucher  ponctuellement.  Que  lui  importe  la  volonté 
royale?  Juan  de  Lara  a  seul  le  droit  de  pénétrer  dans  le  manoir  de 
ses  pères,  et  la  comtesse  de  Flor  n'y  entrera  pas,  quoiqu'il  l'ait  vue 
enfant,  quoiqu'il  l'ait  bercée  dans  ses  bras  et  qu'il  lui  garde  au  fond 
du  cœur  une  tendre  affection. 

Camille  ne  veut  pas  employer  la  force,  et  tandis  qu'elle  déli- 
bère, avec  sa  société,  exposée  aux  ardeurs  du  soleil,  survien- 
nent deux  voyageurs  harassés  de  fatigue  ;  l'un,  jeune  homme  au 
teint  bronzé,  à  l'aspect  noble  et  sévère,  porte  un  costume  de  soldat; 
l'autre,  un  adolescent,  aux  traits  fins  et  délicats,  est  vêtu  à  l'orien- 
tale. Après  un  instant  de  repos,  le  soldat  entraîne  son  compagnon  vers 
le  manoir,  et  bientôt,  au  milieu  d'un  orage  qui  vient  d'éclater,  les 
fenêtres  s'illuminent,  les  portes  roulent  sur  leurs  gonds,  et  le  vieux 
Lambro,  le  visage  rayonnant,  accourt  une  torche  en  main  pour 
prier,  de  la  part  de  son  maître,  la  comtesse,  ainsi  que  sa  suite, 
d'accepter  l'hospitalité  qu'on  leur  offre  au  château  ;  hospitalité  royale 
dont  Lara,  vêtu  d'habits  magnifiques,  fait  les  honneurs  à  la  comtesse 
avec  d'autant  plus  d'empressement  que  sa  vue  lui  a  rappelé  les  ten- 
dres souvenirs  de  son  enfance  et  de  leur  union  projetée.  Mais  les 
deux  amants  ont  compté  sans  la  jalousie  du  marquis  Ezzelin,  l'un 
des  prétendants  de  la  comtesse,  et  sans  la  passion  ardente  d'une 
jeune  esclave  arabe,  Gulnare,  qui,  sous  le  costume  de  page  et  le 
nom  de  Kaled,  est  devenue  le  compagnon  inséparable  de  Lara  dans 
ses  courses  aventureuses. 

Dominée  par   cette   passion,   Gulnare  révèle  au    marquis    Ez- 


08 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


zelin  un  secret  terrible  qui  doit  perdre  Lara,  et  comme  dans 
le  poëme  de  Byron  ,  c'est  pendant  une  fêle  que  le  comte  Juan  se 
voit  jeter  5  la  face,  par  son  rival,  l'accusation  d'avoir  volé  un  nom, 
un  titre,  une  fortune  qui  ne  lui  appartiennent  pas.  Ivre  de  rage , 
Lara  défie  Ezzelin  de  prouver  son  dire,  et  celui-ci  promet  d'apporter 
le  lendemain  ses  preuves  sur  le  champ  clos  où  cette  querelle  se 
videra. 

Qu'y  a-t-il  de  vrai  dans  l'assertion  d'Ezzelin  ?  Le  sommeil  agité 
de  Lara  va  peut-être  nous  l'apprendre.  Il  rêve  à  sa  vie  mystérieuse 
et  se  revoit,  sous  le  nom  de  Conrad  le  corsaire,  à  la  tête  d'une 
troupe  de  forbans,  dont  les  jours  se  partagent  entre  le  pillage  et 
l'orgie.  Une  balle,  qui  le  jette  sanglant  entre  les  bras  de  Kaled- 
Gulnare,  le  réveille  en  sursaut. 

Nous  savons  donc  ce  qui  a  occupé  les  dix  dernières  années 
de  Lara.  Mais  en  est-il  moins  pour  cela  le  ûls  du  vieux  comte, 
mort  de  douleur,  en  confiant  à  Lambro  son  testament  et  son  épée 
pour  les  remettre  à  ce  fils  ingrat,  s'il  revient  jamais  s'asseoir  au 
foyer  de  ses  aïeux  ? 

En  ouvrant  le  testament  paternel,  l'ancien  corsaire  y  a  vu  sa 
condamnation.  «  Je  te  lègue  mon  épée,  lui  dit  son  père,  mais 
brise-la  plutôt  que  de  la  tirer  pour  défendre  une  cause  injuste 
ou  pour  soutenir  un  mensonge.  »  Le  devoir  de  Lara  lui  est  tracé 
par  ces  paroles  dignes  et  austères.  Il  reprend  son  humble  cos- 
tume, va  au  rendez-vous  fixé  la  veille  par  Ezzelin,  et  là,  devant  son 
rival,  devant  la  comtesse,  devant  tous  ceux  qui  l'entendent,  seigneurs 
et  vassaux,  il  reconnaît  qu'il  a  menti  en  se  parant  du  nom  de  Lara, 
auquel  il  n'avait  aucun  droit;  son  vrai  nom  est  Conrad  le  corsaire. 

Puis,  appuyé  sur  l'épaule  de  Kaled,  dont  il  a  reçu  l'aveu  et  par- 
donné la  faute,  il  reprend  tristement  le  chemin  de  l'exil. 

Ce  drame,  un  peu  trop  sombre,  selon  nous,  pour  le  cadre  de 
l'Opéra-Comique,  a  néanmoins  de  grandes  et  fortes  qualités.  Il  est 
habilement  conduit,  l'intérêt  n'y  languit  pas  un  seul  instant,  et  les 
situations  y  abondent,   sous   toutes  les  formes. 

M.  Aimé  Maillart,  l'auteur  populaire  des  Dragons  de  Villars, 
avait  donc  sous  la  main  tout  ce  qu'il  faut  pour  inspirer  une 
belle  et  bonne  partition,  digne  d'une  scène  de  premier  ordre, 
et  nous  devons  dire  qu'il  n'est  pas  resté  au-dessous  de  ce  qu'on 
était  en  droit  d'attendre  de  lui.  On  retrouve  dans  Lara  cette  ri- 
chesse de  mélodie,  cette  harmonie  savante  et  colorée,  cette  instru- 
mentation pleine  d'éclat  et  de  variété,  qui  l'ont  placé  si  haut  dans 
l'estime  des  connaisseurs.  Plusieurs  parties  de  son  œuvre  sont 
même  traitées  avec  une  puissance  avec  une  largeur  auxquelles  il 
n'avait  pas  encore  atteint,  et  qui  prouvent  que  son  talent  ne  serait 
pas  déplacé  à  l'Opéra. 

Lara  n'a  pas  d'ouverture  ;  après  une  introduction  pompeuse,  con- 
fiée principalement  aux  cuivres,  la  toile  se  lève  sur  un  chœur  brillant 
et  bien  rhythmé,  auquel  succède  une  ballade,  accompagnée  par  les  rires 
incrédules  des  auditeurs.  Il  y  a  de  très-jolis  détails,  mais  le  fond  n'a 
rien  de  saillant.  Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  les  couplets 
d'Ezzelin  :  Insoucieuse  de  l'amour,  où  le  chœur  intervient.  L'arrivée 
de  la  comtesse  de  Flor,  avec  les  dames  de  sa  suite,  donne  lieu  à  un 
charmant  ensemble,  dont  la  reprise  est  dominée  par  les  gracieuses 
vocalises  de  Camille.  Puis  vient  un  air  de  basse  chanté  par  Lambro, 
dont  il  faut  louer  la  couleur  expressive. 

Le  duo  de  Lara  et  de  Kaled,  à  leur  entrée,  débute  par  une  phrase 
magnifique,  mais  ne  se  soutient  pas  à  la  même  hauteur,  quoiqu'il  soit 
fait  avec  infiniment  d'habileté;  il  est  suivi  d'un  ravissant  dessin  d'or- 
chestre, en  sourdine,  sur  lequel  Kaled  s'endort  peu  à  peu.  Ce  mor- 
ceau est,  à  tout  prendre,  l'un  des  meilleurs  de  l'ouvrage. 

Le  petit  trio  et  le  finale  qui  terminent  ce  premier  acte,  reconnu 
généralement  comme  le  moins  riche  des  trois,  sont  plus  faibles, 
quoique  l'orage,  l'apparition  de  Lambro  avec  sa  torche,  la    surprise 


des  invités  du  comte  de  Lara,  prêtassent  assurément  à  l'inspi- 
ration. En  revanche,  nous  n'avons  plus,  pour  ainsi  dire,  que  des 
éloges  à  donner  aux  deux  autres  actes. 

Le  chœur  qui  ouvre  le  second,  la  phrase  de  Camille  :  Qu'il  tarde 
à  paraître,  l'air  de  Lara  et  l'ensemble  sur  un  mouvement  de  valse, 
forment  un  morceau  brillant  et  bien  mouvementé. 

Les  couplets  de  Lambro  :  Bientôt  les  cloches  sonneront,  est  d'un 
excellent  caractère  ;  on  l'a  bissé  avec  justice. 

L'air  de  Camille  n'est  pas  sans  élégance,  et  il  y  a  aussi  de  fort 
bonnes  choses  dans  le  duo  :  0  rêve  •'  qui  se  termine  en  trio  drama- 
tique. Mais  rien,  absolument  rien,  dans  la  partition  de  M.  Maillart, 
n'est  comparable  à  la  délicieuse  ballade  arabe  chantée  par  Kaled  : 
A  l'ombre  des  vents,  platanes.  Ce  n'est  pas  seulemsntun  air  distingué, 
original,  destiné  à  faire  applaudir  la  voix  d'une  chanteuse ,  c'est  un 
morceau  de  situation,  dans  lequel  se  révèlent  les  passions  qui  agitent 
le  cœur  d'une  femme  amoureuse  et  jalouse.  Le  contraste  des  allu- 
sions du  couplet,  menaçantes  et  acérées  comme  le  fer  d'une  dague, 
avec  le  nonchaloir,  avec  la  morbidezza  du  refrain,  a  été  si  merveil- 
leusement saisi  par  le  musicien,  et  si  admirablement  interprété  par 
Mme  Galli-Marié ,  qu'on  leur  a  fait  une  ovation  des  plus  enthou- 
siastes, qui  s'adressait  non  moins  à  l'un  qu'à  l'autre. 

Le  duo  de  la  jalousie  qui  vient  ensuite  est  aussi  très-remarquable, 
mais  surtout  dans  son  début. 

Bien  différent  du  finale  du  premier  acte,  celui  du  second  est  tout 
entier  parfaitement  réussi.  Il  s'agit  de  la  fête  donnée  par  Lara  pour 
célébrer  son  retour.  Après  un  chœur  plein  d'éclat,  encore  sur  un 
mouvement  de  valse,  Lara  chante  un  brindisi  dont  le  refrain  est  d'un 
fort  bel  effet.  Il  est  interrompu  par  le  déû  d'Ezzelin ,  très-large  et 
très-solennel  ;  puis ,  à  la  suite  d'un  ensemble  où  chacun  exprime, 
comme  il  convient,  le  sentiment  approprié  à  la  situation,  Lara  re- 
prend sa  chanson  joyeuse,  et  la  toile  tombe  sur  ce  nouveau  contraste, 
non  moins  heureux  et  non  moins  saisissant  que  celui  de  l'air  arabe. 

Quoique  le  troisième  acte  soit  composé  de  trois  tableaux,  il  est 
moins  fourni  de  musique  que  les  autres,  mais  ses  qualités  ne  sont 
pas  inférieures.  L'air  de  Kaled  :  Douce  pensée!  est  d'une  grâce  et 
d'une  délicatesse  extrêmes.  C'est  un  chant  doux  et  calme  qui  berce 
le  sommeil  de  Lara.  Puis  tout  à  coup  la  scène  change  ;  nous  voilà 
au  milieu  des  rochers,  sur  une  rive  inconnue,  Conrad  le  corsaire  pré- 
side une  fête  donnée  par  ses  forbans,  et  chante  avec  eux  les  plaisirs 
du  métier  de  flibustier;  soudain  le  canon  tonne,  on  court  aux  armes, 
on  s'excite,  on  s'anime,  l'action  s'engage,  et  Conrad  est  frappé  d'un 
coup  mortel.  Tout  ce  tableau,  vif,  rapide,  tumultueux,  est  traité  de 
main  de  maître  ;  c'est  là  encore  un  des  bons  morceaux  de  la  partition. 

Peut-être  faut-il  regretter  qu'après  tant  de  mouvement,  on  nous 
fasse  assister  à  un  dénoûment  qui  n'est  certes  pas  sans  grandeur, 
mais  qui  paraît  un  peu  froid  au  sortir  de  l'orgie  et  du  combat  des 
flibustiers.  Cependant  la  romance  de  Lara  :  Oui,  votre  volonté  pour 
moi  sera  sacrée,  a  du  charme  et  de  l'expression,  et,  dans  la  scène 
finale,  lorsque  Lara  s'accuse  lui-même  d'imposture,  le  retour  de  la 
phrase  sur  laquelle  Ezzelin  l'a  défié  est  habilement  ménagé,  et  pro- 
duit un  très-bon  effet.  En  fin  de  compte,  il  était  difficile  de  mieux 
terminer  un  ouvrage  dans  lequel  l'auteur  a  prodigué  assez  de  mérite 
pour  qu'on  ne  puisse  pas  lui  demander  davantage. 

C'est  Montaubry  qui  joue  Lara,  et  ce  n'est  pas  pour  lui  une  tâche 
médiocre.  Le  rôle,  très-lourd  à  porter,  mais  en  même  temps  très- 
avantageux,  appartient  à  l'emploi  des  grands  ténors,  et  nous  ne 
voyons  guère,  dans  le  répertoire  de  l'Opéra-Comique,  à  lui  opposer 
que  Zampa.  Montaubry  y  est  parfait  ;  sous  la  cape  grossière  de  l'a- 
venturier, comme  sous  l'habit  de  satin  du  comte  féodal,  il  a  une  ai- 
sance, un  naturel  qui  éloignent  toute  idée  de  fatigue.  Et  pourtant  il 
est  toujours  en  scène,  et,  ù  l'exception  du  premier  acte,  le  poids  de 
la  pièce  et  surtout  de  la  musique  repose  presque  entièrement  sur 
lui.  Plein  de  force  et  de  noblesse  dans  le  finale  du  deuxième  acte, 


DE  PARIS. 


99 


il  fait  encore  une  incroyable  dépense  d'énergie  dans  le  lableau  des 
flibustiers,  et,  au  dénouement,  sa  voix  s'élève  plus  que  jamais  sûre 
et  puissante,  pour  proclamer  son  indignité.  A  deux  ou  trois  reprises, 
le  public  de  la  première  représentation  a  rappelé  Montaubry,  dans  le 
cours  de  la  pièce,  et,  sans  mentir,  il  l'avait  bien  mérité. 

A  côté  de  lui,  Mme  Galli-Marié,  dans  le  rôle  de  Kaled-Gulnare, 
son  compagnon,  ou,  si  l'on  veut,  sa  compagne  fidèle,  s'est  révélée 
sous  un  aspect  nouveau  et  tout  à  fait  inattendu.  Depuis  ses  débuts 
dans  la  Servante  maîtresse,  on  la  connaissait  comme  une  comédienne 
agréable,  comme  une  chanteuse  de  bonne  race;  mais  rien  jusqu'à  ce 
jour  n'aurait  pu  faire  soupçonner  en  elle  les  qualités  dramatiques 
qu'elle  a  déployées  dans  Lara.  Sa  chanson  arabe,  animée  avec  une 
passion  sauvage  et  profonde,  a,  du  même  coup,  surpris  et  électrisé 
toute  la  salle,  qui  a  traduit  ses  impressions  par  plusieurs  salves  d'ap- 
plaudissements. 

Mlle  Barelti  est  une  charmante  comtesse  de  Flor,  et,  à  la  voir, 
on  comprend  que  Lara  se  décide  si  vite  à  l'épouser.  Mais,  à  l'en- 
tendre, ce  n'est  pas  tout  à  fait  la  même  chose.  Cette  jeune  cantatrice 
semble  avoir  déjà  besoin  de  repos,  et  les  notes  tremblées  dont  elle 
abuse  ne  sont  pas  faites  pour  nous  rassurer  sur  la  solidité  de  ses 
moyens.  —  Crosti  est  un  Ezzelin  consciencieux  et  intelligent,  qui  ne 
laisserait  rien  à  désirer  dans  son  rôle  de  jaloux,  s'il  voulait  bien  un 
peu  maigrir.  —  Gourdin  sera  peut-être  un  jour  un  bon  acteur-,  pro- 
visoirement, il  se  contente  de  chanter  ses  couplets  du  deuxième  acte 
avec  une  voix  très-franche  et  très-bien  timbrée.  —  Trillet,  Nathan  et 
Mlle  Tuai  font  preuve  de  bonne  volonté;  il  leur  serait  difficile,  dans 
leurs  personnages  effacés ,  d'avoir  une  autre  prétention  que  celle-là. 
—  La  direction  n'a  rien  épargné  pour  donner  un  grand  éclat  à  l'œu- 
vre nouvelle  de  Maillart.  La  mise  en  scène  est  très-soignée;  les 
décors  du  deuxième  et  du  troisième  acte  sont  fort  remarquables  ;  la 
richesse  des  costumes  ne  laisse  rien  à  désirer.  —  Quant  à  l'orchestre 
de  M.  Tilmant,  il  marche  toujours  avec  une  si  rare  perfection,  qu'il 
faudrait  faire   stéréotyper   les   louanges  qu'il  mérite. 

!).  A.  D.  SAINT-YVES. 


THÉÂTRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

HflREIIil/E, 

Opéra  en  cinq  actes,  paroles  de  M.  Michel  Carré,  d'après  le  poëme 

de  M.  F.  Mistral,  musique  de  M.  Charles  Gounod. 

(Première  représentation  le  19  mars  1864.) 

Rien  de  plus  simple  au  monde  et  au  théâtre  que  le  sujet  de  Mi- 
reille .  une  jeune  fille  riche  et  un  jeune  homme  pauvre  :  un  amour 
contrarié  par  le  père  de  la  jeune  fille,  qui  refuse  d'accepter  pour 
gendre  le  fils  d'un  humble  vannier  ;  la  jeune  fille  quittant  le  toit  pa- 
ternel pour  aller  prier  au  tombeau  des  saintes  Maries,  patronnes  de 
la  Provence,  frappée  en  chemin  par  un  coup  de  soleil,  et  mourant 
d'une  mort  radieuse,  sous  les  yeux  de  son  amant.  Voilà  en  résumé 
tout  le  poëme  de  Mireio,  dont  l'auteur,  M.  Frédéric  Mistral,  n'est  pas 
un  villageois,  un  homme  du  peuple,  ne  connaissant  que  son  idiome 
natal,  et  l'employant,  faute  de  mieux.  Non,  M.  Frédéric  Mistral  est  un 
homme  distingué,  qui  a  fait  ses  études  pour  être  avocat,  ce  nous 
semble,  mais  qui,  sentant  que  la  nature  l'avait  fait  poëte,  a  choisi 
de  propos  délibéré  le  patois  provençal  pour  écrire  son  poëme,  comme 
avant  lui  d'autres  avaient  choisi  le  patois  bourguignon,  ou  autres 
jargons  populaires,  comme  plus  colorés,  plus  souples,  et  se  prêtant 
mieux  à  leurs  poétiques  fantaisies  que  les  langues  académiques. 

«  Je  chante  une  jeune  fille  de  Provence;  —dans  les  amours  de  la 
jeunesse,  —  à  travers  la  Crau,  vers  la  mer,  dans  les  blés,  —  humble 
écolier  du  grand  Homère,  —  je  veux  la  suivre.  Comme  c'était  seu- 
lement une  fille  de  la  glèbe  —  en  dehors  de  la  Crau  il  s'en  est  peu 
parlé.  » 


C'est  ainsi  que  commence  l'humble  écolier  du  grand  Homère,  et 
il  a  quelque  raison  de  se  donner  ce  titre,  M.  Frédéric  Mistral,  car  à 
beaucoup  d'égards,  par  la  forme  comme  par  le  fond,  son  poëme  est 
homérique.  Plusieurs  chants  rappellent  l'Odyssée  :  le  cinquième,  ce- 
lui du  combat  d'Ourrias,  le  terrible  dompteur  de  taureaux,  et  du 
jeune  Vincent,  c'est  de  \' Iliade.  Le  seul  embarras  pour  nous,  en  appre- 
nant qu'on  avait  taillé  dans  ce  poëme  cinq  actes  de  drame  musical, 
c'était  de  savoir  comment  on  aurait  fait  pour  suppléer  à  ce  que  le 
poëme  avait  d'insuffisant,  pour  en  remplir  les  lacunes,  pour  en  allon- 
ger l'étoffe  avec  des  morceaux  bien  assortis.  Mais  M.  Michel  Carré  ne 
s'est  pas  donné  tant  de  peine  :  il  n'a  rien  rempli,  rien  allongé.  Tout 
au  contraire  :  il  a  encore  renchéri  sur  la  simplicité  du  poëte.  Boileau 
l'avait  dit,  il  y  a  deux  siècles  : 

N'offrez  pas  un  sujet  d'incidents  trop  chargé, 

Le  seul  courroux  d'Achille,  avec  art  ménagé, 

Fournit  abondamment  une  Iliade  entière. 

Souvent  trop  d'abondance  appauvrit  la  matière. 
M.  Michel   Carré  s'est  conformé  rigoureusement  à  la   lettre  du 
précepte,  et  certainement,  s'il  s'est  appauvri,  ce  n'est  pas  par  excès 
d'abondance  :  sa  pièce  est  l'indigence  même. 

Du  poëme  original  il  n'a  conservé  que  le  tronc  et  trois  ou  quatre 
branches,  élaguant,  émondant,  saccageant  à  grands  coups  de  serpe 
le  feuillage,  les  fleurs  et  les  fruits.  Sans  doute  on  ne  pouvait  lui 
demander  qu'il  transportât  sur  la  scène  tous  les  détails  prodigués 
par  le  poëte  et  qui  donnent  la  vie  à  son  œuvre,  mais  n'a-t-il  pas 
rogné  sans  pitié,  sans  scrupule?  Et  comment  ne  pas  regretter  celte' 
charmante  scène  de  la  cueillette,  où  la  passion  de  Mireille  et  de 
Vincent  se  déclare  avec  tant  de  candeur?  Les  jeunes  gens 
s'aperçoivent  qu'ils  ont  fait  peu  de  besogne  :  «  Eh  bien  !  dit  Vin- 
cent, qui  cueillera  plus  vite  —  mademoiselle,  nous  allons  voir!  » 
Et  courage  !  des  deux  mains,  passionnés,  ardents  au  travail  —  et 
de  tordre  et  de  traire  ramée....  Le  mûrier  qui  les  porte  est  cueilli 
tout  à  l'heure.  Ils  firent,  pourtant,  bientôt  halte.  —  Quand  on  est 
jeune,  la  belle  chose,  —  comme  dans  le  même  sac  ils  mettaient  la 
feuille  ensemble,  —  une  fois  les  jolis  doigts  effilés  —  de  la  fillette 
dans  le  cerceau  —  se  rencontrèrent  emmêlés  avec  les  doigts  brû- 
lants, les  doigts  de  Vincent.  Elle  et  lui  tressaillirent,  leurs  joues  se 
colorèrent  de  la  fleur  d'amour  —  et  tous  deux  à  la  fois,  d'un  feu 
inconnu  sentirent  l'échappée  ardente. — Et  la  scène  continue  ainsi, 
de  surprise  en  surprise  (ce  sont  bien  les  surprises  de  l'amour),  jus- 
qu'à ce  que  Mireille  s'écrie  :  «  Vincent,  Vincent,  veux-tu  le  savoir  ?  — 
Je  suis  amoureuse  de  toi  !....  » 

Le  drame  musical  débute  aussi  par  la  cueillette  des  feuilles  de 
mûrier,  mais  le  duo  des  amoureux  y  marque  à  peine  sa  place  ;  en  re- 
vanche nous  avons  un  cœur  ravissant  de  jeunes  filles,  dont  les  voix 
fraîches  et  sonores  s'unissent  à  celle  de  Mireille  pour  répéter  ce  re- 
frain : 

Chantez,  chantez,  magnanarelles, 
Car  la  cueillette  aime  les  chants. 

La  mélodie  entonnée  par  toutes  ces  voix  est  une  des  plus  heu- 
reuses que  le  compositeur  ait  trouvées  pour  un  ensemble  féminin, 
et  l'on  sait  que  M.  Gounod  est  doué  d'un  talent  tout  particulier  pour 
les  morceaux  de  ce  genre.  On  n'a  pas  oublié  le  chœur  des  sabéennes 
et  des  juives  dans  la  Reine  de  Saba  ;  celui  de  Mireille  est  pour  le 
moins  aussi  riche  de  coloris  et  d'effet.  Une  ouverture  pastorale,  dans 
laquelle  s'entrelacent  quelques  motifs  de  l'ouvrage,  précède  le  premier 
acte,  qui  n'a  que  la  valeur  d'une  introduction  animée  et  joyeuse. 
Vincent  et  Mireille  y  échangent  quelques  mots  de  tendresse.  Vincent 
parle  de  sa  sœur  Vincenette,  qui  a  quinze  ans.  —  «  Lui  ressembles- 
tu  à  ta  jeune  sœur?  dit  Mireille.  —  Qui,  moi?...  qu'il  s'en  faut!  elle 
est  blondine,  et  je  suis,  vous  le  voyez,  brun  comme  un  cuceron... 
elle  n'est  pas  laide  non  plus,  ma  sœur,  ni  endormie,  mais  vous, 
combien  êtes-vous  plus  belle  !  » 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Dès  ce  premier  acte,  Mireille  dit  à  Vincent  : 

Si  jamais  le  malheur  vient  frapper  l'un  de  nous, 
Aux  Saintes  tous  les  deux,  aux  Saintes  à  genoux  ! 

Et  la  conclusion  du  drame  est  ainsi  annoncée  d'avance.  Les  Saintes- 
Mariés  de  la  mer  (en  provençal  II  Santo),  sont  une  petite  ville  de 
cinq  cents  âmes,  située  dans  l'île  de  Camargue,  au  bord  de  la  mer, 
entre  les  embouchures  du  Rhône.  Une  antique  tradition  y  attire,  le 
25  mai  de  chaque  année,  une  innombrable  affluence  de  pèlerins. 
Suivant  la  légende,  après  la  mort  du  Christ,  les  Juifs  contraignirent 
quelques-uns  de  ses  plus  fervents  disciples  à  monter  sur  un  navire 
désemparé,  et  les  livrèrent  à  la  merci  des  flots.  Le  navire  conduit 
par  Dieu  vint  aborder  en  Provence.  Marie-Madeleine,  l'une  des  trois 
Maries,  se  retira  dans  le  désert  de  la  Sainte-Baume.  Les  deux  autres, 
Marie  Jacobé,  mère  de  saint  Jacques-le-Mineur,  et  Marie  Salomé, 
mère  de  saint  Jacques-le-Majeur  et  de  saint  Jean  l'Evangéliste,  après 
avoir  converti  quelques  peuplades  voisines,  revinrent  mourir  au  lieu 
où  elles  avaient  touché  terre.  C'est  là  aussi  que  Mireille  dira  son 
dernier  adieu  à  Vincent  :  l'assistance  des  saintes  ne  lui  aura  servi 
qu'à  mourir  comme  elles. 

Le  second  acte,  le  plus  robuste  et  le  plus  attachant  des  cinq,  se 
passe  dans  les  arènes  d'Arles.  La  farandole  s'agite  et  tourbillonne. 
Mireille  et  Vincent  sont  invités  à  chanter,  et  ils  disent  la  chanson  de 
Magali  qui,  pour  éprouver  son  amant,  se  métamorphose,  comme 
Protée. 

0  Magali,  ma  tant  amado 

Mete  la  testo  au  fenestroum  ! 

Escouto  un  pau  a  questo  aubado 

De  tambourin  et  de  viouloun. 

Taven,  la  sorcière,  prenant  par  le  bras  Mireille,  lui  murmure  à 
demi  voix  de  délicieux  couplets  : 

Voici  la  saison,  mignonne, 
Où  les  galants  font  leur  choix. 

Mireille,  plus  que  jamais   résolue,   et  s'élevant  jusqu'à  l'héroïsme, 
s'écrie  du  ton  le  plus  véhément  : 

Mon  cœur  ne  peut  changer  :  souviens-toi  que  je  t'aime. 
Enfin  le  père  de  Vincent,  le  tresseur  d'osier,  accompagné  de  la 
sœur  Vincenette,  hasarde  sa  demande  avec  toute  la  dignité  modeste 
que  son  état  comporte.  Maître  Ramon  le  refuse  avec  la  hautaine  ma- 
jesté du  père  de  famille,  qui  croit  accomplir  un  devoir  en  mettant 
la  mort  au  cœur  de  son  enfant.  La  scène  est  large  et  belle,  bien 
dialoguée,  bien  accentuée.  Mireille  s'y  exprime  avec  l'éloquence  du 
désespoir  ;  elle  invoque  le  souvenir  de  sa  mère,  et  sa  douleur  sup- 
pliante trouve  de  l'écho  dans  tous  les  cœurs. 

Pourquoi  faut-il  que  tout  à  coup  le  drame,  si  vivement  engagé,  fai- 
blisse et  tombe  en  langueur  ?  Le  troisième  et  le  quatrième  acte  ne 
sont  en  quelque  sorte  que  deux  solos,  deux  monologues,  dont  nous 
nous  dispenserons  de  parler  longuement  aujourd'hui.  On  comprendra 
que  si  nous  en  étions  plus  satisfaits,  nous  en  dirions  davantage  ;  mais 
dans  le  doute  où  ils  nous  ont  laissé,  ne  vaut-il  pas  mieux  prendre 
le  public  pour  arbitre,  et  lui  soumettre  la  question  ?  Dans  le  troi- 
sième acte,  Ourrias,  le  farouche  Ourrias,  attend  son  rival  dans  un  ra- 
vin profond,  et  le  perce  traîtreusement  de  son  trident.  L'assassin, 
fuyant  à  toute  bride,  veut  se  hâter  de  traverser  le  Rhône,  mais  la 
barque  du  passeur  se  cabre  et  bondit  comme  une  carpe  :  «  Tu  as  tué 
quelqu'un,  misérable!  —  Moi?...  qui  te  l'a  dit?  Que  Satan, —  si 
cela  est  vrai, —  avec  son  fourgon,  me  tire  sur-le-champ  au  fond  des 
abîmes!  —  Ah!  poursuit  le  pilote  livide,  c'est  moi  qui  me  trompe! 
J'oubliais —  que  c'est  la  nuit  de  Saint-Médard.  Tout  malheureux  noyé, 
des  tourbillons  sombres,  —  dans  quelques  profondeurs  que  l'eau  l'en- 
sevelisse, —  sur  cette  terre,  cette  nuit,  doit  revenir.  —  La  longue 
procession  déjà  se  développe.  »  Ici  le  drame  imite  trop  exactement 
le  poëme  ; 


Mais  il  est  des  objets  que  l'art  judicieux 
Doit  offrir  à  l'oreille  et  reculer  des  yeux. 

M.  Michel  Carré  avait  donc  oublié  cet  autre  précepte  du  clas- 
sique Boileau!  Dans  l'acte  suivant,  le  quatrième,  Mireille  s'enfuit 
de  la  maison  de  son  père,  où  Vincenette  est  venue  lui  appren- 
dre que  son  frère  a  failli  mourir.  Mireille  veut  à  tout  prix  le  re- 
voir :  elle  s'élance  éperdue  à  travers  la  plaine  dévorante  :  elle  y 
envie  le  sort  du  petit  berger,  forcé  de  s'abriter,  lui  et  ses  chèvres, 
sous  la  bruyère,  pour  échapper  au  soleil  meurtrier.  Atteinte  par  un  de 
ses  traits,  elle  n'en  poursuit  pas  moins  sa  course  vertigineuse  ;  elle 
aperçoit  à  l'horizon  les  Saintes,  et  trouve  assez  de  force  pour  y  ar- 
river, mais  expirante,  et  elle  y  succombe  entre  son  père  et'  son 
amant.  Tout  le  cinquième  acte  est  une  admirable  et  pittoresque  re- 
production de  la  solennité  qui  se  célèbre  chaque  année  aux  Saintes. 
Il  y  a  là,  comme  aux  deux  actes  précédents,  un  magniûque  déploie- 
ment d'art  pittoresque  :  mais  il  n'y  a  pas  assez  de  drame ,  ni  dans 
la  pièce,  ni  dans  la  musique,  pas  assez  de  ce  qui  constitue  les 
forces  vives  d'un  opéra. 

C'était  sans  doute  une  excessive  témérité  que  de  choisir  pour  texte 
une  bucolique  en  cinq  actes,  sans  avoir  à  y  jeter  d'autres  épisodes 
qu'une  morgue  ambulante  et  une  insolation  ;  le  grand  succès  de  Faust 
a  pu  exagérer  la  confiance  du  compositeur  dans  le  prestige  de  ses 
inspirations,  mais  quelle  différence  entre  le  sujet  de  Faust  et  celui 
de  Mireille!  M.  Gounod  n'en  a  pas  assez  tenu  compte.  Heureusement 
il  nous  semble  avoir  profité  de  la  leçon  que  la  Reine  de  Saba  lui  a 
donnée.  Dans  Mireille,  il  a  fait  un  peu  moins  de  cette  musique  im- 
personnelle, que  l'école  de  l'avenir  voudrait  substituer  à  la  tradition 
des  Gluck,  des  Mozart  et  de  leurs  héritiers.  Cependant  il  ne  s'est  pas 
encore  assez  défendu  contre  la  fatale  tendance  à  peindre  des  gri- 
sailles, au  lieu  de  dessiner,  de  colorer  des  physionomies  vivantes. 
En  musique,  la  faculté  de  créer  des  mélodies  qui  laissent  un  souve- 
nir équivaut  à  celle  de  créer  des  personnages  et  de  leur  imposer 
des  noms  dans  les  œuvres  littéraires,  les  poëmes  et  les  romans.  Si 
vous  ne  savez  représenter  sur  la  toile  que  des  masses  confuses,  d'où 
nulle  individualité  ne  se  détache,  vous  n'atteignez  pas  le  but  de  votre 
art;  vous  en  restez  aussi  loin  que  le  musicien,  qui  n'excelle  qu'à  en- 
chaîner des  myriades  d'harmonies  et  de  modulations.  Pour  varier 
cette  monotonie,  M.  Gounod  a  un  procédé  dont  il  se  sert  avec  une 
habileté  rare  :  c'est  le  chœur  de  femmes,  ou  bien  le  chœur  dans  la 
coulisse,  accompagné  comme  le  chant  du  pifferaro,  ou  bien  encore  la 
chanson  du  pâtre.  Prenons  garde  à  la  chanson  du  pâtre  !  les  imita- 
teurs ne  tarderont  pas  à  la  gâter.  Au  quatrième  acte  de  Mireille,  il 
y  a  quelque  chose  dans  ce  genre  :  Le  jour  se  lève  et  fait  place  à 
la  nuit,  et  à  propos  de  ce  morceau,  l'un  de  nos  confrères  a  dit  qu'on 
ne  manquera  pas  de  le  comparer  à  la  chanson  du  pâtre  de  Sapho, 
en  lui  préférant  celle-ci  ;  de  même  que  l'on  eût  préféré  celle  de  Mi- 
reille, si  elle  avait  précédé  celle  de  Sapho.  Qu'est-ce  que  cela 
prouve?  qu'il  ne  faut  pas  mettre  partout  des  chansons  de  pâtre,  ne 
ne  fût-ce  que  pour  éviter  le  danger  des  comparaisons. 

La  partition  de  Mireille  commence  mieux  qu'elle  ne  finit  :  voilà 
son  tort.  Un  de  ses  plus  grands  mérites,  c'est  d'avoir  pour  inter- 
prète Mme  Carvalho,  la  première  de  nos  cantatrices  françaises, 
l'artiste  dont  la  voix  et  la  méthode  n'ont  cessé  d'être  en  pro- 
grès. A  côté  d'elle,  Mme  Faure-Lefebvre  se  multiplie,  en  remplissant 
successivement  deux  rôles,  celui  de  Taven,  la  sorcière,  et  celui  du 
berger  Andrelon  ;  elle  ne  réussit  pas  moins  dans  l'un  que  dans 
l'autre.  Ismaël,  chargé  du  rôle  ingrat  d'Ourrias,  s'en  acquitte  sans 
broncher.  Morini  n'a  que  peu  de  chose  à  faire  dans  le  rôle  singu- 
lièrement revu  et  diminué  de  Vincent;  Mlle  Reboux  joue  la  sœur 
Vincenette;  Petit  et  Wartel  se  font  remarquer  dans  les  rôles  des 
deux  pères. 

Faut-il  dire  et  répéter  que  l'ouvrage  est  monté  avec  un  soin 
merveilleux  ;    que    tous    les  décors    sont    autant    de    dioramas  ; 


DE  PARIS. 


101 


que  les  chœurs,  chantés  et  dansés,  charment  à  la  fois  l'oreille  et  les 
yeux  ?  Une  chose  que  nous  avons  omise,  c'est  que  le  dialogue  est 
en  vers  :  beaucoup  de  gens  seraient  capables  de  ne  pas  s'en  douter. 

Paul  SMITH. 


REVUE  DES  THEATRES. 

Théâtre -Français  :  Voltaire  au  foyer,  à-propos  en  un  acte  et  en 
vers,  par  M.  Amédée  Rolland  ;  Moi,  comédie  en  trois  acte  et  en 
prose,  par  MM.  Eug.  Labiche  et  Ed.  Martin  —  Gymnase  :  l'Ami 
des  femmes,  comédie  en  cinq  actes,  par  M.  Alexandre  Dumas  fils. 
—  Vaudeville  ;  l'Amour  qui  dort,  comédie  en  un  acte,  par 
M.  Pagésis;  reprise  de  Louison,  comédie  en  trois  actes  et  en  vers 
d'Alfred  de  Musset.  —  Variétés  :  l'Homme  n'est  pas  parfait, 
comédie-vaudeville,  en    un  acte,   par    M.   Lambert   Thiboust.  — 

TnÉATRE  ALLEMAND. 

La  Comédie-Française  a  inauguré,  tout  récemment,  son  nouveau 
foyer,  qui  complète  d'une  manière  splendide  la  restauration  à  la- 
quelle ont  donné  lieu  les  travaux  entrepris  sur  la  rue  Saint-Honoré. 
La  statue  de  Voltaire,  ce  chef-d'œuvre  d'Houdon,  que  l'on  voyait 
sous  le  péristyle  du  théâtre,  a  été  transportée  dans  le  foyer,  et 
cette  circonstance  a  fait  éclore  un  à-propos  en  un  acte  et  en  vers, 
qui  a  été  représenté  le  soir  même  de  l'inauguration.  M.  Amédée 
Rolland,  l'auteur  de  Voltaire  au  foyer,  a  dignement  pris  en  mains 
la  défense  du  temps  présent,  trop  souvent  sacrifié  au  passé  par  d'in- 
justes critiques,  et  pour  étayer  sa  thèse  d'une  autorité  imposante,  il  a 
fait  sortir  de  leurs  tombes  toutes  les  illustrations  de  la  Comédie, 
acteurs  et  auteurs,  sans  oublier,  bien  entendu,  Molière.  Toute  la 
troupe  a  figuré  dans  cette  solennité,  et  les  vers  de  M.'  Amédée  Rol- 
land ont  été  fort  applaudis.  On  a  fait  spécialement  une  ovation  très- 
méritée  à  Mlle  Favart,  qui,  sous  les  traits  d'Adrienne  Lscouvreur,  a 
décerné  un  touchant  hommage ,  on  ne.  peut  mieux  placé  dans  la 
bouche  de  la  célèbre  tragédienne,  à  la  mémoire  de  Rachel. 

Quelques  jours  après,  MM.  Labiche  et  Edouard  Martin,  deux  au- 
teurs très -appréciés  au  Gymnase  et  au  Palais-Royal,  ont  abordé  no- 
tre première  scène  française  avec  une  comédie  en  trois  actes,  inti- 
tulée Moi,  qu'on  a  favorablement  accueillie.  Les  deux  types  de 
l'égoïste  qui  cache  son  vice  sous  des  dehors  hypocrites  et  de  celui 
qui,  au  contraire,  s'en  pare  comme  d'une  vertu,  sont  un  peu  forcés; 
mais,  ainsi  présentés,  ils  ne  donnent  que  plus  de  relief  au  contraste 
heureux  qui  résulte  de  l'abnégation  généreuse  de  deux  jeunes  rivaux, 
amoureux  de  la  même  personne,  et  voulant  se  sacrifier  mutuellement 
à  l'amitié  et  à  la  reconnaissance.  L'égoïste  par  tempéramment  vit 
séparé  de  sa  femme,  et  plutôt  que  de  la  subir  dans  le  domicile  con- 
jugal, il  s'enfuit  au  bout  du  monde;  car  les  gens  de  son  espèce 
n'ont  ni  patrie  ni  famille,  mais  du  moins  celui-là  ne  fait  de  mal  à 
personne.  L'autre  est  puni  par  l'abandon  de  tout  ce  qui  l'entoure  ; 
mais,  dans  son  aveuglement  irrémédiable,  ce  n'est  pas  lui-même 
qu'il  accuse  :  Ce  sont  tous  des  égoïstes  !  dit-il  en  voyant  ses  victimes 
échapper  à  son  joug.  Le  trait  ne  manque  pas  dans  ces  trois  actes, 
mais  par  la  faute  du  sujet  sans  doute,  il  porte  à  peine  au  delà  de  la 
rampe.  Et  pourtant  Régnier  et  Got  n'ont  rien  à  se  reprocher  ;  ils 
font  tout  ce  qu'ils  peuvent  pour  dissimuler  le  côté  odieux  de  leurs 
rôles. 

—  L'Ami  des  femmes,  de  M.  Alexandre  Dumas  fils,  est  le  grand 
événement  littéraire  du  mois.  Cette  comédie,  longtemps  prônée  à 
l'avance,  comme  tout  ce  que  fait  l'auteur  du  Demi-monde,  était  at- 
tendue avec  une  vive  et  impatiente  curiosité.  Nous  dirons  plus,  elle 
avait  pour  elle  toutes  les  sympathies  préventives  qui  se  groupent 
autour  d'un  nom  aimé  et  presque  constamment  favorisé  par  le  succès. 
Comment  a- 1- elle  répondu  à  ces  marques  d'unanime  bienveillance? 
La  presse  entière  s'est  prononcée  à  cet  égard,  et  à  l'heure  où  nous 


arrivons,  il  ne  nous  reste  plus  guères  qu'à  résumer  ces  impressions, 
qui  sont  d'ailleurs  en  parfait  accord  avec  les  nôtres. 

M.  Alexandre  Dumas  fils,  en  débutant  au  théâtre,  a  eu  le  rare 
bonheur  d'y  introduire  un  genre  nouveau,  et  d'y  découvrir  un  monde 
jusque  là  inexploré.  Mais,  encouragé  par  l'accueil  fait  à  ses  premiers 
ouvrages,  il  s'est  attardé  dans  ce  monde,  et  quand  il  a  voulu  en 
sortir  pour  aborder  une  région  plus  noble  et  plus  élevée,  il  s'est 
trouvé  que  son  esprit  avait  gardé  l'empreinte  reçue  dans  ce  milieu 
impur,  et  qu'il  lui  était  désormais  impossible  de  l'effacer  complète- 
ment. Le  grand  tort  de  l'Ami  des  femmes  est  donc  d'avoir  déserté 
la  compagnie  des  courtisannes  ou  même  des  grandes  dames  four- 
voyées dans  un  atelier  d'artiste.  Il  n'est  pas  fait  pour  vivre  dans  la 
bonne  société,  où  l'on  ne  saurait  pas  plus  admettre  son  langage  que 
ses  mœurs.  Mais,  cette  restriction  posée,  M.  de  Ryons  est-il  bien 
réellement,  comme  il  s'en  vante,  l'ami  des  femmes  ?  Il  est  permis 
d'en  douter  en  voyant  la  manière  dont  il  traite  toutes  celles  qui  lui 
tombent  sous  la  griffe.  La  seule  Mme  de  Simerose  lui  inspire  un  in- 
térêt qui  se  traduit  par  de  singulières  excentricités  ;  la  connaissant  à 
peine  de  la  veille,  M.  de  Ryons  s'impose  de  vive  force  à  son  inti- 
mité, se  fait  le  directeur  de  sa  conscience,  lui  arrache  ses  secrets 
les  mieux  enfouis  dans  le  fond  de  son  cœur,  et  finalement  la  rend  à 
son  mari  dont  elle  s'est  séparée  après  quelques  jours  de  ménage. 
Car  c'est  là  toute  l'intrigue  de  cette  pièce,  et  l'on  conviendra  que 
c'est  bien  peu  de  chose. 

Il  est  vrai  que  l'auteur  a  compté,  pour  remplacer  l'action  absente, 
sur  ses  procédés  ordinaires  qui  consistent  à  donner  aux  détails  l'im- 
portance que  n'a  pas  le  fond.  Demandez  aux  gastronomes  ce  qu'ils 
pensent  d'un  dîner  où,  à  défaut  de  rôti,  on  ne  leur  servirait  que  des 
hors-d'œuvre  !  Telle  est  cependant  la  poétique  actuelle  non-seule- 
ment de  M.  Dumas  fils,  mais  aussi  de  quelques-uns  de  ses  imita- 
teurs. Malheureusement  pour  eux,  le  public  commence  à  se  montrer 
moins  accommodant,  et  à  dédaigner  cette  exhibition  de  photographies 
plus  ou  moins  ressemblantes.  Qu'il  existe,  dans  le  monde,  un  imper- 
tinent, un  fat,  un  bavard  de  la  force  de  M.  de  Ryons,  c'est  possible, 
mais  ce  doit  être  une  exception.  De  même,  si  l'on  rencontre  beau- 
coup de  belâtres  taillés  sur  le  patron  de  M.  de  Chantrin,  où  trouver 
une  jeune  fille  comme  cette  petite  Balbine,  admiratrice  passionnée 
de  la  barbe  blonde  de  ce  monsieur,  et  prise,  à  son  aspect,  d'un  at- 
taque nerveuse  assez  difficile  à  expliquer?  Ce  n'est  assurément  pas 
dans  la  bonne  société.  Des  ménages  à  trois,  il  y  en  a  partout,  c'est 
convenu  ;  mais  pourquoi  se  complaire  à  nous  présenter  le  tableau  de 
ces  unions  interlopes  sous  les  couleurs  les  plus  crues  et  les  plus  re- 
poussantes ?  Passe  encore  pour  le  portrait  de  cette  belle  fille  élé- 
gante, et  riche  de  trois  millions,  qui  ne  peut  parvenir  à  se  marier, 
parce  qu'elle  est  trop  connue,  et  qu'elle  s'est  trop  affichée  dans  tous 
les  lieux  où  la  publicité  s'acquiert.  Ce  type  est  vrai,  et  il  est  du  do- 
maine de  la  bonne  comédie. 

Mais  nous  n'avons  encore  rien  dit  du  principal  personnage  féminin 
de  cette  pièce,  et  nous  ne  savons  vraiment  de  quelle  façon  le  pré- 
senter à  nos  lecteurs.  Mme  de  Simerose  est  pourtant  une  femme 
charmante,  et  si  elle  a  quitté  son  mari,  c'est  que  M.  de  Simerose  lui 
avait  donné,  par  sa  conduite  légère,  le  droit  de  prendre  ce  parti 
extrême.  Elle  jouit  de  la  considération  universelle,  et  depuis  qu'elle 
vit  seule,  on  n'a  jamais  rien  eu  à  lui  reprocher.  Mais  plus  elle  est  posée 
en  honnête  femme,  et  moins  on  comprend  comment  l'auteur  a  pu 
lui  faire  accepter,  en  moins  de  vingt-quatre  heures,  la  tutelle  im- 
provisée de  M.  de  Ryons,  qui  apprend  bientôt,  de  son  propre  aveu, 
qu'elle  a  été  si  peu,  si  peu  mariée  qu'en  bonne  conscience  il  se  croit 
autorisé  à  la  saluer  du  titre  de  mademoiselle.  Ah  !  par  exemple, 
nous  devons  constater  que  cet  oubli  des  bienséances,  qui  est  un  in- 
concevable mépris  de  la  morale  la  plus  vulgaire,  a  failli  révolter 
pour  de  bon  le  public. 

L'impression  ressentie  par  toute  la  salle,  à  la  première  représen- 


102 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tation  de  l'Ami  des  femmes,  n'a  pas  été,  par  conséquent,  très-sym- 
pathique à  cette  comédie.  Néanmoins,  on  ne  peut  pas  dire  qu'elle 
soit  tombée;  il  serait  plus  juste  d'avouer  qu'en  dépit  de  son  immora- 
lité ou  plutôt  de  sa  brutalité,  elle  a  plus  d'une  fois  provoqué  des 
bravos  de  bon  aloi,  qui  s'adressaient  non  à  l'action  dramatique,  mais 
au  talent,  à  l'esprit  de  l'auteur.  Jamais,  en  effet,  il  n'a  été  plus 
prodigue  de  saillies  fines,  spirituelles,  ou  de  mots  saillants,  à  l'em- 
porte-pièce.  C'est  une  pyrotechnie  éblouissante,  qui  vous  force  à  fer- 
mer les  yeux  pour  ne  pas  être  aveuglé  par  son  éclat,  mais  qui,  par 
cela  même,  nous  contraint  à  descendre  en  nous-même  et  à  déplorer 
l'abus  de  cet  esprit  merveilleux  et  de  ce  talent  incontestable. 

L'Ami  des  femmes  a  pour  principaux  interprètes  P.  Deshays,  Lan- 
drol,  P.  Berton,  Dieudonné,  Mlles  Delaporte,  Montaland  et  Céline 
Chaumont.  11  suffit  d'écrire  leurs  noms  pour  attester  que  si  la  nou- 
velle pièce  de  M.  Alexandre  Dumas  fils  ne  se  décide  pas  à  faire  de 
l'argent,  ce  ne  sera  point  la  faute  des  acteurs. 

—  Un  petit  cousin  et  une  petite  cousine  s'aiment  sans  le  savoir  ; 
survient  un  prétendu  dont  la  seule  présence  leur  révèle  ce  qui  se 
passe  clans  leurs  cœurs,  et  voilà  ce  que  le  Vaudeville  appelle  l'A- 
mour qui  dort. 

Cette  comédie  anodine  a  été  accompagnée,  le  premier  soir,  par 
la  reprise  à  ce  théâtre  de  Louison,  comédie  en  vers  d'Alfred  de  Mus- 
set, qui  a  été  déjà  essayée  à  la  Comédie  française,  il  y  a  une  quin- 
zaine d'années. 

—  Hélas!  nous  ne  le  savons  que  trop,  l'Homme  n'est  pas  par- 
fait; mais  la  femme  n'est  pas  parfaite  non  plus,  témoin  le  ménage 
Michon,  un  fort  de  la  halle  et  une  marchande  de  marée,  qui  ne 
s'entendent  pas  très-bien  ensemble  sur  le  chapitre  de  la  fidélité 
conjugale. 

Ce  petit  acte  populaire,  joué  avec  beaucoup  de  verve  et  d'entrain 
par  Christian,  Grenier  et  Mlle  Alphonsine,  est  tout  à  fait  à  sa  place 
dans  le  répertoire  des  Variétés,  où  les  vaudevilles  de  ce  genre ,  un 
peu  trop  délaissés  aujourd'hui,  étaient  naguère  en  grand  honneur. 
C'est  un  très-bon  appoint  à  la  Vieillesse  de  Brididi,  et  l'ancien  théâtre 
de  Brunet  ne  peut  que  gagner  à  persévérer  dans  cette  voie. 

—  A  la  représentation  extraordinaire  donnée  au  Théâtre-Allemand, 

au  bénéfice  de  M.  Wernhardt,  on  a  entendu,  pour  la  première  fois, 

le  Paria,  de  Michel  Béer  ("le  frère  de  Meyerbeer),  avec  deux  autres 

pièces  du  répertoire.  Un  intermède  musical,    auquel  a  concouru  le 

charmant  talent  de    Mlle    Etterlin  sur  la  zither,  a  augmenté  l'attrait 

de  cette  soirée. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

*%  La  réouverture  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  aura  lieu  demain 
par  Robert  le  Diable.  —  JMoïse  et  la  Maschera  y  ont  été  donnés  lundi  et 
mercredi  avant  sa  clôture.  —  A  la  représentation  de  Moïse,  la  dernière 
par  suite  du  départ  pour  Londres  de  Mlle  Battu,  une  magnifique  cou- 
ronne de  fleurs  a  été  offerte  à  la  jeune  artiste,  par  deux  artistes  du 
théâtre,  au  nom  de  leurs  camarades,  et  le  public  s'est  associé  chaleureu- 
sement à  cette  sympathique  manifestation. 

,j%  Un  opéra  en  trois  actes,  paroles  de  M.  Labiche,  musique  de 
F.  Bazin,  vient  d'être  reçu  à  l'Opéra-Comique. 

a%  Naudin  a  fait  dimanche  ses  adieux  au  public  dans  une  représen- 
tation composée  de  fragments  d'ouvrages  du  répertoire  de  l'excellent 
ténor.  —  Fraschini  va  rentrer  très-prochainement. 

„*t  Adelina  Patti  s'est  fait  entendre  et  applaudir  la  semaine  dernière 
dans  II  Barbiere  et  Don  l'asquale.  Ce  soir,  elle  chantera  Marta,  et  ce 
sera  la  cinquième  représentation  pendant  cette  saison  de  l'opéra  de 
Flotow. 

»%  Mario  chantera  ce  soir  dans  Marta  pour  la  dernière  fois  avant 
son  départ  pour  Londres. 

***  Mme  Penco  est  engagée  par  M.  Bagier  jusqu'à  la  fin  de  la  saison 
de  l'opéra  à  Madrid. 

***  Mlle  Lagrua  a  passé  par  Paris  se  rendant  à  Londres  où  un  bril- 
lant engagement  l'appelle  au  théâtre  de  Covent-Garden. 


***  Mme  Ugalde  a  reparu  la  semaine  passée  dans  les  Ravards,  qui 
étaient  accompagnés  de  Lischen  et  Fritzchen.  L'excellente  artiste  rem- 
placera ce  soir,  dans  les  Géorgiennes  Mlle  Saint-Urbain.  Nous  ren- 
drons compte  dimanche  prochain  de  cette  représentation. 

***  L'opéra  de  salon,  Tout  est  bien  qui  finit  bien,  a  été  joué  dimanche 
dernier  à  la  salle  Pleyel,  par  Mme  Tillemont  et  Sainte-Foy.  La  musique 
de  M.  Wekerlin  est  une  des  mieux  réussies  dans  ce  genre  d'ouvrage; 
l'élément  mélodique  y  abonde,  et  la  verve  ne  fait  pas  défaut.  C'est  u  n 
succès  des  plus  francs  et  des  mieux  mérités. 

***  La  reprise  de  l'Etoile  du  Nord  à  Lille  a  eu  lieu  avec  beaucoup 
d'éclat.  Mme  Barbot  s'est  montrée  très-remarquable  dans  le  rôle  de 
Catherine  et  a  contribué  au  brillant  succès  du  chef  -  d'œuvre  de 
Meyerbeer. 

t*x  Le  programme  du  concert  spirituel  donné  hier  au  théâtre  Lyrique 
se  composait  ainsi  :  ouverture  à'Euryante  ;  chœur  de  Paulus,  de  Men- 
delssohn ;  Ave  Maria,  de  Bach,  par  Gounod;  Ave  verum,  de  Mozart; 
marche  religieuse,  d'kd.  Adam;  Benedictus,  d'Auber,  chanté  par 
Mme  Miolan-Carvalho  ;  marche  et  chœur  de  Lohengrin,  de  Wagner  ; 
septuor  des  Troyens,  de  H.  Berlioz;  SAierzo,  de  Bizet;  Sanctus,  de  Che- 
rubini,  chanté  par  MM.  Lutz  et  Pils  ;  Marche  de  la  communion  du  roi, 
de  Cherubini;  Stabat  mater,  de  Rossini;  Pro  peccatis ,  chanté  par 
M.  Petit;  Injlammatus,  chanté  par  Mlle  de  Maësen;  le  Jugement  dernier, 
de  Félicien  David. 

*%  Un  décret  en  date  du  2  mars,  fixant  les  noms  d'un  certain' nom- 
bre de  rues  nouvelles,  contient  ce  qui  suit  :  «  Les  voies  ouvertes  aux 
abords  de  l'Opéra,  suivant  les  plans  approuvés  par  les  décrets  des  14 
novembre  1858  et  46  juillet  1862,  prendront  les  dénominations  suivantes: 
La  première,  partant  du  boulevard  des  Capucines  et  aboutissant  à  la 
rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  celle  de  rue  Halévy  ;  la  deuxième,  ouverte 
entre  le  boulevard  des  Capucines  et  la  rue  de  la  Ferme-des-Mathurins, 
celle  de  rue  Auber  ;  la  troisième,  prolongeant  la  rue  de  Mogador  de  la 
rue  Neuve-des-Mathurins  au  boulevard  des  Capucines,  celle  de  rue 
Scribe;  la  rue  ouverte  derrière  le  théâtre  Lyrique,  entre  le  quai  de 
Gèvres  et  l'avenue  Victoria,  recevra  le  nom  de  rue  Adam. 

***  Au  concert  spirituel  du  Conservatoire  donné  le  vendredi  saint,  on 
a  exécuté  :  symphonie  héroïque  de  Beethoven;  Pie  Jesu  et  Agnus  Dei 
du  Requiem  de  Cherubini;  aria  di  chiesa  de  Stradella,  chanté  par 
M.  Achard;  thème  varié,  scherzo  et  finale  du  septuor  de  Beethoven; 
motet  (double  chœur)  de  S.  Bach  ;  ouverture  de  Freyschiïtz. 

**„..  Le  concert  donné  le  vendredi  saint  au  Cirque  Napoléon  était  comme 
un  prélude  aux  grandes  solennités  que  M.  Pasdeloup  prépare  pour  trois 
dimanches  consécutifs  Au  dernier  concert,  après  l'ouverture  d'Ofte- 
ron,  dont  l'exécution  a  été  admirable,  ainsi  que  celle  des  fragments 
du  septuor  de  Beethoven,  des  chœurs  religieux  de  Marcello,  de  Gounod 
de  Bach  et  de  Haendel,  ont  pleinement  satisfait  l'auditoire,  plus  nom- 
breux que  jamais.  Sous  avons  à  signaler  le  début  d'une  jeune  et  jolie 
personne,  Mlle  Rose,  élève  du  Conservatoire,  qui  a  dit  d'une  voix 
charmante,  mais  un  peu  émue,  un  Ave  Maria,  de  Cherubini.  Sivori  est 
venu  ensuite  étonner,  ravir,  électriser  tous  les  assistants  avec  la  prière 
de  Moïse,  sur  la  quatrième  corde,  qu'on  lui  a  redemandée  ;  mais  le 
prodigieux  virtuose  a  joué  en  échange  des  variations  délicieuses,  qui 
ont  soulevé  encore  des  tempêtes  de  bravos. —  Le  festival  Beethoven  aura 
lieu  le  3  avril,  au  cirque  Napoléon.  Cinq  cents  exécutants  prendront 
part  à  cette  solennité.  Le  programme  contiendra  la  9°  symphonie  de 
Beethoven  (avec  chœurs),  et  les  Ruines  d'Athènes.  M.  Vieuxtemps,  qui  ne 
s'est  pas  encore  fait  entendre  cet  hiver  à  Paris,  vient  expressément 
d'Allemagne  pour  y  jouer  le  concerto  de  Beetnoven.  —  Le  10  avril, 
au  festival  Mendelssohn,  on  exécutera  l'oratorio  Elie.  Mme  Rudersdorff, 
appelée  expressément  d'Angleterre,  y  chantera  ainsi  que  Mme  Talbot 
et  M.  Petit.  Le  violoniste  Becker  exécutera  le  concerto  de  Mendelssohn. 

***  Le  Stabat  Mater,  de  Rossini,  a  été  exécuté  le  vendredi  saint  dans 
l'église  de  Saint-Eustache,  sous  la  direction  du  maître  de  chapelle, 
M.  Hurand. 

**„  Les  concerts  spirituels  donnés  le  jeudi  saint  et  hier  au  théâtre 
Italien  étaient  composés  de  sept  morceaux  du  Stabat  mater,  de  Pergo- 
lèse  et  Haydn,  et  du  Stabat  mater,  de  Rossini .  Mmes  Marchisio,  Méric- 
Lablache,  Calderon  ;  MM.  Mario,  Agnesi,  Pagans,  Antonucci  et  Aldi- 
ghieri,  ont  concouru  à  l'exécution  très-brillante  de  ces  œuvres  magis- 
trales. 

3%  La  fécondité  d'Offenbach  commence  à  devenir  proverbiale.  Ainsi  le 
12  mars  1863,  à  Paris,  il  donne  la  première  représentation  des  Bavards. 

—  Le  11  juillet,    à  Ems,  Il  signor  Fagolto;   le  18,  Lischen  et  Fritzchen; 

—  le  5  janvier  1864,  les  Bouffes  s'ouvrent  avec  Lischen  et  Fritzchen,  et 
l'Amour  chanteur  ;  le  4  février,  à  l'Opéra-Impérial  de  Vienne,  il  donne  la 
première  de  la  Rheinnixe,  grand  opéra  en  trois  actes;  le  11  février,  au 
Carl-Theater,  la  première  de  Fagotto;  le  15  février,  au  théâtre  an  der 
Wien,  la  première  de  la  Demoiselle  en  loterie,  avec  sept  morceaux  nou- 
veaux, inédits,  sur  dix;  enfin  le  15  mars,  à  Paris,  les  Géorgiennes,  opéra- 
bouffe  en  trois  actes.  Notez  que  ce  bulletin  de  campagne  est  un  bulle- 
tin de  victoire.  L'autre  soir  on  fêtait  la  100e  représentation  des  Bavards. 

%*%  La  société  chorale  de  Saint-Quentin  s'était  assuré  le  concours  de 
Henri  Uerz  pour  son  dernier  concert.  Le  grand  pianiste,  en  cette  occa- 


DE  PARIS. 


103 


sion,  n'a  pas  failli  à  sa  supériorité  habituelle.  Son  jeu  pur  et  élégant, 
ses  chants  si  habilement  phrasés  ;  la  netteté,  la  légèreté  unies  à  la  force 
et  à  l'ampleur;  ses  admirables  traits  de  piano  se  détachant  sur  l'accom- 
pagnement de  l'orchestre,  ont  produit  une  profonde  impression  sur 
l'assemblée,  qui  le  lui  a  témoigné  par  des  applaudissements  réitérés  et 
en  lui  redemandant  la  tarentelle  et  sa  charmante  fantaisie  sur  la  Fille  du 
régiment.  Il  l'avait  fait  précéder  de  son  5"  concerto  en  fa  mineur,  œuvre 
magistrale  dans  laquelle  le  compositeur  se  montre  à  la  hauteur  de  l'exé- 
cutant, et  comme  opposition  et  témoignage  de  la  variété  de  son  talent, 
H.  Herz  a  terminé  par  la  Californienne,  polka  entraînante  de  sa  compo- 
sition. Inutile  d'ajouter  qu'un  magnifique  piano  de  sa  fabrique,  envoyé 
exprès  sur  les  lieux,  concourait  encore,  par  la  beauté  et  la  puissance  de 
ses  sons,  à  l'effet  produit  par  l'artiste. 

»*,  Le  dernier  programme  de  M.  Lebouc  était  particulièrement  attrayant  : 
le  quintette  de  Schumann  a  été  rendu  avec  beaucoup  d'ensemble 
et  de  fougue  par  MM.  G.  Pfeiffer,  White,  Lebouc,  Trombetta-et  Com- 
tat  ;  le  trio  en  sol  mineur  de  G.  Pfeiffer,  dans  toutes  ses  parties,  a  été 
accueilli  avec  une  faveur  très-marquée  par  l'auditoire;  M.  E.  Du- 
rand, l'auteur  de  Comme  à  vingt  ans,  a  fait  connaître  ses  Chansons  à 
l'ocaliscf,  délicieusement  rendues  par  Mme  Peudefer;  puis,  après  un 
brillant  solo  de  violoncelle,  exécuté  avec  grand  succès  par  le  maître 
de  la  maison,  la  séance  s'est  terminée  par  le  Chêne  et  le  Roseau,  la 
dernière  et  poétique  inspiration  de  Georges  Pfeiffer. 

*%  Le  concert  de  Vivier  reste  fixé  au  14  avril  :  «  une  heure  de  mu- 
sique »  est  annoncée  sur  l'unique  affiche  imprimée  qui  se  trouve  à  la 
sa!le  Erard.  Ce  sera  donc,  sous  beaucoup  de  rapports,  un  concert  hors 
ligne. 

„,%  L'association  des  artistes  musiciens  de  France  fera  célébrer  le 
lundi,  i  avril  prochain,  jour  de  l'Annonciation,  à  midi,  dans  l'église 
Notre-Dame,  une  messe  solennelle  en  musique  de  la  composition  de 
M.  François  Bazin.  Cette  messe,  précédée  de  la  marche  religieuse,  avee 
accompagnement  de  harpes,  d'Ad.  Adam,  sera  chantée  par  l'Orphéon 
de  la  ville  de  Paris,  au  nombre  de  six  cents  exécutants.  A  l'offertoire, 
on  entendra  un  Ave  Maria,  composé  spécialement  pour  la  circonstance 
par  M.  François  Bazin.  La  musique  de  la  garde  de  Paris,  sous  la  direc- 
tion de  son  chef,  M.  Paulus,  exécutera  plusieurs  morceaux  religieux  de 
son  répertoire.  Le  produit  de  la  quête  et  des  chaises  sera  versé  dans  la 
caisse  de  secours  de  l'Association. 

***  Même  soir,  salons  Erard,  concert  de  M.  Waldemar  de  Tour,  pia- 
niste polonais,  avec  le  concours  de  Mlle  Marie  des  Isles  et  de  MM.  Val- 
sovani,  White  et  Albert  Lavignac. 

*%  Programme  du  quatrième  concert  de  M.  Camille  Saint-Saens ,  le 
vendredi,  1er  avril,  salons  Pleyel  :  seizième  concerto  de  Mozart,  exécuté 
par  M.  C.  Saint-Saens;  Souvenance,  Bêverie,  la  Mort  dOphélie,  Soirée  en 
mer,  mélodies  de  M.  C.  Saint-Saens,  chantées  par  Mme  Barthe-Bande- 
rali  ;  duo  concertant  pour  violon  et  violoncelle  (inédit),  de  Vieuxtemps, 
exécuté  par  MM.  Camille  et  Ernest  Demunck;  Momenlo  capriccioso,  de 
Weber,  et  9e  concerto  de  Mozart,  exécutés  par  M.  C.  Saint-Saens. 

***  Mercredi,  30  mars,  salle  Herz,  concert  de  Mme  Peudefer. 

,„**  Demain  lundi,  28  mars,  concert  de  Mme  Rossi-Gallieno  dans  les 
salons  Erard,  avec  le  concours  de  Mlle  Dubois  et  de  MM.  Charles  La- 
moureux  et  Emile  Rignault. 

**t  Jeudi  31  mars,  concert  avec  orchestre  donné  par  M.  Vincent 
Adler  dans  les  salons  Pleyel.  M.  Adler  fera  entendre  le  concerto  de 
Chopin  et  le  Cor  enchanté,  de  Hummel.  Il  exécutera  en  outre,  avec 
M.  Ernest  Lubeck,  la  Rhapsodie  hongroise,  de  sa  composition,  et  seul 
ses  morceaux  les  plus  justement  estimés  :  valse  rococo,  barcarolle, 
marche-tarentelle  et  sérénade  hongroise. 

.j,**  Un  opéra  inédit  en  deux  actes,  paroles  de  M.  Nessler  et  musique 
de  M.  Febvrol,  a  été  représenté  avec  succès  au  théâtre  de  Strasbourg. 

*%  M.  Lemmens,  le  célèbre  organiste,  se  trouve  à  Paris,  et  a  fait 
entendre,  devant  un  auditoire  choisi,  de  nouvelles  compositions  desti- 
nées à  paraître  dans  son  nouvel  ouvrage  l'Organiste  catholique.  Son  suc- 
cès a  été  aussi  grand  que  mérité. — Demain  lundi  à  une  heure,  M.  Lem- 
mens jouera  le  grand  orgue  à  l'église  de  Saint-Sulpice. 

***  W.  Goldner,  jeune  pianiste,  donnera  une  soirée  musicale  le  sa- 
medi 2  avril,  dans  la  salle  Erard.  On  entendra,  outre  le  bénéficiaire 
qui  jouera  quelques-unes  de  ses  compositions,  MM.  Telesinski,  Mohr, 
Lassère  et  Mme  Boisgontier. 

***  M.  Alfred  Quentin,  artiste  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  vient 
de  faire  paraître  un  Traité  d'orchestration,  ouvrage  remarquable,  dont 
nous  nous  occuperons  prochainement. 

***  La  sixième  et  dernière  séance  de  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo 
et  Mas  aura  lieu  mercredi  prochain,  avec  le  concours  de  Lubeck. 
Deux  quatuors  de  Mozart  et  de  Beethoven,  la  sonate  pour  piano  et 
violoncelle,  œuvre  58  de  Mendelssohn,  et  un  trio  de  Beethoven  en  com- 
posent le  programme. 

***  Le  Stabat  Mater  de  Pergolèse  a  été  exécuté  le  jeudi  saint  aux 
Tuileries.  Les  parties  principales  ont  été  interprétées  par  Mlles  Marie 
Sax,  MM.  Troy  et  Warot;  les  chœurs  par  les  élèves  du  Conservatoire. 

**,  Mme  Céline  Kurtz,  professeur  de  piano,  donnera  le  4  avril  pro- 


chain, dans  la  salle  Beethoven,  une  brillante  soirée  musicale  et  litté- 
raire avec  le  concours  d'artistes  distingués. 

**#  L'excellent  violoniste  W.  Bauerkeller  donnera  un  concert  le  S 
avril  dans  la  salle  Herz;  il  sera  entouré  d'artistes  très-distingués. 

***  Joseph  Wieniawski  vient  d'être  nommé  par  S.  M.  I.  le  schah  de 
Perse,  chevalier  d'un  ordre  de  ce  pays. 

**„.  On  annonce  une  audition  musicale  donnée  par  M.  Thurner  le 
jeuae  pianiste  compositeur,  le  6  avril,  salle  Pleyel. 

a,**  Le  chœur  de  Rossini,  la  Foi,  transcrit  et  varié  pour  le  piano  par 
Paul  Bernard,  à  peine  publié,  se  trouve  déjà  entre  les  mains  d'un 
grand  nombre  de  pianistes,  et  paraît  destiné  à  un  très -grand  succès. 

.,,%  James  Wehli,  pianiste-compositeur  anglais,  se  trouve  en  ce  mo- 
ment à  Paris,  et  y  donnera  un  concert  jeudi  prochain,  salle  Erard.  On 
dit  le  plus  grand  bien  de  son  talent. 

***  La  partition  de  Lara,  l'opéra  nouveau  de  Maillart,  a  été  acquise 
par  l'éditeur  Girod. 

*%  G.  Pfeiffer  est  parti  cette  semaine  pour  une  grande  tournée  en 
Angleterre,  en  Ecosse  et  en  Irlande  ;  il  est  engagé  par  un  entrepreneur 
anglais.  Avant  son  départ,  il  a  concouru  à  l'éclat  de  la  dernière  grande 
soirée  donnée  salle  du  Louvre,  avec  MM.  Delle-Sedie  et  Engel. 

„.*„  Le  sixième  volume  de  la  Biographie  universelle  des  musiciens  (se- 
conde édition),  par  M.  Fétis  père,  est  un  de  ceux  qui  renferment  le  plus 
grand  nombre  d'articles  intéressants  et  traités  avec  une  supériorité  de 
talent  qui,  chez  l'auteur,  ne  cesse  de  grandir  et  de  s'élever.  Nous  nous 
occuperons  bientôt  et  avec  détail  de  ce  volume,  dans  lequel,  au  pre- 
mier coup  d'oeil,  on  distingue  les  noms  de  Méhul,  Mendelssohn,  Mcyer- 
beer,  Monteverde,  Mozart,  Paganini,  Palestrina,  Paisiello,  Pergolesn,  sans 
compter  ceux  de  Mattheson,  Mersenne,  Merulo  et  d'Okeghem. 

***  La  succession  de  Schindler,  l'ami  et  le  biographe  de  Beethoven, 
a  passé  aux  mains  de  sa  sœur,  à  Manheiin;  il  s'y  trouve  diverses  reli- 
ques de  l'illustre  compositeur  :  sa  montre,  ses  lunettes,  sa  canne  ;  des 
manuscrits,  lettres,  notices,  etc. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

t*^  Bruxelles.  —  La  première  représentation  de  VEtoile  de  Messine, 
ballet  dont  la  musique  si  réussie  est  du  comte  Gabrielli,  vient  d'avoir 
lieu  avec  un  éclatant  succès.  Mme  Ferraris  a  été  applaudie  à  outrance  ; 
rappelée  à  plusieurs  reprises,  elle  a  dû  danser  deux  fois  quelques-uns 
des  pas  dans  lesquels  elle  avait  aussi  obtenu  tant  de  succès  à  Paris.  — 
Les  représentations  du  Pardonde  Ploërmel  sont  très-suivies;  Mme  Meyer- 
Boulart  y  est  de  plus  en  plus  applaudie.  —  L'opéra  Lucrezia  Borgia, 
a  été  repris  avec  succès  ;  Mmes  Meillet  et  Borghèse,  MM.  Bertrand 
et   Perin  s'y  montrent  très-remarquables. 

„%  Berlin.  Du  14  au  20  du  courant,  le  théâtre  de  la  cour  a  donné 
Struensée,  drame  de  Michel  Béer,  avec  la  musique  de  Meyerbeer;  Czar 
et  Charpentier,  de  Lortzing  ;  Robert  le  Diable,  de  Meyerbeer,  et  le  Do- 
mino noir,  d'Auber.  Mlle  Artot  poursuit  le  cours  de  ses  succès  dans  le 
rôle  d'Angèle.  —  Le  nombre  des  concerts  est  infini;  concert  de  l'associa- 
tion des  Dames,  de  la  nouvelle  académie  musicale,  de  la  Société  de 
chant  Erk,  de  la  Société  de  chant  Stern,  etc.  —  Le  vendredi  saint,  la 
Société  de  chant  Grell  exécutera  la  Passion  de  saint  Mathieu,  par  Séb.- 
Bach.  —  Dans  Robert,  qui  avait  comme  toujours  attiré  la  foule,  une  de- 
moiselle de  Therey  a  chanté  le  rôle  d'Isabelle;  sa  voix  sympathique, 
perfectionnée  par  de  bonnes  études  musicales,  n'a  pas  assez  de  volume 
pour  remplir  la  vaste  salle  du  théâtre  de  la  cour. 

***  Hambourg.  —  Une  apparition  intéressante  dans  le  monde  musi- 
cal, est  celle  de  la  jeune  pianiste  Mary  Krebs,  fille  du  maître  de 
chapelle  à  la  cour  de  Dresde.  En  société  avec  sa  mère,  l'excellente 
cantatrice  Krebs-Michalesi,  Mary,  qui  n'a  que  douze  ans  à  peine,  a 
donné  un  concert,  où  elle  a  joué  avec  un  aplomb,  une  sûreté  vraiment 
merveilleuse,  les  compositions  les  plus  difficiles  de  Hummel,  Weber, 
Liszt,  etc. 

#%  Mayence.  —  Enfin  a  eu  lieu  l'exécution  annoncée  depuis  long- 
temps de  Josué,  oratorio  de  Haendel,  par  la  Liedertafel,  et  la  Société  des 
Dames  ;  cette  œuvre  grandiose  a  été  accueillie  avec  enthousiasme. 

à*j  Naples.  —  VAlbergo  délia  speranza  (l'auberge  de  l'espérance) 
opéra  nouveau  du  maestro  Lombardini,  n'a  pas  réussi  au  théâtre  de 
San  Carlo.  On  l'avait  donné  pour  la  représentation  au  bénéfice  de  De- 
bassini.  Le  principal  tort  reproché  à  la  musique,  c'est  celui  d'être 
trop  légère. 

%*%  Lisbonne.  —  Il  Projeta,  avec  Mme  Tedesco  et  Mongini  dans  les 
rôles  principaux,  excite  constamment  l'enthousiasme  au  théâtre  du  Li- 
ceo.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  est  souvent  représenté,  et  la  foule 
remplit  toujours  la  salle. 


104 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


MANUFACTURE   D'INSTRUMENTS   DE  MUSIQUE  EN   CUIVRE  ET   EN   BOIS  (Fondée  en  1843) 

SO,  rue  Saint-Georges,  à  Paris. 


Maison    ADOLPHE    SAX 


*  # 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des   Guides   et  des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  — Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc. 

Tous  Us  instruments  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    ^Kïï 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  el  le  poinçon  ci-après  : 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851,  1855 
et  1S62,  relatifs  aux  Saxophones  (BREVET  BE  1846.) 

et Parmi    les   inventeurs    d'instruments  de    musique,  la  plus   haute   distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leurs  sons,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  ferfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grant  progrès.  »  (Exposit.  1831.) 

«  Famille   complète   des    Saxothones,  inventée  pau  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  joue  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
Saxophone  l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 

alto  911  bémol.  habile  clarinettiste  Wuille  eyéeuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes   à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  ;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportious  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble  renferment, 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  orignine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions ;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  eut  né  d'hier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  à  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  {Exposit.  18SS.) 

œ  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  (Exposit.  i862.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musique  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plus  part  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 

Saxophone  soprano,  «OO  fr. —  Saxsplione  ténor,  «S5  fr.—  Saxophone  alto,  ««5  fr. —  Saxophone  baryton,  «5©  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une   certaine  quantité   de   saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  baryton  à 

l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 

pourvu  qu'elles  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distridue  chez  lui,  SO,  rue  Saint-Georges. 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Rue  de  la  Victoire,  48,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


PRIX  ACCORDE   A   L  UNANIMITE   A    l  EXPOSITION 
UNIVERSELLE  DE  LONDRES  1851. 

Fournisseur  des  Ministères  de  la 
Guerre  et  de  la  Marine  de  France. 

Seuls    agents    à    Londres 

CHAPPELL  &  HAMOND,  S"  DE  JULLIEN  &Ce 

216  ,   Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 

ANTOINE  COURTOIS 

POUR  L'EXCEILENCE  DE  SES  CORNETS  A  PISTONS,  CORS,  ALTOS,  DASSES, 

ET   POUR    TOUTE    SA    COLLECTION    D'INSTRUMENTS   EN    GÉNÉRAL. 

88,    rue    des    Marais  -  Saint  -  Martin,    SS. 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MÉDAILLE  D'ARGENT   DE  1"  CLASSB 
A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  ïss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  ta  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


lUrBIUERIE  CENTBAI.E   DF.   NAPOLEON   CHA1X   I 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


W  14. 


3  Avril  1864. 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraire 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 24    r.  pal 

Départements,  Belgique:  et  Suisse...,     ''M  n        i 

Étranger 34  -       i 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Société  des  concerts  de  chant  classique,  fondation  Beaulieu,  par 
Paul  Smith.  —  Auditions  et  concerts.  —  De  l'éducation  musicale  préven- 
tive pendant  la  première  et  la  seconde  enfance  (2e  article),  par  Maurice 
Cristal. Nouvelles  et  annonces. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS  DE  CHANT  CLASSIQUE. 

Fondation  Beaulieu   (5e  année). 

Le  plus  bel  hommage  que  l'on  puisse  rendre  à  la  mémoire  de 
ceux  qui  ne  sont  plus,  c'est  de  continuer  l'œuvre  qui  leur  était  chère, 
d'épouser  leur  pensée  favorite,  et  de  leur  succéder  avec  tant  d'af- 
fection et  d'amour  qu'ils  semblent  ne  pas  avoir  cessé  d'exister.  La 
fondation  des  Concerts  de  chant  classique  avait  fini  par  être  la 
grande,  l'unique  affaire  de  M.  Beaulieu,  cet  homme  si  distingué,  ce 
musicien  si  éminent,  qui  n'avait  eu  dans  sa  vie  d'autres  affaires  que 
celles  de  l'art  et  des  artistes.  Elève  de  Méhul,  lauréat  de  l'Institut 
en  1810,  il  ne  lui  avait  manqué,  pour  prendre  place  au  nombre  des 
compositeurs  militants,  que  cet  aiguillon  de  la  nécessité,  dont  l'af- 
franchissait une  fortune  indépendante.  Profitant  de  la  position  qui 
le  dispensait  de  songer  à  lui-même,  il  se  voua  tout  entier  aux  inté- 
rêts de  son  pays,  de  ses  concitoyens,  parmi  lesquels  il  comptait  de 
si  nombreux  amis,  et  il  ne  travailla  qu'à  leur  être  utile.  D'abord  il 
fonda  l'Association  musicale  de  l'Ouest,  qui  réunit  dans  un  cercle 
mélodieux  les  départements  des  Deux-Sèvres,  de  la  Vienne,  de  la 
Charente,  de  la  Haute-Vienne  et  de  la  Vendée.  Puis  il  s'occupa  de 
créer  à  Paris  cette  Société,  qui  remplit  les  derniers  temps  de 
son  existence,  et  à  laquelle  son  nom  restera  toujours  attaché. 
C'est  bien  la  moindre  récompense  qui  doive  lui  revenir  pour  prix 
de  son  zèle,  de  son  talent  et  de  ses  sacrifices  !  M.  Beaulieu  présidait 
aux  progrès  de  cette  Société,  comme  à  ceux  d'un  enfant  adoré  :  sa 
joie,  son  orgueil,  c'était  de  la  voir  grandir. 

Une  mort  inattendue  l'a  enlevé  trop  tôt,  sans  doute  ;  du  moins  il 
aura  emporté  avec  lui  la  certitude  que  son  œuvre  lui  survivrait,  car 
il  l'avait  élevée  assez  haut  pour  qu'elle  ne  fût  plus  en  danger.  D'ail- 
leurs, il  laissait  sur  cette  terre  une  épouse  tendre  et  pieuse ,  qui 
avait  été  la  compagne  de  sa  vie  entière,  et  qui  regarde  comme  un 
devoir,  comme  un  honneur,  l'accomplissement  des  idées  et  des  vœux 
de  son  mari. 


Le  concert  donné  jeudi  dans  la  salle  Herz  est  le  meilleur  gage  de 
cette  volonté  de  maintenir,  d'achever  l'institution  commencée.  Le 
programme  en  était  composé  de  morceaux  dont  chacun  avait  sa 
valeur,  et  qui  peut-être  avaient  été  indiqués  d'avance  par  M.  Beau- 
lieu  lui-même,  à  l'exception  d'un  seul,  qu'il  se  serait  refusé  à  ins- 
crire sur  la  liste,  p^r  cette  raison  péremptoire  qu'il  était  de  lui  !  Donc 
il  a  fallu  que  le  fondateur  mourût  pour  que  la  société  fît  en- 
tendre un  Dies  irai  de  sa  composition,  et  que  ne  désavouerait  au- 
cun des  maîtres  de  la  musique  religieuse.  Ce  morceau,  largement 
écrit,  d'une  inspiration  spontanée  et  facile,  nous  a  paru  le  meilleur 
spécimen  de  la  manière  du  maître,  qui  évitait,  plutôt  qu'il  ne  cher- 
chait l'occasion  de  se  produire.  MmeVandenheuvel-Duprez,  Mlle  Bon- 
nias  et  M.  Marié,  chantaient  les  soli,  et  la  première  surtout  se  dis- 
tinguait par  la  beauté  d'un  style  dont  elle  possède  si  bien  la  tradition. 
Dans  un  air  à'Idoménée,  de  Mozart,  elle  en  a  donné  une  nouvelle 
preuve  avec  plus  d'éclat  encore,  et  l'assemblée  l'en  a  récompen- 
sée par  une  triple  salve  de  bravos. 

Le  finale  à'Eliza,  de  Cherubini,  un  air  de  Satil,  de  Haendel,  un 
air  à'Aetius,  du  même,  fort  bien  chantés,  le  premier  par  M.  Paulin, 
le  second  par  M.  Battaille,  ont  été  écoutés  avec  beaucoup  d'intérêt; 
la  Bataille  de  Marignan,  chœur  sans  accompagnement,  de  Janne- 
quin,  offrait  un  attrait  plus  vif  encore.  Constatons  avec  plaisir  que 
l'exécution  en  a  été  plus  satisfaisante  que  l'on  ne  s'y  serait  attendu. 
La  solidité  avec  laquelle  les  basses  ont  gardé  l'intonation  a  sauvé  la 
masse  chorale,  et  cette  espèce  de  mêlée  harmonique  a  produit  un 
excellent  effet. 

A  travers  tous  ces  morceaux  de  chant,  il  n'y  avait  qu'un  seul  mor- 
ceau instrumental,  un  octuor  de  Mozart  pour  deux  hautbois,  deux 
clarinettes,  deux  cors,  deux  bassons  :  MM.  Triebert,  Barthélémy,  Le- 
roy, Rose,  Baneux,  Rousselot,  Jancourt  et  Villanfret  se  sont  enten- 
dus à  merveille  pour  interpréter  cet  octuor  qui,  par  les  idées  et  le 
style,  semblerait  avoir  été  composé  dans  un  enlr'acte  des  Nosze  di 
Figaro  ou  de  Don  Giovanni.  C'est  Mozart  que  l'on  retrouve  dans  ce 
morceau  trop  peu  connu,  et  que  l'on  eût  redemandé,  si  l'on  n'eût 
craint  de  fatiguer  les  artistes. 

La  fondation  de  M.  Beaulieu  a  donc  fait  un  pas  de  plus,  malgré 
l'absence  de  son  créateur,  qui  eût  été  si  heureux  d'assister  à  cette 
bonne  soirée.  Et  quand  on  songe  que  cet    homme,    que  cet  artiste 


106 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


si  honorable,  si  généreux,  est  mort  sans  avoir  obtenu  la  distinction 
que  méritaient  ses  services  !  La  croix  d'honneur  eut  été  si  bien  pla- 
cée sur  un  cœur  que  faisaient  battre  tant  de  nobles  sentiments! 

Paul  SMITH. 


ADDITIONS  ET  CONCERTS. 

M.  et  Urne  Léopold  Dancla.  —  M.  et  Mme  Marcliesi  (con- 
cert historique).  —  M.  Tito  Mattei.  —  Mme  Béguln- 
Salomon.—  M.  SoUolowsfei  et  Mme  Winnen-OrlowsUa. 

—  Mme  KouBi-Galieno.—  M.  F.-*.  Endrès.  —  Mlle  Cnar- 
lottc  Jacques.  —  M,  James  Wel»lî.—  M.  Vincent  Adler. 

—  Concerts  de  jour  du  Pré-Catelan. 

Tous  les  ans,  M.  Léopold  Dancla  nous  offre  l'occasion  de  l'enten- 
dre et  de  nous  convaincre  qu'il  n'a  pas  cessé  d'être  l'un  des  plus 
dignes  représentants  de  notre  école  française  pour  le  violon.  Son  jeu 
est  élégant,  correct  et  pur,  énergique  au  besoin  et  toujours  sympa- 
thique. Comme  compositeur,  il  ne  manque  ni  de  savoir  ni  de  dis- 
tinction. L'élégie  et  la  polonaise  qu'il  a  exécutées  à  son  dernier 
concert,  dans  les  salons  de  Pleyel-Wolff,  ont  obtenu  un  succès  très- 
mérité,  ainsi  que  V Adieu  et  le  Départ  de  Schubert,  transcrits  par  lui, 
pour  piano,  orgue,  violon  et  violoncelle.  Un  Ave  Maria,  adapté  au 
prélude  de  Bach,  par  Gounod,  pour  voix,  piano,  orgue  et  violon,  un 
trio  de  Charles  Dancla,  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  ont  encore 
permis  à  M.  Léopold  Dancla  de  prendre  sa  part  des  bravos  décernés 
à  ses  partenaires.  Enfin,  dans  un  air  du  Pré  aux  clercs,  avec  ac- 
compagnement de  violon  obligé,  il  a  fait  preuve  des  qualités  les 
plus  brillantes.  Mme  Léopold  Dancla,  chanteuse  de  goût  et  de  mé- 
thode, a  fort  bien  dit  cet  air,  et,  en  outre,  avec  M.  Bach,  un  très- 
joli  duo  des  Dragons  de  Villars.  On  a  aussi  beaucoup  fêlé  le  piano 
de  Mlle  Sabatier-Blot,  le  violoncelle  de  M.  Poëncet,  l'orgue  de  M.  Fla- 
mant, et  les  chansons  comiques  de  M.  Eugène  Fauvre. 

Avant  leur  départ  pour  l'Angleterre,  où  ils  sont  attendus,  M.  et 

Mme  Marchesi  ont  donné,  dans  la  salle  Herz,  un  concert  historique 
des  plus  intéressants.  Prenant  l'ancienne  école  italienne  à  ses  débuts, 
ils  ont  voulu  nous  montrer  l'origine  et  le  développement  de  l'air  et 
du  duo,  de  1600  à  1730.  Tous  les  maîtres  illustres,  depuis  Jacopo 
Péri  jusqu'à  Pergolèse,  ont  donc  fourni  leur  contingent  à  cette  audi- 
tion, où  )e  chant  était  représenté  par  le  mari  et  la  femme,  le  cla- 
vecin par  M.  Alexandre  Billet  et  le  violon  par  M.  Schérek.  Plusieurs 
morceaux,  parmi  lesquels  nous  citerons  la  Gelosia  de  Luigi  Rossi,  et 
Viltoria,  de  Carissimi,  cantates  supérieurement  rendues  par  M.  Mar- 
chesi, ont  charmé  l'auditoire,  et  le  duo  de  la  Serva  padrona,  qui  a 
dignement  terminé  la  séance,  a  été  dit  par  le  couple  voyageur  de 
manière  à  nous  faire  regretter  que  la  direction  des  Italiens  ne  l'ait 
pas  disputé  aux  bravos  et  aux  guinées  de  nos  heureux  voisins. 

—  Le  grand  attrait  de  la  soirée  donnée,  à  la  salle  Herz,  par  M.  Tito 
Mattei,  pianiste 'du  roi  d'Italie,  était  l'audition  des  trois  ouvertures 
de  Raimondi,  que  le  bénéficiaire  avait  arrangées  pour  trois  pianos  à 
quatre  mains.  Cette  belle  transcription,  qui  a  produit  un  effet  im- 
mense, était  interprétée  par  Mlle  Louise  Murex,  par  M.  Mattei,  par 
M.  et  Mme  Giorza,  par  Mlle  Roulle  et  par  M.  Lafuente.  Outre 
ce  morceau  capital,  M.  Tito  Mattei,  compositeur  distingué  non 
moins  qu'habile  exécutant,  nous  a  fait  entendre  deux  grandes  fantai- 
sies, transcrites  par  lui,  sur  des  motifs  du  Ballo  in  maschera  et  de 
la  Norma.  Un  style  brillant,  de  la  netteté,  de  l'expression,  de  la  sou- 
plesse, telles  sont  les  qualités  que  nous  avons  applaudies  chez  ce  vir- 
tuose italien,  qui  nous  a  fourni,  en  outre,  un  curieux  échantillon  de 
son  extrême  agilité  dans  un  nocturne  de  sa  façon,  varié  pour  la  main 
gauche,  et  dans  un  gracieux  galop,  intitulé  le  Diable  noir. 


Une  fantaisie  de  violon,  par  M.  Favilli,  et  une  fantaisie  de  Servais, 
pour  violoncelle,  par  M.  Lasserre,  divers  morceaux  chantés  par 
MM.  Bettini  et  Verger,  par  Mlles  Fortuna  et  Roulle,  puis,  pour  cou- 
ronner la  séance,  l'admirable  quatuor  de  Rigoletto,  interprété  par  ces 
quatre  artistes,  ont  contribué  à  rendre  ce  concert  l'un  des  plus  char- 
mants de  la  saison. 

—  L'audition  annuelle  de  Mme  Béguin-Salomon,  qui  a  eu  lieu  dans 
les  salons  Erard,  a  fait  de  nouveau  briller  les  qualités  sérieuses  qui 
distinguent  l'éminente  pianiste,  son  style  pur  et  élevé,  sa  grande  sû- 
reté d'exécution,  sa  grâce  et  sa  délicatesse.  Deux  transcriptions  du 
Miserere  d'il  Trovatore  et  du  Tannhauser,  le  trio  en  si  bémol  (op.  11) 
de  Beethoven,  une  sonate  pour  piano  et  clarinette,  de  Weber,  le 
scherzo  en  la  bémol,  du  même  auteur,  ont  valu  à  Mme  Béguin-Sa- 
lomon d'unanimes  et  de  sincères  applaudissements.  Elle  a,  de  plus, 
fait  sa  partie  dans  un  sextuor  d'Onslow,  pour  piano,  flûte,  clarinette, 
cor,  basson  et  contre-basse.  M.  White,  avec  une  fantaisie  sur  Faust, 
pour  violon,  et  M.  Poëncet,  avec  une  fantaisie  de  Schumann,  pour 
violoncelle,  ont  complété  les  plaisirs  de  cette  soirée,  dont  le  seul  dé- 
faut était  de  n'avoir  pas  de  chant,  pour  y  jeter  un  peu  plus  de  va- 
riété. 

—  Le  guitariste  polonais  Sokolowski,  dont  nous  avons  plus  d'une 
fois  entretenu  nos  lecteurs  depuis  le  commencement  de  la  saison 
s'est  fait  entendre  pour  son  propre  compte,  en  société  de  Mme  Win- 
nen-Orlowska,  prima-donna  du  théâtre  San-Carlo,  de  Naples.  Les 
merveilleux  effets  que  M.  Sokolowski  sait  tirer  de  sa  guitare  double, 
font  oublier  la  monotonie  de  cet  instrument,  et  lui  prêtent  une  sorte 
d'attrait  qui  n'est  pas  seulement  celui  de  la  difficulté  vaincue.  Des 
transcriptions  variées  de  morceaux  d'opéra,  tels  que  l'Elisired'amore 
ou  le  Pirate,  fournissent  la  preuve  d'un  sentiment  musical  très-dé- 
veloppé,  et  en  les  écoutant,  on  est  presque  tenté  de  regretter  que 
leur  auteur,  malgré  la  perfection  de  son  jeu,  n'ait  pas  donné  un  autre 
but  à  ses  efforts. 

Mme  Winnen-Orlowska,  qui  possède  une  assez  belle  voix  de  mezzo- 
soprano,  peut-être  un  peu  sourde  dans  le  médium,  a  successivement 
interprété  le  grand  morceau  de  la  Favorite  :  0  mon  Fernand,  l'air 
de  Stradella  :  Pieta,  siguore,  et  des  mélodies  polonaises  d'une  ori- 
ginalité piquante.  En  somme,  l'épreuve  a  été  assez  favorable  à  ces 
deux  artistes  étrangers,  pour  qu'ils  n'aient  pas  à  se  repentir  de  "l'a- 
voir tentée.  Parmi  les  solistes  qui  les  ont  secondés,  nous  devons  une 
mention  à  M.  Ernest  Demunck,  jeune  violoncelliste,  qui  a  joué  re- 
marquablement la  fantaisie  de  Servais  sur  des  motis  de  la  Fille  du 
régiment. 

—  Dans  sa  soirée,  chez  Erard,  avec  une  modestie  peu  usitée 
en  pareille  occurrence ,  Mme  Rossi-Galieno,  qui  donnait  ,  à  ce 
que  nous  croyons,  son  premier  concert  à  Paris,  a  négligé  les 
grands  morceaux  d'étude  et  de  bravoure,  pour  ne  nous  offrir  en 
quelque  sorte  que  des  fragments,  que  des  pages  détachées  :  un  im- 
promptu de  Chopin,  une  berceuse  de  Robert  Schumann,  la  sérénade 
espagnole  de  Fumagalli,  puis  trois  gracieuses  bluettes  de  sa  compo- 
sition, parmi  lesquelles  l'auditoire  a  fait  un  accueil  tout  spécial  à  la 
tarentelle  qui  terminait  la  séance.  Mme  Rossi-Galieno,  agréable  pia- 
niste, au  doigté  agile  et  sûr,  est  aussi  une  fort  bonne  musicienne,  à 
en  juger  par  la  manière  dont  elle  a  dit  sa  partie  dans  le  charmant 
trio  en  si  mineur,  de  Mayseder,  qui  a  produit  beaucoup  d'effet. 
MM.  Charles  Lamoureux  et  Emile  Rignault,  ses  coexécutants,  ont 
joué  ensuite,  avec  leur  talent  habituel,  un  solo  de  violon  et  deux 
airs  pour  violoncelle,  parfaitement  choisis,  et  Mme  Isabelle  de  Boïs 
a  conquis  tous  les  suffrages,  en  chantant  un  air  des  Noces  de  Fi- 
garo :  Ce  doux  martyre,  et  un  air  de  la  Lucie. 

—  Lundi  dernier,  le  grand  salon  de  l'hôtel  du  Louvre  déployait 
toutes  ses  splendeurs  pour  l'audition  des  œuvres  d'un  jeune  compo- 
siteur, M.  F.-J.  Endrès,  qui  est,  en  outre,  un  pianiste  d'assez  belle 
force.  Après    avoir  rendu  justice   à   son  talent  d'exécution  que  l'on 


DE  PARIS. 


107 


a  vivement  applaudi,  nous  lui  dirons  qu'il  s'est  peut-être  un  peu 
trop  pressé  de  livrer  à  l'appréciation  du  public  ses  premiers  essais, 
qui  comprennent  un  concerto,  une  symphonie  et  des  fragments  dra- 
matiques ayant  pour  titre  Un  Rêve.  Nous  lui  accorderons  volontiers 
une  certaine  science  harmonique,  une  louable  entente  d'instrumen- 
tation, d'excellentes  intentions,  parfois  suivies  d'effet,  dans  les  dé- 
tails. Mais  il  manque  à  tout  cela  ce  cachet  d'inspiration  originale, 
individuelle,  auquel  on  reconnaît  les  élus.  C'est  surtout  dans  ses 
fragments  pour  orchestre,  soli  et  chœurs,  que  M.  Endrès  nous  a 
démontré  l'insuffisance  de  ses  efforts.  Scènes,  récits,  ensembles, 
chœurs  de  pèlerins  ou  de  lutins,  orage,  etc.,  tout  est  coulé  dans  le 
même  moule.  Mûri  par  l'expérience,  M.  Endrès  se  défiera  sans 
doute  une  autrefois  de  sa  fécondité  facile  et  monotone,  et  ce  jour- 
là,  nous  l'engageons  aussi  à  mieux  choisir  ses  interprètes. 

—  Un  concert  du  même  genre,  donné  à  la  salle  Herz  par 
Mlle  Charlotte  Jacques ,  pour  y  faire  entendre  exclusivement  plu- 
sieurs nouveaux  morceaux  de  sa  composition,  a  été  plus  heureux. 
Elève  très-distinguée  de  M.  Leborne,  cette  jeune  musicienne  n'est 
pas  tout  à  fait  une  débutante;  elle  a  publié  quelques  mélodies  qui 
ont  été  remarquées,  et  nous  avons  gardé  le  souvenir  d'une  fort  gen- 
tille opérette  qu'elle  a  fait  représenter,  il  y  a  deux  ans,  au  théâtre 
Déjazet.  Un  bon  orchestre,  dirigé  par  M.  Placet,  soixante  choristes, 
des  soli  confiés  à  MM.  Henry  Adam,  baryton,  et  Eugène  Guidon, 
ténor,  tels  étaient  les  éléments  qui  concouraient  à  sa  dernière  audi- 
tion. L'absence  imprévue  de  M.  Auguste  Guidon  et  de  Mlle  Torini 
ont  malheureusement  privé  l'auditoired'une  partie  des  promesses 
de  l'affiche.  Mais  ce  que  nous  avons  entendu,  —  et  principalement 
un  allegro  symphonique  en  mi  bémol  majeur,  un  air  à  grand 
orchestre  sur  un  sonnet  inspiré  par  Alfred  de  Musset,  une  berceuse 
et  une  cantate,  —  nous  a  suffi  pour  apprécier  les  qualités  solides 
et  variées  de  Mlle  Charlotte  Jacques,  et  pour  nous  confirmer  dans 
nos  espérances  les  mieux  fondées  sur  son  avenir  de  compositeur. 

—  Un  pianiste  anglais  échappé  à  la  catastrophe  de  Sheffield  ! 
Quel  texte  pour  les  petits  journaux  qui  voudraient  que  l'on  fît  une 
Saint-Barthélémy  de  tous  les  pianistes  sans  exception  !  Nous  qui 
n'avons  pas  le  cœur  aussi  féroce,  nous  nous  félicitons  sincèrement 
de  l'heureuse  chance  à  laquelle  nous  devons  la  visite  de  M.  James 
Wehli.  Précédé  en  France  par  la  réputation  qu'il  s'est  acquise  dans 
le  comté  d'Yorck,  et  placé  sous  le  patronage  de  quelques  éminents 
artistes  de  notre  nation  qui  l'ont  entendu  à  Sheffield  ,  ce  virluose 
étranger  est  venu  chercher  à  Paris  la  consécration  de  ses  triom- 
phes britanniques,  et  l'a  obtenue  pleinement  au  concert  qu'il  a 
donné  mercredi  dans  la  salle  Erard.  M.  James  Wehli  possède  un  jeu 
brillant,  plein  de  vigueur,  de  souplesse  et  d'élégance.  Ses  doigts 
d'acier  parcourent  le  clavier  avec  une  agilité  peu  commune  et  ne 
connaissent  aucune  difficulté.  Tour  à  tour  énergique  et  délicat,  on 
pourrait  peut-être  lui  reprocher  de  ne  savoir  pas  assez  se  défendre 
de  l'excès  de  ses  qualités.  Il  en  résulte  des  inégalités  d'expression 
et  de  style,  qui  sont  surtout  sensibles  dans  l'interprétation  de  mor- 
ceaux dont  l'effet  est  connu,  comme  ceux  de  Chopin,  de  Mendels- 
sohn,  de  Haydn.  Les  compositions  de  M.  James  Wehli  lui  sont  bien 
plus  favorables,  et,  le  cadre  admis,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  louer 
le  charme  entraînant  de  son  exécution,  soit  qu'il  joue,  de  sa  main 
gauche  seulement,  sa  fantaisie-caprice  sur  la  Lucia,  ou  bien  encore 
sa  grande  fantaisie  sur  Norma,  soit  qu'il  dise  des  ouvrages  de  moin- 
dre importance,  tels  que  sa  gracieuse  et  légère  mélodie  du  Papillon, 
ou  sa  polka  di  bravura.  En  somme,  l'intérêt  excité  par  l'annonce 
de  la  soirée  de  M.  Wehli  n'a  pas  été  trompé,  nous  n'en  voulons  pour 
preuve  que  la  persévérance  avec  laquelle  ses  auditeurs  ont  affronté 
jusqu'au  bout  les  inévitables  longueurs  d'une  séance  tout  entière 
consacrée  au  piano  et  à  l'audition  du  même  artiste. 

—  M.  Vincent  Adler  est  un  des  pianistes-compositeurs  qui  ne  se 
prodiguent  pas,  et  qui,  par  cela  même,  ont  le  rare  privilège  d'éveiller 


à  un  haut  degré  l'attention  du  public  connaisseur.  Sa  soirée  annuelle, 
qui  avait  attiré  une  nombreuse  affluence  à  la  salle  Herz,  nous  offrait, 
comme  les  précédentes,  deux  attraits  puissants  :  l'audition  des  œuvres 
du  bénéficiaire,  unie  à  sa  propre  interprétation.  On  sait  que  M.  Vin- 
cent Adler  n'est  pas  seulement  un  exécutant  habile  et  doué  des  qua- 
lités les  plus  rares  et  les  plus  variées,  que  ses  compositions  sont  aussi 
marquées  au  coin  de  cette  science  aimable  qui  n'exclut  ni  le  charme 
de  l'idée,  ni  la  grâce  et  l'originalité  des  détails.  Sous  ce  double  rap- 
port, le  succès  le  plus  vif  et  le  mieux  mérité  ne  lui  a  pas  fait  défaut 
un  seul  instant.  La  perfection  avec  laquelle  il  a  interprété  le  Cor  en- 
chanté, fantaisie  de  Hummel,  pour  piano  et  orchestre,  ainsi  que  l'an- 
danteet  le  Dnale  du  concerto,  avec  orchestre,  de  Chopin,  a  ravi  l'audi- 
toire qui  ne  l'a  pas  moins  applaudi  lorsqu'il  a  fait  entendre  plusieurs 
de  ses  ouvrages,  et  entre  autres  une  délicieuse  Valse  rococo,  et  une 
charmante  Rhapsodie  hongroise  pour  deux  pianos,  qu'il  a  exécutée 
avec  M.  Lùbeck.  Sa  Sérénade  hongroise,  pour  piano  et  violoncelle,  lui 
a  valu  aussi  bien  des  bravos,  dont  une  partie  notable  s'adressait  éga- 
lement au  talent  si  justement  estimé  de  M,  Léon  Jacquart.  La  blonde 
Mlle  Litschner,  chargée  de  la  partie  vocale,  s'est  brillamment  ac- 
quittée de  sa  tâche  avec  un  air  des  Nosze  di  Figaro  et  un  air  de 
Freyschiitz. 

—  En  dépit  du  froid  qui  avait  recommencé  à  sévir  le  jour  de  Pâ- 
ques, la  direction  du  Pré  Catelan  n'a  pas  voulu  retarder  l'inaugura- 
tion de  ses  concerts  de  jour,  dont  l'annonce  avait  été  accueillie  avec 
joie  par  les  promeneurs  habituels  des  Champs-Elysées  et  du  bois  de 
Boulogne.  Aussi  n'a-t-elle  pas  eu  à  se  repentir  d'avoir  maintenu  son 
appel  au  public,  qui  s'est  empressé  d'y  répondre.  L'orchestre  de 
M.  Forestier  a  bravement  accompli  son  devoir;  MM.  Daubé  et  Mo- 
reau,  deux  artistes  d'un  talent  remarquable  sur  le  violon  et  sur  l'o- 
phicléide,  ont  fait  unanimement  applaudir  des  fantaisies  inspirées  du 
Trovatore  et  à'Ernani,  et,  pour  couronner  la  fête ,  un  très-joli  bal 
d'enfants  a  eu  lieu  sous  les  grands  arbres,  dont  les  premiers  souffles 
du  printemps  avaient  déjà  reverdi  les  feuilles. 

Y. 


LE  L'ÉDUCATION  MUSICALE  PRÉVENTIVE 

PEXDANT  LA  FRESIIËBE  ET  LA  SECONDE   ENFANCE. 

(G yninnaUque  de  l'ouïe  et  de  la  voix.) 

(2«  article)  (1). 

La  question  que  j'aborde  le  premier  en  France  a  sollicité  en  Alle- 
magne et  en  Angleterre  les  plumes  les  plus  vaillantes  et  les  plus 
habiles.  Je  ne  lutterai  point  avec  elles.  Je  ne  me  prévaudrai  que  de 
ma  bonne  foi  dans  mon  travail,  et  de  mon  désir  d'être  utile. 

L'éducation,  considérée  comme  art  de  donner  aux  êtres  vivants 
leur  complet  développement  physique  et  moral,  a  pour  mission  de 
rendre  la  jeunesse  des  deux  sexes  belle,  saine,  forte ,  intelligente  et 
honnête.  Si  ce  programme,  restreint  à  l'éducation  musicale,  était 
rempli,  le  sentiment  grandirait  dans  des  proportions  incalculables  ; 
l'abâtardissement  que  l'on  remarque  trop  souvent  dans  les  masse  st 
disparaîtrait  bien  vite,  et  l'âme  subirait  forcémen  le  contre-coup  des 
impressions  bienfaisantes  de  la  musique. 

Sans  doute  il  ne  faut  pas  admettre  que  l'enfance  soit  semblable  à 
la  cire  molle  que  l'on  pétrit  et  que  l'on  modèle  à  volonté  ;  mais  il 
est  prouvé  par  l'expérience  que,  sauf  de  rares  exceptions,  une  édu- 
cation soigneuse,  affectueuse,  prévenante  et  habile  peut  neutraliser 
les  dispositions  les  plus  fâcheuses,  renouveler  des  sens  faussés, 
et,    selon    les   cas,    prêter    aide  au   génie    latent    dans  des   sens 

(1)  Voir  len-  10. 


108 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


non  encore  éveillés.  Chaque  fois  que  nous  observons  une  bande  d'é- 
coliers ou  de  jeunes  filles  se  précipitant  de  la  classe  ou  de  l'étude, 
criant,  hurlant  comme  des  fous,  nous  mesurons  avec  terreur  ce  qu'il 
a  fallu  de  contrainte  pour  produire  ce  délire  de  voix  aigres,  de  cris 
assourdissants,  de  hurlements  qui  n'ont  rien  d'humain;  nous  voyons  ces 
enfants  gesticuler,  se  démener,  épanouir  à  l'air  la  poitrine,  et  nous 
analysons  les  tortures  subies  par  ces  membres  qui  secouent,  avec 
des  gestes  désordonnés,  l'engourdissement  fatal  d'une  longue  immo- 
bilité ;  nous  calculons  combien  d'air  vicié  ont  respiré  les  poumons  qui 
recherchent  avec  tant  d'avidité  l'atmosphère  vitale,  et  nous  son- 
geons combien  les  hommes  gagneraient  à  une  large  émission  de  sons 
bien  pondérés,  harmonieux  et  justes,  qui  seraient  une  joie  si  profita- 
ble pour  l'oreille,  un  avantage  si  grand  pour  la  santé. 

Pour  ce  qui  tient  aux  ressorts  de  la  vie  humaine ,  l'oreille 
ne  le  cède  à  aucun  des  autres  organes.  Si  nous  comparons  son  in- 
fluence à  l'influence  de  la  vue,  par  exemple,  nous  trouvons  que  l'œil, 
en  guidant  les  mouvements  et  en  indiquant,  à  distance,  la  position 
exacte  des  corps  extérieurs,  veille  plus  immédiatement  à  l'intégrité 
de  l'organisme,  tandis  que  l'ouïe  tient  de  plus  près  au  développement 
de  l'âme,  en  servant  de  moyen  principal  de  communication  pour 
les  idées  et  pour  les  sentiments.  C'est,  en  effet,  dans  l'ouïe  que  se 
trouve  l'origine  des  sensations  exprimées  par  les  mots  ton,  timbre, 
harmonie,  accent,  cadence,  etc.  L'oreille  est  le  sens  de  la  poésie  et 
de  la  musique.  Elle  est  la  porte  par  où  pénètre  ce  qu'il  y  a  de  plus 
élevé  dans  l'intelligence. 

A  la  naissance,  l'organe  de  l'ouïe  est  obtus  et  demande  quelques 
semaines  pour  donner  et  recevoir  des  sensations  distinctes  ;  mais 
alors  il  sollicite  vivement  l'attention,  il  influe  beaucoup  sur  l'état  de 
gaieté  ou  de  tristesse  et,  plus  que  tout  autre,  il  a  le  don  de  provoquer 
le  rire  ou  les  pleurs.  Chaque  bruit  nouveau,  chaque  cri,  chaque 
froissement  influence  cette  oreille  pour  qui  chaque  impression  est 
une  nouvelle  merveille.  Il  est  prudent  alors  d'éviter  à  l'enfant  des 
cris  aigres,  des  bruits  discordants.  Les  déchirants  aboiements 
d'un  chien  que  l'on  frappe  effraient  cette  ouïe  sensible;  on  voit 
le  front  de  l'enfant  se  rider  ;  il  souffre,  il  pleure.  L'impression 
a  été  nuisible.  Le  tic-tac  des  pendules  douces,  discrètes;  la 
sonnerie  s'épandant  en  ondes  suaves,  lui  plaisent  et  le  font  sou- 
rire. Le  bruit  des  instruments  attire  son  attention,  et  il  se  prête 
avec  joie  aux  petits  bonds  que  lui  fait  faire  la  mère  ou  la  nour- 
rice au  rhythme  de  la  musique.  Les  chants  de  nourrice,  les  ber- 
ceuses répondent  à  ce  besoin  instinctif  de  salis  faire  le  sens  déjà 
éveillé  de  l'oreille.  La  Jeune  mère,  de  Schubert,  est  un  chef- 
d'œuvre  du  genre.  Il  est  rare  que  les  tout  petits  enfants  ne 
marquent  leur  satisfaction  de  l'entendre  bien  chanter  ;  on  les  voit 
tendre  tant  qu'ils  peuvent  leur  petite  tête  et  leur  oreille  vers  la  voix 
douce  et  veloutée  qui  murmure  cette  simple  et  ravissante  mélodie. 
Je  me  rappelle  un  effet  tout  contraire  produit  par  un  chant  expres- 
sif et  pathétique  :  bien  que  j'eusse  adouci  l'expression  et  la  voix, 
l'effet  fut  énergique.  L'enfant,  qui  avait  dix  à  onze  mois,  eut  un 
spasme  nerveux  et  pleura.  Je  repris  tout  de  suite  la  Jeune  mère, 
de  Schubert,  et  un  moment  après  le  calme  était  revenu  sur  la  placide 
figure  de  l'enfant. 

Le  piano  agace  les  enfants.  L'orgue,  dans  sa  manifestation  la  plus 
adoucie,  les  charme,  les  fait  reposer.  L'air  du  Sommeil,  de  la  Muette, 
accompagné  avec  l'harmonium,  atténué  par  les  sourdines  et  surtout 
par  le  souffle  à  peine  expiré  de  l'expression,  a  toujours  ravi  les 
petits  enfants  devant  qui  je  l'ai  entendu  bien  chanter.  J'en  ai  con- 
seillé une  fois  l'expérience  à  Toulouse  à  Mme  Didot.  L'enfant  écouta, 
s'apaisa  et  ferma  les  yeux.  Quand  l'air  fut  fini  dans  un  smorzando 
exagéré  pour  faciliter  l'action  du  repos,  l'enfant  rouvrit  les  yeux.  Il 
avait  écouté  et  non  pas  dormi. 

La  disposition  extérieure  de  l'appareil  de  l'ouïe  suppose  un  pavil- 
lon mince,  mobile  et  légèrement  tourné  en  avant.  II  faut  donc  désap- 


prouver les  mères  qui  appliquent  pendant  de  longues  années  sur  les 
oreilles  de  leur  enfant  un  bandeau  destiné  à  en  aplatir  la  conque  et 
à  l'assujettir  contre  la  tête.  Elles  achètent  au  prix  de  mille  ennuis 
pour  elles-mêmes  et  de  tortures  pour  l'objet  de  leurs  soins,  un  em- 
bellissement fort  contestable,  et  le  principe  d'une  infirmité  réelle.  Les 
mères  doivent  laisser  les  oreilles  de  l'enfance  parfaitement  libres, 
éviter  la  compression  des  bonnets,  repousser  enfin  tout  ce  qui  peut 
empêcher  l'accès  de  l'air  extérieur  et  intercepter  les  sons.  A  cette 
règle  il  n'y  a  d'exception  que  pour  les  organisations  dévolues,  soit 
par  l'hérédité,  soit  par  disposition  acquise,  aux  maladies  des  oreilles. 
Dans  ce  ca-s,  on  protégera  l'oreille  malade  contre  l'action  de  l'air 
froid  et  humide,  contre  les  rayons  d'un  soleil  brûlant,  contre  le  choc 
des  agents  extérieurs,  contre  les  bruits  très-forts  et  très-éclatants, 
tels  que  les  produisent  les  détonations  des  pièces  d'artillerie,  la  réu- 
nion des  tambours  et  les  instruments  de  cuivre. 

Nous  conseillons,  pour  ce  qui  regarde  l'hygiène  de  l'organe, 
de  consulter  un  médecin  qui  joigne  à  son  titre  la  qualité  de  musi- 
cien. Mais  il  ne  suffit  pas  de  conserver  à  l'oreille  sa  santé  maté- 
rielle, il  faut  aussi  en  surveiller  les  fonctions.  L'oreille  est  réel- 
lement le  sens  de  la  poésie,  du  moins  pour  ce  qui  concerne  le 
rhythme  et  l'harmonie.  Elle  est  le  sens  de  la  musique.  Avec  les  im- 
pressions qu'elle  reçoit  directement,  elle  a  le  privilège  de  diriger  la 
voix,  la  parole,  le  chant,  d'en  varier  les  inflexions  et  l'accent,  d'in- 
troduire dans  l'âme,  plus  que  tout  autre  sens,  ce  qui  émeut,  ce  qu; 
passionne.  11  suffit  d'entendre  le  langage  articulé  que  des  efforts 
persévérants  parviennent  à  enseigner  au  sourd  (on  ne  peut  plus  dire 
muet)  de  naissance;  il  faut  avoir  frémi  à  l'audition  de  ces  sons  ai- 
gres, monotones,  discords  et  cependant  distincts,  pour  comprendre 
ce  que  l'harmonie  peut  ajouter  à  la  parole.  Ce  n'est  point  par  image 
que  l'on  dit  que  les  anciens,  quand  ils  parlaient  en  public,  se  fai- 
saient accompagner  par  une  flûte  chargée  de  maintenir  leur  voix  au 
même  diapason,  dans  la  même  intonation  mesurée,  suave. 

Une  oreille  instruite  est  un  trésor  précieux.  La  douceur  si  sou- 
vent remarquée  du  parler  méridional  dans  les  relations  de  la  vie, 
étonne  toujours  les  gens  du  Nord  et  s'explique  par  l'habitude  qu'ont 
tous  les  enfants  d'être  toujours  à  chanter,  à  entendre  faire  de  la 
musique  et  à  en  faire  eux-mêmes.  Mais  une  oreille  instruite  ne  s'ob- 
tient qu'avec  des  efforts  persévérants  et  commencés  dès  la  mamelle. 

Il  n'est  pas  indifférent  que  le  petit  enfant  entende  toute  espèce 
de  sons.  Les  animaux  eux-mêmes  tout  petits,  les  oiseaux  jeunes  ne 
peuvent  entendre  sans  une  espèce  d'horreur  les  cris  glapissants,  ai- 
gus, faux;  au  contraire,  ils  se  plaisent  aux  sons  graves,  pleins,  har- 
monieux. A  plus  forte  raison,  l'enfant  éprouvera-t-il  les  mêmes  im- 
pressions. Les  sons  justes  et  doux  lui  sont  favorables  ;  les  sons  faux, 
aigres,  lui  sont  nuisibles.  S'il  se  calme  dans  ses  chagrins  et  s'endort 
sous  la  voix  de  sa  mère  disant  une  de  ces  ballades  monotones  et 
douces  dont  l'adulte  aime  encore  la  cadence  naïve,  en  revanche  il  se 
fâche,  se  roidit,  se  désespère  d'une  chanson  aigre  et  discordante. 

Le  son  ne  peut  concerner  en  rien  la  figure,  l'image,  la  tempéra- 
ture ;  il  n'indique  qu'une  qualité  des  corps  ;  il  a  quelque  chose  de 
plus  spécial  encore  que  la  couleur,  mais  il  n'offre  d'analogie  avec 
aucune  autre  sensation.  Cette  spécialité  même  en  fait  un  précieux  agent 
de  rapports  dans  l'animalité  et  dans  l'humanité.  Grâce  à  lui,  l'animal 
peut  être  averti  à  grande  distance  de  l'existence  d'êtres  fort  divers. 
Quand  ses  yeux  sont  paralysés  par  le  manque  de  lumière,  quand  les 
arbres  d'une  forêt  ou  les  hautes  herbes  d'une  prairie  arrêtent  sa 
vue,  l'ouïe  veille  et  l'avertit  de  l'approche  d'un  ennemi.  Elle  donne 
à  la  perdrix  le  moyen  de  réunir  toute  sa  couvée  dispersée  par  le 
milan  ou  le  renard;  elle  donne  à  une  foule  d'oiseaux  et  de  quadru- 
pèdes les  moyens  d'échanger  des  appels;  elle  entre  pour  beaucoup 
dans  la  conservation  d'une  foule  de  races  animées,  et  pour  l'homme, 
outre  les  jouissances  musicales,  elle  est  l'agent  de  communication. 
Voyez  le  sourd  de  naissance  ou  d'accident,  presque  toujours  il  est 


Dfc  PARib. 


109 


triste  et  taciturne.  Plus  que  l'aveugle,  il  est  étranger  à  la  vie  de 
ceux  qui  l'entourent,  et  pour  l'initier  aux  progrès  de  l'esprit  humain, 
il  faut  d'immenses  efforts.  A  peine  si,  depuis  un  siècle,  le  sourd-muet 
peut  devenir  un  homme  instruit  et  s'initier  aux  sciences  et  à  la  civi- 
lisation. Jusque-là,  le  fait  physique  lui  était  acquis  par  ses  sens, 
sauf  le  son,  la  musique,  la  parole  et  ce  qui  s'y  rapporte;  mais,  n'ayant 
pas  le  langage  à  sa  portée,  il  était  dépourvu  des  moyens  de  géné- 
raliser et  d'abstraire,  il  restait  un  enfant  au  milieu  de  l'état  adulte. 
De  nos  jours  il  n'en  est  pas  de  même  :  le  signe  écrit  et  accessible 
à  l'œil  remplace  le  son  et  la  parole;  mais  le  sourd  muet,  tout  en 
ayant  les  moyens  de  développer  son  intelligence,  n'en  est  pas  moins 
privé  des  jouissances  de  la  musique,  comme  l'aveugle  reste  étranger 
à  la  peinture  et  à  l'architecture. 

Maurice  CRISTAL. 
(La  suite  prochainement.) 


NOUVELLES. 

**„  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  rouvert  lundi,  après  le  chômage 
de  la  semaine  sainte,  par  Robert  le  Diable.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyer- 
beer  avait  attiré  une  foule  considérable,  et  la  recette  s'est  élevée  à  près 
de  11,000  fr.  La  représentation  a  été  d'ailleurs  magnifique.  Mlle  Marie 
Sax,  qui  recevait  quelques  jours  auparavant,  à  Lyon,  une  véritable 
ovation,  a  mis  dans  le  rôle  d'Alice  tout  son  talent  de  grande  canta- 
trice et  de  tragédienne.  Gueymard  a  été  fort  remarquable  dans  le  rôle 
principal;  Belval,  indisposé,  a  été  remplacé  au  dernier  moment  par, 
Cazaux  dans  le  rôle  de  Bertram.  —  Mercredi,  Mlle  Vernon  a  fait  sa 
rentrée  dans  la  Muette  de  Portici,  et  vendredi  on  a  donné  le  Docteur  Ma- 
gnus  et  la  Muschera.  —  Aujourd'hui,  dimanche,  par  extraordinaire, 
Robert  le  Diable. 

**„,  Mlle  Marie  Sax  vient  de  faire  connaître,  par  l'envoi  de  billets  de 
faire  part,  son  mariage  avec  M.  Castan  Castelmary. 

***  La  représentation  des  Huguenots  avec  Mlle  Sax  et  Villaret  aura 
lieu  au  premier  jour. 

,,*»  Lara  continue  d'obtenir  beaucoup  de  succès  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique,  où  il  fait  de  grosses  recettes. 

***  L'indisposition  dont  Mario  souffrait  déjà  samedi  au  concert  spi- 
rituel, a  forcé  la  direction  du  théâtre  Italien  de  changer  le  spectacle 
annoncé  pour  dimanche  dernier;  on  a  substitué  Don  Pasquale  à  Marta. 
On  sait  que  le  rôle  de  Norina  est  un  des  plus  charmants  du  répertoire 
d'Adelina  Patti  ;  on  l'a  donc  énormément  fêtée.  Scalese  et  Délie  Sedie  ont 
eu  leur  part  du  succès  ;  mais  le  ténor  Pagans  s'est  montré  bien  faible. 
—  Si  Mario  et  Naudin  eont  partis  pour  Londres,  Fraschini  est  venu 
brillamment  les  remplacer.  Sa  rentrée  dans  le  Trovalore  lui  a  valu  une 
véritable  ovation,  dont  il  était  d'ailleurs  digne  à  tous  égards.  Ses  pre- 
miers couplets  dans  la  coulisse,  l'air  di  quella  pira,  la  cantilène  du  Mi- 
serere, le  duo  final  ont  été  dits  tour  à  tour  par  le  célèbre  ténor  avec 
un  charme,  une  énergie  et  un  sentiment  tels  que  les  applaudissements 
n'attendaient  pas  la  fin  du  morceau.  Mme  Carlotta  Marchisio  s'est  mon- 
trée fort  belle  et  fort  dramatique  dans  le  rôle  de  Leonora;  elle  a  chanté 
surtout  le  Miserere  et  le  duo  final  en  grande  artiste.  Aldighieri  a  eu 
de  beaux  moments  dans  le  rôle  du  comte  de  Luna.  —  Fraschini  nous 
reste  jusqu'à  la  fin  de  la  saison;  il  doit  chanter  avec  Adelina  Patti 
dans  Lucia,  Marta  et  la  Traviata.  En  outre,  on  a  repris  pour  lui  hierRigo- 
letlo,  et  il  va  chanter  dans  la  Lucrezia  et  un  Ballo  in  maschera.  Enfin, 
la  direction  compte  donner  dans  ce  mois  à  ses  abonnés  la  reprise  de 
la  Cenereniola,  celle  de  l'Italiana  in  Algieri,  il  Matrimonio  segreto  et  Don 
Giovanni. 

*%  Mme  Charton-Demeur  est  arrivée  à  Paris  pour  prendre  part  aux 
répétitions  d'un  Ballo  in  maschera. 

*%  Quelques  coupures  intelligentes  ont  été  faites  dans  le  nouvel 
opéra  de  Gounod  ;  les  représentations  de  Mireille  données  cette  semaine 
ont  attiré  beaucoup  de  monde, 

*%  Mme  Ugalde  a  donné  au  rôle  de  Feroza,  des  Géorgiennes,  un  ca- 
chet dont  s'est  avantageusement  ressenti  le  nouvel  opéra  d'Offenbaeh. 
La  salle  est  remplie  chaque  fois  qu'on  le  donne. 

„**  L'empereur  d'Autriche  a  permis  de  céder  la  moitié  de  la  recette 
de  la  9e  et  10e  loterie  de  l'Etat  à  la  Société  des  Amis  de  la  musique, 
pour  la  construction  d'une  salle  de  concerts  digne  de  la  capitale  de 
l'empire. 

„**  Tous  les  journaux  font  mention  de  l'essai  qui  va  être  tenté  par 


le  théâtre  de  l'Opéra  pour  substituer  à  la  ramDe  actuelle  une  nouvelle 
rampe  de  l'invention  d'un  professeur  de  mathématiques,  M.  Subra,  le- 
quel paraît  avoir  résolu  le  problème  longtemps  cherché  de  préserver  les 
danseuses  de  l'accident  qui  a  enlevé  si  malheureusement  Mlle  Livry  et 
qui  fait  encore  si  fréquemment  des  victimes.  Le  système  de  M.  Subra 
est  aussi  simple  qu'ingénieux.  Le  bec  d'où  jaillit  le  gaz,  au  lieu  d'être 
placé  à  l'extrémité  inférieure  du  verre,  se  trouve  à  l'extrémité  supé- 
rieure. Le  verre  communique  par  le  bas  avec  un  conduit  hermétique 
qui  sollicite  un  grand  tirage.  Alors  le  gaz  en  combustion,  non  seulement 
ne  répand  plus  d'émanations,  puisque  la  flamme  est  descendante,  mais 
encore  il  attire  l'air  de  l'appartement  qu'il  assainit  en  même  temps 
qu'il  l'éclairé  davantage,  car,  par  la  chaleur  concentrée  du  siphon,  le  gaz 
brûle  à  une  température  plus  élevée.  Telle  est  l'heureuse  disposition 
des  flammes  descendantes  de  M.  Subra  que  les  tissus  le3  plus  inflam- 
mables ont  été  suspendus  au-dessus  d'une  rampe  de  cent  becs  de  gaz 
pendant  plusieurs  heures  et  qu'ils  n'étaient  même  pas  chauds,  quoique 
les  flammes  répandissent  une  clarté  deux  fois  plus  intense  que  l'an- 
cienne rampe.  Si  l'expérience  réussit,  et  tout  porte  à  croire  qu'elle 
réussira,  les  autres  théâtres  n'attendront  pas  que  ce  système  leur  soit 
imposé  pour  l'adopter.  L'invention  de  M.  Subra  va  d'ailleurs  révolu- 
tionner aussi  l'ornementation  des  salons  dans  les  appareils  d'éclairage, 
car  mille  avantages  en  ressortiront. 

***  Un  chanteur  comique,  très-connu  en  Angleterre,  M.  Sam-Corwell 
et  M.  Nadaud,  longtemps  directeur  des  ballets  au  théâtre  de  Sa  Ma- 
jesté et  au  théâtre  royal  italien,  viennent  de  mourir  à  Londres. 

***  H.  Eerlioz  abdique  décidément  les  fonctions  de  critique  musical 
qu'il  remplissait  depuis  si  longtemps  au  Journal  des  Débats;  elles  seront 
désormais  confiées  complètement  a  M.  d'Ortigue.  M.  Berlioz  apportait 
dans  ses  feuilletons,  outre  son  remarquable  talent  d'écrivain  et  sa 
grande  autorité  comme  compositeur,  une  originalité  et  une  humour 
qui  les  rendaient  fort  remarquables,  et  qui  les  feront  vivement  re- 
gretter. 

„.%  Aujourd'hui  à  deux  heures,  au  Cirque  Napoléon,  le  Festival  de 
Beethoven,  avec  500  exécutants,  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  En  voici 
le  programme  :  9e  symphonie  avec  chœurs;  soli  par  Mmes  de  Maësen, 
Talvo  et  MM.  Capoul  et  Troy.  —  Air  de  ballet  de  Prométhée.  —  Adélaïde, 
cantate  chantée  par  Capoul.  —  Concerto  pour  violon,  exécuté  par  Vieux- 
temps.  —  Scène  et  air  :  O  perfido  spergiuro  barbaro,  chantés  par  Mme  de 
Maësen .  —  Les  Ruines  d'Athènes. 

#%  Dimanche  dernier,  dans  une  réunion  d'artistes  et  de  connais- 
seurs distingués,  nous  avons  eu  l'occasion  d'entendre  le  deuxième  trio  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  de  la  composition  de  B.  Damcke,  et  exé- 
cuté par  l'auteur,  MM.  J.  Servais  et  Chaîne.  L'auteur  ne  pouvait  cer- 
tainement désirer  d'auxiliaires  plus  zélés  et  plus  habiles.  Disons  tout  de 
suite  que  Servais,  dans  l'exécution  de  quelques  morceaux  de  sa  com- 
position (entre  autres  un  duo  pour  deux  violoncelles,  pour  lequel  il 
s'est  adjoint  un  jeune  élève,  M.  Jonas,  qui  promet  de  marcher  sur  les 
traces  de  son  maître),  s'est  montré  digne  du  rang  que  l'Europe  lui 
assigne  parmi  les  plus  brillants  virtuoses  de  ce  temps.  Quant  au  nou- 
veau trio  de  M.  Damcke,  le  caractère  noblement  mélancolique  du  pre- 
mier morceau,  la  fougue  passionné?  du  scherzo,  le  charme  plein  de 
suavité  du  thème  avec  variations  qui  forme  l'andante,  le  finale  enfin  par 
sa  facture  ingénieuse  autant  que  savante,  ont  provoqué  d'unanimes  ap- 
plaudissements de  la  part  des  auditeurs,  parmi  lesquels  se  trouvaient 
MM.  Berlioz,  d'Ortigue,  Léon  Kreutzer,  Stephen  Heller,  Jules  Schulhoff, 
J.  Wieniawski,  etc.  Cette  œuvre  de  B.  Damcke  est  un  digne  pendant  de 
son  premier  trio,  de  sa  sonate  pour  piano  et  violoncelle,  de  la  sonate 
à  quatre  mains,  et  assignent  à  leur  auteur  une  des  meilleures  places 
parmi  les  compositeurs  sérieux  de  notre  époque. 

»*,,  Rossini,  Auber,  Meyerbeer  et  Ambroise  Thomas  ont  honoré 
de  leur  présence  les  ateliers  de  MSI.  A.  Cavaillé-Coll  et  Ce  pour  enten- 
dre le  savant  professeur  Lemmens  sur  un  nouvel  orgue  de  ces  habiles 
facteurs.  Dans  trois  séances  consécutives,  M.  Lemmens  a  joué  plusieurs 
de  ses  compositions  fort  remarquables  par  l'élévation  du  style  et  par 
la  richesse  de  la  mélodie.  Nos  illustrations  musicales  et  la  société  dis- 
tinguée qui  assistaient  à  ces  intéressantes  auditions  ont  affirmé  par  de 
nombreuses  marques  de  satisfaction  le  degré  de  perfection  exception- 
nelle des  instruments  de  MM.  A.  Cavaillé-Coll  et  la  magistrale  exécution 
du  grand  organiste. 

„**  Deux  célébrités  de  l'art  du  violon  sont  à  Paris  en  ce  moment. 
Jean  Becker,  qui  se  fait  entendre  aujourd'hui  au  concert  du  Conserva- 
toire, et  Henri  Vieuxtemps,  qui  joue  au  festival  de  Beethoven. 

4*#  Le  neuvième  numéro  de  l'autographe  qui  a  paru  vendredi  der- 
nier contient  un  croquis  du  monument  élevé  à  la  mémoire  d'Halévy, 
par  MM.  Lebas,  l'architecte,  et  Duret,  le  sculpteur.  Le  fac-similé  de 
deux  lettres  écrites  par  ces  deux  artistes  est  joint  au  croquis;  le  tout 
accompagne  la  reproduction  des  charmantes  lettres  d'Halévy,  adressées 
de  Nice,  le  4  et  le  31  janvier  18B2,  à  M.  Edouard  Monnais,  et  que  l'on, 
a  pu  lire  dans  les  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un  frère. 
(Voir  Gazette  musicale,  mai  1863.) 


110 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


***  La  célèbre  cantatrice,  Ida  Bertrand,  donnera  samedi  prochain, 
9  avril,  une  soirée  tout  exceptionnelle  par  le  nom  et  le  talent  des  ar- 
tistes. Elle  s'y  fera  entendre,  ainsi  que  sa  sœur,  Mme  Marias;  Giulia 
Grisi ,  Levasseur,  Gardoni ,  Geraldy  chanteront  à  côté  d'elle  et  avec 
elle  :  M.  White  jouera  du  violon.  M.  Samson  et  Mlle  Dupont  y  diront 
des  scènes  de  comédie  :  rien  ne  manquera  donc  à  la  fête. 

t*+  Voici  le  programme  de  l'intéressant  concert  que  l'excellent  pia- 
niste-compositeur Edouard  Wolff  donnera  à  la  salle  Erard,  et  dont  tous 
les  morceaux  sont  de  sa  composition:  Elégie,  mélodie-étude,  deux  chan- 
sons polonaises,  nocturne,  impromptu.  Sérénade  de  concert  (inédite), 
barcarolle  pour  le  piano  et  deux  duos  pour  piano  et  violon  sur  Orphée 
et  les  Noces  de  Figaro,  par  Vieuxtemps  et  Wolff. 

„%  Nous  avons  entendu  hier,  dans  les  salons  de  M.  Mortureux, 
Lisehen  et  Fritzohen,  par  M.  Berthelier  et  Mlle  Frasey.  Ils  ont  obtenu  un 
très-grand  succès;  on  leur  a  fait  bisser  le  duo.  M.  Berthelier  et 
Mlle  Frasey  sont  demandés  à  Arras  et  à  Amiens  pour  exécuter  cette 
pièce  à  la  Société  philharmonique. 

„,%  La  semaine  dernière,  le  célèbre  docteur  Trousseau  donnait  dans 
ses  salons  une  soirée  musicale  qui  réunissait  Mme  la  baronne  de  Caters, 
sa  belle-sœur,  Mme  Meric-Lablache,  Gardoni,  Délie  Sedie,  Armingaud  et 
Charles  de  Beriot.  Le  programme  était  aussi  riche  que  bien  choisi  :  le 
quatuor  de  Marta;  celui  de  Rigoletto;  le  quatuor  bouffe,  Vadasi  via,  de 
Martini  ;  le  Stabat,  de  Rossini,  et  plusieurs  autres  morceaux  non  moins 
remarquables  ont  été  exécutés  avec  la  perfection  attendue  de  semblables 
artistes.  Rarement  fête  musicale  a  été  si  complète  et  a  si  bien  réussi. 

+%  On  annonce  pour  demain  lundi  à  \a]  salle  Herz,  une  intéres- 
sante soirée  donnée  par  Mlle  Hélène  de  Katow,  violoncelliste ,  et 
MM.  Guidon  frères,  avec  le  concours  de  Mmes  Wekerlin-namoreau, 
Ernest  Bertrand,  MM.  L.  Diémer  et  A.  Durand.  On  finira  par  une  nou- 
velle comédie  en  vers  de  M.  Théodore  de  Banville.  S'adresser  pour  les 
billets  à  l'avance,  au  Ménestrel,  '■Ibis,  rue  Vivienne. 

**„  A  l'imitation  des  concerts  que  M.  Pasdeloup  a  organisés  en  der- 
nier lieu  avec  tant  de  succès,  M.  Dejean  donnera  pendant  l'été  des 
concerts  classiques  au  Cirque  de  l'Impératrice.  M.  Deloffre,  chef  d'or- 
chestre du  théâtre  Lyrique,  aura  la  direction  de  ces  concerts,  où  se- 
ront exécutées  les  œuvres  des  grands  maîtres.  On  annonce  les  deux 
premiers  pour  le  10  et  le  17  avril. 

„.*»  Résultat  des  concours  de  composition  musicale,  ouverts  par  le 
Comité  du  Progrès  artistique,  le  15  juillet  1863,  et  clos  le  15  janvier 
1864.  —  Ouverture.  Prix:  épigraphe,  Over  Mil,  Over  dale,  etc.  (Shaks- 
peare),  à  M.  A.  Dcvin-Duvivier.  —  Mention  honorable  :  épigraphe,  Puis- 
sant Palcstrina,  vieux  maître,  etc.  —  Chœur.  Prix  :  épigraphe,  La  mu- 
sique est  un  art  divin,  à  M.  Charles  Dancla,  professeur  au  Conservatoire. 
—  Membres  du  jury  :  MM.  Henri  Reber,  de  l'Institut,  président;  Besozsi, 
Deldeve:,  de  l'Opéra;  Foulon,  Gevaért,  Gustave  Lefèvre.  A.  Elwart,  rap- 
porteur. 

„*„  Le  concert  donné  par  M.  de  la  Nux  dans  les  salons  Pleyel  a  été 
très -brillant.  M.  de  la  Nux  est  un  de  nos  pianistes  les  plus  distingués  ; 
excellent  musicien,  il  sait  donner  à  chaque  composition  la  couleur  et 
le  style  qui  lui  appartiennent.  Il  a  joué  le  trio  en  sol  de  Beethoven 
avec  MM.  Jacquard  et  White.  La  finesse  et  le  brio  des  exécutants  leur 
ont  valu  les  suffrages  de  l'auditoire  entier.  Dans  une  ravissante  sonate 
à  deux  pianos,  de  Mozart,  qu'il  a  jouée  avec  sa  petite  fille  de  douze 
ans,  son  élève,  il  nous  a  prouvé  qu'il  est  aussi  excellent  professeur.  En 
outre,  M.  de  la  Nux  a  joué  une  polonaise  triomphale,  de  Wieniawski, 
un  nocturne,  de  Chopin,  la  Fikuse,  de  Mendelssohn,  et  la  Danse  des 
Sylphes,  de  Rqsenhain,  d'une  manière  très-remarquable.  Ce  dernier 
morceau  lui  a  été  redemandé  aux  applaudissements  de  la  salle  entière. 
MM.  Jacquard  et  White  ont  fait,  comme  toujours,  très-grand  plaisir 
par  l'exécution  de  leurs  solos. 

„*»  On  nous  écrit  de  Barcelone  qu'un  jeune  chanteuse,  Mlle  Linas 
Martorelli,  a  fait  son  début  avec  un  très-grand  succès;  saluée  par  les 
bravos  après  la  cavatine,  on  l'a  rappelée  plusieurs  fois. 

±%  La  Revue  musicale  du  journal  espagnol  la  Epoca,  du  28  de  ce 
mois,  contient  un  article  des  plus  élogieux  sur  l'abécédaire  vocal  de 
Panofka  qui  a  paru  tout  récemment  traduit  en  langue  espagnole.  L'au- 
teur de  l'article  exprime  l'espoir  que  le  Conservatoire  royal  de  Madrid 
adoptera  cet  excellent  ouvrage.  Nous  ne  doutons  pas  que  cela  ne  se  fasse 
bientôt;  car  cet  établissement  compte  parmi  ses  directeurs  M.  Valde- 
mosa,  réminent  compositeur,  maître  de  chapelle  de  S.  M.  la  reine  qui, 
comme  l'on  sait,  est  un  homme  de  progrès. 

„**  L'éditeur  Adolphe  Catelin  vient  de  publier  trois  nouvelles  livrai- 
sons de  la  collection  des  chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres,  pour  piano 
(petites  mains)  :  l'une  sur  le  Dilettante  d'Avignon,  d'Halévy,  par  J.-L. 
Battmann,  et  les  deux  autres  sur  11  Crociato,  de  Meyerbeer,  par  H.  Wol- 
fart. 

„.%  S.  Exe.  le  ministre  de  l'instruction  publique  vient  de  nommer 
une  commission  chargée  de  mettre   l'enseignement  de  la  musique  en 


rapport  avec  le  plan  général  des  études.  Cette  commission  est  compo- 
sée de  :  M.  Ravaisson,  inspecteur  général  de  l'Université,  membre  de 
l'Institut;  M.  Félicien  David,  compositeur;  M.  Gevaërt,  compositeur; 
M.  Laurent  de  Rillé,  compositeur;  M-  Marmontel,  professeur  au  Con- 
servatoire ;  M.  Georges  Hainl,  chef  d'orchestre  de  l'Opéra;  M.  l'Epine, 
chef  du  cabinet  de  S.  Exe.  le  président  du  Corps  législatif;  M.  Blan- 
chant,  chef  du  cabinet  de  S.  Exe.  le  ministre  de  l'instruction  publique. 

„%  L'association  des  Artistes  musiciens  fera  célébrer  demain  lundi, 
jour  de  l'Annonciation,  à  midi,  dans  l'église  Notre-Dame,  une  messe 
solennelle  en  musique,  de  M.  François  Bazin.  Cette  messe,  qui  sera 
chantée  par  six  cents  exécutants  de  l'Orphéon  de  la  ville  de  Paris,  sera 
précédée  de  la  marche  religieuse ,  avec  accompagnement  de  harpes, 
d'Adolphe  Adam.  A  l'offertoire,  M.  Warot  chantera  un  Ave  Maria,  com- 
posé spécialement  pour  la  circonstance  par  M.  François  Bazin.  La  mu- 
sique de  la  garde  de  Paris,  sous  la  direction  de  son  chef,  M.  Paulus, 
contribuera  par  son  concours  à  l'éclat  de  cette  solennité,  dont  le  pro- 
duit est  destiné  à  la  bienfaisance.  On  peut  se  procurer  à  l'avance  des 
billets  d'enceinte  réservée,  chez  M.  Bolle-Lasalle,  trésorier  de  l'œuvre, 
rue  de  Bondy,  68. 

„*„  Le  concert  de  Joseph  Wieniawski  reste  fixé  à  demain  2  heures. 
L'éminent  artiste  exécutera,  en  compagnie  deSivori  et  l'iatti,  le  deuxième 
trio  de  Mendelssohn,  et  seul  la  Tarentelle  inédite  de  Rossini,  un  adagio 
de  Beethoven,  une  gavotte  de  Bach,  ainsi  qu'une  mazurka  et  polonaise 
triomphale,  composées  par  lui-même.  Outre  Sivori  et  Piatti,  qui  joue- 
ront la  Mélancolie  de  Prume,  et  la  barcarolle  de  Marina  Falicro,  Mme 
Miolan-Carvalho  se  fera  entendre  dans  ce  remarquable  concert  en  y 
chantant  l'air  d'Actéon. 

***  Le  compositeur  Abert,  l'auteur  de  la  symphonie  Christophe  Co- 
lomb, dont  il  a  été  plusieurs  fois  question  dans  ce  journal,  est  entière- 
ment rétabli  ;  il  vient  de  quitter  Loewenberg  pour  retourner  à  Stutt- 
gard,  sa  ville  natale. 

„,%  M.  Oechsner  donnera,  par  invitations,  vendredi  8  avril,  à  8  heures 
1/2  du  soir,  salle  Pleyel,  une  séance  de  musique  de  chambre  de  sa 
composition,  avec  le  concours  de  Mlle  Caroline  Lévy,  Mme  E.  Ber- 
trand, et  de  MM.  Norblin,  Lebrun  et  CoJblain. 

„*»  Dimanche  10  avril,  salle  Erard,  concert  donné  par  M.  Melchior 
Mocker,  avec  le  concours  de  MM.  Jacquard  et  Lebrun  pour  la  partie 
instrumentale  ;  de  Mlle  Marie  Deternoy,  de  MM.  Bach,  Caron  et  Lyonnet 
frères  pour  la  partie  vocale. 

**„  M.  Ch.  Lebouc  annonce  son  quatuor  annuel  pour  le  dimanche  10 
avril,  à  2  heures,  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mmes  Wekerlin-Da- 
moreau  et  Ernest  Bertrand,  de  Mlle  Rémaury,  de  MM.  Dorus,  Triébert, 
Rousselot,  White,  Ad.  Blanc,  Gouffé  et  Maton. 

„%  M.  A.  Bessems  donnera  une  séance  musicale  du  plus  grand  in- 
térêt le  12  avril,  dans  les  salons  de  Pleyel.  M.  Bessems  y  fera  exécuter 
plusieurs  de  ses  nouvelles  compositions,  ainsi  que  M.  Ch.  de  Bériot,  qui 
s'y  fera  entendre. 

„*„.  M.  Henri  Potier,  professeur  au  Conservatoire,  vient  d'ouvrir  un 
cours  spécial  d'harmonie  et  d'accompagnement  pratique,  divisé  en  har- 
monie pratique  appliquée  au  piano,  accompagnement  de  basse  chiffrée, 
transposition,  lecture  de  la  grande  partition.  —  Les  cours  pour  les 
hommes  auront  lieu  les  lundis  et  vendredis,  de  neuf  heures  à  onze  heu- 
res du  matin. — Les  cours  pour  les  dames,  de  midi  à  deux  heures,  les 
mardis  et  samedis.  Personne  mieux  que  M.  Henri  Potier  ne  serait  en  état 
de  professer  cet  enseignement,  que  lui  ont  rendu  si  familier  ses  fonc- 
tions d'accompagnateur  à  l'Opéra  et  ses  leçons  au  Conservatoire  ;  c'est 
un  véritable  service  qu'il  rend  à  l'art  musical. 

„**  Le  Pré  Catelan  donne  aujourd'hui,  dimanche,  une  grande  mati- 
née musicale,  dans  laquelle  se  feront  entendre  MM.  Moreau,  Mosen, 
Garrimond  et  Dufour,  solistes  de  premier  mérite.  On  sait  que  l'orchestre 
de  symphonie  et  le  gracieux  bal  d'enfants  du  Pré  Catelan  sont  volon- 
tiers le  rendez-vous  des  promeneurs  et  des  brillants  équipages  qui  se 
pressent  le  dimanche  au  bois  de  Boulogne. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


„%  Londres,  31  mars.  —  L'ouverture  du  théâtre  de  Covent-Garden  s'est 
faite  hier  au  soir  avec  autant  d'éclat  et  d'affluence  que  l'on  peut  se  l'i- 
maginer. La  salle  a  subi  une  restauration,  ou  plutôt  une  métamorphose 
complète  pendant  les  quelques  jours  de  clôture.  Tout  le  monde  était  à 
sa  place  avant  le  lever  du  rideau,  et  les  bravos  ont  accueilli  l'entrée  de 
Costa  et  l'hymne  national  admirablement  chanté  par  le  chœur  On  jouait 
Norma,  et  Mlle  La  Grua  s'y  est  posée  comme  l'artiste  appelée  à  rem- 
placer Giulia  Grisi  dans   ce  rôle  immense.  Cependant  son  succès  ne 


DE  PARIS. 


111 


s'est  pas  prononcé  dans  le  premier  acte  avec  autant  de  force  que  dans 
le  second;  on  se  contentait  d'admirer  ses  attitudes,  ses  gestes  de  grande 
tragédienne,  jusqu'à  ce  qu'on  rendît  pleine  justice  à  l'expression  pathé- 
tique et  grandiose  de  sa  voix  dans  les  scènes  capitales  de  l'œuvre.  Nau- 
din  chante  le  rôle  de  Pollion  avec  une  rare  énergie,  et  Mlle  Battu  met 
beaucoup  de  charme  dans  celui  d'Adalgise.  Norma  a  dû  être  rejouée, 
et  samedi  Masanielh  était  annoncé  pour  la  rentrée  de  Mario  et  de  Gra- 
ziani. 

„,%  Bruxelles.  —  La  Compagnie  italienne  a  commencé  ses  représenta- 
tions au  théâtre  national  du  Cirque  par  la  Traviata.  Un  accident  a 
failli  compromettre  cette  représentation.  Des  plâtras  se  sont  tout  à 
coup  détachés  du  plafond  et  sont  lourdement  tombés  au  milieu  des 
spectateurs  ;  heureusement  ces  derniers  étaient  clair-semés  et  personne 
n'a  été  blessé.  —  La  société  de  la  Réunion  lyrique  donnera,  le  16  avril, 
un  brillant  concert  dans  lequel  se  feront  entendre  M.  et  Mme  Léonard. 
On  y  exécutera  le  Désert,  de  Félicien  David.  Les  engagements  succes- 
sifs de  M.  et  Mme  Léonard,  par  les  diverses  sociétés  de  la  capitale,  sont 
le  meilleur  témoignage  du  cas  qu'on  fait  de  leur  talent  ;  s'ils  se  déci- 
daient à  donner  des  concerts,  nul  doute  que  la  faveur  générale  ne 
leur  fût  acquise  d'avance.  La  saison  est  presque  à  son  déclin,  il  n'y  a 
pas  de  temps  à  perdre.  M.  Léonard  a  joué  à  Lille,  au  Cercle  du  Nord, 
avec  un  succès  enthousiaste.  Le  28  mars,  il  était,  avec  Mme  Léonard, 
à  Valenciennes,  où  depuis  nombre  d'années  on  ne  se  lasse  pas  d'applau- 
dir au  talent  si  distingué  des  deux  éminents  artistes.  —  Une  audition 
des  œuvres  de  Pierre  Benoît  a  eu  lieu  au  Palais  ducal  devant  un  public 
nombreux.  L'orchestre,  sous  la  direction  de  M.  Fischer,  a  exécuté  un 
Noël,  inspiration  poétique  et  pleine  de  charme,  un  Te  Deum  aux  accents 
imposants,  pleins  de  verve  et  d'imagination,  et  des  fragments  d'un  Re- 
quiem, l'œuvre  la  plus  remarquable  de  l'auteur.  Rappelé  à  plusieurs  re- 
prises, M.  P.  Benoît  a  donné  dans  cette  séance  une  haute  opinion  de 
son  genre,  et  il  a  reçu  de  son  côté  les  témoignages  les  plus  sympa- 
thiques de  son  nombreux  auditoire. 

*%  Hanovre.  —  Au  huitième  et  dernier  concert  d'abonnement ,  Joa- 
chim  a  joué  la  sonate  de  Tartini  avec  la  précision  et  l'entrain  qui  ca- 
ractérisent son  beau  talent.  M.  Gunz  a  chanté  un  air  de  Rose  et  Colas3 
par  Monsigny.  Cet  échantillon  de  l'ancien  style  d'opéra-comique  a 
charmé  l'auditoire  par  sa  fraîcheur  et  sa  simplicité. 

„%  Brunswick.  —  Le  théâtre  de  la  cour  vient  de  donner  un  opéra 
nouveau  en  deux  actes  :  la  Meunière  de  Marly,  par  M.  Tésier,  pseudo- 
nyme sous  lequel  se  cacherait  un  diplomate  haut  placé. 

*%  Leipzig.  —  A  l'église  Saint-Thomas  on  a  exécuté,  selon  l'usage, 
pendant  la  semaine  sainte,  la  Passion,  de  Sébastien  Bach,  d'après  l'é- 
vangile de  saint  Matthieu. 

„%  Darmstadt.  —  Iphigénie  en  Aulide,  par  Gluck,  a  eu  le  plus  grand 
succès  au  théâtre  grand- ducal.  Mme  Nimbs-Michaëlis  a  eu  des  moments 
admirables  dans  le  rôle  de  Clytemnestre.  —  Il  y  avait  foule  au  concert 
de  Carlotta  Patti,  et  de  MM.  Jaell  et  Laub. 

t*#  Vienne.  —  La  saison  de  l'opéra  allemand  va  finir;  pour  les  trois 
dernières  représentations  on  a  choisi  le  Postillon  de  Longjumeau,  Don 
Juan  et  le  Prophète.  Le  30  de  ce  mois  doit  avoir  lieu  une  représenta- 
tion extraordinaire  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  au  bénéfice  des 
établissements  publics  de  bienfaisance.  —  Johann  Strauss  est  parti  avec 
son  orchestre  pour  Saint-Pétersbourg  ;  il  s'arrêtera  dans  les  principales 
villes  qui  se  trouvent  sur  sa  route  pour  y  donner  des  concerts,  à  com- 
mencer par  Berlin.  —  Le  règne  de  Strauss  semble  du  reste  toucher  à 
son  terme;  un  autre  compositeur  de  danses  et  directeur  d'un  orchestre 
parfaitement  exercé  attire,  en  ce  moment,  l'attention  de  tout  Vienne. 
C'est  M.  C.-M.  Fiehrer,  dont  les  deux  premières  compositions,  une 
valse,  les  Modes  viennoises,  et  une  polka ,  la  Chasseresse,  sont  devenues 
populaires  en  peu  de  jours. 

,*4  Berlin.  —  A  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la  naissance  du  roi,  le 
théâtre  de  la  cour  a  représenté  l'Ambassadrice,  d'Auber.  Mlle  Artot  a 
récité  et  chanté  le  rôle  d'Antoinette  en  allemand;  l'éminente  canta- 
trice a  été  rappelée  à  la  fin  de  chaque  acte.  —  Au  théâtre  Wilhelms- 
tadt  a  eu  lieu  la  reprise  d'un  opéra  presque  centenaire  :  la  Chasse,  par 
Hiller;  la  musique,  quoique  surannée  et  comme  idées  et  comme  forme, 
a  conservé  un  certain  charme,  un  air  de  naïveté  et  de  candeur,  qui 
ont  fait  plaisir.  On  attend  le  célèbre  ténor  Niemann,  qui  doit  chan- 
ter les  rôles  de  F.  Cortez,  du  Prophète,  et  de  Joseph  en  Egypte,  etc. 

**„,  Turin.  —  Le  succès  de  l'opéra  de  Petrella,  la  Contessa  d'Amalfi, 
s'est  changé  en  véritable  enthousiasme  ;  à  chaque  représentation  le 
théâtre  est  pris  d'assaut,  et  le  public  ne  se  lasse  pas  d'applaudir  et  de 
bisser  la  plupart  des  morceaux.  On  nous  écrit  que  jamais  succès  n'a  été 
plus  mérité,  et  qui  connaît  la  sévérité  du  public  de  Turin  doit  reconnaî- 
tre que  la  réussite  de  l'opéra  à  Turin  est  la  meilleure  garantie  pour  son 
avenir.  Comme  Jone  et  Precauzioni,  du  même  auteur,  la  Comtesse  d'A- 
malfi aura  bientôt  fait  le  tour  de  l'Italie.  —  Les  directeurs  de  nos  diffé- 
rents théâtres  ont  formé  leurs  troupes  pour  la  saison  du  printemps  et 
publié  leurs  programmes.  Ils  n'offrent  rien  de  saillant.  —  L'établisse- 


ment de  Francesco  Lucca  vient  de  publier  la  partition  pour  piano  et 
chant  A" Aida  (Ilaydée),  d'Auber.  La  traduction  italienne  a  été  faite  par 
M.  Marcello. 

„.%  Rome.  —  Mme  Trebelli-Bettini  et  son  mari  sont  engagés  ici  pour 
la  saison  d'automne. 

„%  Naplcs.  —  Mlle  Titjens  a  terminé  ses  représentations  au  théâtre 
San  Carlo  par  celle  de  Norma  donnée,  en  sus  de  son  engage- 
ment, à  la  prière  du  directeur  et  du  public  auquel  elle  a  fait  ses 
adieux  et  qui  lui  a  montré  la  plus  grande  sympathie,  lui  tenant  ainsi 
compte  de  ses  efforts  pour  soutenir,  au  milieu  de  l'entourage  le  plus 
médiocre,  le  fardeau  d'une  saison  complètement  dépourvue  de  nou- 
veautés, et  même  des  premiers  éléments  d'une  bonne  exécution  pour 
les  vieilleries  représentées. 


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N°  15. 


REVUE 


10  Avril  1861 


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Le  Journal  parait  le  Dimanche, 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Giacomo  Meyerbeer  (1"  article),  par  Fétis  père.  —  Semaine 
musicale,  par  Paul  Smith.  —  Auditions  et  concerts.  —  Nouvelles  et  an- 
nonces. 


Nous  empruntons  au  sixième  tome  de  la  Biographie  universelle  des 
musiciens  (seconde  édition),  la  notice  entièrement  neuve  que  l'au- 
teur, M.  Fétis  père,  a  consacrée  à  l'une  des  plus  grandes  illustra- 
tions de  notre  siècle. 

MEYERBEER    (Giacomo). 

(Premier  article.) 

Compositeur  de  musique  dramatique  et  chef  d'une  école  nouvelle, 
Meyerbeer  est  né  à  Berlin,  le  5  septembre  1794  (1),  d'une  famille 
riche  et  honorable,  dont  plusieurs  membres  ont  cultivé  les  scien- 
ces et  les  arts  avec  succès.  Guillaume  Béer,  second  frère  de 
l'artiste  qui  est  l'objet  de  cette  notice,  est  compté  parmi  les  bons 
astronomes  de  l'Allemagne,  et  s'est  fait  connaître  au  monde  savant 
par  une  carte  de  la  lune  qui  a  obtenu  le  prix  d'astronomie  à  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Berlin.  Michel  Béer,  autre  frère  du  célèbre 
compositeur,  mort  à  la  fleur  de  l'âge,  était  considéré  comme  un  des 
jeunes  poètes  allemands  dont  le  talent  donnait  les  plus  légitimes  es- 
pérances. Sa  tragédie  du  Paria  et  son  drame  de  Struemée  ont  eu 
du  retentissement  dans  sa  patrie. 

Dès  l'âge  de  quatre  ans,  l'intelligence  musicale  de  Meyerbeer  se 
manifestait  déjà  par  des  signes  non  équivoques  :  saisissant  les  mélo- 
dies des  orgues  ambulantes,  il  les  transportait  sur  le  piano  et  les 
accompagnait  harmonieusement  de  la  main  gauche.  Étonné  de  voir 
de  si  heureuses  dispositions  dans  un  enfant  de  cet  âge,  son  père  ré- 
solut de  ne  rien  négliger  pour  en  hâter  le  développement.  Lanska, 
élève  de  Clementi  et  pianiste  distingué,  fut  le  premier  maître  auquel 


(1)  La  Gazette  générale  de  Leipsick  (38e  année,  page  876)  et  le  Dictionnaire  de 
la  Conversation,  suivis  par  Schilling,  Gassner  et  d'autres,  ont  fixé  l'année  de  la 
naissance  de  Meyerbeer  en  1791  ;  cette  erreur  provient  de  ce  que,  dans  le  compte 
rendu  d'un  concert  donné  à  Berlin,  le  li  octobre  1800,  où  Meyerbeer  avait  fait 
admirer  son  habileté  sur  le  piano,  on  le  dit  âgé  de  neuf  ans,  quoiqu'il  ne  fût  que 
dans  sa  septième  année. 


il  le  confia.  Aux  principes  rationnels  de  mécanisme,  puisés  dans  l'é- 
cole de  son  illustre  professeur,  Lanska  unissait  l'art  de  bien  ensei- 
gner. Ce  fut  vers  cette  époque  qu'un  ami  intime  de  la  famille  Béer, 
nommé  Meyer,  et  qui  avait  voué  à  cet  enfant  une  affection  toute  pa- 
ternelle, lui  laissa  par  testament  une  fortune  considérable,  sous  la 
condition  qu'au  nom  de  Béer  il  ajouterait  celui  de  Meyer,  d'où  est 
venu  le  nom  de  Meyerbeer.  Déjà,  la  Gazette  générale  de  musique, 
de  Leipsick,  rendant  compte  d'un  concert  donné  à  Berlin  le  14  oc- 
tobre 1800,  où  le  jeune  artiste  s'était  fait  entendre  pour  la  première 
fois  en  public  avec  un  succès  extraordinaire,  avant  d'avoir  accompli 
sa  septième  année,  l'appela  de  ce  nom.  Les  renseignements  recueillis 
sur  les  lieux  par  l'auteur  de  cette  notice  prouvent  que  les  progrès 
de  cet  enfant  avaient  été  si  rapides,  qu'à  l'âge  de  six  ans  il  étonnait 
déjà  les  professeurs,  et  que  dans  sa  neuvième  année  il  était  compté 
parmi  les  pianistes  les  plus  habiles  de  Berlin.  La  même  Gazette  mu- 
sicale dit,  dans  l'analyse  de  deux  concerts  donnés  au  théâtre  de 
cette  ville,  le  17  novembre  1803  et  le  2  janvier  1804,  que  Meyer- 
beer y  avait  fait  preuve  d'une  habileté  et  d'une  élégance  de  style 
remarquables.  L'abbé  Vogler,  organiste  et  théoricien  alors  fort  re- 
nommé en  Allemagne,  l'entendit  à  cette  époque.  Frappé  de  l'origi- 
nalité qu'il  remarquait  dans  les  improvisations  de  l'enfant,  il  prédit 
qu'il  serait  un  grand  musicien.  Plus  tard,  démenti  visita  Berlin,  et 
l'exécution  de  Meyerbeer  lui  inspira  tant  d'intérêt  que,  malgré  son 
aversion  plus  prononcée  chaque  jour  pour  l'enseignement,  il  lui 
donna  des  leçons  pendant  toute  la  durée  de  son  séjour  dans  la  ca- 
pitale de  la  Prusse. 

A  peine  âgé  de  douze  ans,  et  quoiqu'il  n'eût  jamais  reçu  de  leçons 
d'harmonie,  Meyerbeer  avait  déjà,  sans  autre  guide  que  son  instinct, 
composé  beaucoup  de  morceaux  de  chant  et  de  piano.  Des  amis  éclai- 
rés y  reconnurent  le  germe  d'un  beau  talent,  et  décidèrent  ses  pa- 
rents à  lui  donner  un  maître  de  composition  Celui  qu'on  choisit  fut 
Bernard-Anselme  Weber,  élève  de  Vogler  et  chef  d'orchestre  de 
l'Opéra  de  Berlin.  Admirateur  enthousiaste  de  Gluck,  passionné  pour 
la  belle  déclamation  musicale  de  ce  grand  artiste,  fort  expert  d'ailleurs 
en  matière  de  style  dramatique,  Weber  pouvait  donner  d'utiles  con- 
seils à  son  élève  sur  la  coupe  des  morceaux,  sur  l'instrumentation 
et  sur  les  applications  esthétiques  de  l'art  d'écrire  ;  mais,  faible  har- 
moniste et  manquant  d'instruction  dans  la  didactique  des  divers  gen- 
res du  contre-point  et  de  la  fugue,  il  lui  était  impossible  de  le  guider 


114 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dans  ces  études  difficiles.  Pendant  quelque  temps,  Meyerbeer  fit,  un 
peu  à  l'aventure,  des  efforts  pour  s'instruire.  Un  jour,  il  porta  une 
fugue  à  son  maître  :  émerveillé  de  ce  morceau,  Weber  le  proclama 
un  chef-d'œuvre,  et  s'empressa  de  l'envoyer  à  l'abbé  Vogler,  afin  de 
lui  prouver  qu'il  pouvait  aussi  former  de  savants  élevés.  La  réponse 
se  fit  longtemps  attendre;  enfin  arriva  un  volumineux  paquet  qui  fut 
ouvert  avec  empressement.  0  surprise  douloureuse  !  au  lieu  des  élo- 
ges qu'on  espérait,  on  y  trouva  une  sorte  de  traité  pratique  de  la 
fugue,  écrit  de  la  main  de  Vogler  et  divisé  en  trois  parties.  Dans  la 
première,  les  règles  pour  la  formation  de  ce  genre  de  morceaux  de 
musique  étaient  exposées  d'une  manière  succincte.  La  seconde  par- 
tie, intitulée  la  Fugue  de  l'élève,  contenait  celle  de  Meyerbeer,  ana- 
lysée dans  tout  son  développement  :  le  résultat  de  l'examen  prouvait 
qu'elle  n'était  pas  bonne.  La  troisième  partie,  qui  avait  pour  titre  : 
la  Fugue  du  maître,  était  celle  que  Vogler  avait  écrite  sur  le  thème 
et  les  contre-sujets  de  Meyerbeer.  Elle  était  aussi  analysée  de  me- 
sure en  mesure,  et  le  maître  y  rendait  compte  des  motifs  qui  lui 
avaient  fait  adopter  telle  forme  et  non  telle  autre  (1). 

Weber  était  confondu;  mais  pour  Meyerbeer  la  critique  de  Vogler 
fut  un  trait  de  lumière.  Après  la  lecture  des  deux  analyses  compa- 
ratives, un  bandeau  lui  tomba  des  yeux.  Tout  ce  qui,  dans  l'ensei- 
gnement de  Weber,  lui  avait  paru  obscur,  inintelligible,  lui  devint 
clair  et  presque  facile.  Plein  d'enthousiasme,  il  se  mit  à  écrire  une 
fugue  en  huit  parties,  d'après  les  principes  de  l'abbé  Vogler,  et  la 
lui  envoya  directement.  Ce  nouvel  essai  ne  fut  plus  accueilli  de  la 
même  manière  par  le  maître.  «  Il  y  a  pour  vous  un  bel  avenir  dans 
l'art,  écrivait-il  à  Meyerbeer.  Venez  près  de  moi  ;  rendez-vous  à 
Darmstadt  ;  je  vous  recevrai  comme  un  fils,  et  je  vous  ferai  puiser  à 
la  source  des  connaissances  musicales.  » 

Après  une  invitation  si  flatteuse  et  si  formelle,  le  jeune  musicien 
n'eut  plus  de  repos  qu'il  n'eût  obtenu  de  ses  parents  la  permission 
d'en  profiter;  enfin,  il  fut  au  comble  de  ses  vœux.  Il  avait  quinze 
ans  lorsqu'il  devint  élève  de  l'abbé  Vogler.  Ce  maître,  qui  jouissait 
alors  de  la  réputation  du  plus  profond  musicien  de  l'Allemagne,  avait 
fondé  une  école  de  composition  où  s'étaient  formés  autrefois  des  ar- 
tistes de  mérite,  parmi  lesquels  on  remarquait  Winter,  Ritter,  Knecht 
et  plusieurs  autres.  Dans  la  nouvelle  école  établie  à  Darmstadt,  Gansba- 
cher,  qui  fut  plus  tard  maître  de  chapelle  de  l'église  Saint-Etienne,  à 
Vienne, était,  ainsi  que  Ch.  Maria  de  Weber,  le  condisciple  de  Meyer- 
beer. Incessamment  occupés  d'études  sérieuses,  les  élèves  de  Vogler 
avaient  chez  lui  une  existence  tout  artistique  et  scientifique.  Après  sa 
messe, le  maître  les  réunissait  et  leur  donnait  une  leçon  orale  de  contre- 
point ;  puis  il  les  occupait  de  la  composition  de  quelques  morceaux  de 
musique  d'église  sur  un  thème  donné,  et  terminait  la  journée  par  l'exa- 
men et  l'analyse  de  ce  que  chacun  d'eux  avait  écrit.  Quelquefois  Vogler 
allait  à  l'église  principale,  où  il  y  avait  deux  orgues.  Là,  ils  improvi- 
saient ensemble,  sur  les  deux  instruments,  chacun  prenant  à  son  tour 
le  sujet  de  fugue  donné,  et  le  développant.  C'est  ainsi  que  se  fit 
pendant  deux  ans  l'éducation  technique  de  l'auteur  de  Robert  le  Dia- 
ble. Au  bout  de  ce  temps,  Vogler  ferma  son  école  et  se  mit  en  route 
avec  ses  élèves  pour  visiter  les  villes  principales  de  l'Allemagne, 
puisant  dans  ce  qu'ils  entendaient  des  sujets  d'entretien  et  de  leçons. 
Avant  de  quitter  Darmstadt,  Meyerbeer,  alors  âgé  de  dix-sept  ans, 
fut  nommé  compositeur  de  la  cour.  Le  grand-duc  lui  accorda  cette 
distinction  après  avoir  entendu  un  oratorio  {Dieu  et  la  nature)  que 
le  jeune  artiste  venait  d'achever,  et  qui  fut  exécuté  à  Berlin,  le  8  mai 


(1)  Ce  travail  a  été  imprimé  après  la  mort  de  Vogler,  sous  ce  titre  :  System 
Jûr  den  Fugenbau,  als  Einleitung  zur  harmonischen  Gesang-Verbindungs  Lehre 
(Système  de  la  construction  de  la  fugue,  comme  introduction  à  la  science  du  chant 
harmonique  concerté).  Offenbach,  André,  in-8"  de  75  pages  de  texte  et  35  pages 
de  musique,  malheureusement  l'analyse  du  maître  manque  souvent  de  justesse,  et 
sa  propre  fugue  n'est  pas  des  meilleures. 


1811,  dans  un  concert  donné  par  Weber  au  Théâtre  Royal.  Les  solos 
furent  chantés  par  Eunike,  Grell  et  Mlle  Schmalz.  On  Irouve  une 
analyse  thématique  de  cet  ouvrage  dans  la  Gazette  musicale  de  Leip- 
sick  (13e  année,  p.  570),  où  l'on  voit  que  déjà  Meyerbeer  cherchait 
des  formes  nouvelles  et  des  effets  inconnus.  Cette  partition  n'était 
pas  la  seule  qu'il  eût  écrite  dans  l'école  de  Vogler,  car  il  avait  com- 
posé beaucoup  de  musique  religieuse  qu'il  n'a  pas  fait  connaître  jus- 
qu'à ce  jour  (1862). 

Le  temps  de  la  production  active  était  arrivé  pour  Meyerbeer.  A 
dix-huit  ans,  il  fit  représenter  à  Munich  son  premier  ouvrage  dra- 
matique, intitulé  :  la  Fille  de  Jephté.  Le  sujet,  développé  en  trois 
actes,  était  plutôt  un  oratorio  qu'un  opéra.  Encore  tout  saturé  des 
formes  scolastiques,  Meyerbeer  ayait  mis  peu  de  charme  mélodique 
dans  cette  composition  :  elle  ne  réussit  pas.  Jusqu'alors  il  avait  ob- 
tenu de  brillants  succès  comme  pianiste  et  comme  improvisateur  ;  il 
résolut  de  se  rendre  à  Vienne,  la  ville  des  pianistes,  et  de  s'y  faire 
connaître  comme  virtuose.  Le  soir  même  de  son  arrivée,  il  eut  oc- 
casion d'entendre  Hummel,  alors  dans  tout  l'éclat  de  son  talent.  Ce 
talent  n'avait  ni  le  caractère  majestueux,  ni  l'éclat  qui  se  faisaient 
remarquer  dans  l'exécution  de  démenti,  et  qui  se  reproduisaient 
avec  plus  de  jeunesse  et  de  feu  dans  le  jeu  de  Meyerbeer  ;  mais  c'é- 
tait une  émanation  pure,  claire  et  d'un  charme  inexprimable.  Le 
jeune  artiste  comprit  tout  d'abord  l'avantage  qu'avait,  à  cet  égard, 
sur  lui  l'école  viennoise,  et,  ne  voulant  pas  être  vaincu,  il  prit  la  ré- 
solution de  ne  se  produire  en  public  qu'après  avoir  réuni  aux  qua- 
lités propres  de  son  talent,  celles  de  sis  rivaux.  Pour  atteindre  le  but 
qu'il  se  proposait,  il  s'enferma  pendant  dix  mois,  se  livrant  à  de  con- 
tinuelles études  sur  l'art  de  lier  le  jeu  harmoniquement  et  faisant 
subir  à  son  doigter  les  modifications  nécessaires.  Après  ces  efforts, 
dont  une  conscience  dévouée  d'artiste  était  seule  capable,  Meyer- 
beer débuta  dans  le  monde  élégant  et  fit  une  impression  si  vive,  que 
le  souvenir  s'en  est  longtemps  conservé.  Moschelès,  qui  l'entendit, 
m'a  dit  plusieurs  fois  que  si  ce  grand  artiste  s'était  posé  alors  uni- 
quement comme  virtuose,  peu  de  pianistes  auraient  pu  lutter  avec  lui; 
mais  déjà,  d'autres  vues  occupaient  son  esprit.  C'est  ici  le  lieu  de 
mentionner  une  idée  bizarre  qui  tourmenta  sa  jeune  tète  à  celte 
époque  (1813).  Frappé  du  succès  que  l'originalité  de  ses  composi- 
tions et  la  nouveauté  de  ses  traits  brillants  avaient  obtenu,  il  se 
persuada  que  les  pianistes  voulaient  s'en  emparer,  et  pour  échapper 
à  ce  danger  imaginaire,  il  se  décida  à  retarder  de  quelques  années 
la  publication  de  sa  musique  de  piano.  Dans  la  suite,  préoccupé  de 
ses  travaux  pour  le  théâtre,  il  cessa  de  se  faire  entendre  et  mêvoe  de 
jouer  du  piano,  en  sorte  qu'il  finit  par  oublier  la  plus  grande  partie 
de  sa  musique  instrumentale,  dont  il  n'avait  rien  écrit,  et  que  cette 
musique  fut  perdue  pour  l'art.  Cependant  il  a  dû  écrire  certains  ou- 
vrages dont  les  journaux  ont  parlé  avec  de  grands  éloges,  et  dont 
les  manuscrits  se  retrouveront  peut-être  quelque  jour;  par  exemple, 
des  variations  sur  une  marche  originale,  exécutées  par  l'auteur  dans 
un  concert  donné  à  Leipsick,  ainsi  qu'une  symphonie  concertante  pour 
piano,  violon  et  orchestre,  composée  par  Meyerbeer,  et  exécutée  par 
lui  et  le  violoniste  Weit,  à  Berlin,  le  4  février  1813. 

Je  viens  de  dire  que  Meyerbeer  cessa  de  jouer  du  piano  comme 
virtuose;  mais  il  lui  est  resté  de  ses  études  sur  cet  instrument  le  talent 
le  plus  parfait  d'accompagnateur  que  j'aie  entendu.  Je  fus  frappé  de 
la  beauté  de  ce  talent  dans  les  concerts  de  salon  donnés  par  le  roi 
de  Prusse  aux  châteaux  de  Brûhl,  de  Stolzenfels  et  à  Coblence,  en 
1845,  pour  la  famille  royale  de  Belgique  et  pour  la  reine  d'Angle- 
terre. En  sa  qualité  de  premier  maître  de  chapelle,  l'auteur  des  Hu- 
guenots avait  organisé  ces  concerts  et  y  tenait  le  piano.  Par  les  nuan- 
ces fines,  délicates  et  poétiques  de  sa  manière  d'accompagner,  je 
compris  alors  la  multiplicité  des  répétitions  exigées  par  lui  pour  la 
mise  en  scène  de  ses  opéras.  Je  doute  qu'il  soit  jamais  complètement 
satisfait  des  chanteurs  et  de  l'orchestre. 


DE  PARIS. 


115 


L'éclat  qu'avaient  eu  à  Vienne  les  succès  de  Meyerbeer  comme 
pianiste  et  comme  auteur  de  musique  instrumentale,  enfin,  les  beau- 
tés qu'on  avait  remarquées  dans  un  monodrame  avec  chœurs,  inti- 
tulé :  les  Amours  de  Thecelinde,  lequel  fut  chanté  par  Mlle  Harlas, 
à  Vienne,  en  1813,  inspirèrent  la  pensée  de  lui  confier  la  composi- 
tion d'un  opéra-comique  pour  le  théâtre  de  la  cour.  Il  était  intitulé  : 
Abimeleck,  ou  les  Deux  Califes.  La  musique  italienne  était  seule  en 
faveur  alors  près  de  M.  de  Motternich  et  des  courtisans  auxquels  il 
donnait  le  ton;  or,  la  partition  à' Abimeleck  était  écrite  d'un  style  ab- 
solument différent  et  dans  un  système  assez  semblable  à  celui  de 
la  Fille  de  Jephté  ;  elle  fut  accueillie  avec  beaucoup  de  froideur,  et 
le  résultat  de  la  représentation  dut  être  considéré  comme  une  chute. 
Salieri,  qui  avait  pour  le  jeune  musicien  une  tendre  affection,  le  con- 
sola de  cet  échec  en  lui  donnant  l'assurance  que,  nonobstant  la  coupe 
vicieuse  de  ses  chants,  il  ne  manquait  pas  d'heureuses  dispositions 
pour  la  mélodie,  mais  qu'il  n'avait  pas  assez  étudié  le  mécanisme  de 
la  vocalisation,  et  qu'il  écrivait  mal  pour  les  chanteurs.  Il  lui  con- 
seilla d'aller  en  Italie  s'instruire  dans  l'art  de  composer  pour  les 
voix,  et  lui  prédit  des  succès  quand  il  aurait  appris  cet  art  dif- 
ficile. 

FÉTIS  père. 
(La  suite  prochainement.) 


SEMAINE  MUSICALE. 

Festival  Beethoven,  au  cfrqne  Napoléon.  —  Mfesse 
«le  l'Orgtnéon,  par  F.  Bazin,  à  Notre-Dame.  —  TJuéà- 
tre  impérial  Italien  :  Frascliinl  dans  Rigotetto,  et 
les  *œurs  Marcliïsio  dans  Cenerentoia. 

La  symphonie  avec  chœurs  de  Beethoven  est  une  énigme  sublime 
dont  on  cherche  toujours  le  mot.  Voilà  plus  de  vingt-cinq  ans  que  je 
l'étudié,  et  je  me  flatte  d'avoir  fait  quelques  progrès,  surtout  grâce 
à  M.  Pasdeloup,  qui  l'a  exécutée  deux  années  de  suite,  mais  je  suis 
encore  loin  de  la  comprendre  et  de  me  l'expliquer  à  livre  ouvert. 
En  écoutant  cette  œuvre  immense,  en  m'appliquant  de  toutes  mes 
forces  à  la  saisir,  à  l'embrasser,  il  me  semble  toujours  que  l'auteur 
l'a  composée  pour  des  hommes  plus  hauts  que  nous  d'un  quart  de 
mètre  et  doués  d'une  faculté  d'attention  plus  longue  que  la  nôtre 
d'une  bonne  demi-heure.  Un  chef  d'orchestre  bien  connu  ne  disait- 
il  pas  d'un  de  nos  chanteurs  les  plus  célèbres  qu'il  était  né  d'un 
quart  démesure  en  retard?  Après  tout,  ce  n'était  pas  la  faute  du 
chanteur,  et  ce  n'est  pas  non  plus  la  mienne  quand,  au  milieu  de 
mes  efforts  désespérés,  je  me  sens  défaillir  et  que  le  vertige  me 
prend.  Cela  explique  la  diversité  des  jugements  portés  sur  la  neu- 
vième symphonie.  «  Certains  critiques,  a  écrit  Berlioz,  la  regardent 
comme  une  monstrueuse  folie  ;  d'autres  n'y  voient  que  les  dernières 
lueurs  d'un  génie  expirant;  quelques-uns,  plus  prudents,  déclarent 
n'y  rien  comprendre  quant  à  présent,  mais  ne  désespèrent  pas  de 
l'apprécier,  au  moins  approximativement,  plus  tard;  la  plupart  des 
artistes  la  considèrent  comme  une  conception  extraordinaire ,  dont 
quelques  parties  néanmoins  demeurent  encore  inexpliquées  ou  sans 
but  apparent.  »  A  la  bonne  heure!  Cette  opinion  me  paraît  de  tout 
point  acceptable;  mais,  pourquoi  ne  l'avouerai-je  pas?  Ce  qui  m'a 
toujours  inspiré  une  certaine  méfiance,  c'est  le  ridicule  excès  de  quel- 
ques admirations  fanatiques  comme,  par  exemple ,  celle  d'un  M.  de 
Lenz,  l'auteur  de  Beethoven  et  des  trois  styles,  qui  trouvait  décent, 
c'est  son  expression,  d'entendre  un  tel  chef-d'œuvre,  non  pas  assis 
mais  par  terre,  et  ne  pas  dîner  après  l'avoir  entendu.  L'éloge  est 
un  reflet  qui,  plus  que  la  critique,  donne  souvent  la  mesure  des  dé- 
fauts de  la  chose  louée  ;  presque  toujours  un  peu  d'extravagance  en- 
traîne beaucoup  d'exagération. 


M.  Pasdeloup  a  bien  fait  de  remettre  encore  sur  le  tapis  l'éter- 
nelle question  de  la  symphonie  avec  chœurs.  Nous  disons  éternelle, 
parce  qu'il  ne  tient  ni  à  lui  ni  à  son  orchestre  d'en  avancer  la  so- 
lution. Dès  l'année  dernière,  sa  phalange  instrumentale  s'était  mon- 
trée au  niveau  de  sa  rude  tâche.  A  la  tête  de  ses  chanteurs,  il  avait 
placé  Mmes  Viardot  et  Simon,  MM.  Bussine  et  Capoul  ;  celui-ci  est 
resté  seul  à  son  poste,  tandis  que  les  trois  autres  ont  eu  pour 
remplaçants  Mlle  de  Maesen,  Mme  Talvo-Bedogni  et  M.  Troy.  Ce 
choix  valait  mieux  que  l'autre  en  ce  que  les  voix  de  femmes  étaient 
de  qualité  plus  tranchée  ;  celles  de  Troy  et  de  Capoul  formaient  aussi 
un  excellent  contraste.  Les  chœurs  se  sont  distingués  par  leur  union 
et  leur  force,  ce  qui  fait  que  la  quatrième  partie  de  la  sympho- 
nie n'a  pas  été  moins  triomphante  que  les  trois  autres,  bien  que  la 
tâche  des  chanteurs  soit  autrement  rude  que  celle  des  instrumentis- 
tes; nous  n'insisterons  pas  sur  celle  des  auditeurs. 

Pour  leur  procurer  le  repos  dont  ils  avaient  besoin,  rien  de  mieux 
que  l'air  délicieux  du  ballet  de  Prométhée,  et  les  moelleux  accents 
que  M.  Poëncet  tire  de  son  violoncelle.  M.  Capoul  est  ensuite  venu 
dire  l'Adélaïde  avec  une  voix  pure  et  fraîche  qui  a  causé  un  vrai 
plaisir.  Pour  produire  plus  d'effet,  il  n'a  manqué  au  jeune  chanteur 
que  l'aplomb  qu'un  artiste  doit  à  une  réputation  dès  longtemps  éta- 
blie ;  mais  il  n'est  pas  fâché  d'avoir  à  l'attendre  encore. 

Vieuxtemps  avait  fait  le  voyage  tout  exprès  pour  venir  jouer  le 
concerto  en  ré  majeur,  qui  fut  exécuté  pour  la  première  fois  par  le 
violoniste  allemand,  Klement,  à  Vienne.  Ce  concerto  porte  le  n°  61 
des  œuvres  de  Beethoven  et  occupe  dans  le  catalogue  la  place  qui 
suit  la  quatrième  symphonie  en  si  bémol.  Par  malheur,  rien  ne 
vieillit  plus  vite  que  les  concertos,  et  l'admirable  talent  de  l'artiste 
n'a  pu  dissimuler  la  longueur,  la  froideur  de  l'œuvre  du  grand 
maître.  Un  concerto  en  trois  parties,  après  une  symphonie  énorme  ! 
Ce  n'est  pas  Beethoven  qui  eût  disposé  ainsi  le  programme,  lui  qui, 
à  propos  de  la  symphonie  héroïque,  donnait  cet  avis  en  forme  de 
préface  :  «  Questa  sinfonia  essendo  scritta  apposta  più  Iunga  délie 
solile,  si  deve  eseguire  più  vicino  al  principio  ch'  al  fine  di  un  aca- 
demio  e  poco  dopo  un  overtura,  un  aria  ed  un  concerto,  accioche, 
sensita  troppo  tardi  non  perda  per  l'auditore  già  faticato  dalle  pré- 
cèdent produzioni,  il  suo proprio proposto  effetto  (1).  »  Pour  avoir 
négligé  une  règle  si  sage,  le  concerto  n'a  pas  été  écouté  comme  il 
méritait  de  l'être  :  Vieuxtemps  a  droit  à  une  revanche,  et  il  l'obtien- 
dra facilement.  Il  faut  en  dire  autant  de  Mlle  Maesen,  la  chanteuse 
si  applaudie  au  IhéàLre  Lyrique,  la  Gilda  si  pathétique  du  Rigo- 
letto  français.  Elle  avait  à  chanter  un  air  bien  fait,  mais  sans 
éclat,  sans  idée  saillante,  dont  l'instrumentation  décèle  un  bon  élève 
de  Mozart.  Il  n'y  avait  pas  là  de  quoi  remuer  profondément  un  au- 
ditoire dont  la  moitié  ne  s'est  pas  sentie  en  état  d'entendre  ces 
merveilleux  fragments  que  l'on  appelb  les  Ruines  d'Athènes.  C'était 
la  conclusion  du  festival,  qui  péchait  par  un  excès  de  richesse  et 
qu'on  aurait  pu  alléger  d'un  tiers.  Tel  qu'il  était,  ce  festival  comp- 
tera au  nombre  des  plus  belles  manifestations  musicales  dont  Paris 
ait  été  le  théâtre.  Et  l'infatigable  directeur,  M.  Pasdeloup,  ne  s'en 
tient  pas  là!  Aujourd'hui,  c'est  le  Festival  Mendelssohn;  dimanche 
prochain,  ce  sera  le  Festival  Haydn,  toujours  avec  plusieurs  cen- 
taines d'exécutants  et  plusieurs  milliers  d'auditeurs  ! 

Lundi,  la  foule  se  portait  à  l'église  Notre-Dame,  où  l'association  des 
artistes  musiciens  faisait  exécuter  une  messe  de  M.  F.  Bazin,  composée 
pour  l'orphéon  de  la  ville  de  Paris.  Cette  production  sage,  élevée, 
que  le  sentiment   religieux  anime,   réunit   les  conditions  essentielles 


(1)  o  Cette  symphonie,  ayant  été  faite  exprès  plus  longue  qu'à  l'ordinaire,  doit 
être  exécutée  plutôt  au  commencement  qu'à  la  fin  d'un  concert,  et  peu  après  une 
ouverture,  un  air  ou  un  concerto,  pour  éviter  que,  si  on  l'entendait  trop  tard, 
elle  ne  perde,  pour  l'auditeur  déjà  fatigué  par  les  morceaux  précédents,  l'effet 
qu'elle  est  destinée  à  produire,  s 


116 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


d'une  œuvre  de  ce  genre,  la  simplicité,  la  clarté,  la  facilité.  Plusieurs 
morceaux  se  distinguent  par  un  caractère  plus  vif,  plus  hardi,  et  four- 
nissent à  des  solistes  l'occasion  de  déployer  leurs  voix  et  leur  talent. 
M.  Warot,  de  l'Opéra,  mérite  une  mention  toute  spéciale  pour  la  ma- 
nière dont  il  a  chanté  à  l'offertoire  un  Ave  Maria  expressément  écrit 
par  M.  Bazin.  La  solennité,  qui  s'ouvrait  par  la  marche  religieuse 
d'Adolphe  Adam,  avec  accompagnement  de  harpes,  s'est  terminée  par 
le  Noël  du  même  maître.  M.  Paulus  et  l'excellente  musique  militaire 
qu'il  dirige  prêtaient  leur  concours  aux  orphéonistes. 

Vers  la  fin  d'une  saison  laborieuse  et  brillante,  remarquable 
surtout  par  le  nombre,  la  variété  des  artistes  et  des  spectacles, 
le  théâtre  Italien  semble  redoubler  d'activité.  Tandis  qu'Adelina 
Patti  continuait  d'exercer  son  irrésistible  prestige,  Fraschini  nous  est 
revenu,  et  Mme  Charton-Demeur  n'a  pas  tardé  à  le  suivre.  Fraschini 
s'est  montré  dans  un  rôle  qu'il  n'avait  pas  encore  abordé  à  Paris, 
celui  du  duc  de  Mantoue  dans  Rigoletto,  et  s'il  ne  l'a  pas  joué  avec 
cet  abandon,  cette  légèreté  familière  d'un  grand  seigneur  en  certain 
lieu,  dont  Mario  lui  donnait  l'exemple,  il  l'a  chanté  avec  toute  la 
puissance  de  sa  voix,  et  il  a  su  mettre  une  certaine  grâce  dans  la 
chanson  Jfameuse  la  donna  è  mobile.  Ce  soir,  nous  le  reverrons 
dans  le  Ballo  in  maschera  avec  Mme  Charton-Demeur,  qui  sera  une 
excellente  Amélie. 

Nous  avons  eu  l'autre  jour  une  curieuse  et  belle  représentation  de 
Cenerentola  :  c'était  Barbara  Marchisio  qui  remplissait  ce  rôle  de 
jeune  fille,  elle  que  nous  n'avions  encore  vue  que  sous  le  costume 
masculin,  elle  que  nous  devions  croire  de  Babylone  et  condamnée  à 
perpétuité  au  rôle  du  fils  de  Ninus  !  Eh  bien,  la  petite  Cendrillon  n'a 
pas  semblé  le  moins  du  monde  embarrassée  de  ses  nouveaux  habits, 
de  sa  situation  nouvelle.  Nous  ne  dirons  pas  qu'elle  est  l'idéal  du 
personnage,  mais  elle  ne  joue  pas  mal  et  chante  avec  la  magistrale 
correction  qu'on  lui  connaît.  A  côté  d'elle,  on  était  tout  surpris  de 
trouver  deux  artistes,  deux  cantatrices,  Carlotta,  sa  vraie  sœur,  et 
Mme  Méric-Lablache,  qui  n'avaient  pas  dédaigné  de  lui  donner  la 
réplique.  Jamais  Cenerentola  n'avait  rencontré  des  partenaires  de 
ce  mérite,  et  le  chef-d'œuvre  rossinien  s'en  trouvait  à  merveille. 

Giraldoni  a  reparu  dans  le  Trovatore  et  dans  le  Barbier.  Alessan- 
dro  Bettini  s'est  amusé  à  remplir  en  passant  le  rôle  du  comte  Alma- 
viva  :  il  n'avait  prévenu  personne  ;  mais  ceux  qui  par  hasard  ont  pu 
l'entendre,  nous  ont  dit  qu'il  avait  été  bien  modeste,  et  qu'une  autre 
fois  il  aurait  tort  de  ne  pas  renoncer  à  l'incognito  ! 

Il  serait  possible  encore  que  nous  eussions  l'ouvrage  nouveau 
qu'on  nous  avait  promis  pour  la  saison  actuelle.  On  parle  de  la 
Forza  del  Destino  ou  de  Boccanegra. 

Paul  SMITH. 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 

SI.  Albert  Vfcenllnl.  —  M.  «Joseph  Telezinskl  et  II.  W. 
Goldner.  —  Mlle  Hélène  de  Katow  et  MM.  Cinldon 
frères.  —  91.  W.  Banerkeller  et  Mlle  Marie  Trant- 
mann.  —  M.   Félix    Ciodefroid. 

A  mesure  que  nous  avançons  dans  la  saison  des  concerts,  nous 
retrouvons  des  physionomies  déjà  entrevues  parmi  celles  des  nom- 
breux artistes  de  tout  genre  qui  ont  passé  devant  nous.  Ainsi,  nos 
lecteurs  se  souviennent  sans  doute  de  M.  Albert  Vizentini,  violon 
solo  du  théâtre  Lyrique,  un  brillant  élève  de  Léonard,  et  l'un  des 
lauréats  les  plus  distingués  du  Conservatoire  de  Bruxelles.  Ce  jeune 
virtuose  a  prouvé  l'autre  soir,  à  la  salle  Herz,  que  M.  Carvalho 
n'avait  pas  été  trop  mal  inspiré  en  lui  confiant  la  position  excep- 
tionnelle qu'il  occupe  dans  l'orchestre  de  son  théâtre.  Son  jeu  a  de 


l'éclat  et  de  la  variété;  son  style  est  pur  et  ne  manque  pas  d'élé- 
vation. La  grâce  et  la  légèreté  de  son  archet,  le  brio  de  son  exécu- 
tion, l'ont  parfaitement  servi  dans  les  divers  morceaux  qu'il  nous  a 
fait  entendre,  et  par  dessus  tout  ,  dans  le  Souvenir  de  Donizelti 
d'H.  Vieuxtemps,  et  dans  la  ravissante  Berceuse  de  Reber.  Nous 
croyons  que  son  succès  eût  été  plus  complet  encore  s'il  avait  voulu 
se  borner  à  interpréter  la  musique  d'autrui,  sans  viser  à  la  double 
gloire  d'exécutant  et  de  compositeur.  Ses  Souvenirs  de  Gluck,  mor- 
ceau de  concert  avec  accompagnement  de  double  quatuor,  et  sa  Rê- 
verie sur  VEclair,  d'Halévy,  renferment  d'excellentes  choses,  mais 
sont,  au  total,  d'un  effet  médiocre.  Nous  préférons  le  duo  pour  violon 
et  piano  sur  Mireille,  le  nouvel  opéra  de  Gounod,  qu'il  a  composé 
et  exécuté  avec  M.  L.-L.  Delahaye,  encore  un  nom  que  nous  retrou- 
vons sous  notre  plume  comme  un  des  meilleurs  souvenirs  de  cet 
hiver.  M.  Delahaye,  premier  prix  de  notre  Conservatoire,  est  un  pia- 
niste merveilleusement  doué  ;  la  perfection  avec  laquelle  il  a  joué 
la  fantaisie  de  Thalberg  sur  Moïse  lui  a  fait  obtenir  un  succès  des 
plus  légitimes  et  des  plus  enthousiastes. 

Il  en  a  été  de  même  pour  Mlle  de  Maësen,  la  nouvelle  étoile  du 
théâtre  Lyrique,  qui  a  chanté  avec  infiniment  de  talent  un  air 
à'Ernani  et  une  cavatine  des  Pêcheurs  de  perles,  charmante  épave 
d'un  naufrage  dans  lequel  il  se  pourrait  bien  faire  que  le  musicien 
ait  été  entraîné  par  ses  librettistes.  M.  Stroheker,  qui  possède  une 
fort  jolie  voix  de  ténor,  a  dit  aussi,  d'une  manière  remarquable,  un 
air  de  Jérsusalem  et  une  mélodie  de  Stigelli.  La  Légende  de  saint 
Nicolas,  cette  adorable  et  naïve  complainte  de  M.  Armand  Gouzien, 
si  bien  chantée  par  les  frères  Lyonnet,  a  été  redemandée  par  tout 
l'auditoire,  et  les  Cendres,  des  vers  de  Victor  Hugo  récités  par 
Mlle  Agar,  ont  porté  au  comble  la  satisfaction  générale. 

—  M.  Joseph  Telesinski ,  premier  violon  de  l'Opéra ,  et  M.  W. 
Goldner,  le  pianiste,  dans  leur  concert  annuel  qu'ils  ont  donné  chez 
Erard,  ont  débuté  ensemble,  avec  le  violoncelliste  Lasserre,  par  le 
grand  trio  en  ré  mineur  de  Mendelssohn,  qu'ils  ont  interprété  en 
musiciens  consommés  et  pénétrés  du  sentiment  de  cette  œuvre  si 
belle  et  si  sérieuse.  Puis,  séparément,  M.  Goldner,  compositeur  dis- 
tingué non  moins  qu'exécutant  habile,  a  fait  applaudir  plusieurs 
morceaux  de  sa  façon,  une  Élude  caractéristique,  un  duo  de  la  Tra- 
viata  et  le  boléro  des  Vêpres  siciliennes,  deux  élégantes  transcrip- 
tions qu'il  a  dites  avec  beaucoup  d'art  et  de  charme.  De  son  côté, 
M.  Telesinski  a  parfaitement  joué  la  fantaisie  d'Alard  sur  le  Trova- 
tore, et  deux  morceaux  de  Bériot  et  de  Chopin,  qui  ont  fait  le  plus 
grand  plaisir.  On  a,  en  outre,  redemandé  une  transcription  pour  le 
cor,  sur  des  motifs  du  Pré  aux  clercs,  par  M.  Mohr,  dont  le  talent 
remarquable  a  provoqué  d'unanimes  bravos,  et  l'on  a  fêté,  selon  son 
mérite,  M.  Lasserre,  jeune  violoncelliste,  qui  tire  de  son  instrument 
les  sons  les  plus  purs  et  les  plus  expressifs.  Le  chant  était  repré- 
senté par  la  jolie  Mlle  Adam-Boisgontier,  qui  a  dit  d'une  manière 
fort  gracieuse  l'air  du  Billet  de  loterie  :  Non,  je  ne  veux  pas  chan- 
ter, et  par  M.  Gustave  Bloch,  dont  les  chansonnettes  ont  été  très- 
go  ûtées. 

—  Après  avoir  prêté  gracieusement  son  concours  à  quelques-uns 
des  bénéficiaires  dont  l'audition  a  eu  lieu,  dans  ces  derniers  temps, 
Mlle  Hélène  de  Katow  a  donné,  à  son  tour,  en  société  de  MM.  Guidon 
frères,  une  charmante  soirée  musicale  qui  n'a  eu  qu'un  défaut,  celui  de 
paraître  trop  courte  au  gré  du  nombreux  auditoire  qu'elle  avait  attiré 
dans  la  salle  Herz.  En  digne  élève  de  Servais,  Mlle  de  Katow  s'est  fait 
entendre  dans  les  deux  fantaisies  bien  connues  que  ce  maître  a  ti- 
rées de  la  Fille  du  régiment  et  de  la  Muelle.  Nous  ne  pousserons  pas 
l'hyperbole  jusqu'à  prétendre  qu'aucun  violoncelliste  ne  surpasse  cette 
jeune  fille  dans  les  passages  qui  exigent  un  jeu  rapide  et  énergique  ; 
mais  nous  affirmons  qu'il  est  difficile  de  jouer  mieux  qu'elle ,  avec 
plus  d'âme  et  d'expression,  la  romance  de  Tonioou  l'air  du  Sommeil. 
Nous  devons  aussi  constater  qu'elle  a  fait  irréprochablement  sa  partie 


PE  PARIS. 


117 


dans  la  Méditation,  de  Félix  Godefroid,  sur  la  prière  des  Bardes,  pour 
violoncelle,  piano  et  orgue. 

Les  deux  frères  Guidon  sonl  d'agréables  chanteurs  qui  ont  du  goût 
et  de  la  méthode.  Ils  s'entendent  à  merveille  pour  faire  valoir  des 
petites  chansonnettes  écrites  en  duos,  à  leur  intention,  comme  les 
Amoureux  et  Ma  mie  Annelle,  très-gracieux  badinages  de  F.  Gode- 
defroid,  ou  encore  Bonsoir,  bonne  nuit,  bonjour,  couplets  inédits 
d'Henri  Potier,  ou  enfin  cette  délicieuse  Légende  de  saint  Nicolas, 
qui  n'a  pas  moins  de  succès  avec  eux  qu'avec  les  frères  Lyon- 
net.  Outre  ces  duettinos,  M.  Eugène  Guidon,  le  ténor,  nous  a  of- 
fert, dans  cette  soirée,  la  primeur  de  deux  nouvelles  mélodies  de 
M.  Théodore  Ymbert,  un  jeune  compositeur,  qui  a  fait  jouer  au 
théâtre  Lyrique  impérial  les  Deux  Cadis,  et  qui  a  mis  en  musique 
quelques  fables  choisies  parmi  les  plus  populaires  de  la  Fontaine.  Le 
charme  et  la  distinction  de  ses  mélodies,  et  particulièrement  de  sa 
Berceuse,  ne  peuvent  qu'accroître  les  sympathies  que  ses  débuts  lui 
ont  conquises. 

Pour  la  partie  instrumentale,  Louis  Diémer  et  Auguste  Durand,  deux 
virtuoses  dont  on  connaît  le  talent  sur  le  piano  et  sur  l'orgue  ;  pour 
la  partie  vocale,  Mme  Damoreau-Wekerlin  et  Mme  Ernest  Bertrand, 
qu'il  suffit  de  nommer,  ont  puissamment  contribué  aux  plaisirs  de 
cette  intéressante  séance,  qui  s'est  terminée  par  une  piquante  comé- 
die en  vers,  de  M.  Théodore  d2  Banville,  représentée  tout  récemment 
aux  Tuileries  pour  la  première  fois.  Interprétée  avec  beaucoup  d'en- 
train et  de  verve,  par  Coquelin ,  de  la  Comédie  française,  et  par 
Mlle  Damain,  du  Gymnase,  cette  spirituelle  contre-partie  de  la  scène 
du  sac  des  Fourberies  de  Scapin  a  été  chaleureusement  applaudie, 
et  c'était  justice. 

—  Presque  toujours,  ce  sont  les  pianistes  qui  ont  le  premier  rang 
dans  nos  revues  de  concerts;  cette  fois,  par  exception,  les  violonistes 
ont  l'avantage  du  nombre.  M.  W.  Bauerkeller,  qui  s'est  fait  con- 
naître, l'an  dernier,  par  un  coup  d'éclat,  à  l'Hôtel  du  Louvre,  a  acquis 
de  nouveaux  droits  à  l'estime  des  connaisseurs,  dans  la  soirée  qu'il 
a  donnée  mardi  chez  Herz.  L'air  hongrois  d'Ernst  et  la  fantaisie 
d'Alard  sur  la  Valse  du  désir,  supérieurement  exécutés  par  ce 
jeune  soliste,  ont  mis  en  relief  ses  heureuses  qualités  :  la  sûreté, 
l'expression  de  son  jeu  et  la  vélocité  de  son  archet.  Dans  un  très- 
beau  quintette  de  Schumann,  il  a  partagé  les  bravos  de  ses  auditeurs 
avec  Mlle  Marie  Trautmann,  pianiste  d'un  graDd  talent,  qui  a  rem- 
porté, comme  on  sait,  un  premier  prix  dans  ses  études  au  Conserva- 
toire. Non-seulement  ce  soir-là,  mais  dernièrement  encore,  à  l'occa- 
sion de  son  concert  annuel,  nous  avons  pu  constater  chez  Mlle  Marie 
Trautmann  de  très-louables  progrès  qui  ne  tarderont  pas  à  lui  assi- 
gner une  place  des  plus  honorables  parmi  les  virtuoses  du  piano.  Nous 
puisons  cette  conviction  dans  l'immense  effet  qu'elle  a  produit  avec 
la  transcription  du  Roi  des  Aulnes,  par  Liszt,  et  avec  la  tarentelle  de 
Henri  Herz.  La  harpe  de  Mlle  Hélène  Heermann,  le  violoncelle  de 
M.  Muller,  la  jolie  voix  de  Mlle  Félix  Thuot,  ont  eu  également  leur 
moisson  de  bravos. 

—  II  y  aurait  un  volume  à  écrire  sur  la  grandeur  et  la  déca- 
dence de  la  harpe,  qui  a  brillé  d'un  si  vif  éclat  sous  le  premier  em- 
pire, et  qui  est  descendue  peu  à  peu  du  salon  dans  l'orches- 
tre, d'où  elle  ne  sort  plus  guère  aujourd'hui.  Nous  n'avons  pas  à 
nous  enquérir  des  causes  qui  ont  amené  cet  abandon  ;  cela  nous 
conduirait  beaucoup  trop  loin;  mais  nous  déclarons  sans  ambage 
que  nous  comprenons  l'engouement  de  nos  grand'mères  pour  ce 
prototype  des  instruments  séraphiques,  quand  nous  voyons  les  pro- 
digieux effets  qui  en  jaillissent,  comme  par  magie,  sous  les  doigts 
de  Félix  Godefroid.  C'est  un  talent,  du  reste,  qu'on  n'a  plus  à  ju- 
ger. Il  est  tellement  consacré  par  une  longue  série  de  succès, 
qu'on  ne  saurait  trouver  de  termes  assez  nouveaux  pour  ajouter 
quelques  fleurons  à  sa  couronne  d'artiste.  Félix  Godefroid  n'est  pas 
moins  connu  par  ses  productions,  qui  sont  désormais  classées  parmi 


les  plus  saillantes  des  instrumentistes-compositeurs  de  notre  époque. 
Nous  nous  bornons  donc  à  dire  que,  dans  sa  soirée  de  jeudi,  chez 
Erard,  Félix  Godefroid,  toujours  inimitable,  a  joué  d'une  façon  dé- 
licieuse plusieurs  de  ses  ouvrages,  tels  que  la  Mélancolie,  les  Gouttes 
de  rosée.  Jeune  et  Vieille,  Home  sweet  home,  et  ce  merveilleux  Car- 
naval de  Venise,  qui  ne  le  cède  en  rien  à  celui  de  Paganini.  Nous 
signalerons  encore  quelques  autres  morceaux  de  lui.  où  sa  harpe 
ne  joue  qu'un  rôle  secondaire,  comme  son  Açjnus  Dei  et  sa  médita- 
tion sur  la  Prière  des  Bardes,  et  auxquels  ou  a  fait  néanmoins  le 
plus  flatteur  accueil.  L'Abeille  et  les  Arpèges,  deux  pages  ravissan- 
tes pour  le  piano,  ont  en  outre  été  jouées  par  Louis  Diémer  avec 
la  maestria  qui  distingue  ce  jeune  artiste,  dont  le  brillant  concours, 
ainsi  que  celui  de  l'éminent  violoncelliste  Léon  Jacquart,  n'ont 
pas  failli  à  l'interprétation  de  l'allégro,  du  thème  varié  et  du  finale 
de  la  sonate  du  même  compositeur.  Bonnehée  s'était  chargé  de 
dire  l'Agnus  Dei,  et  il  s'en  est  acquitté  avec  la  voix,  le  goût  qui  le 
font  tant  applaudir  à  l'Opéra,  et  dont  il  a  donné  une  nouvelle 
preuve  dans  l'interprétation  de  l'air  du  laboureur  des  Saisons, 
d'Haydn. 

Y. 


NOUVELLES. 

,,%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  de  nouveau  dimanche  une 
splendide  représentation  de  Robert  le  Diable.  Mme  Marie  Sax,  Gueymard 
et  Cazaux  en  faisaient  les  honneurs.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a 
reçu  du  public  nombreux,  accouru  pour  l'entendre,  son  accueil  accou- 
tumé. —  Lundi  ,  la  Muette  de  Portici  ;  mercredi  ,  la  Maschera  et  le 
Docteur  Magnus  ;  vendredi,  la  Favorite,  ont  défrayé  les  représenta- 
tions de  la  semaine.  —  Aujourd'hui  dimanche,  la  Muette  est  annoncée. 
—  Les  Huguenots  seront  vraisemblablement  donnés  vendredi  avec 
Mme  Marie  Sax. 

t*t  Nous  avons  oublié  d'annoncer  l'arrivée  de  Saint-Léon,  maître  de 
ballets  des  théâtres  impériaux  de  Saint-Pétersbourg.  —  Mlle  Moura- 
vieff  est  également  à  Paris  et  rentrera  mercredi  par  Giselle. 

***  Le  feu  a  pris  hier  pendant  la  journée  à  l'Opéra,  dans  un  des  pla- 
cards de  la  loge  des  machinistes,  placée  sur  le  cintre  de  la  salle.  L'a- 
larme a  été  donnée  par  un  sape'jr-pompier  qui,  en  faisant  sa  rondo, 
sentit  une  forte  odeur  de  brûlé.  Le  poste  tout  entier  accourut  ;  on  en- 
fonça la  porte  du  placard,  d'où  les  flammes  jaillirent  avec  force,  mais 
elles  furent  promptement  éteintes,  et  on  n'a  à  regretter  que  la  perte 
des  effets  contenus  dans  l'armoire. 

*%  Mme  Tedesco  vient  d'arriver  à  Paris,  de  retour  de  Lisbonne,  où 
l'éminente  cantatrice  a  obtenu  de  brillants  succès.  Elle  y  a,  entre  au- 
tres, «hanté  douze  fois  le  rôle  de  Fidès,  dans  le  Prophète;  son  parte- 
naire dans  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  Mongini,  vient  également  de 
passer  deux  jours  à  Paris.  Il  est  reparti  pour  Vienne. 

***  On  dit  qu'à  l'expiration  de  son  engagement  avec  le  théâtre  im- 
périal de  l'Opéra,  Mme  Vandenheuvel-Duprez  a  l'intention  de  renoncer 
au  théâtre  et  de  rentrer  dans  la  vie  privée. 

***  L'état  de  vétusté  dans  lequel  se  trouve  la  décoration  intérieure 
de  la  salle  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique,  nécessite  des  répa- 
rations; on  parle  de  l'intention  qu'aurait  la  direction  de  fermer  ce 
théâtre  pendant  deux  mois  de  l'été  pour  cette  opération. 

»**  Mlle  Adelina  Patti  terminera  ses  représentations  au  théâtre  Ita- 
lien le  15  de  ce  mois  par  une  représentation  à  son  bénéfice. 

.,.%  Alessandro  Bettini,  dont  le  début  au  théâtre  Italien  dans  le  rôle 
d'Almaviva,  du  Barbier  de  Séville,  a  été  si  favorablement  accueilli,  chan- 
tait il  y  a  quelques  jours  au  concert  donné  par  le  Cercle  philharmonique 
de  Bordeaux,  et  il  y  a  été  très-applaudi.  Ce  concert,  dans  lequel  Servais 
s'est  fait  aussi  entendre,  a  d'ailleurs  été  fort  remarquable. 

***  M.  Bagier  vient  d'adresser  à  S.  Exe.  M.  le  ministre  de  la  maison 
de  l'Empereur  une  requête  fortement  motivée,  dans  laquelle  il  demande 
que  la  subvention  de  100,000  francs  accordée  ajx  précédents  directeurs 
du  théâtre  Italien  lui  soit  rendue.  A  l'appui  de  sa  réclamation,  M.  Bagier 
expose  que  la  situation  qui  lui  sera  faite  par  la  loi  accordant  la  li- 
berté des  théâtres,  diffère  essentiellement  de  celle  qu'il  a  acceptée  au 
commencement  de  son  exploitation;  que  cette  liberté  lui  fait  redouter 
des  concurrences  à  peu  près  certaines,  et  qu'en  présence  d'un  avenir 
aussi  périlleux,  il  ne  lui  est  même  pas  loisible  de  se  retirer,  puisqu'il 
a  signé  un  bail  de  huit  années  pour  la  salle  Ventadour,  acheté  un  ma- 
tériel considérable,  et  contracté  des  engagements  dont  les  dédits  ne 
s'élèvent  pas  à  moins  d'un  million  de  francs. 


118 


KRVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


£%  Une  indisposition  de  Mme  Carvalho  avait  forcé  de  suspendre  les 
représentations  de  Mireille;  elles  viennent  d'être  reprises. 

»%  Lischen  et  Fritzchen  est  décidément  l'opérette  en  vogue.  Dans  les 
théâtres,  dans  les  concerts,  dans  les  salons,  tout  le  monde  veut  enten- 
dre l'œuvre  si  naïve  et  si  charmante  d'Offenbach.  A.  la  dernière  soirée 
de  Rossini,  elle  faisait  partie  du  programme,  et  l'illustre  maestro  avait 
attendu  qu'elle  commençât  pour  faire  son  apparition  au  milieu  de  ses 
invités.  Il  n'a  pas  été  un  des  derniers  à  l'applaudir,  il  est  vrai  de  dire 
que  Berthelier  et  la  gentille  Mlle  Frazey  se  sont  admirablement  appro- 
prié ces  deux  rôles,  et  qu'ils  y  sont  étonnants  de  naturel  et  de 
gaieté.  Déjà  créateur  des  Deux  Aveugles.  Berthelier  n'a  pas  été  moins 
heureux  dans  Lischen  et  Fritzchen:  aussi  le  demande-t-on  partout,  et  di- 
manche dernier  il  avait  été  mandé  avec  Mlle  Frazey  à  Arras  pour 
terminer  par  cette  opérette  le  beau  concert  que  donnait  ce  jour-là  la 
société  philharmonique.  Inutile  d'ajouter  que  les  deux  artistes  ont  été 
couverts  d'applaudissements. 

t*[  Mercredi,  13  avril,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  aura  lieu  une 
soirée  intéressante  donnée  par  Mme  Lippi-Caristie,  avec  le  concours  de 
plusieurs  artistes  de  mérite.  Mme  Lippi  est  une  cantatrice  qui  a  fait 
son  éducation  musicale  au  Conservatoire,  et  qui  s'est  déjà  fait  entendre 
dans  plusieurs  concerts. 

„%  Un  opéra  inédit,  paroles  et  musique  du  cru,  vient  d'être  repré- 
senté avec  succès  sur  le  théâtre  de  Strasbourg.  Le  titre  de.  l'ouvrage 
est  Fleurette  ;  l'ouvrage  met  en  scène  les  premières  amours  de  Henri  IV  ; 
il  est  dû  à  la  collaboration  de  deux  jeunes  étudiants  en  théologie. 
M.  Wessler  est  le  nom  du  musicien  ;  le  librettiste  s'appelle  M.  Febriel. 
*%  Margarita,  opéra-comique  espagnol ,  musique  du  maestro  Clito 
Moderati,  vient  d'être  joué  à  la  Zarzuela  de  Madrid,  avec  un  grand 
succès.  On  s'apprête  à  monter  cet  ouvrage  à  Barcelone,  à  Valence,  Xé- 
rès et  Valladolid. 

t%  La  représentation  du  Templier,  qui  devait  être  donnée  cette  se- 
maine à  Bordeaux,  a  été  ajournée  par  suite  de  difficultés  pécuniaires 
avec  l'administration,  tombée  en  déconfiture,  et  d'une  indisposition  de 
Aille  Elmire,  chargée  d'un  des  principaux  rôles.  —  Le  maire  de  Bor- 
deaux vient  de  présenter  au  conseil  municipal  un  projet  de  restauration 
de  la  salle  des  concerts  et  des  deux  foyers  du  grand  théâtre  ;  le  devis 
s'élève  à  440,000  francs. 

***  Mercadante,  le  célèbre  compositeur  aveugle,  l'auteur  du  Bravo  et 
des  Brigands,  vient  de  composer  une  grande  ouverture  :  l'Insurrection 
polonaise,  qui  a  été  exécutée  à  Florence. 

***  La  Fuite  en  Egypte,  d'Hector  Berlioz,  figurait  dimanche  dernier 
dans*  le  piogramme  de  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire.  Exé- 
cutée avec  cette  perfection  qui  ne  se  trouve  que  là,  l'œuvre  du  célèbre 
compositeur,  dont  pas  une  nuance  n'était  négligée  par  ses  habiles  in- 
terprètes, a  été  accueillie  par  cet  auditoire  de  connaisseurs  avec  ^  un 
véritable  enthousiasme,  qui  s'est  traduit  par  de  nombreuses  salves  d'ap- 
plaudissements. Achard,  de  l'Opéra-Comique,  a  supérieurement  chanté 
les  soli.— Ce  n'était  point  à  ce  concert,  ainsi  que  nous  l'avions  dit  par 
erreur,  mais  au  concert  précédent,  que  le  violoniste  allemand  Becker 
s'était  fait  entendre,  et  il  y  avait  joué  le  beau  concerto  en  ut  mineur 
de  Beethoven  pour  violon.  Si  ce  que  nous  apprenons  est  vrai,  dégoûté 
par  les  sévérités  de  la  critique  parisienne,  cet  artiste,  envers  lequel  on 
a  peut-être  été  injuste,  se  serait  décidé  à  quitter  Paris  pour  n'y  plus 
revenir.  Quoi  qu'on  en  puisse  dire,  M.  Becker  avait  d'incontestables 
qualités,  et  c'est  toujours  une  perte  regrettable. 

t%  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  cirque  Napoléon,  festival 
Mendelssohn,  par  cinq  cents  exécutants,  sous  la  direction  de  Pasdeloup. 
Programme:  Ouverture  d'Athalie.  —  Le  Départ,  chœur.  —  Concerto  en 
sol  mineur  pour  piano,  exécuté  par  Alf.  Jaëll.  —  Elic,  oratorio,  traduc- 
tion de  Maurice  Bourges.  —  Les  soli  par  Mme  Rudersdorff  (la  veuve  de 
Sarepta),  Mme  Talvo-Bedogni  (un  ange),  M.  Petit  (Elie). 

J*,  Le  Journal  de  Rouen  a  consacré  la  semaine  dernière  un  feuilleton 
à  l'examen  des  productions  musicales  des  compositeurs  rouennais.  Il  y  a 
cité  avec  beaucoup  d'éloges  celles  de  M.  Alfred  Mutel,  l'auteur  de  la 
Rose  et  la  Marguerite,  du  Credo  des  Quatre  Saisons,  et  de  beaucoup  d'au- 
tres compositions  qui  ont  fait  à  M.  Alfred  Mutel  une  réputation  mé- 
ritée. 

,**  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  cirque  de  l'Impératrice,  a 
lieu  l'inauguration  des  concerts  classiques.  En  voici  le  programme  : 
Symphonie  en  sol  mineur  (allegro,  andante,  menuet  et  finale)  de  Mozart; 
—  Andante  de  la  symphonie  en  la  de  Beethoven  ;  —  Concerto  pour 
violoncelle,  exécuté  par  M.  Piatti  ;  -  Ouverture  du  Freyschiitz  de  We- 
per;  _  Fragments  du  Songe  d'une  Nuit  d'été  de  Mendelssohn.  —  L'or- 
chestre sera  dirigé  par  M.  Deloffre,  chef  d'orchestre  du  théâtre  Lyrique 
impérial. 

»*„  Après  s'être  tû  pendant  cinq  ans,  du  moins  pour  le  public  des 
concerts,  voilà  que  le  stradivarius  de  Seligmann  se  décide  à  rompre  le 
silence  !  On  nous  donne  la  bonne  nouvelle  que  samedi,  23  de  ce  mois, 
à  la  salle  Pleyel,  nous  l'entendrons  chanter  quelques-unes  de  ces  ro- 
mances si  pleines  de  sentiment  et  d'expression  qui  ont  placé  Seligmann 
au  premier  rang  des  violoncellistes  contemporains.  Nous  doutons  que 
la   salle  puisse  contenir  tous  ceux  qui  voudront  jouir  de  cette  soirée. 


„,%  Mlle  Paule  Gayrard  a  donné  chez  Erard,  lundi  dernier,  un  très- 
brillant  coucert.  Ce  début,  accomDli  devant  un  auditoire  d'élite,  a  été 
des  plus  remarquables.  Le  Concert-StUck,  de  Weber,  avec  orchestre,  la 
Sonate  pathétique,  de  Beethoven,  une  œuvre  de  Mozart,  merveilleuse- 
ment accompagnée  sur  le  violon,  par  Mlle  Castellan,  plusieurs  compo- 
sitions modernes  de  Prudent,  Ravina  et  Lefebure-Vély,  ont  révélé  chez 
la  jeune  pianiste  autant  de  style  que  de  talent.  A  la  grâce  et  à  l'élégance. 
Mlle  Paule  Gayrard  joint  une  rare  énergie  et  l'aplomb  d'un  maître.  Les 
difficultés  les  plus  ardues  et  les  plus  rapides,  les  phrases  d'expression  et 
de  chant,  elle  les  interprète  avec  une  égale  supériorité,  et  donne  à  tout 
un  charme  infini.  Tous  les  succès  sont  assurés  à  cette  jeune  et  char- 
mante virtuose,  fille  du  célèbre  sculpteur,  Paul  Gayrard,  enlevé  subi- 
tement, il  y  a  quelques  années,  dans  tout  l'éclat  de  sa  carrière,  l'an- 
niversaire du  jour  où  il  avait  été  décoré. 

,.*„.  On  nous  écrit  de  Saint-Pétersbourg  qu'au  concert  donné  le  11-23 
mars  par  la  société  philharmonique  dans  la  belle  et  vaste  salle  de  la 
Noblesse,  au  profit  de.ses  veuves  et  de  ses  orphelins,  sous  la  direction  de 
M.  dans  de  Bulow,  et  avec  un  orchestre  de  150  musiciens  appartenant 
aux  théâtres  impériaux,  on  a  entendu  pour  la  première  fois  l'ouverture 
en  forme  de  marche,  composée  par  Meyerbeer,  pour  l'exposition  uni- 
verselle de  Londres.  C'était  le  morceau  capital  du  concert,  et  si  nous 
en  croyons  notre  correspondant,  l'effet  en  a  été  immense.  L'auditoire, 
qui  remplissait  la  salle  jusques  dans  les  parties  les  plus  reculées,  et 
qui  comptait  toutes  les  notabilités  de  l'aristocratie,  a  surtout  été  frappé 
du  caractère  de  grandeur  qui  règne  dans  les  trois  parties  de  cette 
magnifique  composition.  11  a  admiré  le  savant  contraste,  établi  entre 
chacune  d'elles  :  pompe  et  majesté  pour  la  marche  triomphale,  sévérité 
et  recueillement  pour  la  marche  religieuse,  et  le  tout  venant  se  fondre 
dans  le  chant  d'allégresse  si  bien  accentué  du  pas  redoublé  final.  «  Sur 
les  bords  de  laJN'ewa,  comme  sur  ceux  de  la  Tamise, —  ajoute  notre  cor- 
respondant,—  un  tonnerre  d'applaudissements  a  salué  cette  œuvre  gran- 
diose du  génie  sublime  à  qui  nous  devons  Robert  et  les  Huguenots.  » 

***  Alf.  Jaell  et  Mlle  Carlotta  Patti  viennent  d'arriver  à  Paris,  de  re- 
tour de  leur  excursion  en  Hollande. 

***  L'imprésario  Ullmann  a  fait  d'excellentes  affaires  en  Hollande,  ce 
qui  n'a  rien  d'étonnant  avec  une  société  d'artistes  tels  que  Carlotta 
Patti,  Jaell  et  Laub  ;  à  Amsterdam  ils  ont  donné  dix  concerts. 

t%  S.  M.  le  roi  d'Italie  vient  d'accorder  à  M.  Emilien  Pacini  la  dé- 
coration des  Saints  Maurice  et  Lazare. 

**„,  L'heure  de  musique  annoncée  modestement  par  Vivier  pour  le  14, 
dans  les  salons  d'Erard,  promet,  outre  le  talent  du  bénéficiaire,  l'attrait 
du  concours  de  Faure  et  de  Mme  Tardieu  de  Malleville.  On  parle  d'un 
duo  d'un  effet  merveilleux,  qui  serait  exécuté  par  Vivier  et  par  Faure. 

i*»  M.  Camille  Saint-Saens  fera  entendre  à  son  cinquième  concert, 
fixé  à  vendredi  prochain  15  avril,  dans  les  salons  Pleyel,  les  7e  et  20° 
concertos  de  Mozart,  et,  en  outre,  le  rondo  en  si  bémol  de  Beethoven, 
avec  accompagnement  d'orchestre. 

„..%  Mercredi  20  avril,  concert  de  Mlle  Octavie  Caussemille  dans  les 
salons  Erard. 

*%  S.  M.  l'empereur  d'Autriche  vient  de  donner  une  somme  de  S00 
florins  au  comité  institué  pour  l'érection  de  la  statue  en  bronze  du 
grand  compositeur  Joseph  Haydn. 

„*„,  Voici  la  liïte  complète  des  membres  de  la  commission  chargée 
par  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique  de  mettre  l'enseignement 
de  la  musique  avec  le  plan  général  des  études  :  MM.  Ravaisson,  inspec- 
teur général  de  l'Université,  membre  de  l'Institut;  Reber,  de  l'Institut; 
Félicien  David,  compositeur;  Gevaërt ,  compositeur;  Félix  Clément, 
compositeur;  Laurent  de  Rillé,  compositeur  ;  Marmontel,  professeur  au 
Conservatoire;  Georges  Hainl,  chef  d'orchestre  de  la  Société  des  concerts; 
Ernest  l'Epine,  chef  du  cabinet  de  S.  Exe.  le  président  du  Corps  légis- 
latif; Glachant,  chef  du  cabinet  de  S.  Exe.  le  ministre  de  l'instruction 
publique. 

„,**  Le  Messager  d'Odessa  raconte  le  fait  plaisant  que  voici  :  Derniè- 
rement on  donnait  au  théâtre  d'Odessa,  pour  la  première  fois,  l'opéra 
de  Verdi,  Un  Ballo  in  marchera.  Tout  à  coup,  vers  la  fin  du  spectacle,  le 
théâtre  fut  envahi  par  une  foule  de  masques  et  de  messieurs  en  tenue 
de  bal,  évidemment  dans  l'intention  de  passer  la  soirée  au  bal  masqué. 
Il  se  trouva  que  plusieurs  personnes  avaient  été  induites  en  erreur  par 
l'affiche;  qu'elles  avaient  confondu  le  titre  de  l'opéra  avec  l'annonce 
d'un  bal  masqué  ordinaire,  et  qu'elles  étaient  venues  pour  danser.  On 
peut  se  figurer  leur  étonnement  et  leur  désappointement. 

„%  M.  Vincent  Adler  donnera,  le  18  avril,  un  deuxième  concert  dans 
les  salons  Pleyel. 

*%  Le  premier  volume  de  la  vie  de  Beethoven  par  Ludvvig  Nohl  vient 
de  paraître;  il  comprend  la  période  de  1770-1792. 

t*t  M.  Eugène  Ketterer  donnera,  le  vendredi  soir  15  avril,  dans  les 
salons  Erard,  une  soirée  musicale  avec  le  concours  de  MM.  Archain- 
baud,  Herman,  A.  Durand,  A.  Duvernoy  et  Maton.  On  entendra  dans 
la  deuxième  partie  un  opéra-comique  inédit  intitulé  :  Une  Promenade 
dans  un  salon,  paroles  de  J.  Ruelle,  musique  d'Alfred  Mutel. 

**  Le  célèbre  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Covent-Gardeu  à  Lon- 


I>E  PAKlb. 


119 


dres,  Costa,  a  composé  sous  le  titre  de  Nuaman  un  nouvel  oratorio  qui 
sera  exécuté  au  festival  de  Birmingham,  le  7  septembre. 

„*,  A  côté  de  la  musique  classique  et  des  chefs-d'œuvre  des  grands 
maîtres,  la  romance  et  la  chansonnette  comique  ont  pris  place  dans  le 
nouveau  répertoire  de  l'Athénée  musical,  où  chaque  soir  un  public 
d'élite  applaudit  Mlles  Praldi,  Chenest,  Castel  et' Mme  Danneville,  puis 
Lavignc,  Collongues,  Miraoont,  etc. 

»*.„  Un  concours  de  composition  musicale  avait  été  ouvert  par  l'Or- 
phéon sous  les  auspices  de  M.  Adolphe  Sax  pour  un  chœur  à  quatre 
voix  d'hommes,  avec  accompagnement  de  saxhorns.  Le  jury  chargé  de 
juger  le  concours  était  ainsi  composé  :  MM.  Georges  Kastner,  président; 
le  général  Mellinet,  vice-président;  Ambroise  Thomas,  Clapisson,  Félicien 
David,  Limnander,  Elwart,  Emile  Jonas,  et  Jules  Simon,  secrétaire. 
Après  avoir  consacré  plusieurs  séances  à  examiner  les  nombreux  ma- 
nuscrits qui  lui  ont  été  adressés,  le  jury  a  décerné  les  récompenses 
suivantes  :  le  premier  prix,  une  médaille  d'or,  de  200  francs,  à  M.  A.  Le- 
prévost,  organiste  à  Saint-Uoch  ;  le  deuxième  prix,  médaille  d'or  de 
100  francs,  à  M.  L.  Dessone,  à  Paris;  en  outre,  le  jury  a  accordé 
quatre  accessits  et  trois  mentions  honorables,  à  MM.  d'Azémar,  lieu- 
tenant au  64e  ;  Adolphe  Blanc,  à  Paris;  Jos.-H.  Beltjens,  à  Rotterdam 
(Hollande);  Léon  Magnier,  chef  de  musique  au  rr  grenadiers;  José 
Barrière,  à  Cherbourg  ;  Devin-Duvivier  et  Albert  Anschutz,  à  Paris.  — 
Il  y  a  eu  aussi  une  mention  exceptionnelle  en  faveur  d'un  compositeur 
dont  l'ouvrage  a  attiré  toute  l'attention  du  jury,  mais  qui  ne  s'était  pas 
maintenu  dans  les  limites  du  concours  :  chœur  pour  quatre  voix 
d'hommes  avec  accompagnement  de  cinq  saxhorns.  —  Les  prix,  consis- 
tant en  deux  médailles  d'or  de  200  et  de  100  francs,  ont  été  donnés  par 
M.  Sax. —  Le  même  concours  proposait  au  génie  des  musiciens  français 
un  chant  sans  paroles  pour  les  voix,  avec  accompagnement  de  piano, 
propre  a  devenir  un  chant  national.  Le  jury  a  déclaré  qu'il  n'y  avait  pas 
lieu,  de  ce  chef,  à  une  récompense.  M.  Adolphe  Sax  met  de  nouveau 
au  concours  ce  chant,  pour  lequel  il  offre  toujours  une  médaille  d'or 
de  500  francs. 

„%  Le  théâtre  Robin  continue  à  être  le  rendez-vous  de  la  haute  so- 
ciété, qui  s'y  porte  en  foule,  tous  les  soirs,  pour  admirer  et  applaudir 
les  nouvelles  expériences  que  M.  Robin  exécute  avec  la  machine  pneu- 
matique, ainsi  que  les  intéressants  tableaux  représentant  l'isthme  de 
Suez. 

t**  Au  Pré  Catelan,  malgré  l'incertitude  du  temps,  la  foule  a  été 
grande  dimanche  dernier.  L'exécution  de  la  grande  faitaisie  sur  la  Muette 
et  le  solo  d'ophicléide  par  M.  Moreau,  ont  été  religieusement  écoutés 
et  admirablement  rendus  par  la  vaillante  cohorte  d'artistes  que  dirige 
avec  une  sûreté  remarquable  M .  Forestier.  Des  programmes  aussi  bril- 
lants et  une  exécution  aussi  parfaite  assurent  la  vogue  et  les  recet- 
tes des  matinées  musicales  du  Pré  Catelan.  —  Aujourd'hui  dimanche 
10  avril,  grande  fête  d'inauguration;  aune  heure,  fanfares  par 
le  9e  bataillon  de  chasseurs  à  pied  et  musiques  militaires  ;  à  2  heures 
concert  par  l'orchestre  de  symphonie  dirigé  par  M.  Forestier  ;  pre- 
mières auditions  d'oeuvres  capitales;  soli  par  MM,  Moreau,  Garrimond 
et  Mousen;  à  3  heures  et  demie,  grand  bal  d'enfants,  avec  orchestre 
champêtre  et  musique  d'harmonie  militaire  ;  de  i  heures  et  demie  à 
6  heures,  festival  concertant  par  les  musiques  réunies. 

.,,**  Notre  excellent  collaborateur  Gustave  Héquet  vient  d'être  frappé 
dans  ses  plus  chères  affections.  Mme  Héquet  a  succombé  à  une  longue 
et  cruelle  maladie.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  jeudi  en  l'église  de  Sainte- 
Clotilde  au  milieu  d'un  concours  de  littérateurs  et  d'artistes  em- 
pressés de  donner  à  un  ami  ce  témoignage  de  sympathie  dans  une 
si  douloureuse  épreuve. 

**„  M.  Edouard  Stein,  maître  de  chapelle  de  la  cour  à  Sondershau- 
sen,  est  mort  dans  la  nuit  du  15  au  16  mars:  c'est  une  grande  perte 
pour  l'orchestre  qu'il  dirigeait  avec  une  habileté  et  un  dévouement  di- 
gnes d'éloges. 

»*„  A  Rotterdam  vient  de  mourir  l'organiste  Tours,  un  des  musiciens 
les  plus  distingués  de  la  Hollande;  depuis  une  trentaine  d'années  il 
dirigeait  les  concerts  Eruditio  musica. 

***  Le  maître  de  chapelle  de  la  cour  M.  Schindelmeister,  à  Darms- 
tadt,  est  mort  le  29  mars  dernier. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


*%  Lille.— Dimanche  dernier  a  eu  lieu  dans  la  grande  salle  de  l'Acadé- 
mie de  musique  une  seconde  séance  de  musique  de  chambre  non  moins 
goûtée  que  la  première.  Au  nombre  des  artistes  qui  s'y  sont  fait  en- 
tendre, Mme  Français  de  Larroqua  a  conquis  tous  les  suffrages  par  son 
jeu  à  la  fois  pur,  fin  et  énergique,  aussi  bien  que  par  une  qualité  de 
son  admirable  et  une  variété  de  style  toujours  approprié  au  senti- 
ment de  chacune  des  œuvres  qu'elle  exécutait.  C'est  un  grand  succès. 
—  M.  le  préfet  du  Nord,  vient  d'aviser  M.  le  maire  de  Lille  que 
S.  M.  l'Empereur,  sur  la  proposition  de  S.  Exe.  le  maréchal  Vaillant, 
ministre  des  beaux-arts,  a  conféré    au  Cercle   orphéonique    de    Lille    le 


titre  de  Société  impériale  des  Orphénisles  lillois.  —  il  ne  pouvait  être 
rendu  un  hommage  plus  mérité  au  talent  de  nos  chanteurs  et  à  la  ré- 
putation musicale  de  notre  ville,  qui  possédera  ainsi  la  seule  société 
musicale  de  France  à  laquelle  le  gouvernement  ait  accordé  le  titre  de 
Société  impériale. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


„.*,,  Bruxelles.  —  Au  dernier  concert  de  l'association  des  artistes  mu- 
siciens, qui  rivalise  avec  ceux  de  notre  Conservatoire  royal,  l'éminent 
pianiste  compositeur  Krùger  avait  été  invité  à  se  faire  entendre.  Il  a 
joué  un  nouveau  concerto  pour  piano  et  orchestre,  la  Chanson  du 
Chasseur,  la  Berceuse  et  un  air  de  ballet  pour  piano,  a\ec!e  charme  la 
force,  la  délicatesse  de  toucher  et  la  grâce  qui  le  distinguent.  Son  succès 
a  été  décisif,  et  il  a  reçu  les  félicitations  empressées  de  MM.  Fôtis 
Dupont  et  Hanssens,  compositeur  de  grand  talent,  qui  dirigeait  l'or- 
chestre et  qui  avait  donné  le  premier,  après  l'exécution  du  concerto 
le  signal  des  applaudissements.  —  Au  dernier  concert  du  Conservatoire 
royal  de  musique,  a  été  exécutée  l'ouverture  à  grand  orcheslre  com- 
posée par  son  vénérable  et  savant  directeur.  A  en  juger  par  les  ap- 
plaudissements qui  l'ont  accueillie,  le  public  a  dû  reconnaître  une  fois 
de  plus  que  la  science  unie  au  talent,  loin  de  nuire  à  la  mélodie,  lui 
prête  un  charme  de  plus  et  lui  donne  ce  cachet  de  suprême  distinc- 
tion qui  constitue  les  véritables  œuvres  d'art  —  La  première  partie  du 
concert  était  terminée  par  le  Concertstuck,  pour  flûte  et  orchestre,  de 
Pratten,  joué  par  M.  Dumon,  professeur  à  notre  Conservatoire,  avec 
une  supériorité  qui  lui  a  valu  de  longs  et  unanimes  applaudissements. 
M.  Dumon  a  retrouvé,  dans  cette  occasion,  devant  ses  compatriotes, 
l'accueil  enthousiaste  qu'il  avait  rencontré  à  Paris,  l'année  dernière. 
—  Servais  nous  a  quitté  pour  aller  remplir  en  France  de  nombreux 
engagements.  Il  est  accompagné  de  son  élève  M.  Ernest  Jonas,  fils  d'un 
riche  banquier  de  Berlin,  qui  obéit  à  une  vocation  musicale  impérieuse. 
Ce  n'est  déjà  plus  un  amateur  du  reste,  et  le  public  de  l'Institut  vient 
de  prouver  au  jeune  virtuose  qu'il  le  considérait  comme  un  artiste  qui 
pouvait  sans  crainte  aller  demander  aux  autres  publics  de  l'Europe  la 
consécration  de  son  talent.  —  Mme  Ferraris  nous  quitte;  vendredi, 
elle  a  brillamment  clos  la  série  trop  courte  de  ses  représentations  par 
VEtoile  de  Messine,  ballet  dans  lequel  elle  remplit  si  délicieusement 
le  rôle  de  Gazella. 

*%  Liège.  —  Roger  vient  d'arriver  pour  donner  ici  quelques  repré- 
sentations.—Nous  sommes  dans  l'époque  des  bénéfices  accordés  aux  ar- 
tistes. Celui  de  Wicart  a  été  très-brillant  ;  il  avait  choisi  les  Huguenots 
qui  exercent  toujours  une  grande  attraction  sur  notre  public  ;  le  rôle 
de  Raoul  a  été  pour  notre  premier  ténor  une  longue  et  continuelle 
ovation.  —  On  nous  a  rendu  les  Dragons  de  Yillars  avec  Mme  Ceret  dans 
le  rôle  de  Rose  Friquet.  L'opéra  de  Maillart  a  été  rendu  avec  beaucoup 
d'ensemble,  et  il  a  fait  un  véritable  plaisir. 

u%  Londres.  —  Jeudi,  au  Théâtre  royal  italien,  le  célèbre  ténor  alle- 
mand Wachtel  a  fait  sa  réapparition  dans  le  rôle  de  Maniïco  du  Trovatorc, 
qui  lui  a  valu  de  grands  succès  à  Vienne.  En  1862,  M.  Wachtel  chanta 
deux  fois  le  rôle  d'Edgard  dans  la  Lucia,  et  il  ne  produisit  que  peu 
d'impression.  Il  en  a  appelé  jeudi,  et  il  a  fait,  à  la  lettre,  fureur.  Sans 
entrer  aujourd'hui  dans  plus  de  détails,  nous  pouvons  dire  que  si  le 
nouveau  ténor  n'est  pas  un  chanteur  accompli,  si.  sa  voix  n'est  pas  par- 
faite, il  n'en  a  pas  moins  un  organe  magnifique ,  une  puissante 
énergie,  et  qu'il  n'en  est  pas  moins  l'artiste  fait  pour  enthousiasmer 
les  masses.  —  Deux  représentations  de  Norrna ,  données  cette  se- 
maine, n'ont  fait  que  confirmer  le  succès  obtenu  par  Mlle  Lagrua. 
Les  Anglais  ont  le  culte  de  leurs  anciennes  divinités.  En  voyant 
aborder  un  rôle  dans  lequel  a  triomphé  si  longtemps  Mme  Giulia  Grisi, 
leur  première  impression  a  été  toute  aux  souvenirs  ;  mais  le  talent  si 
dramatique  de  Mlle  Lagrua,  son  grand  style  de  chant,  n'ont  pas  tardé 
à  vaincre  cette  hésitation;  la  vaillante  artiste  a  désormais  conquis 
sa  place,  et  elle  l'occupera  brillamment.  Samedi  soir,  Mlle  Lagrua 
a  chanté  la  Favorite;  il  paraît  qu'à  la  répétition  elle  avait,  le  matin, 
produit  une  grande  impression.  —  Mardi,  on  a  donné  Masaniello,  avec 
Mario  dans  ce  rôle.  Malheureusement,  la  voix  du  célèbre  ténor  n'est 
plus  qu'une  ruine,  comparativement  à  ce  qu'elle  était  autrefois;  mais 
son  jeu  toujours  fin  fait  oublier  les  défaillances  de  son  chant,  et  il 
charme  encore  le  public.  —  Samedi,  le  Théâtre  de  Sa  Majesté,  a  fait  sa 
réouverture  par  Rigoletto. 

*%  Carlsruhe.  —  Mme  Viardot  vient  de  nous  donner  une  représen- 
tation d'Orphée,  dans  laquelle  le  sentiment  dramatique  et  l'inspiration 
poétique  déployés  par  la  grande  artiste  ont  ravi  le  public.  Elle  doit 
chanter  incessamment  le  Prophète.  —  Pendant  la  semaine  sainte,  a  eu 
lieu  au  théâtre  un  grand  concert  spirituel  composé  du  Christ  aux  Oli- 
viers, de  Beethoven,  et  de  la  nouvelle  symphonie  d'Abert  :  Christophe 
Colomb.  L'œuvre  sublime  de  Beethoven  a  été,  comme  toujours,  non 
moins  admirée  que  bien  sentie.  —  Après  le  grand  succès  du  Roi  Enzio, 
devenu  l'opéra  favori  du  public,  on  était  très-curieux  d'entendre  une 
symphonie  que  nous  promettait  le  jeune  et  déjà  célèbre  compositeur. 


120 


REVUE  ET  CAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS, 


Nos  espérances  ont  été  dépassées.  C'est  une  œuvre  vraiment  grandiose  ; 
l'adagio  surtout  se  distingue  par  une  instrumentation  et  des  mélodies 
aussi  neuves  qu'originales  ;  le  finale  n'est  pas  inférieur,  et  le  public 
l'a  redemandé  par  quatre  salves  d'applaudissements. 

t*t  Stuttgard.  —  Le  vendredi  saint,  la  Société  de  musique  classique  a 
exécuté  la  Passion  d'après  saint  Jean,  par  Sébastien  Bach,  avec  le  con- 
cours de  la  chapelle  royale.  Schiittky  a  chanté  la  partie  du  Christ  avec 
une  émotion  profonde  et  communicative.—  Dans  son  dernier  encert 
d'abonnement,  la  chapelle  royale  a  fait  entendre  la  Création,  par  Haydn; 
l'exécution,  snus  la  conduite  de  M.  Eckert,  £  été  digne  du  chef-d'œuvre. 

**„  Hambourg.  —  La  Société  de  quatuors  Boyé  et  Lee  a  donné  sa 
seizième  et  dernière  séance.  On  y  a  exécuté  un  octuor  de  Franz  Schu- 
bert, un  quatuor  de  Haydn  et  le  septuor  de  Beethoven.  C'est  la  cen- 
tième soirée  de  quatuors  à  laquelle  M.  Lee  prêtait  son  concours  :  aussi 
son  pupitre  était-il  orné  de  fleurs  et  d'une  couronne  de  laurier. 

t\  Weimar.  —  L'opéra  nouveau,  le  Cid,  par  Pierre  Cornélius,  n'ayant 
pas  été  terminé  à  temps,  c'est  la  Statue,  de  Reyer,  compositeur  fran- 
çais, que  l'on  donnera  pour  l'anniversaire  de  la  naissance  de  la  grande- 
duchesse. 


»%  Berlin.  —  Du  28  mars  au  3  avril,  le  théâtre  de  la  cour  a  donné 
l'Ambassadrice,  d'Auber,  les  Huguenots,  Guillaume  Tell  et  le  Porteur  d'eau  (les 
Deux  Journées),  de  Cherubini.  M.  Grill,  du  théâtre  de  la  cour  à  Munich, 
après  avoir  débuté  dans  le  rôle  de  Robert,  s'est  fait  applaudir  successive- 
ment dans  les  Huguenots  et  dans  Guillaume  Tell,  Mlle  Lucca,  dans  le  rôle 
de  Valentine,  a,  comme  toujours,  électrisé  la  salle  qui  était  comble.  Le 
ténor,  M.  Th.  Formés,  quitte  l'opéra  de  Berlin,  le  t'r  mai  prochain. 

»%  Vienne.  —  Le  théâtre  italien  a  débuté  par  Un  ballo  in  maschera, 
de  Verdi.  Les  principaux  rôles  ont  été  chantés  par  Graziani  et 
Mme  Lotti  délia  Santa.  Graziani  a  reçu  un  accueil  favorable  ;  sa  voix, 
quoique  un  peu  fatiguée,  est  sympathique,  et  l'artiste  la  conduit  fort 
habilement,  de  manière  à  en  masquer  les  côtés  faibles.  Mme  Délia 
Santa  n'a  obtenu  qu'un  succès  contesté. — On  annonce  pour  les  repré- 
sentations suivantes  Otcllo  et  le  Barbierc—  Mlle  Désirée  Artôt  est  atten- 
due prochainement. 


Le  Directeur  :   S.  DUFOUR. 


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TRADUCTION  ALLEMANDE 


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Krnger.  Chœur  des  Moissonneurs,  édition  originale.. .  , 9     » 

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Lecarpenticr.  Petite  fantaisie 5     » 

Biarx.  Quadrille  brillant 4  50 

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au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


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Parspect.  Newsky,  maison  del'égliseSt-Pierre. 


La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  îss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


AR1S     —  IlIPRniEniE  CENTRALE 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


N°  16. 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires, 

et  am  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


lï  Avril  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.parai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    3û  «      id. 

Étranger. 34  »       id. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  PflUSICÂ 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Giacomo  Meyerbeer  (2e  article),  par  Fétis  père.  —  Théâtre 
impérial  de  l'Opéra:  les  Huguenots,  Mlle  Marie  Sax  dans  le  rôle  de  Valentine; 
—  Théâtre  impérial  Italien  :  un  Ballo  in  maschera,  Fraschini  et  Mme  Charton- 
Demeur;  bénéfice  de  Mlle  Patti;  —  Concert  de  Vivier;  —  Concerts  du  cirque 
Napoléon  et  du  cirque  de  l'Impératrice,  par  Paul  Smith.  —  Auditions  et 
concerts.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


MEYERBEER   (Giacomo). 

(2e  article)  (1). 

Jusqu'alors  la  musique  italienne  avait  eu  peu  d'attraits  pour 
Meyerbeer.  Il  faut  avouer  que  la  plupart  des  opéras  de  Nicolini,  de 
Farinelli,  de  Pavesi  et  quelques  autres,  qu'on  jouait  alors  aux  théâ- 
tres de  Vienne  et  de  Munich,  étaient  peu  faits  pour  plaire  à  une 
oreille  habituée  à  l'harmonie  allemande.  Le  jeune  artiste  ne  com- 
prenait donc  pas  bien  la  portée  des  conseils  de  Salieri;  cependant, 
plein  de  confiance  en  ses  lumières,  il  partit  pour  Venise,  où  il  ar- 
riva lorsque  Tancredi,  délicieuse  production  de  la  première  manière 
de  Rossini,  jouissait  du  succès  le  plus  brillant.  Cette  musique  le 
transporta  d'admiration,  et  le  style  italien,  qui  lui  inspirait  aupara- 
vant une  invincible  répugnance,  devint  l'objet  de  sa  prédilection.  Dès 
ce  moment,  il  fit  subir  à  sa  manière  une  complète  transformation, 
et,  après  plusieurs  années  d'études  sur  l'art  de  donner  de  l'élégance 
et  de  la  facilité  aux  formes  mélodiques,  sans  nuire  au  sentiment 
d'une  harmonie  riche  et  puissante,  il  fit  représenter  à  Padoue,  en 
1818,  Romilda  e  Costanza,  opéra  semi-seria,  écrit  pour  la  Pisaroni. 
Les  Padouans  firent  un  brillant  accueil  à  cet  ouvrage,  non-seulement 
à  cause  de  la  musique  et  du  talent  de  la  cantatrice,  mais  parce  que 
Meyerbeer  était  considéré  par  eux  comme  un  rejeton  de  leur  école, 
en  sa  qualité  d'élève  de  Vogler,  qui  l'avait  élé  du  P.  Valotti,  maître 
de  chapelle  de  Saint-Antoine.  Romilda  e  Costanza  fut  suivi,  en  1819, 
de  la  Semiramide  riconosciuta,  écrite  à  Turin  pour  l'excellente  ac- 
trice Caroline  Bassi.  En  1820,  Emma  di  Resburgo,  autre  partition  de 
Meyerbeer,  fut  jouée  à  Venise  et  y  obtint  un  succès  d'enthousiasme, 
peu  de  mois  après  que  Rossini  y  eut  donné  Eduardo  e  Cristina.  Ce 

(1)  Voir  le  n"  15. 


fut  le  premier  pas  remarquable  de  Meyerbeer  dans  une  carrière  qu'il 
devait  parcourir  avec  tant  de  gloire.  Son  nom  retentit  bientôt  avec 
honneur  dans  toute  l'Italie  :  Emma  fut  jouée  sur  les  théâtres  princi- 
paux ;  on  traduisit  cet  ouvrage  en  allemand,  sous  le  titre  à' Emma 
von  Leicester,  et  partout  il  fut  considéré  comme  une  des  bonnes 
productions  de  l'école  moderne. 

Cependant  les  opinions  n'étaient  pas  toutes  favorables,  en  Alle- 
magne, au  changement  qui  s'était  opéré  dans  la  manière  de  Meyer- 
beer. Ce  n'était  pas  sans  une  sorte  de  dépit  qu'on  le  voyait  délaisser 
les  traditions  germaniques  pour  celles  d'une  école  étrangère.  Cette 
disposition  des  esprits,  qui  se  manifesta  quelquefois  par  des  paroles 
amères,  augmenta  à  chaque  nouveau  succès  de  l'auteur  d'Emma. 
Charles-Marie  de  Weber,  depuis  longtemps  son  ami,  partagea  ces 
préventions,  et  peut-être  agirent-elles  sur  lui  plus  que  sur  tout  autre. 
Il  ne  pouvait  en  être  autrement;  car  Weber,  artiste  dont  le  talent 
puisait  sa  force  principale  dans  une  conception  de  l'art  tout  absolue, 
était  moins  disposé  que  qui  que  ce  soit  à  l'éclectisme  qui  fait  ad- 
mettre comme  également  bonnes  des  déterminations  opposées  par 
leur  objet.  La  hauteur  de  vues  qui  conduit  à  l'éclectisme  est,  d'ail- 
leurs, une  des  qualités  les  plus  rares  de  l'esprit  humain. 

J'ai  vu  presque  toujours  les  génies  capables  des  plus  belles  inspi- 
rations se  convertir  en  esprits  étroits  lorsqu'ils  portaient  des  juge- 
ments sur  les  productions  d'une  école  différente.  On  ne  doit  donc 
pas  s'étonner  de  voir  Weber  condamner  la  direction  nouvelle  où 
Meyerbeer  s'était  engagé.  Il  ne  comprenait  pas  la  musique  italienne  : 
on  peut  même  dire  qu'elle  lui  était  antipathique,  comme  elle  l'a  été 
à  Beethoven  et  à  Mendelssohn.  C'était  donc  une  opposition  de  con- 
viction qu'il  faisait  à  la  transformation  du  talent  de  Meyerbeer,  et  ce 
fut,  en  quelque  sorte,  pour  protester  contre  les  succès  obtenus  par 
son  ancien  ami  dans  sa  voie  nouvelle,  qu'il  fit  représenter  à  Dresde, 
avec  beaucoup  de  soin,  sous  le  titre  allemand  Wirth  und  Gast  (Hôte 
et  Convive),  l'opéra  des  Deux  Califes,  si  froidement  accueilli  par  les 
habitants  de  Vienne.  Au  reste,  son  amitié  pour  Meyerbeer  ne  se  dé- 
mentit jamais.  On  le  voit  heureux  d'une  visite  qu'il  en  reçut,  dans 
ces  passages  d'une  lettre  qu'il  écrivait  à  Gottfried  Weber,  leur  ami  com- 
mun :  «Vendredi  dernier,  j'ai  eu  la  grande  joie  d'avoir  Meyerbeer  tout 
un  jour  chez  moi  :  les  oreilles  doivent  t'avoir  tinté  !  C'était  vraiment  un 
jour  fortuné,  une  réminiscence  de  cet  excellent  temps  de  Manheim.... 
Nous  ne  nous  sommes  séparés  que  tard  dans  la  nuit.  Meyerbeer  va  à 


122 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Trieste  pour  mettre  en  scène  son  Crociato.  Il  reviendra,  avant  un  an,  à 
Berlin,  où  il  écrira  peut-être  un  opéra  allemand.  Dieu  le  veuille  !  J'ai 
fait  maint  appel  à  sa  conscience.  » 

Weber  n'a  pas  assez  vécu  pour  voir  réaliser  ses  vœux  :  huit  ans 
plus  tard,  il  eût  été  complètement  heureux.  Quoiqu'il  eût  déjà  écrit 
de  belles  choses  et  qu'il  eût  goûté  le  charme  des  succès  de  la  scène, 
Meyerbeer  était  encore,  en  1824,  à  la  recherche  de  son  individualité; 
circonstance  dont  il  y  a  plus  d'un  exemple  dans  l'histoire  des  grands 
artistes,  particulièrement  dans  celle  de  Gluck.  Comme  il  était  arrivé 
à  cet  homme  illustre,  un  éclair  est  venu,  tout  à  coup,  illuminer  Meyer- 
beer; et,  comme  Gluck,  c'est  h  la  scène  française  qu'il  a  trouvé  l'a- 
liment de  son  génie.  Quoiqu'il  désapprouvât  la  route  que  Meyerbeer 
avait  prise,  Weber  connaissait  bien  la  portée  de  son  talent  ;  car  lors- 
qu'il mourut,  il  exprima  le  désir  que  ce  fût  son  ami  qui  terminât 
un  opéra  qu'il  laissait  inachevé. 

Le  succès  d'Emma  di  Resburgo  avait  ouvert  à  Meyerbeer  l'accès 
des  scènes  principales  de  l'Italie,  parmi  lesquelles  le  théâtre  de  la 
Scala,  de  Milan,  est  au  premier  rang.  Il  écrivit  pour  ce  théâtre,  en 
1826,  Margherita  d'Anjou,  drame  semi-sérieux  de  Romani,  qui  fut 
représenté  le  14  novembre  de  la  même  année,  et  dont  les  rôles 
principaux  furent  chantés  par  Tacchinardi,  Levasseur  et  Rosa  Ma- 
riani.  Les  préventions  peu  favorables  qu'un  artiste  étranger  inspire 
presque  toujours  aux  Italiens  cédèrent  cette  fois  au  mérite  de  la  mu- 
sique, et  le  succès  fut  complet.  Une  traduction  française  de  cet  opéra 
a  été  faite  plusieurs  années  après,  pour  le  théâtre  de  l'Odéon,  et  a 
été  jouée  sur  tous  les  théâtres  de  la  France  et  de  la  Belgique.  A 
Marguerite  succéda  VEsule  di  Granata,  opéra  sérieux  de  Romani, 
dont  la  première  représentation  eut  lieu  au  même  théâtre,  le  12  mars 
1822.  Les  rôles  principaux  furent  chantés  par  Adélaïde  Tosi,  Mme  Pi- 
saroni,  Caroline  Bassi-Manna,  Lablache  et  le  ténor  Winter.  Déjà  le 
nom  de  Meyerbeer  avait  acquis  assez  de  retentissement  pour  que 
l'envie  fût  éveillée  :  elle  essaya  de  faire  expier  à  l'auteur  à' Emma 
et  de  Margherita  d'Anjou  les  applaudissements  obtenus  par  ces  ou- 
vrages. L'Esidc  di  Granata  fut  mis  en  scène  avec  beaucoup  de  len- 
teur, et  ne  put  être  joué  qu'à  la  fin  de  la  saison.  La  même  iufluence 
qui  avait  retardé  l'apparition  de  la  pièce  en  prépara  la  chute  par 
mille  ressorts  cachés.  Tout  semblait  en  effet  la  présager.  Le  premier 
acte  échoua,  et  le  second  paraissait  destiné  au  même  sort,  quand  un 
duo,  chanté  par  Lablache  et  la  Pisaroni  enleva  tout  l'auditoire.  Aux 
représentations  suivantes,  le  triomphe  ne  fut  pas  un  moment  dou- 
teux. 

La  saison  terminée,  Meyerbeer  se  rendit  à  Rome  pour  y  écrire  Al- 
mansor,  opéra  sérieux  en  deux  actes,  dont  Romani  avait  écrit  le  li- 
bretto  ;  mais  pendant  les  répétitions,  le  maître  fut  atteint  d'une  ma- 
ladie grave  et  ne  put  achever  la  partition  pour  l'époque  déterminée. 
Il  ne  retrouva  la  santé  qu'en  allant  passer  l'année  1823  à  Berlin  et 
aux  eaux.  Pendant  ce  temps  de  repos,  il  écrivit  l'opéra  allemand  in- 
titulé »  la  Porte  de  Brandebourg.  Il  était  destiné  vraisemblablement 
au  théâtre  de  Kcenigstadt,  où  l'on  jouait  habituellement  ces  sortes 
d'ouvrages;  mais  par  des  motifs  inconnus,  cet  opéra,  auquel  le  com- 
positeur attachait,  sans  doute,  peu  d'importance,  ne  fut  pas  repré- 
senté. 

Ici  finit  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  seconde  époque  de  Meyer- 
beer :  elle  avait  eu  pour  lui  d'heureux  résultats  :  car,  d'une  part, 
elle  avait  marqué  ses  progrès  dans  l'art  d'écrire  pour  les  voix,  et  il 
avait  acquis  l'expérience  des  conditions  de  la  musique  dramatique, 
ainsi  que  des  effets  de  la  scène,  qu'on  n'apprend  qu'en  s'y  hasar- 
dant. D'autre  part,  la  confiance  dans  son  talent  s'était  accrue  par 
le  succès.  Sa  réputation  n'était  pas  celle  d'un  maître  vulgaire.  Emma 
di  Resburgo  avait  paru  avec  éclat  et  avait  été  reprise  plusieurs  fois  à 
Venise,  à  Milan,  à  Gênes,  à  Florence,  à  Padoue  ;  elle  avait  été  tra- 
duite en  allemand  sous  le  titre  d'Emma  von  Leiccster,  et  jouée  à 
Vienne,  à  Munich,  à  Dresde,  à  Francfort,  sous  ce  titre,  tandis  qu'une 


autre  traduction,  intitulée  :  Emma  de  Roxburg,  était  chantée  à  Berlin 
et  à  Stuttgart.  Marguerite  d' Anjou  était  jouée  avec  un  succès  égal  à 
Milan,  Venise,  Bologne,  Turin,  Florence  et  Trieste  ;  en  allemand,  à 
Munich  et  à  Dresde;  en  français,  à  Paris  et  sur  presque  tous  les 
théâtres  de  France  et  de  Belgique;  à  Londres,  en  anglais  et  en  ita- 
lien. Toutefois  l'artiste  n'avait  pas  encore  découvert  sa  propre  per- 
sonnalité ;  il  marchait  dans  des  voies  qui  n'étaient  pas  les  siennes;  il 
était  devenu  plus  habile,  mais  il  n'était  pas  encore  original  ;  il  avait 
du  savoir  et  de  l'expérience,  mais  l'audace  lui  manquait. 

Remarquons  cepsndant  cette  année  1823;  elle  est  significative  dans 
la  vie  de  Meyerbeer,  comme  artiste.  Nul  doute  que,  méditant  alors 
sur  ce  qu'il  avait  produit  depuis  son  arrivée  en  Italie,  et  faisant  un 
retour  sur  lui  même,  il  n'ait  senti  ce  qui  manque  à  ces  ouvrages  pour 
en  compléter  les  qualités  esthétiques;  car  on  verra,  dans  la  suite  de 
cette  notice,  ses  efforts  tendre  incessamment  vers  une  manifestation 
de  plus  en  plus  prononcée  de  son  individualité.  C'est  à  la  même 
époque  qu'il  fit  à  Weber  la  visite  dont  il  est  parlé  dans  la  lettre  de 
l'auteur  du  Freyschûts,  citée  précédemment,  et  sans  doute  cette 
journée  de  causerie  intime  de  deux  grands  musiciens  n'a  pas  été 
perdue  pour  l'auteur  de  Robert,  des  Huguenots,  de  Struensée  et  du 
Prophète. 

De  retour  en  Italie,  Meyerbeer  y  donna  son  Crociato,  non  à  Trieste, 
comme  le  croyait  Weber  et  comme  l'avaient  annoncé  plusieurs  jour- 
naux allemands,  mais  à  Venise,  où  il  fut  représenté  le  26  décembre 
1824.  Les  rôles  principaux  avaient  été  écrits  pour  Mme  Meric-Lalande, 
alors  dans  tout  l'éclat  de  son  talent,  et  pour  Velluti  et  Lablache.  L'exé- 
cution fut  bonne,  et  le  succès  surpassa  l'attente  du  compositeur,  qui 
fut  appelé  plusieurs  fois  et  couronné  sur  la  scène.  Toutes  les  grandes 
villes  de  l'Italie  accueillirent  avecla  même  faveur  II  Crociato,  et  l'on 
ne  peut  douter  que,  si  Meyerbeer  eût  fait  succéder  quelques  opéras 
à  cette  partition,  il  ne  se  fût  placé  à  la  tête  des  musiciens  qui  écri- 
vaient au-delà  des  Alpes  ;  mais  déjà  d'autres  projets  occupaient  son 
esprit. 

FÉTIS  père. 
{La  suite  prochainement.) 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L'OPERA. 

Ejffa  Xfugi&enots.  MBlc  Marie  Sas  dans  le  rôle  de 
Valentine. 

L'ambition  naturelle  de  Mlle  Marie  Sax ,  après  tous  les  succès 
qu'elle  avait  obtenus,  notamment  dans  le  rôle  d'Alice,  de  Robert  le 
Diable,  c'était  de  s'essayer,  à  son  tour,  dans  celui  de  Valentine  des 
Huguenots.  De  son  côté  la  direction  de  l'Opéra  est  toujours  dans  son 
droit  et  dans  son  devoir,  lorsqu'elle  cherche  à  s'assurer  deux  artistes 
pour  le  même  rôle,  ou,  comme  on  disait  jadis,  un  premier  sujet  et 
un  remplacement,  ce  qui  n'excluait  pas  le  double.  Il  avait  donc  été 
résolu  que  Villaret  et  Mlle  Marie  Sax  débuteraient  le  même  soir, 
l'un  comme  nouveau  Raoul,  l'autre  comme  nouvelle  Valentine.  Les 
études  et  les  répétitions  avaient  été  combinées  à  cette  fin  ;  mais,  il 
y  a  peu  de  jours,  Villaret  s'étant  trouvé  pris  de  l'enrouement  épidé- 
mique,  on  a  jugé  prudent  de  lui  accorder  du  repos  et  même  de  l'en- 
voyer dans  le  Midi  pour  y  réparer  les  dommages  du  climat  et  de  la 
saison.  Mlle  Marie  Sax,  étant  prête,  on  n'avait  nulle  raison  de  la 
faire  attendre,  et  elle  y  a  gagné  d'avoir  pour  partenaire,  non  pas  un 
débutant  comme  elle,  mais  Gueymard,  un  artiste  aguerri  par  quinze 
ans  de  services  :  quand  Villaret  reviendra,  c'est  elle  qui  sera  en  état 
de  le  soutenir  et  de  l'encourager. 

Les  Huguenots  ont  été  joués  vendredi,  et  nous  devons  dire  tout 
d'abord  que  depuis  longtemps  nous  n'avions  assisté  à  une  représen- 
tation aussi  belle,  aussi   complètement  soignée  de  l'immortel  chef- 


DE  PARIS. 


123 


d'oeuvre.  Mlle  Marie  Sax  y  a  déployé  cette  grande  et  riche  voix,  qui 
n'a  pas  de  rivale;  cette  voix  dont  l'étoffe  est  d'une  solidité,  d'une 
égalité  qui  jamais  ne  se  démentent.  On  savait  à  quoi  s'en  tenir  dès  le 
magnifique  duo  du  troisième  acte,  où  pourtant  l'émotion  lui  a  fait 
descendre  un  peu  trop  vite  la  gamme  qui  suit  la  tenue  de  Vut  aigu. 
Dans  tout  le  quatrième  acte,  elle  a  supérieurement  chanté,  supérieu- 
rement joué  :  elle  a  enlevé  les  bravos,  les  rappels,  et  le  cinquième 
acte  lui  a  valu  un  nouveau  triomphe.  Gueymard  aussi  a  été  ap- 
plaudi, rappelé  avec  justice.  Belval  est  toujours  un  excellent  Marcel; 
mais  qui  jamais  a  rempli  le  rôle  de  Ne  vers  de  manière  à  pouvoir 
être  comparé  à  Faure?  le  chanteur  et  l'acteur  y  sont  accomplis.  Ca- 
zaux,  dans  le  rôle  de  Saint-Bris,  a  été  fort  bien,  sauf  un  lapsus  de 
mémoire  au  quatrième  acte.  Mmes  Hamackers  et  deTaisy  ont  brillé  par 
leurs  jolies  voix.  Ce  qui  fait  le  plus  d'honneur  à  M.  Georges  Hainl, 
le  chef  d'orchestre,  c'est  la  parfaite  ordonnance  du  finale  si  compli- 
qué du  troisième  acte;  les  instruments  d'Adolphe  Sax  (ne  pas  con- 
fondre avec  Marie  Sax)  y  ont  fait  merveille  sur  le  bateau  nuptial,  et 
en  somme  la  soirée  a  pleinement  satisfait  la  grande  affluence  des 
spectateurs. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  ITALIEN. 

l'tt  JBalto  in  tnaschera,  —  Frascnini  et  Muie  Cnar- 
ton-Demenr.  —  Bénéfice  de  9111e  Patti. 

Nous  avions  eu  déjà  un  Ballo  in  maschera  avec  Fraschini,  mais 
non  avec  Mme  Charton-Demeur,  qui  manquait  au  rôle  d'Amélia  : 
maintenant  elle  ne  lui  manque  plus,  et  l'ouvrage  a  repris  tout  son 
effet,  tout  son  charme.  La  cantatrice,  fort  belle  à  voir,  est  aussi  fort 
bonne  à  entendre  dans  les  actes  principaux.  Avec  elle  et  Delle- 
Sedie,  Fraschini  n'a  plus  qu'à  se  louer  de  son  entourage. 

Vendredi,  c'était  la  représentation  au  bénéfice  de  Mlle  Patti,  véri- 
table bénéfice  celui-là,  car  la  salle  était  remplie  et  brillante  au  su- 
prême degré.  Le  spectacle  ne  se  composait  que  de  fragments  em- 
pruntés à  Don  Pasquale,  à  la  Traviaia,  à  Don  Giovanni,  à  l'Elisire 
d'amure,  dont  la  bénéficiaire  chantait  pour  la  première  fois  à  Paris 
le  meilleur  duo  avec  Scalese.  Que  l'on  s'imagine  des  bravos  sans  fin, 
des  bis,  des  rappels,  des  pluies  de  fleurs  et  de  couronnes,  et  l'on 
aura  une  idée  de  cette  soirée  exceptionnelle  dans  laquelle.  Mlle  Patti 
s'est  montrée  ce  qu'elle  est  toujours,  charmante,  ravissante,  pour  ne 
pas  faire  d'exception. 


Concert  de   Vivier. 

Une  heure  de  musique  !  C'est  ainsi  que  Vivier  avait  annoncé  le 
rendez-vous  par  lui  donné  dans  les  salons  d'Erard,  à  la  fleur,  à  !a 
crème,  à  l'élite  de  la  société  parisienne.  Les  programmes  sont  tou- 
jours un  peu  trompeurs,  mais  on  ne  leur  en  veut  pas,  quand  ils 
trompent  en  plus  et  non  en  moins.  Une  heure  de  musique  !  II  serait 
bien  possible  que  le  concert  en  eût  duré  deux,  mais  personne  ne 
s'en  est  aperçu,  tant  on  a  eu  de  plaisir,  sans  mélange  aucun  de  fa- 
tigue. Vivier,  toujours  original,  s'est  avisé  de  vouloir  l'être  plus  que 
jamais  et  d'étonner  son  auditoire  par  la  simplicité,  par  la  sagesse  ! 
Il  a  voulu  jouer  du  cor,  non  plus  comme  Vivier,  mais  comme  un 
artiste  rigoureusement  classique.  Cette  seconde  manière  ne  lui  a  pas 
moins  réussi  que  la  première.  II  a  redit  l'Eloge  des  larmes,  de  façon 
à  enchanter  Schubert  lui-même.  Dans  Une  Plainte,  que  l'on  a  bissée, 
il  a  lutté,  ou  plutôt  il  s'est  identifié  avec  la  voix  de  Faure  :  c'était 
un  solo  et  tout  à  la  fois  un  duo.  Avec  Mlle  Marimon,  il  a  entonné 
le  Cerf  est  venu  boire,  et  les  bravos  ont  redoublé.  Le  piano  de 
Mme  Tardieu  de  Malleville,  le  violoncelle  de  M.  Poëncet,  dans  un 
amiante    et  finale  de  Mendelssohn,  dans   un  andante  de  Beethoven 


et  une  valse  de  Hnopin,  une  mélodie  maritime  de  Quidant,  Ma 
barque,  admirablement  chantée  par  Faure,  tout  cela  dans  Une  heure 
de  musique!  Mais  savez-vous  ce  que  Vivier  a  pu  gagner  dans  cette 
heure  ?  environ  4,000  francs.  Vous  concevez  qu'il  n'ait  pas  regardé 
à  quelques  minutes  par-dessus  le  marché. 


CONCERTS 


Du  cirque  Napoléon  et  du  cirque  de   l'Impératrice .. 

C'est  M.  Pasdeloup  qui,  le  premier,  nous  a  fait  connaître  l'Elie  de 
Mendelssohn  :  alors  il  n'avait  pas  créé  les  concerts  populaires  de 
musique  classique,  mais  déjà,  sans  doute,  il  en  avait  l'idée,  et  il  pré- 
ludait dans  le  cirque  des  Champs-Elysées  aux  solennités  qu'il  devait 
fonder  plus  tard  sur  le  boulevard  du  Temple. 

Pour  le  festival  dédié  à  Mendelssohn,  il  était  tout  simple  que  son 
grand  oratorio  reparût  sur  le  programme.  La  séance  commençait 
par  la  belle  ouverture  à'Athalie,  composition  majestueuse  et  sévère, 
dans  laquelle  l'auteur  a  reproduit  musicalement  le  caractère  de  la 
poésie  biblique.  Un  charmant  chœur,  le  Départ,  fort  bien  exécuté  par 
les  masses  vocales,  faisait  contraste  avec  l'ouverture,  et  plaisait  gé- 
néralement par  sa  grâce  naïve.  Ensuite  venait  le  concerto  en  sol 
mineur,  qui  n'a  été  qu'un  jeu  et  un  triomphe  pour  Alfred  Jaëll.  Voilà 
bien  par  quelles  mains  puissantes  doit  être  touché  le  piano  dans  un 
pareil  local  !  Le  grand  artiste  n'a  rien  omis,  rien  laissé  dans  l'ombre  ; 
il  a  tout  compris  et  tout  fait  comprendre  avee  une  facilité  qui 
doublait  son  mérite  :  aussi  a-t-il  été  plusieurs  fois  salué  d'unanimes 
bravos. 

Dans  l'oratorio,  nous  entendions  pour  la  première  foi?  une  canta- 
trice célèbre  en  Angleterre,  Mme  Rudersdorff,  dent  la  belle  voix  et 
le  talent  exercé  ont  produit  le  meilleur  effet  sur  l'auditoire.  Elle 
chantait  le  rôle  de  la  veuve  de  Sarepta  ;  M.  Petit  n'a  pas  moins 
réussi  dans  le  rôle  d'Elie  ;  Mme  Talvo-Bedogni  disait  celui  de  l'ange, 
et  il  n'y  avait  que  des  éloges  à  donner  à  cette  distribution,  de  même 
qu'à  l'ensemble.  On  sentait  qu'une  direction  supérieure,  un  soin  ex- 
trême, avaient  présidé  aux  répétitions  de  la  grande  œuvre,  et  pourtant 
on  ne  pouvait  dissimuler  que  la  froideur  et  l'ennui  régnaient  dans  la 
salle.  A  qui  s'en  prendre  ?  au  genre  même  de  l'œuvre.  L'oratorio  ne 
va  pas  à  notre  nature  :  le  sentiment  dramatique  est  trop  éveillé,  trop 
exigeant  chez  nous  pour  se  satisfaire  de  vaines  apparences.  Nous  ne 
sommes  pas  de  ces  populations  que  les  scrupules  religieux  dominent 
et  qui  transigent  avec  le  ciel,  en  acceptant  une  scène  sans  dé- 
cors, des  acteurs  sans  costumes,  un  drame  sans  action.  «  Fuyons 
l'opéra,  disent  nos  pieux  voisins,  mais  prenons  toujours  l'oratorio 
et,  comme  l'Héloïse  de  Colardeau,  nous  rêverons  le  reste  !  »  Nous 
ne  voulons  rien  rêver,  nous  autres  :  nous  aimons  les  réalités,  et 
il  n'y  a  pas  de  milieu  pour  nous  entre  l'orchestre  et  le  théâtre.  A 
moins  d'une  profonde  révolution  dans  nos  mœurs,  et  rien  n'en 
indique  le  symptôme,  il  en  sera  l'année  prochaine  comme  il  en  a 
été  les  années  précédentes.  Avis  à  ceux  qui  fonderaient  sur  l'oratorio 
des  espérances  de  fortune  ;  autant  vaudrait  bâtir  sur  le  sable,  ou  se- 
mer sur  le  bord  de  la  mer. 

N'est-ce  pas  vraiment  chose  heureuse  que  l'on  ait  compris  à  Paris 
la  nécessité  de  construire  des  cirques  pour  les  chevaux?  Sans  cela, 
nous  n'aurions  pas  encore  une  vraie  salle  de  concert,  et  au  lieu 
d'une,  nous  en  avons  deux  :  cirque  d'hiver,  cirque  d'été!  Par  exem- 
ple, ce  qui  nous  étonne,  c'est  l'usage  auquel  on  veut  employer  ce 
dernier.  Comprend-on  qu'il  vienne  à  l'idée  d'entreprendre  des  con- 
certs à  l'époque  de  l'année  où  tous  les  concerts  finissent?  Quand  le 
soleil  brille,  quand  le  vent  agile  les  feuilles  et  les  fleurs,  quand  l'oi- 
seau chante  sur  la  branche,  qui  donc  irait  se  renfermer,  en  plein 
jour,  dans  une  enceinte  quelconque?  Cependant  M.  Deloffre  et  son 
orchestre  ont  inauguré  dimanche  dernier  leurs  concerts  classiques  au 


124 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cirque  de  l'Impératrice.  Ils  y  ont  joué,  comme  de  braves  et  vaillants 
musiciens  qu'ils  sont,  la  symphonie  en  sol  mineur  de  Mozart,  dont 
on  a  même  bissé  le  minuetto;  l'ouverture  du  Freischiitz ,  de  Weber; 
les  fragments  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn.  Ceux  qui 
ont  entendu  tout  cela  nous  ont  dit  que  de  plus  Piatti  a  supérieure- 
ment redit  l'andante  et  le  rondo  du  concerto  de  Molique,  avec  les- 
quels il  avait  déjà  obtenu  tant  de  s'iccès  dans  le  cirque  du  boulevard 
du  Temple,  dont  le  cirque  des  Champs-Elysées  se  fait,  l'écho.  Il  en 
est  bien  le  maître  assurément;  mais  pourtant  serait-ce  la  peine,  si 
l'écho  ne  résonnait  que  dans  le  désert,  et  il  nous  semble  que  cela 
pourrait  bien  arriver. 

Paul  SMITH. 


ADDITIONS  ET  CONCERTS. 

il.  Joseph  ITîenlatvskf .  —  SI.  Edouard  Wolir.  —  SI.  Char- 
les Lebonr.  —  SI.  SIelcbior  Sloeker. —  SI.  A.  Bessens. — 
Slme  Lippi-Caristle. 

Joseph  Wieniawski  a  montré  dans  son  concert  de  cette  année, 
qu'il  avait  amplement  mis  à  profit  le  temps  écoulé  depuis  son  début 
en  France.  Après  avoir  interprété  de  la  manière  la  plus  brillante,  en 
compagnie  de  Sivori  et  de  Piatti,  le  deuxième  trio  de  Mendelssohn, 
et  seul,  une  tarentelle  inédite  de  Rossini,  un  adagio  de  Beethoven,  et 
une  gavotte  de  Bach,  il  a  fait  entendre  une  mazurka  et  une  polo- 
naise [triomphale  de  sa  composition,  qui  ont  obtenu  un  très -grand 
succès.  L'intérêt  très-grand  qui  s'attachait  à  cette  soirée  a  été  jus- 
tifié non-seulement  par  le  bénéficiaire,  mais  aussi,  ce  qui  ne  sur- 
prendra personne,  par  Sivori  et  Piatti,  qui  ont  joué,  avec  leur  per- 
fection habituelle,  la  mélancolie  de  Prume,  et  la  barcarolle  de  Marino 
Faliero. 

—  Lorsque,  à  défaut  de  variété  dans  le  programme,  on  peut  of- 
frir au  public  des  noms  tels  que  ceux  de  Vieuxteraps  et  de  Levas- 
seur,  ce  que  M.  Edouard  Wolff  a  fait  à  sa  brillante  soirée,  dans  les 
salons  d'Erard,  on  peut  se  passer  de  tout  autre  attrait.  Nous  n'a- 
vons rien  à  apprendre  à  nos  lecteurs  sur  les  qualités  exceptionnelles 
qui  distinguent  le  talent  d'Edouard  Wolff;  on  sait  que  c'est  un  de 
nos  pianistes  les  mieux  doués  et  les  plus  complets,  qui  joint  à  la 
pureté,  à  l'élégance,  à  l'énergie  de  l'exécution,  une  rare  perfection 
de  style.  Comme  compositeur,  il  donne  à  toutes  ses  productions  un 
cachet  d'originalité  et  de  distinction  tout  à  fait  caractéristique.  Ses 
idées  mélodiques  sont  encore  rehaussées  par  un  travail  harmonique 
des  plus  intéressants.  Tout  le  monde  connaît  sa  délicieuse  Barca- 
rolle, qu'on  ne  se  lasse  pas  de  lui  faire  répéter.  Plusieurs  mor- 
ceaux inédits  qu'il  avait  mis  en  réserve  pour  la  circonstance,  n'ont 
pas  été  moins  bien  accueillis.  Une  Mélodie-étude,  un  Impromptu, 
un  Nocturne,  une  Chanson  polonaise,  une  Elégie  et  en  première  li- 
gne une  fort  belle  Sérénade  de  concert,  lui  ont  mérité  d'enthou- 
siastes bravos.  Ses  duos  sur  Orphée  et  sur  les  Noces  de  Figaro,  com- 
posés et  exécutés  avec  Vieuxtemps,  ont  également  ravi  l'auditoire. 

—  M.  Charles  Lebouc,  le  violoncelliste,  possède  un  talent  doux  et 
sage,  un  jeu  sobre  et  contenu  qui  lui  assignent  un  rang  très-hono- 
rable, sinon  parmi  les  virtuoses,  du  moins  parmi  les  musiciens  sé- 
rieux et  gardiens  des  bonnes  traditions.  Dans  son  concert,  donné  à 
la  salle  Herz,  avec  l'aide  de  Mlle  Caroline  Rémaury  et  de  MM.  Do- 
rus,  Triébert,  Rousselot,  While,  Adolphe  Blanc  et  Gouffé,  il  a  passé 
successivement  en  revue  le  grand  septuor  en  ré  mineur,  de  Hummel, 
le  quintette  en  ré,  de  M.  Adolphe  Blanc,  dont  l'andante  a  produit 
une  très- vive  sensation,  le  boléro  d'un  quintette  de  Boccherini, 
charmante  page  que  l'on  a  bissée,  et  où  M.  White  s'est  particuliè- 
rement distingué,  l'air  de  Batti,  de  Don  Juan,,  chanté  à  merveiile 
par  Mme  Damoreau-Wekerlin,  et  accompagné  par  le  violoncelle,  et 
enfin  des  airs  russes  variés,  par  Ries,  pour  piano  et  violoncelle. 


Le  lendemain  de  ce  brillant  concert,  M.  Lebouc  donnait  chez  lui 
une  séance  entièrement  composée  de  musique  nouvelle.  Un  troisième 
quatuor  d'Ad.  Blanc  et  deux  trios  de  MM.  de  Rémusat  et  Raoul  de 
Boisdeffie,  ont  parfaitement  réussi.  La  partie  de  piano  de  ces  ouvrages 
a  été  rendue  d'une  manière  magistrale  par  Mlle  Mongin,  qui  a  ter- 
miné la  séance  par  une  étude  et  un  scherzo  de  Mme  Farrenc. 

C'est  M.  Mortier,  un  de  nos  bons  professeurs  de  chant,  qui  était 
chargé  de  la  partie  vocale  de  la  séance  ;  il  a  fait  entendre  le  Chant 
du  berger,  mélodie  de  Meyerbeer,  avec  accompagnement  de  clari- 
nette. Cette  mélodie,  à  la  fois  large  et  suave,  a  causé  le  plus  grand 
plaisir,  et  sera  certainement  chantée  souvent  dans  les  soirées  et  con- 
certs ;  M.  Surdun  en  a  parfaitement  rendu  la  partie  de  clarinette. 
M.  Mortier  a  chanté  aussi  une  idylle  chaldéenne  de  M.  Emile  Durand, 
l'auteur  de  tant  de  jolies  mélodies.  Nous  ne  saurions  trop  engager 
M.  Lebouc  à  renouveler  souvent  ces  séances,  si  intéressantes  pour  les 
compositeurs  et  les  amateurs. 

—  En  ne  jouant  pas  un  seul  solo,  et  en  se  bornant  à  faire  sa  par- 
tie dans  une  sonate  de  Mozart  et  dans  des  fragments  de  Mendelssohn 
et  de  Damcke,  M.  Melchior  Mocker,  le  neveu  du  charmant  comédien 
de  ce  nom,  a  voulu  sans  doute  nous  prouver,  à  son  concert  chez 
Erard,  qu'il  était  un  musicien  consommé,  et  il  y  a  pleinement  réussi. 
A  considérer  la  netteté,  l'élégance  de  son  jeu,  les  nuances  délicates 
de  son  exécution,  nous  trouvons  même  qu'il  s'est  montré  bien  mo- 
deste. 

—  La  soirée  musicale,  donnée  par  M.  A.  Bessems,  dans  la  salle 
Pleyel  avait  réuni  un  très-nombreux  auditoire,  qui  n'a  pas  épargné 
ses  applaudissements  à  ce  violoniste-compositeur,  dont  le  talent  sé- 
rieux est  depuis  longtemps  connu  et  apprécié.  Sa  fantaisie  nouvelle 
et  sa  Plainte  de  Mignon,  chantée  par  M.  Lhérie,  avec  accompagne- 
ment d'alto,  ont  fourni  à  M.  A.  Bessems  l'occasion  de  faire  entendre 
sa  musique  interprétée  par  lui-même,  et  l'épreuve  a  été  des  plus  sa- 
tisfaisantes. 

—  Nous  devons  des  encouragements  sympathiques  à  Mme  Lippi- 
Caristie,  jeune  et  belle  cantatrice,  qui  s'est  fait  entendre,  ces  jours 
derniers,  à  la  salle  Pleyel- Wolff.  Sa  voix  a  de  la  force  et  de  l'éten- 
due; on  reconnaît  qu'elle  est  à  bonne  école,  et  lorsque  l'étude  lui 
aura  fait  acquérir  un  peu  plus  de  légèreté  et  de  souplesse,  nous 
croyons  pouvoir  lui  prédire  de  grands  succès.  Celui  qu'elle  a  obtenu 
dans  son  air  de  la  Muette  et  dans  sa  cavatine  du  Giuramento,  de 
Mercadante,  sont  déjà  d'awsez  favorables  augures.  Dans  la  partie  ins- 
trumentale de  cette  soirée,  se  sont  distingués  deux  jeunes  virtuoses 
qui  ont  conquis  de  nombreux  bravos  :  M.  Albert  Vizentini,  en  exécu- 
tant sur  le  violon  une  fantaisie  de  son  maître  Léonard  et  une  très- 
jolie  berceuse,  de  Reber;  M.  L.-L.  Delahaye,  en  jouant  magistralement, 
sur  le  piano,  la  fantaisie  sur  Don  Juan,  de  Thalberg,  et  son  duo  sur 
Mireille. 

Y. 


REVUE  DES  THEATRES. 

Porte-Saint-Martin  :  le  Capitaine  Fantôme,  drame  en  cinq  actes 
et  huit  tableaux,  par  MM.  Anicet  Bourgeois  et  Paul  Féval.  — 
Théâtre  impérial  du  Chatelet  :  la  Jeunesse  du  roi  Henri,  drame 
en  cinq  actes  et  sept  tableaux,  par  M.  le  vicomte  Ponson  du  Ter- 
rail.  —  Ambigu  :  le  Comte  de  Saulles,  drame  en  cinq  actes, 
par  M.  Edouard  Plouvier. 

Les  théâtres  de  drames  ne  sont  plus  aujourd'hui  que  des  succur- 
sales de  la  librairie  ;  sur  trois  pièces  qui  arrivent  aux  honneurs  de  la 
représentation,  il  y  en  a  deux  qui  ont  commencé  par  être  des  romans, 
et  dent  les  titres  s'étalent  à  la  fois  sur  l'affiche  et  sur  les  couver- 
tures jaunes  du  cabinet  de  lecture  voisin.  Cette  dualité,  passée  à 
l'état  de  coutume,  depuis  qu'Alexandre  Dumas  en  a  pris  l'initiative, 


DE  PARIS. 


125 


simplifie  étrangement  la  besogne  des  dramaturges,  en  même  temps 
qu'elle  épargne  an  public  bien  des  efforts  d'intelligence.  Il  nous 
est  difficile  d'accepter  cela  comme  un  progrès;  mais  l'art  étant  à  peu 
près  désintéressé  dans  la  question  présente,  le  dommage  est  de  peu 
d'importance.  Ceux  de  nos  lecteurs  qui  connaissent  déjà  le  Capitaine 
Fantôme,  de  M.  Paul  Féval,  dans  sa  forme  de  livre,  auront  donc  la 
bonté  de  nous  excuser  si,  en  parlant  du  drame  qui  porte  le  même 
nom,  nous  ne  leur  apprenons  rien  de  nouveau.  César  de  Cabanil  est 
un  officier  qui,  pendant  la  guerre  d'Espagne,  s'est  fait  fusiller  pour 
"  avoir  insulté  et  tué  en  duel  un  de  ses  supérieurs.  Effacé  de  la  liste 
des  vivants,  Cabanil,  qui  a  racheté  secrètement  son  existence  au  prix 
de  son  honneur  de  soldat,  ressuscite  comme  fantôme  pour  les  uns, 
mais  en  réalité  comme  espion  pour  les  autres.  Il  est  vrai  qu'il  se 
venge  de  la  triste  nécessité  dans  laquelle  il  s'est  mis,  en  faisant  le 
plus  de  mal  possible  aux  Anglais  et  en  protégeant  une  jeune  Espa- 
gnole dont  la  beauté  et  la  fortune  ont  éveillé  les  convoitises  d'un 
parent  traître  et  avide.  Cabanil,  secondé  dans  ses  expéditions  mysté- 
rieuses par  quatre  dragons  d'un  dévouement  à  toute  épreuve,  passe  à 
travers  mille  dangers,  distribuant  çà  et  là  de  terribles  coups  de 
sabre  et  brisant  tous  les  obstacles  pour  sauver  Lilias,  qu'il  arrache 
enfin  à  son  persécuteur  au  moment  où  celui-ci  est  parvenu  à  l'en- 
traîner sur  un  navire  que  le  capitaine  Fantôme  prend,  lui  cinquième, 
à  l'abordage. 

Ce  drame  de  cape  et  d'épée  a  pour  pivot  Mélingue  le  mousque- 
taire, Mélingue  le  bossu,  qui  a  occis  tant  de  monde  qu'on  a  fini  par 
ne  plus  trop  s'en  émouvoir.  César  de  Cabanil,  ce  brave  continuateur 
de  d'Artagnan,  n'a  qu'un  tort,  c'est  celui  de  venir  après  tant  d'au- 
tres fiers-à-bras  dont  les  hauts  faits  ont  escompté  les  siens.  Il  y  a 
quelques  années  le  Capitaine  Fantôme  eût  assurément  fait  la  for- 
tune du  théâtre  qui  l'aurait  accueilli;  à  présent,  1a  chose  est  moins 
certaine,  quoique  Mélingue  dépense  dans  ce  rôle  de  Cabanil  autant 
et  même  plus  de  talent  qu'il  n'en  a  jamais  eu,  quoique  Mme  Doche 
le  seconde  de  son  mieux,  et  quoique  enfin  la  direction  de  la  Porte- 
Saint-Martin  n'ait  rien  négligé  pour  la  mise  en  scène  de  cette  pièce, 
à  laquelle  pourtant  il  manque  un  petit  bout  de  ballet. 

—  De  même  que  le  Capitaine  Fantôme,  le  nouveau  drame  du 
théâtre  du  Châtelet  a  été  arrangé  par  M.  le  vicomte  Ponson  du  Ter- 
rail,  comme  dit  orgueilleusement  l'affiche,  sur  un  de  ses  romans,  le- 
quel a  été  arrangé  sur  l'histoire  de  la  Jeunesse  du  roi  Henri,  le 
monarque  populaire  de  la  poule  au  pot,  qu'on  a  mis  tant  de  fois  à 
la  scène  et  dont  on  ne  se  lasse  jamais.  Soit  qu'on  s'égare  avec  lui 
dans  ses  montagnes  du  Réarn,  soit  qu'on  le  suive  au  milieu  des  in- 
trigues et  des  périls  de  la  cour  de  Charles  IX,  il  y  a  sans  cesse  au- 
tour de  ce  jeune  prince,  qui  sera  bientôt  le  maître  de  la  France  et 
le  père  de  ses  sujets,  une  auréole  sympathique  dont  l'influence  est 
toute-puissante  sur  l'esprit  du  public.  Ainsi,  la  pièce  de  M.  le  vi- 
comte Ponson  du  Terrait  est  loin  d'être  un  chef-d'œuvre;  elle  est 
longue  et  diffuse;  les  incidents  dont  elle  se  compose  sont  mal  atta- 
chés; des  tableaux  entiers  pourraient  disparaître  sans  gêner  la  mar- 
che de  l'action.  N'importe!  le  personnage  du  jeune  roi  Henri  est  là 
pour  tout  sauvegarder.  On  le  voit  avec  plaisir,  toujours  gai,  toujours 
habile,  échapper  aux  embûches  que  lui  tend  le  parfumeur  René, 
l'assassin  aux  gages  de  Catherine  de  Médicis,  et  lorsque,  au  dénoû- 
menl,  Jeanne  d'Albret  meurt  empoisonnée,  l'intérêt  qu'il  inspire  re- 
jaillit sur  sa  mère. 

Il  faut  d'ailleurs  en  convenir,  la  réussite  de  ce  drame  est  due  en 
grande  partie  aux  soins  artistiques,  au  bon  goût  et  au  luxe  avec 
lesquels  il  a  été  monté.  On  y  assiste  notamment  à  une  vraie  chasse 
qui  est,  sans  contredit,  l'une  des  plus  curieuses  choses  qu'on  puisse 
voir  au  théâtre.  Une  véritable  meute  de  chiens,  tenus  en  laisse  par 
leurs  piqueurs,  s'élance,  à  un  signal  donné,  sur  un  cerf  que  la  cara- 
bine du  roi  vient  d'abattre,    et  alors,  à  la  lueur  des  flambeaux,  au 


bruit  des  fanfares  et  des  aboiements,  a  lieu  une  curée  qui  est  la 
représentation  exacte  de  ce  qui  se  passe  en  pareille  rencontre.  L'il- 
lusion est  d'autant  plus  complète  que  les  chiens  ne  se  font  pas  prier 
pour  jouer  consciencieusement  leurs  rôles. 

Un  autre  attrait  de  cette  pièce,  c'est  la  pavane  que  l'on  y  danse, 
d'après  les  traditions  du  temps,  et  aussi  le  gracieux  ballet  de  l'esca- 
dron volant  de  la  reine,  figuré  par  de  jeunes  et  jolies  femmes  en 
riches  et  brillants  costumes.  Enfin  tout  concourt,  sans  en  excepter 
la  distribution,  dans  laquelle  il  faut  citer  besrieux,  Mlle  Suzanne  La- 
gier  et  Mlle  Esclozas,  à  assurer  à  la  Jeunesse  du  roi  Henri  un  suc- 
cès qui  ne  sera  pas  seulement,  quoi  qu'on  en  dise,  un  succès  de 
chiens. 

—  Voici,  du  moins,  à  l'Ambigu,  un  drame  qui  ne  doit  rien  à  per- 
sonne, et  dont  la  représentation  n'a  pas  été  déflorée  par  la  lecture. 
Le  Comte  de  Saulles  est  une  œuvre  sérieuse  et  littéraire  qui,  par  ses 
tendances  morales,  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'imagination  de 
M.  Edouard  Piouvier.  C'est  la  question  de  l'adultère  envisagée  sous 
un  aspect  tout  à  fait  neuf  et  saisissant.  Avant  d'être  vice-amiral,  le 
comte  de  Saulles  a  aimé  Mme  d'Hortal  et  l'a  rendue  mère.  Plus  tard, 
M.  d'Hortal  est  mort,  et  le  comte,  pour  réparer  autant  que  possible 
le  mal  qu'il  a  fait,  a  épousé  la  veuve  de  l'homme  qu'il  a  aidé  à 
tromper.  Mais  il  ne  lui  est  pas  possible  de  donner  son  nom  à  l'en- 
fant qu'il  a  eu  de  Mme  d'Hortal  et  qui  est  né  sous  le  régime  du 
premier  mariage.  Or,  c'est  là  qu'est  l'expiation.  Le  malheureux  père, 
qui  adore  son  fils,  a  la  douleur  de  ne  pouvoir  gagner  sa  confiance. 
Léon  d'Hortal  le  regarde  comme  un  intrus  dans  la  maison  mater- 
nelle, et  plutôt  que  d'accepter  de  lui  la  dot  sans  laquelle  sera  rompu 
son  mariage  avec  Mlle  Marthe  Fromont,  il  ira  demander  an  asile  à 
un  vieux  docteur,  ami  de  sa  famille,  et  cherchera  à  se  créer  une 
position  par  son   travail  d'avocat. 

Malgré  tous  les  signes  d'aversion  que  lui  donne  Léon,  le  vice- 
amiral  redouble,  mais  en  vain ,  d'efforts  pour  le  fléchir.  Enfin 
une  cause  se  présente  dont  il  confie  la  défense  au  jeune  avocat, 
les  explications  qu'elle  nécessite  ont  révélé  à  Léon  le  secret  de 
sa  naissance.  Il  s'opère  alors  dans  l'esprit  du  jeune  homme  une  réac- 
tion, et  sa  haine  pour  M.  de  Saulles  fait  place  à  la  tendresse  ;  mais 
il  faut  soigneusement  cacher  à  sa  mère  qu'il  est  instruit  de  sa  faute. 
Paraissant  donc  en  cela  céder  à  ses  suggestions,  il  supplie  le  comte 
de  renoncer  au  projet  qu'il  a  annoncé  de  quitter  pour  jamais  la 
France,  et  pour  l'y  déterminer,  il  accepte,  à  titre  de  rémunération 
de  ses  soins  dans  le  procès  qu'il  a  gagné,  la  somme  exigée  par  les 
parents  de  Marthe  pour  lui  donner  leur  fllle.  Ce  dénoûment,  satisfai- 
sant à  un  certain  point  de  vue,  mais  n'apportant  qu'un  allégement 
fort  incomplet  à  la  fausse  position  du  comte  et  de  sa  femme,  est  la 
conséquence  logique  d'une  faute  de  jeunesse,  dont  la  juste  punition 
les  poursuivra,  sous  les  traits  de  leur  fils,  jusqu'à  la  fin  d'une  exis- 
tence abrégée  peut-être  par  les  remords.  Tous  les  sentiments  que 
comporte  le  rôle  du  comte  de  Saulles  sont  admirablement  indiqués 
par  Frederick  Lemaître;  mais  le  célèbre  comédien  n'est  plus  que 
l'ombre  de  lui-même,  et  ses  facultés  d'interprétation  ne  sont  plus  à 
la  hauteur  de  son  intelligence  dramatique.  C'est  d'ailleurs  un  spec- 
tacle plein  d'intérêt  que  le  rapprochement  du  père,  dont  la  carrière 
est  à  son  déclin,  et  du  fils  qui  marche  à  côté  de  lui  dans  la  glorieuse 
voie  que  son  exemple  lui  a  tracée.  Le  personnage  de  la  comtesse 
est  rempli  par  Mlle  Camille  Lemerle,  dont  la  rentrée  a  été  des  plus 
brillantes. 

L'espace  nous  manque  pour  rendre  compte  des  deux  succès  de  la 
semaine  :  Aux  crochets  d'un  gendre,  au  Vaudeville,  et  le  Dégel,  au 
théâtre  Déjazet;  ce  sera  pour  dimanche  prochain. 

».  A.  D.  SAINT-YVES. 


126 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


NOUVELLES. 

***  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  la  Muette  a  été  représentée  lundi; 
mercredi  on  a  donné  la  Uascherà,  précédée  de  deux  actes  de  Lucie, 
et  vendredi  les  Huguenots,  chantés  par  Mlle  Marie  Sax,  Gueymard,  Faure, 
Belval,  et  Mmes  Hamackers  et  Taisy.  —  Aujourd'hui,  par  extraordi- 
naire, la  Muette.  —  Lundi,  les  Huguenots. 

t%  Les  répétitions  de  Roland  à  Honcevaux  se  poursuivent  avec  acti- 
vité; cependant  l'opéra  de  M.  Merraet  ne  sera  pas  prêt  avant  la  fin  de 
mai  au  plus  tôt.  • 

**»  Nous  avons  rendu  compte  il  y  a  quelque  temps  du  ballet  de 
Fiametta,  composé  par  Saint-Léon  et  représenté  à  Saint-Pétersbourg 
au  bénéfice  de  Mlle  Mouravieff,  et  nous  avons  dit  que  ce  ballet  avait 
été  pour  elle  l'occasion  d'un  succès  et  même  d'ovations  extraordinaires. 
Il  va  être  complètement  remanié  et  monté  à  l'Opéra.  Saint-Léon  s'est 
associé  pour  ce  travail  deux  de  nos  plus  spirituels  auteurs  dramatiques, 
MM.  Meilhac  et  Ludovic  Halévy.  Il  va  sans  dire  que  le  rôle  de  Fia- 
metta, qui  pourra  bien  changer  de  nom,  sera  dansé  par  Mlle  Mouravieff. 

,%  è.  M.  l'Empereur,  dont  la  bienveillance  pour  les  lettres  et  les 
arts  est  inépuisable,  vient,  à  la  demande  du  président  et  de  la  com- 
mission des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  d'accorder  une  re- 
présentation sur  le  théâtre  de  l'Académie  impériale  de  musique,  au  bé- 
néfice de  la  caisse  de  secours  de  cette  grande  et  honorable  association. 
C'est  la  première  fois  qu'une  pareille  faveur  lui  est  faite.  Les  princi- 
paux théâtres  de  Taris  contribueront  d'une  façon  splendide  à  cette  so- 
lennité dramatique,  à  l'occasion  de  laquelle  M.  le  comte  Bacciochi, 
surintendant  général  des  théâtre?,  a  daigné  donner  à  la  Commission  les 
témoignages  de  la  plus  vive  sympathie.  Nous  ferons  connaître,  sous  peu 
de  jours,  le  programme  de  cette  représentation. 

t%  On  a  joué  lundi  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  le  Songe 
d'une  nuit  d'été,  avec  Achard,  Crosti,  Capoul  et  Mlle  Monrose;  le  chef- 
d'œuvre  d'Ambroise  Thomas  fait  toujours  un  grand  plaisir.  —  Lara  et 
la  Fiancée  du  roi  de  Garbes  ont  été  donnés  alternativement  les  autres 
jours. 

»%  M.  Bagier  vient  de  rengager  Mlle  Adelina  Patti  pour  la  saison 
prochaine.  Le  départ  de  la  charmante  cantatrice  qui,  à  son  bénéfice 
donné  vendredi,  a  été  littéralement  couverte  de  bouquets  et  de  cou- 
ronnes, aura  lieu  vers  la  fin  de  la  semaine.  Elle  est  attendue  avec  im- 
patience au  théâtre  italien  de  Covent-Garden. 

t*t  lîarielle,  dont  l'engagement  à  l'Opéra-Comique  est  expiré,  donne 
en  ce  moment  des  représentations  à  Toulouse.  Il  est  engagé  à  Lyon 
pour  la  saison  prochaine. 

»%  Au  théâtre  Lyrique,  la  Captive,  de  Félicien  David,  est  annoncée 
pour  samedi  prochain.— Ismael  a  repris  le  rôle  principal  de  Rigoletto.— 
Mme  Miolan-Carvalho   continue  à  faire  le  succès  de  Mireille. 

t%  On  assure  qu'à  la  suite  d'un  inventaire  dressé  judiciairement  à  la 
requête  d'un  des  héritiers  de  Schneitzhoffer,  pendant  vingt  ans  musi- 
cien de  l'orchestre  à  l'Opéra  et  auteur  de  la  musique  du  ballet  la  Syl- 
phide, on  aurait  trouvé  dans  les  innombrables  paperasses  laissées  par  le 
défunt,  les  différents  morceaux  constituant  la  musique  d'un  opéra  dont 
il  avait  accepté  le  poëme  en  1833,  écrit  par  un  littérateur  distingué, 
M.  Berthé,  et  qui  avait  pour  titre  Imagine..  Comme  avant  sa  mort  il  n'a- 
vait pas  livré  la  partition,  on  avait  cru  qu'il  ne  s'en  était  pas  même 
occupé  et  on  n'y  avait  plus  songé.  Or,  il  parait  qu'elle  était  parfaite- 
ment terminée.  Cette  œuvre  posthume  aurait  été  présentée  à  la  direction 
du  théâtre  Lyrique  impérial,  qui  lui  aurait  fait  le  meilleur  accueil. 

„%  Mardi  dernier  a  eu  lieu  au  théâtre  Lyrique  l'audition  d'un  grand 
opéra,  Jeanne  d'Arc,  composé  à  Carcassonne  par  M.  Germain.  MM.  Bonne- 
hée,  Capoul,  Battaille  et  Mlle  Rignault,  élève  du  Conservatoire,  s'étaient 
chargés  de  l'interpréter,  et  quoiqu'exécutée  au  piano,  cette  partition  a 
produit  une  excellente  impression.  Plusieurs  fragments  ont  été  chaleu- 
reusement applaudis. 

„**  Notre  correspondant  de  Marseille  nous  écrit  que  M.  Aug.  Charles, 
ex-flûte  solo  des  théâtres  impériaux  de  Saint-Pétersbourg,  a  donné  der- 
nièrement dans  la  belle  salle  de  l'Union  des  arts,  avec  le  concours  des 
artistes  de  l'Opéra  et  des  artistes  les  plus  distingués  de  Marseille,  un 
concert  des  plus  brillants  et  dont  tous  les  journaux  du  Midi  ont  fait 
l'éloge.  M.  A.  Charles  vient  d'arriver  à  Paris. 

**»  Un  élève  du  professeur  Croscet,  qui  a  renoncé  à  l'état  militaire 
par  vocation  pour  la  musique,  M.  Cazaux,  a  chanté  la  semaine  dernière 
pour  la  première  fois  dans  un  concert  donné  à  la  salle  Beethoven.  11  a 
dit  l'air  de  la  Juive  de  façon  à  donner  de  grandes  espérances. 

„%  La  séance  annuelle  de  l'Orphéon  de  Paris  (rive  gauche)  aura  lieu 
îe  2fc  de  ce  mois,  au  cirque  de  l'Impératrice,  sous  la  direction  de 
M,  Fr.  Eazin. 

**„  voici  le  programme  du  huitième  concert  de  la  Société  du  Con- 
servatoire :  1°  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn.  Ouverture,  alle- 
gro appassionato,  —  adagio,  —  couplets  et  chœur,  -  scherzo,  —  mar- 
che. Soli  chantés  par  Mmes  Yandenheuvel-Duprez  et  Barthe  Benderali. — 
2"   Chœur    d'Eurianthe,  de  Weber,   solo   chanté   par  M.  de  Wast.    — 


3"  Hymne  d'Haydn ,  exécuté  par  tous  les  instruments  à  cordes.  — 
4°  Air  d'Idoménée,  de  Mozart,  chanté  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez. 
—  5°  Symphonie  en  la,  de  Beethoven.  —  6°  Psaume  (chœur),  de  Marcello. 

***  Le  24  avril,  dernier  concert  populaire  de  M.  Pasdeloup,  donné,  à 
2  heures  précises,  au  Cirque-Napoléon,  boulevard  des  Filles-du-Calvaire, 
au  profit  de  l'œuvre  de  Sainte-Geneviève.  Cette  œuvre  a  pour  but  de 
fonder  des  maisons  de  sœurs  de  charité  dans  la  banlieue,  pour  l'insti- 
tution d'écoles,  salles  d'asile,  patronages.  Les  sœurs  visitent  et  secou- 
rent les  pauvres  et  les  malades.  Mme  Rudersdorff,  qui  a  eu  tant  de 
succès  au  festival  de  Mendelsohn  et  qui  est  partie  pour  Londres  où 
l'appellent  plusieurs  engagements,  reviendra  exprès  pour  ce  concert 
dont  voici  le  programme  :  Ouverture  de  Semiramis  ;  —  symphonie  en 
ut  mineur  de  Beethoren  ;  —  scène  d'Oberon,  chantée  par  Mme  Ru- 
dersdorff; —  hymne  d'Haydn,  par  tous  les  instruments  à  cordes;  — 
air  de  l'oratorio  Elie  de  Costa,  chanté  par  Mme  Rudersdorff;  —  thèmes 
variés  et  marche  de  Lachner. 

*%  Sivori  est  allé  à  Londres  continuer  le  cours  de  ses  succès;  il 
s'est  fait  entendre  le  9  aux  Monday  popular  concerts,  dirigés  par  Cha- 
pel.  Toute  la  presse  de  Londres  est  unanime  pour  féliciter  le  célèbre 
violoniste. 

**„.  Aujourd'hui  dimanche  il  avril,  deuxième  séance  des  concerts 
classiques  du  cirque  de  l'Impératrice.  En  voici  le  programme:  sym- 
phonie en  ré  (n°  51),  d'Haydn;  Concerto  en  sol  mineur,  avec  accompa- 
gnement d'orchestre,  de  Mendelssohn,  exécuté  par  M.  E.  Lubeck;  Ou- 
verture d'Oberon,  de  Weber;  Symphonie  en  ut  mineur,  de  Beethoven. 
L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Deloffre,  chef  d'orchestre  du  théâtre 
Lyrique  impérial. 

»*„  M.  Costa,  compositeur  italien  très-distingué  et  auteur  de  plu- 
sieurs opéras  qui  ont  été  représentés  avec  succès  en  Italie,  se  trouve  à 
Paris  où,  sollicité  par  d'anciens  élèves,  il  s'occupe  d'organiser  un  cours 
de  chant  et  d'harmonie. 

„%  Le  concert  annuel  des  frères  Binfield  est  retardé  par  suite  d'in- 
disposition. 

***  Au  concert  donné  à  son  bénéfice,  Arban  avait  fait  exécuter  par 
son  orchestre  la  première  Marche  aux  Flambeaux,  de  Meyerbeer.  De- 
puis lors,  il  avait  fait  exécuter  la  deuxième  et,  avant-hier,  il  a  fait 
jouer  la  quatrième  qu'on  ne  connaissait  encore  à  Paris  que  par  l'arran- 
gement au  piano.  Cette  dernière  n'a  pas  été  moins  appréciée  que  ses 
aînées  ;  elle  avait  d'aiileurs  été  l'objet  de  la  sollicitude  toute  particu- 
lière d'Arban,  et  la  belle  œuvre  de  Meyerbeer  a  été  rendue  par 
l'excellent  orchestre  du  Casino,  de  manière  à  électriser  l'auditoire  qui  l'a 
applaudie  avec  enthousiasme. 

***  On  annonce  la  construction  prochaine  à  Munich  d'un  théâtre  po- 
pulaire qui  contiendrait  au  moins  seize  cents  places,  dont  le  tarif  serait 
tellement  modique,  que  le  parterre  ne  coûterait  qne  60  centimes,  l'or- 
chcsse  1  fr.  25  c,  les  loges  2  fr.  50  c,  les  galeries  d'avant-scène  2  fr. 
60  c,  et  la  dernière  galerie  45  centimes.  Voilà  le  vrai  spectacle  à  bon 
marché. 

»*t  L'Athénée  musical  vient  d'entrer  dans  une  phase  nouvelle.  M.  Gé- 
rault  succède  à  M.  de  Raoussel-Boulbon,  et  le  nouveau  directeur  vient 
d'ajouter  à  son  programme  de  musique  des  grands  maîtres,  la  romance 
et  la  chansonnette.  Un  nombreux  auditoire  applaudit  tous  les  soirs, 
Darcier,  Chenest,  Mlle  Praldi,  Mmes  Lider  et  Danneville,  Castel,  chan- 
teur comique,  etc. 

„,**  Jeudi  dernier  a  eu  lieu,  pour  MM.  les  membres  des  sociétés  sa- 
vantes, une  séance  d'audition  du  grand  orgue  de  Saint-Sulpice,  com- 
plètement reconstruit  et  enrichi  de  tous  les  perfectionnements  de  l'art 
moderne,  par  la  maison  A.  Cavaillé-Coll,  et  qui  est  aujourd'hui  le  plus 
considérable  de  l'Europe.  M.  Lefébure-Wely,  organiste  titulaire  du  grand 
orgue,  a  fait  entendre  cet  incomparable  instrument  avec  son  talent  ha- 
bituel, liossini  et  plusieurs  membres  de  l'Institut  assistaient  à  cette 
séance,  qui  avait  réuni  un  grand  nombre  de  personnes  de  distinc- 
tion. 

t.**  Nous  exprimions  dimanche  nos  regrets  de  la  résolution  que  ré- 
minent violoniste  Jean  Becker,  blessé  de  quelques  critiques  trop  sévè- 
res, aurait  prise  de  quitter  tout  à  fait  Paris.  Nous  apprenons  donc  avec 
plaisir  que  son  départ  a  été  motivé  par  des  engagements  qui  le  rappe- 
laient à  l'étranger,  et  que  nous  aurons  de  nouveau  le  plaisir  de  l'enten- 
dre l'hiver  prochain. 

**„,  Lundi  dernier  a  eu  lieu  l'inauguration  des  salons  de  la  manu- 
facture de  pianos  de  Philippe  Henri  llerz  neveu  et  C%  fondée  l'an 
dernier,  rue  Scribe.  Une  foule  de  notabilités  y  assistait  ;  l'espace  nous 
manque  aujourd'hui  pour  rendre  compte  de  cette  soirée  qui  a  été  fort 
brillante,  mais  nous  le  ferons  dimanche  prochain. 

t*s  Le  succès  qu'a  obtenu  le  premier  concert  donné  par  Louis  La- 
combe  a  décidé  lVminent  pianiste  compositeur  à  en  donner  un  second, 
également  dans  les  salons  d'Erard,  le  26  de  ce  mois,  à  «  heures.  M.  La- 
combe  y  fera  entendre  exclusivement  des  morceaux  de  sa  composition 
exécutés  par  lui.  et  avec  le  concours  de  MM.  Armingaud,  Jacquard, 
Arcnainbaud,  Mortier,  Wacquez,  Mass  ;  Mme  Arnould-Plessy  et  Mlle  Hus- 
tache. 


DE  PAK1S. 


127 


,,%  Mme  Louise  Lagnier,  pianiste  de  beaucoup  de  talent,  vient  de 
se  l'aire  entendre  a  la  cour  de  Turin,  avec  le  plus  grand  succès.  Sa 
Majesté  le  roi  d'Italie,  pour  lui  prouver  sa  satisfaction,  a  envoyé  à 
Mme  Lagnier,  un  magnifique  bracelet,  enrichi  de  diamants,  avec  une 
lettre  des  plus  flatteuse?  pour  notre  compatriote. 

„*,  La  fille  de  M.  Thys,  Mme  Sébault,  auteur  d'œuvres  gracieuses,  la 
pomme  de  Turquie,  le  Pays  de  Cocagne,  elc,  achève  en  ce  moment  un 
opéra-comique  en  trois  actes,  intitulé  Manetlc.  Les  personnes  qui  ont 
entendu  des  fragments  de  ce  nouvel  ouvrage,  s'accordent  à  en  dire  le 
plus  grand  bien,  et  sans  doute  nous  ne  tarderons  pas  à  être  à  même  de 
l'applaudir  sur  une  de  nos  scènes  lyriques. 

**„  Mercredi  20,  dans  les  salons  d'Erard,  aura  lieu  le  concert  donné 
par  Mlle  Octavie  Caussemille,  l'éminente  pianiste,  avec  le  concours  de 
MM.  Sighicelli,  comte  de  Plouvier,  Mass,  Franceschi,  Lévy,  Wieniavski  ; 
Mmes  Numa-Blanc  et  Dreyfus. 

„%  Dans  le  compte  rendu  du  concert  de  M.  Bauerkeller,  notre  col- 
laborateur a  indiqué  par  erreur  Mlle  Félix  Thuot,  comme  ayant  chanté 
dans  cette  soirée,  tandis  que  c'était  Mlle  Bellerive,  à  laquelle  reviennent 
dès  lors  les  éloges  donnés  à  son  talent. 

«%  Un  jeune  pianiste  compositeur  de  Florence,  M.  Ch.  Ducci,  vient 
de  passer  quelques  jours  à  Paris,  avant  de  se  rendre  à  Londres,  où  il 
est  appelé  par  de  brillants  engagements,  résultat  des  concerts  qu'il  a 
donnés  en  Italie  et  notamment  à  Rome,  où,  dans  la  grande  salle  du 
palais  Braschi,  en  présence  du  prince  de  Galles,  il  a  obtenu  un  beau 
succès.  M.  Ducci  s'est  surtout  attaché  à  l'étude  des  classiques,  et  peu 
d'artistes  les  possèdent  comme  lui.  Sa  Chronologie  de  l'art  musical  ap- 
pliquée au  piano  est  un  travail  très-remarquable;  elle  lui  fournit  des 
sujets  de  programme  fort  curieux  que  nous  serons  appelés  à  apprécier 
l'hiver  prochain. 

***  Après  un  silence  de  quatre  années,  qu'il  a  consacrées  à  la  com- 
position, Litolff,  cédant  aux  sollicitations  des  nombreux  admirateurs  de 
son  magnifique  talent  de  pianiste,  s'est  décidé  à  se  faire  entendre  de 
nouveau  en  public,  et  vient  de  visiter  plusieurs  villes  de  Belgique  où 
les  Sociétés  s'étaient  empressées  d'obtenir  son  concours.  Il  a  été  ac- 
cueilli avec  le  plus  grand  enthousiasme.  Son  quatrième  concerto,  le 
Chant  de  la  Filcuse.  la  Valse  di  Bravura,  le  Scherzo  (inédit),  le  Carnoval 
de  Paris,  etc.,  ont  obtenu  partout  les  suffrages  unanimes  de  l'auditoire. 
Les  bravos,  les  bis,  les  chaleureuses  ovations,  rien  n'a  manqué.  Li- 
tolff est  encore  attendu  à  Bruxelles,  le  (6  courant,  pour  un  grand 
concert  qui  s'organise  au  profit  des  indigents. 

g*^  A  la  dernière  séance  du  cours  d'ensemble  de  Mme  Clara  Pfeiffer, 
l'habile  phalange  de  jeunes  pianistes  qu'elle  dirige  avec  sa  supériorité 
habituelle,  a  exécuté  à  quatre  pianos  la  symphonie  de  Georges  Ma- 
thias,  avec  des  nuances  d'une  telle  finesse,  que  l'effet  ne  peut  en 
être  surpassé  que  par  la  variété  des  timbres  de  l'orchestre.  L'auteur 
qui  assistait  à  l'exécution  de  son  œuvre,  a  donné  les  plus  grands  éloges 
aux  élèves  qui  y  ont  concouru,  et  dont  quelques-unes  se  sont  fait  éga- 
lement remarquer  dans  des  solos  joués  avec  une  pureté  de  style  et  de 
mécanisme,  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'enseignement  si  appré- 
cié de  Mme  Clara  Pfeiffer.  Mme  Ernest  Bertrand  a  bien  voulu  prêter 
l'appui  de  son  talent  sympathique  à  cette  séance  pleine  d'intérêt. 

»%  Aujourd'hui  dimanche,  grand  festival  musical  au  Pré-Catelan. — 
Prochainement,  inauguration  des  matinées  musicales  du  jeudi  par  une 
fête  magnifique. 

3*,,.  Le  machiniste  du  théâtre  de  la  cour,  à  Dresde,  M.  Haenel,  qui  a 
sauvé  avec  un  dévouement  vraiment  héroïque  Mme  Btirde-Ney  au  mo- 
ment où  elle  allait  périr  dans  les  flammes,  vient  de  mourir  par  suite 
des  brûlures  dont  il  fut  atteint  lui-même  à  cette  occasion. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

***  Bordeaux.  —  Nous  avons  eu  enfin  la  première  représentation  du 
Templier,  de  Nicolaï.  C'est  en  4  840,  à  Turin,  que  l'auteur,  Othon  Nicolaï, 
qui  était  de  Kcenigsberg  et  qui  étudia  longtemps  en  Italie  les  œuvres  des 
maîtres,  fit  représenter  cet  ouvrage.  Il  contracta  leur  manière  et  leurs 
procédés  et  l'on  peut  reconnaître  à  chaque  pas,  dans  ses  partitions,  les  for- 
mes d'accompagnements, les  rhythmes  et  même  des  mélodies  de  Donizetti 
et  de  Bellini.La  partition  du  Templier  est  sans  contredit  la  meilleure  de  cel- 
les que  Nicolaï  a  composées;  elle  avait  été,  lors  de  l'apparition  de  l'ou- 
vrage, publiée  en  Italien  à  Paris;  la  traduction  française  a  été  faite  par 
M.  Danglars,  qui  a  déjà  approprié  à  la  scène  française  Martha  et  plu- 
sieurs autres  opéras  étrangers.  Le  succès  a  été  très-grand  et  nous 
avons  rarement  vu  un  ouvrage  nouveau  plus  applaudi  à  sa  première  re- 
présentation. La  musique  le  mérite  d'ailleurs,  car  elle  contient  de  fort 
beaux  morceaux,  et  l'on  a  fait  répéter  le  sextuor  du  deuxième 
acte.  Le  Templier  était  interprété  par  M.  Peschard  (Ivanhoe),  Mlle  El- 
mire  (Rebecca) ,  M.  Marthieu  (Cedric  le  saxon),  M.  Meric  (Brian), 
Mme  Ferd.  Sallard  (Lady  Rowena).  Ils  y  ont  mis  tout  leur  zèle  et  tout 
leur  talent;  aussi  ont-ils  tous  été  rappelés  à  plusieurs  reprises;  les 
chœurs  ont  bien  marché,  surtout  à  la  deuxième  représentation  qui  a 
confirmé  le  succès  de  la  première.  La  mise  en  scène  est  fort  soignée. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


,%,  Londres.  —  Samedi  a  eu  lieu  l'ouverture  du  théâtre  de  Sa  Majesté 
par  Kigoletto.  Giuglini  a  été  charmant  dans  le  rôle  du  duc  de  Mantoue, 
et  Mlle  Vitali,  très-jeune  artiste  qui  vient  de  Bologne,  a  été  accueillie 
avec  bienveillance.  Son  talent  do  comédienne  est  médiocre,  mais  elle  a 
une  jolie  voix,  et  malgré  son  inexpérience,  elle  pourra  devenir  une 
bonne  acquisition  pour  M.  Mapleson.  Un  baryton  pour  lequel  Verdi  a 
écrit  le  rôle  de  Rigoletto,  M.  Varese,  quoique  grand  artiste,  a  perdu  une 
partie  de  sa  puissance  ;  néanmoins  il  s'est  montré  dramatique  et  éner- 
gique. Un  nouveau  contralto,  Mlle  Bettelheim,  qui  arrive  de  Vienne 
précédée  d'une  belle  réputation,  a  chanté  le  rôle  de  Maddalena.  Kigolelto 
a  été  donné  une  seconde  fois  mardi,  et  jeudi  on  a  joué  Marta  avec  Giu- 
glini, Santlej',  Mlle  Vitali  et  Mlle  Bettelheim.  Cette  représentation  a  été 
très- brillante. —  Au  théâtre  royal  italien  aura  lieu  samedi  Guillaume  Tell, 
avec  le  ténor  Wachtel. — Jeudi  on  a  donné  eu  l'honneur  de  Garibaldi,  qui 
y  assistait,  une  représentation  de  Norma  et  de  deux  actes  de  Masa- 
niello. 

„,%  Bruxelles.  —  Le  Conservatoire  royal  donnera,  dimanche  47  avril, 
un  concert  dans  lequel  on  exécutera  l'ouverture  et  les  entr'actes  de 
Sirucnsée,  de  Meyerbeer.  Joseph  Wieniavski  y  jouera  un  concerto  de  piano 
de  sa  composition. —  Après  la  Traviata,  la  Compagnie  italienne  adonné 
au  théâtre  national  un  Ballo  in  maschera.  Mlle  Poch  y  a  débuté  et  son 
succès  a  été  des  plus  chaleureux.  Déjà  cette  vaillante  cantatrice  avait 
brillamment  réussi  à  Gand,  dans  le  rôle  de  Leonora  du  Trovature,  en 
compagnie  de  Zucchi,  Muriani  et  de  Ponti.  —  Mme  Ferraris  n'a  pu  ré- 
sister aux  sollicitations  de  notre  public;  elle  a  consenti  à  prolonger 
son  séjour  ici  jusqu'à  la  fin  du  mois  et  naturellement  ses  représenta- 
tions auront  pour  objet  VEtoile  de  Messine,  le  charmant  ballet  du  comte 
Gabrielli,  dans  lequel  ia  célèbre  danseuse  a  constamment  provoqué 
l'enthousiasme  des  spectateurs. 

***  Liège.  —  Roger  nous  a  quittés.  Le  soir  de  sa  dernière  représen- 
tation, les  artistes  de  notre  théâtre  lui  ont  fait  une  véritable  ovation,  à 
laquelle  s'est  associé  le  public.  Un  magnifique  bouquet  lui  a  été  remis 
sur  la  scène  par  Mlle  Duprez,  et  une  couronne  lui  a  été  offerte  par 
MM.  Wicart  et  Achard. 

*%  Anvers.  —  C'est  par  Martha  que  s'est  clôturée  notre  saison  théâ- 
trale. L'opéra  de  Flotow  a  été  pour  les  artistes  principaux  l'occasion 
de  nombreux  témoignages  de  sympathies  de  la  part  des  abonnés.  Mlle 
Delmary  et  Mlle  Castan;  MM.  Dussargues  et  Sapin  ont  reçu  de  fort 
beaux  cadeaux. 

**„,  Cologne.  —  Le  10e  et  dernier  concert  d'abonnement  a  eu  lieu  à  la 
salle  du  Gûrzenich.  Le  célèbre  violoniste  J.  Joachim  y  a  joué  avec  un 
art  consommé  le  concerto  de  Beethoven. 

***  Wiesbaden.  —  Malgré  toutes  les  splendeurs  de  la  mise  en  scène, 
Ondine,  opéra-féerie  de  Lortzing,  n'a  eu  qu'un  faible  succès.—  Joseph  en 
Egypte,  par  Méhul,  a  toujours  toutes  les  sympathies  du  public— On  an- 
nonce comme  prochaine  la  représentation  de  Rizzio,  opéra  nouveau  de 
Schliebner. 

***  Zurich.  —  Parmi  les  opéras  donnés  ici  dans  le  courant  de  la 
la  saison,  nous  citerons:  Norma,  Dinorah,  le  Prophète  et  Faust,  de  Gou- 
nod. 

***  Berlin.  —  La  reprise  des  Huguenots  a  fait  salle  comble.  Mlle  de 
Ferey,  qui  débutait  pour  la  troisième  fois  dans  le  rôle  de  Marguerite, 
ne  parait  pas  avoir  réussi  à  se  concilier  la  faveur  du  public.  Par  contre, 
Mlle  Lucca,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  dans  le  numéro  précédent,  a  eu 
des  élans  admirables  ;  elle  a  été  rappelée  trois  fois  de  suite. 

t*t  Vienne.  —  Après  le  Ballo  in  maschera,  les  Italiens  ont  donné  Lu- 
cia.  La  signora  Volpini,  chargée  du  rôle  principal,  s'est  fait  applaudir 
dans  quelques  passages.  Quant  à  Graziani,  il  a  rendu  avec  beaucoup 
d'expression  et  de  goût  celui  d'Edgardo. 

***  Munich.  —  Le  ténor  Niemann  a  reçu  de  l'intendant  du  théâtre 
de  la  cour  de  Bavière  une  magnifique  coupe  incrustée  d'argent,  et  d'un 
précieux  travail,  représentant  des  emblèmes  de  chasses.  On  sait  que 
M.  Niemann  a  une  grande  réputation  de  chasseur. 

*%  Saint-Pétersbourg.  —  Le  grand  concert  donné  annuellement  au 
profit  des  Invalides  a  eu  lieu  le  19-31  mars  au  grand  théâtre.  11  comp- 
tait 640  musiciens  des  orchestres  de  l'armée  et  334  chantres  de  la  cha- 
pelle impériale,  sous  la  direction  de  Doerfeldt.  La  salle,  dont  la  déco- 
ration avait  été  disposée  avec  un  luxe  et  une  somptuosité  féeriques, 
offrait  le  spectacle  le  plus  imposant.  L'empereur  occupait  sa  loge  de 
gala  entouré  de  la  famille  impériale;  tous  les  généraux  et  dignitaires 
de  l'empire  étaient  en  grande  tenue,  et  les  dames  en  toilette  de  cour 
ou  de  bal.  Le  programme  était  splendide.  La  marche,  composée  par 
Meyerbeer,  pour  le  couronnement  du  roi  de  Prusse,  y  figurait  en  per- 
mière  ligne;  elle  a  produit  un  effet  immense. 


182 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHANGEMENT    DE    DOMICILE 

GASIBOGI  FBÈBES,  éditeur».,  11%,  rue  de  Richelieu  (maison  Frascati),  a  l'entrée  du  boulevard  Montmartre. 

Pour  paraître  le  lendemain  de  la  première  représentation 


au  théâtre  Lyrique  impérial, 


LA    CAPTIVE 


Grand  opéra  en  trois  actes,  de 


Paroles  de  M.  MICHEL  CARRÉ. 
Partition  Piano  et  Chant,  Airs  détachés  et  arrangements  divers. 


En  vente  chez  G.  DDAWts  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  ÎOS,  rue  de  Richelieu,  au  1er  : 

DEUXIÈME    ÉDITION    REVUE    ET    PERFECTIONNÉE 

MANUEL  DES  PRINCIPES  DE  MUSIQUE 

A  L'USAGE  DES  PROFESSEURS  ET  DES  ÉLÈVES  DE  TOUTES  LES  ÉCOLES  DE  MUSIQUE,  PARTICULIÈREMENT  DES  ÉCOLES  PRIMAIRES, 


Format  in-8°. 


m 


Maître  de  chapelle  du  roi  dos  Belges,  directeur  du  Conservatoire  de  musique  de  Bruxelles.  Prix  net  :  »  fr.  50. 


MANUFACTURE   D'INSTRUMENTS   DE   MUSIQUE  EN    CUIVRE  ET   EN   BOIS  (Fondée  en  1843) 

50,  rue  Saint-Georges,  à  Paris. 

Maison    ADOLPHE    SAX* 

Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des   Guides   et   des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  limbolles,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc. 

Toqe  Us  insirumenti  portem  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  mdson  militaire  de  l'Empereur,    H5H? 

[e  numéro  d'ordre  de  l'initrumenl  el  le  poinçon  ci-après  : 
SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851,  1855 
et  1S62,  reSsttife.  aux  Saxophones  (BREVET  DE  18-flG.) 

« Parmi   les   inventeurs    d'instruments  de    musique,  la  plus   haute    distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sons  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  (Exposit.  4851.) 

a  Famille   complète   des    Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  jou«  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
Saxophone  l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 

alto  MI  bémol,  habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes   à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  ;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions; tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès;  celui-ci,  au  contraire,  est  né  d'hier;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges   a  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  {Exposit.  1Sôo.) 

œ  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  [Exposit.  <86i.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  mosioues  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 

Saxophone  soprano,  %OD  fr.—  Saxophone  ténor,  %%5  fr. —  Saxophone  alto,  ««5  fr. —  Saxophone  baryton,  %SO  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 

l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 

pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  b'  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


PARIS    —  nirmSIEKIE  CENTS/LIE  DE  NIPOIEOIV  CIIA1X  ET  C",  RCE  BERGE 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


W  17. 


24  Avril  1864. 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  ft  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  do  Musique,  lis  Libraires, 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Poslos. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.parm 

Départements,  Belgique  et  Suisse...,    30  »       id. 

Étranger 3i  "       "• 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


TTEMU 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Giacomo  Meyerbeer  (3e  article),  par  Fétis  père.  —  Théâtre 
impérial  de  l'Opéra  :  rentrée  de  Mlle  Mourawief  dans  Giselle.  —  Théâtre  im- 
périal Italien  :  reprises  diverses  et  représentation  extraordinaire;  Mlle  Patti 
dans  un  acte  de  Faust,  de  Gounod,  par  Paul  Smith.  —  Auditions  et  con- 
certs. —  Manufacture  de  pianos  de  Philippe-Henri  Herz  neveu  et  C°.  -  Sur 
la  neuvième  symphonie  de  Beethoven,  par  ILéopolii  Sonnleithner.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


MEYERBEER    (Giacomo). 

(3e  article)  (1). 

Si  l'on  examine  avec  attention  la  partition  du  Crotiato,  on  y  dé- 
couvre des  signes  non  équivoques  de  la  réaction  opérée  dans  la  ma- 
nière du  compositeur,  et  de  sa  tentative  d'une  fusion  de  ses  ten- 
dances primitives  avec  le  style  italien  qui  caractérise  Emma  di 
Resburgo  et  Marguerite  d'Anjou.  L'individualité  du  talent  de 
Meyerbeer  tendait  à  se  prononcer,  et  son  heureux  penchant  pour 
l'expression  énergique  des  situations  dramatiques  se  faisait  aperce- 
voir. Pour  se  développer,  son  talent  n'avait  plus  qu'à  se  livrer  à 
l'étude  de  la  scène  française  ;  une  circon=lance  favorable  se  présenta 
dans  'invitation  reçue  par  Meyerbeer  de  la  part  de  M.  de  la  Roche- 
foucauld, pour  qu'il  dirigeât  à  Paris  la  mise  en  scène  de  son  Cro- 
ciato;  car  ce  fut  à  Paris  même  que  s'acheva  la  transformation  des 
idées  de  l'artiste. 

Le  Crociato  n'eut  point  à  Paris  le  succès  d'enthousiasme  qu'il  avait 
obtenu  à  Venise,  à  Rome,  à  Milan,  à  Turin,  dans  toute  l'Italie,  enOn, 
et  qu'il  eut  plus  tard  en  Espagne,  à  Lisbonne,  à  Londres  ainsi  qu'en 
Allemagne.  Les  circonstances  ne  le  favorisaient  pas.  A  Paris,  on  ne 
partage  pas  les  couronnes  :  elles  tombent  toutes  sur  une  seule  tête. 
En  1826,  les  habitués  du  théâtre  Italien  ne  voulaient  pas  qu'il  y  eût 
d'autre  compositeur  possible  que  Rossini,  ni  d'autre  musique  que  la 
sienne.  Trop  sérieuse  pour  la  plupart  des  dilettantes,  la  musique  du 
Crociato  ne  fut  appréciée  à  sa  juste  valeur  que  par  un  petit  nombre 
de  connaisseurs,  qui  firent  avec  impartialité  la  part  des  beautés  et 
celle  des  défauts.  Personne  même,  il  faut  l'avouer,  ne  devina  la  por- 

(1)  Voir  les  n01  15  et  16. 


tée  du  talent  de  l'auteur  de  cet  ouvrage  ;  personne  n'aperçut  dans 
le  Crociato  le  génie  qui  devait  produire  les  opéras,  dont  les  larges 
conceptions  régnent  sur  toutes  les  scènes  des  deux  mondes  depuis 
1831.  Ceux  qui  estimaient  cette  partition,  la  considéraient  comme  le 
degré  le  plus  élevé  du  talent  de  l'auteur  ;  en  quelque  sorte  comme 
son  dernier  mot.  Le  silence  gardé  par  Meyerbeer  pendant  plusieurs 
années  sembla  justifier  leur  jugement.  Son  mariage  et  la  perte  dou- 
loureuse de  deux  enfants  avaient  suspendu  ses  travaux;  il  y  revint, 
enfin,  en  1828;  mais  lorsqu'il  reprit  sa  plume,  sa  nouvelle  route 
était  tracée  ;  mûri  par  plusieurs  années  de  méditations,  son  génie 
s'était  transformé,  et  son  talent  avait  le  caractère  qui  lui  est  propre. 
Tout  le  monde  sait  aujourd'hui  quels  ont  été  les  résultats  de  modi- 
fications si  radicales. 

L'achèvement  de  Robert  le  Diable,  retardé  par  de  fréquents 
voyages,  fut  enfin  complet  vers  la  fin  de  juillet  1830,  et  cette  parti- 
tion, écrite  pour  le  grand  Opéra  de  Paris,  fut  déposée,  par  Meyer- 
beer, à  l'administration  de  ce  théâtre,  vers  la  même  époque.  La 
révolution,  qui  venait  de  s'achever  en  trois  jours  à  Paris,  en  avait 
fait  naître  une  autre  dans  les  coulisses  des  théâtres.  A  la  direction 
royale  de  l'Opéra  succéda  bientôt  une  entreprise  particulière  qui,  dans 
les  clauses  et  conditions  de  son  contrat,  n'admit  que  comme  une 
charge  onéreuse  l'obligation  de  faire  jouer  l'ouvrage  de  Meyerbeer. 
Ce  ne  fut  qu'au  mois  de  novembre  1831  que  cet  opéra  fut  représenté; 
en  dépit  du  dénigrement  dont  il  avait  été  l'objet,  avec  lui  commença 
la  fortune  de  ce  qu'on  appelait  alors  l'Académie  royale  de  musique. 
Les  dernières  répétitions  générales  se  signalèrent  par  des  incidents 
fort  curieux.  Une  multitude  de  ces  critiques  de  profession,  sans  con- 
naissances suffisantes  de  l'art,  qui  abondent  à  Paris  plus  qu'en  aucun 
autre  lieu,  s'y  trouvaient  et  immolaient  l'œuvre  du  musicien  le  plus 
gaiement  possible.  C'était  à  qui  dirait  le  mot  le  plus  plaisant,  ou 
ferait  l'oraison  funèbre  la  plus  spirituelle  et  la  plus  grotesque  de  la 
partition.  Au  résumé,  la  pièce  ne  devait  pas  avoir  dix  représenta- 
tions. L'entrepreneur,  dont  l'oreille  avait  été  frappée  de  ces  tristes 
présages,  aperçut  dans  la  salle  l'auteur  de  celte  notice,  et  alla  lui 
confier  sos  craintes.  «  Soyez  sans  inquiétude,  lui  dit  celui-ci;  j'ai  bien 
écouté,  et  je  suis  certain  de  ne  pas  me  tromper.  Il  y  a  là  dedans 
beaucoup  plus  de  beautés  que  d'imperfections.  La  scène  est  saisie  ; 
l'impression  sera  vive  et  profonde.  Cela  ira  aux  nues  et  fera  le  tour 
du  monde.  » 


130 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


L'événement  a  prouvé  que  ce  jugement  était  le  bon;  jamais  œuvre 
dramatique  ne  fut  plus  populaire  ;  jamais  succès  ne  fut  plus  univer- 
sel. Ajoutons  avec  certitude  qu'il  n'en  est  pas  dont  l'heureuse  for- 
tune ait  eu  une  durée  comparable  ;  car  elle  s'est  soutenue  pendant 
plus  de  trente  ans  jusqu'au  moment  où  ceci  est  écrit  (1862),  et  vrai- 
semblablement elle  n'est  pas  près  de  finir.  Avec  Robert  le  Diable 
ont  commencé,  à  l'Opéra,  les  recettes  de  dix  mille  francs,  qui  y 
élaient  auparavant  inconnues.  Traduit  en  italien,  en  allemand,  en  an- 
glais, en  hollandais,  en  russe,  en  polonais,  en  danois,  cet  opéra  a  été 
joué  partout  et  vingt  fois  repris  dans  les  petites  villes  comme  dans 
les  grandes  ;  partout  il  a  excité  le  même  enthousiasme  ;  son  succès 
n"a  pas  été  limité  à  l'Europe  seule  :  à  la  Nouvelle-Orléans,  Robert  le 
Diable  a  été  joué  pendant  plusieurs  mois  sur  les  deux  théâtres  anglais 
et  français  ;  la  Havane,  Mexico,  Lima,  Alger,  ont  aussi  voulu  l'en- 
tendre, et  l'ont  salué  par  d'unanimes  applaudissements. 

Un  homme  nouveau  s'est  révélé  dans  cet  ouvrage.  Ce  n'est  plus  le 
Meyerbeer  de  l'Allemagne,  élève  roide  et  guindé  de  Vcgler  ;  ce  n'est 
plus  celui  de  l'Italie,  se  jetant  violemment  hors  de  ses  habitudes 
d'école  pour  apprendre,  par  imitation  de  Rossini,  l'art  de  faire  chan- 
ter les  voix  et  de  colorer  les  effets  de  l'instrumentation;  ce  n'est  pas 
même  la  fusion  des  deux  manières  pour  arriver  à  des-  effets  variés  ; 
c'est  une  création  tout  entière,  où  il  ne  reste  à  l'artiste,  de  ses  pre- 
mières époques,  que  l'expérience  acquise  dans  ses  travaux.  Six.an- 
nées  de  repos,  ou  plutôt  d'études,  six  années  de  méditation,  d'obser- 
vation et  d'analyse  ont  enfin  coordonné  en  un  tout  complet,  original 
et  puissant,  ce  que  la  nature  a  mis  de  sentiments  énergiques  dans 
son  âme,  ce  que  l'audace  donne  de  nouveauté  aux  idées,  ce  que  la 
philosophie  de  l'art  prête  d'élévation  au  style,  et  ce  qu'un  méca- 
nisme exercé  procure  de  sûreté  à  l'artiste  dans  les  effets  qu'il  veut 
produire. 

Après  l'éclatant  succès  de  Robert  le  Diable,  l'administration  de 
l'Opéra  avait  compris  que  les  productions  de  Meyerbeer  exerce- 
raient désormais  une  heureuse  influence  sur  son  entreprise  ;  elle  ne 
négligea  rien  pour  le  déterminer  à  écrire  un  nouvel  ouvrage,  et  le 
livret  des  Huguenots  lui  fut  confié  ;  mais,  afin  d'avoir  la  certitude 
que  le  compositeur  ne  mettrait  pas  trop  de  lenteur  dans  son  tra- 
vail, un  dédit  de  trente  mille  francs  fut  stipulé  pour  le  cas  où  la 
partition  ne  serait  pas  livrée  dans  un  délai  déterminé.  Pendant  que 
Meyerbeer  était  occupé  à  écrire  cet  ouvrage,  la  santé  de  sa  femme, 
sérieusement  altérée  par  une  affection  de  poitrine,  l'obligea,  d'après 
l'avis  des  médecins,  à  [fixer  momentanément  son  séjour  en  Italie. 
Dans  cette  situation,  il  demanda  un  délai  de  six  mois  pour  la  mise 
en  répétition  de  son  opéra  ;  mais  cette  juste  demande  fut  repoussée  ; 
alors  Meyerbeer  retira  sa  partition,  paj a  le  dédit  et  partit.  Bientôt, 
cependant,  l'entrepreneur  comprit  la  nécessité  de  donner  les  Hu- 
guenots, pour  empêcher  le  public  de  s'éloigner  de  son  spectacle  ;  il 
rendit  le  dédit,  et  le  nouvel  opéra  de  Meyerbeer  fut  représenté  le 
21  février  1836. 

Les  dispositions  du  poëme  des  Huguenots  n'ont  pas  d'analogie 
avec  celles  de  Robert  le  Diable  ;  l'action  s'y  développe  avec  lenteur, 
et  l'intérêt  ne  commence  que  vers  le  milieu  du  troisième  acte;  jus- 
que-là, c'est  de  l'opéra  de  demi-caractère,  où  le  musicien  seul  a  dû 
soutenir  l'attention  dans  des  scènes  vides  d'action.  Un  talent  supé- 
rieur pouvait  seul  triompher  de  ces  difficultés.  Au  premier  abord,  tii 
le  public,  ni  la  plupart  des  critiques  ne  comprirent  le  mérite  que 
Meyerbeer  y  avait  déployé.  Quoiqu'on  avouât  que  le  duo  de  Valen- 
tine  et  de  Marcel,  au  troisième  acte,  la  scène  du  duel,  tout  le  qua- 
trième acte  et  une  partie  du  cinquième,  ont  des  beautés  de  premier 
ordre,  et  bien  qu'on  déclarât  qu'on  ne  connaissait  rien  d'aussi  pa- 
thétique que  la  dernière  scène  du  quatrième  acte,  il  fut  convenu  que 
la  partition  des  Huguenots  était  inférieure  à  celle  de  Robert  le  Diable. 
Plus  lard,  les  gens  désintéressés  ont  abjuré  leur  erreur  ;  pour  eux, 
la  valeur  de  l'ouvrage  s'est  accrue  d'année  en  année,  et  les  plus  ré- 


calcitrants ont  dû  se  rendre  à  l'évidence  d'un  succès  constaté  par 
plusieurs  milliers  de  représentations,  données  pendant  vingt-cinq 
ans  dans  toutes  les  parties  du  monde.  Après  les  deux  premières  an- 
nées de  ce  grand  succès,  un  parti  qui  avait  des  intérêts  contraires 
a  exercé  la  rigueur  et  l'injustice  de  sa  critique  avec  plus  d'acharne- 
ment que  dans  la  nouveauté  de  l'œuvre.  Qu'en  est-il  résulté  ?  La 
partition  des  Huguenots,  avec  les  quelques  défauts  et  les  beautés 
inhérentes  au  talent  du  maître,  s'est  maintenue  dans  toute  sa  re- 
nommée. 

Après  les  Huguenots,  un  intervalle  de  treize  années  s'écoula  sans 
que  Meyerbeer  fît  représenter  aucun  ouvrage  nouveau  sur  la  scène 
française.  Ce  long  silence  eut  plusieurs  causes.  La  première  paraît 
avoir  été  dans  les  modifications  du  personnel  chantant  de  l'Opéra  et 
dans  son  affaiblissement  progressif.  Une  autre  cause  explique  l'é- 
loignement  où  l'illustre  maître  resta  du  théâtre  de  sa  gloire  pendant 
une  période  si  longue  ,  elle  se  trouve  dans  l'intérêt  que  le  roi  de 
Prusse  lui  témoigna,  à  l'époque  de  son  avènement  au  trône,  et  dans 
les  fonctions  actives  que  Meyerbeer  eut  à  remplir  près  de  ce 
prince,  après  sa  nomination  de  premier  maître  de  chapelle.  La  com- 
position d'un  grand  nombre  de  psaumes  et  de  cantates  religieuses, 
avec  ou  sans  accompagnement  d'orchestre,  de  musique  d'église  et 
de  mélodies  de  différents  genres,  dont  il  sera  parlé  plus  loin,  avait 
occupé  une  partie  de  ce  temps.  Le  premier  ouvrage  officiel  qu'il 
écrivit  pour  la  cour  de  Berlin  fut  une  grande  cantate  avec  tableaux, 
intitulée  :  la  Festa  nella  cortc  di  Ferrara,  pour  une  fête  donnée  par 
le  roi,  en  1843.  Le  7  décembre  1844,  le  maître  fit  représenter, 
pour  l'inauguration  du  nouveau  théâtre  royal  de  cette  ville,  un  opéra 
allemand  en  trois  actes,  intitulé  :  Ein  Feldlager  in  Schlesien  (un 
camp  en  Silésie).  Cet  ouvrage  de  circonstance  ne  produisit  tout 
l'effet  que  s'en  était  promis  Meyerbeer  que  lorsque  la  célèbre  can- 
tatrice Jenny  Lind  fut  chargée  du  rôle  principal.  Il  eut  surtout  un 
brillant  succès  lorsqu'elle  le  chanta  à  Vienne,  sous  le  titre  de 
Wiellca>  avec  beaucoup  de  changements  et  d'augmentations  en  1847. 

FÉTIS  père. 
{La  suite  prochainement.) 


THEATRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

Rentrée  de  Mlle  Monrawîef  dans  Gîselle. 

Dans  quelques  jours,  il  y  aura  une  année  que  Mlle  Mourawief  a 
fait  ses  débuts  à  Paris  dans  ce  ballet  qui  vient  de  servir  à  sa  ren- 
trée. On  sait  quels  furent  depuis  ses  succès  dans  son  pays  natal, 
et  de  quels  adieux  ses  admirateurs  se  sont  permis  de  saluer  son 
départ.  A  Saint-Pétersbourg,  on  se  permet  tout;  à  Paris,  l'enthou- 
siasme est  tenu  de  s'observer;  tout  à  l'heure  nous  en  aurons  la 
preuve.  Si  donc  Mlle  Mourawief  n'a  pas  retrouvé  sur  les  bords  de  la 
Seine  les  mêmes  démonstrations  que  sur  ceux  de  la  Néwa,  c'est  tout 
simplement  que  les  mœurs  y  sont  différentes,  car  la  charmante 
ballerine  nous  est  revenue  telle  que  nous  l'avions  admirée,  applaudie: 
elle  n'a  rien  perdu  en  talent,  rien  gagné  en  embonpoint;  la  préci- 
sion de  ses  pas  est  toujours  ce  que  nous  avons  vu  de  plus  extraor- 
dinaire, et  elle  nous  semble  avoir  fait  de  grands  progrès  dans 
l'expression  de  sa  pantomime. 

Il  n'y  a  eu  qu'un  sentiment  sur  la  manière  dont  elle  a  rempli 
tout  son  rôle  ;  on  le  lui  a  témoigné  par  des  bravos  et  des  rappels 
unanimes.  Deux  bouquets  seulement  ont  été  jetés  pendant  le  spec- 
tacle, deux  énormes  bouquets,  mais  sans  aucun  mélange  de  diamants 
ou  autres  pierreries.  Pour  ne  pas  faire  de  jalouses,  le  premier 
est  tombé  aux  pieds  de  Mme  Zina  Richard,  le  second  à  ceux  de 
Mlle  Mourawief;  et  nulle  réclamation  n'aurait  pu  s'élever  contre  l'im- 
partialité de  cet  hommage,  que   le  suffrage  universel  a  confirmé. 


DE  PARIS. 


131 


Mlle  Laure  Fonta,  MM.  Mérante,  Coralli  et  Chapuy  ont  concouru  pour 
leur  bonne  part  à  l'éclat  de  la  soirée,  dont  l'honneur  principal  re- 
vient à  la  jeune  artiste  russe,  qui  promet  d'être  si  utile  à  notre 
ballet  français. 


THEATRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

Reprises  diverses  et  représentation  extraordinaire.  — 
Bille  Patti  dans  un  acte  du  #•'«•#»?,  de  Gounotl. 

Rien  de  plus  varié,  de  plus  accidenté  que  le  répertoire  du  théâtre 
Italien  depuis  une  semaine.  Nous  en  sommes  restés  à  la  représentation 
au  bénéfice  de  Mlle  Patti,  et  nous  avons  dit  qu'elle  avait  été  des  plus 
belles,  sans  parler  des  masses  de  fleurs  qui  lui  ont  été  prodiguées. 
La  représentation  avait  lieu  le  vendredi,  mais  deux  jours  après,  di- 
manche dernier,  c'était  bien  autre  chose.  On  jouait  le  Barbier  de 
SêvUle,  et  bientôt  un  feu  roulant  de  bouquets  se  mit  à  partir  d'une 
loge  d'avant-scène.  Les  bouquets  se  succédaient  si  vite  et  tombaient 
si  dru  qu'on  eût  juré  qu'un  prestidigitateur,  comme  Robert  Houdin, 
les  tirait  d'un  chapeau  par  douzaines.  Mais  des  colliers,  des  brace- 
lets brillaient  parmi  ces  fleurs  :  c'était  donc  autre  chose  que  de  la 
magie  blanche.  Il  y  avait  là  quelque  méprise  :  un  étranger  se  croyai^ 
dans  son  pays  et  ne  se  conformait  pas  à  nos  usages.  C'est  ce  dont 
on  s'aperçut,  peut-êtri  un  peu  tard,  et  1a  batterie  démasquée  fut 
aussitôt  démontée.  Le  lendemain,  les  bijoux  ont  été  rendus  à  qui  de 
droit  par  un  commissaire  de  police. 

De  la  reprise  de  l'Italiana  in  Algieri,  nous  ne  dirons  rien,  sinon 
qu'elle  a  eu  lieu  mardi,  et  heureusement  sans  récidive. 

Mercredi,  seconde  édition  du  spectacle  donné  le  vendredi  précé- 
dent. 

Jeudi,  Poliuto  a  reparu  avec  Fraschini,  Giraldoni  et  Carlotta  Mar- 
chisio. 

Enfin,  vendredi  est  venue  la  représentation  exlraordinairs  au- 
profit  de  l'œuvre  des  Enfants  convalescents.  Si  nous  avions  le  temps, 
nous  commencerions  par  décrire  la  salle,  qui  était  ce  jour-là  plus  que 
jamais  brillante,  aristocratique  et  remplie  jusqu'aux  derniers  recoins. 

L'événement  de  la  soirée,  c'était  le  troisième  acte  du  Faust,  de 
Gounod,  dans  lequel  Mlle  Patti  jouait  le  rôle  de  Marguerite.  D'abord, 
figurez-vous  que  Mlle  Patti  avait  une  perruque  blonde  :  l'Espagne 
s'était  germanisée  !  Et  puis,  elle  a  pris  le  rôle  tout  autrement  que 
Mme  Miolan.  Elle  y  a  semé  des  traits  de  naïveté  enjouée,  de  coquet- 
terie enfantine,  au  lieu  d'être  constamment  triste  et  rêveuse.  Lequel 
vaut  le  mieux  ?  Dans  la  romance  du  Roi  de  Thulé ,  dans  les  cou- 
plets des  Bijoux,  dans  la  dernière  scène,  Mlle  Patti  a  délicieuse- 
ment chanté,  un  peu  à  l'italienne:  son  succès  a  été  immense  !  On  n'a- 
vait rien  négligé  pour  la  mise  en  scène.  Morini  jouait  le  rôle  de 
Faust  et  Mme  Méric- Lablache  celui  de  Siebel.  En  somme,  le  troi- 
sième acte  de  Faust  a  produit  beaucoup  d'effet,  mais  pas  plus  qu'au 
théâtre  Lyrique. 

Dans  le  concert  qui  précédait,  Mmes  Charton  et  Marchisio  ont 
chanté  des  morceaux  du  Stabat;  Alard  a  joué  sa  fantaisie  sur  la 
Muette,  Délie  Sedie  a  dit  son  air  du  Ballo,  Mme  Charton  le  prélude 
de  Bach,  accompagnée  par  Alard  et  un  harmonium.  Après  Faust, 
dans  le  troisième  acte  du  Trovalore,  Fraschini  s'est  montré  admira- 
ble, et  la  soirée  s'est  terminée  par  le  premier  acte  de  la  Traviata, 
que  chantait  Mlle  Patti.  En  sa  qualité  de  reine  de  la  fête,  la  jeune 
artiste  a  été  applaudie,  rappelée,  acclamée  et  fleurie  sur  nouveaux 
frais. 

Paul  SMITH. 


ADDITIONS  ET  CONCERTS. 

La  signora  Fanny  Gordosa.  —  II.  Eugène  Kettercr.  — 
Mille  Octavie  CausseiniUc.  —  II.  Charles  Jeltscb.  — 
M.  Tapie-Brune. 

La  signora  Fanny  Gordosa,  cantatrice  italienne,  patronnée  par  l'au- 
teur de  Monte-Chrislo,  a  donné  chez  Herz  un  fort  beau  concert,  dans 
lequel  elle  s'est  prodiguée  jusqu'à  quatre  reprises,  à  la  très-grande 
satisfaction  du  nombreux  auditoire  accouru  pour  l'entendre.  Elle  est 
douée  en  effet  de  moyens  dramatiques  très-puissants  et  très-éten- 
dus;  elle  a  du  feu,  de  l'âme,  de  la  légèreté  an  besoin,  et  l'on  ne 
peut  guère  lui  reprocher  que  de  se  laisser  entraîner  à  des  éclats  de 
voix  dont  le  luxe  est  parfois  hors  de  saison.  Ajoutons  d'ailleurs 
qu'elle  n'est  dépourvue  ni  de  grâce  ni  de  jeunesse,  ce  qui  n'a  pas 
nui  à  l'accueil  qu'on  lui  a  fait.  Après  un  duetto  de  Verdi,  qu'elle  a 
dit  avec  M.  Giuliani,  comme  pour  s'assurer  du  terrain,  elle  a  parfai- 
tement chanté,  en  italien,  l'air  de  Grâce  !  de  Robert  le  Diable;  puis, 
passant  du  grave  au  doux,  elle  a  lutté  victorieusement  avec  la  flûte 
de  M.  Taffanel,  dans  un  joli  morceau  de  Fischetti,  intitulé  la  Can- 
tatrice et  l'Usiguolo,  après  quoi  elle  a  interprété  en  français,  mais 
avec  un  accent  fo/tement  prononcé,  deux  jolies  bluettes  de  M.  Henri 
Potier,  un  boléro  espagnol  et  un  caprice  ayant  pour  titre  :  la  Li- 
notte. 

Le  succès  obtenu  par  la  signora  Fanny  Gordosa  n'a  pas  empêché 
le  public  de  garder  en  réserve  d'unanimes  bravos  pour  Mlle  Wer- 
theimber  qui  s'est  fait  entendre  dans  deux  morceaux  de  nature  très- 
diverse  :  une  charmante  Berceuse  de  Weber  et  le  Brindisi  de  Lu- 
cresia  Borgia,  ainsi  que  pour  Faure  qui  a  magistralement  chanté, 
avec  accompagnement  de  piano  et  d'orgue  Alexandre,  un  air  des 
Rameaux,  qui  n'a  pas  fait  moins  d'honneur  ù  son  interprétation  qu'à 
son  inspiration,  car  cet  air  est  de  lui.  Mlle  Marie  Trautimnn,  l'é- 
lève distinguée  de  Henri  Herz,  et  M.  Albert  Vizentini,  le  jeune  vio- 
lon solo  du  théâtre  Lyrique,  ont  eu  aussi  leur  part  d'applaudisse- 
ments, et  les  frères  Lyonnet  ont,  selon  leur  coutume,  charmé  les 
spectateurs  avec  leur  Légende  de  Saint  Nicolas  et  avec  une  nouvelle 
Complainte  des  neveux  de  Jean-Bart,  recueillie  par  M.  de  la  Lan- 
delle. 

—  Cette  année,  comme  les  précédentes,  M.  Eugène  Ketterer  a 
joué,  dans  les  salons  Erard,  un  certain  nombre  de  ses  transcriptions 
anciennes  ou  nouvelles,  qui  ont  fait  généralement  plaisir.  Le  style 
en  est  clair  et  facile  ;  il  amuse  agréablement  l'oreille  du  public,  sans 
soumettre  son  attention  à  de  trop  grands  efforts.  Le  qualuor  de  Ri- 
golelto,  le  Chant  du  bivouac,  de  Kucken,  la  Chanson  arabe  de  Lara, 
et  la  Marche  slyrienne  sont  dans  des  conditions  favorables.  Mais 
l'inspiration  de  M.  Eugène  Ketterer  sait  grandir,  lorsqu'il  le  faut, 
avec  son  sujet,  et  elle  atteint  alors  un  certain  degré  d'élévation  et  de 
développement  dans  le  travail  harmonique.  Nous  citerons,  à  l'appui 
de  notre  dire,  un  brillant  Morceau  de  concert,  pour  deux  pianos,  sur 
l'introduction  et  la  marche  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendels- 
sohn.  L'effet  de  cette  œuvre  a  été  grand,  non-seulement  parce  qu'elle 
est  heureusement  réussie,  mais  encore  parce  qu'elle  a  été,  l'autre 
soir,  interprétée  d'une  manière  remarquable  par  MM.  A.  Duvernoy 
et  E.  Ketterer.  Deux  autres  morceaux,  qui  ne  sont  pas  non  plus  sans 
valeur,  bien  qu'ils  n'aient  pas  eu  tout  à  fait  le  même  succès,  doi- 
vent être  comptés,  en  outre,  pour  moitié  à  l'actif  du  bénéficiaire  ;  le 
premier  est  une  fantaisie  pour  piano  et  orgue  sur  la  Favorite,  com- 
posée et  exécutée  avec  M.  Auguste  Durand,  et  le  second  est  un  duo 
concertant  pour  piano  et  violon  sur  Olello,  avec  M.  Herman. 

—  Dans  le  grand  concert  donné  chez  Erard  par  Mlle  Octavie 
Caussemille,  le  morceau  capital  a  été  un  Rondo  pour  deux  pianos, 
œuvre  posthume  de  Chopin,  exécuté  pour  la  première  fois  par  elle 
et  par  Joseph  Wieniawski.  Cette  page,  comme  presque  toutes  celles 


132 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


qu'a  écrites  l'illustre  compositeur  polonais,  empreinte  d'une  rare 
distinction  et  d'une  vague  mélancolie,  a  produit  une  sensation  d'au- 
tant plus  pénétrante  qu'elle  a  été  interprétée  avec  une  perfection 
vraiment  [exceptionnelle,  et  que  les  deux  éminents  pianistes  y  ont 
mis  un  soin,  un  fini,  une  conviction  dont  on  ne  saurait,  sans  les 
avoir  entendus,  se  faire  une  juste  idée.  Aussi  ont-ils  été,  l'un  et 
l'autre,  couverts  de  chaleureux  applaudissements.  Le  succès  de 
Mlle  Oclavie  Caussemille  n'a  pas  été  moindre  dans  les  morceaux 
qu'elle  a  exécutés  seule  ;  on  y  a  retrouvé  cette  pureté,  cette  grâce, 
cette  énergie,  cette  variété  de  style  qui  distinguent  son  talent,  et 
qui  lui  ont  assigné  une  si  honorable  place  parmi  les  virtuoses  du 
piano. 

—  La  soirée  musicale  donnée  par  M.  Charles  Jeltsch,  dans  les  salons 
Erard,  a  confirmé  la  bonne  opinion  que  ses  auditions  antérieures 
nous  avaient  fait  concevoir  des  qualités  estimables  de  ce  pianiste- 
compositeur.  Après  avoir  interprété ,  avec  M.  Le  Cieux,  une  sonate 
en  sol  majeur  de  Beethoven,  il  a  joué  plusieurs  morceaux  de  moindre 
étendue,  dont  un  seul  de  lui,  une  polonaise  en  ré  bémol  majeur, 
nous  a  permis  de  l'applaudir  sous  le  double  aspect  de  son  talent. 
Au  nombre  des  transcriptions  classiques  qu'il  a  exécutées  avec  beau- 
coup de  netteté  et  d'élégance,  l'auditoire  lui  a  fait  redire  la  marche 
des  Ruines  d'Athènes,  arrangée  par  Rubinstein.  De  joyeuses  chanson- 
nettes, dites  par  Berthelier  avec  sa  verve  accoutumée,  ont  clos  la 
séance  de  la  manière  la  plus  satisfaisante. 

—  Nous  avons  lieu  de  croire  que  M.  Tapie-Brune,  qui  s'est  fait 
entendre,  ces  jours  derniers,  à  la  salle  Pleyel-Wolff,  se  destine  au 
théâtre,  et  nous  ne  serions  pas  étonné  de  l'y  voir  réussir.  Sa  voix 
de  baryton  possède  toutes  les  qualités  qu'il  faut  à  la  scène;  elle  est 
expressive,  énergique ,  parfaitement  timbrée ,  et  elle  arrive  sans 
effort  à  l'effet  dans  plus  d'un  genre.  Trois  morceaux  empruntés  aux 
opéras  de  Verdi  l'ont  surabondamment  démontré.  En  dehors  de  la 
musique  dramatique,  M.  Tapie-Brune  a  chanté  avec  infiniment  de 
goût  une  Extase  de  M.  Huton  Salomon  qui  a  eu  les  honneurs  du  bis 
et  qui  en  était  vraiment  digne. 

Y. 


MANUFACTURE  DE  PIANOS 

DE 

PHILIPPE  -HEHRI  HERZ    NEVEU  ET  Ce. 

Nous  avons  dit  dans  notre  dernier  numéro  que  nous  rendrions 
compte  de  la  soirée  donnée  la  semaine  dernière  par  MM.  Philippe- 
Henri  Herz,  neveu  et  Ce,  pour  inaugurer  les  beaux  salons  qu'ils 
viennent  d'ouvrir  dans  la  rue  Scribe  et  pour  y  produire  leurs  premiers 
instruments. 

Le  chef  de  cette  maison  est  le  propre  neveu  de  Henri  Herz,  dont 
la  réputation  comme  compositeur,  virtuose  et  facteur  de  pianos,  est 
populaire  dans  les  deux  mondes,  et  lui  a  valu,  à  juste  titre,  une 
position  très-élevée  aussi  bien  dans  l'art  musical  que  dans  l'in- 
dustrie. 

Son  neveu  a  longtemps  été  attaché  à  sa  manufacture.  Des  contes- 
tations regrettables  ont  séparé  les  deux  parents;  ces  contestations 
sont  soumises  à  l'appréciation  des  tribunaux,  qui  n'ont  point  encore 
dit  leur  dernier  mot  à  ce  sujet  ;  nous  n'avons  point  à  nous  en  préoc- 
cuper. —  Mais  l'ouverture  d'un  établissement  fondé  avec  le  concours 
et  l'appui  d'hommes  d'une  honorabilité  incontestable,  et  qui  se  pré- 
sente entouré  de  garanties  sérieuses,  ne  nous  est  pas  indifférente.  La 
propagation  des  pianos  a  fait  des  pas  trop  immenses  depuis  vingt-cinq 
ans,  les  perfectionnements  dans  l'art  de  les  fabriquer  ont  été  trop 
importants  ;  ils  sont  trop  profitables  aux  artistes  pour  que  l'on  ne 
suive  pas  avec  intérêt  les  débuts  et  les  efforts  de  ceux  qui  viennent 
résolument  consacrer  de  grands  capitaux,  leur  expérience  acquise  et 


leur  activité  aux  progrès  d'une  industrie  à  laquelle  on  doit  les  Erard, 
les  Pleyel  et  les  Henri  Herz. 

C'était  certainement  une  pensée  identique  à  celle  que  nous  venons 
d'exprimer  qui  avait  réuni  à  cette  soirée  d'inauguration  une  société 
aussi  nombreuse  d'hommes  distingués,  de  femmes  élégantes  et  d'ar- 
tistes. Tout  en  y  circulant  à  l'aise  malgré  la  foule,  on  admirait  avec 
raison  les  belles  proportions  de  ces  salons  vastes  et  élevés,  splendi- 
dement décorés,  et  que  les  excellentes  qualités  acoustiques  qui  les 
distinguent,  rendent  particulièrement  propres  à  des  expositions  per- 
manentes dans  lesquelles  la  sonorité  joue  un  si  grand  rôle. 

L'attention  s'est  tout  d'abord  portée  sur  les  pianos  exposés,  et  l'on 
a  pu  se  convaincre  qu'ils  sont  construits  sur  des  plans  entièrement 
nouveaux  et  d'après  une  forme  qui  n'appartient  qu'à  MM.  Herz  neveu 
et  Ce.  Le  piano  à  demi-queue,  style  Louis  XV,  a  surtout  été  l'objet 
d'une  admiration  méritée  :  non -seulement,  comme  meuble,  c'est  un 
véritable  objet  d'ait,  soigné  dans  les  plus  petits  détails  ;  mais  comme 
égalité  et  comme  qualité  de  son,  comme  perfection  du  mécanisme, 
il  peut  soutenir  la  concurrence  avec  les  instruments  du  plus  grand 
modèle.  —  Edouard  Wolff  et  ensuite  Tito  Matei  s'étaient  chargés  de 
faire  valoir  ces  belles  qualités.  Le  premier  a  accompagné  Vieuxtems, 
jouant  sa  fameuse  polonaise  avec  cette  verve  et  cet  entrain  qui  ne 
manquent  jamais  de  provoquer  l'enthousiasme  pour  le  célèbre  vio- 
loniste. M.  Tito  Matei,  de  son  côté,  n'a  pas  procuré  moins  de  plaisir 
à  l'auditoire  par  la  manière  brillante  dont  il  a  tiré  parti  de  cet  échan- 
tillon des  produits  du  nouveau  facteur.  La  partie  musicale  de  la  soi- 
rée a  d'ailleurs  été  fort  agréablement  variée  par  le  concours  de 
M.  Agnesi,  qui  a  dit  d'une  voix  superbe  un  morceau  des  Nozze  ;  de 
Mlle  Astieri  et  d'une  cantatrice  allemande,  récemment  arrivée  à  Pa- 
ris, Mlle  Tipka,  qui  s'y  est  déjà  fait  entendre  dans  quelques  con- 
certs, et  qui  a  mérité  les  plus  vifs  applaudissements  par  la  façon 
dont  elle  a  chanté  un  air  de  Semiramide. 

Les  invités  ne  se  sont  retirés  que  fort  tard  et  non  sans  avoir  offert 
aux  chefs  de  la  nouvelle  fabrique  leurs  chaleureuses  félicitations  et 
leurs  souhaits  pour  la  prospérité  de  leur  entreprise.  Au  surplus  , 
ceux-ci  n'ont  rien  négligé  de  ce  qui  pouvait  en  assurer  le  succès. 
Leurs  ateliers,  construits  rue  Marcadet,  à  Montmartre,  sont  immenses 
et  parfaitement  montés  ;  le  personnel  des  ouvriers  a  été  soigneuse- 
ment choisi,  et  ils  fonctionnent  sous  la  surveillance  d'un  contre-maî- 
tre dont  la  capacité  reconnue  est  hors  ligne  ;  une  direction  intelli- 
gente et  primesautière,  nourrie  des  traditions  de  la  haute  facture, 
secondée  par  des  capitaux  suffisants,  forte  ds  sa  loyauté  et  du  suf- 
frage d'hommes  compétents,  présidera  à  leurs  travaux.  Avec  de  pa- 
reils éléments,  M.  Henri  Herz  neveu  ne  tardera  pas  à  conquérir 
une  belle  place  dans  la  facture  de  pianos. 

S.  D. 


SDR  Là  NEUVIÈME  SYMPHONIE  DE  BEETHOVEN  ' . 

A  M.  le  Directeur  de  la  Gazette  musicale  de  Leipzig. 

Par  votre  lettre  du  19  courant,  vous  m'invitez  à  vous  donner  des 
renseignements  sur  la  mesure  dans  laquelle  Beethoven  faisait  exé- 
cuter les  récitatifs  des  contre-basses  dans  la  dernière  partie  de  sa 
neuvième  symphonie,  d'après  mes  souvenirs  personnels. 

Je  ne  tarde  pas  à  répondre  à  vos  désirs,  et  vous  fais  observer  avant 
tout,  qu'au  printemps  de  1824  j'assistai  à  la  plupart  des  répétitions 


(1)  En  parlant,  il  y  a  quinze  jours,  du  Festival  Beethoven,  donné  au  cirque 
Napoléon  par  Pasdeloup,  nous  avons  exprimé,  sur  la  symphonie  avec  chœurs,  une 
opinion  que  son  auteur  lui-même  n'était  pas  loin  de  partager.  On  en  trouvera  la 
preuve  dans  la  lettre  que  nous  lisons  dans  l'Allgemeine  musikalische  Zeitung 
du  6  avril  1864,  et  dont  nous  publions  la  traduction. 


DE  PARIS. 


Î33 


d'orchestre  de  la  neuvième  symphonie,  exécutée  pour  la  première 
fois  le  7  mai  de  la  même  année. 

Beethoven  était  à  la  tête  de  l'orchestre  ;  mais  c'était  Umlîuf  qui 
le  dirigeait  avec  le  bâton  de  mesure;  Schuppanzig  tenait  le  premier 
violon.  De  plus,  j'ai  assisté,  comme  auditeur,  à  toutes  les  exécu- 
tions qui  eurent  lieu  à  celte  époque  et  par  la  suite.  Je  puis  donc 
certifier,  d'après  ma  propre  expérience,  que  Beethoven  faisait  jouer 
les  récitatifs  en  question  assez  rapidement,  c'est-à-dire  pas  précisé- 
ment presto,  mais  non  plus  andante.  Dans  les  commencements,  l'or- 
chestre, quoiqu'il  y  eût  parmi  les  exécutants  des  artistes  de  premier 
ordre,  tels  que  Mayseder,  Bôhm,  Jansa,  Link,  etc.,  eut  beaucoup  de 
peine  à  comprendre  la  symphonie,  notamment  la  première  partie. 
Les  contre-basses  ne  savaient  absolument  que  faire  des  récitatifs.  On 
n'entendait  qu'un  sourd  grognement  des  basses,  comme  si  le  com- 
positeur avait  voulu  prouver  par  la  pratique  que  la  musique  ins- 
trumentale est  absolument  incapable  de  parler.  A  mesure  que,  par 
la  suite,  les  exécutions  de  l'œuvre  colossale  se  multipliaient,  les  mu- 
siciens et  les  auditeurs  finirent  par  s'y  reconnaître,  et  maintenant, 
à  l'exception  de  quelques  passages  de  chant  tout  à  fait  contre  na- 
ture, la  symphonie  marche  parfaitement  et  sans  encombre.  Plus  tard 
les  chefs  d'orchestre  ont  pris  en  particulier  les  récitatifs  des  con- 
tre-basses dans  un  mouvement  plus  calme  que  ne  l'avait  indiqué  Bee- 
thoven :  on  lia  les  intervalles  partout  où  cela  était  praticable,  tandis 
que,  précédemment,  chaque  note  était  marquée  ;  et  c'est  ainsi  qu'on 
parvint  à  rendre  ces  récitatifs  parfaitement  clairs  (comme  tels)  pour 
les  auditeurs,  et  (musicalement)  intelligibles  ;  mais  quant  à  une  exé- 
cution lente,  il  n'a  jamais  pu  en  être  question  à  Vienne,  les  musi- 
ciens âgés  n'ayant  pas  oublié  la  mesure  choisie  par  Beethoven  lui- 
même. 

A  cette  occasion,  je  ne  saurais  passer  sous  silence  un  fait  que  feu 
mon  ami  Charles  Czerny,  un  disciple  bien-aimé  de  Beethoven,  m'a 
raconté  plusieurs  fois,  et  dont  il  m'a  certifié  l'authenticité.  Quelque 
temps  après  la  première  exécution  de  la  9e  symphonie,  Beethoven, 
dans  une  réunion  peu  nombreuse  d'amis  intimes,  parmi  lesquels  se 
trouvait  Czerny,  aurait  déclaré  qu'il  voyait  bien  que  dans  la  dernière 
partie  de  cette  symphonie  il  s'était  fourvoyé;  qu'il  se  proposait  de 
la  biffer,  et  de  la  remplacer  par  une  composition  instrumentale,  dont 
il  avait  déjà  l'idée  dans  sa  tête. 

Bien  que  l'accueil  moins  favorable  fait  à  cette  partie  finale  avec 
chœur  ait  pu  être  pour  quelque  chose  dans  ces  paroles  de  Beetho- 
ven, il  n'était  pas  homme  à  se  laisser  dérouter  dans  ses  opinions  par 
les  critiques  du  jour  ou  par  des  applaudissements  plus  réservés.  Il  pa- 
raît donc  qu'en  effet  il  sentait  qu'il  avait  fait  fausse  route.  En  tout 
cas,  il  est  à  regretter  que  son  dessein  n'ait  pas  été  exécuté.  La  com- 
paraison de  ce  second  travail  avec  la  partie  avec  chœur,  eût  à  coup 
sûr  été  aussi  instructive  qu'intéressante. 
Je  suis,  etc., 

Signé:  Léopold  SONNLEITHNER,  Dr. 
Vienne,  24  mars  1864. 


Lorsque,  le  mois  dernier,  nous  inaugurions  ce  beau  monument 
élevé  à  la  mémoire  d'Halévy,  qui  de  nous  aurait  prévu  que  la  pre- 
mière personne  destinée  à  en  franchir  le  seuil,  c'était  sa  fille,  Es- 
ther,  à  peine  âgée  de  vingt  ans,  et  dans  laquelle  revivait,  avec 
l'image  de  ses  traits,  un  souvenir  de  son  esprit,  un  germe  de  ses 
talents  ?  Eh  bien,  jeudi  dernier ,  après  quelques  jours  d'une  souf- 
france imprévue,  la  fille  allait  rejoindre  le  père  au  milieu  d'une  foule 
d'amis,  dont  ce  coup  si  soudain,  si  terrible,  renouvelait  toutes  les 
douleurs  !  Esther  Halévy  n'aura  passé  sur  cette  terre  que  pour  y 
laisser  d'ineffaçables  regrets  ! 


NOUVELLES. 

„,%  Dimanche  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la  Muette  devant 
un  nombreux  auditoire.  S.  A.  le  duc  de  Brabant  y  assistait;  il  a  fait 
complimenter  Mlle  Vernon.— Lundi  et  mercredi,  les  Huguenots  ont  été 
joués,  et  chaque  fois  la  salle  était  comble.  Ces  deux  représentations  ont 
vu  grandir  le  succès  de  Mlle  Marie  Sax  dans  le  rôle  de  Valentine.  L'émotion 
qu'elle  éprouvait  à  la  première  avait  disparu.  Complètement  maîtresse 
d'elle-même,  elle  a  pu  se  confier  pleinement  à  l'ampleur  de  son  chant, 
au  magnifique  timbre  de  son  organe,  et  se  montrer  tragédienne  lyrique 
de  premier  ordre.  D'unanimes  bravos  et  trois  ovations  bien  méritées  ont 
salué  son  triomphe,  Gueymard  l'a  dignement  secondée,  et  il  s'est  sur- 
passé dans  le  duo  du  quatrième  acte.  On  sait  ce  que  Faure  a  fait  du 
rôle  de  Nevers;  et  quant  à  Belval  et  Cazaux,  ils  ont  été  à  la  hauteur  de 
leurs  rôles  ;  c'est  tout  dire.  Mlle  Hamackers  a  tenu  très-convenable- 
ment celui  de  la  reine  de  Navarre.— Vendredi,  Mlle  Mouravief  a  fait  sa 
rentrée  dans  Giselle,  précédée  du  Docteur  Magnus. 

„**  Un  journal  annonce  que  les  répétitions  A'Erostrate,  de  Reyer,  se- 
raient suspendues,  et  que  cet  ouvrage  pourrait  bien  passer  à  l'Opéra  où 
se  trouvent  trois  artistes  qui  l'ont  chanté  à  Bade,  Mme  Sax,  Cazaux  et 
Michot. 

***  Samedi  30  de  ce  mois  aura  lieu  à  l'Opéra  la  grande  représenta- 
tion donnée  par  autorisation  supérieure  au  bénéfice  de  la  caisse  de 
secours  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques.  —  Le  programme 
sauf  modifications  probables,  se  composerait  de  l'ouverture  du  Tan- 
hauser,  de  Psyché,  jouée  par  les  sociétaires  de  la  Comédie  française, 
avec  la  musique  de  Lulli,  que  chanteraient  les  élèves  du  Conservatoire- 
du  duo  de  la  Reine  de  Chypre,  par  Gueymard  et  Faure;  d'un  intermède 
musical,  par  les  principaux  chanteurs  de  nos  trois  grands  théâtres  ly- 
riques; des  Deux  Chiens  de  f agence,  par  Dupuis  et  Alphonslne,  des  Va- 
riétés, et  d'un  grand  divertissement  final,  par  la  danse  de  l'Opéra. 

„**  Il  avait  été  question  pour  Michot  de  rentrer  au  théâtre  Lyrique  • 
mais  il  paraît  certain  qu'il  ne  quittera  pas  l'Opéra. 

**„.  Villaret  est  parti  il  y  a  quelques  jours  pour  Nîmes. 

.**  On  dit  que  l'engagement  de  Mme  Zina  Merante  ne  sera  pas 
renouvelé  à  son  expiration. 

„*.,  Mlle  Amina  Boschetti,  dont  l'engagement  à  l'Opéra  est  terminé 
va  donner  quelques  représentations  à  Bordeaux,  après  quoi  elle  se 
rendra  à  Rome  et  à  Naples,  où  elle  est  engagée  pour  la  saison 
d'hiver. 

*%  il  est  question  d'une  œuvre  lyrique  importante  en  cinq  actes 
dont  les  paroles  sont  de  MM.  de  Leuven,  Michel  Carré  et  Hadot  •  Féli- 
cien David  en  composerait  la  musique,  et  elle  serait  destinée  au  théâtre 
de  l'Opéra-Comique. 

»**  Nous  avons  parlé  de  l'audition  au  théâtre  Lyrique  de  Jeanne  d'Arc 
opéra  de  M.  Germain,  organiste  de  la  cathédrale  de  Carcassonne  II 
paraît  que  cette  œuvre  a  beaucoup  de  chances  d'être  représentée  à 
Paris.  M.  Germain  est  l'auteur  de  l'opéra  en  cinq  actes  Simon  de  Mont- 
fort,  exécuté  à  Toulouse  et  à  Montpellier,  et  dont  la  partition  a  été 
gravée  aux  frais  du  ministère  d'Etat. 

***  La  représentation  au  bénéfice  des  sœurs  Marchisio,  au  théâtre 
Italien,  est  fixée  au  vendredi  29  de  ce  mois.  Cette  représentation  se 
composera  du  premier  acte  et  du  duo  du  deuxième  acte  de  Norma  du 
troisième  acte  du  Trovatore,  du  rondo  de  la  Cenerentola,  et  du  duo  de 
Matilda  di  Sabran. 

***  A.  Bettini  part  le  10  du  mois  de  mai  pour  Londres,  où  il  don- 
nera quelques  représentations  au  théâtre  de  Sa  Majesté.  De  là  il  se 
rend  à  Rome,  puis  successivement  à  Berlin  et  à  Vienne,  où  il  s'e  fera 
entendre.  Enfin,  au  commencement  de  la  saison  d'hiver,  il  reviendra 
à  Londres,  où  il  est  engagé  au  théâtre  de  Sa  Majesté. 

„*;  Il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  que  Martha  fût  représentée  avant  la 
clôture  de  la  saison  au  théâtre  Lyrique.  Les  rôles  pourraient  être  dis- 
tribués à  MM.  Monjauze,  Ismaël,  à  Mmes  Maesen  et  Faure-Lefebvre.  Il 
y  a  dans  cette  idée  un  succès  assuré  et  qui  ferait  pendant  à  celui  de 
Rigoletto. 

*%  Mme  Borghi-Mamo  est  engagée  pour  l'inauguration  du  nouveau 
théâtre  de  Grenade. 

„*„  Ou  nous  écrit  de  Stockholm  que  le  ténor  Severini  a  débuté  au 
tnéâtre  royal  dans  la  Favorite,  et  qu'il  y  a  obtenu  un  brillant  succès.  Il 
a  déjà  chanté  quatre  fois  le  rôle  de  Fernand,  et  il  doit  inces;amment 
chanter  ceux  d'Edgardo,  de  la  Lucia,  et  du  duc,  dans  Rigoletto.  Toute 
la  presse  de  Stockholm  est  unanime  dans  ses  éloges  pour  le  débutant. 
M.  Severini  est  élève  d'H.  Panofka. 

„*„  Mme  Scribe  a  voulu  interdire  à  M.  Bagier  de  représenter  le 
Ballo  in  maschera,  VElisire  d'amore  et  la  Sonnambula,  sous  prétexte  que 
ces  opéras  sont  des  contrefaçons  de  Gustave  III,  du  Philtre  et  de  la 
Somnambule.  Le  tribunal  a  débouté  Mme  Scribe  de  sa  demande  et  l'a 
condamnée  aux  dépens,  alléguant  comme  principal  motif  la  prescription 
des  trois  années  qui  protège  les  contrefaçons. 


134 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSJCALE 


*%  C'est  mercredi  au  plus  tard  que  sera  donnée  la  Captive  au 
Théâtre-Lyrique-Impérial.  D'abord  en  deux  actes  sous  le  titre  de 
l'Esclave,  elle  est  maintenant  en  trois  actes  avec  ballet.  Le  principal 
rôle  sera  chanté  par  Mlle  Sannier  qui  se  fit  entendre,  il  y  a  quelques 
années,  à  l'Opéra  et  qui  a  beaucoup  gagné,  dit- on.  L'œuvre  n'en 
comporte  que  quatre;  les  trois  autres  sont  dévolus  à  Montjauze,  Petit 
et  à  Mlle  Hébrard.  Le  poëme  est  de  M.  Michel  Carré. 

„%  On  assure  que  le  -15  mai  doit  s'ouvrir  le  théâtre  Lafayette  sous 
la  direction  de  M.  Eug.  Moniot.  Il  contiendra  1,200  personnes.  Le  pro- 
gramme d'ouverture  se  compose  d'un  prologue  en  trois  actes  de 
M.  A.  de  Jalais;  d'une  pièce  aussi  en  trois  actes  {Marguerite),  de 
MU.  Clairville  et  J.  Dornay,  et  d'une  opérette  de  M.  Fr.  Barbier  :  la 
Trompette  du  jugement  dernier. 

***  En  vertu  de  l'article  29  du  règlement  de  l'Académie  des  beaux- 
arts,  le  concours  pour  le  grand  prix  de  composition  musicale  que 
décerne  l'Académie,  commencera  le  7  mai,  a  midi.  —  Les  concurrents 
devront  se  faire  inscrire  avant  cette  époque  au  secrétariat  de  1  Institut, 
et  justifier  qu'ils  remplissent  les  conditions  requises. 

„,**  La  grande  séance  annuelle  de  l'orphéon  de  la  ville  de  Paris,  rive 
gauche,  sous  la  direction  de  M.  François  Bazin  et  la  présidence  de 
M.  le  préfet  de  la  Seine  ,  a  lieu  aujourd'hui  24,  à  2  heures,  au 
cirque  de  l'Impératrice.  Seront  chantés  les  chœurs  :  Uthal,  de  Méhul , 
—  te  Montagnard,  de  Silcher,  —  Castor  et  Pollux,  de  Rameau,  — 
Chanson  hongroise  et  Rosemondc,  de  Schubert,  —  Sanctus,  de  Pales- 
trina,  —  les  Traîneaux,  d'Ambroise  Thomas,  —  Marche,  de  Mozart, 
— Moisc,  prière,  de  Rossini,  —  Vive  l'Empereur,  de  Gounod. 

***  C'est  aujourd'hui  à  2  heures  qu'a  lieu  au  cirque  Napoléon  le 
dernier  concert  populaire  de  musique  classique,  au  bénéfice  de 
l'œuvre  de  Sainte-Geneviève,  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  Nous  en 
avons  donné  le  programme. 

,**  Dimanche,  lct  mai,  aura  lieu  au  Cirque  Napoléon  la  séance  de  la 
première  division  de  l'orphéon,  sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup  et  sous 
la  présidence  de  M.  le  préfet  de  la  Seine.  Le  programme  comprendra 
les  œuvres  de   Mozart,  Mendelssohn,   Schubert,  Abt,  A.  Thomas,  etc. 

a.**  Le  Souvenir  d'un  songe,  d'Emile  Jonas,  a  été  orchestré  par  M.  A. 
Berlyn,  d'Amsterdam,  qui  doit  faire  exécuter  ce  morceau  dans  l'un  de 
ses  prochains  concerts. 

***  On  nous  écrit  de  la  Haye  que  Roger  vient  de  s'y  produire  dans 
le  s  divers  opéras  de  son  répertoire  de  grand  opéra  et  d'opéra-comique. 
Les  Huguenots  et  le  Prophète  ont  surtout  valu  au  célèbre  chanteur  des 
ovations  enthousiastes. 

**„  Mlle  Carlotta  Patti,  qui  s'est  reposée  une  semaine  à  Paris,  part 
mardi  pour  Londres,  où  elle  va  se  mettre  à  la  disposition  de  M.  Gye. 
*„  On  a  donné  à  Liège  le  1  9  un  grand  opéra  en  cinq  actes  et  sept 
tableaux,  qui  a  pour  titre  Bouchard  d'Avesne,  dont  les  paroles  sont  de 
M.  Van  Peene,  de  Gand,  et  la  musique  de  M.  Ch.  Miry,  professeur  au 
Conservatoire  de  cette  ville.  Cette  œuvre,  qui  avait  été  pour  la  pre- 
mière fois  représentée  sur  le  grand  théâtre  de  Gand,  vient  d'obtenir 
un  succès  de  bon  aloi.  Elle  était  interprétée  par  Wicard,  Raynal, 
Mmes  Rodrigues,  Ster  et  Briol.  La  partition  contient  énormément 
de  musique;  elle  gagnerait  à  des  coupures.— Cet  opéra  sera  monté  à 
Bruxelles. 

J%  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  le  beau  concert  annoncé  par  M.  La- 
combe,  pour  le  26  de  ce  mois,  dans  les  salons  d'Erard;  Mme  Wekerlin- 
Damoreau  y  remplacera,  pour  la  partie  vocale,  Mlle  Hustache.  Mme 
Arnould  Plessy,  qui  avait  promis  son  concours  à  M.Lacombe,  se  trouve, 
à  son  grand  regret,  empêchée. 

*  A  Prague,  vont  paraître  les  œuvres  musicales  inédites  de  feu 
M.  Vsit,  amateur  des  plus  distingués:  il  était,  en  dernier  lieu,  président 
du  tribunal  civil  à  Leitmeritz,  en  Bohême. 

*  La  signora  Laura  Bon,  cantatrice  qui  s'est  fait  entendre  avec 
succès  à  Milan,  Naples  et  Rome,  est  attendue  à  Vienne  avec  une  troupe 
d'opéra  italien;  elle  donnera  une  série  de  représentations  au  théâtre 
Josephstadt. 

t*2  On  nous  écrit  de  Saint-Pétersbourg  :  «  Le  concert  de  Henri  Vie- 
niawski  avait  réuni  hier  au  soir,  au  grand  théâtre,  un  public  nom  ■ 
breux  ;  la  salle  était  comble.  Les  admirateurs  du  célèbre  violoniste  lui 
ont  offert  un  stradivarius  qui  lui  a  été  présenté  au  début  de  la  soirée,  au 
bruit  d'applaudissements  prolongés.  C'est  un  instrument  de  grande  va- 
leur, sous  tous  les  rapports,  qui  a  été  acheté  à  l'aide  d'une  souscription 
à  laquelle  les  adhésions  sont  venues  nombreuses  et  empressées.  Vie- 
niawski,  déposant  l'instrument  qu'il'avait  apporté,  a  immédiatement  ac- 
cordé ce  stradivarius,  sur  lequel  il  a  joué  tous  les  morceaux  du  pro- 
gramme, en  y  ajoutant  un  morceau  non  promis  en  forme  de  remercî- 
ment.  » 

***  Le  samedi  30,  M.  Camille  Stamaty  donnera  une  soirée  musicale 
salle  Pleyel-Wolff,  avec  le  concours  de  Mme  Peudefer  et  de  M.  Ale- 
xandre Batta. 

„.%  Sept  ans  à  l'Opéra,  souvenirs  anecdotiques  d'un  secrétaire  par- 
ticulier,  par  M.  Nérée  Desarbres,  tel  est  le  titre  piquant  d'un  joli  vo- 


lume illustré  de  quarante  vignettes,  qui  vient  de  paraître  chez  Dentu 
et  à  la  Librairie  centrale. 

x*2  Un  des  plus  beaux  concerts,  et  probablement  un  des  derniers  de 
la  saison  musicale,  se  prépare  en  ce  moment  à  la  salle  Herz.  La  Société 
académique  de  musique  sacrée,  dirigée  par  M.  Charles  Vervoitte,  et 
composée  d'artistes  distingués  et  d'amateurs,  et  de  dames  du  monde, 
y  donnera  son  dernier  concert  de  bienfaisance  le  vendredi  6  mai,  à  8 
heures  du  soir.  Indépendamment  des  soli,  confiés  à  des  chanteurs  d'é- 
lite, les  plus  beaux  chœurs  des  xvi°,  x-vir3,  xviiic  et  xix«  siècles  y 
seront  chantés  avec  accompagnement  d'orchestre  par  plus  de  deux 
cents  voix. 

„*„  Oin  lit  dans  te  Précurseur  d'Anvers,  11  avril  :  «  Nous  avons  cons- 
taté le  grand  succès  obtenu  par  Mlle  Anna  Meyer,  jeune  pianiste  de 
quatorze  ans,  dans  la  matinée  musicale  donnée  par  elle.  Les  applaudis- 
sements les  plus  vifs  ont  salué  chacun  des  morceaux  du  programme, 
et  Mlle  Anna  Meyer  a  été  plusieurs  fois  rappelée.  Déjà  à  Bruxelles,  le 
même  triomphe  l'avait  accueillie,  et  Roger,  en  lui  prêtant  son  concours, 
avait  montré  combien  il  estimait  le  talent  de  la  jeune  artiste.   » 

*%  Un  élégant  auditoire  se  pressait  dernièrement  à  la  salle  Beetho- 
ven où  Mlle  Jenny  Molidoff  faisait  entendre,  pour  la  seconde  fois,  sa 
belle  voix  de  soprano  guidée  par  une  méthode  sûre  et  un  goût  excel- 
lent. Dans  la  même  soirée,  M.  Ilocmelle  a  parfaitement  fait  valoir  un 
orgue  de  la  maison  Alexandre,  et  a  chanté,  en  s'accompagnant  au  piano, 
deux  mélodies  très-originales  de  sa  composition. 

2*2  La  commission  instituée  pour  juger  le  concours  de  composition 
musicale  ouvert  par  l'Union  des  Arts,  de  Marseille,  a  consacré  de  nom- 
breuses séances  à  l'examen  des  cinquante  ouvertures  envoyées  à  ce 
concours.  Cette  commission,  composée  de  MM.  Auber,  président;  Am- 
broise  Thomas,  Georges  Kastner,  François  Bazin,  Ernest  Reyer  et  Jules 
Cohen,  a  décerné  les  prix  et  mentions  dans  l'ordre  suivant  :  1er  prix, 
M.  Ermel  (Paris),  ancien  pensionnaire  de  France  à  Rome.  2e  prix, 
M.  Charles  Constant  (Paris),  lauréat  de  l'Institut.  —  4™  mention,  ex 
œquo,  MM.  Justinien  Viallon  (Paris)  ;  Paul  Lacome  (au  Houga,  Gers). 
2e  mention,  ex  œquo,  M.  Louis  Canoby  (Paris). —  L'auteur  de  l'ouverture 
jugée  digne  de  la  seconde  mention  ex  œquo  ayant  déclaré  vouloir  garder 
l'anonyme,  ne  peut  être  désigné  que  par  son  épigraphe  :  Borne  ta 
gloire  au  combat  d'harmonie,  accompagnée  de  trois  lettres  alphabétiques 
S.  N.  C.  3e  mention,  M.  Charles  Dancla  (Paris),  professeur  au  Conser- 
vatoire et  lauréat  de  l'Institut.— M.  Ermel  avait  eu  la  généreuse  inspiration 
de  prier  l'Union  des  Arts  de  verser  la  valeur  du  prix  à  la  caisse  de  se- 
cours de  l'association  des  artistes  musiciens,  présidée  par  M.  le  baron 
Taylor.  —  Les  deux  ouvertures  qui  ont  mérité  les  1er  et  2e  prix,  seront 
exécutées  lors  du  prochain  concert  de  l'Union  des  Arts,  et  dans  cette 
même  séance,  seront  proclamés  les  noms  des  lauréats  et  distribués  les 
prix  et  mentions. 

***  On  nous  écrit  de  Saint-Peter -bourg  que  l'éminent  pianiste  com- 
positeur Magnus  a  donné,  dans  les  salons  du  comte  Kouchelevv-Besbo- 
rodko  un  concert  auquel  assistait  une  société  choisie.  Magnus  en 
faisait  seul  les  frais  et  il  a  obtenu  un  grand  succès.  On  a  surtout  vi- 
vement applaudi  son  caprice  sur  les  Huguenots,  et  le  morceau  original 
qui  a  pour  titre  la  Tarabouka. 

2*2  Au  théâtre  Naum,  à  Géra,  le  compositeur  turc  Marasse  a  fait  re- 
présenter un  opéra  intitulé  :  Les  Cgclopes  amoureux,  qui  a  été  favora- 
blement accueilli. 

*%  La  direction  de  l'Athénée  musical  vient  de  traiter  pour  une  série 
de  représentations  avec  Renard,  le  chanteur,  qui  s'est  fait,  il  y  a  peu 
d'années,  applaudir  à  l'Opéra 

***  Le  percement  de  l'isthme  de  Suez  a  donné  naissance  à  une  ville 
appeiée  Isinaïlia,  du  nom  du  vice-roi  d'Egypte.  La  Compagnie  y  a  fait 
construire,  par  l'habile  ingénieur  M.  Jules  Siama,  une  belle  habitation 
qu'il  a  voulu  inaugurer  par  une  fête  musicale.  On  s'y  était  rendu  d'A- 
lexandrie, du  Caire  et  de  Damiette,  et,  malgré  une  chaleur  de  42  de- 
grés, plus  de  cinq  cents  personnes  y  ont  assisté  :  aussi  a-t-elle  été  aussi 
brillante  qu'elle  eût  pu  l'être  à  Paris.  Elle  a  commencé  par  des  chœurs 
fort  bien  chantés.  Puis  on  a  joué  les  Deux  Aveugles  des  Bouffes-Pari- 
siens, et  l'on  a  dansé  jusqu'à  7  heures  du  matin. 

2*2  On  connaît  la  sollicitude  et  le  soin  que  M.  Deneux  apporte  à  la 
composition  et  à  la  direction  des  concerts  de  la  Société  philharmonique 
d'Amiens.  Celui  qu'elle  a  donné  hier  était  des  plus  remarquables,  et  il 
s'est  terminé  de  la  façon  la  plus  amusante  par  l'exécution  des  deux 
charmantes  œuvres  d'Offenbach,  les  Deux  Aveugles  et  Lischen  et  Fritx- 
chen.  Sainte-Foy,  Berthelier  et  Mlle  Frasey  avaient  été  mandés  pour  les 
interpréter,  et  c'est  aux  grands  éclats  de  rire  et  aux  applaudissements 
les  plus  unanimes,  que  les  trois  artistes  ont  accompli  leur  joyeuse  mis- 
sion. 

2*2  Le  concert  des  Champs-Elysées  ouvrira  le  dimanche  1e1'  mai. 
M.  de Besselièvre  a  choisi  cette  année,  pour,  dirigerson  orchestre,  M.  Eu- 
gène Prévost,  musicien  consommé,  chef  d'orchestre  distingué,  com- 
positeur aimé  et  estimé  de  tous.  Le  programme  d'ouverture  est 
composé  tout  entier  de  morceaux  nouveaux,  au  nombre  desquels  deux 
grandes  fantaisies  sur  le  Caïd  et  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  composées  par 


DE  PARIS. 


135 


M.  Eug.  Prévost,  feront  sensation.  Une  symphonie  descriptive  (la  fête 
à  Aranjuez),  une  fantaisie  sur  le  Clialct  de  M.  Alfred  Brillant,  violoniste; 
plusieurs  symphonies  de  M.  de  Billemont  sur  les  grandes  partitions  des 
Huguenots,  de  la  Juive  et  de  Guillaume-Tell,  etc.,  une  marche  et  une 
polka  nouvelle  de  l'auteur  du  Fremesberg,  une  valse  inédite  d'Offenbach  : 
tes  Feuilles  du  soir  (Abendblaetter),  et  une  foule  d'autres  morceaux  de 
Duprato,  Jonas,  Bazin,  etc.,  etc.;  tel  est  le  bagage  avec  lequel  M.  de 
Besseliùvre  va  commencer  une  campagne  que  tous  les  amateurs  de 
bonne  musique  lui  souhaiteront,  de  grand  cœur,  fructueuse  et  pros- 
père. 

***  Au  pré  Catelan,  dimanche  24  avril,  de  1  heure  à  6  heures,  grand 
concert  au  pavillon  d'harmonie  ;  bal  d'enfants  sous  le  quinconce;  inau- 
guration des  séances  de  prestidigitation  par  M.  Léopold,  au  théâtre  de 
magie  ;  galerie  de  jeux  nouveaux  sur  la  pelouse  de  l'Aquarium  ;  fan- 
fares militaires  dans  tout  le  pré. —  Le  jeudi  28  avril,  inauguration  des 
matinées  musicales  avec  bal  d'enfants.  Grande  fête 

*% Vendredi  soir,  M.  Jules  Lecomte,  qui  a  écrit  longtemps  le  courrier 
de  Paris  à  l'Indépendance  belge  et  en  dernier  lieu  au  Monde  illustré,  l'au- 
teur de  plusieurs  romans  et  pièces  de  théâtre  le  Luxe,  Une  loge  d'Opéra, 
a  succombé  à  la  douloureuse  maladie  dont  il  était  atteint  depuis  un  an. 

***  D'après  un  acte  de  décès  authentique  de  François  Schubert  dont 
parlent  plusieurs  journaux,  il  paraît  que  l'auteur  des  célèbres  Lieder  est 
mort  en  «828,  à  l'âge  de  trente-deux  ans;  qu'il  fut  enterré  en  l'église 
de  Saint-Joseph  à  Vienne  ;  qu'il  laissa  pour  tout  héritage  quelques 
nippes  sans  valeur  ;  son  enterrement  coûta  en  tout  44  florins  et  45 
kreutzer. 

*%  Philippe  Brooch,  chef  d'orchestre  du  théâtre  An  der  Wien,  est 
mort  le  18  avril. 

***  Le  16  du  courant  est  mort  à  Dresde  l'organiste  de  la  cour,  Schnei- 
der, dans  sa  soixante-quinzième  année. 

**„  M.  Régnier-Canaux,  éditeur  d'œuvres  musicales  religieuses,  vient 
de  mourir.  Il  n'était  âgé  que  de  quarante-deux  ans. 

»**  A  Breslau  vient  de  mourir  dans  sa  cinquante-septième  année, 
Auguste  Kahlert,  professeur  à  l'Université  ;  il  s'était  fait  connaître 
avantageusement  par  de  nombreux  écrits  sur  la  musique. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


***  Bordeaux.  —  Le  succès  qu'a  obtenu  le  Templier  d'Otto  Nicolaï,  à 
la  première  représentation,  n'a  fait  que  grandir  aux  représentations 
suivantes,  et  depuis  longtemps  nous  n'en  avions  vu  un  pareil  à  notre 
théâtre.  Tous  les  soirs,  de  véritables  ovations  sont  faites  aux  artistes  qui 
sont  rappelés  avec  enthousiasme.  —  Notre  direction  a  eu  l'excellente 
idée  de  clore  l'année  théâtrale  en  nous  rendant  aussi  le  dernier  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer,  le  Pardon  de  Ploérmel  ;  tous  nos  dilettantes  ont 
conservé  le  souvenir  de  l'admirable  partition  de  l'illustre  maître,  et  ils 
étaient  impatients  d'en  entendre  de  nouveau  les  délicieuses  mélodies. 
La  première  représentation  a  valu  à  Mlle  Bléau  et  à  MM.  Meric  et  Four- 
nade,  qui  en  sont  les  principaux  interprètes,  les  marques  les  plus 
chaleureuses  de  satisfaction  ;  acclamés,  applaudis,  des  bouquets  ont  été 
jetés  à  Mlle  Bléau,  qui  a  été  rappelée. 

4%  Marseille.  —  Après  quinze  ans  de  sommeil,  la  délicieuse  partition 
du  Cheval  de  bronze  vient  de  nous  être  rendue.  M.  Halanzier  a  voulu 
clore  brillamment  l'année  théâtrale  par  un  des  plus  charmants  opéras 
d'Auber,  et  il  ne  pouvait  mieux  réussir.  Le  succès  a  été  complet,  et  il 
n'y  a  que  des  éloges  à  donner  aux  interprètes,  MM.  Dufrêne,  Nief, 
Van-Hufflen,  Holzem,  et  Mmes  Dumestre,  Moreau,  Gasc  et  Poncer. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


.j,*t  Bruxelles.  —  Au  concert  de  la  Société  royale  de  la  Réunion- 
Lyrique,  après  l'exécution  du  Désert,  de  Félicien  David,  et  de  l'ou- 
verture à'Obcron,  M.  et  Mme  Léonard,  qui  ont  le  tort  de  se  faire  trop 
rarement  entendre  ici,  ont  obtenu  chacun  un  succès  d'enthou- 
siasme, le  premier  en  jouant  magistralement  deux  fantaisies  de  sa 
composition,  pour  violon  et  orchestre  ;  la  seconde,  en  chantant  avec 
une  fraîcheur  de  voix  et  une  bravoure  incomparable,  la  cavatine  du 
premier  acte  de  la  Somnambule,  et  des  variations  d'Ad.  Adam.  M.  Du- 
pont a  joué  deux  parties  d'un  nouveau  concerto  symphonique,  que  nous 
appellerons  un  chef-d'œuvre  complet,  dès  que  nous  l'aurons  entendu  en 
entier.  Le  succès  de  nos  trois  artistes,  nous  le  répétons,  a  eu  toutes  les 
proportions  d'un  triomphe.  ~  Le  théâtre  de  la  Monnaie  a  repris  lundi, 
avec  un  grand  succès,  l'un  des  meilleurs  opéras  d'Auber,  le  Cheval  de 
bronze.  —  Le  concert  supplémentaire  donné  dimanche  17  a  été  fort  in- 
téressant ;  après  l'exécution  admirablement  réussie  de  la  6e  symphonie 
de  Mozart,  on  a  entendu  M.Joseph  Wieniawski.  qui  a  joué  un  concerto 
de  piano  composé  par  lui.  OEuvre  et  compositeur  ont  trouvé  devant 
le  public    connaisseur    des    concerts  du    Conservatoire,    un    accueil 


des  plus  favorables,  qui  doit  décider  M.  Wieniawski  à  revenir  bien- 
tôt à  Bruxelles  pour  y  produire  ses  charmantes  compositions  de 
salon,  qui  jouissent  partout  de  la  plus  grande  vogue.  La  seconde  partie 
du  concert  était  consacrée  entièrement  à  l'audition  de  la  musique  de 
Struensée,  de  Meyerbeer,  œuvre  magnifique,  dans  laquelle  se  retrouve  à 
chaque  ligne  le  génie  inventif  et  harmoniste  du  maître.  —  Mme  Fer- 
raris  continue  d'enthousiasmer  le  public  dans  l'Etoile  de  Messine.  — -  La 
troupe  italienne  de  Merelli  vient  de  nous  quitter  pour  se  rendre  à  Liège 
où  elle  a  dû  commencer  ses  représentations  le  20.  De  là,  l'imprésario 
compte  se  rendre  à  Riga  avec  les  sœurs  Marchisio,  Minetti  et  le  baryton 
Zacchi. 

*%  Cassel.  —  La  Clochette  de  l'Ermite  {les  Dragons  de  Villars),  par 
Maillart,  a  eu  plusieurs  représentations  qui  ont  attiré  chaque  fois 
beaucoup  de  monde. 

*%  Francfort-sur-le-Mein.—  La  statue  de  Schiller,  modelée  par  Diel- 
inann  et  fondue  par  Miiller,  à  Munich,  sera  inaugurée  le  9  mai,  jour 
anniversaire  de  la  mort  du  poète. 

»**  Dresde.  —  Le  10  avril  a  été  représenté  pour  la  première  fois  au 
théâtre  de  la  Cour  :  La  Forêt  d'Hermanstadt,  opéra  nouveau  en  trois 
actes  par  Westmeyer.  Les  rôles  principaux  étaient  interprétés  par 
Mme  Burde-Ney,  Mlle  Baldamus,  M.  Schnorr  de  Carolsfeld  et  Mitten- 
wurzer.  Ce  n'est  pas,  sans  doute,  une  œuvre  parfaite,  mais  il  y  a  bon 
nombre  de  morceaux  réussis,  auxquels  le  public  a  rendu  pleine  justice. 

„,**  Berlin.  —  La  chapelle  royale  a  donné  sa  neuvième  et  dernière 
soirée  de  symphonie.  On  y  a  exécuté,  entre  autres,  la  musique 
à'Egmont,  par  Beethoven  ;  ouverture,  entr'actes  et  lieder,  avec  le  texte 
explicatif  de  Mosengeil.  Mme  Harriers-Wippern  a  chanté  les  lieder 
avec  beaucoup  de  charme  et  d'expression.  —  Le  7  avril,  il  y  a  eu  à  la 
cour  un  concert  où  se  sont  fait  entendre  les  sœurs  Brousil  ;  elles  ont 
eu  du  succès.  —  Au  théâtre  de  la  cour,  on  reprend  Olympie,  de  Spon- 
tini,  avec  Mme  Harriers,  Mlle  de  Ahna,  MM.  Woworsky,  Fricke  et 
Salomon.  —  Mlle  Lucca  part  le  20  pour  Londres;  elle  donnera  deux 
représentations  au  théâtre  italien  sous  la  direction  de  Merelli ,  à 
Bruxelles. 

,%  Zurich.  —  Au  5e  et  6e  concert  d'abonnement,  la  société  de  chant 
Kirchner  a  fait  entendre  le  finale  de  Loreley  et  un  chœur  du  42"  psaume 
de  Mendelssohn.  Pruckner,  pianiste  de  Stuttgard,  s'est  fait  applaudir 
en  jouant  un  Concert  stùck,  de  Weber,  etc. 

**.,  Genève.  —  Au  3e  concert  du  Conservatoire,  s'est  fait  entendre 
avec  un  grand  succès  l'éminent  violoniste  Jean  Becker. 

***  Vienne.  —  Le  Barbier,  toujours  le  Barbier,  et  parfois  un  Ballo  in 
maschera  ou  Lucia,  voilà  ce  que  nous  a  offert  l'opéra  italien  dans  ces 
derniers  temps.  Le  public  ne  se  montre  pas  très-empressé  ;  à  la  der- 
nière représentation  de  Lucia,  on  comptait  une  dizaine  de  banquettes 
vides,  —  Le  19,  Mme  Barbot  doit  débuter  dans  Otello  par  le  rôle  de 
Desdémone.  —  Le  ténor  Mongini  débutera  dans  Moïse;  puis  viendra  la 

Traviata  avec  Mlle  Artot.  —  Les  répétitions  de  Sa/fo  ont  commencé. 

Au  Carltheater  on  va  représenter  Lischen  et  Fritzchen,  d'Offenbach, 
avec  paroles  allemandes,  et  sous  le  titre  :  les  Souabes  français.  —  Le 
2°  concert  historique  de  Zellner  n'a  pas  offert  moins  d'intérêt  que  le 
précédent.  Dans  la  première  partie,  on  n'a  exécuté  que  des  composi- 
tions dues  à  des  souverains  ou  à  des  personnes  d'un  sang  princier  : 
Ferdinand  111,  Léopold  Ier,  Charles  VI,  l'empereur  d'Autriche,  Fran- 
çois Ier  et  Louis  XIII,  rois  de  France  ;  de  Maurice-Auguste,  landgrave 
de  Hesse-Cassel,  mort  en  1662;  de  l'archiduc  Rodolphe,  élève  de  Bee- 
thoven. Dans  la  deuxième  partie  :  Madrigaux  de  Fallis  et  de  Donati; 
morceaux  de  chant,  par  Fasse  et  Rubinstein,  etc. 

,.%  Barcelone.—  Le  pianiste  Gennaro  Perrelli,  après  avoir  donné  une 
suite  de  brillants  concerts  à  Valladolid,  Alicante  et  Valence,  est  arrivé 
ces  jours  derniers  dans  notre  ville  et,  samedi  dernier,  il  donnait,  dans 
la  vaste  salle  de  la  Bourse,  un  concert,  l'un  des  plus  beaux  qu'on  ait 
entendus  à  Barcelone,  et  dans  lequel  il  a  été  rappelé  à  plusieurs  re- 
prises. 

t*tNew-York,'ïa.ml.— Notrethéâtre,sous  la  direction  deM.  Juignet,  fait 
de  très-bonnes  affaires.— On  a  déjà  donné  plusieurs  fois  les  Deux  Aveugles, 
Tromb-al-Cazar,  Bataclan,  et  le  Mariage  aux  Lanternes,  d'Offenbach, 
ainsi  que  les  Noces  de  Jannette,  et  Pianella,  de  Flotow;  l'Eclair,  d'Ha- 
levy,sera  donné  la  semaine  prochaine.  C'est  à  Maillet  qu'est  dû  le  suc- 
cès du  Mariage  aux  Lanternes.  La  symphonie  Harold  en  Italie,  de  Ber- 
lioz, a  été  répétée  avec  le  même  succès  que  l'hiver  passé,  et  une 
symphonie  de  Liszt  a  été  fort  mal  accueillie  au  dernier  concert  de  la 
Société  philharmonique. 


ilUTC  ^ous  annonÇ°ns  ^  nos  lecteurs  le  projet  de  vente  d'un  des 
AVlij.  meilleurs  magasins  de  musique  fondé  depuis  environ  cin- 
quante ans  dans  une  de  nos  plus  grandes  villes  de  France.  C'est  même 
dans  ladite  ville  le  seul  établissement  spécial  de  ce  genre. — S'adresser, 
pour  les  renseignements,  au  bureau  de  la  Gazette  musicale. 


Le  Directeur  :   S.  DIJFOUK. 


136 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHANGEMENT    DE    DOMICILE 
GAlIBOf.I  FRÈRES,  éditeurs,  11%,  rue  «le  Richelieu  (maison  Frascatl),  a  l'entrée  du  boulevard  Montmartre. 

Pour  paraître  le  lendemain  de  la  première  représentation 
au  théâtre  Lyrique  impérial, 

LA    CAPTIVE 


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Paroles  de  M.  MICHEL  CARRÉ. 
Partition  Piano  et  Chant,  Airs  détachés  et  arrangements  divers. 


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UNIVERSELLE   DE    LONDRES  1851. 

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Guerre  et  de  la  9Iarlne  de  France. 

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Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

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Facteur  du    Conservatoire   et  de 
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N°  18. 


1er  Mai  1864. 


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et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


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Départements,  Belgique  et  Suisse. ...    30.       id. 

Étranger 3<  »       id. 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Giacomo  Meyerbeer  (4e  article),  par  Fétîs  père.  —  Subven- 
tion du  théâtre  Italien.  —  Orphéon,  première  séance  solennelle  sous  la  direc- 
tion de  M.  F.Bazin.  —Concerts  populaires  de  musique  classique.  —  Auditions 
et  concerts.  —  Restes  mortels  de  Haydn.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A. 
D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


MEYERBEER    (Giacomo). 

(4e  article)  (1). 

L'année  1846  fut  marquée  par  une  des  plus  belles  productions  du 
génie  de  Meyerbeer  ;  œuvre  complète  dans  laquelle  il  n'y  a  pas  une 
page  faible  :  je  veux  parler  de  la  musique  composée  par  le  maître 
pour  Struensée,  drame  posthume  de  Michel  Béer,  frère  de  l'illustre 
artiste.  Cette  belle  conception,  où  l'originalité  des  idées  du  composi- 
teur se  révèle  dans  toute  sa  puissance,  renferme  une  ouverture  ma- 
gnifique, du  plus  grand  développement,  quatre  entr'actes  où  tout  le 
drame  se  peint,  et  neuf  morceaux  qui  s'intercalent  dans  le  dialogue, 
à  la  manière  des  mélodrames.  Quelques-uns  des  motifs  de  ceux-ci 
sont  traités  dans  l'ouverture  et  développés  avec  cet  art  de  progres- 
sion d'effet  dans  lequel  Meyerbeer  n'a  point  d'égal.  Les  artistes,  qui 
ne  jugent  pas  la  musique  sur  des  impressions  fugitives,  comme  le 
public,  et  qui  sont  capables  d'analyser,  savent,  en  effet,  que  le 
talent  du  maitre  prend  par  cette  qualité  son  caractère  le  plus  élevé. 
Le  plan  de  cette  ouverture  est  à  lui  seul  un  chef-d'œuvre  en  ce 
genre  :  tout  y  est  disposé  de  main  de  maître  et  avec  une  connais- 
sance profonde  de  l'effet  que  doit  produire  le  retour  des  idées  par 
la  variété  des  formes.  Lorsque  je  l'ai  fait  jouer  par  l'orchestre  du 
Conservatoire  de  Bruxelles,  un  auditoire  de  deux  mille  personnes  a 
été  jeté  dans  des  transports  d'admiration. 

II  faudrait,  résumer  tout  le  drame  pour  faire  comprendre  ce 
qu'il  y  a  de  poésie  dans  les  entr'actes  et  dans  les  morceaux  de 
musique  dont  Meyerbeer  a  fortifié  l'ouvrage  de  son  frère.  Chaque 
morceau  est  un  tableau  scénique,  ou  exprime  un  sentiment  particu- 

(1)  Voir  les  n°'  15,  lfi  et  17. 


lier  avec  une  puissance,  une  originalité  de  conception,  de  moyens 
et  d'accents  dont  l'effet  est  irrésistible.  Cette  admirable  composition 
a  été  exécutée  pour  la  première  fois  à  Berlin,  le  19  septembre 
4846. 

Dans  la  même  année,  Meyerbeer  écrivit,  pour  le  mariage  du  roi 
de  Bavière  avec  la  princesse  Gulllelmine  de  Prusse,  une  grande  pièce 
intitulée  Fackeltanz  (danse  aux  flambeaux) ,  pour  un  orchestre  d'ins- 
truments de  cuivre.  Cette  danse  prétendue  est  une  marche  pour  un 
cortège  d'apparat  qui  se  fait  le  soir  aux  flambeaux,  à  l'occasion  du 
mariage  des  princes  de  Prusse,  et  qui  est,  traditionnel  dans  cette 
cour.  Le  caractère  de  cette  composition  est  d'une  originalité  remar- 
quable :  elle  est  riche  de  rhythmes  et  d'effets  nouveaux.  Une  autre 
pièce  du  même  genre  a  été  composée  par  le  maître  pour  le  mariage 
de  la  princesse  Charlotte  de  Prusse,  et,  en  1853,  il  en  a  écrit  une 
troisième  pour  le  mariage  de  la  princesse  Anne. 

Après  une  longue  attente,  le  Prophète,  souvent  annoncé  sous  des 
noms  différents,  fut  enfin  représenté  le  16  avril  1849.  C'était  le  troi- 
sième grand  ouvrage  écrit  par  Meyerbeer  pour  l'Opéra  de  Paris  :  là, 
l'illustre  compositeur  se  retrouvait  sur  le  terrain  qui  lui  est  néces- 
saire pour  la  production  de  ses  puissants  effets.  Ainsi  qu'il  était  ar- 
rivé pour  Robert  et  pour  les  Huguenots,  il  y  eut  d'abord  de  l'incer- 
titude, non-seulement  dans  le  public,  mais  aussi  parmi  les  artistes  et 
les  critiques  de  profession,  concernant  le  jugement  qui  devait  être 
porté  de  la  partition  du  Prophète;  mais  à  chaque  représentation, 
l'ouvrage,  mieux  compris,  produisit  de  plus  sn  plus  l'effet  sur  lequel 
le  compositeur  avait  compté.  L'incertitude  provenait  de  ce  qu'on 
cherchait  dans  le  troisième  grand  ouvrage  du  maitre  des  beautés  ana- 
logues à  celles  qui  avaient  fait  le  succès  des  deux  premiers;  mais 
Meyerbeer  est  toujours  l'homme  de  son  sujet.  Dans  Robert,  il  avait 
eu  à  exprimer  le  combat  des  deux  principes,  bon  et  mauvais,  qui 
agissent  sur  la  nature  humaine  ;  dans  les  Huguenots,  il  avait  opposé 
les  nuances  délicates  et  passionnées  de  l'amour  aux  fureurs  du  fa- 
natisme religieux.  Dans  le  Prophète,  c'est  encore  le  fanatisme,  mais 
le  fanatisme  populaire  mis  en  opposition  avec  les  ruses  de  la  politi- 
que, et  celles-ci,  par  un  concours  inouï  de  circonstances,  arrivant  par 
degrés  à  la  plus  haute  expression  de  la  grandeur.  L'élément  prin- 
cipal de  ces  trois  ouvrages  est  la  progression  de  l'intérêt,  mais  d'un 
intérêt  de  nature  très-différente.  Les  beautés  de  sentiment  et  les 
beautés  de  conception  constituent  les  deux  grandes  divisions  esthéti- 


138 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ques  de  la  musique  théâtrale  ;  car  s'il  y  a  un  art  de  sentiment,  il  y 
a  aussi  un  art  de  pense'e.  Trois  facultés  de  l'organisation  humaine, 
à  savoir,  l'imagination,  la  sensibilité  et  la  raison,  correspondent  aux 
trois  conditions  qui,  tour  à  tour,  dominent  dans  les  produits  de  l'art 
dramatique,  c'est-à-dire  l'idéal,  le  passionné  et  le  vrai  relatif  au 
au  sujet.  L'imagination  s'allie  tantôt  au  sentiment,  tantôt  à  la  rai- 
son :  dans  le  premier  cas,  elle  nous  émeut  d'une  impression  vive, 
mais  vague  dans  son  objet  et  en  quelque  sorte  indéfinissable  ;  dans 
l'autre  ,  elle  s'élève  jusqu'au  grandiose  et  nous  saisit  de  l'idée  de 
puissance.  Or,  c'est  le  premier  de  ces  effets  qui  domine  dans  la  scène 
d'amour  du  quatrième  acte  des  Hvguenols,  c'est  l'autre  qui  se  pro- 
duit dans  la  conception  du  Prophète.  De  ces  deux  formes  de  l'art, 
l'une  n'a  pas  d'avantage  sur  l'autre;  leur  mérite  relatif  consiste  dans 
une  juste  application  au  sujet.  Ému  par  l'exaltation  de  l'amour  qu'il 
avait  à  exprimer,  le  grand  musicien  a  trouvé,  pour  le  sentiment  dont 
les  amant*  sont  pénétrés,  des  accents  de  tendresse,  de  passion  et  même 
de  volupté ,  dont  le  charme  est  irrésistible  ;  mais,  placé  en  face  des 
caractères  vigoureux  du  seizième  siècle,  ainsi  que  delà  rudesse  des 
mœurs  de  ce  temps,  et  ayant  à  colorer  le  tableau  d'une  des  époques 
les  plus  saisissantes  par  le  merveilleux  accord  de  circonstances  ex- 
traordinaires, l'artiste  s'est  pénétré  de  la  nécessité  de  donner  à  son 
œuvre  le  grand  caractère  qui  s'y  développe  progressivement,  afin 
de  frapper  l'imagination  des  spectateurs  et  de  saisir  leur  esprit  de  la 
vérité  objective  du  sujet  représenté.  Cette  œuvre  est  donc  le  fruit  de 
l'alliance  de  l'imagination  et  de  la  raison,  et  non  celle  de  la  pre- 
mière deces  facultés  avec  la  sensibilité.  Rien  ne  peut  mieux  faire  naître 
l'idée  de  la  grandeur  et  de  la  puissance  du  talent  que  le  développe- 
ment du  motif  si  simple  :  Le  voilà  le  roi  prophète,  chanté  par  les 
enfants  de  chœur,  dans  la  cathédrale  de  Munster,  au  quatrième  acte, 
et  qui ,  transformé  de  diverses  manières  dans  les  scènes  suivantes, 
finit  par  devenir  le  thème  principal  des  formidables  combinaisons  du 
finale.  Meyerbeer  seul  parvient  à  ces  effets  de  progression  fou- 
droyante. 

Après  le  succès  du  Prophète,  Meyerbeer  retourna  à  Berlin  et  y 
écrivit,  sur  une  poésie  du  roi  Louis  de  Bavière,  une  grande  cantate 
pour  quatre  voix  d'hommes  et  chœur,  avec  accompagnement  d'ins- 
truments d3  cuivre,  sous  le  titre  de  Bayerischer  Schiitzen  Marsck 
(Marche  des  archers  bavarois).  Cet  ouvrage  fut  suivi  d'une  ode  au 
célèbre  sculpteur  Rauch,  à  l'occasion  de  l'inauguration  de  la  statue 
de  Frédéric  le  Grand,  composition  de  grande  dimension  avec  solos 
de  chant,  chœur  et  orchestre,  qui  fut  exécutée,  le  4  juin  1851,  à 
l'Académie  royale  des  beaux-arts  de  Berlin.  Dans  la  même  année 
l'illustre  compositeur  écrivit  un  hymne  de  fête  à  quatre  voix  et 
chœur  (a  Capella),  qui  fut  exécuté  au  palais  pour  le  vingt-cinquième 
anniversaire  du  mariage  du  roi  de  Prusse,  Frédéric-Guillaume  IV. 

L'altération  sensible  de  la  santé  de  Meyerbeer,  vers  la  fin  de  1851, 
l'obligea  à  suspendre  ses  travaux.  Au  commencement  de  l'été  de 
l'année  suivante,  il  alla  prendre  les  eaux  de  Spa,  dont  l'usage  lui  a 
toujours  été  favorable.  Il  s'y  condamna  à  l'observation  rigoureuse  du 
régime  indiqué  par  les  médecins,  faisant  de  longues  promenades  so- 
litaires le  matin  et  le  soir,  tantôt  à  pied,  tantôt  monté  sur  un  âne. 
Dans  les  longs  séjours  qu'il  a  faits  à  Spa,  pendant  plusieurs  années 
consécutives,  le  maître  est  resté  presque  continuellement  isolé,  n'ap- 
prochant jamais  des  salles  de  réunion  et  de  jeu,  prenant  du  repos 
après  ses  promenades  et  ses  repas,  travaillant  mentalement  pendant 
qu'il  marche,  ne  recevant  pas  de  visites  pour  n'être  pas  interrompu 
quand  il  écrit,  mais  allant  voir  lui-même  ses  amis  lorsqu'il  y  a  de 
l'amélioration  dans  sa  santé,  se  promenant  avec  eux  et  causant  vo- 
lontiers de  toute  autre  chose  que  de  musique.  Meyerbeer  est  la 
grande  figure  de  Spa  pendant  la  saison  des  eaux  ;  lorsqu'il  s'y  rend, 
on    se   le  montre    de   loin,  et  l'on   entend  dire  de   toutes   parts  : 


Avez-vous  vu  Meyerbeer?  Chaque  ouvrage  nouveau  qu'il  met  en 
scène  lui  rend  nécessaire  l'air  pur  des  montagnes  qui  entourent  ce 
séjour,  ou  bien  les  solitudes  de  Schwalbach,  le  calme  de  ses  prome- 
nades et  l'effet  salutaire  des  eaux  et  du  régime  ;  car  chacun  de 
ses  succès  amène  une  altération  sensible  de  sa  santé.  Les  répéti- 
tions qu'il  fait  faire  avec  des  soins  inconnus  aux  autres  composi- 
teurs, et  les  morceaux  nouveaux  qu'il  écrit  avec  rapidité  pendant 
les  études  de  l'ouvrage,  lui  occasionnent  une  grande  fatigue.  A  voir 
son  exquise  politesse  envers  les  artistes  de  la  scène  et  de  l'orches- 
tre pendant  les  répétitions,  on  n'imaginerait  pas  ce  qu'il  y  a  de 
souffrance  et  d'impatience  dans  son  âme,  lorsque  les  fautes  de 
l'exécution  gâtent  l'effet  qu'il  s'est  proposé  et  qu'il  veut  obtenir  à 
tout  prix.  Cette  contrainte  agit  d'une  manière  pénible  sur  son  orga- 
nisation nerveuse.  Quand  la  première  représentation  Fa  affranchi  de 
ces  douloureuses  étreintes,  de  nouveaux  soins  viennent  le  préoccu- 
per; car  alors  commencent  les  luttes  de  ses  convictions  et  de  sa  con- 
science d'artiste  avec  les  jugements  de  la  critique,  qui,  rarement,  il 
faut  le  reconnaître,  possède  les  connaissances  nécessaires  pour  se 
placer  au  point  de  vue  de  sa  philosophie  de  l'art,  et  qui,  parfois 
aussi,  subit  les  influences  peu  bienveillantes  des  coteries,  dont  les 
colères  ne  manquent  jamais  d'éclater  contre  l'auteur  toujours  heu- 
reux. Des  maux  aigus,  ou  tout  au  moins  l'abattement  des  forces, 
succèdent  à  ces  crises;  c'est  alors  que  Meyerbeer  éprouve  le  besoin 
impérieux  de  se  séparer  du  monde,  de  se  retremper,  et  de  pui- 
ser dans  le  calme  et  dans  les  soins  donnés  à  sa  santé  l'énergie 
nécessaire  pour  des  luttes  nouvelles. 

FÉTIS  père. 
(La  suite  prochainement.) 


SUBVENTION  DU  THÉÂTRE  ITALIEN. 

On  se  rappelle  le  temps  où  un  directeur  du  théâtre  Italien  aima  mieux 
renoncer  à  la  subvenlion,  laquelle  était  alors  de  50  ou  60,000  francs, 
que  de  montrer  à  la  commission  du  budget  les  livres  constatant  sa 
situation  et  le  chiffre  exact  de  ses  bénéfices.  Le  directeur  se  nom- 
mait Severini,  et  il  avait  une  troupe  dont  les  artistes  principaux 
étaient  Rubini,  Lablache,  Tamburini,  Mmes  Giulia  Grisi  et  Per- 
siani,  qui  ne  coûtaient  guère  plus,  à  eux  cinq,  qu'un  seul  ne  coûterait 
maintenant. 

Aujourd'hui ,  le  directeur  du  même  théâtre,  M.  Bagier,  ne  de- 
mande qu'à  montrer  ses  livres  et  à  prouver,  ses  comptes  à  la  main, 
qu'une  subvention  lui  est  indispensable.  M.  Bagier  n'a  eu  qu'un 
tort,  celui  de  croire  un  instant  qu'il  pourrait  se  passer  de  secours 
et  que  le  fardeau  n'excéderait  pas  ses  forces.  Disons  toute  la  vé- 
rité :  déjà  directeur  du  théâtre  Italien  de  Madrid,  M.  Bagier  a  pu 
se  flatter  qu'il  trouverait  dans  la  combinaison  de  deux  entreprises 
du  même  genre  des  ressources  que  n'avaient  pas  ses  devanciers.  De 
plus,  il  savait  que  des  concurrents  plus  ou  moins  sérieux  offraient 
de  prendre  gratis  la  direction  du  théâtre  Italien  de  Paris.  Pour 
entrer  en  lutte  avec  eux,  il  fallait  au  moins  se  présenter  dans  des 
conditions  égales.  M.  Bagier  se  présenta  et  l'emporta;  mais  il  ne 
tient  qu'à  vous  de  savoir  ce  qu'il  y  a  perdu  :  la  subvention  lui 
ayant  été  retirée,  il  ne  lui  restait  plus  que  son  privilège,  et  le  décret 
qui  établit  la  liberté  des  théâtres  vient  de  le  réduire  à  néant. 

Évidemment  les  choses  ne  sont  plus  au  point  où  elles  étaient, 
lorsque  M.  Bagier  a  traité  :  il  a  souscrit  des  engagements  considérables 
sur  la  foi  d'un  régime  qui  a  cessé  d'exister.  Est-ce  le  moment  de 
l'abandonner,  en  se  bornant  à  lui  dire  :  Tant  pis  pour  vous  !  11  fallait 
savoir,  il  fallait  prévoir!  Ou  plutôt  ne  convient-il  pas  de  reconnaître 


DE  PARIS. 


139 


sa  bonne  volonté,  de  l'indemniser  de  ses  sacrifices,  et,  sans 
trop  se  préoccuper  du  directeur,  de  songer  à  l'avenir  du  théâtre  Ita- 
lien. Or,  si  M.  Bagier  se  retirait,  quel  autre  plus  capable  que  lui 
s'empresserait  de  prendre  sa  place?  Le  théâtre  Italien  n'est-il  pas 
soumis  à  la  loi  qui  régit  en  France  toutes  les  scènes  lyriques  sans 
exception  ?  Les  dépenses  n'y  dépassent-elles  pas  toujours  les  re- 
cettes dans  une  proportion  plus  ou  moins  forte?  En  France,  nous 
l'avons  dit  il  y  a  longtemps,  on  aime  beaucoup  la  musique,  on  en 
demande,  on  en  exige,  mais  on  ne  veut  pas  la  payer  ce  qu'elle  vaut. 
C'est  vainement  que  pendant  de  longues  années,  M.  Carvalho  et  les 
directeurs  qui  l'avaient  précédé,  se  sont  épuisés  en  efforts  inouïs 
pour  conjurer  la  loi  fatale.  C'en  était  fait  du  théâtre,  si  l'invincible 
nécessité  d'une  subvention  n'eût  été  reconnue.  On  lui  a  donné  celle 
du  théâtre  Italien,  parce  qu'on  a  supposé  que  celui-ci  pouvait  s'en 
passer.  Mais  si  l'on  s'est  trompé  ?  Le  vieil  axiome,  ne  dit-il  pas  : 
erreur  n'est  pas  compte? 

En  principe,  on  était  d'avis  que,  par  des  motifs  dont  l'énuméra- 
lion  serait  trop  longue,  et  que  d'ailleurs  tout  le  monde  connaît,  le 
théâtre  Italien  méritait  d'être  encouragé,  soutenu,  et  à  ces }  causes, 
il  y  a  environ  douze  ans,  une  subvention  lui  fut  de  nouveau  votée  ; 
la  somme  en  était  fixée  à  100,000  francs.  MM.  Lumley,  Corti ,  Ra- 
gani  et  Calzado  en  ont  joui  les  uns  après  les  autres  :  combien  y 
ont-i'.s  gagné?  Quel  est  celui  d'entre  eux  qui  s'est  retiré  pour  vivre 
de  ses  rentes?  Quel  est  celui  qui,  comme  Severini,  eût  pu  renoncer  à 
la  protection  de  l'Etat  et  à  ses  munificences?  Tout  ce  que  nous  di- 
rons, c'est  que  le  rétablissement  de  la  subvention  promis  à  M.  Vatel, 
lorsqu'il  se  fit  directeur,  ne  cessa  d'être  réclamé  par  lui  avec  ins- 
tance. A  défaut  de  la  subvention,  on  lui  accorda  la  permission  de 
construire  des  loges  nouvelles  de  chaque  côté  du  théâtre,  et  cette 
permission  lui  rapporta  beaucoup.  M.  Vatel  augmenta,  comme  di- 
recteur, la  fortune  qu'il  avait  faite  comme  agréé,  mais  les  circons- 
tances étaient  bien  différentes;  les  artistes  d'alors  rapportaient  tou- 
jours plus  qu'ils  ne  coûtaient.  Remettez-les  au  prix  de  cette  époque, 
et  nous  ne  doutons  pas  que  M.  Bagier  ne  consente  à  diriger  le 
théâtre  Italien  aussi  longtemps  qu'il  plaira  au  ministre  de  le  lui 
laisser,  sans  la  moindre  subvention,  et  même  avec  la  liberté  des 
théâtres. 


ORPHÉON. 

Première    séance  solennelle   sous  la  direction  de 
M.  F.   Bazin. 

L'Orphéon  de  la  ville  de  Paris  se  divise,  comme  on  sait,  en  rive 
droite  et  en  rive  gauche.  La  rive  gauche,  que  dirige  M.  F.  Bazin,  a 
tenu  dimanche  dernier  sa  séance  au  cirque  de  l'Impératrice  ;  au- 
jourd'hui la  rive  droite,  à  laquelle  M.  Pasdeloup  préside,  se  réunira 
au  cirque  Napoléon. 

Dix  morceaux  seulement,  sans  compter  le  Domine  salvum,  compo- 
saient le  programme  de  la  première  séance;  on  ne  peut  qu'en 
approuver  le  choix  et  l'exécution.  Parmi  ces  morceaux,  qui  se  dis- 
tinguaient tous  par  un  style  élevé,  simple  et  sévère,  on  a  remarqué 
un  chœur  à' U thaï,  de  Méhul;  un  autre  choeur  de  Castor  et  Pollux, 
de  Rameau  ;  un  Sanctus  de  Palestrina  ;  une  marche  de  la  Flûte 
enchantée,  de  Mozart,  et  la  prière  de  Moïse,  de  Rossini.  Toutes  ces 
compositions  ont  été  rendues  avec  une  correction  parfaite  et  un  bon 
sentiment  ;  le  progrès  continue,  d'ailleurs,  à  se  manifester  dans  la 
prononciation  des  élèves.  Comme  diversion  et  contraste  à  ces  mor- 
ceaux de  grand  style,  l'auditoire  a  vivement  accueilli  une  chanson 
hongroise,  pour  voix  d'hommes,  de  F.  Schubert,  un  chœur  général 


du  même,  intitulé  Rosemonde,  et  un  autre  chœur  d'Ambroise 
Thomas,  les  Traîneaux,  inspiration  gracieuse  et  légère,  saluée  d'un 
bis  unanime.  L'auteur  lui-même  a  reçu  en  personne  les  témoignages 
de  satisfaction  que  provoquait  son  œuvre,  et  il  a  dû  en  remercier  à 
la  fois  ses  auditeurs  et  ses  interprètes. 
A  dimanche  prochain  le  bulletin  de  la  seconde  séance. 


CONCERTS  POPULAIRES  DE  1H0SIQUE   CLASSIQUE. 

Un  concert  supplémentaire,  qui  avait  pour  prétexte  un  appel  à  la 
bienfaisance  en  faveur  de  l'œuvre  de  Sainte-Geneviève,  a  dignement 
terminé  la  brillante  saison.  L'affluence  s'était  portée  surtout  dans  les 
hauteurs  de  la  salle,  où  nul  fidèle  n'avait  déserté  son  poste. 
Mme  Rudersdorff  s'est  fait  entendre  avec  un  nouveau  succès  dans  un 
air  d'Elie,  non  de  Mendelssohn,  mais  de  Costa,  et  dans  une  scène 
d'Oberon.  Il  est  juste  de  dire  que  l'ouverture  de  Sémiramis,  l'hymne 
d'Haydn,  et  la  symphonie  en  ut  mineur,  exécutées  d'une  manière  ir- 
réprochable, ont  produit  un  immense  effet.  Le  public  a  aussi  fort 
bien  reçu  et  chaleureusement  applaudi  le  thème  varié,  suivi  d'une 
marche,  dont  F.  Lachner  est  l'auteur,  et  que  l'orchestre  jouait 
pour  la  seconde  fois. 

P.  3. 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 

M.  Seligmann.  —  M,  ï.oulss  Lacouine  (deuxième   concert). 

Mlle  Iiouisa  Barnard. 

Le  concert  de  Seligmann,  pour  être  venu  des  derniers,  n'en  a  pas 
moins  été  l'un  des  meilleurs  et  l'un  des  plus  charmants  de  la  sai- 
son. L'éminent  violoncelliste  est  du  petit  nombre  des  privilégiés  qui 
exercent  une  attraction  positive  sur  le  public  ;  toutes  les  sympathies 
sont  acquises  à  son  talent  pur,  distingué,  expressif  et  souvent  ins- 
piré. On  aime  à  l'entendre,  à  l'applaudir,  non  parce  qu'il  est  plus 
habile  que  bien  d'autres,  mais  parce  qu'il  ne  foule  pas  les  sentiers 
battus,  et  qu'il  y  a  en  lui  un  sentiment  poétique  qui  l'élève  et  le  fait 
planer  au-dessus  des  régions  accessibles  à  la  plupart  de  ses  con- 
frères. 

Ses  compositions,  frappées  au  coin  d'une  originalité  à  la  fois  élé- 
gante et  gracieuse,  ne  sont  d'ailleurs  pas  sans  influence  sur  les  suc- 
cès qu'il  obtient  en  les  interprétant.  Parmi  elles,  nous  citerons  le 
morceau  de  concert  sur  les  Huguenots,  qu'il  a  intitulé  Hommage  à 
Meyerbeer;  la  Chanson  havanaise,  la  Guzla,  la  Captive,  et  surtout 
cette  délicieuse  mélodie  arabe,  la  Kouitra,  où  son  violoncelle  a  si 
souvent  rivalisé  avec  les  vocalises  limpides  de  Mme  Cabel.  L'autre 
soir,  c'était  Mme  Barthe  Banderali  qui  lui  donnait  la  réplique,  et  nous 
devons  dire  qu'elle  s'en  est  acquittée  avec  un  goût  parfait. 

Dans  le  duo  en  ré  de  Mendelssohn  qui  ouvrait  la  séance,  Selig- 
mann a  partagé  les  suffrages  de  l'auditoire  avec  Ernst  Lubeck,  le 
pianiste  entraînant  et  souple,  qui  s'est  fait  ensuite  applaudir  dans 
deux  jolis  morceaux  de  sa  façon,  une  Berceuse  et  une  Etude  de  style. 
M.  Alfred  Lebeau,  l'organiste,  n'a  pas  été  moins  bien  accueilli  avec 
sa  Chapelle  et  son  Appel  des  pâtres.  Lui,  Seligmann  et  Soumis  ont 
dit  enfin  de  la  manière  la  plus  remarquable  la  chanson  de  Rigoletto, 
transcrite  pour  violoncelle,  orgue  et  piano. 

Le  chant  était  représenté,  dans  cette  belle  soirée,  par  Mme  Barthe 
Banderali,  dont  la  voix  agréable  et  la  méthode  exquise  ont  fait  une 
véritable  sensation,  ainsi  que  par  Jules  Lefort,  qui,  malgré  un  rhume 


lftO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


obstiné,    a    plusieurs  fois   provoqué   d'unanimes  et    d'enthousiastes 
bravos. 

—  Dans  un  premier  concert  donné  il  y  a  deux  mois,  Louis  La- 
combe,  dont  le  talent  d'exéeution  est  trop  connu  pour  qu'il  nous 
semble  nécessaire  de  revenir  sur  l'éloge  très-mérilé  que  nous  en 
avons  fait  à  cette  occasion,  avait  eu  pour  but  principal  l'interpréta- 
tion des  maîtres,  dans  laquelle  il  excelle,  et  avait  relégué  au  second 
rang  l'audition  de  ses  propres  œuvres.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  lui 
faire  un  crime  d'avoir  exclusivement  consacré  sa  soirée  de  mardi  à 
des  morceaux  de  sa  composition.  Leurs  qualités,  très-diverses,  quoi- 
que toujours  empreintes  d'une  individualité  des  plus  caractéristiques, 
justifient  cette  prétention  qui,  chez  tout  autre  que  lui,  pourrait  pas- 
ser pour  téméraire.  Plusieurs  de  ces  morceaux,' entendus  à  son  con- 
cert de  février,  étaient  d'ailleurs  redemandés  et  ne  lui  laissaient  pas 
même,  à  leur  égard,  la  liberté  du  choix.  Tels  étaient,  par  exemple, 
le  largo  et  le  finale  de  son  trio  en  la  mineur,  qu'il  a  joués,  cette  fois 
encore,  avec  une  rare  perfection,  en  compagnie  d'Armingaud  et  Jac- 
quard. Sauf  deux  courtes  mélodies  et  une  Polonaise  en  ré,  dont  on 
sait  l'effet,  Louis  Lacombe  n'a  fait  entendre  aucun  autre  de  ses  ou- 
vrages pour  piano  seul.  En  revanche,  il  n'a  pas  dû  être  médiocre- 
ment flatté  des  bravos  qui  ont  accueilli  le  piquant  scherzo  de  son 
ouverture  en  la,  exécuté  par  Armingaud,  Wacquez,  Mas  et  Jacquard, 
ainsi  que  l'élégie  pour  violon,  Au  tombeau  d'un  héros,  et  la  Romance 
pour  violoncelle,  où  Armingaud  et  Jacquard  se  sont  grandement  dis- 
tingués. 

De  nombreuses  mélodies,  chantées  par  Marie  Wekerlin-Damoreau, 
dont  la  méthode  rappelle  si  bien  celle  de  son  illustre  mère,  par 
Archainbaud  et  par  M.  Mortier,  un  ténor  à  la  voix  juste  et  sympa- 
thique, ont  défrayé  la  partie  vocale  de  ce  concert.  Ne  pouvant  les 
nommer  toutes,  nous  signalerons  comme  ayant  été  plus  particulière- 
ment applaudies  la  Source  et  la  mer,  Viens,  Une  flûte  invisible,  la 
Chanson  de  Thérésine  et  Au  clair  de  la  lune. 

—  Mlle  Louise  Barnard,  couronnée,  il  y  a  deux  ans  à  peine,  aux 
concours  du  Conservatoire,  est  déjà  connue,  en  France  et  en  Angle- 
terre, comme  pianiste  dont  le  présent  est  assez  riche  de  promesses 
pour  garantir  un  avenir  brillant.  Après  avoir  fait  preuve,  au  début 
de  sa  soirée,  qui  a  eu  lieu  rue  Cadet,  dans  la  salle  des  fêtes  du 
Grand-Orient,  de  la  plus  heureuse  organisation  musicale ,  en  jouant 
le  trio  en  mi  majeur  de  Mozart,  avec  MM.  White  et  Poëncet,  elle  a 
interprété,  avec  non  moins  de  distinction  que  de  grâce  et  de  légèreté, 
le  Mouvement  perpétuel,  de  Weber,  la  Fantaisie-Impromptu,  de 
Chopin,  et  le  Souvenir  de  Varsovie,  de  Schulhoff;  puis,  avec  Bernard 
Rie,  elle  a  supérieurement  exécuté  les  Mages  et  les  Oiseaux,  deux 
charmantes  études  artistiques  à  quatre  mains  par  H.  Ravina.  Outre 
MM.  White  et  Poëncet,  qui  ont  fort  bien  secondé  Mlle  Louisa  Bar- 
nard et  qui  se  sont  fait  applaudir  pour  leur  propre  compte,  on  a 
entendu  avec  plaisir  M.  Campiani  et  Mlle  Rahier,  à  qui  le  chant  était 
confié  dans  cette  soirée. 

Y. 


RESTES  MORTELS  DE  HAYDN. 

A  l'occasion  du  monument  qu'on  projette  d'élever  à  Joseph  Haydn 
devant  l'église  du  canton  dans  lequel  il  avait  son  habitation,  plu- 
sieurs journaux  allemands  contiennent  des  particularités  très-curieuses 
au  sujet  de  l'exhumation  du  corps  de  Joseph  Haydn,  qui  eut  lieu 
en  1820  par  les  soins  du  prince  Esterhazy. 

«  Le  corps  d'Haydn  resta  de  longues  années  dans  le  cimetière  de  la 
localité  où  il  était  décédé,  jusqu'à  ce  qu'en  1820  le  prince  Paul  Ester- 
hazy, avec  le  consentement  des  autorités,  le  fit  exhumer  et  transporter 
dans  une  de  ses  propriétés. 

»  A  l'exhumation  du  corps,  on  ne  trouva  que  le  tronc  ;  la  tête  man- 


quait, et  les  recherches  de  la  police  n'amenèrent  aucun  résultat.  Com- 
ment Haydn  perdit-il  sa  tête,  et  quel  fut  le  sort  de  celle-ci?  Il  paraîtrait 
que  ce  fut  J.-N.  Peter,  administrateur  de  la  prison  de  la  Basse-Autriche, 
qui  s'appropria  d'abord  la  tête  d'Haydn.  J.-N.  Peter  donne,  dans  ses 
dispositions  testamentaires,  en  1832,  de  grands  détails  sur  ce  crâne. 

»  Comme  il  était  partisan  enthousiaste  de  la  science  de  Gall,  et 
comme  il  collectionnait  des  têtes,  le  désir  lui  était  venu  de  posséder 
aussi  celle  de  Haydn.  Dans  ce  but,  il  avait  gagné  le  fossoyeur  et,  par 
une  nuit  obscure,  huit  jours  après  l'enterrement,  il  s'était  rendu  avec 
son  ami  Charles  Rosenbaum,  secrétaire  du  prince  E.-terhazy,  et  deux 
autres  de  ses  connaissances  dans  le  cimetière.  Le  tombeau  et  le  cercueil 
avaient  été  ouverts,  la  tête  avait  été  séparée  du  tronc  au  moyen  d'un 
couteau  et  emportée  par  Peter  chez  lui.  Il  prépara  et  blanchit  le  crâne 
dans  son  jardin,  le  mit  ensuite  dans  une  espèce  de  sarcophage  élégant 
et  le  conserva  ainsi. 

»  Plusieurs  années  après,  forcé  de  se  séparer  de  sa  collection  de 
crânes,  il  la  partagea  entre  ses  amis,  et  donna  le  crâne  d'Haydn  à 
Charles  Rosenbaum.  C'est  à  cette  époque  qu'eurent  lieu  les  recherches 
de  la  police  pour  découvrir  le  crâne  de  Haydn,  recherches  dirigées 
tout  d'abord  chez  Peter,  car  la  police  avait  appris  que  c'était  lui  qui  le 
possédait.  Il  dit  au  commissaire  de  police  que  ce  n'était  pas  lui,  mais 
Rosenbaum,  qui  avait  co  qu'il  cherchait.  Mais  Rosenbaum  avait  eu  vent 
de  la  visite  qui  le  menaçait  et  avait  pris  ses  précautions  pour  sauver 
son  trésor.  Et  en  effet,  sa  femme  avait  caché  la  cassette  contenant  le 
crâne  d'Haydn  dans  sa  paillasse  et  s'était  ensuite  mise  au  lit. 

i  Plus  tard,  quand  un  envoyé  du  prince  Esterhazy  se  présenta  chez 
Peter  pour  lui  demander  ce  crâne,  Peter  et  Rosenbaum  lui  en  remirent 
un  comme  étant  celui  d'Haydn.  Mais  il  résulta  de  l'examen  fait  par  un 
anatomiste  que  c'était  le  crâne  d'une  personne  âgée  d'à  peine  vingt 
ans,  tandis  que  Haydn  était  mort  à  l'âge  de  soixante-dix-sept  ans.  Un 
second  crâne  qu'ils  remirent  alors  n'était  pas  encore  le  véritable,  mais 
il  fut  malgré  cela  placé  avec  les  restes  d'Haydn  dans  la  tombe. 

»  Rosenbaum  garda  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  le  véritable  crâne  d'Haydn; 
il  le  rendit  alors  à  Peter  à  la  condition  de  le  donner,  quand  il  mour- 
rait, au  Conservatoire  de  musique  de  Vienne.  Bien  que,  dans  un  testa- 
ment olographe,  Peter  l'eût  légué  au  Conservatoire,  il  le  donna  à  son 
médecin,  le  docteur  H...,  qui  offrit  cette  relique  «  à  un  des  plus  célè- 
bres instituts  anatomiques  d'Europe,  à  la  tête  duquel  est  une  personna- 
lité scientifique  bien  connue,  »  et  c'est  là  que  se  trouve  encore  au- 
jourd'hui le  crâne.  » 


REVUE  DES  THEATRES. 

Gymnase  :  un  Mari  qui  lance  sa  femme,  comédie  en  trois  actes,  par 
MM.  Eug.  Labiche  et  Raymond  Deslandes;  la  Question  d'amour, 
Comédie  en  un  acte,  par  MM.  Paul  Bocage  et  Aurélien  Scholl.  — 
Vaudeville  :  Aux  crochets  d'un  gendre,  comédie  en  quatre  actes, 
par  MM.  Théodore  Barrière  et  Lambert  Thiboust.  —  Variétés  : 
Le  Joueur  de  flûte,  vaudeville  romain  de  M.  Jules  Moineaux,  mu- 
sique gauloise  de  M.  Hervé.  —  Théâtre  Déjazet  :  le  Dégel,  co- 
médie -  vaudeville  en  trois  actes,  par  M.  Victorien  Sardou.  — 
Folies- M arignï  :  la  Tsigane,  opérette  en  un  acte,  par  MM.  Eug. 
Moreau  et  Valnay;  les  Virtuoses  du  pavé,  bouffonnerie  musicale, 
de  M.  W.  Busnach  et  de  M.  Léveillé. 

On  retrouverait,  sans  chercher  beaucoup,  dans  la  Comédie  hu- 
maine, de  Balzac,  l'idée  première  du  Mari  qui  lance  sa  femme;  seu- 
lement, la  main  qui  a  écrit  le  Lys  dans  la  vallée  ressemble  si  peu 
à  celle  qui  a  griffonné  les  drôleries  du  Chapeau  de  paille  d' Italie, 
qu'on  ne  saurait  reprocher  à  M.  Labiche  un  emprunt  déguisé  au 
point  de  le  rendre  méconnaissable.  Du  reste,  à  travers  leurs  fantaisies 
les  plus  désopilantes,  il  y  a  presque  toujours  dans  les  pièces  de  l'au- 
teur de  Moi,  une  intention  morale  qui  les  rapproche  de  la  bonne  et 
vraie  comédie.  Dans  cette  circonstance,  il  s'agit  d'un  brave  bour- 
geois qui,  par  amitié,  exige  que  sa  femme  fréquente  un  monde  pour 
lequel  elle  n'est  pas  faite,  affiche  un  grand  luxe  de  toilette,  se  mon- 
tre au  bois,  aux  courses,  dans  les  théâtres,  et  s'expose  ainsi  à  des 
dangers  dont  il  ne  reconnaît  l'existence  que  lorsqu'ils  sont  suspendus 
sur  sa  propre  tête.  Cette  leçon  est  en  trois  actes;  par  conséquent, 
nous  n'en  donnons  que  la  substance;  il  nous  faudrait  bien  plus  d'es- 
pace que  celui  dont  nous  disposons  pour  en  raconter  les  détails 
épisodiques.  Us  ne  sont  pas  tous  heureux,  mais  ils  sont  esquissés 
avec  une  verve,  avec  une  bonne  humeur  qui  désarment  la  critique. 


DE  PARIS. 


141 


La  Question  d'amour  est  un  charmant  petit  tableau  de  mœurs, 
traité  avec  beaucoup  d'esprit  et  de  délicatesse.  Daniel  a  une  maî- 
tresse; sa  famille  veut  le  forcer  à  la  quitter,  pour  lui  faire  contracter 
un  engagement  plus  sérieux,  et  dans  ce  but,  elle  dépêche  auprès  de 
lui  un  ambassadeur  chargé  d'aplanir  les  difficultés  à  l'aide  de  quel- 
ques billets  de  mille  francs.  Le  moyen  n'est  pas  nouveau  ;  il  a  été 
employé  avec  succès  par  l'ami  du  père  de  Daniel.  Mais  il  se  trouve 
que  la  femme  délaissée  par  le  ci-devant  jeune  homme  a  eu  de  lui 
une  fille,  et  que  cette  fille  est  justement  la  maîtresse  qu'il  a  pour 
mission  d'évincer.  La  Question  d'amour  prend  alors  le  dessus,  et 
aboutit  à  un  mariage.  Cette  comédie,  ainsi  que  l'autre,  est  merveil- 
leusement jouée  par  l'excellente  troupe  du  Gymnase. 

— On  a  bien  souvent  mis  au  théâtre  les  tribulations  d'un  gendre  en 
butte  aux  exigences  tyranniques  de  son  beau-père  ou  de  sa  belle- 
mère.  C'est  un  sujet  rebattu,  et  dont  néanmoins  certains  aspects 
peuvent  encore  sembler  neufs,  lorsqu'ils  sont  présentés  avec  le  tact 
et  l'esprit  que  MM.  Théodore  Barrière  et  Lambert  Thiboust  ont  dé- 
ployés dans  leur  pièce  du  Vaudeville,  Aux  crochets  d'un  gendre. 
C'est  un  véritable  paradis  que  l'intérieur  du  ménage  Fontelais,  et  la 
lune  de  miel  ne  cesserait  de  luire  sur  lui,  si  une  catastrophe,  causée 
par  la  lutte  fratricide  des  Américains  du  Nord  et  du  Midi,  ne  venait 
tout  à  coup  lui  mettre  sur  les  bras  le  père  de  madame,  un  arma- 
teur du  Havre,  flanqué  de  sa  digne  moitié,  et,  un  peu  plus  tard,  de 
deux  amis,  MM.  Moutonnet  père  et  fils.  Tout  ce  monde-là,  installé 
chez  Fontelais,  substitue  ses  volontés  à  la  sienne,  l'annihile  com- 
plètement, et  le  pousse  si  bien  à  bout  que  le  pauvre  gendre  exas- 
péré finit  par  s'insurger  et  par  se  débarrasser  de  ses  bons  parents  et 
de  leur  séquelle.  Cette  comédie,  pleine  de  détails  gais,  mordants, 
ingénieux,  et  fort  bien  jouée  par  Félix,  Parade,  Saint-Germain  et  tutti 
quanti,  n'a  qu'un  défaut,  mais  il  est  grave.  Son  sujet  comportait  un 
seul  acte,  et  elle  en  a  quatre;  tant  il  est  vrai,  nous  l'avons  dit  bien 
des  fois,  que  MM.  les  auteurs,  pour  avoir  à  eux  seuls  tous  les  bé- 
néfices de  la  soirée,  sacrifient  trop  souvent  l'intérêt  de  leur  gloire  à 
celui  de  leur  bourse. 

—  Le  vaudeville ,  ou  plutôt  l'opérette  nouvelle  des  Variétés,  qui 
pourrait  s'appeler  Une  récompense  nationale,  mais  qui  se  nomme 
tout  simplement  le  Joueur  de  flûte,  ni  plus  ni  moins  qu'une  comédie 
de  M.  Emile  Augier,  ridiculise  effrontément  l'un  des  sentiments  les 
plus  honorables  de  l'humanité,  et  personne  ne  s'en  fâche,  parce  que 
la  bouffonnerie  des  détails  empêche  de  songer  au  fond  très-sérieux 
du  sujet.  Le  consul  Duillius  a  rendu  un  signalé  service  à  la  patrie 
en  remportant  une  grande  vicLoire  sur  les  Carthaginois,  et  pour  l'en 
récompenser,  le  sénat  romain  a  décrété  qu'il  ne  marcherait  plus  qu'ac- 
compagné partout  d'un  joueur  de  flûte.  Le  malheureux  triomphateur, 
d'abord  très-flatté  de  cette  distinction  originale,  ne  tarde  pas  à  s'a- 
percevoir des  inconvénients  qu'elle  entraîne  après  elle.  Il  ne  peut 
faire  un  pas  sans  avoir  à  ses  trousses  l'enragé  flûtiste,  qui  trouble 
ses  rendez-vous  d'amour,  qui  le  dénonce  à  la  jalousie  des  maris,  et 
qui,  après  l'avoir  mis  dans  un  affreux  pétrin,  lui  joue  encore  aux 
oreilles,  d'un  ton  gouailleur,  l'inévitable  refrain  :  Fallait  pas  qu'il 
y  aille  !  Que  fait  le  consul  Duillius  pour  se  délivrer  d'un  tel  supplice  ? 
11  a  recours  à  l'argument  si  souvent  employé  par  les  Léandres 
du  vieux  théâtre  à  l'envers  des  Scapins  et  des  Mascarilles,  et  le 
joueur  de  flûte  s'en  va,  sans  demander  son  reste. 

Le  comique  de  cette  parodie  romaine  réside  dans  l'emploi  sau- 
grenu des  termes  classiques  mêlés  aux'  expressions  argotiques  les 
plus  prononcées  ;  cela  fait  un  contraste  plaisant  dont  il  faut  rire 
quoi  qu'on  en  ait.  La  musique  gauloise  de  M.  Hervé  procède  exacte- 
ment de  même  et  arrive  au  même  résultat.  Commencée  d'une  façon 
sérieuse,  elle  aboutit  à  quelque  pont-neuf  bien  connu,  bien  caracté- 
ristique, qui  n'est  peut-être  pas  gaulois,  mais  qui  est  digne  de  l'être. 
Les  acteurs  des  Variétés,  Dupuis  en  tête,  sont  bien  drôles  dans  leurs 


toges  de  mardi-gras  et  dans  leurs  tirades  cocasses,  tant  parlées  que 
chantées. 

—  M.  Victorien  Sardou,  en  devenant  un  des  auteurs  les  plus  ac- 
crédités de  ce  temps-ci,  n'a  pas  oublié  qu'il  a  fait  ses  premières  ar- 
mes au  théâtre  Déjazet,  et,  quoique  fort  occupé  ailleurs,  il  ne  dédai- 
gne pas  de  redescendre  parfois  jusqu'à  la  petite  scène  qui  lui  a  servi 
de  point  de  départ.  Son  dernier  acte  de  gratitude  s'appelle  le  Dégel, 
c'est  une  charmante  comédie  d'intrigue,  dans  laquelle  le  jeune  comte 
de  Bassompierre,  petit-fils  de  l'ancien  ami  de  Henri  IV,  emprunte 
les  traits  de  Virginie  Déjazet,  comme  le  prince  de  Conti  dans  les 
Frés  Saint-Gervais.  Le  grand-père  d'Hector  de  Bassompierre,  ayant 
eu  à  se  plaindre  des  femmes  vers  la  fin  de  sa  vie,  l'a  si  bien  mis 
en  défiance  contre  la  plus  belle  moitié  du  genre  humain,  que  le 
jeune  comte  se  présente  à  la  cour  avec  la  ferme  intention  de  ne 
pas  laisser  fondre  les  glaces  de  son  cœur  au  soleil  des  œillades  de 
ces  dames.  Mais  le  roi  a  quitté  Marly,  et  en  se  faisant  suivre  de 
tous  ses  courtisans,  il  n'a  pu  emmener  leurs  femmes  ;  Hector  tombe 
donc  au  milieu  de  ces  veuves  très-consolables  qui  partagent  leurs 
loisirs  entre  l'exercice  du  patin  sur  la  grande  pièce  d'eau,  et  la 
préparation  d'un  ballet  pour  le  retour  du  roi.  La  présence  d'Hector 
dans  leur  solitude  est  une  bonne  fortune  pour  elles;  car  on  a  be- 
soin d'un  Adonis  pour  figurer  dans  le  ballet,  et  le  jeune  Bassom- 
pierre a  tout  ce  qu'il  faut  pour  bien  remplir  ce  rôle.  C'est  à  qui 
s'empressera  de  lui  en  faire  comprendre  toutes  les  finesses.  Mais 
Adonis  reste  impassible  et  glacé  jusqu'au  moment  où  Vénus,  mieux 
avisée  que  toutes  ses  compagnes,  trouve  moyen  d'amener  le  dégel. 
Virginie  Déjazet,  toujours  jeune,  toujours  spirituelle,  est  l'âme  et 
la  joie  de  cette  pièce  ;  inimitable  comme  comédienne,  elle  a  une  ma- 
nière à  elle  de  dire  le  couplet  et  de  faire  valoir  la  musique  vieille 
ou  nouvelle  qu'elle  est  chargée  d'interpréter,  qui  prête  à  sa  voix 
un  attrait  des  plus  piquants.  Aussi  l'a-t-on  couverte  de  fleurs  et  l'a- 
t-on  rappelée  à  chaque  acte  pour  la  cribler  d'applaudissements.  Ce- 
pendant, nous  devons  le  dire,  le  Dégel  est  un  peu  long,  et  gagnera 
beaucoup  à  durer  moins. 

—  Le  petit  théâtre  construit  aux  Champs-Elysées  par  le  physicien 
Lacaze  et  qui  a  été  le  berceau  des  Bouffes-  Parisiens,  semble, 
après  bien  des  vicissitudes,  vouloir  revenir  au  genre  qui,  jus- 
qu'à ce  jour,  lui  a  le  mieux  réussi.  La  nouvelle  direction  vient 
d'inaugurer  ses  Folies- Marigny  par  deux  pièces  où  la  musique 
joue  un  assez  grand  rôle  et  auxquelles ,  par  conséquent,  nous 
devons  une  mention  particulière.  MM.  Eugène  Moreau  et  Val- 
nay,  les  auteurs  de  la  Tsigane,  sont  deux  artistes  dramatiques 
qui  ont  passé  plusieurs  années  en  Russie.  Ils  en  ont  rapporté 
des  mélodies  populaires  qu'ils  ont  placées  tout  naturellement  dans  un 
cadre  emprunté  aux  mœurs  de  ce  pays.  La  philippine  est  un  gage 
d'amour  essentiellement  russe  qui  se  compose  d'une  amande  coupée 
en  deux.  Souvent  les  morceaux  s'en  égarent,  et  il  ne  faut  rien 
moins  que  l'intervention  d'une  tsigane  ou  bohémienne  pour  qu'ils  se 
rendent  à  leur  véritable  adresse.  Sur  cette  donnée,  à  la  fois  naïve 
et  sentimentale,  les  airs  russes,  marqués  en  général  de  ce  double 
cachet,  sont  d'un  effet  excellent,  et  l'on  dirait  qu'ils  ont  été  faits 
pour  elle,  tandis  que  c'est  tout  le  contraire.  Il  n'y  a  que  la  Tchigui- 
rigui-Tchek,  espèce  de  ronde  finale,  qui  sort  un  peu  de  ce  moule, 
et  encore  trouve-t-on  comme  une  saveur  de  mélancolie  sauvage  dans 
le  cri  joyeux  qui  l'accompagne.  Rien  n'est  plus  curieux  que  d'en- 
tendre ces  mélodies  adroitement  orchestrées  par  M.  Albert  Vizentini, 
et  chantées  avec  goût  par  des  artistes  intelligents,  dont  plusieurs  ont 
été  pensionnaires  des  Bouffes.  Nous  citerons  dans  ce  nombre 
Mlle  Macé  et  Mlle  Darcier,  la  fille  du  chanteur. 

Les  Virtuoses  du  pavé  sont  une  amusante  bouffonnerie  à  trois 
personnages,  basée  sur  un  usage  parisien  qui  consiste  à  laisser 
pénétrer  les  musiciens  ambulants  dans  les  cours  des  maisons,  sans 
respect,  sans  pitié  pour  le  repos  de  leurs  habitants.  Montrouge,  le 


142 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSFCALE 


directeur  de  ce  petit  théâtre  ;  Caillât,  encore  un  transfuge  des 
Bouffes,  et  Mlle  Macé  jouent  avec  beaucoup  d'ensemble  et  de  verve 
cette  opérette  dont  M.  Leveillé  a  écrit  la  musique.  Il  s'était  déjà  fait 
connaître  par  celle  de  Léonard  qu'on  chantait  au  boulevard  du 
Temple,  il  y  a  deux  ans.  Plusieurs  de  ses  airs  et,  entre  autres,  la 
ronde  des  Virtuoses  de  la  rue,  sur  laquelle  la  pièce  se  termine, 
auront  le  même  sort  que  ceux  de  Léonard,  et  seront  popularisés  par 
les  médaillés  de  la  préfecture  dont  on  se  moque  aux  Folies-  Marigny  : 
ce  sera  leur  vengeance. 

!).  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


4%  Lundi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la  Favorite,  chan- 
tée par  Mme  Gueymard  ,  et  ensuite  Diavolina. — Mercredi,  la  Muette 
avait  rempli  la  salle.— Vendredi,  Mlle  Sax  a  chanté  de  nouveau  le  rôle 
de  Valentine,  des  Huguenots;  le  chef-d'œuvre  a  produit  son  effet  ac- 
coutumé, et  Mlle  Saxa  été  applaudie  et  rappelée.  La  recette  s'élevait  à 
près  de  10,000  francs. — Hier  soir  a  eu  lieu  la  représentation  au  bénéfice 
de  la  caisse  de  secours  de  l'association  des  acteurs  et  compositeurs 
dramatiques.  Elle  se  composait  de  la  comédie  du  Théâtre-Français,  Moi, 

—  du  deuxième  acte  de  Charles  VI,  —  du  premier  acte  de  Giselle, 
avec  Mile  Mourawieff,  —  du  troisième  acte  de  la  Maschera  avec 
Mlle  Boschetti,  d'un  intermède  musical  avec  Mmes  Gueymard  et  Sax, 
MM.  Faure  et  Warot,  et  des  deuœVhiens  de  Faïence,  pièce  des  Variétés 
jouée  par  Alphonsine  et  Dupuis.  On  a  de  plus  exécuté  les  ouvertures 
de  la  Muette  et  du  Tannhauser. 

Jff.  On  a  pu  se  convaincre  à  la  représentation  des  Huguenots,  donnée 
lundi  dernier  à  l'Opéra,  de  la  supériorité  qu'offre  le  système  d'éclairage 
à  flamme  renversée,  inventé  par  M.  Subra,  sur  celui  en  usage  jusqu'à 
présent  pour  les  rampes  de  théâtre.  Un  des  côtés  de  celle  de  l'Opéra 
était  éclairée  d'après  le  nouveau  procédé  et  l'autre  d'après  l'ancien. 
Tandis  que  la  lumière  renversée  se  projetait  avec  le  plus  grand  éclat 
sur  les  costumes  des  artistes,  les  anciens  becs  semblaient  ne  donner 
qu'une  lumière  fauve  et  désagréable.  Ce  résultat  étant  concluant,  il  est 
probable  que  tous  les  théâtres  adopteront  l'invention  de  M..  Subra. 

„,%  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  repris  dimanche  Haydée.  Le 
charmant  opéra  d'Auber,  chanté  par  Achard  (Loredan),et  Eugène  Bat- 
taille,  qui  remplissait  pour  la  première  fois  celui  de  Malipieri,  avait  at- 
tiré beaucoup  de  monde. 

„,%  M.  Bagier  vient  de  rengager  pour  le  mois  de  mai  Aldighieri  ei 
sa  femme,  Mme  Spezzia-Aldighieri  ;  ces  deux  artistes  se  rendront  à 
Paris  aussitôt  que  le  théâtre  de  l'Oriente  de  Madrid  aura  fait  sa  clôture. 

—  Mlle  Luigia  Varesi,  dont  on  commence  à  parler  comme  d'une  jeune 
étoile  du  chant  italien,  a  remplacé  au  pied  levé  dans  un  Ballo  in  maschera 
Mlle  Calderon  indisposée  et  elle  l'a  fait  de  façon  à  satisfaire  le  public 
et  le  directeur;  aussi  doit-elle  se  produire  incessamment  dans  VElisire 
d'amore,  avec  Bettini,  Giraldoni  et  Scalese.  —  En  attendant,  Frascliini 
continue  à  passionner  le  public  du  théâtre  Italien  ;  il  a  merveilleuse- 
ment chanté  cette  semaine  le  rôle  de  Poliuto  et  il  y  a  été  merveilleu- 
sement secondé  par  Mme  Carlotta  Marchisio  ;  au  troisième  acte  elle  a 
transporté  la  salle. 

j%  Nous  reverrons  la  saison  prochaine  Zucchini  au  Théâtre-Italien  ;  il 
a  été  engagé  par  M.  Bagier  en  même  temps  que  le  ténor  Negroni. 

„%  Le  premier  usage  que  vient  de  faire  de  sa  majorité  Mlle  Adelina 
Patti  a  été,  avant  de  quitter  Paris,  de  constituer,  par  acte  passé  chez 
Me  Acloque,  notaire,  6,000  francs  de  rente  à  son  père  et  autant  à  sa  mère. 
Tout  commentaire  serait  superflu  devant  un  pareil  acte  de  tendresse  et 
de  reconnaissance  filiales. 

t%  Nous  avons  parlé  des  bonnes  dispositions  manifestées  par  M.  Car- 
valho  aux  auteurs  de  Jeanne  d'Arc.  Le  directeur  du  Théâtre-Lyrique  a 
demandé  à  MM.  Metge  et  Germain  un  opéra  en  deux  actes  ;  qu'il  fera 
représenter,  et  s'il  réussit,  il  montera  Jeanne  d'Arc  immédiatement 
après. 

.%  L'opéra  de  Félicien  David,  la  Captive,  dont  la  première  représen- 
tation était  annoncée  pour  mercredi  dernier,  a  été  retiré  par  les  au- 
teurs. 

***  Les  répétitions  de  Fanchette,  pièce  de  MM.  Nuitter  et  Desarbres, 
musique  de  M.  le  comte  Gabrielli,  viennent  d'être  reprises  avec  activité 
au  théâtre  Lyrique,  et  l'ouvrage  ne  tardera  pas  à  être  représenté.  On 
en  dit  un  grand  bien. 

.%  Les  recettes  des  théâtres  impériaux  et  secondaires,  des  con- 
certs, spectacles -concerts,  etc.,  pendant  le  mois  de  mars,  se  sont 
élevées  à  1,952,861  fr.  A7  c. 

»■%  Nous  constations  le  succès  obtenu  dernièrement  à  Amiens  par  Ber- 


tbelier  et  Mlle  Frasey,  jouant  au  concert  de  la  Société  philharmonique 
Lischen  et  Frilzchen.  Ce  succès  vient  de  se  reproduire  encore  plus  grand 
à  Nantes,  où  les  deux  charmants  artistes  ont  représenté  le  petit  chef- 
d'œuvre  d'Offenbach,  d'abord  au  concert  donné  par  la  Société  des 
Beaux-Arts,  puis  le  lendemain,  au  Grand-Théâtre,  où.le  programme, 
qui  n'annonçait  que  Nos  alliées,  un  intermède  musical  et  Lischen  et 
Fritzchen,  avait  attiré  une  telle  affluence,  que  la  recette  s'est  élevée  à 
2,800  francs.  Dans  chacune  de  ces  représentations,  on  fait  répéter  le 
duo  alsacien  avec  acclamation. 

„%  Les  journaux  de  Madrid  constatent  le  triomphe  obtenu  par 
Mme  Borghi-Mamo  dans  la  Favorite  et  dans  Safo,  donnés  à  son  bénéfice. 
Leurs  Majestés  et  l'infant  Don  Sébastien  assistaient  à  la  représentation, 
et  la  célèbre  cantatrice  a  reçu  de  la  reine  un  magnifique  collier  comme 
témoignage  de  satisfaction,  en  même  temps  que  les  habitués  du  théâtre 
lui  offraient  une  couronne  d'or. 

„.%  L'élégante  salle  des  Folies-Marigny  est  pleine  tous  les  soirs, 
grâce  aux  Virtuoses  du  pavé,  une  bouffonnerie  de  M.  Busenach,  dont 
nous  avons  déjà  parlé.  La  vogue  est  assurée  pour  tout  l'été  à  cf  petit 
théâtre  dont  P.  Legrand,  Montrouge,  Caillât,  Mmes  Macé  et  Darciersont 
les  soutiens  habituels. 

„%  La  commission  nommée  à  Florence  pour  examiner  les  quatorze 
partitions  envoyées  au  concours,  ouvert  pour  le  choix  d'un  opéra  nou- 
veau à  représenter  au  théâtre  de  la  Pergola,  a  décidé  qu'aucune  ne 
méritait  cet  honneur  et  a  consigné  dans  un  procès-verbal  les  raisons  de 
cette  décision.  Les  intéressés  pourront  en  prendre  connaissance  et  en 
faire  leur  profit. 

t*t  S.  M.  l'empereur  Maximilien  1er  a  chargé  M.  Auber  de  composer 
la  musique  de  l'hymne  national  mexicain,  dont  le  texte  est  dû  à  la 
plume  de  M.  Aguilar,  ancien  ministre  d'Etat  au  Mexique,  aujourd'hui 
envoyé  extraordinaire  près  le  Saint-Siège. 

^%  Plusieurs  concerts  sont  encore  à  l'ordre  du  jour,  malgré  la  sai- 
son avancée.  On  annonce  : 

—  Pour  demain  lundi,  salons  Pleyel-Wolff,  une  deuxième  soirée  don- 
née par  Jules  Schuloff,  dans  laquelle  il  exécutera  ses  plus  charmants 
morceaux,  avec  le  concours  de  Seligmann  et  de  Mme  M.  Banderali. 

—  Pour  le  même  jour,  à  la  salle  Herz,  concert  de  l'excellent  pianiste 
Ferraris. 

—  Pour  le  3  mai,  salle  Herz,  concert  avec  comédie,  par  des  artistes 
du  Théâtre-Français,  au  bénéfice  de  réminent  professeur,  M.  Ch.  Pollet 
et  de  ses  enfants.  MM.  Saint-Saëns,  Ketterer,  Delahaye,  David,  Herman, 
Altès,  Sokolowski,  Lasserre,  Bussine  et  Mme  Peudefer  prêteront  leur 
concours  au  bénéficiaire.  —  Stances  de  Méry  à  la  mémoire  de  Mme  Pol- 
let-Jouvante  récitées  par  M.  Jouanni. 

—  Pour  le  mercredi  4,  salle  Herz,  concert  de  la  charmante  pianiste 
Adrienne  Peschel,  avec  le  concours  de  MM.  Giuliani  et  White.  Mlle  Au- 
vray  et  M.  Félix  y  joueront  un  proverbe  de  Marc  Constantin  :  A  cor- 
saire, corsaire  et  demi. 

—  Pour  le  6  mai,  quatrième  concert  de  bienfaisance  par  la  Société 
académique  de  musique  sacrée,  sous  la  direction  de  Charles  Vervoitte, 
avec  le  concours  de  MM.  Marochetti,  Bussine,  Mlle  Bernard  des  Portes. 
Programme,  très-riche  et  très-curieux,  de  musique  classique  des  xvi°  au 
xixe  siècles. 

„,*„,  Lors  du  récent  séjour  de  M.  Dunkler  dans  notre  capitale,  la 
musique  de  la  garde  de  Paris,  dirigée  par  M.  Paulus,  a  fêté  la  présence 
de  l'habile  maestro,  par  une  excellente  exécution  de  plusieurs  de  ses 
œuvres.  M.  Dunkler,  directeur  des  musiques  militaires  de  Sa  Majesté  le 
roi  des  Pays-Bas,  n'est  pas  seulement  un  soliste  et  un  chef  hors  ligne; 
il  peut  être  cité,  à  bon  droit,  comme  l'un  des  meilleurs  compositeurs 
de  musique  militaire.  Ses  productions  sont  aussi  estimées  que  recher- 
chées à  l'étranger;  elles  alimentent  les  premiers  orchestres  régimen- 
taires  d'Allemagne,  de  Russie,  d'Angleterre  et  même  de  France.  C'est 
qu'en  effet,  indépendamment  de  ses  œuvres  originales,  M.  Dunkler  n'est 
pas  du  tout  un  arrangeur  vulgaire;  ses  fantaisies,  sur  des  opéras  ou 
des  morceaux  connus,  ne  sont  point  simplement  une  suite  de  motifs 
se  succédant  les  uns  aux  autres.  Maintenant  que  les  dernières  et  si 
brillantes  inventions  de  M.  Adolphe  Sax  sont  venues  compléter  la  pa- 
lette et  augmenter  les  ressources  des  musiques  dites  d'harmonie, 
M.  Dunkler,  qui  d'ailleurs  avait  principalement  effectué  son  voyage 
dans  le  but  d'étudier  ces  importantes  créations,  aura  de  nouvelles  ri- 
chesses à  sa  disposition,  et  il  nous  semble  même  entrer  déjà  dans  les 
idées  du  célèbre  inventeur,  relativement  à  l'emploi  des  instruments  par 
timbres,  autrement  dit  par  famille.  Parmi  les  anciennes  fantaisies  de 
M.  Dunkler,  nous  avons  entendu  et  applaudi  celle  sur  les  motifs  de 
Don  Juan,  qui  peut  être  considérée, —  aussi  bien  que  celle  sur  la  Muette, 
comme  un  des  chefs-d'œuvre  du  genre  ;  impossible  d'allier  plus  de 
charme  à  plus  de  savoir,  plus  de  franchise  à  plus  d'effet.  Dans  des 
styles  différents,  M.  Paulus  a  encore  fait  exécuter  un  arrangement  sur 
les  Petits  prodiges,  de  M.  Jonas,  l'ouverture  de  Stradella,  de  M.  de  Flo- 
tow,  et  deux  marches,  dont  l'une  empruntée  à  une  valse  à  la  mode. 
M.  Dunkler  a  reçu  les  félicitations  de  ses  auditeurs,  qui  se  pressaient 
dans  la  jolie  salle  de  la  rue  Saint- Georges,  et  parmi  lesquels  nous  avons 
remarqué  M.  Georges  Kastner,  M.  le  général  Mellinet,  M.  Jonas,  et  plu- 
sieurs chefs  de  musique  de  l'armée. 


DE  PARIS. 


143 


„*„  Lefranc,  ténor  du  grand  théâtre  de  Marseille,  vient  d'être  en- 
gagé comme  premier  ténor  au  théâtre  royal  de  Turin. 

J*4  La  future  saison  de  Bade  se  prépare  splendidement.  Les  œuvres 
lyriques  et  dramatiques  y  occuperont  la  plus  grande  place.  On  parle 
de  quinze  opéras  français  et  de  cinq  italiens.  Trois  opéras  nouveaux, 
composés  expressément  pour  Bade  :  De  par  le  Roi,  de  Gustave  Héquet  ; 
la  Fleur  de  lotus,  de  Prosper  Pascal,  et  le  Rouet,  musique  d'une  dame 
de  la  haute  société,  y  seront  en  outre  représentés. 

»*„  Un  compositeur  qui  a  fait  ses  preuves  au  théâtre  avec  beaucoup 
d'éclat,  M.  B.  Pisani,  vient  demander  à  Paris  la  consécration  des  suc- 
cès qu'il  a  obtenus  à  l'étranger.  C'est  à  lui  qu'on  doit  cette  belle  parti- 
tion de  Ladislao,  composée  à  Constantinople,  où  elle  fut  accueillie  avec 
enthousiasme,  et  plus  tard  exécutée  à  Florence.  M.  Pisani,  cédant  aux 
instances  de  ses  amis,  s'est  décidé  à  organiser  un  concert  à  grand  or- 
chestre et  avec  chœurs,  dans  lequel  il  fera  entendre  plusieurs  œuvres 
inédites  de  sa  composition  avec  orchestre,  chœurs  et  soli.  Ce  concert 
aura  lieu  demain  lundi  dans  le  grand  salon  du  Louvre.  Mme  Peudefer, 
et  MM.  Stroheker  et  Marochetti  prêteront  leur  concours  au  bénéfi- 
ciaire. M.  Castagneri,  l'habile  chef  d'orchestre  du  théâtre  Italien,  diri- 
gera l'exécution.  Ce  sera  une  grande  et  belle  fête  musicale. 

•,/%  La  Société  philharmonique  d'Angoulème  vient  d'appeler  une  élève 
distinguée  du  célèbre  E.  Prudent,  Mlle  Murer,  pour  prendre  part  au 
concert  qu'elle  donne  le  9  mai  prochain. 

*%  L'éminent  pianiste-compositeur  Magnus  est  de  retour  de  Saint- 
Pétersbourg,  où  il  s'est  fait  entendre  plusieurs  fois  avec  grand  succès. 
Il  a  reçu  de  S.  M.  l'impératrice  une  bague  en  brillants,  en  témoignage 
de  sa  haute  satisfaction.  M.  Magnus  lui  avait  dédié  une  de  ses  nou- 
velles compositions. 

*%  La  compagnie  artistique  formée  par  Willert  Beale  pour  donner 
des  concerts  dans  les  principales  villes  d'Angleterre,  a  commencé  son 
excursion,  et  tous  les  journaux  des  localités  où  elle  apparaît  en  font  les 
plus  grands  éloges.  Ou  le  comprendra  aisément  en  apprenant  que  la 
partie  instrumentale  est  confiée  à  deux  artistes  de  l'école  française,  le 
jeune  violoniste  Lotto  et  le  pianiste-compositeur  Georges  Pfeiffer,  et  la 
partie  vocale  à  Mmes  Marchesi  et  Pyne.  Nous  manquons  d'espace  pour 
reproduire  les  comptes  rendus  de  ces  magnifiques  soirées  qui  sont  sui- 
vies avec  un  empressement  justifié  par  le  mérite  de  pareils  virtuoses. 
Leeds,  Birmingham,  Scarborough  les  ont  déjà  entendus,  et  dans  ces  di- 
verses localités,  on  n'a  pas  moins  particulièrement  distingué  l'exécu- 
tion de  M.  Georges  Pfeiffer  que  ses  compositions,  applaudies  avec  en- 
thousiasme par  un  public  de  2,500  personnes,  de  même  que  le  parti 
qu'il  sait  tirer  de  l'admirable  piano  mis  à  sa  disposition  par  la  maison 
Pleyel,  Wolflf  et  Cc. 

,*.,  On  lit  dans  la  Gazette  des  Eaux  :  «  Les  bains  de  mer  vont  compter 
un  Casino  de  plus.  L'inauguration  du  Casino  et  des  bains  de  mer  de 
Cherbourg  est  maintenant  prochaine.  Grâce  à  l'active  impulsion  qui  a 
été  donnée  aux  travaux,  on  peut  déjà  se  rendre  compte,  non-seulement 
de  l'aspect  général  de  l'édifice,  mais  aussi,  au  moins  d'une  manière 
sommaire,  des  appropriations  intérieures,  aménagements  pour  l'hydro- 
térapie,  logements  des  baigneurs,  au  nombre  de  plus  de  vingt.  Le  Ca- 
sino avec  ses  salons  de  fête,  lecture  et, autres,  sa  salle  de  billard,  son 
restaurant,  etc.;  tout  nous  a  paru  être  conçu  en  vue  de  satisfaire  com- 
plètement aux  conditions  d'hygiène,  de  confort  et  ds  plaisance  que  doit 
indispensablement  remplir  un  établissement  de  ce  genre  dans  une  ville 
de  premier  ordre.  Cherbourg  est  tout  à  fait  en  position  de  présenter 
aux  haigneurs  et  aux  touristes  les  mêmes  avantages  que  les  villes 
plus  ou  moins  rapprochées  et  qui  sont  hantées  par  de  nombreuses 
et  brillâmes  sociétés.  Cherbourg  a,  sur  toutes  les  autres  villes  d'eau, 
l'incontestable  supériorité  que  lui  assurent  sa  rade  magnifique,  son  port 
militaire,  la  plus  proche  de  Paris,  auquel  il  est  directement  lié,  son 
voisinage  de  l'Irlande,  de  l'Angleterre  et  des  îles  anglaises.  *> 

**„.  A  l'audition  donnée  par  M.  Fr.  Ketterer,  le  13  avril  dernier,  on  a 
exécuté  un  opéra-comique  en  un  acte,  intitulé  Promenade  dans  un  salon, 
paroles  de  M.  Jules  Kuelle,  musique  d'Alfred  Mutel,  chanté  par  Ar- 
chainbaud  et  Mlle  Bloringhem,  élève  de  Duprez  et  accompagné  au  piano 
par  Matton.  C'est  la  seconde  fois,  cet  hiver,  que  l'on  exécute  ce  petit 
opéra,  qui  a  été  beaucoup  et  légitimement  applaudi. 

t%  On  a  vendu  tout  récemment  à  Londres,  à  un  prix  fou,  un  violon 
de  Nicolas  Amatl  (grand  patron),  accompagné  d'une  déclaration  en  due 
forme,  attestant  que  le  violon  avait  appartenu  à  Tartini,  et  que  c'est  sur 
cet  instrument  qu'il  a  créé  la  Sonate  du  Diable,  connue  de  tout  violo- 
niste. 

,,,%  Le  2  mai  prochain,  l'éditsur  E.  Gérard  (ancienne  maison  Meis- 
sonnier)  mettra  en  vente  la  Chanson  slave,  de  J.  Schulhoff. 

*%  M.  Dauverné,  professeur  de  trompette  au  Conservatoire  impérial 
de  musique,  vient  de  faire  paraître  ,  chez  les  éditeurs  G.  Brandus 
et  S.  Dufour,  une  méthode  spéciale  ou  théorie-pratique  de  trompette 
chromatique,  terminée  par  une  collection  de  nouvelles  études  carac- 
téristiques et  mélodiques;  le  tout  extrait  de  son  grand  ouvrage  histo- 
rique et  didactique  sur  la  trompette,  approuvé  par  la  section  de  mu- 
sique de  l'Académie  des  Beaux-Arts  (Institut  de  France)  et  adopté  pour 
l'enseignement    au  Conservatoire.  M.  Fétis,  directeur  du  Conservatoire 


royal  de  Bruxelles,  après  examen  attentif  de  cet  ouvrage,  a  écrit  à 
M.  Dauverné  une  lettre  très-flatteuse  pour  l'informer  qu'il  en  avait 
également  prescrit  l'adoption  dans  les  classes  du  Conservatoire. 

„,**  Le  préfet  de  la  Gironde  vient,  par  un  arrêté,  de  supprimer  les 
débuts,  attendu  que  le  principe  de  libre  concurrence,  proclamé  par  le 
décret  du  6  janvier  dernier,  sur  la  liberté  des  théâtres,  entraîne  l'a- 
brogation des  prescriptions  de  nature  à  lier  l'indépendance  des  direc- 
teurs dans  le  choix  des  artistes  devant  composer  leurs  troupes. 

*%  On  nous  écrit  de  Madrid,  que  M.  Engel,  le  célèbre  professeur 
d'harmonium,  a  été  appelé,  de  préférence  à  un  grand  nombre  d'artistes, 
à  jouer  chez  la  reine.  M.  Engel  est  resté  une  heure  chez  Sa  Majesté,  et 
il  a  exécuté  neuf  morceaux  divers  de  sa  composition.  Le  roi  l'a  chau- 
dement félicité  et  lui  a  demandé  de  lui  envoyer  tousses  ouvrages. 

***  Nous  disions,  dans  notre  dernier  numéro,  que  M.  Berlyn,  d'Ams- 
terdam, avait  orchestré  le  Souvenir  d'un  Songe,  charmante  composition 
d'Emile  Jonas;  nous  rappellerons  que  cette  mélodie  a  été  écrite  d'a- 
bord pour  le  piano,  et  que,  depuis  sa  publication,  elle  a  obtenu  un  vé- 
ritable succès  de  vogue.  Avant  quelques  mois,  le  Souvenir  d'un  Songe 
sera  devenu  populaire. 

***  Au  théâtre  Robin,  les  nouvelles  expériences  et  les  nouveaux  ta- 
bleaux de  l'isthme  de  Suez  continuent  d'attirer  tous  les  soirs  une  foule 
nombreuse.  La  semaine  dernière,  M.  Ferdinand  de  Lesseps  est  venu, 
avec  une  Société  d'élite,  honorer  ce  spectacle  de  sa  présence.  Il  n'a 
cessé,  à  plusieurs  reprises,  de  témoigner  par  ses  bravos  combien  il 
était  émerveillé  de  la  vérité  et  de  l'exactitude  des  tableaux.  C'est  le 
plus  beau  suffrage  auquel  M.  Robin  pouvait  aspirer. 

t*i  Mme  A.  de  Lagrange,  du  théâtre  Italien,  vient  d'avoir  la  douleur 
de  perdre  son  père. 

***  A  Dresde  est  mort,  le  13  avril,  M.  J.  Schneider,  organiste 
de  la  cour,  dans  sa  soixante-quinzième  année.  C'était  peut-être  le 
plus  remarquable  des  organistes  contemporains  ;  il  était  excellent 
improvisateur  ;  par  contre,  ses  compositions  sont  insignifiantes. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

%*4  Marseille.  —  Avant  la  clôture  théâtrale,  M.  Halanzier  a  voulu  nous 
donner  le  nouveau  ballet  de  M.  Montplaisir,  l'Ile  des  amours,  deux  actes 
et  quatre  tableaux.  Le  sujet  du  ballet  est  que  plus  faible,  mais  tel 
quel,  il  a  fourni  un  triomphe  de  plus  à  la  charmante  Mlle  Pitteri,  et 
un  succès  à  notre  maître  de  ballets  qui  a  su  y  trouver  des  pas  et  des  en- 
sembles ravissants  pour  notre  corps  de  ballet.  Les  costumes  et  les  dé- 
cors sont  magnifiques.  Le  tableau  final  est  surtimtadmirablementréussi. 

***  Alger.  —  Un  de  nos  meilleurs  artistes,  M.  Chambon,  avait  choisi 
les  Huguenots  pour  son  bénéfice.  Cette  reprise  a  eu  le  plus  grand  suc- 
cès. Le  chef-d'œuvre  de  Moyerbeer  a  été  fort  bien  interprété.  Des  cou- 
ronnes ont  été  jetées  au  bénéficiaire,  et  tous  les  artistes  rappelés. 
—  Nous  avons  eu  en  outre  une  très-belle  représentation  du  Prophète, 
dans  laquelle  Mlle  Boullard  chantait  le  rôle  de  Fidès.  Elle  y  a  été  fort 
applaudie.—  On  nous  promet  avec  elle  la  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel, 
attendue  avec  impatience. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

„*,  Bruxelles.  — Le  théâtre  de  la  Monnaie  ne  fermera  ses  portes  qu'à 
la  fin  de  mai.  Depuis  sa  rentrée ,  notre  excellent  ténor,  M.  Bertrand, 
a  chanté  les  rôles  de  Raoul,  dans  les  Huguenots,  et  d'Arnold,  dans  Guil- 
laume Tell.  L'indisposition  dont  il  a  souffert  n'a  laissé  aucune  trace,  et 
sa  voix  n'a  jamais  été  plus  belle.  On  l'a  chaleureusement  applaudi.— De 
son  côté,  Mme  Mayer-Boulard  nous  est  revenue ,  et  avec  elle  Dinorah, 
qu'elle  a  chantée  deux  fois  au  milieu  d'un  enthousiasme  qui  s'est  tra- 
duit par  des  acclamations  prolongées,  des  rappels  et  une  avalanche  de 
bouquets.  La  représentation  du  Pardon  de  Ploërmel  avait  lieu  au  béné- 
fice d'un  de  nos  meilleurs  artistes,  M.  Aujac.  —  Brassin  a  donné  di- 
manche, dans  les  salons  de  Mme  la  princesse  de  Chimay,  une  brillante 
matinée,  dans  laquelle  il  a  joué  entre  autres,  avec  Léonard,  une  sonate 
de  Bach,  merveille  d'ensemble  et  de  perfection.  La  princesse  de  C...  a 
voulu  à  son  tour  être  la  partenaire  de  Brassin,  et  l'on  peut  dire,  sans 
excès  de  galanterie,  qu'elle  l'a  égalé  en  talent.  Les  deux  magnifiques 
instruments,  modèles  de  perfection  sortis  des  ateliers  d'Erard,  semblaient 
n'en  faire  qu'un  !  —  Le  grand  succès  obtenu  par  Léonard  à  la  dernière 
soirée  de  la  société  de  la  Grande-Harmonie,  à  Anvers,  avait  décidé 
la  commission  à  convier  de  nouveau  le  grand  artiste  à  celle  qu'elle 
donnait  mercredi.  Léonard  s'y  est  surpassé  dans  le  10e  quatuor  de 
Beethoven  et  dans  le  trio  en  si  bémol  du  même  maître.  Il  a  été  digne- 
ment secondé,  dans  la  partie  de  piano,  par  Joseph  Gregoir.  —  Le  cé- 
lèbreLitolff  s'est  fait  entendre,le  16  courant,  au  concert  maçon- 
nique organisé  au  profit  de  la  caisse  de  bienfaisance.  Virtuose  et 
compositeur,  hors  ligne,  Litolff  avait,  sous  ce  double  rapport,  de  glo- 
rieux précédents  à  justifier.  Son  succès  a  été  énorme.  Jamais  peut-être 
l'adagio  et  le  scherzo  de  son  quatrième  concerto  symphonique  —  une 


VA 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


oeuvre  capitale  —  n'ont  été  joués  plus  admirablement  par  lui.  Le  piano 
de  Henri  Herz,  qui  a  servi  au  maître,  a  lutté,  avec  aulant  de  charme 
que  de  puissance,  contre  l'orchestre  aguerri  de  l'Association  des  musi- 
ciens, dirigé  par  M.  Hanssens. 

4%  Ems.  —  11  est  déjà  question  de  notre  prochaine  saison.  Le  di- 
recteur de  notre  établissement  thermal,  M.  Briguiboul,  en  ce  moment 
à  Paris,  s'est  assuré  une  brillante  série  de  concerts  et  de  représenta- 
tions dramatiques,  en  engageant  les  principaux  artistes  du  théâtre  des 
Bouffes-Parisiens  et  plusieurs  du  théâtre  Lyrique.  On  représentera  une 
opérette  nouvelle  d'Offenbach,  le  Soldat  magicien,  et  une  de  M.  Deffès, 
Jeanne  qui  pleure  et  Jeanne  qui  rit. 

„,*,,,  Weimar.  —  A  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la  naissance  de  la 
grande  duchesse,  l'opéra  de  Reyer  :  la  Statue,  a  été  représenté  au 
théâtre  de  la  cour.  Cette  charmante  partition  a  eu  beaucoup  de  suc- 
cès ;  la  mise  en  scène  était  splendide. 

*%  Hambourg.  M.  Schlager  a  chanté,  sans  grand  succès,  le  rôle  de 
Marcel,  des  Huguenots;  mais  on  a  écouté  avec  beaucoup  d'intérêt 
Mme  Schroeder  (Valentine)  et  Mme  Rùbsam  (Marguerite). 

»%  Brestau.  —  Le  16  avril  a  été  représenté,  pour  la  première  fois, 
le  Dernier  jour  de  Pompéïa,  opéra  en  quatre  actes,  musique  de 
A.  Gabst. 

.,,%  Berlin.  —  Avant  de  prendre  son  congé  annuel,  Mlle  Lucca  a  chanté 
dans  les  Noces  de  Figaro,  le  rôle  de  Chérubin,  et  dans  le  Trovatore  celui 
de  Léonora.  La  'aile  était  comble  chaque  fois,  et  retentissait  d'ap- 
plaudissements enthousiastes.  Dans  le  Trovatore,  M.  Adams,  Améri- 
cain d'origine,  a  chanté  avec  succès  le  rôle  de  Manrico.  A  côté 
de  Mlle  Lucca ,  Mme  Harriers-Wippern  (Susanne)  et  Mlle  de  Ahna 
(la   comtesse)  se  sont  fait  applaudir  dans  le  charmant  opéra  de  Mozart. 


.  *%  Vienne.  —  Après  avoir  débuté  avec  succès  dans  Moïse,  Mongini 
doit  chanter  le  rôle  d'Elvino,  dans  la  Sonnambula. —  L'opérette  d'Offen- 
bach, Lischen  et  Fritzchen,  continue  son  succès  de  fou-rire  au  Carl- 
theater.  Mme  Treumann  y  remplit  avec  beaucoup  de  talent  et  de  verve 
le  rôle  de  Lischen. 

x*tDusseldorf.  —  A  propos  du  trois  centième  anniversaire  de  la 
naissance  de  Shakespeare ,  il  y  a  eu  brillant  concert  à  la  Tonhalle. 
Après  l'ouverture  de  Coriolan,  par  Beethoven,  le  professeur  Springer, 
de  Bonn,  a  prononcé  l'éloge  du  poète;  ensuite  on  a  exécuté  la  musi- 
que de  :  Comme  il  vous  plaira,  par  Tausch,  avec  un  texte  explicatif  de 
Nielo  ;  la  solennité  a  été  close  par  la  symphonie  en  ut  mineur,  de 
Beethoven. 

„%  Saint-Pétersbourg.  —  A.  Rubinstein  vient  de  donner,  à  la  salle 
de  la  Douma  (mairie),  un  grand  concert  dans  lequel  on  a  beaucoup 
applaudi  un  nouveau  quatuor  de  sa  composition  —  Le  grand  effet 
produit  par  la  Marche  de  l'Exposition,  de  Meyerbeer,  au  concert  donné 
par  Hans  de  Bulow,  a  déterminé  le  célèbre  pianiste-compositeur  à  la 
faire  répéter  dans  le  concert  qu'il  a  été  donner  à  Moscou.  L'œuvre 
magnifique  de  Meyerbeer  y  a  été  acclamée  comme  à  Saint-Pétersbourg. 


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quante ans  dans  une  de  nos  plus  grandes  villes  de  France.  C'est  même 
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31e  Année, 


N°  19. 


8  Mai  1861 


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Le  Journal  puruît  le  Dimanche. 


GAZETT 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Meyerbeer,  par  Edouard  Ilonnais.  —  Décret  relatif  au 
concours  de  composition  musicale.  —  Orphéon,  seconde  séance  solennelle  sous 
la  direction  de  M.  Pasdeloup.  —  Nouvelles  et  annonces. 


Meyerbeer   n'est   plus!!! 

Nous  avions  entrepris  de  raconter  avec  M.  Fétis,  notre  illustre 
collaborateur,  l'histoire  de  sa  glorieuse  vie,  de  ses  magnifiques  tra- 
vaux ;  mais  la  mort  est  venue  le  frapper  d'un  de  ces  coups  soudains 
et  terribles  dont  le  génie  même  ne  préserve  pas  ! 

Bientôt  nous  la  reprendrons,  cette  histoire,  que  nous  devons  tout 
entière  à  nos  lecteurs  ;  nous  la  continuerons,  comme  on  continue  le 
récit  d'un  drame  dont  le  dénoùment  funeste  est  connu  d'avance, 
mais  qui  n'en  excite  pas  un  intérêt  moins  vif,  qui  ne  mérite  que 
mieux  d'être  étudié  curieusement  dans  toutes  ses  phases  et  ses  pé- 
ripéties. 

En  ce  moment  nous  ne  pouvons  parler  que  de  la  manière  dont  a 
fini  le  grand  artiste  qui  a  créé  d'immortels  chefs-d'œuvre  !  Quomodo 
cecidit  homopotens  ?  Hélas  !  il  a  fini  comme  il  avait  toujours  vécu,  s'oc- 
cupant  uniquement  de  son  art,  lui  consacrant  toutes  les  forces  de  sa 
pensée  et  de  son  âme,  se  dévouant  à  l'œuvre  que  lui  dictait  une 
inspiration  supérieure,  et  s'y  attachant  tout  entier,  sans  réserve, 
comme  s'il  n'eût  encore  rien  fait. 

Après  Robert  le  Diable,  les  Huguenots,  le  Prophète,  Meyerbeer  ne 
croyait  pas  avoir  accompli  sa  tâche  :  il  voulait  encore  donner 
l'Africaine  ! 

«  Un  dernier  ouvrage  de  Meyerbeer  est  attendu  »,  écrivait  M.  Fé- 
tis dans  la  savante  notice  dont  on  verra  plus  tard  la  conclusion  ;  «  il 
eut  d'abord  pour  titre  r  Africaine;  mais  les  auteurs  du  livret,  ayant 
refait  la  pièce,  lui  ont  donné  le  titre  de  Vasco  de  Gama.  »  Que  de 
choses  n'a-  t-on  pas  dites  et  imprimées  sur  cet  opéra,  dont  quelque- 
fois on  allait  jusqu'à  nier  l'existence  et  auquel  s'applique  si  bien  le 
mot  de  la  reine  Christine  :  Chi  lo  sa  non  scrive;  chi  lo  scrive  non 
lo  sa.  Dès  l'année  18ft0,  la  direction  de  l'Opéra  était  en  possession 
de  deux  ouvrages,  de  deux  poëmes  qui  auraient  pu  se  disputer  les 


honneurs  du  pas  :  le  Prophète  et  l'Africaine.  Le  Prophète  ayant 
obtenu  l'avantage,  peu  de  temps  après  la  première  représentation, 
Meyerbeer  nous  confia  le  manuscrit  de  l'Africaine,  dont  la  partition 
était  déjà  écrite,  en  nous  priant  de  lui  communiquer  nos  observa- 
tions, qu'il  transcrivit  de  sa  propre  main  pour  les  soumettre  à  Scribe. 
C'est  ainsi  que  fut  retouché  le  livret;  et  à  propos  des  modifications 
que  les  changements  du  poëme  entraînerait  dans  la  musique  : 
«  Qu'importe!  »  disait  Meyerbeer;  «je  suis  toujours  prêt  à  changer 
mes  morceaux;  j'en  ai  changé  bien  d'autres  dans  le  Prophète  !  » 

Le  nouveau  manuscrit  de  l'Africaine  fut  remis  au  compositeur  en 
mai  1852  et  la  partition  était  complètement  terminée  en  1860.  Dès 
lors,  il  ne  s'agit  plus  que  de  faire  jouer  l'ouvrage.  Meyerbeer  n'était 
pas  venu  à  Paris  depuis  quelques  années,  et  l'on  peut  dire  que  son 
dernier  voyage  n'a  eu  pour  unique  but  que  la  représentation  de 
l'Africaine, 

C'est  au  commencement  du  mois  de  septembre  que  Meyerbeer  ar- 
riva. Le  soir  même,  malgré  la  fatigue  du  voyage,  il  se  rendit  à 
l'Opéra  pour  entendre  Mlle  Tietjens  dans  les  Huguenots.  A  compter 
de  ce  moment,  il  ne  se  passa  pas  un  jour  sans  qu'il  fût  question 
de  l'Africaine.  Mais  les  soins  qu'il  donnait  au  choix  des  artistes,  à  la 
distribution  des  rôles,  aux  détails  de  la  mise  en  scène,  ne  suffisaient 
pas  encore  à  l'activité  de  cette  organisation  infatigable,  et  il  se  plai- 
gnait sans  cesse  de  n'avoir  rien  à  composer.  Il  cherchait  avec  ardeur 
un  libretto  d'opéra-comique,  et  il  affirmait  que  ce  serait  un  délasse- 
ment pour  lui  que  d'en  écrire  la  musique.  Pour  lui  le  repos  n'exis- 
tait que  dans  la  variété  du  travail  ! 

Conformément  à  ses  habitudes,  il  avait  voulu  que  sa  partition  fût 
copiée  chez  lui,  et  les  copistes  s'étaient  installés  dans  son  apparte- 
ment de  la  rue  Montaigne.  La  besogne  touchait  à  son  terme  :  tous 
les  grands  rôles  étaient  copiés,  ainsi  que  la  plupart  des  petits  rôles 
du  premier  acte,  les  autres  pouvant  l'être  facilement  au  fur  et 
à  mesure  des  besoins  de  la  scène.  Meyerbeer  répétait  souvent  que 
par  ce  système  de  copie  anticipée,  il  faisait  gagner  un  mois  pour  le 
moins  à  M.  Emile  Perrin. 

Lors  de  la  dernière  reprise  des  Huguenots,  Meyerbeer  avait  assisté 
à  plusieurs  répétitions  et  dirigé  les  études  de  Mlle  Marie  Sax,  choi- 
sie et  désignée  par  lui  pour  le  principal  rôle  de  femme  dans  V Afri- 
caine. 


146 


REVUE  F.T  GAZKTTF.  MUSICALE 


Rien  n'annonçait  la  moindre  altération  dans  la  santé  du  grand 
artiste.  Le  vendredi  22  avril,  il  avait  dîné  solitairement  chez  lui  et 
son  repas  avait  été  frugal.  Le  lendemain  samedi  23  avril,  se  sentant 
indisposé,  il  manda  son  médecin  ordinaire,  le  docteur  Oterbourg, 
qui  ne  remarqua  pas  de  symptôme  alarmant.  Cependant  le  mardi 
soir,  il  jugea  convenable  d'appeler  le  docteur  Rayer,  qui  ne  trouva 
pas  l'état  du  malade  plus  grave.  Seulement  il  y  avait  chez  lui  une 
grande  faiblesse  qui,  jointe  à  son  âge,  pouvait  rendre  dangereuse 
une  médication  énergique,  s'il  y  avait  nécessité  d'y  recourir. 

Meyerbeer  n'en  continuait  pas  moins  de  s'occuper  de  l'Africaine. 
Il  en  parlait  à  ceux  qui  venaient  le  visiter,  et  il  dit  même  à  l'un 
d'eux  :  «  Je  n'avais  écrit  d'abord  qu'une  introduction,  mais  on  m'a 
conseillé  d'y  substituer  une  ouverture.  Elle  est  faite,  entièrement 
faite  :  je  l'ai  là,  et  il  ne  me  reste  plus  qu'à  en  terminer  l'orchestration  : 
quelle  contrariété    que   cette    indisposition    m'en   empêche  !  » 

Le  dimanche,  quoique  la  faiblesse  augmentât  sensiblement,  il  fut 
mécontent  de  ce  qu'un  copiste,  le  seul  qui  eût  encore  quelque 
chose  à  faire,  se  fût  dispensé  de  venir. 

Lors  de  la  première  visite  du  docteur  Rayer,  répondant  à  un  com- 
pliment que  le  docteur  lui  adressait  sur  ses  œuvres,  Meyerbeer  lui  dit: 
«  —  Vous  êtes  trop  indulgent  ;  mais  j'ai  là  ,  ajouta-t-il  en  appuyant 
ses  doigts  sur  son  front,  bien  des  idées  et  bien  des  choses  que  je 
voudrais  faire  !  —  Vous  les  ferez,  et  bien  d'autres  encore ,  reprit  le 
docteur.  —  Vous  croyez  ?. . .  Eh  bien,  tant  mieux  !  » 

Le  dimanche,  vers  midi,  l'obstruction  intestinale  parut  céder,  mais 
ce  fut  aux  dJpens  des  forces  générales.  Dès  le  matin ,  deux  de  ses 
filles  étaient  arrivées  de  Bade,  et  elles  ont  pu  assister  à  ses  derniers 
moments,  ainsi  que  M.  Jules  Béer,  son  neveu,  et  M.  Brandus.  Meyer- 
beer n'ayant  pas  voulu  qu'on  inquiétât  sa  famille,  Mme  Meyerbeer, 
tardivement  avertie  ,  n'arriva  que  lundi ,  accompagnée  de  sa  fille 
aînée  et  de  son  gendre,  le  baron  de  Korf. 

Le  dimanche  soir,  vers  8  heures,  alors  que  tout  espoir  était  perdu, 
Meyerbeer,  comme  les  jours  précédents,  se  tourna  vers  les  personnes 
qui  entouraient  son  lit,  et  prit  congé  d'elles  en  leur  disant  avec  un 
sourire  :  «  —  Maintenant,  je  vais  vous  souhaiter  une  bonne  nuit  à 
tous,  et  à  demain  matin.  »  —  11  se  retourna,  et  on  fit  semblant  de 
s'éloigner. 

Le  lundi,  vers  5  heures  et  demie  du  matin ,  le  pouls  et  la  respira- 
tion étaient  devenus  presque  insensibles,  et  à  5  heures  40  minutes, 
un  soupir,  qui  fut  ls  dernier,  annonça  que  la  vie  venait  de  s'éteindre! 

Quelques  heures  après,  Rossini,  arrivant  de  Passy,  où  il  avait  ap- 
pris la  maladie  du  maître,  se  présenta  rue  Montaigne  pour  demander 
de  ses  nouvelles.  En  apprenant  brusquement  du  concierge  le  triste 
événement,  il  fut  obligé  de  s'asseoir  et  versa  d'abondantes  larmes. 
11  embrassa  Mlle  Meyerbeer,  qui,  sur  l'avis  de  sa  visite,  était  descen- 
due pour  le  recevoir. 

Tout  en  cherchant  un  librelto  pour  l'opéra-comique  qu'il  voulait 
écrire,  Meyerbeer  s'occupait  d'arranger  un  texte  pour  relier  entre 
elles  les  différentes  parties  de  la  musique  de  Slruensée. 

Le  jour  où  il  tomba  malade  ,  il  devait  partir  pour  un  petit  voyage 
à  Bruxelles. 

Immédiatement  après  l'instant  suprême,  on  s'empressa  de  chercher 
si  Meyerbeer  n'avait  pas  laissé  quelques  dispositions  ,  et  l'on  trouva 
dans  son  portefeuille  de  voyage  un  pli  cacheté  avec  cette  suscription: 
Pour  être  ouvert  après  ma  mort.  Ce  pli  renfermait  un  écrit  en  al- 
lemand de  la  main  du  défunt,  et  dont  voici  la  traduction  littérale  : 

Je  veux  que  les  points  suivants  soient  observés  après  mon  décès  : 

On  doit  me  laisser  couché  sur  mon  lit  la  figure  découverte,  tel  que 

j'étais  avant  de  mourir,  pendant  quatre  jours,  et  le  cinquième  jour  on 

pratiquera  des  incisions  sur  l'artère  brachiale  ainsi  qu'au  pied.  Après 

quoi  on  conduira  mon  corps  à  Berlin,  où  je  veux  être  enterré  dans 


la  tombe  de  ma  bien-aimée  mère.  Si  la  place  y  manquait,  je  prie  de 
me  coucher  à  côté  de  mes  deux  chers  enfants,  morts  à  un  âge  peu 
avancé. 

Si  je  devais  mourir  éloigné  des  miens,  les  mêmes  dispositions  doivent 
être  observées,  et  deux  gardiens  veilleront  mon  corps  jour  et  nuit  afin 
d'observer  si  je  ne  donne  aucun  signe  de  vie. 

Si,  par  l'effet  des  circonstances,  je  dois  être  transporté  dans  une 
maison  d'observation  {Lekhenhaut),  on  me  mettra,  comme  c'est  l'ha- 
bitude, de  petites  sonnettes  aux  mains  et  aux  pieds,  afin  de  tenir  les 
gardiens  en  éveil. 

Ayant  toujours  redouté  d'être  enterré  vivant,  j'ai  voulu  par  les  dis- 
positions qui  précèdent  empêcher  tout  retour  à  la  vie. 

Que  la  volonté  de  Dieu  soit  faite  et  que  son  nom  soit  sanctifié  et 
béni  dans  le  ciel  et  sur  la  terre.  Amen. 

Meyerbeer  avait,  en  outre,  dans  ses  papiers,  plusieurs  prières  d'un 
style  éminemment  religieux  et  touchant,  composées  par  lui  et  à  son 
usage  particulier. 

D'ailleurs,  aucun  autre  acte  de  volonté  quelconque  exprimée  par 
Meyerbeer  n'a  été  aperçu.  Ainsi  tombent  tous  les  bruits  déjà  répétés 
par  quelques  journaux  relativement  à  ses  œuvres  posthumes,  et  no- 
tamment à  l'Africaine.  Il  ne  reste  d'évident,  de  certain  que  sa  per- 
sistance invariable  à  hâter  la  mise  en  répétition  de  cette  œuvre, 
objet  d'une  si  constante  et  si  vivace  affection.  Meyerbeer  est  mort 
comme  Mozart,  achevant  son  Requiem,  qu'il  ne  devait  pas  entendre, 
comme  Sacchini  laissant  OEdipe  à  Colone,  son  chef-d'œuvre,  qu'il 
ne  lui  a  pas  été  possible  de  voir  représenter  ! 

La  fatale  nouvelle  retentit  dans  Paris  comme  un  coup  de  foudre! 
Une  commission  se  forma  aussitôt  pour  rendre  aussi  solennels  que 
possible  les  honneurs  que  la  France  doit  a  Meyerbeer.  Cette  commis- 
sion se  composait  de  MM.  Camille  Doucet,  Aubef,  baron Taylor, 
Edouard  Monnais,  Georges  Kastner,  de  Saint-Georges,  Emile  Perrin, 
Fiorentinoi  Jules  Béer  et  Louis  Brandus. 

Ainsi  Paris  aura  vu  pour  la  seconde  fois  en  deux  années  les  funé- 
railles d'un  grand  artiste  célébrées  avec  autant  de  pompe  et  au  mi- 
lieu d'un  concours  populaire  aussi  nombreux  que  si  l'on  eût  honoré 
une  des  puissances  de  la  terre. 

Comme  aux  obsèques  d'Halévy,  un  soleil  radieux  n'a  cessé  d'illu- 
miner la  douloureuse  cérémonie. 

Une  tenture  noire,  ornée  d'écussons  aux  initiales  du  défunt,  enca- 
drait la  porte  de  la  maison  mortuaire. 

A  1  heure  précise,  le  cortège  s'est  mis  en  marche  pour  se  rendre 
à  la  gare  du  Nord  dans  l'ordre  suivant  : 

Un  peloton  du  3e  bataillon  de  la  garde  nationale,  les  sapeurs,  les 
tambours  et  la  musique  de  ce  bataillon  ; 

Les  musiques  du  1er  grenadiers  et  de  la  gendarmerie  de  la  garde 
impériale. 

Le  char,  traîné  par  six  chevaux ,  venait  ensuite.  Les  cordons  du 
poêle  étaient  tenus  par  LL.  Exe.  le  comte  de  Goltz,  ambassadeur  de 
Prusse;  le  comte  Bacciochi,  surintendant  des  théâtres,  qui  ont  été 
remplacés  pendant  le  trajet  par  le  premier  secrétaire  de  l'ambassade 
et  par  M.  Camille  Doucet; —  par  MM.  de  Gisors  et  Beulé,  représen- 
tant l'Institut  ; —  par  MM.  de  Saint-Georges  et  baron  Taylor,  repré- 
sentant, l'un,  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques, 
l'autre,  l'Association  des  artistes-musiciens,  et  par  MM.  Auber  et 
Emile  Perrin,  représentant  le  Conservatoire  et  l'Opéra. 

A  la  suite  du  char  avaient  pris  place  les  membres  de  la  famille,  les 
députations  officielles,  la  section  des  beaux-arts  de  l'Institut,  les  dé- 
putations  des  théâtres  lyriques,  du  Conservatoire,  delà  Société  cho- 
rale Teutonia. 

Parmi  les  illustrations  et  notabilités  que  l'on  distinguait  soit  à  la 
maison  mortuaire,  soit  dans  le  cortège,  nous  devons  citer  LL.  Exe.  le 
maréchal  Vaillant,  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  et  des  Beaux- 
Arts  ;  le  maréchal  Magnan,  le  général  Mellinet. 


DE  PARIS. 


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147 


Le  cortège  a  suivi  l'avenue  des  Champs-Elysées,  la  rue  Royale,  les 
boulevards,  la  rue  Drouot,  la  rue  Lafayette. 

Par  les  soins  de  M.  de  Rothschild,  les  travaux  de  démolition  de 
l'ancienne  gare  du  Nord  avaient  été  suspendus.  A  3  heures,  le  cortège 
entrait  dans  cette  gare,  dont  les  murs  étaient  tendus  de  draperies  fu- 
nèbres ornées  du  chiffre  du  défunt  et  de  cartouches  où  on  lisait  les 
titres  de  ses  œuvres.  A  l'entrée,  un  orgue  élevé  sur  une  tribune  do- 
minait le  quai  de  départ.  Enfin,  et  sur  la  voie,  était  établi  un  magni- 
fique cénotaphe  entouré  de  sept  lampadaires  d'argent.  Derrière 
le  cénotaphe  et  à  une  certaine  distance,  on  voyait  le  wagon  funèbre, 
tout  tendu  de  draperies  noires,  qui  devait  emporter  le  corps  de  l'il- 
lustre maître.  Entre  ce  wagon  et  le  cénotaphe,  on  avait  dressé  une 
tribune  destinée  aux  orateurs. 

Au  moment  de  l'arrivée  du  cercueil  tout  chargé  de  couronnes, 
la  musique  de  la  garde  de  Paris  exécuta  la  Schiller  marsch,  la 
marche  du  Prophète  et  celle  du  Pardon  de  Ploermel. 

Les  artistes  et  l'orchestre  de  l'Opéra  ont  fait  entendre  le  grand 
chœur  de  l'église  et  la  marche  du  Prophète  ;  ceux  de  l'Opéra-Co- 
mique  un  chœur  du  Pardon  de  Ploermel. 

Des  discours  ont  été  prononcés  par  MM.  Beulé,  de  Saint-Georges, 
baron  Taylor,  Emile  Perrin,  le  colonel  Max  Cerfbeer,  Camille  Doucet; 
C'était  pour  nous  un  devoir  de  les  reproduire;  mais  nous  regrettons 
de  n'avoir  pu  en  faire  autant  pour  les  paroles  de  M.  Ullmann,  grand 
rabbin  de  France,  de  M.  Cerfbeer,  et  pour  la  chaleureuse  improvisa- 
tion de  M.  Emile  Ollivier,  l'avocat,  le  député,  l'ami  des  arts,  qui  a 
développé  ce  thème  ingénieux  et  vrai  :  si  la  politique  divise,  la  mu- 
sique rapproche. 

La  cérémonie  était  terminée  à  quatre  heures,  et,  à  six,  un  train 
spécial  emmenait  loin  de  France  les  restes  précieux  du  grand  artiste, 
que  MM.  Emile  Perrin,  Jules  Reer  et  Louis  Rrandus  escorteront  jus- 
qu'à Rerlin,  où  demain  lundi,  aura  lieu  leur  réception  solennelle. 

Edouard  MONNAIS. 


Discours  de  II.  Beulé. 


Messieurs, 

Ce  n'est  point  sans  un  effort  douloureux  que  nous  laissons 
s'éloigner  des  restes  mortels  que  la  terre  française  avait  le  droit  de 
recueillir  ;  car  la  France  a  toujours  traité  Meyerbeer  comme  un  de  ses 
fils  d'adoption.  C'est  en  France  qu'il  a  rompu  les  derniers  nœuds  qui 
entravaient  son  génie  lyrique.  C'est  la  France  qui  lui  a  révélé  ce 
goût  supérieur  qui  conciliait  la  profondeur  savante  de  l'Allemagne 
avec  la  mélodie  de  l'école  italienne,  et  cette  couleur  qui  exprimait  si 
fortement  la  vérité  des  situations  et  toutes  les  passions  de  l'âme 
humaine.  C'est  à  Paris  qu'il  a  trouvé  les  encouragements  qui  échauf- 
fent un  artiste,  les  poèmes  qui  l'inspirent,  le  théâtre  qui  l'effraye  et 
qui  l'exalte,  les  chanteurs  qui  l'interprètent,  le  public  difficile  qui  lui 
décerne  d'abord  le  succès  le  plus  enivrant,  bientôt  la  gloire  la  plus 
durable.  Enfin,  l'Institut  de  France,  en  appelant  Meyerbeer  dans  son 
sein,  lui  a  conféré  un  titre  dont  il  était  fier  et  qui  valait  des  lettres 
de  naturalisation  :  car  dès  lors  il  était  pour  nous  plus  qu'un  citoyen , 
il  prenait  le  nom  de  frère. 

De  toutes  les  luttes  qui  s'élèvent  entre  deux  nations,  en  est-il  une 
plus  louable  que  de  se  disputer  la  présence  et  les  œuvres  d'un  grand 
homme,  tant  qu'il  vit,  le  droit  d'honorer  sa  cendre,  quand  il  est 
mort?  Noble  rivalité,  qui  rapproche  les  peuples  au  lieu  de  les 
diviser  !  Combat  généreux  qui  ne  fait  couler  ni  le  sang,  ni  les 
larmes,  mais  développe  de  chaque  côté  des  frontières  l'amour  des 
belles   choses  et  le    respect  du  talent!  Aussi  la  France  aurait-elle 


retenu  la  dépouille  mortelle  du  grand  compositeur  qu'elle  perd  aussi 
bien  que  l'Allemagne,  si  le  vœu  d'un  mourant  n'était  sacré. 
Meyerbeer,  qui  savait  tout  prévoir,  tout  régler,  même  le  lendemain 
de  la  vie,  a  voulu  que  le  sol  natal  abritât  son  dernier  sommeil. 
Inclinons-nous  donc,  Messieurs,  et  consommons  le  sacrifice.  Qu'il 
parte,  ce  triste  et  glorieux  convoi,  qui  traversera  tant  de  populations 
désolées!  Qu'il  parte,  accompagné  du  concert  de  nos  regrets  et  de 
tous  les  honneurs  qu'il  nous  est  permis  de  lui  rendre  !  Cette  céré- 
monie n'est  que  le  prélude  de  la  cérémonie  suprême  qui  l'attend  à 
Rerlin  :  mais  le  deuil  qui  l'attend  à  Rerlin  ne  sera  là-bas  ni  plus 
profond  ni  plus  sincère.  Notre  pensée,  du  moins,  suivra  Meyerbeer 
dans  son  funèbre  retour,  et  s'associera  à  la  douleur  de  ses  compa- 
triotes. Ainsi,  deux  nations  seront  penchées  à  la  fois  sur  une  seule 
tombe,  héritières  chacune  d'un  lot  inégal  :  l'Allemagne  sera  gar- 
dienne du  corps  du  maître  illustre  qui  lui  devait  la  vie  ;  la  France 
gardera  la  meilleure  part  de  lui-même,  ses  chefs-d'œuvre,  que  per- 
sonne ne  peut  disputer  à  la  scène  française,  et  qui  sont  inscrits  sur 
une  des  pages  les  plus  éclatantes  de  notre  Livre  d'or. 


Discours  de  II.  de  Saint-Georges. 

Messieurs, 

Une  grande  lumière  vient  de  s'éteindre  ! . . . 

L'un  des  plus  beaux  génies  de  ce  siècle  est  remonté  au  ciel,  source 
inépuisable  de  toutes  les  sublimes  inspirations  de  l'humanité. 

La  Commission  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  qui  eut 
l'honneur  de  compter  Meyerbeer  parmi  ses  membres,  a  chargé  son 
président  de  venir  joindre  un  tribut  aux  immenses  regrets  qui  ont 
éclaté  de  toutes  parts  à  la  nouvelle  de  cet  événement  cruel  et  inat- 
tendu. 

Le  monde  perd  une  de  ses  gloires,  l'art  un  de  ses  plus  vaillants 
soutiens. 

Si  '.'Allemagne  vit  naître  Meyerbeer,  la  France  vit  naître  cette  re- 
nommée qui,  depuis,  a  retenti  dans  l'univers  entier. 

Les  chefs-d'œuvre  de  l'illustre  musicien  furent  donnés  pour  la 
première  fois  en  France. 

Ce  sont  des  Français  qui  les  ont  inte/prétés. 

Notre  enthousiasme  a  salué  le  premier  ces  pages  magistrales;  la 
France  est  donc  la  vraie  patrie  de  Meyerbeer  puisqu'elle  est  celle  de 
ses  triomphes  ! 

Ce  fut  par  son  plus  populaire  chef-d'œuvre,  Robert  le  Diable,  que 
Meyerbeer  ouvrit  la  série  de  ses  magnifiques  opéras. 

L'Académie  royale  de  musique  avait  alors  pour  directeur  un  de 
ces  esprits  merveilleusement  intelligents  qui  comprit  sans  peine  le 
trésor  que  le  grand  maître  lui  apportait. 

L'admiration  croissait  à  chaque  répétition  de  cet  ouvrage. 

Un  seul  homme  doutait  :  cet  homme  était  son  auteur. 

Il  doutait,  le  modeste  génie,  que  sa  part  fût  assez  grande  pour  le 
succès,  et  appelait  à  son  aide  toutes  les  ressources  que  sa  féconde 
imagination  lui  fournissait. 

II  lui  semblait,  quand  il  avait  tout  fait  en  écrivant  cette  partition 
immortelle,  qu'il  n'avait  pas  encore  fait  assez  pour  le  public,  pour 
ce  public  de  choix  qui  donne  le  baptême  aux  plus  brillantes  renom- 
mées :  baptême,  il  faut  le  dire  à  la  gloire  de  notre  pays,  que  vien- 
nent lui  demander  les  grands  auteurs  et  les  grandes  œuvres.  Noble 
consécration  accordée  au  mérite  par  la  nation  la  plus  impressionna- 
ble et  la  plus  difficile  de  l'Europe. 

Après  Robert,  les  Huguenots  ;  après  les  Huguenots,  le  Prophète. 

Admirable  trilogie,  dont  les  capitales  du  monde,  comme  les  plus 
pauvres  hameaux,  ont  répété  les  chants. 

Œuvres  exceptionnelles,  exécutées  sur  les  plus  somptueux  théâtres 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


comme  dans  la  modeste  grange  transformée  en  arène  dramatique  et 
retentissant  des  applaudissements  d'une  foule  surprise  et  ravie. 

Ce  que  nous  disons  ici,  nous  l'avons  vu  ;  et  ces  applaudissements- 
là  n'eussent  pas  été  les  moins  chers  à  celui  dont  les  accents  s'adres- 
saient à  tous  les  esprits  et  à  tous  les  coeurs. 

D'où  pouvait  donc  venir  cette  immense  popularité?  Comment  des 
ouvrages  où  l'auteur  ne  recourait  jamais  aux  vulgarités  de  l'art, 
charmaient-ils  à  la  fois  les  plus  fines  intelligences  et  les  plus  primi- 
tives natures? 

C'est  là  le  secret  de  ce  génie  puissant  !  C'est  ce  que  des  voix 
plus  compétentes  que  la  mienne  vous  diront,  Messieurs. 

Ce  que  nous  pouvons  dire,  nous  qui  l'avons  d'autant  plus  admiré 
que  nous  l'avons  intimement  connu  et  sincèrement  aimé,  c'est  que 
son  noble  cœur  était  à  la  hauteur  de  son  talent  ;  c'est  que,  dans  sa 
vie  errante  et  souvent  solitaire,  il  semait  son  or  et  ses  bienfaits  sans 
jamais  s'inquiéter  s'il  récolterait  la  reconnaissance  ou  l'ingratitude. 

Ce  que  nous  pouvons  dire  encore,  Messieurs,  c'est  la  prodigieuse 
conscience  qu'il  apportait  dans  ses  vastes  travaux;  c'est  ce  doute 
pénible  que  lui  causaient  ses  plus  belles  inspirations  :  martyre  intime, 
incessant,  qui  nous  a  peut-être  enlevé  quelques-unes  de  ses  années, 
en  usant,  en  abrégeant  cette  splendide  organisation. 

«  Quand  j'aurai  terminé  tel  ou  tel  ouvrage,  disait-il  huit  jours 
avant  sa  mort  à  l'un  de  nos  plus  chers  amis,  je  n'aurai  plus  rien  à 
faire.  » 

Et  il  tremblait  à  l'idée  de  ce  far  niente  qu'il  n'avait  jamais  connu. 

Or,  les  travaux  dont  il  parlait  auraient  suffi  à  remplir  la  vie  du 
plus  laborieux  compositeur. 

L'heure  du  suprême  adieu  va  sonner  !  Ces  chères  et  illustres  dé- 
pouilles, que  réclame  la  patrie  de  Meyerbeer,  vont  nous  être  enle- 
vées !  Le  tombeau  de  ses  pères  appelle  celui  dont  nous  aurions  été 
ûers  de  conserver  les  cendres  ! 

C'est  avec  une  profonde  douleur  que  la  France  s'en  sépare  ! 

En  les  rendant  au  sol  natal,  gardons  du  moins  cette  consolation 
que  là  de  glorieux  et  chers  compatriotes,  morts  avant  lui ,  l'at- 
tendent :  Guillaume  et  Alexandre  de  Humboldt,  le  célèbre  sculpteur 
Rauch,  et  ce  noble  roi  Frédéric-Guillaume  IV,  dont  la  tendre  solli- 
citude ne  se  démentit  jamais,  et  qui,  pour  Meyerbeer  comme  pour 
les  esprits  supérieurs  que  je  viens  de  citer,  fut  moins  un  prince  qu'un 
ami  ! 

Mais  s'il  ne  nous  est  pas  donné  d'abriter  ses  restes  précieux  sous 
le  marbre  funéraire  que  lui  aurait  élevé  notre  admiration  nationale, 
nous  conservons  de  lui  toutes  ses  divines  inspirations! 

Ses  œuvres  sont  bien  à  nous,  puisque  c'est  à  nous  qu'il  les  a  ré- 
vélées, avant  que  le  monde  s'en  emparât;  puisque  ses  plus  beaux 
triomphes  lui  furent  décernés  par  notre  pays. 

Robert  le  Diable,  les  Huguenots,  le  Prophète,  l'Etoile  du  Nord,  le 
Pardon  de  Ploérmel,  sont  des  chefs-d'œuvre  français  ! 

L'âme  de  leur  auteur  reste  avec  nous,  planant  sur  ces  enfants  ché- 
ris de  sa  muse,  et  jouissant  encore  dans  les  cieux  de  la  gloire  impé- 
rissable qu'ils  lui  ont  acquise. 

L'histoire  vraie  des  hommes  de  génie  ne  s'écrit  qu'après  leur 
mort 

La  lumière  de  la  vérité  ne  luit,  resplendissante  et  pure,  que  sur 
les  tombeaux. . .  et  la  vérité  sur  Meyerbeer,  c'est  : 
L'Immort alité  I... 


Discours  de  il.  le  baron  Taylor,  membre  de  l'Institut, 

Les  grands  hommes  qui  ont  illustré  notre  siècle  se  pressent  dans 
la  tombe.  La  mort  inexorable  brise  nos  plus  douces,  nos  plus  ten- 
dres affections.  Ce  sont  surtout  nos  maîtres  qui  nous  quittent,  et  rien 
ne  paraît  en  Europe,  dans  les  beaux-arts,  pour  combler  les  vides 
qui  se  font  chaque  jour.  L'intelligence  humaine  s'étend ,  mais  ne 
s'élève  pas. 

L'un  des  compositeurs  les  plus  illustres  de  notre  époque  nous  est 
enlevé  au  moment  d'un  nouveau  triomphe.  Ce  n'est  pas  seulement  un 
grand  musicien  que  nous  perdons  :  c'est  un  poëte. 

Comme  Gluck,  Meyerbeer  avait  compris  que  la  scène  française 
était  indispensable  à  son  esprit  éminemment  dramatique  ;  la  France 
lui  en  a  témoigné  sa  reconnaissance  en  consacrant  sa  gloire. 

Semblable  à  Mozart,  il  fut  un  enfant  prodige.  Weber,  son  condis- 
ciple et  plus  tard  son  ami,  devina  ce  génie,  l'encouragea,  et  prédit 
que  les  œuvres  de  Meyerbeer  feraient  l'admiration  des  deux  mondes. 

Mais  ce  n'est  pas  devant  ces  dépouilles  mortelles  qui  vont  nous 
quitter  pour  toujours,  que  nous  essayerions  d'énumérer  tant  de  chefs- 
d'œuvre  et  de  succès.  Ce  que  nous  voulons  exprimer  ici,  devant  cette 
foule  de  ses  amis  et  de  ses  admirateurs,  c'est  notre  profonde  grati- 
tude pour  ses  bienfaits  sans  nombre.  Jamais  un  malheureux  ne  l'a 
imploré,  qu'il  ne  lui  tendit  à  l'instant  une  main  secourable.  Confident 
de  ses  généreuses  actions,  personne  mieux  que  nous  n'a  connu  la 
bonté  de  son  cœur  et  ne  sait  mieux  qu'une  partie  de  sa  fortune  a 
souvent  servi  à  secourir  les  artistes  de  tous  les  pays,  de  toutes  les 
communions. 

Il  était  pénétré  de  ces  paroles  sacrées  de  la  Bible  :  «  Faites  du  bien 
à  la  veuve,  à  l'orphelin,  à  l'étranger,  et  Dieu  bénira  vos  œuvres.  » 
Nos  adieux  sont  donc  des  actions  de  grâce  et  de  reconnaissance,  La 
Providence  a  écouté  les  prières  que  nous  lui  adressions  chaque  jour, 
et  a  donné  à  Meyerbeer  l'immortalité. 


Discours  de  H.  Emile  Perrin. 

Messieurs, 

Je  viens  à  mon  tour,  au  nom  de  l'Opéra,  au  nom  de  cette  grande 
famille  d'artistes  dont  Meyerbeer  fut  un  des  chefs  victorieux,  adres- 
ser à  ses  restes  mortels  un  dernier  adieu. 

Que  tous  ceux  dont  le  talent  faisait  cortège  à  son  génie;  que  ces 
artistes  qui  ont  traduit  sa  pensée,  qui  se  sont  nourris  de  ses  inspi- 
rations ;  que  cet  orchestre,  instrument  merveilleux  dont  il  savait  à 
son  gré  soulever  les  tempêtes  et  apaiser  les  plus  doux  murmures; 
ces  chœurs  dont  il  mêlait  en  combinaisons  savantes  les  multiples  ac- 
cents, que  tous  ceux  en  un  mot  qui  ont  pu  concourir  à  l'éclat  de 
ses  œuvres,  qui  l'ont  admiré,  respecté,  aimé  pendant  sa  vie,  me  par- 
donnent si,  en  parlant  en  leur  nom,  j'exprime  faiblement  leur  dou- 
leur. 

Quelle  perte  immense,  irréparable  !  Quel  vide  effrayant  et  sou- 
dain !  Quand  de  tels  hommes  disparaissent,  quand  s'éteignent  une  de 
ces  lumières  placées  comme  des  points  de  repère  sur  la  route  de 
l'art,  quelle  tristesse  et  quelle  nuit  !  En  effet,  quel  rare  assemblage 
de  dons  naturels  et  de  persistants  labeurs;  que  de  forces  réunies  à 
tant  de  bonheurs;  que  d'années  d'attente  et  de  moissons  stériles  ne 
faut-il  pas  avant  que  se  produisent  les  artistes  semblables  à  celui 
que  nous  pleurons. 

Mais  aussi  quels  rayonnements  autour  d'eux  !  A  leur  clarté  souve- 
raine tous  les  arts  s'animent  et  s'éclairent.  Comme  une  sève  fécon- 
dante leur  génie  s'épand  en  mille  canaux,  portant  partout  un  courant 


DE  PARIS. 


d'idées  nouvelles,  créant  de  nouvelles  formes,  révélant  un  idéal 
nouveau.  Nul  plus  que  Meyerbeer  n'eut,  de  notre  temps,  cette  puis- 
sance d'initiative.  Que  de  talents,  et  des  plus  élevés,  n'a  t— Il  pas 
entraînés  dans  son  aire,  les  guidant  vers  des  horizons  non  encore 
entrevus  avant  lui. 

Je  n'ai  point  à  parler  de  ses  œuvres.  Vivantes  dans  toutes  les 
mémoires,  nous  vivons  par  elles,  elles  sont  l'essence  même  de  notre 
existence  :  Robert,  les  Huguenots,  le  Prophète.  Sur  ces  trois  points 
d'appui ,  solides  comme  des  colonnes  d'airain,  l'Opéra  a  fondé  les 
bases  d'une  prospérité  jusqu'alors  sans  exemple.  Et  le  succès  de 
ces  œuvres  grandit  chaque  jour.  Il  ira,  grandissant  dans  l'avenir,  se 
renouvelant  sans  s'épuiser,  trouvant  dans  unu  admiration  incessante 
une  inépuisable  vitalité. 

Hélas  !  ces  belles  œuvras,  le  plus  cher  souci  de  sa  vie,  voici  que 
la  mort  l'en  sépare.  On  lui  reprochait  de  les  trop  aimer  !  Eh  !  com- 
ment reprocher  à  un  si  grand  artiste  de  porter  si  loin  son  respect 
envers  le  public?  Comment  lui  défendre  de  s'honorer  lui-même  en 
s'immolant  tout  entier  dans  ce  sublime  égoïsme  de  l'art  qui  est  bien 
une  part  du  génie  ? 

Je  ne  sais  point  d'exemple  d'un  sacrifice  plus  absolu.  Les  joies  de 
la  famille,  les  douceurs  du  repos  au  seuil  de  la  vieillesse  ne  pou- 
vaient le  dissuader  du  travail. 

Une  grande  fortune,  les  honneurs,  la  renommée,  lui  étaient  peu  de 
choses.  Vous  savez  de  quelle  vie  simple  il  vivait  parmi  nous;  avec 
quelle  modestie,  par  quelle  affabilité  il  tâchait  à  se  faire  pardonner 
sa  gloire. 

Pourtant,  cet  hôte  si  modeste,  Paris  ne  le  recevait  jamais  sans  une 
émotion,  une  espérance.  Car  c'était  la  France  que  Meyerbeer  avait 
choisie  pour  patrie  à  ses  œuvres.  Depuis  la  complète  maturité  de  son 
génie,  jamais  il  n'a  voulu  qu'un  de  ses  ouvrages  parût  sur  aucun 
théâtre  avant  de  l'avoir  fait  représenter  sur  la  scène  de  l'Opéra 
français.  Seule,  il  la  jugeait  digne  d'inaugurer  ses  succès. 

C'était  pour  tenir  une  promesse  faite  depuis  longtemps  à  la  France, 
qu'il  vint  au  mois  d'octobre  dernier,  apportant  avec  lui  une  œuvre 
bien  impatiemment  attendue.  Qui  m'eût  dit  alors,  quand  je  vins  le 
recevoir  aux  portes  de  l'Opéra,  où  il  se  flattait  de  dérober  sa  pré- 
sence, où,  après  quelques  instants,  chacun  saluait  son  retour,  qui 
m'eût  dit  que  nous  devions  sitôt  lui  faire  ce  triste  cortège  ? 

Il  nous  revenait  joyeux,  plein  de  projets,  dissimulant  à  peine,  sous 
d'apparentes  hésitations,  une  volonté  bien  arrêtée.  Vous  l'avez  vu 
durant  l'hiver  entier,  suivant  nos  représentations,  applaudissant  sou- 
vent à  vos  succès,  étudiant,  et  avec  quel  intérêt,  quelle  attention, 
quelle  prévoyance  les  ressources  qu'il  allait  employer,  essayant,  pour 
ainsi  dire,  les  forces  de  ce  théâtre  dont  il  allait  de  nouveau  prendre 
possession. 

Il  s'est  endormi  dans  la  mort,  comme  s'il  devait  s'éveiller  à  son 
heure  accoutumée  de  travail...  Mais  sa  volonté  survit,  son  désir 
subsiste.  Ce  sera  continuer  sa  pensée  que  de  représenter  à  l'Opéra 
l'œuvre  qu'il  nous  a  léguée  en  mourant.  La  France  l'a  reçue  de  ses 
mains  défaillantes,  l'œuvre  est  ici  sur  sa  terre  d'adoption  ;  elle  ne 
la  quittera  plus  avant  que  Paris  l'ait  acclamée,  ne  l'ait  faite  française 
comme  ses  sœurs  aînées.  Ses  amis,  ses  proches  qui  ont  pieusement 
veillé  au  chevet  du  mourant  ont  connu  son  désir,  ils  témoignent  de 
sa  volonté  suprême. 

Adieu,  cher  et  illustre  maître.  On  semblait  parfois  vous  reprocher 
de  tenir  dans  le  monde  des  arts  une  trop  grande  place!  Hélas!  que 
bien  plus  grand  encore  est  le  vide  que  vous  laissez. 


Diacoura  «le  M.  Camille  Doucet. 

Messieurs, 

Chargé  d'adresser  ici  un  dernier  adieu  à  l'illustre  maître  que  tant 
de  justes  et  glorieux  hommages  viennent  de  saluer  au  départ,  j'ac- 
cepte avec  orgueil  la  tâche  de  prendre  un  moment  la  parole,  au 
nom  de  l'administration  française,  pour  déplorer  avec  vous,  comme 
un  malheur  national,  la  perte  d'un  de  ces  rares  génies  dont  l'appa- 
rition fait  toujours  monter  le  niveau  de  l'art,  et  dont  la  mort  menace 
trop  souvent  de  le  faire  descendre. 

Cette  crainte  s'ajouterait  à  notre  douleur,  sans  la  pensée  conso- 
lante de  voir  se  survivre  à  lui-même  par  ses  anciens  et  par  ses  nou- 
veaux ouvrages  le  grand  compositeur,  l'artiste  inspiré  qui,  pour  ja- 
mais, hélas!  va  disparaître  dans  sa  gloire. 

Ce  n'est  pas  un  étranger  qui  nous  quitte,  Messieurs;  c'est  un  Fran- 
çais que  nous  pleurons,  puisque,  depuis  plus  de  trente  ans,  par  une 
préférence  volontaire  et  qui  nous  honore,  Meyerbeer  avait  adopté  la 
France  en  la  dotant  de  ses  chefs-d'œuvre. 

Au  ncm  de  la  reconnaissance  et  de  l'admiration  de  cette  patrie 
de  votre  choix,  de  cette  patrie  de  votre  cœur,  de  cette  patrie  de 
vos  succès,  adieu,  cher  et  grand  homme,  que  la  mort  a  frappé  trop 
tôt  sur  le  champ  d'honneur  des  artistes,  à  la  veille  d'une  dernière 
victoire. 

Vos  cendres  nous  sont  enlevées  ;  mais  nous  gardons  vos  œuvres  ! 

L'immortalité  qui  commence  aujourd'hui  pour  vous,  a  depuis  long- 
temps commencé  pour  elles. 


Les  règlements  de  l'Opéra  ne  permettaient  pas  à  ce  théâtre,  dé- 
pendant de  la  maison  de  S.  M.  l'Empereur,  de  faire  relâche  ven- 
dredi ,  jour  des  obsèques  de  Meyerbeer.  Le  directeur,  M.  Emile 
Perrin,  a  voulu  que  du  moins  ce  jour  fût  marqué  par  un  hommage 
solennel  rendu  à  la  mémoire  et  au  génie  de  l'illustre  compositeur. 
Les  Huguenots  ont  été  choisis  pour  la  représentation.  Averti  par 
une  dépêche,  Faure,  qui  jouait  à  Londres  jeudi  le  rôle  de  Nevers,  a 
pris  le  chemin  de  fer  après  le  spectacle,  pour  venir  le  lendemain  le 
chanter  à  Paris,  de  sorte  que  le  personnel  était  au  complet.  Jamais 
peut-être  la  salle  n'avait  été  aussi  remplie.  La  représentation  a  été 
magnifique;  on  eut  dit  que  l'âme  de  Meyerbeer,  planant  sur  la  scène, 
électrisait  les  interprètes  de  sa  grande  œuvre.  MlleSax,  Gueymard, 
Faure,  Beival,  se  sont  surpassés.  —  Après  le  quatrième  acte,  le  ri- 
deau s'est  levé,  l'orchestre  a  joué  la  marche  triomphale  du  Prophète, 
et  le  buste  du  maître,  placé  sur  une  console  drapée  de  noir,  a  été 
couronné  par  les  artistes.  Le  public,  encore  tout  ému  du  spectacle 
de  ces  grandes  funérailles,  a  éclaté  en  transports  enthousiastes,  aux- 
quels s'est  associé  tout  entier  l'orchestre  des  musiciens.  La  cérémo- 
nie terminée,  il  a  fallu  relever  le  rideau  aux  acclamations  de  la 
salle,  empressée  de  dire  un  dernier  adieu  au  grand  homme  que  la 
mort  vient  de  nous  ravir. 


La  famille  de  Meyerbeer  a  annoncé  le  coup  qui  la  frappait,  dans 
la  personne  de  son  illustre  chef,  par  une  lettre  de  part  dont  voici 
la  teneur  : 

«  Monsieur, 

»  Mme  veuve  Meyerbeer,  Mlles  Cécile  et  Cornélie  Meyerbeer, 
M.  le  baron  et  Mme  la  baronne  de  Korf  et  leur  fils,  M.  et  Mme  Geor- 
ges Béer,  M.  et  Mme  Jules  Béer  et  leurs  enfants,  M.  et  Mme  Ale- 
xandre Oppenheim,  M.  et  Mme  S.  de  Haber,  Mlle  Laure  de  Haber, 
Mlle  Anna  Eberty,  ont  l'honneur  de  vous  faire  part  de  la  perte  dou- 
loureuse qu'ils  viennent   de  faire  en  la  personne  de  M.   Giacomo 


150 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSFCALE 


Meyerbeer  ,  leur  époux  ,  père  ,  beau-père ,  grand-père  ,  oncle  et 
grand-oncle,  décédé  à  Paris,  le  2  mai  1864,  à  l'âge  de  soixante- 
douze  ans.  » 


Par  un  effet  du  hasard,  l'itinéraire  le  plus  direct  qu'avait  à  suivre 
la  translation  des  dépouilles  mortelles  de  Meyerbeer,  de  la  rue  Mon- 
taigne à  la  gare  du  Nord,  faisait  successivement  passer  le  cortège 
devant  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  la  maison  occupée  par  les 
éditeurs  de  ses  œuvres  et  l'entrée  d'honneur  du  théâtre  impérial  de 
l'Opéra. 


Mme  Meyerbeer  a  quitté  Paris  ce  matin.  Au  moment  de  son  dé- 
part, elle  a  reçu  une  lettre  de  condoléance  de  S.  A,  la  princesse 
royale  de  Prusse. 


On  nous  écrit  de  Berlin  en  date  du  2  mai  : 

«  La  nouvelle  arrivée  aujourd'hui  par  le  télégraphe  de  la  mort  de 
Meyerbeer,  a  produit  dans  notre  ville,  où  il  est  né,  une  douloureuse 
sensation.  D'après  les  registres  de  la  commune  israélite,  le  célèbre 
compositeur  est  né  le  23  septembre  1791,  et  non  en  1 794,  comme 
l'annoncent  la  plupart  des  biographes  du  maître.  » 


On  nous  écrit  de  Toulouse  en  date  du  5  mai  : 

«  La  perte  immense  que  l'art  musical  vient  de  faire  a  été  doulou- 
reusement ressentie  à  Toulouse.  M.  Dulaurens,  précédemment  ténor 
au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  a  pris  immédiatement  l'initiative  d'une 
série  de  représentations  composées  des  chefs-d'œuvre  de  Meyerbeer. 
Pour  la  première,  on  a  représenté  Robert  le  Diable.  A  peine  l'intro- 
duction était-elle  jouée  qu'une  magnifique  couronne  de  lauriers  en- 
tremêlée d'immortelles  et  voilée  d'un  crêpe,  est  venue  tomber  sur  la 
scène  ;  déposée  religieusement  sur  la  partition  de  l'illustre  maître, 
elle  y  est  restée  pendant  toute  la  représentation,  dans  laquelle 
M.  Dulaurens  s'est  surpassé.  La  mort  de  Meyerbeer  a  fait  d'autant 
plus  de  sensation  à  Toulouse  que  c'est  une  des  premières  villes  qui 
ait  salué  de  ses  applaudissements  les  chefs-d'œuvre  de  ce  sublime 
génie.  » 


L'arrangement  pour  harmonie  militaire  du  Chœur  des  Moines  du 
cinquième  acte  de  Robert,  exécuté  à  la  cérémonie  funèbre  de 
Meyerbeer,  est  dû  à  M.  E.  Jonas,  qui  n'a  eu  que  quarante-huit 
heures  pour  accomplir  ce  travail  et  le  faire  copier. 


RAPPORT  A  L'EMPEREUR. 


Sire, 


Le  décret  du  13  novembre  1863,  qui  a  réorganisé  l'École  impé- 
riale et  spéciale  des  Beaux-Arts,  a  modifié,  sous  plusieurs  rapports, 
les  conditions  des  concours  aux  grands  prix  de  Rome,  et  celles  du 
séjour  des  lauréats  à  l'Académie  impériale  de  France  à  Rome,  en  ce 
qui  concerne  la  peinture,  la  sculpture,  l'architecture  et  la  gravure. 

Le  moment  arrive  où  vont  commencer  les  concours  aux  grands 
prix  de  Rome  pour  la  composition  musicale.  Votre  Majesté  pensera 
sans  doute  que  les  règles  adoptées  pour  les  peintres,  sculpteurs,  ar- 
chitectes et  graveurs,  doivent  être  également  appliquées  aux  musi- 
ciens; car,  à  toutes  les  époques,  une  analogie  complète  a  existé 
entre  la  situation  des  uns  et  des  autres.  Je  viens  donc   présenter  à 


l'approbation  de  l'Empereur  un  projet  de  décret  qui  a  pour   objet 
d'établir  et  de  consacrer  celte  assimilation. 

Je  suis  avec  un  profond  respect,   Sire,  de  Votre   Majesté  le  très- 
humble,  très-obéissant  serviteur  et  fidèle  sujet, 

Le  maréchal  de  France,  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur 
et  des  Beaux-Arts, 

Vaillant. 

Fait  au  palais  des  Tuileries,  le  k  mai  1864. 


NAPOLÉON, 

Par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté  nationale,  Empereur  des  Fran- 
çais, 

A  tous  présents  et  à  venir,  salut  : 

Vu  l'arrêté  du  gouvernement  de  la  République,  en  date  du  3  plu- 
viôse an  II  (23  janvier  1803)  ; 

Vu  le  règlement  du  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  dé- 
clamation, en  date  du  22  novembre  1850; 

Vu  le  décret  impérial  du  13  novembre  1863,  portant  réorganisa- 
tion de  l'Ecole  impériale  et  spéciale  des  Beaux-Arts  ; 

Vu  le  décret  impérial  du  6  décembre  1863  ; 

Sur  le  rapport  du  ministre  de  notre  maison  et  des  Beaux-Arts, 

Avons  décrété  et  décrétons  ce  qui  suit  : 

Art.  1er  —  Les  concours  annuels  aux  grands  prix  de  Rome,  pour 
la  musique,  se  font  au  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  dé- 
clamation. 

Tous  les  artistes  musiciens  âgés  de  quinze  à  vingt-cinq  aas,  qu'ils 
soient  ou  non  élèves  du  Conservatoire,  peuvent  concourir  aux  grands 
prix  de  Rome,  après  avoir  réussi  dans  deux  épreuves  préalables, 
pourvu  qu'ils  soient  Français. 

Toutefois,  la  condition  d'âge  prescrite  par  le  paragraphe  qui  pré- 
cède ne  sera  obligatoire  qu'à  partir  du  concours  de  1867. 

Art.  2.  —  Les  résultats  des  épreuves  préparatoires  et  du  con- 
cours définitif  sont  jugés  par  un  jury  composé  de  neuf  membres. 

Ce  jury  sera  tiré  au  sort  sur  une  liste  qui  sera  présentée  par  le 
surintendant  général  des  théâtres. 

Cette  liste,  après  avoir  été  arrêtée  par  le  ministre,  sera  insérée  au 
Moniteur. 

Art.  3.  —  11  ne  sera  décerné  qu'un  premier  grand  prix;  mais 
pour  les  concours  des  années  1864,  1865,  1866,  il  pourra  être  ac- 
cordé deux  premiers  grands  prix,  dans  le  cas  où  l'élève  qui  obtien- 
drait le  premier  numéro  du  classement  dans  l'épreuve  définitive  au- 
rait dépassé  l'âge  réglementaire. 

Art.  4-  —  Sont  et  demeurent  applicables  aux  jeunes  gens  qui  au- 
ront remporté  les  grands  prix  de  musique,  les  dispositions  du  para- 
graphe 6  de  l'article  14  de  la  loi  sur  le  recrutement  de  l'armée. 

Art.  5.  —  A  l'avenir,  les  jeunes  gens  qui  auront  obtenu  les 
grands  prix  de  musique,  et  qui  seront  envoyés  à  Rome,  ne  seront 
pensionnés  que  pendant  quatre  années. 

Ils  resteront  à  Borne,  obligatoirement,  deux  années  au  moins.  Pour 
les  deux  autres  années,  ils  pourront,  selon  leur  goût  et  leurs  con- 
venances, les  consacrer  à  des  voyages  instructifs,  en  prévenant  à 
l'avance  l'administration  supérieure  de  leurs  intentions. 

Art.  6.  —  Le  directeur  de  l'Académie  impériale  de  France  à  Rome 
adresse,  tous  les  six  mois,  un  rapport  au  ministre  sur  les  travaux 
et  sur  le  degré  d'instruction  des  élèves  lauréats . 

Art.  7.  —  Les  jeunes  gens  actuellement  en  possession  de  la  qua- 
lité de  pensionnaires  du  gouvernement  conserveront  tous  leurs  droits 
en  ce  qui  concerne  la  durée  de  leur  séjour  à  l'Académie  impériale 
de  France  à  Rome;  mais  ils  seront  soumis  pour  leurs  travaux  aux 
dispositions  qui  seront  jugées  nécessaires. 

Art.  8.  —  Sont  abrogées  les  dispositions  des  ordonnances  et  rè- 


mmsfâm 


DE  PARIS. 


151 


glements  anlérieurs,  en  tant  qu'elles  sont  contraires  au  présent  dé- 
cret, dont  le  ministre  de  notre  maison  et  des  Beaux-Arts  est  chargé 
d'assurer  l'exécution. 

Fait  au  palais  des  Tuileries,  le  h  mai  1864. 

NAPOLÉON. 
Par  l'Empereur  : 
Le  maréchal  de  France  minisire  de  la  maison  de  l'Empereur 
et  des  Beaux-Arts, 

Vaillant. 


ORPHEON. 

Seconde  séance    solennelle  sous  la  direction  de 
SH.   Pasdelou». 

Quatre  morceaux  déjà  entendus  le  dimanche  précédent  se  retrou- 
vaient dans  le  second  programme  :  chœur  de  Castor  et  Pollux,  de 
Rameau  ;  Rosemonde,  de  Schubert  ;  les  Traîneaux,  d'Ambroise  Tho- 
mas; le  Soldat,  de  Scilcher.  Pour  la  seconde  fois,  les  Traîneaux, 
fort  bien  chantés,  ont  excité  les  bravos  et  mérité  à  leur  auteur  une 
ovation  des  plus  flatteuses.  En  général,  les  morceaux  pour  voix 
d'hommes  se  sont  fait  remarquer  par  la  vigueur  et  le  relief  du 
style.  Dans  Y  Ave  Maria,  d'Arcadet,  les  jeunes  filles  ont  baissé  d'une 
manière  trop  sensible  :  c'est  un  de  ces  accidents  contre  lesquels  la 
prudence  humaine  ne  peut  rien. 

Un  chœur  tiré  du  Phi/émon  et  Baucis  avait  nécessité,  pour  cette 
fois  seulement,  une  innovation  que  défend  l'esprit  de  l'institution 
orphéonique.  Un  piano  avait  été  introduit  pour  sonner  les  deux 
notes  obstinées  de  l'accompagnement,  et  non-seulement  un  piano, 
mais  encore  une  petite  flûte  et  un  triangle.  C'était  plus  qu'il  n'en 
fallait  pour  un  effet  médiocre  !  non  que  le  chœur  ne  soit  fort  joli, 
mais  il  y  en  a  beaucoup  de  meilleurs  qui  se  contentent  à  moins 
de  frais. 

P.  S. 


Le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  remettre  -à  la  semaine  prochaine 
le  compte  rendu  des  derniers  concerts. 


NOUVELLES. 

***  Lundi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la  Maschera,  pré- 
cédé des  deux'  premiers  actes  de  Lucie  de  Lammermoor.  —  Les  ambas- 
sadeurs japonais  assistaient  à  la  représentation.  —  Mme  Ferraris,  de 
retour  de  Bruxelles  et  pour  quelques  jours  à  Paris,  qu'elle  a  quitté  mer- 
credi pour  se  rendre  à  Florence,  y  assistait  également.  Elle  a  fort 
applaudi  Mlle  Amina  Bosclietti. — Mercredi,  la  représentation  de  Robert 
le  Diable  avait  attiré  une  grande  affiuence.  —  Vendredi,  les  Huguenots. 
Nous  avons  parlé  plus  haut  de  cette  représentation. 

*%  La  représentation  donnée  le  samedi  23  avril  à  l'Opéra,  au  béné- 
fice de  la  Caisse  de  secours  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques, 
a  produit  une  recette  de  12,200  francs. 

,..**  On  annonce  comme  très-prochaine  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique 
la  première  représentation  de  Sijlvie,  opéra-comique  en  un  acte,  de 
MM.  Jules  Adenis  et  J.  Rostaing.  M.  Guiraud,  lauréat  de  Rome,  en  a 
composé  la  musique.  Les  rôles  seront  joués  par  Ponchard,  Sainte-Foy  et 
Mlle  Girard. 

*%  Troy  quitte  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Il  est  engagé  au  théâtre 
Lyrique,  où  il  serait  question  de  monter  le  Mariage  secret,  de  Cimarosa, 
pour  ses  débuts.  En  attendant,  jusqu'à  la  clôture,  la  direction  se  propose 
de  passer  en  revue  les  principaux  ouvrages  de  son  répertoire,  tels  que 
Faust,  les  Noces  de  Figaro,  et  l'on  reprendrait  pour  le  45  la  Reine 
Topaze,  remontée  à  cet  effet  avec  beaucoup  de  soin,  et  qui  serait  inter- 
prêtée par  Mme  Carvalho,  Monjauze,  Ismaël,  Lutz  et  Fromant. 

***  L'administration  du  théâtre  Italien  a  fait  savoir  à  ses  abonnés  que 
l'ouverture  de  la  saison  n'ayant  commencé  que  le  14  octobre  dernier, 
les    abonnements  ont  dû  être  prolongés  jusqu'au  14  mai  courant  pour 


compléter  les  sept  mois  qu'elle  devait  durer,  et  que  la  jouissance  de  ces 
abonnements  aura  lieu  conséquemment  jusqu'à  cette  époque. 

»*'„  Plus  le  théâtre  Italien  approche  du  jour  de  la  clôture  et  plus  il 
redouble  d'efforts  pour  que  ses  spectacles  ne  manquent  ni  de  variété  ni 
d'éclat.  Fraschini  et  Mme  Anna  de  Lagrange  ont  eu  de  très-belles  soi- 
rées dans  plusieurs  ouvrages  du  répertoire. 

„*„  Mme  Fanny  Gordoza,  la  cantatrice  qui  s'est  produite  à  Paris  sous 
le  patronage  d'A.  Dumas  et  qui  a  donné  un  concert  dans  lequel  elle  a 
eu  du  succès,  éiait  annoncée  pour  samedi,  comme  devant  remplir  le 
rôle  de  Violetta  dans  la  Traviata  au  théâtre  Italien,  mais  on  a  donné 
Maria  di  Rohan. 

„,**  Mlle  A.  Patti  est  partie  lundi  2  mai  pour  Londres,  où  elle  devait 
faire  sa  rentrée  au  théâtre  de  Covent-Garden  par  Rosine  d'il  Barbiere. 
La  charmante  cantatrice  a  été  choyée  partout  avant  son  départ.  M.  et 
Mme  de  Rothschild  ont  donné  jeudi  un  grand  dîner  en  son  honneur. 
De  plus,  elle  a  chanté,  selon  son  habitude,  dans  deux  concerts  de  bien- 
faisance, et  elle  a  fait  distribuer  une  somme  de  1,000  francs  aux  cho- 
ristes des  Italiens  et  autant  à  divers  employés.  Quoique  les  plus  bril- 
lantes propositions  lui  soient  faites  de  toutes  parts,  et  notamment  de 
l'Italie,  nous  espérons  bien  que  la  préférence  est  acquise  à  M.  Bagier, 
et  que  notre  théâtre  Italien  la  possédera  toute  la  saison  prochaine. 

„*,,,  Lorsque  la  Gazette  musicale  énonce  un  fait  qui  touche  à  la  vie 
privée  d'un  artiste,  elle  ne  le  fait  que  sur  renseignements  authentiques. 
C'est  donc  avec  regret  que  nous  avons  vu  notre  confrère  de  la  Revue  et 
gazette  des  théâtres  taxer  d'inexactitude  notre  assertion  relative  à  la  li- 
béralité de  Mlle  Adelina  Patti  envers  ses  père  et  mère  ;  il  a  été  évidem- 
ment induit  en  erreur.  Nous  maintenons  donc  dans  son  entier  ce  que 
nous  n'avons  avancé  qu'après  avoir  eu  communication  de  l'acte  notarié 
constitutif  de  la  rente. 

*%  On  répète  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  une  opérette  en  un 
acte,  intitulé  Jérôme  Pointu,  paroles  d'A.  Huart,  musique  de  G.  Douay. 

**„  Les  deux  sœurs  Marchisio  sont  parties  dimanche  pour  Riga,  ville 
par  où  elles  doivent  commencer  l'excursion  dramatique  qu'elles  ont 
entreprise.  Les  sœurs  Marchisio,  ont  vu  singulièrement  grandir,  cette 
saison,  leur  réputation  à  Paris.  Mlle  Carlotta  surtout  s'est  principa- 
lement fait  remarquer  dans  les  différents  rôles  qu'elle  y  a  abordés. 

***  Notre  collaborateur  Arthur  Pougin  fera  paraître,  mardi  prochain, 
à  la  librairie  J.  Tresse  (Palais-Royal,  galerie  de  Valois,  2  et  4),  une 
brochure  intitulée  :  Meyerbeer,  notes  biographiques,  dont  nous  nous  oc- 
cuperons prochainement, 

***  A  propos  de  l'avènement  de  l'archiduc  Maximilien  au  trône  impé- 
rial du  Mexique,  a  été  exécutéee  dans  les  jardins  de  Miramar  une  can- 
tate espagnole,  paroles  de  M.  Aguilar,  musique  de  Mazotti.  Les  chœurs 
ont  été  accompagnés  par  le  corps  de  musique  du  régiment  dont  le  pro- 
priétaire est  l'archiduc  François-Charles,  père  du  nouvel  empereur. 

„,**  Le  festival  du  Bas-Rhin  aura  lieu  cette  année  à  Aix-la-Chapelle, 
pendant  les  fêtes  de  la  Pentecôte.  Sous  la  direction  du  maître  de  cha- 
pelle, M.  Rietz,  on  y  exécutera:  BeUazar,  par  Haendel;  deuxième 
suite  pour  orchestre  ,  par  Lachner.  Le  deuxième  jour  :  Magnificat ,  de 
Bach;  scènes  iTIphigénie  en  Tauride,  de  Gluck;  114e  psaume  de  Men- 
delssohn,  9e  symphonie  de  Beethoven.  —  Les  chanteurs  solistes  seront  : 
Mme  Dutsmann,  de  Vienne  ;  Mlle  Schreck,  de  Bonn  ;  Mlle  Edelsberg, 
de  Munich;  MM.  Gunz,  de  Hanovre,  et  Hili,  de  Francfort.  Joachim,  l'ex- 
cellent violoniste,  a  également  promis  le  concours  de  son  beau  talent. 

**„.  Dimanche  45  mai,  jour  de  la  Pentecôte,  M.  Hurand,  maître  de 
chapelle  de  Saint-Eustache,  fera  exécuter  dans  cette  église  une  messe 
de  la  composition  de  M.  Félix  Godefroid.  A  l'Offertoire ,  M.  Batiste 
fera  entendre  sur  le  grand  orgue  une  fugue  du  même  compositeur.  Une 
quête  sera  faite  au  profit  des  pauvres  du  1e''  arrondissement. 

*%  Mercredi  a  eu  lieu  au  théâtre  des  Arts,  à  Rouen,  la  première 
représentation  du  Jugement  de  Dieu,  grand  opéra  de  M.  Aug.  Morel, 
directeur  du  Conservatoire  de  Marseille.  L'auteur  était  venu  à  Rouen 
pour  en  surveiller  les  répétitions  et  assister  à  la  représentation. 

**,  En  rappelant  à  nos  lecteurs  la  souscription  ouverte  pour  l'érec- 
tion d'un  monument  à  Rameau  dans  sa  ville  natale,  nous  devons  ajouter 
qu'une  ouverture  du  grand  maître  vient  d'être  arrangée  à  quatre  mains 
par  M.  Charles  Poisot,  et  se  vend  au  profit  de  l'œuvre  chez  Benoît,  à 
Paris,  et   chez  Bernaudot,  à  Dijon. 

***  Aujourd'hui  dimanche  8  mai,  l'orchestre  de  symphonie,  si  habile- 
ment dirigé  par  M.  Forestier,  exécutera  un  concert  de  jour  au  Pré  Ca- 
telan  :  deux  nouveautés  des  plus  remarquables  :  une  grande  fantaisie 
sur  Zampa,  composée  et  jouée  sur  l'ophicléide  par  Moreau,  le  soliste 
sans  rival,  et  une  brillante  mosaïque  sur  des  motifs  choisis  de  Robert  le 
Diable,  exécutée  pour  la  première  fois  par  Monsen  sur  la  nouvelle  trom- 
pette-Sax  à  pistons  indépendants.  —  L'excellente  musique  du  2Blanciers 
fera  entendre,  sous  la  vaillante  direclion  de  son  chef,  M.  Pontet,  vir- 
tuose du  plus  rare  mérite,  son  magnifique  répertoire.  —  Au  bal  d'en- 
fants, dix  sémillants  bébés  danseront,  aux  sons  de  la  musette  alpestre, 
la  Calabrésienne,  nouvelle  polka  des  salons. 

*%  On  nous  écrit  de  Saint-Pétersbourg  que  le  célèbre  pianiste  An- 
toine de  Kontski  vient  d'être  décoré  par  S.  H.  le  sultan,  auquel  il  avait 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


dédié  un  morceau  de  sa  composition,  de  l'ordre  du  Medjedié.  L'envoi 
de  cette  flatteuse  distinction  témoigne  que  même  eu  Turquie  la  musique 
est  en  grand  honneur. 

„%  Le  nouveau  chef  d'orchestre  au  théâtre  de  Mayence,  M.  Bach,  est 
frère  du  ministre  d'Autriche  à  Rome,  et  de  plus  un  chaud  partisan  de 
la  musique  de  l'avenir,  autrement  dite  néo-germanique. 

t*m  On  monte  en  ce  moment  à  Bruxelles,  au  théâtre  de  la  Monnaie, 
un  opéra  en  deux  actes  et  trois  tableaux  :  l'Héritage  de  Jean  des  Isles. 
Les  paroles  sont  de  M.  Ch.  Réty,  l'ex-directeur  du  théâtre  Lyrique  de 
Paris;  la  musique,  de  M.  Bryon-d'Orgeval.  Le  rôle  principal  est  confié 
à  Jourdan. 

»**  Le  compositeur  Louis  Schubert,  à  Dresde,  vient  de  terminer  un 
opéra  en  trois  actes,  la  Veille  du  jour  des  noces. 

»%  A  Prague  s'est  formée,  sous  le  nom  d'Euterpe,  une  association  de 
dames  appartenant  à  la  haute  aristocratie,  dont  le  but  est  de  faire  ap- 
prendre gratis  aux  filles  des  parents  pauvres  à  jouer  du  piano. 

*%  Depuis  leur  inauguration,  les  salons  de  la  fabrique  de  pianos  de 
Philippe-Henri  Herz  neveu  et  Ce  sont  journellement  visités  par  de  nom- 
breux amateurs  et  acheteurs  venus  de  la  France  et  de  l'étranger,  et  des 
commandes  importantes  sont  faites  aux  nouveaux  facteurs. 

,*.,.  Le  concert  des  Champs-Elysées  a  fait  sa  réouverture  d'une  façon 
brillante.  Trois  mille  personnes  au  moins  assistaient  à  cette  belle  soi- 
rée, dans  laquelle  M.  Eugène  Prévost,  le  nouveau  chef  d'orchestre,  s'est 
signalé.  Pour  qui  connaît  le  passé  de  cet  éminent  maestro,  cela  n'a 
rien  de  surprenant.  Le  programme  était  des  plus  variés,  et  M.  Gobert, 
dans  un  concerto  de  de  Bériot,  a  soulevé  une  tempête  de  bravos.  La 
grande  fantaisie  de  M.  Demerssemann,  Une  Fêle  à  Aranjues,  a  été  très- 
applaudje,  ainsi  qu'une  fort  jolie  valse  et  une  vive  saltarelle,  composées 
par  l'éminent  chef  d'orchestre  de  M.  de  Besselièvre. 

***  Aujourd'hui  dimanche  a  eu  lieu  la  réouverture  du  Casino  d'As- 
nières,  avec  d'importants  changements  et  de  nouveaux  embellissements. 


Chemin  de  fer,  rue  Saint-Lazare,  toutes  les  demi  -  heures,  retour  à 
minuit. —  Les  fêtes  musicales  et  dansantes  ont  lieu  tous  les  dimanches. 
»*„  A  Munich,  vient  de  mourir  Mme  Mortier  de  Fontaine,  cantatrice 
jadis  célèbre  sous  le  nom  de  Marguerite  Limbach  ;  elle  était  attachée, 
il  y  a  une  trentaine  d'années,  au  théâtre  Kœnigstadt,  à  Berlin.  C'était 
alors  une  belle  et  charmante  personne,  douée  d'une  voix  merveilleuse; 
la  première,  en  Allemagne,  Mlle  Limbach  a  chanté ,  dans  la  Juive,  le 
rôle  de  Recha,  qui  est  resté  le  plus  brillant  de  son  répertoire. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


**„  Cologne.  —  La  célèbre  prima-donna  du  théâtre  royal  de  Berlin, 
Mlle  Lucca,  a  trouvé  ici  l'accueil  le  plus  flatteur;  elle  s'est  montrée  dans 
le  rôle  de  Valentine  et  dans  celui  de  Marguerite  (Faust,  de  Gounod) 
cantatrice  consommée;  mais  c'est  surtout  par  la  puissance  dramatique 
de  son  jeu  qu'elle  a  électrisé  la  salle. 

***  Vienne.  —  Mme  Barbot  a  déployé  beaucoup  d'énergie  et  de  pas- 
sion dans  le  rôle  de  Norma;  par  malheur,  sa  voix  a  souffert  des 
rigueurs  de  la  saison.  Mlle  Artot  avait  bien  voulu  se  charger  de 
l'humble  rôle  d'Adalgise,  et  sa  modestie  lui  a  porté  bonheur.  —  Dans 
la  Traviata,  Mme  Artot  a  été  superbe  :  au  premier  acte  elle  a  chanté 
avec  une  élégance,  une  distinction  et  une  délicatesse  de  nuances  qu'on 
ne  saurait  trop  louer.  Au  deuxième,  elle  a  enthousiasmé  toute  la 
salle  par  la  puissance  dramatique  de  son  jeu.  Cette  représentation  a  été 
pour  l'éminente  cantatrice  l'occasion  d'un  vrai  triomphe.  En  général,  la 
Société  italienne  n'a  pas  à  se  plaindre  du  public  :  dans  le  courant 
d'avril  elle  a  fait  22,000  florins,  près  de  50,000  francs  de  recettes,  ce 
qui  est  beaucoup  pour  la  saison. 

Le  Directeur  :   S.  DUFOUR. 


MANUFACTURE    D'INSTRUMENTS    DE   MUSIQUE  EN    CUIVRE   ET   EN   ROIS  (Fondée  en  1843) 

50,  rue  Saint-Georges,  à  Paris. 

Maison    ADOLPHE    SAX* 

Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  mmique  des   Guides   et   des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  — Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc.  *-\ 

Ton»  lu  instruments  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    ^£â 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumenl  et  le  poinçon  ci-après  : 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851, 
et  1862,  relatif*  aux.  Saxophones  (BREVET  DE   18-lfi.) 

a Parmi   les   inventeurs   d'instruments  de    musique,  la  plus   haute    distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  {Exposit.  4831.) 

«  Famille   complète   des    Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument' se  joue  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
Saxophone  l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 

alto  MI  bémol.  habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  ;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions ;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  est  né  d'hier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  à  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  (Exposit.  1855.) 

a  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  juslesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  (Exposit.  1862.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophone3  sont  les  suivants  : 
Saxopbone  soprano,  «Ou  fr. —  Saxophone  ténor,  «»5  fr. —  Saxopbone  alto,  "i'tr»  fr. —  Saxophone  baryton,  %SO  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 
l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 
pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  tes  ■propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITAUENS,  1. 


31e  Année, 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de   Musique*  les  Libraire 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


N°  20. 


REVUE 


15  Mai  1861 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

paris 24   r.parni 

Départements,  Belgique  et  Suisse...      30-»       id. 

Étranger M  »       id 

Le  Journal  parait  le  Dimanche 


GAZETTE  MUS 


DE     PARIS 


Wos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui, 
l'Atliett,  formant  le  premier  numéro  de  la  collection 
de  30  mélodies  de  Schubert,  transcrites  pour  le  pian  o 
par  Stephen  nieller,  et  arrangées  pour  harmonium 
par  Frédéric  Brisson, 


SOMMAIRE.  —  Obsèques  de  Meyerbeer  à  Berlin.  —  Théâtre  impérial  de  l'O- 
péra-Comique  :  Sylvie,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Jules  Adenis 
et  Jules  Rostaing,  musique  de  M.  Ernest  Guiraud,  par  Léon  ES u rocher.  — 
Ministère  de  la  Maison  de  l'Empereur  et  des  Beaux-Arts.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


OBSÈQUES  DE  MEYERBEER  À  BERLIN. 

Le  train  spécial  qui  portait  la  dépouille  terrestre  d'un  génie  im- 
mortel quittait  vendredi,  à  6  heures  5  minutes  du  soir,  la  gare  du 
chemin  de  fer  du  Nord  pour  se  diriger  à  grande  vitesse  vers  la  fron- 
tière de  Prusse,  en  passant  par  la  Belgique. 

Il  arrivait  à  1  heure  et  1/2  à  la  station  de  Huy,  près  de  Namur,  lors- 
que le  silence  de  la  nuit  fut  tout  à  coup  interrompu  par  des  chants 
empreints  d'un  caractère  religieux  que  des  voix  d'hommes  accompa- 
gnées d'instruments  d'harmonie  faisaient  entendre.  C'étaient  les  so- 
ciétés de  chant  et  d'harmonie  du  pays  qui  avaient  attendu  le  passage 
du  convoi  funèbre  à  l'embarcadère  pour  rendre  ce  dernier  hommage 
à  l'illustre  mort.  Le  chef  de  ces  sociétés,  M .  Camauer,  musicien  fort 
distingué,  s'avança  et  offrit  à  M.  Jules  Béer,  le  neveu  du  défunt,  une 
couronne  de  lauriers  voilée  d'un  crêpe,  en  lui  adressant  en  même 
temps  quelques  paroles  bien  senties,  dont  j'ai  retenu  les  mots  sui- 
vants :  «  Notre  ville  est  petite,  mais  nos  cœurs  sont  grands  pour  res- 
sentir votre  douleur.  » 

Et  c'est  précisément  parce  que  la  ville  est  petite  que  cette  pieuse 
manifestation,  qui  avait  lieu  à  la  lueur  des  torches,  et  tous  les 
chanteurs  et  instrumentistes  la  tête  découverte  au  milieu  de  la  nuit, 
m'a  paru  d'autant  plus  touchante  ! 


A  la  station  de  Minden,  en  Prusse,  une  députation  est  venue  éga- 
lement offrir  une  couronne,  et  enfin,  à  l'avant-dernière  station  avant 
Berlin,  à  Brandenbourg,  la  société  chorale  de  la  ville,  composée  des 
hommes  les  plus  distingués  de  la  localité,  a  exécuté  d'une  façon  vrai- 
ment admirable  le  beau  choeur  de  Mendelssohn,  l'Adieu,  en  offrant 
une  troisième  couronne. 

A  l'arrivée  à  Berlin,  une  démonstration  était  également  préparée, 
et  plusieurs  sociétés  de  chant  s'étaient  donné  rendez-vous  à  la  gare, 
mais  pour  9  heures  3//j,  heure  à  laquelle  arrive  ordinairement  le  train 
express,  tandis  que  le  train  spécial  qui  formait  le  convoi  mortuaire 
entrait  deux  heures  plus  tôt  dans  la  gare.  Le  précieux  cercueil  fut 
porté  dans  le  corbillard  qui  attendait  dans  une  cour  particulière,  suivi 
des  personnes  qui  l'avaient  accompagné  de  Paris  à  Berlin,  des  mem- 
bres de  la  famille  et  de  quelques  amis  intimes,  et  conduit  silencieuse- 
ment à  la  demeure  de  Meyerbeer  à  Berlin,  Pariser-Platz.  Il  y  resta 
jusqu'au  lundi  à  midi,  heure  fixée  pour  l'inhumation  solennelle. 

Le  grand  salon  du  vaste  appartement  était  transformé  en  chambre 
ardente  :  toute  la  pièce  était  tendue  de  noir.  Des  candélabres  d'ar- 
gent entouraient  le  catafalque,  et  éclairaient  seuls  cette  obscurité  fac- 
tice, projetant  leur  lumière  sur  une  forêt  d'arbustes  et  de  plantes  exo- 
tiques qui  entouraient  le  cercueil,  couvert  lui-même  de  fleurs  et  de 
couronnes.  S.  M.  la  reine  de  Prusse  elle-même,  ainsi  que  la  princesse 
Frédéric-Charles  et  d'autres  dames  de  la  cour,  avaient  voulu  y  joindre 
les  leurs.  Une  députation  de  la  chapelle  royale  de  Dresde  était  venue 
pour  y  ajouter  une  immense  couronne  de  lauriers,  et  une  autre  fut 
apportée  par  le  maître  de  chapelle,  M.  Taubert,  au  nom  de  la  cha- 
pelle royale  de  Berlin.  Le  buste  en  marbre  du  défunt,  couvert  d'un 
voile  noir,  était  placé  au  fond  de  la  salle.  La  famille  de  Meyerbeer 
se  tenait  debout  autour  du  catafalque  ;  d'un  côté,  les  trois  filles  et  le 
baron  de  Korf  ;  de  l'autre,  les  deux  neveux  et  quelques  proches  pa- 
rents. 

Dès  11  heures  du  matin,  les  nombreuses  députations  et  les 
personnages  distingués  qui  tenaient  à  rendre  un  dernier  hommage  à 
Meyerbeer,  commençaient  à  remplir  les  spacieux  appartements.  Tout 
ce  que  Berlin  compte  d'éminent  dans  toutes  les  classes  de  la  société 
s'y  trouvait  représenté.  On  y  remarquait  S.  A.  R.  le  prince  Georges 
de  Prusse,  l'ambassadeur  de  France  avec  tout  le  personnel  de  Kam- 
bassade,  le  ministre  résident  d'Italie  et  beaucoup  d'autres  membres 
du  corps  diplomatique,  le  ministre  de  la  maison  du  roi  M.  de  Schlei- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nitz,  M.  le  comte  de  Roedern,  premier  chambellan  de  la  cour;  le 
grand  maître  des  cérémonies  et  conseiller  intime  comte  de  Stillfried- 
Alcantara  ;  le  chambellan  baron  de  Dachrœden,  le  premier  bourg- 
mestre à  la  tête  d'une  députation  du  conseil  municipal,  une  députa- 
tion  de  l'Académie  des  beaux-arts  et  des  députations  de  presque  tous 
les  corps  constitués  de  Berlin. 

A  midi,  la  cérémonie  commença  par  un  chœur  arrangé  pour  voix 
d'hommes  d'après  l'un  des  Sept  chants  religieux  de  Meyerbeer,  par 
M.  Radeke,  un  des  chefs  d'orchestre  de  l'Opéra  royal,  et  chanté  par 
les  artistes  de  cet  établissement.  Après  l'exécution  de  ce  chœur,  le 
rabbin  M.  Joël,  de  Breslau,  orateur  célèbre  en  Allemagne,  prononça 
un  discours  des  plus  saisissants,  que  vous  trouverez  plus  loin. 
A  la  suite  de  ce  discours,  le  seul  qui  ait  été  prononcé,  un  nouveau 
chœur  se  fit  entendre,  pendant  l'exécution  duquel  le  cercueil  fut 
porté  sur  ou  plutôt  dans  le  simple  corbillard,  qui  est  ici  le  même 
pour  tout  le  monde,  sans  distinction  de  classe  ;  des  palmes  attachées 
sur  les  tentures  noires  en  faisaient  la  seule  distinction.  A  1  heure, 
le  cortège  se  mit  en  mouvement.  En  tête  marchaient  les  corps  de 
musique  de  tous  les  régiments  de  cavalerie  en  garnison  à  Berlin,  les 
instruments  entourés  de  crêpes,  sous  la  conduite  du  directeur  gé- 
néral des  musiques  militaires  prussiennes,  M.  Wieprecht.  Pendant 
tout  le  trajet,  ces  musiques  exécutèrent  alternativement  la  marche 
funèbre  de  Beethoven  (tirée  de  la  sonate  en  la  bémol);  un  choral  et 
une  marche  funèbre  de  la  composition  de  M.  Wieprecht.  Venaient  ensuite 
les  deux  premiers  chefs  d'orchestre  de  l'Opéra  et  de  la  chapelle  royale, 
MM.  Dorn  et  Taubert,  portant  sur  des  coussins:  l'un  les  décorations 
du  défunt,  l'autre  une  couronne  de  lauriers;  ils  étaient  accompagnés 
de  l'administration  supérieure  et  suivis  de  tout  le  personnel  de 
l'Opéra  et  de  la  chapelle  royale.  Des  deux  côtés  du  char  funèbre 
qui  suivait,  marchaient  les  douze  plus  jeunes  membres  de  la  chapelle, 
portant  des  palmes. 

Le  deuil  était  conduit  par  le  gendre  de  Meyerbeer,  M.  le  baron 
de  Korf,  et  par  ses  deux  neveux,  MM.  Georges  et  Jules  Béer,  suivis, 
un  peu  pêle-mêle,  il  faut  le  reconnaître,  de  toutes  les  députations, 
des  invités  et  d'une  foule  immense.  A  l'exception  de  M.  de  Hulsen, 
absent  de  Berlin,  tous  les  directeurs  des  théâtres  figuraient  dans  le 
cortège,  et  parmi  eux  tout  le  monde  remarquait  M.  Emile  Perrin, 
le  directeur  de  l'Opéra  impérial  de  Paris,  venu  exprès  à  Berlin  pour 
rendre  les  derniers  devoirs  à  Meyerbeer.  En  tête  de  la  file  innom- 
brable des  voitures  marchaient,  après  la  voiture  du  défunt,  les  voi- 
tures de  gala  de  LL.  MM.  le  roi  et  la  reine  de  Prusse,  attelées  cha- 
cune de  six  chevaux,  et  celles  de  tous  les  autres  princes  et  princesses 
de  la  maison  royale  à  quatre  chevaux;  Ja  voiture  de  gala  de  l'am- 
bassadeur de  France  se  faisait  également  remarquer  par  son  extrême 
élégance. 

L'Opéra,  qui  faisait  relâche  ce  jour-là,  avait  arboré  un  immense 
drapeau  noir  qui  s'inclinait  du  toit  de  l'édifice  jusque  sur  la  porte 
d'entrée,  et,  à  l'approche  du  cortège,  les  chœurs,  postés  d'avance  sur 
les  grands  escaliers  qui  conduisent  au  péristyle,  entonnèrent  le  choral 
«  Was  Gott  thut,  das  ist  wohlgelhan»  (Ce  que  Dieu  fait  est  bien 
fait),  après  lequel  ils  se  joignirent  au  cortège.  Sur  la  maison  de 
M.  Schlesinger  flottait  également  un  drapeau  noir,  et  ses  magasins, 
ainsi  que  ceux  de  son  confrère,  M.  Bock,  restèrent  fermés  toute  la 
journée.  Une  haie  compacte  se  pressait  incessamment  sur  les  côtés 
du  cortège,  durant  le  long  trajet  à  faire  pour  gagner  le  cimetière 
situé  devant  la  porte  de  Schœnhausen,  trajet  plus  long  encore  que 
celui  que  nous  parcourions  trois  jours  auparavant,  à  Paris,  de  la 
rue  Montaigne  à  la  gare  du  Nord. 

Arrivé  au  cimetière,  les  chœurs  de  l'Opéra  se  détachèrent  du  cor- 
tège et  chantèrent  la  belle  composition  de  Bernard-Anselme  Weber, 
sur  les  paroles  de  Schiller  «  Rasch  tritt  der  Tod  den  Menschen  an  » 
(la  mortfrappe   l'homme  rapidement);  le  cercueil  fut  porté  ensuite 


dans  la  chapelle  du  cimetière,  également  tendue  entièrement  de  noir 
et  remplie  de  fleurs  ;  le  rabbin  y  prononça  encore  une  courte  et 
touchante  allocution  et  récita  les  prières  de  la  lithurgie.  Puis  le  cer-  • 
cueil  fut  descendu  dans  le  tombeau  de  la  famille,  lequel  avait  été 
agrandi  depuis  peu  de  temps  seulement  par  les  ordres  du  défunt  lui- 
même,  et  où  il  repose  aujourd'hui  près  de  sa  mère. . . 

De  même  que  le  jour  de  ses  funérailles  à  Paris,  le  soleil,  qu'il 
aimait  tant,  n'a  pas  cessé  un  seul  instant  de  briller  de  tout  son  éclat. 
Les  deux  dernières  ovations  qui  devaient  être  décernées  à  Meyer- 
beer à  Paris  et  à  Berlin  différaient  de  caractère  en  ce  que,  gran- 
dioses toutes  deux ,  celle  de  Berlin  semblait  un  cortège  en  deuil 
accompagnant  un  grand  homme  à  sa  dernière  demeure,  tandis  qu'à 
Paris  c'était  une  marche  triomphale  qui  le  conduisait  à  l'immor- 
talité. 

L.  B. 


DISCOURS   DE   M.    LE    Dr   JOËL,    RABBIN  DE   BRESLAU. 

Devant  le  cercueil  d'un  homme  dont  la  réputation  remplit  les  deux 
mondes,  qui  s'est  élevé  au  faîte  de  la  perfection  et  dont  les  œuvres 
ont  reçu  toutes  les  consécrations,  la  plainte  ne  nous  est  pas  permise. 
Suivant  un  ancien  adage  :  «  Il  est  des  hommes  auxquels  il  n'a  été 
départi  dans  leur  existence  qu'une  heure  pendant  laquelle  ils  ont 
atteint  la  supériorité,  »  la  vie  de  Meyerbeer,  elle,  ne  se  compose  que 
d'heures  semblables;  chacune  d'elles  fut  un  succès.  Le  monde  entier 
en  a  été  le  témoin,  car  la  langue  qu'il  parlait  n'avait  pas  besoin  d'in- 
terprète; pour  elle  les  nations  n'avaient  point  de  frontières;  elle  sub- 
juguait les  cœurs  de  ceux  qui  l'entendaient  et  faisait  pénétrer  l'émotion 
jusque  dans  leurs  plus  profonds  replis.  Sa  harpe,  semblable  à  celle 
de  David,  faisait  entendre  les  accords  les  plus  suaves  ou  soulevait  les 
plus  ardentes  passions;  il  pouvait  s'écrier  avec  le  prophète,  dont  il 
avait  atteint  l'âge  :  «  Le  souffle  de  l'inspiration  parle  par  ma  bouche,  et 
sa  parole  vit  sur  ma  langue.  »  Il  est  inutile  de  rappeler  les  événements 
de  sa  vie;  ce  qu'il  avait  voulu  et  atteint,  tout  noble  cœur  sensible  l'a 
compris  et  le  comprendra  dans  l'avenir  le  plus  reculé.  Sympathique  à 
tous,  honoré  de  la  faveur  de  son  roi,  du  trône  à  la  chaumière,  il  fut 
acclamé  de  tous.  Ce  n'est  donc  pas  lui  que  nous  devons  plaindre,  c'est 
nous;  nous  qui  le  perdons.  Quand  surgira-t-il  de  nouveau  un  disciple 
de  l'art  allemand  auquel  les  nations  offriront  spontanément  de  sembla- 
bles suffrages?  Quand  sortira-t-il  du  sein  de  la  communauté  israélite 
un  homme  de  génie,  pour  constater  que  la  religion  mosaïste  n'em- 
pêche pas  de  participer  à  tout  ce  qui  est  beau,  à  tout  ce  qui  est  noble 
et  sublime,  enfin  à  tout  ce  qui  exalte  le  cœur  de  l'homme?  Issu  d'une 
famille  qui  éleva  plus  d'un  fils  pour  l'honneur  de  la  patrie  et  de  l'hu- 
manité, et  qui  de  tout  temps  se  fit  remarquer  par  l'élévation  de  ses 
tendances  et  de  ses  idées  :  doué  d'un  génie  qui  s'est  révélé  dès  sa  plus 
tendre  jeunesse,  Meyerbeer  a  résumé  en  lui  le  plus  heureux  concours 
de  circonstances  pour  briller  comme  un  météore  lumineux  dans  le  ciel 
de  l'art  allemand.  Sa  mémoire  illustre  et  ses  œuvres  impérissables 
seront  la  meilleure,  la  seule  consolation  pour  nous  de  l'avoir  perdu  ;  et 
cette  consolation  exercera  son  action  vivifiante  sur  les  siens  comme 
son  influence  sur  l'avenir,  tant  que  les  hommes  conserveront  le  culte 
du  beau  et  de  l'Idéal  ! 


Nous  reproduisons  aujourd'hui  l'improvisation  chaleureuse  pro- 
noncée par  M.  Emile  Ollivier  sur  le  cercueil  de  Meyerbeer,  et  que 
nous  n'avions  pu  nous  procurer  à  temps  pour  la  donner  dans  notre 
dernier  numéro. 

DISCOURS   DE   M.    EMILE    OLLIVIER. 

Cette  triste  cérémonie  serait  incomplète  si,  après  que  vous  avez 
entendu  les  paroles  officielles,  celles  de  l'art,  de  l'amitié, de  la  religion, 
une  voix  ne  se  faisait  entendre  au  nom  du  grand  public  français  que 
Meyerbeer  a  pendant  tant  d'années  charmé,  ému  et  fortifié. 

Oui,  Messieurs,  bénissons  d'un  cœur  reconnaissant  et  attendri  les 
hommes  inspirés  qui,  pendant  que  nous  sommes  aux  prises  avec  les 
luttes,  les  difficultés,  les  douleurs,  les  amertumes  de  la  vie,  s'absorbent 
dans  leur  génie,  et  s'élèvent  par  lui  jusqu'aux  régions  sereines  où  ils 
trouvent,  pour  nous  les  rapporter,  les  chants  de  consolation  et  d'apai- 
sement. Ils  ne  donnent  pas  seulement  aux  âmes  fatiguées  la  rosée  qui 


DE  PARIS. 


155 


rafraîchit,  ils  sont  comme  des  médiateurs  entre  les  nations.  L'intérêt 
les  divise,  ils  les  unissent  dans  une  admiration  commune.  La  passion 
les  éloigne,  de  la  passion  ils  font  jaillir  des  accents  divins  qui  partout 
rapprochent  les  cœurs  et  leur  créent  comme  une  patrie  commune. 
Prophètes  mélodieux  des  destinées  pacifiques  de  l'humanité,  ils  ont  été 
envoyés  parmi  nous  afin  que  l'amour  l'emporte  sur  la  haine. 

Réjouissons-nous,  —  si  un  tel  mot  peut  être  prononcé  dans  une  telle 
cérémonie!  —  que  ce  soit  un  enfant  de  l'harmonieuse  Allemagne  qui 
depuis  si  longtemps  enchante  de  ses  accents  souverains  cette  noble 
France.  Entre  les  deux  pays,  c'est  une  cause  de  plus  de  sympathique 
accord  Que  le  nom  de  Jfeyerbeer,  que  le  souvenir  de  notre  deuil  se 
mêlent  à  celui  qui  va  accueillir  au-delà  du  Rhin  cette  précieuse 
dépouille  !  Que  tous  ces  tristes  et  pieux  souvenirs  soient  un  gage 
d'union  entre  deux  nations  sœurs  que  rien  ne  devrait  jamais  diviser; 
6t  qu'un  lien  fort  et  durable  s'établisse  de  plus  en  plus  entre  la  patrie 
de  Beethoven,  de  Mozart,  et  celle  d'Hérold,  d'Halévy  et  d'Auber  ! 


Au  moment  de  donner  à  nos  lecteurs  la  fin  de  la  notice  biogra- 
phique sur  Meyerbeer,  que  nous  avions  commencée  sans  pressentir, 
hélas  !  le  degré  d'actualité  qu'elle  était  destinée  à  rencontrer,  nous 
avons  reçu  du  savant  appréciateur  de  l'illustre  défunt,  de  son  ami, 
de  M.  Fétis,  des  notes  complémentaires  qui  nous  forcent  à  ajourner 
jusqu'à  dimanche  prochain  la  publication  de  ce  dernier  article. 
Mais  notre  vénérable  collaborateur  y  a  joint  un  témoignage  de  re- 
gret et  de  douleur  pour  le  grand  maître,  dont  nous  ne  voulons  pas 
reculer  d'un  jour  l'impression  : 

Bruxelles,  9  mai  1864. 

11  est  donc  vrai?  Sans  que  rien  pût  le  faire  prévoir,  la  biographie 
dont  on  va  bientôt  lire  la  conclusion  est  devenue  une  notice  nécrolo- 
gique !  Au  moment  où  le  grand  artiste  dont  elle  esquisse  rapidement 
l'histoire  se  préparait  à  de  nouveaux  triomphes,  la  mort  est  venue 
inopinément  le  frapper.  Le  2  mai  186-1,  à  6  heures  du  matin,  le  xixe  siècle 
avait  perdu  une  de  ses  illustrations  les  plus  considérables,  et  j'avais  à 
pleurer  un  ami  dont,  pendant  quarante  ans,  j'avais  vu  grandir  le  ta- 
lent et  la  renommée.  La  tristesse  qui  m'oppresse  le  cœur  a  besoin  de 
s'épancher.  Après  les  éloquentes  paroles  prononcées  sur  le  cercueil  de 
Meyerbeer;  après  les  expressions  de  regret  qui  retentissent  de  toutes 
parts,  ce  que  j'ai  à  dire  n'ajoutera  rien  à  la  gloire  de  son  nom;  mais 
j'aurai  rempli  le  devoir  de  l'amitié  et  semé  quelques  fleurs  sur  une 
tombe  qui  ne  devait  pas  s'ouvrir  si  tôt. 

Meyerbeer,  tu  fus  l'artiste  véritable,  car  tu  aimas  l'art  et  vécus  pour 
lui.  Comblé  des  biens  de  la  fortune,  tu  n'en  recherchas  pour  toi-même 
ni  les  jouissances  ni  les  vanités;  une  existence  simple,  modeste,  suffi- 
sait à  tes  besoins.  Ton  esprit  distingué,  qu'ornaient  des  connaissances 
variées,  ne  prit  pas  plaisir  à  s'étaler  :  tu  ne  voulus  manifester  ta  puis- 
sante organisation  que  par  la  musique.  Sensible  au  succès  de  tes  pro- 
ductions, comme  tous  ceux  qui  cultivent  l'art,  sous  quelque  forme 
que  ce  soit,  tu  n'en  étais  pas  enivré.  Après  les  plus  tclatantes 
ovations,  tu  te  retrouvais  avec  joie  dans  le  calme  de  la  solitude  et  dans 
les  délices  de  tes  méditations,  dérobant  ta  personne  aux  témoignages 
de  l'admiration  universelle.  Le  besoin  de  produire  était  pour  toi  celui 
de  tous  les  moments  et  n'était  égalé  que  par  ton  désir  du  progrès  dans 
le  développement  de  tes  grandes  facultés,  comme  dans  les  formes  de 
ton  style.  Car  en  cela  encore,  tu  étais  l'artiste  digne  de  sa  mission, 
l'artiste  comme  le  furent  ceux  des  époques  des  grandes  choses.  Sévère 
envers  toi-même,  ta  pensée  était  incessamment  préoccupée  du  soin  de 
perfectionner  tes  ouvrages.  Le  sacrifice  d'un  morceau,  de  parties  en- 
tières même  d'une  partition,  ne  te  coûtait  pas,  lorsque  tu  croyais  pou- 
voir faire  mieux.  Portant  tes  soins  jusque  dans  les  moindres  détails  de 
l'art  d'écrire,  tu  n'étais  satisfait  que  lorsque  tu  avais  fait  disparaître  les 
plus  légères  imperfections  aperçues  par  toi  dans  ton  œuvre. 

Dans  les  diverses  périodes  de  ta  glorieuse  vie,  tu  as  eu,  Meyerbeer, 
à  souffrir  :  d'une  part,  lorsque  tu  étais  à  la  recherche  de  ta  voie  pour 
aller  à  l'immortalité,  et  que  tes  déceptions  te  démontraient  que  tu  ne 
l'avais  pas  encore  trouvée  ;  de  l'autre,  lorsqu'après  y  être  entré  et  être 
parvenu  à  la  révélation  complète  de  ton  talent,  tu  te  vis  méconnu, 
déprécié  par  ceux  qui  font  métier  de  critique,  sans  avoir  l'impartialité 
nécessaire,  ni  les  connaissances  suffisantes.  Que  tu  en  aies  éprouvé  de 
pénibles  impressions,  cela  n'est  pas  douteux;  mais,  semblable  à  quelques 
grands  hommes,  tes  prédécesseurs,  tu  as  eu,  dans  ces  circonstances,  la 
dignité  de  la  conscience  sûre  d'elle-même  ;  la  confiance  que  donne  à 
l'artiste  supérieur,  sans  orgueil,  la  connaissance  intime  de  sa  propre 
valeur;  enfin,  la  patience  d'un  sage,  qui  sait  que  le  temps  met  à  sa 
place  chaque  chose  et  chacun.  Il  n'a  pas  tardé  à  te  faire  rendre  la  jus- 
tice qui  t'était  due.  D'illustres  compositeurs,  des  génies  sublimes,  n'ont 
trouvé  que  dans  la  postérité  l'attention  et  l'intelligence  requises  pour 


l'appréciation  de  leurs  œuvres  immortelles;  plus  heureux  qu'eux,  tu  as 
joui  de  ta  gloire  avant  que  la  mort  vînt  te  toucher.  Le  suffrage  uni- 
versel, qui  t'a  couronné,  a  étouffé  la  malveillance;  et  maintenant, 
frappé  de  la  perte  immense  qu'il  vient  de  faire,  le  monde  musical  mêle 
à  son  admiration  de  sincères  et  profonds  regrets. 

Cependant,  tu  n'as  pas  dit  ton  dernier  mot;  ta  puissante  voix  doit  se 
faire  entendre  encore,  ton  Africaine,  œuvre  complexe  d'inspiration, 
d'expérience  et  de  méditation,  nous  est  promise.  Si,  comme  il  y  a  lieu 
de  l'espérer,  rien  n'est  négligé  pour  que  l'interprétation  soit  digne  de 
l'ouvrage,  ton  ombre  jouira  d'un  triomphe  connu  de  peu  de  vivants, 
et,  par  une  douce  illusion,  nous  pourrons  croire  que  le  génie  antique 
de  la  mort  n'a  pas  encore  éteint  son  flambeau. 

FÉTIS  père. 


Nous  avons  mis  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  les  discours  pro- 
noncés sur  le  cercueil  de  Meyerbeer  par  nos  premières  notabilités 
artistiques  et  administratives;  il  est  de  notre  devoir  de  reproduire 
également  les  parties  les  plus  saillantes  des  articles  inspirés  aux 
principaux  organes  de  la  presse  parisienne  —  si  unanime  dans  ses 
regrets  —  par  la  perte  immense  que  l'art  vient  de  subir. 

«  La  semaine  est  au  deuil  et  aux  regrets.  Lundi  matin ,  de  bonne 
heure,  le  bruit  s'est  répandu,  avec  cette  rapidité  foudroyante  qui  em- 
porte et  propage  les  sinistres  nouvelles,  que  Meyerbeer  venait  de  suc- 
comber à  une  courte  maladie,  ignorée  de  ses  plus  intimes  amis.  Ce 
grand  malheur  a  d'abord  causé  un  douloureux  étonnement.  On  refusait 
d'y  croire,  on  courait  aux  renseignements;  on  s'abordait,  on  s'interro- 
geait avec  une  lueur  d'espérance  qui  dut  bientôt  faire  place  à  la  plus 
cruelle  certitude.  Dans  cette  vie  si  affairée  de  Paris,  il  semble  qu'on 
ait  vu  la  veille  les  personnes  que  l'on  n'a  point  rencontrées  depuis  cinq 
ou  six  jours.  Tous  ces  derniers  temps,  on  voyait  assez  souvent  Meyer- 
beer soit  sur  les  boulevards,  soit  aux  abords  de  l'Opéra.  Il  redoublait 
d'activité  et  d'énergie  à  mesure  que  ses  forces  s'épuisaient  et  que  sa 
santé  s'affaiblissait,  sans  qu'il  y  prît  garde.  Une  volonté  indomptable  le 
soutenait;  jamais  il  n'a  compté  avec  le  temps;  il  paraissait  croire  que 
son  corps  était  indestructible  comme  sa  renommée  est  immortelle.   .   . 

»  Sa  bienveillance  et  son  indulgence  étaient  extrêmes;  d'un  accès 
facile,  de  manières  charmantes,  jamais  sa  porte  (et  Dieu  sait  si  elle 
était  assiégée!)  n'a  été  fermée  à  aucun  artiste.  Homme  du  monde  ac- 
compli et  maître  incomparable,  placé  au  premier  rang  par  son  génie, 
par  sa  grande  position  de  fortune,  par  ses  succès,  par  les  honneurs 
dont  tous  les  souverains  de  l'Europe  l'avaient  comblé,  il  était  d'une  af- 
fabilité rare,  d'une  réserve  et  d'une  politesse  qui  ne  se  démentaient  ja- 
mais, même  quand  sa  patience  était  à  bout.  Aux  répétitions,  on  ne  l'a 
jamais  vu  parler  aux  musiciens  que  le  chapeau  à  la  main;  s'il  devait 
reprendre  ou  redresser  un  artiste,  il  le  faisait  doucement,  en  particu- 
lier, et  avec  des  ménagements  infinis.  Jamais  il  n'a  blessé  volontaire- 
ment ni  contristé  personne. 

»  Exemple  illustre  et  mémorable  à  ceux  qui,  nés  dans  l'opulence  ou 
dans  les  grandeurs,  vivent  dans  l'obscurité  et  dans  l'oisiveté  !  Jamais, 
on  peut  le  dire,  il  n'a  connu  de  repos  qu'à  l'heure  suprême  où  il  a 
rendu  le  dernier  souffle.  Sa  vie  entière,  depuis  l'âge  de  quatre  ans,  a 
été  une  suite  de  travaux,  de  voyages  et  d'études.  Partout  où  quelque 
œuvre  nouvelle  se  produisait,  où  quelque  artiste  de  talent  faisait  parler 
de  lui,  dans  les  grandes  villes  et  dans  les  plus  humbles  bourgades, 
Meyerbeer  accourait;  il  voulait  tout  voir,  tout  entendre,  tout  juger 
par  lui-même;  il  voulait  se  rendre  compte  de  tout;  il  traduisait  à  sa 
manière  le  mot  de  Térence  :  «  Je  suis  artiste,  et  rien  de  ce  qui  touche 
à  l'art  ne  m'est  étranger.  »  Ses  deux  grandes  passions  ont  été  l'amour 
du  beau  et  le  soin  trop  légitime  de  sa  gloire  si  noblement  acquise.  Il 
adorait  son  art,  il  respectait  son  œuvre  et  son  génie;  il  n'a  point  laissé 
périr  entre  ses  mains  les  dons  que  Dieu  lui  avait  départis 

»  On  vous  a  raconté  ses  funérailles  ;  vous  avez  pu  lire  les  discours 
prononcés  à  la  gare.  Une  foule  immense,  où  l'on  remarquait  tout  ce 
qu'il  y  a  d'illustre  et  de  grand  dans  les  lettres,  dans  les  arts,  dans  les 
plus  hautes  classes  et  les  plus  distinguées  de  la  société  parisienne  ; 
un  grand  nombre  de  membres  de  l'Institut,  des  députations  de  la 
Société  des  auteurs,  de  calle  des  compositeurs  et  des  artistes  drama- 
tiques, des  illustrations  de  tout  genre,  tout  ce  grand  peuple  enfin  qui 
admirait  et  applaudissait  ses  chefs-d'œuvre,  a  suivi  le  convoi  funèbre  ! 
et  de  la  maison  mortuaire  à  la  gare  le  trajet  a  été  triomphal.  Meyer- 
beer est  une  gloire  française,  et  si  son  génie  appartient  au  monde,  s'il 
est  juste  que  sa  dépouille  mortelle  soit  rendue  au  pays  qui  l'a  vu 
naître,  la  France,  sa  patrie  adoptive,  la  France  qu'il  a  tant  aimée, 
pour  laquelle  il  a  écrit  tant  d'œuvres  immortelles,  a  le  droit  de  reven- 
diquer sa  pensée  et  son  cœur.  » 

(Moniteur.)  A.   de  Rovrat. 


156 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


§  «  Lorsqu'une  de  ces  grandes  lumières  qui  éclairent  tout  un  siècle 
s'éteint  subitement,  l'âme  est  d'abord  plongée  et  comme  abîmée  dans 
une  nuit  sombre  et  dans  une  douloureuse  stupeur.  Puis  on  revient  à 
soi,  et  deux  courants  se  forment  :  d'un  coté,  les  parents,  les  amis,  tous 
ceux  que  des  liens  d'une  affectueuse  intimité  ou  d'une  admiration  pro- 
fonde attachaient  à  l'illustre  mort,  voudraient  le  pleurer  en  silence  et 
détourner  de  cette  tombe,  autour  de  laquelle  ils  se  pressent,  respec- 
tueux et  recueillis,  toute  pompe  importune  et  tout  bruit  extérieur  ; 
d'un  autre  côté,  la  foule,  non  pas  indifférente,  mais  plus  curieuse  qu'é- 
mue, avide  de  détails,  les  cherchant  ou  les  inventant,  s'il  le  faut,  moins 
touchée  de  la  perte  de  l'homme  qu'éblouie  par  sa  gloire,  comprimant 
ses  regrets  sous  son  enthousiasme,  suit  le  char  funéraire  comme  elle 
suivrait  un  char  de  triomphe. 

^  »  Ces  deux  sortes  d'hommages,  le  deuil  privé  et  le  deuil  public,  les 
larmes  sincères  et  l'éclatante  apothéose,  n'ont  pas  manqué  à  Meyer- 
beer.  Sa  famille  et  ses  amis  ont  respecté  ses  volontés  dernières;  le  corps 
est  parti  pour  Berlin,  mais  la  France,  représentée  par  ses  plus  grandes 
illustrations,  par  ses  écrivains,  par  ses  artistes,  par  ce  peuple  intelli- 
gent et  sympathique  dont  le  maître  à  jamais  regretté  recherchait  et  ap- 
préciait les  suffrages,  la  France  a  suivi  le  convoi,  jusqu'où  il  lui  a 
été  permis  de  le  suivre,  et  ne  pouvant  lui  rendre  tous  les  honneurs 
qu'elle  eût  voulu,  ne  pouvant  faire  à  l'auteur  immortel  de  Robert  et  des 
Huguenots  des  funérailles  dignes  de  sa  gloire  et  de  son  génie,  elle  n'a 
point  voulu  se  séparer  de  lui  sans  lui  adresser  une  dernière  acclamation 
et  un  suprême  adieu 

»  Destinée  singulière  !  Le  hasard  est  souvent  profond  dans  ses  incom- 
préhensibles lois.  Meyerbeer  avait,  à  Berlin,  un  palais  princier  qu'il 
n'habitait  presque  jamais.  Artiste  cosmopolite,  voyageur  infatigable, 
dédaignant  pour  l'amour  de  son  art  les  soucis  vulgaires  et  les  mol- 
lesses de  la  vie,  lui  qui  roulait  sans  cesse  sur  les  grandes  routes  et  sur 
les  chemins  de  fer,  il  meurt  dans  un  hôtel  garni,  et  les  honneurs  fu- 
nèbres lui  sont  rendus  dans  une  garel  Et  quelle  salle,  fût-elle  aussi 
grande  qu'il  eût  pu  la  rêver  pour  la  représentation  d'un  de  ses  chefs- 
d'œuvre,  aurait  pu  contenir  les  milliers  de  spectateurs  en  deuil  qui 
sont  venus  le  saluer  et  l'acclamer  une  dernière  fois  ! 

»  Ses  funérailles  ont  été,  pour  ainsi  dire,  improvisées.  Une  commission 
s'est  réunie  à  la  hâte,  pour  qu'au  moins  ce  grand  cercueil  fût  conve- 
nablement escorté,  puisque  le  maître  a  voulu  que  son  corps  reposât 
loin  de  nous.  S'il  n'y  avait  point  songé,  s'il  n'en  avait  point  ordonné 
ainsi  expressément  dans  ses  dispositions  dernières,  qui  se  fût  souvenu 
que  Meyerbeer  n'était  pas  né  en  France  ! 

»  Grande  et  triste  journée  I  Voilà  tout  un  peuple,  1  élite  d'une  nation, 
qui  se  presse  à  l'entrée  d'une  gare  pour  ne  point  manquer  l'heure  des 
adieux.  Ne  dirait-on  pas  des  amis  allant  conduire  un  ami  qui  part 
pour  un  voyage  ordinaire?  Coïncidence  étrange  !  Le  catafalque  est 
posé  sur  les  mêmes  rails  où  sifflaient  naguère  les  locomotives  ;  des 
wagons  drapés  de  noir  attendent  le  cercueil  ;  et  tandis  que  des  voix 
émues,  des  voix  éloquentes  prennent  congé  de  l'auteur  de  tant  de  su- 
blimes harmonies,  le  bruit  des  machines  et  le  grincement  des  roues 
couvrent  la  moitié  de  leurs  paroles.  La  cloche  du  départ  retentit 
comme  un  glas  funèbre.  «  Les  voyageurs  en  voiture  !  »  Hélas  !  les  morts 
vont  vite  I  Le  signal  est  donné,  et  le  train  qui  s'éloigne  emporte  à  toute 
vapeur  le  peu  de  cendre  qui  reste  de  tant  de  gloire  et  de  tant  de 
génie  !  » 

(La  France.)  P.-A.  Fiorentino. 


«  A  partir  de  la  représentation  de  Robert  le  Diable,  la  vie  de 

Meyerbeer  est  toute  dans  ses  ouvrages  et  connue  de  tout  le  monde. 

»  Essayons  maintenant  de  caractériser  son  œuvre. 

»  Il  résuma  et  accomplit  en  musique  la  grande  révolution  qui  venait 
de  se  faire  en  littérature.  Le  drame  remplaçait  partout  la  tragédie,  ad- 
mise enfin  à  faire  valoir  ses  droits  à  la  retraite.  Depuis  l'avènement 
des  idées  modernes,  on  s'était  apeiçu  qu'au  point  de  vue  de  la  passion 
et  de  la  douleur  les  simples  mortels  étaient  aussi  intéressants  que  les 
rois,  et  que  les  yeux  de  la  Marguerite  de  Goethe,  pour  rappeler  ici 
une  expression  de  Chateaubriand,  contenaient  autant  de  larmes  que 
ceux  de  la  Phèdre  de  Racine. 

»  Que  vint  donc  faire  Meyerbeer?  La  musique,  on  le  sait  (nous  par- 
lons de  la  musique  des  temps  modernes),  retarda  d'un  siècle  sur  la  re- 
naissance des  lettres.  On  peut  toutefois  dire  que  chaque  poète  a  son 
musicien,  ou,  si  l'on  veut,  qu'un  musicien  répond  à  chaque  poète,  peu 
importe  l'intervalle  qui  les  sépare.  Le  mot  se  complète  par  la  note, 
l'idée  exprimée  éveille  une  sensation,  que  le  musicien  saisit  et  fixe.  De 
même  que  Gluck  et  Spontini  furent  en  musique  ce  que  Racine  et  Cor- 
neille avaient  été  dans  la  tragédie  ;  de  même  Lully  et  Rameau  représen- 
tent les  vieux  tragiques  Garnier  et  Rotrou. 

D  Meyerbeer  fut  le  musicien  de  Shakspeare,  de  Goethe  et  de  Schiller. 


Il  laisse  trois  modèles  du  drame  lyrique,  et  son  œuvre  partagera  l'im- 
mortalité des  trois  grands  génies  que  nous  venons  de  nommer. 

»  Il  aura  été  le  résumé  le  plus  complet  et  le  plus  éclatant  des  connais- 
sances musicales  depuis  le  xvr2  siècle  jusqu'à  nos  jours.  Sans  rien  per- 
dre de  son  originalité,  il  a  employé,  en  se  les  assimilant  et  en  les  por- 
tant au  plus  haut  de  degré  de  perfection  ,  tous  les  moyens  et 
tous  les  .  procédés  des  maîtres  anciens  ou  contemporains.  C'est 
ainsi  qu'il  a  pris  de  Sébastien  Bach  l'habileté  de  l'écriture  mu- 
sicale, l'énergie  et  l'originalité  de  l'harmonie;  de  Hœndel,  le  sentiment 
de  la  grandeur  et  de  la  sonorité  des  effets  ;  de  Weber,  la  couleur  lo- 
cale et  la  sincère  conviction  du  fantastique  ;  enfin  de  son  illustre  rival 
lîossini,  le  brillant  du  coloris  et  le  charme  de  la  phrase.  11  posséda,  en 
outre,  la  faculté  d'éprouver  et  de  peindre  la  passion  avec  une  force  et 
des  moyens  inconnus  avant  lui.  Nous  en  attestons  ce  duo  du  quatrième 
acte  des  Huguenots,  écrit  tout  entier  avec  de  la  flamme,  et  qui,  évitant 
la  coda  dite  à  effet,  se  termine,  dans  un  si  sublime  désordre,  sur  une 
note  sensible  qui  ne  va  pas  même  à  la  tonique,  laissant  l'orchertre  ache- 
ver la  phrase. 

»  Meyerbeer  nous  a  quittés  au  moment  peut-être  où  nous  commen- 
cions tous  à  pénétrer  enfin  dans  la  merveilleuse  complexité  de  son 
génie. 

»  Rossini  a  abdiqué,  Halévy  a  succombé  à  la  tâche,  Meyerbeer  est 
mort  sans  laisser  de  successeur.  La  musique  est  sans  maître.  Il  y  a  in- 
terrègne. Et  lorsque,  sur  les  marches  du  caveau  funéraire  où  va  des- 
cendre Meyerbeer,  on  brisera  le  sceptre  et  la  main  de  justice  de  ce 
souverain  de  l'art,  nous  ne  pourrons  crier  comme  autrefois  :  Le  roi  est 
mort,  vive  le  roi  ! 

»  Lorsqu'un  grand  deuil  est  entré  dans  une  maison,  lorsqu'un  être 
aimé  a  disparu  pour  jamais,  il  se  fait,  après  la  terrible  émotion  de  son 
départ,  une  sorte  d'apaisement  dans  la  douleur  de  ceux  qui  lui  survi- 
vent ;  aux  sanglots,  aux  lamentations  du  jour,  succèdent  un  entretien 
tendre  et  pénible,  une  oraison  funèbre  intime,  faite  en  commun,  avec 
les  souvenirs  et  les  récits  de  la  famille. 

»  Après  les  hommages  publics  rendus  à  l'illustre  Meyerbeer,  j'ai 
goûté  un  charme  indicible  à  me  recueillir,  à  me  le  rappeler  tout  entier, 
tel  que  Je  le  connaissais  depuis  trente  ans,  à  le  dépouiller  de  son  appa- 
reil mortuaire  pour  lui  rendre  les  habits  de  la  vie,  l'entendre  encore  et 
le  voir. 

»  Les  traits  de  Meyerbeer  ne  frappaient  pas  par  leur  originalité. 
J'observais  ce  front,  véritable  front  de  musicien,  cette  mâchoire  puis- 
sante et  déterminée  et  ces  lèvres  jointes  et  closes  avec  précision  comme 
la  fermeture  d'un  coffre  d'où  rien  ne  doit  sortir  au  hasard.  C'était  un 
visage  dont  l'agrément  avait  choisi  le  haut,  laissant  le  bas  à  la  volonté. 

»  Sa  conversation  polie  et  engageante  était  servie  par  le  plus  char- 
mant organe  et  les  façons  les  plus  distinguées.  Son  instruction  me  parut 
aussi  profonde  que  variée.  Habile  à  parler  les  langues  courantes  de  l'Eu- 
rope, l'allemand,  le  français,  l'anglais,  l'italien,  il  savait  tout  ce  qui  a  été 
dit  ou  écrit  en  histoire,  en  philosophie,  en  théâtre,  en  politique,  et  en 
causait  avec  sens,  esprit  et  modération 

»  Meyerbeer  apportait  dans  sesrelations  privées,  dans  l'accomplissement 
de  tous  les  devoirs  du  monde  et  de  l'amitié  une  courtoisie,  une  sûreté 
irréprochable.. . 

»  Pendant  les  séjours  qu'il  fità  Paris  il  vivait  avec  une  simplicité  re- 
marquée de  tous,  critiquée  par  quelques-nns. 

»  —  Pourquoi  donc,  mon  cher  maître,  lui  disais-je,  avec  vos  trois 
»  ou  quatre  cent  mille  francs  de  rentes,  vivez-vous  ici,  dans  un  hôtel 
»  garni,  sans  train,  sans  voiture,  servi  par  un  seul  domestique  ? 

»— Avant  tout,  me  répondit-il,je  suis  artiste;  et  c'est  une  de  mes  sa- 
»  tisfactions  de  me  dire  que  j'aurais  pu  vivre  de  ma  musique  depuis 
»  l'âge  de  sept  ans.  J'ai  à  Berlin  un  état  de  maison  proportionné  à  ma 
»  fortune  ;  je  ne  veux  pas  à  Paris  effacer  mes  confrères  et  jouer  à  l'a- 
»  mateur  riche.  Je  ne  demande  pas  de  prime  pour  mes  ouvrages,  et  si 
»  je  touche  les  droits  d'auteur  réglés  par  les  traités,  c'est  pour  ne  pas 
»  laisser  dire  que  je  travaille  au  rabais  par  dédain  des  bénéfice;  du 
»  théâtre.  « 


(Le  Constitutionnel). 


Nestor  Roqueplan. 


«  La  mort  inattendue  de  Meyerbeer  met  en  deuil  l'art  qu'il  a  si  vail- 
lamment servi  et  qui  comptait  encore  sur  lui  comme  sur  un  de  ses 
appuis  les  plus  fermes.  Tandis  que  d'autres  ne  sont  plus  que  les  débris 
d'un  passé  glorieux  qu'on  honore  par  reconnaissance,  il  restait,  malgré 
son  âge  avancé,  la  ressource  du  présent  et  l'espoir  de  l'avenir.  Dans 
la  détresse  où  sont  les  théâtres  lyriques,  on  jetait  les  yeux  sur  Meyer- 
beer, et  l'on  voyait  dans  les  partitions  dont  il  pouvait  encore  enrichir 
la  scène  leur  seule  chance  de  salut 


DE  PARIS. 


157 


»  On  admire  Meyerbeer  pour  son  mérite  ;  il  faut  l'admirer  aussi  pour 
son  caractère.  Possesseur  d'une  immense  fortune  qui  lui  permettait  de 
n'attacher  aucune  importance  au  produit  de  ses  ouvrages,  il  aurait  pu 
se  donner  les  douceurs  d'une  luxueuse  oisiveté;  accepter  à  la  cour  de 
Berlin  la  charge  honorifique  de  maître  de  chapelle,  s'il  avait  voulu  ne 
pas  perdre  complètement  le  fruit  des  études  de  sa  jeunesso ,  livrer 
même  de  temps  en  temps  au  public  les  œuvres  du  premier  des  musi- 
ciens amateurs,  sans  se  mettre  fort  en  peine  de  leur  sort.  Au  lieu  de 
cela,  il  a  pris  la  vie  d'artiste  au  sérieux;  il  l'a  prise  avec  les  enivre- 
ments de  la  gloire  c'est  vrai,  mais  au?si  avec  ses  soucis  et  ses  fatigues, 
avec  ses  émotions  qui  abrègent  l'existence 

»  Il  y  a  quelque  chose  de  rare  et  de  beau  dans  le  spectacle  de  cette 
force  de  volonté  de  l'homme  qui  se  propose  un  noble  but  et  qui,  pour 
l'atteindre,  ne  recule  pas  même  devant  le  sacrifice  du  plus  précieux 
des  biens  :  la  santé.  D'autres  ne  travaillent  que  pour  parvenir  à  la 
fortune  et  n'aspirent  qu'au  repos  qu'ils  pourront  goûter  lorsqu'ils  se 
seront  enrichis.  Meyerbeer  est  riche,  lui,  et  il  se  prive  volontairement 
de  toutes  les  jouissances  que  l'or  procure,  pour  courir  après  l'idéal 
de  son  rêve  d'artiste.  11  était  ambitieux  à  sa  manière,  dira-t-on;  il 
trouvait  dans  l'éclat  de  ses  succès  les  récompenses  de  ses  sacrifices  et 
de  ses  efforts.  Qu'importe?  L'ambition  de  la  gloire,  l'ambition  de  l'hon- 
neur est  une  noble  ambition.  Lorsqu'on  voit  tant  de  gens  ne  prendre 
souci  que  de  la  foi  tune  et  placer  l'argent  au-dessus  de  l'honneur  même, 
on  tient  en  haute  estime  l'homme  dont  l'ambition  s'est  élevée  jusqu'à 
la  gloire,  jusqu'à  cette  gloire  pure  de  l'artiste,  qui,  différente  de  celle 
du  conquérant,  ne  coûte  ni  sang  ni  larmes,  et  dont  la  victime  est  par- 
fois celui  au  génie  duquel  plusieurs  générations  sont  redevables  des 
jouissances  délicates  de  l'esprit. 

(Indépendance.)  Ed.  Fétis  fils.  » 


Mme  Meyerbeer,  qui  s'était   d'abord  rendue  à  Bade,  est  partie  de 
là,  hier  samedi,  pour  Berlin. 


Avant  de  quitler  Paris,  Mme  Meyerbeer  a  adressé  aux  membres 
de  la  commission  instituée  pour  les  obsèques  de  son  mari,  une  lettre 
de  remercîments  dont  voici  la  teneur  : 

«  Messieurs, 

»  Si  quelque  chose  peut  adoucir  l'amertume  da  la  perte  immense 
que  je  viens  de  faire,  c'est  l'hommage  rendu  hier  à  la  mémoire  de 
mon  bien-aimé  mari,  et  dont  vous,  Messieurs,  avez  si  spontanément 
pris  l'initiative. 

»  En  voyant  tout  ce  que  la  France  compte  de  plus  illustre  s'as- 
socier à  ma  douleur,  ma  reconnaissance  est  si  grande  que  je  ne 
trouve  point  de  paroles  pour  l'exprimer.  Elle  restera  gravée  dans 
mon  cœur,  aussi  immuable  qu'elle  est  vive. 

»  Agréez,  Messieurs,  l'expression  de  la  considération  la  plus 
avouée  et  la  plus  haute. 

»    MlNNA  MEYERBEER*. 
»  Paris,  ce  7  mai.  » 


Le  testament  de  Meyerbeer,  qui,  selon  la  loi  prussienne,  est  dé- 
posé au  tribunal  spécial  des  successions,  sera  vraisemblablement  ou- 
vert demain  lundi. 


M.  E.  Perrin,  directeur  de  l'Opéra,  et  M.  Jules  Béer,  qui  avaient 
accompagné  jusqu'à  Berlin  la  dépouille  mortelle  de  Meyerbeer,  sont 
revenus  à  Paris. 


Roger,  l'un  des  artistes  les  plus  estimés  de  Meyerbeer  et  qui 
créa  le  Prophète  avec  tant  d'éclat,  n'a  pu,  à  son  immense  regret,  as- 
sister à  ses  funérailles.  II  venait  de  partir  pour  Alger,  où  il  est  en 
représentation  pour  un  mois. 

C'est  à  Londres,  au  milieu  de  la  répétition  des  Huguenots  à  Co- 


vent-Garden,  que  Mlle  Lucca,  l'une  des  artistes  les  plus  aimées  de 
Meyerbeer,  et  qui  devait  jouer  le  rôle  de  Valentine,  a  appris  la 
funeste  nouvelle  ;  elle  en  a  ressenti  une  si  vive  impression,  partagée 
d'ailleurs  par  les  autres  artistes,  qu'elle  s'est  trouvée  mal. 


Outre  la  partition  de  l'Africaine  (Vanco  de  Gama)  Meyerbeer  avait 
aussi,  dès  l'année  dernière,  entièrement  terminé  celle  de  la  mu- 
sique qu'il  avait  composée  pour  un  drame  d'Henri  Blaze  de  Bury,  la 
Jeunesse  de  Goethe  ou  l'Etudiant  de  Strasbourg  (le  choix  de  l'au- 
teur n'étant  pas  encore  arrêté  sur  l'un  ou  l'autre  de  ces  titres).  Ce 
drame  aurait  été  donné  à  l'Odéon  immédiatement  après  la  représen- 
tation au  théâtre  de  l'Opéra  de  V Africaine  ;  la  musique  se  compo- 
sait d'une  ouverture  et  de  morceaux  adaptés  aux  situations,  d'une 
façon  analogue  à  celle  que  le  maître  avait  écrite  pour  Struensée. 


M.  le  baron  Taylor  nous  communique  une  lettre  touchante  qui 
vient  de  lui  être  adressée  par  le  poëte  Emile  Deschamps,  l'ami  et  le 
collaborateur  de  Meyerbeer,  à  l'occasion  de  la  mert  de  l'illustre  maî- 
tre. Nous  nous  empressons  de  la  reproduire  : 

et  Versailles,  6  mai  1864- 
»  Cher  et  illustre  ami,  j'ai  le  cœur  navré!  La  mort  de  Meyerbeer,  ce 
deuil  imprévu,  est  un  cruel  chagrin  pour  moi  plus  que  pour  personne. 
»  Son  ami  et  son  collaborateur  depuis  tant  d'années,  j'avais  reçu, 
trois  jours  avant  la  maladie  fatale,  une  lettre  de  lui  si  remplie  d'ami- 
tié que  je  ne  la  quitterai  plus.  Je  venais  d'écrire  les  paroles  d'un  can- 
tique sur  une  musique  qu'il  m'avait  envoyée,  et  il  s'en  disait  heureux. 

»  Hélas! 

»  Pour  comble  de  douleur,  les  tristes  caprices  de  ma  santé  me  pri- 
vaient de  me  joindre  au  long  cortège,  d'amis,  à  la  tête  desquels  vous 
étiez.  Ce  m'eût  été  une  belle  consolation  de  pouvoir  vous  serrer  votre 
main  amie  et  glorieuse.  A  vous  de  tout  moi. 

»  Emile  Deschamps.   » 


Une  vaste  place  s'ouvrira  devant  la  façade  du  nouvel  Opéra,  lors- 
que la  construction  en  sera  terminée.  On  assure  que  l'Empereur 
aurait  exprimé  l'intention  qu'elle  prît  le  nom  de  place  Meyerbeer. 


Litolff  vient  de  composer  à  la  mémoire  de  Meyerbeer  une  admi- 
rable Marche  funèbre  pour  piano. 


Un  congrès  des  directeurs  des  théâtres  d'Allemagne  s'est  tenu  ces 
jours  derniers  à  Leipzig.  Il  était  présidé  par  M.  de  Hulsen  (ce  qui  est 
sans  doute  un  des  motifs  pour  lesquels  M.  l'intendant  des  théâtres 
royaux  de  Berlin  a  été  empêché  d'assister  aux  funérailles  de  Meyer- 
beer). Entre  autres  résolutions  il  a  été  décidé  dans  ce  congrès  qu'il 
sera  fondé  une  œuvre  ayant  pour  but  de  venir  en  aide  aux  jeunes 
compositeurs  allemands  et  de  faciliter  la  représentation  de  leurs  ou- 
vrages, et  que  cette  œuvre  prendra  le  titre  de  Fondation-Meyerbeer 
(Meyerbeer-Stiftung) . 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÊBl-COffllQUE. 

SYLVIE, 

Opéra-comique  en  un  acte ,  paroles  de  MM.  Jules  Adenis  et 
Jules  Rostaing,  musique  de  M.  Ernest  Guiraud. 

(Première  représentation  le  11  mai  1864.) 

Jolie  petite  pièce,  écrite  avec  esprit  et  sans  prétention,  où  le  su- 
jet est  clairement  exposé,  où  les  incidents  sont  adroitement  préparés, 


158 


REVDE  ET  GAZETTE  MUS'CALF 


où  l'action,  suffisamment  nouée,  est  ingénieusement  dénouée,  où 
tout  est  simple,  naturel  et  vrai. 

Il  n'y  a  que  trois  personnages  :  M.  Jérôme  Desroses,  autrefois 
piqueur  du  prince  de  Condé,  aujourd'hui  rentier,  vieux  et  fort  bon 
homme;  —  mademoiselle  Sylvie,  sa  filleule,  sa  pupille,  et  de  fait, 
sinon  de  droit,  sa  fille  adoplive  :  il  l'a  recueillie  orpheline,  l'a  pré- 
servée de  la  misère,  l'a  élevée  convenablement,  et  se  dispose  à  la 
marier;  —  M.  Germain,  jeune  paysan,  fort  amoureux  et  passable- 
ment niais.  Il  a  évidemment  tout  ce  qu'il  faut  avoir  pour  être  un 
bon  mari,  et  Mlle  Sylvie,  qui  est  une  fille  avisée,  n'a  point  hésité  à 
lui  donner  la  préférence. 

C'est  le  jour  de  saint  Jérôme,  et  les  jeunes  gens,  armés  de  deux 
gros  bouquets,  attendent  que  le  bonhomme  soit  levé  pour  lui  sou- 
haiter sa  fête.  Ravi  de  cette  attention,  il  se  décide  à  ne  pas  faire 
attendre  plus  longtemps  le  mariage,  et,  à  ce  propos,  il  leur  fait  une 
petite  narration.  Les  vieillards  aiment  à  conter.  —  J'ai  eu  plus  de 
peine  que  vous  à  me  marier,  mes  enfants.  Madeleine —  ma  pauvre 
Madeleine!—  était  bien  jolie,  mais  elle  n'avait  rien,  et  mes  parents 
me  refusaient  leur  consentement.  Ils  cédèrent  enfin  à  mes  supplica- 
tions, mais  en  protestant  qu'ils  n'assisteraient  point  à  la  cérémonie, 
de  sorte  que  j'étais  bien  triste.  Enfin  le  grand  jour  arriva.  Je  mis 
mon  bel  habit  rouge  de  piqueur  et  mon  beau  tricorne  galonné.  Ma- 
deleine, en  costume  de  mariée,  était  charmante.  Avant  d'aller  à 
l'église,  j'imaginai  d'entrer  chez  mes  parents,  je  la  leur  présentai, 
et  je  dis  :  «  Père,  regardez-la  bien.  Avez-vous  jamais  vu  une  fille 
plus  jolie,  plus  fraîche,  plus  modeste  et  plus  avenante?  Soyez  de 
bonne  foi.  Soyez  juste.  Est-ce  qu'il  ne  faut  pas  unir  la  jeunesse  à  la 
jeunesse  et  l'amour  à  l'amour  ?  Mes  enfants,  mon  père  fut  vaincu. 
Il  pleura  un  brin.  Il  ouvrit  ses  bras   à  Madeleine,  et  lui  dit  :   «  Ma 

fille! »  Il  a  fallu  donner  l'analyse  de  ce  récit,  qui  est  nécessaire 

au  dénoûment.  Que  n'ai-je  pu  le  reproduire  en  entier,  et  textuelle- 
ment !  C'est  un  petit  chef-d'œuvre  de  naïveté,  de  sentiment  et  de 
grâce. 

Les  deux  amants  alors  ajoutent  chacun  à  leur  bouquet  un  de  ces 
petits  cadeaux  qui  entretiennent  l'amitié  :  Germain,  un  foulard,  ce 
qui  ne  tire  pas  à  conséquence;  Sylvie,  une  paire  de  lunettes,  ce  qui 
est  plus  dangereux.  Depuis  longtemps  son  parrain  se  plaint  de  ne 
plus  voir  clair,  et  elle  a  trouvé  chez  l'opticien  des  verres  d'un  nu- 
méro convenable.  Jérôme  voit  Sylvie  -telle  qu'elle  est.  Elle  lui  paraît 
adorable.  11  se  retourne,  examine  Germain,  et  le  déclare  outrageuse- 
ment laid.  Ces  perfides  besicles  lui  ont  ouvert  les  yeux,  et  l'esprit 
du  mal  est  entré  dans  son  cœur  par  cette  porte.  —  Comment!  c'est 
à  toi  que  j'allais  donner  ma  filleule  ?  En  vérité,  j'étais  aveugle  !  Tu 
n'es  pas  fait  pour  elle,  mon  garçon.  Elle  mérite  de  trouver  mieux, 
et  je  me  charge  de  trouver  ce  qu'il  lui  faut.  Germain,  fort  marri, 
s'en  prend  aux  maudites  lunettes,  et  veut  les  briser.  Sylvie  défend 
son  cadeau.  Querelle  entre  les  deux  amants,  qui  rappelle  en  petit  la 
scène  du  Dépit  amoureux  et  celle  du  Tartufe  ;  mais  on  revoit  tou- 
jours avec  plaisir  ces  tableaux  naïfs  et  piquants  où  le  cœur  humain 
est  pris  sur  le  fait.  Germain  s'en  va  furieux,  et  laisse  Sylvie  fort 
courroucée,  si  bien  qu'un  moment  après,  quand  le  père  Jérôme,  que 
les  charmes  de  sa  filleule  ont  rendu  fou  ,  vient  lui  offrir  son  cœur 
et  sa  main,  elle  ne  trouve  aucune  objection  à  lui  faire.  Elle  consent 
à  tout,  et  commence  seulement  à  réfléchir,  lorsque  le  bonhomme  lui 
dit  :  «  Je  vais  chez  le  tabellion,  »  Comment  obtenir  sans  le  blesser, 
car  elle  le  respecte  et  le  chérit,  qu'il  renonce  à  cette  visée  ? 

J'ai  déjà  dit  que  Sylvie  est  une  fille  d'esprit. 

Il  y  a  au  fond  de  la  chambre  une  armoire  qui  ne  s'ouvre  que  dans 
les  grandes  occasions,  et  qu'on  appelle  l'armoire  aux  reliques.  Ces 
reliques,  c'est  l'habit  de  noces  de  Jérôme,  et  celui  de  Madeleine,  soi- 
gneusement enveloppés. —  On  se  doute  bien  que  Germain  est  revenu, 
et  que  le  raccommodement  n'a  pas  été  difficile.  Sylvie  s'empare  de 
la  robe  et  du  voile  blancs;  elle  donne  à  Germain  l'habit  rouge,  le 


tricorne  et  le  reste.  Ils  disparaissent;  puis  ils  reviennent,  bras  dessus, 
bras  dessous,  se  présenter  au  bonhomme,  qu'ils  réveillent  en  sur- 
saut, et  dont  ils  interrompent  le  rêve.  —  «  Allons,  père,  soyez  rai- 
sonnable autant  que  vous  êtes  bon  : 

Il  faut  unir,  de  Dieu  dit  la  sagesse, 
L'amour  avec  l'amour, 
La  jeunesse  avec  la  jeunesse. 
A  ces  paroles,  à  ce  spectacle,  le  vieillard  revient  à  lui,  et  le  sou- 
venir lui  rend  la  raison. 

Tout  cela  n'est  pas  bien  neuf,  dira  peut-être  quelque  critique  de 
méchante  humeur.  J'en  conviens.  Mais  cela  est  relevé  par  une  foule 
de  détails  agréables  :  cela  intéresse,  cela  amuse.  Nous  arrive-t-il 
souvent  de  rencontrer  pareille  bonne  fortune?  Il  y  a  quelque  vingt 
ans,  à  l'époque  où  Scribe  prodiguait  sans  les  épuiser  les  trésors  de 
son  imagination  et  de  son  esprit,  il  nous  était  permis  de  faire  les 
difficiles.  Maintenant,  nous  devons  être  modestes. 

La  musique  est  le  début  d'un  jeune  compositeur  qui  a  obtenu  le 
grand  prix  de  Rome  au  concours  de  1859.  Il  n'a  donc  attendu  que 
cinq  années  en  tout  le  moment  solennel  qui  l'a  mis  en  contact  avec 
le  public.  C'est  un  des  favoris  de  la  fortune,  et  peut-être  l'approche 
du  régime  de  liberté  qui  est  promis  aux  théâtres  n'a-t-elle  pas  été 
étrangère  à  son  bonheur.  Dans  sa  partition ,  tous  les  morceaux  ne 
sont  pas  remarquables,  mais  aucun  n'est  ennuyeux.  Il  a  le  style  fa- 
cile et  l'allure  leste.  Il  affectionne  les  rhythmes  vifs  ;  c'est  par  là 
surtout  qu'il  a  réussi.  Si  son  ouverture  est  un  peu  longue,  et  si  le 
coloris  instrumental  n'y  est  ni  brillant  ni  varié,  le  premier  air  de 
Sylvie  ne  manque  pas  de  grâce;  la  ronde  que  Jérôme,  Germain  et 
Sylvie  chantent  en  dégustant  le  vieux  vin  de...  (je  me  suis  moins 
inquiété  du  cru  que  de  la  musique)  est  naturelle  et  franche,  comme 
les  airs  à  boire  du  siècle  dernier.  Elle  est  pleine  d'eotrain  et  de 
bonne  humeur.  Les  couplets  de  Jérôme  :  Tous  deux  nous  avons  ri, 
ont  le  même  caractère  et  les  mêmes  qualités.  Le  duo  de  Sylvie  avec 
Germain  :  Pour  qu'il  soit  heureux,  etc  ,  renferme  des  passages  fort 
agréables.  Mais  le  morceau  que  les  musiciens  remarqueront  le  plus, 
et  dont  ils  sauront  le  plus  de  gré  à  l'auteur,  est  probablement  le 
chœur  qui  se  chante  un  peu  dans  la  coulisse,  un  peu  au  fond  de  la 
scène,  et  qu'accompagne  une  symphonie  villageoise.  Cela  est  spiri- 
tuellement conçu,  habilement  exécuté,  coloré  aussi  vivement  que  le 
voulait  la  circonstance.  Il  y  a  là  du  talent  et  de  la  mesure,  par 
conséquent,  du  goût.  Or,  le  goût  n'est-il  pas  le  don  le  plus  rare  chez 
les  musiciens  que  les  douze  ou  quinze  dernières  années  ont  fait 
éclore  ? 

M.  Ponchard  est  fevt  convenablement  placé  dans  le  rôle  de  Ger- 
main. Mlle  Girard,  fidèle  à  ses  habitudes,  met  beaucoup  d'esprit,  de 
finesse  et  de  verve  dans  celui  de  Sylvie,  et  M.  Sainte-Foy  nst  un 
père  Jérôme  parfait  de  tout  point.  Il  faut  l'entendre  dans  le  petit 
récit  dont  j'ai  parlé  !  Vraiment,  il  le  dit  en  maître. 

Léon  DUROCHER. 


MINISTERE    DE  LA  MAISON   DE   L'EMPEREUR 

ET    DES   BEAUX -ARTS. 
Surintendance  des  Eeain-.irts. 

Une  médaille  en  or,  de  la  valeur  de  500  francs,  est  offerte  à 
l'auteur  des  paroles  de  la  cantate  qui  sera  choisie  pour  être  donnée, 
cette  année,  comme  texte  du  concours  du  grand  prix  de  Rome,  pour 
la  composition  musicale. 

Cette  cantate  doit  être  à  trois  personnages  ;  elle  est  destinée  à 
être  chantée  par  un  soprano,  un  ténor  et  un  baryton  ou  basse-taille  ; 
elle  devra  renfermer  un  ou  au  plus  deux  airs,  un   seul  duo   et   un 


DE  PArllb. 


159 


trio  final,  chacun  de  ces  morceaux  étant  séparé  du  morceau  suivant 
par  un  récitalif. 

Les  cantates  devront  être  adressées,  par  paquet  cacheté,  au  secré- 
tariat du  Conservatoire  impérial  de  musique,  rue  du  Faubourg-Pois- 
sonnière, 15,  avant  le  mercredi  8  juin,  terme  de  rigueur.  Chacune 
des  pièces  de  vers  contiendra,  dans  un  billet  cacheté,  le  nom  de 
l'auteur  et  l'épigraphe  placée  en  tête  du  manuscrit. 

Il  ne  sera  reçu  à  ce  concours  que  des  pièces  inédites.  Les  ma- 
nuscrits ne  seront  point  rendus. 

Les  concours  pour  les  musiciens  auront  lieu  ainsi  qu'il  suit  ; 

Concours  d'essai.  —  Entrée  en  loges  le  samedi  28  mai,  à  10 
heures  du  matin. 

Concours  définitif.  —  Entrée  en  loges  le  samedi  11  juin,  à  midi  ; 
sortie  de  loges  le  mardi  5  juillet,  à  midi.  Jugement  préparatoire  le 
vendredi  15  juillet;  jugement  définitif  le  samedi  16  juillet. 


NOUVELLES. 

**„  L'Opéra  a  donné  lundi  une  belle  représentation  de  la  Muette  ; 
mercredi,  le  Trouvère  et  Diavolina  ;  vendredi,  le  Docteur  Magnus,  Giselle 
et  le  Marché  des  Innocents, 

***  Villaret,  de  retour  à  Paris,  rentre  demain  dans  le  rôle  d'Eléazar 
de  la  Juive. 

***  On  pense  que  l'opéra  de  Mermet,  Roland  à  Roncevaux,  pourra 
être  représenté  vers  la  fin  du  mois. 

***  On  annonce  l'engagement  à  l'Opéra  d'une  cantatrice,  Mme  Pascal, 
qui  débutera  dans  le  rôle  de  Mathilde,  de  Guillaume  Tell,et  dans  celui 
de  Berthe,  du  Prophète.  On  en  dit  beaucoup  de  bien. 

t*t  Lorsque  le  ballet  de  Fiametta  fut  donné  à  Saint-Péterbourg,  sur 
le  théâtre  impérial,  le  correspondant  de  la  Gazette  musicale  lui  en  en- 
voya le  compte  rendu.  C'est  ce  même  ballet  que  Saint-Léon  s'occupe 
de  monter  à  présent  à  l'Opéra,  en  y  apportant  quelques  modifications. 
La  musique  est  d'un  violoniste  attaché  à  l'orchestre  du  grand  théâtre  de 
Moscou;  il  se  nomme  Mincus. 

„**  Le  titre  définitif  de  l'opéra-comique  de  M.  Clapisson  qui  va  en- 
trer en  répétitions  est  :  On  ne  meurt  pas  d'amour.  Les  paroles  sont  de 
MM.  de  Leuven  et  J.  Moinaux.  —  On  annonce  pour  mercredi  la  re- 
prise de  l'Eclair,  chanté  par  Achard,  Capoul,  Mmes  Cico  et  Bélia. 

***  Mardi  on  a  donné,  au  théâtre  italien,  Rigolclto.  On  sait  que  ce 
rôle  avait  été  écrit  en  Italie  pourVaresi.  Ce  chanteur  l'avait  choisi 
pour  se  faire  entendre  à  Paris,  où  il  paraissait  pour  la  première  fois.  11 
Ta  interprété  en  homme  de  talent  ;  toutefois  il  lui  eût  été  plus  avanta- 
geux de  ne  pas  attendre  si  tard  pour  se  produire  à  Paris. —  Delle-Sedie 
a  quitté  Paris  pour  se  rendre  à  Londres— Puisque  Mme  Fanny  Gordoza 
tenait  à  se  faire  entendre  au  moins  une  fois  avant  la  clôture  du  théâtre 
Italien,  constatons  qu'elle  y  est  parvenue  et  qu'elle  n'a  eu  qu'à  s'en 
féliciter.  C'est  dans  le  rôle  de  Violetta,  de  la  Traviaia,  que  Mme  Gor- 
doza s'est  essayée,  et  elle  a  prouvé  qu'elle  ne  manquait  ni  de  voix  ni  de 
sentiment  dramatique. 

»**  On  annonce  le  rengagement  par  le  directeur  du  théâtre  Italien 
pour  la  saison  prochaine  de  Mmes  Marchisio  et  Charton-Demeur,  de 
même  que  de  MM.  Agnesi,  Antonucci  et  Marchesi. 

„%  La  caisse  de  secours  de  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs 
dramatiques  avait  obtenu  de  la  gracieuseté  de  S.  M.  l'Empereur  qu'une 
représentation  à  son  bénéfice  aurait  lieu  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra. 
M.  Bagier  a  voulu,  de  son  propre  mouvement,  venir  aussi  en  aide  à 
cette  utile  association,  et  les  artistes  du  théâtre  Italien  ont  tenu  à 
honneur  d'y  prêter  leur  concours.  Donc,  mardi,  19,  aura  lieu  cette  re- 
présentation extraordinaire.  Fraschini  chantera  trois  rôles  de  son  ré- 
pertoire :  le  deuxième  acte  de  Lucrezia  Borgia,  avec  Mme  Spezzia  et 
M.  Aldighieri  ;  le  deuxième  acte  du  Ballo  in  Maschera,  avec  Mmes 
Spezzia,  de  Méric-Lablache  et  Vanderbeck,  MM.  Aldighieri,  Antonucci, 
Marchetti,  Mercuriali  et  Arnoldi;  le  quatrième  acte  de  Rigoletto,  avec 
Mmes  de  Lagrange  et  de  Méric-Lablache,  MM.  Varesi  et  Marchetti.—  Les 
artistes  du  Gymnase,  Mmes  Mélanie  et  Delaporte,  MM.  Derval  et  Dieu- 
donné,  joueront  une  comédie  en  un  acte  de  M.  de  Saint-Rémy  :  les  Bons 
conseils  ;  Louis  Diemer  exécutera  une  Tarentelle  inédite  de  Rossini  (avec 
traversée  de  la  procession)  ;  un  intermède  de  danse  dont  l'affiche  don- 
nera le  détail,  et  Un  mari  dans  du  colon,  joué  par  Dupuis  et  Alphonsine, 
du  théâtre  des  Variétés,  compléteront  ce  programme  aussi  varié  qu'at- 
trayant. Le  prix  des  places  ne  sera  pas  augmenté. 

„%  Mme  Ugalde  est  engagée  pour  la  saison  prochaine  au  théâtre  Ly- 
rique. 


„**  La  fermeture  du  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  aura  lieu  à  la  fin 
de  ce  mois,  et  les  Géorgiennes  continueront  jusque-là  d'être  jouées. 

3%  Notre  savant  collaborateur  M.  Fétis  vient  d'arriver  à  Paris. 

.„*„  A  la  suite  des  concerts  de  la  saison  aux  Tuileries,  S.  M.  l'Empe- 
reur a  envoyé  à  Mme  Carvalho  deux  magnifiques  vases  de  la  manufac- 
ture impériale  de  Sèvres. 

+%  Le  ténor  Severini  continue  ses  débuts  au  théâtre  royal  de  Stock- 
holm avec  le  plus  grand  éclat.  Le  succès  qu'il  vient  d'obtenir  dans  le 
Trovalore  est  en  même  temps  un  succès  pour  son  maître  M.  Panofka. 
Les  journaux  font  ressortir  l'excellente  méthode,  la  belle  diction  et  la 
variété  du  coloris  de  la  voix  de  ce  jeune  artiste  à  qui  le  public  a  rede- 
mandé l'adagio  du  grand  air,  et  qu'il  a  rappelé  après  le  Miserere.  Par 
le  temps  de  disette  actuelle  de  ténors,  l'apparition  d'un  artiste  jeune, 
intelligent,  à  voix  fraîche  et  sympathique  et  qui  sait  chanter,  est  une 
véritable  bonne  fortune. 

***  Une  circulaire  portant  réglementation  de  la  liberté  des  théâtres, 
proclamée  en  principe  par  un  décret  de  l'Empereur,  vient  d'être  adres- 
sée à  MM.  les  préfets.  Cette  circulaire  maintient  le  principe  de  la  li- 
berté des  théâtres,  mais  elle  la  limite  aux  théâtres  seuls,  en  ce  sens 
qu'aucun  établissement  quelconque  qui  ne  serait  pas  un  théâtre  n'est 
autorisé  à  jouer  les  pièces  qui  constituent  particulièrement  une  repré- 
sentation théâtrale.  —  Ainsi  les  cafés  chantants,  non-seulement  n'au- 
raient pas  le  droit  de  jouer  des  opéras  ou  des  comédies,  mais  les  dan- 
ses, les  travestissements,  les  chansons  mêlées  de  prose  et  de  vers  leur 
seraient  interdits.  Ils  pourront  empiéter  sur  le  domaine  des  théâtres, 
mais  à  la  condition  de  se  transformer  en  théâtres,  c'est-à-dire  d'avoir 
des  salles  de  spectacle  construites  dans  les  conditions  d'hygiène,  de 
salubrité  et  de  sécurité  publique  prescrites  par  la  circulaire. 

j.*,,  Une  manifestation  analogue  àcelle  qui  s'estproduite  au  théâtre  de 
la  Monnaie,  à  Bruxelles,  a  eu  lieu  au  Grand-Théâtre  de  Marseille,  le  jour  où 
y  est  parvenue  la  nouvelle  de  la  mort  de  Meyerbeer.  Elle  a  été  accueillie 
par  les  plus  enthousiastes  démonstrations. 

„,**  Nous  avons  plusieurs  fois  constaté  le  talent  que  Mme  Charlotte 
Dreyfus  a  acquis  comme  organiste.  Dans  une  très-belle  soirée  musicale 
et  dramatique  donnée  dernièrement  à  la  salle  Herz,  elle  en  a  de  nou- 
veau donné  une  preuve  éclatante  en  jouant  sur  l'orgue  Alexandre 
deux  nouveaux  morceaux  de  sa  composition  (car  Mme  Dreyfus  n'est 
pas  seulement  une  virtuose  hors  ligne),  une  fantaisie  sur  Guillaume  Tell 
et  la  marche  militaire  du  101e.  Les  effets  tirés  de  l'instrument  par 
Mme  Dreyfus,  les  nuances  obtenues  ont  enthousiasmé  l'auditoire  qui  l'a 
chaleureusement  applaudie.  —  Dans  un  proverbe  et  une  comédie  joués 
comme  intermèdes,  Mme  Armand  a  également  obtenu  beaucoup  de 
succès. 

n?*  Louis  Engel,  de  retour  de  Madrid,  a  passé  par  Paris  cette  semaine 
pour  se  rendre  à  Londres,  où  l'attendent  ses  nombreux  élèves.  La  veille 
de  son  départ,  Sa  Majesté  la  reine  d'Espagne  lui  avait  fait  remettre  six 
magnifiques  boutons  en  brillants  «  en  souvenir  du  plaisir  que  le  talent 
de  M.  Engel  avait  fait  à  Leurs  Majestés.   » 

„,**  Dans  un  procès  intenté  à  M.  B.  Ullmann,  directeur  des  concerts  de 
Mlle  Carlotta  Patti,  ce  dernier  a  été  appelé  à  justifier  des  recettes  qu'il 
avait  faites  du  7  janvier  au  7  avril.  11  a  été  constaté  que  le  produit 
des  concerts  qu'il  a  donnés  durant  cette  courte  période  de  trois  mois, 
s'était  élevé  à  221,395  francs.  Dans  cette  somme,  Bruxelles  (3  concerts) 
figure  pour  environ  10,000  francs,  la  Belgique  pour  24,000  francs, 
Amsterdam  (9  concerts)  pour  45,000  francs,  Cologne  (1  concert)  pour 
7,000  francs;  Aix-la-Chapelle,  Elberfeld,  d'autres  villes  de  même  impor- 
tance, chacune  pour  4,000  francs.  Les  honoraires  touchés  par  Mlle  Car- 
lotta Patti,  durant  ces  trois  mois,  se  montent  à  près  de  80,000  francs. 
Cette  somme  pourrait  paraître  énorme  :  mais  il  faut  se  rappeler  que 
cette  artiste,  en  quatre-vingt  dix  jours,  a  chanté  au  moins  dans 
soixante  concerts. 

**„.  L'assemblée  générale  des  membres  de  l'Association  des  artistes 
musiciens  aura  lieu  le  jeudi  19  mai,  à  1  heure,  dans  la  grande  salle 
du  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation.  Les  sociétaires 
sont  convoqués  pour  entendre  la  lecture  du  rapport  sur  les  travaux  de 
l'année  1863  et  procéder  à  l'élection  de  douze  membres  du  comité. 

*%  A.  Jaëll,  le  célèbre  pianiste,  vient  de  signer  avec  M.  L'ilmann, 
l'imprésario  américain,  un  engagement  pour  la  saison  musicale  de  1864- 
1865. 

„,*„.  Un  jeune  ténor,  M.  Paul  Valbert,  vient  de  se  produire  avantageu- 
sement dans  un  concert  donné  par  lui  la  semaine  dernière,  à  la  salle 
Pleyel-Wolff,  avec  le  concours  de  Bussine,  Telesinski,  Gariboldi  et 
Mlles  Chaudesaigues  et  de  Verginy.  M.  Valbert  a  chanté  plusieurs 
morceaux  d'un  style  différent  qui  ont  fait  apprécier  le  charme  et  la 
flexibilité  d'une  voix  qu'il  conduit  avec  une  bonne  méthode.  Il  y  a  de 
l'avenir  dans  ce  jeune  artiste  qui  a  été  fort  applaudi. 

**„,  Nous  apprenons  que  trois  séances  musicales  d'un  haut  intérêt  ont 
eu  lieu  les  10,  11  et  12  mai,  à  l'occasion  de  l'inauguration  du  grand 
orgue  qui  vient  d'être  placé  dans  l'église  du  pensionnat  des  Chartreux, 
à  Lyon,  par  la  Société  anonyme  ;  Etablissements  Merklin-Schùtze.  Les 
organistes  appelés  à  faire  ressortir  les   avantages   de  cet  instrument 


160 


RKVL'E  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


étaient:  MM.  Ed.  Batiste  et  Renaud  de  Vilbac,  de  Paris,  et  MM.  Widor 
et  Ruest,  de  Lyon. 

*%  Le  Jugement  de  Dieu,  dont  nous  constatâmes  le  succès  lors  de  sa 
première  apparition  à  Marseille,  n'a  pas  été  moins  bien  accueilli  à 
Rouen.  Le  critique  distingué  du  Journal  de  Rouen,  M.  Amédée  Mereaux, 
dont  l'opinion  fait  autorité,  nous  adresse  sur  cette  œuvre  de  M.  Morel 
les  lignes  suivantes  : 

«  M.  Auguste  Morel  est  un  artiste  convaincu  ;  il  est  épris  de  son  art; 
il  l'a  étudié  à  fond  et  avec  amour,  conservant  après  de  longs  travaux 
toutes  ses  illusions  musicales.  Aussi  est-il  mélodiste  distingué;  aussi  sa 
mélodie  est-elle  toujours  en  situation  et  bien  appropriée  au  caractère, 
à  la  physionomie,  à  l'expression  scénique  des  figures  qu'elle  anime  musica- 
lement. Quant  à  l'orchestration,  il  la  traite  avec  la  supériorité  d'un 
maître  et  f.n  musicien  qui  a  écrit  d'excellents  quatuors  pour  instruments 
à  cordes  ;  avec  un  colons  plein  de  goût,  d'effet  et  de  vérité. 

»  C'est  dans  ces  conditions  tout  à  fait  artistiques  qu'il  a  écrit  sa  par- 
tition du  Jugement  dernier.  La  facture  en  est  correcte  et  large,  le  sen- 
timent dramatique  y  est  énergiquement  développé,  l'action  scénique  est 
graduée  avec  infiniment  d'art.  Cette  partition  est  l'œuvre  d'un  grand 
musicien.  » 

*%  M.  Vincent,  membre  de  l'Institut,  a  communiqué  à  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  dans  sa  séance  du  27  janvier  dernier, 
des  recherches  très-intéressantes  faites  par  1  ui  sur  la  Messe  grecque  qui 
se  chantait  autrefois  à  l'abbaye  royale  de  Saint-Denis,  le  jour  de  l'oc- 
tave de  la  fête  patronale.  Cette  communication,  insérée  d'abord  par  la 
Revue  archéologique,  vient  de  paraître  en  brochure  in-8"  chez  Didier  et 
C,  libraires-éditeurs. 

+%  Notre  collaborateur  Arthur  Pougin  a  résumé  en  quelques  pages, 
sous  le  titre  de  Notes  biographiques,  la  vie  artistique  de  Meyerbeer.  et  il  y 
a  joint  le  catalogue  complet  de  ses  œuvres.  C'est  une  publication  dont 
l'intérêt  n'a  pas  besoin  d'être  signalé. 

**«  Le  pré  Catelan  offre  aujourd'hui,  dimanche  de  la  Pentecôte,  à  ses 
élégants  habitués,  un  concert  dont  le  riche  programme  mérite  l'atten- 
tion des  amateurs  de  bonne  musique.  Tout  Paris  pourra  applaudir  ce 
jour-là  les  solistes  sans  rivaux  qui  portent  les  noms  de  :  Danbé,  Taffanel, 
Moreau  et  Touzard.  —  Demain,  lundi  de  la  Pentecôte,  grande  fête  de 
bienfaisance  pour  le  tirage  de  la  loterie  annuelle  de  l'œuvre  des  appren- 
tis et  jeunes  ouvrières  de  la  ville  de  Paris.  Les  préparatifs  sont  mer- 
veilleux :  la  fête  sera  splendide. 

***  On  nous  écrit  de  Bruxelles  que  Mme  veuve  Garcia  vient  d'y  mourir 
subitement.  Femme  du  célèbre  chanteur  et  professeur  de  chant  de  l'épo- 
que, elle  était  la  mère  de  Mme  Malibran,  de  Mme  Pauline  Viardot  et  de 
M.  Garcia.  C'était  une  femme  de  grand  mérite.  Elle  a  écrit  les  paroles 
des  chansons  espagnoles  que  son  mari  composait  avec  tant  de  succès. 
Morte  à  quatre-vingt-deux  ans,  elle  ne  connaissait  aucune  des  infirmi- 
tés de  la  vieillesse. 

CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

+%  Boulogne.  —  Le  concert  donné  le  6  de  ce  mois  par  la  Société 
philharmonique  au  profit  des  pauvres  a  été  des  plus  brillants.  On  y  a 
entendu  M.  Agnesi,  baryton,  qui  a  chanté  avec  une  belle  voix  et  beau- 
coup de  talent  l'air  de  Maometto,  la  chanson  à  boire  du  Songe  et  le 
Fils  du  Corse;  Mlle  Astieri,  jeune  cantatrice  d'avenir,  et  l'excellent  vio- 
loniste Sighicelli,  fort  aimé  de  notre  public,  qu'il  a  une  fois  de  plus 
enthousiasmé.  L'orchestre,  sous  la  direction  de  M.  Cliordard,  a  exécuté 
avec  beaucoup  d'ensemble  les  ouvertures  de  la  Sirène  et  de  Poète  et 
musicien,  de  Suppé. 


CHRONIQUE  ETRANGERE. 

„*,  Bruxelles.  —  Une  scène  touchante  s'est  passée  mardi  10  mai  au 
théâtre  royal  de  la  Monnaie,  à  propos  de  la  représentation  des  Hugue- 
nots. M.  Bertrand  et  Mme  Meillet,  rappelés  après  le  grand  duo  du  qua- 
trième acte,  qu'ils  avaient  du  reste  admirablement  chanté,  sont  rentrés 
en  scène  avec  une  couronne  d'immortelles  voilée  d'un  crêpe  funèbre. 
Ils  l'ont  remise  au  chef  d'orchestre,  M.  Hanssens,  qui  l'a  déposée  reli- 
gieusement sur  la  partition  de  Meyerbeer.  Puis,  s'éloignant  de  son 
pupitre,  M.  Hanssens  s'est  incliné  avec  respect  devant  cotte  œuvre 
impérissable  du  maître.  Des  applaudissements  unanimes  et  prolongés 
ont  accueilli  cette  manifestation  aussi  simple  qu'imposante;  il  semblait 
que  le  public  et  l'orchestre  se  confondissent  dans  un  même  sentiment 
d'admiration  et  de  regret  pour  adresser  un  triste  et  dernier  adieu  à 
l'illustre  compositeur.  —  La  soirée  de  mercredi  dernier  comptera  parmi 
les  plus  brillantes  de  l'année  au  théâtre  delà  Monnaie. La  reprise  de  Gi- 
ralda,  le  délicieux  opéra  d'Ad.  Adam,  a  obtenu  un  immense  succès.  Les 
Rendez-vous  bourgeois,  qui  terminaient  le  spectacle,  ont  été  accueillis  par 
le  public  avec  une  faveur  marquée  —  La  distribution  des  prix  aux 
élèves  du  Conservatoire  a  eu  lieu  dimanche  dans  la  salle  du  palais  du- 
cal. Elle  a  été  honorée  de  la  présence  du  roi  et  des  princes.  M.  Talion, 


président  de  la  commission  administrative,  a  pris  la  parole  et  a  con- 
staté les  progrès  immenses  accomplis  dans  l'établissement  depuis  1833, 
époque  à  laquelle  la  direction  en  fut  confiée  à  M.  Fétis.  Un  très-beau 
concert,  sous  la  direction  de  M.  Fétis,  a  brillamment  clos  la  solennité. 

**„  Londres.  —  C'est  samedi  qu'Adelina  Patti  a  reparu  sur  le 
théâtre  italien  de  Covent-Garden.  Avec  elle  est  revenue  la  foule  qu'elle 
a  le  privilège  d'attirer.  Elle  avait  choisi  le  Barbier  pour  sa  rentrée  ;  la 
représentation  a  été  splendide  et  a  offert  une  surprise  couronnée  d'un 
très-grand  succès.  La  jeune  et  charmante  cantatrice  avait  remplacé,  dans 
la  leçon  de  musique,  les  chansons  espagnoles  qui  lui  valaient  des  applau- 
dissements certains,  par  l'air  plus  sérieux  de  BcV  raggio  de  Semiramide, 
que  Rossini  lui-même  avait  voulu  arranger  pour  elle  cet  hiver  et  qu'elle 
a  remarquablement  chanté.  En  général,  la  presse  anglaise  s'accorde 
à  constater  qu'Adelina  Patti,  sans  rien  perdre  de  l'éclat  et  de  la 
fraîcheur  de  ses  notes  élevées,  a  beaucoup  gagné  depuis  la  saison  der- 
nière en  force  et  en  douceur,  particulièrement  dans  le  médium  et  dans 
les  notes  basses,  et  qu'elle  a  fait  de  grands  progrès  dans  l'art  de  nuan- 
cer son  chant.  Tous  les  journaux  la  proclament  d'ailleurs  o  la  chan- 
teuse sans  pareille.  »  —  Au  théâtre  de  Sa  Majesté,  les  Joyeuses  Com- 
mères de  Windsor,  sous  le  titre  de  Falstaff,  ont  été  représentées  déjà 
deux  fois.  L'opéra  de  Nicolaï  a  été  fort  bien  accueilli;  il  était  inter- 
prété par  Giuglini,  Junca,  Santley,  Gassier,  Aless.  Bettini,  Mlle  Vitali, 
Mlle  Bettleheim  et  Mme  Tietjens  qui  ont  rivalisé  de  talent.  Les  cos- 
tumes et  les  décors  sont  d'une  grande  vérité  et  très-beaux.  —  La 
tournée  artistique  de  M.  et  Mme  Marchesi  est  accomplie.  Le  couple 
chanteur  est  revenu  ici,  après  avoir  parcouru  l'Angleterre,  l'Irlande, 
l'Ecosse,  et  chanté  avec  beaucoup  de  succès  dans  les  principales 
villes  des  trois  royaumes  des  airs  classiques  et  des  duos  bouffes  sou- 
vent bissés.  —  La  troisième  matinée  de  l'Union  musicale  devait  un 
nouvel  intérêt  à  la  présence  de  Léon  Jacquard,  l'habile  violoncelliste 
français.  Dans  le  quatuor  en  fa,  de  Beethoven,  il  a  montré  surtout  les 
qualités  qui  le  distinguent  :  belle  sonorité,  justesse  parfaite,  archet 
élégant,  style  exempt  d'affectation,  de  recherche.  Trois  études  caracté- 
ristiques de  sa  composition  lui  ont  valu  de  chaleureux  bravos. —  Les 
frères  Henri  et  Joseph  Wieniawski  sont  attendus  ici.  —  Lotto  est  de 
retour  à   Londres   après    un    voyage  des  plus  brillants. 

t* ^Francfort-sur-le-Mein,  9  mai. — Aujourd'hui,  à  midi,  a  été  inaugurée 
la  statue  de  Schiller,  au  milieu  d'un  concours  immense.  Les  bourg- 
mestres régnants,  le  Sénat,  le  Corps  législatif,  les  officiers  et  généraux 
assistaient  à  cette  cérémonie.  Tous  les  regards  se  fixaient  avec  intérêt 
sur  un  petit-fils  du  grand  poëte,  M.  de  Gleichen-Thienen.  La  fête  a 
commencé  parle  chœur  de  Mendelssohn  «  Aux  Artistes,  »  exécuté,  par 
la  Liederkranz  et  l'élite  des  sociétés  de  chant.  Après  le  discours  pro- 
noncé par  M.  Momsen,  on  a  chanté  des  strophes  de  M  Hornseck,  mises 
en  musique  par  M.  Bischoff. 

***  Leipzig.  —  Dans  le  courant  d'avril,  le  théâtre  de  la  ville  a  donné 
deux  représentations  de  Martha,  de  Flotow,  et  deux  cVAlessandro  Stra- 
della  ;  on  a  joué  aussi  le  Vampire  et  la  Fille  du  Régiment. 

***  Berlin.  —  Au  théâtre  royal,  nous  avons  eu  une  représentation 
satisfaisante  de  Fidelio.  Dans  le  rôle  principal.  Mlle  Marie  Schmidt  s'est 
montrée  excellente  cantatrice,  et,  de  plus,  elle  a  rendu  la  partie  si 
dramatique  de  ce  rôle  avec  l'accent  le  mieux  senti  de  la  passion.  — La 
reprise  à'Olympic,  opéra  de  Spontini,  a  été  froidement  accueillie  ; 
Mme  Harriers-Wippern  et  Mlle  de  Ahna  ont  cependant  déployé  toutes 
les  ressources  de  leur  talent  pour  faire  valoir  les  rôles  d'Olympie  et  de 
Statire.  —  Le  célèbre  ténor  Niemann  donnera  des  représentations  au 
théâtre  de  la  cour.  Pour  ses  débuts  il  a  choisi  Fernani  Cortcz  ;  puis  il 
chantera  Robert  le  Diable. 

ç**  Vienne.  —  Le  Prophète,  qui  a  été  donné  pour  la  première  fois  le 
28  février  1850,  en  est  aujourd'hui  à  sa  cent  soixante-septième  repré- 
sentation. —  Au  théâtre  Italien  on  avait  préparé  Parisina  ;  mais  une 
indisposition  ayant  empêché  MmeBarbot  d'en  suivre  les  répétitions,  on 
remplacera  cet  opéra  par  celui  de  Sa/fo.—  Le  Trovatore  a  été  joué  le  9 
mai  avec  Mongini  et  la  Lotti-Santa.  La  signora  Lotti  était  en  voix  et  a 
très-bien  chanté.  Mongini  a  été  constamment  applaudi. 

„,*„  Munich.  —  Le  chambellan  baron  de  Perfall  vient  d'être  nommé 
intendant  de  la  musique  de  la  cour.  — Mme  Dustmann,  dont  un  fâcheux 
enrouement  paralysait  les  moyens,  a  fait  ses  adieux  au  public  dans  le 
rôle  de  Valentine  ;  le  ténor  Ferenezy  a  eu  du  succès  dans  celui  de 
Raoul. 


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quante ans  dans  une  de  nos  plus  grandes  villes  de  France.  C'est  même 
dans  ladite  ville  le  seul  établissement  spécial  ne  ce  genre . —S'adresser, 
pour  les  renseignements,  au  bureau  de  la  Gazette  musicale. 


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REVUE 


22  Mai  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.paran 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    3Û  .       id. 

Étranger M  "       "L 

Le  Journal  paraU  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Giacomo  Meyerbeer  (5e  et  dernier  article),  par  Fétis  père. 
—  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  reprise  de  l'Eclair,  par  Léon  Bu- 
rocher,  —  Association  des  artistes  musiciens,  assemblée  générale.  —  Audi- 
tions et  concerts. —  Concours  d'orphéons,  de  musiques  d'harmonie  et  de  fanfares, 
ouvert  à  Saint-Denis,  le  8  mai  1854,  par  Em.  Mathieu  de  Monter.  — 
Ministère  de  la  Maison  de  l'Empereur  et  des  Beaux-Arts,  surintendance  générale 
des  théâtres.  —  Nouvelles  et  annonces. 


MEYERBEER   (Giacomo). 

(5*  et  dernier  article)  (1). 

Depuis  longtemps  Meyerbeer  s'était  proposé  d'aborder  la  scène  de 
l 'Opéra-Comique  et  d'essayer  son  talent  dans  le  domaine  de  la  comédie. 
A  cette  pensée  s'était  associée  celle  de  trouver  un  cadre  à  la  scène 
française  pour  y  introduire  une  partie  de  la  musique  du  Camp  de 
Silésie;  mais,  ainsi  qu'on  l'a  vu  pour  d'autres  ouvrages,  le  sujet  de 
V Etoile  du  Nord,  choisi  dans  ce  but,  a  fini  par  transformer  les  idées 
du  compositeur,  et,  de  toute  la  partition  du  Camp  de  Silésie,  il  n'est 
resté  que  six  morceaux  dans  la  partition  française. 

L'Étoile  du  Nord  fut  représentée  à  Paris  le  16  février  1854.  Dès 
le  premier  soir,  le  succès  fut  décidé  ;  les  morceaux  principaux  de  la 
partition  furent  accueillis  avec  des  transports  d'enthousiasme  ;  deux 
cent  cinquante  représentations  n'en  ont  pas  diminué  l'effet.  Cepen- 
dant, l'entreprise  avait  été  hasardeuse  pour  le  maître  ;  car  ce  ne  fut 
pas  sans  un  vif  déplaisir  que  les  compositeurs  français  lui  virent 
aborder  une  scène  qui  semblait  devoir  lui  être  interdite  par  la  na- 
ture même  de  son  talent.  Depuis  longtemps  1  opéra-comique  est 
considéré  avec  raison  comme  l'expression  exacte  du  goût  français  en 
musique.  Pour  y  obtenir  des  succès,  il  y  faut  porter  des  qualités  plus 
fines,  plus  élégantes,  plus  spirituelles  que  passionnées  ;  qualités  qui 
ne  paraissaient  pas  appartenir  au  talent  de  Meyerbeer,  dont  l'expres- 
sion dramatique  est  éminemment  le  domaine. 

En  voyant  ce  talent  s'engager  dans  une  voie  qui  n'avait  pas  été  la 
sienne  jusqu'alors,  il  n'y  eut  pas  seulement  du  mécontentement  parmi 
les  artistes  :  l'espoir  consolant  d'une  chute  s'empara  de  leur  esprit. 

(1)  Voir  les  n"'  15,  16,  17  et  18. 


Certains  journaux  s'associèrent  à  ces  sentiments  ;  ils  atténuèrent  le 
succès  autant  que  cela  se  pouvait,  affectant  de  le  considérer  comme 
le  résultat  de  combinaisons  habiles,  et  prédisant,  comme  on  l'avait 
fait  pour  les  autres  ouvrages  du  maître,  la  courte  durée  de  ce  même 
succès.  Cette  fois  encore,  les  prédictions  se  trouvèrent  démenties 
par  le  fait,  de  la  manière  la  plus  éclatante.  En  général,  la  critique 
n'a  pas  été  favorable  à  Meyerbeer  ;  pendant  trente  ans  environ,  elle 
s'est  exercée  sans  ménagement  sur  son  talent  et  sur  ses  produc- 
tions ;  mais  il  est  remarquable  que  la  plupart  de  ses  jugements  ont 
été  cassés  par  le  public.  J'entends  ici  par  le  public  les  habitants  de 
tous  les  pays  ;  car  la  légitimité  des  succès  n'est  inattaquable  qu'au- 
tant que  le  suffrage  universel  la  constate. 

Les  mêmes  dispositions  des  artistes  et  de  la  presse,  les  mêmes 
circonstances,  le  même  résultat,  se  reproduisirent  lorsque  Meyerbeer 
fit  représenter  à  l'Opéra-Comique  de  Paris,  le  U  avril  1859,  uu  nou- 
vel ouvrage  intitulé  :  le  Pardon  de  Ploërmel.  A  vrai  dire,  il  n'y  a 
pas  de  pièce  dans  cette  légends  bretonne  mise  sur  la  scène  :  tout  le 
mérite  du  succès  appartient  au  musicien.  Ce  succès  n'a  pas  eu  moins 
d'éclat  que  les  précédents  obtenus  par  l'illustre  compositeur.  Son  ta- 
lent n'y  avait  pas  trouvé,  comme  dans  les  ouvrages  précédents,  à 
faire  usage  de  ses  qualités  de  grandeur  et  de  force  ;  c'est  par  un  cer- 
tain charme  mélancolique,  la  grâce  et  l'élégance,  qu'il  y  brille  ; 
mais,  bien  que  le  style  soit  différent,  le  maître  s'y  fait  reconnaître 
par  mille  détails  remplis  d'intérêt  dont  il  a  seul  le  secret. 

Dans  le  conflit  d'opinions  diverses  qui  s'est  produit  depuis  le  pre- 
mier grand  succès  de  Meyerbeer,  une  seule  chose  n'a  pas  été  con- 
testée, à  savoir,  l'originalité  de  son  talent.  Ses  antagonistes  les  plus 
ardents  ne  la  lui  ont  pas  refusée.  On  a  dit  qu'il  n'a  pas  d'inspira- 
tion spontanée  ;  que  ses  mélodies  manquent  de  naturel  et  qu'il  se 
complaît  dans  les  bizarreries  ;  enfin,  on  lui  a  reproché  de  faire  aper- 
cevoir partout  dans  sa  musique  l'esprit  de  combinaison  et  d'analyse 
au  lieu  de  l'essor  d'une  riche  imagination  ;  mais  personne  n'a  pu  lui 
refuser  cette  qualité  précieuse  d'une  manière  si  originale  qu'elle  ne 
rappelle  rien  de  ce  qu'ont  fait  les  autres  maîtres.  Tout  ce  qu'il  a 
mis  dans  ses  ouvrages  lui  appartient  en  propre  ;  caractère,  conduite 
des  idées,  coupe  des  scènes,  rhythmes,  modulations,  instrumenta- 
tion, tout  est  de  Meyerbeer  et  de  lui  seul,  dans  Robert  le  Diable, 
dans  les  Huguenots,  dans  le  Prophète,  dans  Struensée,  dans  l'Etoile 
du  Nord  et  dans  le  Pardon  de  Ploërmel.  Que  faut-il  davantage  pour 


162 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


être  compté  au  nombre  des  plus  grands  artistes  mentionnés  dans 
l'histoire  de  la  musique  ?  Qu'on  ajoute  à  cela  ses  succès  universels 
et  prolongés,  et  qu'on  juge  de  ce  qui  reste  de  l'opposition  que  ses 
adversaires  lui  font  depuis  si  longtemps! 

Membre  de  l'Institut  de  France,  de  l'Académie  royale  de  Belgique, 
de  celle  des  beaux-arts  de  Berlin,  et  de  la  plupart  des  académies 
et  sociétés  musicales  de  l'Europe,  Meyerbeer  est  premier  maître  de 
chapelle  du  roi  de  Prusse.  Il  est  décoré  de  l'ordre  du  Mérite  de 
Prusse,  qui  n'a  qu'un  seul  grade  ;  et  commandeur  des  ordres  de  la 
Légion  d'honneur,  de  Léopold,  de  Belgique,  et  de  la  Couronne  de 
Chêne,  de  Hollande;  chevalier  de  l'ordre  du  Soleil,  du  Brésil,  de 
l'Etoile  Polaire,  de  Suède,  de  l'ordre  de  Henri  de  Brunswick,  et  de 
plusieurs  autres. 

La  liste  générale  des  œuvres  de  ce  maître  se  compose  de  la  ma- 
nière suivante  : 

Opéras  et  musique  dramatique  :  1°  les  Amours  de  Thevelinde  (en 
allemand),  monodrame  pour  soprano,  chœur  et  clarinette  obligée, 
dont  l'instrumentiste  figurait  comme  personnage  du  drame,  exécuté 
à  Vienne,  en  1813,  par  Mlle  Harlass  et  Baermann.  2°  Abimeleck,  ou 
les  Deux  Califes  (en  allemand,  Wirth  und  Gast),  opéra  bouffon  en 
deux  actes,  au  théâtre  de  la  cour  de  Vienne,  en  1813.  3°  Romilda  e 
Costansa,  opéra  sérieux  italien,  représenté,  le  19  juillet  1813,  au 
théâtre  Nuovo  de  Padoue.  4°  Semiramide  riconosciuta,  opéra  sérieux 
de  Métastase,  représenté  au  théâtre  royal  de  Turin,  pour  le  carna- 
val de  1819.  5°  Emma  diResburgo,  opéra  sérieux,  représenté,  pen- 
dant la  saison  d'été,  au  théâtre  San  Benedetto  de  Venise,  et  traduit 
en  allemand  sous  le  titre  d'Emma  di  Leicester.  6°  Margherita  d'An- 
jou, opéra  semi-seria,  de  Romani,  représenté  au  théâtre  de  la  Scala, 
à  Milan,  le  14  novembre  1820,  puis  traduit  en  allemand  et  en  fran- 
çais. 7°  L'Esule  di  Grandta,  opéra  sérieux  de  Romani,  représenté  au 
même  théâtre,  le  12  mars  1822.  8°  Almansor,  opéra  sérieux  de 
Romani,  écrit  à  Rome  dans  la  même  année,  mais  non  terminé,  à 
cause  d'une  maladie  sérieuse  du  maître.  9°  La  Porte  de  Brandebourg, 
opéra  allemand  en  un  acte,  écrit  à  Berlin,  en  1823,  mais  non  re- 
présenté. 10°  Il  Crociato  in  Egitto,  opéra  héroïque,  de  Rossi,  re- 
présenté au  théâtre  de  la  Fenice,  à  Venise,  au  carnaval  de  1824. 
11°  Robert  le  Diable,  opéra  fantastique  en  cinq  actes,  par  Scribe  et 
Delavigne,  représenté  à  l'Académie  royale  de  musique  de  Paris,  le 
21  novembre  1831.  En  1839,  Meyerbeer  y  a  ajouté  une  scène  et  une 
prière  pour  le  ténor  Mario,  dans  la  traduction  italienne.  12°  les  Hu- 
guenots, opéra  sérieux  en  cinq  actes,  de  Scribe,  représenté  au 
même  théâtre,  le  21  février  1836.  Le  rôle  du  page,  chanté  par  l'Al- 
boni,  à  Londres,  en  1848,  a  été  augmenté  d'un  rondo  par  Meyerbeer. 
13°  Le  Camp  de  Silésie,  opéra  allemand  de  Rellstab,  représenté  le 
7  décembre  1840,  pour  l'ouverture  du  nouveau  théâtre  royal  de 
Berlin.  14°  Struensée,  musique  pour  la  tragédie  de  ce  nom,  compo- 
sée d'une  grande  ouverture,  de  quatre  entr'actes  très-développés, 
dont  un  avec  chœur,  et  de  scènes  de  mélodrame,  exécutée  à  Berlin, 
le  19  septembre  1846,  pour  l'ouverture  du  théâtre  royal.  15°  le  Pro- 
phète, opéra  sérieux  en  cinq  actes,  représenté  à  l'Académie  natio- 
nale de  musique,  le  16  avril  1849.  16°  L'Étoile  du  Nord,  opéra  de 
demi-caractère,  en  trois  actes,  de  Scribe,  représenté  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  de  Paris,  le  16  février  1854-  17°  Le  Pardon  de 
Ploërmel,  opéra-comique,  représenté  à  Paris,  le  4  avril  1859. 
18°  L'Africaine,  grand  opéra  en  cinq  actes,  refait  sur  un  sujet  nou- 
veau, et  non  encore  représenté. 

Oratorios  :  19°  Dieu  et  la  Nature,  oratorio  allemand,  exécuté  à 
Berlin,  le  8  mai  1811.  20°  Le  Vœu  de  Jephté,  oratorio  en  trois  actes 
et  en  action,  représenté  au  théâtre  royal  de  Munich,  le  27  janvier 
1813. 

Cantates  :  21°  Sept  cantates  religieuses  de  Klopstock,  à  quatre 
voix  sans  accompagnement.  22°  A  Dieu,  hymne  de  Gubitz  à  quatre 
voix.  23°  Le  Génie  de  la  musique  à  la  tombe  de  Beethoven,  solos  avec 


chœurs.  24°  Cantate  à  quatre  voix  avec  chœur  pour  l'inauguration 
de  la  statue  de  Gutenberg,  à  Mayence,  exécutée,  en  1838,  par  un 
chœur  de  douze  cents  voix  d'hommes.  25°  La  Fête  à  la  cour  de  Fer- 
rare,  grande  cantate,  avec  des  tableaux,  composée  pour  une  fête 
donnée  par  le  roi  de  Prusse,  à  Berlin,  en  1843.  26°  Marie  et  son 
génie,  cantate  pour  des  voix  solos  et  chœur,  composée  pour  les  fêtes 
du  mariage  du  prince  Charles  de  Prusse.  27°  La  Fiancée  conduite  à 
sa  demeure  (sérénade),  chant  à  huit  voix  (a  capella),  pour  le  ma- 
riage de  la  princesse  Louise  de  Prusse  avec  le  grand-duc  de  Bade. 
28°  Marche  des  archers  bavarois,  grande  cantate,  poésie  du  roi  Louis 
de  Bavière,  à  quatre  voix  et  chœur  d'hommes,  avec  accompagne- 
ment d'instruments  de  cuivre,  exécutée  à  Berlin  en  1850.  29°  Ode 
au  sculpteur  Rauch,  pour  voix  solos,  chœur  et  orchestre,  exécutée  à 
l'Académie  des  beaux-arts  à  Berlin,  le  4  juin  1851,  à  l'occasion  de 
l'inauguration  de  la  statue  de  Frédéric  le  Grand.  30°  Hymne  de  fête 
à  quatre  voix  et  chœur,  chantée  le  4  juin  1851,  au  palais  royal  de 
Berlin,  pour  le  vingt-cinquième  anniversaire  du  mariage  du  roi  de 
Prusse.  31°  Amitié,  quatuor  pour  voix  d'hommes. 

Musique  religieuse  :  32°  Le  91e  psaume,  à  huit  voix,  composé 
pour  le  chœur  de  la  cathédrale  de  Berlin,  et  publié  en  partition, 
à  Paris,  chez  Brandus  et  Ce.  33°  Douze  psaumes  à  deux  chœurs 
sans  accompagnement,  non  publiés.  34°  Stabat  mater  (inédit).  35° 
Miserere  (idem).  36°  Te  Deum  (idem).  37°  Pater  noster  (a  capella). 

Mélodies  (avec  accompagnement  de  piano)  :  38°  Le  Moine,  pour 
voix  de  basse.  39°  La  Fantaisie.  40°  Le  Chant  de  mai.  41°  Le  Poêle 
mourant.  42°  La  Chanson  de  Floh.  43°  Le  Cantique  du  Dimanche. 
44°  Rans  des  Vaches  d'Appensell,  à  deux  voix.  45°  Le  Baptême. 
46°  Le  Cantique  du  Trappiste,  pour  voix  de  basse.  47°  Le  Pénitent. 
48°  La  Prière  des  Enfants,  à  trois  voix  de  femmes.  49°  La  Fille  de 
l'air.  50°  Les  Souvenirs.  51°  Sule'iha.  52°  Le  Sirocco.  5S°  Le  Pre- 
mier amour.  54°  Elle  et  Moi.  55°  La  Sicilienne.  56°  A  une  jeune 
Mère.  57°  Nella.  58°  Printemps  caché.  59°  La  Barque  légère.  60°  La 
Mère-grand' ,  à  deux  voix.  61°  Ballade  de  la  reine  Marguerite  de  Va- 
lois. 62°  Le  Vœu  pendant  l'orage.  63°  Les  Feuilles  de  rose.  64°  Le 
Fou  de  Saint-Joseph.  65°  Rachel  à  Nephtali.  66°  La  Marguerite  du 
poète.  67°  La  Sérénade.  68°  Sur  le  balcon.  69°  La  Dame  invisible, 
à  deux  voix.  70°  Chanson  des  moissonneurs  vendéens.  71°  Le  Délire. 
72°  Seul.  73°  C'est  elle.  74°  Guide  au  bord  ta  nacelle.  75°  Le  Jardin 
du  cœur.  76°  Mina,  chant  des  gondoliers  vénitiens.  Tous  ces  mor- 
ceaux ont  été  réunis  avec  le  Génie  de  la  musique  au  tombeau  de 
Beethoven,  dans  le  recueil  intitulé  :  Quarante  Mélodies  à  une  et  plu- 
sieurs voix,  etc.;  Paris,  Brandus,  1849,  un  volume  grand  in-8°. 
77°  Neben  dir  (Près  de  toi),  Lied  pour  ténor  avec  violoncelle  obligé. 
78°  Der  Jager  Lied  (le  Chant  du  chasseur),  pour  voix  de  basse,  avec 
des  cors  obligés.  79°  Dichters  Wahlsprach  (Devise  du  poëte),  canon 
à  trois  voix.  80°  A  Venezia,  barcarolle.  81°  Der  Schafers  Lied 
(Chanson  du  berger),  pour  ténor,  avec  clarinette  obligée.  82°  Trois 
chansons  allemandes,  Murillo,  les  Lavandières,  Ja  und  nein  (Oui  et 
non).  83°  Beaucoup  de  pièces  vocales  pour  des  albums,  et  autres 
choses  de  moindre  importance. 

Musique  instrumentale  :  84°  Première  danse  aux  flambeaux  pour 
un  orchestre  d'instruments  de  cuivre,  composte  pour  les  noces  du 
roi  de  Bavière  avec  la  princesse  Guillelmine  de  Prusse,  en  1846. 
85°  Deuxième  danse  aux  flambeaux,  pour  les  mêmes  instruments, 
composée  pour  les  noces  de  la  princesse  Charlotte  de  Prusse,  en 
1850.  86°  Troisième  danse  aux  flambeaux ,  pour  les  mêmes  instru- 
ments, composée  pour  les  noces  de  la  princesse  Anne  de  Prusse,  en 
1853.  87°  Flusieurs  morceaux  de  piano,  composés  à  l'âge  de  dix- 
sept  ans,  pendant  le  premier  voyage  de  l'auteur  à  Vienne. 

Depuis  l'impression  de  cette  notice  dans  la  Biographie  universelle 
des  musiciens,  Meyerbeer  a  publié  :  N°  88  Ouverture  en  forme  de 
marche,  composée  pour  le  grand  concert  donné  à  Londres,  à  l'inau- 
guration de  l'exposition  internationale  de  1862.  89°  Quatrième  danse 


DE  PARIS. 


163 


aux  flambeaux,  composée  pour  les  fiançailles  du  prince  royal  de 
Prusse  avec  la  princesse  Victoria,  d'Angleterre.  90°  Pater  noster 
(chœur  à  quatre  voix).  91°  Cantique  tiré  de  Y  Imitation  de  Jésus- 
Christ,  par  Thomas  a  Kempis  (d'après  la  paraphrase  de  Corneille), 
pour  un  chœur  à  six  voix  et  une  basse  solo  récitante.  92°  Il  primo 
amore  :  aria  di  caméra.  93°  Cantate  et  Schiller-Marsth,  composées 
pour  le  100e  anniversaire  de  la  naissance  de  Schiller,  célébré  à  Paris 
le  10  novembre  1859.  94o  Marche  du  couronnement  pour  deux  or- 
chestres, exécutée  à  Kœnigsberg  en  1861,  pour  le  sacre  du  roi 
Guuillame  1er. 

Plusieurs  biographies  de  Meyerbeer  ont  été  publiées  ;  celles  quj 
offrent  de  l'intérêt,  soit  par  les  faiis,  soit  par  le  mérite  du  style, 
sont  :  1°  M.  Meyerbeer,  par  un  homme  de  rien  (M.  Louis  de  Lomé- 
nie);  Paris,  1844,  in -8°.  2°  Notice  biographique  sur  la  vie  et  les  Ira. 
vaux  de  M.  Meyerbeer  ;  Paris,  1846,  in-8°.  3"  Pawlowski  (W.),  No- 
tice biographique  sur  G.  Meyerbeer;  Paris,  1849,  in-8°  (Extrait  de 
l'Europe  théâtrale).  4°  I.-P.  Lyser,  Giacomo  Meyerbeer.  Sein  Streben, 
sein  Wirken  und  seine  Gegner  (Giacomo  Meyerbeer,  sa  force  (de  pro- 
duction), son  influence  et  ses  adversaires).  Dresde,  1838,  in-8°  de 
61  pages. 

FÉTIS  père. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

Reprise  de  l'JEelair. 

Est-ce  réellement  une  reprise?  Peut-on  dire  que  l'Eclair  ait 
jamais  cessé  de  figurer  au  répertoire?  On  passe,  en  effet,  de  temps 
en  temps,  quelques  mois  sans  jouer  cette  œuvre  charmante  ;  on  la 
laisse  reposer,  mais  elle  est  toujours  là.  Un  soldat  en  congé  n'a  pas 
pour  cela  quitté  le  service.  Quand  on  a  joué,  l'année  dernière, 
la  Fausse  Magie,  c'était  incontestablement  une  reprise.  Si  l'on 
remettait  en  scène  le  Guillaume  Tell  de  Grétry,  Stratonïce, 
Euphrosine  et  Coradin,  Montano  et  Stéphanie,  Aline,  Ma  Tante 
Aurore,  BeniowsM,  ou  tel  autre  ouvrage  qui  a  été  l'honneur  de 
l'école  française,  et  qu'on  laisse,  nous  ne  savons  pourquoi,  dans 
l'oubli,  ce  seraient  des  reprises.  Mais  y  a-t-il  donc  si  longtemps 
que  l'Eclair  a  brillé  à  l'horizon  de  l'Opéra-Comique? 

Reprise  ou  non,  à  notre  avis  on  fera  toujours  bien  de  jouer 
cette  pièce  habilement  faite  et  spirituellement  écrite,  où  l'intérêt, 
concentré  sur  quatre  personnages,  ne  languit  pas  un  seul  instant; 
partition  pleine  de  mélodies  tantôt  légères,  fines,  gracieuses,  tantôt 
énergiques  et  passionnées,  qu'accompagnent  toujours  la  plus  savante 
harmonie  et  l'instrumentation  la  plus  vivement  colorée.  Au  reste,  le 
mérite  de  l'Eclair  a  été  constaté  par  quelques  centaines  de  repré- 
sentations et  n'a  jamais  été  contesté  sérieusement  par  personne. 
C'est  un  point  établi,  universellement  reconnu,  et  sur  lequel  il  paraît 
superflu  d'insister. 

Ce  qui  semblait  donner  à  cette  représentation  l'air  d'une  reprise, 
c'est  que  la  distribution  des  rôles  y  était  entièrement  nouvelle. 
Mme  Bélia  joue  celui  de  la  jeune  veuve  avec  intelligence  et  souvent 
avec  gaieté.  Le  timbre  de  sa  voix  est  malheureusement  un  peu 
criard;  mais  elle  prononce  bien,  et  vocalise,  quand  il  le  faut,  très- 
agilement.  Mlle  Cico  est  un  type  de  distinction  et  d'élégance.  On 
peut  lui  souhaiter  seulement  un  geste  plus  précis,  une  diction  plus 
naturelle,  un  accent  plus  vrai,  plus  ému.  Il  n'y  a  que  des  compli- 
ments à  faire  à  M.  Capoul  et  à  M.  Léon  Achard.  La  voix  de 
M.  Capoul  n'est  pas  très-forte  ni  très-étendue  :  mais  il  n'y  a  pas 
dans  tout  son  rôle  un  seul  prétexte  pour  pousser  des  cris.  Il  n'y  faut 
qu'une  prononciation  agile  et  nette,  une  vocalisation  facile,  de  la 
gaieté,  de  l'esprit,  le  talent  de  saisir  la  pensée  du  compositeur  et  de 


la  rendre  dans  une  juste  mesure.  M.  Capoul  a  tout  cela,  et  l'on 
conviendra  qu'il  n'est  pas  mal  partagé.  Il  laisse  seulement  désirer 
un  peu  plus  de  légèreté,  à  certains  moments,  non  pas  dans  son 
chant,  Dieu  merci  !  mais  dans  son  débit  et  dans  son  jeu.  Cela  lui 
viendra  sans  doute  quand  il  sera  plus  maître  de  lui  et  qu'il  aura  plus 
complètement  pris  possession  de  son  rôle. 

Celui  de  Lionnel  n'a  pas  été  écrit  pour  M.  Léon  Achard.  Il  demande 
des  notes  graves  qu'avait  Chollet,  et  qui  manquent  à  son  remplaçant 
d'aujourd'hui.  En  revanche,  M.  Léon  Achard  fait  vibrer  des  sons  de 
poitrine  éclatanls  comme  ceux  d'une  trompette,  mais  dont  la 
vigueur  ne  dégénère  jamais  en  dureté ,  dans  maint  passage 
où  Chollet  se  servait  à  peu  près  exclusivement  de  sa  voix  de 
fausset,  qu'il  liait  à  sa  voix  de  poitrine  par  des  portamenli 
d'un  goût  contestable.  Le  rôle  de  Lionnel  a  donc  aujourd'hui 
—  musicalement  parlant  —  un  tout  autre  caractère  qu'à  l'époque  de 
sa  création.  Nous  le  remarquons  sans  nous  en  plaindre.  Si  certaines 
phrases  graves  ont  moins  d'énergie,  les  phrases  élevées  sont  plus 
accentuées  et  plus  brillantes.  Somme  toute,  il  y  a  compensation. 
M.  Achard  —  bien  qu'un  peu  ému  peut-être  —  a  fort  bien  dit  le 
premier  air  et  notamment  la  prière  qui  en  forme  le  milieu.  (Nous 
nous  permettrons  seulement  de  ne  point  approuver  le  zèle  excessif 
qui  le  pousse  à  s'agenouiller  pour  chanter  cet  andante.  Lionnel 
raconte  que  l'on  prie  à  bord  avant  de  se  battre,  mais,  comme  il  ne 
va  pas  se  battre,  il  ne  prie  pas.  Il  est  dans  le  salon  d'une  maison 
de  campagne,  et  non  sur  le  pont  de  son  navire.  Il  n'a  pas  devant  lui 
les  canons  de  l'ennemi,  mais  la  bouteille  bordelaise  de  son  interlo- 
cuteur. Cet  accès  de  dévotion  qui  le  prend  n'est  donc  pas  précisé- 
ment à  sa  place  :  cela  est  affecté.)  M.  Achard  ne  mérite  que  des  éloges 
dans  le  duo  du  second  acte.  C'est  là  que  sa  voix  de  poitrine  produit 
un  effet  merveilleux  qui  a  fait  crier  :  bis  !  bis  !  dans  l'orchestre  et 
dans  les  loges,  aussi  bien  qu'au  parterre.  Il  n'a  pas  moins  réussi 
dans  la  romance  du  troisième  acte,  qu'il  chante  mezza  voce  avec 
beaucoup  de  douceur  et  de  sentiment,  un  excellent  style  et  un 
goût  exquis.  Bref,  les  interprètes  ont  plu  au  public  autant  que 
l'ouvrage. 

Léon  DDROCHER. 


ASSOCIATION  DES  ARTISTES  MUSICIENS. 

Assemblée  générale. 

Le  compte  rendu  présenté  par  M.  Emile  Réty,  l'un  des  secrétaires, 
commençait  en  ces  termes  : 

«  L'année  1863  a  été  heureuse  pour  notre  Association. 

»  La  recette,  supérieure  de  plus  de  10,000  francs  à  celle  des  an- 
nées précédentes,  s'est  élevée  à  74,776  fr.  52  c. 

»  Les  dépenses  ordinaires  ont  été  de  40,821  fr.  94  c.;  et  bien  que 
nous  ayons  dû  en  outre  affecter  une  somme  de  10,352  francs  au 
paiement  des  quatre  derniers  termes  de  la  soulte  à  verser  au  Trésor 
pour  la  conversion  de  la  rente  4  1/2  en  3  0/0,  il  nous  a  encore  été 
possible  de  consacrer  24,303  fr.  34  c.  à  l'acquisition  de  79  obliga- 
tions produisant  1,185  francs  d'intérêt  annuel  et  garanti  par 
l'Etat. 

»  Au  31  décembre  1863  notre  Société  possédait  27,690  francs  de 
rentes. 

»  Ce  développement  progressif  et  constant  de  notre  prospérité 
financière,  en  assurant  l'avenir  de  notre  Association,  lui  permet 
aussi  d'étendre  de  plus  en  plus  le  cercle  de  son  action  bienfai- 
sante. 

»  Il  a  été  distribué  en  secours  et  pensions  28,488  fr.  95  c. ;  les 
frais  funéraires  et  de  pharmacie  ont  été  de  541  fr.  50  c.  ;  les  frais 
judiciaires,  de  180  francs.  C'est  un  total  de  29,210  fr.  45  c.  réparti 
entre  217  sociétaires. 


164 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  Les  cotisalions  ayant  produit  21,689  fr.  50  c,  les  sociétaires 
se  trouvent  avoir  reçu  7,520  fr.  95  c.  de  plus  qu'ils  n'ont  versé.  » 

A  côté  d'un  résultat  si  satisfaisant  se  place  un  regret  trop  légi- 
time. Croirait-on  que  sur  les  quatre  mille  sept  cent  soixante-cinq 
membres  dont  l'Association  se  composait  en  1863,  plus  de  mille 
aient  négligé  d'acquitter  la  faible  cotisation  fixée  par  les  statuts  ? 
6  francs  par  an,  10  sous  par  mois,  2  sous  1/2  par  semaine  :  c'est 
pourtant  bien  peu;  mais  ce  peu  multiplié  par  le  chiffre  de  1,000, 
aarait  donné  6,000  francs  de  plus  à  distribuer  en  pensions  et  en 
secours. 

»  Après  avoir  signalé  le  mal,  ajoutait  M.  Emile  Réty,  nous  aimons 
à  dire  le  bien. 

»  Un  certain  nombre  d'artistes  et  d'amateurs  ne  s'en  tiennent  pas 
à  la  lettre  de  notre  contrat,  et  s'imposent  volontairement  un  chiffre  de 
cotisation  supérieur  à  celui  que  nous  serions  en  droit  d'exiger. 

»  Le  premier  nom  que  nous  avions  à  vous  citer  était  celui  de 
Meyerbeer,  ce  maître  illustre  que  la  mort  vient  de  prendre  au  mo- 
ment où  notre  scène  lyrique  espérait,  attendait  de  lui  un  nouveaa 
chef-d'œuvre.  11  appartient  à  des  voix  plus  autorisées  que  la  nôtre 
de  parler  de  ses  œuvres  impérissables,  de  dire  la  grandeur  de  cette 
perte  pour  l'art  que  nous  servons,  pour  cet  art  qu'il  aimait,  qu'il 
honorait,  auquel  il  avait  consacré  toutes  ses  veilles,  toutes  ses  pen- 
sées, et  dont  il  avait  tant  agrandi  le  domaine.  Le  respectueux  hom- 
mage que  nous  venons  rendre  ici  à  cette  mémoire  universellement 
honorée,  est  avant  tout  un  pieux  souvenir  de  reconnaissance.  Meyer- 
beer n'était  pas  seulement  pour  l'association  des  artistes  musiciens 
une  grande  célébrité  qui  la  couvrait  de  sa  gloire.  Il  était  aussi  l'un  de 
ses  premiers,  de  ses  plus  constants  bienfaiteurs.  Il  y  a  quelques  jours 
à  peine,  fidèle  à  une  habitude  de  vingt  deux  années,  il  nous  faisait 
parvenir  son  don  annuel.  C'était,  hélas  !  la  dernière  marque  d'intérêt 
que  nous  étions  appelés  à  recevoir  de  ce  génie  qui  allait  sitôt  s'é- 
teindre en  laissant  dans  nos  rangs  un  vide  immense.  » 

Parmi  les  membres  du  comité  chez  qui  la  générosité  est  une  ha- 
bitude, MM.  Manry,  Chatenet,  Dufrêne,  Ermel,  Jancourt,  Thomas 
aîné,  Colmet  d'Aage,  Debez,  Richart  d'Ambricourt,  Delzant,  le  rap- 
porteur distinguait  avec  raison  M.  Georges  Kastner,  qui,  dans  le  cours 
de  l'année,  n'a  pas  donné  moins  de  320  francs,  et  dont  la  contribu- 
tion volontaire,  depuis  l'origine  de  l'association,  s'élève  à  près  de 
5,000  francs. 

Le  compte  rendu  de  M.  Emile  Réty,  remarquable  par  l'ordre  et 
la  clarté,  a  de  plus  le  mérite  de  rendre  une  justice  exacte  à  tous  les 
services  rendus,  et  de  ne  laisser  dans  l'ombre  aucun  des  noms  aux- 
quels une  mention  était  due.  «  Aimons  notre  œuvre,  a-t-il  dit  en 
terminant  :  travaillons  sans  cesse  à  l'enrichir,  en  nous  appliquant  à 
la  perfectionner  sans  cesse,  et,  tout  en  nous  dévouant  sans  réserve 
à  la  recherche  des  améliorations  possibles,  restons  fermement  atta- 
chés à  nos  grands  principes  fondamentaux  ;  à  ces  principes  dont  l'in- 
telligente application  nous  a  fait  réaliser,  depuis  la  fondation  de  l'As- 
sociation, une  recette  générale  de  1,176,323  fr.  Z|3  c,  et  nous  a 
permis  de  distribuer  en  pensions  et  secours  de  toutes  sortes  une 
somme  totale  de  32^,206  fr.  05  c. ,  tout  en  amassant  un  capital  de 
603,910  fr.  69  c,  produisant  un  revenu  de  27,690  francs,  et  assu- 
rant dès  à  présent  et  à  tout  jamais  105  pensions  à  nos  confrères 
infirmes  ou  malheureux. 

»  Soyons  fiers  de  ce  passé.  Espérons  plus  encore  de  l'avenir,  car 
nous  approchons  du  moment  où  les  premières  pensions  de  droit 
pourront  et  devront  être  accordées.  » 

Des  applaudissements  prolongés  ont  accueilli  ce  rapport,  que  cou- 
ronnait une  allocution  chaleureuse  à  M.  le  baron  Taylor,  fondateur 
et  président  des  cinq  associations  d'artistes.  Ensuite  M.  le  baron 
Taylor  a  pris  lui-même  la  parole  pour  remercier  l'auditoire  de  ses 
témoignages  sympathiques  et  l'engager  à  suivre  son  exemple,  en 
continuant  une  propagande  si  féconde  en  bienfaits. 


Plus  de  cent  vingt  membres  assistaient  à  la  séance,  et  le  scrutin 
pour  l'élection  ou  la  réélection  de  douze  membres  du  comité  s'est 
résumé  comme  il  suit  :  M.  Debez  a  obtenu  107  voix  ;  Triebert,  éga- 
lement 107;  Dufrêne,  101  ;  Deffès,  97;  Jancourt,  96;  Emile  Rety,  95; 
Ratiste,  89;  Reine,  88;  Strauss,  86;  Jules  Simon,  84;  Marie,  75; 
Quantinet,  5?.  MM.  Strauss  et  Quantinet  ont  été  nommés  en  rem- 
placement de  deux  anciens  membres. 

Quelques  jours  auparavant,  le  samedi  H  mai,  la  fête  de  M.  le  ba- 
ron Taylor  avait  été  célébrée  pour  la  quinzième  fois  dans  un  ban- 
quet nombreux  et  brillant,  donné  dans  les  salons  de  Douix  au  Palais- 
Royal.  Là,  d'excellentes  paroles  avaient  encore  été  prononcées,  des 
toasts  portés  à  l'homme  providentiel  qui  n'a  pas  trop  mal  doté  les 
associations,  qui  sont  ses  filles,  puisqu'il  a  versé  dans  leurs  caisses 
une  somme  ronde  de  4  millions. 

P.  S. 


AUDITIONS  ET  CONCERTS. 

H.  B.  Pisani.  —  II.  Jules  Schulhoff  («°  concert).  —M.  Fr. 
Ferraris.  —  Hlle  Adrienne  Pescnel.  —  Audition  an- 
nuelle des  élèves  de  SI.  W.  Krûger.  —  Quatrième 
concert  de  bienfaisance  de  la  Société  académique 
de  musique  sacrée. 

Nous  voici  parvenus  à  la  fin  de  la  saison  des  concerts,  et  sans  la 
catastrophe  inattendue  qui  a  mis  en  deuil  le  monde  musical,  et  dont 
le  récit  a  rempli  presque  exclusivement  nos  colonnes,  nous  aurions 
déjà  réglé  nos  comptes  avec  la  plupart  des  artistes  qui  ont  fait  appel 
au  public  dans  ces  derniers  temps.  En  dépit  des  jours  écoulés,  nous 
essayerons  néanmoins  de  combler  cette  lacune,  en  consacrant  quel- 
ques lignes  à  ceux  dont  nous  avons  gardé  le  souvenir. 

Le  premier  nom  que  nous  trouvons  sous  notre  plume  est  celui  de 
M.  Pisani,  qui  a  donné  une  fort  belle  soirée  dans  la  grande  salle  de 
l'hôtel  du  Louvre,  pour  y  faire  entendre  quelques-unes  de  ses  com- 
positions. Nous  ne  connaissions  M.  Pisani  que  comme  l'auteur  d'un 
opéra  de  Ladislas,  représenté  à  Constantinople,  et  l'on  conviendra 
que  c'était  une  assez  mince  recommandation  que  celle  d'une  noto- 
riété conquise  sur  les  rives  du  Bosphore,  lesquelles  ne  sont  pas  en- 
core considérées  comme  un  centre  de  dilettantisme,  quoiqu'on  y 
jouisse  d'une  troupe  italienne  et  que  le  frère  de  Donizetti  y  ait, 
pendant  un  certain  nombre  d'années,  dirigé  la  musique  militaire  du 
sultan.  Mais  ce  que  nous  ignorions  et  ce  que  nous  nous  empressons 
de  constater,  c'est  qu'avant  d'aller  briguer  les  suffrages  des  enfants 
de  Mahomet,  M.  Pisani  avait  déjà  fait  ses  preuves  en  Italie,  où  il 
était  cité  comme  un  des  meilleurs  disciples  de  Mercadante.  Cette 
circonstance  explique  les  sympathies  que  ce  jeune  compositeur  a 
rencontrées,  à  Paris,  chez  les  artistes  de  sa  nation,  dont  le  concours 
n'a  pas  été  inutile  à  l'interprétation  de  ses  œuvres.  L'excellent  or- 
chestre des  Italiens,  conduit  par  M.  Castagnari,  ainsi  que  les  chœurs 
de  ce  théâtre,  s'étaient  mis  à  ses  ordres,  et  au  nombre  des  solistes 
du  chant,  on  comptait  M.  Marochetti,  secondé  par  Mme  Peudefer  et 
M.  Stroheker.  Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  si,  avec  de  pareils  élé- 
ments, les  compositions  de  M.  Pisani  ont  produit  tout  l'effet  dont 
elles  sont  susceptibles.  Elles  ont  généralement  fait  le  plus  grand 
plaisir.  Des  chœurs  à  quatre  voix,  sans  accompagnement,  l'ouver- 
ture de  Ladislas,  des  mélodies  qui  rappellent,  sans  le  copier,'  le 
genre  de  Félicien  David,  ont  été  tour  à  tour  fort  applaudis.  Mais  le 
morceau  qui  a  été  le  mieux  accueilli,  c'est  une  fantaisie  orientale  à 
quatre  voix,  soli  et  chœurs,  et  à  grand  orchestre,  composée  sur  la 
poésie  de  Victor  Hugo,  intitulée  les  Djinns.  Cette  œuvre  importante, 
qui  a  les  proportions  d'un  véritable  oratorio,  révèle  un  beau  et  sé- 
rieux talent,   très-apte  aux  combinaisons  dramatiques  les  plus  éle- 


DE  PARIS. 


165 


vées  :  aussi  croyons-nous  fermement  que  le  jour  où  M.  Pisani  fera 
son  apparition  sur  une  de  nos  grandes  scènes  lyriques,  on  le  saluera 
comme  un  maître. 

— Le  second  concert  de  Jules  Schulhoff  n'avait  pas  excité  un  moins 
vif  intérêt  que  le  premier.  L'éminent  pianiste,  qui,  soit  comme  exé- 
cutant, soit  comme  compositeur,  ronnaît  peu  de  rivaux,  a  tenu  cons- 
tamment son  auditoire  sous  le  charme,  en  jouant  plusieurs  de  ses  ou- 
vrages qu'on  avait  entendus  déjà,  mais  qu'on  ne  se  lasserait  jamais 
de  lai  faire  répéter.  Sans  parler  de  la  belle  sonate  de  Beethoven, 
op.  102,  pour  piano  et  violoncelle,  qu'il  a  dite  avec  Seligmann,  et  qui 
a*  été  rendue  avec  une  perfection  réelle  et  un  sentiment  exquis,  nous 
signalerons,  entre  autres,  sa  Polonaise,  sa  Chanson  slave,  et  cette 
magnifique  transcription  de  l'ouverture  d'Oberon  qui  avait  soulevé 
des  transports  d'enthousiasme  à  sa  première  audition.  La  voix  gra- 
cieuse et  pure  de  Mme  Barthe-Banderoli  a  eu  sa  part  des  bravos 
décernés  au  bénéficiaire,  et  ce  n'était  pas  une  tâche  facile  que  de  se 
faire  applaudir  après  Schulhoff,  comme  elle  l'a  fait  avec  les  Tre  Giorni, 
de  Pergolèse. 

—  A  la  soirée  musicale,  donnée  par  M.  Fr.  Ferraris  dans  la  salle 
Herz,  on  a  fêté  en  lui  non-seulement  un  pianiste  élégant  et  correct, 
remarquable  surtout  par  ses  qualités  de  style,  mais  aussi  un  compo- 
siteur plein  de  grâce  poétique  et  de  savante  originalité.  Son  Souvenir 
de  Donizetti  et  sa  Monferrina,  danse  italienne  du  plus  piquant  effet, 
ont  ravi  tous  les  assistants,  et  le  succès  de  M.  Ferraris  a  été  com- 
plété par  trois  morceaux  de  moindre  dimension,  une  mélodie  intitu- 
lée les  Boses,  une  barcarolle  et  une  tarentelle,  dont  on  ne  peut  faire 
un  éloge  plus  mérité  qu'en  disant  qu'on  les  a  trouvés  trop  courts. 

—  Mlle  Adrienne  Peschel,  qui  s'est  fait  entendre  dernièrement  chez 
Herz,  est  une  jeune  et  charmante  pianiste  dont  les  études  au  Conser- 
vatoire ont  été  couronnées  par  un  premier  prix,  et  dont  le  talent, 
mûri  par  une  application  sérieuse,  a  encore  grandi  depuis  cette  épo- 
que. Son  jeu  distingué  et  sympathique,  qu'on  a  pu  apprécier  dans  ses 
nombreuses  auditions,  tant  en  France  qu'en  Allemagne  et  en  Angle- 
terre, lui  a  valu,  l'autre  soir,  un  nouveau  triomphe.  En  abordant  à 
peu  près  tous  les  genres,  elle  a  montré  qu'elle  savait  se  plier  avec 
le  même  bonheur  aux  exigences  de  chacun,  et  elle  n'a  pas  été  moins 
bien  inspirée  en  interprétant  le  cinquième  concerto  de  Henri  Herz, 
ou  la  sonate  de  Beethoven,  dédiée  à  Kreutzer,  avec  l'aide  du  violon 
de  M.  White,  qu'en  jouant  plusieurs  petits  morceaux  fort  bien  choisis 
de  Chopin,  de  Mendelssohn  et  de  Bériot  fils.  Le  souvenir  de  cette 
soirée  restera  comme  un  des  plus  agréables  de  la  saison. 

—  Une  audition  intime  avait  réuni,  dimanche  dernier,  dans  les 
salons  Erard,  les  élèves  amateurs  qui  suivent  les  cours  de  M.  W. 
Kruger  ,  dont  on  connaît  les  mérites  non  moins  comme  professeur 
que  comme  pianiste  compositeur.  Tous  les  morceaux  qui  ont  été 
exécutés  dans  cette  séance  ont  témoigné  de  la  manière  la  plus  bril- 
lante en  faveur  de  l'enseignement  de  M.  W.  Kruger.  Quelques-uns 
de  ses  élèves,  qui  appartiennent  au  grand  monde,  ont  interprété  en 
véritables  virtuoses  des  œuvres  de  Chopin,  de  Beethoven,  de  We- 
ber,  du  prince  Poniatowski.  Le  professeur  lui-même  a  ouvert  la 
séance  en  jouant,  avec  une  jeune  personne  d'un  talent  fort  distingué, 
un  duo  de  Lysberg  sur  Don  Juan,  pour  deux  pianos.  Dans  un  se- 
cond duo  de  Mozart,  pour  piano  et  violoncelle,  M.  Eug.  Rignault  a 
prêté  à  une  autre  élève  de  M.  Kruger  un  appui  fort  digne  d'é- 
loge. A  la  suite  du  concert,  deux  amateurs  ont  joué  avec  infiniment 
de  verve  les  Deux  Aveugles,  cette  bouffonnerie  d'Offenbach,  dont  la 
représentation  est  toujours  d'un  effet  irrésistible. 

—  La  Société  académique  de  musique  sacrée,  dont  nous  avons 
déjà  entretenu  nos  lecteurs  cet  hiver,  destine,  comme  on  sait,  le 
produit  de  chacun  de  ses  concerts  à  une  œuvre  de  bienfaisance.  Le 
quatrième,  qui  a  eu  lieu  récemment  dans  la  salle  Herz,  avait  pour 
but  d'aider  à  l'achèvement  de  l'église  de  Pont-Leroy  et  de  la  cathé- 


drale de  Boulogne-sur-Mer.  On  y  a  entendu,  comme  d'habitude,  avec 
soli,  chœurs  et  ouvertures,  des  morceaux  de  musique  classique  em- 
pruntés aux  maîtres  des  trois  derniers  siècles,  et  entre  autres,  un 
très-beau  choral  à  quatre  voix,  des  frères  Moraves  ;  un  fragment  de 
l'oratorio  de  Salomon,  de  Hœndel;  un  Dixit  Dominus,  de  Léonard 
Léo,  et  plusieurs  autres  ouvrages  de  l'abbé  Clari,  de  Bononcini,  de 
Jomelli,  de  J.  J.  Gastredi,  de  Victoria,  etc.,  dont  l'interprétation 
était  confiée  à  MM.  Bussine  et  Lafont,  à  Mme  Peudefer ,  à  Mlle  Ber- 
nard des  Portes  et  à  Mme  la  baronne  de  F.,  excellente  musicienne, 
dont  bien  des  artistes  envieraient  le  goût  et  la  méthode.  M.  Charles 
Vervoitte,  qui  dirige  avec  tant  d'habileté  et  de  zèle  ces  séances  de 
charité  musicale,  a  dû  être  satisfait  du  résultat  de  celle-ci,  et  c'est 
avec  raison  qu'il  peut  dire  que  ce  qui  distingue  et  honore  la  Société 
dont  il  est  le  digne  président,  c'est  qu'elle  se  sert  très-heureuse- 
ment de  la  musique  pour  faire  le  bien. 

Y. 


CONCOURS  D'ORPHÉONS, 

DE     MUSBQBJE    D'HABHOmE    ET    DE    FANFARES. 
Ouvert  à  Saint-Denis,  le  8  mai  1864. 

Saint-Denis  a  brillamment  ouvert,  le  8  mai  dernier,  la  campagne 
orphéonique  de  Tannée.  Son  concours  musical  marquera  dans  l'his- 
toire de  l'art  populaire  en  France.  Huit  mille  chanteurs  et  instru- 
mentistes avaient  répondu,  d'Algérie  et  de  tous  les  points  de  la 
France,  à  l'appel  de  la  Commission  d'organisation  :  leur  défilé  sur 
la  place  d'armes  a  duré  deux  heures.  Jamais  aucun  concours  n'avait 
atteint  de  telles  proportions;  elles  ne  seront  désormais  que  bien 
rarement  dépassées. 

Les  jurys  des  Sociétés  chorales,  sous  la  présidence  de  MM.  Cla- 
pisson,  François  Bazin,  EIwart,  Ermel  et  Delsarte,  étaient  formés 
par  MM.  Bezozzi,  Laurent  de  Rillé,  Léo  Delibes,  Gustave  Héquet, 
Blanc,  G.  Lefèbvre,  A.  Boïeldieu,  Gastinel,  Bienaimé,  Rocheblave  et 
Jules  Monestier. 

Les  présidents  et  jurés  des  musiques  d'harmonie  et  des  fanfares 
étaient  :  MM.  Dauverné,  Cokken,  Arban,  Dorus,  de  Groot,  Gautrot 
aîné,  Sellenick,  Léon  Magnier,  Thibaut,  Brunet,  Leroy,  J.  Simon, 
Genin,  Lepoivre,  Rigaud. 

La  distribution  des  récompenses  a  eu  lieu  le  lundi  9  mai.  Par  une 
innovation  très-appréciée,  chaque  prix  se  composait  de  deux  mé- 
dailles d'or,  de  vermeil  ou  d'argent,  suivant  son  importance,  mé- 
dailles du  même  module  destinées,  l'une  à  la  société,  l'autre  à  son 
directeur. 

Les  orphéonistes  de  Saint-Omer  ont  remporté  la  couronna  de  500 
francs,  prix  d'honneur,  offerte  par  les  dames  de  la  ville. 

Les  premiers  prix  ont  été  ainsi  décernés  : 

Sociétés  chorales.  —  Enfants  de  Lutèce,  Choral  de  Belleville, 
Choral  des  Arts-et-Métiers ,  Orphéon  de  Puteaux,  Sociétés  chorales 
de  Clermont,  d'Elbeuf,  de  Cormeilles-en-Parisis,  de  Fontenay-sous- 
Bois  et  de  Guebwiller  (Haut-Rhin) . 

Musiques  d'harmonie.  —  Valenciennes ,  Montmartre ,  Beaumont- 
sur-Oise. 

Fanfares.  —  De  la  Garde  nationale  à  cheval  de  Paris,  de  Senlis, 
de  Joigny,  de  Hermès,  de  Fécamp,  de  Villiers-Saint-Sépulchre  et  de 
Béthisy-Saint- Pierre. 

Les  prix  de  solo  ont  été  décernés  à  Valenciennes,  à  la  Garde  na- 
tionale de  Paris,  à  Beaumont  et  à  Reims. 

L'aspect  de  la  ville  était  magnifique. 

En.  Mathieu  DE  MONTER. 


166 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


MINISTÈRE    DE  LA  MAISON   DE   L'EMPEBEDR 

ET    DES  BEAUX -ARTS. 
Surintendance  générale  des  théâtres. 

Aux  termes  d'une  clause  introduite  le  5  juin  1863  dans  son  ca- 
hier des  charges,  et  à  raison  de  la  subvention  qui  lui  fut  alors  al- 
louée au  nom  de  l'Etat,  le  directeur  du  théâtre  Lyrique  impérial 
doit,  chaque  année,  faire  représenter  au  moins  une  pièce  en  trois 
actes,  dont  la  musique  aura  été  composée  par  des  élèves  pension- 
naires ou  anciens  pensionnaires  de  France  à  Rome  n'ayant  encore  eu 
aucun  ouvrage  joué  à  Paris.  Cet  ouvrage  peut  être  mis  au  concours 
entre  les  lauréats. 

En  conséquence,  un  concours  est  ouvert  au  théâtre  Lyrique. 

Le  sujet  est  un  poëme  nouveau  en  trois  actes,  intitulé  la  Fiancée 
d'Abydos. 

Les  lauréats  de  Rome  qui  voudraient  prendre  part  à  ce  concours 
sont  invités  à  se  présenter  à  la  direction  du  théâtre  Lyrique  pour  y 
recevoir  de  plus  amples  renseignements. 

Les  compositions  musicales  des  concurrents  seront  soumises  à  une 
commission  nommée  par  le  ministre  de  la  Maison  de  l'Empereur  et 
des  Beaux-Arts. 

L'œuvre  qui  aura  été  jugée  la  meilleure  sera  exécutée  du  1er  sep- 
tembre au  30  décembre  de  cette  année,  sur  le  théâtre  Lyrique  im- 
périal. 


S.  M.  le  roi  de  Prusse  a  écrit  à  Mme  Meyerbeer  une  lettre  au- 
tographe dans  laquelle  il  lui  exprime  ses  regrets  et  sa  sympathie  à 
l'occasion  de  la  mort  du  célèbre  compositeur,  son  mari. 


Après  la  mort  de  Meyerbeer,  le  bruit  avait  couru  que  ses  dernières 
volontés  interdisaient  la  représentation  de  l'Africaine.  —  Il  n'en  est 
rien.  —  Dans  son  testament  ouvert  cette  semaine  à  Berlin,  l'illustre  dé- 
funt autorise  au  contraire  la  représentation  et  la  publication  de  son 
œuvre,  en  soumettant  seulement  cette  autorisation  à  l'accomplisse- 
ment de  certaines  clauses  artistiques. 


NOUVELLES. 

,%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  joué  deux  fois  la  Juive  cette 
semaine.  Villaret  y  a  reparu,  après  l'absence  nécessitée  par  les  soins  à 
donner  à  sa  santé.  On  l'a  accueilli  par  les  témoignages  les  plus  flatteurs 
de  sympathie,  et  il  les  a  justifiés  par  la  manière  dont  il  a  chanté  le 
rôle  d'Eléazar,  et  surtout  la  belle  romance  du  quatrième  acte.  On  sait 
avec  quelle  puissance  dramatique  Mme  Marie  Sax  rend  celui  de  Rachel; 
elle  y  a  provoqué  un  véritable  enthousiasme.  Belval,  comme  toujours, 
a  été  fort  applaudi  dans  le  rôle  du  cardinal  et  Warot  dans  celui  de  Léo- 
pold.  Ces  représentations  ont  été  fort  belles  et  ont  attiré  beaucoup  de 
monde,  malgré  la  chaleur  précoce  de  la  température.  —  Mercredi  on 
a  représenté  la  Uuette  de  Portici. 

***  Le  poëme  de  M.  de  Lamartine,  Fior  d'Aliza,  a  fourni  à  Victor 
Massé,  l'un  de  nos  compositeurs  les  plus  distingués,  le  sujet  d'un  opéra 
dont  il  vient  de  terminer  la  partition  et  qui  sera  représenté  au  théâtre 
de  l'Opéra-Comique. 

*%  Pendant  la  durée  des  réparations  qui  doivent  être  faites  dans  la 
salle  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  les  représentations  auront  lieu 
dans  celle  de  l'Odéon. 

***  La  direction  du  théâtre  Lyrique  paraît  décidée  à  continuer  ses 
représentations  pendant  le  mois  de  juin. 


***  C'est  prématurément  qu'on  a  annoncé  l'engagement  de  Mme  Ugalde 
au  théâtre  Lyrique. 

„**  Il  est  de  plus  en  plus  question  pour  l'hiver  prochain  d'un  second 
théâtre  italien,  spécialement  consacré  au  genre  bouffe.  MM.  Caïmi  et 
de  Filippi,  tous  deux  anciens  secrétaires  du  théâtre  italien  de  Paris, 
formeraient  cette  entreprise,  déjà  en  possession  d'un  terrain  et  pour- 
vue d'un  architecte  pour  la  construction  de  la  salle. 

***  De  tous  côtés,  en  France,  des  hommages  sont  rendus  à  la  mé- 
moire de  Meyerbeer;  les  directions  théâtrales  de  toutes  les  grandes 
villes  tiennent  à  honneur  de  témoigner,  par  d'éclatantes  manifestations, 
leurs  regrets  de  la  perte  immense  et  peut-être  irréparable  que  vient  de 
faire  l'art  musical. 

a**  Le  festival  qui  aura  lieu  demain  à  Lyon  sera  des  plus  impo- 
sants. Une  des  Marches  aux  flambeaux  de  Meyerbeer  y  sera  exécutée 
comme  hommage  à  la  mémoire  de  l'illustre  maître,  par  toutes  les  so- 
ciétés instrumentales  lyonnaises,  deux  cents  exécutants,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Joseph  Luigini. 

t%  L'opéra  de  Reyer,  la  Statue,  vient  d'être  joué  à  Weiinar,  avec 
un  succès  de  bon  aloi  et  qui  s'est  établi  par  plusieurs  représentations 
successives.  M.  de  Hulsen,  directeur  des  théâtres  royaux  de  Berlin,  as- 
sistait à  la  septième.  Les  journaux  allemands  donnent  de  grands  éloges 
à  l'œuvre  de  l'éminent  compositeur. 

***  Le  15  juin  s'ouvrira  à  Madrid,  pour  la  saison  d'été  seulement, 
le  nouveau  théâtre  Rossini  exploité  par  les  propriétaires  de  la  salle. 
Les  artistes  engagés  sont  MM.  Tamberlick,  Mongini,  Vidal,  Bartolini, 
Vialetti;  Mmes  Tedesco,  Poch  et  Garulli.  Mme  Tedesco  part  cette  se- 
maine pour  se  mettre  à  la  disposition  des  directeurs  ;  un  des  principaux 
rôles  qu'elle  chantera  sera  celui  de  Fidès  du  Prophète,  qui  n'a  pas  en- 
core été  représenté  à  Madrid.  On  a  engagé  exprès  pour  celui  de  Bertha 
Mlle  Garulli,  jeune  artiste  de  talent  et  qui  l'a  déjà  chanté  avec  succès  à 
Lisbonne.  On  donnera  en  outre  Guillaume  Tell  pour  l'inauguration  du 
théâtre,  Anna  Bolena  et  Otello. 

*%  Un  journal  annonce  que  M.  Guiraudavendu  3,500  francs,  à  l'édi- 
teur Lemoine,  la  partition  de  son  opéra  Sylvie  qui  vient  d'être  repré- 
senté avec  succès  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique. 

**„.  Par  arrêté  préfectoral  en  date  du  16  mai,  M.  Gérault  (Louis-Ber- 
nard) a  été  nommé  directeur  de  l'Athénée  musical,  en  remplacement  de 
M.  de  Raousset-Boulbon.  —L'Athénée  fermera  le  31  mai  et  rouvrira  le 
■15  septembre. 

„%  L'éminent  pianiste  compositeur  Edouard  Wolff  fait  partie  du  jury 
désigné  pour  le  grand  concours  de  Lyon  ;  il  est  parti  hier  pour  cette 
ville. 

„**  En  sa  double  qualité  d'artiste  et  de  voyageur,  notre  excellent 
confrère,  Oscar  Comettant,  nous  a  déjà  fait  faire  beaucoup  de  chemin 
à  travers  les  deux  mondes.  Mais,  comme  il  ne  se  repose  jamais,  le 
voilà  qui  nous  invite  encore  à  de  nouvelles  tournées,  dans  un  rayon 
moins  vaste  il  est  vrai.  Sous  ce  titre  séduisant  et  rempli  de  promesses  : 
En  vacances,  il  nous  conduit  par  la  main  dans  le  Béarn,  aux  Pyrénées, 
à  Arcachon,  et  autres  lieux,  tout  en  nous  contant  des  histoires  aussi 
variées  qu'amusantes,  notamment  celle  d'une  certaine  société  philhar- 
monique, dont  le  modèle  n'a  peut-être  jamais  existé.  En  vacances  de- 
viendra le  vade  mecum  d'un  grand  nombre  de  gens  qui  veulent  s'a- 
muser et  s'instruire  sur  la  route,  -r-  Profitons  de  l'occasion  pour 
annoncer  une  bonne  nouvelle.  Mme  Oscar  Comettant,  remise  de  l'in- 
disposition qui  ne  lui  avait  presque  pas  permis  de  chanter  cet  hiver,  a 
retrouvé  une  voix  meilleure  que  jamais,  et  va  nous  le  prouver  dans 
les  beaux  jours,  en  parcourant  les  villes  d'eaux  et  les  sociétés  musi- 
cales. 

***  La  ville  d'Amiens  annonce  pour  le  dimanche  3  juillet,  à  1  heure 
précise,  un  grand  concours  d'harmonie,  de  fanfares  et  d'orphéons.  Les 
corps  de  musique  d'harmonie  et  de  fanfare,  ainsi  que  les  sociétés  cho- 
rales, qui  accepteront  l'invitation  de  M.  le  maire  de  la  ville  d'A- 
miens, sont  priés  d'en  donner  avis  au  secrétariat  de  la  mairie, 
en  faisant  connaître  leur  catégorie  (  harmonie,  fanfare  ou  or- 
phéon). Vingt-neuf  médailles,  la  plupart  aux  armes  de  la  ville 
d'Amiens,  en  or,  en  vermeil  et  en  argent,  de  valeurs  différentes,  sui- 
vant le  rang  des  prix  (300  francs,  250  francs,  200  francs,  etc.),  et 
représentant  ensemble  une  somme  de  plus  de  3,000  francs,  seront  dis- 
tribuées. —  S'adresser,  pour  de  plus  amples  renseignements,  à  la 
mairie  d'Amiens. 

***  La  Société  philharmonique  de  Troyes  a  donné  la  semaine  der- 
nière son  deuxième  concert  de  l'année.  Mlle  de  la  Pommeraye, 
M.  Dussargues  et  M.  Pesme  en  faisaient  les  principaux  frais  avec 
M.  U.  Cardon.  Mlle  de  la  Pommeraye,  que  nous  connaissions  déjà,  s'est 
fait  fort  applaudir  dans  les  couplets  de  la  Reine  de  Saba,  le  duo  de 
Faust,  avec  M.  Pesme,  la  ballade  de  Charles  VI,  et  dans  une  charmante 


DE  PARIS. 


16' 


romance   de  sa  composition,   Mam'zelle  Madeleine.  Ce  concert  a  été  un 
des  plus  remarquables  de  la  saison. 

„,%  Au  deuxième  concert  de  la  Société  philharmonique  d'Angoulême, 
Mme  Rey-Balla  se  distinguait  comme  cantatrice,  et  Mlle  Murer,  comme 
pianiste.  Cette  dernière,  en  digne  élève  de  Prudent,  obtenait  avec  la 
Danse  des  Fées  une  de  ces  ovations  qui  auraient  permis  de  douter  si  c'é- 
tait l'élève  ou  l'émule  du  maître  à  qui  l'on  doit  ce  charmant  morceau. 

„%  De  retour  de  Londres,  où  il  a  obtenu  ses  succès  accoutumés,  Ca- 
mille Sivori  va  séjourner  quelque  temps  à  Paris.  Au  concert  populaire 
de  lundi,  Sivori  avait  enthousiasmé  comme  toujours  son  auditoire, 
par  cette  force  cette  magie  d'arshet  qui  est  son  secret  comme  c'était 
celui  de  Paganini.  Il  avait  pour  partenaires  Mlle  Arabella  Goddard,  pia- 
niste; MM.  Webb,  Ries  et  Piattl,  l'inimitable  violoncelliste  qui  a  laissé 
de  si  profonds  souvenirs  à  Paris.  Sims  Reeves  et  miss  Banks  ont  bien 
chanté,  mais  de  la  musique  sans  valeur,  qui  jurait  avec  l'élévation  des 
morceaux  exécutés  par  les  instrumentistes. 

„%  Des  fêtes  orphéoniques  s'organisent  sur  tous  les  points  de  la 
France.  Voici  la  liste  des  concours  et  festivals  qui  sont  annoncés  : 
Lyon,  22  mai;  Epinal,  22  mai;  Beaumont-sur-Oise,  12  juin;  Angers, 
19  et  20  juin;  Villejuif,  »  9  juin;  Limoges,  26  juin;  Amiens,  23  juillet; 
Nantes,  10  juillet;  Pantin,  7  août;  Vincennes,  14  août;  Arras,  28  et 
29  août;  Bayonne,  28  et  29  août;  Dijon,  10  et  12  septembre. 

,%  Dimanche  dernier  on  a  exécuté  à  l'église  Saint-Etienne,  sous  la 
direction  de  M.  Durand,  une  messe  à  grand  orchestre,  chœurs  et  soli 
composée  par  M.  Godefroid.  Cette  œuvre,  qui  renferme  des  pages  de 
grande  valeur,  a  produit  une  vive  sensation  par  son  caractère  gran- 
diose, son  style  élevé.  Les  soli  ont  été  chantés  par  MM.  Perrier  et 
Guyot. 

„%  La  grande  fête  musicale  d'Aix-la-Chapelle  est  finie,  et  l'on  s'ac- 
corde à  dire  que  depuis  nombre  d'années  les  chœurs  n'avaient  marché 
avec  autant  d'ensemble  et  de  précision  ;  ils  étaient  formés  de  122  so- 
prani,  96  contralti,  98  ténors  et  135  basses.  C'était  merveilleux,  et 
quiconque  n'a  point  assisté  à  de  pareilles  exécutions  ne  peut  se  faire 
une  idée  de  l'effet  magique  produit  par  une  masse  vocale  qu'une  pensée 
seule  guide  et  anime,  celle  de  bien  faire.  Un  orchestre  formidable  (il 
comptait  52  violons,  18  altos,  17  violoncelles'  et  12  contre-basses)  soute- 
nait ce  chœur  imposant,  sous  la  magistrale  direction  de  M.  Julius  Rietz, 
de  Dresde.  L'espace  nous  manque  pour  donner  aujourd'hui  les  détails 
de  cette  magnifique  exécution  ;  mais  nous  devons  dire  que  les  artistes 
auxquels  elle  était  confiée  se  sont  montrés  à  la  hauteur  de  leur  tâche,  et 
que  la  foule  considérable  qu'avaient  attirée  ces  solennités  s'en  est  re- 
tournée satisfaite  de  tous  points. 

»%  A  partir  du  1er  mai,  les  musiques  des  régiments  en  garnison  à 
Paris  exécutent  des  morceaux  d'harmonie  sur  un  des  emplacements 
ménagés  à  cet  effet  dans  le  jardin  du  palais  des  Tuileries  et  donnant  du 
côté  de  la  rue  de  Rivoli,  près  de  la  place  Vendôme.  Ces  concerts  mili- 
taires ont  lieu  tous  les  jours  de  la  semaine  (le  dimanche  excepté),  de 
S  à  6  heures  du  soir. 

,%  Mlle  Carmelina  Poch,  dont  nous  avons  constaté  les  succès  récents 
à  Bruxelles  et  à  Gand,  vient  d'être  engagée  pour  le  nouveau  théâtre 
Rossini  de  Madrid.  Cet  engagement,  fait  par  M.  le  chevalier  Barbieri, 
compositeur  de  grand  talent  et  chargé  de  former  la  troupe,  est  la  meil- 
leure attestation  du  mérite  de  Mlle  Poch. 

**„  En  remplacement  de  feu  Schindelmeister,  M.  Neswadba,  jusqu'ici 
maître  de  chapelle  à  Hambourg,  a  été  nommé  chef  d'orchestre  au 
théâtre  de  la  cour  à  Darmstadt. 

***  Le  festival  de  chant  aura  lieu  à  Cologne  les  12  et  13  juin  ;  vingt- 
huit  sociétés  y  prendront  part. 

„*»  M.  Henri  Herz,  officier  de  la  Légion  d'honneur,  vient  de  recevoir 
le  titre  de  fournisseur  de  S.  M.  l'Impératrice.  Cette  faveur  est  une  nou- 
velle récompense  due  à  la  perfection  des  produits  de  sa  manufacture 
de  pianos. 

***  Les  deux  commissions  instituées  l'une  à  Paris  et  l'autre  à  Dijon, 
pour  l'érection  d'une  statue  à  Rameau,  font  les  efforts  les  plus  zélés 
pour  atteindre  le  but  honorable  qu'elles  se  sont  proposé.  Elles  sol- 
licitent par  des  circulaires  adressées  aux  directions  théâtrales,  aux  so- 
ciétés chorales,  etc.,  des  représentations  ou  des  concerts  au  profit  de 
l'œuvre.  M.  Poisot  a  transcrit  une  ouverture  de  Rameau  pour  piano  à 
quatre  mains,  dont  le  produit  a  la  même  destination  ;  enfin  on  ne  né- 
glige rien  pour  activer  les  souscriptions. 

***  Notre  collaborateur,  M.  G.  Kastner,  membre  de  l'Institut,  qu'on 
est  toujours  certain  de  trouver  là  où  il  y  a  une  idée  généreuse  à  faire 
prévaloir,  vient  de  souscrire  pour  100  francs  à  l'érection  de  la  statue 
de  Rameau. 

„.%  Mardi  dernier,  au  théâtre  Robin,  LL.  Exe.  les  ambassadeurs  ja- 


ponais sont  venus  avec  toute  leur  suite,  assister  à  l'une  des  charmantes 
représentations  de  ce  théâtre.  A  la  fin  de  la  soirée,  ils  ont  témoigné  à 
M.  Robin  toute  leur  satisfaction,  et  ne  se  sont  retirés  qu'après  avoir 
obtenu  de  lui  l'autorisation  de  revenir  pour  visiter  en  détail  les  ingé- 
nieux appareils  qui  les  avaient  tant  émerveillés. 

„*,  C'est  dimanche  dernier  qu'a  eu  lieu  l'ouverture  des  soirées  dan- 
santes du  Casino  d'Asnières.  Une  foule  considérable  s'y  était  donné 
rendez-vous.  L'orchestre,  sous  la  direction  de  M.  Rochefort,  a  joué  les 
morceaux  les  plus  entraînants  de  son  répertoire,  et  a  dû  bisser 
plus  d'une  fois  la  dernière  figure  du  quadrille  à  la  mode.  Bal  tous 
les  dimanches. 

„*„  Mlle  Marie  Pfotzer,  jeune  artiste  qui  créa,  il  y  a  trois  ans  environ, 
le  rôle  principal  dans  la  Chanson  de  Fortunio,  opérette  d'Offenbach, 
jouée  avec  grand  succès  aux  Bouffes-Parisiens,  vient  de  succomber,  à 
peine  âgée  de  vingt-deux  ans,  à  une  maladie  de  poitrine. 

**t  Le  docteur  d'Alquen,  qui  vient  de  mourir  à  Mùlheim,  sur  la  Ruhr, 
possédait  des  facultés  musicales  peu  communes.  Dans  les  papiers  de  sa 
succession  on  a  trouvé  de  nombreuses  compositions,  des  sonates,  des 
quatuors,  des  oratorios,  des  messes  et  environ  quatre  cents  lieder. 

„**  Nous  avons  à  déplorer  la  mort  presque  subite  d'un  jeune  artiste, 
qui  avait  déjà  donné  la  mesure  d'un  talent  musical  destiné  à  un  bel 
avenir.  M.  Jules  de  Groot,  pianiste  et  compositeur  distingué,  frère  de 
M.  A.  de  Groot,  l'excellent  chef  d'orchestre,  est  mort  le  9  mai,  à  Ma- 
drid, où  il  se  trouvait  depuis  huit  jours  seulement  en  fonctions  de  chef 
d'orchestre  du  Cirque  du  prince  Alphonse.  Si  cet  artiste  est  mort  sur 
une  terre  étrangère,  ses  amis  ont  au  moins  la  consolation  de  savoir 
que  ses  funérailles  ont  été  dignes  des  sympathies  qu'avaient  déjà  exci- 
tées son  talent  et  son  caractère.  Tous  les  membres  français  du  Cercle 
international,  et  la  plupart  des  Hollandais,  ses  compatriotes,  résidant  à 
Madrid,  ont  tenu  à  suivre  son  convoi  funèbre.  De  son  côté,  M.  de  Las 
Rivas,  banquier  et  propriétaire  du  Cirque,  a  voulu  faire  les  frais  de  la 
maladie  de  J.  de  Groot  et  de  ses  funérailles.  C'est  là  un  acte  des  plus 
honorables  et  qui  témoigne  d'un  cœur  noble  et  généreux.  J.  de  Groot 
n'était  âgé  que  de  trente-quatre  ans  ;  il  laisse  une  jeune  veuve  et  un  fils 
qui  compte  six  ans  à  peine. 

„**  Un  ancien  marchand  de  musique,  qui  a  dirigé  à  Anvers  et  à 
Bruxelles  de  grands  établissements,  et  qui  a  fait  beaucoup  pour  la  pro- 
pagation en  Belgique  des  éditions  françaises,  M.  J.-A.  Meerens  père, 
vient  de  succomber  à  une  longue  et  douloureuse  maladie.  Il  avait  dû 
quitter  les  affaires  il  y  a  quelques  années. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


3%  Marseille,  18  mai.  —La  mort  de  l'illustre  maître  qui  vient  de 
nous  être  enlevé  est  devenue  l'occasion  d'une  cérémonie  imposante 
qui,  grâce  à  l'intelligente  sollicitude  de  M.  Halanzier,  a  dignement 
répondu  aux  regrets  universels.  Le  troisième  acte  de  Robert  le  Diable, 
le  deuxième  du  Pardon  de  Ploèrmel  et  le  quatrième  des  Huguenots  com- 
posaient le  spectacle.  La  représentation  a  commencé  par  une  marche 
funèbre  de  M.  Audran  fils  qui,  lui  aussi,  a  voulu  payer  son  tribut  à 
Meyerbeer.  Après  le  quatrième  acte  des  Huguenots  et  pendant  la 
marche  du  Prophète,  le  rideau  s'est  levé  sur  un  tableau  des  plus  émou- 
mants.  Tous  les  artistes,  revêtus  de  costumes  empruntés  aux  person- 
nages des  œuvres  du  maître,  étaient  rangés  autour  de  son  buste, 
et  Mme  Ecarlat,  qui  avait  joué  les  rôles  d'Alice  et  de  Valentine, 
est  venue  lire  une  pièce  de  vers,  non  comme  une  artiste  ordinaire, 
mais  en  muse  inspirée.  L'effet  a  été  magnifique.  Le  buste  de  Meyerbeer, 
remarquable  à  tous  égards,  avait  été  fait  en  trois  jours  par  M.  Boutoux, 
professeur  à  l'Ecole  des  beaux  arts. 

„*»  Fontainebleau,  16  mai.  —  Dans  la  soirée  musicale  donnée  par 
M.  et  Mme  Mohr-Dietsch,  avec  le  concours  de  l'excellente  musique  des 
guides,  que  dirige  M.  Mohr  père,  M.  Micnot,  l'artiste  de  l'Opéra, 
MM.  Batta  et  Garcin,  Duverger  et  Triebert  ont  rivalisé  de  talent  et  de 
charme.  Quant  à  Mme  Mohr-Dietsch,  l'école  de  Mme  Damoreau  n'a  pas 
produit  d'élève  qui  rappelât  davantage  la  célèbre  cantatrice  par  le 
goût,  le  fini  du  style,  par  la  modestie  et  aussi  par  la  timidité. 

***  Tours.  —  A  l'occasion  des  fêtes  régionales  de  Tours,  l'ancienne 
église  Saint-François  avait  été  transformée  en  salle  de  concert  et  féeri- 
quement  décorée.  Elle  contenait  plus  de  mille  personnes  accourues  pour 
entendre  l'élite  des  meilleurs  artistes  de  Paris.  Mme  Faure-Lefebvre  a 
chanté  avec  un  sentiment  exquis  VAir  des  saisons  de  Victor  Massé  et  celui 
du  Domino  noir.  Ismaël  l'a  merveilleusement  secondée  dans  un  duo  de 


168 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Clapisson  (Gibby  la  Cornemuse)  et  a  été  très-applaudi.  Séligmann  et  son 
violoncelle  ont  obtenu  une  véritable  ovation.  Ses  Souvenirs  des  Hugue- 
nots (hommage  de  circonstance  à  leur  illustre  auteur),  ont  produit  le 
plus  grand  effet.  Herman  et  Ketterer,  l'un  dans  sa  fantaisie  sur  la 
Muette,  et  l'autre  dans  ses  charmantes  compositions,  ont  fait  le  plus 
grand  plaisir.  L'orchestre,  habilement  dirigé  par  Van  Gelder,  a  complété 
cette  belle  solennité. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


»*„  Londres.  —  Le  théâtre  royal  italien  a  donné  cette  semaine  et 
successivement  les  trois  grands  chefs-d'œuvre  de  Meyerbeer,  Robert  le 
Diable,  les  Huguenots  et  le  Prophète.  Nous  ne  tarderons  pas  à  entendre 
Stradella,  qui  est  en  répétition  ;  le  rôle  principal  de  l'opéra  de  Flotow 
sera  chanté  par  Naudin,  qui  l'a  créé  avec  beaucoup  de  succès  à  Paris. 
—  Les  concerts  du  Palais  de  Cristal  ont  commence  samedi.  Le  premier 
de  la  série  des  dix  concerts  que  doit  donner  M.  Gye  à  Sydenham,  a  été 
des  plus  brillants.  On  y  a  beaucoup  applaudi  Mmes  Carlotta  Patti,  Fricci, 
Giuseppina  Tati,  MM.  Neri,  Baraldi,  Graziani  et  signor  Sivorl. 

,*»  Vienne.  —  La  nouvelle  de  la  mort  de  Meyerbeer  a  produit 
une  impression  profonde.  L'illustre  maestro  se  trouvait  ici  chez 
lui,  tout  comme  à  Paris  et  à  Londres.  C'est  le  premier  artiste  qui 
ait  été  décoré  par  le  gouvernement  autrichien.— Joseph  Strauss  prépare 
une  manifestation  funèbre  en  l'honneur  de  Meyerbeer. — Mongini  paraît 
s'acclimater  parmi  nous  ;  son  organe  gagne  de  jour  en  jour  ;  dans  les 
notes  élevées  il  produit  parfois  des  effets  vraiment  surprenants.  La 
troupe  italienne  doit  donner  encore  Saffo  et  Don  Pasquale,  et  de  cette 
façon  elle  aura  rempli  son  programme.  —  Au  commencement  de  juin, 
l'opéra  tchèque  (Bohême)  de  Prague  doit  arriver  ici  pour  donner  une 
série  de  représentations. 


*%  Berlin.  —  L'académie  de  chant  se  propose  de  donner  une  fête 
comméinorative  en  l'honneur  de  Meyerbeer,  sous  la  direction  de  M. 
Grell.  —  Le  directeur  de  musique  Wieprecht  vient  d'arranger  une  marche 
funèbre  sur  des  motifs  tirés  des  œuvres  de  Meyerbeer. —  M.  Reymond 
et  le  directeur  de  musique  Truhn  se  sont  associés  pour  la  publication 
d'un  manuscrit  littéraire,  dédié  à  Meyerbeer,  sous  le  titre  de  «  Giacomo 
Meyerbeer,  considéré  comme  artiste  et  comme  homme.  » 

„■%.  Mayence.  —  Bazzini  a  donné  un  concert  dans  la  salle  de  la 
Liedertafel  ;  depuis  longtemps  les  plus  célèbres  virtuoses  n'ont  eu  chez 
nous  un  aussi  brillant  succès.  Après  avoir  tenu  sa  partie  dans  un  trio 
de  Beethoven  et  joué  une  sonate  de  Mozart  avec  un  art  consommé, 
Bazzini  nous  a  fait  entendre  quelques-unes  de  ses  propres  compositions, 
un  nocturne  et  un  scherzo,  qui  ont  été  salués  d'applaudissements  en- 
thousiastes. 

*%  Leipzig.  —  Les  conférences  des  directeurs  de  théâtres,  sous  la 
présidence  de  M.  de  Hiilsen,  ont  abouti  à  d'heureux  résultats.  Il  est 
question  de  la  création  d'une  école  de  théâtre  à  Berlin,  et  d'un  institut 
Meyerbeer,  qui  serait  fondé  dans  le  but  de  venir  en  aide  à  des  compo- 
siteurs allemands,  et  de  faire  exécuter  leur  œuvre. 


.tttq  Nous  annonçons  à  nos  lecteurs  le  projet  de  vente  d'un  des 
AVlo.  meilleurs  magasins  de  musique  fondé  depuis  environ  cin- 
quante ans  dans  une  de  nos  plus  grandes  villes  de  France.  C'est  même 
dans  ladite  ville  le  seul  établissement  spécial  de  ce  genre. — S'adresser, 
pour  les  renseignements,  au  bureau  de  la  Gazette  musicale. 


Le  Directeur  :   S.  DLFOUR. 


CHEZ   G.   BRANDUS   ET  S.  DUFOUR,   ÉDITEURS,    103,    RUE   DE  RICHELIEU,  AU 

Vient  de  paraître  : 


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N°  22. 


ON  S'ABONNE  : 

Dons  le»  Départements  et  û  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  MuGique,  1rs  Libraires, 

et  aux  Bureaux  des  Heesngerics  et  des  Postes. 


29  Mai  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.parai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    3Û  n       id. 

Élransor 3*  "       id- 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETT 


USICA 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Mendelssohn-Bartholdy  (1er  article),  par  Fétis  père.— Théâ- 
tre impérial  de  l'Opéra:  Guillaume  Tell,  dcSbut  de  Mme  Pascal  dans  le  rôle 
de  Mathilde.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  stances  à  la  mémoire 
d'Halévy .  —  Concours  d'orphéons  à  Lyon.  —  Manuel  des  principes  de  musique, 
de  M.  Fétis,  par  Maurice  Cristal.  -  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D. 
Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


IENDELSSOHN-BARTHOLDY. 


(Biographie  universelie  des  musiciens. 
(Premier  article.) 


Seconde  édition .  ) 


Ce  compositeur  célèbre,  fils  d'un  riche  banquier,  naquit  à 
Hambourg,  le  5  février  1809.  Il  n'était  âgé  que  de  trois  ans 
lorsque  sa  famille  alla  s'établir  à  Berlin.  Dans  ses  premières  an- 
nées Mendelssohn  montra  de  rares  dispositions  pour  la  musique. 
Confié  à  l'enseignement  de  Berger,  pour  le  piano,  et  de  Zelter,  pour 
l'harmonie  et  le  contre-point,  il  fit  de  si  rapides  progrès,  qu'à  l'âge 
de  huit  ans  il  était  capable  de  lire  toute  espèce  de  musique  à  pre- 
mière vue,  et  d'écrire  de  l'harmonie  correcte  sur  une  base  donnée. 
Une  si  belle  organisation  promettait  un  grand  artiste.  Le  travail  lui 
était  d'ailleurs  si  facile  en  toute  chose,  et  son  intelligence  était  si 
prompte,  qu'à  l'âge  de  seize  ans  il  avait  terminé  d'une  manière  bril- 
lante toutes  ses  études  littéraires  et  scientifiques  du  collège  et  de 
l'université.  Il  lisait  les  auteurs  latins  et  grecs  dans  leurs  langues  ; 
à  dix-sept  ans,  il  fit  une  traduction  en  vers  allemands  de  Y Andrientie 
de  Térence,  qui  fut  imprimée  à  Berlin  sous  les  initiales  F.  M.  B. 
Enfin,  les  langues  française,  anglaise  et  italienne  lui  étaient  aussi 
familières  que  celle  de  sa  patrie.  De  plus,  il  cultiva  aussi  avec  succès 
le  dessin  et  la  peinture,  et  s'en  occupa  avec  plaisir  jusqu'à  ses  der- 
niers jours.  Egalement  bien  disposé  pour  les  exercices  du  corps,  il 
maniait  un  cheval  avec  grâce,  était  habile  dans  l'escrime  et  passait 
pour  excellent  nageur.  Obligé  de  satisfaire  à  tant  d'occupations,  il 
ne  put  jamais  donner  à  l'étude  du  piano  le  temps  qu'y  consacrent 
les  virtuoses  de  profession  ;  mais  ses  mains  avaient  une  adresse  na- 
turelle si  remarquable,  qu'il  put  briller  par  son  habileté  partout  où 
il  se  fit  entendre.  Il  n'y  avait  pas  de  musique  de  piano  si  difficile 
qu'il  ne  pût  exécuter  correctement,  et  les  fugues  de  J.-S.  Bach  lui 


étaient  si  familières,  qu'il  les  jouait  toutes  dans  un  mouvement  ex- 
cessivement rapide.  Son  exécution  était  expressive  et  pleine  de  nuan- 
ces délicates.  Dans  un  séjour  qu'il  avait  fait  à  Paris  à  l'âge  de  seize 
ans,  il  avait  reçu  de  Mme  Bigot  des  conseils  qui  lui  furent  très-utiles 
pour  son  talent  de  pianiste;  jusqu'à  la  fin  de  sa  carrière,  il  con- 
serva pour  la  mémoire  de  cette  femme  remarquable  un  sentiment  de 
reconnaissance  et  d'affection. 

On  a  vu  ci-dessus  que  l'éducation  de  Mendelssohn  pour  la  com- 
position fut  confiée  à  Zelter,  qui  parle  de  son  élève  avec  un  véri- 
table attachement  dans  ses  lettres  à  Gœthe.  Le  jeune  artiste  resta 
longtemps  dans  son  école  ;  trop  longtemps  peut-être,  car  la  science 
roide  et  scolastique  du  maître  ne  paraît  pas  avoir  laissé  à  la  jeune 
imagination  de  l'élève  toute  la  liberté  qui  lui  aurait  été  nécessaire. 
En  1821,  Zelter  fit  avec  Mendelssohn  un  voyage  à  Weimar  etle  pré- 
senta à  Gœthe,  qui,  dit-on,  s'émut  en  écoutant  le  jeune  musicien-né. 
Déjà  il  jouait  en  maître  les  pièces  difficiles  de  Bach  et  les  grandes 
sonates  de  Beethoven.  Quoiqu'il  n'eût  point  encore  atteint  sa  treizième 
année,  il  improvisait,  sur  un  thème  donné,  de  manière  à  faire  naître 
l'étonnement.  Avant  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  avait  écrit  ses  trois  qua- 
tuors pour  piano,  violon,  alto  et  basse  ;  des  sonates  pour  piano 
seul  ;  sept  pièces  caractéristiques  pour  le  même  instrument  ;  douze 
Lieder  pour  voix  seule  avec  piano;  douze  chants  idem,  et  l'opéra  en 
deux  actes,  intitulé  :  les  Noces  de  Gamache,  qui  fut  représenté  à 
Berlin  quand  l'auteur  n'avait  que  seize  ans.  S'il  y  avait  peu  d'idées 
nouvelles  dans  ces  premières  œuvres,  on  y  remarquait  une  facture 
élégante,  du  goût,  et  plus  de  sagesse  dans  l'ordonnance  des  mor- 
ceaux qu'on  n'eût  pu  l'attendre  d'un  artiste  si  jeune.  Plus  heureux 
que  d'autres  enfants  prodiges,  à  cause  de  la  position  de  fortune  de 
ses  parents,  re  voyait  pas  son  talent  exploité  par  la  spéculation, 
et  toute  lits  lui  était  laissée  pour  le  développement  de  ses  facultés. 
Le  succès  es  Noces  de  Gamache  n'ayant  pas  répondu  aux  espé- 
rances det  amis  de  Mendelssohn,  il  retira  son  ouvrage  de  la  scène; 
mais  la  partition,  réduite  pour  le  piano,  fut  publiée. 

En  1829,  Mendelssohn  partit  de  Berlin  pour  voyager  en  France,  en 
Angleterre  et  en  Italie.  Je  le  trouvai  à  Londres  au  printemps  de 
cette  année,  et  j'entendis,  au  concert  de  la  Société  philharmonique, 
sa  première  symphonie  (en  ut  mineur).  Il  était  alors  âgé  de  vingt 
ans.  Son  Àtérieur  agréable,  la  culture  de  son  esprit  et  l'indépen- 
dance de  sa  position  le  firent  accueillir  avec  distinction,  et  commen- 


170 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cèrent  ses  succès,  dont  l'éclat  s'augmenta  à  chaque  voyage  qu'il  fit 
en  Angleterre.  Après  la  saison,  il  parcourut  l'Ecosse.  Les  impres- 
sions qu'il  éprouva  dans  cette  contrée  pittoresque  lui  inspirèrent  son 
ouverture  de  concert  connue  sous  le  litre  de  Fingalhœhlc  (la  Grotte 
de  Fincjal).  De  retour  sur  le  continent,  il  se  rendit  en  Italie  par 
Munich,  Salzbourg,  Linz  et  Vienne,  en  compagnie  de  Hildebrand,  de 
Hubner  et  de  Bendemann,  peintres  de  l'école  de  Dusseldorf.  Arrivé  à 
Rome,  le  2  novembre  1830,  il  y  trouva  Berlioz,  avec  qui  il  se  lia 
d'amitié.  Après  cinq  mois  de  séjour  dans  la  ville  éternelle,  qui  ne 
furent  pas  perdus  pour  ses  travaux,  il  partit  pour  Naples,  où  il  ar- 
riva le  10  avril  1831.  Il  y  passa  environ  deux  mois,  moins  occupé 
de  la  musique  italienne  que  de  la  beauté  du  ciel  et  de  ses  sites,  qui 
exercèrent  une  heureuse  influence  sur  son  imagination  ;  puis  il  re- 
vint par  Rome,  Florence,  Gênes,  Milan,  parcourut  la  Suisse,  et  revit 
Munich  au  mois  d'octobre  de  la  même  année.  Arrivé  à  Paris  vers  le 
milieu  de  décembre,  il  y  resta  jusqu'à  la  fin  de  mars  1832.  On  voit 
dans  ses  lettres  de  voyage  qu'il  n'était  plus  alors  le  jeune  homme 
modeste  et  candide  de  1829.  Il  se  fait  le  centre  de  la  localité  où  il 
se  trouve  et  se  pose  en  critique  peu  bienveillant  de  tout  ce  qui  l'en- 
toure. Parlant  d'une  des  soirées  de  musique  de  chambre  données 
par  Baillot,  à  laquelle  il  assista,  et  dans  laquelle  ce  grand  artiste 
avait  exécuté  le  quatuor  de  Mendelssohn  en  mi  majeur,  il  dit  :  Au 
commencement  on  joua  un  quintette  de  Boccherini,  une  perruque  ! 
(Den  Anfang  machte  ein  Quintett  von  Boccherini,  eine  Perruche!) 
11  ne  comprend  pas  que  sous  cette  perruque  il  y  a  plus  d'idées  ori  • 
finales  et  de  véritable  inspiration  qu'il  n'en  a  mis  dans  la  plupart 
de  ses  ouvrages. 

Mécontent,  sans  doute,  de  n'avoir  pas  produit  à  Paris,  par  ses 
compositions,  l'impression  qu'il  avait  espérée,  il  s'écrie,  en  quittant 
cette  ville  :  Paris  est  le  tombeau  de  toutes  les  réputations  (Paris  sei 
das  Grab  aller  Reputationem).  Le  souvenir  qu'il  en  avait  conservé  fut 
sans  aucun  doute,  la  cause  qui  lui  fit  prendre  la  résolution  de  ne 
retourner  jamais  dans  cette  grande  ville,  tandis  qu'il  fit  sept  longs 
séjours  en  Angleterre,  pendant  les  quinze  dernières  années  de  sa 
vie,  parce  qu'il  y  était  accueilli  avec  enthousiasme.  En  toute  occa- 
sion, il  ne  parlait  de  la  France  et  de  ses  habitants  qu'avec  amer- 
tume, et  affectait  un  ton  de  mépris  pour  le  goût  de  ceux-ci  en  mu- 
sique. 

Un  des  amis  de  Mendelssohn  ayant  été  nommé  membre  du  comité 
organisateur  de  la  fête  musicale  de  Dusseldorf,  en  1833,  le  fit  choisir 
pour  la  diriger,  quoiqu'il  n'eût  pas  encore  de  réputation  comme  chef 
d'orchestre  ;  mais  le  talent  dont  il  fit  preuve  en  cette  circonstance 
fut  si  remarquable,  que  la  place  de  directeur  de  musique  de  cette 
ville  lui  fut  offerte  :  il  ne  l'accepta  que  pour  le  terme  de  trois  an- 
nées, se  réservant  d'ailleurs  le  droit  de  l'abandonner  avant  la  fin,  si 
des  circonstances  imprévues  lui  faisaient  désirer  sa  retraite.  Ses 
fonctions  consistaient  à  diriger  la  Société  de  chant,  l'orchestre  des 
concerts  et  la  musique  dans  les  églises  catholiques,  nonobstant  son 
origine  judaïque.  C'est  de  cette  époque  que  date  la  liaison  de  Men- 
delssohn avec  le  poëte  Immermann,  beaucoup  plus  âgé  que  lui.  Des 
relations  de  ces  deux  hommes  si  distingués,  résulta  le  projet  d'écrire 
un  opéra  d'après  la  Tempête  de  Shakespeare.  Les  idées  poétiques 
ne  manquaient  pas  dans  le  travail  d'Immermann  ;  mais  ce  littérateur 
n'avait  aucune  notion  des  conditions  d'un  livret  d'opéra  ;  son  ou- 
vrage fut  entièrement  manqué  sous  ce  rapport.  Mendelssohn  jugea 
qu'il  était  impossible  de  le  rendre  musical,  et  le  projet  fut  aban- 
donné. Cependant  le  désir  de  donner  au  théâtre  de  Dusseldorf  une 
meilleure  organisation  détermina  les  deux  artistes  à  former  une  as- 
sociation par  actions  ;  les  actionnaires  nommèrent  un  comité  direc- 
teur qui  donna  au  poëte  Immermann  l'intendance  pour  le  drame,  et 
à  Mendelssohn  pour  l'opéra.  On  monta  Don  Juan  de  Mozart,  et  les 
Deux  Journées  de  Cherubini;  enfin,  Immermann  arrangea  pour  la 
scène  allemande  un  drame   de    Calderon,  pour  lequel  Mendelssohn 


composa  de  la  musique  qui  ne  fut  pas  goûtée  et   qui  n'a   pas  été 
connue . 

De  mauvais  choix  d'acteurs  et  de  chanteurs  avaient  été  faits,  car 
ces  deux  hommes,  dont  le  mérite,  chacun  en  leur  genre,  ne  pouvait 
être  contesté,  n'entendaient  rien  à  l'art  dramatique.  Des  critiques 
désagréables  furent  faites;  Mendelssohn,  dont  l'amour-propre  n'était 
pas  endurant,  sentit  qu'il  n'était  pas  à  sa  place,  et  donna  sa  dé- 
mission de  directeur  de  musique,  au  mois  de  juillet  1835.  Je 
l'avais  retrouvé,  en  1834,  à  Aix-la-Chapelle,  où  il  s'était  rendu  à 
l'occasion  des  fêtes  musicales  de  la  Pentecôte.  Une  sorte  de  rivalité 
s'était  établie  entre  lui  et  Ries,  parce  qu'ils  devaient  diriger  alterna- 
tivement ces  fêtes  des  villes  rhénanes.  Malheureusement,  il  n'y  avait 
pas  dans  cette  rivalité  les  égards  que  se  doivent  des  artistes  distin- 
gués. Mendelssohn  parlait  de  la  direction  de  son  émule  en  termes 
peu  polis  qui  furent  rapportés  à  celui-ci.  Ries  me  parla  alors  des 
chagrins  que  lui  causait  le  langage  inconvenant  de  son  jeune  rival. 

Mendelssohn  avait  écrit  à  Dusseldorf  la  plus  grande  partie  de  son 
Paulus,  oratorio  :  il  l'acheva,  en  1835,  à  Leipsick,  où  il  s'était  re- 
tiré, après  avoir  abandonné  sa  position.  Ayant  été  nommé  directeur 
des  concerts  de  la  Halle-aux-Draps  (Gewandhaus),  dans  la  même 
ville,  il  prit  possession  de  cet  emploi  le  4  octobre,  et  fut  accueilli, 
à  son  entrée  dans  l'orchestre,  par  les  acclamations  de  la  foule  qui 
remplissait  la  salle.  Dès  lors,  la  musique  prit  un  nouvel  essor  à 
Leipsick,  et  l'heureuse  influence  de  Mendelssohn  s'y  fit  sentir  non- 
seulement  dans  les  concerts,  mais  dans  les  sociétés  de  chant  et  dans 
la  musique  de  chambre.  Lui-même  se  faisait  souvent  entendre  comme 
virtuose  sur  le  piano.  Par  reconnaissance  pour  la  situation  florissante 
où  l'art  était  parvenu,  grâce  à  ses  soins,  dans  cette  ville  importante 
de  la  Saxe,  l'université  lui  conféra  le  grade  de  docteur  en  philoso- 
phie et  beaux-arts,  en  1836,  et  le  roi  de  Saxe  le  nomma  son  maître 
de  chapelle  honoraire.  En  1837 ,  Mendelssohn  épousa  la  fille  d'un 
pasteur  réformé  de  Francfort-sur-le-Msin ,  femme  aimable  dont  la 
bonté,  l'esprit  et  la  grâce  firent  le  bonheur  de  sa  vie. 

Appelé  à  Berlin  en  qualité  de  directeur  général  de  la  musique  du 
roi  de  Prusse,  il  alla  s'y  établir  et  y  écrivit  pour  le  service  de  la 
cour  la  musique  intercalée  dans  les  tragédies  antiques  l'Antigone, 
VOEdipe  roi,  ainsi  que  dans  Athalie.  Ce  fut  aussi  à  Berlin  qu'il  com- 
posa les  morceaux  introduits  dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été  de  Sha- 
kespeare, dont  il  avait  écrit  l'ouverture  environ  dix  ans  auparavant. 
Cependant  les  honneurs  et  la  faveur  dont  il  jouissait  près  du  roi  ne 
purent  le  décider  à  se  fixer  dans  la  capitale  de  la  Prusse,  parce 
qu'il  n'y  trouvait  pas  la  sympathie  qu'avaient  pour  lui  les  habitants 
de  Leipsick.  Berlin  a  toujours,  en  effet,  montré  peu  de  goût  pour 
la  musique  de  Mendelssohn.  Nul  doute  que  ce  fut  ce  motif  qui  le 
décida  à  retourner  à  Leipsick,  où,  à  l'exception  de  quelques  voyages 
à  Londres  ou  dans  les  villes  de  provinces  rhénanes,  il  se  fixa  pour 
le  reste  de  ses  jours.  Les  époques  de  ses  séjours  en  Angleterre  fu- 
rent 1832,  1833,  1840,  1842,  1844,  1846,  où  il  ût  entendre  pour 
la  première  fois  son  Elie,  au  festival  de  Birmingham,  et,  enfin,  au 
mois  d'avril  1847.  Cette  fois,  il  ne  resta  à  Londres  que  peu  de  jours, 
car  il  était  de  retour  à  Leipsick  à  la  fin  du  même  mois.  Il  avait 
formé  le  projet  de  passer  l'été  à  Vevay  ;  mais  au  moment  où  il  ve- 
nait d'arriver  à  Francfort  pour  y  retrouver  sa  femme  et  ses  enfants, 
il  reçut  la  nouvelle  de  la  mort  de  Mme  Hansel,  sa  sœur  bien-aimée. 
Celte  perte  cruelle  le  frappa  d'une  vive  douleur.  Mme  Mendelssohn, 
dans  l'espoir  de  le  distraire  par  les  souvenirs  de  sa  jeunesse,  l'en- 
gagea à  parcourir  la  Suisse  :  il  s'y  laissa  conduire  et  s'arrêta  d'abord 
à  Baden,  puis  à  Laufen,  et,  enfin,  à  Interlaken,  où  il  resta  jusqu'au 
commencement  de  septembre.  Peu  de  jours  avant  son  départ,  il  im- 
provisa sur  l'orgue  d'une  petite  église  de  village,  sur  les  bords  du 
lac  de  Brienz  :  ce  fut  la  dernière  fois  qu'il  se  fit  entendre  sur  un 
instrument  de  cette  espèce.  Peu  d'amis  se  trouvaient  réunis  dans 
l'église  :  tous  furent  frappés  de  l'élévation  de  ses  idées,  qui  sem- 


DE  PARIS. 


171 


blaient  lui  dicter  un  chant  de  mort.  Il  avait  eu  le  dessein  d'aller  à 
Fribourg  pour  connaître  l'orgue  construit  par  Moser  ;  mais  le  mau- 
vais temps  l'en  empêcha.  L'hiver  arrive,  dit-il  à  ses  amis;  il  est 
temps  de  retourner  à  nos  foyers. 

Arrivé  à  Leipsick,  il  reprit  ses  occupations  ordinaires.  Bien  que 
l'aménité  de  son  caractère  ne  se  démentit  pas  avec  sa  famille  et  ses 
amis,  on  apercevait  en  lui  un  penchant  à  la  mélancolie  qu'on  ne  lui 
connaissait  pas  autrefois.  Le  9  octobre,  il  accompagnait  quelques 
morceaux  de  son  Elie  chez  un  ami,  lorsque  le  sang  se  porta  tout  à 
coup  avec  violence  à  sa  tête  et  lui  fit  perdre  connaissance  ;  on  fut 
obligé  de  la  transporter  chez  lui.  Le  médecin,  qu'on  s'était  empressé 
d'aller  chercher,  n'hésita  pas  à  faire  usage  des  moyens  les  plus 
énergiques  dont  l'heureux  effet  fut  immédiat.  Rétablijdans  un  état 
de  santé  satisfaisant,  du  moins  en  apparence,  vers  la  fin  du  mois, 
Mendelssohn  reprit  ses  promenades  habituelles  ,  soit  à  pied,  soit  à 
cheval  ;  il  espérait  même  être  bientôt  assez  fort  pour  se  rendre  à 
Vienne,  pour  y  diriger  l'exécution  de  son  dernier  oratorio,  et  il  s'en 
réjouissait;  mais  le  28  du  même  mois,  après  avoir  fait  une  prome- 
nade avec  sa  femme  et  dîné  de  bon  appétit,  il  subit  une  seconde 
attaque  de  son  mal,  et  le  médecin  déclara  qu'il  était  frappé  d'une 
apoplexie  nerveuse  et  que  le  danger  était  imminent.  Les  soins  qui 
lui  furent  prodigués  lui  rendirent  la  connaissance.  Il  eut  des  moments 
de  calme  et  dormit  d'un  sommeil  tranquille;  mais,  le  3  novembre, 
l'attaque  d'apoplexie  se  renouvela,  et  dès  ce  moment  il  ne  reconnut 
plus  personne.  Entouré  de  sa  famille  et  de  ses  amis,  il  expira  le 
lendemain,  h  novembre  1847,  à  9  heures  du  soir,  avant  d'avoir  ac- 
compli sa  trente-neuvième  année.  On  lui  fit  des  obsèques  somptueu- 
ses, auxquelles  prit  part  toute  la  population  de  Leipsick,  en  témoi- 
gnage du  sentiment  douloureux  inspiré  par  la  mort  prématurée  d'un 
artiste  si  remarquable.  L'Allemagne  tout  entière  fut  émue  de  ce 
triste  événement. 

FÉTIS  père. 
(La  suite  prochainement.) 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

Guillaume  Tell.—  Début  de  lime  Pascal  dans  le  rôle 
de  Matbilde. 

La  débutante,  Mme  Pascal,  chantait  dans  ces  derniers  temps,  et 
avec  beaucoup  de  succès,  à  Versailles.  Elle  n'avait  qu'un  pas  à  faire 
pour  venir  à  Paris,  et  elle  y  est  venue.  C'est  une  femme  très-jolie, 
mais  jolie  avec  un  peu  trop  d'ampleur  ot  de  rondeur.  Au  premier 
coup  d'œil,  nous  avons  trouvé  qu'elle  rappelait  Mme  Tedesco  pour 
la  taille  et  la  physionomie,  sinon  pour  la  voix;  car  Mme  Pascal  est 
un  soprano  de  qualité  bien  franche,  de  timbre  bien  net,  auquel  no 
manquent  ni  l'agilité  ni  le  brio.  La  romance  et  le  duo  du  second  acte 
ont  mis  suffisamment  en  relief  ses  mérites  principaux.  Si  le  finale  du 
troisième  acte  lui  a  été  moins  favorable,  il  faut  en  rejeter  la  faute 
sur  les  difficultés  du  morceau,  non  moins  que  sur  l'émotion  de  l'ar- 
tiste. Mais,  émotion  à  part,  Mme  Pascal  est-elle  destinée  par  la  nature 
à  tenir  une  des  premières  places  de  notre  scène  lyrique?  A  dire  le 
vrai,  nous  ne  voyons  en  elly  qu'une  Boschetti  chantante,  et  nous 
craignons  les  inconvénients  d'un  embonpoint  qui  n'a  que  trop  de 
chances  d'augmenter  :  les  exemples  l'attestent  !  Chaque  genre  a  ses 
conditions,  ses  lois  ,  et  ce  n'est  pas  à  l'Opéra  que  l'on  doit  recher- 
cher avant  tout  les  santés  par  trop  Qorissanles.  Du  reste,  nous  ne 
demandons  pas  mieux  que  d'attendre  une  seconde  épreuve,  et  peut- 
être  Mme  Pascal  ne  sera-t-elle  pas  fâchée  non  plus  de  déposer  la 
lourde  robe  de  velours  dont  Mathilde  a  toujours  été  affublée,  pro- 
bablement comme  princesse  destinée  au  gouvernement  \de  la  Suisse, 
c'est  ainsi  que  le  livret  la  qualiûe  ;  sous  un  autre  costume,  on  ju- 
gera peut-être  mieux  son  avenir. 


Villaret  a  reparu  dans  le  rôle  d'Arnold,  et  sa  belle  voix  s'y  est 
déployée  avec  tous  ses  avantages.  C'est  surtout  dans  le  duo  avec  Ma- 
thilde et  dans  le  trio  suivant  qu'il  a  obtenu  un  succès  légitime.  Il 
ne  lui  faudrait  qu'un  peu  plus  de  chaleur  dans  le  second  mouve- 
ment de  l'air  fameux  :  Asile  héréditaire,  pour  y  mériter  un  triomphe 
complet. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPËRA-COMIQUE. 

Stances  A  la  mémoire  d'Halévy. 

La  reprise  de  l'Eclair  a  fourni  l'occasion  d'un  touchant  hommage 
à  la  mémoire  d'un  grand  artiste  dont  la  mort  est  encore  récente. 
Cette  fois,  on  a  voulu  fêter  le  jour  de  sa  naissance,  et  vendredi  27 
mai,  avant  la  représentation  de  l'un  de  ses  chefs-d'œuvre,  trois  in- 
terprètes choisis,  MM.  Couderc,  Ponchard  et  Mlle  Révilly,  sont  venus 
dire  de  belles  stances  composées  par  M.  Léon  Halévy,  le  poëte, 
frère  de  l'illustre  compositeur. 


Premiers  combats,  luttes  sans  trêve, 
0  maître  aimé,  tu  les  connus  ! 


Mais  l'heure  sonne,  où  tout  s'oublie  !. . . 
Je  vous  évoque,  ô  vous  qu'anima  son  génie  ! 
Le  marbre,  le  pinceau,  donnent  aussi  le  jour, 
Mais  moins  que  toi,  sainte  harmonie, 
Qui  des  sons  fais  sortir  la  lumière,  la  vie, 
La  joie  et  la  douleur,  l'espérance  et  l'amour  ! 

Lionel,  accours  au  plus  vite; 

Du  soleil  voici  les  rayons  I 

Viens  effeuiller  la  marguerite, 

Rose  de  mai,  nous  t'appelons  ! . . . 

Et  ainsi  tour  à  tour  étaient  appelés  tous  les  héros,  toutes  les  héroï- 
nes que  le  génie  d'Halévy  a  dotés  d'une  popularité  mélodieuse  : 
la  Fée  aux  roses,  les  Mousquetaires,  Eléasar,  Rachel,  Catarina 
Odette,  et  tant  d'autres  dont  les  noms  défilaient  sur  un  accompagne- 
ment d'orchestre,  dans  lequel  M.  Jules  Cohen,  l'un  des  meilleurs 
élèves  du  maitre,  avait  enchâssé  avec  beaucoup  d'art  et  de  talent 
les  plus  saillants  motifs  de  ses  opéras. 

L'hommage  du  frère  et  de  l'élève  a  été  fort  bien  reçu  par  le  pu- 
blic. La  salle  était  comble,  et  la  recette  a  dépassé  le  chiffre  des  plus 
riches  soirées. 


CONCOURS  D'ORPHÉON  A  LYON. 

Deux  mots  seulement  sur  cette  solennité  exceptionnelle,  unique  en 
son  genre,  dans  laquelle,  grâce  à  l'intelligente  initiative  de  M.  Gui- 
mest  fils,  l'industrie  vient  de  contracter  avec  l'art  une  si  noble 
alliance.  Deux  cent  cinquante  sociétés  orphéoniques  avaient  répondu 
à  l'appel,  et  il  n'a  pas  fallu  moins  de  vingt  locaux  préparés  à  l'a- 
vance pour  recevoir  autant  de  jurys  qui  comptaient  parmi  leurs  mem- 
bres MM.  Clapisson,  Bazin,  Duprez,  Boïeldieu,  Victor  Massé,  Georges 
Hainl,  Edouard  Wolff,  Arban,  Paulus,  Elwart,  etc.  Au  premier  rang 
des  sociétés  qui  se  sont  distinguées,  on  cite  la  Chorale  forésienne, 
de  Saint-Etienne,  dirigée  par  M.  Dard,  et  l'Avenir,  de  Marseille,  di- 
rigé par  M.  Bertot  ;  les  Enfants  de  la  Loire,  de  Saint-Etienne,  se 
sont  signalés  dans  le  concours  d'harmonie.  L'aspect  de  la  place  Bel- 
lecour  était  admirable  :  on  y  comptait  plus  de  cent  mille  personnes, 
devant  lesquelles  on  a  exécuté  des  chœurs  et  des  morceaux  d'har- 
monie, accueillis  par  des  bravos  sans  fin.  Jusqu'ici  l'Orphéon  n'avait 
pas  eu  de  solennité  plus  grande.  L'exemple  est  bon  à  suivre,  et  il 

sera  suivi. 

P.  S. 


172 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


MMÏÏEL  DES  PRINCIPES  DE  MUSIQUE 

Par  M.  Fétis. 

(Deuxième   édition.) 

Dans  la  multitude  des  travaux  si  nombreux  et  si  divers  qui  ont 
occupé  notre  illustre  collaborateur,  M.  Fétis  père,  son  œuvre  spé- 
cialement didactique  embrasse  toutes  les  branches  de  l'art.  C'est  lui 
qui  a  publié  le  Traité  d'harmonie  et  de  composition  de  Beethoven, 
en  l'accompagnant  d'une  annotation  critique  qui  rend  le  travail  du 
maître  accessible  etproûtable  au  compositeur  le  plus  jeune  et  le  moins 
érudit  ;  c'est  lui  qui  a  écrit  la  savante  Esquisse  de  l'histoire  de  l'har- 
monie, considérée  comme  art  et  comme  science  systématique,  et  le 
Traité  complet  de  la  théorie  et  de  la  pratique  de  l'harmonie,  suivi  du 
Traité  du  contre-point  et  de  la  fugue,  dont  l'apparition  produisit  une 
si  vive  sensation  en  France  et  à  l'étranger. 

Là  ne  s'arrête  pas  l'œuvre  didactique  de  M.  Fétis.  Dès  son  avène- 
ment à  la  direction  du  Conservatoire  de:  Bruxelles,  il  ne  négligea  rien 
pour  la  prospérité  de  l'école  qui  lui  était  confiée.  Grâce  à  son  admi- 
nistration active,  clairvoyante,  créatrice,  cette  école,  qui  depuis  plus 
de  trente  ans  est  entre  ses  mains,  jouit  d'une  réputation  universelle. 
Elle  a  formé  un  nombre  considérable  d'élèves  distingués  de  tous 
genres,  et  elle  exerce  la  plus  heureuse  influence  sur  l'esprit  de  l'art 
et  sur  les  progrès  de  l'éducation  musicale.  Outre  cette  administration, 
M.  Fétis  a  dû  faire  constamment  un  cours  de  composition,  diriger 
les  études  d'orchestre  et  les  répétitions  de  concert.  C'est  encore  à 
lui  qu'on  doit  une  Méthode  des  méthodes  de  piano,  analyse  des  meil- 
leurs ouvrages  publiés  sur  l'art  de  jouer  de  cet  instrument,  et  une 
méthode  des  méthodes  de  chant  calquée  sur  le  même  système,  des 
solfèges,  etc.  ;  un  Traité  de  chant  en  chœur;  un  Manuel  des  jeunes 
compositeurs,  directeurs  de  musique  et  chefs  d'orchestre;  la  Musique 
mise  à  la  portée  de  tout  le  monde,  que  la  contrefaçon  a  répandue 
partout,  et  enGn  son  Manuel  des  principes  de  musique,  dont  la  se- 
conde édition  vient  de  paraître  et  sur  lequel  nous  appelons  une  at- 
tention toute  particulière,  parce  que  nous  sommes  convaincu  que  ce 
livre  peut  rendre  d'innombrables  services  à  l'éducation,  et  que,  dans 
sa  spécialité,  le  mérite  en  sera  difficilement  égalé. 

Cet  ouvrage  est,  d'après  l'aveu  de  M.  Fétis  —  et  nous  sommes 
tout  porté  à  l'en  croire  sur  parole  —  celui  qui  lui  a  coûté  le  plus 
de  méditation  et  de  travail.  C'est  que  rien  n'est  plus  périlleux  que 
de  s'engager  à  exposer  les  éléments  de  la  science  musicale.  Les 
ignorants  et  les  maladroits  s'aventurent  avec  audace  à  travers  ces 
difficultés  excessives,  et  c'est  ainsi  que  l'œuvre  reste  toujours  à  re- 
commencer, et  que  s'accumulent  tous  ces  ouvrages  imparfaits  et 
plutôt  nuisibles  qu'instructifs  dont  sont  encombrés  les  catalogues  des 
éditeurs  que  ne  guident  pas  le  sentiment  de  l'art  et  la  saine  intelli- 
gence des  besoins  de  l'éducation. 

Dans  l'enseignement  élémentaire,  deux  méthodes  sont  en  présence  : 
l'une  emploie  la  forme  d'exposition,  l'autre  la  forme  dialoguée. 
Chacune  de  ces  méthodes  a  ses  défauts  et  ses  qualités.  M.  Fétis  a 
trop  d'expérience,  il  a  trop  vu  à  l'œuvre  toutes  les  pratiques  de  l'en- 
seignement pour  ne  pas  apercevoir  les  vices  des  sysièmes,  et  ce  qu'un 
adroit  professeur  peut  tirer  d'avantage  de  leur  emploi  habile.  En 
conséquence,  dans  son  manuel,  il  a  réuni  les  deux  méthodes  d'ex- 
position et  de  dialogue,  et  il  a  utilisé  ce  qu'elles  présentent  de  profi- 
table en  même  temps  qu'il  en  a  évité  les  inconvénients.  Dans  la  mé- 
thode d'exposition,  c'est  le  maître  qui  parle;  dans  la  forme  dialoguée, 
c'est  l'élève  qui  rend  compte  de  ce  qu'il  a  appris,  et  il  est  logique  que 
ce  dialogue  suive  l'instruction.  C'est  cette  distribution  qu'a  suivie  M.  Fé- 
tis; il  s'est  astreint  à  employer,  au  commencement  de  chaque  chapitre 
et  sur  chaque  matière,  la  forme  de  l'exposition,  et  à  faire  suivre 
cette  instruction  d'un  dialogue  qui  en  est  le  résumé  et  comme  la 
mise  en  relief.  Le  manuel    se  présente  donc  tour   à  tour  sous  ces 


deux  aspects.  Les  deux  méthodes  réunies  forment  un  enseignement 
double,  mais  qui  se  divise  continuellement  et  dont  chaque  division 
reste  parfaitement  distincte,  de  telle  sorte  qu'on  peut  suivre  à  vo- 
lonté soit  la  méthode  d'exposition,  ?oit  la  méthode  dialoguée,  soit 
les  deux  méthodes  simultanées. 

Cette  double  forme  a  obligé  M.  Fétis  à  faire  son  manuel  plus 
étendu  que  s'il  n'en  avait  employé  qu'une  seule  ;  mais  son  livre  est 
resté  aussi  concis  que  possible,  et  cette  concision  est  la  première  qua- 
lité qui  le  recommande.  L'esthétique  la  plus  expérimentée,  la  logique 
la  plus  sage  y  coordonnent  les  faits  dans  l'ordre  le  plus  rationnel,  en 
déduisent  les  principes  généraux,  et  les  exposent  dans  un  langage  où 
la  simplicité  et  la  clarté  s'allient  à  l'exactitude  et  à  la  précision. 
L'auteur,  on  le  sent,  a  contrôlé  toutes  les  définitions  admises  par  les 
errements  d'une  tradilion  mauvaise  ou  fourvoyée,  et  ses  définitions  à 
lui,  tout  empreintes  du  sentiment  philosophique  le  plus  élevé,  sem- 
blent porter  dans  leur  flanc  l'ensemble  de  l'enseignement  musical, 
tel  que  l'auteur  l'a  mis  en  lumière  dans  ses  autres  ouvrages  didac- 
tiques, que  l'élève  pourra  parcourir  au  sortir  de  cette  initiation  à 
l'art  qu'il  vient  d'aborder.  Il  me  paraît,  en  effet,  que  ce  manuel,  tel 
qu'il  est,  n'a  pu  être  composé  que  par  le  philosophe  qui  a  écrit  et  la 
la  Bibliographie  universelle  des  musiciens,  et  les  traités  d'harmonie,  de 
contre-point  et  de  fugue,  dont  a  été  si  fort  émerveillé  le  monde  mu- 
sical. Quand  je  l'ai  lu,  ces  jours-ci,  dès  sa  publication,  il  m'a  semblé 
que  ja  ne  m'éloignais  pas  des  ouvrages  de  haute  science  que  je 
viens  de  citer,  et,  que  du  faîte  d'un  grandiose  et  splendide  édifice, 
je  descendais  au  péristyle  qui  en  facilite  l'entrée. 

Aussi  je  n'hésite  pas  à  le  dire,  de  tous  les  livres  élémentaires  qui 
ont  été  écrits  sur  la  musique,  le  manuel  de  M.  Fétis  est  —  j'in- 
siste ici  sur  chaque  mot  —  le  mieux  pensé  et  le  plus  logique,  le 
mieux  écrit  et  le  plus  lucide,  le  plus  concis  et  le  plus  complet,  le 
plus  prévoyant  et  le  plus  utile  que  nous  connaissions.  Il  a  triomphé 
des  mille  difficultés  qui  rendent  presque  impossible  le  succès  de  ce 
genre  d'ouvragos.  C'est  l'opinion  de  professeurs  de  grand  mérite 
qu'avait  enthousiasmés  la  publication  de  la  première  édition,  et  que 
satisfera  bien  plus  cette  seconde  édition  soigneusement  revue  et  per- 
fectionnée. 

11  est  d'ailleurs  à  la  hauteur  des  autres  ouvrages  du  même  auteur; 
il  complète  et  rehausse  le  cycle  didactique  de  M.  Fétis.  L'élève  qui 
aura  appris  les  éléments  de  l'art  dans  le  manuel  que  nous  préconisons 
avec  sincérité,  y  puisera  une  instruction  féconde  qu'il  développera 
dans  tous  ses  détails  techniques. 

Je  signale  donc  le  Manuel  des  principes  de  musique  aux  professeurs  de 
toutes  les  écoles  de  musique,  et  particulièrement  des  écoles  primaires 
pour  qui  l'auteur  l'a  spécialement  composé.  Je  le  signale  aux  direc- 
teurs d'orphéons.  Les  orphéonistes,  les  ouvriers,  les  hommes  du 
monde,  tous  ceux  qui  veulent,  sans  secours  de  professeurs,  apprendre 
la  musique,  peuvent  avec  ce  manuel  si  court,  si  clair,  si  peu  coû- 
teux, s'instruire  sans  fatigue  ni  grand  travail.  Je  le  signale  surtout 
aux  mères  qui  s'occupent  de  l'éducation  musicale  de  leurs  enfants. 
Gœthe  l'a  dit  plusieurs  fois,  à  propos  de  la  musique  :  toute  l'é- 
ducation est  facile,  mais  il  faut  qu'elle  soit  dirigée  par  des  maîtres 
qui  soient  à  la  fois  savants,  artistes  et  paternels.  Toutes  ces  qualités 
se  trouvent  dans  l'œuvre  didactique  de  M.  Fétis,  et  surtout  dans 
son  Manuel  des  principes  de  la  musique,  qui,  à  ce  point  de  vue,  est 
un  véritable  chef-d'œuvre. 

Maurice  CRISTAL. 


Nous  extrayons  du  Moniteur  des  fragments  d'une   notice    intéres- 
sante qu'il  vient  de  publier  sur  la  fabrication  des  pianos  en  France: 

«  Au   commencement  du  xvme  siècle,    un   facteur   de   clavecins  à 
Taris,  nommé  Maiïus,  présenta  à  l'examen  de  l'Académie  royale  des 


DE  PARIS. 


173 


sciences  les  plans  de  deux  instruments  horizontaux  qu'il  appelait  cla- 
vecins à  maillets;  c'est  de  ces  grossiers  clavecins  à  maillets  que  dérivent 
les  pianos. 

»  Depuis  trente  ans,  la  fabrication  des  pianos  a  augmenté  dans  des 
proportions  énormes;  mais,  sous  le  rapport  commercial,  l'Angleterre, 
jusqu'en  1851 ,  n'avait  été  égalée  par  aucune  autre  nation  ;  elle  ne  fa- 
briquait pas  moins  de  vingt  mille  pianos  droits,  environ,  qui,  expédiés 
dans  toutes  les  parties  du  monde,  produisaient  près  de  24  millions  de 
francs;  la  France  n'en  produisait  que  pour  8  millions. 

»  Mais,  depuis  l'Exposition  de  1851,  où  les  piano  français  l'ont  em- 
porté si  victorieusement  sur  les  produits  des  autres  pays,  non-seule- 
ment le  commerce  des  pianos  fabriqués  s'est  accru  dans  des  propor- 
tions énormes,  mais  encore  comme  perfection  des  instruments  et 
comme  qualité  de  son;  leur  supériorité  est  attestée  par  des  récompenses 
accordées  à  notre  industrie  à  toutes  les  Expositions  universelles. 

»  Il  est  certain  que  la  quantité  des  produits  fabriqués  en  France 
tend  encore  à  augmenter.  Pendant  que  les  anciennes  maisons  grandis- 
sent, de  nouvelles  manufactures  sont  fondées  ;  il  y  a  quelques  jours 
encore,  les  journaux  annonçaient  la  création  de  la  maison  Philippe- 
Henri  Herz  neveu  et  Ce  et  l'inauguration  de  ses  magnifiques  salons  de 
la  rue  Scribe,  n°  7  ;  et  les  maîtres  de  l'art  ont  proclamé  la  beauté,  la 
puissance,  l'éclat  de  ses  produits;  indépendamment  de  la  forme  parti- 
culière des  instruments,  le  jeune  fondateur  de  cette  maison  a  adopté 
un  système  de  barrage  nouveau,  et  il  est  parvenu  aussi,  avec  la  col- 
laboration d'un  contre-maître  éminent  et  bien  connu  dans  la  facture, 
M.  Marcus  Knust,  à  la  solution  de  ce  problème  d'acoustique  si  long- 
temps et  toujours  en  vain  cherché  :  la  suppression  dans  les  pianos  dits 
à  queue  de  la  vibration  de  la  septième  dans  les  notes  graves,  vibration 
qui  produisait  une  dissonance  désagréable  pour  l'oreille. 

»  Ainsi,  les  progrès  sont  incessants  dans  cette  industrie,  les  efforts 
ne  se  ralentissent  pas,  et  chaque  jour  est  marqué  par  un  pas  nouveau 
fait  en  avant. 


REVUE  DES  TEÊÂTRES. 

Théatrr-Français  :  reprise  du  Gendre  de  M.  Poirier,  comédie  en 
quatre  actes,  par  MM.  Emile  Augier  et  Jules  Sandeau.  —  Variétés  : 
les  Coiffeurs,  vaudeville  en  trois  actes,  par  MM.  Eug.  Grange  et 
Elie  Sauvage.  —  Palais-Royal  :  la  Maison  rouge,  comédie-vaude- 
ville de  M.  Ch.  Newil.  —  Porte-Saint-Martin  :  la  Nonne  san- 
glante, drame  de  MM.  Anicet-Bourgeois  et  Maillan.  —  Ambigu  :  re- 
prise de  la  Prière  des  naufragés,  drame  de  MM.  Dennery  et  F. 
Dugué.  —  Gaité  :  reprise  de  Paris  la  nuit,  drame  de  MM.  Du- 
peuty  et  Cormon. 

Autrefois,  à  cette  époque  de  l'année,  les  théâtres  mettaient  toutes 
voiles  dehors,  et  acceptaient  bravement  la  lutte  contre  l'influence 
hostile  du  soleil  ;  il  y  avait  chez  eux  un  redoublement  d'énergie  qui 
se  traduisait  par  un  déluge  de  nouveautés  et  par  des  merveilles 
de  mise  en  scène.  Il  n'en  est  plus  ainsi  maintenant;  à  l'approche  de 
la  saison  chaude,  MM.  les  directeurs  s'endorment  du  sommeil  du 
juste,  pour  ne  se  réveiller  qu'en  septembre.  Plus  de  pièces  nou- 
velles, plus  de  comédiens  en  renom.  A  quoi  bon?  Paris  est  sur  les 
grands  chemins,  et  pour  la  province  qui  vient  à  Paris,  n'y  a-t-il  pas 
la  ressource  des  reprises  ?  C'est  toujours  assez  bon  pour  elle,  et  la 
preuve  c'est  qu'elle  ne  proteste  pas. 

A  son  exemple,  résignons-nous,  et,  puisqu'il  le  faut,  enregistrons 
les  faits  et  gestes  du  théâtre  rétrospectif.  Quatre  reprises  pour  deux 
nouveautés,  dont  une  un  peu  rancie  déjà,  tel  est  notre  bilan. 

Ce  fut  il  y  a  dix  ans  que  le  Gendre  de  M.  Poirier  fit  sa  première 
apparition  au  Gymnase,  sous  le  patronage  de  deux  futurs  académi- 
ciens qui  avaient  éprouvé  le  besoin  de  donner  un  pendant  à  l'Ecole 
des  bourgeois,  de  d'Allainval.  Dans  l'une  et  l'autre  de  ces  deux  co- 
médies, il  s'agissait  de  mésalliance;  seulement  la  leçon  n'était  pas 
la  même.  Voyez  la  bizarrerie  :  au  siècle  dernier,  quand  l'aristocratie 
tenait  le  haut  du  pavé,  c'élait  le  grand  seigneur  qu'on  bernait  fina- 
lement au  profit  des  bourgeois  ;  en  l'an  de  grâce  1854,  au  contraire, 
sous  le  règne  de  la  bourgeoisie,  c'était  le  gentilhomme  qui  avait  les 
honneurs  de  la  guerre.  Ce  qui  prouve  qu'en  toute  occasion,  et  sous 
tous  les  régimes,  la  raison  du  plus  fort  n'a  pas  été  la  meilleure. .. 


au  théâtre.  Le  Gendre  de  M.  Poirier,  transplanté  à  la  Comédie 
française,  n'a  pas  été  moins  goûté  qu'au  Gymnase.  Il  est  vrai  que 
l'élément  Gymnase  s'y  retrouve  dans  la  personne  de  Bressant  et 
dans  celle  de  Lafonlaine,  qui  n'ont  point  créé  leurs  rôles,  mais  qui 
les  jouent  presque  aussi  bien  que  Berton  et  Dupuis.  Ajoutez  à  cela 
Provost,  qui  est  bien  le  plus  parfait  de  tous  les  bourgeois  passés, 
présents  ou  futurs,  et  Mlle  Favart ,  dont  la  distinction,  simple  et 
touchante,  n'est  pas  trop  écrasée  par  le  souvenir  de  Mme  Rose 
Chéri. 

— Toutes  les  corporations  sont,  à  ce  qu'il  paraît,  destinées  à  défiler 
les  unes  après  les  autres  sur  les  planches  des  Variétés.  Nous  avons 
vu  les  Médecins,  puis  les  Domestiques,  puis  les  Portiers,  et  voici 
venir  messieurs  les  Coiffeurs.  En  réalité,  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui 
que  cette  intéressante  classe  des  artistes  capillaires  a  pris  rang 
parmi  les  types  comiques.  Depuis  Figaro,  le  célèbre  barbier  de 
Beaumarchais  et  de  Rossini,  jusqu'à  Léonard,  le  coiffeur  historique 
de  Marie-Antoine Ite,  dont  Bouffé  a  un  jour  emprunté  les  traits,  com- 
bien n'avons-nous  pas  compté  de  ces  industriels  charmants  dans  nos 
vaudevilles,  voire  même  dans  nos  drames'  Les  auteurs  delà  pièce 
nouvelle  des  Variétés  ont  eu  la  prétention  de  les  réunir  dans  un 
cadre  général,  dans  une  étude  complète,  et  ils  n'y  ont  qu'à  moitié 
réussi.  Les  salons  du  coiffeur  Marius,  où  se  succèdent  tous  les  gen- 
res connus  de  pratiques  singulières,  sont  cependant  d'une  ressem- 
blance assez  bien  saisie.  Mais  les  coiffeurs  de  théâtre  ne  sont  pas  aussi 
favorablement  traités  que  leurs  confrères  du  monde.  L'imbroglio 
inextricable  auquel  ils  servent  de  prétexte  est  de  nature  à  les  com- 
promettre sérieusement.  Par  bonheur,  toutes  les  nuances  fondues 
dans  le  bal  de  coiffeurs  où  se  dénoue  l'intrigue  de  ce  vaudeville 
composent  un  tableau  dont  l'effet  est  suffisant  pour  renvoyer  le 
spectateur  à  peu  près  content.  Avant  la  représentation  des  Coiffeurs, 
on  avait  parlé  d'une  cabale;  mais  le  temps  des  Calicots  est  passé, 
et  ce  nouveau  Combat  des  montagnes  en  est  réduit  à  regretter  peut- 
être  le  calme  dont  on  l'a  laissé  jouir. 

—  Un  joyeux  petit  vaudeville ,  intitulé  la  Maison  rouge,  s'est 
glissé  au  Palais-Royal,  dans  une  représentation  de  dimanche,  et 
sert  aujourd'hui  de  lever  de  rideau  à  la  Cagnotte.  C'est  ce  qu'on  ap- 
pelle, en  termes  d'atelier,  une  scie  montée  par  des  artistes,  qui  se 
font  passer  pour  des  voleurs  ,  dans  le  but  de  dégoûter  une  famille 
de  bons  bourgeois  de  la  location  d'une  maison  de  campagne  où  ils 
ont  établi  assez  indûment  leur  quartier  général.  Les  mots  drôles  se 
succèdent  comme  un  feu  de  file  dans  cette  bluette,  signée  d'un 
pseudonyme  qui  cache  un  homme  de  lettres  connu  par  d'honorables 
succès  au  théâtre  et  ailleurs. 

—  Le  célèbre  épisode  du  Moine,  de  Lewis,  qu'on  nomme  la  Nonne 
sanglante,  a  eu  plus  de  bonhear  en  drame  qu'en  opéra.  Malgré  les 
beautés  de  premier  ordre  qui  sont  éparses  dans  la  partition  de 
M.  Gounod,  nous  doutons  qu'on  lui  fasse  jamais  les  honneurs  d'une 
reprise,  et  depuis  trente  ans  que  M.  Anicet  Bourgeois  a  traité 
le  même  sujet  à  la  Porte-Saint-Martin,  voici  la  troisième  ou  quatrième 
fois  qu'il  revienne  sur  l'eau.  Cette  pièce  sombre  était  jouée  dans 
l'origine  par  Mlle  Georges  et  par  Lockroy  ;  à  présent,  elle  a  pour 
principaux  interprètes  Mlle  Karoly  et  M.  Taillade.  Du  reste,  on  y  a 
fait  peu  de  changements;  tout  au  plus  a-t-on  rajeuni  pour  Mlle  Ma- 
riquita  le  rôle  de  la  bohémienne  Thécla,  et  a-t-on  introduit  au  mi- 
lieu de  l'action,  sous  le  titre  de  Pleurs  et  Papillons,  un  ballet  dansé 
par  un  M.  Carrey  de  la  Scala  et  de  San -Carlo,  et  par  une  demoiselle 
Cassani,  de  l'opéra  de  Vienne. 

—  A  l'Ambigu,  on  a  repris  la  Prière  des  Naufragés,  un  drame 
très-émouvant,  dont  la  mémoire  s'était  un  peu  perdue  au  boulevard 
et  qui  est  presque  une  nouveauté  pour  la  génération  présente.  Le 
radeau  de  glace  qui  porte  Mlle  Page  est  toujours  d'un  effet  immense 
sur  la  foule,  et  le  brillant  début  de  Raynard,  qu'on  a  tant  applaudi 


174 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


naguère  dans  les  Chevaliers  du  pince-nez,  ajoute  un  attrait  de  plus 
à  la  résurrection  de  cet  ouvrage,  qu'on  n'a  pas  joué,  nous  dit  l'af- 
fiche, depuis  1853. 

—  A  la  Gaîté,  on  a  rerais  en  scène  Paris  la  nuit,  une  pièce  mixte 
où  l'intérêt  marche  de  pair  avec  le  rire.  De  nombreuses  modifications 
y  ont  été  faites  par  un  nouveau  collaborateur  qui  a  modestement 
gardé  l'anonyme.  Le  chorégraphe  a  eu  aussi  sa  part  d'innovations, 
et  vraiment  nous  ne  savons  trop  si  nous  devons  le  féliciter  d'avoir 
exhibé,  dans  son  ballet,  des  célébrités  de  bal  public  ,  telles  que 
MM.  Flageolet,  Clodoche,  Lacomète  et  Normande.  Que  ne  nous 
ramène-l-on  tout  de  suite  à  Rigolboche  ? 

Quoi  qu'il  en  toit  de  cette  avalanche  de  vieilleries,  on  fait  un 
peu  d'argent  partout,  le  ciel  aidant  ;  mais  n'en  ferait-on  pas  davan- 
tage en  tirant  de  la  poussière  des  cartons  quelques-uns  des  manus- 
crits qui  les  encombrent  ?  Nous  verrons  cela  sans  doute,  et  bien 
d'autres  choses  encore,  avec  la  liberté  des  théâtres,  dont  le  règne 
approche. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


IOUVELLES. 

*„  L'Opéra  a  donné  lundi  le  Docteur  Magnus  et  Giselle;  mercredi,  la 
Favorite  et  Diavolïna;  vendredi,  Guillaume  Tell,  avec  Villaret  et  Mme  Pas- 
cal, qui  débutait  dans  cet  ouvrage.  —  Aujourd'hui,  le  Trouvère  et  Dia- 
volina. 

*  Les  Bouffes-Parisiens  annoncent  pour  mardi  31  mai  une  grande 
solennité  musicale  au  bénéfice  de  Mme  Ugalde.  La  représentation  sera 
ainsi  composée  :  un  fragment  de  Galathée;  le  second  acte  du  Caïd;  un 
fragment  du  second  acte  des  Bavards  ;  le  chant  de  guerre  du  troisième 
asie  des  Géorgiennes.  Un  intermède  par  les  frères  Lyonnet  et  un  lever 
de  rideau  compléteront  ce  spectacle,  qui  terminera  dignement  la  saison 
théâtrale. 

%  Les  recettes  brutes  faites  pendant  le  mois  d'avril  1864  dans  les 
théâtres  impériaux  subventionnés,  les  théâtres  secondaires,  petits  spec- 
tacles, concerts,  etc.,  se  sont  élevées  à  1,919,760  fr.  87  c. 

t%  Les  concours  pour  le  grand  prix  de  composition  musicale  ayant 
lieu  maintenant  au  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclama- 
tion, hier  samedi  a  commencé  le  concours  d'essai,  et  sept  concurrents 
ont  été  mis  en  loge  par  le  comité  des  études  musicales,  pour  y  rester 
jusqu'à  vendredi  prochain. 

*„  On  vient  de  représenter  au  théâtre  de  Dijon  une  opérette  dans 
le  genre  de  celles  d'Offenbach,  qui  a  pour  titre  les  Orangs-outous.  Elle 
est  due  à  la  collaboration  de  MM.  d'Izy  pour  les  paroles  et  de  M.Louis 
François  pour  la  musique.  Cette  bouffonnerie,  fort  bien  jouée  par 
M.  Victor  Vallée  et  Mlle  Lemaire,  a  été  accueillie  avec  beaucoup  de 
faveur. 

*„  Les  hommages  rendus  à  la  mémoire  de  Meyerbeer  dans  les  jour- 
naux de  Londres  ont  prouvé  les  regrets  de  la  perte  immense  que  vient 
de  faire  l'art  lyrique. M.  Davison,  dans  le  Musical  World;  M.  Clarke,  dans 
le  Daihj  tclegraph;  M.  Chor'ey,  dans  VAthenœum,  et  M.  Gruneisen  dans  le 
Queen,  ont  témoigné  leur  admiiation  du  grand  maître  et  leur  respect 
pour  son  caratère.  M.  Gruneisen  prépare  une  biographie  plus  étendue 
que  le  petit  livre  qu'il  a  écrit  lors  de  la  première  représentation  des 
Huguenots  à  Covent-Garden  (1848),  et  l'article  qu'il  a  écrit  il  y  a  trois 
ans  dans  le  New  Quartley  Rewiew. 

t*tA  la  nomenclature  des  œuvres  de  Meyerbeer  que  contient  la  biogra- 
phie écrite  par  M.  Fétis,  et  reproduite  par  la  Gazette  musicale,  il  faut  ajou- 
jouter  ;  Sept  chants  religieux  à  quatre  voix,  un  volume  in-4\—  Nice  à 
Stéphanie,  cantate.  —  Chœurs  pour  voix  d'homme  :  A  la  Patrie  !  Invoca- 
tion à  la  terre  natale,  les  Joyeuv  chasseurs,  le  Citant  des  Exilés,  Adieu  aux 
jeunes  mariés,  sérénade  pour  deux  chœurs  à  huit  voix  (ce  dernier 
chœur,  dont  les  paroles  sont  de  M.  E.  Deschamps,  se  trouve  sous 
presse  également  sous  le  titre  de  Prière  du  matin); — le  Revenant  du  châ- 
teau de  Bade,  ballade,  paroles  de  Méry. 

**„.  L'assemblée  générale  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et 
éditeurs  de  musique  aura  lieu  dimanche  prochain,  5  juin,  à  1  heure 
après  midi,  chez  M.  Souffleto,  facteur  de  pianos,  rue  Montmartre,  161. 
MM.  les  sociétaires  sont  instamment  priés  d'assister  à  cette  réunion. 

*%  L'Académie  de  chant,  à  Berlin,  a  célébré,  le  24  mai,  unesolennité 
musicale  consacrée  à  la  mémoire  de  Meyerbeer.  On  y  a  exécuté  le 
choral  de  Fasch  :  A  Dieu,  o  mon  âme,  élève  toi  !  du  motet  de  Gallus  : 
Ecce  quomodo  morilur  justus  ;  un  verset  de  L.  Hellwig;  le  Requiem  de 
Mozart,  et  le  23e  psaume  pour  deux   chœurs,  composé   par  Meyerbeer 


en  1807,  spécialement  pour  l'Académie  de  chant,  où  il  était  entré  deux 
ans  auparavant  (1805)  comme  élève  du  professeur  Zelter. 

*%  Le  comité  du  district  Auf  der  Wieden,  à  Vienne,  a  décidé  que  la 
fontaine  monumentale  qui  s'élève  au  centre  de  la  place  Mozart  serait 
décorée  d'une  statue  du  grand  compositeur,  sculptée  en  pierre  dite 
kaiserstein. 

***  Arban  va  profiter  des  loisirs  que  lui  laissent  les  vacances  du 
Casino  pour  aller  diriger,  pendant  un  mois  à  Nantes,  les  concerts  du 
Sport  qui  auront  lieu  au  cercle;  de  là  il  se  rendra  à  Marseille, où  il  di- 
rigera l'orchestre  du  Château  des  fleurs  ;  après  quoi  il  passera  le  reste 
de  la  saison  h  Ems  et  dans  les  diverses  eaux  thermales  de  l'Allemagne, 
où  il  a  de  très-beaux  engagements. 

*%  Un  nouveau  théâtre  dont  les  proportions  seront  suffisantes  pour 
recevoir  trois  mille  spectateurs,  va  s'élever  à  Marseille.  On  y  jouera 
Topéra-comique,  l'opérette,  le  ballet,  la  comédie  et  le  vaudeville.  Il 
prendra  le  nom  de  Grand  Théâtre  des  Arts. 

***  Une  représentation  solennelle,  organisée  en  l'honneur  de  Meyer- 
beer et  composée  d'un  acte  de  chacun  des  chefs-d'œuvre  de  l'illustre 
compositeur,  a  eu  lieu  au  grand  théâtre  de  Nantes.  A  cette  occasion, 
la  Société  des  beaux-arts  de  Nantes  a  offert  à  la  famille  de  Meyerbeer, 
comme  témoignage  du  deuil  général  des  théâtres  de  France,  une  ma- 
gnifique couronne  d'immortelles,  de  feuilles  de  chêne  et  de  lauriers 
attachée  par  des  nœuds  de  satin  blanc,  rehaussé  de  glands  d'or. 

*%.  La  transformation  de  l'Athénée  musical  en  salle  de  spectacle  vient 
d'être  décidée.  Il  prendra  le  titre,  d'Athénée  dramatique  ;  on  y  jouera 
exclusivement  les  vaudevilles  et  les  revues,  sous  la  direction  de  M.  Os- 
car, ex-régisseur  des  Délassements-Comiques.  L'ouverture  est  annoncée 
pour  le  mois  d'août. 

„%  Demain  aura  lieu  à  la  Sorbonne,  sous  la  présidence  de  M.  Dupin 
aîné,  sénateur,  la  49e  assemblée  annuelle  de  la  Société  pour  l'instruc- 
tion élémentaire.  Cette  solennité  sera,  comme  d'usage,  accompagnée 
des  chants  de  l'Orphéon,  sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup. 

*%  Les  divertissements  de  tout  genre  offerts  par  M.  Benazetaux  tou- 
ristes qui  visitent  annuellement  Bade  l'emportent  habituellement  sur 
tout  ce  qui  se  fait  dans  les  eaux  thermales  de  l'Europe.  Le  programme 
de  ceux  qui  doivent  défrayer  la  saison  de  1864  vient  de  paraître,  et 
laisse  encore  bien  loin  les  précédents.  Les  représentations  théâtrales  y 
tiennent  naturellement  la  première  place  et  elles  formeront  trois  caté- 
gories, la  première  consacrée  à  l'opéra-comique,  la  seconde  à  l'opéra 
italien,  la  troisième  à  la  comédie  française.  Seize  opéras-comiques  se- 
ront joués,  au  nombre  desquels  on  remarque  Zampa,  Joconde,  la  Fille 
du  régiment,  Fra  Diavolo,  la  Dame  blanche  et  les  Noces  de  Jeannette;  de 
plus  trois  opéras  nouveaux  :  De  par  le  roi,  un  acte  de  Laurencin  et  feu 
Ancelot,  musique  de  Gustave  Héquet;  la  Fleur  de  lotus,  un  acte  de 
J.  Barbier,  musique  de  Prosper  Pascal;  le  Rouet,  un  acte  de  Michel  Carré, 
musique  de  la  comtesse  de  Grandval.  La  troupe  italienne  jouera  Rigo- 
letto,  I  Puritani,  Il  Trovalore,  Don  Pasquale  et  la  Gazza  ladra;  la  Co- 
médie française,  les  plus  jolies  pièces  de  son  répertoire  et  trois  nouveau- 
tés, l'une  en  trois  actes  de  M.  Ernest  Feydeau,  et  deux  en  un  acte  de 
MM.  A.Decourcelles  et  Verconsin. — Les  principaux  artistes  engagéssont 
MM.  Jourdan,  Crosti,  Sainte-Foy,  Warnots,  Jules  Petit;  Mmes  Faure- 
Lefèvre,  Henrion,  Géraldine,  Doria;  MM.  Naudin,  Delle-Sedie,  Agnesi, 
Léon  Duprez,  Frizzi;  Mmes  Charton-Demeur,  Marie  Battu,  Sanchioli; 
MM.  Bressant,  Régnier;  Mmes  Madeleine  Brohan,  Bremond,  etc.— Les 
concerts  ne  seront  pas  nombreux  ;  cependant  il  y  aura  pour  le  jour 
anniversaire  de  S.  A.  R.  le  grand-duc  une  fête  musicale  où  se  feront 
entendre  Mmes  Charton,  Battu,  Delle-Sedie  et  Duprez.  —  Le  mois  de 
septembre  sera  consacré  aux  brillantes  courses  d'Iffezheim. 

**„  Berthelier  a  chanté  quatre  fois,  au  théâtre  de  Nantes,  Lischen  et 
Fritzchen,  avec  Mlle  Frazey  ;  à  la  dernière  représentation  on  lui  a  jeté 
une  couronne  de  feuillage  d'or. — A  Rennes,  il  a  joué  cette  opérette 
d'abord  au  concert  des  courses,  où  Mlle  Sax  s'est  fait  également  enten- 
dre, et  au  théâtre.— Enfin,  à  Melun,  Berthelier  a  dû  répéter  Lischen  et 
Fritzchen  au  concert  donné  à  l'occasion  du  comice  agricole. 

***  Le  prix  qui  avait  été  mis  au  concours  par  la  Liedertafel  d'Aix-la- 
Chapelle  pour  la  meilleure  composition  de  chœur  pour  voix  d'hommes 
avec  orchestre  et  solos,  a  été  décerné  ex  œquo  à  M.  Wùllner,  direc- 
teur de  musique  à  Aix-la-Chapelle,  et  à  M.  Brambach,  directeur  de 
musique  à  Bonn. 

***  Les  trois  mélodies  de  J.  J.  Masset,  le  professeur  de  chant  du  Con- 
servatoire, composées  sur  les  paroles  de  MM.  Victor  Lacrampe  et  Adol- 
phe Catelin,  ont  un  véritable  succès.  Elles  ont  pour  titres  :  H  est  de 
retour,  Si  tu  voulais  niaimer,  Voici  le  printemps. 

„*„.  Un  grand  concours  de  chant  d'ensemble,  organisé  par  la  société 
royale  l'Echo  de  l'Escaut  et  la  société  chorale  Grétry,  est  annoncé  à 
Anvers  pour  le  dimanche  21  août.  Six  médailles  d'or  de  150  à  300  fr., 
et  trois  de  vermeil,  de  même  qu'un  prix  d'honneur  composé  d'une  mé- 
daille d'or  et  d'une  prime  de  1,000  francs,  seront  distribués.  Toutes 
les  sociétés  devront  faire  connaître,  avant  le  5  août,  les  titres  et  les 
noms  des  auteurs  des  chœurs  qu'elles  se  proposent  de  chanter  et  qu'elles 
sont  tenues  d'exécuter.  —  Toutes  les  pièces  relatives  au  concours,  ou 
demandes  de  plus  amples  détails,  doivent  être  adressées  franco  aux  se- 


DE  PARIS. 


175 


crétaires  du  comité  d'organisation,  café-restaurant  de  la  Bourse,  rue  des 
Douze-Mois,  à  Anvers. 

.,%  Un  concours  pour  la  place  d'organiste  doit  avoir  lieu  prochaine- 
ment à  Clamecy  (Nièvre),  sur  un  nouvel  orgue  de  la  maison  A.  Cavaillé- 
Coll,  de  Paris.  Pour  les  renseignements,  s'adresser  à  M.  le  secrétaire 
du  conseil  de  fabrique,  à  Clamecy  (Nièvre). 

,**  M.  Eug.  Prévost  continue  à  diriger  avec  beaucoup  de  succès 
l'orchestre  des  concerts  Besselièvre  aux  Champs  Elysées.  Pendant  les 
quelques  jours  de  chaleur  qui  nous  avaient  donné,  lu.  semaine  dernière, 
les  avant-goùts  de  l'été,  la  foule  y  était  si  nombreuse,  qu'on  avait  peine 
à  y  circuler  et  à  y  trouver  des  sièges.  Le  réperloire  musical  est  choisi 
avec  beaucoup  de  goût  et  très-varié,  et  de  plus  l'exécution  est  excel- 
lente. Vienne  donc  de  nouveau  un  temps  supportable,  et  ce  beau  jardin 
restera  le  rendez-vous  de  la  meilleure  et  de  la  plus  élégante  compa- 
gnie de  Paris. 

*%  Aujourd'hui  dimanche  29  mai,  grande  fête  de  bienfaisance,  au 
Pré-Catelan,  donnée  au  profit  de  la  commune  modèle  de  Frotey-lez- 
Vezoul,  sous  le  haut  patronage  de  Son  Exe.  Hassan-Ali -Khan,  ambassa- 
deur de  Perse.  Toute  l'ambassade  assistera  à  la  fête.  On  tirera  une 
riche  tombola,  et  avec  1  franc,  prix  du  billet  d'entrée,  on  jouira  d'un 
splendide  spectacle,  on  fera  une  bonne  œuvre,  et  l'on  pourra  gagner 
des  lots  d'une  valeur  artistique  et  réelle.  Les  grands  chanteurs  et  les 
grands  virtuoses  donneront  leur  concours  à  ce  concert  unique. 

***  C'est  le  15  juin  que  sera  inauguré  le  bel  établissement  de  bains 
de  mer  élevé  sur  la  place  des  Miellés,  à  Cherbourg,  et  dont  nous  avons 
déjà  parlé.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  le  détail  de  tout  ce  qui  a  été 
réuni  par  les  entrepreneurs  pour  faire  de  cet  établissement  un  des 
plus  agréables  et  des  plus  confortables  de  la  France  et  de  l'étranger, 
mais  nous  pouvons  affirmer  qu'ils  ont  mis  à  contribution  tous  les  per- 
fectionnements que  pouvaient  leur  offrir  ceux  du  même  genre  pour 
faire  du  leur  un  établissement  modèle.  Après  le  point  essentiel,  les 
bains,  le  Casino  a  été  surtout  l'objet  de  soins  tout  particuliers;  son 
grand  salon,  décoré  dans  un  goût  très-pur,  sobre,  et  en  même  temps 
d'un  grand  effet,  est  merveilleusement  approprié  aux  exécutions  musi- 
cales, aux  bals,  aux  fêtes,  etc.  C'est  M.  Alwood,  ancien  inspecteur  des 
bains  de  Boulogne-sur-Mer,  çui  a  été  choisi  pour  diriger  l'établisse- 
ment, et  on  peut  s'en  fier  à  son  expérience  pour  donner  bientôt  la 
vogue  aux  bains  de  mer  de  Cherbourg. 

***  A  Prague,  vient  de  mourir  une  ancienne  actrice  du  théâtre  de 
cette  ville,  Mme  Brunetti-Knize,  dont  la  réputation  datait  d'un  peu 
loin  ;  elle  avait  brillé  sur  la  scène  de  1807  à  1817.  Mme  Brunetti,  veuve 
du  maître  de  ballet  de  ce  nom,  est  morte  dans  sa  quatre-vingt-deuxième 
année. 

„.%  Le  compositeur  Ruggero  Manna,  de  Trieste,  est  mort  le  13  du 
courant  à  Crémone,  dans  sa  cinquante-cinquième  année.  Manna  passait 
pour  un  des  plus  savants  contrapontistes  de  l'Italie. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


***  Lyon.  —  Les  diverses  séances  musicales  qui  viennent  d'avoir  lieu 
à  l'occasion  de  l'inauguration  de  l'orgue  construit  par  la  Société  ano- 
nyme: Établissements  Merklin-Schùtze,  dans  l'église  du  pensionnat  des 
Chartreux,  ont  mis  les  auditeurs  à  même  d'apprécier  le  magnifique 
instrument  livré  par  ces  facteurs  justement  renommés  et  qu'il  devient 
superflu  de  louer,  après  les  éloges  si  souvent  répétés  et  si  connus  du 
patriarche  de  la  science  musicale,  M.  Fétis.  MM.  Ed.  Batiste,  Renaud  de 
Vilbac,  Ruest  et  Widor  ont  fait  valoir  avec  talent  les  nombreuses  res- 
sources qu'offre  l'instrument.  Les  chants  ont  achevé  de  rendre  inté- 
ressantes ces  belles  séances.  On  a  remarqué,  même  entre  les  beaux 
chœurs  de  Rinck  et  de  Palestrina,  une  suave  composition  de  l'abbé 
Neyrat.  Ce  cantique  est  l'heureux  épanouissement  de  la  piété  et  du  ta- 
lent musical  du  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale. 

„.%  La  Rochelle,  25  mai.  —  Mardi  dernier,  on  donnait  Martha.  Après 
l'ouvrage  de  Flotow,  une  cantate  ayant  pour  titre  Hommage  à  Meyerbeer, 
a  été  exécutée  et  accueillie  comme  elle  méritait  de  l'être.  Les  paroles 
sont  de  M.  Paul  Gaudin,  la  musique  de  Léon  Meneau.  Après  le  premier 
chœur,  des  récitatifs  amènent  un  air  de  ténor,  fort  bien  chanté  par 
M.  Pascal,  mari  de  la  cantatrice  qui  vient  de  débuter  à  Paris.  Plusieurs 
motifs  tirés  des  œuvres  de  Meyerbeer  figurent  dans  un  intermède  ins- 
trumental. Les  artistes  et  l'orchestre,  conduit  par  M.  Meneau,  ont  reli- 
gieusement accompli  leur  tâche. 

*%  Bordeaux,  24  mai.  —  Au  concert  du  Cercle  philharmonique,  le 
célèbre  clarinettiste  Wuille,  que  nous  ne  connaissions  pas  encore,  a  ob- 
tenu un  succès  complet.  Dans  les  deux  fantaisies  de  sa  composition  et 
le  morceau  de  concert  de  Demersseman,  il  a  constamment  tenu  son  au- 


ditoire sous  le  charme.  Digne  émule  des  Leroy  et  des  Cavallini,  il  pos- 
sède une  exécution  merveilleuse,  incomparable,  qui  l'a  justement  fait 
surnommer  le  Paganini  de  la  clarinette.  Il  faut  entendre  ces  trilles  ad- 
mirables, ces  cascades  de  notes  perlées,  ces  pianissimo  ravissants, 
cette  bravoure  étourdissante,  pour  comprendre  l'exactitude  parfaite  de 
la  comparaison.  Et  ces  qualités  étonnâmes,  M.  Wuille  ne  les  possède 
pas  au  détriment  du  charme  et  du  style;  sa  manière  de  phraser  est 
aussi  claire  qu'élégante,  et  au  milieu  des  difficultés  les  plus  ardues,  il  sait 
conserver  un  calme,  une  majesté  qui  n'en  produisent  que  plus  d'effet. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


„**  Londres.  —  Les  Huguenots  et  Robert  le  Diable  ont  été  donnés  pour 
la  seconde  fois  la  semaine  passée  au  théâtre  de  Covent-Garden,  où  l'on 
s'occupe  activement  des  répétitions  de  Stradella  et  de  l'Etoile  du  Nord. 
Mlle  Lucca,  dont  le  succès  a  été  si  éclatant  dans  le  rôle  de  Valentine, 
et  qui  vient  de  chanter,  aux  bravos  unanimes,  la  Marguerite  de  Faust, 
jouera  Catherine  dans  l'opéra-comique  de  Meyerbeer.  Mlle  Lagrua  ex- 
cite l'enthousiasme  dans  Robert  le  Diable  par  le  talent  supérieur  qu'elle 
déploie  dans  le  rôle  d'Alice;  Naudin  a  été  un  excellent  Robert  et  on 
l'a  justement  applaudi;  Mlle  Battu  n'a  pas  moins  bien  réussi  dans  les 
rôles  d'Alice  et  d'Isabelle,  qu'elle  a  rendus  avec  une  véritable  supério- 
rité. Mlle  Patti  est  toujours  la  favorite  du  public;  ses  représentations 
dans  la  Sonnam\ula  et  le  Barbier  avaient  complété  le  répertoire  de  la 
semaine.  —  Au  théâtre  de  Sa  Majesté,  les  Huguenots,  avec  Mme  Tietjens, 
Mlles  Trebelli  et  Giuglini,  Lucie,  Faust  et  le  Barbier  ont  été  donnés  ; 
Falstaff  (les  Joyeuses  Commères  de  Windsor)  a  disparu  de  l'affiche 
après  quelques  représentations.  —  La  saison  de  s  concerts  a  commencé. 
Wieniawski  et  Joachin  se  font  entendre  et  app  audir  aux  concerts  po- 
pulaires du  lundi.— Au  concert  de  la  Société  philharmonique,  Mme  God- 
dard  a  été  applaudie  comme  d'habitude;  VOuverture  de  l'exposition,  com- 
posée par  Auber,  y  a  eu  également  un  très-grand  succès. 

***  Vienne.  —  Pour  mercredi  25,  la  Société  italienne  annonçait  la 
première  représentation  de  Saffo,  avec  Mmes  Barbot  et  Artot,  M.  et 
Mme  Pardini  et  Sacco-Mano;  une  seconde  représentation  aurait  lieu  le 
vendredi  suivant,  en  cas  de  succès.  —  Au  Karltheater,  une  opérette  de 
Conradin,  Goliath,  a  eu  un  succès  d'estime,  grâce  à  deux  ou  trois  mor- 
ceaux passables.  —  Mlle  Tiefensee,  à  son  concert  du  19  mai,  a  eu  beau- 
coup de  succès.  La  bénéficiaire  a  chanté  avec  sa  belle  voix  de  mezzo- 
soprano  un  air  de  Don  Juan,  l'air  de  Fidés,  etc.;  des  variations  de  Proch 
et  des  chansons  hongroises,  bohèmes,  russes,  etc. 

***  Berlin.  —  Le  directeur  de  musique  "Wieprecht  a  organisé  une  fête 
commémorative  en  l'honneur  de  Meyerbeer.  On  y  a  exécuté  :  marche 
funèbre,  par  Wieprecht,  sur  des  motifs  de  Robert,  Struensée  et  l'Etoile 
du  Nord;  finale  du  quatrième  acte  des  Huguenots;  marche  du  Prophète; 
chant  de  guerre  (l'Étoile  du  Nord)  et  la  Marche  aux  flambeaux.— Le  ténor 
Niemann,  qui  a  donné  ici  une  série  de  représentations,  a  débuté  par 
le  rôle  du  Tannhaeuser.  —  Par  suite  de  divers  empêchements,  la  re- 
prise à'Olympie  a  été  remise  à  la  saison  prochaine.  —  Avec  la  fête  de 
la  Pentecôte  ont  commencé  les  représentations  théâtrales  à  la  salle  Kroll- 
on  a  donné  jusqu'ici  la  Dame  blanche  et  Freyschiitz. 

***  Gotha.  —  L'opéra  nouveau,  Hlyna,  par  un  compositeur  nommé 
Dœrstling,  a  été  donné  au  théâtre  de  la  cour  sans  grand  succès. 

***  Darmstadt.  —  A  l'occasion  du  mariage  du  grand-duc  de  Meck- 
lenbourg  avec  une  princesse  de  Hesse,  le  théâtre  de  la  cour  a  re- 
présenté la  Statue,  opéra  de  Eeyer. 

***  Milan.  —  L'auteur  de  Don  Bueefalo,  le  maestro  Cagnoni,  vient  de 
faire  représenter  au  théâtre  S.  Radegonde  un  nouvel  opéra,  Michèle 
Perrin  (Michel  Perrin),  dont  le  sujet  est  emprunté  à  un  vaudeville  fran- 
çais. Le  livret  est  intéressant  et  fait  honneur  au  traducteur,  M.  Marcello. 
Quant  à  la  musique,  c'est  certainement  une  des  plus  belles  pages  sor- 
ties de  la  plume  du  compositeur.  Les  motifs  en  sont  légers,  et  surtout 
neufs  et  originaux  ;  l'instrumentation  élégante  et  on  ne  peut  plus  soi- 
gnée. L'œuvre  a  été  très-bien  exécutée,  aux  grands  applaudissements 
du  public,  par  Teresina  Pozzi,  le  ténor  Tintoret,  les  barytons  Altini  et 
Archinsi,  et  les  basses  Anselmi  et  Bottero.  C'est  un  succès  réel  et  qui 
promet  d'être  de  longue  durée. 


le  Directeur  :  S.  DCFOUR. 


176 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Collection  des  Œuvres  de 

GIAGOMO    WIEYEŒtBEESt 

Publiées  par  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1«. 


ROBERT  1E  DIABLE,  LES  HUGUENOTS,  LE  PROPHETE, 

L'ÉTOILE  DU  NORD,  LE  PARDON  DE  PLOERMEL 

Grandes  partitions.  —  Parties  d'orchestre. 

Partitions  ponr  piano  et  cbant,Çavec  paroles  françaises;  les  mêmes,  avec  paroles  italiennes  et  allemandes. 

Partitions  ponr  piano  seul  et  à  quatre  mains.  —  Airs  détachés  de  chant.  —  Chœurs.  —  Ouvertures.  —  Marches.  —  Airs  de  ballet. 


OIITEBTUBG 

Grande  partition,  parties  d'orchestre, 
piano,  à  quatre  mains. 


STRUENSÉE 


POLONAISE 

Grande  partition,  parties  d'orchestre, 
piano,  à  quatre  mains. 


IL  CROCIATO 

Partition  chant  et  piano.  —  Prix  net  :  12  fr. 
Airs  détachés  de  chant. 


40  MÉLODIES 

In-8».  —  A  une  et  à  plusieurs  voix. —  Net  :  12  fr. 


MARGUERITE    D'ANJOU 

Partition  chant  et  piano.  —  Prix  net  :  42  fr. 


Airs  détachés  de  chant. 


MÉLODIES  DÉTACHÉES  AVEC  PAROLES  FRANÇAISES  ET  ALLEMANDES 


Fantaisie 4  i 

Seule,  pour  voix  de  basse 4  ! 

La  Marguerite  du  poète 3  ! 

Suleika 4  : 

Le  Jardin  du  cœur 2  : 

Guide  au  bord  ta  nacelle 4  : 

Sirocco 4 

La  Chanson  de  maître  Floh.   ...  4 

Chanson  des  moissonneurs  vendéens  4 

D«  ma  première  amie 2 

Elle  et  moi 2 

Chanson  de  mai 4 

La  même,  avec  paroles  italiennes. 


Rachel  à  Nephtali 

A  une  jeune  mère 

Le  Moine,  pour  voix  de  basse.  .   . 

La  Barque  légère 

Ballade  de  la  reine  Marguerite  .   . 

La  Folle  de  Saint-Joseph 

Mère  grand,  nocturne  à  deux  voix. 

Le  même,  avec  paroles  italiennes 
Le  Ranz  des  vaches  d'Appenzell.  . 

Le  Vœu  pendant  l'orage 

Le  Poëte  mourant 

La  Fille  de  l'air 

Nella 


C'est  elle  

Les  feuilles  de  rose 

Mina 

Les  souvenirs 

La  même,  avec  paroles  italiennes. 

Le  Pénitent 

Sérénade  

La  Dame  invisible 

Sur  le  balcon 

Cantique  du  trappiste,  pour  basse. 

La  même,  avec  paroles  italiennes 

Prière  d'enfants. 

Printemps  caché 


Chant  du  dimanche 2  50 

Confidences 3  50 

Délire 3  50 

Le  même,  avec  paroles  italiennes. 
Le  Voyageur  au  tombeau  de  Bee- 
thoven   5    a 

Le  Baptême 3    n 

Aimez 2    » 

Sicilienne 3    » 

A  Venise,  barcarolle,  paroles  fran- 
çaises de  Paccini 5    • 

La  même,  avec  paroles  italiennes 

de  Baltrame 5    » 


liE  CHANT  DU  BERGER,  lied  avec  ac- 
compagnement de  clarinette  obligée    6    » 


PRÈS  DE  TOI,  lied  avec  accompagnement  de 
violoncelle  obligé 6    » 


LE  REVENANT  DU  VIEUX  CHATEAU  DE  BADE, 
Légende  et  ballade, 9    i 


CHŒURS  POUR  VOIX  D'HOMME 
1WROI.ES  françaises  et  allemandes. 

A  la  Patrie,  chœur  avec  soli net.  2  » 

Invocation  a  la  terre  natale,  chœur  sur  un  thème  anglais  \  50 

Les  Joyeux  Chasseurs,  chœur  à  quatre  voix 1  » 

JL* Amitié,  quatuor i  • 

lie  Citant  des  Exilés,  chœur  avec  solo  de  ténor 2  » 

Adieux  aux  jeunes  mariés,  sérénade  à   huit  voix 2  » 

Prière  du  matin,  pour  deux  chœurs  à  huit  voix 2  » 

Chant  guerrier,  de  Struensée,  chœur  à  quatre  voix <  » 

Le  Ol»  Psaume,  motet  à  huit  voix  (en  deux  chœurs),  in-8°.  5  » 


Sept  ebants  religieux,  à  quatre  voix,  1  vol.  in- 


15 


MORCEAUX  DE  CHANT  DIVERS 

A  Schiller,  cantate  composée  pour  la  célébration  du  100»  an- 
niversaire de  la  naissance  de  Schiller,  in-80,  net 5 

Nice  à  Stéphanie,  cantate  composées  pour  l'anniversaire  de 

S.  A.  I.  Mme  la  grande-duchesse  Stéphanie  do  Bade 9 

Scène  et  Prière,  composées  pour  Mario  dans  Robert  le  Diable.  6 

Scène  et  Cavatlsie  du  Crociato,  composée  pour  Mme  Pasta.  G 

Rondo  composé  pour  Mme  Alboni  dans  les  Huguenots 6 

Parmi  les  pleurs,  romance  intercalée  dans  les  Huguenots. . .  6 

Polonaise  et  Arloso,  ajouté  à  V Etoile  du  Nord,  chfque 9 

Scène  et  Canzonelta,   ajoutées  au  Pardon  de  Ploërmel 9 

Pas  de  la  bouquetière,  air  dansé,  ajouté  à  Robert  le  Diable  6 


SCHILLER -MARSCH 

Composée  pour  la  célébration  du  K  00e  anniversaire  de  la  naissance  de  Schiller . 
Grande  partition,  parties  d'orchestre,  piano,  a  quatre  mains. 


MARCHE  DU  COURONNEMENT 

Composée  pour  le  sacre  du  roi  Guillaume  I"  de  Prusse. 
Grande  partition,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains. 


4  MARCHES  AUX  FLAMBEAUX 

Grandes  partitions,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains. 
(La  3°  marche  pour  musique  militaire.) 


OUVERTURE  EN  FORME  DE  MARCHE 

Composée  pour  l'inauguration  de  l'Exposition  universelle  de  Londres. 
Grande  partition,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains. 


-^g^g^eigfe- 


PORTRAIT  LITHOGRAPHIE  DE  GIACOMO  MEYERBEER, 


dessiné  d'après  nature  par  Desmaisons, 

Prix  net  :  5  fr. 


ARIS   —  luriuWE 


BUREAUX    A   PARIS  "•   BOULEVARD1  DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


N°  23. 


5  Juin  1864. 


ON  S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

cher  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraire: 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24r.pnran. 

Départements,  Belgique  et  Suisse. ...    30  n       id. 

Étranger 3*  »       '*• 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


ET 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Mendelssohn-Bartholdy  (2e  et  dernier  article),  par  Fétis  père. 
—  Théâtre  Lyrique  impérial  :  reprise  de  la  Reine  Topaze,  par  Léon  BSuro- 
cher.  —  La  musique,  le  théâtre  et  la  danse  à  l'Exposition  des  Beaux-Arts, 
salon  de  1864  (1er  article),  par  Em.  Mathieu  de  Monter.  —  Nouvelles 
compositions  de  M.  F.-J.  Fétis,  par  A.  Elwart.  —  Concours  pour  le  grand 
prix  de  composition  musicale.  —  Nouvelles  et  annonces.. 


MENDELSSOHN-BARTHOLDY. 

(Biographie  universelle  des  musiciens.  —  Seconde  édition .) 

(2e  et  dernier  article)  (1). 

Si  Mendelssohn  ne  posséda  pas  un  de  ces  génies  puissants,  ori- 
ginaux, tels  qu'en  vit  le  dix-huitième  siècle  ;  s'il  ne  s'éleva  pas  à  la 
hauteur  d'un  Jean-Sébastien  Bach,  d'un  Haendel,  d'un  Gluck,  d'un 
Haydn,  d'un  Mozart,  d'un  Beethoven  ;  enfin,  si  l'on  ne  peut  le  pla- 
cer au  rang  de  ces  esprits  créateurs,  dans  les  diverses  déterminations 
de  l'art,  il  est  hors  de  doute  qu'il  tient,  dans  l'histoire  de  cet  art, 
une  place  considérable  immédiatement  après  eux,  et  personne  ne  lui 
refusera  jamais  la  qualification  de  grand  musicien.  Il  a  un  style  à 
lui  et  des  formes  dans  lesquelles  se  fait  reconnaître  sa  personnalité . 
Le  scherzo  élégant  et  coquet,  à  deux  temps,  de  ses  compositions  in- 
strumentales, est  de  son  invention.  Il  a  de  la  mélodie  ;  son  harmo- 
nie est  correcte  et  son  instrumentation  colore  bien  ses  idées,  sans 
tomber  dans  l'exagération  des  moyens.  Dans  ses  oratorios,  il  a  fait 
une  heureuse  alliance  de  la  gravité  des  anciens  maîtres  avec  les  res- 
sources de  l'art  moderne.  Si  son  inspiration  n'a  pas  le  caractère  de 
grandeur  par  lequel  les  géants  de  la  pensée  musicale  frappent  tout 
un  auditoire,  il  intéresse  par  l'art  des  dispositions,  par  le  goût  et 
par  une  multitude  des  détails  qui  décèlent  un  sentiment  fin  et  déli- 
cat. Malheureusement  il  était  préoccupé  d'une  crainte  qui  doit 
avoir  été  un  obstacle  à  la  spontanéité  de  ses  idées  ;  cette  crainte 
était  de  tomber  dans  certaines  formes  habituelles  par  lesquelles  les 
compositeurs  les  plus  originaux  laissent  reposer  de  temps  en  temps 
l'attention  :  il  la  portait  jusqu'à  l'excès.  Dans  la  plupart  de  fes  compo- 
sitions, on  sent  qu'elle  lui  fait  éviter  avec  soin  les  cadences  de  termi- 

(1)  Voir  le  n°  22. 


naison,  et  faire  un  constant  usage  de  l'artifice  de  Yinganno,  appelé 
communément  cadence  rompue;  aux  conclusions  de  phrases,  qui 
sont  de  nécessité  absolue  pour  la  clarté  de  la  pensée,  il  substitue 
avec  une  sorte  d'obstination  ce  même  artifice,  et  multiplie,  par  une 
conséquence  inévitable,  les  modulations  incidentes.  De  là  un  enche- 
vêtrement incessant  de  phrases  accessoires  et  surabondantes,  dont 
l'effet  est  de  faire  perdre  la  trace  de  la  pensée  première,  de  tomber 
dans  le  vague,  et  de  faire  naître  la  fatigue.  Ce  défaut,  remarquable 
surtout  dans  les  œuvres  instrumentales  de  Mendelssohn,  est  un, des 
traits  caractéristiques  de  sa  manière.  Il  y  a  de  belles  pages  dans  un 
grand  nombre  de  ses  compositions  ;  mais  il  est  peu  de  celles-ci  où 
l'intérêt  ne  languisse  en  de  certaines  parties,  par  l'absence  d'un  rhy- 
thme  périodique  bien  senti. 

Parmi  les  œuvres  de  musique  vocale  de  Mendelssohn,  ses  orato- 
rios Paulus  et  Elie  ne  sont  pas  seulement  les  plus  importantes  par 
leurs  développements  ;  elles  sont  aussi  les  plus  belles.  Ses  psaumes 
42e,  65e,  98e  et  114%  avec  orchestre,  renferment  de  belles  choses, 
principalement  au  point  de  vue  de  la  facture.  Il  a  fait  aussi  des 
chœurs  d'église  avec  orchestre,  qui  sont  d'un  beau  caractère,  ainsi 
que  d'autres  psaumes  sans  instruments,  composés  pour  le  Dom-Chor 
de  Berlin;  enfin,  on  a  de  lui  des  motets  pour  une,  deux  ou  quatre 
voix  avec  orgue.  Sa  grande  cantate  de  Walpurgisnucht  a  de  la 
réputation  en  Allemagne;  elle  y  a  été  exécutée  dans  plusieurs  gran- 
des fêtes  musicales.  Pour  moi,  après  l'avoir  entendue  deux  fois,  j'en 
ai  trouvé  le  style  lourd.  Mendelssohn  avait  écrit  cet  ouvrage  à  Rome, 
dans  le  mois  de  décembre  1830,  à  l'âge  d'environ  vingt-deux  ans; 
mais  il  le  changea  presque  entièrement  quatre  ou  cinq  ans  avant  sa 
mort.  C'est  sous  sa  dernière  forme  qu'il  est  maintenant  connu.  A 
l'égard  da  la  musique  de  YAntigone  et  de  Y  Œdipe  à  Colone,  de  So- 
phocle, ainsi  que  de  YAlhalie  de  Racine,  écrits  à  la  demande  du  roi 
de  Prusse,  Frédéric-Guillaume  IV,  on  ne  les  a  publiés  qu'en  parti- 
tion pour  le  piano.  Ces  ouvrages  sont  peu  connus;  cependant 
YOEdipe  a  été  essayé  au  théâtre  de  l'Odéon,  à  Paris,  mais  sans 
succès. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  dans  cette  notice,  le  génie  de  Mendelssohn 
n'était  pas  essentiellement  dramatique;  il  avait  lui-même  conscience 
de  ce  qui  lui  manquait  pour  l'intérêt  de  la  scène,  car  son  goût  ne  se 
portait  pas  vers  ce  genre  de  composition.  On  sait  que  les  Noces  de 
Gamache,  ouvrage  de  sa  première  jeunesse,  n'ont  pas  réussi.  Après 


178 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cet  essai,  la  plus  grande  partie  de  sa  carrière  d'artiste  s'écoula  sans 
qu'il  produisît  rien  pour  le  théâtre.  11  écrivit  pour  sa  famille  une  sorte 
d'intermède,  intitulé  :  Die  Heimkehr  aus  der.  Fremde  (le  Retour  du 
voyage  à  l'étranger)  ;  il  ne  le  destinait  pas  à  la  publicité  et  l'avait 
gardé  dans  son  portefeuille  ;  mais  ses  héritiers  l'ont  fait  graver  au 
nombre  de  ses  œuvres  posthumes.  On  y  trouve  quatorze  morceaux 
écrits  d'un  style  gracieux  et  léger,  dont  une  romance,  six  Lieder 
pour  différentes  voix,  un  duo  pour  soprano  et  contralto,  deux  trios, 
un  chœur  et  un  finale.  Cette  composition,  à  laquelle  Mendelssohn  ne 
parait  pas  avoir  attaché  d'importance,  est  néanmoins  une  de  ses 
meilleures  productions,  au  point  de  vue  de  l'inspiration  originale.  Il 
est  un  autre  ouvrage  mélodramatique  de  cet  artiste  qui  a  droit  aux 
éloges,  non-seulement  des  connaisseurs,  mais  du  public,  et  qui  fut 
écrit  daas  le  même  temps  que  celui  qui  vient  d'être  mentionné  :  je 
veux  parler  de  la  musique  composée  pour  la  traduction  allemande  du 
drame  si  original  de  Shakespeare,  le  Songe  d'une  Nuit  d'été  (Ein 
Sununernachtstraum).  L'ouverture  inspirée  par  ce  sujet  était  écrite  dès 
1829,  mais  le  reste  de  la  partition  ne  fut  composé  que  longtemps 
après,  pendant  le  séjour  de  Mendelssohn  à  Berlin,  comme  directeur 
général  de  la  chapelle  du  roi  de  Prusse.  Tout  est  bien  dans  cet  ou- 
vrage :  les  pièces  instrumentales  des  entr'actes,  la  partie  mélodrama- 
tique des  scènes,  la  chanson  avec  le  chœur  de  femmes,  la  marche  ; 
tout  est  plein  de  verve,  de  fantaisie  et  d'élégance. 

Mendelssohn  a  peu  réussi  dans  la  symphonie,  une  seule  exceptée. 
La  première  (en  ut  mineur)  n'est  que  le  travail  d'un  jeune  homme 
en  qui  l'on  aperçoit  de  l'avenir.  Le  Chant  de  louange  (Lobgesang), 
ou  Symphonie  cantate  (op.  52),  comptée  par  le  compositeur  comme 
sa  seconde  symphonie,  n'est  pas  une  heureuse  conception  :  on  y 
sent  plus  le  travail  que  l'inspiration.  Les  essais  qu'on  en  a  faits  à 
Paris  et  ailleurs  n'ont  pas  été  satisfaisants.  La  troisième  symphonie 
(en  la  mineur)  est  la  meilleure  production  de  l'artiste  en  ce  genre. 
Le  premier  morceau  est  d'un  bon  sentiment  ;  il  est  écrit  avec  le  ta- 
lent connu  du  maître.  Le  vivace,  ou  scherzo,  à  deux  temps,  est  une 
de  ces  heureuses  fantaisies  dans  lesquelles  sa  personnalité  se  mani- 
feste quelquefois.  Dans  V adagio,  la  pensée  est  vague,  diffuse,  et  l'ef- 
fet est  languissant.  Le  mouvement  final  a  de  la  verve ,  il  est  traité 
de  main  de  maître  ;  mais  la  malheureuse  idée  qu'a  eue  Mendelssohn 
de  terminer  cette  partie  de  son  ouvrage  par  un  thème  anglais  qui 
ne  se  rattache  en  rien  au  reste  de  l'œuvre  lui  enlève  la  plus  grande 
partie  de  son  effet.  La  quatrième  symphonie  (en  la  majeur),  œuvre 
posthume,  ne  fait  apercevoir  dans  aucun  de  ces  morceaux  le  jet  de 
l'inspiration.  Cette  symphonie  n'a  eu  de  succès  ni  en  Allemagne,  ni 
à  Paris,  ni  à  Bruxelles. 

Dans  le  concerto,  sorte  de  symphonie  avec  un  instrument  princi- 
pal, Mendelssohn  a  été  plus  heureux;  son  concerto  de  violon,  parti  - 
culièrement,  et  son  premier  concerto  de  piano  (en  sol  mineur),  ont 
obtenu  partout  un  succès  mérité  et  sont  devenus  classiques.  Le  se- 
cond concerto  de  piano  (en  ré  mineur),  dont  le  caractère  général 
n'est  pas  exempt  de  monotonie,  a  été  beaucoup  moins  joué  que  le 
premier.  Parmi  ses  œuvres  les  plus  intéressantes  de  ce  genre,  il 
faut  citer  sa  Sérénade  et  Allegro  giojoso  pour  piano  et  orchestre, 
composition  dont  l'inspiration  se  fait  remarquer  par  l'élégance,  la 
délicatesse  et  par  les  détails  charmants  de  l'instrumentation.  Il  ne 
faut  pas  plus  chercher  dans  ces  ouvrages  que  dans  les  autres  pro- 
ductions de  cet  artiste  ces  puissantes  conceptions,  ni  celte  originalité 
de  pensée  qui  nous  frappent  dans  les  concertos  de  quelques  grands 
maîtres,  de  Beethoven  en  particulier;  mais  après  ces  beaux  modèles, 
Mendelssohn  tient  une  place  honorable. 

Les  ouvertures  de  ce  maître  ont  été  beaucoup  jouées  en  Allemagne 
et  en  Angleterre  ;  mais  elles  ont  moins  réussi  en  France  et  en  Bel- 
gique. Elles  sont  au  nombre  de  cinq,  dont  les  titres  sont  :  le  Songe 
d'une  nuit  d'été,  qui  est  incontestablement  la  meilleure;  la  Grotte  de 
Fingal  (ou  les  Hébrides),  en  si  mineur,  bien  écrite  et  bien  instru- 


mentée, mais  monotone  et  languissante  ;  la  Mer  calme  et  l'heureux 
retour  (Meeresstille  und  gliickliche  Fahrt),  en  ré  majeur  ;  la  Belle 
Mélusine,  en  fa  majeur,  et  Ruy  Blas.  Il  y  a  de  l'originalité  dans  ces 
compositions,  mais  on  sent,  à  l'audition  comme  à  la  lecture,  qu'elle 
est  le  fruit  de  la  recherche;  la  spontanéité  y  manque. 

La  musique  de  chambre  est  la  partie  la  plus  riche  du  domaine 
instrumental  de  Mendelssohn;  la  plupart  de  ses  compositions  en  ce  genre, 
soit  pour  les  instruments  à  archet,  soit  pour  le  piano  accompagné,  ou 
seul,  ont  de  l'intérêt.  La  distinction  de  son  caractère  s'y  fait  recon- 
naître. Il  y  est  plus  à  l'aise  que  dans  la  symphonie,  et,  pour  qui 
sait  comprendre,  il  est  évident  qu'il  y  porte  plus  de  confiance  dans 
la  suffisance  de  ses  forces.  Un  otletto  pour  quatre  violons,  deux  altos 
et  deux  violoncelles  ;  deux  quintettes  pour  deux  violons,  deux  altos 
et  violoncelle,  et  sept  quatuors  (œuvres  12,  13,  hh,  80  et  81)  com- 
posent son  répertoire  dans  cette  catégorie  de  musique  instrumentale. 
L'ottetto,  qui  est  une  des  productions  de  sa  jeunesse,  était  une  de 
celles  qu'il  estimait  le  plus  dans  son  œuvre;  il  s'y  trouve  des  choses 
intéressantes  ;  mais  le  talent  s'y  montre  inégal.  Son  second  quintette 
(en  si  bémol,  œuvre  posthume),  et  les  trois  quatuors  de  l'œuvre  Zi4e 
sont,  à  mon  avis,  les  plus  complets  et  ceux  où  l'inspiration  se  sou- 
tient sans  effort.  Dans  la  musique  pour  piano  accompagné,  on  trouve 
d'abord  trois  quatuors  pour  cet  instrument,  violon,  alto  et  violon- 
celle (op.  1,  en  ut  mineur;  op.  2,  en  fa  mineur;  op.  3,  en  si  mi- 
neur). Si  l'on  songe  à  la  grande  jeunesse  de  l'artiste  au  moment  où 
il  écrivit  ces  ouvrages,  on  ne  peut  se  soustraire  à  l'élonnement  qu'un 
pareil  début  n'ait  pas  conduit  à  des  résultats  plus  beaux  encore  que 
ceux  où  son  talent  était  parvenu  à  la  fin  de  sa  carrière.  De  ces  deux 
grands  trios  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  le  premier,  en  ré  mi- 
neur, op.  49,  a  eu  peu  de  succès;  son  caractère  est  monotone;  les 
mêmes  phrases  s'y  reproduisent  fréquemment  sans  être  relevées  par 
des  traits  inattendus;  enfin,  ce  n'est  qu'un  ouvrage  bien  écrit;  le 
second,  en  ut  mineur,  op.  66,  est  beaucoup  mieux  réussi  ;  on  y  trouve 
de  la  verve  et  de  l'originalité.  On  ne  connaît  de  Mendelssohn  qu'une 
sonate  pour  piano  et  violon  (en  fa  mineur,  op.  h);  ce  n'est  pas  un 
de  ses  meilleurs  ouvrages  ;  mais  ses  deux  sonates  pour  piano  et  vio- 
loncelle renferment  de  belles  choses. 

Je  me  suis  souvent  demandé  pourquoi,  avec  un  talent  si  distin- 
gué, Mendelssohn  n'a  pu  éviter  une  teinte  d'uniformité  dans  l'effet 
de  sa  musique  instrumentale  ;  en  y  songeant,  j'ai  cru  pouvoir  attri- 
buer cette  impression  au  penchant  trop  persistant  du  compositeur 
pour  le  mode  mineur.  En  effet,  sa  première  symphonie  est  en  ut 
mineur  ;  la  troisième,  en  la  mineur  ;  l'ouverture  intitulée  :  la  Grotte 
de  Fingal  est  en  si  mineur;  le  premier  morceau  du  concerto  de 
violon  est  en  mi  mineur  ;  le  premier  concerto  de  piano  est  en  sol 
mineur  ;  le  second,  en  ré  mineur  ;  la  sérénade  pour  piano  et  or- 
chestre est  en  si  mineur;  le  premier  quatuor  pour  piano,  violon,  alto 
et  violoncelle  est  en  ut  mineur;  le  second,  en  fa  mineur;  le  troisième 
en  si  mineur  ;  la  sonate  pour  piano  et  violon  est  en  fa  mineur  ;  le 
premier  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle  est  en  ré  mineur  ;  le 
second,  en  ut  mineur.  Son  deuxième  quatuor  est  en  la  mineur;  le 
quatrième,  en  mi  mineur,  et  le  sixième,  en  fa  mineur.  Sur  quatre 
caprices  qu'il  a  écrits  pour  piano  seul,  trois  sont  en  modes  mineurs; 
sa  grande  étude  suivie  d'un  scherzo  pour  le  même  instrument  est  en 
/«mineur;  deux  de  ses  fantaisies  sont  également  en  mode  mineur; 
son  premier  scherzo  est  en  si  mineur;  le  second,  en  fa  dièse  mi- 
neur; enfin,  de  ses  Lieder  sans  paroles,  seize  sont  en  mineur.  Si 
l'on  voulait  faire  une  récapitulation  semblable  dans  la  musique  de 
chant  de  Mendelssohn,  on  constaterait  la  même  tendance.  Je  viens  de 
parler  de  ses  Lieder  sans  paroles;  il  est  créateur  dans  ce  genre  de 
petites  pièces  instrumentales,  dont  il  a  publié  sept  recueils  ;  celui 
qui  porte  le  numéro  d'oeuvre  38  me  paraît  supérieur  aux  autres.  J'en 
ai  donné  l'analyse  dans  le  quatorzième  volume  de  la  Bibliothèque 
classique  des  pianistes. 


DE  PARIS. 


179 


Les  chants  à  voix  seule  avec  piano,  de  Mendelssohn,  et  ses  Lieder 
à  deux,  trois  et  quatre  voix,  ont  de  la  distinction,  quelquefois  même 
de  la  franche  originalité;  cependant  son  imagination  ne  s'élève  ja- 
mais dans  ce  genre  à  la  hauteur  de  François  Schubert.  Comme  tous 
les  compositeurs  allemands  du  xix°  siècle,  Mendelssohn  a  écrit  un 
grand  nombre  de  ces  chants,  soit  pour  les  quatre  genres  de  voix  de 
femmes  et  d'hommes,  soit  pour  quatre  voix  d'hommes  sans  accom- 
pagnement. 

FÉTIS  père. 


Meyerbeer  a  légué  à  l'Association  des  artistes  musiciens  10,000 
francs,  et  pareille  somme  à  la  Société  des  auteurs  dramatiques  et 
compositeurs. 

Voici  en  quels  termes  Mme  Meyerbeer  a  fait  connaître  ce  legs  à 
M.  le  baron  Taylor  : 

a  Berlin,  ce  lor  juin  1864. 
»  Monsieur, 

»  C'est  un  devoir  doux  à  mon  cœur  que  je  remplis  en  vous  an- 
nonçant que  mon  mari  a  destiné  par  une  dernière  disposition  la 
somme  de  10,000  francs  à  l'Association  des  artistes  musiciens.  Il 
m'a  répété  bien  souvent  que  c'est  grâce  à  votre  dévouement  éclairé 
que  cette  Société  est  devenue  la  providence  des  artistes. 

»  Je  cite  ici  textuellement  le  paragraphe  que  j'extrais  du  testa- 
ment de  mon  mari. 

»  Je  lègue  à  l'Association  des  artistes  musiciens,  présidée  par  le 
»  baron  Taylor,  à  Paris,  dont  je  suis  membre  depuis  de  longues  an- 
»  nées,  la  somme  de  10,000  francs,  argent  de  France.  Cet  argent 
»  doit  être  placé  comme  capital  inaliénable,  les  intérêts  seulement 
»  doivent  en  être  versés  pour  les  musiciens  nécessiteux  dans  la  caisse 
»  de  secours  de  la  Société.  » 

»  Veuillez  agréer,  Monsieur  le  baron,  l'assurance  de  ma  parfaite 
considération. 

»  Ninna  Meyerbeer.  » 


Tous  les  manuscrits  laissés  par  Meyerbeer,  à  l'exception  de  l'A- 
fricaine, doivent  être  réunis  et  conservés  pour  être  remis  à  celui  de 
ses  petits-fils  qui  se  montrera  doué  d'une  vocation  musicale.  Dans 
le  cas  où  la  circonstance  ne  se  produirait  pas,  Meyerbeer  en  fait  don 
à  la  bibliothèque  royale  de  Berlin. 


S.  Exe.  M.  le  maréchal  Vaillant,  ministre  de  la  Maison  de  l'Em- 
pereur et  des  Beaux-Arts,  vient  de  commander  à  Dantan  jeune  le 
buste  en  marbre  de  Meyerbeer  pour  être  placé  au  Conservatoire  im- 
périal de  musique. 


THÉÂTRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

Reprise  de  ta  Reine  Togtase. 

Cette  reprise  n'étonnera  personne.  La  Reine  Topas*?,  jouée  à  la  fin  de 
1856,  si  notre  mémoire  est  fidèle,  a  été  l'un  des  plus  brillants  succès 
du  Ihéâtre  Lyrique  sous  la  direction  de  M.  Carvalho.  La  pièce,  où 
M.  Lokroy  avait  pour  collaborateur  un  jeune  et  vaillant  écrivain, 
plein  d'imagination  et  d'esprit,  enlevé  peu  après  par  une  mort  pré- 
maturée à  la  littérature  dramatique  dont  il  était  l'espoir,  dont  il 
aurait  peut-être  été  la  gloire,  la  pièce  est  furieusement  fantastique. 
L'excès  du  bon  sens  n'est  pas  son  défaut.  Mais  elle  pique  la  curiosité, 
elle  amuse,  elle  fait  rire,  avantage  que  n'ont  pas  toujours  les  œuvres 
raisonnables. 


Elle  a  de  plus  offert  à  M.  Victor  Massé  vingt  occasions  de  montrer 
son  talent  sous  son  vrai  jour,  et  M.  Victor  Massé  en  a  profité  avec 
autant  d'habileté  que  de  bonheur.  Il  a  rarement  aussi  complètement 
réussi  que  dans  la  Reine  Topaze.  Le  grand  morceau  d'ensemble  du 
premier  acte,  le  duo  du  second,  le  trio  du  troisième  sont  des  mor- 
ceaux remarquables,  où  brillent  à  un  égal  degré  l'invention  mélodique, 
la  science,  l'esprit  et  l'intelligence  de  la  scène.  La  chanson  de 
l'Abeille  et  le  Carnaval  de  Venise  permettent  à  Mme  Carvalho  de 
déployer  toute  l'étendue  de  son  organe,  et  de  faire  apprécier  l'élé- 
gance, la  finesse,  la  grâce  et  l'éclat  de  son  exécution. 

Ce  qu'on  applaudissait  en  elle  lors  de  la  création ,  on  l'applaudit 
encore  aujourd'hui.  Les  huit  années  qui  se  sont  écoulées  depuis  ne 
lui  ont  pas  fait  perdre  une  note,  ni  un  arpège,  ni  un  trille. 
M.  Monjauze  est  un  peu  fatigué,  peut-être;  mais,  si  son  tim- 
bre est  moins  éclatant,  son  jeu  est  plus  intelligent,  et  son  exé- 
cution plus  habile.  M.  Lutz  est  fort  convenable  dans  le  rôle  du  patri- 
cien mystifié.  M.  Wartel  ne  vaut  pas,  à  beaucoup  près,  M.  Balanqué 
dont  il  occupe  la  place.  Mais  on  a  revu  avec  plaisir,  sous  le  pour- 
point de  l'autre  bohémien  déguisé  en  noble  de  Venise,  M.  Fromant, 
qui  avait  quitté  le  théâtre  Lyrique,  et  qui  vient  d'y  rentrer  avec  sa 
voix  fraîche  et  pure  d'autrefois.  Bref,  la  Reine  Topaze  nous  a  paru 
plaire  au  public  tout  autant  en  1864  qu'en  1856,  et  M.  Carvalho  n'a 
pas  dans  son  écrin  de  pierre  plus  fine  ni  de  plus  belle  eau. 

Léon  DDROCHER. 


LA  MUSIQUE,  LE  THEATRE  ET  LA  DANSE 


A     L'EXPOSITION      DE! 


BEAUX- ARTS. 


Salon  de  1SS-1. 


(Premier  article.) 


Sans  chercher  querelle  à  «  la  ligne  »  et  à  «  la  couleur  »,  sans 
entrer  sur  un  terrain  qui  n'est  pas  le  nôtre,  et  dont  les  accidents 
nous  effraient,  sans  parti  pris  d'éloge  ou  de  blâme  ,  nous  ferons  , 
comme  l'année  dernière,  une  courte  visite  à  l'exposition  des  Beaux- 
Arts.  Ce  sera,  s'il  vous  plaît,  une  visite  amicale  et  de  celles  où  la 
causerie  allant  à  l'aventure  et  le  nez  au  vent,  —  ainsi  qu'un  pro- 
meneur dans  un  musée  —  ne  s'arrête  qu'aux  belles  choses,  passant 
rapidement  devant  les  vulgaires  et  les  médiocres. 

La  musique  peut  traiter  la  peinture  et  la  sculpture  sur  ce  pied  de 
confraternité  artistique.  Leur  union,  que  je  sache,  n'a  jamais  été 
plus  intime  et  plus  féconde  qu'aujourd'hui.  Par  une  heureuse  combi- 
naison des  plaisirs  de  la  vue  et  de  l'ouïe,  on  peut  entendre  mainte- 
nant les  grandes  voix  de  Beethoven  et  d'Haydn  s'élever  dans  cer- 
tains cercles  au  milieu  des  chefs-d'œuvre  de  Delacroix  et  d'Ingres. 
La  critique  elle-même,  la  critique  des  Beaux-Arts,  immobilisée  jus- 
qu'à présent  dans  ses  retours  vers  le  passé  grec  ou  romain,  et  si 
souverainement  indifférente,  sauf  de  rares  et  illustres  exceptions,  au 
progrès  de  l'art  musical;  la  critique,  oublieuse  de  ses  dédains  sécu- 
laires, se  prend  à  lui  faire  des  avances.  «  Le  paysage  —  dit  la  nou- 
velle esthétique  des  Recueils  spéciaux  —  est  ce  qu'il  y  a  de  plus 
musical  en  peinture.  Le  paysage  et  la  mélodie  s'appellent ,  s'ani- 
ment mutuellement  et  se  complètent.  Ne  sont-ils  pas,  l'un  et  l'autre, 
un  langage  que  chacun  de  nous  traduit  selon  ses  émotions,  un  mur- 
mure qui  accompagne  nos  pensées  sans  nous  les  dicter  ?  Les  artistes, 
de  leur  côté,  suivent  ce  bel  élan  et  laissent  crier  dans  le  désert  les 
prêtres  «  de  la  grande  manière  »  ;  —  il  faut  bien,  hélas  !  placer 
avantageusement  ses  petits  produits!  Quant  au  public,  son  subit  et 
louable  engouement  de  musique  lui  commande,  en  quelque  sorte, 
de  constater  avec  satisfaction  que  sur  quatre  mille  ouvrages  exposés, 
plus  de  cinq  cents  ont  emprunté  leurs  sujets  à  son  art  favori,  ainsi 
qu'au  théâtre  et  à  la  danse,  et  que  ce  ne  sont  ni  les  moins  étudiés, 


180 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ni  les  moins  réussis,  ni  les  moins  intéressants  de  cette  vaste  exhibi- 
tion à  laquelle  il  ne  manque que  des  peintres! 

MM.  Ingres,  Robert,  Fleury,  Brascassat,  Troyon,  Isabey,  Couture, 
Léon  Cogniet  et  bien  d'autres  n'ont  pas  exposé  cette  année;  mais  je 
sais  plus  d'un  abonné  à  vie  des  concerts  populaires  qui  s'est  consolé 
de  cette  attention  des  maîtres  en  s'apercevant  que  leurs  élèves  lui 
permettaient  de  suivre,  de  visu,  un  cours  de  flûte  antique,  de  lyre 
à  sept  cordes  d'orchestre  égyptien,  voire  même  de  charivari  abyssi- 
nien !  Dans  la  sculpture  :  MM.  Cavelier,  Debay,  Dumont,  Jouffroy  ; 
dans  la  gravure  :  MM.  Calumatta,  Henriquel,  Dupont,  Bléry  se  sont 
également  abstenus,  et  je  le  déplore  vivement  ;  mais  je  dissipe  ces 
regrets ,  en  songeant  à  mes  devoirs  de  cicérone  et  en  remarquant 
que  le  salon  présente  le  résumé  épisodique  et  pittoresque  de  l'his- 
toire de  notre  art.  Quelle  que  soit  la  faiblesse  de  l'ébauchoir  ou  du 
pinceau,  on  comprend  que  la  musique  se  transforme  au  contact  du 
génie  des  différents  peuples,  comme  le  vismara,  ce  papillon  du  Ben- 
gale, qui  prend  la  couleur  de  la  plante  sur  laquelle  il  vit.  Certes, 
je  ne  conseillerai  .pas  à  l'amateur,  même  le  plus  enthousiaste,  l'ac- 
quisition de  ces  cinq  cents  toiles,  statues,  bustes,  dessins,  gravures  ou 
lithographies,  dont  plusieurs  sont  bonnes  à  mettre  au  grenier,  pas 
plus  que  je  ne  me  propose  de  les  passer  toutes  ici  en  revue  ;  il  y  a 
néanmoins,  dans  cet  ensemble  chronologique,  le  résultat  d'un  hasard 
singulier,  qui,  de  lui-même,  va  diriger  notre  visite,  en  nous  déga- 
geant le  chemin  et  en  nous  épargnant  les  tâtonnements.  Ce  ne  sera 
pas  la  première  fois  que  le  hasard — cet  homme  d'affaires  du  bon  Dieu 
—  ainsi  que  l'appelait  quelquefois  en  riant  Adolphe  Adam,  jouera 
ce  rôle  et  rendra  ce  service. 

Présentons  d'abord,  en  entrant,  nos  hommages  respectueux  à  nos 
allégories  et  à  nos  symboles.  Saluons  la  Musique  de  M.  Blanc,  la 
Muse  de  la  musique,  d'après  M.  Ingres,  gravée  par  Sudre,  la  Musi- 
que et  la  Danse,  bas-relief  de  M.  Victor  Vilain,  qui  est  l'une  des 
œuvres  les  plus  sérieuses  du  salon.  Je  n'en  dirai  pas  autant  de  la 
Comédie  colossale  qui  trône  lourdement  dans  sa  chaise  curule,  à 
l'extrémité  du  jardin.  Draperie  épaisse,  pas  d'esprit  au  regard,  pas 
d'ironie  aux  lèvres.  La  tête,  cependant,  observe  bien  dans  sa  tristesse 
rêveuse.  L'humanité  n'est  pas  belle,  en  effet,  et  la  comédie,  comme 
le  moraliste,  ressemble  un  peu  aux  astronomes  qui  cherchent  toujours 
des  taches  dans  le  soleil.  La  Tragédie  s'est  confiée  au  pastel  de 
Mme  Aizelin.  Elle  a  tous  ses  accessoires  :  le  poignard,  et  la  coupe, 
et  le  péplum  sanglant  ;  mais,  au  fond,  elle  est  bonne  fille,  et  je  ne 
suis  pas  dupe  de  ses  sourcils  froncés  et  de  la  peine  qu'elle  se  donne 
pour  paraître  terrible  ! 

Nos  devoirs  de  politesse  ainsi  remplis,  nous  pouvons  nous  enfon- 
cer résolument  dans  le  lointain  brumeux  de  ces  temps  mythologiques, 
où  le  ciel  respirait  et  marchait  sur  la  terre  avec  un  peuple  de  quatre 
mille  dieux  qui  n'avaient  pas  un  athée.  Naïve,  pure,  et  comme  em- 
paradisée  sous  le  ciel  de  la  Grèce,  la  musique  éclaira  de  ses  rayons 
divins  le  front  d'Orphée,  sur  le  mont  Rhodope  :  on  ne  s'en  douterait 
guère  en  voyant  ce  qu'est  devenu  le  sublime  initiateur  sous  la  brosse 
de  M.  Poncet.  M.  de  Dreux-Dorcy  nous  montre,  il  est  vrai,  un 
Berger  trouvant  la  lyre  d'Orphée  sur  les  bords  de  l'Hèbre  (n°  523), 
au  lendemain  de  la  sanglante  orgie  des  ménades,  mais  cette  lyre, 
cette  précieuse  relique,  —  le  désespoir  des  antiquaires  !  l'idéal  du 
bric-à-brac  !  —  n'est  qu'une  bien  faible  compensation,  et  si  M.  De- 
dreux  nous  l'offre,  c'est  bien  plutôt  pour  faire  preuve  d'un  modelé 
savant  que  pour  venger  Orphée  du  mauvais  tour  que  M.  Poncet  lui 
a  joué. 

C'est  encore  sur  la  lyre  ionienne  que  Sapho  chsnta  ses  étranges 
amours;  M.  Goddé  n'a  eu  garde  de  priver  le  salon  de  ce  poncif  non 
moins  attrayant  que  périodique.  Voyez,  cependant,  la  coïncidence  ! 
M.  Leloir  a  eu  la  même  idée  avec  la  moralité  en  plus,  car  à  l'œil 
enflammé  que  la  pâle  Lesbienne,  suspendue  par  un  prodige  d'équi- 
libre au  rocher  de  Leucade,  jette  sur  sa  lyre,  on  devine  bien  qu'elle 


regrette  d'avoir  trop...  chanté!  M.  Leloir  a  remporté  une  médaille. 

Dans  ces  bosquets  délicieux ,  baignés  de  lueurs  insaisissables  et 
bleuâtres,  sous  ces  portiques  d'académies,  de  belles  nymphes  ,  en 
costume  de  l'âge  d'or,  font  de  la  musique  avec  des  demi-dieux  blonds 
et  élancés,  sans  craindre  le  froid,  les  gendarmes,  les  inclémences  de 
l'air  et  du  code  pénal.  Le  beau  pays  que  ce  pays  de  l'idéal  ! 

La  Valkyrie,  de  M.  Arbo,  nous  rejette  brusquement  des  langues 
orientales  à  la  rude  mythologie  Scandinave.  En  Danemark,  le  peuple 
a  oublié  Thor  et  Odin,  mais  il  croit  encore  aux  Valkyries,  divinités 
guerrières  qui  choisissaient  dans  la  mêlée  les  braves  appelés  aux  con- 
certs du  Valhall  ;  et,  quand  le  vent  du  nord  souffle  dans  les  grands 
bois;  lorsque,  dominant  cette  harmonie  terrifiante,  qui  participe  de  la 
vibration  des  instruments  et  de  l'éclat  des  voix,  en  entend  des  sou- 
pirs et  des  cris  étouffés,  des  plaintes  et  des  rires  stridents,  le  paysan 
dit  que  les  Valkyries  jouent  entre  elles. 

Nous  quittons  la  fable  pour  aborder  la  Genèse,  avec  M.  Briguiboul, 
et  sa  belle  composition  :  Jubal  enseignant  la  musique  à  ses  enfants 
(n°  251).  Groupes  heureusement  rhythmés,  torses  d'attitudes  variées, 
sujet  simple  et  imposant  traité  de  main  d'ouvrier.  C'est  une  pro- 
messe formelle  d'avenir. 

L'Appel  à  la  danse,  la  Leçon  de  danse  (Boucherville)  ;  les  Dan- 
seuses du  Triclinium  ;  une  Joueuse  de  flûte,  statue  de  Choiselat,  dont 
le  galbe  rappelle  le  type  Louis  XV,  rondelet,  souriant  et  mignon, 
plus  saisissant  par  le  sentiment  de  la  vie  que  par  la  grandeur  de  la 
pensée  ;  la  nymphe  Echo,  les  lèvres  entr'ouvertes,  la  main  à  l'oreille, 
cherchant  dans  l'espace  les  vibrations  dernières  de  son  chant,  marbre 
i  a  vissant  de  M.  Ferrât,  destiné  à  la  cour  du  Louvre,  et  que  je  vou- 
drais voir  dans  toutes  les  salles  de  théâtre  et  de  concert,  tant  il  a  de 
charme  et  de  vérité  ce  style  de  la  Renaissance ,  statuaire  nationale 
que  nous  n'avons  jamais  peut-être  appréciée  assez,  et  qui  met  la 
France  de  cette  époque  à  côté  de  l'Italie  de  Michel-Ange  !  Sophocle 
vainqueur  à  vingt  ans  aux  jeux  olympiques  (Doublemard);  telles 
sont,  aux  divisions  de  la  peinture  et  de  la  sculpture,  les  œuvres  qui 
suivent  la  trace  lyrique  dans  l'antiquité  grecque  et  latine. 

Il  y  a  beaucoup  de  charmeurs  de  serpents,  en  plâtre,  en  terre 
ou  en  marbre,  au  salon  de  cette  année.  Les  naturalistes  du  Muséum 
ont  fait  courir  le  bruit  que  ces  reptiles  étaient  particulièrement  sen- 
sibles au  son  de  la  flûte  à  trois  trous.  Les  sculpteurs  sont  de  cet 
avis,  et  je  me  plais  a  le  partager.  11  est  donc  hors  de  doute  et 
bien  avéré  que  la  musique  civilise  les  hommes  et  les  serpents  à 
sonnettes  ! 

Aux  temps  antiques  se  rattachent  encore  deux  œuvres  intéressan- 
tes à  plus  d'un  titre.  La  première  :  Les  Egyptiens  de  la  XVIIIe  dy- 
nastie (Aima  Tadeina,  médaille),  excentrique  et  subtile  étude  d'ar- 
chéologie musicale,  nous  initie  à  un  concert  à  la  cour  de  Pharaon. 
Parmi  de  nombreux  instruments  à  la  configuration  baroque,  apparaît, 
sous  ses  formes  multiples,  le  zither  que  l'Egypte  légua  à  la  Pales- 
tine, que  l'Orient  transmit  aux  Goths  et  aux  Burgraves,  et  qui,  tra- 
versant les  âges  comme  un  triomphateur,  résonne  encore  sous  les 
doigts  des  tziganes  moldaves  et  des  bohémiens  de  la  Hartz.  La  se- 
conde a  pour  titre  :  L'hymne  du  soir.  Sur  un  ciel  empourpré  des 
teintes  du  couchant,  se  dresse  Synésius,  ce  grand  poëte  grec  du 
ive  siècle  «  que  le  peuple  de  Ptolémaïs  élut  évêque,  —  écrit  M.  Vil— 
lemain,  —  quoiqu'il  n'eut  point  voulut  se  séparer  de  sa  femme  dont 
il  eut  deux  enfants.  »  Synésius,  ainsi  entouré  de  sa  petite  famille, 
chante,  si  l'on  en  croit  le  texte  grec  inscrit  au  bas  de  la  toile,  «  le 
mépris  des  amours  terrestres.  »  Il  n'y  paraît  guère,  on  l'avouera, 
et  ce  beau  chanteur  portant  à  la  fois  la  lyre  d'Anacréon  et  le  pal- 
lium  de  l'évêque  chrétien  est,  à  mon  avis,  un  contre-sens  choquant. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
{La  suite  prochainement.) 


DE  PARIS. 


181 


NOUVELLES  COMPOSITIONS  DE  M.  F.-J.  FÉTIS, 

Maître  de  chapelle  de  S.  M.  le  roi  des  belges. 


Premier  article. 


Grand  sextuor  ponr  piano  a  quatre  mains,  deux 
violons,  alto' et  -violoncelle  (1). 

Ce  n'est  pas  sans  une  vive  émotion  que  nous  osons  porter  les  re- 
gards du  critique  sur  les  œuvres  d'un  artiste  éminent  qui  fut  notre 
maître  il  y  a  trente-six  ans,  et  qui,  depuis  cette  époque,  n'a  cessé 
de  nous  donner  des  preuves  bien  précieuses  d'une  bonté  toute  pa- 
ternelle. 

C'est  par  le  grand  sextuor  de  M.  J.  Fétis  que  nous  commencerons 
une  série  d'articles  sur  les  diverses  œuvres  de  ce  maître.  Cependant, 
le  grand  sextuor,  n'est  pas  une  œuvre  récemment  composée  par 
l'auteur.  11  date  de  1815,  et  fut  écrit  à  l'occasion  du  retour  inespéré 
du  frère  de  M.  Fétis,  échappé  comme  par  miracle  au  désastre  de 
Waterloo. 

Le  premier  morceau,  allegro  risoluto,  débute  par  un  unisson  gé- 
néral de  quelques  mesures;  puis  le  rhythme  de  cet  unisson  est  re- 
produit à  la  quarte  supérieure  par  le  piano,  main  droite.  L'auteur  a 
choisi  le  ton  de  mi  bémol  majeur  et  la  mesure  à  quatre  temps.  Inu- 
tile d'analyser  mesure  par  mesure  une  œuvre  que  nos  lecteurs  ont 
déjà  pour  la  plupart  sur  leur  pupitre  ;  car  sa  publication  est  le  ré- 
sultat d'une  souscription  qui  a  été  couverte  avec  autant  d'empresse- 
ment qu'un  emprunt  national  français.  Ce  que  la  critique  intelligente 
doit  chercher  dans  une  œuvre  signée  d'un  nom  célèbre,  ce  sont  les 
tendances  de  l'auteur,  ses  aspirations,  la  nature  de  ses  idées,  le  but 
auquel  il  veut  atteindre.  M.  Fétis ,  dédaignant  la  servile  imitation 
des  formes  instrumentales  et  pianistiques  mises  à  la  mode  par  Stei- 
belt  et  ses  nombreux  continuateurs,  semble,  dans  ce  grand  sextuor, 
avoir  voulu,  tout  en  respectant  les  traditions  du  beau  et  du  vrai , 
donner  un  tour  nouveau  à  sa  pensée.  Pianiste,  habile  exécutant,  il  a 
évité  avec  soin  d'écrire  de  la  musique  de  piano  proprement  dite. 
Enfin  ces  quatre  mains  sont  plutôt  dix  instruments  distincts  mis  en 
œuvre  avec  un  talent  exquis.  De  sorte  que,  dans  le  minuetto  et  le 
finale,  on  croit  entendre  une  véritable  symphonie  réduite  à  quatre 
mains  avec  un  quatuor  à  cordes  obligé. 

h' Andaniino  cantabite  est  d'une  suavité  angélique.  En  se  rappe- 
lant le  motif  tout  fraternel  qui  l'a  inspiré ,  on  éprouve ,  lorsqu'on 
écoute  ce  morceau,  cette  douce  émotion  qui  succède  à  une  grande 
joie  du  cœur. 

Sans  être  précisément  un  canon  régulier,  le  motif  du  minuetto, 
confié  au  piano,  a  tout  le  piquant  du  genre  scientifique,  mais  sans 
sécheresse.  Le  trio  en  la  bémol  présente  un  effet  pizzicato  donné  au 
quatuor  à  cordes,  et  cet  effet,  il  y  a  quarante-neuf  ans,  dut  paraître 
tout  nouveau.  Depuis,  on  en  a  mis  partout;  mais,  en  1815,  ce  dut 
être  une  surprise  pour  les  artistes  et  les  amateurs  intelligents.  Le 
rondo,  ou  plutôt  le  finale,  est  d'une  rare  élégance.  L'auteur,  qui 
est  si  profondément  versé  dans  tous  les  styles,  semble  se  jouer  des 
plus  grandes  difficultés  de  l'instrumentation  en  accumulant  à  plaisir 
les  combinaisons  rhythmiques  les  plus  variées. 

Il  y  a  deux  ans  à  peine,  nous  avons  eu  le  plaisir  d'entendre  exé- 
cuter ce  sextuor  chez  Pleyel-Wolff,  et  nous  n'avons  pas  oublié  l'im- 
pression délicieuse  qu'il  nous  a  causée.  M.  Fétis,  en  laissant  depuis 
quarante-neuf  ans  tant  de  manuscrits  dans  ses  tiroirs,  a  transformé 
ces  derniers  en  véritables  silos;  et  voilà  qu'après  un  demi-siècle,  le 
grain  mélodique  se  féconde  sous  les  doigts  d'Alard,  de  Franchomme, 


(1)  Paris,  chez  Schott  frères,  rue  Neuye-Saint-Augustin,  3.  A  Bruxelles,  Anvers, 
Londres  et  Mayence,  même  maison. 


de  Mme  Farrenc  et  de  Mlle  Mongin,  et  que  l'œuvre  du  maître  rayonne 
en  gerbes  étincelantes  aux  yeux  d'un  public  charmé. 

Dans  un  prochain  article,  nous  analyserons  la  première  symphonie 
de  M.  Fétis.  Celle-là  date  de  1861.  C'est  assez  dire  que,  dans  cette 
œuvre,  M.  Fétis  a  pu  réaliser  toutes  les  découvertes  rhythmiques  et 
harmoniques  dont  il  a  fait  l'étude  constante  de  toute  sa  vie  d'artiste 
et  de  penseur. 

A.  ELWART. 


CONCOURS  POUR  LE  GRAND  PRIX  DE  COMPOSITION  MUSICALE. 

Conformément  au  décret  du  k  mai  de  cette  année,  ces  concours 
devant  avoir  lieu,  non  plus  à  l'Institut,  mais  au  Conservatoire  de 
musique  et  de  déclamation,  le  concours  d'essai  a  commencé  samedi, 
28  mai,  et  sept  concurrents  ont  été  mis  en  loges  pour  y  rester 
jusqu'à  vendredi  dernier. 

Voici  leurs  noms  :  MM.  Ambroise,  élève  de  M.  Carafa;  Ruiz,  élève 
de  M.  Leborne;  Constantin,  élève  de  M.  Ambroise  Thomas;  Lefe- 
bvre,  élève  du  même  ;  Saint-Saëns,  élève  de  M.  Halévy  ;  Sieg,  élève 
de  M.  Amb.  Thomas;  Danhauser,  élève  de  MM.  Réber  et  Bazin. 

C'est  mardi  prochain  que  sera  jugé  ce  concours.  La  commission 
chargée  de  choisir  la  cantate  s'assemblera  vendredi  10  juin,  et  le 
concours  définitif  commencera  le  lendemain  samedi. 

Le  Moniteur  universel  de  lundi,  30  mai,  contenait  l'avis  suivant  ; 

«  Les  concurrents  ont  été  informés  que,  par  suite  d'une  mesure 
nouvelle  adoptée  par  le  ministre  de  la  Maison  de  l'Empereur  et  des 
Beaux -Arts,  sur  la  proposition  du  surintendant  général  des  théâtres, 
ils  n'auraient  pas  à  supporter  pendant  le  concours  définitif,  dont  la 
durée  est  de  vingt-cinq  jours,  les  frais  de  nourriture  qui,  jusqu'à  ce 
jour,  étaient  à  leur  charge  dans  les  concours  de  l'Institut.  » 

Voici,  en  outre,  ce  qu'on  lisait  dans  le  Moniteur  universel  du 
vendredi,  3  juin  : 

ministère  de  la  Maison  de  l'Empereur  et  des 
Beaux-Arts. 

SURINTENDANCE  GÉNÉRALE  DES  THEATRES. 

L'article  2  du  décret  du  4  mai  1866,  relatif  aux  concours  annuels 
pour  le  grand  prix  de  composition  musicale,  est  ainsi  conçu  : 

«  Les  résultats  des  épreuves  préparatoires  et  du  concours  définitif 
sont  jugés  par  un  jury  composé  de  neuf  membres. 

»  Ce  jury  sera  tiré  au  sort  sur  une  liste  qui  sera  présentée  par  le 
surintendant  général  des  théâtres. 

»  Cette  liste,  après  avoir  été  arrêtée  par  le  ministre,  sera  insérée 
au  Moniteur.  » 

La  liste  dont  la  formation  est  prescrite  par  l'article  2  précité,  vient 
d'être  arrêtée  par  S.  Exe.  le  ministre  de  la  Maison  de  l'Empereur  et 
des  Beaux-Arts,  sur  la  présentation  du  surintendant  général  des 
théâtres  et  d'après  l'avis  du  comité  des  études  musicales  du  Conser- 
vatoire ;  elle  est  composée  ainsi  qu'il  suit  : 

MM.  Auber,  Carafa,  Ambroise  Thomas,  Réber,  Clapisson,  Beriioz, 
Rossini,  Verdi  et  Georges  Kastner,  membres  de  l'Institut. 

MM.  Barbereau,  Bazin,  Benoist,  Boulanger,  Duprato,  Elwart, 
Ermel,  Félicien  David,  Gevaërt,  Gounod,  Grisar,  Labarre,  Leborne, 
Limmander,  Maillart,  Massé,  prince  Poniatowski  et  Reyer. 


NOUVELLES. 

**„,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  donnait  lundi  le  Docteur  Magnus 
et  la  Maschera  dans  laquelle  Mlle  Amina  Boschetti  a  fait  ses  adieux  au 
public. — Mercredi,  Guillaume  Tell;  Mme  Pascal  y  a  fait  son  second  début 
et  n'a  pas  obtenu  un  moins  bon  accueil  qu'au  premier.  —  Vendredi, 
la  Muette  de  Partici. 


182 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSFGALE 


»%  Le  congé  que  vont  prendre  M.  et  Mme  [Gueymard  force  d'a- 
journer à  la  première  quinzaine  d'août  la  première  représentation  de 
l'opéra  de  Mermet,  Roland  à  Ronccvaux. 

ij,%  Mme  Pascal  vient  d'être  engagée  par  la  direction  de  l'Opéra; 
elle  chantera  de  demain  en  huit  Alice  de  Robert  le  Diable.  —  Une  basse 
de  beaucoup  de  talent,  M.  David,  débutera  le  même  jour  dans  le  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer. 

„**  Mlle  Sannier  entre  décidément  à  l'Opéra;  elle  débutera  dans  le 
Prophète  par  le  rôle  de  Fidès  et  Mme  Pascal  chantera  celui  de  Bertha. 

*%  Bonnehée  quitte  décidément  le  théâtre  de  l'Opéra,  et  il  a  fait  di- 
manche dernier  ses  adieux  au  public  dans  le  Trouvère.  11  va  partir  pour 
l'Italie,  décidé  à  se  livrer  désormais  au  chant  italien. 

»%  Le  nouveau  ballet  de  Saint-Léon  sera  représenté  dans  le  cou- 
rant du  mois. 

„%  Sur  la  foi  de  plusieurs  journaux,  nous  avions  annoncé  que  pen  - 
dant  le  temps  nécessaire  aux  réparations  de  la  salle,  le  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  se  transporterait  à  l'Odéon  ;  nous  sommes  autorisés  à 
annoncer  qu'il  n'en  a  jamais  été  question. 

„**  Un  différend  s'était  élevé  entre  M.  Bagier  et  M.  Nicolini,  et  il 
menaçait  de  priver  pour  la  saison  prochaine  le  théâtre  Italien  d'un  très- 
utile  et  très-agréable  ténor.  Nous  apprenons  avec  plaisir  que  le  diffé- 
rend s'est  aplani,  et  que  M.  Nicolini  nous  restera. 

t%  Mme  Frezzolini  a  intenté  à  M.  Calzado,  ancien  directeur  du  théâ- 
tre Italien,  un  procès  en  paiement  de  72,000  francs.  Le  procès  doit  être 
plaidé  cette  semaine  à  la  première  chambre  du  tribunal  de  la  Seine. 

*%  M.  Agnesi,  qui  a  été  fort  bien  accueilli  cet  hiver  au  théâtre  Ita- 
lien, est  engagé  par  M.  Bagier  pour  la  saison  prochaine. 

***  L'engagement  de  Michot  n'ayant  pas  été  renouvelé,  cet  artiste 
vient  de  contracter  de  nouveau  avec  M.  Carvalho,  et  il  rentre  au  théâ- 
tre Lyrique. 

**»  La  représentation  donnée  par  le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  au 
bénéfice  de  Mme  Ugalde  a  été  très-brillante,  et  la  recette  a  atteint  près 
de  5,500  francs. 

***  La  salie  actuelle  du  Vaudeville  doit  au  premier  moment  dispa- 
raître pour  cause  d'utilité  publique.  Une  indemnité  de  60,0**0  francs  a 
été  accordée  au  directeur,  M.  de  Beaufort,  par  le  Conseil  municipal. 

t*t  Pradeau  a  été  engagé  par  le  directeur  du  théâtre  du  Gymnase 
pour  jouer  un  rôle  dans  la  pièce  de  V.  Sardou,  Don  Quichotte.  Il  y 
chantera  une  chanson  dont  M.  Giorza  doit  composer  l'air.  —  La  même 
pièce  comporte  un  ballet  qui  sera  réglé  par  M.  Rota  et  dont  M.  Giorza 
écrit  également  la  musique.  Quinze  jeunes  danseuses  que  M.  Rota  est 
allé  exprès  engager  en  Italie  doivent  y  figurer. 

»%  Roger  vient  d'obtenir  à  Alger  un  véritable  triomphe  dans  les  Hu- 
guenots et  la  Dame  blanche  ;  il  a  été  très-bien  secondé  par  les  artistes 
du  théâtre. 

*%  L'inauguration  de  l'ère  prochaine  de  la  liberté  des  théâtres  a 
suggéré  au  directeur  de  la  Porte-Saint-Martin,  l'heureuse  idée  de 
donner  pendant  les  deux  ou  trois  mois  de  l'été  des  représen- 
tations composées  d'une  grande  comédie  de  Molière  et  d'une  œuvre  ly- 
rique. Tartufe  et  l'Ecole  des  femmes,  le  Barbier,  Norma,  Don  Pasquaie, 
seraient  les  premiers  ouvrages  représentés.  A  cet  effet,  M.  Chenest  a 
été  chargé  de  composer  une  troupe  lyrique  qui  se  recrute  déjà  parmi 
les  premiers  sujets  des  grands  théâtres  des  départements  et  de  l'étran- 
ger. L'orchestre  et  les  chœurs  seront  empruntés  aux  théâtres  lyriques 
qui  ferment  en  été  et  les  ouvrages  seront  montés  avec  le  plus  grand 
soin. 

»%  Demain  aura  lieu  an  palais  du  Corps  législatif,  chez  S.  Exe.  M.  le  duc 
de  Morny,  la  représentation  de  deux  pièces  nouvelles  de  M.  de  Saint- 
Remy,  l'une,  jouée  par  les  artistes  du  Gymnase;  l'autre,  dans  laquelle 
a  été  intercalée  une  ronde  d'Offenbach,  a  pour  titre  la  Succession 
Bonnet.  On  exécutera  dans  la  même  soirée  divers  morceaux  de  Lischen 
et  Fritzchen. 

***  Au  nombre  des  opéras  qui  composeront  cette  saison  le  riche  ré- 
pertoire du  théâtre  de  Bade,  nous  avons  omis  de  mentionner  celui  de 
Volage  et  Jalouse,  de  T.  Sauvage  et  de  Rosenhain.  Nous  devions  d'autant 
moins  l'oublier  que  l'œuvre,  chantée  par  Mme  Faure-Lefèvre,  a  été 
l'un  des  succès  de  la  saison  dernière. 

***  J.  Offenbach  vient  d'être  nommé  membre  honoraire  de  la  Société 
Concordia  de  Vienne. 

»%  Le  théâtre  de  Bude  en  Hongrie,  qui  se  trouvait  dans  une  situa- 
tion des  plus  critiques,  ayant  eu  l'idée  de  faire  traduire  et  jouer  les 
plus  jolies  opérettes  d'Offenbach,  a  obtenu  un  si  grand  succès  que  non- 
seulement  il  a  pu  liquider  honorablement  son  passé,  mais  encore  as- 
surer son  avenir.  Aussi  par  reconnaissance  a-t-il  envoyé  à  l'auteur  des 
Deux  Aveugles  et  d'Orphée  aux  enfers  le  diplôme  de  directeur  honoraire 
du  théâtre  de  Bude. 

„*»  Louis  Engel,  dont  nous  annoncions  dernièrement  le  succès  à  la 
cour  de  Madrid,  vient  de  recevoir  à  Vienne  le  même  honneur.  Mandé 
par  S.  M.  l'impératrice  d'Autriche  pour  donner  dans  les  appartements 
privés  une  audition  de  l'harmonium,  l'éminent  professeur  a  fait  enten- 


dre pendant  deux  heures  à  Leurs  Majestés  et  à  LL.  AA.  II.  l'archidu- 
chesse Sophie,  les  archiducs  et  plusieurs  hauts  personnages,  ses  meil- 
leures compositions.  Chaudement  félicité  et  applaudi  par  l'auguste 
auditoire,  M.  Engel  a  reçu  le  lendemain  de  S.  M.  l'impératrice,  en  té- 
moignage de  sa  satisfaction,  une  rémunération  d'une  valeur  inusitée  en 
pareil  cas.  Le  célèbre  organiste  est  retourné  à  Londres. 

*%  La  semaine  dernière  a  eu  lieu  à  l'hôtel  de  ville  la  séance  géné- 
rale annuelle  de  l'Académie  nationale  agricole  et  manufacturière.  Dans 
le  concert  qui  a  clos  la  solennité,  le  célèbre  flûtiste  Gariboldi  a  exécuté, 
aux  grands  applaudissements  de  l'auditoire,  deux  morceaux  de  sa  com- 
position sur  Faust  et  le  Carnaval  de  Venise.  — Vendredi  dernier,  Mme  la 
baronne  de  Caters  avait  admirablement  chanté,  à  l'église  de  la  Trinité, 
un  Ave  Maria  du  jeune  compositeur. 

„%  Ems  veut  rivaliser  de  plaisirs  avec  Bade.  Dans  le  programme  que 
M.  Briguiboul  réserve  à  ses  visiteurs,  figurent  deux  opérettes  de 
MM.  Nuitter  et  Trefeu,  le  Soldat  magicien  et  Jean  qui  pleure  cl  Jean  qui 
rit,  dont  OtTenbach  compose  en  ce  moment  la  musique.  La  première 
sera  interprétée  par  MM.  Désiré  et  Guyot,  Mlles  Zulma  Bouffar,  Taffanel 
et  Albrecht;  et  la  seconde  par  Désiré,  Jean-Paul,  Pelva  et  Mlle  Bouffar. 

***  M.  le  général  Mellinet  et  M.  Edouard  Monnais  ont  bien  voulu  ac- 
cepter, en  remplacement  de  feu  Meyerbeer,  les  fonctions  de  membres 
du  comité  de  Paris  pour  l'érection  d'un  monument  à  Rameau. — Liszt  a 
adressé  de  Rome  à  M.  Ch.  Poisot,  secrétaire  du  comité,  une  lettre  au- 
tographe dans  laquelle  il  lui  exprime  toute  sa  sympathie  pour  l'œuvre 
entreprise. 

*%  Mlle  Peschel,  la  jeune  pianiste  dont  nous  constations  le  succès 
dans  le  dernier  concert  qu'elle  a  donné  à  Paris,  vient  d'être  très-favo- 
rablement accueillie  à  Londres.  Elle  a  joué  dans  plusieurs  matinées 
déjà,  et  elle  voit  chaque  jour  s'augmenter  le  nombre  de  ses  engage- 
ments. 

,.**  Notre  dernier  numéro  contenait  une  appréciation  de  ia  nouvelle 
édition  du  Manuel  des  principes  de  musique  que  vient  de  publier 
M.  Fétis.  M.  Amédée  Mereaux  a  consacré  également  dans  le  journal 
de  Rouen  un  excellent  article  à  cet  ouvrage  : 

a  Mieux  que  personne,  dit  M.  A.  Mereaux,  le  savant  directeur  du 
Conservatoire  de  Bruxelles  doit  connaître  les  avantages  ou  plutôt  l'utilité 
impérieuse  d'une  éducation  bien  commencée,  sur  laquelle  seule  peut 
se  former  un  talent  réel.  Aussi  a-t-il  entrepris  lui-même  de  faire  un 
livre  destiné  à  répandre  un  enseignement  raisonné.  Le  philosophe  s'est 
fait  maître  d'école,  et  sous  ce  modeste  titre,  Manuel  des  principes  de  mu- 
sique, il  a  rédigé,  avec  sa  lucidité  d'exposition  et  sa  clarté  de  style,  un 
petit  cours  d'enseignement  primaire  de  la  musique.  Chaque  leçon  est 
divisée  en  deux  parties  :  démonstration  orale  du  professeur,  question- 
naire auquel  l'élève  doit  répondre  sur  toutes  les  règles  qui  viennent 
d'être  expliquées.  Il  est  impossible  de  choisir  un  meilleur  système  d'en- 
seignement que  cette  méthode,  consistant  en  des  leçons  adressées  à  des 
enfants  qui,  après  avoir  entendu  déduire  des  principes  et  exposer  des 
règles  avec  une  logique  parfaite,  mise  à  leur  portée  au  moyen  d'ingé- 
nieuses comparaisons,  qui  les  font  procéder  du  connu  à  l'inconnu,  sont 
interrogés  sur  ce  qu'on  vient  de  leur  apprendre  et  mis  en  demeure  de 
prouver  qu'ils  l'ont  compris.  «  De  tous  mes  ouvrages,  dit  l'auteur  dans 
une  courte  préface,  celui-ci  m'a  coûté  le  travail  le  plus  laborieux,  » 
En  effet,  il  est  bien  difficile  d'être  concis  sans  rien  omettre,  de  parler 
aux  enfants  et  d'être  un  philosophe,  de  se  mettre  à  leur  niveau  sans 
cesser  d'être  à  la  hauteur  de  l'art  qu'on  professe.  M.  Fétis  lui-même  a 
reconnu  ces  difficultés,  qui,  du  reste,  ont  été  pour  lui  l'occasion  de 
faire  un  petit  chef-d'œuvre.  »  Personne  ne  pouvait  mieux  qu'un  pro- 
fesseur aussi  distingué  que  M.  Mereaux  apprécier  l'œuvre  du  célèbre  di- 
recteur du  Conservatoire  de  Bruxelles.  » 

***  On  lit  dans  la  Presse  théâtrale:  «  Une  méprise,  qui  pouvait  de- 
venir vraiment  fâcheuse,  a  failli  compromettre,  dans  un  concert  en 
province,  le  succès  d'une  de  nos  cantatrices  parisiennes  les  plus  ai- 
mées. Mlle  de  Lapommeraye,  engagée  ces  jours  derniers  par  la  Société 
philharmonique  de  T...,  se  disposait  à  chanter  son  premier  morceau, 
lorsqu'à  son  entrée  dans  la  salle  toutes  les  personnes  présentes,  comme 
saisies  d'une  espèce  de  distraction  générale,  se  chuchotaient  récipro- 
quement quelques  mots  à  l'oreille,  se  poussaient  le  coude,  et  oubliaient 
pendant  ces  colloques  de  payer  en  bravos  la  bienvenue  de  rigueur  et 
le  salut  courtois  accordés  à  toute  artiste  en  renom.  La  voix  si  sympa- 
thique de  Mlle  de  Lapommeraye  rompit  bientôt  la  glace,  mais  autour 
d'elle  circulaient  ces  phrases  :  «  Elle  a  des  larmes  dans  la  voix  ;  quel 
o  courage  1  enfin,  ce  n'est  pas  sa  faute;  comment  peut-elle  chanter?  » 
Le  président  de  la  Société,  remarquant  la  situation  d'esprit  du  public, 
s'en  étonnait,  quand  une  idée  lui  jaillit  à  l'esprit  :  il  se  mêle  au  public, 
questionne  quelques  spectateurs  ;  plus  de  doute  !  Les  honorables  habitants 
de  la  ville  de  T. . .,  tout  pénétrés  de  la  lecture  effrayante  de  la  Gazette 
des  Tribunaux,  avaient  cru  que  Mlle  de  Lapommeraye  était  parente  du 
docteur  trop  célèbre  dont  le  nom,  à  peu  près  ideudique,  vient  de  rem- 
plir les  échos  de  la  Cour  d'assises.  Cette  erreur  éclaircie,  l'enthou  • 
siasme  reprit  son  cours.  A  quoi  tient  le  succès  d'une  artiste  !  A  la  sub- 
stitution d'une  syllabe  à  une  autre  ;  à  l'orthographe  d'un  nom  1 

t%  Strasbourg  n'a  pas  voulu  être  la  dernière  à  donner  un  témoi- 
gnage de  ses  regrets  de  la  perte  de  Meyerbeer  ;  le  théâtre  de  cette 


DE  PARIS. 


133 


ville  a  organisé  en  l'honneur  de  l'homme  de  génie  qui  vient  de  dispa-- 
raître,  une  magnifique  représentation  composée  d'un  acte  de  chacun 
de  ses  trois  grands  chefs-d'œuvre.  Entre  /e.s  Huguenots  et  le  Prophète  et 
devant  le  buste  de  l'illustre  défunt,  entouré  de  tous  les  artistes  en  cos- 
tume, une  cantate  composée  pour  la  circonstance  par  M.  Elbel  a  été 
chantée  et  couverte  d'applaudissements.  L'orchestre  a  joué  ensuite  la 
marche  du  Prophète  et  la  première  Marche  aux  flambeaux,  tandis  que 
M.  Koubly  couronnait  d'un  laurier  d'or  le  buste,  au  pied  duquel  chacun 
des  artistes  passait  à  son  tour  en  s'inclinant  et  en  déposant  une  couronne. 

*%  L'assemblée  générale  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et 
éditeurs  de  musique  aura  lieu  aujourd'hui  dimanche,  5  juin,  à  1  heure 
précise,  dans  les  salons  de  M.  Souffleto,  facteur  de  pianos,  rue  Mont- 
martre, 161.  MM.  les  sociétaires  sont  instamment  priés  d'assister  à 
cette  réunion. 

„,%  Sous  le  titre  Anna  de  Masovia,  le  théâtre  Victor-Emmanuel,  de 
Turin,  vient  de  représenter  un  nouveau  ballet  du  chorégraphe  Rota  ; 
la  musique  a  été  composée  par  M.  Constantino  d'all'Argine.  Les  jour- 
naux italiens  sont  unanimes  pour  constater  le  succès  de  cet  ouvrage. 

***  L'empereur  d'Autriche  vient  de  conférer  à  Everardi  le  titre  de 
chanteur  de  la  chambre. 

„*i  La  famille  de  Meyerbeer  dispose  une  pièce  de  l'hôtel  qu'elle  ha- 
bite pour  y  réunir  et  conserver  tous  les  objets  que  l'illustre  défunt 
préférait,  et  dont  il  se  servait  habituellement. 

4%  La  partition  de  l'oratorio  :  Dieu  et  la  nature,  que  Meyerbeer  écri- 
vit à  l'âge  de  dix-huit  ans,  se  trouve  dans  la  bibliothèque  du  Conserva- 
toire de  Prague. 

***  Joseph  Franck,  de  Liège,  vient  de  publier  son  œuvre  56  :  Sou- 
venir de  Spa  en  1863,  solo  de  piano  facile,  qui  a  si  bien  réussi,  et  lui 
a  même  valu  un  rappel  au  concert  donné  par  lui  chez  Pleyel. 

„**  Le  grand  théâtre  de  Marseille  a  clos  sa  saison  par  une  repré- 
sentation au  bénéfice  de  l'excellent  chef  d'orchestre,  M.  Momas.  On 
jouait  Guillaume  Tell  et  divers  fragments  d'opéras.  La  soirée  a  été  des 
plus  orageuses  et  s'est  partagée  en  bordées  de  sifflets  ou  en  salves  d'ap- 
plaudissements, suivant  les  sympathies  du  public  pour  tel  ou  tel  ac- 
teur; si  M.  Morrère  a  été  énergiquement  sifflé,  MM.  Nieff,  Berry  et 
Holtzem  dans  les  fragments  du  Pardon  de  Ploërmcl,  ont  été  chaleureuse- 
ment accueillis.  L'ovation  préparée  pour  M.  Momas  a  néanmoins  dominé 
le  tumulte,  et  de  nombreuses  couronnes  lui  ont  été  offertes  non-seule- 
ment par  les  spectateurs,  mais  par  les  artistes.  Parmi  ces  derniers, 
Mme  Écarlat-Geismar  a  voulu  lui  témoigner  personnellement  sa  recon- 
naissance par  le  don  d'une  belle  coupe  en  argent  ciselé,  que  M.  Momas 
a  reçue  avec  une  visible  émotion. 

*%  Au  théâtre  Robin,  la  brillante  réputation  que  M.  Robin  a  su  se 
créer  dans  les  pays  étrangers  contribue  pour  beaucoup  à  attirer  dans 
sa  charmante  salle  de  spectacle  un  grand  nombre  de  voyageurs  qui 
visitent  en  ce  moment  notre  capitale  ;  ils  sont  captivés  par  l'attrait 
irrésistible  des  nouvelles  expériences  que  cet  habile  artiste  exécute,  et 
par  ses  tableaux  représentant  l'isthme  de  Suez. 

***  Dès  que  le  temps  le  permet,  les  promeneurs  affluent  au  concert 
des  Champs-Elysées.  L'excellent  orchestre  dirigé  par  M.  Prévost  a  exé- 
cuté dimanche  dernier,  entre  autres  morceaux  fort  applaudis,  une  fan- 
taisie de  M.  de  Billemont  sur  les  Huguenots,  qui  a  produit  un  très- 
grand  effet  ;  on  n'a  pas  moins  fêté  le  beau  solo  de  flûte  sur  le  Prophète, 
exécuté  par  l'éminent  virtuose  et  compositeur  Desmerssmann. 

„%  La  fête  donnée  dimanche  dernier  au  Pré-Catelan  au  bénéfice  de 
la  commune  modèle  de  Frotey  a  supérieurement  réussi.  La  foule  était 
aussi  nombreuse  que  brillante,  la  musique  excellente  et  la  tombola  été  a 
très-bien  accueillie;  l'autographe  encadré  de  Meyerbeer  a  été  gagné 
par  le  n°  1,796.  La  recette  a  été  des  plus  fructueuses. 

„%  M.  Fiorentino,  rédacteur  du  feuilleton  musical  au  Moniteur,  sous 
le  nom  de  A.  de  Rovray,  de  la  chronique  théâtrale  au  journal  la  France 
et  rédacteur  en  chef  de  l'Entracte,  est  mort  mardi  soir,  à  7  heures.  11  a 
succombé  presque  subitement  à  une  attaque  de  goutte  remontée  dans 
l'estomac.  Il  n'était  âgé  que  de  cinquante-sept  ans  et  il  occupait  une  place 
considérable  dans  la  presse  parisienne.  Il  était,  en  outre,  auteur  d'une 
excellente  traduction  du  Dante.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  samedi  à 
Notre-Dame-de-Lorette,  sa  paroisse,  au  milieu  d'un  nombreux  concours 
d'hommes  de  lettres  et  d'artistes .  Selon  la  volonté  du  défunt,  son  corps 
sera  transporté  à  Naples.  En  attendant  il  a  été,  après  la  cérémonie  fu- 
nèbre, déposé  dans  un  caveau  à  Montmartre. 

,%  Joseph  Netzer,  qui  s'est  fait  connaître  avantageusement  par  ses 
compositions,  vient  de  mourir  à  Gratz,  où  il  était  premier  maître  des 
chœurs  du  Maenner-gesang-Verein. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


»%  Londres.  —  Nos  deux  théâtres  d'opéra  italien  n'ont  offert  rien  de 
nouveau  la  semaine  passée.  A  Covent-Garden  on  a  donné  Guillaume 
Tell  avec  le  ténor  Wachtel,  qui  y  est  très-remarquable,  la  basse  Schmidt 
et  Faivre  ;  les  Huguenots  dans  lesquels  Mlle  Lucca  subitement  indiposée 
a  dû  se  faire  remplacer  par  Mlle  Fricci  et  le  Barhiere  avec  Adelina 
Patti,  et  le  débutant  Scalèse  qui  y  a  parfaitement  réussi.— Au  théâtre  de 
Sa  Majesté,  Mme  Trebelli  a  fait  sa  rentrée  dans  le  même  ouvrage  de 
Rossini  et  a  été  accueillie  avec  une  grande  faveur.  Par  contre,  Mlle  Si- 
nico  a  fait  un  assez  triste  début  dans  la  Traviata.  Mme  Tietjens  a 
trouvé  son  succès  habituel  dans  les  Huguenots,  dont  les  représentations 
sont  très-suivies.  —  Parmi  les  concerts,  plus  nombreux  cette  saison  que 
jamais,  il  faut  signaler  celui  du  directeur  Wylde  :  Mme  Carlotta  Patti 
y  a  obtenu  un  véritable  triomphe,  et  l'excellent  orchestre  a  joué  d'une 
façon  admirable  et  avec  un  très-grand  succès  la  belle  polonaise  de 
Struensée.  —  Il  ne  se  donne  pas  à  Londres  un  concert  aux  grandes 
réunions  d'Ella,  de  la  Musical  union,  de  la  Nouvelle  Philharmonie,  sans 
que  Alfred  Jaell  y  soit  appelé  et  y  obtienne  le  plus  grand  succès.'  Seul 
ou  en  partie  avec  Wieniawski,  Joachim,  les  violonistes  en  vogue,  et 
Jacquard,  très-aimé  du  public  anglais,  Alfred  Jaell  est  toujours  sur  de 
provoquer  des  applaudissements  enthousiastes.  —  M.  Sainton  et  Mme 
Sainton-Dolby  ont  donné  leur  concert  annuel  qui  a  été  aussi  brillant 
que  d'habitude,  et  M.  Bénedict  annonce  pour  le  20,  le  sien  dont  le 
programme  est  fort  intéressant. 

**i  Bruxelles.  —  Après  une  représentation  des  Noces  de  Figaro  et  du 
nouveau  ballet  des  Nymphes  amazones,  au  bénéfice  de  notre  éminent 
chef  d'orchestre,  M.  Hanssens,  le  Grand-Théâtre  a  fait  mardi  sa  clôture 
par  les  Huguenots.  L'année  théâtrale  n'a  pas  été  heureuse,  tant  s'en 
faut;  plusieurs  artistes  nous  quittent  et  nous  aurons  à  regretter 
Mme  Meillet,  Mlle  de  Maësen,  MM.  Bertrand,  Perié  et  Brion.—  Le  ballet 
des  Nymphes  amazones  n'a  rien  ajouté  à  la  réputation  de  notre  maître 
de  ballets,  M.  Justamant. 

*%  Cologne,  1er  juin.  —  Hier  a  eu  lieu,  au  théâtre  de  la  ville,  une 
représentation  du  Prophète  avec  une  mise  en  scène  nouvelle  ;  cette  fête 
commémorative  en  l'honneur  de  Meyerbeer,  a  commencé  par  un  pro- 
logue de  M.  Bischoff,  récité  par  Mme  Ernst.  Le  prologue,  ainsi  que  le 
chef-d'œuvre  de  l'illustre  maître,  ont  reçu  l'accueil  le  plus  chaleureux 
et  le  plus  sympathique. 

**„  Wiesbade.  —  L'opéra  de  Schlieben,  Rizzio,  qu'on  a  déjà  favorable- 
ment accueilli  à  Prague  et  à  Breslau,  vient  d'obtenir  du  succès  au 
théâtre  de  la  cour. 

***  Hanovre.  —  Niemann  vient  d'être  engagé  à  vie  pour  le  théâtre  de 
la  cour,  à  raison  de  6,000  thalers  par  an;  dans  le  cas  où  il  perdrait  sa 
voix,  il  jouirait  d'une  pension  de  800  thalers. 

***  Hambourg.  —  Le  théâtre  de  la  ville  a  donné  pour  ses  dernières 
représentations  Lucie  et  Martha  ;  dans  ces  deux  opéras  on  a  applaudi  les 
demoiselles  Gelpke  et  Nuhr.  —  Pour  la  clôture,  on  donnera  Don 
Juan. 

„%  Vienne.  —  Enfin  le  théâtre  italien  a  donné  Saffo,  tant  de  fois 
annoncé!  L'opéra  de  Pacini,  qu'on  n'avait  pas  entendu  depuis  1842,  a 
paru  fort  peu  intéresser  l'auditoire.  Toutefois,  le  finale  du  troisième 
acte  a  produit  un  grand  effet.  Mme  Barbot  a  très-bien  joué  le  rôle 
de  Saffo  ;  cette  cantatrice  a  du  feu,  de  la  passion  ;  elle  serait  parfaite  si 
elle  avait  plus  de  voix.  Mme  Artot  a  admirablement  chanté  son  air.  — 
Les  chanteurs  italiens  ont  fait  leurs  adieux  au  public  viennois  par  un 
ballo  in  Maschera. —  Mme  Czillag  vient  de  signer  un  engagement  pour 
le  théâtre  de  Mexico. 

%*#  Berlin.  —  Niemann  a  continué  a\ec  succès  ses  représentations 
par  le  rôle  de  Joseph  dans  l'opéra  de  Méhûl,  et  par  celui  de  Fernand 
Cortèz.  —  M.  Woltersdorf,  directeur  du  théâtre  de  Kœnigsberg,  doit 
donner  des  représentations  d'opéras  au  théâtre  Kroll,  à  partir  du  25 
juin. 

***  Prague.  —  Pour  le  festival  du  16  mai,  cent  dix  sociétés  avec 
quinze  cents  chanteurs  s'étaient  réunis  dans  cette  ville. 


i-iTjn  Nous  annonçons  à  nos  lecteurs  le  projet  de  vente  d'un  des 
Hl/lu.  meilleurs  magasins  de  musique  fondé  depuis  environ  cin- 
quante ans  dans  une  de  nos  plus  grandes  villes  de  France.  C'est  même 
dans  ladite  ville  le  seul  établissement  spécial  de  ce  genre . —S'adresser, 
pour  les  renseignements,  au  bureau  de  la  Gazette  musicale. 


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184 


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ROBERT  LE  DIABLE 

De  MEYERBEER, 

Pour  Violoncelle  avec  accompagnement  d'orchestre  ou  de  Piano,  par 


Avec  accompagnement  de  Piano  :  10  francs. 


DU  MEME  AUTEUR  : 
Fantaisie  sur  les  Puritains, pour  Violoncelle  avec  ace.  de  Piano,  7  30. 


PRIX  ACCORDE  A   L  UNANIMITE  A   l  EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE   LONDRES   1851. 

Fournisseur  des  Ministères  de  lu 
Ou  erre  et  de  In  marine  de  France. 

Seuls    agents    à    Londres 

CHAPPELL  &  HAIMOND,  S"  DE  JDLLIEN  4Ce 

214  ,   Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 

ANTOINE  COURTOIS 

POUR  L'EXCELLENCE  DE  SES  CORNETS  A  PISTONS,  CORS,  ALTOS,  BASSES, 

ET  POUR  TOUTE   SA  COLLECTION    D'INSTRUMENTS  EN   GÉNÉRAL. 

88,    rue    des    Marais  -  Saint  -  Martin,    88. 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MÉDAILLE  D'ARGENT    DE  1"  CLASSE 
A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE   PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  gui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 

MANUFACTURE   D'INSTRUMENTS   DE  MUSIQUE  EN   CUIVRE  ET   EN   ROIS  (Fondée  en  1843) 

50,  rue  Saint-Georges,  â  Paris. 


Maison    ADOLPHE    SAX 


*  *  "3| 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des   Guides   et  des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc. 

Tom  les  instruments  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    "^fe 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  et  le  poinçon  ci-apr'es  : 
SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 

Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851, 
et  1862,  relatif»  aux  Saxophones  (BREVET  DE  1840). 

h Parmi   les   invent  urs   d'instruments  de   musique,  la  plus   haute   distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  (Exposit.  1851.) 

«  Famille   complète   des   Saxoi'Hones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  joue  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
Saxophone  l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 

alto  III  bémol.  habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  ;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions ;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  e<<t  né  d'hier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges   à  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  (Exposit.  1855.) 

a  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  juslesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  >  {Exposit.  1862.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 
Saxophone  soprano,  %00  fr.—  Saxophone  ténor,  •«.»  fr.—  Saxophone  alto,  *«5  fr. —  Saxophone  harjton,  «50  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 
l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 
pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


IUPRIHER1E  CENTRALE   DE  NVPOlÉOIt   COAIX    ET   C,l 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


N*  21 


11  Jnin  1861 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Librairei, 

et  aui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Pari» 2*  r.  por  an 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  »       id. 
34  »       M. 


Lu  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen ,  par  Paul 
Smith.  —  La  musique,  le  théâtre  et  la  danse  à  l'Exposition  des  Beaux-Arts, 
salon  de  1864  (2e  article),  par  Em.  Mathieu  de  Hanter.  —  Nouvelles 
compositions  de  M.  F.-J.  Fétis  (2e  article),  par  A.  Eîwart.  —  Concours 
pour  le  grand  prix  de  composition  musicale.  —  Correspondance  :  Berlin.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 
Par  1U.  de  Wolzogen. 

I. 

Elle  n'a  fait  que  passer  devant  nous,  cette  grande  et  célèbre  ar- 
tiste, qui  vint,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  nous  révéler  les  chefs- 
d'œuvre  de  son  pays,  Fidelio,  Freischutz,  Eurianthe,  Oberon,  mais 
à  tous  ceux  qui  l'ont  vue  et  entendue  dans  son  apparition  rapide, 
elle  a  laissé  des  souvenirs  ineffaçables.  Contemporaine  et  rivale  des 
cantatrices  les  plus  renommées,  les  Pasla,  les  Ungher,  les  Malibran, 
les  Sontag,  elle  a  offert  la  plus  haute  et  la  plus  complète  personni- 
fication de  l'art  allemand  dans  le  drame  lyrique  ;  nulle  ne  l'y  a  sur- 
passée par  le  talent,  le  génie,  la  passion;  mais  hélas!  cette  passion, 
qui  fit  sa  gloire,  elle  lui  dut  aussi  son  malheur  ;  M.  de  Wolzogen 
nous  l'apprend  dans  une  intéressante  biographie,  publiée  l'année 
dernière  à  Leipzig,  et  que  nos  lecteurs  seront  bien  aises  de  connaî- 
tre. Rien  de  ce  qui  tient  au  théâtre  ne  fut  étranger  à  Mme  Schroe- 
der-Devrient :  elle  avait  commencé  par  être  danseuse  ;  devenue  ac- 
trice, elle  quitta  la  tragédie  pour  le  chant.  Grandeur  et  décadence  ; 
triomphes  éclatants,  chagrins  amers,  tout  se  retrouve  dans  sa  vie  ora- 
geuse, qui  n'attache  pas  moins  qu'un  roman.  M.  de  Wolzogen  a  pro- 
fité de  tout  ce  qu'on  a  écrit  depuis  la  mort  de  la  célèbre  artiste  ;  il 
a  recueilli  les  témoignages  de  plusieurs  musiciens  et  critiques  dis- 
tingués. Il  faut  le  remercier  surtout  d'avoir  reproduit,  avec  bon  nom- 
bre de  lettres  de  Mme  Schroeder-Devrient,  quelques  fragments  des 
mémoires  qu'elle  avait  entrepris  d'écrire  elle-même,  et  dont  nous 
traduirons  ici  les  premières  pages  comme  échantillon  de  son  style 
naturel  et  piquant  : 

«  Je  suis  née  à  Hambourg  le  6  décembre  1804.  Si  nous  eussions 
vécu  dans  un  siècle  où  les  phénomènes  célestes  passaient  pour  des 


présages  de  bonheur  ou  de  malheur,  l'heure  de  ma  naissance  eût  été 
regardée  comme  une  des  plus  significatives,  car  le  tonnerre  gronda 
et  les  éclairs  brillèrent  à  travers  les  flots  d'une  neige  épaisse. 

»  Pendant  ce  combat  des  éléments  je  vis  le  jour,  et  je  remplis  la 
petite  maison  qu'habitaient  mes  parents  de  cris  de  douleur  qui  ne 
durèrent  pas  moins  de  trois  heures  ;  si  bien  qu'à  la  fin  mon  Dauvre 
père  n'y  pouvant  plus  tenir,  laissa  échapper  ces  mots  :  «  Jetez-la 
»  par  la  fenêtre,  cette  diablesse!  »  Sur  quoi  le  médecin  lui  répondit 
prophétiquement  :  «  Soyez  tranquille,  mou  cher  Schroeder,  vous  au- 
»  rez  là  une  fière  chanteuse  !  » 

»  Ma  mère  s'appelait  Sophie  Schroeder,  et  ce  qu'elle  fut,  le  monde 
civilisé  le  sait  de  reste.  Mon  père,  Frédéric  Schroeder,  occupa  de 
son  temps  une  place  éminente  au  théâtre,  où  on  l'aimait  beaucoup. 
C'était  un  fort  bel  homme,  grand  et  bien  fait,  possédant  une  ma- 
gnifique voix  de  baryton,  chanteur  remarquable  pour  son  époque. 
Son  meilleur  rôle  était  celui  de  don  Juan,  et  il  fut  le  premier  qui  le 
chanta  en  langue  allemande. 

»  Aussi  loin  que  remontent  mes  premiers  souvenirs,  je  vois  de 
sombres  nuages  s'étendre  sur  ma  vie,  et  leur  tristesse,  à  l'instant 
même  où  j'écris,  se  reflète  dans  mon  âme. 

»  A  quatre  ans  commença  pour  moi  l'âge  du  travail,  et  à  peine 
arrivée  au  monde  je  dus  commencer  à  gagner  mon  pain.  La  fameuse 
troupe  dansante  de  Kobler  parcourait  alors  l'Allemagne  ;  elle  vint 
aussi  à  Hambourg  et  y  réussit  extraordinairement.  Ma  mère  s'en- 
thousiasmait facilement,  et  tout  à  coup,  elle  décida  que  je  serais 
danseuse. 

»  Mon  maître  de  danse  était  un  nègre.  Amené  en  France,  à  Paris, 
il  entra  dans  le  corps  de  ballet  de  l'Opéra,  et  plus  tard  il  vint  à 
Hambourg  pour  y  donner  les  leçons.  Cet  homme,  appelé  Lindau, 
n'avait  pas  précisément  un  mauvais  caractère,  mais  il  était  emporté, 
violent,  souvent  cruel. 

»  Je  me  rappelle  encore  avec  effroi  les  châtiments  qu'il  m'infli- 
geait. En  voici  un  exemple  :  il  y  avait  au  plafond  un  clou  destiné  à 
soutenir  le  lustre  ;  il  y  attachait  une  corde  et  y  faisait  un  nœud,  dans 
lequel  il  plaçait  un  de  mes  pieds,  de  manière  à  ce  que  j'étendisse 
horizontalement  la  jambe,  tandis  que  mon  autre  pied  était  retenu 
dans  la  planche  qui  oblige  à  marcher  les  pieds  en  dehors.  Dans 
cette  attitude  je  devais  étendre  horizontalement  les  bras,  et  demeu- 
rer ainsi  tant  qu'il  le  jugeait  à  propos.  La  fatigue  venait-elle  à  para- 


186 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


lyser  mes  petits  bras  ou  à  briser  mes  deux  jambes,  je  recevais 
un  coup  d'archet  bien  appliqué  —  il  jouait  du  violon  pour  ac- 
compagner ma  danse  —  sur  la  main  ou  sur  les  chevilles.  Lorsqu'enfin 
j'échappais  à  ma  torture,  souvent  je  tombais  épuisée,  et  il  me  fal- 
lait des  heures  pour  revenir  à  moi.  Au  contraire,  si  je  faisais  quel- 
que bond  qui  le  satisfît,  il  m'accablait  de  caresses  et  jouait  avec 
moi  comme  un  enfant. 

»  Je  n'avais  guère  plus  de  cinq  ans,  lorsqu'on  me  trouva 
capable  de  danser  en  public  ;  je  débutai  dans  un  pas  de  châle  et 
dans  un  pas  de  matelots  anglais;  j'avais  un  chapeau  de  feutre  avec 
des  rubans  bleus  et  des  souliers  avec  des  semelles  de  bois.  De  ce 
début,  je  ne  me  rappelle  que  les  acclamations  avec  lesquelles  le 
public  accueillit  tous  le3  petits  artistes;  je  me  souviens  de  plus 
que  mon  maître  fut  très-content  et  que  mon  père  me  rapporta  dan= 
ses  bras  à  la  maison.  Dès  le  commencement  de  la  danse,  ma  mère 
m'avait  montré  de  loin  une  jolie  poupée  ou  une  baguette,  et  certai- 
nement la  crainte  ne  manqua  pas  d'ajouter  à  ma  légèreté  et  à  ma 
souplesse  naturelles,  car  les  coups  de  ma  mère  ne  faisaient  pas  de 
bien. 

»  Ainsi  se  passèrent  quelques  années,  pendant  lesquelles,  outre  la 
danse,  j'apprenais  quelques  rôles  d'enfant.  Du  reste,  je  n'ai  rien  à 
dire  de  mon  éducation,  bien  négligée  sans  doute,  puisque  jusqu'à 
douze  ans  l'étude  de  la  danse  fut  la  seule  à  laquelle  je  m'appliquai 
sérieusement.  Mais  mon  imagination  était  déjà  très— éveillée  ;  et  la 
fréquentation  habituelle  du  théâtre  m'inspirait  toute  sorte  de  jeux 
fantastiques.  Je  tâchais  de  me  procurer  des  chiffons  d'espèces  diffé- 
rentes, quelquefois  même  de  brillants  oripeaux  ;  je  me  glissais  dans 
îe  grenier  de  notre  maison,  d'où  la  vue  s'étendait  jusqu'aux  murs  de 
la  ville,  et  là,  drapée  aussi  bien  que  possible  dans  mes  magnifi- 
ques haillons,  j'improvisais  des  monologues  ou  des  pièces  entières, 
que  je  déclamais  à  haute  voix.  Souvent  je  trahissais  ainsi  le  lieu  de 
ma  résidence,  et,  troublée  d'une  rude  façon  au  plus  fort  de  mon  en- 
thousiasme, j'étais  brusquement  ramenée  dans  ma  petite  chambre. 

»  C'était  surtout  la  Pucelle  d'Orléans  qui  me  transportait  jusqu'au 
délire.  Avec  une  cuirasse  et  un  casque  de  papier,  un  bâton  auquel 
un  mouchoir  était  attaché  pour  étendard,  un  autre  bâton  pour  épée, 
je  m'élançais  au  combat.  Ne  sachant  par  quel  langage  exprimer  mes 
sentiments,  je  m'abandonnais  à  une  léthargie  rêveuse  ;  je  restais  ac- 
croupie des  heures  entières  dans  un  coin  du  grenier,  le  coude  ap- 
puyé sur  mes  genoux,  la  tête  dans  ma  main,  et  je  songeais  ! 

»  J'ai  dit  que  du  grenier  de  notre  maison,  la  vue  s'étendait  jus- 
qu'aux murs.  Un  matin,  père,  mère,  sœur  et  servante  y  montèrent 
pour  voir  les  volontaires,  qui  se  rassemblaient  avant  de  partir.  La 
guerre  d'indépendance  commençait  en  Allemagne  :  quiconque  était 
en  état  de  porter  un  havresac  et  un  sabre  n'hésitait  pas  à  se  dévouer 
pour  Dieu  et  la  patrie. 

»  Dans  la  foule  de  ces  braves,  il  y  avait  des  garçons  de  quatorze 
à  quinze  ans.  L'un  d'eux,  fils  d'un  acteur  fort  lié  avec  mon  père, 
avait  été  longtemps  compagnon  de  mes  jeux.  Je  fus  la  première  à 
découvrir  notre  jeune  ami  dans  son  attirail  guerrier,  je  l'appelai 
par  son  nom,  et  il  nous  répondit  par  un  coup  d'œil  d'intelligence. 
D'abord  je  ne  savais  pas  de  quoi  il  s'agissait,  mais,  après  que  le 
commandement  de  marche  eut  retenti,  et  que  la  Groupe  se  fut 
mise  en  mouvement,  tous  les  parents  la  suivirent  en  versant  des 
larmes,  et  moi,  je  demandai  à  mon  père  :  «  Où  va  donc  Louis? 

—  A  la  guerre»,  me  répliqua-t-il,  Je  demeurai  comme  frappée  d'un 
coup  de  foudre.  Puis  je  m'écriai  :«  Je  veux  aller  avec  lui!  »en  faisant 
mine  d'exécuter  ma  résolution.  Naturellement ,  on  me  retint, 
et  quand  je  vis  qu'il  n'y  avait  pas  moyen  de  m'en  aller,  je  me  jetai 
par  terre,  en  poussant  des  cris  de  rage,  et  il  fut  très-difficile  de  me 
calmer.  Pendant  plusieurs  jours,  je  fus  comme  anéantie.  Je  me  glis- 
sais dans  le  grenier  et  j'y  restais  la  tête  à  la  fenêtre,  regardant  le  ciel 


du  côté  où  avait  disparu  mon  jeune  camarade.  Je  jouais  alors  tout  à 
fait  le  rôle  de  Jeanne  d'Arc  :  mon  casque  de  papier  et  mon  épée  de 
bois  ne  me  quittaient  presque  plus. 

»  L'état  de  guerre,  qui  régnait  alors  à  Hambourg  (année  1813), 
eut  de  graves  conséquences  pour  la  destinée  de  mes  parents.  Pen- 
dant le  siège  de  la  ville  par  le  général  Rettenborn,  ma  mère,  dans 
une  pièce  de  circonstance  intitulée  :  les  Russes  en  Allemagne,  avait 
porté  sur  la  poitrine  une  cocarde  russe.  Quand  le  maréchal  Davoustfut 
entré,  il  exiga  la  substitution  de  la  cocarde  française.  Ma  mère  tarda 
longtemps  à  exécuter  cet  ordre,  et  lorsqu'il  ne  fut  plus  possible  de 
l'éluder,  elle  parut  en  scène,  aux  éclats  de  rire  de  tout  le  public,  avec 
une  cocarde  tricolore  de  la  largeur  d'une  assiette.  Accusée  à  l'instant, 
elle  devait  être  conduite  en  France  comme  prisonnière.  Il  nous  fallut 
fuir,  et  je  me  souviens  que  ma  plus  grande  crainte  c'était  que  les 
Français  ne  prissent  ma  poupée,  que  je  tenais  cachée  sous  mon 
écharpe. 

»  Au  milieu  des  horreurs  de  la  guerre,  mes  parents,  avec  quatre 
petits  enfants,  ne  savaient  trop  comment  faire  pour  vivre.  D'abord 
ils  se  réfugièrent  dans  l'Allemagne  du  Nord,  puis  ils  se  rapprochèrent 
du  Rhin,  se  rendirent  à.  Francfort  et  virent  de  près  le  terrible  combat 
de  Hanau.  De  là,  ils  allèrent  à  Prague  et  y  trouvèrent  enfin  un  en- 
gagement solide.  Pendant  toutes  ces  courses,  le  pain  quotidien  était 
gagné  par  mes  gambades,  et  celles  de  Retty,  ma  jeune  sœur,  qui  avait 
aussi  appris  à  danser.  Nous  restâmes  plusieurs  années  à  Prague,  où 
la  réputation  de  ma  mère,  comme  artiste,  grandit  beaucoup.  Nous 
autres,  nous  étions  voués  au  ballet  d'enfants,  qui  florissait  à  Prague, 
sous  la  direction  d'une  dame  Horschelt,  et  qui  plus  tard  fut  trans- 
porté à  Vienne  par  son  fils.  Mes  souvenirs  de  ce  temps  me  donnent 
encore  des  serrements  de  cœur;  nous  étions  exposés  aux  plus  rudes 
traitements,  entourés  d'exemples  détestables,  et  nous  n'apprenions 
qu'à  danser  et  à  jouer  de  mauvais  tours. 

»  Les  plus  doux  moments  de  mon  enfance  furent  ceux  que  je  pas- 
sai avec  mon  père  seul,  lorsque  ma  mère,  après  un  séjour  de  deux 
années  à  Prague,  fut  appelée  à  Vienne,  et  bientôt  engagée  au  Rurg- 
theater.  Je  ne  puis  me  rappeler  sans  émotion  avec  quelle  attention, 
quelle  bonté,  quel  zèle  il  s'occupait  de  nous  au  physique  et  au  mo- 
ral. Que  de  fois  au  milieu  de  la  nuit  l'ai-je  vu,  près  de  notre  lit, 
veillant  pour  s'assurer  si  nous  dormions  d'un  bon  sommeil  !  Avec 
quelle  tendre  fermeté  ne  s'efforçait-il  pas  de  dompter  notre  fougue 
de  nous  habituer  à  l'ordre,  à  la  modération  !  Si  un  tel  père  ne 
m'eût  été  enlevé  au  moment  où  j'avais  le  plus  besoin  de  lui,  com- 
bien mon  existence  eût  été  différente  ! 

»  Nous  ne  tardâmes  pas  à  rejoindre  notre  mère  à  Vienne  (1815), 
où  mon  père  aussi  fut  employé  au  Rurgtheater,  et  où  mes  deux  sœurs 
et  moi  nous  étions  sous  les  ordres  du  maître  de  ballet,  Horschelt. 
Le  ballet  d'enfants  de  Vienne  jouissait  alors  d'un  renom  légitime, 
car  on  ne  pouvait  rien  voir  de  plus  ravissant,  de  plus  féerique. 
Horschelt,  dans  son  genre,  était  un  génie,  un  homme  d'imagination, 
véritable  enchanteur  de  son  monde  enfantin.  Mais  de  quel  prix  ces 
merveilles  n'étaient-elles  pas  payées  !  Je  me  souviens  que  pendant 
des  semaines  entières,  lorsqu'un  ballet  nouveau  était  à  l'étude,  nous 
allions  à  la  répétition  dès  8  heures  du  matin  et  que  nous  n'en  reve- 
nions qu'à  3  heures  après  midi.  Nous  ne  nous  reposions  pas  long- 
temps, car  à  7  heures  du  soir  la  répétition  recommençait  et  se  pro- 
longeait si  tard  que  vers  une  heure  seulement  nous  nous  mettions 
au  lit,  fatigués,  harassés,  et  portant  les  traces  des  leçons  que  nous 
avions  reçues,  car  Horschelt  frappait  sans  pitié  pour  maintenir  l'or- 
dre dans  sa  troupe  de  petits  danseurs. 

»  J'étais  du  nombre  des  plus  habiles,  et  je  parvins  bientôt  au  rôle 
de  premier  amoureux,  que  je  remplissais  avec  grâce  et  adresse.  C'est 
moi  qui  enlevai  les  premiers  applaudissements  au  théâtre  de  Vienne, 
où  se  pressait  la  foule,  dans  le  ballet  de  la  Fille  des  bois,  dont  le 
sujet  était  le  même  que   celui  de  Sylvana,  pièce  mise  en  musique 


DE  PARIS. 


187 


par  Weber.  Ce  ballet  fut  suivi  de  plusieurs  autres  que  l'on  trouva 
charmants  et  parfaitement  exécutés.  L'un  des  plus  goûtés  avait  pour 
titre  la  Blanchisseuse,  et  il  amusait  beaucoup  par  le  contraste  de 
toutes  les  petites  filles,  dont  le  costume  était  blanc  comme  la  neige, 
avec  les  ramoneurs,  leurs  amoureux.  J'étais  le  chef  de  celte  bande 
noire  et  j'avais  pour  amoureuse  la  première  blanchisseuse.  Son  père, 
sévère  vieillard,  s'opposait  à  notre  amour,  mais  il  cédait  enfin,  parce 
que  je  me  précipitais  dans  le  tuyau  enflammé  de  la  cheminée  de  sa 
maison,  que  j'éteignais  ainsi  l'incendie,  et  lui  sauvais  son  bien.  Aux 
répétitions,  j'avais  peur  de  sauter  dans  cette  cheminée  brûlante,  et 
plusieurs  fois  le  jeu  de  scène  manqua.  Le  maître  de  ballet  finit  par 
perdre  patience,  il  me  prit  par  le  col  et  me  jeta  dans  le  tuyau. 
Heureusement  le  garçon  de  théâtre  vint  à  mon  secours,  il  n'y  eut 
pas  d'accident  grave,  et  j'en  fus  quitte  pour  avoir  les  cheveux  brû- 
lés. Aux  répétitions  suivantes,  je  ne  fis  plus  de  difficultés,  et  je  m'é- 
lançai résolument  dans  le  gouffre. 

»  Je  devins  bientôt  la  favorite  de  notre  directeur,  qui  rendait  jus- 
tice à  mes  dispositions  et  à  mon  intelligence.  En  effet,  pour  un  enfant 
de  dix  à  onze  ans,  j'étais  vraiment  remarquable  dans  la  pantomime. 
Mais  autant  j'avais  de  légèreté,  de  souplesse,  autant  je  me  montrais 
d'un  caractère  fougueux,  indomptable.  Je  m'attirais  bien  des  châti- 
ments :  j'avais  quelque  chose  de  si  hardi  dans  mes  goûts,  dans  mes 
manières  que  l'on  crut  devoir  cesser  de  m'habiller  en  fille.  Pour  moi 
nul  arbre  n'était  trop  haut,  nul  fossé  trop  large,  en  peu  de  temps  mes 
robes  longues  d'étoffe  légère  n'étaient  que  des  lambeaux. 

»  Je  me  rappelle  entre  autres  une  scène  de  cette  époque.  Mon 
père  avait  la  passion  du  jardinage,  et  donnait  tous  ses  soins  à  un 
beau  jardin,  qui  dépendait  de  notre  maison  .11  était  inconsolable  cha- 
que fois  qu'il  s'apercevait  qu'on  avait  foulé  aux  pieds  ses  plan- 
ches et  ses  fleurs,  ou  cueilli  ses  fruits,  ce  qui,  je  dois  l'avouer  — 
comme  principal  coupable  —  n'arrivait  que  trop  souvent.  Dans  le 
jardin,  il  y  avait  un  magnifique  poirier,  chargé  de  fruits  à  moitié 
mûrs,  et  leur  vue  m'inspirait  une  tentation  si  forte,  qu'un  jour,  à 
l'approche  du  soir,  je  bannis  tout  scrupule  et  je  grimpai  au  plus  haut 
de  l'arbre,  où  je  voyais  briller  les  poires  les  plus  colorées,  qui  de- 
vaient être  aussi  les  plus  savoureuses.  Mon  père,  qui  vers  la  nuit,  fai- 
sait toujours  un  tour  de  jardin,  me  découvrit  dans  mon  logis  aérien 
dont  je  cherchais  gaiement  à  atteindre  le  sommet,  comme  l'oiseau 
qui  se  dispose  à  entonner  son  chant  du  soir.  Je  crois  bien  même  que 
j'avais  fredonné  un  peu,  sans  quoi  mon  père  n'eût  pu  me  voir, 
mais  il  m'avait  vue,  et  il  ne  me  restait  plus  qu'à  descendre  pour 
subir  ma  juste  punition.  Il  me  parut  tout  à  fait  inadmissible  que  mon 
bonheur  se  terminât  par  des  coups  :  je  déclarai  donc  tout  nettement 
que  je  ne  quitterais  pas  ma  situation  élevée,  où  je  me  trouvais  en 
pleine  sûreté  et  où  j'avais  passé  une  si  belle  soirée,  si  l'on  ne  me 
promettait  une  amnistie  entière.  Cette  capitulation  ne  convenait 
nullement  à  mon  père  et  je  ne  voulais  rien  en  rabattre.  Ma  mère 
était  venue  comme  auxiliaire,  mes  sœurs  et  Iesjdomestiques  attendaient 
aussi  le  dénoûment.  —  Je  restai  inébranlable.  Enfin  ils  se  retirèrent 
tous  dans  l'espoir  que  les  ténèbres  survenant  je  descendrais  de  moi- 
même  et  me  soumettrais  au  châtiment.  —  Mais  ils  se  trompaient  !  Il 
faisait  nuit  :  un  léger  vent  agitait  les  feuilles  de  mon  arbre  ;  la  lune 
parut  et  répandit  une  clarté  magique  sur  tout  le  jardin.  Des  senti- 
ments de  nature  bien  diverse  se  livrèrent  alors  combat  en  moi-même. 
Des  doutes  et  des  inquiétudes  se  mêlaient  aux  joyeuses  pensées  :  je 
planais  dans  la  région  des  songes,  oubliant  le  monde,  qui  était  au- 
dessous  de  moi.  Tout  à  coup  l'horloge  du  clocher  voisin,  en  sonnant 
minuit  m'avertit  que  c'était  l'heure  des  esprits,  et  aussitôt  une  terreur 
enfantine  s'empara  de  moi.  Je  m'attendais  à  chaque  instant  à  voir 
les  farfadets  et  les  fées  sortir  des  rameaux  pour  commencer  leur 
danse  au  clair  de  la  lune.  Heureusement,  la  voix  de  mon  père  mit 
un  terme  à  ces  folles  appréhensions.  Une  crainte  sérieuse  l'amenait, 
il  m'engagea  doucement  à  descendre  et  me  promit  de  ne  pas  me 


punir.  En  quelques  secondes  j'avais  touché  la  terre,  comme  un 
jeune  chat,  et,  par  une  fuite  rapide,  je  glissais  entre  les  mains  de 
mon  père,  qui,  pourtant,  aurait  eu  grand  plaisir,  comme  il  l'a  dit 
souvent,  à  tirer  un  peu  ma  chevelure  blonde.  » 

C'est  ainsi  que  Mme  Schroeder  avait  ébauché  ses  mémoires  avec 
cette  franchise  de  ton  et  cette  liberté  de  style  qui  font  penser  aux 
confessions  d'un  écrivain  illustre.  Voilà  l'œuvre  que  M.  de  Wolzogen 
a  continuée,  sans  manquer  à  la  vérité,  tout  en  s'imposant  une  cer- 
taine réserve,  car  il  est  certain  que  si  la  célèbre  artiste  eût  elle-même 
achevé  sa  tâche,  il  lui  eût  bien  fallu  recourir  au  procédé  dont  l'hon- 
neur appartient  à  notre  célèbre  Mlle  Delaunay,  devenue  Mme  de 
Staal,  et  ne  se  peindre  qu'en  buste. 

Paul  SMITH. 
(La  suite  prochainement.) 


LA  MUSIQUE,  LE  THÉÂTRE  ET  LA  DANSE 

A     L'EXPOSITION      DES     BEAIjX-AKTS. 

Salon  «le  a  son. 

(2e  article)  (1). 

Le  moyen  âge  se  présente  avec  son  cortège  de  ballades  et  de 
scènes  légendaires  :  la  Mort  du  dernier  barde,  noël  breton  du  xve 
siècle,  dont  le  fusain  de  M.  Yan-Dargent  a  superbement  rendu  l'é- 
nergique simplicité  ;  Pétrarque  mort  devant  sa  table  de  travail  ;  Faust 
et  Marguerite;  les  Chanteurs,  gravés  par  Franck  d'après  le  bas- 
relief  si  naïvement  fouillé  de  Luca  délia  Robbia  ;  Esmeralda  dansant 
sur  la  place  du  Parvis  ;  le  Chant  du  cantique  dans  la  salle  d'armes 
d'un  château  fort,  qui  pourrait  bien  être  celui  de  Page,  Ecuyer,  Ca- 
pitaine, tant  souventes  fois  nous  le  vîmes  ;  une  scène  du  Tannhauser, 
opéra  moyen  âge  et  doublement  légendaire  ;  la  Fiancée  du  Timba- 
lier (1525).  Vous  en  souvenez-vous  ? 

Il  est  parti  pour  l'Aquitaine 
Comme  timbalier. . . 

Elles  ont  marqué  le  pas  des  enthousiastes  de  1830 
Ces  timbales  étincelantes, 
Qui  sous  sa  main  toujours  vibrantes 
Sonnent  et  font  bondir  le  cœur. 

Il  va  revenir  des  batailles,  et  sa  fiancée  l'attend.  Le  cortège  dé- 
file :  les  barons,  les  chevaliers,  et  les  pages,  et  les  timbaliers  : 
Puis,  dans  la  foule  indifférente, 
Elle  tomba,  froide  et  mourante. . . 
—  Les  timbaliers  étaient  passés. 

Vous  en  souvenez -vous?  Voilà  la  ballade  et  voilà  le  tableau.  Le 
peintre  n'a  pas  trahi  la  ballade,  mais  il  n'y  a  rien  ajouté. 

Arrêtons  la  série  du  moyen  âge  au  moine  Guy  d'Arezso  ensei- 
gnant la  gamme  qu'il  vient  d'inventer  (n°  806).  Sur  la  toile  de 
M.  Gilbert,  Guy  d'Arezzo  n'est  certes  pas  un  ces  moines  fainéants, 
pansus  et  verts  gaillards,  qui  firent  la  joie  de  nos  pères  et  qui  ne 
font  pas  la  mienne.  Quelle  maigreur  d'ascète  !  Le  bois  de  l'orgue 
n'est  pas  plus  sec!  Et  ses  élèves?  Deux  grands  flandrins,  bleu  et 
rouge,  plus  efflanqués  encore  que  leur  maître,  si  c'est  possible,  et 
ouvrant  démesurément  la  bouche.  C'est  un  quartier  de  venaison,  et 
non  pas  des  notes  creuses,  qu'il  faut  à  ces  musiciens  faméliques.  La 
diète  et  la  gamme,  le  beau  régime,  en  vérité  !  Le3  belles  épaules 
de  Mlle  Bressant  s'épanouissent  près  de  cette  osléologie. 

Traversons  la  Renaissance  avec  son  inévitable  cortège  d'amoureux 
en  pourpoints  tailladés,  chantant  et  raclant  leur  guitare  sous  les  bal- 
cons «  des  Espagnes  »  et  sur  les  murs  du  salon.  Il  y  en  a,  il  y  en  a 

(1)  Voir  le  n"  23. 


188 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


encore,  il  y  en  a  toujours  !  Romances  mises  en  peinture  :  peinture 
qui  retourne  en  vignette  à  la  romance.  Je  ne  dis  pas  que  tout  ce 
Ira  los  montes  papillottant  et  sautillant  à  l'œil  ne  soit  pas  «  d'un  bon 
débouché  »  ;  mais  les  mantilles,  les  alguazils,  les  caslagnettes,  les 
pandero,  le  menton  barbu  des  duègnes,  le  catarrhe  des  tuteurs,  le 
tromblon  des  brigands,  les  panaches  sonores  des  mules  capitanes, 
les  familiers  du  Saint-Office,  les  sérénades,  les  gallegada,  les  jota 
aragonesa,  que  sais-je  encore  ?  me  paraissent  avoir  subi  leur  con- 
damnation à  temps  de  travaux  forcés  artistiques,  et  je  serais  assez 
d'avis  de  renvoyer  les  Abencerrages  à  M.  de  Florian  et  tous  ces 
tableaux...  à  l'Escurial  ! 

Un  tableau  fin  et  soigné  de  M.  Vetter  :  Molière  et  Louis  XIV 
(n°  1916),  nous  ramène  aux  temps  modernes.  Louis  XIV  ayant  appris 
que  les  officiers  de  sa  maison  dédaignaient  Molière  et  refusaient  de 
dîner  avec  lui  chez  le  «  contrôleur  de  la  bouche  »,  le  fit  asseoir  un 
matin  à  sa  table,  et,  lui  servant  une  aile  de  son  «  en  cas  de  nuit  », 
dit  aux  courtisans  du  grand  lever  :  «  Vous  me  voyez,  Messieurs,  en 
train  de  faire  manger  Molière  que  les  gens  de  ma  maison  ne  trou- 
vent pas  d'assez  bonne  compagnie  pour  eux.  »  Le  grand  roi  est,  du 
reste,  escorté  au  salon  des  types  les  plus  populaires  de  Molière,  le 
grand  honnête  homme.  Le  Médecin  malgré  lui,  de  Léman,  tâte  «  ce 
pouls  qui  marque  que  votre  fille  est  muette  »  ;  Scapin,  Alceste,  le 
Malade  imaginaire  n'ont  pas  moins  de  succès  qu'à  la  scène,  et  le 
burin  spirituel  de  M.  Perrichon  nous  présente,  d'après  Rrion, 
MM.  Diafoirus  père  et  fils,  immortel  duo  ! 

Des  sujets  relatifs  à  la  musique  et  se  rapportant,  comme  costume 
du  moins  et  comme  décor,  à  l'époque  Louis  XV,  je  ne  détacherai 
que  quatre  toiles.  Dans  un  salon  tout  orné  des  folles  et  charmantes 
mignardises  du  style  Pompadour,  nous  entrons  à  la  Fin  d'un  repas. 
Les  convives  de  M.  Periez  ont  bu  du  muscat  de  Calabre  et  du  mar- 
sala  authentique.  Les  femmes  sourient  de  ce  sourire  du  xvme  siècle, 
épanoui  comme  une  fleur  sur  leur  bouche  voluptueuse  et  spirituelle, 
qui  lance  l'épigramme  et  provoque  le  baiser.  Déjà  les  violons  et  les 
flûtes  s'accordent;  les  basses  ronflent  sous  l'archet;  les  guitares  cré- 
pitent dans  un  coin.  On  va  faire  de  la  musique,  jouer  quelque  mi- 
nuelto  bien  folâtre,  quelque  ariette  du  bon  faiseur!...  Chansons  dans 
le  nuage  et  chanteurs  au  tombeau!...  Mme  Armand  Leleux,  dans  sa 
Répétition  de  musique,  a  traité  le  même  sujet.  Petite  peinture  un 
peu  sèche,  mais  jolie.  Un  brave  homme,  en  culotte  courte,  en  veste 
à  personnages,  besicles  sur  le  nez,  virtuose  consciencieux,  à  cheval 
sur  un  violoncelle,  étudie,  au  chevet  de  son  lit,  le  Morceau  difficile! 
Ah  !  qui  de  nous  ne  le  connaît,  ce  morceau-là,  et  ce  passage  diabo- 
lique qu'on  répète  cent  fois,  et  qui  cent  fois  échappe  aux  doigts,  au 
gosier,  à  l'archet  !  Il  en  est  là,  justement,  au  passage  maudit,  le 
cou  tendu,  l'œil  fixe,  embourbé,  désolé.  Laissons-le  :  quand  nous  re- 
tiendrons, il  n'en  sera  pas  sorti,  et  allons  écouter  cet  Organiste  du 
cloître,  ému,  inspiré,  et  remplissant  la  nef  de  ses  'puissants  accords, 
tandis  qu'un  prélat  poudré,  en  simarre  violette,  écoute  assis  dans  une 
stalle  de  la  tribune,  et  sourit  à  la  pieuse  exaltation  du  moine  musi- 
cien. 

Alertes,  nombreux,  campés  fièrement  ou  courbés  sans  bas- 
sesse, 

Drapant  leur  gueuserie  avec  leur  arrogance, 

ils  sont  revenus  à  l'exposition  des  Reaux-Arts,  ces  bohémiens,  ces 
nomades  au  pied  léger,  virtuoses  du  carrefour  et  du  grand  chemin, 
dont  le  salon  de  l'année  dernière  nous  avait  déjà  amplement  révélé 
la  poésie  vagabonde.  Le  Trio  de  la  place  Montanare,  à  Borne,  exé- 
cute un  brindisi  exlra-rossinien  dont  les  joueurs  de  gusla  du  Café 
arabe  de  vis-à-vis  paraissent  profondément  surpris;  les  Chanteurs 
napolitains  donnent  la  réplique  aux  Galliciens  de  la  Quête  au  loup 
(G.  Brion),  qui  chantent  de  leur  voix  de  cuivre  l'interminable  ro- 
mancero du  Cid   Campeador.   Le  soleil  d'Italie  bronze  ces  pifferari 


aimés  des  peintres,  et  c'est  par  une  nuit  lugubre  de  décembre,  dans 
la  brume  et  sous  la  pluie,  blêmes,  harassés  et  trempés  jusqu'aux  os, 
que  rentrent  au  logis  inhospitalier  ces  Bohèmes  parisiens,  aboyeurs 
de  refrains  populaires,  que  M.  Bouchard  a  rencontrés  sur  le  Pont- 
Neuf.  Voici  bien  Art  et  Liberté  ;  mais  faites  quelques  pas,  et  le  con- 
traste, je  devrais  dire  la  vérité,  est  devant  vous  :  Art  et  Misère.  On 
rit  devant  cette  Garde-robe  d'un  cirque  en  tournée  foraine  ;  mais  cette 
pauvre  cigale  qui  a  chanté  tout  l'été,  et  dont  le  marbre  de  M.  Cam- 
bos  nous  dévoile,  en  même  temps  que  les  formes  exquises,  l'expres- 
sion de  tristesse  résignée,  impressionne  vivement,  et  devant  cette 
misère  et  cette  viole  brisée,  on  se  prend  à  songer  à  tous  ceux  —  ar- 
tistes malheureux,  vaillants  lutteurs  —  qui  se  trouvent  comme  la 
cigale  : 

Bien  dépourvue 
Quand  la  bise  fut  venue. 

Ce  n'est  pas  la  bise,  mais  un  vent  frais  et  léger  qui  passe  sous  la 
feuille  et  caresse  le  front  des  musiciens  et  des  danseurs  des  Ker- 
messes et  des  Fêtes  de  village.  Violons  et  tambourins!  Chansons  en 
chœur  et  rondes  intrépides  !  Quel  entrain  et  quel  élan  !  Devant  ces 
toiles,  les  plus  froids  ont  des  revenez-y  de  jeunesse.  Quant  aux  scè- 
nes de  chorégraphie  plus  intime  nous  avons  à  admirer  sans  réserve 
l'Aimée,  de  M.  Gérôme  (n°  794),  l'un  des  succès  du  salon  ;  la  Fan- 
tasia, de  M.  Belly  (133),  où  se  retrouve  la  vigueur  de  Ribera  ou 
du  Buonarotti  ;  des  Danseuses  mauresques  et  une  Ballerine  du  Caire 
d'un  charme  étrange  et  provocant. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
{La  fin  prochainement .) 


NOUVELLES  COMPOSITIONS  DE  M.  F.-J.  FËTIS, 

Maître  de  chapelle  de  S.  M.  le  roi  des  belges. 


Deuxième  article  (1). 
Première  symphonie  a  grand  orchestre. 

La  symphonie,  ce  véritable  poëme  épique  instrumental,  a-t-elle 
revêtu  une  forme  immuable  ?  Telle  est  la  question  que  l'on  est 
amené  à  se  faire  chaque  fois  qu'on  entend  ou  qu'on  lit  une  œuvre 
de  ce  genre.  —  Haydn,  comme  tous  les  hommes  de  génie  dans  tous 
les  genres,  a,  dès  le  principe,  donné  'à  la  symphonie  de  belles  et 
grandes  proportions.  Ses  émules,  Mozart  et  Beethoven,  ont  marché 
sur  ses  traces  glorieuses  en  apportant  une  large  part  de  formes  de 
détail  et  même  de  coupe  ;  mais,  à  part  le  scherzo  et  le  finale,  si 
hardiment  développés  par  Beethoven,  la  symphonie  a  gardé  constam- 
ment ses  quatre  unités  ;  savoir  :  premier  allegro, —  adagio,  andante 
ou  air  varié,  —  minuelto  ou  scherzo,  —  et  finale. 

Un  compositeur,  qui  a  écrit  ses  œuvres  à  la  lueur  des  trois  grands 
flambeaux  de  l'art  allemand,  Mendelssohn,  s'il  n'a  pas  toujours 
atteint  à  la  hauteur  où  leur  génie  s'est  élevé,  a  créé  le  scherzo  à 
deux- quatre,  et  c'est  là  un  de  ses  titres  à  la  gloire.  L'obligation 
d'écrire  une  symphonie  dans  un  ton  unique,  sauf  celui  de  l'andante, 
a  sans  doute  sa  raison  d'être  dans  ce  que  l'on  appelle  au  théâtre  la 
couleur  de  l'époque  ;  et  puisque,  sans  exagération,  on  peut  assimiler 
chacun  des  quatre  morceaux  d'une  symphonie  à  l'acte  correspon- 
dant d'un  drame,  il  est  permis  de  trouver  la  cause  de  ce  constant 
respect  pour  le  ton  choisi  dans  ce  que  nous  appelions  tout  à  l'heure 
la  couleur  de  l'époque  ;  et  alors  le  mode  majeur  ou  mineur  dans 
lequel  la  symphonie  est  écrite,  personnifierait,  en  quelque  sorte,  le 
caractère  viril  ou  féminin  de  la  composition  tout  entière. 

(1)  Voir  le  n°  23. 


DE  PARIS. 


189 


M.  Fétis,  dans  la  première  symphonie  que  nous  allons  analyser,  a 
remplacé  le  scherzo  de  Beethoven  par  un  intermezzo  à  9/8,  allegro 
molto,  dont  le  milieu  est  coupé  par  une  phrase  à  3/4  ayant  deux 
reprises,  et  se  reliant  au  motif  à  9/S  par  de  grands  développements. 
11  est  singulier  que  ce  soit  toujours  le  minuetto  de  Haydn  qui  ait 
exercé  l'imagination  de  t:ius  les  compositeurs  ;  mais  n'anticipons  pas 
sur  l'ordre  des  morceaux  de  la  nouvelle  symphonie,  objet  de  cette 
étude  ;  plus  loin,  nous  essayerons  de  découvrir  la  cause  de  cette 
constante  préoccupation  des  maîtres  symphoniques. 

Cette  première  symphonie  est  écrite  en  mi  bémol.  Le  premier 
morceau,  allegro  animât o,  débute  par  une  phrase  largement  exé- 
cutée à  l'unisson  par  les  premiers  violons  et  les  violoncelles.  Les  se- 
conds violons  et  les  altos  trémolent,  les  bassons  et  les  clarinettes 
frappent  le  premier  temps  fort,  et  les  cors  et  les  trompettes  leur  ré- 
pondent sur  le  second  temps.  L'harmonie  de  ce  début  est  pleine  et 
sonore.  —  Un  épisode  élégant  le  ramène,  exécuté  alors  par  les  ins- 
truments à  vent  en  bois,  sous  lesquels  les  premiers  violons  font  des 
arabesques  charmantes.  La  lettre  A  (lettre  de  repère)  de  ce  premier 
morceau  offre  des  syncopes  exécutées  par  les  hautbois  et  les  clari- 
nettes, tandis  que  le  quintette  à  cordes  et  le  reste  de  l'harmonie 
frappent  des  temps  coupés  d'un  effet  très-chaleureux.  —  Une  jolie 
phrase  en  mineur,  proposée  par  l'alto,  et  ayant  ses  conséquents  mé- 
lodieux à  la  quinte  au  second  et  au  premier  violon,  réveille  l'intérêt 
et  prépare  un  très-beau  tutti  par  lequel  se  termine  la  première  par- 
tie. —  La  seconde  est  habilement  travaillée  ;  des  parcelles  du  sujet 
principal  servent  au  développement  de  la  pensée  mère  du  morceau, 
et  une  phrase  en  la  bémol  apparaît  bientôt.  L'auteur,  en  employant 
à  dessein  quatre  cors  à  pistons,  deux  trompettes  à  cylindres  et  trois 
timbales  accordées  en  si  bémol,  mi  bémol  et  fa,  s'est  ménagé  des 
effets  inattendus,  et  qui  eussent  été  irréalisables  avec  les  cors  de 
l'ancien  système.  En  mettant  en  œuvre,  surtout  dans  ce  premier 
morceau,  les  trémolos  de  violon  et  d'alto,  l'auteur  a  peut-être  donné 
à  sa  pensée  un  caractère  mélodramatique  très-prononcé  ;  mais,  de 
nos  jours,  le  genre  lyrique  envahit  la  salle  de  concerts;  c'est  peut- 
être  à  cette  tendance  que  M.  Fétis  aura  cédé  à  son  insu. 

L'adagio  à  6/8,  en  la  bémol,  est  une  cantilène  ravissante  de  tout 
point,  d'une  suavité  et  d'une  tendresse  inexprimables.  L'intermezzo, 
dont  le  lecteur  a  vu  plus  haut  la  coupe  nouvelle  adoptée  par  l'auteur, 
est  d'une  belle  ordonnance  et  d'un  effet  habilement  calculé.  Le  mou- 
vement à  3/4  a  de  la  noblesse  et  une  expression  sereine  très-tou- 
chante. Ne  serait-il  donc  pas  possible  d'innover  pour  les  trois  autres 
morceaux  de  la  symphonie  ?  et  si  le  seul  minuetto  d'Haydn  a  éprouvé 
plusieurs  transformations,  la  raison  n'en  vient-elle  pas  de  ce  qu'il 
représente  l'élément  joyeux  dans  le  drame  symphonique,  tandis  que 
les  autres  morceaux  en  sont  les  parties  essentiellement  sérieuses, 
sauf  pourtant  le  finale,  qui  dénoue  quelquefois  la  symphonie  d'une 
manière  qui  n'a  rien  de  terrible  ? 

Le  rondo  à  2//i  est  dans  ce  cas  ;  il  termine  avec  verve  et  un  emploi 
très-riche,  mais  non  confus,  des  rhythmes  cette  œuvre  magistrale. 
Une  analyse  est  toujours  très-incomplète  pour  les  lecteurs  qui  n'ont 
pas  en  mains  l'œuvre  analysée  ;  et  pour  ceux  qui  la  possèdent,  elle 
n'est  pas  toujours  assez  détaillée.  Pour  concilier  toutes  les  opinions, 
nous  exprimons  un  désir  :  celui  d'entendre  à  Paris,  l'hiver  prochain, 
la  première  symphonie  de  notre  vénérable  maître.  Les  membres  de 
la  Société  des  concerts,  dont  il  s'est  fait  l'historien  dans  son  excel- 
lente Biographie  des  musiciens,  lui  doivent  bien  cette  marque  de 
gratitude  et  de  respect  pour  son  talent  encore  si  jeune  et  si  vivace. 

Dans  un  troisième  et  dernier  article,  nous  analyserons  la  deuxième 
symphonie  de  M.  Fétis. 

A.  ELWART. 


CONCOURS  POUR  LE  GRAND  PRIX  DE  COMPOSITION  MUSICALE. 

C'est  mardi  dernier,  7  juin,  que  le  concours  d'essai  a  été  jugé. 

Le  jury  désigné  par  le  sort  se  composait  de  MM.  Auber,  prési- 
dent; Berlioz,  Georges  Kastner,  membres  de  l'Institut;  Albert  Gri- 
sai-, Bazin,  prince  Poniatowski  (en  remplacement  de  M.  Rossini, 
qui  s'était  récusé),  Barbereau,  Elwart,  Duprato.  Tous  ces  noms  étaient 
sortis  de  l'urne  contenant  la  totalité  des  noms  portés  sur  la  liste  gé- 
nérale. 

M.  Albert  Grisar,  retenu  par  une  cause  imprévue,  n'a  pas  pris  part 
aux  opérations  du  jury. 

Cinq  élèves  ont  été  admis  au  concours  définitif  dans  l'ordre  sui- 
vant :  MM.  Saint-Saëns.  Danhauser,  Constantin,  Lefèvre  et  Sieg. 

La  commission  chargée  de  choisir  la  cantate  destinée  à  servir  de 
texte  au  concours  musical,  et  composée  de  MM.  Auber,  Théophile 
Gautier,  de  Saint-Georges,  Edouard  Monnais,  Emile  Perrin,  Reber, 
Nestor  Roqueplan,  baron  Taylor,  Ambroise  Thomas,  s'est  réunie  ven- 
dredi et  samedi  au  Conservatoire.  Les  pièces  de  vers  envoyées  étaient 
au  nombre  de  127.  La  cantate  choisie  a  pour  titre  Ivanhoë,  et  pour 
auteur  M.  Victor  Roussy. 

M.  de  Saint-Georges  n'a  pu  prendre  part  au  travail  de  la  com- 
mission. 

Les  cinq  élèves  ci-dessus  nommés  ont  été  mis  en  loges. 

Le  concours  définitif  sera  jugé  le  samedi  16  juillet. 


CORRESPONDANCE. 


Berlin,  9  juin. 


Les  principaux  artistes  de  l'Opéra  royal  se  trouvant  en  congé  à  cette 
époque  de  l'année,  aucun  des  ouvrages  de  Meyerbeer  n'a  pu  être 
donné  encore  depuis  la  mort  du  maître  immortel,  mais  M.  de  Hulsen 
vient  de  profiter  de  la  présence  de  M.  Niemann  pour  remonter  avec  le 
plus  grand  soin  le  Prophète,  dont  la  représentation  a  eu  lieu  hier  soir, 
et  il  a  saisi  cette  occasion  pour  rendre  un  nommage  fort  digne  à  la 
mémoire  de  l'illustre  défunt.  Entre  le  quatrième  et  le  cinquième  acte 
le  rideau  s'est  levé  sur  une  courte  introduction  de  l'orchestre,  suivie 
de  la  prière  de  l'Etoile  du  Nord.  Au  milieu  du  théâtre  se  dressait  un 
buste  colossal  du  maître  sur  lequel  planait  le  génie  de  la  Musique 
s'apprêtant  à  le  voiler  d'un  crêpe  funèbre;  aux  deux  côtés,  quatre 
piédestaux,  portant  l'inscription  des  quatre  ouvrages  de  Meyerbeer  qui 
sont  au  répertoire  de  l'Opéra  royal,  Robert,  les  Huguenots,  le  Prophète 
et  le  Camp  de  Silésie,  étaient  entourés  par  les  artistes  représentant  les 
principaux  personnages  de  ces  chefs-d'œuvre  qu'ils  couvraient  de 
couronnes  de  laurier  pendant  que  le  génie  de  la  Musique  voilait  le 
buste  ;  l'ensemble  de  cette  composition  offrait  un  aspect  aussi  artis- 
tique que  pittoresque. 

L'affiche  n'ayant  rien  dit  de  cette  cérémonie,  le  public  a  éprouvé  un 
moment  de  surprise,  mais  à  peine  le  rideau  s'était-il  baissé,  que  la 
salle  entière  retentit  de  cris  enthousiastes;  il  fallut  relever  la  toile, 
et,  cette  fois,  dans  un  élan  spontané  et  comme  obéissant  à  un  choc 
électrique,  les  quinze  cents  spectateurs  qui  remplissaient  la  salle  et  les 
personnes  de  la  cour  qui  occupaient  les  loges  royales,  se  levèrent 
simultanément  pour  participer  une  seconde  fois  debout  et  la  tête  décou- 
verte à  cette  courte  mais  très-touchante  manifestation,  hommage  rendu 
au  grand  homme  qui  n'est  plus,  et  qui  a  produit  dans  l'auditoire  la  plus 
vive  impression  ! 

La  direction  de  l'Opéra  se  propose,  du  reste,  d'organiser  pour  le  5 
septembre,  jour  anniversaire  de  la  naissance  de  Meyerbeer,  une  céré- 
monie plus  grandiose  encore  à  laquelle  le  personnel  tout  entier  de 
l'Opéra  prendra  part. 

La  représentation  du  Prophète,  hier  soir,  a  été,  d'ailleurs,  une  des 
plus  belles  auxquelles  il  m'ait  été  donné  d'assister.  Mlle  de  Anna,  dans 
le  rôle  de  Fidès,  possède  une  voix  sympathique  unie  à  un  grand  talent 
dramatique  ;  et  une  toute  jeune  artiste,  Mlle  Santer,  dans  celui  de 
Bertha,  a  fait  admirer  une  fraîche  et  limpide  voix  de  soprano. 

Il  faut  que  M.  Niemann  ait  fait  de  bien  grands  progrès  depuis  son 
début  à  Paris  dans  le  Tannhauser,  car  les  représentations  qu'il  donne 
en  ce  moment  à  Berlin  ne  sont  pas  seulement  de  simples   succès,  ce 


190 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sont  de  véritables  triomphes,  et  il  me  serait  impossible  d'énumérer  la 
quantité  de  rappels  auxquels  il  a  dû  se  rendre  dans  le  courant  de  la 
représentation  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer.  Il  est,  en  effet,  très-re- 
marquable dans  ce  rôle  magnifique  du  Prophète,  qui  sera  joué  de 
nouveau  demain  vendredi. 

La  première  nouveauté  que  nous  aurons  pour  la  saison  d'hiver  sera 
le  Pardon  de  Ploérmel,  et  la  direction  commence  déjà  à  s'en  occuper. 
Mlle  Lucca  sera  l'interprète  du  rôle  de  Dinorah,  et  M.  Betz  jouera  celui 
de  Hoël. 

J]lle  Lucca,  en  revenant  de  Londres,  que  trop  de  fatigues  l'ont  forcée 
de  quitter,  n'a  fait  que  traverser  Berlin  ;  la  célèbre  artiste  s'est  rendue 
aux  eaux  de  Reichenhall  pour  reposer  sa  voix  et  fortifier  sa  santé. 

B. 


NOUVELLES. 


**„  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  la  Favorite  et  Dia- 
volina.  Le  baryton  Caron  a  fort  bien  chanté  le  rôle  d'Alphonse. 

»%  Demain  lundi  le  Trouvère  et  Diavolina.  Un  ténor  oui  a  chanté  avec 
succès  à  l'Opéra  il  y  a  quelques  années,  M.  Sapin,  y  reparaîtra  dans  l'o- 
péra de  Verdi  et  chantera  le  rôle  de  Manrico. 

***  Les  Vêpres  siciliennes  ont  été  représentées  mercredi  et  vendredi. 
Allie  Marie  Sax  y  remplissait  le  rôle  d'Hélène  et  s'y  montrait  plus  que 
jamais  la  digne  héritière  de  Sophie  Cruvelli  par  la  chaleur  dramatique 
de  son  jeu,  par  l'éclat  de  sa  voix  splendide.  Bonnehée  a  chanté  le  rôle 
de  Montfort  de  manière  à  faire  regretter  le  parti  qu'il  a  pris  de  quitter 
l'Opéra,  si  ce  parti  est  irrévocable.  Pour  la  première  fois,  Warot  se 
produisait  dans  le  rôle  de  Henri,  qui  n'avait  encore  été  abordé  que  par 
Gueymard  et  Villaret.  Le  nouveau  chanteur  n'a  rien  d'héroïque  dans 
la  physionomie,  et  la  nature  de  sa  voix  lui  interdit  de  grands  rôles.  Ce- 
pendant, à  force  de  talent,  Warot  est  parvenu  à  triompher  des  difficul- 
tés de  sa  tâche  et  à  mériter  les  bravos  par  l'élégance  et  la  pureté  de 
son  style,  surtout  dans  la  romance  et  le  duo  du  quatrième  acte. 

„**  Mlle  Camille  de  Maësen,  du  théâtre  de  la  Monnaie,  à  Bruxelles, 
est  engagée  à  l'Opéra  et  débutera  par  le  rôle  de  Marguerite,  des  Hu- 
guenots. 

*%  L'engagement  de  Bonnehée  a  été  prolongé  d'un  mois. 

**»  On  a  fait  courir  depuis  quelque  temps  le  bruit  d'un  changement 
de  direction  à  l'Opéra-Comique.  Des  journaux  ont  même  accueilli,  avec 
une  crédulité  des  plus  naïves,  cette  absurde  rumeur.  Nous  sommes  au- 
torisés â  la  démentir  de  la  façon  la  plus  formelle.  Rien  de  ce  qui  au- 
rait pu  lui  donner  le  moindre  caractère  de  vraisemblance  n'existe  ni 
n'a  existé. 

±%  M.  Bagier  vient  d'engager,  pour  la  saison  prochaine,  le  ténor  Corsi, 
frère  du  baryton  qui  créa  le  rôle  de  Rigoletto  à  Paris.  On  assure  qu'il 
a  chanté  avec  beaucoup  de  succès  sur  plusieurs  scènes  étrangères. 

t*+  Mme  Borghi-Mamo,  l'éminente  cantatrice,  est  de  retour  à  Paris. 

•  **,,  Une  indisposition  de  Mme  Carvalho  a  forcé  d'interrompre  mo- 
mentanément les  représentations  de  la  Reine  Topaze,  dont  la  reprise 
obtient  un  véritable  succès.  —  Ismael  a  été  aussi  atteint  d'un  violent 
mal  de  gorge  ayant  tous  les  caractères  d'une  angine.  11  va  mieux. 

*%  La  rentrée  de  MmeUgalde  au  théâtre  Lyrique  s'est  faite  avec  éclat 
dans  les  Noces  de  Figaro;  l'opéra  de  Mozart  avait  attiré  beaucoup  de 
monde.— Mme  Carvalho  ayant  repris  le  rôle  de  la  reine  Topaze,  c'est 
Mlle  Ebrard  qui  joue  celui  de  Chérubin. 

j,%  On  annonce  peur  demain  au  théâtre  Lyrique  la  première  repré- 
sentation de  Norma,  interprétée  par  Puget-Pollion,  Mlle  Charry-Norma, 
et  Mlle  de  Maesen-Adalgise. 

s**  C'est  dans  la  rue  Richer  que  va  se  construire  la  salle  destinée 
au  nouveau  théâtre  Italien  qui  s'organise  en  ce  moment  sous  la  direc- 
tion de  M.  Caïmi.  On  pense  qu'elle  pourra  être  prête  pour  le  1er  oc- 
tobre . 

„%  Le  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin  continue  à  préparer  sa  saison 
lyrique.  Il  vient  d'engager  Mlle  Balbi  et  M.  Pascal ,  ténor  venant  du 
Havre,  et  mari  de  Mme  Pascal,  récemment  engagée  à  l'Opéra.  De  plus, 
la  semaine  dernière  a  eu  lieu  l'audition  d'un  opéra  de  M.  Membrée, 
paroles  de  MM.  Foussier  et  Leroy,  qui  aurait  pour  titre  le  Moine 
rouge. 

t\  Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des 
théâtres  secondaires,  des  concerts,  spectacles  concerts,  etc.,  ont  été 
pendant  le  mois  de  mai,  de  1,947,320  fr.  78  c. 

„.*„  Nous  apprenons  par  voie  télégraphique  que  le  Siège  de  Leyde,  drame 


lyrique  en  trois  actes,  dont  Mme  Tarbé  des  Sablons  a  composé  la  mu- 
sique et  qui  dut  un  moment  être  joué  au  théâtre  Lyrique,  vient  d'être 
représenté  à  Florence  avec  un  immense  succès.  Mme  Tarbé  des  Sa- 
blons a  été  rappelée  huit  fois  par  la  salle  enthousiasmée.  Nous  revien- 
drons sur  ce  succès,  si  honorable  pour  une  de  nos  compatriotes,  et  qui 
prouve  le  cas  que  l'on  fait  en  Italie  de  la  musique  française. 

,,%  On  nous  écrit  de  Londres  qu'Adelina  Patti  a  chanté  pour  la  pre- 
mière fois  le  rôle  de  Marguerite  dans  Faust,  et  qu'à  Covent-Garden 
comme  à  Paris,  elle  a  enlevé  la  salle.  A  cette  occasion,  le  Times  con- 
sacre à  la  charmante  cantatrice  un  article  tout  entier  d'éloges  enthou- 
siastes. 

t*.  L'académie  des  beaux-arts  avait  placé  à  l'ordre  du  jour  de  sa 
séance  hebdomadaire  d'hier  samedi  la  nomination  de  la  commission  qui 
sera  chargée  de  composer  la  liste  des  candidats  aspirant  à  remplacer 
l'illustre  Meyerbeer  comme  membre  associé  étranger  de  l'Académie. 

„*„  Pour  le  concours  des  classes  de  violon  au  Conservatoire,  les  pro- 
fesseurs, d'accord  avec  le  Comité,  ont  choisi  cette  année  le  29e  con- 
certo de  Viotti. 

„,**  Pour  les  concours  de  piano,  classes  des  hommes,  le  concerto  en 
mi  mineur  de  Chopin,  et  pour  les  classes  de  femmes  le  2°  concerto  de 
Field  ont  été  désignés. 

„.%  Une  mention  est  bien  due  à  M.  Ch.  Wervoitte  pour  la  part  qu'il 
a  prise  au  concert  récemment  donné  à  Versailles  au  profit  du  Refuge, 
organisé  par  lui  et  dans  lequel  M.  Ch.  Poisot  s'est  également  distingué. 

„,**  Le  célèbre  compositeur  Ferdinand  Hiller  vient  de  recevoir  le 
diplôme  de  membre  honoraire  de  la  Société  des  artistes  musiciens  à 
Prague.  La  Musical  Society  à  Londres  l'a  nommé  honorary  fellow. 

„%  Le  30  mai  dernier  Moschelès  a  célébré  le  70e  anniversaire  de  sa 
naissance  ;  l'illustre  vétéran  a  reçu  de  nombreux  témoignages  de  vé- 
nération et  de  sympathie.  Le  lendemain  il  y  a  eu,  au  Conservatoire, 
une  fête  musicale  où  l'on  a  exécuté  une  série  de  compositions  du 
maître. 

„%  M.  Elena,  mari  de  Mme  Penco,  vient  de  prendre  la  direction  du 
théâtre  de  Cadix;  sa  femme  y  tiendra  l'emploi  de  prima  donna.  Les 
autres  artistes  sont  Mme  Flory,  MM.  Nicolini,  Comberi  et  Bartolini. 
M.  Bonnetti  conduira  l'orchestre,  et  on  représentera  un  opéra  de  lui, 
Giovanna  Shore. 

„%  Ainsi  que  nous  l'avons  dernièrement  annoncé,  Arban  est  à  Nan- 
tes et,  sous  sa  direction,  le  Cercle  du  sport  a  inauguré  ses  concerts 
d'été.  Guidés  à  merveille  par  une  main  sure  et  ferme,  les  musiciens 
ont  enlevé  avec  beaucoup  de  verve  l'ouverture  de  la  Gazza  ladra  ;  Die 
Hydropaten,  valse  de  J.  Gung'l  ;  chœur  et  marche  des  soldats  de  Faust; 
et  d' Arban  les  Chants  d'Allemagne,  quadrille;  une  grande  fantaisie  sur 
la  Muette  de  Portici;  Lischen  et  Frizchen,  polka;  l'ouverture  de  Si  j'étais 
roi;  FArc-en-Ciel,  de  Jourdan;  laMaschera,  quadrille  d'Arban.  M.  Arban 
vient  de  justifier  cette  fois  encore  sa  réputation  de  chef  d'orchestre 
habile,  et  comme  soliste,  il  s'est  fait  vivement  apprécier  et  applaudir 
en  exécutant  des  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise. 

t%  S.  M.  le  roi  d'Espagne,  à  qui  Louis  Engel  vient  d'envoyer  les 
morceaux  qu'il  avait  eu  l'honneur  de  jouer  devant  Leurs  Majestés  il  y 
a  peu  de  temps,  a  daigné  conférer  au  célèbre  artiste  la  croix  d'Isabelle 
la  Catholique. 

*„,  Un  jeune  flûtiste  de  beaucoup  de  talent,  M.  Auguste  Charles,  qui 
a  fait  partie  de  l'excursion  artistique  organisée  par  le  célèbre  Julien,  de 
Londres,  et  qui  a  ainsi  parcouru  les  Etats-Unis,  l'Angleterre,  l'Allema- 
gne, la  Hollande,  la  Belgique,  et  en  dernier  lieu  la  Russie,  où  il  a  été 
nommé  fiûte-solo  des  théâtres  impériaux,  est  arrivé  à  Paris,  où  il  s'est 
fait  entendre  pour  la  première  fois  samedi,  à  une  soirée  donnée  par 
Rossini  à  sa  villa  de  Passy.  M.  Aug.  Charles  y  a  exécuté  une  grande 
fantaisie  sur  la  Fille  durégiment,  par  Briccialdi,  de  façnnà  justifier  la  bonne 
opinion  qu'on  avait  conçue  de  lui,  et  sa  résolution  de  venir  demander 
au  public  parisien  la  consécration  de  son  talent. 

„*„  Le  premier  tirage  de  la  Marche  funèbre  composée  par  Litolff  en 
l'honneur  de  Meyerbeer  est  épuisé.— L'auteur  vient  de  l'arranger  pour 
piano  à  quatre  mains;  elle  a  paru  chez  Brandus  et  Dufour. 

„%  L'ouverture  du  théâtre  Rossini  à  Madrid  est  toujours  fixée  au 
15  de  ce  mois,  et  se  fera  par  Guillaume  Tell  avec  Tamberlick. 

s,*tOn  lit  dans  le  Moniteur  de  l'Exposition  franco-espagnole  de  Bayonne: 
«  La  commission  chargée  d'organiser,  pour  les  28  et  29  août  prochain, 
un  grand  concours  d'orphéons  et  de  musiques  ne  néglige  aucune  me- 
sure propre  à  rehausser  l'éclat  de  cette  solennité  artistique.  Les  jurys 
qui  doivent  distribuer  les  récompenses  sont  ainsi  formés  :  MM.  Clapisson 
(de  l'Institut),  professeur  au  Conservatoire  ;  Delsarte,  professeur  au  Con- 
servatoire ;  Alard,  professeur  de  violon  au  Conservatoire  ;  Armingaud, 
professeur  de  violon  et  compositeur;  Victor  Massé,  directeur  des  chœurs 
de  l'Opéra  ;  Duprato,  prix  de  Rome;  Camille  de  Vos,  membre  du  comité 


DE  PARIS. 


191 


de  patronage  des  orphéons  de  France  ;  Boïeldieu,  fils  de  l'illustre  au- 
teur de  la  Dame  blanche.  M.  DulYêne  préside  le  jury  des  fanfares.  Des 
chœurs,  composés  par  MM.  Clapisson,  Camille  de  Vos,  Barthe  et  Boïel- 
dieu, seront  imposés  aux  sociétés  qui  prennent  part  au  concours.  « 

„*„  Les  Origines  de  la  chapelle-musique  des  souverains  de  France,  tel 
est  le  titre  d'un  petit  livre  plein  d'intérêt  qui  vient  d'être  mis  en  vente 
à  la  librairie  Claudin,  3,  rue  Guénégaud.  L'auteur  de  ce  petit  ouvrage, 
dont  le  titre  indique  suffisamment  le  sujet,  M.  Tr.  Thoinan,  y  a  fait 
preuve  d'une  érudition  solide  et  exempte  de  tout  pédantisme.  Son  livre 
sera  bientôt  dans  les  mains  de  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  bonnes 
recherches  historiques  sur  l'art  musical,  surtout  quand  le  résultat  de 
ces  recherches  est  exposé  avec  clarté,  dans  un  style  sobre  et  soutenu. 

»**  Dimanche  42  juin,  au  Pré-Catelan,  la  garde  impériale,  spéciale- 
ment autorisée  par  Sa  Majesté,  donnera  dans  ce  splendide  jardin  un 
concert  unique  avec  le  concours  de  l'orchestre  de  symphonie  si  re- 
marquablement conduit  par  M.  Forestier,  au  bénéfice  de  la  Caisse  de 
secours  des  artistes  musiciens.  C'est  à  l'initiative  toujours  si  dévouée, 
toujours  si  vigilante  de  M.  le  baron  Taylor,  qu'est  due  l'organisation 
de  cette  imposante  solennité  musicale  qui  n'a  et  ne  peut  avoir  lieu 
qu'une  seule  fois  par  an.  —  Tout  Paris  assistera  à  cette  fête  pour  la- 
quelle on  fait  des  préparatifs  magnifiques.  On  nous  assure  qu'avant  de 
quitter  la  capitale,  LL.  Exe.  les  ambassadeurs  japonais  veulent  jouir  du 
spectacle  qu'offrira  ce  jour-là  le  Pré-Catelan,  le  vrai  salon  d'été  parisien. 

***  L'orchestre  du  concert  des  Champs-Elysées  vient  de  s'enrichir 
d'un  artiste  très-remarquable,  M.  Levy,  célèbre  cornet  à  piston  anglais, 
qui  a  fait  longtemps  partie  de  l'orchestre  de  Julien.  Il  s'est  fait  enten- 
dre la  première  fois  vendredi,  et  il  a  joué  le  Carnaval  de  Venise,  ar- 
rangé par  lui  avec  variations.  Rarement  nous  avons  entendu  un  son 
plus  velouté,  plus  égal  joint  à  plus  d'agilité,  M.  Levy  est  d'une  grande 
force,  et  pourrait  être  comparé  sur  son  instrument  au  célèbre  Wuille 
sur  la  clarinette.  M.  Levy  ne  sera  pas  une  des  moindres  attractions  du 
concert  des  Champs-Elysées. 

**.,  Au  cimetière  de  Dusseldorf  on  doit  inaugurer,  le  29  juin  pro- 
chain, le  monument  érigé  au  célèbre  compositeur  Norbert  Burgmuller, 
qu'une  mort  précoce  a  enlevé  à  son  art. 

,.**  Le  facteur  d'orgues  Karl  Buckow,  de  Hirschberg  en  Silésie,  est 
mort  le  16  mai  à  Comorn,  où  il  était  occupé  à  établir  son  cinquante- 
quatrième  orgue,  dans  l'église  Saint-André. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


t%  Londres.  ■ —  M.  et  Mme  Marchesi  continuent  de  jouir  à  Londres 
du  succès  qni  les  avait  accompagnés  dans  toute  leur  tournée  provin- 
ciale. Les  deux  éminents  artistes  annoncent  pour  le  21  de  ce  mois  un 
concert  historique  avec  le  concours  de  SIM.  Wieniawski,  Georges 
Pfeiffer  et  Mlle  Marie  Wiek. 

*%  Leipzig.  —  Le  théâtre  de  la  ville  vient  de  fermer  pour  trois 
mois.  —  Dimanche,  5  juin,  l'Académie  de  chant  a  exécuté  le  Messie, 
de  Haendel,  au  profit  du  fonds  de  pension  pour  les  veuves  des  artistes 
de  l'orchestre. 

„%  Gratis.  —  Ander,  du  théâtre  impérial  de  Vienne,  donne  ici  des 
représentations  ;  il  a  débuté  par  le  rôle  de  Raoul  qui  a  été 
un  triomphe  pour  lui  ;  après  le  célèbre  duo  du  quatrième  acte,  il  a  été 
rappelé  quatre  fois  de  suite. 

„.**  Stargard  (Poméranie). —  Parmi  les  papiers  de  la  succession  d'un 
habitant  de  notre  ville,  on  a  trouvé  vingt-trois  manuscrits  de  Mozart, 
Dans  le  nombre,  il  y  a  une  comédie  latine  avec  mélodrame  (?),  Apollon 
et  Hyacinthe,  par  W.  Mozart,  13  mai  1766;  une  symphonie  pour  deux 
violons,  deux  basses  de  viole,  deux  hautbois,  deux  cors,  trois  contre 
basses,  par  Mozart,  Vienne  et  Olmûtz,  1767.  De  plus,  un  magnifique 
concerto  pour  piano  orchestre,  dédié  à  l'empereur  Léopold,  par 
"W.  Mozart,  Vienne,  4784;  enfin,  plusieurs  symphonies  composées  à 
Salzbourg. 

***  Stuttgard.  —Au  théâtre  de  la  cour,  nous  avons  eu  une  brillante 
reprise  des  Huguenots.  Les  principaux  rôles  ont  été  parfaitement 
interprétés  par  Mme  Leisinger  (Valcntine),  par  Mme  Maslow  (Margue- 
rite), M.  Sontheim  (Raoul),  et  Wallenreiter  (Marcel). 

***  Vienne. — Mlle  Artoc  et  Everardi  sont  partis  pour  Bruxelles,  où  ils 
se  reposeront  de  leursfatiguesjusqu'àl'automne  prochain. —Au  mois  d  août 
auront  lieu,  au  théâtre  de  la  cour,  les  débuts  de  Ferenzi,  ténor  qu'on 
dit  célèbre  en  Allemagne.  —  Le  directeur  Salvi  est  en  ce  moment  à 
Florence  pour  y  entendre  les  époux  Tiberini,  qui  ont  une  grande  ré- 
putation en  Italie.  —  Au   Prater  a  eu  lieu    un   concert  populaire  du 


Maenner-Gesang-Verein,  au  profit  du  monument  Schubert.  —  Au  salon 
Brinner,  troisième  concert  au  bénéfice  de  la  caisse  de  secours  des 
artistes  musiciens.— Une  singulière  apparition  a  eu  lieu  au  théâtre  de  la 
cour,  c'est  le  danseur  espagnol  Donato,  qui  n'a  qu'une  jambe.  On  ne 
saurait  se  faire  une  idée  de  la  sûreté,  de  la  grâce  et  de  la  vigueur  de 
cet  artiste  monopède.  En  fait  de  poses,  de  bonds  et  de  pirouettes  il 
éclipse  les  plus  habiles  danseurs  à  deux  pieds.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
bizarre,  ce  sont  les  succès  de  Donato  auprès  du  beau  sexe  :  plusieurs 
offres  de  mariage  lui  avaient  été  faites,  avant  que  son  cœur  se  fût  pris 
aux  charmes  de  Mlle  Julius. 


POUR   LE   1er   SEPTEMBRE 

Deux  artistes  allemands  (solistes),  à  présent  engagés  comme  profes- 
seurs de  hautbois  et  de  basson  dans  une  ville  de  France,  désirent 
contracter  un  autre  engagement  comme  solistes,  professeurs,  ou  dans 
un  grand  théâtre. 

S'adresser  à  M.  Rolh,  facteur  d'instruments,  à  Strasbourg. 


Vient  de  paraître 
Chez  G.  BRAN  DUS  et  S.  DU  FOUR,  éditeurs,  403,  rue  Richelieu,  au  4". 

FEUILLESDU  SOIR 

Nouvelle  Valse  par 
Pour  le  Pîano.  —  Prix  :  ©  francs. 


JLB 


Valse  pour  piano  à  quatre  mains, 

Par  MAURICE   BOURGES 


Prix  :  9  francs. 


COLLECTION  DE  TOUTES  LES 


MENOEIiSSOHN 


ROMANCES  SANS  PAROLES  p. 

Collection  complète  de  toutes  les  romances  sans  paroles  pour  le  piano. 

format  in-8°.  —  Édition  revue  par  Stephen  Heller.  —  Prix  het  :  ÎO  fr. 

(  Premier  volume  du  Répertoire  de  musique  classique  de  Piano.) 


En  yeale 

Chez  SCHOTT  frères,  éditeurs,  rue  Neuve~Saint- Augustin,  30. 


Ouvrages  nouveaux  de  M.  FÉTIS 

1er  Quintette  (en  la  mineur),  partition. 

Ici.  parties  séparées. 

9e  Quintette  (en  ré),  partition. 

ld.  parties  séparées. 

Grand  sextuor   pour  piano  à  quatre  mains,  deux  violons,  alto  et 
violoncelle  (en  mi  bémol),  partition. 

Id.  parties  séparées. 

lre  Symphonie  à  grand  orchestre  (en  mi  bémol),  partition. 

Id.  parties  séparées. 

«c  Symphonie  à  grand  orchestre  (en  sol  mineur),  partition. 

Id.  parties  séparées. 


192 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Collection  des  Œuvres 


iOMO    MEYEUBEEH 


Publiées  par  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1° 


ROBERT  II  DIABLE 


GUENOTS,  LE  PROPHETE, 


L'ÉTOILE  DU  NORD,  LE  PARDON  DE  PLOERMEL 

Grandes  partitions.  —  Parties  d'orchestre. 

Partitions  ponr  piano  et  chant,  avec  paroles  françaises;   les  mêmes,  avec  paroles  italiennes  et  allemandes. 

Partitions  ponr  piano  seul  et  à  quatre  mains.  —  Airs  détachés  de  chant.  —  Chœurs.  —  Ouvertures.  —  Marches.  —  Airs  de  ballet. 


OIITBBTIIBE 

Grande  partition,  parties  d'orchestre, 
piano,  à  quatre  mains. 


STRUENSÉE 


PO  LOKAISG 

Grande  partition,  parties  d'orchestre, 
piano,  à  quatre  mains. 


IL   CROCIATO 

Partition  chant  et  piano .  —  Prix  net  :  12  fr 


Airs  détachés  de  chant. 


40  MÉLODIES 

In-8°.  —  A  une  et  à  plusieurs  voix. —  Net  :  12  fr. 


MARGUERITE    D'ANJOU 

Partition  chant  et  piano.  —  Prix  net  :  12  fr. 


Airs  détachés  de  chant. 


MÉLODIES  DETACHEES  AVEC  PAROLES  FRANÇAISES  ET  ALLEMANDES 


Fantaisie U  '■ 

Seule,  pour  voix  de  basse 4  1 

La  Marguerite  du  poëte 3  1 

Suleika Il 

Le  Jardin  du  cœur 2 

Guide  au  bord  ta  nacelle 4 

Sirocco 4 

La  Chanson  de  maître  Floh.   ...  4 

Chanson  des  moissonneurs  vendéens  4 

De  ma  première  amie 2 

Elle  et  moi 2 

Chanson  de  mai 4 

La  même,  avec  paroles  italiennes. 


Rachel  à  Nephtali : 

A  une  jeune  mère ! 

Le  Moine,  pour  voix  de  basse.  .   .  ( 

La  Barque  légère i 

Ballade  de  la  reine  Marguerite  .    .  ! 

La  Folle  de  Saint-Joseph ! 

Mère  grand,  nocturne  à  deux  voix,  i 

Le  même,  avec  paroles  italiennes. 

Le  Ranz  des  vaches  d'Appenzell.  .  ; 

Le  Vœu  pendant  l'orage ■ 

Le  Poëte  mourant ! 

La  Fille  de  l'air : 

Nella : 


C'est  elle 2  50 

Les  feuilles  de  rose 3  75 

Mina 3  75 

Les  souvenirs 3    » 

La  même,  avec  paroles  italiennes. 

Le  Pénitent 2  50 

Sérénade 4  50 

La  Dame  invisible 5    » 

Sur  le  balcon 5     » 

Cantique  du  trappiste,  pour  basse.  4  50 

La  même,  avec  paroles  italiennes. 

Prière  d'enfants 3    » 

Printemps  caché 2  50 


Chant  du  dimanche 

Confidences 

Délire 

Le  même,  avec  paroles  italiennes, 

Le  Voyageur  au  tombeau  de  Bee- 
thoven  • 

Le  Baptême . 

Aimez 

Sicilienne 

A  Venise,  barcarolle,  paroles  fran- 
çaises de  Paccini 

La  même,  avec  paroles  italiennes 
de  Baltrame 


3  50 
2  50 


ILE  tn,HT  DU  BERCER,  lied  avec  ac- 
compagnement de  clarinette  obligée    6     » 


PRÈS  DE  TOI,  lied  avec  accompagnement  de 
violoncelle  obligé 6    » 


LE  REVENANT  DU  VIEUX  CHATEAU  DE  BADE, 
Légende  et  ballade 9    » 


CHŒURS  POUR  VOIX  D'HOMME 

PAROLES  FRANÇAISES  ET  ALLEMANDES. 

A  la  Patrie,  chœur  avec  soli net .  2  » 

Invocation  à  la  terre  natale,  chœur  sur  un  thème  anglais  I  50 

4,es  Joyeux  Chasseurs,  chœur  à  quatre  voix 1  » 

L'Amitié,  quatuor -1  » 

Le  Cbant  «les  Exilés,  chœur  avec  solo  de  ténor 2  » 

Adieux  aux  jennes  mariés,  sérénade  à    huit  voix 2  » 

Prière  «lu  matin,  pour  deux  chœurs  à  huit  voix 2  » 

Cbant  guerrier,  de  Struensée,  chœur  à  quatre  voix 1  » 

Le  91°  Psaume,  motet  à  huit  voix  (en  deux  chœurs),  in-8".  5  » 


Sept  chants  religieux,  à  quatre  voix,  1  vol.  in-4° 15 


MORCEAUX  DE  CHANT  DIVERS 

A  Schiller,  cantate  composée  pour  la  célébration  du  100°  an- 
niversaire de  la  naissance  de  Schiller,  in-3°,  net S 

Nice  à  Stéphanie,  cantate  composées  pour  l'anniversaire  de 

S.  A.  I.  Mme  la  grande-duchesse  Stéphanie  de  Bade 

Scène  et  Prière,  composées  pour  Mario  dans  Robert  le  Diable. 
Scène  et  Cavatinc  du  Crociato,  composée  pour  Mme  Pasta 

Rondo  composé  pour  Mme  Alboni  dans  les  Huguenots 

Parmi  les  pleurs,  romance  intercalée  dans  les  Huguenots. . . 

Polonaise  et  Arioso,  ajouté  à  V Etoile  du  Nord,  chîque 9 

Scène  et  Canxonetta,   ajoutées  au  Pardon  de  Ploërmel 9 

Pas  de  la  bouquetière,  air  dansé,  ajouté  à  Robert  le  Diable    6 


SCHILLER  -MARSCH 

Composée  pour  la  célébration  du  1 00e  anniversaire  de  la  naissance  de  Schiller . 
Grande  partition,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains. 


MARCHE  DU  COURONNEMENT 

Composée  pour  le  sacre  du  roi  Guillaume  Ier  de  Prusse. 
Grande  partition,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains. 


4  MARCHES  AUX  FLAMBEAUX 


OUVERTURE  EN  FORME  DE  MARCHE 


Grandes  partitions,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains.  Composée  pour  l'inauguration  de  VExposition  universelle  de  Londres. 

(La  3°  marche  pour  musique  militaire.)  '  Grande  partition,  parties  d'orchestre,  piano,  à  quatre  mains. 


PORTRAIT  LITHOGRAPHIE  DE  GIACOMO   MEYERBEER, 


dessiné  d'après  nature  par  Desmaisons, 

Prix  net  :  U  fr. 


iifbimebie:  ccstîiale  de  nv 


BUREAUX    A  PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


I\°  25. 


19  Juin  1861 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

;  tous  les  Marchands  de   Musique,  les  Libraire 

t  qui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 2*  r.  par  01 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30»       id- 

Étranger ■•■    34  "       id- 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MU 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  Robert  le  Diable,  début  de  M.  Da- 
vid dans  le  rôle  de  Bertram,  et  de  Mme  Marie  Pascal  dans  celui  d'Isabelle.  — 
Théâtre  Lyrique  impérial  :  Norma,  par  Léon  Durocher.  —  ta  musique, 
le  théâtre  et  la  danse  &  l'Exposition  des  Beaux-Arts,  salon  de  1864  (3"  et  der- 
nier article),  par  Era.  Mathieu  de  Monter.  — Lefébure-Wély.  — Union 
musicale.  —  Revue  des  théâtres,  par».  A.  D.  Saint- Yves.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

Robert  te  niable.  —  Début  de  H.  David  dans  le  rôle 
de  Bertram  et  de  Mme  Marie  Pascal  dans  celai  d'I- 
sabelle. 

Rien  d'étonnant  à  ce  que  les  débuts  se  multiplient  dans  des  ou- 
vrages tels  que  Robert  le  Diable,  les  Huguenots,  jusqu'à  ce  que  l'on 
retrouve  à  peu  près  l'équivalent  des  artistes  qui  en  ont  créé  les  prin- 
cipaux rôles.  Tout  a  changé  depuis  trente  et  quelques  années,  ex- 
cepté les  chefs-d'œuvre  même,  qui  rajeunissent  avec  le  temps  ;  mais 
de  leurs  interprètes,  aucun  n'est  demeuré  ;  les  exemples  se  sont  per- 
dus, les  traditions  oubliées,  sauf  chez  le  petit  nombre  des  amateurs 
d'un  goût  sûr  et  d'une  forte  mémoire,  dont  les  avis  sont  excellents 
sans  doute,  mais  bien  moins  efficaces  que  ne  le  serait  un  modèle 
vivant  ! 

Voici  par  exemple  M.  David,  un  nouveau  Bertram,  qui  nous  vient 
de  Marseille  avec  des  qualités  fort  estimables,  malgré  l'insuffisance 
trop  sensible  des  cordes  basses  de  sa  voix.  Du  reste,  il  a  de  la  physio- 
nomie, l'œil  expressif,  le  geste  intelligent,  et  une  certaine  distinction 
de  bon  augure  dans  un  artiste.  Combien  lui  serait- il  bon  et  utile  d'étu- 
dier Levasseur  dans  la  plus  belle  de  ses  créations  1 11  n'en  donnerait 
pas  mieux  le  mi  bémol  grave  sur  ces  mots  :  sinon  la  mort,  parce  que 
la  nature  ne  le  lui  permet  pas,  mais  il  apprendrait  à  chanter  son  rôle 
avec  plus  de  fermeté  rhythmique,  à  l'articuler  plus  sataniquement 
encore.  Et  que  n'est-il  possible  de  rappeler  ainsi  les  maîtres  de  l'art, 
rien  que  pour  leur  demander  de  temps  à  autre  quelques  leçons 
dont  le  besoin  se  fait  sentir  plus  que  jamais  ! 

Gueymard  et  Mme  Marie  Sax  en  profiteraient  d'autant  mieux  qu'ils 


sont  plus  avancés  dans  la  faveur  publique,  et  ne  manquent  jamais 
de  produire  leur  effet.  Le  cinquième  acte  de  Robei*t  en  a  fourni 
mercredi  dernier  une  preuve  sans  réplique.  Le  magnifique  trio  final 
leur  a  permis  de  déployer  toute  la  puissance  de  leur  talent,  et  Mme 
Marie  Sax  a  surtout  impressionné  la  salle  entière  par  la  manière 
dont  elle  a  dit 

Fuis  les  conseils  audacieux 

Du  séducteur  qui  m'a  perdue. 

C'était  de  l'inspiration  franche  et  vraie,  avec  une  voix  magnifique 
à  son  service. 

En  parlant  de  Mme  Pascal  nous  avons  dit  qu'elle  arrivait  de  Ver- 
sailles, mais  elle  vient  de  bien  plus  loin,  puisqu'elle  est  Sicilienne,  et 
l'on  s'en  aperçoit  un  peu  à  son  accent.  Après  avoir  débuté  dans 
Mathilde  de  Guillaume  Tell,  elle  s'est  essayée  dans  Isabelle  de 
Robert  le  Diable.  De  princesse  à  princesse  il  n'y  a  que  la  main  :  il 
n'y  a  pas  non  plus  de  différences  à  noter  dans  la  façon  dont 
Mme  Pascal  a  rempli  ces  deux  rôles;  comme  cantatrice,  elle  ne 
paraît  pas  avoir  un  mérite  assez  éminent  pour  effacer  ou  racheter  les 
torts  de  sa  personnalité  dramatique. 

P.  8. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

Xortntt. 

Le  brillant  succès  de  Rigoletto  a  mis  le  théâtre  Lyrique  en  goût 
de  traduction.  Après  Verdi,  Bellini.  Après  Bellini,  peut-être  ver- 
rons-nous arriver  Donizetti,  ou  quelque  autre  Italien  renommé. 
Une  réputation  établie,  une  gloire  incontestée  manquent  rarement 
leur  effet  sur  l'imagination  d'un  directeur  qui  croit,  en  l'accueillant, 
ne  courir  aucune  aventure  et  n'avoir  à  craindre  aucun  mécompte. 

Ces  entreprises  ne  sont  cependant  pas  toujours  sans  danger.  Un 
ouvrage  à  succès  est  un  ouvrage  connu.  On  sait  d'avance  quel  en  est 
le  style,  le  caractère,  la  couleur,  quelles  sensations  il  doit  faire  naî- 
tre, quel  effet  il  doit  produire.  Malheur  à  vous  si  le  programme  n'est 
pas  suivi,  si  l'auditeur  désappointé  secoue  la  tête,  et  dit  en  sortant  : 
«C'est  ça,  mais  ce  n'est  pas  ça.  »La  partition  n'y  peut  rien  perdre, 
et  l'insuccès  retombe  tout  entier  sur  les  exécutants. 


194 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Rigoletto  a  très-justement  réussi  parce  que  cet  opéra  avait  été  cons- 
ciencieusement étudié,  répété  longtemps  et  avec  soin,  que  tous  les 
acteurs  étaient  entrés  dans  l'esprit  de  leur  rôle,  et  avaient  pris  le 
style  vocal  qui  convient  à  la  musique  de  M.  Verdi,  que  l'orchestre 
faisait  valoir  tous  les  détails  et  ne  manquait  aucun  effet,  en  un  mot, 
parce  que  toutes  les  intentions  du  compositeur  étaient  remplies.  Bel- 
lini  a-t-il  été  aussi  bien  traité  ? 

11  faudrait,  pour  le  croire,  ignorer  complètement  le  caractère  pro- 
pre du  talent  de  Bellini,  et  ce  qui  le  distingue  des  autres  composi- 
teurs. L'énergie,  la  véhémence,  les  grands  éclats  ne  sont  pas  son 
fait.  Sous  sa  douce  main,  la  tragédie  la  plus  terrible,  le  drame  le 
plus  sombre  se  transforment  en  élégies.  La  simplicité,  la  tendresse, 
la  grâce  ingénue,  un  charme  mélancolique  que  l'on  sent  plus  aisé- 
ment qu'on  ne  le  définit,  voilà  le  principe  de  ses  succès,  et  la  source 
de  l'influence,  incontestablement  très-puissante,  qu'il  a  exercée  sur 
l'art  contemporain.  Une  seule  fois,  dans  sa  trop  courte  carrière,  il  est 
sorti  de  sa  voie,  et  cet  effort  lui  a  mal  réussi.  Ce  fameux  duo  des 
Puritains,  —  fameux  par  le  bruit  qu'il  faisait,  —  qu'on  devait,  sui- 
vant Rossini,  avoir  entendu  de  Naples,  est  médiocre,  et  fort  au-des- 
sous du  reste  de  la  partition.  C'est  la  seule  fois  que  cet  aimable 
compositeur  se  soit  laissé  aller  à  l'exagération  de  la  sonorité.  Par- 
tout ailleurs  il  est  doux  et  calme.  La  passion  n'a  pas  chez  lui  ces 
violents  paroxysmes  où  se  complaît  l'art  moderne.  Dans  ses  partitions, 
comme  dans  la  tragédie  de  Quinault, 

. . .  Jusqu'à  je  vous  hais,  tout  se  dit  tendrement. 

Est-ce  ainsi  que  ses  interprètes  du  théâtre  Lyrique  l'ont  compris? 
Nous  en  prenons  pour  juges  tous  ceux  qui  les  ont  entendus.  Mlle  Maë- 
sen  qui,  dans  Rigoletto,  a  dû  son  plus  grand  succès  à  l'énergie 
vocale  du  duo  du  troisième  acte,  a  voulu  absolument  trouver  les 
mêmes  effets  dans  le  rôle  naïf  et  mélancolique  d'Adalgise.  Elle  a 
donc  transformé  ce  personnage  et  prêté  des  accents  trop  vifs  à  une 
jeune  fille  ingénue.  Mme  Charry,  pour  ne  pas  rester  en  arrière 
de  Mlle  de  Maësen,  a  fait  de  nobles  efforts,  que  le  succès  n'a  pas 
toujours  couronnés.  Pollion  a  voulu  prouver  qu'il  était  digne  de  tenir 
tête,  tout  à  la  fois,  et  comme  on  dit  à  certains  jeux,  de  faire  la 
chouette,  aux  deux  druidesses.  Bref,  au  théâtre  Lyrique,  on  chante 
Norma  comme  un  opéra  de  M.  Verdi.  On  ne  saurait  imaginer  un 
plus  complet  contre-sens. 

On  a  pratiqué  d'assez  belles  coupures  dans  plus  d'un  morceau  de 
cet  ouvrage.  On  a  eu  bien  raison  !  Notre  seul  regret  à  cet  égard  est 
qu'on  n'en  ait  pas  fait  davantage. 

L'orchestre  est  souvent  confus.  Les  mouvements  sont  sou"ent  alté- 
rés d'une  manière  sensible,  ce  qui  contribue  encore  à  dénaturer 
la  pensée  du  compositeur.  Tout  cela,  évidemment,  a  été  fait  trop 
vite,  et  l'on  a  cueilli  le  fruit  avant  qu'il  fût  mûr. 

Mme  Andrieux-Charry  vient,  dit-on,  de  Rouen,  où  elle  était  fort 
aimée,  fort  applaudie.  Elle  est  sortie  de  l'école  de  M.  Duprez.  Elle 
pousse  sa  voix,  qui  n'est  pas  naturellement  très-vigoureuse,  au  point 
d'en  altérer  le  timbre.  Son  organe  n'est  agréable  que  lorsqu'elle 
chante  piano,  ce  qui,  hélas  1  n'arrive  pas  assez  souvent.  Elle  pro- 
nonce de  telle  sorte  qu'on  entend  assez  rarement  ce  qu'elle  dit.  Elle 
ne  manque  pourtant  pas  de  talent.  Elle  a  de  l'instinct  dramatique, 
de  l'expression,  elle  vocalise  parfois  correctement,  et  son  chant  parfois 
aussi  est  assez  habilement  coloré.  Mais  elle  comprend  mal  Bellini. 
—  Peut-être  l'aurait-elle  mieux  compris  si  elle  eût  été  mieux  en- 
tourée. 

Nous  avons  lu  sur  l'affiche  :  Norma,  opéra  de  M.  Etienne  Mon- 
nier,  etc.  Norma  est  une  tragédie  de  feu  Soumet,  de  l'Académie 
française.  Il  faut  bien  rappeler  ses  titres ,  puisqu'on  paraît  ignorer 
son  nom.  Le  poëte  italien  Romani  —  si  nous  ne  nous  trompons  — 


a  fait  un  opéra  de  la  tragédie,  sur  les  indications  de  Mme  Pasta,  qui 
avait  vu  cet  ouvrage  à  l'Odéon,  et  en  avait  su  apprécier  le  mérite. 
M.  Etienne  Monnier  a  traduit  l'imitation  de  Romani,  et  le  voilà,  de 
par  l'affiche  du  théâtre  Lyrique,  auteur  unique  de  la  pièce.  L'inven- 
tion du  sujet,  la  conception  des  caractères,  l'agencement  des  scènes, 
l'appropriation  du  drame  à  la  musique,  on  lui  fait  honneur  de  tout 
cela  !  Heureux  M.  Monnier  !  Il  peut  se  vanter  d'avoir  des  amis  pleins 
de  zèle,  et  même  assez  courageux. 

Léon  DUROCHER. 


Nous  avons  fait  connaître  les  legs  de  Meyerbeer  à  l'Association  des 
artistes  musiciens  et  à  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs  dra- 
matiques de  Paris.  Le  testament  de  l'illustre  défunt  affecte  en  outre 
pour  Berlin  : 

1°  Dix  mille  thalers  (37,500  francs)  à  une  fondation  pour  déjeunes 
musiciens  allemands,  à  titre  de  subvention  pour  un  voyage  en  Italie, 
à  Paris  et  en  Allemagne  (dans  le  genre  du  prix  de  Rome  établi  à 
Paris)  ; 

2°  Trois  cents  thalers  (1,125  francs)  à  la  caisse  de  secours,  pour 
les  malades  de  l'asociation  dessmusiciens  de  Berlin. 

Au  sujet  des  dix  mille  thalers  (37,500  francs)  le  testament  s'ex- 
prime en  ces  termes  : 

«  11  existe  à  Berlin,  ma  ville  natale,  à  l'Académie  royale  des  beaux- 
arts,  dont  je  suis  membre,  un  prix  de  concours  destiné  à  couvrir  les 
frais  d'un  voyage  d'études  en  Italie,  pour  les  élèves  de  toutes  les  bran- 
ches des  beaux-arts  ;  les  seuls  élèves  de  la  composition  musicale  en 
sont  exceptés.  Pour  combler  cette  lacune  autant  qu'il  dépend  de  moi, 
j'ordonne  ce  qui  suit  : 

Un  capital  de  10,000  thalers  doit  être  pris  sur  ma  fortune  et  placé 
sous  la  dénomination  de  :  fondation  meverbeer  pour  les  musiciens,  de 
manière  à  rapporter  o  0/0.  Tous  les  deux  ans,  les  intérêts  cumulés  du 
capital  seront  remis  à  un  étudiant  de  composition  musicale,  dans  le  but 
et  les  conditions  qui  suivent. 

Chaque  concurrent  pour  le  prix  doit  : 

1°  Etre  Allemand,  né  et  élevé  en  Allemagne,  et  être  âgé  de  moins  de 
vingt-huit  ans;  il  peut  appartenir  à  n'importe  quelle  religion  et  quelle 
profession  ; 

2°  Il  doit  avoir  fait  ses  études  musicales  dans  l'une  des  institutions  ar- 
tistiques publiques  de  Berlin  ou  au  Conservatoire  de  musique  de  Colo- 
gne. Je  comprends  dans  les  premières  VEcole  académique  royale  -pour  la 
composition  musicale,  dirigée  actuellement  par  le  professeur  Grell  ;  l'Ins- 
titut royal  pour  la  musique  d'église,  dirigé  par  le  professeur  Bach;  le 
Conservatoire  de  musique,  dirigé  par  M.  Stem,  et  celui  que  dirige 
M.  Kullack.  Aussi  longtemps  que  les  professeurs  Marx  et  FI.  Geyer 
s'occuperont  de  l'enseignement  des  jeunes  musiciens,  leurs  élèves  de- 
vront également  concourir  au  prix  en  question. 

Les  sujets  des  concours  doivent  être  simultanément  : 

A.  Une  fugue  vocale  à  nuit  voix  pour  deux  chœurs,  dont  le  thème 
principal  et  le  texte  doivent  être  fournis  aux  concurrents  par  le  jury 
du  concours; 

B.  Une  ouverture  à  grand  orchestre; 

C.  Une  cantate  dramatique  à  trois  voix,  pour  chant  et  orchestre,  dont 
le  texte  inédit  devra  être  communiqué  par  le  jury  aux  concurrents,  et 
consistera  en  deux  airs,  un  duo  et  un  trio  liés  par  des  récitatifs 
et  précédés  d'une  introduction  ou  ouverture  instrumentale  qui  expri- 
mera les  situations  du  texte.  Le  poëte  du  texte  que  le  jury  choisira  re- 
cevra 30  thalers,  que  mes  héritiers  auront  à  payer  séparément.  Comme 
juges  du  concours,  j'institue  : 

1°  Tous  les  membres  de  la  section  de  musique  de  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Berlin  ; 

2°  Les  deux  chefs  d'orchestre  de  l'Opéra  royal,  à  Berlin; 

3°  Les  deux  directeurs  des  conservatoires  de  MM.  Stern  et  Kullack, 
aussi  longtemps  que  ces  établissements  existeront; 

4°  Les  professeurs  B.-A.  Marx  et  Flodoard  Geyer,  aussi  longtemps 
qu'ils  vivront. 

Le  concurrent  qui  obtiendra  le  prix,  recevra  les  intérêts  cumulés 
pendant  deux  ans  du  capital,  c'est-à-dire  1,000  thalers;  il  sera,  par 
contre,  tenu  à  passer  les  premiers  six  mois  en  Italie,  le  second  semestre 
à  Paris,  et  à  partager  le  troisième  alternativement  entre  Vienne,  Mu- 
nich ou  Dresde,  afin  d'étudier  à  fond  dans  ces  pays  et  dans  ces  villes 


DE  PARIS? 


195 


l'état  de  la  musique  à  ce  moment.  Pendant  les  dix-huit  mois  que  du- 
rera son  voyage,  1  élève  devra  envoyer  à  la  section  de  musique  de 
l'Académie  royale  des  beaux-arts  à  Berlin,  comme  une  preuve  de  son 
zèle  pour  les  études  musicales,  deux  grandes  compositions  :  l'une  pour 
musique  vocale,  fragment  d'opéra  ou  d'oratorio;  l'autre  pour  musique 
instrumentale ,  ouverture  ou  fragment  de  symphonie. 

Si  au  concours  personne  n'était  jugé  digne  du  prix,  le  dernier  con- 
current couronné  pourrait  le  recevoir  une  seconde  fois,  pour  le  cas 
où  le  jury  le  jugerait  convenable.  S'il  n'en  était  pas  ainsi,  la  moitié  de 
la  somme  disponible  serait  ajoutée  au  plus  prochain  prix  à  donner,  et 
l'autre  moitié  au  prix  suivant. 

Comme  administrateurs  et  curateurs  du  capital  de  cette  fondation, 
je  désigne  :  1°  le  président  actuel  de  l'Académie  des  beaux-arts,  le  pro- 
fesseur Daege  ;  2°  le  conseiller  privé  du  gouvernement,  docteur  Jolîan- 
nès  Schulze,  qui  dirige  d'une  manière  si  fidèle  et  si  sage  depuis  nombre 
d'années  la  fondation  pour  les  peintres  et  sculpteurs  de  feu  mon  frère 
Michael  ;  3°  mon  gendre  le  baron  Emmanuel  Korf. 

Lorsqu'il  y  aura  nécessité,  ces  curateurs  seront  remplacés  :  M.  Daege 
par  son  successeur  à  la  présidence  de  l'Académie;  M.  Schulze  par  une 
personne  choisie  par  les  deux  autres  curateurs,  et  s'il  y  avait  désac- 
cord entre  eux,  par  celle  des  deux  personnes  proposées  qu'un  tirage  au 
sort  aurait  désignées  ;  M.  le  baron  Korf,  par  un  membre  mâle  de  ma 
famille,  gendre,  petit-fils,  ou  à  défaut  par  l'un  de  mes  neveux. 

Les  curateurs  ainsi  institués  représenteront  aussi  la  fondation  vis-à- 
vis  des  tiers,  des  administrations,  etc.,  et  ils  sont  munis  de  pleins 
pouvoirs  à  cet  effet.  » 


En  même  temps  qu'il  écrivait  pour  le  piano  sa  belle  marche  funèbre 
à  la  mémoire  de  M.  Meyerbeer,  Litolff  destinait  dans  sa  pensée  cette 
remarquable  inspiration  aux  nouveaux  instruments  de  cuivre  d'Adolphe 
Sax  :  Une  trompette,  deux  trombones,  un  saxhorn  basse  en  si  bémol , 
un  saxhorn  contre-basse  en  mi  bémol  et  un  saxhorn  contre-basse  en 
si  bémol,  tous  ces  instruments  à  six  pistons  et  tubes  indépendants. 
L'effet  en  est  aussi  terrifiant  que  grandiose,  et  ces  voix  dont  la  souplesse 
et  l'expression  le  disputent  à  la  puissance,  impriment  encore  un  plus 
sombre  et  plus  douloureux  caractère  à  l'originale  conception  du  mu- 
sicien. 

C'est  dans  la  salle  de  la  rue  Saint-Georges  que  nous  avons  entendu  cette 
page  émouvante.  Depuis  le  commencement  du  mois ,  Aldolphe  Sax 
convie  deux  fois  par  semaine,  le  lundi  et  le  vendredi ,  à  des  auditions 
musicales  d'un  haut  intérêt,  tout  ce  que  Paris  renferme  d'artistes ,  d'é- 
crivains et  de  notabilités  en  tout  genre  :  le  général  y  coudoie  le  journa- 
liste et  le  sénateur  le  musicien.  Dans  ces  curieuses  réunions,  l'auteur 
donne  la  meilleure  explication  de  son  œuvre  en  la  faisant  entendre  , 
c'est-à-dire  en  mettant  chacun  à  même  d'en  apprécier  de  auditu  les 
qualités  exceptionnelles.  Aux  instruments  à  pistons  indépendants,  se 
mêle  la  famille  des  saxophones  dont  une  douzaine  d'élèves  militaires 
composant  la  classe  d'Adolphe  Sax  au  Conservatoire,  font  très-agréable- 
ment les  honneurs. 

Quand  on  réfléchit  que  la  rapide  extension,  que  l'immense  propaga- 
tion de  la  musique  d'instruments  de  cuivre  est  due  aux  inventions 
d'Adolphe  Sax,  et  en  particulier  à  la  facilité  et  à  la  simplification  de  ses 
saxhorns,  on  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  l'inépuisable  fécondité  du 
célèbre  inventeur  que  rien  ne  saurait  arrêter,  pas  même  son  intérêt 
bien  entendu,  car  par  leur  supériorité  incontestable,  ses  derniers  ins- 
truments sont  évidemment  appelés  à  remplacer  eux-mêmes  les  saxhorns, 
et  cette  substitution  ne  peut  se  faire  sans  de  nouvelles  luttes,  sans  de 
nouvelles  résistances,  toutes  choses  assez  peu  favorables,  comme  cha- 
cun sait,  aux  questions  pécuniaires.  Mais  le  véritable  artiste  ne  se  laisse 
pas  envahir  par  de  pareilles  considérations  :  Il  crée  sans  calcul  et  sans 
arrière-pensée,  comme  l'arbre  donne  son  fruit,  parce  que  Dieu  l'a  mis 
au  monde  pour  cela. 


LÀ  MUSIQUE,  LE  THÉÂTRE  ET  LÀ  DANSE 

A     L'EXPOSITION      DES     BEAUX-AKTS. 
Salon  de  1864. 

(2e  et  dernier  article)  (1). 

C'est  en  traversant  ainsi  les  salles  de  l'Exposition  que  l'on  ren- 
contre et  que  l'on  salue  du  regard  bien  des  figures  de  connaissance, 
qui  sourient  au  visiteur,  et  semblent  sortir  de  leur  cadre  d'or  pour 

(1)  Voir  les  n«*  23  et  24. 


venir  lui  souhaiter  la  bienvenue.  Voici  jjMme  Anna  de  Lagrange  , 
Mlle  Karoly,  Mlle  Milla,  le  petit  tambour  de  Marengo,  en  toilette  cons- 
tellée de  diamants  et  de  perles,  et  une  élève  du  Conservatoire,  dit  le 
livret  qui  n'y  entend  pas  malice.  Voici  Halévy  et  MM.  Auber,  Cla- 
pisson,  Ambroise  Thomas,  Marmontel.  Mlle  Elvire  Leroy,  un  gracieux 
talent  arrivé  aujourd'hui  à  la  perfection,  a  exposé  une  miniature  qu'eût 
signée  Mme  de  Mirbel  :  le  portrait  de  M.  Lassabathie,  du  Conser- 
vatoire. Je  n'ai  jamais  beaucoup  aimé  la  photographie  ;  mais  les  mi- 
niatures de  Mlle  Leroy  m'en  éloignent  chaque  année  davantage.  Voici 
MM.  Jules  Petit,  Laferrière,  Ravel,  Raynard,  Tisserant  —  en  porce- 
laine :  il  est  si  cassant  dans  ses  rôles  de  prédilection  !  —  Menehaut, 
Coquelin,  Monrose.Samson,  buste  en  marbre  de  Crauck  (2567)  d'une 
finesse  d'expression  admirable.  Voici  en  groupes  heureusement  dis- 
tribués, et  dans  les  costumes  des  œuvres  où  ils  excellent,  les  so- 
ciétaires actuels  de  la  Comédie  française,  peints  avec  une  remar- 
quable fidélité  de  ressemblance  par  leur  camarade  Geffroy.  Voici 
M.  Alexandre  Dumas  fils.  Voici,  enfin,  non  loin  de  Philidor,  le  fa- 
meux joueur  d'échecs,  l'auteur  de  Tom  Jones  et  du  Sorcier,  Cheru- 
bini  et  Mozart,  deux  bustes  destinés  à  la  bibliothèque  du  Conserva- 
toire :  le  premisr,  par  M.  Oliva,  est  une  œuvre  consciencieuse  ;  quant 
au  second,  de  M.  Eudes  (2597)....  Hélas  ! 

La  galerie  des  artistes  qu'on  nommait  les  refusés,  l'année  der- 
nière, et  qu'un  euphémisme  officiel  appelle  cette  année  les  non  ad- 
mis, exhibe  un  Concert  champêtre,  un  Chant  du  soir,  la  Scène  de  la 
comédie,  dans  Hamlet,  par  Rouvière;  un  buste  de  Ligier,  des  instru- 
ments de  musique  fantastiques;  Fais  donc  fa  dièse  !  leçon  de  piano 
que  donne  à  sa  poupée  une  artiste  de  cinq  ans  ;  enfin  une  Vue  pers- 
pective d'un  théâtre  pour  une  grande  ville....  chinoise,  sans  au- 
cun doute,  à  en  juger  par  le  style  de  la  bâtisse!  Même  avec  le  revoir 
et  le  temps,  ces  correcteurs  et  moniteurs  sans  pareils,  deviendrez- 
vous  jamais  des  peintres,  ô  badigeonneurs  convaincus  ! 

De  cette  immense  exhibition  que  restera-t-il  pour  l'avenir  ? 
Devant  tant  de  travaux,  la  foule  s'est-elle  émue,  passionnée?  Les 
esprits  ont-ils  été  frappés  par  une  manifestation  soudaine  et  écla- 
tante? Avons-nous  rencontré  une  impression  profonde,  nous  arrachant 
à  la  réalité  d'hier,  à  celle  d'aujourd'hui,  nous  laissant  entrevoir  la 
perspective  d'un  progrès  et  comme  l'aurore  d'un  génie  ?  Rien  de  tout 
cela.  En  peinture  comme  en  musique,  on  ne  trouve  plus  aujourd'hui 
que  bien  rarement  la  prépondérance  de  l'idée,  la  convenance  du 
fonds  et  de  la  forme,  l'harmonie  entre  le  moyen  et  le  but  se  réglant 
toujours  sur  les  principes  du  beau.  Tout  le  monde  fait  à  peu  près 
bien,  mais  personne  ne  fait  autrement  que  tout  le  monde.  Qui  que 
nous  soyons,  et  dans  quelque  genre  que  la  vocation  nous  ait  poussés, 
musiciens,  peintres,  poètes,  sculpteurs,  critiques,  tâchons  donc,  pour 
conjurer  cette  monotonie,  pour  réveiller  l'individualité,  tâchons 
d'être  de  ceux  dont  on  dit  un  jour  :  Il  s'est  surpassé  !  Tâchons  d'ar- 
river à  la  perfection  de  ce  qu'il  nous  est  donné  de  faire,  à  la  réu- 
nion de  toutes  nos  forces,  à  la  plus  haute  puissance  de  nous-mêmes  ; 
et  comme  cette  heure  et  cet  accident  de  grâce  et  de  lumière  n'est 
pas  en  notre  pouvoir,  tenons-nous  prêts  et  tenons-nous-en  dignes  en 
y  visant  constamment. 

La  simple  étude,  approfondie  et  creusée  dans  ses  plus  laborieux 
sillons,  produit  à  la  longue  des  fruits  dont  la  postérité  elle-même  est 
reconnaissante.  Quant  à  ceux  auxquels  il  fut  accordé  de  revêtir  leur 
pensée  d'une  expression  d'éclat  et  d'imprimer  à  leurs  œuvres  un 
cachet  de  grandeur  et  d'imagination ,  à  eux ,  les  glorieux  morts 
d'hier  :  —  Vernet  et  Halévy,  Meyerbeer  et  Delacroix,  —  leurs 
œuvres  elles-mêmes  sont  là  pour  nous  dire  qu'ils  n'y  sont  pas  arrivés 
du  premier  coup  et  sans  un  long  et  opiniâtre  labeur. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 


196 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


LEFËBURE-WËLY. 

Une  séance  musicale  des  plus  intéressantes  a  eu  lieu  samedi  soir 
dans  les  ateliers  de  MM.  A.  Cavaillé-Coll,  par  M.  Lefébure-Wély, 
avec  le  concours  de  Mme  Lefébure  et  de  ses  charmantes  filles. 

Le  célèbre  organiste  a  fait  entendre  un  concerto  de  sa  composition 
pour  piano  et  orchestre,  parfaitement  réussi  :  le  piano  était  tenu 
par  Mlle  Marie  Lefébure  ;  la  partie  d'orchestre  a  été  exécutée  par 
l'auteur  sur  le  grand  orgue  commandé  par  M.  le  marquis  de  Lam- 
bertye. 

Le  savant  organiste  a  intercalé  dans  ce  concerto  VAdesle  fidèles 
avec  variations  alternées  entre  le  piano  et  l'orgue,  qui  sont  du  plus 
heureux  effet. 

Mme  Lefébure- Wély  a  chanté,  avec  le  charme  qui  lui  est  habituel 
et  sa  voix  si  sympathique,  plusieurs  mélodies  délicieuses  et  le  célè- 
bre Noël,  d'Adam. 

Mlles  Lefébure  ont  exécuté  avec  talent  divers  morceaux  à  quatre 
mains  de  la  composition  de  leur  père,  qui  ont  émerveillé  l'auditoire. 
On  entendait  répéter  dans  l'assistance  :  «  Elles  sont  jolies  et  elles 
ont  du  talent.  » 

M.  Lefébure  a  vivement  intéressé  l'assemblée  par  ses  improvisa- 
tions sur  l'orgue,  qui  ont  été  chaleureusement  applaudies. 

Mais  il  était  réservé  à  quelques  amateurs  qui  sont  restés  après  la 
séance,  et  parmi  lesquels  nous  avons  remarqué  MM.  A.  Thomas  et 
Lecouppey,  d'entendre  un  magnifique  offertoire,  de  la  composition 
de  M.  Lefébure,  qui  a  été  fort  apprécié  et  qu'on  a  regretté  de  n'a- 
voir pas  entendu  pendant  la  séance. 

En  résumé,  cette  soirée  restera  dans  le  souvenir  des  amateurs 
comme  une  des  plus  belles  de  la  saison,  et  nous  devons  témoigner 
notre  reconnaissance  à  M.  Lefébure-Wély  de  nous  avoir  fait  connaître 
dans  cette  occasion  la  plus  charmante  famille  d'artistes  qu'on  puisse 
désirer. 


UNION  MUSICALE. 

Les  six  commissions  appelées  à  juger  les  six  tournois  du  quatrième 
concours  de  composition  musicale  de  l'Union  musicale,  journal  publié 
par  M.  Charles  Soullier,  viennent  d'être  nommées  comme  il  suit  : 

lre  commission  (opéra),  MM.  Ambroise  Thomas  (président),  Léon  Gasti- 
nel  (secrétaire)  ;  membres  :  MM.  F.  Bazin  ,  Adrien  Boieldieu ,  Deffès , 
Dietsch,  Ch.  Poisot. 

2e  commission  (opérette  orphéonique)  ,  MM.  Georges  Kastner  (président), 
Laurent  de  Rillé  (secrétaire);  membres  :  MM.  Elwart,  Ermel,  Ed.  d'In- 
grande,  Saint-Saens,  Wekerlin. 

3e  commission  (théâtre),  MM.  Méry  (président) ,  Sylvain  Saint-Etienne 
(secrétaire)  ;  membres  :  MM.  de  Beauregard,  Ed.  d'Ingrande,  Stephen  de 
la  Madeleine,  Ortolan,  Salin,  auteur  dramatique. 

(Le  terme  de  rigueur  de  ces  trois  premiers  tournois  est  fixé  au  31 
décembre  1864.) 

4e  commission  (chanson  orphéonique),  MM.  Justinien  Viallon  (président), 
Wekerlin  (secrétaire)  ;  membres  :  MM.  Ad.  Blanc,  Deffès,  Ed.  d'Ingrande, 
Ch.  Poisot,  Louis  Roger.  —  Terme  de  rigueur,  1er  août. 

5°  commission  (mélodies,  romances  et  chansonnettes),  MM.  Wekerlin 
(président),  Ch.  Poisot  (secrétaire) ;  membres  :  MM.  de  Beauregard,  Or- 
tolan, Louis  Roger,  Sylvain  Saint-Etienne,  Justinien  Viallon.  —  Terme 
de  rigueur,  31  août. 

6e  commission  (mises  et  polkas),  MM.  Ad.  Boieldieu  (président),  Jus- 
tinien Viallon  (secrétaire);  membres  :  MM.  de  Beauregard,  Ad.  Blanc, 
Stephen  de  la  Madeleine,  Ortolan,  Louis  Roger.  —  Terme  de  rigueur, 
30  septembre  186-i. 

(Demander  le  programme  au  bureau  du  Journal,  rueRicher,  n°  2,  à 
Paris.) 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  Reprise  d'Héraclius,  pour  l'anniversaire  de  Cor- 
neille; Adieu,  panier  si .. .  comédie  en  un  acte  et  en  prose,  par 
M.  Alphonse  de  Launay,  —  Gymnase  :  Les  Oiseaux  en  cage,  co- 
médie en  un  acte,  par  M.  de  Najac.  —  Vaudeville  :  les  Marion- 
nettes de  l'amour,  comédie  en  trois  actes,  par  MM.  A.  Rolland  el 
J.  Moineaux  ;  les  Fourberies  de  Nérine,  comédie  en  un  acte  et  en 
vers,  par  M.  Théodore  de  Ranville.  —  Variétés  :  La  Postérité 
d'un  bourgmestre,  extravagance  en  un  acte,  par  M.  Durand;  une 
Femme  qui  ne  vient  pas,  scène  de  la  vie  de  garçon,  par  M.  Mon- 
joye. 

On  a  fêté,  au  Théâtre-Français,  l'anniversaire  de  Pierre  Corneille 
en  reprenant  Héraclius,  œuvre  singulière  qui,  si  elle  n'est  pas  l'une 
des  meilleures  du  grand  poëte,  est  peut-être  celle  qui  excite  le 
plus  d'intérêt  et  de  curiosité.  Par  sa  contexture  c'est  moins  une  tra- 
gédie classique  qu'un  drame  moderne,  avec  ses  péripéties  compliquées 
et  ses  coups  de  théâtre  inattendus.  Mais,  en  revanche,  les  beaux 
vers  y  abondent  et  lui  donnent  le  cachet  du  génie  cornélien.  Ainsi 
que  Pstjché,  cette  pièce  avait  toute  espèce  de  droits  à  une  résurrec- 
tion que  le  bon  accueil  du  public  ne  peut  manquer  de  rendre  fruc- 
tueuse. Elle  est  d'ailleurs  fort  convenablement  rendue  par  ses  inter- 
prètes, et,  en  première  ligne,  par  Mme  Guyon,  chargée  du  rôle  de 
Léontine. 

Quelques  jours  avant  la  reprise  d'Héraclius,  une  petite  comédie 
s'est  modestement  glissée  dans  le  répertoire  courant,  sous  le  titre  de 
Adieu,  paniers]  avons-nous  besoin  d'ajouter  :  vendanges  sont  fai- 
tes. Tout  le  monde  connaît  ce  proverbe  qui  existait  bien  certaine- 
ment avant  Dancourt,  mais  que  cet  auteur  a  popularisé  dans  sa  pièce 
des  Vendanges  de  Suresnes.  Tombé  aujourd'hui  dans  l'usage  com- 
mun, il  a  été  ramassé  par  M.  Alphonse  de  Launay  pour  résumer 
une  situation  bien  vieille  et  bien  banale.  Un  colonel  sur  le  retour 
est  amoureux  d'une  jeune  fille  qui  lui  préfère  un  galant  d'un  âge  plus 
en  rapport  avec  le  sien.  Au  moment  de  conclure  son  mariage,  le 
vieux  brave  est  pris  tout  à  coup  d'un  scrupule  honorable.  Adieu, 
paniers  !  dit- il  en  soupirant;  et  il  signe  le  contrat  comme  témoin,  au 
lieu  de  le  signer  comme  mari. 

Il  est  à  remarquer  que  les  jeunes  auteurs,  qui  n'ont  jamais  assez 
de  mépris  pour  les  vieilleries  de  leurs  devanciers,  débutent  la  plu- 
part du  temps  comme  les  autres  finissent.  Quelques-uns  font  nau- 
frage au  port  ;  d'autres  s'en  tirent  avec  des  détails  plus  ou  moins 
agréables,  jusqu'à  ce  que  l'invention  leur  vienne  avec  le  travail  et 
l'expérience.  M.  Alphonse  de  Launay,  qui  n'est  encore  connu  que  par 
un  petit  acte  joué  à  l'Odéon,  trouvera  sans  doute  un  jour  sa  voie  ; 
en  attendant,  il  se  contente  de  faire  preuve  de  qualités  littéraires  à 
l'état  d'espérances.  Nous  croyons,  néanmoins,  qu'il  eût  mieux  justifié 
l'indulgence  de  la  Comédie  française,  en  mettant  son  proverbe  en 
vers.  Puisque  nous  en  sommes  sur  les  proverbes,  n'y  en  a-t-il  pas 
un  qui  dit  vulgairement  que  la  sauce  fait  passer  le  poissonl 

— On  annonce  comme  très-prochaine,  au  Gymnase,  la  représentation 
de  Don  Quichotte,  par  M.  Victorien  Sardou.  Si  l'on  en  croit  les  bruits 
de  coulisse,  cette  pièce  fera  merveille;  le  rôle  du  héros  de  la  Manche 
sera  joué  par  Lesueur,  celui  de  Sancho  par  Pradeau,  engagé  tout  ex- 
près. Il  y  aura  des  ballets  réglés  par  le  chorégraphe  Rota,  et  les  cos- 
tumes seront  exécutés  d'après  des  dessins  de  Gustave  Doré.  Voilà 
bien  des  promesses  séduisantes  ;  nous  ne  tarderons  pas  à  les  voir  se 
réaliser.  Provisoirement,  on  nous  sert  la  petite  pièce  avant  la  grande, 
et  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  plaindre.  Les  Oiseaux  en  cage,  de  M.  de 
Najac,  sont  deux  frères,  Gérard  et  Philippe,  qui  ont  été  élevés  sous 
les  regards  maternels  avec  une  tendre  et  jalouse  sollicitude.  Mme  de 
Chamblaye  a  cru  faire  de  ses  fils  deux  jeunes  gens  accomplis,  mais 
l'heure  est  venue  où  elle  doit  apprendre  à  ses  dépens  que  plus  les 
passions  ont  été  comprimées,  plus  elles  tendent  à  faire  explosion. 


DE  PARIS. 


197 


Gérard  s'embarque  sournoisement  dans  une  affaire  d'amour,  et  Phi- 
lippe, impatient  d'un  si  bon  exemple,  se  jette  à  l'étourdie  au  milieu 
des  intrigues  de  son  frère.  Il  attire  sur  sa  tête  la  vengeance  d'un 
mari  brutal,  et  il  usurpe  la  place  de  Gérard  sur  le  terrain  d'un  duel. 
Par  bonheur,  tout  se  termine  à  la  satisfaction  générale,  et  Mme  de 
Chamblaye,  pour  épargner  à  Philippe  de  nouvelles  aventures,  se  hâte 
de  le  marier  à  une  charmante  petite  cousine  qui  ne  demande  pas 
mieux  que  de  sortir  aussi  de  sa  cage. 

Celte  comédie  a  quelques  points  de  ressemblance  avec  les  Malheurs 
d'un  amant  heureux  ;  seulement  ses  visées  sont  moins  ambitieuses, 
et  elle  nous  paraît  n'avoir  pas  d'autre  prétention  que  celle  de  faire 
un  lever  de  rideau  correct  et  sage. 

—  Au  Vaudeville,  deux  nouveautés  ont  remplacé  les  Crochets 
dun  gendre,  mais  ne  semblent  pas  destinées  à  rappeler  le  pu- 
blic qui  commençait  à  déserter.  Les  Marionnettes  de  l'amour 
ont  la  prétention  ambitieuse  de  réunir  dans  un  seul  et  même 
cadre  tous  les  amoureux  dont  les  types  divers  défrayent  le  théâtre 
depuis  qu'il  existe.  Le  galant  suranné  en  opposition  avec  l'amant 
jeune  et  fougueux;  l'amoureux  naïf,  le  sceptique,  l'extravagant,  celui 
des  villes  et  celui  des  campagnes;  puis,  du  côté  des  femmes,  la  coquette, 
l'ingénue,  la  veuve  qui  a  passé  la  trentaine,  l'élégante  et  la  paysanne, 
tout  cela  mêlé  dans  une  intrigue  multiple,  et  mû  par  des  fils  qui 
s'entre-croisent  à  l'infini,  c'est  mettre,  comme  on  dit,  tous  ses  œufs 
dans  un  même  panier.  Il  n'y  a  pas  là,  selcn-nous,  une  idée  bien 
piquante,  et  l'attitude  presque  hostile  des  spectateurs  a  prouvé  qu'il 
était  plus  aisé  de  la  concevoir  que  de  l'exécuter.  Delannoy,  Parade, 
Mlle  Celliez  et  tutti  quanti  ont  vainement  tenté  le  sauvetage  des  Ma- 
rionnettes de  l'amour.  Honneur  au  courage  malheureux  ! 

On  s'est  montré  plus  indulgent,  non  sans  raison,  pour  une  petite 
comédie  de  M.  Théodore  de  Banville,  les  Fourberies  de  Nérine.  Ce 
n'est  pas  tout  à  fait  une  nouvelle  connaissance,  et  ici  même,  à  cette 
place,  nous  avons  eu  occasion  d'en  parler  avec  éloges,  à  propos  d'un 
concert  où  nous  l'avons  vue  figurer  comme  appoint,  dans  le  courant 
de  la  dernière  saison.  Elle  était  jouée,  si  nous  avons  bonne  mé- 
moire, par  Coquelin  et  par  Mlle  Dalmain.  Au  Vaudeville,  elle  a 
pour  interprètes  Saint-Germain  et  Mlle  Bianca  qui,  ainsi  que  leurs 
émules,  font  parfaitement  valoir  les  vers  faciles,  ingénieux,  pleins  de 
verve  et  de  franchise  dont  M.  de  Banville  a  brillamment  habillé  cette 
charmante  contre- partie  de  la  grande  scène  du  sac  des  Fourberies 
de  Scapin. 

—  C'est  aussi  avec  deux  pièces  nouvelles,  jouées  le  même  soir, 
que  les  Variétés  ont  essayé  de  modifier  avantageusement  leur  affiche. 
Y  ont-elles  réussi  ?  Le  peu  d'importance  de  ces  pièces  nous  laisse  à 
cet  égard  dans  le  doute  le  plus  complet.  La  Postérité  d'un  bourg- 
mestre est  une  pochade  bouffonne  que  l'on  attribue  à  un  auteur 
connu  par  de  sérieux  et  honorables  succès,  et  qui  a  été  faite  pour 
le  divertissement  des  habitués  d'un  cercle  à  la  mode.  Elle  s'appelait 
alors  la  Postérité  d'un  gendarme;  mais  des  considérations  qu'il  ne 
nous  appartient  point  d'approfondir  n'ont  pas  permis  de  conserver  ce 
gendarme,  et  sa  postérité  est  devenue  celle  d'un  bourgmestre.  Ce 
brave  homme,  ancien  officier  de  cavalerie,  a  déposé  un  jour,  en 
partant  pour  la  guerre,  un  petit  enfant  au  pied  d'un  arbre.  Vingt  ans 
après,  il  s'avise  de  vouloir  retrouver  sa  progéniture  qui  répond  au 
nom  de  Durand.  Mais  comment  faire  un  choix  parmi  tous  les  Durand 
qui  poussent  de  terre  comme  des  champignons  à  l'appel  du  vieux 
brave  ?  Devine  si  tu  peux,  et  choisis  si  tu  l'oses!  Absolument  comme 
dans  Héraclius.  Seulement,  la  chose,  loin  de  tourner  au  tragique, 
se  dénoue  de  la  façon  la  plus  pacifique  du  monde,  au  milieu  des 
éclats  de  rire  provoqués  par  cette  spirituelle  extravagance. 

Quel  est  l'homme  qui,  à  vingt  ans,  n'a  pas  joué  au  naturel  cette 
scène  de  la  vie  de  garçon  :  Une  femme  qui  ne  vient  pas?  On  est  las 
d'une  maîtresse,  on  veut  rompre  avec  elle,  et  on  l'attend  pour  lui 
signifier  son  congé.  Mais    l'heure   du   rendez-vous    se  passe   sans 


qu'elle  paraisse.  Qu'est-ce  que  cela  signifie  ?  Lui  serait-il  arrivé 
quelque  chose?  L'inquiétude  s'empare  de  vous,  et,  à  l'émoi  qui  fait 
battre  votre  coeur,  vous  vous  apercevez  que  vous  adorez  encore 
cette  femme,  que  vous  ne  pouvez  vivre  sans  elle!  Enfin,  on  sonne... 
c'est  elle...  et  vous  courez  à  sa  rencontre,  ivre  de  joie  et  d'amour. 
Ce  monologue,  écrit  pour  Dupuis,  a  fait  plaisir  parce  qu'il  est  pris 
sur  le  vif  de  la  comédie  humaine.  Mais  ce  n'est,  après  tout,  qu'une 
scène  ! 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


NOUVELLES. 

*%.  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Trouvère  et 
Diavolina.  M.  Sapin,  qu'on  se  rappelle  y  avoir  entendu  il  y  a  quelques 
années,  a  chanté  fort  convenablement  le  rôle  de  Manrique.  —  Mer- 
credi, Robert  le  Diable,  dans  lequel  a  débuté  la  basse  David,  et  vendredi, 
Guillaume  Tell.  —  Demain  lundi,  pour  les  dernières  représentations  de 
M.  et  Mme  Gueymard,  qui  prennent  leur  congé  le  26,  la  Favorite. 

***  Le  nouveau  ballet  de  Saint-Léon  a  pour  titre  définitif  :  Nemea. 
Le  scénario  est  de  MM.  Léon  Halévy  et  de  Meilhac.  Il  est  en  deux  actes 
et  sera  prochainement  représenté.  Nous  avons  dit  que  la  musique  était 
d'un  Hongrois,  M.  Minkus,  attaché  au  théâtre  de  Moscou. 

***  C'est  dans  le  Philtre  que  doit  débuter  très-prochainement 
Mlle  Camille  de  Maesen,  engagée  dernièrement.  Elle  chantera  le  rôle 
de  Thérésine.  Dumestre  y  rentrera  en  même  temps  par  celui  de  Jo- 
licœur.  Warot  jouera  Guillaume  et  Cazaux  Fontanarose.—  Mlle  de  Mae- 
sen doit  aussi  chanter  le  rôle  de  Marguerite,  des  Huguenots,  et  Mlle 
Levielli  celui  du  page. 

**„  Nous  avons  parlé  de  l'essai  avantageux  fait  au  théâtre  impérial 
de  l'Opéra  de  la  rampe  à  siphon  lumineux  et  à  flamme  renversée  de 
M.  Subra.  Une  moitié  de  la  rampe  primitive  a  été  remplacée  par  l'in- 
vention nouvelle,  et  nous  apprenons  que  dans  peu  de  temps  l'autre 
moitié  le  sera  également.  On  a  pu,  d'ailleurs,  constater  la  supé- 
riorité du  nouveau  procédé  sur  l'ancien  lors  du  commencement 
d'incendie  qui  s'est  manifesté  la  semaine  dernière  à  la  représen- 
tation des  Vêpres  siciliennes,  car  c'est  par  les  becs  non  remplacés  qu'il 
a  été  occasionné,  les  flammes,  animées  par  un  courant  d'air  trop  vif 
s'étant  allongées  de  façon  à  lécher  les  planches  de  l'avant-scène  et  à  les 
mettre  en  combustion.  Heureusement  qu'avertis  par  la  légère  fumée  qui 
s'était  produite,  les  pompiers  se  sont  promptement  rendus  maîtres  du 
feu. 

***  M.  Saint-Léon,  l'auteur  d'un  si  grand  nombre  de  remarquables 
compositions  chorégraphiques,  vient  de  recevoir  de  l'empereur  de  Rus- 
sie la  médaille  d'or  de  l'ordre  de  Saint-Stanislas. 

***  Le  ténor  de  l'Opéra-Comique,  Léon  Achard,  épouse  la  fille  du  cé- 
lèbre peintre  Lepoittevin.  Le  mariage  sera  célébré  le  2  juillet  prochain. 

***  Il  paraît  que  M.  Bagier,  cédant  aux  réclamations  qui  lui  ont  été 
adressées,  s'est  décidé  à  rétablir  pour  la  prochaine  saison  le  parterre 
qu'il  avait  supprimé  pour  en  reléguer  les  habitués  à  l'amphithéâtre  des 
troisièmes. 

***  M.  Castagneri  quitte  la  direction  de  l'orchestre  du  théâtre  Ita- 
lien. Son  successeur  n'est  pas  encore  désigné. 

***  Mme  Carvalho  vient  d'être  engagée  par  M.  Gye  à  de  très-bril- 
lantes conditions,  jusqu'à  la  fin  de  la  saison.  La  célèbre  cantatrice  est 
demandée  au  théâtre  Italien  de  Covent-Garden  ,  principalement  pour  y 
chanter  le  rôle  de  Catherine,  dans  l'Etoile  du  Nord,  qui  doit  être  re- 
présentée le  mois  prochain» 

***  Mlle  Claudine  Couqui,  la  charmante  danseuse  qui  vient  de  dan- 
ser au  théâtre  impérial  de  Vienne  le  principal  rôle  dans  le  ballet  du 
comte  Gabrielli  et  Borri,  Jotta,  vient  d'arriver  à  Paris. 

*%,  Hier  et  aujourd'hui  M.  Pasdeloup  a  dû  donner  à  Rouen,  au  cir- 
que Sainte-Marie,  des  concerts  de  musique  classique  avec  le  concours 
de  soixante-dix  musiciens.  Sivori  s'est  fait  entendre  dans  ces  deux  con- 
certs. 

*%  Le  défaut  d'espace  ne  nous  avait  pas  permis  de  mentionner  dans 
notre  dernier  numéro  la  manifestation  que  le  théâtre  du  Lycée  de 
Barcelone  avait  organisée  le  31  mai  en  l'honneur  de  Meyerbeer. 
Barcelone  est  une  ville  où  le  culte  de  la  musique  et  celui  de 
Meyerbeer  en  particulier  est  trop  en  honneur  pour  qu'elle  ne  payât 
pas  un  éclatant  tribut  de  regrets  à  l'illustre  compositeur  qui  n'est  plus. 
Le  premier  grand  chef-d'œuvre  du  maître,  Robert  le  Diable,  avait 
été  choisi  pour  la  cérémonie.  Une  affiche  entourée  de  noir,  en  signe  de 
deuil,  avait  été  à  peine  apposée,  que  l'élite  de  la  société  s'inscrivait 
pour  la  représentation,  et  plus  de  4,000  spectateurs  remplissaient,  le 
soir,  la  vaste  et  belle  salle  du  théâtre.  Mmes  Penco  etVialetti,  Mme  Bar  - 
doni,  MM.  Sarti  etCapello,  interprétaient  les  rôles  principaux;  l'exécu- 


198 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSFCALE 


tion  n'a  donc  laissé  rien  à  désirer.  C'est  au  troisième  acte  que  com- 
mença l'imposante  cérémonie  par  une  symphonie  fantastique  composée 
pour  la  circonstance  par  un  jeune  homme,  M.  Sanchez,  qui  annonce  un 
véritable  talent,  et  dont  l'œuvre  a  reçu  l'accueil  le  plus  favorable.  La 
toile  se  leva  ensuite  et  laissa  voir  un  très-beau  monument  funèbre  i\e 
sévère  ordonnance,  et  qu'entourait  tout  le  personnel  du  théâtre.  Neuf  des 
artistes  portaient  chacun  une  lettre  du  nom  de  Meyerbeer  entourée  de 
fleurs  d'immortelles  et  vinrent  l'écrire  sur  le  monument  où  se  trouvaient 
déposées  les  partitions  des  trois  grands  chefs-d'œuvre  de  l'illustre  maître, 
après  quoi  elles  furent  couronnées  par  tous  les  artistes,  en  tête  desquels 
se  trouvait  Bottesini,  le  célèbre  contre-bassiste,  pendant  que  l'orchestre 
jouait  la  marche  du  sacre,  du  Prophète.  On  se  ferait  difficilement  une  idée 
de  l'émotion  qui  parcourut  l'auditoire  en  ce  moment,  et  de  l'enthousiasme 
qui  éclata  dans  la  salle;  les  applaudissements  étaient  frénétiques;  les 
mouchoirs  s'agitaient  ;  des  colombes  blanches,  enrubannées  de  noir, 
étaient  lancées  sur  la  scène  par  le  public  qui  exprimait  par  toutes  les 
démonstrations  en  son  pouvoir  son  admiration  et  son  respect  pour  le 
grand  génie  disparu.  Par  un  hasard  singulier,  une  de  ces  colombes  était 
venue  d'elle-même  se  poser  sur  la  couronne  de  Bottesini  à  l'instant  où 
il  la  plaçait  sur  le  monument.  L'agitation  dura  longtemps  encore  après 
que  le  rideau  fut  baissé,  et  cette  soirée  laissera  certainement  une  im- 
pression profonde  et  durable  dans  le  souvenir  de  tous  ceux  qui  y  ont 
assisté. 

***  Ismaël,  le  baryton  du  théâtre  Lyrique,  va  beaucoup  mieux.  11 
est  entré  en  convalescence. 

»*„  Mme  Borghi-Mamo  vient  de  partir  pour  Gênes.  Elle  chantera  à 
Lisbonne  l'hiver  prochain. 

***  Le  charmant  ténor  Alessandro  Bettini,  dans  Marta,  et  Mme  Tre- 
belli,  sa  femme,  dans  le  rôle  du  page  des  Huguenots,  obtiennent  en  ce 
moment  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  le  plus  brillant  succès. 

**„  La  célèbre  cantatrice  tragique  Emmy  Lagrua,  qui  occupe  en  ce 
moment  une  si  belle  place  au  théâtre  Italien  de  Covent-Garden,  est  en- 
gagée pour  la  saison  prochaine  au  théâtre  de  San  Carlo  de  Naples. 

***  Nous  avons  un  nom  de  plus  à  inscrire  sur  la  liste  des  cantatrices 
françaises  qui  obtiennent  de  beaux  succès  en  Italie.  Mlle  Simon,  qui 
au  sortir  du  Conservatoire,  où  elle  avait  mérité  un  premier  prix,  s'était 
distinguée  dans  les  concerts,  vient  d'être  applaudie  dans  Rigoletto , 
au  théâtre  de  la  Canobbiana  de  Milan.  Déjà  elle  est  engagée  à  Parme  et 
à  Païenne. 

*%  Le  troisième  concert  donné  par  la  Société  du  Sport  à  Nantes  a 
été  des  plus  brillants,  et  le  principal  honneur  en  revient  à  Arban,  qui 
a  trouvé  de  précieux  auxiliaires  en  MM.  Piedeleu,  Reinhard,  Bernard, 
Humai  et  Doudiès.  M.  Lacoste,  corniste  d'un  des  régiments  d'artillerie 
de  la  garde,  premier  prix  du  Conservatoire,  élève  favori  d'Arban,  a 
aussi  exécuté  une  ravissante  polka  de  son  maître. 

„%  Mlle  Adelina  Patti  vient  d'être  engagée  par  la  Société  philhar- 
monique de  Boulogne-sur-Mer  pour  chanter  dans  un  grand  concert 
qu'elle  donne  le  17  août.  La  jeune  et  célèbre  cantatrice  doit  également 
chanter  à  la  fin  du  même  mois  dans  un  concert  qui  sera  donné  au 
Havre.  Elle  recevra  3,500  francs  pour  chacun  de  ces  concerts. 

„.%  Les  sœurs  Marchisio  ont  reçu  l'accueil  le  plus  sympathique  à 
Kœnigsberg ,  où  la  troupe  de  Merelli  a  donné  de  fructueuses  et  bril- 
lantes représentations.  Elles  ont  été  fêtées  et  applaudies  ainsi  que  le 
baryton  Zacchi.  M.  Merelli  se  rend  maintenant  à  Francfort,  où  ses 
représentations  commenceront  le  18  juillet. 

„.%  Esther,  de  Racine  va  être  reprise  au  Théâtre-Français  avec  des 
chœurs  nouveaux  composés  par  Jules  Cohen  ;  on  l'annonce  pour  la  fin 
de  ce  mois. 

„%  Le  21  août  prochain  sera  célébrée,  à  Pesaro,  une  grande  fête  en 
l'honneur  de  Rossini.  A  cette  occasion,  les  admirateurs  du  célèbre 
maestro  se  proposent  de  faire  frapper  une  médaille  en  or  qui  devra  lui 
être  offerte;  elle  portera  d'un  côté  son  effigie  et  de  l'autre  une  couronne 
de  laurier,  et  un  ruban  sur  lequel  seront  inscrits  les  titres  de  ses 
œuvres.  Une  commission  a  été  nommée  à  cet  effet,  et  ceux  qui  vou- 
dront recevoir  une  copie  en  bronze  de  cette  médaille  peuvent  envoyer 
cinq  livres  italiennes  à  la  Gazette  de  Florence. 

#%  Nous  avons  dit  quelques  mots  du  Siège  de  Leyde  (I  Batavi),  de 
Mme  Tarbé  des  Sablons,  représenté  au  théâtre  de  la  Pergola  de  Flo- 
rence. Nous  recevons  de  nouveaux  détails  à  ce  sujet  :  «  Le  succès, 
disent  les  journaux  italiens,  a  été  des  plus  grands  ;  le  poëme  est  très- 
dramatique,  et  la  musique  est  pleine  d'inspiration  ;  pour  l'ensemble, 
particulièrement  pour  les  chœurs,  on  aurait  pu  désirer  une  meilleure 
exécution.  Les  morceaux  les  plus  applaudis  ont  été  ceux  que  les  époux 
Tibérini  ont  chantés  avec  leur  supériorité  habituelle.  Ce  sont  eux  qui  ont 
eu  les  honneurs  de  la  soirée,  et  le  nouveau  maestro  leur  doit  des  re- 
mercîments  pour  la  manière  dont  ils  l'ont  compris  et  interprété.  Très- 
certainement  le  mérite  de  cet  ouvrage  ne  se  circonscrira  pas  dans 
l'Italie,  et  il  ne  tardera  pas  à  franchir  les  Alpes,  ce  que  nous  lui  sou- 
haitons sincèrement.  » 

*%  Deux  représentations  de  la  Comtesse  d'Àmalâ,  du  chevalier  [Pe- 
trella,  données  au  théâtre  ArgeDtina  de  Rome,  ont  consacré  le  succès 


de  cette  œuvre,  d'ailleurs  remarquablement  interprétée  par  la  Bendazzi- 
Secchy,  Negrini,  Cima  et  la  Monti.  —  Tous  les  artistes  et  le  maestro 
ont  été  rappelés,  et  le  triomphe  pour  ce  dernier  a  été  complet. 

***  Le  succès  que  vient  d'obtenir  en  province  le  Templier  a  déter- 
miné les  éditeurs  Brandus  et  Dufour,  propriétaires  de  la  partition  ita- 
lienne, à  la  publier  avec  les  paroles  françaises.  Elle  paraîtra  le  mois 
prochaiu. 

***  La  fête  organisée  par  les  soins  du  baron  Taylor  et  donnée  di- 
manche dernier  au  Pré  Catelan,  avec  le  concours  des  musiques  de  la 
garde,  a  été  des  plus  brillantes.  Plus  de  dix  mille  spectateurs  ont  applaudi 
l'excellente  musique  du  3e  grenadiers,  exécutant  une  ravissante  fantai- 
sie sur  les  motifs  d'Haijdée;  celle  des  dragons  de  l'Impératrice,  la  fan- 
fare des  zouaves,  le  1er  de  grenadiers  jouant,  avec  ses  artistes  d'élite 
les  ouvertures  de  StradMa  et  de  Guillaume  Tell ,  etc.  La  fête 
a  été  couronnée  par  l'exécution  de  l'ouverture  de  la  Muette  et  de  la 
Retraite  de  Crimée,  jouées  par  toutes  les  musiques  de  la  garde.  Rien  ne 
saurait  en  rendre  l'effet.  Il  a  provoqué  un  hourra  universel.  Inutile  d'a- 
jouter que  le  chiffre  de  la  recette  n'a  rien  laissé  à  désirer. 

#*s  Le  roman  célèbre  de  Victor  Hugo,  Notre-Dame  de  Paris,  vient  de 
fournir  à  un  compositeur  américain,  M.  Fry,  le  sujet  d'un  grand  opéra 
qui  a  été  représenté  à  Philadelphie  avec  beaucoup  de  succès.  A  côté 
de  défauts  dus  à  l'inexpérience,  l'œuvre  de  M.  Fry  paraît  contenir 
des  beautés  de  nature  à  la  maintenir  au  théâtre. 

„,**  Roger  est  de  retour  à  Paris.  Nous  avons  mentionné  les  beaux 
succès  qu'il  vient  d'obtenir  à  Alger  où  il  a  constamment  enthousiasmé 
le  public.  A  son  avant-dernière  représentation,  Roger  a  fait  un  vérita- 
ble tour  de  force.  Pour  ne  pas  faire  manquer  la  représentation  à  béné- 
fice d'une  artiste  fort  aimée  à  Alger,  Mlle  Boyer,  il  a  consenti  a  chanter 
le  rôle  de  Guillaume  Tell.  On  ne  saurait  se  faire  une  idée  de  l'effet 
produit  par  ce  bel  organe  de  baryton  qu'on  était  accoutumé  à  applau- 
dir comme  ténor;  on  n'en  pouvait  croire  ses  oreilles,  et  Roger  a  re- 
cueilli un  double  triomphe. 

„*,.  On  assure  qu'en  vertu  de  la  liberté  des  théâtres,  M.  Eugène  Dé- 
jazet  fera  jouer  aussi  l'opéra-comique  sur  le  sien,  et  que  déjà  il  a 
reçu  une  pièce  en  trois  actes  dont  M.  Ventôjoul ,  précédemment  chef 
d'orchestre  au  théâtre  des  Champs-Elysées,  a  composé  la  musique.  Cet 
opéra  a  pour  titre  :  la  Fille  du  maître  de  chapelle.  Les  artistes  qui  inter- 
préteront l'ouvrage  sont  :  MM.  Gadilhe,  Fernando,  Bonnefoy,  Mmes 
Fleury,  Jolly  et  Garait.  M.  Déjazet  les  a  engagés  pour  quinze  représen- 
tations, qui  auront  lieu  tous  les  deux  jours  pendant  un  mois. 

%**  M.  Barbieri,  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Pesth,  et  qui  se  trouve 
en  ce  moment  à  Vienne,  vient  de  terminer  un  opéra  en  quatre  actes, 
intitulé  :  Conte  d'hiver.  M.  Barbieri,  ancien  chef  d'orchestre  au  théâtre  de 
la  cour,  à  Vienne,  a  écrit,  en  outre,  les  opéras  suivants  :  Christophe 
Colomb  (1849),  joué  pour  la  première  fois  au  théâtre  Kœnigstadt,  à 
Berlin  ;  Nisida ,  représenté  à  Hambourg  ;  Arabella ,  représenté  à 
Turin. 

***  Par  arrêté  de  M.  le  préfet  de  la  Seine,  une  commission  spéciale 
a  été  chargée  de  juger  les  pièces  de  vers  propres  à  être  mises  en  mu- 
sique et  qui  ont  été  présentées  au  concours  ouvert  par  la  ville  de 
Paris.  Cette  commission  est  ainsi  composée  :  MM.  Victor  Foucher,  prési- 
dent, Camille  Doucet ,  de  Saint-Georges,  Alphonse  Royer,  Ambroise 
Thomas,  Berlioz,  Gounod,  Edouard  Monnais. 

***  Le  Moniteur  universel  du  soir  vient  de  publier  un  intéressant  tra- 
vail artistique  de  M.  Sain-d'Arod,  non  moins  connu  comme  critique  mu- 
sical que  par  ses  œuvres  de  musique  religieuse  qui  sont  répandues  dans 
toutes  les  cathédrales  d'Europe.  Cet  essai,  formant  statistique,  est  inti- 
tulé :  le  Chant  choral;  —  son  organisation  multiple  en  Allemagne;  —  créa- 
tion de  l'orphéon  français.  Depuis  longtemps,  M.  Sain-d'Arod  est  connu 
des  lecteurs  de  la  Gazette  musicale  qui  a  plusieurs  fois  cité  les  aper- 
çus élevés  qu'il  publiait  sur  l'art  musical  dans  les  départements,  et  no- 
tamment à  Lyon. 

***  Les  nouvelles  reçues  de  Bordeaux  signalent  le  début  de  Mlle  Amina 
Boschetti  dans  le  ballet  de  Costa,  Loretta  l'indovina,  dont  la  musique 
est  du  maestro  Giaquinto,  comme  des  plus  heureux.  Elle  y  a  obtenu  un 
magnifique  succès  dans  le  rôle  de  Loretta,  et  elle  a  reçu  une  ovation  à 
la  sortie  du  théâtre.  Elle  a  d'ailleurs  été  très-bien  secondée  par  une 
de  ses  parentes,  Mlle  Valeria  Griffi,  élève  de  l'école  de  Milan.  Un  faux 
pas  que  la  célèbre  danseuse  a  fait  à  la  fin  du  ballet,  sans  faire  inspirer 
de  craintes  sérieuses,  a  néanmoins  forcé  d'ajourner  la  deuxième  repré- 
sentation de  Loretta. 

*%  La  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs  de  musique  a 
tenu  sa  séance  annuelle  dimanche  5  juin  ;  un  excellent  rapport  de  son 
président,  M.  Th.  Sauvage,  a  démontré  l'accroissement  de  prospérité  de 
la  Société  qui,  pendant  l'année  1863,  a  vu  ses  revenus  présenter  une 
augmentation  de  22,000  francs  sur  le  chiffre  de  ceux  de  l'année  précé- 
dente, et  qui  a  pu  annoncer  à  l'assemblée  que  ses  frais  de  perception 
seraient  abaissés  de  27  à  20  0/0.  De  sorte  qu'à  mesure  que  ses  recettes 
augmentent  ses  frais  diminuent.  Inutile  d'ajouter  que  l'énoncé  de  pa- 
reils résultats  a  été  fort  applaudi.  L'assemblée,  sur  la  proposition  du 
syndicat,  a  modifié  ses  statuts  en  y  ajoutant  un  article  qui  exclut  de  la 
Société  ceux  de  ses  membres  condamnés   à  des   peines  afflictives  ou 


DE  PARIS. 


199 


infamantes,  et  ceux  qui  auraient  été  condamnés  en  vertu  des  articles 
330,  334,  379,  405,  408  et  4(i3  du  Code  pénal. 

,%  Jeudi  23  juin  aura  lieu,  à  7  heures  et  demie  du  soir,  l'inaugura- 
tion du  grand  orgue  de  Saint-Germain  des  Prés  ,  qui  vient  d'être  re- 
construit par  M.  Stoltz.  Il  sera  joué  par  MM.  Schmitt  et  Chauvet.  Ce 
bel  instrument  se  compose  de  cinquante  jeux  disposés  sur  trois  cla- 
viers à  la  main  de  cinquante-quatre  notes;  d'un  clavier  de  pédales  de 
vingt-cinq  notes,  de  douze  pédales  de  combinaison ,  le  tout  formant 
trois  mille  cent  vingt-six  tuyaux  11  a  été  reçu  par  une  commission 
composée  de  MM.  Hamel,  Simon  et  Félix  Clément. 

t*t  A  Barcelone,  le  quatrième  grand  festival  d'Euterpe  et  lo  second 
concours  choral  ont  eu  lieu  aux  Champs-Elysées  par  deux  mille  cho- 
ristes et  trois  cents  musiciens,  sous  la  direction  de  M.  José  Anselmo 
Clave.  Le  Métronome,  de  Barcelone,  consacre  plusieurs  colonnes  au 
compte  rendu  de  ce  festival  et  au  brillant  succès  qu'il  a  obtenu. 

***  Le  3  juillet  prochain  aura  lieu  à  Amiens  un  grand  concours 
musical,  composé  d:s  Sociétés  orphéoniques  de  Paris,  Lille,  Valeneien- 
nes,  Beauvais,  Boulogne,  etc.,  et  des  musiques  d'harmonie  et  fanfares 
du  Nord  et  de  la  Somme. 

»%  Le  Musical  and  Dramatic  Review,  dont  l'éditeur  Boosey,  de  Lon- 
dres, avait  entrepris  la  publication,  cesse  de  paraître. 

„**  Les  concerts  seront  peu  nombreux  à  Bade  cette  saison  ;  aussi 
parle-t-on  déjà  de  celui  que  doivent  y  venir  donner  M.  et  Mme  Léonard, 
en  compagnie  de  Mme  Viardot-Garcia,  qui  depuis  l'année  dernière  y 
fait  sa  résidence.  Ce  concert  réunira  certainement  tous  les  hôtes  de 
Bade. 

4*t  Provisoirement,  M.  le  comte  H.  de  Viel-Castel  a  été  chargé  du 
feuilleton  de  théâtres  que  M.  Fiorentino  écrivait  au  journal  la  France. 

*%  Le  succès  de  réminent  cornettiste  M.  Lévy,  que  nous  avons  été 
des  premiers  à  signaler,  s'accroît  chaque  fois  qu'il  joue,  et  il  est  ap- 
plaudi avec  frénésie  par  le  public  du  concert  Besselièvre.  Trois  mor- 
ceaux, d'un  style  complètement  différent,  lo  Carnaval  de  Venise,  la  polka 
des  Moulins  et  la  romance  du  Pardon  de  Ploërmcl,  ont  montré  l'habile 
virtuose  sous  toutes  les  faces  de  son  rare  talent. 

„,**  Aujourd'hui  dimanche,  on  entendra  au  concert  du  Pré  Catelan 
le  fameux  tromboniste  Nabich,  virtuose  sans  rival,  qui,  selon  l'expres- 
sion heureuse  de  Berlioz,  a  dompté  le  tromboue  et  en  a  fait  son  esclave. 
Le  programme  de  la  matinée  est  complètement  renouvelé.  Fanfares  et 
harmonie  militaire  par  l'excellente  musique  du  2e  chasseurs  à  cheval  ; 
grand  bal  d'enfants;  scènes  comiques  et  de  magie  par  les  deux  indivi- 
dualités qui  portent  les  noms  de  :  Klosko  et  Sabra. 

***  M.  Pépin,  ancien  chef  d'orchestre  à  Marseille  et  plus  tard  chef 
d'orchestre  et  professeur  au  Conservatoire  de  Genève,  vient  de  mourir. 
C'était  un  homme  de  mérite.  Il  avait  aussi  exploité  longtemps  un  im- 
portant magasin  de  musique  à  Marseille. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


t*t  Londres.  —  Stradella,  l'opéra  de  Flotow,  a  été  représenté  au  théâ- 
tre de  Covent-Garden,  le  ténor  Wachtel  y  a  rempli  avec  beaucoup  de 
succès  le  rôle  principal.  Après  la  première  représentation,  obligé  de  retour- 
ner à  Vienne  où  son  engagement  à  l'Opéra  impérial  l'appelait,  il  a  été 
remplacé  à  la  seconde  représentation  par  Naudin,  l'artiste  accompli 
qui  a  créé  avec  tant  d'éclat  le  rôle  de  Stradella  à  Paris.  Mlle  Battu  a, 
dans  celui  de  Leonora,  montré  toute  la  supériorité  de  son  talent,  et  elle 
a  été  surtout  chaleureusement  applaudie  dans  les  deux  airs  que  M.  de 
Flotow  a  composés  pour  elle  lors  de  la  représentation  de  l'ouvrage  au 
théâtre  Italien  à  Paris.  Ciampi  et  Ronconi  ont  su  donner  un  cachet  très- 
original  aux  rôles  des  deux  bandits,  et  Capponi  a  complété  cet  excellent 
ensemble.  L'ouvrage,  enrichi  d'un  fort  joli  ballet  au  premier  acte,  n'a 
pas  été  moins  applaudi  que  les  artistes  qui  l'ont  représenté.  Trois  mor- 
ceaux ont  dû  être  répétés.  —  Otello,  avec  Mlle  Lagrua,  admirable  dans 
le  rôle  de  Desdemona;  Faust,  avec  Mlle  Patti,  toujours  applaudie  dans 
celui  de  Marguerite;  Don  Giovanni  et  le  Ballo  in  maschera  ont  été  don- 
nés ensuite  à  ce  théâtre.  —  Au  théâtre  de  Sa  Majesté,  une  brillante  re- 
prise de  Roberto  il  Diavolo  a  eu  lieu  pour  les  débuts  de  Mme  Harriers 
Wippern,  de  l'Opéra  royal  de  Berlin;  elle  a  brillamment  réussi.  Le  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer,  dignement  interprété  et  pourvu  de  décors  et  de 
costumes  nouveaux,  a  produit  un  immense  effet.  Les  Huguenots,  Falstaff 
et  Maria  ont  défrayé  les  autres  soirées  de  la  semaine.  Marta,  dont  le 
rôle  principal  a  été  très-bien  rempli  par  Mme  Sinico,  a  été  suivi  d'un 
nouveau  divertissement,  la  Festa  di  ballo,  qui  a  été  fort  goûté  du  public. 
—  Les  concerts  deviennent  innombrables,  et  les  artistes  d'élite  étrangers 
qui  s'y  font  entendre  ne  le  sont  pas  moins.  Citons  Joachim,  Wieniawski, 
Demidoff,  Mmes   Leschetitski,  Dustmann-Meyer,  A.  Jaell.  Ce   dernier  a 


obtenu  de  beaux  succès  dans  le  grand  concert  du  Cristal  Palace,  où 
Carlotta  Patti  a  eu  également  son  triomphe  habituel,  et  à  la  Musical 
Union,  où  il  s'est  fait  entendre  pour  la  troisième  fois  de  cette  saison. 
Signalons  aussi  le  dernier  Mondaxj  Popular  Concert,  qui  a  été  donné  au 
bénéfice  d'Ernst,  et  dans  lequel  on  a  exécuté  un  nouveau  quatuor  et 
quelques  autres  compositions  de  lui.  Les  premiers  artistes,  tels  que  Benedict, 
Ilallé,  Sims-Reeves,  Piatti,  Joachim,  Wieniawski  et  autres,  ont  tenu  à 
honneur  de  s'y  faire  entendre;  l'exécution  et  la  recette  ont  été  plus 
que  satisfaisantes.  —  Un  festival  des  plus  intéressants  a  eu  lieu  jeudi  à 
la  cathédrale,  devant  un  auditoire  imposant  ;  plus  de  quatre  mille  en- 
fants (the  Charittj  childrcn  at  Saint  Pauls)  on  fait  entendre  successive- 
ment des  prières,  des  hymnes  avec  un  ensemble  très-remarquable. 

**„  Liège.  —  Samedi  dernier  plus  de  trois  mille  personnes  assistaient 
au  concert  donné  au  Casino.  Cet  empressement  était  justifié  par  là  pré- 
sence de  M.  et  Mme  Léonard,  qui  sont  toujours  accueillis  chez  nous 
avec  enthousiasme.  M.  Léonard  a  joué  admirablement  trois  fantaisies  de 
sa  composition,  et  Mme  Léonard  a  chanté  l'air  de  la  Traviata,  du  To- 
réador et  le  duo  de  la  Sonnambula,  avec  M.  Corin  aux  applaudissements 
réitérés  de  la  salle  entière. 

„,%.  Bâle.  —  Notre  société  de  chant  qui,  depuis  quarante  ans,  fait  tous 
ses  efforts  pour  encourager  la  musique  sacrée,  a  donné  le  22  mai,  qua- 
rantième anniversaire  de  sa  fondation,  un  concert  où  a  été  exécuté  le 
célèbre  oratorio  de  Haydn  :  la,  Création.  Parmi  les  solistes,  on  a  sur- 
tout remarqué  MmeOrgeni,  de  Baden-Baden,  qui  a  magistralement  chanté 
les  parties  d'Eve  et  de  l'archange  Gabriel. 

***  Cologne,  10  juin. —  Dans  le  courant  de  la  semaine  prochaine,  une 
société  italienne  commencera  une  série  de  représentations  au  théâtre 
de  la  ville.  Le  personnel  se  compose  ainsi  qu'il  suit  :  Mmes  Vitali  et  de 
Méric-Lablache,  prime  donne;  Baragli,  ténor;  Sierbini,  baryton  ;  An- 
tonucci,  basse;  Orsini,  chef  d'orchestre. 

**„.  Leipzig.  — L'Académie  de  chant  a  exécuté  le  Messie,  de  Haendel, 
au  bénéfice  du  fonds  de  pension  des  veuves  des  artistes  de  l'or- 
chestre. 

**,<,  Berlin.  —  Au  théâtre  de  la  cour  doit  être  représenté,  l'hiver 
prochain,  l'opéra  nouveau  de  Wûrtz,  intitulé  :  VEtoilede  Turan.  Le  texte 
est  tiré  d'une  nouvelle  chinoise  :  les  Deux  Frères,  par  P.  Heyse.  —  Le  succès 
extraordinaire  obtenu  ici  par  Niemann  a  décidé  l'administration  du 
théâtre  de  la  cour  à  l'engager  pour  la  saison  prochaine  :  le  célèbre 
ténor  y  donnera  vingt  représentations  pour  1,000  frédérics  d'or  (environ 
20,000  francs). — Une  demoiselle  de  Murska,  du  théâtre  de  Pesth,  a  dé- 
buté avec  succès  dans  le  rôle  de  Lucie. 

„*»  Graz.  —  Ander,  qui  est  ici  en  représentation,  vient  d'obtenir  un 
véritable  triomphe  dans  le  Prophète.  L'éminent  ténor  viennois  a  chanté 
ce  magnifique  rôle  de  Jean  de  Leyde  avec  une  verve  et  une  puissance 
dramatique  qui  ont,  à  plusieurs  reprises,  électrisé  la  salle  entière. 


Nous  sommes  priés  d'insérer  la  note  qus  voici  : 

Occupé  en  ce  moment  à  dresser  un  catalogue  chronologique  et  thé- 
matique de  toutes  les  œuvres  musicales  de  Ch.-M.  de  Weber,  avec 
notes  et  explications,  dans  le  genre  du  travail  de  M.  de  Kœchel  sur 
Mozart,  je  prie  les  personnes  qui  posséderaient  des  mannscrits  origi- 
naux de  ses  œuvres,  ou  de  toute  autre  pièce  écrite  de  sa  main,  de  vou- 
loir bien  —  pour  me  faciliter  l'exécution  de  ce  catalogue  —  me  les 
communiquer  pour  en  prendre  connaissance  ;  ne  fût-ce  que  le  plus  pe- 
tit fragment  d'une  composition,  d'une  lettre  ou  de  toute  autre  note  y 
ayant  trait.  Les  personnes  qui  me  les  confieraient  peuvent  être  assurées 
que  l'on  aura  le  plus  grand  soin  de  ces  pièces,  et  qu'on  s'empressera 
de  les  renvoyer  immédiatement,  même  sous  plis  chargés,  si  elles  le 
désirent. 

Adresser  les  envois  soit  directement  à  moi,  soit  à  M.  Espagne,  con- 
servateur à  la  division  musicale  de  la  Bibliothèque  royale,  à  Berlin. 
F.  W.  Jahns,  directeur  de  musique, 

à  Berlin,  Kransen  strasse,  n°  62. 


POUR   LE  Ie'   SEPTEMBRE 

Deux  artistes  allemands  (solistes),  à  présent  engagés  comme  profes- 
seurs de  hautbois  et  de  basson  dans  une  ville  de  France,  désirent 
contracter  un  autre  engagement  comme  solistes,  professeurs,  ou  dans 
un  grand  théâtre. 

S'adresser  à  M.  Roth,  facteur  d'instruments,  à  Strasbourg. 


Le  Directeur  :  S.  DCFOUR. 


200 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Musique     de     Piano 


Chez    G.    BRANDUS    et    S.    DUFOUR,    éditeurs,    à    Paris,    103,    rue     de    Richelieu,    au    Ie 


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ET 


USICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (2e  article),  par 
Pan!  Smith.  —  De  l'éducation  musicale  préventive  pendant  la  première  et 
la  seconde  enfance  (3°  article),  par  Maurice  Cristal.  —  Nouvelles  com- 
positions de  M.  F.-J.   Fétis  (3e  et   dernier   article),    par  A.  Elwart.    — 

Festival  de  Niort.  —  Nouvelles  et  annonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 
Par  SB.  de  Wolzogen  (li. 

II. 

La  jeune  Wilhelmine  ne  devait  pas  rester  éternellement  danseuse; 
ce  n'était  que  la  première  étape  de  sa  carrière  théâtrale.  Ce  qu'elle 
pouvait  y  apprendre  de  mieux,  c'était  l'art  de  s'exprimer  par  le 
geste,  les  attitudes,  le  regard,  et  il  est  certain  qu'avec  ses  disposi- 
tions naturelles,  elle  y  profita  beaucoup  ;  mais  elle  avait  autre  chose 
à  faire.  Elle  touchait  à  sa  quatorzième  année,  lorsque  son  père  bien- 
aimé,  l'ancien  Don  Juan,  mourut  à  Carlsbad,  où  il  était  allé  chercher 
un  remède  à  de  longues  souffrances.  Sophie  Schroeder,  sa  veuve,  la 
grande  actrice  de  l'Allemagne,  demeura  seule  chargée  du  soin  de 
pourvoir  à  l'avenir  de  ses  filles.  Mais  de  son  premier  mariage  avec 
Nicolas  Stollmers  elle  avait  un  fils,  jeune  homme  très-distingué,  à  qui 
l'on  attribue  une  grande  part  dans  l'éducation  de  Wilhelmine.  Selon 
M.  de  Wolzogen  cette  part  a  été  fort  exagérée ,  et  loin  d'avoir 
exercé  beaucoup  d'autorité  sur  une  sœur  difficile  à  conduire,  le  doux 
mentor  qui  n'avait  que  huit  ans  de  plus  qu'elle  fut  plutôt  le  point 
de  mire  de  ses  moqueries  pendant  les  quelques  mois  qu'ils  se  trou- 
vèrent ensemble  à  Vienne.  Il  est  vrai  que  plus  tard,  lorsque  ce  jeune 
homme  se  fût  acquis  un  nom  comme  poëte  et  comme  écrivain,  Wil- 
helmine lui  témoigna  des  sentiments  affectueux  qu'elle  ne  pouvait 
avoir  pour  lui  à  l'époque  où  elle  l'enveloppait  dans  son  aversion 
générale  contre  le  clergé  catholique. 

Ce  qu'il  y  a  de  curieux  à  noter  pour  l'histoire  des  mœurs  du 
temps,  c'est  que  Nicolas  Stollmers,  dont  le  nom  de  famille  était 
Smets,  avait  quitté  la  magistrature  pour  le  théâtre  ;  fort  versé  dans 
la  science  du  droit  criminel,   un  mariage  d'amour   lui  attira  la  dis- 

(1)  Voir  le  n°  24. 


grâce  de  son  souverain,  et  il  se  fit  acteur.  Sa  femme  étant  venue  à 
mourir,  il  épousa  Sophie  Burger  (depuis  Schroeder)  qui  revenait  de 
Russie  avec  une  troupe  de  comédiens,  et  n'avait  que  quinze  ans.  Les 
deux  époux  jouèrent  à  Réval  au  théâtre  dont  Kotzebue  avait  la  sur- 
intendance. Appelé  à  Vienne  pour  diriger  le  théâtre  de  la  Cour, 
Kotzebue  engagea  le  mari  et  la  femme;  cette  dernière  débula  le  8 
anût  1798  dans  le  Vieux  Célibataire,  d'Iffland;  mais  comme  Kotzebue 
avait  beaucoup  d'ennemis  dans  la  ville  impériale,  le  couple  Stollmers 
se  rendit  à  Breslau,  où  la  femme  débuta  de  nouveau  dans  la  même 
pièce,  le  29  mai  1799.  Peu  de  temps  après,  une  séparation  juri- 
dique intervint  :  il  y  avait  entre  les  deux  époux  une  trop  grande 
différence  d'âge.  Sophie  continua  de  jouer  la  comédie;  Stollmers, 
au  contraire,  reprit  son  vrai  nom,  et  en  revint  à  son  ancien  état; 
lorsqu'il  mourut,  en  1812,  il  était  attaché  comme  juge  à  un  tribunal 
d'Aix-la-Chapelle. 

Wilhelm  Smets  (fils  de  Stollmers),  né  à  Reval,  en  1796,  eut  avec  son 
père  cette  analogie  qu'à  une  certaine  époque  de  son  existence,  la  fantaisie 
lui  prit  de  se  faire  comédien,  sans  autre  vocation  qu'un  très-bel  or- 
gane. Il  avait  étudié  au  lycée  de  Bonn  et  montré  de  brillantes  facul- 
tés. Ses  sentiments  patriotiques  l'entraînèrent  à  servir  comme  volon- 
taire dans  la  guerre  coutre  la  France.  Il  élait  précepteur  d'un  jeune 
gentilhomme,  lorsqu'il  retrouva  sa  mère  i  Vienne,  et  voulut  abso- 
lument débuter.  Il  débuta  en  effet  dans  une  pièce  de  Karl  Plumicke 
intitulée  Lana&sa;  mais  heureusement,  Sophie  Schroeder  obtint  de  lui 
qu'il  renonçât  au  théâtre  peur  se  vouer  désormais  à  la  théologie 
et  au  saint  ministère.  Dans  une  profession  qui  convenait  parfaitement 
à  son  caractère  et  à  ses  mœurs,  il  ne  tarda  pas  à  parvenir  aux  titres 
et  aux  dignités  dont  son  mérite  éminent  le  rendait  digne.  Par  ses 
nombreux  travaux  littéraires,  il  finit  aussi  par  conquérir  un  rang  ho- 
norable parmi  les  écrivains  de  son  pays. 

Maintenant,  revenons  à  la  jeune  Wilhelmine,  dont  nous  ne  nous 
sommes  éloigné  que  pour  la  faire  mieux  connaître,  par  une  digression 
qui  semblerait  empruntée  à  une  sorte  de  roman  comique  allemand. 
Elle  avait  quinze  ans  lorsqu'elle  parut  pour  la  première  fois,  le  13 
octobre  1819,  sur  le  Hofburgtheater  ;  elle  jouait  le  rôle  d'Aride  dans 
la  Phèdre,  de  Schiller.  On  lui  trouva  tout  d'abord  un  ensemble  de 
qualités  charmantes,  une  intelligence  dramatique  extraordinaire  pour 
son  âge,  une  déclamation  pure,  expressive,  attestant  l'excellence  de 
l'école  d'où  elle  sortait.  Rappelée  à  la  fin  de  la  pièce,  elle  fut  rame- 


202 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


née  par  son  illustre  mère  qui  la  présenta  elle-même  aux  spectateurs. 
Pendant  le  cours  de  son  engagement,  elle  se  montra  dans  plusieurs 
rôles  importants  :  Louise,  de  l'Intrigue  et  l'amour  ;  Béatrice  de  la 
Fiancée  de  Messine  ;  Ophélie,  d'Hamlet.  Sa  jeune  sœur,  Betty  ,  rem- 
plit à  côté  de  sa  mère  le  rôle  de  Melitta,  dans  la  Sapho.  de  Grillpar- 
zer;  mais  elle  n'avait  que  treize  ans,  et  chez  elle  il  y  avait  encore 
plus  de  naïveté  enfantine  que  de  passion. 

Sophie  Schroeder  avait  trois  filles  à  placer  :  Wilhelmine,  Betty  et 
Auguste  qui,  elle  aussi,  dès  l'âge  de  six  ans,  s'était  signalée  comme 
danseuse,  au  point  d'éclipser  sa  sœur  aînée.  Pour  concilier  tous  les 
intérêts  et  procurer  à  'Wilhelmine  le  moyen  de  gagner  plus  d'argent, 
il  fut  décidé  qu'elle  passerait  a  l'Opéra.  Ce  serait  d'ailleurs  une  erreur 
de  croire  que  son  talent  de  chanteuse  se  soit  déclaré  tout  à  coup,  à 
l'improviste,  et  comme  par  une  soudaine  explosion.  On  n'avertit  pas 
le  public  ;  on  ne  le  mit  pas  dans  la  confidence,  mais  on  n'en  fit 
pas  moins  tout  ce  qu'il  fallait  pour  cultiver  les  dons  précieux  dont 
la  nature  avait  doué  la  jeune  fille.  Sa  mère  lui  donna  les  meilleurs 
maîtres  de  musique  et  de  chant,  entre  autres  ce  Joseph  Mozatli  qui 
avait  formé  le  célèbre  Ungher-Sabatier,  dont  les  débuts  dans  l'opéra 
eurent  lieu  presque  en  même  temps  que  ceux  de  Wilhelmine  dans 
la  tragédie.  De  plus,  elle  lui  faisait  répéter  mot  à  mot  ses  rôles,  afin 
qu'elle  les  sût  dans  la  perfection  avant  d'aborder  la  scène.  Deux  an- 
nées furent  ainsi  consacrées  à  l'étude,  et  pendant  ce  temps,  sa  mère 
ne  lui  permit  de  se  faire  entendre  nulle* part,  même  dans  les  réunions 
particulières.  Elle  voulait  que  la  jeune  cantatrice  arrivât  sans  avoir 
été  annoncée,  et  qu'on  ne  fût  pas  moins  surpris  que  si  elle  tombait 
du  ciel. 

Enfin,  le  20  janvier  1821,  elle  apparut  au  théâtre  de  Kaertnerthor 
dans  la  Flûte  enchantée,  de  Mozart,  et  elle  y  remplit  le  rôle  de  Pa- 
mina  de  manière  à  satisfaire  les  plus  difficiles.  On  ne  s'attendait  pas 
à  trouver  une  si  belle  voix  soutenue  par  une  méthode  si  pure,  exempte 
de  toute  affectation,  de  tout  mauvais  goût.  Quelques  jours  après  cet 
heureux  début,  elle  chanta  dans  un  concert  que  donnait  le  célèbre 
contre-bassiste  Dall'occa,  et  là,  dans  un  air  de  Pavesi,  dans  un  duo  de 
Rossini,  elle  prit  un  plus  libre  essor. 

Pour  son  second  début,  elle  chanta  le  rôle  d'Emmeline  dans  la 
Famille  suisse,  de  Weigl,  et  d'un  commun  accord  on  proclama 
qu'elle  y  était  idéale,  sublime  à  force  de  sentiment  et  de  vérité.  Ce 
qu'elle  avait  de  plus  étonnant,  c'était  la  facilité,  la  hardiesse  avec 
lesquelles  elle  triomphait  des  difficultés  musicales  :  on  n'aurait  ja- 
mais pu  croire  qu'elle  ne  faisait  à  peine  que  commencer  :  rien  ne 
trahissait  la  novice.  Elle  obtint  un  succès  non  moins  grand  dans 
Baoul  Barbe-Bleue,  de  Grétry,  la  Clochette,  d'HéroId,  Edmond  et 
Caroline,  de  Weigl,  et  dans  le  Frcischuts,  qu'on  n'avait  pas  encore 
joué  à  Vienne,  et  qui  fut  représenté  pour  la  première  fois  le  3  no- 
vembre 1821,  la  veille  de  la  fête  de  l'empereur. 

Weber  déclara  qu'elle  était  la  première  Agathe  du  monde,  et  bien- 
tôt nous  verrons  que  Beethoven  eut  encore  plus  de  raisons  d'être 
content  d'elle,  lorsqu'elle  rendit  la  vie  et  l'âme  à  son  Fidelio. 

Paul  SMITH. 
{La  suite  prochainement.) 


LE  L'ÉDUCATION  MUSICALE  PRÉVEITIVE 

PESBASÏ  LA  FKEMBÈSSE  ET  EA  8ECOWKE   EXIFAWCE. 

(Gymnastique  tle  l'ouïe  et  de  la  ■voix.,) 

(3e  article)  (1). 

Dès  que  l'enfant  peut  parler,  donner  de  l'inflexion  à  sa  voix,  imi- 
ter le  langage  et  le  chant  de  ceux  qui  l'entourent,  il  ne  doit  entendre 

(i)  Voir  lesn"'  10  et  14. 


que  des  intonations  sonores  et  justes,  que  des  mots  articulés  nette- 
ment, que  des  émissions  à  voix  sur  les  lèvres,  sans  effort,  sans  cri, 
la  poitrine  bien  épanouie,  les  poumons  bien  dilatés,  le  tout  en  allant, 
et  venant.  On  n'imagine  pas  que  d'influence  exerce  la  voix  triviale, 
le  cri  guttural,  le  glapissement  du  chien,  le  sifflement  des  locomotives, 
sur  l'enfant  qui  imite  tout  comme  un  écho.  On  ne  peut  rien  suppri- 
mer de  tout  cela  ;  mais  du  moins  qu'on  en  combatte  l'effet  funeste 
par  un  chant  sainement  émis. 

Pendant  les  trois  ou  quatre  premières  années  il  faut  demander  à 
l'esprit  d'imitation  ce  que  ne  peut  encore  donner  l'instinct  de  l'har- 
monie ;  mais  sitôt  que  cet  instinct  commence  à  se  manifester,  son 
évolution  doit  être  favorisée  par  tous  les  moyens  dont  l'éducation 
dispose. 

Nous  devons  à  M.  Fétis  une  très-profitable  simplification  de  l'en- 
seignement à  cet  âge.  Lorsque  M.  Fétis  remplissait  les  fonctions  de 
professeur  de  chant  et  d'harmonie  à  l'école  de  Douai,  il  s'aperçut 
que  les  dégoûts  éprouvés  par  la  plupart  des  commençants  dans  la 
lecture  de  la  musique,  lecture  dont  les  éléments  sont  difficiles  et 
compliqués,  provenaient  de  ce  que  l'attention  se  fatiguait  à  se  par- 
tager dès  les  premiers  pas  entre  des  objets  qui  n'ont  point  d'analo- 
gie. Ainsi,  dans  l'étude  du  solfège,  les  élèves  les  moins  avancés 
étaient  obligés  de  reconnaître  à  la  fois  les  signes  et  leur  valeur,  de 
battre  la  mesure  en  faisant  le  calcul  de  la  division  des  temps  et  de 
chanter  en  cherchant  la  justesse  des  intonations.  Or,  distinguer  des 
signes  et  en  connaître  la  signification,  diviser  des  temps  et  déve- 
lopper le  sentiment  de  la  mesure,  enfin  former  l'oreille  à  la  justesse 
des  intonations,  c'est  tenter  des  choses  indépendantes  les  unes  des 
autres.  Il  est  donc  raisonnable  de  les  enseigner  séparément.  C'est 
d'après  ces  considérations  que  M.  Fétis  établit  dans  l'école  de  Douai 
la  division  des  éludes  qui  a  servi  de  base  aux  solfèges  progressifs 
précédés  de  l'Exposé  des  principes  de  musique,  publiés  par  lui  plus 
tard,  et  c'est  cette  même  division,  adoptée  d'ailleurs  par  plusieurs 
maîtres  dans  leur  système  d'enseignement,  que  nous  conseillons  aux 
mères  qui  forment  elles-mêmes  leurs  enfants  à  la  musique.  Le  prin- 
cipe qui  a  inspiré  M.  Fétis  a  dicté  la  méthode  de  M.  Panofka,  qui 
consiste,  comme  chacun  sait,  à  se  préoccuper  tout  d'abord  de  la 
bonne  émission  du  son,  de  la  facilité  de  la  respiration,  de  la  tenue 
et  de  la  pose  de  la  voix  ;  bref,  à  ménager,  à  préparer  l'organe  vo- 
cal, à  établir  solidement  l'instrument,  après  quoi  on  peut,  sans 
craindre  d'en  briser  les  ressorts,  lui  faire  parcourir  toutes  les  études 
qui  constituent  l'art  du  chant.  Les  avantages  de  cette  méthode  vo- 
cale sont  évidents.  C'est  aux  mères  de  la  mettre  à  profit,  dans  une 
époque  où  l'éclat  sonore  est  devenu  la  condition  dominante  de  l'or- 
chestration, où  la  beauté  du  son  est  l'idéal  des  écoles  instrumentales, 
et  où  la  culture  du  timbre,  le  perfectionnement  de  la  sonorité,  but 
et  triomphe  de  tant  d'habiles  facteurs,  s'étendent,  comme  musique 
vocale,  non  seulement  au  groupe  exceptionnel  de  voix  qui  se  consa- 
crent à  la  spécialité  du  chant  envisagé  comme  art,  mais  à  la  multi- 
tude des  voix  qui  composent  en  France  les  masses  chorales,  les- 
quelles augmentent  et  se  multiplient  chaque  jour. 

Enseignez  le  chant  en  même  temps  que  la  parole,  et,  si  la  voix  est 
fausse,  amusez-vous  à  la  guider  avec  un  instrument.  Certains  enfants 
pourront  ainsi  solfier  dès  l'âge  de  trois  ans  et  demi,  quatre  ans. 
D'autres,  il  est  vrai,  se  montreront  réfractaires  ;  mais  le  plus  grand 
nombre  sera  capable  d'apprendre  des  airs  simples  et  caractérisés. 
Ils  feront  d'ailleurs  pour  les  retenir  des  efforts  qui  tourneront  au  profit 
de  l'intelligence  et  leur  donneront  l'appréciation  des  sons  sans  leur 
donner  la  possibilité  de  les  reproduire. 

En  pareil  cas,  ce  n'est  pas  l'oreille  qui  pèche,  c'est  le  larynx.  Des 
musiciens  incontestables  ont  la  voix  tellement  fausse,  qu'ils  ne 
peuvent  rendre  sans  intermédiaire  une  seule  phrase  de  musique. 
D'autres  personnes  ne  peuvent  diriger  leur  parole,  surtout  quand 
elles  sont  émues.  Leurs  intonations  sont  singulières  et  provoquent 


DE  PARIS. 


l'hilarité.  Toute  tentative  de  discours  ou  d'émission  musicale  devient 
ridicule.  Cela  est  presque  toujours  le  résultat  d'une  mauvaise  éduca- 
tion. L'enfant  qui,  dès  les  premières  années,  a  été  sous  l'influence 
d'un  langage  bien  scandé,  d'un  chant  harmonieux,  bien  rhythmé, 
s'est  exercé  à  couper  les  phrases  convenablement,  à  multiplier  les 
voyelles  et  les  consonnes  euphoniques,  à  doter  chaque  mot  de  l'ac- 
cent qui  lui  appartient,  à  chanter  comme  il  faut.  Par  l'effet  de  l'ins- 
tinct, aidé  du  milieu  excellent  où  il  a  vécu,  il  est  devenu  harmonieux 
parleur,  chanteur  distingué,  musicien  sensible  au  rhythme,  à  la  mé- 
lodie, à  l'harmonie. 

La  voix  et  la  parole,  dans  l'intervalle  de  la  première  à  la  seconde 
enfance,  réclament  une  éducation  attentive  et  savante. 

La  voix,  intimement  liée  aux  fonctions  respiratoires,  résulte  des 
vibrations  imprimées  par  le  larynx  à  l'air  chassé  du  poumon  ;  en  se 
modifiant  par  l'action  de  l'arrière-gorge  de  la  langue  et  des  lèvres, 
elle  devient  la  parole  et  le  chant,  si  les  syllabes  sont  prononcées 
avec  cadence  et  si  la  voix  affecte  des  sons  musicaux.  Nul  appareil 
ne  contribue  plus  à  produire  la  supériorité  humaine  que  celui  de  la 
voix  et  du  chant.  Il  combine  par  la  parole  et  l'émission  chantante  le 
produit  des  cinq  sens,  de  manière  à  en  faire  un  tout  intellectuel.  S'il 
ne  fait  pas  naître  l'idée,  il  la  formule,  la  répand  et  la  communique, 
et,  comme  musique,  il  élhérise  le  sentiment  le  plus  délicat  et  le  plus 
abstrait  de  l'âme.  Qu'on  lise  l'histoire  des  peuples,  on  ne  tarde  pas 
à  se  convaincre  de  l'énorme  puissance  de  la  parole.  On  constate 
chaque  jour  le  charme  qu'elle  apporte  dans  la  vie  intérieure,  dans  les 
réunions  intimes  autour  du  foyer.  Un  organe  doux,  sonore,  musical 
nous  attire  et  nous  subjugue.  Les  visiteurs  de  M.  de  Lamartine 
songent  peu  à  parler.  La  voix  d'argent  musicale  et  pleine  du  poëte  les 
fascine;  ils  écoutent  :  c'est  comme  une  mélopée  savante  qu'ils  en- 
tendent. A  travers  la  voix  on  se  plaît  à  suivre  les  traces  des  senti- 
ments et  des  passions.  Platon  disait  aux  étrangers  qui  l'abordaient  : 
«  Parlez  afin  que  je  vous  connaisse!  »  Sans  formuler  aussi  nettement 
notre  pensée,  nous  sommes  tous  disposés  à  accorder  notre  [estime  à 
ceux  dont  le  timbre  de  voix  nous  charme,  notre  amitié  à  ceux  dont 
la  conversation  est  une  musique  parlée.  Mais  ces  privilèges  ne  sau- 
raient s'acquérir  en  un  jour.  De  longues  études  et  un  travail  opiniâtre 
sont  nécessaires  pour  vaincre  une  voix  aigre  et  stridente,  pour  arti- 
culer nettement  les  mots,  pour  appliquer  aux  expressions  diverses 
les  inflexions  qui  leur  conviennent. 

Une  voix  forte  et  sonore  dépend,  en  général,  d'une  poitrine  bien 
développée,  d'une  respiration  profonde  et  facile,  d'une  trachée  ar- 
tère volumineuse  et  d'un  larynx  sainement  constitué.  L'arrière-gorge 
n'est  pas  sans  influence  sur  la  voix  qui  peut  se  trouver  gravement 
altérée  par  le  gonflement  des  amygdales  ou  du  voile  du  palais,  et 
même  par  les  maladies  qui  s'attaqueut  aux  fosses  nasales.  Tout  cela 
est  affaire  médicale.  Mais  il  faut  exposer  ici  ce  qu'une  mère  doi 
faire  pour  perfectionner  la  voix  dès  la  première  enfance,  et  pour  la 
plier  aux  nécessités  de  la  parole  et  du  chant.  Aucun  agent  n'est  plus 
puissant,  sous  ce  rapport,  que  la  musique  vocale.  Elle  donne  au  la- 
rynx une  grande  flexibilité  ;  elle  ménage  la  respiration  et  augmente 
l'ampleur  et  le  volume  des  sons.  Sous  l'influence  de  l'harmonie,  les 
intonations  deviennent  justes  et  les  transitions  faciles  ;  la  voix  se 
met  en  rapport  avec  les  paroles  au  moyen  de  l'accent  ;  peu  à  peu 
les  sons  les  plus  rudes  sont  adoucis  par  cet  instinct  musical  qui  rend 
la  langue  des  peuples  du  Midi  si  persuasive  et  si  harmonieuse. 

Dans  le  but  d'éviter  l'habitude  des  discordances,  il  est  bon  d'in- 
terdire aux  enfants  les  cris  aigus  qui  impressionnent  si  désagréable- 
ment l'oreille  dans  la  cour  d'une  pension.  Là,  cent  marmots  parlent 
à  la  fois,  et  chacun,  renchérissant  sur  son  voisin  pour  se  faire  en- 
tendre, cherche  les  sons  les  plus  aigres  et  les  plus  mordants.  Il  est 
difficile  d'éviter  ce  travers  dans  les  grands  établissements  publics, 
mais  dans  les  familles  il  ne  faut  jamais  le  souffrir.  Les  enfants  doi- 
vent parler  lentement,  sans  chantonner  ni  se  livrer  à  ces  contorsions 


des  lèvres  et  du  gosier  qu'on  remarque  trop  fréquemment.  On  ne 
doit  pas  souffrir  les  bavardages  et  la  loquacité  intarissable  de  cer- 
taines petites  filles  qui,  à  force  de  parler,  finissent  par  s'enrouer 
et  par  se  donner  des  maux  de  gorge.  Pour  prévenir  ou  pour  corriger 
ces  travers,  l'exemple  des  parents  est  ici  tout-puissant,  et  de  même 
que  l'accent  se  communique  par  une  espèce  de  contagion,  le  timbre 
de  la  voix,  ses  inflexions,  son  harmonie  et  sa  sonorité  sont  transmis 
par  simple  imitation  de  la  mère  à  la  fille,  du  père  au  fils.  La  pre- 
mière condition  pour  ceux  qui  ont  mission  de  donner  l'harmonie  à 
la  voix  de  l'enfant,  est  d'avoir  eux-mêmes  une  voix  harmonieuse, 
car  l'enfant  est  imitateur  avant  tout,  et  le  bon  exemple  est  le  pre- 
mier principe  de  son  éducation. 

S'il  est  utile,  pour  le  charme  de  la  parole,  de  douer  l'enfance  d'un 
organe  juste  et  sonore,  il  est  plus  utile  encore  de  veiller  à  l'articu- 
lation complète  de  chaque  mot.  On  arrive,  avec  plus  ou  moins  de 
facilité,  à  produire  exactement  les  sons  représentés  par  les  cinq 
voyelles  et  leurs  combinaisons,  mais  beaucoup  de  personnes  ne  peu- 
vent articuler  les  dix-huit  consonnes.  Cet  acte  est,  en  effet,  très- 
compliqué  ;  il  demande  le  concours  du  larynx,  de  l'arrière-gorge,  de 
la  langue,  des  dents,  des  joues  et  des  lèvres.  Quelle  que  soit  la  dif- 
ficulté, il  faut  parvenir  à  rendre  l'articulation  correcte.  On  s'occu- 
pera alors  de  donner  à  la  parole  tout  le  charme  organique  qu'elle 
comporte,  à  rectifier  les  inflexions  et  les  intonations.  La  lecture, 
quand  elle  est  dirigée  avec  intelligence,  est  pour  y  parvenir  un  exer- 
cice avantageux.  Mais  les  récitatifs  d'opéras  sont  ici  d'un  merveilleux 
effet.  Je  l'ai  éprouvé  souvent,  et  les  enfants  saisissent  mieux  par 
exemple  un  récitatif  bien  fait,  et  le  rendront  mieux  à  voix  sonore 
et  avec  articulation  correcte  qu'une  lecture  de  prose  ou  de  vers. 
C'est  une  expérience  facile.  Je  signale  comme  ayant  été  employé 
très-souvent  avec  succès  le  récitatif  d'Iphigénie  en  Aulide,  au  troi- 
sième acte.  Mais  je  me  propose  de  traiter  à  part  cette  question,  qui 
est  plus  importante  qu'il  ne  semble. 

En  même  temps  qu'on  poursuit  les  progrès  que  je  viens  de  dé- 
crire, l'attention  doit  se  porter  sur  les  moyens  d'obtenir  la  finesse 
et  les  autres  qualités  de  l'audition.  Dans  les  grandes  villes,  il  est  rare 
que  l'ouïe  ne  soit  émoussée  par  le  bruit  incessant  des  voitures,  par 
un  bourdonnement  qui,  nuit  et  jour,  retentit  jusqu'au  fond  des  ap- 
partements les  plus  reculés.  C'est  au  point  que,  sur  les  grandes  voies 
de  communication,  chacun  est  contraint  à  des  efforts  de  voix  pour 
se  faire  entendre  de  son  interlocuteur.  Les  mêmes  conditions  se  pré- 
sentent à  peu  près  dans  un  moulin,  dans  les  usines  à  machines  à 
vapeur,  dans  tous  les  lieux  où  retentit  un  bruit  fort,  régulier  et  con- 
tinu. L'oreille  n'y  est  jamais  en  repos,  ou  plutôt  elle  se  repose  en 
faisant  abstraction  de  ses  sensations. 

Comment,  dans  ces  conditions,  attirer  l'activité  de  l'ouïe  vers  les 
sons  que  le  silence  seul  rend  perceptibles  ?  Comment  la  rendre  atten- 
tive ?  Comment  lui  faire  discerner  les  qualités  de  timbre  et  de  ton 
qui  se  trouvent  dans  les  vibrations  de  l'air?  Comment,  enfin,  par 
l'intensité  ou  la  mollesse  de  ces  vibrations,  lui  apprendre  à  juger  la 
position  et  la  distance  des  corps?  Tout  cela,  cependant,  est  nécessaire 
à  la  finesse  de  l'ouïe. 

Bien  différentes  sont  les  circonstances  d'audition  dans  les  campa- 
gnes. Si  parfois  l'oreille  y  est  assourdie  par  le  bruit  d'une  cataracte, 
par  le  vent  sifflant  dans  les  forêts,  par  les  éclats  du  tonnerre  réper- 
cutés de  rocher  en  rocher,  on  y  rencontre  aussi  des  instants  de  si- 
lence et  de  recueillement  pendant  lesquels  le  froissement  d'une  feuille 
ou  le  vol  d'un  insecte  suffisent  pour  commander  l'attention.  Ceux 
qui,  pendant  une  molle  et  splendide  matinée  d'avril,  ont  savouré  les 
délices  de  la  vie  contemplative  sur  les  flancs  boisés  des  montagnes, 
savent  tout  le  charme  que  l'oreille  trouve  à  recueillir  les  sens  fugi- 
tifs et  musicaux  qui  traversent  l'air.  Telle  est  l'élasticité  de  l'atmos- 
phère que  le  chant  du  laboureur  se  perçoit  à  une  demi-lieue  de 
distance,  que  le  gazouillement  du  rouge-gorge  remplit  les  profondeurs 


204 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  la  vallée,  que  tout  retentit  lorsque  la  caille  jette  de  colline  en 
colline  son  appel  sec  et  impératif.  En  cet  instant  l'ouïe  devient  le 
sens  prépondérant,  rien  ne  lui  échappe.  Elle  cherche  des  harmonies 
dans  le  son  de  la  cloche  lointaine,  dans  le  murmure  de  l'écluse,  dans 
les  percussions  cadencées  du  fléau,  et  surtout  dans  le  tintement  des 
clochettes  pendues  au  cou  des  brebis.  La  même  tranquillité  de  l'at- 
mosphère produit  des  effets  analogues  pendant  les  belles  soirées  de 
l'automne.  Le  chasseur  placé  à  l'affût  sur  la  lisière  d'un  bois  ou  au 
centre  d'une  clairière  entend  le  lièvre  et  le  lapin  froisser  les  broussailles 
bien  avant  qu'ils  soient  à  portée  ;  il  entend  le  loir  grimper  dans  les 
taillis,  l'écureuil  glisser  dans  les  pins,  le  gland  se  détacher  de  sa  lige 
et  frapper  les  feuilles  jaunissantes  qu'il  entraîne  dans  sa  chute.  Pen- 
dant ces  longues  heures  du  soir,  l'oreille  contraste,  par  son  activité, 
avec  l'inertie  des  autres  sens.  Elle  analyse  avec  patience  et  sagacité 
les  bruits  les  plus  légers  ;  elle  s'exerce  à  en  reconnaître  la  qualité,  la 
distance  et  la  direction. 

Maurice  CRISTAL. 
{La  suite  prochainement.) 


NOUVELLES  COMPOSITIONS  DE  I.  F.-J.  FÉTIS, 

Maître  de  chapelle  de  S.  M.  le  roi  des  belges. 
(3*  et  dernier  article)  (1). 

Dans  notre  article  précédent  nous  avons  recherché  les  causes 
constitutives  de  la  symphonie  ;  dans  celui-ci  nos  opinions  sur  le 
style  propre  à  ce  genre  élevé  seront  moins  difficiles  à  formuler,  car 
les  modèles  abondent,  et  dans  les  œuvres  de  ce  genre  livrées 
à  notre  admiration  par  les  trois  grands  maîtres  allemands,  nous 
n'aurons  que  l'embarras  du  choix. 

Le  premier  allegro  est  presque  constamment  la  mise  en  œuvre  des 
grandes  pensées  et  des  savants  développements;  Yandante,  élégiaque 
presque  toujours,  repose  des  agitations  du  premier  allegro,  tandis 
que  le  scherzo  efface,  par  sen  caractère  vif  et  passionné,  les  impres- 
sions souvent  déchirantes  ou  tendres  de  Yandante.  Quant  au  finale, 
il  peut  être  ou  grandiose,  comme  dans  la  symphonie  en  ut  mineur 
de  Beethoven,  ou  comique  même,  comme  dans  l'Ours  de  Haydn. 

Mais  l'écueil  à  éviter  lorsqu'on  écrit  une  symphonie,  consiste  à 
ne  pas  donner  à  la  pensée  musicale  une  forme  purement  vocale,  ou 
dramatique  au  point  de  vue  de  l'art  lyrique  ;  c'est  surtout  de  ne  pas 
écrire  de  la  musique  pittoresque  de  ballet  là  où  il  faut  toujours  être 
épique.  —  M.  Fétis,  dans  sa  seconde  symphonie  en  sol  mineur,  a 
su  conserver  à  son  style  celte  sobriété  d'expression,  cette  maestria 
déformes  si  difficiles  à  atteindre,  et  lui,  le  professeur  érudit  par  excel- 
lence, il  a  évité  avec  un  soin  tout  particulier  l'emploi  des  formules, 
ce  véritable  lierre  musical  qui  étouffe  les  plus  belles  idées  en  les 
banalisant. 

Une  introduction  à  3/8  précède  le  premier  allegro.  Rù'n  de  plus 
expressif  que  l'imitation  du  chant  du  hautbois,  faite  par  les  violon- 
celles dans  le  grave  de  l'échelle  du  ton  choisi  par  l'auteur.  L'allégro 
à  quatre  temps  est  rempli  de  passion  ;  les  idées  sont  enchâssées 
dans  une  instrumentation  combinée  avec  une  entente  de  l'effet  qui 
confond. 

L'andanle  à  2lh,  en  ini  bémo',  est  d'une  naïveté  d'expression  déli- 
cieuse. Les  contrastes  les  plus  heureux  augmentent  l'intérêt  sans 
ôter  à  ce  morceau  rien  du  son  caractère  naïf  et  primordial. 

La  fantasia  d'intermezzo,  qui  remplace,  en  l'amplifiant,  le 
scherzo,  est  également  une  des  plus  belles  conceptions  de  M.  Fétis; 
et  le  finale  allegro  con  moto,  en  sol  majeur,  jette  une  espèce  de 
lumière  sur  l'œuvre  tout  entière.  Le  début  de  ce  finale  procède  un 
peu  de   la  manière  de  Mendelssohn;   mais  ses  développements,  la 

(1)  Voir  les  n'"  rj  et  i.'i. 


mise  en  œuvre  des  idées,  leur  enchaînement  logique,  leurs  formes 
aussi  neuves  que  brillantes,  tout  concourt  à  faire  de  cette  seconde 
symphonie  l'œuvre  capitale  du  maître  en  ce  genre. 

Nous  regrettons  que  l'espace  qui  nous  est  accordé  ne  nous  per- 
mette pas  d'entrer  dans  de  plus  grands  détails  ;  mais  ce  que  nous 
avons  dit  suffira  pour  faire  partager  à  nos  lecteurs  le  désir  que  nous 
avions  déjà  exprimé  dans  notre  second  article  :  celui  d'entendre 
exécuter  l'hiver  prochain  ces  deux  belles  œuvres  par  le  premier 
orchestre  de  l'Europe.  Elles  sont  dignes  de  cette  tardive  justice  ;  et 
ce  serait  avec  une  joie  causée  par  la  reconnaissance  la  plus  vive, 
que  nous  consignerions,  dans  une  troisième  édition  de  notre  His- 
toire de  la  Société  des  concerts,  le  succès  éclatant  qui  ne  peut  man- 
quer de  couronner  la  carrière  si  bien  remplie  de  notre  maître  bien- 
aimé. 

A.  ELWART. 


FESTIVAL  DE  NIORT. 

On  sait  que  les  fêtes  musicales  de  l'Association  de  l'Ouest  se  compo- 
sent de  deux  concerts  donnés,  l'un  pendant  le  jour  et  l'autre  le  len- 
demain soir.  Le  premier  est  un  concert  spirituel  :  c'est  habituellement 
celui  qui  intéresse  le  plus  les  musiciens  sérieusement  attachés  à  leur  art. 
Dans  cette  première  journée,  en  effet,  ont  été  exécutés,  depuis  trente 
ans,  tous  les  oratorios  de  Bach,  ïlaendel,  Haydn,  BeethoveD,  Mozart  et 
Mendelssohn.  Or,  il  serait  difficile  d'obtenir  en  France,  même  a  Paris, 
des  auditions  de  ces  grandes  œuvres  qui  s'appellent  le  Messie,  Judas  Ma- 
chabée,  les  Saisons,  le  Christ  au  mont  des  Oliviers,  David  pénitent,  Paulus, 
autrement  que  par  petits  fragments.  Le  public  des  Congrès  de  l'Ouest 
écoute  ces  grandes  compositions  avec  le  recueillement  de  dilettanti 
d'outre  Rhin.  C'est  ainsi  que  le  concert  spirituel  a  été  écouté  cette 
année,  et  pourtant  le  programme  était  long  et  sérieux. 

Le  premier  numéro  de  ce  programme  était  l'oratorio  de  Haendel  :  la  Fête 
d'Alexandre  ou  la  puissance  de  la  musique,  réorchestré  par  Mozart.  Cette 
œuvre  se  distingue  par  de  très-belles  pensées  rendues  avec  une  noblesse 
de  style  qui  fait  que  l'œuvre  semble  être  née  d'hier;  aucune  phrase  n'a 
vieilli  ;  toutes  les  mélodies  semblent  dues  à  quelques-uns  de  nos  grands 
compositeurs  contemporains.  Les  soli  étaient  confiés  à  Mines  Peudefer, 
B...,  F...,  et  à  MM.  Jourdan  et  liussine. 

Après  cet  oratorio,  nous  avons  eu  un  chœur  sans  accompagnement 
fort  bien  rendu  :  c'était  un  Salve,  Regina,  d'Orlando  Lasso;  puis,  venait 
la  cantate  qui  valut  à  M.  Beaulieu,  fondateur  de  l'Association,  le  prix 
de  Rome  en  1810;  elle  est  intitulée  :  Héro  et  Léandre.  Les  cantates  n'a- 
vaient alors  qu'un  seul  personnage  chantant;  et,  malgré  la  monotonie 
qui  en  résultait,  le  compositeur  a  trouvé  moyen  d'intéresser  à  son 
œuvre  par  une  orchestration  écrite  avec  un  talent  rare.  Cette  cantate  a 
été  rendue  avec  beaucoup  de  talent  par  une  dame  amateur  de  Poitiers, 
Mme  B.... 

Après  ces  trois  morceaux  d'un  genre  tout  à  fait  grave,  MM.  Dorus, 
Triébert,  Barbet,  un  des  bons  chefs  de  musique  de  notre  armée,  G.  Ba  - 
neux  fils  et  E.  Jancourt,  sont  venus  mettre  un  peu  de  variété  dans  le 
programme,  en  exécutant  d'une  façon  parfaite,  comme  on  le  pense  bien, 
un  quintette  de  Reicha.  Ceci  a  causé  la  plus  vive  satisfaction  aux  au- 
diteurs qui  l'ont  témoignée  d'une  manière  enthousiaste. 

Le  concert  se  terminait  par  les  deux  premières  parties  de  la  Création 
du  monde  d'Haydn.  Les  solistes  étaient  les  mêmes  que  pour  la  Fêle  d'A- 
lexandre. C'est  dire  que  tout  a  marché  à  souhait,  à  part  quelques  petites 
hésitations  dont  le  public  s'est  à  peine  aperçu. 

Le  second  jour  débutait  par  la  symphonie  en  ut  mineur  de  Beethoven 
qui  a  été  dite  d'une  façon  remarquable.  L'orchestre  des  Congrès  de 
l'Ouest,  qui  est  presque  toujours  composé  des  mêmes  musiciens,  com- 
mence à  se  faire  une  réputation,  par  la  manière  excellente  dont  il  joue 
les  symphonies  du  grand  maître  de  Bonn.  Cette  année-ci,  M.  Dela- 
vault,  chef  d'orchestre  de  la  partie  vocale,  et  M.  Norôs,  chef  d'orches- 
tre de  la  partie  instrumentale,  avaient  sous  leur  direction  quatre-vingt- 
dix  instrumentistes  et  plus  de  cent  choristes,  pris  dans  toutes  les  classes 
de  la  société,  du  haut  en  bas  de  l'échelle  des  fortunes. 

Le  programme  de  ce  second  jour  ne  contenait  pas  moins  de  quinze 
morceaux,  et,  comme  les  programmes  mentent  toujours  un  peu,  nous 
en  avons  eu  dix-sppt.  11  était  1  heure  et  demie  lorsque  l'ouverture  et 
la  bénédiction  des  drapeaux  du  Siège  de  Corinthe  (qui  formaient  un 
seul  morceau)  ont  clôturé  le  concert. 

i\,me  l'eudefer  a  chanté,  de  façon  à  rappeler  plus  d'une  fois  Mme 
Jliolan-Carvalho,  l'air  des  Bijoux,  de  Faust;  ell«  a  eu  aussi  beaucoup  de 


DE  PARIS. 


m 


succès  dans  l'air  du  Billet  de  loterie,  qui  est  devenu  pour  les  soprani 
ce  qu'est  pour  les  ténors  l'air  :  «  Vainement,  Pliaraon  »,  de  Joseph.  Mme 
Peudefer  possède  une  jolie  voix  et  sait  s'en  servir.  Elle  a  réconcilié  avec 
elle,  par  ces  deux  morceaux,  les  amateurs  de  la  mesure  et  de  la  régularité 
du  rhythme,  qui  lui  en  voulaient  un  peu  à  cause  de  certaines  infractions 
qu'elle  s'est  permises  dans  Ilaendel  et  Haydn.  Il  y  a  de  ces  genres  de 
musique  qui  ne  permettent  pas  que  l'on  transige  avec  la  mesure,  et  les 
oratorios  des  maîtres  allemands  sont  de  ce  nombre. 

M.  Jourdan  a  dit  de  sa  belle  voix  de  ténor  l'air  de  FEclair,  d'Halévy, 
et  M.  Bussine  celui  de  Galatée;  ces  deux  artistes  ont  ensuite  chanté 
ensemble  un  notable  fragment  du  duo  de  la  Reine  de  Chypre. 

MM.  Triébert  et  Jancourt  ont  eu  un  succès  d'enthousiasme  dans  un 
duo  de  leur  composition  tiré  de  Semiramide  ;  impossible  d'avoir  une 
exécution  plus  finie  que  celle  de  M.  Triébert,  impossible  de  montrer 
plus  de  hardiesse  que  M.  Jancourt ,  mais  cette  hardiesse  lui  réussit 
toujours,  il  tient  constamment  son  public  sous  le  charme,  tout  en  le 
surprenant  à  chaque  trait. 

M.  Dorus,  dans  une  fantaisie  de  Bœhm,  sur  un  thème  suisse,  et 
M.  Baneux,  dans  une  fantaisie  composée  par  son  père,  ont  soulevé  des 
tonnerres  d'applaudissements. 

M.  Tolbecque  a  dit  avec  sa  verve  habituelle  une  composition  de  Ser- 
vais. 

Un  des  beaux  succès  de  la  soirée  a  été  la  symphonie  concertante  de 
Mauser  pour  quatre  violons  solos  et  orchestre.  Les  solistes  étaient 
MM.  Meilhan  fils,  de  Tours,  Rideau,  de  la  Rochelle,  Hostie,  de  Rochefort, 
et  Samie,  de  Limoges.  Ce  morceau  a  eu  les  honneurs  du  bis. 

Un  banquet  a  suivi  le  concert ,  et  les  membres  de  cette  belle 
association  se  sont  donné  rendez-vous  pour  l'année  prochaine  à  Poi- 
tiers. 

L.  Beiirnabdt. 


NOUVELLES. 


***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  la  Favorite  et  .le 
premier  acte  de  Giselle;  mercredi,  les  Huguenots,  et  vendredi,  la  quatre 
centième  représentation  de  ce  même  ouvrage.  —  Demain  lundi,  M.  Du- 
mestre  reparaîtra  dans  Guillaume  Tell.  —  On  annonce  le  rengagement 
de  Dulaurens. 

***  Les  Huguenots  ont  été  représentés  mercredi  et  vendredi  ;  Mlle  Ca- 
mille de  Maesen  y  débutait  dans  le  rôle  de  la  reine  Marguerite.  C'est 
la  jeune  sœur  de  Mlle  Léontine  de  Maesen,  qui  chante  depuis  quelques 
mois  au  théâtre  Lyrique  impérial.  Elle  nous  vient  de  Bruxelles  où  elle 
tenait  une  place  brillante  au  théâtre  de  la  Monnaie,  et  nous  croyons 
qu'elle  n'obtiendra  pas  moins  de  succès  à  Paris.  Comme  sa  sœur,  elle 
est  de  taille  svelte,  élancée  ;  elle  a  une  figure  charmante,  et  sa  voix, 
soprano  complet,  se  distingue  par  l'agilité,  la  souplesse.  Lorsque  l'étude 
aura  perfectionné  les  rares  qualités  dont  elle  est  douée,  en  y  ajoutant 
ce  qu'elle  n'a  pas  encore,  le  trille  par  exemple,  Mlle  de  Maesen  sera 
un  sujet  excellent,  et  dès  aujourd'hui  c'est  une  acquisition  des  plus 
heureuses. 

„**  Deux  très- agréables  danseuses  de  l'Opéra,  Mlles  Pilatte  et  Eugé- 
nie Fiocre,  jusqu'à  présent  coryphées,  passent  dans  les  premiers  sujets 
de  la  danse. 

à**  Par  décision  judiciaire  de  la  Cour  impériale,  les  réparations  néces- 
sitées par  l'état  actuel  de  la  salle  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  sont 
mises  à  la  charge  des  propriétaires,  et  l'on  va  y  procéder  tout  de 
suite.  Le  théâtre  va  donc  fermer  le  1er  juillet  pour  un  mois  environ. 
Montaubry  et  Achard  entrent  en  congé  le  même  jour. 

*%  A  la  suite  du  succès  de  Sylvie,  la  direction  du  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique  a  confié  le  livret  d'un  opéra  en  deux  actes  à  M.  Guiraud,  et 
'on  assure  que  le  directeur  du  théâtre  Lyrique  l'a  chargé  aussi  de 
composer  la  musique  d'un  ouvrage  en  trois  actes. 

***  A  l'une  des  dernières  représentations  de  Lara,  Mme  Galli-Marié 
a  fait  au  deuxième  tableau  du  troisième  acte  une  chute  dans  laquelle 
elle  s'est  assez  fortement  contusionnée;  toutefois,  le  public  ne  s'en  est 
pas  aperçu  immédiatement,  la  courageuse -artiste  s'étant  relevée  avec 
énergie  et  ayant  continué  son  rûle,  quoique  ses  mains  fussent  ensan- 
glantées par  les  déchirures  qu'elle  s'y  était  faites. 

***  M.  Bagier  vient  d'engager  pour  la  saison  prochaine  Mme  Penco 
et  Mme  Vestri. 

%**  Norma  et  la  R'ine  Topaze  clôtureront  dignement  la  saison  du 
théâtre  Lyrique  qui  ferme  ses  portes  le  30  juin  ;  Mme  Carvalho  do.t 
être  à  Londres  le  27;  elle  est,  comme  nous  l'avons   dit,  engagée  aux 


appointements  de    15,000   francs  par  mois,   pour  chanter  le  rôle  de 
Catherine  de  l'Etoile  du  Nord  au  théâtre  italien  de  Covent-Garden. 

**„,  M.  Varney,  avec  une  portion  de  la  troupe  des  Bouffes-Parisiens, 
a  commencé  sa  tournée  en  province  par  Orléans  ;  son  début  a  eu  lieu 
mardi  par  la  Chanson  de  Forlunio. 

***  Les  ouvrages  annoncés  par  le  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin 
Norma,  le  Barbier  de  Sécille  et  Tartufe,  sont  en  pleines  répétitions. — On 
affirme  que  Capoul,  profitant  des  loisirs  qui  vont  lui  être  faits  par  la 
fermeture  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  pourrait  bien  s'y  montrer 
dans  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  opéras. 

**„,  On  annonce  au  théâtre  Lyrique,  place  du  Châtelet,  une  véritable 
fête  littéraire  pour  lundi  prochain  27.  Mme  Ristori  jouera  Mèdée,  mais 
pour  cette  fois  seulement. 

***  L'Académie  des  beaux-arts,  dans  la  séance  du  samedi  1S  juin,  a 
arrêté  la  liste  suivante  des  candidats  pour  la  place  d'associé  étranger, 
vacante  par  suite  du  décès  de  Meyerbeer  :  MM.  Verdi,  Geefs,  John  Pye, 
Navez,  présentés  par  la  commission.  Ont  été  ajoutés  par  l'Académie*: 
MM.  Simonis  et  Gallait. 

***S.  Exe.  le  maréchal  Vaillant,  ministre  des  beaux-arts  et  de  la  maison 
de  l'Empereur,  vient  de  faire  extraire  du  garde-meuble  de  la  couronne 
pour  les  envoyer  au  musée  instrumental  du  Conservatoire  impérial  d'e 
musique,  trois  instruments  précieux  par  leur  antiquité  et  leur  rareté. 
Ils  consistent  en  un  clavecin  de  Han  Ruker,  portant  la  date  de  1590", 
i!  est  renfermé  dans  une  caisse  en  vieux  laque  ;  un  clavecin  construit 
en  1790  pour  la  reine  Marie-Antoinette,  par  Pascal  Taslun,  et  un  orgue 
portatif  à  tuyaux,  construit  en  Chine,  et  offert  en  1S58  au  Prince  im- 
périal. 

„..%  On  annonce  pour  mardi,  28,  au  théâtre  du  Palais-Royal,  une  bril- 
lante représentation  au  bénéfice  de  Berthelier,  dans  laquelle  l'excellent 
comique  jouera,  avec  Pradeau,  les  Deux  Aviugles,  un  de  ses  premiers  et 
grands  succès  du  théâtre  des  Bouffes-Parisiens,  et  avec  Mlle  Frazey, 
Lischenet  Fritzchen,  la  charmante  opérette  d'Offenbach,  que  ces  deux  ar- 
tistes interprètent  partout  depuis  six  mois,  aux  applaudissements  de  tous 
ceux  qui  l'entendent. 

*%  On  nous  écrit  d'Ems  :  «  C'est  hier  mercredi  que  les  représen- 
tations théâtrales  ont  commencé  sur  le  théâtre  du  Kursaaï.  On  a 
ouvert  par  :  le  Chien  du  Jardinier,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles 
de  MM.  Lcckroy  et  Cormon,  musique  de  M.  Albert  Grisar  ;  Croquignolle, 
opérette  en  un  acte,  paroles  de  M.  de  Forges,  musique  de  M.  Ernest 
Lépine.  —  Offanbach  vient  d'arriver  pour  la  mise  en  répétition  de  ses 
deux  opérettes  :  le  Soldat  magicien  et  Jeanne  qui  pleure  et  Jean  qui  rit, 
interprétées  par  les  artistes  les  plus  aimés  du  public  des  Bouffes-Pari- 
siens. —  Nous  aurons  aussi  un  opéra  de  Deffès,  la  Boîte  à  musique;  enfin 
ies  concerts  ont  été  l'objet  de,  la  sollicitude  toute  particulière  du  di- 
recteur du  Kursaal,  et  nous  entendrons  Vivier,  Servais,  Ratta,  Alard>, 
Vieuxtemps  ,  Joseph  Wieniavvski ,  Arban,  Mmes  Escudier-Kastner  ,. 
MlleMarimon  et  Mme  Lemmens  Sherrington.  » 

.j.**  A  Madrid,  l'inauguration  du  théâtre  Rossini'  s'est  faite  dans  des 
conditions  assez  défavorables.  Le  gaz  a  manqué  complètement,  et  c'est 
dans  l'obscurité  que  le  ballet  de  Giselle,  choisi  pour  l'ouverture,  a  dû 
être  dansé.  Ce  désappointement  a  été  d'autant  plus  fâcheux  que  le  roi 
et  la  reine  honoraient  la  représentation  de  leur  présence. 

t%  Parmi  les  artistes  venus  cette  année  à  Londres,  il  faut  citer  le  vio- 
loniste Accursi  et  Mme  Accursi,  sa  femme,  pianiste.  Ce  jeune  couple, 
doué  d'un  talent  très-remarquable,  et  recommandé  par  Rossini,  a  été 
admis  d'emblée  à  se  faire  entendre  dans  les  salons  les  plus  aristocra- 
tiques, là  où  les  instrumentistes  sont  si  rarement  appelés,  et  a  su  y  con- 
quérir tous  les  suffrages  et  obtenir  les  plus  brillants  succès.  Mme  Ac- 
cursi a  d'ailleurs  le  privilège  de  faire  entendre  quelques-unes  de  ces 
délicieuses  compositions  inédites  de  Rossini  qu'elle  interprète  d'une 
façon  supérieure  et  qu'on  applaudit  avec  enthousiasme.  —  C'est  dans  le 
grand  concert  donné  par  la  Scalia  que  Mme  Accursi  a  joué  l'admirable 
Tarentelle  du  grand  maître,  aux  applaudissements  de  toute  la  salle,  et 
que  Délie  Sedie  et  Roméo  Accursi  ont  exécuté,  pour  la  première  fois, 
une  composition,  inédite  aussi,  de  Donizetti,  pour  voix  et  violon,  avee 
accompagnement  de  piano,  qui  a  produit  un  effet  vraiment  saisissant 
sur  tout  l'auditoire.  Cette  composition  a  pour  titre  r  Le  Violon  de  Cré- 
mone, n 

„%  La  société  de  chant  de  Dresde  se  propose  d'organiser  pour  1S63 
un  festival  monstre,  auquel  prendrait  part  l'Allemagne  tout  entière. 
Ses  plus  célèbres  compositeu.-s  seraient  invités  i  envoyer  au  comité 
du  Maenner-Gesang-Verein  des  ouvrages  composés  pour  la  circonstance. 

**,  S.  M.  la  reine  d'Espagne  vient  de  conférer  à  M.  le  com*e  Ca- 
brielli  le  titre  de  chevalier  de  l'ordre  de  Charles  III.  Le  comte  fiabrieUi 
estdeNaples,  et  il  no  tarda  pas*  être  adopté  par  le  monde  élégant  et  par 
le  monde  artistique  de  Paris,  où  il.  a  énmposé  pour  le  grand  Opéra  deux 
ballets  :  les  Elfes,  dans  lequel  d"lmta  Mme  l-'erraris,  et  l'Etoile  de 
ilessine,  qui  obtint  un  briLani  Huches-,   et   qui  l'ut  la   dernière   grande 


:og 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


création  de  la  célèbre  danseuse.   On  doit  en  outre  au  comte  Gabrielli 
un  opéra-comique  en  trois  actes,  Don  Grcgorio,  le  Petit  Cousin,  etc. 

*%  Jeudi  30  juin,  à  S  heures  du  soir,  aura  lieu  l'inauguration  du 
nouvel  orgue  qui  vient  d'être  placé  dans  l'église  Notre-Dame  de  Bonne- 
Nouvelle,  par  la  Société  anonyme  :  Etablissements  Merklin-Scbutze. 
MM.  Ed.  Batiste,  Renaud  de  Vilbac,  Hess,  organiste  de  Saint-Ambroise,  et 
Burelle,  organiste  et  maître  de  chapelle  de  la  paroisse,  feront  connaître 
les  ressources  de  l'instrument.  Les  morceaux  d'orgue  alterneront  avec 
des  morceaux  religieux,  dans  lesquels  on  entendra  M\l.  Falchieri  et 
Cléophas  qui  veulent  bien  se  joindre  aux  chœurs  de  l'église.  Le  jeune 
B.  Godard  exécutera  un  morceau  de  violon  avec  accompagnement  d'or- 
gue. 

***  Nous  avons  sous  les  yeux  b  prospectus  d'une  publication  qui 
doit,  à  beaucoup  de  titres,  intéresser  les  amateurs  de  musique  ;  c'est 
la  Fanfare  lyonnaise,  recueil  mensuel  de  morceaux  de  fanfares,  fondé 
sous  le  patronage  de  Georges  Hainl,  chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  et  de 
MM.  Luigini,  Bazin,  F.  David,  Ch.  Gounod,  Poise,  Delibes  et  autres. 
Avec  de  pareils  collaborateurs,  la  Fanfare  lyonnaise  ne  peut  manquer 
d'obtenir  un  grand  succès. 

»*t  Dimanche  passé,  S.  A.  I.  Mme  la  princesse  Mathilde,  qui  réside 
l'été  dans  sa  magnifique  villa  de  Saint-Gratien,  avait  réuni  la  Société  or- 
phéonique  de  la  localité  pour  lui  faire  remise  d'une  magnifique  bannière 
aux  couleurs  impériales  et  bénie  par  le  curé.  Ce  don  a  valu  à  Son  Al- 
teste  Impériale  les  témoignages  chaleureux  de  reconnaissance  des  or- 
phéonistes. 

„*„  M.  Déjazet  s'est  assuré  le  concours  des  choristes  du  théâtre  Ita- 
lien pour  l'exécution  de  l'opéra  de  MM.  Ventejoul  et  Mestepès  :  la  Fille 
du,  maître  de  chapelle. 

t%  S.  M.  la  reine  d'Espagne  vient  de  conférer  à  M.  Adrien  Boïel- 
dieu  la  décoration  de  l'ordre  de  Charles  III. 

t%  L'ouverture  du  nouvel  établissement  de  bains  de  Cherbourg  s'est 
faite  solennellement  le  15  de  ce  mois  par  un  grand  dîner  et  un  bal. 
Plusieurs  écrivains  de  la  presse  parisienne  y  avaient  été  convies. 

%%  La  Marche  funèbre  de  Litolff,  à  la  mémoire  de  Meyerbeer,  dont 
il  existe  un  arrangement  pour  le  piano  et  à  quatre  mains,  va  paraître 
cette  semaine  arrangée  par  Lebeau,  pour  orgue-harmonium. 

„.**  La  librairie  Arnauld  de  Vresse  vient  de  publier  la  deuxième  édi- 
tion des  Théories  complètes  du  chant,  par  M.  Steplien  de  la  Madelaine.  La 
première  édition  de  cet  ouvrage,  fruit  d'une  longue  expérience,  était 
épuisée  depuis  longtemps:  nous  ne  pourrions  que  répéter  coque  nous 
avons  dit  de  l'ouvrage  et  lui  présager  un  nouveau  succès. 

»*„  Dimanche  dernier  a  eu  lieu  à  Caen  un  très-beau  festival  auquel 
concouraient  les  Sociétés  orphéoniques  du  Calvados  et  leurs  musiques 
municipales.  L'éminent  violoniste  Léon  Lecieux  et  M.  Caron,  del'Opéra, 
avaient  prêté  l'appui  de  leur  talent  à  cette  solennité  qui  avait  lieu 
en  présence  du  préfet  et   des   autorités,  et  qui  a  été  très-brillante. 

*%  Au  théâtre  Robin,  lundi  20  courant,  a  eu  lieu  l'anniversaire  de 
la  première  représentation  des  Spectres.  Les  trois  cent  soixante-cinq 
représentations  que  M.  Robin  vient  de  donner  sans  interruption,  de  ce 
genre  de  spectacle,  ont  été  loin  de  suffire  à  la  curiosité  du  public,  qui 
continue  comme  dans  les  premiers  temps  à  se  porter  en  foule  au  bou- 
levard du  Temple,  pour  les  admirer  et  les  applaudir. 

t*t  Aujourd'hui  dimanche,  26  juin,  au  Pré-Catelan,  grande  matinée 
musicale  et  dansante, 'avec  le  concours  des  musiques  du  72e  de  ligne  et  du 
2°  chasseurs  à  cheval,  dont  les  programmes  complètement  renouvelés 
renferment  les  cnefs-d'œuvre  des  grands  compositeurs.  —  Le  bal  d'en- 
fants, dirigé  par  MM.  Chevallier  et  Riguaud,  commencera  à  i  heures 
précises.  Grande  tombola.  —  Incessamment  ouverture  du  palais  des 
Colibris. 

„%  On  annonce  la  mort,  à  Crémone,  de  Ruggiero  Manna,  maître  de 
chapelle  de  la  cathédrale.  Sa  mère,  Carolina  Bassi,  était  une  cantatrice 
habile,  pour  laquelle  Meyerbeer  avait  écrit  le  rôle  de  Sémiramidc  rico- 
nosciuta.  11  avait  étudié  la  musique  sous  la  direction  du  savant  con- 
trapuntiste  Maffeï,  et  il  reçut  les  conseils  de  Meyerbeer  et  d'autres 
artistes  célèbres  allemands,  Mayseder,  Czerny,  Stadler  et  Weigl,  qu'il 
\isita  à  Vienne.  Après  avoir  donné  trois  opéras,  Jocopo  di  Va'enza,  à 
'Irieste  (1832)  pour  le  ténor  l'eina,  la  Preziora  (1845),  à  Casalmaggiore, 
il  Profeta  velato,  à  Trieste  (1S46),  pour  la  Barbieri  Nini  et  de  Bassin:, 
M.  Jlanna  s'adonna  tout  entier  à  la  musique  sacrée.  11  a  laissé  en  ce 
genre  un  grand  nombre  de  compositions  estimables.  Né  à  Trieste 
le  6  avril  1808,  il  était  membre  des  académies  philharmoniques  de  Tu- 
rin, Bologne,  Florence,  de  la  congrégation  de  Sainte-Cécile,  à  Rome. 

**,  Mme  Neumann-Sessi,  la  plus  jeune  et  la  dernière  du  trio  de 
prime  donne  de  ce  nom,  vient  de  mourir  à  Vienne  dans  sa  soixante- 
quatorzième  année  ;  elle  y  avait  débuté  en  1805,  elle  parcourut  ensuite 
l'Iialie  et  obtint  de  brillants  succès  à  Bologne,  Florence  et  Naples,  en 
société  avec  ses  deux  securs  ainées.  De  retour  à  Vienne,  elle  épousa 


M.  Neumann,  négociant.  L'époque  la  plus  brillante  de  sa  vie  fut  le 
congrès  de  Vienne,  où  elle  chanta  devant  un  parterre  de  rois.  En 
1820,  Mme  Neumann-Sessi  ayant  perdu  sa  voix,  quitta  la  scène  et  ren- 
tra dans  la  vie  privée. 

***  M.  Janniard,  architecte  du  gouvernement,  et  qui,  en  cette  qua- 
lité, avait  été  longtemps  attaché  au  Conservatoire  impérial  de  musique 
et  de  déclamation,  est  mort,  il  y  a  peu  de  jours,  à  Garches,  près  Paris. 
Ses  obsèques  ont  eu  lieu  dans  cette  commune. 

_  ***  Une  mort  prématurée  vient  de  frapper  M.  le  marquis  de  Fer- 
rière-le-Vayer,  envoyé  extraordinaire  et  ministre  plénipotentiaire  de 
France  près  le  roi  des  Belges.  La  Revue  et  Gazette  musicale  ne  saurait 
oublier  qu'avant  d'entrer  dans  la  diplomatie,  M.  le  marquis  de  Ferrière 
avait  été  l'un  de  ses  collaborateurs;  sous  le  pseudonyme  de  Samuel 
Bach,  qu'il  avait  adopté  alors,  il  écrivit  plusieurs  articles  dans  le  genre 
d'Hoffmann  le  fantastique.  Dans  l'année  1836,  à  l'occasion  de  la  repré- 
sentation des  Huguenots,  il  publia  dans  ce  journal  l'histoire  du  château 
de  Chenonceaux,  où  se  passe  le  second  acte  de  l'opéra. 

***  Mme  Antonia  Monténégro,  cantatrice  qui  brilla  au  théâtre  de  la 
Scala  à  Milan,— où  son  nom  se  trouve  inscrit  sur  une  plaque  de  marbre 
placée  au  foyer,— et  sur  plusieurs  autres  scènes  d'Italie,  vient  de  mou- 
rir à  Naples. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


t%  Londres. —  Mlle  Désirée  Artot  vient  de  faire  un  brillant  début  au 
théâtre  royal  italien  (Covent-Garden)  dans  le  rôle  de  Maria,  de  la  Figliadel 
Reggimento.  La  jeune  cantatrice  a  dû  bisser  l'air  Ciascun  lo  dice,  et  la 
vive  impression  qu'elle  a  produite  par  la  manière  touchante  dont  elle  a 
dit  les  adieux,  Convien  partir,  lui  a  valu  un  chaleureux  rappel.  Son 
succès  a  été  grandissint  pendant  tout  le  second  acte,  et  cette  repré- 
sentation a  été  un  vrai  triomphe  pour  la  débutante  qu'on  a  rappelée 
avec  enthousiasme  à  la  fin  de  l'opéra.  —  Au  théâtre  de  Sa  Majesté, 
l'opéra  Fidelio  a  été  repris,  et  Mlle  Tietjens,  dans  le  rôle  de  Leonora, 
y  a  obtenu  un  très-grand  succès.  Les  autres  représentations  aux  deux 
théâtres  italiens  se  sont  composées  des  Huguenots,  Robert,  Faust,  Maria; 
un  nombreux  public  y  a  chaque  fois  assisté. —  Les  salles  de  concert  ne 
sont  pas  moins  remplies,  et  Saint-James-Hall,  où  le  compositeur  et 
pianiste  favori  J.  Bénédict  a  donné  lundi  dernier  son  grand  concert 
annuel,  s'est  même  trouvée  trop  petite  pour  faffJuence  qui  s'y  était 
portée.  L'intérêt  et  la  curiosité  du  public  étaient  du  reste  bien  justifiés 
pur  un  programme  très-remarquable  sous  beaucoup  de  rapports.  Il 
n'offrait  pas  moins  de  cinquante  numéros,  exécutés  par  un  nombre 
presque  égal  d'artistes  de  premier  ordre,  de  sorte  que,  commencé  à 
1  heure  et  demie,  le  concert  n'était  pas  encore  terminé  à  6  heures  et 
demie  du  soir.— Arditi  avait,  quelques  jours  auparavant,  donné  un  con- 
cert semblable. —  Parmi  les  autres  concerts  de  la  semaine,  on  a  remar- 
qué celui  de  Blumenthal,  donné  avec  le  concours  de  Delle-Sedie;  —  le 
concert  historique  de  Marchesi  ;  —  celui  de  Musical  Union,  dans  lequel 
le  m'aniste  russe  Leschetitski  a  débuté  avec  beaucoup  de  succès;  enfin 
le  dernier  concert  du  Cristal-Palace  où,  à  côté  de  Carlotta  Patti,  s'est 
fait  entendre  aux  applaudissements  unanimes,  Emmy  Lagrua.  —  Amalia 
Patti,  sœur  des  deux  cantatrices  si  applaudies,  est  attendue  et  doit 
chanter  au  festival  de  Birmingham.  C'est  à  ce  festival  que  doit  être 
exécuté  l'oratorio  de  Costa,  Naaman,  composé  exprès  pour  Adelina 
Patti,  et  pour  lequel  le  maestro  a  trouvé,  assure-t-ou,  des  inspirations 
dignes  de  Haendel  et  de  Mendelssohn.  —  M.  Balfe  travaille  en  ce  mo- 
ment à  un  nouvel  opéra  :  The  sleeping  queen,  destiné  à  une  des  grandes 
scènes  de  Londres. 

„%  Bruxelles.  —  Voici  les  principales  mutations  qui  vont  s'opérer 
dans  le  personnel  du  théâtre  de  la  Monnaie  pour  la  prochaine  saison  : 
MM.  Jourdan,  Roudil,  Mengal  et  Dryane  nous  restent,  ainsi  que 
Mmes  Meyer-Boulart  et  Faivre  ;  M.  Wicart  vient  reprendre  l'emploi' 
qu'il  occupait  il  y  a  quatre  ans.  A  M.  Perié  succède  M.  Coulon,  qui 
depuis  un  an  a  quitté  le  grand  Opéra  de  Paris  pour  la  province. 
M.  Jiéderic,  première  basse  noble  à  Lyon,  vient  prendre  la  place  de 
M.  Bryon,  et  M.  Baré,  baryton  à  Marseille,  celle  de  M.  Meillet.  M.Hol- 
zem,  second  ténor  à  Marseille,  remplace  M.  Aujac.  11  y  aura  en  outre 
un  troisième  ténor  dont  le  nom  n'est  pas  encore  connu.  Enfin,  M.  Du- 
bouchet  aura  pour  successeur  M.  Uanglès.— L'emploi  de  première  chan- 
teuse légère  sera  partagé  entre  Mme  Boulart  et  une  artiste  que  nous 
ne  connaissons  pas  encore.  Mme  Elmire  remplace  Mme  Borghèse,  et 
l'emploi  de  Mlle  Demaesen  sera  tenu  par  Mlle  Moreau,  qui  vient  de 
Lyon,  et  qui,  au  besoin,  chantera  l'opéra-comique.  Nous  ne  savons  pas 
encore  d'une  façon  positive  qui  succédera  à  Mme  Meillet  ;  mais  il  est 
probable  que  ce  sera  Mme  Rey-Balla,  qui  a  laissé  à  Bruxelles  d'excel- 
lents souvenirs.—  Le  ballet  sera  renouvelé  en  entier  :  l'emploi   de  pre- 


DE  PARIS. 


mière  danseuse  sera  tenu  pendant  la  moitié  de  la  saison  par  Mme  Bos- 
chetti,  qui  vient  de  créer  à  Paris  le  premier  rôle  de  la  Maschera,  et 
pendant  la  seconde  moitié  par  Mme  Laurati,  première  danseuse  des 
théâtres  de  Vienne  et  de  Florence.  Il  y  aura  cinq  autres  danseuses, 
plus  un  corps  de  ballet  entièrement  renouvelé  et  recruté  tant  en  Angle- 
terre et  en  Italie  que  sur  les  principaux  théâtres  de  France.  Le  maître 
de  ballet  sera  M.  Monplaisir. — Pour  couvrir  le  surcroît  de  frais  qui  vont 
incomber  à  la  direction,  eile  a  été  autorisée,  à  défaut  d'une  augmenta- 
tion de  subvention  qu'on  ne  pouvait  lui  accorder,  à  élever  le  prix  des 
places. 

**.,.  Cologne.  —  Le  16  juin,  la  société  italienne  a  commencé  ses  re- 
présentations par  la  Somnambule.  Mlle  Vitali  a  chanté  le  rôle  d'Aminé 
avec  une  grâce  et  une  expression  qui  lui  ont  valu  tout  d'abord  les 
sympathies  du  public.  Aussi  l'a-t-il  rappelée  à  plusieurs  reprises.  On  a 
également  applaudi  le  ténor  Baragli  et  Antonucci,  basse-taille.  Somme 
toute,  c'est  un  début  qui  promet  beaucoup.  —  Les  12  et  13  juin  a  eu 
lieu  le  deuxième  festival  du  Rhin. 

*%  Spa.  —  Le  violoncelliste  Seligmann,  Mlle  de  la  Pommeraye  et 
Lebeau  sont  engagés  pour  le  grand  concert  qui  aura  lieu  dans  les  beaux 
salons  de  la  Redoute,  le  9  septembre. 

***  Bade.  —  Nous  comptons  déjà  bon  nombre  d'artistes,  et  les  con- 
certs vont  commencer  le  28  par  celui  de  M.  et  Mme  Léonard,  avec  le 
concours  de  Mme  Viardot.  —  Le  6  juillet  aura  lieu  celui  de  M.  et  de 
Mlle  Heerman,  auquel  la  célèbre  cantatrice  et  Mme  Clara  Schumann 
prendront  part.  —  En  attendant,  Ant.  Rubinstein,  qui  vient  de  se  repo- 
ser à  Bade  des  fatigues  de  sa  saison  d'Iïiver  à  Saint-Pétersbourg,  donne 
des  matinées  artistiques  dans  lesquelles  il  charme  ses  nombreux  admi- 
rateurs en  leur  jouant  les  morceaux  les  plus  variés  avec  le  génie  qui  le 
caractérise.  Enfin,  le  célèbre  orchestre  de  Koennemann  et  la  musique 
militaire  prussienne  de  Itastadt  ravissent,  chacun  à  leur  tour,  le  matin 
et  le  soir,  les  nombreux  étrangers  qui  se  pressent  déjà  sur  la  terrasse 
du  salon  de  conversation. 

,,*„  Hambourg.  —  Le  Kursaal  ne  désemplit  pas,  et  la  liste  des  étran- 
gers se  couvre  des  noms  les  plus  illustres,  surtout  dans  l'aristocratie 
anglaise.  Le  magnifique  théâtre  va  être  inauguré.  On  y  représentera 
Maria,  Ernani,  Don  Juan,  la  Fille  du  régiment,  Don  l'asqualc,  Slradclla 


et  Sémiramis.  MM.  Gindreau  et  Fouilleron  sont  infatigables.  Grâce  à 
eux,  chaque  année  amène  de  nouveaux  plaisirs  et  de  nouvelles  séduc- 
tions pour  nos  illustres  hôtes.  Le  violoncelliste  Seligmann  est  engagé 
pour  le  grand  concert  du  8  juillet.  Nous  aurons  aussi  la  musique  d'un 
régiment  autrichien.  L'orchestre  des  concerts  sera  toujours  dirigé  par 
l'habile  Garbe. 

**„  Stuttgard.  —  Le  théâtre  royal  a  donné  récemment  la  Flûte  en- 
chantée et  Ilobert  le  Diable.  Dans  ces  deux  pièces  s'est  fait  entendre 
M.  Robieck,  de  Hambourg,  qui  a  chanté  avec  succès  les  rôles  de  Saras- 
tro  et  de  Bertram.  La  clôture  aura  lieu  fin  juin. 

**„,  Manheim.  —  Wachtel,  qui  doit  donner  ici  plusieurs  représenta- 
tions, a  débuté  avec  un  succès  extraordinaire  dans  le  rôle  de  Chapelou 
(Postillon  de  Long  jumeau);  il  a  continué  par  celui  de  Raoul,  qui  a  été 
pour  le  célèbre  ténor  l'occasion  d'un  vrai  triomphe. 

**,.  Berlin.  —  Mlle  de  Miirska  a  continué  ses  représentations  par  le 
rôle  de  Léonore,  du  Trouvère,  et  celui  d'Aminé,  dans  la  Somnambule. 
Les  artistes  du  Carltheater  de  Vienne  donnent  ici,  au  Frédéric-Wilhelms- 
tadt-Theater,  des  représentations  qui  sont  très-suivies.  Mme  Grobecker 
et  Mlle  Marek  ont  obtenu  de  brillants  succès  dans  la  chanson  de  For- 
iunio,  le  Violoneux,  et  dans  il  Signor  Fagotto. 

„,*„,  Milan.  —  Après  être  resté  longtemps  sans  rien  produire,  le  maes- 
tro Casati  vient  de  nous  donner  au  théâtre  de  la  Cannobiana  un  nou- 
veau ballet  qui  a  pour  titre  Shakespeare,  et  dans  lequel  figurent  le 
grand  poëte,  la  reine  Elisabeth,  Falstaff,  etc.  C'est  une  œuvre  élégante, 
où  brillent  le  talent  et  l'imagination;  une  œuvre  de  bon  goût  dans  la- 
quelle ne  se  rencontrent  pas  ces  effets  péniblement  cherchés  auxquels 
le  millionnaire  Rota  ferait  bien  de  renoncer.  Casati  a  été  rappelé  plu- 
sieurs fois,  de  même  que  la  Rossetti-Durand  qui  a  bien  mérité  cet  hon- 
neur. 


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BIOGRAPHIE 


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Entièrement  refondue  et  augmentée  de  plus  de  moitié, 


Maître  de  chapelle  du  roi  des  Belges,  directeur  du  Conservatoire  royal 
de  musique  de  Bruxelles. 


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Paraissant  par  livraisons  de  -AS  p:t£es  chacune,  lO  livraisons 
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Prix  de  chaque  volume 8  francs. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1er. 


QUATRE  MARCH 


ANIIEA 


Composées  pour  niiiftlque  militaire  par 


ARRANGÉES 

POUR    ORCHESTRE    ORDINAIRE    PAR    WIEPRECHT. 


Ie  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  si  bémol  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  30  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 6    » 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains 7  50 


2e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  mi  bémol  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 7  50 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains  .......  1 0    » 


3e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  ut  mineur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 
La  même,  arrangée  pour  les  instruments  de  Sax,  par  Mohr.  .   .  18 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 9 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  E.  Wolff.  10 


4e  MARCHE  AUX  FLAMBEAUX  en  ut  majeur 

Grande  partition,  50  fr.  —  Parties  d'orchestre,  50  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  seul 9 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains 10 


BUItGMlIIiIilSÎR.  Souvenir  de  la  Marche  aux  flambeaux  de  Meyerbeer,  morceau  de  salon  pour  piano,  7  f.  50. 


DEUXIÈME    EDSTIOn    REVUE    ET    PERFECTIONNÉE 


A  L'USAGE  DES  PROFESSEURS  ET  DES  ÉLÈVES  DE  TOUTES  LES  ÉCOLES  DE  MUSIQUE,  PARTICULIÈREMENT  DES  ÉCOLES  PRIMAIRES, 

Par  F.-J.   FETIS 

Format  in-8°.  Maître  de  chapelle  du  roi  des  Belges,  directeur  du  Conservatoire  de  musique  de  Bruxelles.  Prix  net  :  S  fr.  5© . 


OUVRAGES   DE  M.    FETIS   PUBLIES  PAU  LES  MEMES   EDITEURS 


Traité  complet  de  la  théorie  et  de  la  pratique 

de  ï'iiarmmoiïie ,  huitième  édition ,  stéréotypée,  revue  , 
corrigée  et  augmentée  d'une  préface  philosophique  et  de 
notes net.  12 

Traité  du  coiitre-poiut  et  de  la  fugue,  nouvelle 
édition  revue,  corrigée  et  augmentée  d'un  grand  nombre 
d'exemples net.  40 

Traité  d'accompagnement  de  la  partition  sur 
le  piano  et  l'orgue net.   25 

Manuel  des  compositeurs,  directeurs  de  musi- 
que, chefs  d'orchestre  et  de  musique  mili- 
taire, ou  Traité  méthodique  de  l'harmonie,  des  instru- 
ments, des  voix,  et  tout  ce  qui  est  relatif  à  la  composition, 
à  la  direction  et  à  l'exécution  de  la  musique  ....  net.  10 


Traité  du  citant  en  choeur,  rédigé  pour  l'usage  des 
directeurs  d'écoles  de  musique,  des  chefs  de  chœurs  d'é- 
glises, de  théâtres,  de  concerts,  des  maîtres  de  pensionnats 
et  des  institutions  d'écoles  primaires  et  de  charité    ,  net.  12 

BEETHOVEN.  —  Etudes,  ou  Traité  d'harmonie  et  de  compo- 
sition, traduites  de  l'allemand  et  accompagnées  de  notes 
critiques,  d'une  préface  et  de  la  vie  de  Beethoven,  par  FÉ- 
tis,  2  vol.  in-8°,  ornés  du  portrait  de  Beethoven,  de  son 
monument  funèbre,  et  du  premier  essai  d'Adélaïde,  for- 
mant fac-similé,  chaque net.  15 

Biographie  universelle  des  Musiciens,  et  Biblio- 
graphie générale  de  la  musique,  deuxième  édition  entière- 
ment refondue  et  augmentée  de  plus  de  moitié,  8  vol.  in-8° 
de  500  pages,  chaque  volume net.     8 


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Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 


Facteur  du    Conservatoire   et  de 
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31e  Année, 


N°  27. 


3  Juillet  1864. 


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Paris 24   r.parai 

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Étranger 34  h       id. 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


ET 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Delà  sonorité  dans  la  musique  d'orchestre,  comme  élément  de 
variété,  de  coloris  et  d'expression  (1"  article),  par  Fétis  père.  — MmeSchroe- 
der-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (3e  article),  par  Paul  Smith.  —  Les  pre- 
miers concerts  publics  à  Vienne,  par  Ed.  Hansbeeck .  —  Cliarles-J osepli- 
Gustave  Héquet,  par  Fétis  père.  —  Nouvelles  et  annonces. 


DE  LÀ  SONORITÉ  DANS  U  MUSIQUE  D'ORCHESTRE, 

COMME  ÉLÉMENT  DE  VARIÉTÉ,   DE  COLORIS  ET  D'EXPRESSION. 

(Premier  article.) 

La  création  de  l'idée  musicale,  simple  dans  l'origine  de  l'art,  de- 
vient de  plus  en  plus  complexe  en  raison  du  nombre  d'éléments  dont 
cet  art  s'enrichit.  L'erreur  vulgaire  consiste  à  supposer  qu'il  n'y  a 
en  musique  de  création  géniale  que  dans  la  mélodie  :  celle  erreur 
provient  de  l'insuffisance  d'éducation  musicale  chez  la  plupart  des 
peuples.  A  l'audition  d'une  composition,  l'homme  peu  avancé  dans 
la  connaissance  de  l'art  ne  perçoit  que  la  partie  mélodique  de 
l'œuvre.  Loin  d'ajouter  au  plaisir  qu'il  y  trouve,  l'harmonie,  les  mo- 
dulations incidentes,  leurs  cadences  inattendues,  le  dessin  des  parties 
d'accompagnement,  les  oppositions  de  sonorités  et  de  timbres,  sont 
pour  lui  une  cause  de  trouble,  un  obstacle  à  la  libre  conception  de 
la  seule  chose  qui  soit  à  sa  portée.  Ajoutons  que  si  cette  mélodie, 
objet  de  ses  prédilections,  a  de  la  distinction,  elle  lui  est  moins  sym- 
pathique que  celle  dont  les  allures  plus  vulgaires  lui  rappellent  mieux 
des  formes  qui  lui  sont  déjà  familières.  A  ce  propos,  je  me  sou- 
viens d'un  mot  fort  original  de  ce  bon  Blanchard,  qui  fut  un  de  mes 
collaborateurs  à  la  Gazette  musicale.  Nous  étions  l'un  près  de  l'autre 
à  la  première  représentation  d'un  de  ces  opéras-comiques  dont  on 
garde  à  peine  le  souvenir,  en  dépit  du  succès  qu'ils  ont  obtenu  dans 
la  nouveauté  :  voyant  le  public  applaudir  chaleureusement  des  choses 
qui  traînent  partout,  Blanchard  se  pencha  à  mon  oreille  et  me  dit 
de  son  air  narquois  :  Quel  avantage  d'être  commun ,  tout  le  monde 
vous  comprend. 

La  création  en  musique  est  d'autant  plus  élevée ,  d'autant  plus 
complexe,  que  le  nombre  de  ses  éléments  est  plus  considérable.  Il 
n'y  a  pas  moins  de  génie  dans  l'invention  de  l'harmonie  qui  accom- 


pagne la  mélodie,  dans  le  choix  des  modulations  par  lesquelles  on 
fait  toucher  cette  mélodie  à  tous  les  tons,  sans  lui  enlever  son  unité 
tonale,  dans  les  formes  de  l'instrumentation,  dans  les  combinaisons 
des  sonorités,  que  dans  l'inspiration  mélodique;  ou  plutôt,  il  n'y  a 
qu'une  seule  création,  qui  est  celle  de  la  totalité  simultanée  de  ces 
parties  distinctes.  Le  compositeur  qui,  dès  les  premières  mesures 
de  son  œuvre,  n'entend  pas  toutes  les  voix,  tous  les  instruments, 
ne  distingue  pas  tous  les  timbres  de  l'orchestre,  comme  si  cet  or- 
chestre exécutait  réellement,  qui,  enfin,  ne  peut  suivre  le  développe- 
ment de  sa  pensée  pendant  cette  exécution  toute  mentale,  celui-là, 
dis-je,  n'est  qu'un  musicien  incomplet.  Les  ressources  du  piano,  dont 
beaucoup  d'artistes  font  usage  pour  la  composition  ,  non-seulement 
n'ont  plus  les  avantages  qu'elles  avaient  pour  seconder  l'inspiration 
lorsque  les  combinaisons  de  l'instrumentation  étaient  bornées  aux 
ressources  du  quatuor  des  instruments  à  archet,  auxquels  s'adjoi- 
gnaient, dans  de  rares  occasions,  des  trompettes  pour  les  effets  guer- 
riers, ou  des  flûtes  et  des  hautbois  pour  les  pastorales.  A  vrai  dire, 
la  musique  instrumentale,  c'est-à-dire  la  plus  haute  manifestation 
de  la  puissance  idéale,  n'existait  pas  alors.  L'orchestre  accompa- 
gnait et  soutenait  le  chant  ;  rien  de  plus.  Dans  le  drame,  il  était  né- 
cessaire qu'il  en  fût  ainsi,  parce  que  l'attention,  déjà  préoccupée 
par  l'intérêt  de  l'action  théâtrale,  ne  pouvait,  à  une  époque  où  l'é- 
ducation musicale  des  populations  était  à  peine  ébauchée,  se  parta- 
ger sur  les  détails  de  l'harmonie  et  de  l'instrumentation.  Le  chant 
en  tant  que  langage  dramatique,  était  seul  compris  alors  par  les 
spectateurs.  De  là  vient  que  les  instruments  ne  faisaient  point  de 
dessins  diversement  combinés  sur  la  mélodie  ;  ils  se  bornaient  à  sui- 
vre à  l'unisson  les  parties  vocales,  à  l'exception  des  ritournelles,  et 
la  masse  de  l'orchestre  ne  se  faisait  entendre  que  dans  les  chœurs. 

La  lecture  des  partitions  des  plus  grands  maîtres  de  la  fin  du  xvua 
siècle  et  du  xvin",  à  l'exception  de  Jean-Sébastien  Bach,  et  la  com- 
position des  orchestres  à  cette  époque,  fournissent  la  démonstration 
de  la  vérité  que  je  viens  d'établir.  Prenons  pour  exemple  l'orchestre 
de  l'opéra  en  1736  :  on  y  trouve,  pour  l'accompagnement  du  récitatif 
et  des  airs,  un  clavecin,  deux  premiers  violons,  deux  seconds  violons 
ou  violes,  deux  quintes  de  violon,  deux  tailles  de  violon  (montées 
de  6  cordes  accordées  par  quartes  et  tierces),  une  basse  de  viole  et 
un  violone  ou  contre-bssse  de  viole.  Cela  s'appelait  le  petit  chœur. 
Le  grand  chœur,  qui  se  réunissait  au  petit  pour  les  chœurs  et  pour 


210 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  danse,  était  composé  de  quatre  violons  pour  la  partie  des  dessus, 
quatre  gainions  (violes  à  5  cordes)  pour  les  secondes  parties,  quatre 
quintes  de  viole,  quatre  tailles  de  viole,  quatre  basses  de  viole,  deux 
violoncelles,  deux  violone.  une  contre-basse  de  violon,  quatre  pre- 
miers hautbois,  deux  seconds  hautbois  et  quatre  bassons.  Les  haut- 
bois jouaient  à  l'unisson  des  violons  et  des  quintons ,  les  bassons  à 
l'unisson  des  basses.  On  ne  trouve  dans  les  registres  de  l'Opéra  ni 
cors,  ni  cornets,  ni  trompettes.  Quand  il  y  avait  des  fanfares  de 
trompettes  dans  quelque  scène  d'un  opéra,  on  les  prenait  dans  l'écu- 
rie de  la  maison  du  roi.  Il  n'y  avait  donc  pas  alors  d'instrumenta- 
tion proprement  dite,  mais  seulement  des  instruments  réunis  aux 
voix,  sauf  dans  les  ritournelles  et  dans  les  airs  de  danse. 

Dans  un  système  semblable,  la  sonorité  n'est  employée  ni  pour  le 
but  de  la  variété,  ni  pour  celui  du  coloris  des  idées  dramatiques,  ni, 
enfin,  pour  celui  de  l'expression.  On  n'y  trouve  que  l'opposition  sys- 
tématique des  effets  de  piano  et  de  forte.  Faible  sonorité  pour  les 
airs  et  le  récitatif;  sonorité  plus  puissante  pour  les  chœurs  et  pour 
la  danse.  Par  une  conséquence  de  la  situation  de  l'art  à  la  même 
époque,  les  nuances  du  jorte  et  du  piano  n'étaient  pas  employées 
comme  éléments  d'accentuation,  mais  comme  une  simple  formule. 
C'est  ainsi  que  jusques  vers  1775,  on  voit  dans  la  plupart  des  par- 
titions les  mêmes  phrases  marquées  pour  être  dites  une  fois  piano, 
puis  une  fois  forte,  ou  le  contraire.  On  se  tromperait  toutefois  si  l'on 
concluait,  de  ce  qui  précède,  que  l'art  était  alors  dans  un  état  d'in- 
fériorité en  comparaison  de  son  état  actuel;  car  les  belles  œuvres 
d'un  temps,  comme  celles  d'un  autre,  sont  produites  par  le  génie 
qui  ne  progresse  pas,  mais  qui,  suivant  les  temps  et  les  circons- 
tances, invente  dans  un  ordre  d'idées  ou  dans  un  autre.  Nous  avons 
aujourd'hui  les  ressources  de  la  variété  et  le  coloris  de  la  sonorité, 
mais  nous  n'avons  plus  ni  la  naïveté  de  pensées  des  anciens  maîtres, 
ni  la  grandeur  souveraine  de  Haendel.  Tous  nos  effets  de  puissance 
sonore  s'anéantissent  en  présence  de  l'effet  de  quelques  chœurs  de 
ce  grand  homme,  lesquels  sont  accompagnés  simplement  par  le  qua- 
tuor d'instruments  à  cordes  auquel  se  réunissent  les  hautbois,  comme 
dans  le  système  de  l'orchestre  de  l'opéra  dont  je  viens  de  parler. 
Cette  grandeur  colossale,  attribut  de  Haendel,  vient  uniquement  de 
la  pensée  et  du  sentiment;  elle  requiert  la  simplicité  des  moyens 
dont  il  s'est  servi  et  repousse  les  nuances  de  variété  sonore,  dont  le 
principe  est  la  sensibilité  organique.  C'est  pour  cela  que  Mozart,  le 
plus  complet  des  musiciens,  reconnaissait,  dans  ses  dernières  années, 
qu'il  s'était  trompé  en  donnant  une  instrumentation  nouvelle  à  plu- 
sieurs oratorios  de  Haendel  :  Je  n'ai  réussi,  disait-il,  qu'à  colorer 
quelques  airs,  et  j'ai  gâté  le  reste. 

Successivement  introduits  dans  l'instrumentation  vers  le  milieu  du 
xviii6  siècle,  pour  la  réalisation  d'effets  particuliers,  les  hautbois, 
réduits  au  rôle  de  solo,  les  flûtes,  les  clarinettes,  les  cors  de  chasse 
et  les  bassons,  n'y  interviennent  d'abord  qu'avec  beaucoup  de  dis- 
crétion. Leur  usage  trouve  de  l'opposition  chez  quelques  peuples 
dont  les  penchants  étaient  alors  exclusivement  mélodiques,  tels  que 
les  Italiens  et  les  Français.  Il  est  assez  curieux  de  lire  certaines  dé- 
clamations de  cette  époque,  où  l'on  ne  cesse  de  répéter  que  l'or- 
chestre n'est  tolérable  qu'à  la  condition  d'accompagner  les  voix  sans 
les  étouffer.  On  ne  peut  s'empêcher  de  rire  aujourd'hui  en  voyant 
les  partitions  auxquelles  s'adressait  le  reproche  d'exagérer  les  effets 
de  sonorité. 

Cependant  le  domaine  de  la  musique  instrumentale  venait  de  s'a- 
grandir; le  génie  de  Haydn  avait  créé  la  symphonie  véritable,  où 
les  instruments  à  vent  remplissent  un  rôle  important  par  la  diversité 
de  leurs  timbres  appropriée  au  caractère  des  phrases.  Après  lui 
vint  Mozart,  à  qui  il  fut  donné  de  créer  l'art  nouveau,  l'art  complet 
de  la  musique  moderne.  Nul,  avant  lui,  n'avait  aussi  bien  compris,  ou 
plutôt  senti  (car  tout  est  sentiment  chez  cet  homme  extraordinaire), 
nul,  dis-je,  n'avait  aussi  bien  saisi  les  rapports  de  la  spécialité  des 


sonorités  avec  la  nature  des  idées,  et  n'en  avait  su  tirer  les  accents 
d'expression  découverts  par  son  génie.  Tout  ce  qui  a  été  fait  après 
lui,  sous  ce  rapport,  vient  de  lui. 

L'art  d'instrumenter  la  musique,  dont  Mozart  avait  laissé  le  mo- 
dèle dans  les  partitions  des  Noces  de  Figaro,  de  Don  Juan,  de  la 
Flûte  enchantée  et  de  ses  symphonies,  était  encore  tel  qu'il  l'avait  fait, 
Iorsqu'eh  1827,  me  préoccupant  d'idées  générales  sur  la  sonorité  en 
musique,  comme  je  le  faisais  depuis  longtemps  à  l'égard  des  lois  de 
la  tonalité,  de  l'harmonie  et  du  rhythme,  je  publiai  dans  la  Revue 
musicale  (avril  1827,  n°  11),  sous  le  titre  :  Des  révolutions  de  l'or- 
chestre, l'aperçu  de  ce  qui  restait  à  faire  pour  être  en  possession 
d'un  système  complet  des  effets  possibles  de  la  sonorité  des  voix  et 
des  instruments.  Après  un  résumé  historique  de  la  création  et  des 
transformations  de  l'art  d'instrumenter,  je  disais  (p.  277)  : 

«  La  variété,  comme  on  sait,  est  ce  qu'on  désire  le  plus  dans  les 
arts,  et  ce  qui  est  le  plus  rare.  Le  moyen  d'obtenir  le  meilleur  effet 
de  l'orchestre,  serait  donc  d'établir  cette  variété  dans  l'instrumenta- 
tion, au  lieu  d'adopter  un  système  qui  se  représente  à  chaque  mor- 
ceau, comme  on  l'a  fait  depuis  l'invention  du  drame  musical...  Les 
formes  de  l'instrumentation  ont  toujours  été  les  mêmes  dans  chacun 
des  systèmes  qui  se  sont  succédé.  De  nos  jours,  il  est  rare  de  trou- 
ver un  air,  un  duo,  une  romance  même,  qui  n'aient  pour  accompa- 
gnement deux  parties  de  violon,  alto,  violoncelle,  contre-basse,  flûtes, 
hautbois,  clarinettes,  bassons,  cors,  trompettes,  timbales,  etc.  En 
cela  comme  en  toute  chose,  toujours  la  formule,  l'inévitable  formule. 
Quelle  source  de  monotonie  qu'une  semblable  obstination  à  reproduire 
toujours  les  mêmes  sons,  les  mêmes  accents,  les  mêmes  associations  ! 
Pourquoi,  avec  des  moyens  bien  plus  développés,  n'imiterait-on  pas 
l'idée  si  heureuse  de  Monteverde,  de  donner  à  chaque  morceau  une 
physionomie  particulière,  par  la  différence  de  sonorité  des  instruments? 
On  aurait  des  airs,  des  duos,  des  romances,  des  quatuors  même, 
accompagnés  seulement  par  des  instruments  à  cordes  d'espèces 
différentes,  ou  même  d'une  seule,  telle  que  des  violoncelles  ou  des 
violons  et  altos,  ou  enfin  de  doubles  quatuors  dont  un  serait  à  sons 
soutenus  et  l'autre  à  sons  pinces.  On  pourrait  également  employer 
des  flûtes  ou  des  clarinettes  seules,  des  hautbois  avec  des  cors  an- 
glais ou  des  bassons.  Mais  pour  user  de  ces  moyens,  il  faudrait  com- 
pléter certains  systèmes  d'instruments.... 

»  On  pourrait  user  de  la  variété  d'effets  que  je  propose,  non-seu- 
lement dans  des  morceaux  différents,  mais  dans  le  cours  d'une  même 
scène.  La  réunion  de  toutes  les  ressources  aurait  lieu  dans  les  situa- 
tions fortes,,  dans  les  finales,  etc.  ;  on  en  tirerait  d'autant  plus  d'effet 
que  cette  réunion  serait  plus  rare. 

»  Tout  cela,  dira-t-on,  n'est  pas  le  génie!  Je  le  sais  bien,  et  cela 
est  heureux  ;  car  s'il  y  avait  des  procédés  pour  faire  de  bonne  mu- 
sique, ce  ne  serait  plus  un  art.  Mais  pourquoi  ne  pas  offrir  à  ce  génie, 
sans  lequel  on  ne  peut  rien,  toutes  les  ressources  que  l'expérience 
et  la  raison  font  trouver  ?  Pourquoi  borner  son  domaine  ?  Réduisez 
Mozart  et  Rossini  au  quatuor  de  Pergolèse  :  ils  trouveront  de  beaux 
chants,  une  harmonie  élégante  et  suave,  mais  ils  ne  pourront  pro- 
duire les  effets  si  énergiques  que  vous  admirez  dans  leurs  composi- 
tions. Comment  supposer  l'existence  de  la  dernière  scène  de  Don  Juan 
ou  du  finale  de  il/o'ise  avec  des  violons,  des  altos  et  des  basses  ?N'en 
doutons  pas,  ces  beaux  effets  sont  le  résultat  d'un  grand  orchestre  et 
du  génie  qui  a  su  le  mettre  en  œuvre.  Les  grands  maîtres  des  an- 
ciennes écoles  ont  aussi  inventé  des  effets  d'un  autre  genre  avec  des 
moyens  bien  plus  simples  :  c'est  pourquoi  je  demande  qu'on  ne  re- 
nonce point  à  ces  moyens.  Je  désire  qu'on  use  de  tout  :  le  reste  est 
l'affaire  du  talent.  » 

Le  jour  où  parut  cet  article,  Meyerbeer,  alors  à  Paris,  m'écrivit 
ce  billet  : 


DE  PARIS. 


211 


«  Cher  Maître, 

»  Je  suis  encore  sous  l'empire  de  l'émotion  causée  par  la  lecture 
que  j'ai  faite  ce  matin,  dans  la  Revue  musicale,  de  votre....  article 
sur  les  révolutions  de  l'orchestre.  Votre  idée  ouvre  un  monde  nou- 
veau d'effets  aux  compositeurs.  J'en  entrevois  toute  la  portée,  et 
j''espère  bien  ne  pas  la  perdre  de  vue  désormais  et  en  faire  mon 
profit.  Continuez,  cher  maître,  continuez  de  nous etc.  » 

L'illustre  artiste  qui  m'écrivait  alors  ces  lignes  n'a  point  oublié,  en 
effet,  l'impression  que  lui  avait  faite  l'idée  jetée  par  moi  sommaire- 
ment sur  un  sujet  si  neuf.  Pour  moi,  il  est  devenu  évident,  depuis 
la  mise  en  scène  de  Robert  le  Diable,  que  son  auteur  s'est  inces- 
samment préoccupé  de  la  variété  des  effets  de  la  sonorité  dans 
l'instrumentation  de  ses  grands  ouvrages.  Celui  que  je  viens  de 
citer,  les  Huguenots,  le  Prophète,  Struensée,  l'Étoile  du  Nord,  le 
Pardon  de  Ploërmel,  et  ses  grandes  Marches  aux  flambeaux, 
écrites  pour  la  cour  de  Prusse,  abondent  en  richesses  de  ce  genre. 
L'analyse  des  moyens  employés  par  son  génie  pour  la  réalisation 
des  effets  qu'il  se  proposait  de  produire  fournirait  la  matière  d'une 
curieuse  et  instructive  étude.  Avec  Meyerbeer  s'est  opérée  une 
transformation  de  l'art  au  point  de  vue  de  la  sonorité  ;  transforma- 
tion dans  laquelle  l'instrumentation  créée  par  Mozart  n'est  plus  qu'un 
des  éléments  d'un  système  plus  complet.  Avec  Robert  le  Diable 
surgit  une  école  nouvelle  où  l'inventeur  est  suivi  par  Halévy,  Félicien 
David,  Verdi  et  Gounod  ;  école  où  l'exagération  de  la  puissance  sonore 
s'est  quelquefois  fait  remarquer,  mais  dans  laquelle  cet  excès  n'est 
qu'un  accident,  et  qui  a  surtout  pour  principe  la  variété  de  l'accen- 
tuation et  du  coloris  dramatique. 

Je  disais,  dans  l'article  du  11  avril  1827,  que  pour  la  réalisation 
absolue  de  mes  idées  concernant  l'emploi  des  instruments  de  toute 
espèce  par  familles,  il  était  nécessaire  de  compléter  certains  systèmes 
de  sonorités.  J'étais  loin  de  prévoir  alors  que  non-seulement  ces 
systèmes  seraient  bientôt  complétés,  mais  que  des  instruments  bornés 
à  un  petit  nombre  de  sons  acquéreraient  une  échelle  chromatique 
complète,  et  que  de  nouvelles  familles  de  timbres  auparavant  incon- 
nus seraient  créées  par  un  homme  qui  n'était  pas  encore  sorti  de 
l'enfance  et  dont  le  nom  n'avait  jamais  frappé  mon  oreille.  Cepen- 
dant, dans  l'espace  de  trente-sept  ans  écoulés  depuis  lors,  il  s'est 
fait  une  régénération  prodigieuse  de  tous  les  genres  de  sonorités  , 
dans  la  catégorie  des  instruments  à  vent.  Quelques-uns,  perfection- 
nés dans  la  justesse  de  leur  échelle  et  dans  leur  doigté,  sont  entrés 
d'une  manière  plus  large  et  plus  satisfaisante  dans  le  domaine  de 
l'art  :  par  l'ingénieuse  invention  des  pistons  et  des  cylindres,  les 
cors  et  les  trompettes  ont  acquis,  au  lieu  de  quelques  notes  harmo- 
niques, une  échelle  chromatique  dont  ils  étaient  dépourvus,  une 
octave  tout  entière  de  sons  graves  qui  donne  une  basse  à  leur  sys- 
tème et  des  sons  homogènes  dans  toute  leur  étendue.  Le  cornet, 
dont  la  véritable  destination  n'a  pas  été  comprise  jusqu'à  ce  moment, 
et  dont  on  a  fait  malheureusement  une  vulgarité  de  guinguette  et  de 
cabaret,  a  pourvu  d'un  soprano  la  famille  des  cors,  bornée  aupara- 
vant à  l'alto,  au  ténor  et  à  la  basse.  Le  génie  de  Sax,  après  avoir 
donné  aux  clarinettes  la  basse  et  la  contre-basse  qui  leur  manquait, 
est  entré  par  intuition  dans  mon  idée  primitive  de  chaque  timbre  par 
famille  complète,  l'a  élargie  et,  l'appliquant  à  des  créations  de  sono- 
rités dont  je  n'avais  pas  prévu  l'existence  possible,  a  doté  la 
musique  d'une  variété  de  voix  de  laquelle  sortiront  des  effets  non 
encore  prévus.  Du  bugle  britannique,  à  la  sonorité  grossière  et  sau- 
vage, il  a  fait,  en  le  perfectionnant  dans  ses  proportions,  une  famille 
nombreuse  qui  comprend  deux  voix  aiguë  et  suraiguë  ;  le  soprano, 
dans  ses  conditions  ordinaires,  le  contralto,  le  ténor,  le  baryton,  la 
basse  et  des  contre-basses  de  deux  diapasons.  L'homogénéité  de 
timbre  (sui  generis)  et  l'unité  de  doigté  sont  les  conquêtes  de  Sax 
dans  la  création  de  cette  famille  à  laquelle  il  a   donné   le  nom  de 


saxhorn.  Par  une  modiûcation  des  proportions  des  tubes  de  cette 
famille,  il  a  fait  celle  des  saxotromba  dont  le  timbre,  moins  rond 
que  celui  des  saxhorn  et  moins  strident  que  celui  de  la  trompette, 
fournit  une  nuance  de  demi-caractère  dont  il  y  a  des  effets  à  tirer. 
Ces  deux  familles  donnent  d'excellentes  basses  pour  la  musique 
d'harmonie. 

Par  les  recherches  de  Sax,  la  famille  des  trombones,  qui  se  rat- 
tache à  celle  des  trompettes,  étant  armée  de  ses  six  cylindres,  n'a  pas 
seulement  acquis  la  faculté  de  chanter  avec  douceur,  sans  rien  per- 
dre de  son  énergie  lorsque  celle-ci  est  nécessaire,  mais  est  aujour- 
d'hui pourvue  d'une  rapidité  d'articulation  égale  à  celle  de  la  flûte. 
Pour  compléter,  enfin,  la  série  de  tant  de  timbres  distincts  par  lé 
plus  sympathique  de  tous,  Sax  a  créé  la  famille  complète  des  saxo- 
phones, qui,  seule,  peut  former  un  orchestre  aussi  remarquable  par 
sa  puissance  que  séduisant  par  son  charme. 

On  voit  donc  qu'à  l'exception  de  la  flûte,  à  laquelle  on  ne  pour- 
rait rendre  le  contralto,  le  ténor  et  la  basse  qu'en  revenant  pour  ces 
voix  à  la  forme  de  la  flûte  à  bec  du  moyen  âge,  tous  les  instruments 
présentent  aujourd'hui  des  familles  complètes,  non  plus  pour  en  faire 
des  catégories  d'instruments  d'orchestre,  de  musique  d'infanterie  ou 
de  cavalerie,  mais  pour  faire  entrer  toutes  ces  voix  dans  la  grande 
et  noble  musique,  pour  y  chercher  des  nuances,  et  pour  en  faire  la 
palette  du  compositeur.  Ne  bouchez  pas  vos  oreilles  ;  soyez  convain- 
cus au  contraire  qu'il  ne  s'agit  pas  d'augmenter  le  bruit,  ce  qu'à 
Dieu  ne  plaise,  mais  bien  de  trouver  d'heureuses  oppositions  dans 
cette  immense  variété  de  timbres,  d'ouvrir  des  voies  nouvelles  à 
l'expression,  par  des  accents  inconnus,  enfin,  de  rendre  l'art  inépui- 
sable dans  le  domaine  de  la  sonorité,  comme  il  l'est  dans  celui  du 
sentiment  de  la  pensée. 

Dans  un  second  et  dernier  article,  je  dirai  quelles  sont  mes  idées 
pour  la  réalisation  de  ces  aperçus. 

FÉTIS  père. 
[La  suite  prochainement.) 


MME    SCHROEDER-DEVRI  ENT, 
Par  M.  de  Wolzogen  (1). 

III. 

Ce  n'est  pas  toujours  à  l'artiste  qui  le  premier  a  joué  un  rôle 
qu'appartient  l'honneur  de  l'avoir  créé;  nous  en  avons  par  devers 
nous  plusieurs  exemples.  Créer  un  rôle  c'est  lui  donner  sa  physio- 
nomie la  plus  vraie,  son  expression  la  plus  haute;  c'est  en  tirer 
tout  ce  qu'il  contient  pour  le  succès  de  l'œuvre  et  la  gloire  de  l'au- 
teur. On  n'a  pas  oublié  ce  que  Duprez  fit  pour  Guillaume  Tell. 
Wilhelmine  Schroeder  avait  fait  plus  encore  pour  Fidelio,  qui  de- 
puis longues  années  languissait  sous  une  réprobation  trop  absolue 
pour  être  juste.  Le  grand  compositeur  en  avait  écrit  le  principal  rôle 
pour  Anna  Milder-Hauptmann,  cantatrice  dont  la  voix  était  magnifi- 
que, le  jeu  plein  de  noblesse,  mais  qui  par  sa  froideur  exagérait 
encore  les  défauts  tant  reprochés  à  la  musique.  Représenté  à  Vienne 
le  20  novembre  1805,  repris  le  29  mars  1806,  Fidelio,  qui  du  reste 
arrivait  dans  des  circonstances  peu  favorables,  ne  produisit  qu'un 
médiocre  effet;  il  en  fut  tout  autrement  le  9  novembre  1822,  jour 
où  il  fut  repris  encore  et  donné  pour  la  fête  de   l'impératrice. 

Beethoven  s'était  montré  peu  satisfait  en  apprenant  qu'une  enfant 
de  dix-sept  ans  serait  chargée  du  grand  rôle  de  l'ouvrage  ;  mais  pour 
le  rassurer  on  lui  dit  que  Sophie  Schroeder  présiderait  aux  études 
de  sa  fille,  et  les  répétitions  commencèrent.  Beethoven  avait  mis 
pour  condition  qu'il  conduirait  lui-même,  et  à  la  répétition  générale 

(1)  Voir  les  n"  24  et  25. 


212 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


il  tenait  le  bâton.  Wilhelmine  ne  le  connaissait  pas  :  elle  vil  avec 
tristesse  ce  maître,  dont  l'oreille  était  désormais  inaccessible  à  tous 
les  sons,  gesticulant  avec  violence,  les  cheveux  en  désordre,  les 
traits  renversés  et  lançant  des  regards  farouches.  S'il  fallait  jouer 
piano,  il  disparaissait  presque  sous  le  pupitre;  pour  un  forte,  au 
contraire,  il  se  levait  tout  droit  et  poussait  des  cris  étranges.  L'or- 
chestre et  les  chanteurs  ne  savaient  où  ils  en  étaient  ;  à  la  fin  de 
la  répétition,  force  fut  bien  de  déclarer  au  compositeur  qu'il  n'y 
avait  pas  moyen  de  le  laisser  conduire.  Le  soir  de  la  représentation, 
il  était  assis  derrière  le  chef  d'orchestre,  enveloppé  dans  son  man- 
teau, de  telle  sorte  qu'on  n'apercevait  que  l'éclair  de  ses  yeux.  Wil- 
helmine en  était  effrayée,  et  cette  vue  lui  causait  une  émotion  ex- 
trême. Mais  à  peine  eût-elle  dit  les  premiers  mots  qu'elle  sentit 
s'opérer  une  merveilleuse  transformation.  Beethoven  et  le  public 
disparurent  tout  d'un  coup  :  ses  préoccupations,  ses  craintes  s'éva- 
nouirent ;  elle  oublia  le  théâtre,  le  personnage,  le  rôle  pour  devenir 
Léonore  elle-même,  pour  vivre  de  sa  vie,  souffrir  de  ses  douleurs. 
Et  plus  l'illusion  se  prolongeait,  plus  elle  se  sentait  en  possession 
d'une  force  jusqu'alors  inconnue  :  plus  elle  tenait  l'auditoire  sous 
le  charme,  et  cela  dura  jusqu'à  son  entrée  dans  la  prison;  mais  à 
ce  moment  la  force  lui  manqua  :  elle  craignit  de  ne  pouvoir  attein- 
dre au  but  de  ses  efforts,  mais  sa  figure,  son  attitude  n'en  étaient 
que  mieux  d'accord  avec  la  situation.  Léonore  s'élance  entre  son 
époux  et  le  poignard  du  meurtrier,  c'est  l'instant  redoutable!  Les 
instruments  se  taisent  ;  le  courage  du  désespoir  exalte  Léonore  qui 
s'écrie  :  Frappe  d'abord  sa  femme  !  Le  meurtrier  recule,  et  Léonore 
tire  de  son  sein  le  pistolet  qu'elle  dirige  sur  Pizarro  ;  celui-ci  recule 
encore,  et  l'épouse  intrépide,  ne  cesse  de  le  menacer.  Alors  reten- 
tissent les  trompettes  annonçant  la  fin  de  la  crise  et  l'arrivée  des 
libérateurs.  Wilhelmine  était  à  bout  de  son  énergie  :  ses  mains  cris- 
pées ne  pouvaient  plus  tenir  l'arme  qui  s'en  échappa  !  Ses  genoux 
pliaient;  chancelante  elle  porta  ses  mains  à  sa  tête  et  laissa  échap- 
per ce  fameux  cri,  si  peu  musical,  que  toute  artiste  jouant  Fidelio 
s'est  crue,  depuis,  obligée  de  reproduire!  Chez  Wilhelmine,  ce  cri 
n'était  ni  prémédité  ni  volontaire.  Avec  les  autres,  ce  ne  fut  qu'une 
tradition,  une  habitude  à  laquelle  nulle  ne  voulut  déroger,  et  voilà 
comme  les  inspirations  les  plus  heureuses  se  changent  souvent  en 
vulgaires  conventions. 

Cette  représentation  de  Fidelio  fut  un  événement  capital  pour  l'ar- 
tiste et  pour  l'œuvre.  Beethoven  avait  enûn  trouvé  sa  Léonore  :  à  la 
vérité,  il  n'entendait  pas  le  son  de  sa  voix,  mais  il  voyait  rayonner 
l'âme  de  son  chant  dans  son  jeu  :  l'actrice  lui  révélait  la  cantatrice. 
Après  le  spectacle  il  s'approcha  d'elle,  ses  sombres  regards  s'étaient 
un  peu  éclaircis;  il  l'embrassa  sur  les  joues ,  la  remercia  pour  Fi- 
delio, et  lui  promit  d'écrire  pour  elle  un  autre  opéra  ;  promesse  qui 
ne  devait  pas,  hélas!  être  accomplie.  Wilhelmine  ne  rencontra  plus 
Beethoven,  mais  le  peu  de  mots  qu'il  lui  avait  dits  resta  comme  le 
plus  cher  de  ses  souvenirs  dans  le  nombre  -des  compliments  dont 
elle  fut  accablée. 

C'est  à  Wilhelmine  que  Fidelio  dut  son  admission  au  répertoire  de 
l'Europe,  et  le  rôle  de  Léonore  fut  toujours  le  meilleur  de  ses  rôles, 
celui  qui,  partout  où  elle  le  joua,  en  France,  en  Angleterre,  comme 
dans  son  pays,  la  plaça  au-dessus  de  toutes  ses  rivales,  sans  en 
excepter  Mme  Malibran,  malgré  son  génie  musical  et  drama- 
tique. En  Allemagne,  la  célèbre  Nanette  Schechner  s'était  aussi  éle- 
vée très-haut  dans  ce  même  rôle,  mais  on  l'y  admirait  surtout 
comme  cantatrice  et  pour  la  rare  beauté  de  sa  puissante  voix.  Wil- 
helmine Schroeder  joignait  à  tous  ses  mérites  un  avantage  que  rien 
ne  peut  donner  :  elle  semblait  avoir  été  créée  et  mise  au  monde  tout 
exprès  pour  jouer  le  rôle  d'une  femme  qui  se  déguise  en  homme. 
Impossible  de  porter  mieux  qu'elle  le  costume  masculin  ,  auquel  la 
nature  et  l'éducation  l'avaient  également  prédisposée.  Avec  tous  les 
charmes  de  son  sexe,  elle  possédait  ce  je  ne  sais  quoi  de  noble  et  de 


hardi,  qui  rend  le  doute  possible,  et  sauve  le  ridicule  du  travestisse- 
ment. Sous  ses  habits  de  jeune  garçon  Wilhelmine  laissait  eitrevoir, 
sans  trop  l'accuser,  une  femme  adorable. 

Nous  avons  dit  que  Weber  avait  été  très-content  d'elle,  lorsqu'elle 
joua  la  première  à  Vienne  le  rôle  d'Agathe,  dans  l'année  même  où 
le  Freischuts  avait  vu  le  jour  à  Berlin.  M.  de  Wolzogen  s'inscrit  en 
faux  contre  certains  détails  d'une  prétendue  visite  de  Weber  à  la 
jeune  artiste  et  à  sa  famille  le  lendemain  de  la  représentation.  Ce 
qu'il  y  a  de  vrai ,  c'est  que  Weber  fut  invité  à  dîner  par  Sophie 
Schroeder,  et  qu'il  reçut  de  tous  les  convives  les  plus  chaleureux 
compliments  sur  son  ouvrage  :  il  n'est  pas  moins  vrai  qu'à  compter 
de  ce  jour  Wilhelmine  ne  cessa  d'admirer  et  d'honorer  le  grand 
maître ,  bien  que  par  la  suite  leurs  relations  aient  souffert 
quelques  froissements ,  légers  en  apparence ,  et  qui  pourtant 
laissèrent  une  impression  trop  durable  pour  ne  les  attribuer  qu'à 
des  causes  frivoles.  Pourrait-on  supposer  que  la  cantatrice  gardât 
rancune  au  compositeur  d'une  scène  ridicule  qui  s'était  passée  de 
1823  à  1826,  et  dont,  longtemps  après,  elle  ne  parlait  pas  sans  don- 
ner des  signes  de  colère? 

Il  s'agissait  d'une  représentation  de  Fidelio  a  Dresde  où  ils  étaient 
engagés  tous  les  deux.  C'était  Weber  qui  conduisait  l'orchestre; 
pendant  le  dernier  finale  un  chat  sortit  de  la  coulisse  précisément 
à  l'endroit  le  plus  pathétique  et  lorsque  sa  présence  devait  contrarier 
le  plus  la  cantatrice.  Weber,  de  sa  place  dans  l'orchestre,  fit  tout 
ce  qu'il  put  pour  chasser  l'animal,  mais  il  s'y  prit  si  mal  que  ses 
psch-psch  continuels  engagèrent  le  chat  à  s'avancer  davantage,  et  que 
le  public,  égayé  par  la  manière  dont  il  dressait  les  oreilles  et  pa- 
raissait répondre  à  l'appel  de  Weber,  ne  se  trouva  plus  dans  les 
conditions  requises  pour  l'audition  d'un  chef-d'œuvre  et  l'ad- 
miration de  son  auteur.  Certainement,  si  l'artiste  en  voulait  au  chef 
d'orchestre,  elle  n'accusait  pas  ses  intentions  et  ne  s'en  prenait  qu'à 
sa  maladresse.  Notez  que  Weber  était  placé,  non  pas  au  milieu,  mais 
à  l'extrémité  de  l'orchestre,  suivant  l'ancien  système  italien,  et  qu'il 
ne  dominait  pas  le  théâtre  de  manière  à  y  exercer  facilement  son 
action. 

Le  petit  événement  dont  le  récit  précède  avait  dû  être  fort  dé- 
sagréable à  la  jeune  artiste.  On  le  concevra  quand  on  saura  jusqu'à 
quel  degré  elle  portait  ce  qu'on  pourrait  appeler  l'héroïsme  du  dé- 
vouement dramatique.  Rien  ne  lui  coûtait  pour  remplir  ce  qu'elle 
considérait  comme  son  devoir,  sa  consigne,  son  mot  d'ordre.  On  ra- 
conte les  peines  qu'elle  se  donna  pour  corriger  sa  prononciation  et 
se  défaire  du  grasseyement.  Sa  mère,  qui  avait  un  R  admirable,  lui 
donnait  des  leçons  de  mécanisme,  et  Wilhelmine  travaillait  sans  re- 
lâche, même  en  se  promenant  ;  on  la  voyait  s'élancer  tout  à  coup, 
laissant  derrière  elle  ceux  qui  l'accompagnaient,  et  revenir  à  eux, 
lorsqu'elle  se  croyait  sûre  de  son  fait,  en  s'écriant  :  «  Tenez,  le  voilà, 
votre  R  :  Rrrrr  (1).  » 

A  Dresde,  où  elle  chantait  pour  la  première  fois  le  Raoul  Barbe- 
Bleue,  de  Sédaine  et  de  Grétry,  pour  donner  plus  d'effet  à  la  der- 
nière scène  où  lé  terrible  Raoul  entraîne  Isaure  pour  la  jeter  dans  le 
fatal  cabinet,  elle  était  convenue  que  l'acteur  qui  jouait  avec  elle  au- 
rait l'air  de  la  saisir  par  les  cheveux,  tandis  qu'il  ne  saisirait  qu'une 
ceinture  artistement  cachée  sous  les  flots  de  son  abondante  chevelure. 
Mais,  dans  la  chaleur  de  l'entraînement  théâtral,  l'acteur  oublia  ce 
qu'il  devait  faire,  et  ce  qui  ne  devait  être  qu'une  imitation  devint 
une  réalité.  11  saisit  la  pauvre  Isaure  et  la  traîna  de  telle  sorte  que 
ses  cheveux  et  son  sang  restèrent  comme  preuves  de  la  torture  qu'elle 
avait  subie  sans  sourciller.  La  scène  eut  un  succès  immense,  mais  on 
ne  fut  pas  tenté  de  la  recommencer.  Elle  produisit  toujours  un  effet 


(1)  En  allemand  :  Da  habt  ihr  euere  Schnarre,  Rrrrr.  Mot  à  mot  :  Vous  avez 
votre  crécelle. 


DE  PARIS. 


213 


d'enthousiasme.  Mais  on  s'arrangea  pour  que  les  spectateurs  n'y  per- 
dissent rien  ni  l'artiste  non  plus. 

Paul  SMITH. 
{La  mite  prochainement.) 


HÉQUET    (Charles-Joseph-Gustave)  ('). 
(Biographie  universelle  des  musiciens.  —  Seconde  édition .) 

Littérateur  et  compositeur,  né  à  Bordeaux  le  22  août  1803, 
M.  Héquet  fit  ses  études  au  collège  de  Troyes,  puis  alla  suivre  les 
cours  de  l'Ecole  de  droit  à  Paris  en  1821,  et  fut  reçu  avocat  à  la 
Cour  royale  de  cette  ville  en  1824;  mais  il  ne  plaida  jamais.  Doué 
d'instinct  pour  la  musique,  il  l'étudia  d'abord  à  peu  près  seul 
jusqu'au  moment  où  Paer  se  chargea  de  lui  enseigner  la  compo- 
sition. 

Ses  premiers  essais  de  musique  datent  de  1830  ;  il  écrivit  alors  un 
grand  nombre  de  morceaux  de  musique  nouvelle  pour  des  vaude- 
villes dont  la  plupart  étaient  d'Ancelot,  et  parmi  lesquels  on  re- 
marque la  Mendiante,  le  Favori,  la  Comtesse  d'Egmont,  etc.  Quel- 
ques-unes de  ces  légères  productions  ont  obtenu  un  succès 
populaire.  M.  Héquet  écrivit,  en  1834,  pour  le  théâtre  de  Versailles, 
un  opéra  en  deux  actes  dont  Carmouche,  alors  directeur  de  ce 
théâtre,  avait  fait  les  paroles.  C'était  un  vaudeville  joué  autrefois  au 
théâtre  de  la  rue  de  Chartres  et  au  théâtre  des  Nouveautés  de  Paris, 
sous  le  titre  :  la  Fiancée  de  la  Clyde.  L'ouvrage  fut  représenté  en 
1835,  à  Versailles,  et  les  connaisseurs  remarquèrent  dans  la 
musique  de  la  fantaisie  et  de  la  vérité  dramatique.  Une  maladie  de 
foie,  dont  M.  Héquet  fut  atteint  vers  le  même  temps,  lui  fit  perdre 
presque  entièrement  plusieurs  années  pour  ses  travaux.  En  1844,  la 
Société  des  concerts  du  Conservatoire  fit  exécuter  dans  une  de  ses 
séances  le  Roi  Léar,  grande  scène  lyrique  de  cet  artiste  pour  voix 
de  basse,   avec  chœurs  et  orchestre,  qui  fut  chantée  par  Barroilhet. 

En  dépit  des  préventions  des  habitués  de  ces  concerts  contre  toute 
musique  dont  les  auteurs  ont  le  tort  de  n'être  pas  encore  enterrés^ 
l'ouvrage  de  M.  Héquet  fut  si  bien  applaudi  qu'il  fut  exécuté  de  nou- 
veau dans  un  des  concerts  de  l'année  suivante,  et  chanté  avec  un 
égal  succès  par  Hermann  Léon.  En  outre,  M.  Héquet  avait  écrit  plu- 
sieurs partitions  :  il  ne  put  en  faire  entendre  une  seule.  Je  me 
trompe,  le  Braconnier,  charmant  petit  acte  mélodieux,  bien  écrit  et 
bien  instrumenté,  fut  joué  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  au  mois 
d'octobre  1847.  Un  bon  quatuor,  un  duo,  un  air  de  femme,  une  ro- 
mance de  ténor  et  d'excellents  couplets  rhythmiques  firent  le  succès 
d'une  pièce  d'ailleurs  assez  médiocre.  La  carrière  semblait  enfin  ou- 
verte pour  le  compositeur  ;  mais  bientôt  arrivèrent  les  brutalités  de 
la  révolution  de  1848  qui  la  fermèrent  de  nouveau.  Repoussé  des 
voies  du  musicien,  M.  Héquet  dut  rentrer  dans  celle  du  littérateur, 
qu'il  avait  déjà  suivie  avec  honneur,  esprit  et  talent,  et  neuf  années 
s'écoulèrent  avant  qu'il  put  de  nouveau  aborder  la  scène  comme 
compositeur.  Le  24  juin  1856,  il  fit  jouer,  au  théâtre  des  Bouffes- 
Parisiens,  Marinette  et  Gros- René,  opérette  en  un  acte.  Un  caractère 
bouffe  plein  de  gaieté,  une  rare  distinction  dans  les  idées,  enfin, 
une  harmonie  élégante  et  pure,  sont  les  qualités  qui  se  font  remar- 
quer dans  ce  petit  ouvrage.  On  a  de  M.  Héquet  des  morceaux  dé- 
tachés, parmi  lesquels  se  fait  remarquer  la  ballade  de  Marie  Tudor, 
publiée  en  1833. 


(1)  Notre  collaborateur  Gustave  Héquet  étant  sur  le  point  de  faire  représenter 
à  Bade,  un  nouvel  opéra  de  sa  composition,  nous  profitons  de  cette  circonstance 
pour  reproduire  la  notice  biographique  que  M.  Fétis  père  lui  a  consacrée  dans 
la  seconde  édition  de  son  excellent  ouvrage. 


Le  début  de  M.  Héquet  dans  la  littérature  fut  sa  collaboration  avec 
Ancelot  dans  une  jolie  comédie,  Mme  du  Châtelet,  jouée  avec  beau- 
coup de  succès  en  1832.  Attaché  en  1833  au  Courrier  français,  alors 
dirigé  par  V.  Lapelouze,  il  y  a  publié,  pendant  deux  ans,  des  nou- 
velles en  feull  etons.  Des  morceaux  du  même  genre  furent  aussi  don- 
nés par  lui  au  Journal  du  commerce  et  au  Capitale.  En  1841,  il  suc- 
céda à  Mainzer  pour  la  critique  musicale  au  National,  et  la  continua 
jusqu'à  la  "uppression  de  ce  journal  par  le  coup  d'Etat  du  mois  de 
décembre  1851.  Il  y  avait  fait  aussi  de  la  critique  littéraire,  et  de- 
puis 1848  jusqu'à  la  fin  de  l'été  de  1850,  il  avait  pris  une  part  très- 
active  à  la  politique  de  ce  journal.  L'éditeur  de  musique  Troupenas 
ayant  fondé,  en  1842,  la  Mélodie,  journal  hebdomadaire,  ce  fut  M.  Hé- 
quet qui  en  fit  la  plus  grande  partie  pendant  toute  son  existence.  Ce 
fut  lui  aussi  qu'on  chargea  de  tout  ce  qui  concernait  la  musique  dans 
l'Illustration,  dès  sa  création,  en  1843.  Il  y  continua  sa  collabora- 
tion jusqu'en  1847,  où  Bousquet  lui  succéda.  Après  la  mort  préma- 
turée de  cet  artiste,  M.  Héquet  reprit  .sa  position  dans  cette  revue  il- 
lustrée. Au  moment  où  cette  notice  est  publiée,  il  y  continue  la  cri- 
tique mus'cale.  La  Revue  et  Gazette  musicale  de  Paris  compte  aussi 
cet  artiste  littérateur  au  nombre  de  ses  collaborateurs.  On  a  de  M.  Hé- 
quet une  Histoire  de  Mme  de  Maintenon  (Paris,  Hachette  etCe,  1853), 
bon  livre  dont  la  première  édition  a  été  rapidement  épuisée,  et  dont 
on  prépare  la  seconde. 

FÉTIS  père. 


LES  PREMIERS  CONCERTS  PDRLICS  Â  VIENNE  ('). 

A  partir  de  1772,  pendant  le  carême  et  l'avent,  on  donnait  des 
académies  musicales  où  se  faisaient  entendre  des  chanteurs  italiens 
et  des  virtuoses  nationaux  ou  étrangers.  Il  n'y  avait  pas  de  salle 
spécialement  affectée  à  ces  concerts,  qui  avaient  lieu  au  théâtre.  Pen- 
dant les  entr'acles  ou  lorsqu'il  y  avait  relâche,  on  y  jouait  des  sym- 
phonies de  Kohaut,  Ordonnez,  Martini,  Haydn,  Mozart,  Dittersdorf, 
Wranitzky,  Weigl.  On  y  joua  aussi  deux  symphonies  de  Gluck.  Les 
airs  et  les  chœurs  qui  faisaient  partie  du  répertoire  de  ces  concerts, 
étaient,  pour  la  plupart,  de  Salieri,  Gluck,  Wagenseil,  Weigl,  Haen- 
del,  Haydn,  Sacchini,  Hasse,  etc.  Parmi  les  artistes  de  chant  —  Ita- 
liens pour  la  plupart  —  on  cite  :  Mme  Nicolini  (Cesariui),  le  soprano 
Muschietti,  les  époux  Madini.  Dans  les  académies  du  Burgtheater,  on 
entendit  :  en  1780,  la  célèbre  Mara;  en  1783,  la  Storace;  en  1795, 
Mme  Blomer,  une  Anglaise.  Les  plus  connus  parmi  les  instrumentis- 
tes étaient  :  les  violoncellistes  Reicha  et  Weigl  (le  père  du  compo- 
siteur); Stadler, clarinettiste  ; Triebensée  et  Lebrun,  hautbois;  les  vio- 
lonistes Paisible,  Schlesinger,  Franzel,  Marchand  ;  enfin,  les  pianistes 
Mozart,  Mlle  Thérèse  Paradies,  et  en  1795,  1798  et  1800,  Beethoven. 
Une  notabilité  de  cette  époque  était  Benda,  l'auteur  des  mono  et 
duo-drames  Ariane  à  Naxos,  etc.  Au  concert  qu'il  donna,  le  14  mars 
1779,  au  théâtre  Kartner-Thor,  il  fit  entendre  des  airs  et  des  duos 
de  ses  opéras  Walder  et  Romeo  et  Juliette.  Parmi  les  apparitions 
bizarres,  il  faut  signaler  une  Mme  Schindler  qui  chantait  des  airs 
et  jouait  de  la  flûte  traversière  ;  1783  :  Roth,  de  Nuremberg,  qui 
tambourinait  sur  seize  timbales  à  la  fois;  une  «  géante  d'une  taille  ex- 
traordinaire »,  cantatrice;  enfin,  une  symphonie  intitulée  :  Werther, 
roman  mis  en  musique  par  Pugnani,  inspecteur  de  la  musique  du  roi 
de  Sardaigne  (1796).  Joseph  Weigl  fit  exécuter  dans  un  concert  une 
cantate  avec  ce  singulier  titre  :  Les  émotions  de  mon  cœur,  et  la  mu- 
sique d'un  ballet  :  Richard  Cœur  de  lion. 

Le  créateur  des  concerts  de  virtuoses  est  Mozart.  Il  en  donnait 
régulièrement  un,  pendant  le  carême,  à  partir  de  l'année  1782  où  il 

(1)  Quatrième  volume  de  la  Revue  autrichienne. 


214 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


s'était  fixé  à  Vienne.  Pins  tard  nous  le  voyons  s'associer  avec 
Marlin  pour  une  série  de  matinées  dans  l'Augarten.  C'est  depuis  lors 
seulement  que  la  musique  instrumentale  commença  à  entrer  dans  le 
domaine  de  la  publicité  ;  jusque-là  elle  avait  été  restreinte  aux 
sociétés  particulières.  Parmi  les  virtuoses  de  cette  époque  le  cheva- 
lier Charles  de  Dittersdorf  mérite  une  mention  particulière;  il  jouis- 
sait d'une  grande  réputation  comme  violoniste.  Aujourd'hui  il  n'est 
guère  connu  que  comme  auteur  de  quelques  opéras -bouffes,  et  on 
n'apprendra  peut-être  pas  sans  étonnement  que  le  compositeur  à 
qui  l'on  doit  le  Médecin  et  l'Apothicaire  a  écrit  quatre  oratorios  : 
Job,  Esther,  David,  Isaac,  qui  étaient  en  grande  faveur.  De  plus, 
en  1786,  Dittersdorf  fit  exécuter  à  l'Augarten  une  œuvre  bizarre  : 
les  Métamorphoses  d'Ovide,  une  série  de  douze  symphonies  caracté- 
ristiques. Vers  le  même  temps  nous  voyons  figurer  au  répertoire  de 
la  musique  instrumentale  plusieurs  œuvres  symphoniques  de  Gluck, 
lesquelles  sont  aujourd'hui  complètement  oubliées. 

Dans  les  dix  premières  années  du  xixe  siècle,  il  n'y  avait  point  de 
concerts  publics  réguliers  pour  l'exécution  de  symphonies  et  autres 
œuvres  de  musique  d'orchestre,  tels  que  trios,  quatuors.  Mais  peu 
à  peu  les  grandes  chapelles  princières  s'étaient  dissoutes  ;  les  mécè- 
nes haut  placés  avaient  disparu,  la  musique  se  mit  sous  la  protec- 
tion des  classes  moyennes.  Dans  la  maison  de  M  Joseph  Hochenadel, 
employé  au  ministère  de  la  guerre,  on  se  réunissait  régulièrement 
pour  faire  de  la  musique  de  chambre  ;  parfois  on  y  exécutait  même 
des  oratorios,  des  cantates,  et  d'anciens  opéras  avec  accompagne- 
ment de  piano,  depuis  1810-1824.  Parmi  les  dilettanti  qui  s'y  fai- 
saient entendre  on  signale  la  cantatrice,  depuis  célèbre,  Caroline 
Ungher;  le  violoniste  Georges  Hellmesberger,  le  père,  plus  tard 
premier  violon  à  l'orchestre  du  théâtre  de  l'opéra  de  la  cour;  et  le 
conseiller  aulique  Kiesewetter,  qui  chantait,  et  en  outre,  arrangeait 
des  oratorios,  etc.,  pour  le  piano.  A  certains  jours  de  fête,  une  so- 
ciété d'amateurs  se  réunissait  chez  Kiesewetter  ;  ces  réunions  ont  été, 
à  Vienne,  les  premiers  concerts  historiques,  et  à  la  rigueur,  elles 
sont  restées  les  derniers.  Ils  ont  commencé,  probablement,  en  1817, 
et  ont  été  continués  jusqu'en  1838.  Un  des  principaux  centres  de 
réunions  musicales  privées,  de  1815-182(i,  c'était  la  maison  de  l'avo- 
cat Ignace  de  Sonnleithner;  comme  son  père  et  son  fils,  c'était  un 
jurisconsulte  et  un  musicien  distingué.  On  y  exécutait  de  la  musique 
de  chambre,  des  airs,  des  chœurs,  et  des  symphonies  et  ouvertures, 
et  même  des  oratorios  et  opéras  entiers,  arrangés  en  quatuors.  C'est 
dans  ces  réunions  qu'on  entendit  pour  la  première  fois  les  lieder  et 
compositions  à  quatre  voix  de  François  Schubert.  Sonnleithner  pu- 
blia, à  ses  frais,  le  Roi  des  Aulnes,  et  ouvrit  ainsi  la  carrière  au  cé- 
lèbre compositeur, 

Dans  la  maison  de  son  père  avaient  également  lieu  des  réunions,  où 
le  vieux  maître  d'école  et  ses  fils,  avec  le  concours  de  quelques  amis, 
faisaient  de  la  musique  de  chambre.  Plus  tard  on  se  réunit  chez  un 
négociant  nommé  Frischling,  puis  chez  un  violoniste,  Hattwig;  en 
1818  on  y  jouait  des  symphonies  de  Haydn,  Mozart,  Romberg,  et  les 
deux  premières  de  Beethoven.  C'est  pour  ces  réunions,  qui  cessèrent 
en  1820,  que  François  Schubert  écrivit  la  symphonie  en  si  majeur, 
celle  en  ut  majeur,  et  l'ouverture  dans  le  style  italien.  Ce  fut  Schup- 
panzig  qui  le  premier,  à  Vienne,  organisa  des  séances  régulières  de 
quatuors,  par  abonnement.  Ses  collègues  étaient  Linke,  violoncelle  ; 
Sina  (deuxième  violon);  Frainz  Weilss  (basse  de  viole).  Le  prix  d'a- 
bonnement pour  huit  soirées  était  de  10  florins.  Jacob  Boehm,  qui 
s'était  fait  entendre  pour  la  première  fois  au  Burg  theater,  dans  les 
entr'actes,  ouvrait,  le  20  novembre  1816,  une  série  de  six  séances  de 
quatuors. 

Le  professeur,  Ed.  Hansleck. 


NOUVELLES. 

„*„  Lundi  dernier,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  Guillaume 
Tell.  Dumestre,  qui  vient  de  tenir  pendant  plusieurs  années  l'emploi  de 
baryton  à  Marseille,  y  a  reparu  dans  le  rôle  de  Guillaume,  et  a  été 
revu  avec  plaisir;  mercredi,  le  Trouvère  et  Diavolina;  Vendredi,  le  Doc- 
teur Magnus  et  Giselle. 

»**  Mardi  aura  lieu  la  répétition  générale  de  Nemea  ou  l'Amour  vengé, 
et  probablement  mercredi  la  première  représentation  de  ce  ballet, 
composé  par  Saint  -  Léon  pour  Mlle  Mouravieff.  Mlle  Eugénie  Fiocre 
remplira  le  rôle  de  l'Amour.  Mmes  Rousseau,  Villeroy,  Stoïkoff  et 
Brach  danseront  un  pas  de  quatre  qu'on  dit  fort  joli. 

t*t  C'est  M.  Castelmary  qui  a  chanté  à  la  dernière  représentation  des 
Huguenots  le  rôle  de  Saint-Bris.  Cazaux,  dans  la  précédente,  s'était,  en 
tombant,  fortement  contusionné  le  genou  au  troisième  acte,  et,  par  suite 
de  cette  chute,  il  est  forcé  de  garder  le  lit  pendant  quelque  temps. 

„*„  Le  théâtre  lyrique  a  fermé  ses  portes  et  l'Opér  a-Comique  a  fait 
de  même.  Les  ouvriers  ont  déjà  pris  possession  de  cette  dernière  salle 
pour  y  commencer  les  réparations  ordonnées. 

„%  Mlle  Marimon  quitte  l'Opéra-Comîque  pour  le  grand  théâtre  de 
Lyon,  avec  lequel  elle  vient  de  contracter  un  engagement  pour  la  sai- 
son prochaine. 

*%  Le  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin  a  inauguré  vendredi  et  sa- 
medi par  le  Barbier  de  Sévilk  et  Norma  l'ère  de  liberté  dont  vont 
jouir  désormais  les  théâtres.  La  salle  était  remplie  comme  à  ses  plus 
beaux  jours,  et  l'on  a  chaleureusement  applaudi  Capoul,  Baynal,  Fal- 
chieri  et  Mlle  Balby.  C'est  un  grand  succès.  Nous  en  rendrons  compte 
dans  notre  prochain  numéro. 

„,%  La  représentation  donnée  le  28  juin,  au  théâcre  du  Palais-Royal, 
au  bénéfice  de  Berthelier,  avait  attiré  une  foule  considérable,  quoique 
les  prix  eussent  été  doublés.  Elie  ne  s'est  terminée  qu'à  1  heure  du 
matin;  Pradeau  et  Berthelier  se  retrouvaient  dans  cette  création  inimi- 
table de  leurs  débuts  à  Paris,  les  Deux  Aveugles  ;  ils  y  ont  été  admi- 
rables de  naturel,  de  verve  et  d'entrain,  et  ils  ont  dû  répéter  l'étour- 
dissant boléro  d'Offenbach  aux  acclamations  de  toute  la  salle.  Berthelier 
et  Mlle  Frazey,  la  plus  jolie  Listchen  qui  se  puisse  voir,  n'ont  pas  été 
moins  applaudis  dans  Lischen  et  Fritzchen,  et  ils  ont  dû  redire  le  char- 
mant duo  :  Je  suis  Alsacienne.  La  soirée  s'est  terminée  par  des  chanson- 
nettes de  l'excentrique  Thérésa  qui  a  été  fort  goûtée. 

*%  La  première  chambre  du  tribunal  civil  de  la  Seine,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Benoist-Champy,  a  rendu  son  jugement  dans  le  procès 
pendant  entre  les  directeurs  des  théâtres  de  Paris  et  la  Société  des 
auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  au  sujet  du  droit  à  payer  à 
l'administration  de  l'assistance  publique  sur  les  billets  d'auteur,  et  il  a 
été  jugéquece  droit  devait  être  à  la  charge  des  directeurs.  Ce  jugement 
vi  nt  de  trancher  une  question  d'une  haute  importance.  Me  Kicolet  a 
plaidé  pour  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques.  Les 
directeurs  étaient  soutenus  par  Me"  Lachaud,  Desmarets  et  Caraby. 

***  Au  nombre  des  questions  soulevées  par  la  liberté  des  théâ- 
tres, celle  qui  concerne  le  prix  des  places  vient  d'être  résolue. 
Les  directeurs  ont  le  droit  d'augmenter  ou  de  diminuer  leurs  prix,  à 
la  condition  de  les  faire  figurer  sur  les  affiches.  Ils  ne  pourront  les 
modifier  sans  que  le  public  soit  prévenu  en  temps  utile.  Toute  location 
faite  à  l'avance  devra  l'être  à  un  prix  déterminé  et  invariable,  le  pu- 
blic ne  devant  en  aucun  cas  être  victime  d'une  surprise  ou  d'un  malen- 
tendu. 

*%  Samedi  dernier,  l'Académie  des  beaux-arts  a  procédé  à  l'élection 
d'un  membre  étranger,  en  remplacement  de  Meyerbeer.  Trente-sept 
membres  étaient  présents.  La  majorité  absolue  était  de  dix-neuf  voix. 
M.  Verdi,  compositeur,  résidant  à  Gênes,  a  été  élu  par  23  voix  ;  M.  Si- 
monis,  statuaire,  a  obtenu  7  voix;  M.  Navez,  peintre,  à  voix;  M.  Gal- 
lait,  peintre,  2  voix,  et  M.  Geefs,  statuaire,  1  voix. 

t*i  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  annoncer  qne  notre  éminent 
collaborateur,  Georges  Kastner,  membre  de  l'Institut,  s'occupe  de  réunir 
les  matériaux  nécessaires  pour  écrire  l'histoire  complète  de  la  vie  et 
des  ouvrages  de  Meyerbeer.  C'est  un  engagement  que  le  savant  écrivain 
avait  pris  avec  l'illustre  maître,  sur  le  désir  exprimé  par  celui-ci.  Nous 
n'avons  pas  besoin  de  dire  avec  quelle  conscience  et  quel  talent  cette 
mission  sera  remplie.  L'ouvrage  entier  se  composera  de  deux  ou  trois 
volumes  in-8°. 

***  Les  concours  à  huis  clos  commencent  à  partir  de  ce  jour  au 
Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation.  Comme  à  l'ordinaire,  ce 
sont  les  concours  d'harmonie,  de  contre-point  et  de  fugue  qui  auront 
lieu  les  premiers. 

»%.  Les  vingt-cinq  jours  de  travail  accordés  aux  concurrents  pour  le 
grand  prix  de  composition  musicale  expirent  mardi  prochain,  mais  il 
est  possible  qu'une  prolongation  leur  soit  accordée  à  cause  de  l'état  de 
santé  de  l'un  d'eux. 

t\  On  a  représenté  le  28  juin,  à  Bordeaux,  le  nouveau  ballet  de 
Costa,  Olympia  ;  il  avait  attiré  beaucoup  de  monde,  et  il  a  valu  de  cha- 


DE  PARIS. 


215 


leuïeux  applaudissements  à  Mlle  lioschetti  ;  mais  le  ballet  même  a 
obtenu  un  médiocre  succès. 

»*,  Le  poétique  hommage  rendu  à  F.  Halévy  par  Léon  Halévy,  son 
frère,  sous  forme  d'intermède,  et  exécuté  à  l'Opéra-Comique  le  27  mai  der- 
nier, a  paru  en  brochure,  et  les  admirateurs  du  grand  compositeur 
pourront  le  joindre  à  ses  œuvres,  ainsi  qu'aux  notices  publiées  sur 
sa  vie. 

**.,,  A  plusieurs  reprises,  divers  journaux  ont  annoncé  que  Liszt  avait 
embrassé  la  vie  monastique.  Une  lettre  spirituelle  écrite  de  Rome  par 
le  célèbre  pianiste-compositeur  dément  catégoriquement  cette  nouvelle. 

**»  L'empereur  d'Autriche  à  décerné  à  M.  de  Weber,  l'auteur  du 
livre  récement  publié,  la  Vie  de  Charles-Marie  de  Weber,  et  fils  du  cé- 
lèbre compositeur,  la  grande  médaille  en  or  du  mérite  pour  les  arts  et 
les  sciences. 

„**  J.  Moschelès  a  été  décoré  par  le  roi  de  Saxe  de  l'ordre  d'Al- 
brecht. 

„.**  M.  Charles  Dancla  avait  convié  la  semaine  dernière,  dans  les 
salons  Pleyel-Wolff  de  la  rue  de  Richelieu,  une  réunion  d'artistes  et 
d'amateurs  pour  leur  faire  entendre  quelques  morceaux  nouveaux  de 
sa  composition,  et  surtout  son  cinquième  quatuor  en  la  mineur  pour 
instruments  à  cordes  qui  renferme  un  andante  et  un  finale  très-remar- 
quables. On  n'a  pas  moins  applaudi  son  trio  en  mi  bémol  pour  piano, 
violon  et  violoncelle,  et  dans  les  fragments  du  sixième  quatuor  qui  a 
clos  la  séance,  un  minuetto  délicieux.  M.  Dancla,  dont  le  mérite  comme 
violoniste  est  depuis  longtemps  apprécié,  était  secondé  pour  l'exécution 
de  ces  morceaux  par  MM.  Lenepveu,  Altés,  Lee  et  Mlle  Sabatier-Blot. 
C'est  dire  qu'elle  a  été  irréprochable. 

„,**  Le  Comité  d'organisation  du  concours  orphéonique  de  Seine-et- 
Oise  a  imposé  aux  sociétés  chorales  qui  doivent  prendre  part  à  cette 
fête  deux  chœurs  de  Félix  Godefroid  :  les  Pirates  et  la  Grenouille. 

**„  C'est  aujourd'hui  qu'auront  lieu,  à  Amiens,  les  concours  de  mu- 
sique d'harmonie,  de  fanfares  et  d'orphéons,  ouverts  par  cette  ville.  Voici 
la  composition  des  jurys  :  MM.  Amb.  Thomas,  membre  de  l'Institut, 
président  ;  Bazin,  Dorus,  Elwarl,  Grosset,  Jonas,  Klosé,  le  Couppey, 
Triébert,  professeurs  au  Conservatoire  de  musique,  Ermel,  membre  de 
la  commission  de  surveillance  du  chant  ;  Foulon,  inspecteur  de  l'en- 
seignement du  chant;  Blaquière,  Gustave  Chouquet,  Laurent  de  Rillé, 
A.  Vialon,  compositeurs;  Brunot,  première  flûte  à  l'Opéra-Comique; 
Sauvage-Trudin  (de  Boulogne);  Gustave  d'Hangest  (d'Amiens)  ;  Bous- 
quet, chef  de  musique  du  4e  cuirassiers,  Schwartz  et  Dennery,  chef  et 
sous-chef  de  musique  du  10'  de  ligne  ;  Antoine  Mohr,  Paul  Montmert  et 
Stoupe,  professeurs  de  musique.  La  distribution  solennelle  des  prix  se 
fera  le  soir,  à  6  heures,  sur  la  place  de  l'Hôtel-de-Ville. 

***  Le  Moniteur  reproduisait  dernièrement  l'article  ex-professo  publié 
par  M.  A.  Méreaux  dans  le  Nouvelliste  de  Rouen,  au  sujet  des  deux  con- 
certs que  Pasdeloup  est  venu  donner  dans  cette  dernière  ville,  avec  son 
excellent  orchestre  du  Cirque  Napoléon.  Les  détails  que  donne  M.  Mé- 
reaux sur  le  triomphe  obtenu  par  M.  Pasdeloup  sont  des  plus  intéres- 
sants, et  ce  triomphe  est  de  nature  à  encourager  l'éminent  et  persévé- 
rant chef  d'orchestre  à  propager  en  France  l'initiative  qu'il  a  si  heu- 
reusement prise  à  Paris.  Deux  mille  personnes  assistant  à  chacun  de  ces 
concerts  —  dont  les  programmes  étaient  d'ailleurs  parfaitement  choi- 
sis —  c'est  un  fait  inouï  dans  la  capitale  de  la  Normandie,  qui  ne  passe 
pas  précisément  pour  aimer  les  concerts,  et  M.  Pasdeloup  peut  regar- 
der l'épreuve  comme  décisive. 

„*.,,  Les  délibérations  qui  ont  eu  lieu  le  19  juin  dans  la  maison  dite 
Feldberg-haus,  sont  importantes  pour  les  pays  que  traverse  le  Taunus , 
chaîne  de  montagnes  qui  part  de  Hombourg  et  dont  les  vallées  pittores- 
ques produisent  les  célèbres  vins  du  lîhin.  Tous  les  ans,  le  premier 
dimanche  de  juillet,  il  y  aura  sur  le  Feldberg,  l'une  des  sommités  de 
la  chaîne,  un  festival  de  chant  avec  exercice  gymnastique.  De  tous  les 
points  de  l'Allemagne,  même  les  plus  éloignés,  on  envoie  des  prix  pour 
les  vainqueurs. 

**„,  Les  personnes  qui  ont  reçu  des  cartes  d'invitation  pour  les  audi- 
tions du  muis  de  juin  chez  M.  Adolphe  Sax,  50,  rue  Saint-Georges, 
sont  averties  que  ces  auditions  se  continueront  jusqu'au  15  juillet  in- 
clusivement. 

***  Jeudi  23,  comme  nous  l'avions  annoncé,  a  eu  lieu  l'inauguration 
des  grandes  orgues  de  Saint-Germain  dss  Prés,  reconstruites  par  l'ha- 
bile facteur,  M.  Stoltz.  La  so'ennité  avait  attiré  beaucoup  de  monde  et 
elle  a  été  des  plus  intéressantes.  Chacun  à  leur  tour,  M.  Bazille,  orga- 
niste de  Sainte-Elisabeth  ;  M.  Schmitt,  ancien  organiste  de  Saint-Sulpice, 
et  M.  Chauvet,  organiste  de  Saint-Jléry ,  dans  des  morceaux  appropriés 
à  la  circonstance  et  admirablement  exécutés,  ont  fait  valoir  les  beau- 
tés du  magnifique  instrument  auquel  M.  Stoltz  vient  d'attacher  son 
nom. 

*%  Toutes  les  personnes  qui  ont  fréquenté  l'été  dernier  les  bains  de 
Fécamp,  ont  été  unanimes  pour  louer  l'habileté  avec  laquelle  a  été  di- 
rigé l'établissement  par  un  artiste  de  mérite,  M.  E.  N.  Nous  avons 
sous  les  yeux  le  programme  de  toutes  les  séductions  que  M.  E.  N.  se 
propose  d'offrir  cette  année  aux  visiteurs  de  Fécamp,  et  nous  pouvons 


assurer  qu'elles  enchérissent  sur  celles  de  l'année  passée.  Outre  les 
avantages  incontestables  du  site  qui  les  y  attirera  tout  naturellement, 
le  directeur  s'est  souvenu  qu'il  était  artiste  avant  tout,  et  il  a  fait  une 
large  part  à  la  musique.  11  y  aura  tous  les  jours  concert  avec  orches- 
tre ;  deux  fois  par  semaine  représentation  théâtrale;  grands  bals  et 
bals  d'enfants,  outre  les  fêtes  exceptionnelles  qui  seront  splendides. 

./\  Félix  Godefroid  vient  d'être  engagé  pour  les  trois  grandes  fêtes 
musicales  qui  auront  lieu  prochainement  à  Wiesbaden,  Troyes  et  Spa. 

„%  On  annonce  le  retour  à  Paris  de  Mme  Tarbé  des  Sablons,  l'auteur 
de  /.  Batavi,  qui  ont  clôturé  d'une  façon  si  brillante  la  saison  du  théâ- 
tre de  la  Pergola. 

*%  Alfred  Jaell  a  passé  quelques  jours  à  Paris;  il  se  rend  à  Hom- 
bourg, Ems  et  Spa,  où  il  est  attendu  pour  remplir  divers  engagements, 
après  quoi  il  ira  se  reposer  quelque  temps  à  Trieste,  sa  ville  natale. 

***  M.  Guidi,  l'éditeur  de  Florence,  a  poursuivi  toute  cette  saison, 
avec  une  persévérance  digne  des  plus  grands  éloges,  l'exécution  de  la 
musique  de  chambre  qu'il  a  fondée  sous  le  titre  de  Société  des  qua- 
tuors de  Florence,  et  dont  le  Boccherini  est  l'organe.  Grâce  à  cette  utile 
entreprise  et  à  la  fondation  du  prix  Basevi,  obtenu  cette  année  par 
Anichini  et  Bottesini,  l'art  musical  marche  dans  cette  belle  portion  de 
l'Italie  à  une  véritable  régénération. 

***  Le  concert  des  Champs-Elysées  est  toujours  particulièrement 
favorisé  du  public.  Le  bon  ton  et  l'élégance  de  ces  réunions,  où  se  ren- 
contrent, chaque  soir,  toutes  les  notabilités  parisiennes,  non  moins  que 
le  bon  goût  qui  préside  à  la  rédaction  du  programme,  assurent ,  pour 
toute  la  belle  saison,  au  concert  Besselièvre,  un  grand  et  légitime 
succès. 

ft%  L'un  des  meilleurs  élèves  de  de  Bériot,  Charles  Wynnen,  vient  de 
mourir  à  Marseille.  Il  était  né  à  Tongres,  province  de  Liège,  et  il  n'était 
âgé  que  de  trente-sept  ans.  M.  Winnen  s'était  fait  entendre  sur  presque 
tous  les  points  principaux  des  deux  mondes  où  l'entraînaient  ses  goûts 
d'aventures  et  de  voyages ,  qui  n'avaient  pas  été  refroidis  par  les 
plus  désagréables  incidents,  tels  que  le  naufrage  du  Yictor-Jacquemont, 
à  bord  duquel  il  se  trouvait.  C'est  ainsi  que  M.  Wynnen  visita  le  Brésil, 
où  il  reçut  le  titre  de  premier  violon  de  l'empereur  ;  la  Plata,  le  Chili, 
le  Pérou,  Maurice,  le  Cap  ;  il  accompagna  même  Livingstone  dans  une 
de  ses  dangereuses  explorations  de  l'Afrique  centrale  jusqu'au  lac 
Nyami. 

CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

4%  Londres.  —  Excepté  le  début  de  Mme  Volpini,  du  théâtre  de  Sa 
Majesté,  dans  le  rôle  de  Marta,  début  fort  brillant  pour  la  jeune  canta- 
trice, rien  de  nouveau  ne  s'est  passé  sur  nos  scènes  italiennes.  Le  Pro- 
phète a  fourni  à  Tamberlick  et  à  Mme  Nantier-Didiée  uue nouvelle  occa- 
sion de  se  distinguer,  et  Mlles  Patti,  Lagrua  et  Battu  se  sont  fait  en- 
tendre avec  leur  succès  habituel  dans  les  ouvrages  du  répertoire,  parmi 
lesquels  Stradella,  qui  y  a  conquis  désormais  sa  place,  a  été  représenté 
mardi  dernier  devant  une  salle  comble.  —  On  s'entretient  beaucoup 
dans  le  monde  musical  et  financier  delà  mise  en  actions, — au  capital  de 
deux  millions  cinq  cent  mille  francs  (100,000  liv.  st.),  divisé  en  100,000 
actions  de  40  liv.  chacune,  —  de  la  célèbre  maison  d'édition  de  mu- 
sique connue  sous  la  raison  Cramer,  Beale  et  Ce.  Le  propriétaire 
actuel,  M.  Wood,  s'oblige  à  rester  attaché  pendant  trois  années  à  cet 
important  établissement,  l'un  des  plus  anciens  et  des  plus  honorables 
de  l'Europe,  et  pendant  ce  laps  de  temps ,  il  garantit  aux  action- 
naires un  dividende  annuel  de  10  0/0.  En  outre,  toutes  les  personnes, 
—  et  particulièrement  les  artistes,  —  qui  ont  eu  des  relations  avec 
M.  Willert  Beale,  apprendront  avec  plaisir  qu'il  figure  en  tête  de  la 
liste  des  gérants  de  la  nouvelle  société. 

***  Cologne.  —  L'opéra  italien  s'affermit  de  plus  eu  plus  dans  la 
faveur  du  public,  qui,  à  chaque  représentation,  accourt  en  plus  grand 
nombre  et  applaudit  souvent  avec  un  véritable  enthousiasme.  Ce  sont 
le  Trouvère  et  Lucia  qui  jusqu'ici  ont  obtenu  le  succès  le  plus  complet. — 
Au  Thalia-Theater,  la  Part  du  Diable  et  les  Diamants  de  la  Couronne  ont 
été  accueillis  avec  une  faveur  marquée.  Prochainement  Théodore  For- 
més doit  ouvrir  à  ce  théâtre  une  série  de  représentations;  il  chantera 
ses  principaux  rôles  :  Masaniello,  George  Brown,  Edgard,  Lionel,  etc. 

„,%  Berlin.  —  L'opérette  d'Offenbach,  Lischen  et  Fritzchen,  vient  d'être 
donnée  au  théâtre  Frédéric-Guillaume,  et  a  obtenu  le  plus  franc  succès. 
C'est  Mme  Crobecker  qui  remplit  avec  beaucoup  de  talent  et  de  verve 
le  rôle  de  Fritzchen.  — Le  maître  de  chapelle  Taubert  vient  d'être  dé- 
coré de  l'ordre  de  l'Aigle  rouge,  troisième  classe.  —  La  troupe  du 
théâtre  de  la  ville  à  Kœuigsberg  a  commencé  à  donner  une  série  de 
représentations  au  théâtre  Victoria.  Les  deux  premières  se  sont  com- 
posées de  deux  opéras  de  Flotow  :  l'Armurier  et  le  Meunier  de  Méran, 
et  la  troisième  du  Dieu  et  la  Bayadé.re,  d'Auber.  Le  succès  des  ouvrages 
et  des  interprètes  a  été  aussi  grand  que  mérité. 

Le  Directeur  :  S.  DUFOUR. 


216 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez    G.    BRANDUS    et    S.    DUFOUR,    éditeurs,    à    Paris,    103,    rue    de    Richelieu,    au    1° 


Opéra 


en  quatre  actes 


Opéra 


en  quatre  actes 


Musique  de 


BELLIMI 

AIRS    DÉTACHÉS    DE    CHANT    AVEC    PAROLES    FRANÇAISES 


4.  Introduction:  Druides,  l'aube  décline .  B.     4  50 

2.  Cavatlne  :  Egalement  parée T.     4  50 

3 .  Chœur  :  Elle  avance,  sa  tête  inspirée U  50 

4.  Cavatine:  Chaste  lune. S.     4  50 

U  bis.  La  même,  pour  mezzo-soprano h  50 

A  ter.  La  même,  pour  contralto 4  50 

5.  Duo  :  Va,  cruelle S. T.    5    » 

6.  Duo:  O  souvenance S. S.     5     » 

7.  Trio  :  De  lui  te  voir  victime S. S. T.     6    » 

LES  MÊMES,  AVEC  PAROLES  ITALIENNES. 
La  partition  pour  chant  et  piano,  net  :  10  francs.       —      Partition  pour  piano  seul,  net 


8.  Introduction:  Ah  I  qu'ils  reposent 

9,  Duo  :  Prends  pitié  de  leur  détresse S. S. 

9  bis.  Le  même,  transposé 

10.  Chœur:  Partent  ils? 

11.  Récit  et  chœur  :  11  va  venir 

12.  Chœur:  Guerre!  guerre! 

13.  Duo:  Mon  pouvoir  enfin  t'entraîne  .   .   .   • S. T. 

Mx.  scène  et  air  :  Par  toi  mon  âme  fut  entraînée 


3  » 
i  50 

4  50 
4  50 
Il  50 
4  50 
h  50 
6     » 


6  francs. 


IL  BARBUE  DI SIVIGLIA 


Opéra  en  trois   actes, 
musique  de 


G.  ROSSINI 


Airs  détachés  de  chant.  —  Partition  chant  et  Piano.  —  Ouverture.  —  Arrangements. 


MANUFACTURE   D'INSTRUMENTS   DE  MUSIQUE  EN   CUIVRE  ET   EN   ROIS  (Fondée  en  1843) 

50,  rue  Saint-Georges,  à  Paris. 


Maison    ADOLPHE    SAX 


*  * 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  V Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des   Guides   et   des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  — Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc. 

Tom  Ui  iosiramenli  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de.  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    '^fe 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  et  le  poinçon  ci-après  : 
SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions  universelles  de   1851,  1855 
et  1862,  relatifs  aux  Saxophones  (BREVET  DE  1S4G). 

<r  ....'.  Parmi   les   inventeurs   d'instruments  de    musique,  la  plus   haute    distinction  est  due  au  mérite  de 
M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  {Exposit.  4851.) 

«  Famille   complète   des    Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  jou?  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
Saxophone  l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 

alto  MI"  bémol.  habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'inte"sité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  ;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions ;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  est  né  d'bier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  à  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  {Exposit.  1865.) 

«  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  {Exposit.  y««2.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  tontes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 

Saxophone  soprano,  %00  fr.—  Saxophone  ténor,  %%5  fr.—  Saxophone  alto,  ««5  fr. —  Saxophone  baryton,  «5©  te. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de   saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 

l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 

pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


.  —  1UPRIMERIE  CEIÏTRAIE   DE  NAPOIEOV   « 


!  BEHGERE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  n  l'Étranger, 

chez  tous  les  Mnrchands  de  Musique,  1rs  Libraire 

et  mu  Bureaux  des  Messageries  et  dos  Posles. 


N°  28. 


REVUE 


10  Juillet  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.  par  m 

Départements,  Belgique  et  Suisse...,    30  n       id. 

Étranger 34  »       id. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE 


ICALE 


DE     PARIS 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui , 
une  mélodie,  Villanella,  paroles  d'Emile  Deschamps, 
musique  de  J.  Rosenhaïn ,  tirée  «lu  recueil  :  les 
Echos  tles  Catngtagne»,  des  mêmes  auteurs. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin:  le  Barbier  de  Séville  et 
Norma,  par  D.  A.  O.  Saint-Yves.  —  Revue  critique  :  Prière  du  ma- 
tin, double  chœur  à  huit  parties,  paroles  de  M.  E.  Deschamps,  musique  de  G. 
Meyerbeer;  Marche  funèbre,  pour  le  piano,  dédiée  à  la  mémoire  de  Meyerbeer, 
par  Henri  Litolff,  par  Maurice  Bourges  ;  —  Dépari  et  Retour,  nouveau 
chœur  de  concours,  paroles  de  M.  A.  Vialon,  musique  de  G.  Kastner,  par  A. 
lilnart.  —  Saison  musicale  de  Bade.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D. 
Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  DE  U  PORTE-SAÏNT-HÀRTIN. 

Mie  Barbier  île  Séville    et   JVorma. 

L'inauguration  de  la  liberté  théâtrale  a  amené,  dès  le  premier 
jour,  un  résultat  partiel  qu'il  nous  importe  de  signaler.  Ce  n'est,  à 
tout  prendre,  qu'un  essai,  un  jalon  pour  l'avenir  ;  mais  il  a  une  por- 
tée qu'on  ne  peut  méconnaître.  Le  théâtre  de  M.  Marc  Fournier,  en 
inscrivant  sur  son  drapeau  les  noms  illustres  de  Rossini  et  de  Bel- 
lini,  semble  vouloir  indiquer  la  voie  à  suivre  pour  associer  la  musi- 
que au  mouvement  de  popularisation  tenté  par  Pasdeloup  pour  la 
musique  symphonique.  Et  à  voir  l'énorme  afïïuence  qui  s'est  em- 
pressée de  répondre  à  l'appel  du  directeur  de  la  Porte-Saint-Martin, 
il  n'est  pas  permis  de  douter  que  cette  idée  ne  soit  aussi  féconde 
que  généreuse.  C'est  une  affaire  de  temps  pour  qu'elle  produise  tous 
ses  fruits;  mais  le  premier  pas  est  fait,  et  le  drame  n'est  plus  seul 
à  captiver  l'intérêt  du  public  à  bon  marché  ;  l'opéra  est  admis  au 
partage. 

Avec  les  immenses  ressources  dont  ce  théâtre  dispose,  avec  les 
traditions  de  luxe  et  de  goût  qui  ont  fait  le  renom  de  la  direction 
actuelle,  il  eût  sans  doute  été  à  souhaiter  que  le  1er  juillet  vît  éclore 


une  de  ces  œuvres  grandioses  qui  portent  coup,  non  moins  par  le 
choix  du  musicien  et  du  librettiste  que  par  la  richesse  et  l'éclat  de 
la  mise  en  scène.  Mais  il  faut  bien  tenir  compte  des  difficultés 
qu'entraîne  une  si  complète  innovation  dans  un  théâtre  peu  préparé 
aux  merveilles  lyriques,  et  qui  n'a  eu  que  quelques  mois  pour  créer 
une  troupe,  lorsque  les  théâtres  spéciaux  emploient  des  années  à 
trouver  un  ténor  ou  une  première  chanteuse.  Il  ne  faut  pas  oublier 
non  plus  que  M.  Marc  Fournier  a  des  traités  avec  ses  dramaturges 
pour  la  saison  prochaine,  et  que,  par  conséquent,  i!  n'a  que  peu  de 
jours  à  consacrer  à  cette  nouvelle  acclimatation  de  Topera  au  bou- 
levard. Ne  lui  demandons  pas  plus  qu'il  n'a  pu  faire,  et  sachons-lui 
gré  de  ce  qu'il  a  fait. 

C'est  le  Barbier  de  Séville,  avec  la  traduction  et  l'arrangement  de 
Castil-Blaze,  ainsi  qu'il  a  été  joué  jadis  à  l'Odéon,  qui  a  ouvert  la 
marche.  On  sait  que  dans  cet  ouvrage,  la  prose  étincelante  de  Beau- 
marchais n'est  pas  complètement  effacée  par  les  délicieuses  mélodies 
de  Rossini  ;  ce  n'est  pas,  comme  aux  Italiens,  un  opéra  avec  récitatifs; 
l'auteur  prend  parfois  la  parole,  tout  comme  le  compositeur,  ainsi 
que  cela  se  pratique  à  l'Opéra  -  Comique,  et  cette  succession  de 
scènes  éminemment  spirituelles  et  de  morceaux  toujours  jeunes,  tou- 
jours ravissants,  constitue  un  double  plaisir  pour  l'auditoire.  Aussi 
l'effet  a-t-il  été  complet,  sous  le  rapport  de  l'intelligence  du  public, 
qui  n'a  laissé  échapper  aucune  occasion  d'applaudir,  selon  leurs 
mérites,  l'opéra  et  la  comédie. 

A  leur  tour,  les  interprètes  ont  eu  leur  part  de  bravos,  dans  les 
mêmes  conditions.  Capoul,  prêté  par  l'Opéra-Comique,  était  chargé 
du  rôle  d'Almaviva,  qui  lui  a  valu  une  véritable  ovation.  La  voix 
pure  et  sympathique  de  ce  jeune  ténor  a  conquis  tous  les  suffrages, 
et  rien  n'aurait  manqué  à  son  triomphe  si  la  tenue  du  comédien  eût 
été  en  parfaite  harmonie  avec  les  accents  suaves  du  chanteur. 

On  a  trouvé  généralement  que  Mlle  Balbi,  depuis  deux  ans  qu'elle 
a  quitté  Paris  pour  la  province,  avait  fait  de  sérieux  et  réels  progrès. 
La  force  ne  lui  est  pas  venue  ;  mais  elle  a  acquis  un  charme,  un  goût, 
une  agilité  de  vocalises  qui  pourraient  se  passer,  pour  être  mis  en 
relief,  de  certaines  imitations  de  la  Patti.  Elle  a  d'ailleurs  fort  bien 
dit  l'air  de  la  Sonnambula,  intercalé  dans  la  scène  de  la  leçon  de 
chant. 

Raynal,  qui  s'est  fait  connaître  au  théâtre  Lyrique,  a  accepté  un 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


bien  lourd  fardeau  en  se  chargeant  du  rôle  de  Figaro.  S'il  suffisait,  en 
semblable  occurence,  d'avoir  du  zèle,  il  y  serait  sans  reproche. 

Falchisri  est  un  Bartholo  trop  triste,  et  Guillot  est  bien  placé  dans 
le  rôle  de  Basile,  à  cela  près  de  quelques  tics  nerveux  qui  exagèrent 
le  jeu  de  sa  physionomie. 

Pour  parler  en  toute  franchise,  nous  devons  dire  que  la  représen- 
tation de  TSorma  n'a  pas  été  aussi  satisfaisante  que  celle  du  Barbier. 
Un  sujet  sérieux  et  peu  connu,  quoiqu'il  soit  emprunté  à  une  tragé- 
die française  d'Alexandre  Soumet,  l'absence  du  dialogue  qui  ne  cor- 
rige pas  cette  obscurité,  et  par-dessus  tout,  l'insuffisance  de  l'inter- 
prétation, en  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  expliquer  la  tiédeur  du 
public  en  présence  des  beautés  devenues  classiques  de  ce  chef- 
d'œuvre  de  Bellini.  Il  y  a  un  mois  à  peine,  le  théâtre  Lyrique  essayait 
de  s'approprier  la  traduction  du  même  opéra,  et  n'était  pas  beaucoup 
plus  heureux  que  la  Porte-Saint-Marlin. 

Rendons  toutefois  justice  à  Mme  Ecarlat-Geismar  qui  possède  de 
brillantes  qualités  comme  tragédienne,  et  qui,  comme  cantatrice,  a  du 
style  et  de  la  couleur.  Mme  Ismaël  a  droit  aussi  à  nos  éloges  pour 
la  manière  dont  elle  a  chanté  le  rôle  d'Adalgise  ;  sa  voix  est  bonne 
et  bien  timbrée;  elle  a  de  l'âme  et  de  l'énergie. 

Mais  le  ténor  Picot,  mais  la  basse  Guillot  !  Le  mieux  est  de  n'en  rien 
dire  et  de  les  ajourner  à  quelque  opéra  qui  leur  soit  plus  favorable. 
Espérons  que  l'orchestre  nous  fournira  en  même  temps  un  prétexte 
pour  chanter  ses  louanges. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


REVDE  CRITIQUE. 

Prière    du  matin,  double  chœur  à  huit  parties,  paroles   de 
M.  Emile  Deschamps,  musique  de  G.  Meyerbeer. 

Marcïte    funèbre,    pour  le  piano,  dédiée  à   la  mémoire    de 
Meyerbeer,  par  Henry  Litolff. 

Pour  un  ouvrage  de  circonstance,  survivre  à  l'occasion  qui  l'a  fait 
naître,  n'est-ce  pas  la  preuve  la  moins  douteuse  d'une  valeur  incon- 
testable, d'un  mérite  supérieur?  Les  grandes  intelligences,  amantes 
passionnées  de  leur  art,  ont  seules  le  rare  courage  d'apporter  à  la  tra- 
duction de  toutes  leurs  pensées,  si  éphémère  qu'en  soit  la  destination, 
si  limité  qu'en  soit  le  cadre,  un  soin  studieux  toujours  égal,  une  cons- 
cience toujours  vigilante,  gardienne  jalouse  des  intérêts  cie  leur  re- 
nommée. Ainsi  sont  demeurées  debout,  longtemps  après  l'événement 
passager  qui  leur  servit  de  prétexte,  quelques  compositions  d'élite, 
où  l'artiste  ne  voulut  pas  se  montrer  inférieur  à  lui-même,  ne  fût-ce 
qu'un  seul  jour.  On  peut  citer  entre  autres  la  belle  ouverture  de  We- 
ber  Jubelgesang,  les  meilleurs  fragments  des  Ruines  d'Athènes  de  Bee- 
thoven, et  surtout  ces  admirables  Marches  aux  flambeaux  de  Meyerbeer, 
que  la  postérité  applaudira  encore  alors  que  le  cérémonial  suranné  de 
la  cour  de  Berlin  ne  sera  plus  qu'un  souvenir  d'antiquaire. 

L'illustre  maître  semblait  prendre  plaisir  à  composer  pour  des  solen- 
nités qui  pourtant  ne  devaient  pas  se  renouveler  ;  ainsi  fit-il  la  Mar- 
che du  couronnement,  les  Génies  au  tombeau  de  Beethoven,  la  cantate  pour 
l'anniversaire  de  Schiller.  Ce  qu  il  cherchait  avant  tout,  c'était  l'origi- 
nalité et  l'attrait  du  sujet.  L'inspiration  le  saisissait  alors  ;  il  écrivait. 

11  a  écrit  de  la  sorte  beaucoup  de  morceaux  de  circonstance,  mais 
toujours  avec  cette  distinction  de  pensées,  ce  fini  de  style  qui  immor- 
talisent ses  œuvres  à  vastes  proportions.  Un  de  ceux  qu'on  peut  dire 
le  mieux  réussis,  c'est  un  chœur  double,  à  huit  voix,  chanté  à  l'occa- 
sion d'une  cérémonie  nuptiale,  qui  fit  en  son  temps  quelque  bruit. 
Mais  qu'ils  sont  rares  les  mariés  assez  épris  de  musique  pour  en  vou- 
loir de  vraiment  belle  à  leurs  noces,  et  pour  se  passer  la  fantaisie 
princière  d'une  phalange  de  choristes  !  Cette  exquise  composition  cou- 
rait donc  grand  risque  de  rester  à  peu  près  sans  emploi.  Meyerbeer  le 
pressentit  tout  le  premier  ;  et  le  premier  il  eut  l'idée  de  faire  adapter 
à  ce  chœur  vocal  des  strophes  poétiques,  d'un  sens  moins  exception- 
nel, d'une  application  plus  étendue  et  plus  haute. 

Un  charmant  poëte,  dont  le  grand  musicien  s'est  mainte  fois  associé 
le  talent  ingénieux  et  flexible,  M.  Emile  Deschamps,  consentit  à  se 
charger  de  cette  tâche  délicate.  Personne  ne  connaît  plus  à  fond  que 
M.  Desshamps  l'art  de  donner  une  allure  dégagée,  svelte,  élégante  aux 


vers  qu'il  découpe  avec  tant  d'adresse  sur  une  cantilène  déjà  écrite,  en 
dépit  des  entraves  du  mètre,  du  rhythme,  de  la  prosodie.  La  Prière  du 
matin  est  un  nouveau  témoignage  d'une  dextérité  de  plume  si  peu 
commune. 

Ces  trois  strophes,  d'un  noble  langage,  reproduisent  avec  fidélité  l'es- 
prit profondément  religieux,  la  suave  onction  de  toutes  les  phrases  mé- 
lodiques. Nul  doute  que  le  compositeur,  d'habitude  si  difficile  à  con- 
tenter en  pareille  matière,  n'ait  trouvé  sa  pensée  musicale  pleinement 
reflétée  dans  le  sujet  et  le  style  de  ce  petit  poëme.  La  sereine  douceur, 
le  charme  séraphique  de  ce  chant  majestueux,  de  ces  amples  harmo- 
nies, s'y  montrent  dans  leur  véritable  lumière,  pour  rayonner  d'un 
éclat  plus  transparent  et  plus  pur.  La  grâce  de  la  mélodie  est  ici  rehaus- 
sée par  les  artifices  de  la  mise  en  œuvre. 

Indiquons,  en  courant,  le  caractère  solennel  du  choix  des  accords, 
l'habile  contraste  des  nuances,  l'ingénieuse  enharmonie  qui  promène 
l'oreille  du  ton  de  ré  bémol  au  ton  de  la  bécarre  majeur  et  vice  versa, 
l'heureuse  alternative  enfin  du  groupe  vocal  des  femmes  opposé  â  celui  des 
hommes  dans  la  deuxième  strophe ,  avant  que  toutes  les  voix  ne  se 
confondent  dans  le  pompeux  ensemble  de  la  troisième.  La  gradation 
des  moyens  est  curieusement  ménagée  ;  l'effet  n'en  devient  que  plus 
saisissant.  Aussi  ce  cantique ,  à  la  fois  grandiose  et  doux ,  écrit  à  huit 
parties,  sans  accompagnement  obligé,  et  conçu  pour  deux  masses  cho- 
rales, est-il  assurément  appelé  à  tenir  le  premier  rang  dans  le  réper- 
toire de  toute  société  musicale  qui  a  le  sentiment  du  beau.  Les  concerts 
du  Conservatoire  particulièrement,  les  concerts  populaires  du  Cirque  y 
trouveront  la  certitude  d'un  nouveau  succès,  et  le  public  une  occasion 
nouvelle  de  déplorer  l'irréparable  perte  du  génie  fécond  et  puissant 
qui  posséda  mieux  que  nul  autre  le  secret  de  le  toucher,  de  le  passionner, 
de  l'enthousiasmer. 

A  cet  immense  tribut  de  regrets,  un  pianiste-compositeur  éminent, 
M.  Henry  Litolff,  a  voulu  associer  l'accent  de  son  deuil  personnel.  La 
Marche  funèbre  qu'il  a  dédiée  à  la  mémoire  de  Meyerbeer  est  une  sorte 
de  lamento ,  très-digne  de  cette  glorieuse  mémoire. 

Les  grands  sujets  sinistres,  on  le  sait,  sont  loin  d'effrayer  M.  Litolff. 
Sa  plume  ne  recule  pas  devant  les  teintes  les  plus  sombres.  Il  rencontre 
souvent  des  chants  et  des  sonorités  instrumentales,  tristes  comme  les  Nuits 
d'Young.  En  cela  son  génie  se  rapproche  du  génie  tragique  anglais. 
Jugez  si  les  épouvantements  de  la  mort,  et  d'une  telle  mort,  devaient 
être  rendus  dans  toute  leur  austère  solennité  par  un  interprète  aussi 
pénétré,  aussi  éloquemment  expressif!  Rien  de  plus  douloureux  en 
effet,  de  plus  imprégné  de  larmes,  rien  qui  respire  plus  amèrement  la 
morne  désespérance  d'une  âme  navrée,  que  la  physionomie  générale  de 
cette  Marche  funèbre. 

Tout  ce  que  le  crayon  de  Barbizet  s'est  plu  à  mélanger  dans  le  des- 
sin du  titre,  urne  cinéraire,  mausolée,  saule  pleureur,  couronne  tumu- 
laire,  palme  renversée,  lyre  aux  cordes  détendues,  tous  ces  symboles 
décourageants,  de  la  tombe,  qui  nous  répètent  comme  le  trappiste, 
«  Frère,  il  faut  mourir  »,  —  prennent,  au  souffle  inspiré  du  musicien, 
une  voix  lamentable.  Naturellement  cette  composition  lugubre  est  conçue 
en  do  mineur  comme  toute  marche  qui  connaît  son  devoir  de  marche 
funèbre.  Mais  à  la  mélancolie  de  cette  tonalité  presque  consacrée, 
M.  Litolff  sait  encore  ajouter  par  des  rhythmes  et  des  associations  d'ac- 
cords d'un  lugubre  à  troubler  et  remuer  le  cœur. 

La  persistance  du  mode  mineur  par  exemple  {do  mineur  pour  le  pre- 
mier chant,  sol  mineur  pour  le  second)  suffirait  à  revêtir  le  morceau 
tout  entier  d'une  couleur  sépulcrale.  A  peine  le  mode  majeur  apparaît- 
il  un  instant,  pâle  et  douloureux  sourire,  avec  la  troisième  phrase  en 
mi  bémol.  Encore  l'artiste  y  glisse-t-il  à  dessein  des  dissonances  inci- 
sives, tranchantes  comme  la  faux  de  la  mort;  parfois  aussi  l'équivoque 
d'une  tonalité  nuageuse,  voilée  comme  le  regard  au  travers  des  pleurs. 
La  mélodie  du  début,  très-accusée  dans  la  nuance  fortissimo,  contraste 
vivement  avec  le  chant  plaintif  et  gémissant  qui  la  suit,  et  sous  lequel 
un  dessin  de  trois  notes  (si  bémol,  la,  sol),  obstinément  murmuré  à  la 
basse,  vingt  fois  de  suite  peut-être,  exprime  l'abattement  et  la  conster- 
nation. Plus  loin,  un  petit  dessin  sangloté  de  trois  sol  consécutifs  porte 
à  l'âme  une  irrésistible  impression  de  défaillance. 

De  ces  observations  réunies,  le  lecteur  doit  conclure  que  la  Marche 
funèbre,  dédiée  à  la  mémoire  de  Meyerbeer,  est  essentiellement  dra- 
matique. Quoique  écrite  tout  simplement  pour  le  piano,  soit  à  deux, 
soit  à  quatre  mains,  elle  renferme  de  véritables  effets  d'orchestre.  La 
conception  en  est  noble;  la  couleur  forte  et  vraie;  la  forme  claire  et 
précise;  le  style  caractéristique  et  généralement  inattaquable,  malgré 
quelques-unes  de  ces  témérités  que  l'auteur  paraît  affectionner,  mais 
dont  l'âpreté  un  peu  trop  crue  fera  toujours  plus  de  tort  à  sa  pensée 
qu'elle  ne  lui  ajoutera  d'originalité  réelle.  Ceci  réservé,  nous  n'hésitons 
pas  à  considérer  cette  Marche  funèbre  comme  une  composition  fort  re- 
marquable, qui  doit  certainement  compter  parmi  les  meilleures  pages 
tracées  par  la  plume  pittoresque  de  M.  Litolff. 

Maurice  BOURGES. 


DE  PARIS. 


219 


Dcpnrt  et  Retour  ,    nouveau  chœur  de  concours ,    ■paroles  de 
A.  Vialon,  musique  de  G.  Kastner,  membre  de  V Institut. 

11  appartenait  à  l'auteur  des  Chants  de  la  vie  plus  qu'à  tout  autre 
compositeur  choral,  de  continuer  son  œuvre  en  enrichissant  nos  con- 
cours d'orphéons  de  compositions  nouvelles  qui,  par  leur  forme,  leur 
importance,  fussent  dignes  de  figurer  dans  ces  luttes  si  pacifiquement 
achevées. 

Le  chœur  nouveau  de  G.  Kastner  est  écrit  à  quatre  voix  d'hommes. 
Il  est  divisé  en  deux  parties  bien  distinctes,  l'Hiver  et  le  Printemps. 
Les  deux  basses  commencent  en  ut  mineur  par  un  bel  et  sombre  unis- 
son, qui  dure  seize  mesures  ;  puis,  les  quatre  voix  se  groupent  en  har- 
monisant l'unisson  du  début.  Un  joli  six-huit  rompt  la  monotonie  que 
pourrait  faire  naître  un  quatre  temps  trop  prolongé,  et  cette  partie  de 
l'œuvre  n'en  est  pas  la  moins  pittoresque.  Le  Printemps  s'annonce  par 
le  ton  frais  d'ut  majeur  à  quatre  temps;  et  comme,  de  nos  jours,  toute 
musique  destinée  au  public  se  termine  par  une  valse,  G.  Kastner,  qui 
a  autant  d'esprit  que  de  science,  a  terminé  son  chœur  par  un  mouve- 
ment à  trois  temps.  Le  début  de  cette  jolie  coda  est  original.  Vous 
croyez  peut-être  que  l'auteur  entre  en  matière  par  la  tonique  d'ut  tout 
simplement?  Détrompez-vous,  candides  harmonistes;  c'est  par  l'accord 
passionné  de  septième  dominante,  dont  le  troisième  renversement  frémit 
à  la  basse,  que  l'auteur  a  commencé  sa  jolie  valse.  Sur  ces  paroles  : 
J'aime  à  l'entendre,  G.  Kastner  a  écrit  une  charmante  phrase  en  sol  ma- 
jeur, qui  inonde  de  lumière  la  masse  chorale.  Le  motif  principal  appa- 
raît encore  pour  se  fondre  dans  une  conclusion  dont  les  derniers  ac- 
cords retardent  la  tonalité  générale  avec  une  indécision  calculée  du 
plus  heureux  effet. 

Ce  chœur  a  été  exécuté  avec  succès  le  3  juillet  1864  au  concours 
d'Amiens,  où  il  avait  été  imposé;  et  son  effet  a  été  si  général,  qu'on 
peut  affirmer  qu'avant  la  saison  prochaine,  Départ  et  Retour  fera  partie 
du  répertoire  de  toutes  les  bonnes  et  fortes  sociétés  de  la  France  et  de 
la  Belgique. 

A.  ELWART. 


SAISON  MUSICALE  DE  BÂDE. 

Bade,  7  juillet. 

Le  début  de  notre  saison  musicale  s'est  annoncé  avec  éclat  par  les 
deux  concerts  de  M.  et  Mme  Léonard,  avec  le  patronage  et  le  concours 
de  Mme  Viardot,  et  de  M.  et  Mlle  Heermann. — C'est  la  première  fois  que 
M.  et  Mme  Léonard  viennent  nous  visiter;  mais  nous  n'avons  pas  tardé 
à  reconnaître  dans  le  célèbre  violoniste  l'émule  de  Vieuxtemps  et  l'un 
des  plus  brillants  représentants  de  l'école  belge;  quant  à  Mme  Léonard, 
nièce  de  lime  Garcia  et  cousine  par  conséquent  de  Mme  Viardot,  il  lui  a 
suffi  de  se  montrer  pour  conquérir  la  faveur  du  public.  Charmante  et 
gracieuse  comme  femme,  elle  est  en  même  temps  chanteuse  de  premier 
ordre.  Sa  voix  de  soprano  est  mélodieuse  et  étendue;  sa  méthode  est 
celle  des  Garcia,  à  l'école  desquels  elle  a  été  instruite.  Quoique  légère- 
ment indisposée,  elle  a  montré  avec  avantage  toutes  ses  brillantes  qua- 
lités dans  l'air  de  la  Traviata,  et  surtout  dans  les  variations  concertantes 
d'Adam  avec  accompagnement  de  flûte,  qu'elle  a  dites  avec  une  rare 
perfection.  Elle  a  ensuite  enlevé  l'auditoire  en  disant  en  duo  avec 
Mme  Viardot  los  Officialitos  et  la  Jota  de  los  estudiantes,  ces  airs  popu- 
laires espagnols  si  pleins  d'imprévu  et  de  gaieté  que  les  deux  artistes 
rendent  avec  toute  la  verve,  l'entraîn  et  la  couleur  du  pays.  Mme 
Viardot  avait  auparavant  chanté  avec  ce  talent  dramatique  qu'elle  pos- 
sède à  un  si  haut  degré,  le  Roi  des  Aunes,  de  Schubert,  et  un  lied  de 
Schumann.  Quant  à  Léonard  il  a  joué  trois  morceaux  de  sa  composition; 
une  fantaisie  pastorale  avec  orchestre  sur  des  motifs  de  Richard  Cœur 
de  Lion;  un  duo  pour  violon  seul,  véritable  tour  de  force,  et  enfin  un 
souvenir  de  Haydn  avec  quatuor  d'instruments  à  cordes,  et  dans  chacun 
de  ces  morceaux  nous  avons  pu  apprécier  et  applaudir  la  correction 
et  la  sûreté  merveilleuse  de  son  jeu,  la  pureté  et  l'admirable  qualité 
du  son,  l'ampleur  ,et  l'élégance  de  son  coup  d'archet,  l'agilité  des 
traits  et  l'exquise  suavité  du  chant  ;  en  un  mot  toutes  les  qualités  qui 
font  de  Léonard  un  artiste  accompli.  Aussi  les  bravos  et  les  acclama- 
tions ont-ils,  pendant  toute  la  durée  de  ce  concert,  témoigné  aux  deux 
artistes  la  satisfaction  et  l'enthousiasme  de  l'auditoire  aristocratique 
qui  remplissait  le  salon  Louis  XIII. 

Le  second  concert,  qui  a  eu  lieu  hier,  a  été  donné  par  M.  et 
Mlle  Heermann,  deux  beaux  talents.  M.  Heermann,  quoique  fort  jeune 
encore,  joue  supérieurement  du  violon.  L'énergie  ne  lui  manque  pas.  Il 
tire  un  beau  son  de  son  instrument;  il  a  beaucoup  de  goût  et  un  fort 
bon  style.  Il  a  merveilleusement  chanté ,  c'est  le  mot,  la  belle  ballade 
et  la  polonaise  de  Vieuxtemps,  et  son  succès  n'a  pas  été  moins  grand 
ici  que  celui  qu'il  obtint  à  Paris  l'hiver  passé.  Sa  sœur,  MllelIeermanD, 
est  une  toute  gentille  et  gracieuse  blonde  de  dix-sept  ans.  Assise 
derrière  sa  belle  harpe  d'Erard,  elle  parait  une  ravissante  miniature.  Elle 


a  déjà  beaucoup  de  talent,  et  elle  ira  loin  si  elle  continue.  Chose  re- 
marquable, elle  ne  fait  pas  de  grimaces  comme  la  plupart  des  harpistes. 
Sa  physionomie  reste  souriante,  ce  qui  n'exclut  pas  le  sentiment  et  la 
grâce,  voire  même  l'énergie,  de  son  exécution.  C'est  ce  dont  le  public 
a  pu  se  convaincre  aisément  en  entendant  la  jeune  virtuose  exécuter 
deux  charmantes  fantaisies  sur  des  airs  anglais  de  Thomas  et  d'Ober- 
thiir.  La  grande  pianiste,  Mme  Clara  Schumann,  nous  a  fait  entendre 
le  beau  quintelto  de  son  mari,  et  il  est  à  regretter  que  cette  œuvre  plus 
que  remarquable  ne  soit  pas  plus  connue.  Mme  Viardot  a  dit  deux  lieder 
allemands  de  sa  composition,  avec  violon  et  violoncelle,  accompagnés 
par  MM.  Ilermann  et  Oudsborn,  et  deux  autres  de  R.  Schumann,  dont 
l'accompagnateur  naturel  était  Mme  Schumann.  Vous  comprenez  la  per- 
fection qui  a  signalé  l'exécution  de  deux  talents  pareils.  La  salle  était 
comble;  l'élite  de  nos  aristocratiques  visiteurs  s'y  était  donné  rendez- 
vous.  On  y  remarquait,  entre  autres,  le  grand-duc  et  la  grande-du- 
chesse de  Bade,  le  duc  de  liesse  avec  la  duchesse.  Le  premier  a  donné, 
après  chaque  morceau,  le  signal  d'applaudissements  enthousiastes. 

Pour  le  15,  nous  aurons  la  représentation  du  Déserteur  et  la  première 
de  De  par  le  roi,  musique  de  G.  Héquet. —  La  deuxième  représentation 
de  cette  nouveauté  aura  lieu  le  18  avec  Richard  Cœur  de  JÀon. — l'ourle 
22,  on  annonce  les  Papillotes  d.e  M.  Benoit,  les  Noces  de  Jeannette,  et  la 
première  de  la  Fleur  de  lotus. — Pour  le  25,  les  Sabots  de  la  marquise,  Maître 
Wolfram  et  la  deuxième  do  la  Fleur  de  lotus.— Enfin,  pour  le  29,  Zampa 
et  Volage  et  Jaloux,  de  Rosenhain.  Vous  voyez  que  notre  menu  lyrique 
est  aussi  riche  que  varié. 

M.  S. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  Reprise  de  la  Comtesse  d'Escar baguas,  comédie, 
et  de  Mélicerte,  intermède,  de  Molière. —  Variétés  :  Les  Mémoires 
d'une  femme  de  chambre,  comédie-vaudeville  en  deux  actes,  par 
MM.  Siraudin,  Clairville  et  Blum  ;  les  Pinceaux  d'Héloïse,  vaude- 
ville en  un  acle,  par  MM.  Adolphe  Choler  et  Henri  Rochefort. — 
Palais-Royal  :  Les  Femmes  sérieuses,  comédie-vaudeville  en  trois 
actes,  par  MM.  Siraudin,  Delacour  et  Blum.  —  Ambigu  :  La  Fille 
du  maudit,  drame  en  cinq  actes  et  sept  tableaux,  par  M.  Jules 
Barbier. 

La  liberté  des  théâtres  est  un  fait  consommé  ;  depuis  six  mois,  la 
date  du  1er  juillet  était  fixée  pour  le  début  de  cette  ère  nouvelle; 
les  entrepreneurs,  les  directeurs,  les  auteurs  ont  donc  eu  le  temps 
de  s'y  préparer,  et  cependant  nous  ne  comptons  pas  aujourd'hui  une 
scène  de  plus  que  sous  le  régime  des  privilèges.  Ce  n'est  pas  préci- 
sément un  regret  que  nous  formulons;  c'est  un  fait  qu'il  est  bon  de 
constater  pour  répondre  aux  craintes  exagérées  de  quelques  esprits 
chagrins  qui  croyaient  voir  dans  l'avènement  de  cette  liberté  le  si- 
gnal d'un  cataclysme  universel.  Nous  ne  savons  ce  que  l'avenir  nous 
réserve  ;  car  nous  n'ajoutons  qu'une  foi  médiocre  à  tous  les  projets 
qui  sont  dans  l'air  ;  pour  le  moment,  il  n'y  a  rien  de  changé,  et  sauf 
quelques  variations  de  genres,  nous  restons  dans  le  statu  quo. 

Par  une  anomalie  assez  étrange,  et  qui  n'est  peut-être  qu'une  épi- 
gramme  à  l'adresse  de  ses  confrères  émancipés,  le  Théâtre-Français 
va  chercher  dans  les  œuvres  de  Molière  ce  qu'il  a  produit  de  moins 
saillant,  à  l'instant  même  où  la  Porte-Saint-Martin  fait  jouer  YAvare 
par  Moutdidier,  et  où  le  théâtre  Déjazet  montre  Tartufe  et  le  Dépit 
amoureux,  de  compte  à  demi  avec  les  artistes  de  l'Odéon  en  vacan- 
ces. Quoi  qu'il  en  soit,  nous  ne  comprenons  guère  l'utilité  de  cette 
reprise  de  la  Comtesse  d'Escarbagnas,  que  la  Comédie  française 
avait  eu  le  bon  goût  de  laisser  dormir  depuis  un  grand  nombre  d'an- 
nées, et  encore  moins  celle  du  fragment  de  Mélicerte,  qu'elle  a  cru 
devoir  intercaler  dans  la  pièce  en  question.  11  faut  bien  l'avouer,  en 
dépit  du  respect  que  l'on  doit  à  Molière,  la  Comtesse  d'Escarbagnas 
est  une  froide  caricature  de  la  noblesse  de  province,  que  l'on  ne 
comprend  plus  aujourd'hui,  et  Mélicerte  est  une  insipide  pastorale 
qui,  de  tout  temps,  a  été  considérée  comme  l'une  des  rares  erreurs 
de  ce  génie  incomparable. Pour  justifier  un  pareil  caprice,  les  comédiens 
du  Théâtre-Français  n'ont  pas  même  l'excuse  d'une  interprétation 
satisfaisante;  il  est  vrai  que  là  où  il  n'y  a  rien,  ou  du  moins  peu 
de  chose,  le  roi  perd  ses  droits. 


220 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


—  Aux  Variétés,  on  a  joué  les  Mémoires  d'une  femme  de  chambre, 
qui  n'ont  aucun  rapport  avec  le  livre  dont  la  publication  récente  a  causé 
un  moment  de  scandale  bien  vite  étouffé.  Le  titre  seul  est  identique, 
mais  le  sujet  est  d'invention;  c'est  ce  qu'on  appelle,  en  termes  de 
coulisses,  une  pièce  à  côté.  M.  Dumoulin,  bourgeois  enrichi,  veut 
donner  à  sa  femme  le  luxe  d'une  femme  de  chambre;  par  malheur 
il  met  la  main  sur  une  demoiselle  Martin,  qui  n'est  autre  chose  qu'un 
bas-bleu  déguisé,  et  dont  le  but  est  de  s'introduire  dans  une  famille 
bourgeoise,  afin  d'en  étudier  les  habitudes  et  les  mœurs.  M.  Du- 
moulin, secrètement  instruit  des  projets  de  Mlle  Martin,  et  peu  jaloux 
de  se  voir  imprimé  tout  vif  dans  le  déshabillé  de  sa  caste,  prend 
devant  la  femme  de  chambre  des  allures  qui  ne  sont  pas  les  siennes, 
et  finit  par  tomber  dans  de  tels  excès  que  Mlle  Martin  s'aperçoit 
qu'elle  a  fait  fausse  route,  et  qu'il  lui  faut  aller  chercher  ses  études 
chez  un  autre  bourgeois,  moins  fantasque  et  moins  excentrique. 

Ce  vaudeville  est  amusant  ;  mais  comme  bouffonnerie,  il  est  bien 
loin  de  valoir  les  Pinceaux  d'Hélo'ise,  dont  la  représentation  a  eu 
lieu  quelques  jours  après.  Ici,  il  s'agit  encore  d'un  bon  bourgeois, 
dont  la  femme,  vouée  en  apparence  aux  calmes  douceurs  du  pot- 
au-feu,  se  livre  mystérieusement  à  l'amour  effréné  de  l'art.  Quand 
son  mari  est  sorti,  elle  se  transforme  en  peintre,  et  elle  brosse  un 
tableau  qui  doit  faire  un  jour  révolution  ;  c'est  le  sujet  de  Joseph 
chez  Mme  Puiiphar.  Mais  il  lui  faut  un  modèle,  et  sa  servante 
lui  amène  en  cachette  un  ténor  qui  s'est  trompé  d'étage,  et  qui,  se 
croyant  en  bonne  fortune,  se  laisse  complaisamment  affubler  du  cos- 
tume de  Joseph.  Le  véritable  modèle  arrive  à  son  tour  et  se  travestit 
également  en  personnage  biblique.  Puis,  le  mari  tombe  au  milieu  de 
ces  échappés  de  Bicêlre,  et  le  quiproquo  prend  alors  des  proportions 
insensées.  Bref,  lorsqu'on  a  bien  ri,  la  farce  se  termine  par  un  em- 
brassement  général,  et  l'on  rappelle  Alphonsine  et  Dupuis,  pour  les 
cribler  d'applaudissements,  tout  comme  à  l'Opéra. 

—  Il  y  a  une  idée  à  la  fois  physiologique  et  morale  au  fond  de  la 
comédie  des  Femmes  sérieuses  que  le  Palais-Royal  a  risquée  der- 
nièrement pour  remplacer  son  éternelle  Cagnotte;  mais,  bon  Dieu! 
comme  cette  idée  s'est  égarée  en  chemin,  et  quelles  jambes  il  fau- 
drait pour  la  rattrapera  la  course!  Les  femmes  légères,  parvenues 
à  un  certain  jalon  de  leur  carrière  joyeuse,  enfourchent  presque 
toutes  le  même  dada:  devenir  des  femmes  sérieuses,  congédier  les 
amants,  empaumer  un  vrai  mari  et  acquérir  une  position  quelconque, 
en  dehors  de  leur  quart  de  monde;  tel  est  leur  rêve.  Pour  celles 
qui,  en  petit  nombre,  atteignent  la  réalité,  il  en  est  d'autres,  et  c'est 
la  foule,  qui  n'ont  pas  le  courage  de  persévérer  dans  la  bonne  voie  ; 
c'est  pour  celles-là  qu'on  a  fait  le  proverbe  :  «  chassez  le  naturel,  il 
revient  au  galop.  »  Mlle  Henriette,  par  exemple,  s'est  engagée  résolu- 
ment à  se  convertir,  comme  son  amie  Mlle  Charlotte  ;  en  attendant 
un  mari,  elle  a  pris  déjà  un  professeur  de  français,  une  maîtresse  de 
maintien;  elle  s'est  installée  derrière  un  comptoir  de  marchande  de 
tabac,  enfin  elle  a  fait  peau  neuve.  Mais  au  premier  choc,  l'é- 
tincelle jaillit,  et  la  femme  légère  reprend  feu,  à  l'instar  d'une  bougie 
mal  éteinte.  Mlle  Henriette  ferme  sa  boutique  pour  tailler  un  baccarat 
avec  ses  anciennes  compagnes  ;  puis  les  voilà  qui  se  font  toutes  en- 
semble comédiennes,  et  qui  vont  se  promener  au  bois,  trop  heureuses 
de  trouver  finalement  un  refuge  dans  une  crémerie  fondée  par  l'an- 
cien domestique  d'Henriette. 

Cette  comédie  mal  venue,  et,  ce  qu'on  ne  voit  guère  au  Palais- 
Royal,  jouée  faiblement,  n'a  pas  été  accueillie  avec  beaucoup  de  fa- 
veur. Sans  être  sorcier,  on  peut  prédire  qu'elle  n'aura  pas  le  quart 
des  représentations  de  la  pièce  à  laquelle  elle  succède,  et  qui  n'était 
pourtant  point  un  chef-d'œuvre. 

—  M.  Jules  Barbier  est  très-connu  à  l'Opéra-Comique,  où  il  a  été 
longtemps  le  collaborateur  à  peu  près  exclusif  de  M.  Michel  Carré.  Il 
paraît  que  cette  association  est  aujourd'hui  rompue  ;  car,  tandis  que 
M.  Michel  Carré  continue  à   travailler   pour  les    théâtres  lyriques, 


M.  Jules  Barbier  fait  des  drames  pour  le  boulevard  et  y  trouve  des 
succès  sans  partage.  La  Fille  du  maudit,  qu'il  vient  de  faire  repré- 
senter à  l'Ambigu,  est  une  œuvre  un  peu  longue  peut-être,  mais  qui 
dénote  d'eKtimables  et  solides  qualités.  C'est  à  peu  près  la  même  si- 
tuation que  celle  de  Jean  Valjean  dans  les  Misérables,  de  Victor  Hugo. 
Un  homme  que  la  fatalité  a  mis  au  ban  de  la  société  a-t-il  le  droit 
de  goûter  les  joies  de  la  famille  et  de  confisquer  à  son  profit  la  ten- 
dresse d'une  jeune  fille  qui  n'est  pas  marquée,  comme  lui,  du  sceau 
de  la  malédiction  universelle  ?  Jean  Valjean  est  un  galérien  ;  plus  à 
plaindre  encore  que  cet  infortuné  qui.  après  tout,  a  payé  sa  dette, 
Wilson  a  été  bourreau,  et  rien  ne  peut  effacer  la  tache  sanglante 
qu'il  porte  au  front.  C'est  lui  qui,  sous  le  nom  d'Hewlet,  a  fait  tom- 
ber la  tête  du  roi  Charles  Ier,  ainsi  que  celle  des  principaux  royalistes 
condamnés  par  la  politique  de  Cromwell.  En  vain  a-t-il  vécu  depuis 
dans  l'isolement  et  s'esl-il  consacré  à  l'éducation  d'une  jeune  orphe- 
line qu'il  a  recueillie  au  pied  même  de  l'échafaud.  Un  jour  arrive  où 
son  passé  vient  mettre  une  barrière  infranchissable  entre  lui  et  sa  fille 
d'adoption.  Il  apprend  tout  à  coup  qu'Anna  doit  l'existence  au  duc 
Hamilton,  un  des  grands  seigneurs  qu'il  a  frappés  de  sa  hache,  et 
alors  se  reproduit  le  combat  que  Victor  Hugo  a  si  admirablement 
tracé  dans  la  dernière  partie  de  son  livre,  entre  le  devoir  de  l'homme 
et  le  cœur  du  père.  De  même  que  dans  les  Misérables,  Wilson  se  ré- 
signe à  une  séparation  nécessaire,  et  ce  jour-là  même,  il  sort  volon- 
tairement de  la  vie. 

Nous  n'avons  fait  qu'indiquer  la  donnée  principale  du  drame  de 
M.  Jules  Barbier.  Les  innombrables  péripéties  qui  s'y  succèdent  nous 
entraîneraient  beaucoup  trop  loin.  La  Fille  du  maudit  est  une  pièce 
habilement  charpentée,  toute  pleine  d'un  intérêt  puissant,  et,  de  plus, 
littéraire.  Elle  est,  en  général,  fort  bien  interprétée,  et  l'on  y  applau- 
dit notamment  une  jeune  débutante  nommée  Mlle  Heyman,  qui  pos- 
sède tout  ce  qu'il  faut  pour  devenir  une  des  étoiles  du  genre. 

!).  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  les  Vêpres  Siciliennes, 
mardi  Guillaume  Tell  et  vendredi  Robert  le  Diable,  pour  le  début  de 
Morère  et  la  rentrée,  après  son  congé,  de  Belval. 

**„,  On  jeune  chanteur,  qui  avait  fait  ses  débuts  à  l'Opéra,  en  sortant 
du  Conservatoire,  Morère,  nous  est  revenu  vendredi,  après  avoir  ob- 
tenu de  grands  succès,  notamment  à  Marseille.  C'est  dans  Robert  le 
Diable  quil  a  reparu,  et  le  choix  de  ce  rôle  prouve  qu'il  voulait 
donner  au  public  parisien  une  idée  complète  de  ses  progrès  et  de 
son  talent.  En  effet,  Morère  a'  beaucoup  gagné  comme  acteur  et 
comme  chanteur  :  il  s'est  distingué  dans  plusieurs  parties  de  la  tâche 
difficile  et  brillante  qu'il  avait  entreprise;  au  troisième  acte,  il  a  mon- 
tré beaucoup  de  chaleur  et  d'éclat  dans  le  duo  :  Des  chevaliers  de  ma 
patrie.  Une  vive  émotion,  que  l'on  concevra  sans  peine,  ne  lui  a  pas 
permis  de  rester  toujours  au  même  niveau.  Mais  cette  première  épreuve 
en  fait  désirer  prochainement  une  seconde,  dans  laquelle  le  succès  du 
nouveau  ténor  ne  pourra  qu'augmenter. — Belval,  qui  rentrait  par  le  rôle 
de  Bertram,  y  a  souvent  mérité  des  bravos. 

x**  Demain  première  représentation  de  Nemea.  Mlle  Mouravieff  et  Me- 
rante  danseront  les  deux  principaux  rôles. —  Mlle  Parent  étant  en  congé 
sera  remplacée  dans  le  ballet  par  Mile  Louise  Fiocre. — Une  très-jolie  dan- 
seuse du  corps  de  ballet,  Mlle  Elise  Volter,  y  débutera  dans  un  pas  char- 
mant — A  la  répétition  générale,  qui  a  eu  lieu  hier  soir,  on  a  été  émerveillé 
de  deux  écots  de  Mlle  Mouravieff,  traduisant  en  pas  d'une  singulière 
originalité  et  d'une  difficulté  inouïe,  un  solo  de  flûte  et  une  chanson  à 
boire.  —  Une  berceuse,  ayant  de  l'analogie  avec  la  Nia-Ma  de  Diavo- 
lina,  mais  du  plus  délicieux  effet,  a  été  applaudie  avec  enthousiasme. 

**„.  Bonnehée,  dont  l'engagement  vient  d'expirer,  quitte  définitive- 
ment l'Opéra  où  il  a  chanté  onze  ans  avec  un  succès  soutenu.  Il  est 
parti  pour  sa  ville  natale;  il  s'y  reposera  quelque  temps.  Il  se  rendra 
ensuite  en  Italie,  son  intention  étant,  comme  nous  l'avons  dit,  d'em- 
brasser la  carrière  italienne. 

*%  Mme  Zina-Merante,  dont  l'engagement  à  l'Opéra  va  finir,  vient 
d'en  signer  un  pour  la  saison  du  carnaval  et  du  carême  au  théâtre  de 
la  Scala  à  Milan.  Son  mari  profitera  de  son  congé  pour  l'y  conduire. 


DE  PARIS. 


221 


„*„  Mlle  Camille  de  Maesen  doit  continuer  ses  débuts  dans  le  Comte 
Ory. 

„%  En  mrme  temps  qu'on  procède  activement  aux  réparations  de  la 
salle  de  l'Opéra  Comique,  la  direction  de  ce  théâtre  s'occupe  avec  solli- 
citude de  sa  saison  prochaine.  Si  nous  sommes  bien  informés,  la  réou- 
verture se  ferait  par  une  reprise  du  Pré  aux  Clercs  remonté  avec  éclat, 
et  dans  lequel  Achard  chanterait  le  rôle  de  Mergy.  —  Les  nouveautés 
qui  entreront  successivement  à  l'étude  seraient  :  D'abord  la  pièce  de 
Félicien  David,  Tout  est  bien  qui  finit  bien,  dont  MM.  de  Leuven,  Michel 
Carré  et  lladot  ont  écrit  les  paroles  ;  ensuite,  l'opéra  de  MM.  Sardou 
et  Gevaert,  le  Capitaine  Gaston,  et  enfin  les  Trésors  de  Pierrot,  paroles 
de  Michel  Carré  et  Trianon,  musique  de  M.  Eugène  Gautier. 

**t  La  Comédie  française  vient  de  reprendre  avec  un  grand  luxe  de 
décors,  de  costumes  et  de  mise  en  scène,  Esther,  tragédie  de  Racine. 
Nous  n'avons  point  à  faire  l'historique  de  l'œuvre  d'un  de  nos  premiers 
poètes  tragiques,  non  plus  qu'à  l'apprécier.  Depuis  Rachel,  qui  fut  loin 
d'y  réussir  comme  dans  Athaliè,  Esther  n'avait  pas  été  représentée.  Trop 
simple  d'action,  partant  d'un  médiocre  intérêt,  il  ne  fallait  pas  moins 
que  la  splendeur  dont  on  vient  d'entourer  cette  reprise  pour  la  rendre 
supportable  au  public  d'aujourd'hui.  Mais  le  Théâtre-Français  qui  a 
voulu  honorer  le  maître,  l'a  fait  avec  une  magnificence  et  une  recher- 
che archéologique  dignes  des  plus  grands  éloges.  Cette  recherche  se 
fait  sentir  dans  trois  belles  décorations  et  dans  l'exactitude  des  costu- 
mes, qui  sont  d'une  grande  richesse.  Comme  interprétation,  c'est 
Mlle  Favart  qui  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée  :  elle  est  d'une  adorable 
candeur  dans  ce  rôle  d'Esther,  auquel  elle  prête  un  charme  inexpri- 
mable. Elle  a  été  très-bien  secondée  par  Mmes  Ponsin,  Tordeus  et  De- 
voyod ,  MM.  Maubant  et  Guichard  ;  on  ne  se  représente  pas  bien  Aman 
dans  la  personne  de  M.  Gibeau.  —  M.  Jules  Cohen  a  écrit  pour  Esther, 
comme  il  l'avait  fait  pour  Athalie,  la  musique  des  chœurs.  Le  jeune 
compositeur  s'est  bien  pénétré  de  son  sujet  ;  sa  musique  a  la  couleur 
biblique  voulue;  elle  est  soigneusement  faite,  mais  on  y  voudrait  plus 
d'originalité  et  d'inspiration.  Toutefois,  c'est  une  composition  qui  lui 
fera  honneur.  Nous  ne  l'avons  entendue  qu'à  la  deuxième  représenta- 
tion, et  nous  constatons  avec  plaisir  le  bon  accueil  qu'elle  a  reçu.  On 
a  particulièrement  remarqué  le  chœur  chanté  derrière  la  toile  et  le 
finale  du  second  acte;  on  a  fait  répéter  ce  dernier,  dans  lequel 
Mlle  llauduit,  du  Conservatoire,  a  chanté  le  solo  avec  une  belle  voix  et 
beaucoup  d'expression.  La  salle  était  pleine  de  fort  beau  monde  à  cette 
représentation,  qui  sera  certainement  suivie  de  beaucoup  d'autres  sem- 
blables. 

»**  M.  Bagiera  confié  la  direction  des  chœurs  du  théâtre  Italien,  pour 
la  prochaine  saison,  à  M.  Hurand,  contre-bassiste  de  l'orchestre  et  orga- 
niste à  Saint-Eustache. 

„.**  Plusieurs  candidats  postulent  la  succession  de  M.  Castagneri 
comme  chef  d'orchestre  au  théâtre  Italien  :  on  cite  Bottesini,  le  célèbre 
contre-bassiste,  qui  l'a  déjà  conduit,  et  qui  vient  d'arriver  à  Paris  ; 
M.  Bosoni  et  M.  Orsini. 

*%  C'est  hier  soir  qu'a  du  avoir  lieu,  au  théâtre  Déjazet,  la  première 
représentation  de  la  Fille  du  maître  de  chapelle,  le  nouvel  opéra  de 
M.  Ventejoul.  Si  l'on  doit  juger  du  mérite  de  l'ouvrage  par  l'effet  qu'il 
a  produit  à  la  répétition  générale  qui  a  eu  lieu  jeudi,  il  obtiendrait  un 
beau  succès.  Nous  en  rendrons  compte  dimanche  prochain.  C'est  Mlle  Ga- 
rait, qu'on  a  entendue  à  l'Opéra-Comique,  qui  chante  le  rôle  principal. 

***  M.  Eugène  Déjazet  paraît  vouloir  faire  prédominer  l'opéra-corni- 
que  dans  son  théâtre.  Outre  l'opéra  de  M.  Ventejoul,  la  Fille  du  maître 
de  cluipelle,  on  annonce  que  le  directeur  a  reçu  deux  nouveaux  ouvra- 
ges :  l'Esprit  familier,  opérette  en  un  acte,  paroles  de  M.  Hippolyte 
Lucas,  musique  de  M.  Henri  Carben,  et  le  Réveillon  à  la  glace,  livret 
de  M.  Adolphe  Guenée,  musique  de  M.  Alb.  Vizentini,  violon-solo  au 
théâtre  Lyrique. 

*%  La  troupe  des  Bouffes-Parisiens  va  donner  des  représentations  au 
Théâtre-Français  de  Bordeaux. 

***  Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des 
théâtres  secondaires,  concerts,  spectacles -concerts,  etc.,  se  sont  éle- 
vées dans  le  mois  de  juin  à  1,100,396  fr.  04  c. 

a**  Les  concours  à  huis  clos  au  Conservatoire  se  continueront  de- 
main lundi  et  jours  suivants,  jusqu'à  jeudi  inclusivement.  Les  concours 
publics  commenceront  le  mercredi  20  juillet. 

*%  Au  moment  où  passait  sous  les  fenêtres  de  Rossini  le  convoi  de 
Meyerbeer,  l'illustre  auteur  de  Guillaume  Tell  payait  son  tribut  de  re- 
gret à  la  mémoire  du  génie  qui  venait  de  s'éteindre,  et  pour  lequel  il 
avait  une  véritable  amitié,  en  improvisant  un  hommage  funèbre  qui 
traduisait  éloquemment  son  profond  chagrin.  Rossini  a  voulu  complé- 
ter cet  hommage,  et  sur  sa  demande,  M.  Emilien  Pacini  vient  d'y 
ajuster  des  paroles. 

*%  La  marche  funèbre  de  Litolff  à  la  mémoire  de  Meyerbeer  a  le 
sort  de  toutes  les  belles  choses.  Plus  on  l'entend  et  plus  on  en  appré- 
cie la  conception  grandiose  et  profondément  triste.  Vendredi  dernier, 
nous  l'avons  encore  écoutée  dans  la  salie  d'Adolphe  Sax,  où  on  l'exé- 
cutait devant  un  auditoire  d'élite.   On  ne   saurait  trop  féliciter  les  ar- 


tistes, qui  l'interprètent  si  bien,  MM.  Monsen,  Hollebeke,  Vasseur,  Ro- 
byns,  Verleye  et  Clayette.  D'autres  morceaux  exécutés  dans  la  même 
séance,  et  surtout  le  duo  sur  des  motifs  de  Robert  le  Diable,  ont  pro- 
duit un  effet  extraordinaire  :  on  n'admirait  pas  moins  le  rare  talent 
des  artistes  que  la  colossale  puissance  des  instruments. 

„..%  Le  Trovatore  annonce  que  S.  M.  le  roi  Victor-Emmanuel  vient  de 
conférer  au  ténor  Calzolar:,  l'un  des  artistes  les  plus  distingués  du 
théâtre  impérial  italien  de  Saint-Pétersbourg,  l'ordre  des  saints  Maurice 
et  Lazare.  Calzolari  a  déjà  reçu  il  y  a  quelques  années  rie  S.  M. 
l'empereur  de  Russie  la  grande  médaille  d'or,  pour  le  mérite,  à  l'effigie 
de  l'Empereur;  cette  médaille,  qui  fut  donnée  à  Lablache,  à  Mme  Bo- 
sio,  et  dont  Tamberlick  est  également  décoré,  se  porte  au  cou,  sur  le 
ruban  de  Saint- André;  elle  est  entourée  de  diamants  d'une  valeur  de 
10,000  francs. 

**«  Un  grand  concours  d'artistes  et  d'amis  se  pressaient  samedi  de  la 
semaine  dernière  dans  l'église  de  Saint-Eugène  pour  assister  au  mariage 
de  M.  Achard  et  de  Mlle  Lepoitevin;  pendant  la  messe,  Mme  Vanden- 
heuvel-Duprez  a  chanté  à  l'orgue  un  O  Salutaris  qu'on  disait  être  de 
la  composition  de  son  mari. 

***  M.  Charles  Rety,  qui  succéda  à  M.  Carvalho  dans  la  direction  du 
théâtre  Lyrique,  vient  d'épouser  Mlle  Amélie  Faivre,  qui  a  chanté 
plusieurs  années  à  ce  théâtre.  Le  mariage  a  eu  lieu  à  Saint-Vincent  de 
Paul  Léo  DeliDes  tenait  les  orgues. 

„*,,  Charles  Wehle  a  passé  par  Paris,  venant  de  Soenabaja  (île  de  Java). 
L'intrépide  voyageur  était  forcé  de  se  rendre  sans  retard  dans  sa  ville 
natale  ( Prague J,  où  l'appellent  des  affaires  de  famille,  autrement  il 
aurait,  de  Java,  continué  sa  route  pour  la  Chine,  le  Japon  et  l'Australie, 
d'où  il  serait  revenu  par  le  Cap  Horn.  M.  Kletzer,  le  partenaire  de 
M  Wehle  dans  cette  immense  excursion,  visitera  probablement  tout 
seul  ces  lointains  pays,  mais  nous  publierons  incessamment  quelques 
détails  intéressants  sur  le  voyage  de  M.  C.  Wehle,  qui  reviendra  à  Paris 
pour  la  saison  d'hiver;  c'est  une  bonne  nouvelle  pour  ses  amis  et  élèves. 

t*t  Henri  Wieniawski,  le  violon  solo  des  théâtres  impériaux  de  Saint- 
Pétersbourg,  est  en  ce  moment  à  Paris. 

*%  On  nous  écrit  d'Amiens  que  soixante-quinze  sociétés  ont  pris 
part  au  grand  concours  d'orphéons  et  de  musique  instrumentale  orga- 
nisé dans  cette  ville.  Sept  jurys,  dont  nous  avons  donné  la  composition 
dans  notre  dernier  numéro,  ont  décerné  deux  prix  d'honneur  à  la  Grande 
Harmonie  de  Roubaix  et  à  la  Société  philharmonique  de  Maubeuge.  Un 
grand  banquet  a  clos  cette  solennité. 

„**  La  Société  des  quatuors  à  Florence  a  organisé  récemment  un 
festival-Mendelssohn,  où  l'on  n'a  exécuté  que  des  compositions  de  l'au- 
teur à'Elie.  C'est  son  octuor  qui  a  produit  le  plus  d'effet. 

s,**  L'éminent  pianiste  compositeur  Kruger  vient  de  recevoir  de  S. 
A.  I.  et  R.  Mme  la  duchesse  de  Brabant,  une  magnifique  épingle  en 
brillants  comme  témoignage  de  sa  haute  satisfaction  pour  la  dédicace 
de  son  morceau  intitulé  :  Air  de  ballet. 

„.%  Aujourd'hui,  à  l'occasion  de  la  fête  patronale  de  Charenton, 
grand  festival  organisé  par  la  commune  pour  les  orphéons ,  sociétés 
chorales,  musiques  d'harmonie  et  fanfares  de  Paris  et  de  la  banlieue. 
Une  fête  vénitienne,  un  feu  d'artifice  et  un  bal  termineront  la  solen- 
nité. 

^*t  M.  Panofka  vient  de  partir  pour  l'Italie,  où  il  passera  ses  vacan- 
ces. Avant  son  départ,  le  célèbre  professeur  a  envoyé  à  M.  le  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  des  sciences  une  lettre  cachetée  avec  prière 
de  la  garder  en  dépôt.  Cette  lettre  renferme  des  observations  scienti- 
fiques sur  la  voix  humaine,  que  M.  Panofka  se  propose  de  faire  con- 
naître à  son  retour. 

*%  Nous  lisons  dans  le  Journal  de  Maine-et-Loire,  à  propos  de  la  fête 
d'Angers  :  «Le  magnifique  concert  donné  le  26  juin  dans  le  jardin  du 
Mail  laissera  d'ineffaçables  souvenirs.  M.  Arban  conduisait  l'orchestre 
composé  de  12b  musiciens.- Au  commandement  de  sa  baguette  magique, 
tout  a  marché  avec  cet  ordre,  cette  discipline,  indispensables  à  l'exécu- 
tion et  au  caractère  magistral  de  la  musique  sérieuse.  On  se  ferait  dif- 
ficilement une  idée  de  l'ampleur  et  de  la  majesté  avec  lesquelles  le 
chœur  magnifique  de  la.Bénédiction  des  poignards  a  été  enlevé,  et  de  l'effet 
produit  par  cette  œuvre  sublime  du  génie  de  Meyerbeer.  Lorsque  en- 
suite, dépouillant  ses  fonctions  de  chef  d'orchestre ,  Arban  s'est  pro- 
duit comme  virtuose,  il  a  déployé  dans  deux  fantaisies  sur  le  Carnaval 
de  Venise  et  /(  Trovatore  toutes  les  richesses,  toutes  les  coquetteries  du 
jeu  le  plus  brillant.  Il  fait  littéralement  parler  le  cornet  à  pistons,  son 
instrument  traduit  les  larmes  du  trouvère  et  les  joies  folles  du  carnaval 
de  Venise,  avec  une  expression,  une  âme,  une  suavité  qui  font  douter  si 
l'on  entend  un  instrument  à  vent  ou  un  instrument  à  cordes.  Aussi, 
le  nombreux  auditoire  qui  remplissait  la  salle  était-il  dans  l'enthousiasme, 
et  cette  belle  soirée  a  été  un  véritable  triomphe  pour  Arban.  —  Le 
succès  de  l'éminent  artiste  n'a  pas  été  moindre  au  cercle  du  Sport, 
de  Nantes.  La  société  du  Sport,  ainsi  que  l'orchestre  de  Nantes,  lui  ont 
offert  deux  riches  couronnes. 

»**  Si  l'on  en  doit  croire  le  Phare  de  la  Loire,  il  se  formerait  en  ce 
moment  à  Paris  une  Société  pour  faire  entendre,  dans  des  conditions 


222 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


exceptionnelles  de  bonne  exécution  et  à  des  prix  réduits,  tous  les  chefs- 
d'œuvre  des  maîtres  anciens  et  modernes,  français  et  étrangers.  Les 
programmes  de  la  nouvelle  société  comprendraient,  dans  leur  infinie 
variété,  des  spécimens  de  tous  les  genres  :  symphonies,  odes-sympho 
nies,  fragments  d'opéras,  de  messes,  d'oratorios,  chœurs,  cantates, 
chants  nationaux  (des  pays  étrangers?...),  sans  parti  pris  d'aucun  genre, 
et  en  tenant  la  balance  égale  entre  les  trois  écoles  allemande,  italienne 
et  française.  Le  local,  admirablement  choisi  au  cœur  de  Paris  et  à 
deux  pas  du  boulevard  Montmartre,  pourrait  contenir  trois  mille  per- 
sonnes. Le  directeur  général  serait  Félicien  David;  le  directeur,  Magnus, 
pianiste-compositeur;  le  secrétaire  général,  Ch.  de  Lorbac.  L'inaugura- 
tion de  ce  nouvel  établissement  aurait  lieu  au  mois  de  novembre.  La 
société  nouvelle  fera  appel  à  tous  les  musiciens  de  talent,  et  permettra 
aux  solistes  les  plus  renommés  de  se  faire  entendre.  Les  compositeurs 
auront  le  droit  de  diriger  en  personne  l'exécution  de  leurs  œuvres.  On 
ne  peut  que  souhaiter  bonne  chance  à  cette  entreprise. 

,*.  On  nous  mande  de  Hagnères-de-Bigorre  que  la  saison  thermale 
s'y  prépare  d'une  façon  brillante.  On  y  attend  Sivori,  le  célèbre-  vio- 
loniste; Mme  Escudier-Kastner,  l'éminente  pianiste;  Bonnehée,  de  l'O- 
péra; enfin,  un  ténor  sacré,  pour  ainsi  dire,  le  père  Cahuzac,  qui  mêle 
plusieurs  fois  par  semaine  sa  voix  (elle  rappelle  celle  de  Rubini)  au  son 
de  l'orgue  des  Carmes. 

»**  L'inauguration  du  nouvel  orgue  construit  par  la  société  anonyme 
Etablissements  Merklin-Schiitze,  pour  l'église  Bonne-Nouvelle,  a  eu  lieu, 
comme  nous  l'avions  annoncé.  Un  grand  concours  de  fidèles  et  d'ama- 
teurs assistaient  à  cette  cérémonie  religieuse  et  artistique.  L'instrument 
a  été  admirablement  touché  par  MM.  Ed.  Batiste,  Renaud  de  Vilbac, 
Burelle  et  Henri  Hess,  qui  a  joué  avec  talent  une  fugue  de  Bach.  Cet 
orgue  fait  le  plus  grand  honneur  à  ses  habiles  facteurs,  car  il  réunit  à 
la  perfection  du  mécanisme  et  de  toutes  ses  parties  une  pureté  et  une 
plénitude  de  sons  véritablement  remarquables.  Un  morceau  de  violon 
avec  accompagnement  d'orgue  a  été  parfaitement  exécuté  par  le  jeune 
B.  Godard. 

»%  Dans  un  grand  concert  donné  à  la  Scala  de  Milan  vers  la  fin  du 
mois  dernier,  on  a  exécuté  l'ouverture  du  Pardon  de  Ploërmel,  de 
Meyerbeer.  Les  journaux  italiens  constatent  l'immense  effet  qu'a  pro- 
duit ce  chef-d'œuvre,  véritable  poëme  champêtre,  dans  lequel  la  nature 
se  reflète  avec  toutes  ses  beautés,  son  charme  et  ses  accidents.  L'or- 
chestra s'est  supérieurement  acquitté  de  sa  tâche  difficile,  en  interpré- 
tant cette  ouverture,  qui  a  eu  les  honneurs  de  la  troisième  partie  du 
concert. 

»%  Limoges  a  été,  le  3  de  mois,  le  théâtre  d'un  tournoi  musical  qui 
restera  célèbre  dans  les  fastes  orphéoniques  C'est  dans  la  vaste  salle  du 
manège  que  deux  des  plus  importantes  sociétés  chorales  de  France,  les 
Orphéonistes  lillois  et  la  Sainte-Cécile  de  Bordeaux  s'étaient  donné  rendez- 
vous  et  se  sont  mesurées.  Le  jury,  composé  exceptionnellement  de  cinq 
membres,  était  formé  de  M.  Camille  de  Vos,  président  ;  Dufresne,  Bou- 
langer, Triébert  et  Jancourt.  Le  chœur  imposé,  la  Paix,  de  M.  Camille 
de  Vos,  et  le  Tyrol,  de  M.  Ambroise  Thomas,  devaient  être  également 
exécutés  par  les  deux  sociétés  rivales.  Les  orphéonistes  lillois  ont  com- 
mencé :  leur  succès  a  été  immense  !  La  Sainte-Cécile  de  Bordeaux  a  été 
vaincue;  mais  cette  défaite  n'a  rien  que  d'honorable.  Les  orphéonistes 
lillois  ont  atteint  la  perfection,  et  peuvent  maintenant  rivaliser  avec  les 
sociétés  allemandes,  chez  lesquelles  ils  sont  allés  chercher  des  conseils 
et  des  modèles.  Devant  cette  manifestation  éclatante,  l'exécution  des 
autres  sociétés  qui  ont  pris  part  au  concours  n'a  offert  qu'un  intérêt  se- 
condaire. 11  faut  citer  cependant,  parmi  les  fanfares,  les  Enfants  de  Ja- 
vart,  la  fanfare  de  Sainte -Foy-la-Graude,  la  Sainte-Cécile  de  Brives,  la 
fanfare  de  Confolens,  la  musique  de  Saint-Junien  qui  ont  mérité  les  pre- 
miers prix,  et  parmi  les  sociétés  chorales,  la  société  de  Sainte-Foy-la- 
Grande,  la  société  chorale  de  Brives,  les  Enfants  de  Vésone,  l'orphéon 
de  Libourne,  la  société  de  Villeneuve-sur-Lot,  et  surtout  les  Enfants  de 
Saint-Junien,  dirigés  par  une  très-habile  dame,  Mme  Tillet,  dont  les 
efforts  ont  eu  des  premiers  prix  pour  récompense.  Trente  mille  person- 
nes s'étaient  rendues  à  ce  concours.  Le  lendemain,  les  sociétés  réunies 
ont  donné  un  concert  qui  a  été  pour  les  orphéonistes  lillois  un  vérita- 
ble triomphe,  et  a  rapporté  aux  pauvres  une  somme  de  5,000  francs. 

»%  Le  journal  le  Monde  constatait  ces  jours-ci  un  effet,  bien  singulier 
et  heureusement  très-rare,  produit  par  la  musique.  Nous  le  rapportons 
sans  autre  garantie.  «  On  vient  de  constater  la  mort  subite,  dans  un  de 
nos  établissements  hospitaliers,  d'une  femme  atteinte  d'un  genre  de  fo- 
lie des  plus  singuliers.  Habitant  un  village  pauvre  et  isolé  du  Morbihan, 
dont  elle  n'était  jamais  sortie,  cette  femme,  âgée  de  vingt-deux  ans, 
nommée  Marguerite  D...,  fut  subitement  amenée  à  Paris  il  y  a  huit 
mois  par  une  dame  riche  à  qui  une  circonstance  fortuite  lui  avait  per- 
mis de  rendre  un  service  et  qui  voulait  se  l'attacher.  Dès  le  lendemain 
de  son  arrivée,  Marguerite,  pour  la  première  fois  de  sa  vie,  entendit  de 
la  musique  à  une  fête  champêtre  et  dansa  au  son  d'un  orchestre  choisi. 
Pendant  trois  jours  que  dura  la  fête,  elle  ne  manqua  pas  une  contre- 
danse, et  elle  s'abandonna  sans  réserve  au  plaisir  inouï  que  lui  causait 
la  musique.  Quand  tout  fut  fini,  les  impressions  qu'elle  avait  reçues,  et 
qui  avaient  singulièrement  ébranlé  ses  nerfs,  ne  cessèrent  pas.  Le  jour, 


la  nuit,  à  ses  promenades,  dans  son  lit,  toujours,  les  différents  airs 
qu'elle  avait  entendus  revenaient  à  son  oreille  dans  l'ordre  où  ils  avaient 
été  exécutés,  et,  malgré  sa  volonté,  elle  les  répétait,  en  imitant  avec 
une  perfection  étrange  le  son  des  instruments.  Quelques  notes  discor- 
dantes, que  le  premier  violon  s'était  amusé  plusieurs  fois  à  tirer  de  son 
instrument,  se  reproduisaient  de  temps  en  temps,  et  Marguerite,  te- 
nant alors  sa  tête  dans  ses  mains,  s'écriait  :  «  Ohl  quelle  fausse  note  ! 
elle  me  fend  la  tête.  »  De  ce  désordre  mental,  contre  lequel  échouèrent 
tous  les  traitements,  résultaient  une  insomnie  continuelle,  le  trouble 
dans  les  fonctions  digestives,  l'amaigrissement,  la  faiblesse,  les  sueurs 
nocturnes.  Les  sons  que  la  malade  croyait  entendre  et  qu'elle  répétait 
devenaient  de  plus  en  plus  forts.  Enfin,  tombée  dans  le  marasme,  elle  a 
succombé  subitement,  comme  nous  l'avons  dit,  sans  que  ses  intolérables 
sensations  lui  eussent  laissé  un  seul  instant  de  répit.  » 

»*„  Notre  collaborateur,  Gustave  Héquet,  vient  de  partir  pour  Bade, 
où  il  va  assister  à  la  représentation  de  son  opéra,  De  par  le  Roi. 

*%.  L'orchestre  du  concert  des  Champs-Elysées  doit  exécuter  pro- 
chainement une  fort  jolie  composition  d'Emile  Jonas  :  Souvenir  d'un  songe, 
écrite  d'abord  pour  le  piano  et  qu'a  fort  bien  instrumentée  M.  A.  Ber- 
iyn,  chef  d'orchestre  à  Amsterdam.  Ce  morceau,  qui  a  été  plusieurs 
fois  exécuté  à  Amsterdam  et  à  Utrecht,  y  a  obtenu  beaucoup  de  succès 
et  il  est  presque  toujours  bissé. 

*%  Au  nombre  des  morceaux  remarquables  exécutés  récemment  au 
concert  des  Champs-Elysées,  nous  devons  une  mention  exceptionnelle  à 
la  grande  marche  de  Magenta,  composition  de  M.  le  chevalier  Piermarini, 
compositeur  distingué  et  l'un  de  nos  plus  éminents  professeurs  de  chant. 
Le  caractère  de  cette  marche  est  très-beau  et  la  coupe  en  est  fort 
originale.  A  l'introduction,  qui  est  majestueuse,  succède  un  motif  mar- 
tial pour  les  pistons  et  cuivres  d'une  élégance  rare.  La  stretta  est  pleine 
de  feu,  l'orchestration  en  est  magistrale.  D'ailleurs,  on  y  retrouve  le  style 
mélodique  qui  distingue  toutes  les  compositions  du  célèbre  professeur, 
et  chaque  soir  elle  est  saluée  par  les  applaudissements  de  la  foule. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  à  quatre  heures  précises,  le  remarquable 
orchestre  de  symphonie  du  Pré  Catelan,  secondé  par  les  excellentes  mu- 
siques du  72e  de  ligne  et  2e  chasseurs  à  cheval,  exécutera  pour  la  pre- 
mière fois  le  grand  quadrille  militaire,  Aux  Armes!  composé  par  M.  Fo- 
restier, l'éminent  chef  d'orchestre  que  les  vrais  artistes  et  les  amateurs 
consciencieux  vont  chaque  dimanche  fêter  et  applaudir  au  Pré  Catelan, 
rendez-vous  choisi  entre  tous  par  la  bonne  et  belle  compagnie.  —  L'ad- 
ministration prévient  le  public  que  tout  enfant  porteur  d'un  billet  de 
tombola  délivré  dimanche  dernier  jouira  d'une  entrée  gratuite  aujour- 
d'hui dimanche,  le  tirage  de  la  Tombola  ayant  été  ajourné  en  raison  du 
mauvais  temps. 

„%  Les  personnes  qui  se  destinent  au  théâtre  sont  informées  que 
M.  Hurand,  chef  des  chœurs  du  théâtre  impérial  Italien,  fera  un  cours 
de  musique  vocale  entièrement  gratuit.  Les  choristes  ou  comparses  des 
théâtres  de  Paris  sont  invités  à  se  faire  inscrire  au  plus  tôt  chez  M.  Hu- 
rand, 5,  rue  Sainte -Anne  (tous  les  jours  avant  midi).  Le  cours  aura 
lieu  au  théâtre  Italien  trois  fois  par  semaine,  et  commencera  le 
lundi  11  courant. 

***  Au  théâtre  Robin,  l'intérêt  puissant  des  merveilleuses  soirées  de 
ce  directeur  attire  toujours  la  foule,  et  le  force  à  renoncer  au  pro 
jet  qu'il  avait  formé  de  faire  un  temps  de  relâche  pendant  les  mois 
d'été,  ainsi  que  l'ont  toujours  été  obligés  de  faire  ses  devanciers.  La 
continuation  des  soirées  de  M.  Robin  pendant  les  chaleurs  est  la  preuve 
la  plus  palpable  de  leur  immense  succès. 

***  Les  restes  mortels  de  l^iorentino  sont  arrivés  à  Naples  où  se 
prépare  un  service  funèbre  en  l'honneur  du  célèbre  écrivain  ;  ils  seront 
ensuite  déposés  dans  un  caveau  du  Campo-Santo,  sur  lequel  sera  élevé 
un  monument  commandé  par  la  famille  du  défunt. 

»**  La  Revue  et  Gazette  musicale  vient  de  perdre  un  de  ses  collabo- 
rateurs les  plus  anciens  et  les  plus  assidus,  celui  dont  nos  lecteurs  ont 
rencontré  si  souvent  le  nom  au  bas  d'articles  traduits  de  l'allemand. 
Henri-Joseph-Maria  Duesberg  était  né  le  20  septembre  1793  à  Munster 
en  Prusse.  Egalement  versé  dans  la  littérature  de  son  pays  et  celle  du 
nôtre,  il  écrivait  la  langue  française  avec  autant  de  facilité  que  de 
correction.  11  était  l'un  des  rédacteurs  de  la  Gazette  d'Augsbourg  et  des 
Morgenblaetter ,  journaux  importants  de  l'Allemagne  :  on  a  de  lui 
des  traductions  et  des  poésies.  Il  avait  aussi  écrit  une  Histoire  de 
France,  une  Histoire  générale  du  commerce,  et  un  ouvrage  sur  les  châteaux 
impériaux.  Notre  collaborateur  mérite  nos  regrets  par  son  talent  et 
par  son  caractère.  Frappé  d'une  mort  presque  soudaine,  ses  obsèques 
ont  eu  lieu  vendredi  matin. 

„,*„,  La  veuve  d'un  illustre  compositeur,  dont  l'Italie  et  la  France 
s'honorent  à  titre  égal,  Mme  Cherubini,  née  Cécile  Tourette,  est  morte 
la  semaine  dernière,  dans  sa  quatre-vingt-onzième  année.  C'est  à 
Neuilly  que  cette  femme  si  regrettable  et  si  regrettée  a  fini  ses  jours. 
Ses  obsèques  ont  été  célébrées  avec  une  extrême  simplicité,  sans  qu'un 
avertissement  y  eût  convié  personne.  Le  deuil  était  conduit  par  MM.  Sal- 
vador-Cherubini,  inspecteur  des  Beaux-Arts,  accompagné  de  ses  deux 
fils,  et  par  M.  Duret,  de  l'Institut,  petit-gendre  de  la  défunte.  Selon  le 
vœu  formel  de  Mme  veuve  Cherubini,   une  simple   messe  basse  a  été 


DE  PARIS. 


223 


dite  pour  le  repos  de  son  âme.  «  Pénétrée  de  cette  pensée,  avait-elle 
dit,  dans  ses  dernières  volontés  écrites  de  sa  main,  que  l'heure  dernière 
nous  rend  tous  égaux  devant  Dieu,  je  demande  en  grâce  et  avec  instan- 
ces que  l'on  n'apporte  aucune  ostentation  à  mes  obsèques.  Pour  toute 
cérémonie  je  désire  une  messe  basse  et  des  prières,  sans  nulle  tenture 
dans  l'église,  car  je  ne  puis  supporter  ces  apparats  pour  être  conduite 
dans  l'éternité,  but  auquel  je  veux  arriver  sans  démonstration  de  va- 
nité. Je  demande  de  plus  que  cette  cérémonie  ait  lieu  aux  premières 
heures  du  jour,  en  évitant  les  invitations  inutiles.  Que  ceux  qui  ap- 
prendront que  je  n'existe  plus  accompagnent  ma  famille,  mais  que  ce 
ne  soit  pas  une  contrainte.  »  M.  Auberétaità  la  têtedu  petit  nombrede 
personnes  qui  ont  conduit  l'iliustre  veuve  à  sa  dernière  demeure. 

„*,  Une  autre  veuve,  qui  portait  noblement  un  nom  célèbre,  Mme  Or- 
fila,  vient  d'être  enlevée  aussi,  peu  de  jours  après  que  la  nouvelle  de  la 
mort  de  M.  Antonio  Orfila,  son  beau-frère,  était  arrivée  de  Madrid  à 
Paris.  C'est  une  perte  pour  les  artistes  auxquels  le  salon  de  Mme  Or- 
fila était  toujours  ouvert.  Plusieurs  y  ont  commencé  ou  confirmé  leur 
renommée. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

„,%  Londres.  —  Mirella  (Mireille),  l'opéra  de  Gounod,  vient  d'être 
représenté  au  théâtre  de  Sa  Majesté  avec  Mme  Tietjens  dans  le  rôle 
principal.  Le  succès  a  été  douteux  à  la  première  représentation,  sur 
laquelle  nous  reviendrons.  —  Arditi,  l'excellent  chef  d'orchestre  de  ce 
théâtre,  a  fait  exécuter  dans  son  concert-mons/re  donné  récemment, 
trois  nouvelles  compositions  qui  ont  été  fort  goûtées  par  le  public:  un 
duo  pour  piano  et  violon,  admirablement  exécuté  par  Mme  Arabella- 
Goddard  et  M.  Carrodus,  et  deux  morceaux  de  chant  :  II  Désio,  duo,  et 
YOrologio,  scherzo  vocal,  interprétés  par  Mmes  Trébelli,  Lemmens-Sher- 
rington  et  Volpini.  Ces  deux  dernières  compositions,  pleines  de  charme  et 
à  très-grand  effet,  ont  dû  être  répétées.  — Au  théâtre  de  Covent-Garden 
on  s'occupe  activement  des  répétitions  de  la  Stella  delNord  et  rien  ne  sera 
négligé  pour  rendre  d'une  manière  digne  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer, 
dont  les  principaux  rôles  seront  tenus  par  Mmes  Miolan-Carvalho,  Bru- 
netti  et  Faure.— MllePatti  vient  de  chanter  pour  la  dernière  fois,  avec 
son  talent  habituel  et  devant  une  salle  comble,  la  Margherita  de  Faust, 
et  Mme  Artot,  dont  le  succès  augmente  à  chaque  représentation,  vient 
de  se  produire  dans  le  rôle  de  Violetta  de  la  Traviata.  Les  deux  canta- 
trices ont  été  chaudement  applaudies  et  rappelées  à  plusieurs 
reprises. 

„*»  Ems,  5  juillet.  —  Après  l'ouverture  du  théâtre  du  Kursaal,  qui 
s'est  faite  par  le  Chien  du  Jardinier,  et  la  charmante  opérette  d'Offen- 
bach,  Lischen  et  Fritzchen,  dans  laquelle  Désiré  et  Mlle  Zulma  Bouffar 
se  sont  montrés  inimitables,  nous  avons  eu  les  Pantins  de  Violette,  de 
M  Léon  Battu,  et  M.  Choufleuri,  de  MM.  de  Saint-Rémy  et  J.  Offenbach. 
On  sait  que  les  Pantins  de  Violette,  la  dernière  partition  de  notre  si 
regretté  Adam,  est  une  de  ses  œuvres  les  plus  spirituelles  et  les  plus 
finement  travaillées.  —  Quant  à  M.  Choufleuri,  le  public  en  a  demandé 
une  seconde  représentation.  Ce  petit  chef-d'œuvre  bouffe,  dont  la 
musique  est  si  vive  et  si  entraînante,  a  été  joué  avec  un  grand  succès 
dans  toute  l'Allemagne.  On  sait  qu'il  s'est  produit  pour  la  première 
fois  dans  les  salons  de  M.  le  duc  de  Morny,  où  M.  de  Saint-Rémy  jouit 
de  quelque  crédit.  —  (L'Été.) 

„.**  Berlin.  — Bien  que  l'opéra  royal  soit  fermé  en  ce  moment,  les 
représentations  d'opéras  et  d'opérettes  ne  nous  font  pas  défaut.  On  en 
donne  sur  quatre  scènes  différentes,  parmi  lesquelles  se  distinguent  celles 
que  défrayent  les  troupes  de  Vienne  et  de  Kœnigsberg. — Au  théâtre 
"Victoria  Martha  a  servi  de  début  à  Mme  de  Marlow,  qui  y  a  déployé 
un  très-grand  talent  de  cantatrice  et  de  comédienne.  —  Au  théâtre 
Frédéric-Guillaume,  les  Pantins  de  Violette,  d'Adam,  ont  été  entendus 
avec  plaisir,  et  à  l'établissement  Kroll  la  cantatrice  Mme  de  Murska 
obtient  de  grands  succès  dans  l'opéra  Linda,  de  Donizetti. 

***  Manheim. —  Un  nouvel  opéra  de  Richard  Wuerst,  Vineta,  a  été 
favorablement  accueilli.  Les  interprètes  et  le  compositeur  ont  été  rap- 
pelés plusieurs  fois. 

£*„  Dresde.  —  Les  Huguenots  ont  été  représentés  en  l'honneur  de 
Meyerbeer.  Mlle  Sophie  Bauer,  du  théâtre  deCassel,  et  M.  Scarcia  y  ont 
débuté  avec  succès  dans  les  rôles  de  Valentine  et  de  Marcel. 

Vienne. —  La  saison  de  l'opéra  allemand  au  théâtre  de  la  cour  a  été 
inaugurée  le  1er  juillet  sous  la  direction  de  M.  Salvi,  par  une  repré- 
sentation de  Don  Juan.  —  Au  Carlthéâter,  le  directeur  Treumann  a 
engagé  Mlle  Kraft  du  théâtre  Thalia  à  Hombourg.  On  dit  le  plus  grand 
bien  de  cette  jeune  cantatrice.  —  On  pense  que  la  construction  du 
nouvel  opéra  impérial  sera  entièrement  achevée  au  mois  de  septem- 
bre. —  Le  danseur  espagnol  Donato,  qui  n'a  qu'une  jambe,  attire 
constamment  la  foule,  et  déploie  un  nouveau  et  merveilleux  talent 
comme  joueur  de  castagnettes. 


«%  Munich.  —  Mme  Sophie  Foerster  a  été  engagée  au  théâtre  de  la 
cour  après  avoir  fait  preuve  île  talent  dans  les  rôles  de  Valentine,  des 
Huguenots,  de  Norma,  et  de  dona  Anna  dans  Don  Juan. 

**,  Prague.  —  Les  sœurs  Marchisio  viennent  de  débuter  avec  un 
très-grand  succès  au  théâtre  de  la  nouvelle  ville. 

„*„  Florence.  —  L'opéra  /  Ilatavi,  de  Mme  Tarbé  des  Sablons 
est  encore  aujourd'hui,  bien  que  le  théâtre  soit  fermé,  le  sujet  de  la 
conversation  de  tous  les  dilettantes.  Il  eût  été  impossible  à  la  direction 
de  la  Pergola  de  clôturer  la  saison  théâtrale  par  une  œuvre  qui 
fût  plus  agréable  à  ses  habitués.  Tous  les  détails  de  cet  ouvrage,  ceux 
même  qui  échappent  le  plus  à  l'attention,  sont  l'objet  de  commentaires, 
de  discussions,  d'appréciations  diverses,  mais  toutes  s'accordent  sur  le 
sujet  principal,  c'est-à-dire  l'originalité  de  bon  goût  de  l'artiste,  sur  la 
distinction  native  de  ses  mélodies,  et  surtout  sur  sa  connaissance  pro- 
fonde de  l'art  d'écrire  pour  les  voix.  On  cite  notamment  le  grand  air 
de  Tiberini,  un  chœur  de  soldats  d'un  effet  saisissant,  une  prière  en 
chœur,  un  duo  au  troisième  acte,  un  délicieux  boléro  et  un  carillon. 
Les  journaux  insistent  en  outre  sur  le  duo  final,  empreint  d'un  senti- 
ment passionné,  irrésistible.  A  la  suite  de  la  représentation,  l'auteur  a 
été  rappelé  huit  fois  sur  la  scène.  C'est  un  succès  dans  la  plus  com- 
plète acception  du  mot. 


Le  Directeur  :  S.  DUFOUR. 

Chp.%  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  403,  rue  Richelieu,  au  4". 

FEUILLES    DU    SOIR 

Nouvelle  Valse  par 
Prix  :6fr.  J.    OFFENBACH  Prix  :  .6  fr 


LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRËP.ES,  FILS  ET  C»,  RUE  JACOB,  56, 

Chez  tous  les  libraires  de  France  et  de  l'étranger, 

Et  chez  G.  BRANDUS   et  S.  DUFOUR,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1er. 


Mise  en  vente  du  Tome  VI  (M  P 


BIBLIOGRAPHIE  GÉNÉRALE  DE  MUSIQUE 

Deuxième   édition 

Entièrement  refondue  et  augmentée  de  plus  de  moitié, 


Par  F.-dT.  FETIS 

Maître  de  chapelle  du  roi  des  Belges,  directeur  du  Conservatoire  royal 
de  musique  de  Bruxelles. 


EN  HUIT  VOLUMES  IN-8-  DE  CINQ  CENTS  PAGES 


Paraissant  par  livraisons  de  48  pages  chacune,  ÎO  livraisons 
par  volume. 


Prix  de  chaque  livraison 80  centimes. 

Prix  de  chaque  volume 8  francs. 


MISE  EN  VENTE  DU  TOME  VIe.  -  PRIX  :  8  FRANCS. 


224 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Catalogue  des  Ouvrages  composés  pour  la  Flûte 

PAR 

mmmmi    altès 

Première  flûte  à  l'Académie  impériale  de  musique,  membre  de  la  Société  des  concerts  et  de  la  musique  de  l'Empereur. 


Chez  Simon  Richault ,  éditeur,  boulevard 
des  Italiens,  4,  au  i'T. 

OEuv.  1 .  Variations  sur  le.  Pirate,  de  Bellini, 

avec  ace.  de  piano 7  50 

Le  quatuor  séparément 7  50 

—  2.  Fantaisie  avec  ace.  de  piano.   ...  7  50 

L'orchestre  séparément 15    » 

—  3.  Fantaisie  concertante  pour  flûte   et 

violon,  avec  ace.  de  piano 9    » 

L'orchestre  séparément 15    » 

—  4,  1"  fantaisie  caractéristique ,  la  Vé- 

nitienne, avec  piano 7  50 

—  5.  2e  fantaisie  caractéristique,  l'Helvé- 

tienne,  avec  piano 7  50 

—  6.  3e  fantaisie  caractéristique,  l'Espa- 

gnole, avec  piano 7  50 

—  7.  Fantaisie  dramatique,  dédiée  à  Tu- 

lou,  avec  ace.  de  piano 9     • 

L'orchestre  séparément 15     » 

—  15.  Solo  de  concert,  avec  ace.  de  piano    9    » 

Parties  de  quatuor 12    » 

—  20.  1er  solo  de   concours  pour  le   Con- 

servatoire, flûte  et  piano 9     » 

Quintette  séparément 12    » 

—  21.  2'  solo,  flûle  et  piano 9     » 

Quintette  séparément 12    » 

—  22.  3e  solo,  flûte  et  piano 9     » 

Quintette  séparément 12    » 

—  23.  4e  solo,  flûte  et  piano 9    » 

Quintette  séparément 12    » 

—  24.  5"  solo,  flûte  et  piano 9    » 

Quintette  séparément 12    » 

—  25.  6e  solo,  flûte  et  piano 9    » 

Quintette  séparément 12    » 


Chez  Gérard  et  Ce,  éditeurs, 
rue  Dauphine,  48. 

OËuv.  11.  Les  chants  du  Rossignol,  avec  ace. 

de  piano 9 

L'orchestre  seul 12 

—    12.  Fantaisie  sur  la  Perle  du  Brésil, 
opéra  de  Félicien  David,  avec  ace. 

de  piano 9 

Orchestre  seul 12 


Chez  G.  Brandus  et  S.  Dufour,  éditeurs, 

rue  de  Richelieu,  403,  au  1e'. 

sous  presse  : 

Opéras    célèbres   (  fantaisies  et 

transcriptions). 

OEuv.  16.  1"  livraison,  Robert  le  Diable, 
n°  1,  transcription  ;  n°  2,  fantaisie 
avec  piano » 

—  17.  2e  livraison,  les  Huguenots,  n°  1, 

fantaisie;  n"  2,  caprice,  avec  piano    » 

—  18.  3'    livraison,   le   Prophète,    n°    1, 

transcription  ;  n°  2,  fantaisie  avec 
piano » 

—  19.  4e  livraison,  l'Etoile  du  Nord,  fan- 

taisie;  (e  Pardon  de  Plocrmel , 
fantaisie,  avec  piano » 


Musique  pour  le   piano  avec  ac- 
compagnement ntt  libittttn. 

Chez  Richault. 

QEuv.  8.  Le  Cancan  do   quelques  jolies  fem- 
mes, quadrille  avec  ace.  [ad  libitum) 

de  flûte  et  violon 4  50 

_        Souvenir  de  Charraont.  Laure,  valse, 

avec  ace.  de  flûte 2  50 

—  Souvenir    de    Charmont.    Pauline, 
polka,  avec  ace.  de  flûte 2  50 

CEuv.  9.  Cric,  quadrille   facile  avec   ace.  {ad 

libitum)  de  flûte  et  violon 4  50 

—  Poveretta,  valse  facile 2  50 

—  Alex,  polka  facile 2  50 


QEuv.  10.  Mes  bons  amis  dansez  toujours, 
quadrille  facile  avec  ace.  de  flûte  et 
violon S  50 

—  Souvenir  de  Pont-Carré,  valse   avec 

ace.  de  flûte 2  50 

—  La  Fête  de  Marie,  polka  .....  2  50 
QEuv.  13.  Trois  schottischs  (chez  Gérard  et  Cc)  6  » 
QEuv.  14 .  Trois  mazurkas  (chez  Richault) .   .     4  50 


Chez  Girod  frères,  éditeurs,  boulevard 
Montmartre,  16. 

OEuv.  27.  Duo  de  concert  pour  piano  et  flûte, 

sur  Lara,  opéra  de  Maillart  .   ,   .     ! 


Musique  pour  le  citant. 

OEuv.  26.  Six  Poésies  de  Victor  Hugo  : 

—  N"  1.  Pourquoi  passez-vous  par  ici? 
pour  ténor,  avec  ace.  de  piano  .  . 
L'orchestre  séparément 

—  N"  2.  S'il  est  un  charmant  gazon, 
pour  ténor,  avec  ace.  de  piano  .  . 
L'orchestre  séparément 

—  N°  3.   Malédiction,    pour   voix    de 

basse  avec  ace.  de  piano 

L'orchestre  séparément 

—  N°  4.  L'aube  naît  et  la  porte  est 
close!    pour  ténor,   avec    ace.   de 

piano 

L'orchestre  séparément 

La  même,  pour  baryton 

—  N°  5.  Mes  vers  fuiraient  doux  et 
frêles,    pour  ténor,    avec    ace.    de 

piano 

L'orchestre  séparément 

—  N"  6.  L'Extase,  pour  voix  de  basse, 

avec  ace.  de  piano 

L'orchestre  séparément 


Transcriptions  d'après  divers 
auteurs. 

Chez  Richault. 

PARTIE   DE  VIOLON   TRANSCRITE   POUR  LA 
FLUTE. 

Beethoven.  OEuv.  16.  Grand  quatuor  pour 

piano,  flûte,  alto  et  violoncelle  .   ...  18 

Mozart.  Trois  quatuors  pour  piano,    flûte, 

alto  et  basse chaq.  18 

BeethoTen.  OEuv.  1".  1er  trio  en  mi  bémol 

pour  piano,  flûte  et  basse 15 

2"  trio  en  soi 15 

—  OEuv.  11.  Trio  en  si  bémol 15 

—  —      44.  Quatorze  variations 10 

—  —      83.  Trio 15 

—  —      121.  Adagio,  rondo  et  variations.  10 

—  OEuv.  posthume.  Petit  trio  en  mi  bémol  10 
Haydn.  Six  sonates  du  3e  livre   de    la  col- 
lection pour  piano,  flûte  et  basse,  ch. .  12 

—  Quatre  sonates  du   5'  livre.   .   .  chaq.  12 

—  Quatre  sonates  du  6°  livre.   .   .  chaq.  12 

—  Six  sonates  du  7e  livre chaq.  12 

—  Cinq  sonates  du  8"  livre  ....  chaq.  12 

—  Trois  sonates  du  10e  livre  .    .   .  chaq.   12 
Mozart.  16°  livraison  de  la  collection  de  ses 

œuvres  ;    quatre   sonates  pour    piano , 
flûte  et  basse chaq.  12 

—  17°  livraison  ;  quatre  trios  .   .   .  chaq.  12 


Duos  concertants  pour  flûte   et 
piano. 

PARTIE   DE   VIOLON  TRANSCRITE   POUR    LA 
FLUTE. 

Beethoven.  OEuv.  12.  N"'  1,  2  et  3,  sona- 
tes pour  piano  et  flûte chaq.  12 


Beethoven.  OEuv.  17.  Sonate 12  » 

—  OEuv.  23.  Sonate 12  » 

—  —      24.  Sonate 12  » 

—  —      30.  N0' 1,  2  et  3,  sonates,  chaq.  12  » 

—  —      47.  Sonate »   ..12  » 

—  —      9C.  Sonate 12  » 

Haydn.  Cinq  sonates  de  la  1"  livraison,  ch.     6  » 

—  Six  sonates  de  la  2°  livraison.   .  chaq.     6  » 

—  Trois  duos  de  la  8e  livraison.   .  chaq.     6  n 

—  Six  duos  de  la  9e  livraison  .    .   .  chaq.     6  » 

—  Deux  sonates  de  la  10e  livraison,  chaq.     6  » 

Hendelssohn.  Op.  4.    Sonate 7  50 

Mozart.  9e  livraison.  Six  sonates  .   .  chaq.    9  » 

—  10'  livraison.  Cinq  sonates  .   .   .  chaq.     9  » 

—  11e  livraison.  Six  sonates.  .  .  .  chaq.  9  » 
th.  M.  de  Webcr.  Op.  48.  Grand  duo  .  12  » 
Kuhlan.  Op.  33.  Sonate 9  » 

—  Op.  79.  Trois  sonates ebaq.     7  50 

Beber.  OEuv.  15.  Six  pièces  ....  chaq.     7  50 
Ch.  Dancla.  Op.    21.  Duo  concertant   sur 

le  Pirate 7  50 

—  Op.  45.  Duo  brillant  sur  des  motifs  de 
Schubert 7  50 

—  Op.  88.  Duo  sur  Richard 7  50 

Ernest  Allés.  OEuv.  8.  Appassionato,  Vil- 
lageoise, deux  mélodies.   , 7  50 

—  QEuv.   9.   Elégie ,    Montagnarde ,    deux 
mélodies 7  50 

—  QEuv.  10.  Rêverie,  mélodie 5    » 


Chez  Gérard  et  Ce. 

Em.  Périer.  Op.    20.   Norma,   duo    bril- 
lant    9    » 

—  Op.  21.  Ni  larmes  ni  regrets,  fantai- 
sie concertante 7  50 

—  Op.  22.   Sans   amour,  fantaisie  bril- 
lante pour  flûte  et  piano 7  50 

—  Op.    23.    Lucrezia    Borgia,  fantaisie 
concertante 7  50 

—  Op.  24.  Barbier  de  Séville,  fantaisie 
concertante 7  50 

—  Op.  25.  Zampa,  fantaisie  concertante.     7  50 


Musique    pour  le   violon 

Composée  par 

EBNEST  AETÊS 

Premier  violon  à  l'Académie  impériale  de  musique 
et  à  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire. 

Six  mélodies  caractéristiques  pour  violon  : 

QEuv.  8.  Appassionato    .   .   .    )  . 

Villageoise  (1)  .   .   .    (  F 

QEuv.  9.  Elégie  (2)  .   .  .   , 

Montagnarde  (3) 
QEuv.  10.  Burlesque    .   .   .    .    )                .  g 

Rêverie  (4).   .   .   .    i    aTec  pian0,     6 
OEuv.  12.  Vingt -quatre    études   mélodiques 
pour  violon  avec  ace.  d'un  second 
violon 20 


avec  piano. 


(1)  La  même,   transposée   pour   violoncelle   avec 

piano. 
La  même  ,    transposée   pour  alto  -  viola   avec 
piano. 

(2)  La  même,  pour  alto-viola  avec  piano. 
La  mime,  pour  violoncelle  avec  piano. 

(3)  La   même,  transposée  pour    alto-viola    avec 

piano. 
La  même ,  transposée   pour    violoncelle  avec 
piano. 

(4)  La  même,  pour  violoncelle  avec  piano. 


PAMS.  —  IMrBIJlEBlE  CENTRAIE  DE  NvrOXÉOM  CHAIX  ET  C",  BUE  BEBr.ÉBE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES    ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


N«  29. 


17  Juillet  1801 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Déportements  et  à  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires, 

et  aui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 24  r-pirai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  h       id. 

Étranger U  «       id. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


ET 


USICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  Néméa  ou  l'Amour  vengé,  ballet- 
pantomime  en  deux  actes  par  MM.  H.  Meilhac,  Lud.  Halévy  et  Saint-Léon,  mu- 
sique de  M.  Minkous,  par  Paul  Smith.  —  Théâtre  Déja2et  :  la  Fille  du 
maître  de  chapelle,  opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Mestépès  et 
Vauzanges,  musique  de  M.  Ventéjoul,  par  D.  A.  D.  Saint- Yves.  —  Grand 
prix  de  composition  musicale.  —  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de 
déclamation  :  concours  à  huis  clos.  —  Des  Mélodies  de  Meyerbeer  et  de  ses 
œuvres  en  général  relativement  au  piano,  par  Maurice  Cristal.  —  Souve- 
nir inédit  de  Lesueur,  par  Arthur  Pougin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

îïÉMÊA    OU    1/ AMOUR     VESTCÉ , 

Ballet-pantomime  en  deux  actes  par  MM.  H.  Meilhac,  Lud.  Halévy 
et  Saint-Léon,  musique  de  M.  Minkous. 

(Première  représentation  le  11  juillet  1864.) 

Néméa,  traduisez  Mlle  Mourawieff. 

L'Amour  vengé,  ceci  demande  un  peu  plus  de  travail,  et  l'on  au- 
rait quelque  peine  à  comprendre  ce  second  titre,  si  l'on  ne  savait 
que  ces  deux  mots  sont  le  vénérable  débris  d'une  vaste  conception 
mythologique,  sortie  du  cerveau  de  M.  Saint-Léon,  et  réduite  à  son 
expression  la  plus  simple  par  MM.  H.  Meilhac  et  Lud.  Halévy.  Dans  la 
conception  du  chorégraphe,  il  y  avait  une  espèce  de  ligue  et  de  conju- 
ration dans  le  genre  de  Haine  aux  femmes,  tramée  contre  le  dieu 
nommé  jadis  Amour,  par  un  club  de  jeunes  seigneurs,  habitués  à 
noyer  leur  raison  dans  le  vin,  et  leur,  or  dans  le  jeu.  En  ce  temps- 
là,  on  élevait  encore  des  temples  auûlsde  Vénus,  et  un  jour  qu'il  avait 
plus  bu  et  plus  joué  que  de  coutume,  l'un  des  seigneurs  s'était  laissé 
emporter  à  sa  fureur  anti-érotique  et  iconoclaste  :  «  Ne  me  parlez 
pas  de  ce  marbre  que  je  hais,  s'était-il  écrié  ;  chaque  nouvel  hom- 
mage que  vous  lui  rendez  est  une  insulte  pour  moi,  qui  me  fais  gloire 
de  mépriser  l'amour.  »  En  prononçant  ces  blasphèmes,  il  avait  fait 
un  pas  vers  la  statue  :  puis  il  l'avait  renversée  et  brisée  au  milieu 
de  l'épouvante  et  de  l'indignation  générales. 


Le  dieu  Mercure  passait  justement  de  ce  côté;  voyant  l'affront 
dont  l'Amour  était  victime,  il  n'avait  eu  rien  de  plus  pressé  que  de 
remonter  vers  l'Olympe  et  de  raconter  le  fait  à  Cupidon.  La  ven- 
geance étant  le  plaisir  des  dieux,  l'Amour  s'était  arrangé  sur  le 
champ  pour  s'en  assurer  sa  bonne  part.  Il  avait  envoyé  sur  la  terre 
une  jeune  fille  adorable,  confectionnée  tout  exprès  à  cette  fin  d'in- 
cendier tous  les  hommes;  et  spécialement  chargée  d'enflammer, 
d'embraser,  de  réduire  en  cendres  le  cœur  glacé  de  son  contemp- 
teur audacieux.  La  chose  faite  et  parfaite,  au  lieu  de  permettre  à 
l'impie  de  se  repentir  et  d'être  heureux,  il  lui  avait  dit:  «  Tu  aimes 
maintenant,  tu  adores  cette  jeune  fille.  En  bien  !  tant  pis  pour  toi  ! 
Je  la  reprends  et  la  reconduis  au  ciel,  d'où  elle  est  bien  digne  de 
ne  plus  sortir!  » 

A  la  bonne  heure  !  voih  une  vengeance  !  voilà  une  morale,  que 
Moscou  avait  goûtée,  que  Saint-Pétersbourg  avait  applaudie  !  Il  pa- 
raît qu'on  l'a  jugée  un  peu  trop  forte  pour  Paris  :  MM.  H.  Meilhac  et 
Lud.  Halévy  se  sont  associés  pour  l'adoucir  :  que  ne  la  supprimaient- 
ils  tout  à  fait  ?  Rien  n'était  plus  aisé  que  d'effacer  le  peu  de  mytho- 
logie qu'ils  ont  laissé,  et  ce  peu  est  vraiment  de  trop.  Puisqu'ils 
acceptaient  la  tâche  de  remettre  au  net  le  scénario  chorégraphique, 
pourquoi  ne  pas  l'expurger  plus  radicalement?  Littérature  oblige,  et 
elle  oblige  surtout  à  rayer  des  bouts  de  phrase  comme  celui-ci  :  «  Ses 
»  amis  l'observent  avec  une  stupéfaction  croissante,  »  et  comme  cet 
autre  :  «  En  vérité,  c'est  grande  folie  pour  un  homme  comme  vous, 
»  que  de  devenir  fou  d'une  bohémienne.  » 

Mais  au  fait,  de  quoi  nous  mêlons-nous?  Il  s'agit  bien  de  mytho- 
logie, de  littérature,  de  langue  française,  ou  de  toute  autre  chose. 
Nemea,  nous  l'avons  dit  en  commençant,  c'est  Mlle  Mourawieff,  et 
Mlle  Mourawieff  n'a  besoin  que  d'elle-même,  et  d'un  nouveau  costume 
pour  soulever  des  tempêtes  de  bravos.  Mlle  Mourawieff,  nous  le  li- 
sions tout  à  l'heure  quelque  part,  et  nous  sommes  pleinement  de  cet 
avis,  «  c'est  plus  que  jamais  la  perfection  du  mécanisme  de  la  bal- 
lerine. Elle  joue  de  ses  pieds  comme  un  pianiste  de  premier  ordre 
joue  de  ses  doigts  :  c'est  la  même  précision,  la  même  volubilité,  la 
même  finesse.  Elle  enchérit  encore  sur  ce  qu'elle  faisait  de  prodi- 
gieux l'année  dernière.  Elle  tourne  sur  elle-même  en  exécu- 
tant par  ses  battements  prolongés  une  sorte  de  trille  perpétuel,  dont 
le  privilège  pourra  lui  être  envié,  mais  non  contesté,  encore  moins 
dérobé.  D'autres  ont  eu  plus  de  charme  dans  la  physionomie,  plus 


226 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  séduction   dans  l'attitude  et  le  geste  ;  aucune  n'a  joué  de  sonate, 
de  concerto  avec  la  jambe  et  le  pied  de  façon  à  lui  être  comparée.  » 

Pour  celte  fois,  on  a  entouré  la  danseuse  principale  d'un  essaim 
d'autres  danseuses  toutes  jeunes,  toutes  belles,  et  d'abord  il  faut  citer 
Mlle  Fiocre,  deuxième  du  nom,  qui  remplit  le  rôle  de  l'Amour,  si 
bien  taillée  et  si  bien  faite,  qu'on  ne  saurait  trop  si  c'est  une  jeune 
fille  ou  un  jeune  garçon.  C'est  dire  à  peu  près  que  Mlle  Fiocre  est 
un  modèle,  et  nous  ne  dissimulerons  pas  qu'elle  en  a  aussi  la  froi- 
deur. Dans  plusieurs  pas  ingénieux,  on  aperçoit  encore  de  char- 
mantes personnes,  sorties  des  rangs  du  corps  de  ballet  par  des  pro- 
motions récentes;  nous  les  nommerions,  si  nous  n'avions  peur  de 
commettre  quelque  grave  erreur  dans  cet  appel  de  l'escadron  vo- 
lant. Par  exemple,  nous  sommes  sûr  de  ne  pas  nous  tromper,  en 
parlant  des  progrès  de  Mlles  Urban,  Bossi  et  Sanlaville,  ainsi  que 
de  leurs  émules,  Mlles  Pilatte,  Leroy  et  Voîter,  deuxième;  les  dynas- 
ties d'artistes  ont  toujours  été  de  tradition  à  l'Opéra. 

Dans  l'Amour  vengé,  ne  dirait-on  pas  que  M.  Chapuy  a  voulu  en- 
treprendre la  vengeance  du  danseur  ?  Il  s'y  dévoue  avec  une  ardeur, 
une  audace  et  une  énergie  dont  les  exemples  devenaient  de  plus  en 
plus  rares.  Il  ne  faut  pourtant  pas  que  sur  le  théâtre  où  tant  de  dan- 
seurs célèbres  ont  laissé  des  souvenirs,  quelque  nouveau  Diogène 
soit  réduit  à  chercher  un  homme,  sa  lanterne  à  la  main  ? 
C'est  du  Nord  aujourd'hui  que  nous  vient  le  ballet. 

Avec  Néméa  nous  est  venue  une  musique  écrite  par  M.  Minicous, 
jeune  violoniste  russe,  dont  le  style  a  de  la  douceur  et  du  charme. 
Sa  berceuse,  qui  revient  trop  souvent,  offre  un  air  de  famille  avec 
l'un  des  plus  jolis  thèmes  de  Giselle.  Entre  Adolphe  Adam  et  M.  Pu- 
gni,  s'il  y  a  une  place  à  prendre,  M.  Minkous  nous  paraît  avoir  des 
droits  à  faire  valoir. 

Ajouterons-nous  que  la  direction  de  l'Opéra  s'est  galamment  mise 
en  frais  de  costumes  et  de  décors?  Elle  ne  s'en  est  pas  tenue  à  un 
seul  amour,  de  taille  un  peu  haute,  elle  en  a  produit  une  foule  de 
tout  petits,  en  mémoire  des  danseuses  viennoises.  Elle  a  prodigué 
les  gracieux  spectacles,  ayant  tous  un  nom  :  le  Langage  des  fleurs,  le 
Pas' du  lUiroir,  des  Lucioles,  de  la  Chanson  à  boire;  mais  quand  on 
prodigue  de  la  sorte,  on  peut  toujours  compter  que  le  public  vous 
le  rendra. 

Paul  SMITH. 


THÉÂTRE  DEJAZET. 

LA  FILLE  »C  MAITRE  »E  CHAPELLE, 

Opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Mestépès  et  Vauzanges, 
musique  de  M.  Ventéjoul. 

(Première  représentation  le  9  juillet  1304.) 

Tandis  que  la  Porle-Saint-Martin  inaugurait  l'ère  nouvelle  de  la  li- 
berté des  théâtres  par  la  représentation  de  deux  opéras  italiens, 
connus  et  appréciés  depuis  bien  des  années,  le  théâtre  Déjazet, 
mieux  inspiré  encore,  prenait  une  initiative  dont  on  ne  saurait  trop 
le  féliciter,  parce  qu'elle  marque  un  point  de  départ  important  pour 
l'avenir  des  jeunes  compositeurs  qui  cherchent  à  se  proJuire  sérieu- 
sement et  a  se  rendre  dignes  de  figurer  au  nombre  des  élus  de  nos 
grandes  scènes  lyriques.  Sous  ce  rapport,  l'essai  d'opéra  inédit  qui  a 
eu  pour  résultat  de  nous  révéler  le  nom  de  M.  Ventéjoul,  malgré 
ses  imperfections  inévitables,  mérite  d'être  encouragé,  autant  et 
même  plus  que  l'exhibition  au  boulevard  du  Barbier  de  Séville  et  de 
Norma. 

Ici,  comme  à  la  Porte-Saint-Martin,  nous  aurions  souhaité  que 
l'opéra  fît  un  début  plus  éclatant  et  que  rien  ne  fût  négligé  pour  lui 
assurer,  de  prime  abord,  la  faveur  populaire.  Mais,  faute  de  mieux, 
il  a  bien  fallu  se  contenter  dp  ce  que  l'on  avait  sous  la  main.  Le 


drapeau  est  planté  ;  qu'un  bras  ferme  le  saisisse,  et  tout   sera  pour 
le  mieux. 

Ce  n'est  pas,  du  reste,  au  musicien  qu'il  y  a  lieu  de  s'en 
prendre  en  cette  occurrence  ;  on  doit  le  plaindre,  au  contraire,  de 
n'avoir  pas  été  mieux  servi  par  les  auteurs  du  livret.  Lui  aussi,  il  a 
fait  tout  ce  qu'il  a  pu  des  éléments  dont  il  avait  à  tirer  parti.  Est- 
il  responsable  de  leur  banalité,  de  leur  insuffisance?  Qu'on  veuille 
bien  nous  permettre  d'analyser  succinctement  les  pièces  du  procès  ; 
on  pourra  en  juger. 

Stéphen  est  un  ténor  qui  a  eu  un  commencement  d'intrigue 
amoureuse  avec  une  cantatrice  à  roulades,  la  signora  Theodora.  Re- 
venu de  ses  premières  illusions,  il  fait  la  connaissance  de  la  fille  de 
Gantz,  le  célèbre  maître  de  chapelle  de  Weimar,  qui  a  écrit  pour  le 
théâtre  une  partition  sur  le  Comte  d'Egmont.  Tout  en  étudiant  son 
rôle  avec  le  maestro,  Stephen  s'éprend  d'une  violente  passion  pour 
la  plus  charmante  de  ses  œuvres,  l'aimable  et  gracieuse  Antonia.  Mais 
la  cantatrice  délaissée  vient  ressaisir  sa  proie,  et  une  lutte  s'établit 
entre  les  deux  rivales.  Pour  combattre  sur  le  même  terrain  et  avec 
les  mêmes  armes,  Antonia  se  fait  actrice  et  prend  un  rôle  dans 
l'opéra  paternel.  Par  malheur,  sa  mère  lui  a  légué  une  faiblesse 
d'organe  qui  la  trahit  au  moment  décisif.  Elle  a  joué  sa  vie  dans  cet 
effort  suprême,  mais  elle  en  est  quitte  pour  la  perte  de  sa  voix,  et 
Stéphen,  touché  de  tant  de  courage  et  d'amour,  revient  définitive- 
ment à  elle  et  l'épouse. 

Sur  cette  donnée,  qui  ne  brille  pas,  comme  on  voit  ,  par  l'in- 
vention ,  M.  Ventéjoul  a  composé  quelques  morceaux  estima- 
bles, mais  empreints,  beaucoup  moins  par  son  fait  que  par  ce- 
lui de  ses  collaborateurs,  d'une  fâcheuse  monotonie.  A  la  manière 
dont  sa  partition  a  été  d'un  bout  à  l'autre  acclamée  par  un  audi- 
toire trop  bienveillant ,  il  serait  peut-être  en  droit  de  croire  à  un 
éclatant  succès;  mais  ce  serait  là  une  illusion  dangereuse.  S'il  ne  se 
laisse  pas  éblouir  par  ces  faux-semblants  d'enthousiasme,  il  nous 
fournira  sans  doute,  dans  un  second  ouvrage,  l'occasion  de  faire 
ressortir  les  qualités  qui  ne  sont  qu'en  germe  dans  la  Fille  du 
maître  de  chapelle.  Çà  et  là,  néanmoins,  nous  avons  remarqué  des 
intentions  suivies  d'effet;  au  premier  acte,  par  exemple,  un  air  de 
basse,  une  romance,  un  finale  sur  la  pluie  et  le  beau  temps,  dont 
les  paroles  ne  sont  guère  de  nature  à  provoquer  l'inspiration;  au 
second  acte,  un  gentil  duetto  pour  voix  de  femmes,  un  morceau  de 
situation  assez  bien  venu,  un  trio  final  ;  et  enfin,  au  troisième,  le 
grand  air  de  Theodora,  et  un  air  pour  ténor. 

Sauf  Mlle  Garait,  que  nous  avons  entendue  à  l'Opéra-Comique,  et 
dont  le  talent  nous  a  semblé  être  en  progrès,  tous  les  autres  inter- 
prètes de  M.  Ventéjoul  nous  étaient  inconnus,  tout  au  moins  en  per- 
sonne ;  car  les  noms  de  quelques-uns  d'entre  eux  étaient  venus  jus- 
qu'à nous.  Mme  de  Jolly,  agréable  comédienne  et  chanteuse  exercée, 
a  laissé  d'excellents  souvenirs  dans  nos  principales  villes  de  la  pro- 
vince ;  M.  Bonnefoy  a  conquis  également  une  réputation  méritée  sur 
les  grandes  scènes  de  Belgique  et  de  France.  MM.  Gadilhe  et  Fer- 
nando u'ont  pas,  à  beaucoup  près,  la  même  habitude  des  planches  ; 
mais  le  premier  possède  une  bonne  voix  de  ténor,  et  le  second  n'est 
pas  un  baryton  sans  mérite.  Les  chœurs  et  l'orchestre  complètent 
un  très-satisfaisant  ensemble. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


GRAND  PRIX  DE  COMPOSITION  MUSICALE. 

Conformément  au  décret  du  h  mai  dernier,  le  jury  désigné  par  le 
sort  pour  juger  le  concours  de  composition  musicale  s'est  réuni 
vendredi  dernier,  à  midi,  dans  la  petite  salle  du  Conservatoire  de 
musique  et  de  déclamation. 

Le  jury  était  ainsi  composé  :  M.  Auber,  président,  Berlioz,  Georges 


DE  PARIS. 


227 


Kastner,  prince  Poniatowski,  Barbereau,  Elwart,  Boulanger,  Bazin, 
Duprato. 

Les  cinq  cantates  ont  été  successivement  exécutées  dans  l'ordre 
suivant  : 

1°  La  cantate  de  M.  Saint-Saëns  a  été  chantée  par  MM.  Warot,  Ar- 
chainbaud  et  Mme  Galli-Marié  ; 

2°  Celle  de  M.  Danhauser,  par  MM.  Warot,  Battaille  et  Mlle  Mon- 
rose  ; 

3°  Celle  de  M.  Constantin,  par  MM.  Morrere,  Gourdin  et  Mme  Fer- 
dinand; 

h°  Celle  de  M.  Lefebvre,  par  MM.  Bach,  Bonnesseur  et  Mlle  Le- 
vieilli  ; 

5°  Enfin,  celle  de  M.  Sieg,  par  MM.  Colomb,  Gourdin  et  Mme  Ge- 
netier. 

C'est  à  la  cantate  de  M.  Sieg,  élève  de  M.  Ambroise  Thomas,  que 
le  grand  prix  a  été  décerné,  après  une  courte  délibération. 

Par  une  conséquence  des  décrets  impériaux  relatifs  aux  grands  prix 
de  Rome,  il  ne  pouvait  en  être  décerné  qu'un  seul  aux  concurrents 
âgés  de  plus  de  vingt-cinq  ans,  et  quatre  des  concurrents  avaient 
dépassé  cet  âge  ;  M.  Lefebvre  seul  ne  l'avait  pas  encore  atteint. 


CONSERVATOIRE  IMPÉRIAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Concours  à  nuis  clos. 

Lundi  11  juillet. 

Solfège.  (Classes  des  hommes.) — Premières  médailles:  MM.  Pastou, 
élève  de  M.  Batiste;  Souplet,  élève  de  M.  Duvernoy  ;  Hammerel, 
élève  de  M.  Batiste;  Bourgeois,  élève  du  même;  Fridrich,  élève  de 
M.  Emile  Jonas. 

Deuxièmes  médailles  :  MM.  Tirpenne,  élève  de  M.  Emile  Durand  ; 
Marie,  élève  du  même;  Savary,  élève  de  M.  Batiste  ;  Rougnon,  élève 
du  même;  Courtade,  élève  du  même;  Jouet,  élève  de  M,  Emile  Du- 
rand ;  Brun,  élève  de  M.  Emile  lonas. 

Troisièmes  médailles  :  MM.  Deloche,  élève  de  M.  Savard;  Rol- 
land, élève  de  M.  Emile  Jonas;  Corlieu,  élève  de  M.  Alkan  ;  Truffot, 
élève  de  M.  Batiste;  Darblay,  élève  de  M.  Emile  Durand;  Cibié, 
élève  de  M.  Alkan  ;  Bourdeau  5e,  élève  du  même  ;  Carlier,  élève  de 
M.  Emile  Durand. 

(Classes  des  femmes.)  —  Premières  médailles  :  Mlles  Ducasse, 
élève  de  Mme  Maucorps  ;  Renaud,  élève  de  Mlle  Mercié-Porte  ;  André, 
élève  de  la  même;  Savit,  élève  de  Mlle  Barles;  de  Massas,  élève  de 
M.  Batiste;  Biot,  élève  de  M.  Lebel  ;  Boulat-Lebel,  élève  du  même; 
Sinner,  élève  du  même;  Bastin,  élève  de  Mlle  Leclercq  ;  Hisson, 
élève  de  M.  Lebel. 

Secondes  médailles  :  Mlles  Alizier,  élève  de  Mlle  Barles;  Salo- 
mon,  élève  de  Mme  Doumic;  Penau,  élève  de  M.  Lebel;  Barbetti, 
élève  du  même  ;  Nondin,  élève  de  Mme  Doumic;  Lecallo,  élève  de 
Mlle  Leclercq  ;  Midoz,  élève  de  M.  Lebel  ;  Cœvoët,  élève  de  Mme 
Maucorps;  Clause,  élève  de  M.  Lebel;  Seguin,  élève  de  Mme  Dou- 
mic; d'Almeïda,  élève  de  M.  Lebel;  Legros,  élève  de  Mlle  Mer- 
cié-Porte ;  Blankemstein  ,  élève  de  Mlle  Mercié-Porte  ;  Mention  , 
élève   de  Mlle  Hersant;  Grillon,  élève  de  M.  Lebel. 

Troisièmes  médailles  :  Mlles  Batiste,  élève  de  M.  Batiste;  Max, 
élève  du  même  ;  Leclerc,  élève  de  Mlle  Barles  ;  Lacroix,  élève  de 
M.  lebel;  Léon,  élève  de  M.  Batiste;  Reingpach,  élève  de  M.  Go- 
blin  ;  Dajon,  élève  de  Mme  Maucorps  ;  Poileux,  élève  de  M.  Lebel  ; 
Worms,  élève  de  Mlle  Leclercq;  Janin  2e,  élève  de  M.  Goblin  ; 
Rozé,  élève  de  Mme  Doumic;  Régnier,  élève  de  Mme  Doumic;  De- 
launay,  élève  de  Mlle  Barles  ;  Goethals,  élève  de  Mlle  Leclercq  ;  Ja- 
nin 1",  élève  de  M.  Goblin  ;  Hamus,  élève  de  Mme  Maucorps  ; 
Donne,  élève  de  Mme  Maucorps;  Waldleufel,  élève   de  M.  Lebel. 


Mardi  12  juillet. 
Harmonie.—  1er  prix,  MM.  Gaurion,  élève  de  M.  Clapisson;  Covin, 
élève  du  même.  1er  accessit,  Quinzard,  élève  du  même  ;  2G  accessit, 
Ghilain,  élève  du  même;  3°  accessit,  Bannelier,  élève  de  M.  Elwart. 
Contre-point  et  fugue.  —  1er  prix,  MM.  Lavignac,  élève  de  M.  Amb. 
Thomas;  2e  prix,  Boisseau,  élève  de  M.  Reber.  1er   accessit,    Godin, 
élève  de  M.  Reber;  2°  accessit,  Power,  élève  de  M.  Amb.  Thomas. 
Mercredi  13  juillet. 
Contre-basse.  (Professeur,  M.  Labro).  —  1er  prix,  MM.  Schubert  ; 
2°  prix,  Veyret.  1er  accessit,  Bollaert;  pas  de  second  accessit;  3°  ac- 
cessit, Baugean. 

Orgue  (professeur,  M.  Beioist).  —  Ie' prix,  MM.  Blondel  ;  2e 
prix,  Girard  ;  Ie'  accessit,  Leavy  et  Lavignac  ;  2e  accessit,  Henri 
Hess. 

Harmonie  et  accompagnement  pratique  (hommes),  (professeur, 
M.  Bazin).  —  1er  prix,  MM.  Pradean  et  Eosen;  2e  prix,  Vygen; 
1er  accessit,  Rabuteau  ;  2e  accessit,  Wintzweiller,  3e  accessit,  Suiste. 
Femmes.  —  1er  prix,  Mlles  Hardouin,  élève  de  M.  Bienaimé;  2e 
prix,  Noël,  élève  de  Mme  Dufresne,  et  Vidal,  élève  de  la  même; 
■Ie'  accessit,  Jungk,  élève  de  la  même;  2e  accessit,  Mangot,  élève 
de  la  même. 

Jeudi  14  juillet. 
Élude  du  clavier  (classes  des  hommes  et  des  femmes).  —  Pre- 
mières médailles  :  Mlles  Davis,  élève  de  Mme  Réty;  Schart,  élève 
de  la  même  ;  Potty,  élève  de  la  même  ;  Joséphine  Wilden,  élève  de 
la  même;  Biot,  élève  de  la  même;  Louise  Wilden,  élève  de  la 
même;  Régnier,  élève  de  Mlle  Jousselin,  M.  Forestier,  élève  de 
M.  Croharé. 

Deuxièmes  médailles  :  Mlles  Bloch,  élève  de  Mlle  Jousselin  ;  La- 
croix, élève  de  Mme  Réty,  Boulat-Lebel,  élève  de  la  même;  Girar- 
dot,  élève  de  la  même  ;  Muller,  élève  de  Mlle  Jousselin  ;  Barbetti, 
élève  de  Mme  Réty;  Lecallo,  élève  de  la  même. 

Troisièmes  médailles:  Mlles  Mangot,  élève  de  Mlle  Rouget  de 
Lisle  ;  M.  Bourgeois,  élève  de  M.  Anthiome  ;  Mlles  Salomon,  élève 
de  Mlle  Jousselin;  Beaumont  lre,  élève  de  la  même;  Alizier,  élève 
de  la  même  ;  Léon,  élève  de  la  même. 

Les  concours  publics  commenceront  mercredi  prochain,  et  auront 
lieu  dans  l'ordre  suivant  :  mercredi  20  juillet,  chant;  jeudi  21,  piano; 
vendredi  22,  opéra-comique;  samedi  23,  tragédie  et  comédie  ;  lundi 
25,  grand  opéra;  mardi  26,  violoncelle  et  violon;  mercredi  27  et 
jeudi  28,  instruments  à  vent. 
La  distribution  des  prix  est  annoncée  pour  le  mardi  2  août. 


DES  MÉLODIES  DE  MEYERBEER 

ET   DE 

SES  ŒUVRES  EN  GÉNÉRAL  RELATIVEMENT  AU  PIANO. 

Les  conquêtes  de  Meyerbeer  dans  le  domaine  de  l'instrumentation, 
en  ce  qui  touche  la  sonorité,  l'harmonie,  le  rhythme,  sont  nom- 
breuses et  ont  été  fécondes.  Elles  sont  acquises  à  la  notoriété  uni- 
verselle. Ce  que  l'on  sait  moins,  c'est  que,  lorsqu'il  s'est  restreint  aux 
compositions  pour  piano  seul,  le  génie  de  Meyerbeer  a  été  tout  aussi 
admirable  que  lorsqu'il  a  utilisé  toutes  les  ressources  orchestrales. 

On  sait  que  le  grand  compositeur  avait  excellé  comme  pianiste. 
Dès  que  la  fascination  des  succès  de  théâtre  l'eut  frappé,  il  cessa  de 
jouer  du  piano  comme  virtuose.  Mais  il  lui  était  resté  de  ses  études 
sur  cet  instrument  un  incomparable  talent  d'improvisation,  et  les 
rares  privilégiés  qui  ont  été  admis  à  l'entendre  dans  ses  heures  de 
bonne  volonté,  où,  cédant  aux  prières  de  l'amitié  et  à  l'admiration  de 
grands  écrivains  ou  de  grands  artistes,  il  laissait  sur  le  clavier  ses 
doigts  réaliser  ses  fugitives  inspirations,  en  ont  gardé  un  souvenir 


228 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


qui  ne  s'effacera  pas.  Chez  Chopin,  où  sa  visite  était  toujours  un 
événement,  les  discussions  de  doigté,  de  rhythme,  d'esthétique,  ne 
manquaient  jamais  d'amener  quelqu'une  de  ces  études  improvisées. 
Il  serait  facile  de  citer  bien  des  impovisations  auxquelles  moins  de 
mystère  présidait.  Comme  improvisateur,  Meyerbeer  portait  si  loin 
l'art  de  fixer  des  idées  fugitives,  de  les  régulariser  et  de  donner  de 
l'ordre  à  la  spontanéité  de  l'improvisation,  qu'à  l'exception  de  cer- 
tains traits  inattendus,  hasard  heureux  d'un  beau  génie  se  livrant  à 
son  imagination,  il  semblait  exécuter  des  compositions  méditées  plu- 
tôt que  de  véritables  improvisations.  Une  femme  que  l'on  nommera 
quand  nous  aurons  dit  que  c'est  le  plus  solide  et  le  plus  brillant 
écrivain  de  notre  époque,  a  eu  le  bonheur  de  l'entendre  souvent,  et 
nous  a  maintes  fois  parlé  de  ces  séances  magnifiques.  Elle  a  même 
remarqué  que,  d'habitude,  l'illustre  virtuose  se  donnait  un  thème 
qui  était  chargé  de  tout  terminer,  et  comme  l'explosion  de  l'im- 
provisation entière.  Dès  le  commencement,  on  voyait  l'idée  germer, 
sourdre/;  se  diviser,  s'enrichir  d'accessoires,  d'embellissements; 
mais  tout  cela  servait  de  préparation,  de  repoussoir;  et  par  degrés, 
le  motif  se  détachait,  jusqu'à  ce  qu'enfin,  dans  un  crescendo  continu, 
il  éclatât  comme  un  hymne  exalté,  enivré.  C'était  là  sa  méthode 
d'improviser  la  plus  habituelle,  une  formule  que  du  reste  Meyerbeer  a 
reproduite  plusieurs  fois  dans  ses  opéras,  dans  la  cavatine  :  Grâcel 
de  Robert,  notamment,  et  dans  le  lied  du  Chant  de  Mai.  Autour  de  ce 
motif,  qui  était  le  coup  d'éclat,  mille  motifs  bruissaient  et  circulaient, 
et  l'on  pouvait  reconnaître  combien  les  idées  étaient  nombreuses, 
faciles  et  puissantes  chez  ce  maître  dont  les  œuvres  sont  si  savam- 
ment composées  et  assemblées  dans  une  si  ferme  unité  que  chaque 
œuvre  semble  un  tout  indissoluble.  De  ses  études  sur  le  piano,  il  est 
resté  un  vestige  ineffaçable  dans  les  partitions  réduites  au  piano  de 
tout  l'œuvre  de  Meyerbeer,  et  le  don  de  pénétrer  le  génie  des  ins- 
truments, qui  fut  si  naturel  à  cette  intelligence  admirable,  se  retrouve 
sous  un  aspect  tout  imprévu  dans  ses  œuvres  où  le  piano  seul  est 
chargé  de  résumer  tant  de  sonorités  diverses,  tant  d'effets  complexes, 
tant  de  nuances  de  l'orchestre  et  de  la  voix,  et,  en  un  mot,  toute  la 
composition. 

Certes,  ce  n'est  pas  une  musique  à  mettre  entre  les  mains  des 
pianistes  peu  exercés  ;  mais  on  peut  dire  que  la  difficulté  proprement 
dite  n'y  existe  point.  Chez  Meyerbeer  la  difficulté  est  ce  qu'elle  est 
dans  les  maîtres,  elle  est  dans  la  nature  de  l'idée  qui  n'aurait  pu 
être  exprimée  sans  la  difficulté  ;  elle  n'est  que  le  corollaire  des  idées 
qu'elle  exprime.  Ses  arrangements  au  piano  sont  religieusement  faits, 
sages,  n'exagérant  en  rien  les  moyens  d'exécution  de  l'instrument. 
Ce  sont  des  partitions  à  l'usage  des  gens  qui  n'ont  pas  l'expérience 
et  l'habitude  des  partitions,  et  qui  seraient  déroutés  dans  la  grande 
page  distribuée  entre  tout  un  orchestre  et  les  voix. 

Dans  la  bibliothèque  musicale  il  y  a  peu  d'arrangements  satisfai- 
sants. On  cite  le  Freischute  réduit  pour  piano  par  Weber,  la  sym- 
phonie héroïque  réduite  par  Muller,  certaines  transcriptions  de  Liszt, 
de  Hummel,  de  Schneider,  Czerny  ;  Mendelssohn  se  transcrivant  lui- 
même  dans  sa  symphonie  dédiée  à  la  reine  Victoria,  et  c'est  tout. 
Beethoven  transcrivant  lui-même  sa  symphonie  en  la  n'a  commis 
qu'une  erreur.  Un  arrangement  est  toujours  une  difficulté  parce 
qu'on  se  résout  difficilement  à  n'y  vouloir  mettre  que  les  grandes 
lignes  des  idées,  et  à  ne  faire  qu'une  gravure  là  où  la  partition  est 
un  tableau. 

Meyerbeer,  qui  avait  le  sens  critique  très-développé,  ne  s'y  est 
point  trompé,  et  nous  retirons  de  son  talent  de  pianiste  un  bénéfice 
tout  nouveau  dans  la  réduction  de  ses  partitions,  réductions  tou- 
jours faites  sous  l'œil  du  maître,  contrôlées,  révisées,  remaniées,  re- 
faites et  refondues  par  lui,  et  ainsi  amenées  à  un  point  de  perfection 
qui  ne  saurait  être  dépassé.  En  effet,  Meyerbeer  pouvait  seul  juger 
et  diminuer  tout  l'ensemble  des  moyens  multiples  dont  il  s'est  servi 
pour  produire  les  œuvres  gigantesques  qui  ont  nom  :  Robert  le  Dia- 


ble, les  Huguenots,  le  Prophète,  Struensée,  les  Marches  aux  flam- 
beaux, Schiller-Marsch,  etc.  De  toutes  les  combinaisons  mises  en 
œuvre  par  le  compositeur  résulte  la  couleur  générale  qui  domine 
chaque  partition  et  qui  réside  à  la  fois  dans  le  chant,  dans  l'accom- 
pagnement, dans  l'harmonie,  dans  les  mouvements,  etc.  A  travers 
tous  ces  éléments  ,  comment  découvrir  la  corde  sensible  de  l'émo- 
tion ?  l'effet  est  partout,  il  circule  au  milieu  de  cette  trame  puis- 
sante, communiquant  à  l'œuvre  entière  l'unité,  la  chaleur,  la  vitalité. 
Qu'un  profane  s'évertue  à  réduire  au  piano  une  semblable  partition, 
il  s'égarera,  travaillera  au  hasard  et  gâtera  tout.  C'est  un  bonheur 
pour  l'art  que  Meyerbeer  ait  contrôlé  et  refondu  lui-même  chacune 
des  réductions  de  ses  œuvres  depuis  Marguerite  d'Anjou  et  il  Cro- 
ciato,  jusqu'à  l'accompagnement  provisoire  au  piano  des  chœurs  quj 
doivent,  dès  qu'ils  ont  été  appris,  être  chantés  par  des  voix  seules. 
Nous  avons  ainsi  tous  ses  chefs-d'œuvre  sous  leur  double  aspect,  et 
aussi  vivants,  aussi  complets,  avec  l'accompagnement  au  piano,  que 
dans  leur  suprême  manifestation  à  grand  orchestre.  Chaque  œuvre, 
quelle  qu'elle  soit,  est  ainsi  à  la  portée  de  chaque  artiste  isolé,  de 
chaque  exécutant  solitaire,  et,  en  mettant  la  main  au  piano,  on  est 
sûr  qu'on  va  reproduire  la  pensée  du  maître  dans  sa  native  virtualité, 
sans  avoir  à  redouter  qu'elle  soit  trahie  par  un  musicien  ignorant  et 
sans  goût,  ou  diminuée  par  un  arrangeur  vulgaire.  Si  Gluck  s'était 
donné  cette  peine,  il  eût  rendu  un  grand  service  à  nous  tous,  qui 
sommes  sa  postérité.  Meyerbeer  l'a  fait  !  Il  serait  ingrat  à  nous  de 
ne  pas  lui  en  montrer  de  la  reconnaissance. 

Maurice  CRISTAL. 


SOUVENIR  INÉDIT  DE  LESUEUR. 

Je  voudrais  aujourd'hui  raconter  un  trait  jusqu'à  présent  resté 
inconnu  de  la  vie  du  grand  musicien  auquel  la  France  doit  plusieurs 
chefs-d'œuvre,  parmi  lesquels  je  me  contenterai  de  citer  la  Caverne 
et  les  Bardes.  Le  fait  que  je  vais  tirer  de  l'ombre  honore  grande- 
ment la  mémoire  de  Lesueur,  et  prouve  que  chez  lui  le  cœur  était 
à  la  hauteur  de  l'intelligence. 

Le  21  fructidor  an  II  (7  septembre  179A),  le  théâtre  Favart  don- 
nait la  première  représentation  d'un  grand  ouvrage,  Arabelle  et  Vas- 
cos,  ou  les  Jacobins  de  Goa  (le  sous-titre  peut  sembler  singulier), 
drame  lyrique  en  trois  actes  dont  les  principaux  rôles  étaient  remplis 
par  Elleviou,  Chenard,  Solié,  Saint-Aubin,  Mmes  Desbrosses  et  Crétu. 
Le  Journal  de  Paris  terminait  ainsi  son  compte  rendu  de  la  repré- 
sentation de  cette  pièce,  dans  son  numéro  du  26  fructidor  :  «  La 
musique  est  du  C.  Lesueur;  la  réputation  de  ce  compositeur  célèbre 
a  nui  au  succès  de  cet  ouvrage,  parce  qu'en  comparant  cette  produc- 
tion nouvelle  à  ses  ouvrages  déjà  connus,  la  comparaison  n'est  pas 
à  l'avantage  de  celui-ci.  Il  y  a  néanmoins  plusieurs  morceaux  d'une 
grande  beauté,  et  qui  portent  le  cachet  de  ce  grand  maître.  —  L'au- 
teur des  paroles  est  le  C.  Lebrun-Tossa,  déjà  connu  par  plusieurs 
ouvrages  qui  ont  eu  du  succès.  » 

Or,  la  musique  à.'1  Arabelle  et  Vascos,  attribuée  d'abord  h  Lesueur, 
n'était  point  de  lui,  ainsi  que  nous  Talions  voir  par  la  lettre  sui- 
vante, dans  laquelle  il  explique  les  motifs  très-louables  qui  lui  en 
avaient  fait  endosser  la  responsabilité.  Cette  lettre  était  adressée  au 
même  Journal  de  Paris,  qui  la  publia  le  17  brumaire  an  III,  deux 
mois  après  la  première  représentation  de  l'ouvrage: 

«  Il  est  temps  d'instruire  le  public  et  les  artistes  du  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  national  des  motifs  qui  m'ont  déterminé  à  faire  pa- 
raître sous  mon  nom  la  musique  du  drame  intitulé  :  Arabelle  et  Vas- 
cos. Le  premier  a  été  d'épargner  au  citoyen  Marc ,  auteur  de  cette 
musique,  les  désagréments  attachés  à  un  début;  le  second,  de  don- 
ner aux  artistes  du  théâtre  Favart  un  compositeur  de  plus,  et  de 


DE  PARIS. 


229 


montrer  à  la  République  un  talent  qui  pourra  lui  devenir  cher.  Je 
ne  me  suis  point  dissimulé  les  dangers  que  j'avais  à  courir,  en  me 
chargeant  de  la  responsabilité  de  cet  ouvrage;  mais  une  bonne 
école,  une  musique  à  la  fois  pittoresque ,  énergique  et  chantante, 
l'empreinte  d'une  main  sûre  et  d'une  méthode  excellente  qui  peut 
faire  honneur  à  notre  école  française,  tout  m'a  rassuré.  J'étais  si  in- 
timement persuadé  de  la  beauté  de  plusieurs  morceaux  de  cet  opéra, 
que  j'en  eusse  regardé  la  chute  comme  une  injustice  ;  et,  dans  ce 
cas,  j'aurais  eu  le  courage  de  la  supporter.  Enfin  le  succès  a  cou- 
ronné mon  espoir,  et  j'en  rends  la  gloire  à  qui  elle  appartient  tout 
entière.  J'atteste  maintenant  que  c'est  moins  l'amitié  pour  le  musi- 
cien que  son  talent  qui  m'a  déterminé  à  la  démarche  que  j'ai  faite, 
et  que  j'eusse  entrepris  la  même  chose  pour  tout  autre  artiste  qui 
eût  eu  le  même  génie.  Mon  extrême  amour  pour  les  arts,  et  leur 
gloire,  est  entré  pour  tout  dans  le  péril  auquel  je  me  suis  exposé. 
Je  déclare  en  outre  n'avoir  point  fait  une  note  dans  la  musique  du 
citoyen  Marc,  ni  même  donné  un  conseil  ;  car,  si  l'un  de  nous  deux 
pouvait  en  donner  à  l'autre,  ce  ne  serait  pas  moi,  vu  que,  dans  un 
temps  où  je  savais  à  peine  les  éléments  de  mon  art ,  le  compositeur 
dont  je  parle  avait  déjà  remporté  un  prix  de  musique  sur  quarante- 
cinq  rivaux  qui  concouraient  avec  lui.  Il  ne  me  reste  qu'à  inviter  les 
artistes  de  l'Opéra-Comique  national  à  continuer  leurs  soins  pour  un 
ouvrage  qui.  par  l'affluence  des  spectateurs  qu'il  continue  d'attirer, 
prouve  combien  il  est  agréable  au  public. 

»  Signé:  Lesueur.  » 

Ainsi,  en  1794,. nous  voyons  Lesueur,  déjà  célèbre  par  sa  musique 
religieuse,  Lesueur,  pour  qui  une  ère  de  gloire  avait  commencé  par 
la  représentation  de  ses  deux  premières  œuvres  dramatiques,  la  Ca- 
verne et  Paul  et  Virginie,  tendre  charitablement  la  main  à  un  artiste 
obscur,  user  de  son  influence  et  de  son  crédit  pour  faire  recevoir 
sous  le  couvert  de  son  nom,  dans  un  grand  théâtre,  une  partition 
de  cet  artiste,  employer  son  temps  en  démarches,  en  travaux,  en 
répétiticns  pour  arriver  à  produire  en  public  une  œuvre  qui  n'était 
point  sienne,  une  œuvre  dont  la  destinée  pouvait  être  malheureuse, 
et  par  là  même  porter  atteinte  en  même  temps  à  la  réputation  et  à 
l'avenir  de  celui  qui  se  donnait  pour  son  auteur.  N'est-ce  pas  là  un 
spectacle  touchant  et  bien  digne  d'inspirer  autant  de  sympathie  pour 
le  caractère  de  Lesueur  que  ses  œuvres  sont  faites  pour  provoquer 
l'admiration?  Trouverait-on,  dans  n'importe  quel  temps,  beaucoup 
d'artistes  capables  à  la  fois  d'une  telle  générosité,  d'une  telle  bonté 
de  cœur,  d'un  tel  dévouement,  surtout  si  l'on  réfléchit  que  cette  gé- 
nérosité, cette  bonté,  ce  dévouement  pouvaient,  non-seulement  être 
produits  en  pure  perte,  mais  encore,  grâce  à  un  échec ,  devenir  si 
funestes  à  celui  qui  les  avait  déployés  ? 

J'ai  vainement  cherché,  partout  où  j'avais  chance  de  le  rencontrer, 
un  renseignement  quelconque  sur  ce  Marc,  auteur  véritable  et  authen- 
tique de  la  musique  d'Arabelle  et  Vascbs  ;  musicien  resté  obscur, 
celui-ci  n'est  mentionné  par  aucun  biographe.  Choron  et  Fayolle 
n'ont  pas  eu  connaissance  de  la  lettre  et  du  fait  que  je  viens  de  rap- 
porter et  que  le  hasard  seul  m'a  fait  découvrir,  au  milieu  de  re- 
cherches qui  avaient  un  tout  autre  objet:  leur  Dictionnaire  his- 
torique des  musiciens  est  donc  muet  à  cet  égard,  ainsi  que  la 
première  et  la  seconde  édition  de  la  Biographie  universelle  des  mu- 
siciens. La  Biographie  Arnault,  celle  de  MM.  de  Jouy,  Jay  et  de 
Norvins  (Biographie  universelle  et  portative  des  contemporains), 
d'ordinaire  si  exacte  et  si  bien  informée,  n'ont  point  d'article  sur 
Marc,  non  plus  que  l'immense  recueil  de  Michaud  et  celui  de  M.  Di- 
dot.  L'Almanach  des  spectacles  du  libraire  Duchesne,  dont  la  publi- 
cation fut  interrompue  en  1795,  mais  qui,  dans  son  volume  de  l'an 
VIII,  donnait  une  liste  des  ouvrages  joués  sur  les  principaux  théâtres 
de  Paris  depuis  qu'il  avait  cessé  de  paraître,  oublie  Arabelle  et  Vas- 
cos  en  compagnie  de  bien  d'autres,  et  ne  donne  le  titre  de  cette 
pièce  ni  au  catalogue  des  œuvres  de  Lebrun-Tossa,  auteur  des  paro- 


les, ni  à  celui  de  Lesueur,  ni  à  celui  de  Marc,  qui  n'y  existe  pas. 
Enfin,  Delandine,  dans  sa  très-inexacte  et  très -incomplète  Biblio- 
graphie dramatique,  est  pourtant  le  seul  qui  mentionne  cet  opéra, 
mais  il  en  indique  la  musique  comme  étant  de  Lesueur. 

J'espérais  du  moins  que,  dans  l'édition  du  poëme  d'Arabelle  et 
Vascos,  Lebrun-Tossa  aurait  consigné,  soit  en  notes,  soit  sous  forme 
de  préface,  quelques  détails  relatifs  aux  particularités  qui  signalè- 
rent la  représentation  de  cet  opéra  :  il  n'en  est  rien.  Et  cependant, 
il  est  impossible  de  supposer  que  cet  écrivain  n'a  pas  eu  connais- 
sance de  la  supercherie  employée  en  cette  occasion  par  Lesueur,  et 
qu'il  n'ait  pas  su  lequel,  de  celui-ci  ou  de  Marc,  était  réellement  son 
collaborateur.  Eh  bien,  non-seulement  il  n'en  dit  pas  un  mot,  mais 
encore  sa  brochure  porte  le  nom  de  Lesueur  comme  auteur  de  la 
musique.  Elle  aura  sans  doute  été  publiée  avant  que  ce  dernier  eût 
fait  connaître,  par  sa  déclaration  publique,  qu'il  était  complètement 
étranger  à  la  composition  de  l'ouvrage. 

Il  est  fâcheux  qu'on  ne  puisse  absolument  rien  savoir  sur  l'auteur 
véritable  de  cette  partition,  partition  qui,  je  pense,  n'a  jamais  été 
gravée,  mais  dont  la  valeur  devait  être  incontestable  pour  qu'un 
artiste  tel  que  Lesueur  consentît  à  lui  donner  le  passeport  de  son 
nom,  et  qu'il  en  eût  «  regardé  la  chute  comme  une  injustice.  » 
Ces  dernières  lignes  de  la  lettre  du  grand  musicien  constatent  d'ail- 
leurs le  bon  accueil  fait  à  l'œuvre,  puisqu'il  les  écrivait  deux  mois 
après  la  première  représentation  :  «  Il  ne  me  reste  qu'à  inviter  les 
artistes  de  l'Opéra-Comique  national  à  continuer  leurs  soins  pour  un 
ouvrage  qui,  par  l'affluence  des  spectateurs  qu'il  continue  d'attirer, 
prouve  combien  il  est  agréable  au  public.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  pensé  qu'un  fait  si  honorable  pour  le  ca- 
ractère de  Lesueur  ne  devait  point  rester  inconnu,  et  je  suis,  pour 
ma  part,  heureux  de  rendre  ici  à  sa  mémoire  l'hommage  qui  lui 
est  dû. 

Arthur  POUGIN. 


NOUVELLES. 

***  Lundi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la  première  repré- 
sentation du  ballet  de  Saint-Léon  :  Néméa.  Nous  en  rendons  compte. 
Deux  autres  représentations  ont  eu  lieu  mercredi  et  vendredi. — Mlle  de 
Maesen  a  fait  un  second  début  dans  le  Comte  Ory  qui  précédait  le  bal- 
let ;  la  jeune  et  belle  cantatrice  y  a  montré  les  qualités  et  les  défauts 
que  nous  avons  signalés  lors  de  son  premier  début. 

*%  Mercredi  prochain,  Morère  fera  son  second  début  dans  le  rôle  de 
Raoul,  des  Huguenots. 

(i*,  La  prochaine  saison  du  théâtre  Italien  commence  à  se  dessiner, 
et  M.  Bagier  s'occupe  incessamment  de  tout  ce  qui  pourra  lui  donner 
de  l'éclat.  Déjà  quarante  artistes,  au  nombre  desquels,  en  dernier  lieu, 
l'excellent  baryton  Delle-Sedie,  ont  traité  avec  M.  Bagier. — Il  engage  en 
outre  un  corps  de  ballet  qui  sera  composé  de  jeunes  et  jolies  dan- 
seuses, et  qui  complétera  agréablement  les  spectacles.— De  plus,  beau- 
coup d'améliorations  sont  faites  dans  la  salle  et  la  rendront  plus  con- 
fortable. Ainsi  :  1°  quatre  des  premières  loges  découvertes  vont  être 
supprimées  afin  d'élargir  les  autres;  2°  les  séparations  de  ces  loges 
seront  élevées  de  manière  à  ce  qu'on  ne  soit  plus  coude  à  coude  d'une 
loge  à  l'autre  ;  3°  ces  loges  ne  seront  abonnées  et  louées  qu'à  des  per- 
sonnes de  la  Société;  4°  l'orchestre,  tout  en  conservant  son  passage  au 
milieu,  aura  deux  rangs  de  moins,  qui  ont  été  supprimés  pour  élargir 
la  distance  entre  ceux  qui  resteront;  5°  en  outre,  quelques-uns  des 
rangs  de  fauteuils  d'orchestre  seront  convertis  en  stalles  qui  se  ven- 
dront moins  cher  le  soir  au  bureau  que  les  fauteuils  d'orchestre. 

***  Le  choix  de  M.  Bagier  s'est  fixé  sur  M.  Bosoni  pour  diriger  l'or- 
chestre du  théâtre  Italien  cet  hiver.  M.  Bosoni  est  un  artiste  de  mérite 
qui  a  été  chef  d'orchestre  au  théâtre  de  la  Fenice,  à  Venise. 

***  La  direction  du  théâtre  Lyrique  va  mettre  à  l'étude  un  opéra- 
comique  de  MM.  Jules  Barbier  et  Edouard  de  Hartog,  le  Mariage  de 
Don  Lope,  qui  sera  l'une  des  pièces  nouvelles  de  la  saison  prochaine. 

t%  Mlle  Christine  Nielson,  élève  de  Wartel,  après  une  brillante  au- 
dition, vient  d'être  engagée  pour  trois  ans  au  théâtre  Lyrique. 

„*$  Mme  Emmy  Lagrua  est  arrivée  cette  semaine  à  Paris  après  avoir 
brillamment  clos  sa   saison   au    théâtre  italien   de  Covent-Garden.  La 


230 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


célèbre  cantatrice,  engagée  comme  nous  l'avons  dit  au  théâtre  de  San- 
Carlo  à  Naples,  va  passer  encore  quelques  jours  ici,  après  quoi  elle  ira 
se  reposer  en  Italie. 

,%  Nous  empruntons  au  journal  le  Pays  la  note  suivante  :  «  La  dé- 
molition du  pâté  de  masures  qui  forme  l'angle  du  boulevard  Bonne- 
Nouvelle  et  de  la  rue  du  Faubourg-Saint-Denis  paraît  aujourd'hui  déci- 
dée, et  sur  cet  emplacement  doit  s'élever  un  théâtre,  qui  aura  pour 
titre  :  Théâtre  international.  La  place  nous  manque  pour  donner  une 
idée  complète  de  ce  que  sera,  comme  monument,  le  Théâtre  interna- 
tional. Contentons-nous  de  dire  que  la  façade  principale  donnant  sur  le 
boulevard  sera  conçue  dans  le  style  corinthien  et  aura  31  mètres  d'é- 
lévation. La  façade  latérale  longera  le  faubourg  Saint-Denis  jusqu'à  la 
rue  de  l'Echiquier,  sur  une  profondeur  de  111  mètres.  Le  côté  latéral 
opposé  sera  isolé  par  une  rue  de  3  mètres  de  largeur,  allant  du  bou- 
levard Bonne-Nouvelle  à  la  rue  de  l'Echiquier.  La  salle  de  ce  nouveau 
théâtre,  ayant  la  forme  d'une  lyre,  contiendra  6,400  personnes.  Elle 
comportera  un  orchestre  de  120  musiciens,  un  parterre  de  2,100  places, 
et  enfin  plusieurs  étages  de  loges.  La  scène  aura  une  profondeur  de 
30  mètres  (celle  du  nouvel  Opéra  n'en  aura  que  18).  Le  service  public 
se  fera  par  vingt  escaliers  de  3^40  de  largeur.  » 

„%  Si  l'on  en  croit  un  journal  de  Berlin,  Carlotta  Patti  viendrait 
l'hiver  prochain  donner,  sous  la  direction  d'Ullmann,  une  série  de 
concerts  dans  cette  ville.  Les  artistes  dont  les  noms  suivent  lui  prê- 
teraient leur  concours  :  Vieuxtemps,  Alf.  Jaell,  Jules  Steffens,  violon 
celliste,  et  le  baryton  Ferranti.  11  est  également  question  de  Vivier  et 
de  Godefroid. 

»%  Mme  Anna  Bochkoltz-Falconi,  professeur  au  Conservatoire  impé- 
rial de  Vienne,  est  en  ce  moment  à  Paris. 

„**  Morini  est  parti  pour  Brcscia  où  il  a  été  engagé  pour  chanter  le 
rôle  de  Faust,  dans  lequel  il  a  très-bien  réussi  l'hiver  dernier  au  théâ- 
tre Lyrique. 

***  Les  journaux  de  Lyon  constatent  à  l'envi,  et  dans  les  termes  les 
plus  chaleureux,  le  succès  qu'y  obtiennent  Berthelier  et  Mlle  Frasey 
dans  Lischen  et  Fritschen ,  et  Jean  Torgnole.  Le  célèbre  comique,  y  a 
joué  également  les  Deux  Aveugles  avec  M.  Lamy;  ils  y  ont  été  étour- 
dissants. La  recette  s'est  élevée  au  maximum  à  1,900  francs,  et  on 
a  dû  refuser  plus  de  cent  fauteuils. 

^  Il  vient  de  paraître  chez  Marcel  Colombier,  rue  Richelieu,  85,  une 
toute  petite  mais  charmante  composition  d'Emilie  de  Passardi.  C'est  une 
polka  de  salon  distinguée  et  originale. 

*.**  On  nous  écrit  d'Ems  que  le  Soldat  magicien,  de  MM.  Nuitter  et 
Trefeu,  musique  d'Offenbach,  vient  d'y  être  représenté  avec  un  grand 
succès.  Nous  en  rendrons  compte  dans  notre  prochain  numéro. 

»*„  Arban  vient  de  se  signaler  à  Marseille  comme  à  Nantes;  une  ova- 
tion des  plus  chaleureuses  lui  a  été  faite  au  Château  des  fleurs,  à  la 
fête  de  nuit  donnée  par  cet  établissement,  et  que  le  célèbre  chef  d'or- 
chestre parisien  a  dirigée  avec  son  talent  et  son  entrain  habituels. 

*%  D'après  un  relevé  statistique  qui  vient  de  paraître,  le  nombre 
des  salles  de  spectacle  existantes  en  Allemagne  est  de  165,  parmi  les- 
quels 19  théâtres  subventionnés  par  les  gouvernements  et  12  par  les 
municipalités. 

„%  Le  3  de  ce  mois,  les  élèves  du  collège  royal  de  musique  de 
S.  Pietro  a  Maiella,  de  Naples,  pour  honorer  la  mémoire  de  Meyerbeer, 
ont  exécuté  dans  une  séance  organisée  à  cet  effet-  les  morceaux  sui- 
vants de  l'illustre  compositeur  :  ouverture  de  l'Etoile  du  Nord  ;  chœur 
des  conjurés  du  Croeiato;  fantaisie  pour  la  flûte  sur  les  motifs  de 
Robert;  ouverture  de  Struensée;  fantaisie  pour  le  piano  sur  les  Huguenots; 
chœur  et  introduction  du  Croeiato;  ouverture  du  Pardon  de  Ploërmcl. 
La  solennité  a  été  précédée  d'un  discours  très-remarquable  du  cheva- 
lier Michel  Baldacchini,  gouverneur  du  collège,  et  qui  a  été  fort  ap- 
plaudi. 

t%  On  s'occupe  au  Conservatoire  de  Vienne  de  l'exécution  d'un  pro- 
jet ayant  pour  but  d'assurer  une  pension  convenable  aux  veuves  de 
ses  professeurs.  Les  fonds  nécessaires  proviendront  principalement  du 
produit  de  concerts  et  de  souscriptions. 

„*„  Le  7  de  ce  mois  a  eu  lieu  à  Hombourg  le  grand  concert  du  Ca- 
sino. Jaell,  Vieuxtemps  et  Seligmann  y  ont  joué  les  plus  beaux  mor- 
ceaux de  leur  répertoire  ;  la  Sylphide,  composition  de  Jaell  ;  une 
mélodie  anglaise  arrangée  par  lui,  et  la  valse  de  Chopin  ont  produit 
un  effet  immense.  De  son  côté,  Vieuxtemps  dans  un  rondo  brillant 
de  sa  composition,  dans  un  ravissant  morceau,  la  Bohémienne,  écrit 
récemment  par  lui,  et  dans  son  grand  duo  des  Noces  de  Figaro, 
avec  Jaell,  a  soulevé  les  acclamations  les  plus  enthousiastes.  Enfin 
Seligmann  a  conquis  sa  bonne  part  de  l'admiration  générale,  en  jouant 
avec  son  talent  si  sympathique  et  si  plein  de  sentiment,  plusieurs  œu- 
vres de  sa  composition. 

»%  La  fête  musicale  organisée  dimanche  dernier  à  Charenton  a  [été 
fort  brillante.  Le  jury  était  composé  de  MM.  Berlioz,  Battaille,  Carvalho, 
Jancourt,  Deffès,  Triebert,  Bazzoni  et  Camille  de  Vos.  La  médaille  d'hon- 
neur en  or,  offerte  par  S.  M.  l'Empereur,  a  été  décernée  à  la  musique 
du  89e  de  ligne  qui  a  pour  chef  M.  Marchai. 


*%  On  parle  d'un  grand  perfectionnement  clans  la  facture  des  ins- 
truments de  cuivre,  et  qui  consisterait  dans  la  découverte  d'un  moyen 
de  fixer  le  son  de  manière  à  le  faire  sortir  juste,  même  lorsqu'il  serait 
mal  attaqué  par  l'exécutant.  C'est  M.  de  Rette,  ancien  chef  de  musique 
dans  l'armée  belge,  et  aujourd'hui  facteur  lui-même,  qui  est  l'auteur 
de  cette  invention  pour  l'examen  de  laquelle  une  commission  vient 
d'être  nommée. 

„.**  M.  Vigourel,  qui  a  chanté  avec  succès  les  rôles  de  baryton  en 
province,  a  remplace,  au  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin,  Raynal  dans 
le  rôle  de  Figaro  du  Barbier  de  Séville. 

*%  L'administration  du  théâtre  Lyrique  impérial  prévient  MM.  les 
artistes  musiciens  qu'un  concours  pour  des  places  vacantes  de  violons, 
altos  et  violoncelles,  aura  lieu  au  théâtre  tous  les  mercredis  de  midi  à 
deux  heures.  On  est  prié  de  se  faire  inscrire  chez  le  concierge  du 
théâtre. 

„.**  Il  y  avait  foule  dernièrement  à  Neuilly  pour  assister  à  un  concert 
de  bienfaisance  organisé  par  M.  Ancelle,  maire  de  la  localité.  Mme 
Frezzolini,  Mlle  Joséphine  Martin,  MM.  Badiali,  Sainte-Foy,  Fromant, 
Sotto  et  le  brillant  violoniste  Whlte,  prêtaient  leur  concours  à  cette 
bonne  œuvre.  Ils  ne  s'y  sont  pas  épargnés,  et  ils  ont  trouvé  dans  les 
plus  chaleureux  applaudissements  la  récompense  de  leur  zèle  et  de  leur 
talent  ;  les  pauvres  n'ont  eu  de  leur  côté  qu'à  se  féliciter  du  produit 
de  la  recette. 

„.*„.  Nous  avons  eu  l'occasion  d'entendre  dernièrement  une  délicieuse 
valse  de  salon  intitulée  Souvenir  de  Saint-Germain,  et  qui  a  été  com- 
posée par  Mlle  Elisabeth  Saint-Marc  ;  nous  ne  nous  tromperons  pas  en 
lui  prédisant  un  grand  succès. 

***  M.  Stoltz,  l'habile  facteur  d'orgues,  vient  d'exposer  dans  ses  ate- 
liers, avenue  de  Saxe,  33,  où  on  peut  le  visiter  jusqu'à  la  fin  du  pré- 
sent mois,  un  grand  orgue  qui  lui  a  été  commandé  par  M.  Carmené, 
curé  de  l'église  paroissiale  de  Saint-Pierre  (île  de  la  Réunion).  C'est  un 
magnifique  instrument  à  huit  jeux  pour  le  premier  clavier,  cinq  pour 
le  second,  avec  clavier  de  pédale  à  l'allemande  à  tirasse,  cinq  pédales 
de  combinaison,  le  tout  offrant  un  développement  de  six  cent  quarante- 
deux  tuyaux.  Ses  dimensions  sont  de  5  mètres  de  hauteur,  h  mètres 
de  largeur  sur  lm,30  de  profondeur. 

t*„  M.  A.  Leprévost,  organiste  à  Saint-Roch,  fera  exécuter,  diman- 
che prochain  24  juillet,  en  l'église  de  Sainte-Marguerite  (faubourg  Saint- 
Antoine),  à  l'occasion  de  la  fête  patronale  de  cette  paroisse,  et  à  10 
heures  précises,  sa  quatrième  messe  à  grand  orchestre  ;  les  soli  seront 
interprétés  par  MM.  Louvergne  et  Lutz  (des  théâtres  impériaux).  A 
l'Offertoire,  l'orchestre  jouera  une  nouvelle  mélodie  religieuse  composée 
pour  cette  solennité  par  M.  Leprévost. 

„%  La  charmante  walse  d'Offenbach:  Feuilles  du  soir,  obtient  un  suc- 
cès qui  grandit  chaque  jour.  Le  premier  tirage  est  épuisé  ;  le  second 
tirage  sera  demain  en  vente. 

%*t  Comme  prélude  à  son  grand  ouvrage  :  Musique  harmonique  et 
musiciens  harmonistes  aux  xnc  et  xmc  siècles,  M.  Ed.  de  Coussemaker 
vient  de  publier  dans  les  Annales  archéologiques  de  Didron,  une  notice 
pleine  d'intérêt,  qui  a  été  réimprimée  à  part.  Le  cinquième  fascicule  des 
Scriptores  de  musicâ  medii  œvi,  de  ce  savant,  vient  de  paraître  égale- 
ment. On  imprime  la  table  et  l'introduction. 

***  M.  Edouard  Bouscatel,  le  courriériste  du  Petit  Journal,  vient 
d'écrire  les  paroles  de  deux  charmantes  compositions  qui  ont  pour  titre, 
l'une  :  Le  Chasseur,  ballade  publiée  chez  l'éditeur  liiehault,  et  dont 
la  musique  pleine  de  distinction  et  de  maestria  est  due  au  prince  Jo- 
seph Poniatowski  ;  l'autre,  Gilda,  est  une  walse  publiée  chez  Girod.  Ces 
deux  œuvres  sont  réservées  à  un  grand  succès. 

***  L'historien  belge,  Vanderstraten,  fait  mention  d'un  compositeur  du 
xvine  siècle,  nommé  Sieux  Vallancier,  qui  était  resté  entièrement  in- 
connu jusqu'à  présent,  dont  plusieurs  compositions  très-remarquables, 
entre  autres  une  Ode  spirituelle,  composée  en  1748,  ont  été  retrouvées. 
Il  a  demeuré  au  couvent  des  Ursulines  à  Lyon. 

***  On  lit  dans  la  Gazette  des  Etrangers  :  «  Le  morceau  que  Rossini 

a  écrit  le  jour  de  l'enterrement  de  Meyerbeer  est  intitulé  : 

QUELQUES  MESURES  FUNÈBRES 

A  mon  pauvre  ami 

GIACOMO  MEYERBEER. 

GioAccmNO  Rossini. 
6  mai  1864. 

»  C'est  un  chœur  à  quatre  parties,  d'un  effet  imposant  et  grandiose, 
et  dont  le  rhythme  large  est  indiqué  simplement  par  un  coup  frappé  à 
temps  égaux  sur  les  timbales,  recouvertes  d'un  voile  qui  en  assourdit 
le  timbre.  Ce  morceau  est  magnifique,  d'une  tristesse  et  d'une  mélan- 
colie indicibles,  et  digne  du  maître  immortel  qui  l'a  écrit  sous  l'inspi- 
ration d'une  douleur  sincère.  » 

***  L'éminent  pianiste  et  compositeur  Louis  Lacombe  nous  prie  de 
démentir  le  bruit  qu'on  fait  courir  depuis  quelque  temps  avec  une 
sorte  de  persistance  sur  l'intention  où  il  serait  de  ne  plus  accepter  d'é- 
lèves, et  sur  des  voyages  imaginaires  qu'il  ferait  tantôt  en  Allemagne, 


DE  PARIS. 


231 


tantôt  en  Russie,  en  Angleterre,  etc.  Bien  loin  de  songer  a  s'absenter 
de  Paris,  M.  Lacombe  y  est  retenu  par  la  mauvaise  santé  de  sa  femme, 
et  quant  à  ses  fonctions  de  professeur,  il  n'a  jamais  cessé  de  donner 
ses  conseils  aux  personnes  qui  les  lui  ont  demandés,  soit  rue  du  Mail 
où  Mme  Erard  a  la  bonté  de  mettre  à  sa  disposition  un  de  ses  beaux 
salons,  soit  chez  lui  à  Passy,  villa  Beau-Séjour. 

***  On  sait  que  sous  le  haut  patronage  de  M.  le  duc  de  Morny, 
Trouville  a  vu  s'élever,  comme  par  enchantement,  sur  la  rive  opposée 
de  la  Toucque,  une  nouvelle  ville  qui  a  reçu  le  nom  de  Deauville.  De 
ravissantes  villas  qu'habitent  déjà  le  duc  et  la  duchesse,  le  prince  de 
Metternicu,  la  princesse  Poniatowska,  M.  Boittelle,  M.  et  Mme  Arcos,  et 
beaucoup  d'autres  personnes  élevées  de  leur  société  ;  deux  grands  hôtels 
à  l'usage  des  voyageurs,  un  magnifique  hippodrome  dont  l'inauguration 
aura  lieu  le  15  août,  une  salle  de  spectacle,  un  casino,  des  jardins, 
promenades,  etc.,  offrent  un  aspect  des  plus  pittoresques  et  des  plus 
séduisants,  et  bientôt  Deauville,  qui  jouit  de  la  même  plage  et  de  la 
même  vue  que  Trouville,  ne  tardera  pas  à  faire  à  son  aînée  une  rude 
concurrence.  C'est  que  les  plaisirs  les  plus  variés  s'offriront  aux  visi- 
teurs et  aux  baigneurs  de  Deauville;  outre  les  courses  de  chevaux,  le 
spectacle  et  les  concerts  y  alterneront.  De  même  qu'à  Bade  et  dans  les 
autres  eaux  thermales,  l'orchestre  du  Casino  jouera  soir  et  matin,  et 
M.  Desgranges,  qui  depuis  plusieurs  hivers  s'est  fait  connaître  à  Paris 
par  le  talent  et  l'habileté  avec  lesquels  il  dirigeait  la  musique  des  bals 
de  la  haute  société,  et  par  de  très-agréables  compositions,  a  été  choisi 
comme  chef  d'orchestre  du  Casino  de  Deauville.  11  vient  de  partir  pour 
y  installer  vingt  musiciens  choisis  avec  soin,  et  à  partir  de  cette  se- 
maine, ils  exécuteront  sous  sa  direction  un  répertoire  varié  d'ouver- 
tures, d'opéras,  fantaisies,  musique  de  danse,  etc. 

„,**  Au  concert  des  Champs-Elysées,  une  valse  nouvelle  intitulée  les 
Papillons  a  été  exécutée  trois  fois  la  semaine  dernière  avec  beaucoup 
de  succès.  Cette  charmante  valse  de  M.  Paul  Tessier  se  distingue  par 
la  fraîcheur,  la  grâce  élégante  de  la  mélodie.  11  n'est  pas  sans  intérêt 
de  rappeler  que  le  compositeur,  M.  Paul  Tessier,  est  à  la  fois  savant 
chimiste,  entomologiste  expérimenté  et  auteur  d'un  remarquable  traité 
de  pyrotechnie,  que  S.  Exe.  le  ministre  de  la  guerre  a  jugé  digne  d'être 
publié  aux  frais  du  gouvernement. 

,.%  On  se  préoccupe  beaucoup  de  la  grande  fête  de  l'infanterie  qui 
sera  donnée  au  Pré-Catelan  aujourd'hui  dimanche,  au  bénéfice  de 
l'Association  des  artistes  musiciens.  Mille  exécutants  civils  et  militaires 
concourront  à  cet  immense  festival,  œuvre  d'art  et  de  charité  frater- 
nelle. 

**„  Une  basse-taille  qui  avait  commencé  au  théâtre  delà  Renaissance,  et 
qui  depuis  s'était  fait  une  certaine  réputation  dans  cet  emploi  sur  les 
premières  scènes  de  la  Belgique,  de  la  France  et  de  l'Italie,  Henri 
Zelger,  vient  de  mourir  à  Ledeberg,  près  Gand;  il  n'était  âgé  que  de 
quarante-sept  ans. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


„.%  Londres.— La  première  représentation  de  la  Stella  del  Nord  atten- 
due avec  tant  d'impatience  est  annoncée  pour  samedi  prochain  au  théâ- 
tre de  Covent-Garden ,  où  Mlle  Patti  vient  d'avoir  un  nouveau  succès 
dans  PElisire  d'Anton.— De  son  côté,  Mme  Lagrua  a  donné  devant  une 
salle  comble  et  enthousiaste  sa  représentation  d'adieu.  —  Au  théâtre  de 
Sa  Majesté,  l'opéra  Mirella  a  été  donné  cinq  fois,  et  l'exécution  n'en 
laisse  rien  à  désirer.  Mmes  Trebelli  et  Volpini,  qui  remplissent  les  deux 
rôles  que  chantait  à  Paris  Mme  Faure,  sont  souvent  applaudies  à  côté 
de  Mme  Tietjens,  mais  l'impression  générale  est  froide,  et  les  avis  des 
journaux  et  du  public  sur  le  mérite  et  l'avenir  de  cet  ouvrage  sont 
très-partages.  L'opinion  dominante  ne  lui  est  pas  favorable.  —  Les 
concerts  touchent  à  leur  fin,  bien  qu'on  annonce  le  projet  de  la  reine 
de  revenir,  contrairement  aux  usages  adoptés,  à  Londres,  pour  tenir 
plusieurs  levers.  Dans  celte  hypothèse,  le  directeur  de  Covent-Garden 
songerait  à  prolonger  la  saison  et  à  s'assurer  dans  ce  but  le  concours 
de  ses  plus  remarquables  artistes.  —  Le  concert  annuel  qu'Ascher 
vient  de  donner  aété  aussi  brillant  que  d'habitude.  — Mlle  Remaury,  une 
excellente  pianiste  française,  vient  de  se  faire  entendre  avec  succès, 
et  Joachim,  après  avoir  été  chaleureusement  applaudi  au  dernier  con- 
cert de  la  Philharmonie  Society,  a  quitté  Londres.  —  Les  principaux  ar- 
tistes étrangers  s'apprêtent  à  faire  de  même. 

***  Vienne.—  L'excellente  professeur  de  chant  du  Conservatoire,  Mme 
Bochkoltz-Falconi,  a  donné  avec  le  concours  de  ses  meilleurs  élèves  deux 
concerts  qui  ont  attiré  une  très-grande  affluence.  Le  programme  en  a  été 
fort  intéressant,  et  les  applaudissements  les  plus  chaleureux  se  sont  fait 
entendre,  notamment  après  le  grand  air  de  Faust  de  Spohr,  le  Roi  des 


Aulnes  de  Schubert,  et  un  madrigal  de  Clari,  chantés  par  Mme  Falconi  avec 
un  talent  supérieur.  —  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée  a  donné  également 
un  concert  très  remarquable  dans  la  salle  des  réunions  musicales.  L'air 
de  Caste  Diva  et  des  chansons  nationales  admirablement  chantées  dans 
différentes  langues  par  Mlle  de  Tiefensée,  lui  ont  valu  des  bravos  et  des 
rappels  bien  mérités.  A  la  place  des  Huguenots,  qui  devaient  être  donnés 
solennellement  en  l'honneur  de  Meyerbeer,  on  prépare  une  grande  fête 
à  laquelle  concourront  tous  les  artistes  eu  réputation  qui  se  trouvent  à 
Vienne,  et  tous  les  choristes,  très-remarquables,  de  l'école  royale  de 
l'opéra. 

***  Carlsruhe.— Dans  la  dernière  semaine  d'août  doit  avoir  lieu  ici  le 
grand  festival  de  l'Association  des  sociétés  musicales  de  l'Allemagne,  sous 
la  direction  de  Hans  de  Bulow. 

*%  Berlin.— L'Opéra  royal  a  déployé  une  très-grande  activité  pendant 
l'année  théâtrale  qui  vient  de  finir.  Deux  cent  trente-trois  représenta- 
tions ont  été  données,  dont  126  grands  opéras,  37  opéras-comiques  (com- 
posés en  majeure  partie  par  Mozart,  Gluck,  Weber,  Méhul,  Meyerbeer, 
Chérubini,  Auber,  Nicolaï  et  Gounod),  et  70  ballets.  Parmi  les  premiers 
il  y  a  à  signaler  la  Mole  de  Schmidt,  la  Rose  d'Erin  de  Bénédict,  l'Am- 
bassadrice d'Auber,  et  Ohjmpie  de  Spontini,  nouvellement  instrumentée. 
—  Le  répertoire  de  nos  diverses  scènes  lyriques  a  été  défrayé  la  semaine 
passsée  principalement  par  les  Noces  de  Figaro,  Jean  de  Paris,  Cendril- 
lon  de  Nicolo,  Martha,  Lucie  et  l'Armurier  deLortzing. 

t*s  Naples.  —  Le  théâtre  San  Carlo  vient  de  clore  sa  saison  par  la 
Linda,  dans  laquelle  la  Perelli,  la  Caracciolo  et  Debassini  se  sont  fait 
chaleureusement  applaudir;  mais  ces  applaudissements  s'adressaient 
bien  plus  aux  artistes  qu'à  la  direction.  Le  théâtre  se  rouvrira  en  no- 
vembre, et  il  est  à  désirer  que  le  nouvel  imprésario  se  montre  plus 
jaloux  que  son  prédécesseur  de  satisfaire  le  public  d'une  ville  qui  a  tou- 
jours passé  pour  une  des  premières  scènes  lyriques  d'Italie. 

*%  Milan.  —  Le  grand  événement  du  jour  est  l'inauguration  de  la 
Société  des  quatuors  qui  s'est  faite  le  29  juin  dernier  dans  la  salle  du 
Conservatoire  de  musique.  Une  pianiste  qui  arrivait  précédée  d'une 
grande  réputation,  Mme  Rita  Montignani  s'y  est  fait  entendre  avec  un 
immense  succès.  On  a  joué  un  quatuor  de  Mozart,  un  de  Mendelssohn, 
le  septuor  et  l'étonnante  sonate  en  ré  de  Beethoven.  On  ne  pouvait 
faire  un  meilleur  choix,  et  ce  qui  est  mieux  encore,  l'exécution  en  a 
été  excellente.  C'était  une  véritable  fête  de  famille.  —  L'éditeur  Lucca 
vient  de  faire  paraître,  traduites  en  italien,  le  recueil  de  quarante  mé- 
lodies de  Meyerbeer,  pour  une  ou  plusieurs  voix  ;  on  y  a  joint  les  paro- 
les françaises.  C'est  une  très-intéressante  publication  et  un  véritable 
cadeau  que  M.  Lucca  fait  aux  amateurs. 

„%  Bologne.  —  Nous  sommes  encore  sous  l'impression  du  magnifique 
concert  qui  vient  d'être  donné  au  bénéfice  de  l'Asyle  de  l'enfance,  et 
dans  lequel  nous  avons  entendu  les  incomparables  artistes  Calzolari, 
Cresci,  Zucchini  et  la  Fioretti.  On  ne  saurait  se  faire  une  idée  de  la 
perfection  avec  laquelle  ils  ont  rendu  les  morceaux  de  Generentola,  d'Un 
ballo  in  maschera,  de  l'Italiana  in  Algieri,  d'I  Puritani,  Ricciardo,  Zoraï- 
de.  etc.  Calzolari  a  chanté  la  romance  de  Maria  comme  personne  ne  peut 
la  chanter.  C'est  une  voix,  une  expression  qui  vont  au  cœur.  «  Rubini 
seul,  disait-on  de  toutes  parts,  pouvait  chanter  ainsi.  «C'était  un  enthou- 
siasme général.  Les  enfants  de  l'Asyle  ont  offert  des  fleurs  à  la  Fioretti, 
et  lorsqu'en  les  recevant  de  leurs  petites  mains,  la  célèbre  artiste  a  cou- 
vert ces  pauvres  enfants  de  baisers,  l'émotion  a  gagné  le  public  qui  a 
battu  des  mains  avec  acclamation. 

+*^  Weimar.  —  Robert  le  Diable  a  clos  les  représentattions  de  la  saison 
qui  doivent  recommencer  en  septembre  par  Egmont,  de  Goethe. 


—  On  nous  écrit  de  Rome  : 

«  Une  messe  solennelle,  composée  par  M.  Alphonse  de  Panette,  a  été 
présentée  à  S.  S.  Pie  IX.  Le  souverain  pontife  a  daigné  agréer  la  dé- 
dicace de  cette  œuvre  importante. 

»  Dans  une  lettre  des  plus  flatteuses  transmise  à  l'auteur  par  la 
nonciature,  le  saint  Père  joint  à  ses  félicitations  sa  bénédiction  apos- 
tolique. » 


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Finale  du  mm  éftk  W&fWjl       Transcription  de 

ùsième  acte  de        IfM.  %W  M.  f^MJd  r.nncert. 


*****       >        troisième  acte  de       MM.  WMM.  t^SMJ  concert, 

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POUR    LE    PIANO    PAR      STEPHEM       HEIildER       ET    ARRANGÉES    POUR 

HARMONIUM      SEUL 


F.     BRISSON 


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31e  Année 


N°  30. 


U  Juillet  1864. 


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REVUE 


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Paris 24  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30»       id. 
34  i       id. 


Le  Journul  puruit  le  Dimanche. 


USICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Delà  sonorité  dans  la  musique  d'orchestre,  comme  élément  de 
variété,  de  coloris  et  d'expression  (2e  article),  par  Fétis  père.  —  Conservatoire 
impérial  de  musique  et  de  déclamation  :  concours  publics.  —  De  l'éducation 
musicale  préventive  pendant  la  première  et  la  seconde  enfance  (4"  et  dernier 
article),  par  Maurice  Cristal.  —  Mémoire  sur  l'origine  de  la  musique 
(4e  article),  par  O.  Beaulieu. Nouvelles  et  annonces. 


DE  LA  SONORITÉ  DANS  LA  MUSIQUE  D'ORCHESTRE, 

COMME  ÉLÉMENT  DE  VARIÉTÉ,   DE  COLORIS  ET   D'EXPRESSION. 

(2e  article)  (1). 

Les  impressions  multiples  produites  simultanément  par  la  musique 
ont  des  principes  très-différents.  Le  principe  en  vertu  duquel  la 
mélodie  et  l'harmonie  nous  émeuvent  consiste  dans  la  faculté  don- 
née à  l'homme  civilisé  et  perfectionné  par  l'éducation  de  saisir  avec 
la  plus  grande  rapidité  les  rapports  d'intonation  des  sons,  et  d'en  dé- 
duire mentalement  des  formules  de  successions  ascendantes  et  des- 
cendantes qui  ne  sont  autre  chose  que  les  lois  de  la  tonalité.  Que 
l'individu  soumis  à  l'action  de  la  musique  soit  ou  non  initié  à  la  con- 
naissance de  l'art,  il  saisit  ces  rapports,  si  l'audition  lui  procure  une 
impression  satisfaisante  ;  car  s'il  en  était  autrement ,  la  musique 
n'aurait  aucun  sens  pour  lui,  et  l'impression  produite  serait  pénible. 
Telle  est  cette  faculté  chez  tous  les  individus  bien  organisés  et  per- 
fectionnés par  la  culture  des  choses  intellectuelles,  que,  si  les  rap- 
ports d'intonation  des  sons  ne  sont  pas  réguliers  et  conformes  aux 
formules  de  tonalité,  l'impression  est  non-seulement  désagréable, 
mais  peut  même  être  douloureuse  jusqu'à  certain  point.  C'est  ce  que 
tout  le  monde  éprouve  quand  on  entend  chanter  faux.  Car  qu'est-ce 
que  chanter  ou  jouer  faux,  si  ce  n'est  faire  entendre  des  sons 
dont  les  rapports  ne  sont  pas  conformes  aux  lois  de  la  tonalité  ?  Tout 
son  isolé  est  juste  ;  il  ne  paraît  faux  que  parce  qu'il  n'est  pas  en 
rapport  régulier  de  succession  ou  de  simultanéité  avec  d'autres. 

Je  viens  de  dire  que  les  rapports  d'intonation  des  sons  sont  saisis 
par  ceux  qui  n'ont  pas  la  connaissance  technique  de  la  musique 
comme  par  les  artistes  et  les  amateurs  initiés  à  l'art  :   la  seule  dif- 

(1)  Voir  le  n°  27. 


férence  qui  existe  entre  eux,  c'est  que  l'artiste,  en  raison  de  ses  lu- 
mières et  de  son  expérience,  analyse,  avec  une  rapidité  électrique, 
la  nature  de  ces  rapports,  saisit  immédiatement  l'ordre  tonal  dans  le- 
quel les  sons  se  succèdent,  soit  isolément,  soit  par  groupes  simulta- 
nés ou  accords,  enfin  il  prévoit  les  rapports  qui  doivent  succéder  à 
ceux  dont  il  reçoit  actuellement  l'impression,  tandis  que  le  vulgaire 
n'a  le  sentiment  de  ces  rapports  qu'à  son  insu,  sans  prévision  des 
rapports  futurs,  et  d'une  manière  vague. 

Concurremment  aux  rapports  d'intonation  des  sons,  nous  sommes 
affectés  des  rapports  de  leurs  durées  dans  la  mesure  du  temps  ;  car 
toutes  les  vitesses  et  toutes  les  lenteurs  des  successions  sunt  entre  elles 
dans  des  rapports  réciproques,  dont  l'ordonnance  régulière  compose 
ce  qu'on  appelle  la  mesure  en  musique.  Toute  personne  bien  orga- 
nisée saisit  ces  rapports  comme  ceux  de  la  tonalité,  et  peut  suivre  à 
la  fois  la  justesse  des  intonations  et  le  nombre  qui  mesure  le  temps. 
C'est  ainsi  que,  dans  la  danse,  l'homme  le  plus  ignorant  en  musique 
marque  la  mesure  avec  ses  pieds,  ce  qui  serait  impossible  s'il  ne 
saisissait,  sans  le  savoir,  les  rapports  des  temps. 

11  est  enfin  une  troisième  espèce  de  rapports  constitutifs  de  la 
musique,  à  savoir,  ceux  de  la  symétrie  de  nombres  dans  la  succes- 
sion des  durées:  cette  symétrie  s'appelle  le  rhythme.  Les  rapports 
rhythmiques  dans  les  temps  de  la  mesure  sont  facilement  saisis  par 
les  individus  étrangers  à  l'art  de  la  musique,  surtout  si  le  mouve- 
ment est  vif.  C'est  le  rhythme  qui  règle  la  marche  des  soldats,  et  le 
tambour  qui  les  guide  oblige  les  promeneurs,  dont  la  démarche 
était  libre,  à  cadencer  leurs  pas  en  rapport  avec  le  rhythme.  Lors- 
que le  mouvement  est  lent,  le  rhythme  échappe  aux  personnes  qui 
n'ont  qu'un  faible  instinct  de  la  musique,  et  même  aux  musiciens 
dont  l'organisation  n'est  pas  délicate;  mais  le  musicien  né  saisit 
toutes  les  divisions  ainsi  que  l'ensemble  du  rhythme  dans  le  largo 
comme  dans  Y  allegro.  Il  est  aussi  un  autre  rapport  de  nombre  rhyth- 
mique,  qui  nous  affecte  dans  la  musique  :  je  veux  parler  de  la 
symétrie  dans  la  correspondance  des  parties  de  la  phrase  et  de  la 
période  :  ce  rhythme  périodique  est  moins  généralement  senti  que 
l'autre;  il  exige  la  connaissance  de  l'art,  ou,  du  moins,  l'habitude 
d'entendre  de  bonne  musique  bien  cadencée. 

Que  si  le  lecteur  mettait  en  doute  la  réalité  de  ces  appréciations 
de  rapports  multiples  et  contemporains  dans  l'audition  delà  musique, 
je  le  prierais  de  m'expliquer  quelle  signification  pourrait  avoir  cette 


234 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


musique  (dans  la  supposition  contraire),  pour  l'auditoire  réuni  dans 
une  salle  de  concert  ou  de  spectacle.  Dira-t-on  que  c'est  un  plaisir 
vague,  indéfini,  purement  physique,  et  qui  varie  d'effet,  en  raison  de 
l'organisation  des  individus  ?  Mais,  dans  la  sensation  du  plaisir  phy- 
sique, aucun  jugement  n'intervient  :  on  l'éprouve  comme  une  situation 
actuelle  de  l'être;  rien  'de  plus;  mais  à  l'audition  de  la  musique, 
chacun  porte  un  jugement  sur  les  impressions  qu'elle  produit,  car 
on  applaudit  ou  l'on  siffle.  Or,  le  jugement  porte  nécessairement  sur 
quelque  chose  :  sur  quoi  donc,  si  ce  n'est  sur  les  rapports  satisfai- 
sants ou  désagréables  des  deux  éléments  constitutifs  de  l'art?  Ce  ju- 
gement, d'où  procède -t-il?  évidemment  de  l'appréciation  de  conve- 
nance ou  d'inconvenance  de  ces  rapports. 

11  y  a  plus  :  l'appréciation  de  ces  rapports  n'est  qu'élémentaire, 
car,  dans  le  moment  même  où  elle  se  fait,  des  appréciations  d'un 
ordre  supérieur  ont  lieu,  non  plus  à  notre  insu,  mais  avec  cons- 
cience. Cette  musique  dont  nous  sommes  impressionnés,  nous  la  ju- 
geons originale,  ou  entachée  de  réminiscences  (ce  qui,  nécessaire- 
ment, suppose  l'intervention  de  la  mémoire)  ;  vulgaire  ou  distinguée; 
naïve  ou  maniérée  ;  suave  ou  trop  chargée  de  dissonances  ;  em- 
preinte du  caractère  de  la  grandeur,  ou  mesquine  dans  ses  propor- 
tions ;  belle,  ou  médiocre.  Dans  ces  appréciations  d'un  autre  genre 
n'interviennent  pas  seulement  les  facultés  les  plus  élevées  de  notre 
intelligence,  mais  les  nuances  les  plus  délicates  de  notre  sentiment. 
Toutefois,  l'idée  exprimée  dans  la  musique,  et  l'art  qui  préside  à  son 
exposition  ainsi  qu'à  ses  développements,  ne  peuvent  se  manifester 
à  notre  appréciation  esthétique  que  par  les  rapports  des  deux  élé- 
ments constitutifs,  c'est-à-dire  ceux  de  l'intonation  et  ceux  de  la 
durée  des  sons.  Tout  cela  est  donc  simultané,  et  toutes  nos  facultés 
intellectuelles  et  affectives  sont  absorbées  dans  l'audition  de  l'œuvre, 
si  notre  organisation  est  musicale. 

Ce  n'est  pas  tout  ;  car  la  sonorité,  ses  variétés  de  timbres,  et  ses 
diverses  nuances  d'intensité,  sont  aussi  des  éléments  constitutifs  de 
la  musique.  Cousidérée  en  elle-même  et  abstraction  faite  des  rap- 
ports d'intonation  et  de  durée,  la  sonorité  d'une  voix,  d'un  instru- 
ment, le  timbre,  l'intensité  du  son,  sont  donc  inséparables  de  la 
conception  d'une  œuvre  musicale  ;  mais  quel  est  leur  mode  d'action? 
à  laquelle  de  nos  facultés  ces  éléments  s'adressent-ils  ?  Ce  n'est  pas 
à  l'intelligence,  qui  n'entre  en  exercice  que  dans  le  monde  des 
idées  ;  ce  n'est  pas  au  sentiment,  car  le  ■  son  isolé,  son  timbre,  sa 
puissance  d'expansion,  ou  sa  ténuité,  ne  nous  affectent  d'aucun  mou- 
vement passionné.  Le  timbre  d'une  voix,  d'un  instrument  nous  émeut 
par  une  phrase  qui  éveille  dans  notre  âme  une  affection  énergique 
ou  douce,  tendre,  triste  ou  gaie,  sympathique  ou  pénible;  mais  le 
son  isolé  ne  peut  rien  produire  de  semblable.  Cependant  il  nous  im- 
pressionne par  sa  qualité  :  ce  n'est  pas  l'ouïe  seule  qu'il  ébranle,  car 
l'ouïe  n'est  qu'un  organe  de  perception  et  de  transmission  ;  qu'est-ce 
donc?  Ce  problème  a  occupé  quelques  philosophes  qui  ont  fait  de 
l'anthropologie  l'objet  de  leurs  travaux. 

Pour  moi,  en  y  réfléchissant,  et  distinguant,  par  l'analyse,  les 
phénomènes  produits  dans  l'audition  de  la  musique,  séparant  ce  qui 
est  du  domaine  de  l'intelligence  de  ce  qui  appartient  aux  facultés 
affectives,  et,  enfin,  de  la  sensibilité,  c'est-à-dire,  de  la  simple  im- 
pression physique,  je  ne  mets  pas  en  doute  l'existence  d'un  organe 
spécial  de  la  sonorité  dans  le  système  nerveux  de  notre  organisa- 
tion. Cette  existence  me  paraît  démontrée  par  les  considérations  sui- 
vantes : 

J'entends  un  seul  son  produit  par  le  hautbois  :  l'impression  pro- 
duite par  ce  son  attire  mon  attention;  j'écoute  :  le  son  se  répète; 
c'est  toujours  le  même,  sans  la  moindre  modification  dans  l'intona- 
tion. Il  se  fait  entendre  à  des  intervalles  inégaux,  qui  n'éveillent  pas 
en  moi  l'idée  du  temps  mesuré.  Qu'éprouvé-jé  ?  Evidemment,  un 
simple  phénomène  de  la  sensibilité  accoustique.  Aucune  idée,  aucune 
affection  de  l'àme  ne  sont  occasionnées  par  lui.  Les  facultés  de  l'in- 


telligence, celles  du  sentiment,  restent  donc  étrangères  au  phéno- 
mène produit.  Cependant  l'impression  est  réelle;  elle  a  donc  une 
cause,  et  cette  cause  ne  peut  être  que  la  fonction  d'un  organe.  Dira- 
t-on  que  c'est  celle  du  nerf  acoustique,  qu'il  n'y  en  a  pas  d'autre, 
et  que  si  ce  nerf  était  frappé  de  paralysie,  l'impression  ne  se  pro- 
duirait pas?  Certes,  je  ne  discute  pas  la  nécessité  de  l'audition  pour 
la  production  du  phénomène  sensible  du  timbre  ;  mais  suffit-elle  pour 
l'expliquer?  Je  ne  le  pense  pas.  Au  surplus,  admettons  pour  un  mo- 
ment l'objection,  et  continuons  nos  expériences. 

Un  son  de  cor,  ayant  la  même  intonation  que  le  son  du  hautbois, 
se  fait  entendre  ;  j'éprouve  aussitôt  une  sensation  différente  de  la  pre- 
mière. Le  son  se  répète  dans  les  mêmes  conditions  que  la  première 
fois,  et  le  phénomène  reste  toujours  différent  du  premier.  Cependant 
les  deux  sons  ont  exactement  la  même  intonation  ;  donc,  l'air  ébranlé 
donne  le  même  nombre  de  vibrations,  lesquelles  doivent  nécessaire- 
ment produire  une  impression  identique  sur  l'organe  de  l'ouïe.  Il  y  a 
donc  une  cause  de  la  différence  dans  les  phénomènes  produits  ;  cause 
qui  ne  paraît  pouvoir  exister  que  dans  un  organe  spécial  possédant 
la  faculté  délicate  de  recevoir  une  infinité  d'impressions  différentes 
de  la  sonorité. 

Après  que  le  son  du  cor  a  cessé  de  se  faire  entendre,  celui  du 
hautbois  résonne  de  nouveau,  et  reproduit  la  même  impression  sen- 
sible que  la  première  fois  ;  mais  alors  la  mémoire  intervient  dans  la 
production  du  phénomène.  Elle  se  souvient  de  cette  impression,  la 
reconnaît,  et  la  reconnaîtra  chaque  fois  qu'elle  se  produira.  De  même, 
le  jugement  entre  aussi  en  exercice;  il  compare  les  deux  impressions 
du  son  du  hautbois  et  de  celui  du  cor,  les  juge  différentes,  et  les  at- 
tribue à  des  causes  diverses. 

Mais  voici  que  les  deux  sons  du  hautbois  et  du  cor  se  font  enten- 
dre simultanément  à  l'unisson  absolu,  ébranlant  l'air  du  môme  nom- 
bres de  vibrations,  lesquelles  deviennent  conséquemment  homogènes, 
et  agissent  en  même  temps  et  dé  la  même  manière  sur  l'organe  de 
l'ouïe.  Cependant  nous  avons  la  sensation  de  deux  timbres  dans  deux 
intonations  identiques.  Comment  pourrait-on  expliquer  ce  phénomène 
par  le  seul  effet  de  la  perception  et  sans  l'action  d'un  organe  spécial 
de  la  sonorité  ? 

Multipliez  les  expériences  avec  toutes  les  espèces  d'instruments,  et 
faites  leur  produire,  avec  une  justesse  parfaite,  l'intonation  des  sons 
du  hautbois  et  du  cor  ;  que,  successivement,  la  flûte,  la  clarinette, 
le  saxhorn,  le  saxophone,  la  trompette,  le  violon  joué  avec  l'archet 
ou  pincé,  avec  ou  sans  sourdine,  fassent  résonner  leurs  timbres, 
l'impression  sensible  de  l'organe  sera  distincte  pour  chacun  et  ne 
cessera  pas  de  l'être  si  tous  ces  instruments  produisent  ensuite  le 
même  son  simultanément.  L'organe  n'est  pas  intelligent,  il  est  sen- 
sible ;  il  ne  distingue  pas  les  impressions  diverses,  mais  il  les  éprouve 
toutes  concurremment  sans  qu'elles  se  confondent.  L'organe  de  l'ouïe 
ne  paraît  pas  jouir  d'une  sensibilité  si  délicate  et  si  spéciale.  Ache- 
vons de  démontrer  à  cet  égard  la  thèse  que  j'ai  posée,  et  pour  y 
parvenir,  suspendons  un  moment  ce  qui  me  reste  à  dire  concernant 
le  timbre  et  considérons  le  son  dans  ses  nuances  d'intensité. 

Il  est  une  infinité  de  degrés  dans  l'intensité  du  son  ;  la  succession 
d'un  de  ces  degrés  à  un  autre,  par  augmentation  ou  par  diminution, 
est  ce  qu'on  nomme  généralement  l'expression.  La  force  de  la  sono- 
rité caractérise  l'énergie  ;  la  ténuité  sonore  est  l'indication  des  sen- 
timents doux  et  du  mystérieux.  Ces  effets  n'acquièrent  une  valeur 
esthétique  qu'en  raison  de  la  pensée  mélodique  à  laquelle  ils  s'ap- 
pliquent. Séparés  de  cette  pensée  et  ne  se  faisant  sentir  que  sur  un 
son  isolé,  il  est  évident  que  l'augmentation  ou  la  diminution  de 
l'intensité  ne  peuvent  exprimer  ni  une  pensée  ni  une  affection  de 
l'âme.  Cependant  une  des  impressions  les  plus  vives  que  fasse 
éprouver  la  musique  est  le  passage  immédiat,  même  sur  un  seul  son, 
de  l'intensité  à  la  ténuité,  du  forte  le  plus  accentué  au  piano  le  plus 
absolu.  Évidemment,  ce  n'est  là  qu'une  impression  sensuelle,  sans 


DE  PARIS. 


235 


intervention  de  l'intelligence  ni  du  sentiment.  Il  est  si  vrai  que  la 
sensibilité  physique  est  seule  en  action  dans  les  effets  de  ce  genre, 
et  qu'elle  y  est  indépendante  de  la  pensée,  que  les  compositeurs  sont 
souvent  dans  l'hésitation  sur  les  endroits  de  leurs  ouvrages  où  ils 
doivent  placer  l'indication  d'effets  de  ce  genre.  Spohr  et  Meyerbeer 
m'ont  avoué  qu'ils  ont  eu  parfois  de  l'incertitude  à  cet  égard.  On 
sait  quo,  dans  les  anciennes  écoles  de  chant  d'Italie,  l'art  d'augmenter 
par  degrés  et  de  diminuer  de  même  l'intensité  du  son  était  l'objet 
d'une  longue  étude,  parce  qu'il  était  le  plus  puissant  moyen  d'ex- 
pression. D'autre  part^  on  se  souvient  des  effets  saisissants  que  pro- 
duisait Rubini  par  le  passage  immédiat  du  son  le  plus  fort  au  son  le 
plus  doux  sur  une  seule  note ,  dans  son  chant,  bien  que  cet  effet  ne 
fit  point  partie  de  la  pensée  du  compositeur.  Je  le  répète,  la  sensi- 
bilité phytique  est  seule  active  en  pareil  cas;  mais  cette  sensibilité 
touche  là  de  près  au  sentiment,  car  elle  est  ébranlée  par  l'accen- 
tuation, qui  est  inséparable  de  la  passion.  Il  est  donc  de  toute  évi- 
dence que  l'organe  de  la  sensibilité  sonore  est  spécial,  interne,  et 
que  la  perception  acoustique  n'est  que  l'occasion  qui  le  fait  agir.  Il 
est  également  évident  que  c'est  le  même  organe  qui  nous  donne  la 
sensation  des  timbres  divers,  et  que,  dans  l'impression  générale  de 
la  musique,  son  action  se  combine  avec  les  conceptions  de  l'intelli- 
gence, de  même  qu'avec  les  affections  sentimentales. 

Pour  achever  d'éclaircir  ce  qui  concerne  le  timbre  dans  la  sono- 
'  rite,  il  me  reste  à  parler  de  l'effet  le  plus  remarquable  de  la  mé- 
moire appliquée  à  cet  objet.  On  a  vu  précédemment  qu'elle  se  sou- 
vient de  chaque  timbre  en  particulier  et  qu'elle  le  reconnaît  quand 
il  produit  son  impression  :  elle  va  plus  loin,  car  elle  peut  le  repro- 
duire non-seulement  à  la  pensée  du  compositeur,  dans  le  moment 
de  l'inspiration,  non-seulement  au  sentiment  ému  par  cette  pensée, 
mais  même  à  l'organe  interne  de  la  sensibilité  sonore.  L'illusion 
produite  par  elle,  dans  ce  moment  d'effervescence  inspiratrice,  est 
si  vive,  si  puissante,  que  le  musicien  entend  alors  la  voix  de  chaque 
instrument,  qu'il  ne  la  confond  pas  avec  d'autres,  et  qu'au  moment 
du  premier  essai  de  son  œuvre  par  l'orchestre,  il  lui  semble  que  ce 
n'est  que  la  répétition  de  ce  qu'il  a  déjà  entendu. 

11  se  fait  une  autre  combinaison  des  facultés  intellectuelles,  senti- 
mentales, et  des  impressions  de  l'organe  de  la  sonorité,  quand  le 
musicien  apprécie  la  qualité  du  son.  L'organe  physique  donne  la 
sensation  du  timbre;  là  se  borne  son  action.  Les  facultés  affectives 
s'en  émeuvent;  mais  l'esprit  seul  porte  le  jugement  sur  la  qualité. 
C'est  ce  qui  a  lieu  lorsque  nous  déclarons  que  le  son  d'un  instru- 
ment est  commun  ou  distingué,  terne,  sourd  ou  brillant,  bien  que 
cet  instrument  ait  conservé  le  timbre  qui  appartient  à  sa  nature. 
Ces  jugements  sont  évidemment  les  résultats  de  la  comparaison  ;  or, 
dans  tout  système  de  psychologie,  il  est  reconnu  qne  la  faculté  de 
comparer  n'existe  que  dans  l'intelligence. 

J'ai  détaché  ces  paragraphes  de  mon  livre  inédit  sur  la  philosophie 
de  la  musique,  en  les  resserrant  dans  les  proportions  d'un  article  de 
journal,  parce  que  ces  considérations  m'ont  paru  nécessaires  pour 
l'intelligence  de  ce  qui  me  reste  à  dire  concernant  le  rôle  de  la 
sonorité  dans  la  musique,  ainsi  que  sur  les  voies  nouvelles  qui  peu- 
vent être  ouvertes  dans  l'instrumentation. 

FÉTIS  père. 
{La  suite  prochainement.) 


CONSERVATOIRE  IMPÉRIAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Concours  publics. 

La  question  de  la  liberté  des  théâtres  commençait  à  perdre  sa 
fraîcheur  et  son  à-propos,  lorsque  les  concours  du  Conservatoire  ont 
ramené  le  vieux  thème  de  discussion  et  de  critique  si  cher  à  ceux 
qui  ne  seront  contents  que  lorsque  chaque  théâtre  y  trouvera  chaque 


année  sa  petite  troupe  à  peu  près  complète,  munie  de  ses  premiers 
sujets,  et  surtout  de  ses  utilités,  car,  le  croiriez-vous?  il  y  a  des  gens 
qui  pensent  qu'au  nombre  de  ses  inconvénients  le  Conservatoire  a 
celui  de  ne  viser  qu'à  faire  des  artistes  d'élite,  voulant  être  payés 
fort  cher,  et  de  ne  songer  nullement  à  confectionner  de  ces  artistes 
modestes,  vivant  de  peu,  sachant  admirablement  tout  le  répertoire, 
comme  s'ils  avaient  foulé  les  planches  pendant  dix  ans,  et  prêts  à 
jouer  les  plus  mauvais  rôles  sans  se  plaindre,  le  tout  aux  prix  les  plus 
réduits  !  Voyez-vous  d'ici  le  Conservatoire  s'appliquant  sérieusement 
à  préparer  des  recrues  de  seconds  ténors,  de  troisièmes  basses,  de 
duègnes,  de  confidents  et  autres  sujets  très-précieux,  comme  s'ils  ne 
se  formaient  pas  assez  bien  d'eux  mêmes  !  Hélas!  tout  ce  qui  ne  peut 
monter  aux  nues  reste  forcément  sur  la  terre,  et  finit  par  y  marcher 
tant  bien  que  mal,  mais  ce  n'est  pas  précisément  pour  leur  appren- 
tissage que  les  écoles  d'art  sont  instituées. 

Trois  concours  ont  eu  lieu  déjà,  celui  de  chant  mercredi,  celui  de 
harpe  et  de  piano  jeudi,  et  vendredi  celui  d'opéra-comique  ;  le  con- 
cours de  tragédie  et  de  comédie  ne  s'est  terminé  hier  samedi  qu'à 
5  heures,  une  heure  plus  tôt  que  les  trois  précédents.  Nous  ne  sa- 
vons encore  combien  de  tous  ces  concours  il  sortira  d'étoiles  desti- 
nées à  rayonner  dans  les  hautes  sphères  ;  ce  que  nous  pouvons  dire, 
c'est  que  nous  avons  aperçu  beaucoup  d'heureuses  natures  et  de  jeunes 
talents  en  train  de  se  former.  Le  concours  de  chant  a  mis  en  ligne 
plus  de  cinquante  concurrents  et  concurrentes  ;  c'était  trop  peut- 
être,  et  l'on  aurait  pu  rayer  quelques  noms,  mais  la  justice  n'en  a 
été  que  mieux  rendue  ;  le  public  a  jugé  avec  autant  d'intelligence 
et  d'impartialité  que  le  jury. 

Voici  d'ailleurs  le  résultat  de  ce  concours.  Pour  les  hommes  il 
n'y  a  pas  eu  de  premier  prix.  Le  second  prix  a  été  décerné  à 
MM.  Arsandaux,  élève  de  M.  Révial,  et  Pons,  élève  de  M.  Grosset. 
1er  accessit,  MM.  Bosquin,  élève  de  M.  Laget;  Leroy,  élève  de 
M.  Révial,  et  Barbet,  élève  de  M.  Riuliani;  2e  accessit,  Juillia,  élève 
de  M.  Masset;  Stroheker,  élève  de  M.  Giuliani,  et  Mareux,  élève  de 
M.  Masset;  3e  accessit,  Ponsard,  élève  de  M.  Laget. 

(Femmes).  —  1er  prix,  Mlles  Daram,  élève  de  M.  Laget;  2e  prix, 
Bloch,  élève  de  M.  Battaille,  et  Mauduit,  élève  de  M.  Laget.  Ie'  ac- 
cessit, Mlles  Douau,  élève  de  M.  Révial;  Pichenot,  élève  de  M.  Laget; 
Laporte,  élève  de  M.  Révial,  et  Roze,  élève  de  M.  Grosset;  2e  ac- 
cessit, Séveste,  élève  de  M.  Giuliani;  3e  accessit,  Cavaillès,  élève  de 
M.  Grosset. 

Concours  de  harpe.  —  Professeur,  M.  Prumier.  —  1er  prix,  Mlles 
Laudoux  et  Waldteufel;  2e  prix,  M.  Pickaërt. 

Concours  de  piano.  — (Classe  des  hommes).  —  1er  prix,  MM.  Suiste, 
élève  de  M.  Mathias,  et  Martin,  élève  de  M.  Marmontel;  2e  prix, 
Lack,  élève  de  M.  Marmontel.  l=r  accessit,  MM.  Truffot,  élève  de 
M.  Marmontel,  et  Pradeau,  élève  de  M.  Mathias  :  2e  accessit,  Corbaz, 
élève  de  M.  Marmontel  ;  3e  accessit,  Rosen,  élève  de  M.  Mathias. 

(Classe  des  femmes).  —  1er  prix,  Mlles  Gayrard,  élève  de  Mme 
Coche  ;  Jungk,  élève  de  M.  Henri  Herz  ;  de  Biéville,  élève  de  Mme 
Coche  ;  Noël,  élève  de  M.  Lecouppey  ;  2e  prix,  Laviolette,  élève  du 
même,  et  Cantin,  élève  du  même.  1er  accessit,  Mlles  Bernard,  élève 
du  même  ;  Abazaër,  élève  du  même  ;  Lenoir,  élève  de  Mme  Farrenc  ; 
2e  accessit,  Midoz,  élève  de  M.  Henri  Herz  ;  Leybaque,  élève  du 
même  ;  Secrétain,  élève  du  même  ;  3e  accessit,  Bédel,  élève  de  M.  Le- 
couppey; Viallon,  élève  de  Mme  Coche,  et  Thibault,  élève  de 
M.  Henri  Herz. 

Le  concours  d'opéra-comique,  hâtons-nous  de  le  constater,  a  été 
fort  brillant,  et  de  véritables  vocations  s'y  sont  manifestées;  en  gé- 
néral le  choix  des  scènes  y  était  excellent.  L'une  des  scènes  les  plus 
fremarquablement  rendues  a  été  celle  du  second  acte  de  YEclair, 
dans  laquelle  figuraient  Mlles  Roze,  et  Godefroy,  MM.  Stroheker  et 
Barbet:  une  autre  scène  tirée  des  Dragons  de  Villars  a  été  aussi 
ort  bien  rendue    par  Mlle  Mauduit  et  M.  Troy,  jeune  frère  de  l'ar- 


236 


REVLT.  ET  GAZETTE  J.ÎL'SICALE 


tiste  de  l'Opéra-Comique,  et  qui  a  victorieusement  enlevé  son  pre- 
mier prix  dans  un  fragment  du  Diable  à  l'école. 

Voici  le  résumé  de  cette  séance,  qui,  malgré  sa  longueur,  a  causé 
plus  de  plaisir  que  de  fatigue  dans  le  nombreux  auditoire. 

Pour  les  hommes:  1"  prix,  MM.  Troy,  élève  de  M.  Mocker  ; 
2e  prix,  Mareux,  élève  de  M.  Morin,  et  Barbet,  élève  de  M.  Mocker; 
1er  accessit,  Stroheker,  élève  de  M.  Mocker;  2e  accessit,  Bosquin, 
élève  du  même;  3e  accessit,  Lavitte,  élève  de  M.  Morin;  Feitlinger 
et  Pons,  élèves  de  M.  Mocker. 

Pour  les  femmes,  il  n'y  a  pas  eu  de  premier  prix,  mais  le  second 
a  été  partagé  entre  Mlles  Foze  et  Mauduit,  élèves  de  M.  Mocker. 
Un  premier  accessit  a  été  décerné  à  Mlles  Pichenot  et  Seveste,  élè- 
ves de  M.  Mocker  ;  un  second  à  Mlles  Lovato  et  Douau,  l'une  élève 
de  M.  Morin,  l'autre  de  M.  Mocker,  et  un  troisième  à  Mlles  Castello, 
Laporte  et  Cadet,  élèves  du  même. 

A  dimanche  prochain  le  résultat  du  concours  de  tragédie  et  de 
comédie  et  un  coup  d'œil  sur  l'ensemble. 

Demain  lundi,  concours  de  grand  opéra;  mardi,  violoncelle  et  vio- 
lon ;  mercredi  et  jeudi,  instruments  à  vent. 


DE  L'ÉDUCATION  MUSICALE  PRÉVENTIVE 

PMDAWT  LA  PREMIÈRE  ET  EA  SECONDE  ENFANCE. 
(Gymnastique  de  l'ouïe  et  de  la  voix.) 

(4«  et  dernier  article)  (1). 

Le  secret  de  la  fascination  de  la  musique  des  bohémiens  en  Hon- 
grie consiste  en  ce  que  les  virtuoses  nés  dans  les  forêts  s'y  occu- 
pent constamment  à  chasser,  à  rêver,  à  s'assimiler  la  nature,  en  re- 
produisant la  divine  inspiration  au  milieu  d'auditeurs  pénétrés  de  cette 
même  nature.  Quatre  mélodies  de  Schubert,  la  Matinée  orageuse,  le 
Roi  des  Avinés,  au  Bord  de  la  mer  et  Mignon,  peuvent  très-bien  expli- 
quer l'influence  de  ces  effets  sur  une  oreille  préparée  à  les  entendre 
par  l'habitude  de  la  vie  dans  les  forêts.  Toutes  les  fois  que  je  les  ai 
entendu  exécuter  devant  des  forestiers,  des  chasseurs  que  sollicitait  le 
goût  de  la  musique,  j'ai  été  sûr  de  voir  ces  mélodies  comprises  par 
ces  auditeurs  rustiques.  Les  enfants  ouvraient  de  grands  yeux  éton- 
nés, il  leur  semblait  que  dans  un  rêve  qui  leur  rappelait  la  vie  de  la 
forêt,  ils  parcouraient  quelque  lande  déserte  après  une  tempête 
matinale,  ou  bien  quelque  marécage  sinistre  dans  la  forêt  som- 
bre, ou  bien  qu'ils  entendaient  les  voix  mystérieuses  qui  chantent 
sur  les  mers,  pour  l'oreille  qui  sait  les  entendre.  Mais  l'effet  de 
ces  mélodies  de  Schubert  n'approche  pas  de  l'extase  et  de  la 
stupéfaction  où  je  vis  tomber  des  forestiers  pyrénéens,  un  jour  que 
l'orphéon  narbonnais  entonna  au  milieu  d'une  clairière  le  chœur  de 
Préciosa.  Ils  regardaient  ces  hommes  qui  chantaient  là,  cent  voix  en 
une  seule,  ils  croyaient  à  une  vision.  Plusieurs,  à  ganoux,  priaient. 
Une  femme  resta  debout,  allaitant  son  enfant.  Des  larmes  pieuses, 
ineffables   tombaient  lentement  des  yeux  de  la  mère. 

On  comprend  très-bien  que  les  forestiers,  sans  lever  les  yeux, 
reconnaissent  au  seul  battement  des  ailes  l'oiseau  qui  passe  à  10 
mètres  au-dessus  de  leurs  têtes,  et  qu'au  simple  froissement  des 
pattes,  ils  entendent  une  tourterelle  se  poser  sur  un  chêne.  Leur  vie 
solitaire  leur  donne  une  finesse  d'audition  que  ne  peuvent  jamais 
atteindre  ni  les  citadins  ni  les  enfants  élevés  au  milieu  de  bruits 
continus.  Leur  sensibilité,  quand  ils  entendent  de  la  musique,  tient 
aussi  de  la  frénésie,  elle  est  maladive  ou  cataleptique  ;  on  ne  soup- 
çonne point  cela  à  Paris  ni  dans  nos  théâtres,  mais  j'en  donnerai  les 
preuves  et  l'explication  quand  je  parlerai  de  la  musique  bohémienne. 


(1)  Voir  les  n01  10, 14  et  26. 


En  ceci,  comme  pour  tout  le  reste,  l'éducation  physique  faite  à  la 
campagne  offre  une  grande  supériorité.  Elle  permet  de  varier  à  l'in- 
fini la  gymnastique  de  l'oreille  en  la  mettant  au  service  de  tous  les 
instincts  du  jeune  âge.  Apprenez   à  votre  enfant,  dans  les  prome- 
nades, à  distinguer  l'appel  ou  le  chant  de  chaque  espèce  d'oiseau, 
le  bourdonnement  de  chaque  insecte.  Quand    le  vent  joue   dans  les 
feuilles,    demandez-lui,    sans     permettre  qu'il    lève  la  tête,   à  quel 
arbre  il  est  adossé.  Attachez  une  légère  récompense  à  une  réponse 
exacte,  et  il  saura  bien  vite  que  le   feuillage  du  chêne  ou  du  hêtre 
ne  produit  pas  les  mêmes  frémissements  que  le  feuillage  du  tremble, 
du  saule  ou  du  bouleau.  Vous  allez  avec  votre  enfant  au-devant  d'un 
régiment  qui  arrive  musique  en  tête.  Vous  vous  arrêtez  dans  un  dé- 
tour où  l'œil  ne  peut  explorer  la  route  ;  vous  écoutez  dans  un  profond 
silence  les  bruits  qui  doivent  révéler  l'approche  de  tant  d'hommes 
assemblés;   rien  ne  se  fait  entendre;    vous  posez  l'oreille  à  terre, 
l'enfant  vous  imite  et  ne  perçoit  d'abord  qu'un  bruit  confus.  Bientôt 
il  affirme  reconnaître  des  pas  nombreux,  puis  le  son  des  harnache- 
ments militaires.  Tout  à  coup,  les  pas  se  croisent;    il  y  a  un  temps 
d'arrêt,  un  bruit  de  cuivre  froissé.  Regardez  comme  l'enfant  incline  son 
oreilleauvent!  comme  ses  sens  sont  tendus!  Enfin  un  accord  arrive  dans 
l'onde  sonore  de  l'air  vacillant.  L'enfant  bondit;  peu  à  peu  il  discerne 
chaque  instrument,  etladirection  des  troupes,  et  les  terrains  qu'elles  tra- 
versent, et  le  temps,  et  le  ciel,  et  l'air,  et  les  nuages,  et  les  forêts, 
et  les  monts   qui  sont  entre  les  musiciens  et  lui.  De  tels  exercices 
peuvent  varier  à  l'infini.    Commencés  de  bonne  heure  et  continués 
avec   persévérance,  ils  donnent,  outre  la  finesse  de  l'audition  ,  une 
grande  sagacité  pour  reconnaître  la  qualité  des  sons,   leur  direction, 
la  distance  d'où  ils  procèdent.  Ils  font  que  nul  bruit  ne  se  produit 
sans  être  perçu  et  interprété;  ils  donnent  à   l'oreille    cette    sûreté 
qui  est   innée  chez  le  sauvage  et  chez  le  forestier.  Ils  inspirent  à 
Weber,  à  Beethoven,  à  Chopin  ces  indéfinissables  pages    si   claires 
et  si    compréhensibles,    et  qui  sont    si  imprégnées    des  senteurs 
agrestes  des  forêts  et  des  montagnes,  si  sereines  et  si  profondément 
tristes.  Vous  vous  rappelez  l'ouverture  de  la  Reine  de  Chypre.  Ce 
n'est  point  une  des   plus  vantées  du  grand  opéra.   Je  l'ai  entendue 
exécuter  à  Naples  un  soir,  au  coucher  du  soleil,  au  bord  de  la  mer, 
par  une  musique  militaire.  Il  y  avait  là  pour  auditeurs  des  gens  du 
peuple,  des  cultivateurs,  des  campagnards,  des  femmes  et  des  filles 
des  villages  voisins.  Les  mariniers  laissaient  leur  barque  immobile  sur 
l'eau  calme,  et  les  voiles   défaillaient  sans  brise;  tout  ce  monde-là 
écoutait  avecravissemeut.  Pourquoi?  C'est  que  dans  toute  cette  ouverture 
il  y  a  comme  un  immense  scintillement  de  ces  brouillards  d'or  et  de 
feu  que  produisent  les   soleils  couchants,  et  que,  dans   le   paysage 
splendide,  on  entend,  à  travers  l'expansion  puissante  des  grandes  cla- 
meurs  de  la  nature,    les  cors  plaintifs  émettre  d'une  voix  discrète, 
mais  toujours  entendue,  les  tressaillements  et  les  aspirations  des  bois, 
des  eaux  des  rochers,  de  tout  ce  qui  vit  et  palpite  sous  les  cieux,  à 
l'heure  tiède  et  parfumée  où  la  mer  se  calme  et  reçoit  dans  son  sein 
le  soleil  qui  tombe  à  l'horizon. 

La  musique,  cette  langue  mélodieuse  qui  ajoute  un  attrait  si  puis- 
sant à  l'expression  de  la  pensée  et  fait  naître  dans  l'âme  des  sensa- 
tions si  vives  et  en  même  temps  si  profondes,  n'en  retrouvez-vous 
pas  le  charme  enchanteur  dans  les  accents  mélodieux  de  certains  oi- 
seaux? Rendez  l'enfant  attentif  à  ces  accords  qui  animent  et  qui 
égayent  la  nature.  Saisissez  toutes  les  occasions  de  fixer  son  oreille 
et  son  cœur  sur  la  musique  que  le  hasard  peut  lui  donner  l'occasion 
d'entendre.  Bientôt  il  cherchera  à  redire  les  airs  qui  l'auront  frappé. 
En  un  mot,  rendez-le  sensible,  formez  et  développez  ses  organes, 
puis  attendez  l'inspiration,  si  Dieu  la  lui  a  départie. 

L'enfant  est  imitateur,  ne  l'oubliez  pas  !  Jeune  et  tout  ouvert  aux 
impressions,  il  ne  peut  être  mieux  influencé  que  par  l'étude  de  l'har- 
monie, non  faite  par  lui,  ce  qui  lui  serait  impossible,  mais  faite  par 


DE  PARIS. 


237 


vous  devant  lui,  sans  lui  rien  imposer.  Il  va,  il  vient,  il  joue,  son 
oreille  entend,  parfois  elle  écoute.  Ces  études  graduées,  qui  passent 
du  simple  au  composé,  gravent  chaque  jour  dans  le  cerveau  de  nou- 
velles formes,  de  nouveaux  ensembles,  de  nouvelles  associations.  Son 
cerveau  est  façonné  à  l'harmonie,  à  tous  les  accords  étudiés,  suivis 
avec  ordre  et  enchaînement,  et  se  procréant  l'un  l'autre.  Les  mouve- 
ments, les  successions  d'accords,  les  cadences  harmoniques,  les  mo- 
dulations, les  dissonances,  les  suspensions,  les  retards,  les  tenues, 
les  appoggiatures,  les  syncopes,  les  accords  arpégés,  les  changements 
de  ton,  l'ellipse,  toutes  les  formes,  tous  les  phénomènes  de  la  mu- 
sique se  présentent  à  lui  sous  la  forme  la  plus  simple,  la  plus  carac- 
téristique, l'un  après  l'autre.  Il  est  instruit,  formé  sans  s'en  douter. 
Quand  le  professeur  viendra  pins  tard,  l'élève  comprendra  à  demi- 
mot  ;  il  aura  en  lui  la  science  dont  on  viendra  lui  apprendre  la  tech- 
nologie. 

Le  désir  de  pénétrer  plus  avant  dans  le  domaine  de  l'art  se  mani- 
festera lorsque  l'enfant  aura  été  mécontent  de  lui-même  et  quand  son 
oreille,  son  goût,  exercés  par  l'habitude  d'entendre,  de  comparer,  de 
juger,  lui  auront  dit  que  son  chant  diffère  de  la  mélodie  dont  il  a 
gardé  le  souvenir,  ou  que  les  notes  qu'il  assemble  d'une  main  mal- 
habile ne  reproduisent  pas  fidèlement  sa  pensée.  C'est  alors  que  la 
première  leçon  sera  prise  avec  zèle  et  deviendra  fructueuse.  Les 
arts  qui  jusque-là  n'avaient  été  compris  que  par  le  sentiment  et  par 
l'instinct,  deviendront  avec  profit  l'objet  d'un  enseignement  spécial. 

Maurice  CRISTAL. 


MÉMOIRE  SUR  L'ORIGINE  DE  LÀ  MUSIQUE. 

(4e  article)  (1). 

Le  passage  de  l'accent  primordial,  sorte  de  vocalisation,  à  l'accent 
déjà  moins  mélodieux  du  grec  et  du  latin,  ne  s'est  pas  opéré  brus- 
quement et  sans  des  transitions  que  nous  allons  chercher  à  suivre. 
Les  auteurs  anciens  nous  disent  que  non-seulement  en  latin,  mais 
aussi  en  grec,  la  voix  parlée,  en  faisant  entendre  alternativement  des 
sons  graves  et  des  sons  aigus,  s'élevait  ou  s'abaissait  par  degrés  et 
parcourait  une  gamme  d'accents  (1).  Quelle  pouvait  être  cette 
gamme  d'accents?  Nous  avons  déjà  dit  que  dans  les  langues  les  plus 
anciennes,  les  intonations  des  deux  accents  graves  et  aigus,  les  seuls 
primitivement  pratiqués,  étaient  bien  distinctes  et  tranchées  ;  que 
dans  ces  siècles  reculés,  l'accentuation  était  en  même  temps  simple, 
vive  et  animée  comme  les  sensations  des  jeunes  races  qui  parlaient 
ces  idiomes.  Plus  tard,  cette  accentuation  se  modifia  suivant  les  be- 
soins et  le  développement  des  idées  :  ses  nuances  s'augmentèrent  et, 
en  se  multipliant,  devinrent  plus  rapprochées,  conséquemment  plus 
difficiles  à  saisir.  —  Alors,  quels  que  soient  leurs  inventeurs,  et  à 
quelque  époque  qu'ils  aient  été  imaginés,  alors  dut  commencer  le 
rôle  des  instruments  venant  en  aide  à  l'ouïe  et  à  la  parole,  et  faci- 
liter à  l'une  l'appréciation,  à  l'autre  la  reproduction  de  ces  gammes 
d'accents  dont  nous  parlent  les  auteurs,  et  dont  les  degrés,  en  se 
rapprochant,  devenaient  de  plus  en  plus  malaisés  à  discerner.  Et 
qu'on  ne  repousse  pas  ma  conjecture  comme  une  pure  vision.  Qu'on 
ne  crie  pas  non  plus  que  je  veuille  représenter  l'homme,  dans  ces 
temps  anciens,  consultant  son  instrument  de  musique  pour  répondre 
à  son  interlocuteur.  Je  citerai  à  l'appui  de  mon  opinion  des  autorités 
qu'on  ne  pourra  récuser  aisément.  Pourquoi  cette  locution  :  Je 
chante,  dont  se  sont  tant  servi  les  poètes  à  toutes  les  époques,  même 
encore  de  nos  jours?  Et  il  est  à  remarquer  qu'en  sanscrit  le  même 

(1)  Voir  le  n°  51  de  l'année  1863  et  les  n°'  4  et  5. 

(1)  Wiel  et  Beuloew,  Accent,    lai.,  pag.  13,  14,  15,  351.  Beuloew,  Accent,  des 
lang.  indo-europ.,  pag  42,  54. 


mot  signifie  poète  et  celui  qui  parle  (1).  Pourquoi  nous  dit -on  que, 
dans  l'antiquité,  les  lois  même  se  chantaient,  et  pourquoi  leur  nom 
générique,  nome,  désignait-il  aussi  les  airs  populaires  d'alors  ?  Pour- 
quoi, jusqu'aux  plus  bpaux  temps  de  Rome,  cet  usage  de  soutenir  les 
orateurs  au  moyen  d'une  flûte  ?  S'il  n'y  eût  eu  assimilation  facile 
entre  les  sons  de  cet  instrument  et  ceux  de  la  voix,  c'eût  été,  je  l'ai 
déjà  fait  observer,  une  chose  absurde,  choquante.  Mais  ce  qui  est, 
selon  moi,  plus  remarquable  encore,  c'est  que  ma  conjecture  peut 
seule,  je  crois,  si  elle  est  admise,  expliquer  une  tradition  qui,  dans 
l'histoire  de  la  musique,  est  restée  jusqu'à  ce  jour  à  l'état  d'énigme 
sans  solution. 

On  dit  qu'Olympe  fut  le  premier  musicien  qui  enseigna  aux  Grecs 
à  jouer  des  instruments  à  cordes.  On  ajoute  qu'il  fut  l'inventeur  du 
genre  de  musique  appelé  enharmonique,  composé,  dans  chaque  té- 
tracorde,  de  certains  intervalles  très-rapprochés  au  grave,  joints  à 
un  invervalle  plus  étendu  vers  l'aigu,  et  dont  l'usage  aurait  précédé 
en  Grèce  l'emploi  du  genre  beaucoup  plus  simple,  nommé  diatoni- 
que. Relativement  à  cette  dernière  circonstance,  les  auteurs  moder- 
nes qui  ont  écrit  sur  l'histoire  de  la  musique  font  observer  avec  une 
apparence  de  raison  qu'il  est  étonnant  qu'on  ait  premièrement  ap- 
pris aux  Grecs,  peuple  encore  barbare,  un  genre  de  musique  d'une 
exécution  difficile,  qui  exige  uue  ouïe  délicate,  exercée,  et  qu'on  ait 
ainsi  commencé  par  le  plus  compliqué  au  lieu  de  se  borner  d'abord 
au  plus  simple.  Mais  on  observera  qu'Olympe  était  de  Mysie,  consé- 
quemment asiatique;  qu'il  avait  pu,  qu'il  avait  dû  avoir  connais- 
sance de  ce  vocalisme  varié  et  si  caractéristique  des  langues  de 
l'Inde,  où  l'accent  aigu  vient  se  mêler  par  intervalles  à  des  tons 
plus  graves.  Dès  lors,  l'emploi  du  genre  enharmonique,  où  les  sons 
se  trouvent  disposés  d'une  façon  analogue,  où  le  contour  mélodique, 
si  je  puis  m' exprimer  ainsi,  est  semblable  à  celui  des  intonations  des 
idiomes  indous,  où  l'accent  aigu  et  la  note  aiguë  ont  la  même  sail- 
lie; l'emploi,  dis-je,  du  genre  enharmonique  cesse  d'être  surprenant 
dans  les  airs  d'Olympe,  complément  de  ses  poésies.  Ce  genre,  comme 
toutes  les  mélodies  où  dominent  les  intervalles  minimes,  a  un  ca- 
ractère langoureux,  plaintif,  et  Olympe  composa  principalement  des 
élégies,  des  complaintes,  des  cantiques  funèbres  (2).  De  nos  jours 
encore  les  Orientaux  font  souvent  usage,  dans  leurs  chants,  de  sons 
peu  distants  les  uns  des  autre  .  La  gamme  des  Arabes  procède  par 
tiers  de  ton,  et  entre  ces  tiers  de  ton  et  le  quart  de  ton  qui  contri- 
bue à  caractériser  le  genre  enharmonique  des  anciens,  il  n'y  a 
qu'une  faible  différence.  Pour  revenir  à  cette  accentuation  sanscrite 
que  je  crois  avoir  été  l'origine  des  mélopées  d'Olympe,  MM.  Wiel 
et  Benloew  nous  disent  que  dans  cette  langue,  la  syllabe  qui  précède 
l'accent  aigu  est  non-seulement  grave,  mais  sourde  ;  qu'on  attaque 
cet  accent  subitement,  et  qu'on  redescend  au  grave  en  passant  par 
le  svarita,  le  son  par  excellence  (3).  Qui  ne  reconnaîtra — j'insiste 
sur  ce  point  parce  qu'il  est  très-essentiel  dans  l'exposé  de  mes 
observations  et  pour  les  conséquences  que  j'en  déduis — qui  ne  re- 
connaîtra, dis-je,  dans  cette  description  de  l'accent  indou  ce  genre 
enharmonique  d'Olympe  où  certains  sons  au  grave  se  trouvent  très- 


(1)  Wiel  et  Beuloew.  Accent,  lai.,  page  357.  A  l'Académie  des  Beaux-Arts,  j'ai 
entendu  M.  Raoul  Rochette,  parler  de  formules  très-fortement  accentuées,  dont 
on  se  servait  dans  l'antiquité  pour  guérir  des  maladie»  par  des  moyens  divina- 
toires. 

(2)  J'ai  lu  dans  le  journal  le  Correspondant  du  25  mai  1862,  un  article  signé 
de  Bourboulon.  Cet  article  traite  du  théâtre  en  Chine,  et  en  parlant  du  chant  de 
certains  personnages,  l'auteur  dit  que  c'est  une  plaintive  mélopée.  J'ai  lu  aussi 
dans  un  autre  recueil,  le  Tour  du  monde,  t.  I",  page  42,  que  les  naturels  du 
Car-Nicobar,  île  dans  le  golfe  du  Bengale,  lorsqu'ils  chantent,  semblent  se  lamen- 
ter. On  voit  que  le  caractère  du  chant,  des  mélopées  d'Olympe,  s'est  conservé  en 
Asie  jusqu'à  nos  jours. 

(3)  Wiel  et  Benloew,  Accent,  lai.,  pag.  107  et  351.  Voir  aussi  Fétis,  Résumé 
philos,  de  l'histoire  de  la  musique,  page  43. 


238 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


rapprochés  et  sont  mêlés  à  d'autres  sons  plus  distants  vers  l'aigu  ? 
Aristophane,  tout  en  faisant  un  grand  éloge  du  célèbre  musicien 
grec,  fait  sur  sa  musique  une  plaisanterie  plus  ou  moins  heureuse. 
Pour  la  reproduire  sous  un  aspect  ridicule,  il  fait  répéter  plusieurs 
fois  à  deux  de  ses  personnages  en  même  temps  une  certaine  syllabe 
avec  l'accent  grave  et  l'accent  circonflexe  alternativement.  Cette  imi- 
tation burlesque  des  airs  d'Olympe  ne  peut-elle  pas  s'appliquer  à 
l'accentuation  sanscrite,  non  peut-être  dans  sa  première  pureté, 
dans  sa  première  netteté,  mais  lorsqu'elle  commençait  à  dégénérer 
en  passant  dans  la  langue  grecque?  Je  vais  plus  loin,  car  tout  s'en- 
chaîne ici-bas.  La  manière  dont  on  récite  les  psaumes  et  celle  dont 
on  lit  les  évangiles,  cet  emploi  de  la  voix  moyenne  entremêlée  de 
sons  plus  graves  et  d'autres  plus  aigus,  ce  qui  a  lieu  pour  ces  der- 
niers principalement,  qu'on  le  remarque  bien,  lorsqu'il  se  rencontre 
dans  les  finales  un  mot  hébreu,  et  cela  conformément  à  l'usage  de 
la  langue  hébraïque,  où  l'on  élève  ordinairement  la  voix  sur  la  der- 
nière syllabe  des  mots  (1);  ce  genre  de  récitation,  dis-je,  ne  peut-il 
pas  encore,  en  faisant  la  part  du  temps  et  des  révolutions  du  langage, 
nous  rappeler  cet  accent  sanscrit,  ces  chants  d'Olympe  ? 

D.  BEAULIEU. 

{La  fin  prochainement .) 


NOUVELLES. 

***  Lundi  et  vendredi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  Nemea, 
et  mercredi  les  Huguenots.  Morère  a  continué  ses  débuts  dans  le  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer  par  le  rôle  de  Raoul.  Il  y  a  beaucoup  à  reprendre 
dans  la  façon  dont  il  l'a  rendu.  Dans  les  deux  premiers  actes  surtout, 
il  a  été  très-faible,  et  dans  le  quatuor  sans  accompagnement  qui  pré- 
cède le  finale  du  deuxième  acte,  il  a  attaqué  tellement  au-dessous  du  ton, 
qu'il  a  dérouté  complètement  ses  partenaires;  un  peu  mieux  dans  le 
troisième  acte,  ce  n'est  guère  que  dans  le  duo  du  quatrième  acte  qu'il 
s'est  relevé,  et  il  s'y  est  fait  applaudir  dans  plusieurs  passages;  on  l'a 
même  rappelé  avec  Mlle  Sax.  Mais  il  résulte  clairement  de  ces  inéga- 
lités que  M.  Morère,  avec  des  qualités  incontestables,  a  beaucoup  à 
faire  pour  se  mettre  à  la  hauteur  des  grands  rôles  qu'il  a  abordés  avec 
plus  de  courage  que  de  succès. 

,*,  Aussitôt  que  M.  et  Mme  Gueymard  auront  repris  leur  service  à 
l'Opéra,  on  s'occupera  avec  activité  des  dernières  études  de  Roland  à 
Roncevaux,  qui  sera  donné  vers  la  fin  du  mois  d'août. 

t*t  On  répète  en  ce  moment  le  Philtre  pour  le  troisième  début  de 
Mlle  de  Maesen.  Le  rôle  de  Fontanarose  sera  chanté  par  Cazaux. 

***  Mlle  Montaubry  remplace,  dans  le  ballet  de  Nemea,  Mlle  Urban 
qu'une  maladie  du  genou  force  à  quitter  la  scène  même  avant  l'expi- 
ration très-prochaine  de  son  engagement.  Elle  va  partir  pour  Vienne 
où  elle  se  reposera  dans  sa  famille. 

*%  Nous  avons  fait  connaître  dernièrement  les  nouveautés  que  la  di- 
rection du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  avait  à  l'étude  pour  sa  saison 
d'hiver;  en  voici  la  distribution  :  Le  Capitaine  Henriot,,  de  Sardou  et 
Gevaert,  sera  interprété  par  Couderc,  Achard,  Ponchard,  Crosti,  Pril- 
leux;  Mmes  Galli-Marié,  Belia,  Colas.  —  Tout  est  bien  qui  finit  bien,  de 
Michel  Carré  et  Hadot,  musique  de  Félicien  David,  sera  chanté  par 
Montaubry,  Gourdin,  Mmes  Cico,  Girard,  Révilly,  Tuai  et  Casimir.  — 
Le  Trésor  de  Pierrot,  de  Cormon  et  Trianon,  musique  d'Eugène  Gautier, 
par  Montaubry,  Potel,  Nathan;  Mmes  Monrose  et  Tuai.  —  A  ces  trois 
pièces  il  faut  ajouter  un  opéra  de  M.  Eugène  Labiche,  musique  de 
F.  Bazin. 

***  Au  théâtre  impérial  Italien,  M.  Bagier  vient  d'engager  M.  Costa, 
célèbre  chorégraphe  italien,  pour  y  diriger  le  corps  de  ballet  et  y 
fonder  une  école  de  perfectionnement  de  danse  et  de  pantomime,  que 
les  artistes  engagés  pourront  suivre  gratis  tous  les  jours  et  toute  l'an- 
née, ce  qui  sera  pour  eux  très-avantageux  et  très-économique,  puisqu'ils 
recevront,  sans  rien  payer,  des  leçons  d'un  maître  habile,  qui  les  met- 
tra à  même  de  se  perfectionner  et  d'avancer  dans  leur  carrière. 

,%  M.  Bagier  est  en  pourparlers  avec  Mme  Penco,  et  il  y  a  de  gran- 
des probabilités  pour  la  rentrée  de  la  célèbre  cantatrice  au  théâtre 
Italien  à  la  saison  prochaine. 

*%  C'est  par  erreur  qu'une  réclame,  insérée  dans  quelques  journaux, 


(1)  Cela  a  lieu  souvent  aussi  en  sanscrit  et  dans  le  dialecte  dorien.  Benloew, 
Accent,  des  tnng.  indo-europ.,  pag.  83  et  04.  Cérémonial  de  Poitiers,  Méthode  de 
plain-rhant,  pag.  30,  40. 


annonce  que  M.  Hurand  ouvre  un  cours  de  choristes  au  théâtre  impé- 
rial Italien  et  qu'on  doit  aller  se  faire  inscrire  chez  lui.  Le  cours  dont 
il  s'agit  est  exclusivement  créé  pour  les  besoins  du  théâtre  impérial 
Italien;  et  M.  Hurand,  qui  a  obtenu  la  place  de.  chef  des  choristes  de  ce 
théâtre,  est  obligé  en  même  temps  de  tenir  ces  cours,  dans  lesquels 
on  ne  peut  être  admis  qu'en  s'adressant  à  l'administration  et  à  des 
conditious  qui  sont  fixées  par  M.  Bagier. 

»*,  La  direction  du  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin  vient  d'engager 
le  baryton  Merly,  qui  a  chanté  sur  les  scènes  italiennes  et  à  Paris.  Il 
chantera  Rigoletto  et  Ernani. 

„*,  On  sait  que  Mlle  Schneider,  qui  avait  fait  à  Paris  ses  premiers 
débuts  sur  la  scène  des  Bouffes-Parisiens,  a  renoncé  au  théâtre  et  laisse 
un  vide  assez  grand  au  Palais-Royal.  Elle  vient  d'y  être  brillam- 
ment remplacée  par  Mlle  Honorine,  dont  le  début  a  eu  lieu  jeudi  à  ce 
théâtre  dans  la  Femme  aux  œufs  d'or  et  11  Perle  de  la  Cannebière. 
Mlle  Honorine  était  en  Italie  depuis  plusieurs  années  ;  c'est  une  belle 
personne  qui  joue  bien,  qui  chante  bien,  et  la  direction  ne  pouvait  faire 
une  meilleure  acquisition. 

***  Un  statisticien  a  calculé,  à  l'aide  des  sommes  reçues  jusqu'à  ce 
jour  par  Mlle  Adelina  Patti,  que  si  la  célèbre  prima  donna  parvenait  à 
chanter  pendant  une  période  de  vingt  années  (tour  de  force  accompli 
et  au-delà  par  Mme  Julie  Grisi),  le  chiffre  total  de  ses  recettes  s'élève- 
rait à  23,000,000  de  francs. 

***  Le  théâtre  de  Bade  a  ouvert  sa  saison  par  la  Dame  blanche. 
Jourdan,  Jules  Petit,  Sainte-Foy,  Guerrin,  Burton,  Mmes  Lustani-Men- 
dès,  du  théâtre  lyrique  de  Madrid,  Talmont  et  Duclos  ont  fort  bien 
interprété  le  chef-d'œuvre  de  Boïeldieu.  —  Le  18,  on  a  donné  Richard 
Cœur  de  lion  et  la  première  représentation  de:  De  par  le  roi,  opéra  inédit 
d«  M.  Laurencin,  musique  de  M.  Gustave  Héquet.  En  attendant  que 
nous  en  donnions  le  compte  rendu,  nous  nous  empressons  de  constater 
que  cet  ouvrage  a  très-fort  réussi;  la  pièce  a  diverti  et  fait  rire  les 
Français,  intéressé  les  Allemands  qui  ont  le  rire  moins  facile,  et  la  mu- 
sique a  fait  grand  plaisir.  Elle  a  d'ailleurs  été  fort  bien  jouée,  fort  bien 
chantée  par  Jourdan  et  Mme  Faure,  très-agréablement  par  Mmes  Géral- 
dine et  Duclos,  assez  faiblement  par  Mlle  Doria  et  M.  Guerrin.  L'exécu- 
tion de  l'orchestre  a  été  excellente.  En  général,  le  public  badois  n'est 
pas  renommé  pour  son  enthousiasme;  or  il  a  applaudi  tous  les  mor- 
ceaux, y  compris  l'ouverture;  M.  Héquet  n'a  donc  qu'à  se  féliciter  de 
son  excursion  par-delà  le  Rhin  allemand.       « 

„.*„.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  Fifre  enchanté  ou  le  Soldat  magicien, 
de  MM.  Nuitter  et  Trefeu,  musique  d'Offenbach,  vient  d'obtenir,  à  Ems, 
un  succès  d'enthousiasme.  Comme  cette  opérette  sera  immanquable- 
ment représentée  à  Paris,  nous  renvoyons  à  ce  moment  l'analyse  de  la 
pièce  que  MM.  Nuitter  et  Trefeu  ont  empruntée  à  Anseaume,  mais  qu'ils 
ont  rajeunie,  et  qui  abonde  en  situations  amusantes.  Elle  a  fourni  à  Of- 
fenbach  les  motifs  d'une  charmante  partition,  dans  laquelle  on  a  parti- 
culièrement remarqué  les  couplets  :  Nous  revenons  de  Lille  en  Flandre, 
un  quintette  avec  une  phrase  :  Ça  sent  la  truffe,  d'un  effet  bouffe  étour- 
dissant ;  les  couplets  C'est  ce  fifre-là  1  et  un  quatuor  sur  un  mouve- 
ment de  valse.  Tous  les  morceaux  ont  été  vivement  applaudis,  mais  on  a 
bissé  avec  acclamation  les  premiers  couplets  A'ous  revenons  de  Lille  en 
Flandre,  qui  deviendront  populaires,  et  ceux  du  Fifre  enchanté  qui  sont 
pétillants  d'esprit.  Mme  Albrecht,  qui  jouait  le  rôle  du  fifre,  a  été 
charmante  de  crânerie  et  d'esprit;  MM.  Désiré  et  Guyot,  Mmes  Estagel 
et  Taffanel  ont  eu  leur  part  d'une  réussite  que  le  public  parisien  sera 
bientôt  appelé  à  consacrer. 

***  On  écrit  de  Vichy  :  «  La  présence  de  S.  M.  l'Empereur  a  donné 
une  nouvelle  impulsion  aux  travaux  du  Casino,  que  Sa  Majesté  a  voulu 
visiter  elle-même.— Mlle  Favart,  Delaunay,  du  Théâtre- Français; Gil  Perez, 
du  Palais-Royal,  et  Mme  Ugalde  sont  ici.  On  a  joué  la,  Fin  du  Roman  de 
Léon  Gozlan,  un  proverbe  A  la  porte  et  Mademoiselle  mon  frère.  Dans 
cette  dernière  pièce,  de  même  que  dans  la  Succession  Bonnet  de  M.  de 
Saint-Remy,  Gil  Perez  a  fait  rire  aux  larmes.  Les  concerts  alternent 
avec  la  comédie,  et  Mme  Ugalde  a  chanté  devant  l'Empereur  les  fameux 
couplets  de  Gil  Blas.  Sa  Majesté  a  daigné  à  plusieurs  reprises  donner 
elle-même  le  signal  des  applaudissements.  » 

*%  Pasdeloup  a  dû  donner  hier  et  aujourd'hui  deux  concerts  de  mu- 
sique classique  au  Havre. 

„**  L'excellent  pianiste-compositeur  Georges  Pfeiffer  est  de  retour 
de  son  voyage  à  Londres,  où  il  a  obtenu  de  grands  succès  dans  les 
principaux  concerts  de  la  saison. 

**„  Les  deux  célèbres  chorégraphes,  Taglioni,  de  Berlin,  et  Giuseppe 
Rota,  composent  pour  la  saison  d'hiver  de  la  Scala,  à  Milan,  deux  grands 
ballets,  dont  Paolo  Giorza  doit  écrire  la  musique. 

**.(.  La  Société  des  concerts  du  Conservatoire  vient  de  faire  frapper 
une  nouvelle  médaille  destinée  à  être  offerte  aux  sociétaires  lors  de 
leur  nomination,  et  aux  solistes  étrangers  à  la  Société  qui  s'y  font  en- 
tendre. Cette  médaille  porte  d'un  côté  l'effigie  d'Habeneck  entourée  de 
ces  mots  :  fondateur  1828,  et  de  l'autre  cette  inscription  :  Société  des 
concerts,  Conservatoire  de  musique,  laissant  au  milieu  une  place  pour  le 
nom  du  sociétaire.  C'est  à  l'un  de  nos  meilleurs  graveurs,   M.  Borel, 


DE  PARIS. 


239 


que  ce  travail  a  été  confié,  et  il  Ta  exécuté  d'une  façon   très-remar- 
quable. 

„,%  Le  succès  qui  l'a  accueillie  vient  de  nécessiter  un  second  tirage 
de  l'intéressante  brochure  de  noire  collaborateur  Arthur  Pougin,  Meyer- 
bccr,  notice  biographique.  On  la  trouve  toujours  chez  l'éditeur  Tresse,  ga- 
lerie de  Chartres,  2  et  3  (Palais-Royal),  au  prix  de  1  franc. 

***  Dimanche  17  de  ce  mois  a  eu  lieu  à  Bruxelles  à  la  Grande- 
Harir.onie  une  audition  fort  intéressante  des  nouveaux  instru- 
ments d'A.  Sax.  On  a  beaucoup  apprécié  la  réforme  opérée  par  l'ha- 
bile facteur  dans  une  partie  si  essentielle  de  la  musique  instrumentale 
et  les  ressources  immenses  qui  en  ont  été  la  conséquence.  L'exécution 
par  six  instruments  de  la  Marche  funèbre  composée  par  Litolff  en  l'hon- 
neur de  Meyerbeer,  a  produit  surtout  un  effet  surprenant,  non-seule- 
ment par  la  beauté  de  l'œuvre  en  elle-même,  mais  par  la  puissance 
prodigieuse  de  l'exécution.  On  a  d'autant  plus  applaudi  les  virtuoses 
venus  de  Paris  pour  donner  ce  concert,  que  plusieurs  sont  belges  et 
élèves  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 

**„  Ainsi  que  nous  l'avons  constaté  dans  notre  dernier  numéro,  il  y  avait 
foule  dimanche  àCharenton  au  concert  de  bienfaisance  organisé  par  les 
soins  de  M.  Domergue,  maire  de  lalocalité  et  directeur  de  l'asile  impérial 
de  Vincennes.  Mmes  Bertrand,  Bloch,  MM.  Capoul  et  Troy  y  représen- 
taient la  partie  vocale;  MM.  Auguste  Durand  et  Eugène  Ketterer,  la 
partie  instrumentale  ;  et  MM.  Samson,  Saint-Germain  et  Mlle  Bianca,,  la 
partie  dramatique.  Les  éléments  de  succès,  on  le  voit,  étaient  choisis 
avec  discernement;  aussi,  les  applaudissements  ont-ils  été  chaleureux, 
et  les  pauvres  n'ont  eu  qu'à  se  féliciter  du  produit  de  l'a  recette. 

***  Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  une  belle  et  com- 
plète collection  des  œuvres  de  Haendel,  édition  publiée  aux  frais  du 
gouvernement  anglais,  par  le  docteur  Arnold,  en  quarante  et  un  volu- 
mes in-folio,  imprimés  sur  grand  papier  impérial  et  dans  un  très-bel 
état  de  conservation.  On  sait  que  les  exemplaires  de  cette  collection 
sont  rares  ;  celui  qui  se  trouve  à  vendre  pour  800  francs  chez  Lavinée 
est  donc  uue  excellente  occasion. 

a**  M.  Panofka  se  trouve  en  ce  moment  à  Milan.  L'éditeur  Lucca  a 
profité  du  séjour  de  l'éminent  professeur  en  Italie  pour  acquérir  de  lui 
la  propriété  de  sa  méthode  de  chant.  M.  Lanvo  Rossi,  le  directeur  du 
Conservatoire  de  Milan,  a  accueilli  d'une  façon  très-flatteuse  M.  Panofka, 
et  l'a  conduit  dans  toutes  les  classes  de  chant,  où.  les  professeurs  se 
sont  empressés  de  lui  faire  entendre  leurs  meilleurs  élèves. 

„%  Dreyschock  a  composé  un  concerto  pour  piano  qui  a  été  exécuté 
avec  un  très-grand  succès  au  Conservatoire  à  Prague. 

„,**  Les  éditeurs  Brandus  et  Dufour  complètent  en  ce  moment  le 
répertoire,  déjà  si  riche,  de  leurs  partitions  in-octavo  pour  chant  et 
piano,  en  y  ajoutant  la  partition  de  Sultana,  charmant  opéra-comique 
de  Maurice  Bourges,  qui  manquait  à  la  collection.  Les  amateurs  de  mé- 
lodie gracieuse  et  vive  qui  allie  au  bon  goût  le  charme  et  la  verve, 
les  approuveront  d'avoir  comblé  cette  lacune,  et  de  donner  uue  édition 
en  petit  format  d'un  ouvrage  que  le  public  et  la  presse  ont  accueilli  à 
soii  apparition  avec  une  égaie  faveur. 

*%  On  croit  généralement  à  tort  que  les  artistes  n'ont  jamais  été 
rémunérés  autant  qu'ils  le  sont  de  nos  jours.  Dans  un  livre,  les  Ou- 
vriers, etc.,  dans  Vancienne  Grèce  et  à  Rome,  de  W.  Drumann,  qui  vient  de 
paraître,  on  lit  :  «  D'excellents  joueurs  de  flûte  ou  chanteurs  obtenaient 
des  prix  très-élevés  quand  ils  se  faisaient  entendre  au  théâtre  ou  à 
quelque  fête.  C'est  ainsi  que  le  chanteur  Amoibeos,  d'Athènes,  recevait 
chique  fois  qu'il  chantait  en  public,  un  talent  (près  de  6,000  francs).  » 
Athenaiis,  XIV,  ni,  p.  623. 

*%  L'opéra  de  la  Cour,  à  Dresde,  va  faire  représenter  un  nouvel  opéra 
du  compositeur  de  symphonies  Gouvy,  intitulé  le  Ciel. 

*%  Le  21  août,  jour  de  nom  de  Rossini,  sera  inaugurée  à  Pesaro, 
lieu  de  sa  naissance,  la  statue  du  grand  compositeur  italien.  Le  marquis 
Salamanca  et  M.  Delahante,  directeurs  des  chemins  de  fer  italiens,  par 
les  soins  et  aux  frais  desquels  est  élevée  cette  statue,  organisent  à  cette 
occasion  une  grande  fête  musicale;  appel  a  été  fait  pour  cela  à  toutes 
les  célébrités  artistiques,  et  elles  se  sont  empressées  d'accepter  l'invitation 
de  la  Société  rossinienne  de  Pesaro.  Entre  autres  on  donnera  avec 
leur  concours,  au  théâtre  Rossini,  dix  représentations  du  chef-d'œuvre 
du  maître,  Guillaume  Tell.  La  première  aura  lieu  le  -14,  et  la  recette 
en  sera  consacrée  à  une  œuvre  de  bienfaisance.  En  outre,  Mercadante 
a  composé  pour  cette  solennité  un  hymne  pour  quatre  cents  voix  qui 
sera  exécuté  en  plein  air,  au  moment  où  la  statue  sera  découverte. 
Des  personnes  de  l'intimité  de  l'auteur  du  Giuramente  affirment  que 
cette  œuvre  est  admirable  et  digne  en  tout  point  del'immense  réputation 
du  maestro.  Les  journaux  italiens  donnent  beaucoup  d'autres  détails  sur 
las  dispositions  et  les  préparatifs  de  cette  fête  dont  nous  reparlerons 
lorsqu'elle  aura  eu  lieu. 

*%  Le  grand  festival  annuel  de  l'infanterie  donné  dimanche  dernier 
au  Pré  Catelan  avait  attiré  beaucoup  de  monde,  malgré  la  menace  d'un 
violent  orage.  Les  musiques  des  27e,  30e,  40e,  65e,  68e,  72e  et  92e  régi- 
ments de  ligne  ont  rendu  avec  un  ensemble  et  un  élan  irrésistibles  les 
œuvres  les  plus  belles  des  grands  maîtres  de  l'école  française.  On  a 
particulièrement  applaudi   l'ouverture  des  Diamants  de  la  Couronne  et 


celle  de  Zampa , magnifiquement  interprétées  par  les  musiques  réunies, 
parfaitement  dirigées  par  M.  Vie.  De  son  côté,  l'orchestre  de  sympho- 
nie que  conduit  si  bien  M.  Forestier,  s'est  surtout  distingué  dans  l'exé- 
cution de  l'ouverture  d'Oberon.  L'excellent  violoniste  M.  Danbé  a  pro- 
voqué des  bravos  enthousiastes  après  sa  fantaisie  sur  les  motifs  du 
Trovatore.  En  un  mot,  cette  belle  fête,  dans  laquelle  l'art  et  la  chanté 
s'étaient  donné  la  main,  a  tenu  tout  ce  qu'elle  promettait. 

***  Malgré  le  brillant  succès  qu'obtient  tous  les  soirs  la  série  d'expé- 
riences que  M.  Robin  donne  actuellement  à  son  théâtre,  l'habile  physi- 
cien, toujours  fidèle  à  sa  promesse  (qui  est  d'offrir  continuellement 
du  nouveau),  changera  incessamment  la  composition  de  son  spectacle; 
de  nouvelles  expériences  scientifiques  et  amusantes  nous  sont  annoncées, 
et  l'isthme  de  Suez  fera  place  à  une  série  de  nouveaux  tableaux  repré- 
sentant les  merveilles  du  ciel,  ou  l'astronomie  populaire. 

t*t  La  grande  sensation  du  moment  à  Londres  (t/w  great  sensation) 
est  l'exhibition  annoncée  à  Saint-James  Hall  d'un  automate  qui  chante 
avec  une  rare  perfection  les  airs  les  plus  connus  de  nos  opéras. 

»**  Mlle  Jeanne-Suzanne  Sedaine,  fille  de  l'auteur  du  Déserteur,  du 
Philosophe  sans  le  savoir,  de  la  Gageure  imprévue,  de  Richard  Cœur  de  Lion, 
et  d'autres  œuvres  dramatiques,  vient  de  mourir  à  Tours  qu'elle  habi- 
tait depuis  trente  ans;  elle  était  âgée  de  quatre-vingt-dix-sept  ans,  et 
avait  jusqu'à  ses  derniers  moments  conservé  toutes  ses  facultés  intel- 
lectuelles. Elle  laisse  un  magnifique  portrait  de  son  père  peint  par 
David. 

*%  Le  dernier  descendant  du  célèbre  musicien  belge  Lassus  vient  de 
mourir,  âgé  de  quatre-vingt-deux  ans,  à  Munich,  où  il  exerçait  la 
profession  d'organiste.  Avec  lui  s'éteint  un  des  noms  qui  ont  brillé  du 
plus  vif  éclat  dans  l'art  musical  du  xvi°  siècle.  C'est  à  Munich,  on  le 
sait,  que  s'était  fixé  le  compositeur  montois,  et  la  Bavière  lui  avait 
élevé  une  statue  comme  à  un  de  ses  enfants  d'adoption  les  plus 
illustres,  longtemps  avant  que  le  même  hommage  ne  lui  fût  rendu  dans 
sa  ville  natale. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

t*i  Londres.  —  A  l'occasion  de  sa;  fête,  Mlle  Tietjens  a  reçu  de  la 
part  des  abonnés  au  théâtre  de  Sa  Majesté  un  témoignage  des  plus 
flatteurs.  Plusieurs  dames  avaient  ouvert  une  souscription  pour  lui  offrir 
un  bracelet,  dont  le  prix  s'est  élevé  à  8,000  francs,  et  une  députation, 
à  la  tête  de  laquelle  se  trouvait  la  comtesse  de  Lincoln,  est  allée  le 
porter  à  la  célèbre  cantatrice,  en  accompagnant  ce  magnifique  cadeau 
des  compliments  les  plus  gracieux.  Mlle  Tietjens,  quoique  sous  l'empire 
d'une  vive  émotion,  a  trouvé  pour  y  répondre  des  paroles  pleines  de 
modestie  et  d'élégance.  —  En  attendant  la  représentation  de  la  Stella 
del  A'on/,  qui  aura  lieu  samedi  23,  Mlle  Artot  a  fait  un  brillaDt  début  à 
Covent-Garden,  dans  le  rôle  de  Marguerite  de  Faust.  Quoiqu'elle  n'eût 
jamais  chanté  cet  ouvrage,  son  succès  y  a  été  des  plus  complets.  — 
"Mlle  Marie  Battu,  après  avoir  été  l'une  des  étoiles  de  la  saison  qui  vient 
de  finir,  s'est  fait  entendre  dans  deux  concerts  donnés  au  palais  de 
Cristal.  Elle  a  chanté  dans  le  premier  avec  Naudin,  Schmidt  et  Ciampi 
le  quatuor  des  Puritains,  le  duo  de  Don  Pasquale  et  le  rondo  de  la  Cene- 
rentola  Elle  y  a  provoqué  des  bravos  enthousiastes,  particulièrement 
dans  ce  dernier  morceau,  qu'elle  a  chanté  admirablement  et  qu'elle  a 
dû  répéter.  Dans  le  second,  le  duo  de  la  Gazsa  ladra  avec  Mme  Nantier 
et  le  grand  air  d'Emani,  ont  valu  à  la  jeune  artiste  un  triomphe  non 
moins  éclatant. 

***  Hombourg.  —  Au  dernier  concert  dans  lequel  Vieuxtemps,  Selig- 
mann  et  Alf.  Jaëll  se  sont  fait  entendre  avec  un  si  éclatant  succès, 
nous  avons  entendu  aussi  MmeFalbri,  excellente  cantatrice,  et  M.  Fran- 
ceschi,  le  brillant  ténor.  Tous  deux  ont  pris  une  glorieuse  part  au 
succès  de  ce  concert.  —  La  compagnie  italienne  que  Mil.  Gindreau  et 
Fouilleroux  ont  engagée,  va  bientôt  commencer  ses  représentations. 
C'est  ilarta  qui  sera  jouée  d'abord.  Sémiramide  et  Stradella  suivront  de 
près  Nous  rendrons  compte  de  ces  représentations  qui  promettent  d'être 
très-intéressantes,  et  pour  lesquelles  presque  toutes  les  loges  sont  déjà 
louées. 

***  Mayence.  — Alfred  Jaëll,  de  retour  de  son  voyage  à  Londres,  or- 
ganise ici  un  grand  concert  au  bénéfice  du  violoncelliste  Kellermann, 
frappé  récemment  d'apoplexie.  Ferd.  David,  Léon  Jacquard  et  Mlle  Tipka 
lui  prêteront  leur  concours. 

„,*„,  Prague.  —  Les  représentations  de  l'Opéra  italien,  sous  la  direction 
de  Merelli,  attirent  la  foule.  Mmes  Marchisio  viennent  d'obtenir  un  grand 
succès  dans  /  Capuletti  et  Montecchi. 

%*%  Berlin.  —  L'opéra  VAbbé  de  Saint-Galles,  composé  par  nerther,  a 
été  représenté  pour  la  première  fois  au  théâtre  Victoria  et  a  été  favo- 
rablement accueilli.  —  L'opéra  Ondine,  de  Lortzing,  plaît  beaucoup  ail 
théâtre  de  Kroll.  —  R.  Willmers  remplace  F.  de  Biïlow  comme  profes- 
seur de  piano  au  conservatoire  de  Stern. 


Le  Directeur  :  S.  DL'FOUR. 


240 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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2.  Théodora: 

3.  Messie, 

4.  Hercule, 

5.  Judas  Machabée, 

6.  Samson, 

7.  Josué, 

8.  Balthasar, 

9.  Salomon 
10 
11 
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Israël,  oratorio  en  deux  parties. 

Sosarme,  opéra  en  trois  actes. 

Thésée,  opéra  en  cinq  actes. 
13.  Giulio  Cesare,  opéra  en  trois  actes. 
44.  Semele,  drame  en  trois  actes. 

15.  Alexander  Fest,  ode  à  sainte  Cécile. 

16.  Concertos,  pour  instruments  à  cordes  (12). 
Concertante  à  neuf  parties. 

17.  Te  Deum  pour  le  duc  de  Chandos. 
Te  Deum  pour  la  naissance  de  la  reine 

Caroline. 
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18 .  Jubilate  pour  la  paix  d'Utrecht. 
Grand  Te  Deum        id. 
Grand  Te  Deum  pour  le  duc  de  Chandos. 

19.  Six  antiennes,  id. 

20.  Six  autres  antiennes,      id. 

21 .  Alcide,  opéra  en  un  acte. 
L'Alchimiste,  musique  instrumentale. 
Musique  pour  une  fête  nautique. 
Musique  pour  un  feu  d'artifice. 
The  Choice  of  Hercules,  opéra  en  un  acte. 

22.  Acis  et  Galatée,  sérénade. 

23.  Oecasional  oratorio. 

24.  Joseph,  oratorio  en  trois  parties. 

25.  Saùl,  id. 

26.  Jephta,  id. 

27.  Concertos  d'orgue,  1re  et  2e  suite  (12). 

28 .  Six  fugues  pour  orgue. 
Trois  livres  de  leçons. 

29.  Susanna,  oratorio  en  trois  parties. 

30.  Esther,  id. 

31 .  Debora,  id. 


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32.  Agrippine,  opéra  en  trois  actes. 

33.  L'Allégro  et  il  Pensieroso,  opéra. 

34.  Ode  ou  sérénade  à  la  reine  Anne. 
Ode  à  sainte  Cécile. 

35 .  Alexandre  Balus,  oratorio  en  trois  parties. 

36.  The  Triumphof  Times,  id. 

37.  Trois  antiennes  pour  les  noces  du  prince 

de  Galles,  et  les  funérailles  de  la  reine 
Caroline. 

38.  Quatre  antiennes  pour  le  couronnement 

de  George  II. 

39.  La  Resurrezzione,  oratorio. 

Masques,  vingt-neuf  morceaux  en  partition. 

40.  Six  concertos  de  hautbois. 
Un  concerto  d'orgue. 

Un  concerto  de  hautbois. 
Un  concerto  d'orgue. 

41 .  Quatre  cantates,  deux  trios. 
Treize  duos  de  chambre. 
Douze  cantates. 


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BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


N°  31. 


31  Juillet  1861 


ON  S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

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REVUE 


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Paris 24  r.  par  M 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  n       id. 

Étranger ■■■■    34  "       id- 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche . 


ET 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Devienne  (1"  article),  par  Arthur  Pou  gin.  — Conservatoire 
impérial  de  musique  et  de  déclamation  :  concours  publics  (suite  et  fin).  — 
Correspondances  :  Londres,  Bade  et  Ems.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A. 
D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles.   , 


DEVIENNE, 
i. 


Il  est  des  artistes  —  dignes  d'estime  et  de  sympathie,  sinon  d'ad- 
miration —  dont  la  vie  fort  occupée  s'écoule  dans  un  tel  calme, 
dont,  malgré  leur  talent,  la  personnalité  s'efface  derrière  une  sorte 
de  renoncement  si  absolu  à  toute  pensée  d'ambition  ou  de  vanité  que, 
n'étaient  leurs  œuvres  et  les  souvenirs  qu'elles  ont  laissés,  il  serait 
impossible  de  reconstituer  leur  existence,  de  retrouver  la  trace  de 
leur  passage  en  ce  monde.  Tandis  que  d'autres,  ne  recherchant  que  le 
bruit  et  l'éclat,  ne  demandant  qu'à  faire  connaître  à  la  foule  jusqu'à 
leurs  moindres  actions,  s'évertuent  chaque  jour  à  couper  la  queue  du 
chien  d'Alcibiade,  ceux-ci  —  qui  ne  sont  pas  toujours  les  moins  mé- 
ritants —  ayant  un  sentiment  plus  juste  et  plus  honorable  de  la  di- 
gnité de  l'artiste,  pensant  avec  raison  que  ses  œuvres  seules,  et  non 
sa  personne,  intéressent  cet  être  multiple  et  fantasque  qui  s'appelle 
le  public,  se  renferment  en  eux-mêmes,  et  se  dérobent  à  une  pu- 
blicité qu'ils  considèrent  comme  contraire  à  la  dignité  de  leur  ca- 
ractère . 

Pour  ma  part,  je  me  suis  vu  presque  découragé  lorsque,  pour  la 
première  fois,  j'ai  voulu  m'occuper  de  Devienne,  dont  je  jugeais  la 
présence  indispensable  dans  une  galerie  consacrée  à  remettre  en  lu- 
mière nos  musiciens  du  xvme  siècle.  Les  documents  sont  très-rares, 
les  détails  intimes  presque  introuvables  sur  cet  artiste  intéressant 
que  soixante  ans  seulement  séparent  de  nous.  Mon  butin,  cependant, 
a  été  suffisant  pour  me  convaincre  qu'un  récit  de  l'existence  extraor- 
dinairement  laborieuse  de  ce  compositeur,  qu'un  examen  conscien- 
cieux des  œuvres  dues  à  la  plume  de  celui  qui  a  écrit  l'aimable  et 
réjouissante  partition  des  Visitandin.es,  ne  sauraient  être  sans  intérêt. 
Bien  que  le  répertoire  de  ses  ouvrages  dramatiques  ne  soit  pas  fort 
étendu  —  c'est  dans  la  musique  instrumentale  surtout  que  sa  fécon- 
dité a  été  vraiment  surprenante  —  Devienne  a  assez  brillé  sur  la 
scène  lyrique,  son  talent  s'est,  à  mon  sens,   affirmé  avec  un  éclat 


suffisant  pour  justifier  l'utilité  d'une  telle  étude,  étude  qui  ne  saurait 
être  indifférente  à  ceux  qui  s'occupent  du  mouvement  de  l'art  mu- 
sical en  France,  et  s'intéressent  particulièrement  aux  différentes 
phases  que  cet  art  a  parcourues  dans  ses  rapports  avec  le  théâtre. 

François  Devienne  est  né  à  Joinville  (Haute-Marne),  le  31  janvier 
1759.  On  ne  sait  rien  de  sa  famille,  non  plus  que  de  ses  premières 
années,  si  ce  n'est  qu'il  eut  pour  premier  et  sans  doute  pour  unique 
maître  son  frère  aîné  et  que,  dès  sa  plus  tendre  enfance,  il  joignait 
à  un  rare  et  précoce  amour  du  travail,  des  dispositions  exceptionnelles 
pour  l'art  qui  devait  le  passionner  un  jour  au  point  d'altérer  sa  raison 
et  de  le  conduire  au  tombeau.  Tout  enfant,  on  le  remarquait  déjà 
pour  son  double  talent  de  compositeur  et  de  virtuose;  à  peine  âgé  de  dix 
ans  il  était,  malgré  son  extrême  jeunesse,  engagé  comme  flûte  dans 
la  musique  du  régiment  Royal-Cravate  où  il  se  trouvait  en  compa- 
gnie de  son  frère,  et  il  préludait  à  ses  succès  futurs  en  faisant  exé- 
cuter par  les  musiciens,  ses  camarades,  aux  grands  applaudissements 
de  ceux-ci,  une  messe  avec  accompagnement  d'orchestre  dont  il 
était  l'auteur. 

La  flûte  avait  été,  nous  venons  de  le  voir,  le  premier  instrument 
de  Devienne,  et  il  en  jouait  avec  une  véritable  perfection;  mais  plus 
tard  il  s'adonna  aussi  au  basson,  sur  lequel  son  talent  d'exécution 
devint  plus  remarquable  encore. 

M.  Fétis  assure  que,  ses  études  musicales  une  fois  terminées,  De- 
vienne «  s'attacha  au  cardinal  de  Rohan,  et  passa  ensuite  dans  la 
musique  des  gardes  suisses,  qu'il  quitta  pour  entrer,  en  1788,  dans 
l'orchestre  du  théâtre  de  Monsieur.  »  Nous  le  trouvons  effectivement 
attaché  à  ce  théâtre,  dès  sa  fondation,  en  qualité  de  premier  basson, 
mais  celui-ci  ayant  ouvert  ses  portes,  non  en  1788,  mais  seulement 
le  26  janvier  1789,  je  pense  que  Devienne  avait  quitté  l'état  mili- 
taire bien  auparavant,  car,  dans  la  première  année  du  Calendrier 
musical,  qui  parut  au  commencement  de  1788,  nous  le  trouvons 
inscrit  sur  la  liste  générale  des  professeurs  de  musique  de  Paris,  et 
logé  «rueSaint-Honoré,  vis-à-vis  celle  de  l'Arbre-sec».  Or,  si  je  ne  me 
trompe,  les  musiciens  militaires,  même  ceux  du  régiment  des  gardes 
suisses,  n'avaient  point  alors,  comme  de  nos  jours,  la  faculté  de 
loger  en  ville. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Devienne  était  alors  considérablement  occupé. 
Outre  l'emploi  qu'il  tenait  au  théâtre  de  Monsieur,  il  se  faisait  en- 
tendre souvent  aux  fameux  concerts  de  la  rue  de  Cléry,  concerts 


242 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


organisés  sous  la  direction  de  Grasset  et  de  Planlade,  dont  l'existence 
fut  éphémère,  mais  très-brillante,  et  qui  comptaient  dans  leur  per- 
sonnel les  premiers  chanteurs  et  virtuoses  de  l'époque  :  Blangini, 
Garât,  Hummel,  Lefèvre,  Baillot,  Rode,  Sallentin.  Devienne,  Rodolphe 
Kreutzer,  Frédéric  Duvernoy,  Dalvimare,  Romberg,  Mmes  Branchu, 
Armand,  Duret,  etc.,  etc.  Très-recherché  comme  professeur,  De- 
vienne donna  de  plus  beaucoup  de  leçons.  Enfin,  il  composait  un 
grand  nombre  de  morceaux  de  tout  genre,  faisait  exécuter  au  con- 
cert spirituel  —  où  lui-même  s'était  souvent  fait  entendre  avec  un 
très-grand  succès  —  par  Domnich,  un  grand  concerto  de  cor;  par 
Lefèvre  et  Perret,  une  «  concertante  »  pour  clarinette  et  basson, 
publiait  «  toutes  les  romances  d'Estelle  (1)  avec  piano  et  flûte  », 
ainsi  qu'un  recueil  de  romances  de  Berquin  et  d'autres  œuvres  de 
musique  instrumentale.  On  voit  que  sa  vie  n'était  pas  inactive. 

C'est,  je  crois,  à  ce  moment  qu'il  convient  de  placer  son  heureux 
mariage  avec  une  demoiselle  Maillard,  mariage  dont  naquirent  cinq 
enfants,  et  c'est  alors  aussi  qu'il  conçut  sérieusement  le  projet  et 
l'espoir  de  travailler  pour  le  théâtre. 


Tous  les  biographes  de  Devienne  sans  exception  commettent  une 
double  erreur  au  sujet  de  son  premier  ouvrage  dramatique,  en  don- 
nant pour  titre  à  ce  premier  ouvrage,  Encore  des  Savoyards,  et  pour 
date  de  représentation  l'année  1789.  Dans  un  instant  je  vais  recti- 
fier ce  fait  de  la  façon  la  plus  concluante,  mais  je  dois  dire  aupara- 
vant que  c'est  au  théâtre  Montansier  que  Devienne  débuta  comme 
compositeur  dramatique  (2).  Il  fit  ses  premières  armes  à  ce  théâtre 
par  le  Mariage  clandestin,  opéra-comique  en  un  acte  qui  fut  repré- 
senté le  jeudi  11  novembre  1790.  Le  poëme  de  ce  petit  ouvrage  était 
dû  au  vicomte  de  Ségur,  et  quant  à  la  musique,  elle  faisait,  selon 
les  Spectacles  de  Paris,  «  beaucoup  d'honneur  à  M.  Devienne.  » 

Ce  n'est  qu'après  le  Mariage  clandestin  que  Devienne  donna  au 
théâtre  Favart  le  petit  ouvrage  qui  avait  pour  titre  Encore  des  Sa- 
voyards, et  l'on  va  voir  par  les  lignes  suivantes,  extraites  du  Journal 
de  Paris,  du  10  février  1792,  la  cause  de  la  double  erreur  men- 
tionnée plus  haut:  «  On  avait  donné  sur  ce  théâtre  (Favart),  le  25 
septembre  1789,  une  petite  comédie  intitulée  :  Encore  des  Savoyaixls 
ou  YEcole  des  parvenus,  par  M.  Pujoulx,  et  elle  avait  eu  quelque 
succès.  L'auteur  vient  d'y  faire  des  corrections  et  de  l'arranger 
pour  être  mise  en  musique  ;  elle  a  été  fort  accueillie  mercredi  der- 
nier (8  février  1792)  avec  tous  ses  embellissements....  »  On  voit 
que  la  faute  était  facile  à  redresser;  pourtant  elle  ne  l'avait  pas  été 
jusqu'ici.  Après  avoir  fait  l'analyse  de  la  pièce,  le  Journal  de  Paris 
continue  ainsi  :  «  On  a  demandé  l'auteur.  M.  de  Vienne  [sic),  auteur 
de  la  musique,  a  paru.  Attaché  au  théâtre  de  la  rue  Feydeau,  il  a 
pu  étudier  la  manière  des  plus  célèbres  compositeurs  italiens,  et  il 
marche  heureusement  sur  leurs  traces.  Sa  musique  est  gracieuse  et 
savante.  »  De  leur  côté,  en  mentionnant  l'ouvrage,  les  Annales  dra- 


(1)  Estelle  et  Némorin,  de  Florian,  qui  eut,  on  le  sait,  une  vogue  inimaginable, 
et  dont  les  romances  furent  mises  en  musique  par  plus  de  vingt  compositeurs. 

(2)  Le  théâtre  Montansier,  ainsi  dit  du  nom  de  l'actrice  célèbre  qui  le  dirigeait 
en  compagnie  d'un  certain  de  Neuville,  était  situé  au  Palais-Royal,  dans  la  salle 
occupée  auparavant  par  les  Beaujolais,  lesquels,  s'il  en  faut  croire  les  contempo- 
rains, n'eurent  pas  lieu  d'être  fort  satisfaits  de  la  façon  dont  la  fameuse  comé- 
dienne, maîtresse  femme  d'ailleurs,  les  fit  déloger.  La  Montansier  ouvrit  son  spec- 
tacle dans  la  première  quinzaine  d'avril  1790,  et  «  c'est  —  disent  les  Spectacles 
de  Paris  de  1792  —  le  premier  théâtre  qui  ait  reçu  son  existence  du  code  de  la 
Liberté.  »  On  y  jouait  alors  trois  genres,  la  tragédie,  la  comédie  et  l'opéra,  aux- 
quels un  peu  plus  tard  fut  joint  le  vaudeville.  Après  s'être  bornée  d'abord  à  don- 
ner, en  ce  qui  concerne  le  genre  lyrique,  quelques  traductions  d'opéras  italiens  de 
Storace,  Cimarosa,  Sarii,  Martini  (l'Espagnol),  Paisiello  et  autres,  la  Montansier 
se  décida  à  faire  représenter  des  opéras-comiques  originaux,  et  c'est  alors  que 
plusieurs  ouvrages  de  Bruni,  Gebauer,  Lebrun,  Cbampein,  Devienne,  etc.,  furent 
offerts  au  public  de  son  théâtre. 


matiques  de  Babault  s'expriment  ainsi  au  sujet  de  la  transformation 
qui  en  fut  opérée  en  1792  :  «  Cette  comédie  avait  été  jouée  en  deux 
actes,  quelques  années  auparavant.  L'auteur  l'a  réduite  en  un  acte, 
et  l'a  coupée  en  opéra.  Cet  essai  a  réussi  ;  c'est  toujours  le  même 
sujet.  Devienne  y  a  adapté  une  musique  agréable,  chantante,  et  dont 
plusieurs  morceaux  offrent  un  mérite  réel  de  faclure  et  de  précision. 
{Annales  dramatiques,  t.  III,  p.  372.) 

On  voit  que  Devienne  n'eut  pas  lieu  d'être  mécontent  du  résultat 
de  ses  premiers  débuts.  A  ceci  se  borne,  du  reste,  tout  ce  qu'il 
m'est  possible  de  faire  connaître  sur  ces  heureux  préliminaires  de 
sa  carrière  dramatique.  J'ajouterai  seulement  qu'on  est  fondé  à  sup- 
poser que  les  partitions  des  deux  ouvrages  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion n'ont  pas  été  gravées. 

Arthur  POUGIN. 

[La  suite  prochainement.) 


CONSERVATOIRE  IMPERIAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Concours  publics  (Suite  et  fin). 

Les  comptes  annuels  sont  rendus;  le  dernier  des  huit  concours 
publics  a  eu  lieu  jeudi  dernier,  et,  comme  à  l'ordinaire,  les  classes 
d'instruments  à  vent  ont  clos  le  cycle  ouvert  par  les  classes  de  chant. 
En  donnant  la  liste  des  distinctions  accordées  aux  jeunes  chanteurs 
et  cantatrices,  nous  avons  dit  qu'il  y  aurait  eu  de  l'avantage  à  en 
écarter  plusieurs  de  la  lice,  où  les  poussait  une  ardeur  imprudente  ; 
ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  premier  prix  pour  les 
hommes,  et  que  parmi  les  femmes,  Mlle  Daram  seule  a  remporté  la 
palme  bienheureuse  qui  met  sur  la  voie  de  la  fortune  et  de  la 
gloire.  Mlle  Daram  aura  donc  seule  l'honneur  de  se  faire  entendre 
dans  la  séance  solennelle  de  la  distribution  des  prix.  Mlle  Mauduit, 
qui  n'a  eu  qu'un  second  prix  de  chant,  s'y  produira,  comme  ac- 
trice, avec  M.  Troy,  qui  a  mérité  le  premier  prix  d'opéra-comique  ; 
ils  joueront  ensemble  un  fragment  des  Noces  de  Jeannette,  ce  petit 
ouvrage  toujours  si  bien  reçu.  Le  grand  opéra  gardera  le  silence  et 
comptera  des  pauses,  malgré  le  premier  prix  décerné  à  Mme  Nivet 
pour  le  talent  dont  elle  a  fait  preuve  dans  le  cinquième  acte  du 
Prophète;  mais  son  partenaire  n'a  pas  été  aussi  heureux  qu'elle,  et 
comment  Fidès  pourrait-elle  se  montrer  seule  devant  un  public  à  qui 
généralement  les  rôles  tristes  et  les  longs  ouvrages  inspirent  quelque 
terreur? 

Le  concours  de  tragédie  et  de  comédie  avait  été  le  dernier  de  la 
précédente  semaine;  ce  qu'on  y  avait  vu  de  plus  remarquable,  c'est 
un  premier  prix  de  tragédie  obtenu  par  un  jeune  homme,  M.  Etienne, 
élève  de  Beauvallet,  et  réunissant  en  sa  personne  les  principales 
qualités  que  le  genre  exige,  la  physionomie,  la  voix,  le  sentiment  : 
on  en  jugera  bientôt  dans  la  séance  solennelle.  Ce  qu'il  faut  signaler 
encore  c'est  le  début  des  élèves  mâles,  tout  récemment  adjoints  à  la 
classe  jusqu'ici  toute  féminine  de  Mlle  Augustine  Brohan.  M.  Guérin  en 
a  fourni  un  très-agréable  spécimen  :  il  est  fils  d'un  ancien  professeur 
de  violon  du  Conservatoire,  et  tiendra,  nous  l'espérons,  les  pro- 
messes qu'il  donne.  Mlle  Augustine  Brohan  se  plaignait  de  n'avoir 
personne  dans  sa  classe  pour  donner  la  réplique  à  ses  Agnès,  à  ses 
Henriette,  à  ses  Célimène,  et  après  tout,  une  classe  de  déclamation 
ne  saurait  être  absolument  modelée  sur  un  pensionnat  de  jeunes 
demoiselles. 

Voici  du  reste  le  résumé  des  prix  et  des  accessits  décernés  à  la 
tragédie  et  à  la  comédie. 

Tragédie.  —  Pour  les  hommes  :  1er  prix,  M.  Etienne,  élève  de 
M.  Beauvallet;  2e,  M.  de  Rhéville,  élève  du  même.  1er  accessit, 
M.  Guérin,  élève  de  Mlle  Brohan;  2e  M.  Prudhon,  élève  de  M.  Régnier. 


DE  PARIS. 


243 


Pour  les  femmes  :  pas  de  1er  prix;  2e,  Mlle  Jaillet,  élève  de 
M.  Samscm.  1"  accessit,  Mlle  Angelot,  élève  de  M.  Régnier. 

Comédie.  —  Pour  les  hommes  :  pas  de  1er  prix  ;  2e,  MM.  Michel, 
élève  de  M.  Samson,  et  de  Rhéville,  élève  de  M.  Beauvallet.  1er  ac- 
cessit, M.  Guérin,  élève  de  Mlle  Brohan;  2°,  MM.  Charpentier,  élève 
de  M.  Samson,  et  Prudhon,  élève  de  M.  Régnier. 

Pour  les  femmes  :  pas  de  1er  prix;  2e,  Mlles  Delamalerée,  élève  de 
M.  Régnier;  Bloch,  élève  de  M.  Samson,  et  Angelot,  élève  de  M.  Ré- 
gnier. 1er  accessit,  Mlle  Dortet,  élève  du  même  ;  2e,  Mlle  de  Breuil, 
élève  de  M.  Samson  ;  3e,  Mlle  Brach,  élève  de  M.  Beauvallet. 

Le  concours  de  grand  opéra  inaugurait  la  semaine  avec  plus  de 
bruit  que  d'éclat.  11  n'y  avait  que  douze  scènes,  dans  lesquelles  les 
femmes  se  sont  beaucoup  plus  signalées  que  les  hommes,  comme 
l'atteste  le  bulletin  des  décisions  du  jury. 

Grand  opéra.  —  Pour  les  hommes  :  pas  de  1er  ni  de  2e  prix. 
1er  accessit,  MM.  Bosquin,  élève  de  M.  Levasseur,  et  Lavitte ,  élève 
de  M.  Duvernoy.  2e,  MM.  Taillefer,  élève  de  M.  Duvernoy  ;  Bladviel, 
élève  du  même,  et  Ponsard,  élève  de  M.  Levasseur  ;  3e,  M.  Pons 
élève  de  M.  Duvernoy . 

Pour  les  femmes  :  1er  prix,  Mme  Nivet,  élève  de  M.  Levasseur; 
2e,  Mlles  Mauduit  et  Bloc,  élèves  du  même.  1er  accessit,  Mlle  de  Beau- 
nay,  élève  du  même. 

Le  concours  de  violoncelle  et  de  violon  venait  le  lendemain.  Jamais 
le  second  de  ces  concours  n'avait  été  aussi  nombreux,  et,  par  mal- 
heur, la  quantité  l'emportait  notoirement  sur  la  qualité.  Parmi  les 
vingt-six  concurrents  et  concurrentes  qui  se  mesuraient  l'archet  à  la 
main,  il  se  trouvera  certainement  plusieurs  arlistes  très-honorables  et 
très-estimables,  qui  seront  d'une  grande  utilité  dans  nos  orches- 
tres, mais  il  y  aura  fort  peu  de  solistes  éminents.  Cependant,  le  con- 
cours de  violon  avait,  cette  année,  sa  merveille,  plus  merveilleuse 
que  toutes  celles  que  nous  avons  vues  jusqu'ici,  tant  par  le  talent  que 
par  le  sexe  et  l'âge.  Cette  merveille  se  nomme  Mlle  Closet;  elle  est 
élève  de  Massart,  et  compte  tout  juste  onze  ans  et  trois  mois.  Elle 
ne  joue  pas  seulement  du  violon  (sur  un  petit  instrument,  un  trois 
quarts)  avec  une  vigueur  et  un  style  qui  tiennent  du  prodige;  elle 
est  musicienne  consommée  :  elle  lit  à  première  vue  mieux  qu'on  n'a 
jamais  lu,  sans  faillir,  sans  hésiter.  Et  alors,  me  direz-vous,  Mlle  Clo- 
set a  obtenu  le  premier  prix  d'emblée,  comme  dans  leur  temps,  Henri 
Wieniawski,  Lotto,  Sarasate  et  Mlle  Maria  Boulay?  Pas  du  tout;  le 
jury  s'est  consulté  longuement,  et  dans  l'excès  de  sa  sagesse,  il  n'a 
voulu  accorder  qu'un  second  prix  à  Mlle  Closet  !  Il  y  avait  même  des 
juges  qui,  dit-on,  parlaient  d'accessit,  comme  si  les  prodiges  étaient 
réservés  à  un  tel  affront!  Pour  notre  part,  nous  regrettons  très-vive- 
ment que  justice  pleine  et  entière  n'ait  pas  été  rendue  à  la  petite 
virtuose,  et  que  le  Conservatoire  ait  ainsi  perdu  l'occasion  de  la  faire 
entendre  au  ministre  le  jour  de  la  distribution  des  prix.  Pareille  mé- 
saventure était  arrivée  à  Lotto,  qui  n'avait  été  nommé  que  le  troi- 
sième, quoiqu'il  méritât  de  l'être  le  premier  ;  mais  il  eut  le  courage 
d'aller  droit  au  ministre,  alors  M.  Achille  Fould,  et  de  réclamer, 
séance  tenante,  la  faveur  d'être  entendu,  ce  que  le  ministre  lui  ac- 
corda, au  grand  contentement  de  toute  l'assemblée 

Violoncelle.  —  1er  prix,  M.  Darcq,  élève  de  M.  Franchomme  ;  2e, 
M.  Pfotzer,  élève  de  M.  Chevillard.  1er  accessit,  M.  Delsart,  élève  de 
M.  Franchomme  ;  2e,  M.  Bernard,  élève  du  même  :  3%  M.  de  Mi- 
retzki,  élève  du  même. 

Violon.  —  1er  prix,  M.  Chomanowski,  élève  de  M.  Massart  ;  2e, 
Mlle  Closet,  élève  de  M.  Massart;  Mlle  Baslin,  élève  de  M.  Alart; 
MM.  Muratet  et  Thibault,  élèves  de  M.  Dancla.  1er  accessit,  MM.  Frie- 
mann,  élève  de  M.  Massart;  Gatellier,  élève  de  M.  Sauzay;  Rinck, 
élève  du  même;  2e,  MM.  Paquotte  et  Boisseau,  élèves  de  M.  Dancla; 


3e,  M.  Schmeltz,  élève  de  M.  Massart,  et  Mlle  Biot,  élève  de  M.  Sauzay. 
Passons  aux  concours  des  classes  d'instruments  à  vent,  lesquelles, 
depuis  la  création  des  classes  militaires  et  l'introduction  d'élèves 
militaires  dans  les  classes  civiles,  n'occupent  pas  moins  de  deux  jour- 
nées depuis  9  heures  du  matin  jusqu'à  environ  6  heures  de  l'après- 
midi.  Voici  le  relevé  général  des  récompenses  distribuées  par  le  jury 
à  ces  diverses  classes. 

Flûte  (professeur,  M.  Dorus).  —  Ier  prix,  MM.  Denni,  Simon  et 
Martin  ;  2e,  M.  Brossa.  1er  accessit,  M.  Corlieu  ;  2°,  M.  Rauch  ; 
3e,  M.  Muller. 

Hautbois  (professeur,  M.  Triébert).  —  ler  prix,  MM.  Stoll  et 
Triébert;  2e,  MM.  Achard  et  Fargues.  1er  accessit,  M.  François. 

Clarinette  (professeur.  M.  Klosé).  —  1er  prix,  M.  Mastio;  2e,  M.  Tur- 
ban; 1er  accessit,  MM.  Faurès  et  Raimond. 

Basson  (professeur,  M.  Cokken).  —  1er  prix,  M.  Lalande.  Accessit, 
M.  Hermann. 

Cor  (professeur,  M.  Gallay).  —  Pas  de  premier  prix;  2e,  M.  Collin. 
1er  accessit,  M.  Strobbe;  2e,  M.  Seygaud;  3',  M.  Parisot. 

Cor  à  pistons  (professeur,  M.  Meifred).  —  1er  prix,  M.  Bender, 
2e  accessit,  M.  Guffroy. 

Trompette  (professeur,  M.  Dauverné).  —  1er  prix,  M.  Dossunet  ; 
lep  accessit,  M.  Morlot;  2e,  M.  Braquet. 

Trombone  à  coulisse  (professeur,  M.  Dieppo.)  —  1er  prix,  M.  Du- 
clos. 

Trombone  à  pistons  (même  professeur).  —  1er  prix,  M.  Jean  ;  2e 
prix,  M.  Rustang;  1er  accessit,  M.  Garnier;  2e,  M.  Dessendre  ;  3e, 
M.  Launay. 

Cornet  à  pistons  (professeur,  M.  Forestier.)  —  Pas  de  premier 
prix;  2e  prix,  MM.  Pugenc  et  Monmarché;  1er  accessit,  M.  Garcin  ; 
2e,  M.  Jacob;  3e,  M.  Sauvan. 

Saxophone  (professeur,  M.  Adolphe  Sax).  —  1er  prix,  MM.  Thuil- 
lier,  Gaymard  et  Chabert  ;  2e,  MM.  Puech,  Nivert  et  Lévy;  l*r  ac- 
cessit, MM.  Lancheney,  Poulet  et  Rass;  2e,  MM.  Grandmaire,  Demor- 
nay  et  Chape. 

Saxhorn  (professeur,  M.  Arban).  —  ieT  prix,  MM.  Feningre  et 
Sutter;  2e,  MM.  Bello,  Ribailler  et  Calendri;  1er  accessit,  MM.  Ri- 
che, Degreige;  2e,  M.  Merle. 

Ce  que  nous  avons  à  noter  dans  la  situation  de  toutes  ces  classes, 
c'est  une  tendance  générale  au  progrès  stimulée  par  l'activité  obligée 
des  élèves,  qui  sortent  de  l'armée  pour  venir  se  perfectionner  pen- 
dant deux  ans  au  Conservatoire,  et  qui  mettent  le  temps  à  profit. 
La  classe  de  flûte,  la  classe  de  clarinette  prennent  une  grande  part 
à  ce  mouvement,  et  la  classe  de  hautbois  s'est  signalée  par  une  ré- 
génération complète,  que  l'on  doit  au  talent  consciencieux  de  M.  Trié- 
bert. Les  classes  d'instruments  nouveaux ,  entre  les  mains  de 
MM.  Adolphe  Sax  et  Arban,  continuent  de  former  des  virtuoses, 
aussi  rapidement  qu'à  l'époque  où  la  France  était  obligée  d'en  appro- 
visionner quatorze  armées. 

La  distribution  des  prix  aura  lieu  jeudi  prochain,  sous  la  prési- 
dence de  M.  le  maréchal  Vaillant,  qui  a  daigné  plusieurs  fois  assister 
aux  concours  et  encourager  les  élèves.  Le  programme  de  la  séance 
se  composera  d'un  morceau  de  piano,  d'un  air,  d'une  scène  de  tra- 
gédie et  d'un   fragment  d'opéra-comique. 

Paul  SMITH. 


244 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


On  lit  dans  la  Gazette  officielle  de  Turin  en  date  du  25  juillet 
courant: 

«  Nous  avons  parlé  il  n'y  a  pas  longtemps  dans  notre  journal  des 
perfectionnements  introduits  en  France  dans  l'art  de  fabriquer  les 
pianos  de  tous  modèles,  et  nous  avons,  d'accord  avec  le  Moniteur 
et  les  autres  journaux  de  ce  pays,  distingué  particulièrement  l'hono- 
rable maison  de  MM.  Philippe-Henri  Herz  neveu  et  Ce,  rue  Scribe,  7, 
à  Paris,  comme  étant  celle  qui,  dans  ces  derniers  temps,  a  réalisé 
les  plus  remarquables  et  les  plus  réels  progrès,  tant  pour  la  beauté 
que  pour  la  bonté  et  la  perfection  de  ses  instruments. 

»  Nous  pouvons  annoncer  que  S.  M.  Victor-Emmanuel  II,  voulant 
donner  aux  susdits  MM.  Philippe-Henri  Herz  neveu  et  C,  un  témoi- 
gnage spécial  de  sa  souveraine  protection,  a  daigné,  par  un  brevet 
en  date  du  21  juillet  courant,  les  autoriser  à  prendre  le  litre  de:  Fac- 
teurs et  fournisseurs  de  pianos  de  S.  M.  le  roi  d'Italie.  » 

A  peine  quelques  mois  se  sont  écoulés  depuis  que  nous  consa- 
crions un  article  à  la  mise  en  activité  de  la  manufacture  de  MM.  Ph.- 
Henri  Herz  neveu  st  Ce,  et  à  l'inauguration  de  leurs  magasins  et  les 
résultats  de  leurs  travaux  ne  se  sont  pas  longtemps  fait  attendre.  Déjà 
le  souverain  du  pays  le  plus  musical  de  l'Europe  leur  donne  une 
haute  marque  de  sa  bienveillance;  et  nous  avons  pu  nous  convain- 
cre, en  outre,  de  visu,  de  l'importance  des  commandes  qui  leur  sont 
adressées  et  de  l'activité  qui  règne  dans  leurs  ateliers.  C'est  donc 
avec  une  véritable  satisfaction  que  nous  voyons  se  réaliser  les  espé- 
rances que  tout  d'abord  nous  avons  conçues  sur  le  bel  avenir  in- 
dustriel et  artistique  réservé  à  cette  maison. 


CORRESPONDANCE. 


Londres,  26  juillet. 


La  saison  musicale,  qui  touche  à  son  terme,  a  été  extrêmement  bril- 
lante à  Covent-Garden.  Le  directeur,  M.  Gye,  n'a  rien  épargné  pour 
conserver  cette  année  encore  à  son  théâtre  sa  supériorité  sur  les 
principales  scènes  de  l'Europe.  Néanmoins  la  représentation  la  plus  in- 
téressante avait  été  réservée  pour  la  fin;  la  reprise  de  l'Étoile  du  Nord 
a  eu  lieu  samedi  dernier  seulement;  mais  ce  retard  n'est  nullement 
imputable  à  l'administration.  Le  brusque  départ  de  Mlle  Lucca,  à  la- 
quelle le  rôle  de  Catarina  était  destiné,  avait  interrompu  les  répétitions, 
et  il  avait  fallu  pourvoir  à  son  remplacement.  M.  Gye  ne  pouvait  avoir 
la  main  plus  heureuse  qu'en  s'assurant  le  concours  de  Mine  Carvalho; 
impossible  de  savoir  comment  Mlle  Lucca  aurait  interprété  le  rôle; 
mais  ce  qui  ne  fait  pas  l'objet  d'un  doute,  c'est  qu'elle  n'aurait  pu 
le  chanter  mieux  que  la  première  des  cantatrices  françaises. 

Cette  reprise  avait  du  reste  tout  l'attrait  d'une  première  repré- 
sentation. A  la  vérité,  l'ouvrage  avait  été  joué  déjà  à  Covent-Garden, 
et  avec  un  immense  succès,  en  ISoj,  mais  le  terrible  incendie  du  théâtre 
interrompit  ce  succès  jusqu'à  nos  jours.  M.  Gye  s'est  bâti  une  salle 
nouvelle  plus  brillante,  plus  splendide  que  l'ancienne,  mais  il  fallait 
reconstituer  aussi  tout  le  matériel  en  décors,  costumes  et  accessoires, 
devenu  la  proie  des  flammes,  et  cela  ne  peut  se  faire  à  Londres  comme 
à  Paris  par  un  coup  de  baguette;  car  le  théâtre  de  Covent-Garden, 
bien  qu'il  porte  le  titre  de  théâtre  royal  italien  et  qu'il  fasse  les  choses 
aussi  royalement  qu'un  vrai  théâtre  royal,  ne  jouit  cependant  d'aucune 
subvention.  Cependant  tous  les  ans  M.  Gye  augmente  son  répertoire. 
Ainsi  Robert,  les  Huguenots,  le  Prophète  ont  été  splendidement  remis  à 
neuf,  la  première  représentation  de  Dinorah  a  déjà  eu  lieu  dans  la  salle 
nouvelle,  et  cette  riche  galerie  des  chefs  d'oeuvre  de  Meyerbeer  vient 
de  se  compléter  par  l'Etoile  du  Nord.  Que  l'Africaine  s'y  joigne  l'an  pro- 
chain, et  ce  brillant  théâtre  possédera  dans  son  répertoire  l'œuvre  en- 
tier du  maître  immortel. 

L'exécution  de  l'Etoile  du  Nord,  jouée  samedi  dernier,  a  été  de  tout 
point  parfaite,  peut-être  encore  plus  soignée  dans  les  détails  qu'en 
1855,  alors  que  Meyerbeer  était  venu  à  Londres  en  diriger  les  études. 
M.  Costa  n'a  pas  oublié  que,  lorsque  à  la  première  soirée  ,  Meyer- 
beer, cédant  à  l'enthousiasme  général,  parut  lui-même  devant  la 
rampe,  il  voulut  que  il.  Costa  partageât  son  triomphe,  et  celui-ci,  à  Ja 


reprise,  a  fait  des  miracles.  On  sentait  combien  les  répétitions  avaient 
dû  se  multiplier.  Et  il  faut  savoir  ce  que  c'est  que  d'obtenir  à  Londres 
un  grand  nombre  de  répétitions,  pour  en  apprécier  le  mérite.  Aussi, 
dès  l'ouverture,  une  manifestation  éclata  dans  toute  la  salle,  manifesta- 
tion qui  n'était  pas  moins  un  hommage  au  grand  compositeur  que 
nous  avons  perdu  qu'à  M.  Costa  et  à  son  orchestre.  L'ouverture  fut 
redemandée,  mais  la  longueur  du  spectacle  ne  permettait  pas  de  la  re- 
dire, non  plusquetous  les  autres  morceaux  bissés  dans  le  cours  de  l'ou- 
vrage, tels  que  la  prière  du  premier  acte,  l'air  de  Danilowitz,  au  troi- 
sième, les  couplets  de  Prascovia,  et  presque  tous  ies  morceaux  de 
Faure  Celui-ci  vient  de  mettre  le  sceau  à  sa  réputation  par  la  création 
du  rôle  du  Czar,  à  Londres.  Dans  chaque  nouveau  rôle  abordé  jusqu'ici 
par  Faure,  on  avait  reconnu  de  nouveaux  progrès,  mais  dans  aucun 
il  n'avait  produit  encore  un  effet  pareil  à  celui  qu'il  vient  de  produire 
dans  le  rôle  de  Péters,  de  l'Etoile  du  Nord  ;  il  s'y  est  placé  au  plus  haut 
rang  que  puisse  ambitionner  un  artiste. 

Nous  avons  déjà  dit  avec  quelle  perfection  Mme  Carvalho  chante  le 
rôle  ne  Catarina.  Si  au  second  acte  elle  n'a  pas  toute  l'énergie  néces- 
saire et  que  la  nature  lui  a  refusée,  elle  rachète  ce  tort  par  une  mé- 
thode sans  pareille  :  la  prière  et  barcarolle  du  premier  acte,  ainsi  que 
tout  le  troisième  acte,  lui  ont  notamment  valu  les  applaudissements  les 
mieux  mérités. 

Mlle  Brunetti  était  annoncée  comme  faisant  son  début  en  Angleterre 
dans  le  rôle  de  Prascovia;  quelques  amateurs  se  rappellent  pourtant 
l'avoir  entendue  déjà  il  y  a  quelques  années,  à  Her  Majesty's  Théâtre, 
dans  le  rôle  de  Gilda.  Mais  quels  progrès  la  jeune  et  belle  cantatrice  a 
faits  depuis!  Sa  voix,  d'une  étendue  suffisante,  est  au  plus  haut  degré 
sympathique,  son  intonation  est  toujours  juste,  et  sa  vocalisation  ne 
laisse  rien  à  désirer.  Mlle  Brunetti  a  obtenu  un  très-grand  succès  dans 
le  rôle  de  Prascovia,  elle  en  a  fait  un  rôle  important  qu'aucune  chan- 
teuse ne  pourra  dédaigner  désormais.  11  faut  féliciter  M.  Gye  de  cette 
excellente  acquisition. 

Naudin  qui,  avec  la  Muette,  avait  déjà  fait  une  si  heureuse  excursion 
dans  le  répertoire  français,  a  prouvé  de  nouveau,  dans  le  rôle  de  Dani- 
lowitz, qu'il  sait  s'assimiler  avec  succès  tous  les  styles  et  qu'il  n'y  a 
pas  de  petit  rôle  pour  un  grand  artiste.  Dans  son  air  d'entrée,  aussi 
bien  que  dans  l'air  du  troisième  acte,  composé  exprès  par  Meyerbeer 
pour  Londres  (et  pour  Gardoni,  qui  jouait  le  rôle  en  1855),  Naudin  a 
obtenu  un  succès  aussi  grand  que  légitime. 

Les  deux  vivandières  sont  représentées  par  les  mêmes  artistes  et  avec 
la  même  perfection  que  lors  de  la  première  représentation  de  l'ou- 
vrage. Mlle  Jenny  Bauer  est  toujours  aussi  jolie,  aussi  charmante,  et 
n'a  pas  vieilli  le  moins  du  monde  depuis  1855,  et  Mme  Rudersdorff 
chante  toujours  avec  le  même  talent  qu'alors,  mais  elle  n'a  pas  rajeuni 
depuis. 

Si  Ciampi  ne  peut  soutenir  la  comparaison  avec  l'incomparable  La- 
blache,  il  n'en  est  pas  moins  un  très-bon  Gritzenko.  Les  mille  petits 
trésors  que  Meyerbeer  a  semés  dans  les  récitatifs  pour  Lablache  ont 
été  rendus  par  le  nouvel  interprète  du  rôle  avec  beaucoup  d'intelli- 
gence et  de  talent.  Neri-Baraldi,  dans  le  rôle  de  George,  et  Tagliafico, 
dans  celui  de  Yermoloff,  complètent  un  ensemble  des  plus  achevés. 

Et,  à  propos  d'ensemble,  comment  ne  pas  mentionner  M.  Augustin 
Harris,  le  régisseur  du  théâtre  de  Covent-Garden  ?  La  scène  immense  de 
ce  théâtre  permettait  de  donner  un  développement  extraordinaire  au 
finale  du  second  acte,  et  le  parti  que  M.  Harris  en  a  tiré  est  quelque 
chose  de  prodigieux.  Il  fait  manœuvrer  sur  le  théâtre  un  effectif  de 
cinq  cents  hommes  comme  le  général  le  plus  habile  ;  pièces  attelées, 
cavalerie  montée,  rien  n'y  manque.  Ce  finale  est  la  chose  la  plus  éton- 
nante que  nous  ayions  jamais  vue  sur  un  théâtre  ;  c'est  le  nec  plus  ultra 
de  l'art  de  la  mise  en  scène.  Aussi,  quand  Faure,  rappelé  après  le  se- 
coDd  acte,  insista  pour  que  M.  Harris  revînt  avec  lui,  ce  dernier  fut 
acclamé  avec  enthousiasme,  et  c'était  justice. 

De  son  côté,  M.  Beverley,  le  célèbre  peintre  de  décors,  s'est  immorta- 
lisé par  le  paysage  du  premier  acte  ;  ce  n'est  pas  une  décoration  de 
théâtre,  c'est  un  chef-d'œuvre  de  peinture.  Les  efforts  réunis  de  ces 
deux  artistes,  MM.  Beverley  et  Harris,  ont  déjà  mis  au  jour  plus  d'un 
chef-d'œuvre  ;  jamais  ils  n'ont  réussi  autant  que  pour  cette  reprise 
de  VEtoile  du  Nord. 

A  la  première  comme  à  la  deuxième  représentation,  qui  a  eu  lieu 
hier,  la  salle  était  remplie  jusqu'aux  combles.  Mme  Carvalho  et  Mlle  Bru- 
netti ont  été  rappelées  après  le  premier  acte.  Faure  et  M.  Harris  après 
le  second,  et  Faure  avec  Mme  Carvalho  après  le  troisième.  L'Etoile  du 
Nord,  exécutée  ainsi,  ne  disparaîtra  plus  du  firmament  radieux  de  Co- 
vent-Garden. 

C'est  pour  moi  un  grand  bonheur  d'avoir  pu  vous  annoncer  ce  nou- 
veau succès  d'un  des  plus  grands  chefs-d'œuvre  des  temps  modernes,  à 
cette  même  place  où,  il  y  a  neuf  ans,  j'ai  rendu  compte  du  triomphe 
du  maître  et  de  son  œuvre,  lors  de  sa  première  apparition  à  Londres. 
Et  pourtant,  je  ne  puis  me  défendre  d'une  tristesse  profonde  en  son- 
geant aux  changements  qui  sont  survenus  depuis.  L'ancienne  salle  brû- 
lée, les  deux  plus  grands  interprètes  de  l'ouvrage,  Lablache  et  Mme  Bo- 


DE  PARIS. 


245 


sio,  enlevés  par  la  mort,  ainsi  que  Zelger,  dont  la  Gazelle  musicale  vient 
de  nous  apprendre  la  fin  toute  récente.  Et  le  grand  compositeur  lui- 
même,  que  nous  voyions  alors  heureux  et  rayonnant  de  gloire,  et  avec 
lequel  nous  avons  assisté  à  la  première  représentation  de  son  œuvre  à 
Londres  !  Cependant,  la  salle  brûlée  est  remplacée  par  une  salle  nou- 
velle, Mme  Bosio  a  pu  être  remplacée  par  Mme  Carvalho,  Lablache  par 
Ciampi,  Zelger  par  Capponi  ;  mais,  hélas  1  qui  jamais  remplacera 
Meyerbeer  ! 

L.  B. 


Bade,  20  juillet  1864. 

Le  lendemain  de  la  première  représentation  au  théâtre  de    Bade  de 
l'opéra  de  Gustave  Héquet,  De  par  le  roi,  je  vous  ai  envoyé  quelques  li- 
gnes à  la  hâte  pour  vous  donner  la  nouvelle  du  succès  qu'il  avait  ob- 
tenu. Ainsi  que  je  vous  l'ai  dit,  la  pièce  a  beaucoup  amusé  ;  elle  est  gaie, 
spirituelle,  vive  et  bien  menée.  Daubigny,  capitaine  des  mousquetaires 
français  servant  en  Espagne  dans  l'armée  du  duc  de  Vendôme,  pendant  la 
guerre  de  succession,   est  très-entreprenant  comme  tous  les  mousque- 
taires. Il  a  ébauché  à  Tolède  une  intrigue  avec  une  jeune  fille,  pension- 
naire dans  un  couvent.  Jamais  il  ne  l'a  vue,  mais  il  lui  avait  écrit;  il  a 
reçu  sa  réponse,  et  lui  a  souvent  entendu  chanter  à  travers  les  grilles 
un  boléro  qu'il  a  retenu  et  qu'il  chaute  à  son  tour  : 
C'est  à  Tolède 
Qu'est  mon  couvent  ; 
Viens  à  mon  aide 
Mon  jeune  amant. 

Ce  souvenir  ne  l'empêche  pas,  quand  il  arrive  à  Soria,  en  Aragon,  de 
conter  fleurette  à  la  signora  Dolorès,  jeune  veuve  très-coquette,  cousine 
de  l'alcade  et  sa  fi.mcée.  L'alcade  Malpico  a  deux  filles,  qu'il  a  travesties, 
pour  les  soustraiie  aux  séductions  de  Daubigny,  installé  dans  sa  mai- 
son par  billet  de  logement,  l'une  en  soldat,  l'autre  en  abbé.  Daubigny 
s'est  ménagé  un  entretien  avec  Dolorès  ;  mais  à  peine  a-t-il  échange 
avec  elle  quelques  paroles,  que  le  jeune  soldat,  qui  n'est  autre  que  la 
pensionnaire  du  couvent  de  Tolède,  vient  lui  demander  une  leçon  d'ar- 
mes, pendant  que  de  l'autre  côté  arrive  l'abbé,  tenant  un  bréviaire  et 
chantant  une  hymne  en  latin  de  l'air  le  plus  sérieusement'  convaincu. 
Cette  scène  donne  lieu  à  un  quatuor  très-gai,  fort  original,  et  très-soi- 
gneusement travaillé.  Sur  ces  entrefaites,  une  ordonnance  a  été  publiée, 
d'après  laquelle  tout  officier  convaincu  d'avoir  compromis,  par  ses  en- 
treprises galantes,  la  réputation  d'une  dame  espagnole,  sera  obligé  de 
l'épouser,  sous  peine  de  perdre  son  grade.  En  apprenant  cette  circons- 
tance, Dolorès,  les  deux  filles  de  l'alcade,  et  même  la  sœur  Béatrice,  qui 
a  passé  sa  vie  à  chercher  un  mari,  ne  songent,  chacune  de  leur  côté, 
qu'à  se  faire  surprendre  avec  le  brillant  mousquetaire.  Celui-ci  a  obtenu 
de  la  jeune  veuve  la  promesse  d'un  nouveau  rendez-vous;  mais  elle  n'y 
sera  pas  seule.  Toutes  quatre  y  arrivent  l'une  après  l'autre  et  voilée.-. 
11  fait  nuit.  Daubigny  cherche  la  veuve,  lorsqu'il  se  trouve  tout  à  coup 
saisi  par  les  deux  mains  ;  et  au  même  moment,  Malpico,  qui  a  des  soup- 
çons, parait  avec  des  flambeaux,  croyant  surprendre  le  mousquetaire 
avec  Dolorès,  tandis  qu'il  se  trouve  en  présence  des  quatrefemmes  voilées. 
Je  veux  ici  connaître  celle 
Qui,  la  première,  au  devoir  infidèle,  etc. 

Toutes  quatre  s'avancent  à  la  fois  :  «  Allons,  Senor,  dites-nous  la- 
quelle vous  voulez  épouser?  —  Ma  foi,  dit  Daubigny,  je  n'en  sais  rien.  » 
Angela,  le  soldat  déguisé,  l'ex-pensionnaire  du  couvent  de  Tolède,  se 
charge  de  le  tirer  d'embarras  en  lui  chantant,  toujours  sous  son  voile, 
la  chanson  qu'il  a  si  bien  retenue  :  »  C'est  à  Tolède.  »  Cette  chanson  dé- 
cide son  choix  et  amène  le  dénoûment.  Sur  toute  cette  scène,  le  com- 
positeur a  brodé  un  finale  très-varié  d'intentions  et  de  mouvements.  In- 
dépendamment de  ce  morceau  capital  et  du  quatuor,  il  faut  citer  l'air 
d'entrée  du  mousquetaire,  fort  brillant,  que  Jourdan  chante  avec  beau 
coup  de  verve  et  d'éclat,  puis  le  boléro  à  deux  voix,  fort  bien  dit  par 
M.  Faure-Lefebvre  et  Mlle  Géraldine.  L'ouvrage  est  d'ailleurs  précédé 
d'une  ouverture  très-développée,  travaillée  savamment,  et  vigoureuse- 
ment instrumentée,  quoiqu'il  n'y  ait  ni  timballes  ni  trombones.  Le  suc- 
cès a  donc  été,  je  vous  le  répète,  complet,  et  il  n'y  a  pas  de  doute  que 
l'Opéra-Comique  ou  le  théâtre  Lyrique  ne  vous  fassent  entendre,  l'hiver 
prochain,  ce  très-amusant  petit  opéra. 

M.  S. 


Ems,  25  juillet  486i. 

Huit  jours  se  sont  à  peine  écoulés  depuis  que  notre  brillante  société 
acclamait  Offenbach  après  la  représentation  du  Soldat  magicien,  et  voilà 
qu'un  succès  plus  éclatant  encore  lui  vaut  une  ovation  qui  se  traduit 
par  des  sérénades,  des  illuminations  et  des  cris  d'enthousiasme  de  la 
foule  accourue  sous  ses  fenêtres.  Encore  une  saison  et  les  chevaux  de 
sa  voiture  seront  dételés;  on  portera  en  triomphe  le  maestro,  et  le  lau- 
rier d'or  couionnera  son  front.  Sérieusement  parlant,  je  dois  dire  que 


l'auteur  d'Orphée  aux  enfers  vient  d'ajouter  à  son  nombreux  répertoire 
une  charmante  pièce  de  [dus. 

Jeanne  qui  pleure  et  Jean  qui  rit  est  une  paysannerie  dans  le  genre  du 
Violoneux.  MM.  Nuitter  et  Tréfeu  ont  écrit  le  livret;  le  comique  et  la 
gaieté  y  abondent,  et  il  y  a  tout  juste  ce  qu'il  faut  de  sentiment. 

Mlle  Jeanne  a  hérité  d'un  moulin,  mais  son  parrain,  en  le  lui  laissant, 
y  a  mis  pour  condition  qu'il  serait  vendu  aux  enchères  et  qu'elle  épou- 
serait l'acquéreur,  lequel  devait  par  conséquent  être  garçon.  Mlle  Jeanne 
trouverait  cette  clause  parfaitement  de  son  goût  si  elle  était  sûre  que 
son  amoureux  Savinien  devint  le  propriétaire  du  moulin.  Mais  il  a  un 
concurrent  sérieux  dans  le  fils  d'un  voisin  qui  s'appelle  Cabochon  et 
auquel  l'immeuble  et  l'héritière  ont  donné  dans  l'œil.  Il  s'agit  donc 
d'éliminer  ce  prétendant,  et  Mlle  Jeanne,  qui  est  une  fine  matoise,  se 
présente  aux  Cabochon  sous  des  dehors  peu  faits  pour  lesencourager.  Elle 
détériore  le  mobilier  du  moulin,  elle  grogne  et  pleurniche  sans  cesse. 
Non  contente  de  cette  ruse,  elle  se  crée  du  son  autorité  privée  un  frère, 
qui  n'est  autre  qu'elle  sous  des  habits  d'homme.  Celui-ci  est  un  tapa- 
geur fini  qui  ne  parle  que  de  tout  casser  et  d'assommer  tout  le  monde, 
à  commencer  par  les  Cabochon,  qui  tremblant  de  frayeur,  ne  trouvent 
rien  de  mieux,  pour  éviter  cet  enragé  Jean,  que  de  se  cacher  dans  des 
sacs.  Pendant  ce  temps-là  l'enchère  a  eu  lieu,  le  moulin  a  été  adjugé  à 
Savinien,  et  la  meunière,  qui  n'a  plus  rien  aménager,  dévoile  aux  Cabo- 
chon la  mystification  dont  elle  les  a  rendus  victimes  et  elle  épouse  son 
amoureux.  Le  Cabochon  se  console  en  épousant  une  certaine  Tapote 
qui,  à  part  le  moulin,  lui  paraissait  préférable  à  Mlle  Jeanne.  Je  ne  vous 
parle  pas  d'un  personnage  épisodique,  Cabochon  le  père,  sous  les  traits 
de  Désiré,  et  qui,  déguisé  en  meunière,  a  soulevé  dans  la  salle  un  rire 
nextinguible. 

C'est  sur  ce  sujet  fort  amusant  qu'Offenbach  a  composé,  comme  je 
vous  le  disais,  une  délicieuse  musique  —  L'ouverture  est  tout  un  pe- 
tit poëme  pastoral  dans  lequel  ressort  bien  l'opposition  du  rire  et  des 
larmes.  La  scène  s'ouvre  par  une  romance  que  chante  Savinien  et  qui 
est  pleine  de  sentiment  et  de  touchante  mélodie;  le  duo  avec  Jeanne 
qui  suit  cette  romance,  la  complète  admirablement.  Les  couplets  :  Ah  1 
quel  malheur  I  par  lesquels  Jeanne  aborde  les  Cabochon,  expriment  de 
la  façon  la  plus  originale  le  désespoir  simulé  de  la  rusre  meunière.  On 
ne  se  lassait  pas  de  les  applaudir.  L'air  dans  lequel  Nicolas  expose  sa 
profession  de  foi  à  l'égard  de  Tapote,  et  le  trio  qui  vient  après,  n'ont 
pas  fait  moins  de  plaisir;  mais  ce  qui  a  été  applaudi  avec  frénésie,  ce 
qui  a  été  bissé  par  la  salle  entière,  ce.  sont  les  couplets  du  Cidre.  Cette 
chanson,  par  son  originalité,  par  sa  mélodie,  par  son  entrain,  est  sans 
contredit  la  plus  heureuse  inspiration  de  l'œuvre;  chacun  la  fredonnait 
en  sortant,  et  elle  deviendra  populaire.  L'air  bouffe  de  Désiré,  déguisé 
en  meunière,  a  été  également  bissé  et  a  valu  à  l'excellent  pensionnaire 
des  Bouffes-Parisiens  une  explosion  de  bravos  enthousiastes.  Le  trio 
final,  chanté  par  les  Cabochon,  cachés  dans  les  sacs,  et  par  Jeanne, 
changeant  de  voix  pour  simuler  la  présence  de  son  soi-disant  frère,  est 
fait  avec  beaucoup  d'art  et  admirablement,  réussi.  Il  a  produit  beau- 
coup d'effet.  La  pièce  se  termine  par  le  retour  d'un  couplet  de  la  chan- 
son du  cidre,  répété  en  chœur  par  tous  les  personnages. 

Les  applaudissements  prodigués  aux  artistes  dans  tout  le  cours  de 
l'ouvrage  ont  été  mérités.  Ils  ont  mis  beaucoup  de  talent  et  de  soin 
dans  l'interprétation  de  l'œuvre  nouvelle  d'Offenbach.  Désiré  et  Jean- 
Paul,  dans  les  deux  Cabochon,  se  sont  montrés  p'eins  de  naturel  et  de 
verve  comique.  Le  rôle  de  Jeanne  n'était  pas  facile,  Mlle  Albrecht  s'en 
est  tirée  en  véritable  artiste  ;  on  a  bissé  tous  ses  morceaux.  M.  Pelva  était 
chargé  du  rôle  de  Savinien,  il  l'a  chanté  avec  goût.  Il  n'y  a  que  des 
éloges  à  donner  à  l'orchestre. 

Samedi  prochain,  30,  ce  sera  le  tour  de  M.  Deffès  ;  nous  aurons  la 
première  représentation  de  son  opéra,  la  Boîte  à  surprises,  dont  MM.  de 
Forges  et  Laurencin  ont  écrit  les  paroles. 

E.  M. 


BEVUE  DES  THEATRES. 


Gymnase  :  Don  Quichotte,  pièce  mêlée  de  chant  et  de  danse,  en  trois 
actes  et  huit  tableaux,  par  M.  Victorien  Sariou.  —  Vaudeville  : 
reprise  du  Roman  d'an  jeune  homme  pauvre.  —  Théâtre  impé- 
rial du  Chatelet  :  reprise  de  l'Oncle  Tom. 

Le  moment  est  enfin  venu  pour  le  Gymna.ce  de  recueillir  le  fruit 
de  ses  pe;nes.  La  temps  précieux  qu'il  a  consacré  à  la  mise  en  scène 
de  sa  nouvelle  pièce  ne  sera  pas  perdu.  Ce  n'est  pas  que  Don  Qui- 
chotte remplisse  toutes  les  conditions  désirables  pour  satisfaire  com- 
plètement le  public  ;  mais  son  grand  avantage  est  de  ne  pas  êlre 
une  reprise,  ce  qui  est  bien  quelque  chose  à  l'époque  où  nous 
sommes.  Quand  presque  tous  les  théâtres  ont  pris  la  détestable  habi- 


266 


REVLE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


tude  de  se  reposer  pendant  la  saison  chaude  et  qu'ils  se  contentent, 
par  mesure  d'économie,  d'exhiber  quelques  vieilles  friperies  drama- 
tiques, usées  jusqu'à  la  corde,  nous  ne  serions  pas  conséquent  avec 
nous-même  si  nous  marchandions  nos  encouragements  et  nos  éloges 
aux  efforts  exceptionnels  qui  ont  pour  but  de  braver  la  température 
dans  l'intérêt  de  nos  plaisirs.  L'exemple  est  devenu  assez  rare  pour 
qu'il  mérite  toute  notre  indulgence. 

Don  Quichotte  a  été  souvent  mis  à  la  scène,  et,  pourquoi  ne  le 
dirions-nous  pas?  il  n'y  a  jamais  bien  réussi.  Le  livre  de  Cervantes 
est  cependant  un  des  souvenirs  les  plus  joyeux  de  notre  première 
jeunesse.  Nous  ne  pouvons  nous  représenter,  sans  rire,  le  type  gro- 
tesque du  chevalier  de  la  Triste-Figure,  juché  sur  sa  fidèle  Rossi- 
nante, ni  la  physionomie  rustique  de  l'écuyer  Sancho-Pança,  débitant 
ses  proverbes  sur  son  âne  bien-aimé.  Parmi  les  nombreuses  aven- 
tures dont  ils  sont  les  héros,  les  plus  célèbres  sont  restées  gravées 
dans  notre  mémoire  sous  leur  aspect  essentiellement  original  et  diver- 
tissant. Elles  ne  nous  apparaissent  que  comme  des  tableaux  isolés, 
revêtus,  en  outre,  de  tout  le  prestige  des  descriptions  de  sites  cu- 
rieux et  de  mœurs  étrangères.  Mais  si,  plus  tard,  lorsque  l'âge  du 
raisonnement  et  de  l'analyse  est  arrivé,  nous  prenons  corps  à  corps 
la  création  de  Cervantes,  sans  que  notre  admiration  en  soit  entamée, 
nous  trouvons  au  fond  de  noire  cœur  un  sentiment  de  compassion 
pour  la  folie  très-caraclérisée  de  ce  pauvre  chevalier  de  la  Manche, 
et  nous  ne  rions  plus  autant  de  ses  vicissitudes.  C'est  surtout  au 
théâtre  que  le  fait  se  produit,  parce  que  l'action  y  apparaît,  dépouillée 
du  mirage  du  style,  et  réduite  à  ses  proportions  les  plus  simples  et 
les  plus  exactes. 

Peut-être  cet  inconvénient  serait-il  moins  accusé  sur  une  grande 
scène  où  l'illusion  aurait  ses  coudées  franches,  et  où  la  richesse 
et  la  variété  du  spectacle  domineraient  toute  autre  préoccupation. 
Mais  à  qui  la  faute,  si  Don  Quichotte,  en  ce  moment  de  l'année,  n'a 
d'autre  asile  ouvert  que  le  Gymnase?  Nous  l'avons  dit  en  commen- 
çant. 

Le  choix  de  ce  théâtre  pour  un  pareil  sujet  s'explique ,  du  reste, 
par  une  circonstance  toute  particulière,  c'est  celle  de  la  parfaite  assi- 
milation du  héros  de  Cervantes  avec  l'artiste  qui  est  chargé  de  le 
représenter.  Lesueur  semble  avoir  été  créé  tout  exprès  pour  le  rôle 
de  Don  Quichotte  ;  il  est  seulement  à  regretter  qu'il  ne  l'ait  pas  joué 
au  théâtre  du  Châtelet. 

Quanta  la  pièce  de  M.  Sardou,  elle  est  ce  qu'elle  devait  être,  au 
Gymnase,  le  point  da  départ  étant  donné.  Les  aventures  populaires  du 
roman  ne  pouvant  figurer  qu'au  second  plan  sur  une  scène  habituée 
au  drame  et  à  la  comédie  de  bon  ton,  il  était  tout  naturel  de  cher- 
cher dans  Cervantes  un  épisode  qui  se  pliât  aux  exigences  de  la  lo- 
calité, et  c'est  ce  que  M.  Sardou  a  fait  en  choisissant  celui  de 
Cardenio  et  de  Lucinde,  arrangé  à  sa  guise.  Don  Fernand,  trahissant 
son  ami,  pour  lui  voler,  sinon  l'amour,  du  moins  la  main  de  celle 
qu'il  aime,  et  poursuivi,  d'un  autre  côté,  par  une  femme  à  laquelle 
il  a  engagé  sa  foi  ;  voilà,  certes,  autant  qu'il  en  faut  pour  échafauder 
une  action  dramatique  à  laquelle  sont  mêlés  Don  Quichotte,  Sancho, 
Rossinante,  Maritorne,  l'âne  et  tutti  quanti.  Joignez  à  cela  les  aven- 
tures de  la  Montagne-Noire,  de  l'auberge,  des  galériens,  du  moulin 
à  vent,  de  la  veillée  d'armes,  etc.,  et  vous  aurez  une  olla  podrida 
suffisamment  confectionnée  pour  les  plus  robustes  appétits,  nous  ne 
disons  pas  pour  les  plus  délicats,  et  c'est  en  cela  justement  que  le 
bât  blesse  un  peu  le  Gymnase. 

Constatons  néanmoins  que  le  théâtre  du  boulevard  Bonne-Nou- 
velle a  fait,  en  cette  occurrence,  des  merveilles  de  mise  en  scène 
qui  feront  pâlir  plus  d'un  de  ses  grands  confrères.  Les  décorations 
sont  toutes  charmantes  ;  les  costumes  dessinés  par  Gustave  Doré, 
l'illustrateur  d'une  édition  très-recherchée  de  Don  Quichotte,  sont 
exécutés  avec  un  soin  et  un  luxe  des  plus  remarquables.  Il  y  a  deux 
ballets,  l'un  au  premier  acte,  l'autre  au  dernier,  où  l'on  voit  douze 


danseuses  italiennes  rivaliser  de  grâce  et  de  gentillesse  ;  ces  ballets 
sont  tracés  par  M.  Rota  et  la  musique  en  a  été  faite  par  M.  Giorza. 
Enfin,  quelques  airs,  semés  dans  la  pièce,  ont  été  arrangés  avec 
goût  par  M.  Couderc. 

Ce  qui  nous  a  le  plus  surpris,  c'est  la  perfection  des  trucs  em- 
ployés pour  traduire  les  hallucinations  de  Don  Quichotte,  le  moulin 
métamorphosé  en  géant,  et,  par-dessus  tout,  la  fantasmagorie  de  la 
lune  et  des  nuages  pendant  la  veillée  d'armes.  Il  y  a  là  de  quoi  dé- 
frayer amplement  la  curiosité  de  la  foule  qui  se  presse  dans  cette 
salle  étroite  du  Gymnase,  sans  souci  de  l'atmosphère  sénégalienne 
qu'on  y  respire. 

Nous  répétons  que  Lesueur  est  le  portrait  achevé  du  chevalier  de 
la  Triste-Figure  ;  Sancho  a  également  rencontré  dans  la  personne  de 
Pradeau  un  très-digne  représentant.  La  partie  sérieuse  de  la  pièce 
est  bien  jouée  par  Paul  Deshayes,  Rerton,  Mmes  Fromentin  et  Blan- 
che Pierson.  N'oublions  pas  les  quadrupèdes  qui  représentent  d'une 
façon  idéale  la  fameuse  Rossinante  et  le  non  moins  fameux  compa- 
gnon de  Sancho-Pança. 

—  En  dehors  de  Don  Quichotte,  qu'y  a-t-il  sur  l'horizon  ? 
Des  reprises,  et  toujours  des  reprises,  il  faut  en  prendre  son 
parti.  Au  Vaudeville,  c'est  le  Roman  d'un  jeune  homme  pauvre, 
qui  est  joué  par  Febvre,  Félix  et  Mlle  Jane  Essler;  au  théâtre 
du  Châtelet,  c'est  l'éternel  Oncle  Tom,  qui  a  émigré  de  l'Ambigu, 
pour  être  interprété  par  des  artistes  de  la  Gaîté,  Paulin  Ménier,  La- 
touche,  et  autres,  en  vertu  de  la  fusion  de  trois  théâtres  dans  les 
mains  d'une  seule  et  même  compagnie. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


„*„.  Le  théâtre  Impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  ies  Huguenots. — Mo- 
rère  y  a  chanté  pour  la  seconde  fois  le  rôle  de  Raoul,  et  nous  nous  em- 
pressons de  constater  qu'il  l'a  interprété  infiniment  mieux  que  la  pre- 
mière fois.  ?i  nous  avions  dû  signaler  quelques  défaillances  de  sa  part 
au  premier  et  au  deuxième  acte,  non  seulement  elles  ont  disparu, 
mais  il  a  chanté  avec  beaucoup  de  goût  la  romance  plus  blanche  que 
la  blanche  hermine,  et  très-bien  dit  toute  la  scène  du  duel  au  second 
acte.  Au  quatrième  il  a  eu  de  fort  beaux  moments  et  c'est  très- 
légitimement  qu'après  de  chaleureux  bravos  on  l'a  rappelé  avec 
Mlle  Sax  qui  a  été  admirable  dans  le  rôle  de  Valentine.  —  Mer- 
credi on  a  représenté  Nemea  dont  le  succès  s'accroit  à  chaque  repré- 
sentation ;  Mlle.  Annette  Merante  y  a  remplacé  Mlle  Beaugrand 
dans  le  pas  de  trois  du  deuxième  acte.  C'est  une  jeune  dan- 
seuse qui  arrive  d'Italie;  elle  a  été  fort  bien  accueillie  et  ton  talent 
promet.— Vendredi  dans  la  Favorite  Morère  a  trouvé  un  rôle  tout  à  fait 
en  harmonie  avec  ses  moyens  ;  il  en  a  fort  bien  rendu  toutes  les  qua- 
lités tendres  et  passionnées  ;  on  l'a  vivement  applaudi  et  il  a  été 
rappelé  à  plusieurs  reprises.  Mlle  Wertheimber  chantait  le  rôle 
de  Léonor  et  a  partagé  son  succès.  Le  marché  des  Innocents  précédait 
l'opé.'a  de  Donizetti  ;  Mlle  Fioretti  dansait  le  rôle  de  Gloriette. 
C'est  à  Mlle  Eugénie  Fiocre  qu'écherra  le  joli  pas  de  la  haran- 
gère  tenu  précédemment  par  Mlle  Schlosser  et  ensuite  par  Mlle 
Parent. 

*  Mlle  Battu  est  de  retour  de  Londres  et  la  semaine  prochaine  elle 
va  partir  pour  Bade.  Elle  fait  partie  des  artistes  engagés  par  M .  Benazet 
pour  chanter  l'opéra  italien. 

t\  Il  est  de  nouveau  question,  à  l'Opéra,  du  grand  baliet  de  M.  de 
Saint-Georges,  Don  Juan,  qui  devait  être  mis  en  scène  par  le  chorégraphe 
Rota. 

t*t  Le  Moniteur  donnait  ces  jours  derniers  une  appréciation  des  tra- 
vaux actuels  du  nouvel  Opéra,  d'où  il  résulte  qu'ils  marchent  avec  une 
activité  et  un  ensemble  qui  en  garantissent  la  bonne  exécution.  Afin 
d'appliquer  au  nouveau  théâtre  toutes  les  améliorations  obtenues  dans 
l'art  des  décorations  et  des  machinations  scéniques,  une  commission  a 
été  nommée  par  le  ministre  pour  les  étudier  soigneusement.  Cette  com- 
mission, qui  réunit  dans  son  sein  des  savants  et  des  artistes  distingués, 
eu  même  temps  que  des  hommes  pratiques,  se  rendra  compte  de  toutes 
les  dispositions  actuellement  usitées  pour  la  production  des  différents 
effets  scéniques,  la  plantation  et  le  mouvement  des  décors,  et  indiquera 


DE  PARIS. 


247 


les  modifications  et  perfectionnements  à  y  apporter.  En  outre,  M.  Gar- 
nier,  architecte  du  théâtre,  vient  de  faire,  dans  les  carrières  du  Jura, 
d'importantes  commandes  de  pierres  et  de  marbres  de  différents  tons, 
destinés  a  la  construction  de  la  grande  façade  en  retraite  de  la  colon- 
nade. Ces  matériaux  seront  façonnés,  taillés  et  polis  sur  les  lieux  mêmes, 
pour  être  envoyés  à  Paris  tout  prêts  à  être  mis  en  place. 

t*t  La  direction  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  presse  autant 
que  possible  les  travaux  de  réparation  de  la  salle,  dont  tous  les  dessous 
sont  refaits,  et  qui  recevra  une  décoration  très-brillante,  estimée  à 
00,000  francs.  On  espère  que  du  25  au  31  août  tout  sera  terminé,  et  la 
réouverture  se  fera  par  Lara  et  l'Eclair. 

„*„.  La  distribution  des  prix  aura  lieu  au  Conservatoire,  le  jeudi  24 
août  prochain. 

»%  Nous  reverrons  cet  hiver  au  théâtre  Italien  l'excellent  bouffe 
Zucchini;  M.  Bagier  vient  de  l'engager.  —  En  outre,  l'engagement  de 
Mme  Peuco  est  également  conclu. 

*%  Un  journal  annonce  que  l'auteur  des  Pêcheurs  de  perles,  M.  Bizet, 
va  composer  pour  le  théâtre  Lyrique  la  musique  d'un  opéra,  Yvan  le 
Terrible,  dont  M.  Gounod  avait  écrit  il  y  a  quelques  années  la  partition 
pour  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  et  que  le  célèbre  compositeur  a 
retiré. 

„,%  On  annonce  l'ouverture  pour  le  15  septembre  du  nouveau  théâ- 
tre qui  s'élève  au  boulevard  Saint-Germain.  Elle  aura  lieu  par  un  opéra- 
comique  en  deux  actes,  la  Bouquetière  de  Trianon,  de  MM.  Laurencin 
et  Adenis,  musique  de  Fr.  Barbier,  et  une  comédie,  le  Libre  Échange. 
Un  autre  opéra-comique  en  deux  actes,  les  Chevaliers  du  poignard,  de 
Paulin  Deslande*  et  Ch.  Desolme.  musique  de  M.  Poise,  sera  donné 
ensuite. 

***  On  nous  écrit  de  Londres  :  «  Mercredi  a  eu  lieu  à  Covent-Garden 
le  bénéfice  annuel  de  M.  Harris,  l'habile  régisseur  du  théâtre  de  M.  Gye. 
Le  spectacle  se  composait  de  Norma,  chanté  par  Mme  Giulia  Grisi  qui, 
depuis  deux  ans,  ne  s'était  pas  fait  entendre  à  Londres  ;  Mlle  Artot, 
Adalgisa,  Naudin,  le  meilleur  Pollione  qu'on  puisse  entendre,  et  Atry, 
Oroveso.  Deux  actes  de  Fauslo,  chantés  par  Mario,  Adelina  Patti, 
Mme  Nantier-Didiée,  Graziani  et  Atry  complétaient  cette  brillante  soirée, 
qui  avait  attiré  beaucaup  de  monde.  —  Mme  Amalia  Patti,  femme  de 
M.  Strakosch  et  sœur  d' Adelina,  vient  d'arriver  d'Amérique. 

»**  Malgré  le  talent  déployé  par  Mme  Tedesco  dans  le  rôle  d'Anna 
Bolena ,  l'opéra  de  Donizetti  n'a  eu  qu'un  médiocre  succès  au  théâtre 
Rossini  à  Madrid.  Décidément  ce  théâtre  n'a  pas  de  chance  ;  plusieurs 
de  ses  artistes  y  ont  échoué,  et  il  est  temps  que  Tamberlick,  qu'on 
annonce  y  être  engagé  pour  vingt  représentations  à  2,500  francs, 
vienne  rétablir  ses  affaires. 

t*t  Les  deux  concerts  populaires  donnés  au  cirque  d'Ingouville,  au 
Havre,  par  Pasdeloup,  samedi  et  dimanche  dernier,  ont  réussi  au  point 
de  vue  artistique  comme  au  point  de  vue  financier.  Ils  avaient  attiré 
chaque  fois  une  nombreuse  assemblée.  On  a  bissé  le  finale  de  la  vingt- 
neuvième  symphonie  d'Haydn  et  applaudi  avec  enthousiasme  la  sym- 
phonie pastorale  de  Beethoven,  les  ouvertures  du  Freischiitz  et  de 
Guillaume  Tell,  et  l'Invitation  à  la  valse,  de  Webor.  Piatti  a  produit  une 
vive  sensation  enexecutant.au  premier  concert,  le  concerto  de  Molique, 
et,  au  deuxième,  sa  fantaisie  sur  la  Sonnambula. 

a%  Sivori,  Bpttesini  et  Mlle  Baretti  viennent  de  donner  à  Douai 
un  très-beau  concert  dans  lequel  les  deux  grands  artistes  italiens 
ont  lutté  de  talent  aux  applaudissements  enthousiastes  de  tous  'es  ama- 
teurs de  Douai  accourus  pour  les  entendre. 

„%  Sivori  s'est  fait  entendre  à  Chalon-sur-Saône  et  il  y  a  fait  fureur. 
Tous  ses  morceaux  ont  été  bissés.  11  était  en  compagnie  du  ténor 
Stroheker  et  de  Mlle  Belleiive  qui  ont  eu  beaucoup  de  succès. 

t%  La  Société  des  quatuors  de  Milan,  dont  nous  avons  annoncé  l'inau- 
guration, -vient  également  de  publier,  sous  le  titre  de  Giornale  délia 
Socicta  del  quartelto  di  Milano,  un  journal  musical  qui  sera  l'organe  de 
la  Société.  Il  existe  à  Florence  un  journal  semblable,  le  Boccherini. 

*%  On  lit  dans  la  Gaztle  des  étrangers  :  «  L'autre  soir,  dans  une  réu- 
nion amicale  d'artistes  et  de  gens  du  monde,  dans  le  salon  d'une  des 
jolies  villas  de  Ville-d'Avray,  nous  avons  eu  la  bonne  fortune  d'enten- 
dre chanter,  comme  les  grands  artistes  chantent  pour  eux-mêmes  et 
leurs  amis,  Mme  Charton  Demeur,  que  M.  Bagier  s'apprête  justement 
à  nous  rendre  cet  hiver,  et  cette  tragique  La  Grua  dont  les  Parisiens 
jusqu'ici  ne  connaissent  guère  que  le  renom.  Tous  ceux  qui  l'ont  vue 
dans  Norma,  spécialement,  nous  disent  que  c'est,  depuis  Grisi,  la  plus 
belle  des  Norma,  et  nous  le  croyons  sans  peine  après  ce  que  nous 
avons  vu  et  entendu  d'elle  dans  le  cadre  trop  étroit  d'un*  salon,  con- 
dition toujours  si  défavorable  aux  chanteurs  dramatiques.  La  voix,  l'éclat, 
l'ampleur,  le  charme,  la  tendresse,  l'éloquence  du  visage  et  du  geste, 
il  nous  a  semblé  que  cette  La  Grua  réunissait  tout,  et  nous  pouvons 
certifier  qu'il  ne  reste  plus  aujourd'hui  dans  son  organe  aucune  trace 


de  l'altération  passagère  que  la  maladie  y  avait  apportée,  à  la  suite  d'un 
séjour  de  deux  ans  en  Kussie.  A  Londres,  d'où  elle  arrive,  on  a  dit 
avec  raison  qu'elle  rappelait  la  Pasta  par  la  noblesse  des  attitudes  et 
le  grand  style  de  la  déclamation  lyrique.  Mlle  La  Grua  nous  quitte  mal- 
heureusement ces  jours-ci,  elle  se  rend  en  Italie  ;  elle  est  engagée  pour 
l'hiver  à  San  Carlo  de  Naples  aux  plus  magnifiques  conditions.  » 

*%  Nous  recevons  de  notre  correspondant  de  Londres  des  nouvelles 
de  l'accueil  favorable  que  vient  d'obtenir  Mlle  Peschel,  la  charmante 
pianiste,  qui  s'y  était  rendue  pour  y  passer  la  saison.  Elle  s'est  fait  en- 
tendre d'abord  à  South  Kensington  Muséum  de/ant  un  auditoire  de  trois 
mille  personnes,  et  plus  tard,  elle  a  donné  concert  à  Maïda  Uill, 
propriété  de  M.  Campanella.  Dans  ces  deux  occasions  en  présence 
d'excellents  juges,  Mlle  Peschel  a  fait  apprécier  la  précision  de  son 
jeu  et  sa  brillante  exécution,  particulièrement  dans  la  musique  clas- 
sique qui  trouve  en  elle  une  éminente  interprète.  Elle  a  obtenu  un  vé- 
ritable succès. 

»*„  Berthelier  et  Mlle  Frasey  sont  à  Vichy.  Ils  ont  joué  cette  semaine, 
dans  les  salons  de  l'établissement  thermal,  Lischen  et  Fritschen,  qui  a 
grandement  réjoui  l'assemblée.  Ils  y  ont  été  on  ne  peut  plus  amusants,  et 
de  mémoire  de  baigneur,  jamais  le  salon  ne  se  vit  à  pareille  fête.  Le  même 
soir,  Berthelier  a  dit  des  chansonnettes  et  un  duo  bouffe  avec  Mlle  Fra- 
sey. Comme  dans  l'opérette,  le  succès  des  deux  artistes  a  été  on  ne 
peut  plus  grand  et  du  meilleur  aloi. 

***  M.  Varney  abandonne  la  direction  du  théâtre  des  Bouffes-Pari- 
siens; elle  vient  d'être  confiée  par  les  commanditaires  à  M.  Mestepès. 
M.  Varney  reprend  ses  fonctions  de  chef  d'orchestre. 

***  Mlle  Balbi,  qu'on  a  entendue  dernièrement  au  théâtre  de  la  Porte- 
Saint-Martin  chant.r  le  rôle  de  Rosine,  du  Barbier,  épouse  M.  Verdier. 

**»  La  Gazette  musicale  a  mainte  fois  constaté  le  talent  de  l'éminent 
violoniste  compositeur,  M.  Herwyn.  Il  est  de  retour  à  Paris,  après  avoir 
passé  la  saison  à  Londres  où  il  a  fait  sensation.  Tous  les  journaux  an- 
glais ont  mentionné  ses  succès,  particulièrement  à  la  fête  de  bienfai- 
sance donnée  sous  la  présidence  de  S  A.  R.  la  princesse  de  Galles,  et 
dans  une  grande  quantité  de  concerts  particuliers,  où  il  a  fait  entendre 
ses  compositions. 

»**  Nous  avons  annoncé,  il  y  a  quelque  temps,  que  S.  Exe.  le  ministre 
de  la  maison  de  l'Empereur  avait  commandé  à  M.  Dantan  jeune  le  buste 
en  marbre  de  Meyerbeer,  pour  être  placé  au  Conservatoire.  Le  célèbre 
sculpteur  vient  d'en  achever  le  plâtre  et  nous  en  avons  sous  les  yeux 
le  premier  exemplaire,  qui  d'ailleurs  a  été  vu  par  un  grand  nombre  d'ar- 
tistes et  de  personnes  de  l'intimité  ou  de  la  connaissance  du  grand 
compositeur.  Or,  leur  opinion  sur  cette  oeuvre  a  été  unanime  •  c'est 
que,  quoique  réduit  à  travailler  de  souvenir,  et  seulement  aidé  par 
quelques  photographies  et  renseignements  oraux,  M.  Dantan  a  su  fixer 
et  reproduire  les  traits  de  l'illustre  défunt;  mais  qu'en  outre  de  cette 
qualité  essentielle,  on  retrouve  dans  cette  belle  figure  l'empreinte  de  la 
distinction  et  de  la  noblesse,  signes  distinctifs  du  génie.  Les  éditeurs 
Brandus  et  Dufour,  103,  rue  de  Richelieu,  au  premier  étage,  se  feront 
un  devoir  de  le  montrer  aux  personnes  qui  auraient  le  désir  de  le  voir. 

***  La  souscription  nationale  ouverte  pour  ériger  un  monument  à  la 
mémoire  de  Béranger  a  rencontré  une  sympathie  universelle,  non- 
seulement  en  France,  mais  encore  à  l'étranger.  La  commission  rappelle 
au  public  que  ses  agents  sont  porteurs  de  listes  de  souscription  impri- 
mées, revêtues  de  la  signature  de  M.  le  baron  Taylor,  président.  On 
souscrit,  en  outre,  chez  M.  Bolle-Lasalle,  agent  trésorier  de  l'œuvre 
68,  rue  de  Bondy;  chez  M.  Ferrère-Laffitte,  banquier,  rue  Laffitte,  4^ 
membre  de  la  commission;  et  dans  tous  les  bureaux  de  journaux'  de' 
Paris  et  de  la  province. 

***  Dimanche  prochain,  7  août,  la  Société  chorale  du  Conservatoire 
impérial  de  musique  exécutera,  à  10  heures  très-précises,  dans  l'église 
Saint-Eustache,  une  messe  solennelle  de  M.  Laurent  de  R:ilé.  M.DfIu- 
rand,  maître  de  chapelle,  dirigera  l'exécution.  M.  Pêrié  chantera  les 
solos.  M.  Edouard  Batiste,  professeur  au  Conservatoire,  directeur  de  la 
Société,  tiendra  le  grand  orgue. 

***  Rossini  vient  d'adresser  une  lettre  de  remercîment  très-flatteuse 
à  M.  Karbowsky,  membre  de  l'académie  de  Rome,  pour  un  septuor  que 
ce  compositeur  lui  avait  offert  et  dont  l'illustre  maestro  a  bien  voulu 
accepter  la  dédicace. 

»%  La  Société  royale  d'harmonie  d'Anvers  prépare  ses  fêtes  jubilaires. 
Celte  grande  solennité  musicale  aura  lieu  le  24  août.  On  y  entendra  le 
Te  Deum  de  M.  Benoît,  et  une  partie  de  VElie,  de  Mendelssohn.  Mais  le 
grand  attrait  de  la  fête  seront  la  présence  et  le  concours  de  Vieux- 
temps,  de  Stockhausen  et  de  Mlle  Sax. 

***  L'académie  des  beaux  arts  s'était  pourvue  auprès  du  conseil 
d'Etat  contre  le  décret  impérial  du  13  novembre  1863  qui  a  transféré 
de  cette  académie  à  un  jury  spécial  le  jugement  des  concours  annuels 
pour  les  grands  prix  décernés  aux  artistes  qui  sont  envoyés  à  Rome  aux 


248 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


frais  de  l'Etat.  Sur  le  rapport  de  la  section  du  contentieux  du  conseil 
d'Etat,  la  requête  de  l'Académie  a  été  rejetée. 

,%  Alex.  Batta,  appelé  en  Allemagne  pour  une  série  de  concerts,  se 
rend  d'abord  à  Wiesbaden  et  à  Ems,  où  auront  lieu,  comme  les  années 
précédentes,  les  plus  splendides  fêtes  musicales.  On  cite,  parmi  les  au- 
tres artistes  éminents  qui  doivent  se  faire  entendre  à  ces  solennités, 
MM.  Servais,  Vieuxtemps,  Alard,  Vivier,  Godefroid  et  Mme  Escudier 
Kastner.  M.  Alex.  Batta,  à  son  retour  d'Allemagne,  est  engagé  à  prendre 
part  au  grand  festival  organisé  à  Arras,  pour  le  30  août,  par  la  Société 
philharmonique. 

4%  Nous  lisons  dans  le  Petit  Journal  :  «  Bade  jouera  le  2  et  le  5  août 
le  Rou  t,  poëme  de  Michel  Carré,  musique  de  Mme  la  vicomtesse 
de  Crandval.  Si  le  poëme  est  intéressant,  la  musique  est  réussie;  elle 
classe  plus  avant  Mme  de  Grandval  parmi  les  compositeurs  distingués, 
et  depuis  les  FiarcH  de  Basa,  Mme  Grandval  a  fait  de  si  beaux  progrès 
qu'elle  a  le  droit,  le  devoir  même,  de  signer  au  grand  jour.  Les  beaux- 
arts,  quand  on  y  réussit  à  ce  point,  sont  aussi  une  noblesse. 

»**  Pierre  Petit  s'est  rendu  acquéreur  des  clichés  de  deux  magni- 
fiques photographies  pour  lesquelles  Meyerbeer  avait  posé  en  1858  et 
qui  n'avaient  pas  été  mises  dans  le  commerce.  Ce  sont  les  plus  res- 
semblantes qui  existent  de  l'illustre  compositeur  et  elles  le  sont  com- 
plètement. Nous  serons  incessamment  à  même  d'en  reparler  et  d'annon- 
cer la  mise  en  vente  des  épreuves  que  prépare  en  ce  moment  l'habile 
photographe. 

„,*„  Une  circulaire  de  l'office  du  Cercle  artistique  musical  Bon  amici 
à  Naples  fait  savoir  à  tous  ceux  que  cela  intéresse,  que  pour  faciliter  la 
formation  du  Congrès  musical  italien,  qui  aura  lieu  le  15  septembre,  il 
a  prolongé  jusqu'au  15  août  le  terme  fixé  pour  la  remise  à  l'office  des 
documents  exigés. 

.%  Voici  la  liste  des  artistes  engagés  au  théâtre  San-Carlo  pour  la 
saison  prochaine  :  Mmes  Emrny  Lagrua,  de  Kuda,  Sarolta,  soprani;  Sir- 
chia,  de  Capello  Tasca,  ténors  ;  Gùicciardi,  Ferry  et  de  Bassini,  bary- 
tons. Mme  Caracciolo,  contralto  ;  Mmes  Borsi,  Deleurie,  Boschetti,  etc. 

,%  Mme  Arabella  Godd.ird,  la  célèbre  pianiste  anglaise,  "se  propose 
de  visiter  cet  hiver  la  Belgique  et  la  Hollande.  L'immense  réputation  de 
cette  grande  artiste  lui  réserve  un  brillant  accueil  dans  les  Pays-Bas. 

„%  Les  concours  du  Conservatoire  de  musique  de  Bruxelles  ont  com- 
mencé mercredi. 

,,%  Les  théâtres  royaux  de  Milan  viennent  d'être  concédés  pour 
deux  ans  aux  entrepreneurs  Brunello  et  Zamperoni.  Mme  Talvo-Bedo- 
gni  vient  d'être  engagée  à  la  Canobbiana  pour  la  prochaine  saison.  Elle 
débutera  dans  VErcolano,  de  Félicien  David.  On  représentera  en  outre 
Ylsabella  d'Aragona,  de  Pedrotti,  et  le  Werther,  du  maestro  Gentili. 

,,%  La  saison  à  Wiesbaden  est  cette  année  des  plus  brillantes.  Les 
baigneurs  y  abondent,  et  l'administration  du  Kursaal,  encouragée  par  la 
vogue  qui  lui  est  acquise,  ne  néglige  rien,  n'épargne  rien  pour  la  jus- 
tifier. Les  jouissances  musicales  ont  été  surtout  l'objet  de  tous  ses  soins. 
Depuis  l'ouverture  de  la  saison,  il  s'est  donné  des  concerts  dans  les- 
quels les  artistes  les  plus  renommés  d'Allemagne,  de  France  et  d'An- 
gleterre, se  sont  fait  entendre,  et  la  série  de  ces  concerts  se  prolongera 
jusqu'à  l'automne.  La  fête  célébrée  le  24  en  l'honneur  du  duc  de  Nas- 
sau, et  qui  a  duré  trois  jours,  a  été  magnifique,  et  s'est  terminée  par  un 
festival  musical  dans  lequel  M.  David,  excellent  violoniste  et  professeur 
au  Conservatoire  de  Dresde,  Alf.  Jaell,  Godefroid,  Mmes  Lemmens-Sher- 
rington  et  Wicart,  du  théâtre  de  Bruxelles,  ont  fait  assaut  de  talent 
En  ce  moment  encore  les  sœurs  Marchisio,  M.  Zucchi  et  plusieurs  au- 
tres artistes  italiens  y  donnent  un  très-beau  concert.  Alexandre  Batta 
et  Vieuxtemps  vont  de  leur  côté  y  arriver,  et  enfin  le  19  août,  jour 
anniversaire  de  l'avènement  du  grand-duc  au  trône,  une  fête  qui  effa- 
cer.i  toutes  les  autres,  offrira  a  la  fois  une  représentation  de  gala  au 
théâtre,  et  une  solennité  musicale  dans  laquelle  se  feront  entendra 
Mme  Lucca,  la  célèbre  cantatrice  du  théâtre  de  Berlin,  Mme  Escudier- 
Kastner,  et  M.  Sclinorr,  un  des  meilleurs  ténors  actuels  de  l'Allema- 
gne. On  voit  que  les  distractions  les  plus  élégantes,  les  plus  distinguées 
et  les  plus  intelligentes  sont  offertes  dans  ce  séjour  privilégié  aux  tou- 
riste* et  aux  baigneurs;  et  l'on  ne  s'étonnera  pas  que  plus  de  quinze 
mille  personnes  en  aient  fait  leur  lieu  de  rendez-vous. 

4%  L'éminent  pianiste  Ferdinand  de  Croze,  est  attendu  à  Paris.  Il 
compte  faire  entendre  dans  une  séance  consacrée  à  la  presse  et  aux 
artistes  les  nouvelles  compositions  qui  formeront  son  sixième  album  de 
concert. 

„%  Alfred  Jaell  continue  ses  brillantes  pérégrinations  en  Allemagne.  11 
vient  de  donner  à  Mayonce  un  grand  et  fructueux  concert  au  bénéfice 
du  violonccl  iste  Kellerman,  frappé  de  paralysie  pendant  l'excursion 
qu'  I  faisait  l'hiver  dernier  avec  Ullmann  et  Carlotta  Patti.  Jacquard, 
Uubinstein,  David  lui  avaient  prêté  leur  généreux  concours  pour  cette 
boune  œuvre. 


„,%  La  direction  du  grand  festival  qui  se  prépare  à  Mulhouse  et  qui 
aura  lieu  du  22  au  25  août,  est  confiée  à  M.  Hans  de  Bulow.  Il  y  aura 
quatre  grands  concerts  :  deux  à  grand  orchestre  au  théâtre  et  deux  de 
musique  de  chambre.  Au  nombre  des  morceaux  qui  seront  exécutés, 
on  cite  un  psaume  et  un  poëme  symphonique,  de  Listz,  des  fragments 
des  Niebelungen,  exécutés  sous  la  direction  de  Wagner  lui-même,  etc. 

***  Mardi,  26  de  ce  mois,  a  eu  lieu  au  Casino  de  Vichy  un  concert 
dans  lequel  l'éminent  pianiste  compositeur  Henri  Kowalski  et  M.  Carré 
de  Hauteville,  violoniste,  ont  eu  l'honneur  de  jouer  devant  LL.  MM.  l'Em- 
pereur des  Français  et  le  roi  des  Belges  qui  ont  daigné  les  complimen- 
ter sur  leur  talent. 

***  On  vient  de  poser  la  première  pierre  d'un  monument  qui  sera 
érigé  à  Manheim  sur  la  place  de  Schiller,  en  l'honneur  dlffland.  11 
portera  l'inscription  suivante  :  A  Iffland,  comédien  et  auteur  dramatique, 
représentant  de  tout  ce  que  le  théâtre  de  Manheim  a  •produit  de  grand. 
Erigé  par  le  roi  de  Bavière,  Ludovic  IeT,  en  1864. 

„%  L'éditeur  Prilipp  vient  de  mettre  en  vente  un  charmant  quadrille, 
intitulé  un  Homme  de  rien,  de  la  composition  de  Frédéric  Febvre,  l'é- 
minent artiste  du  Vaudeville.  Ce  quadrille  est  fréquemment  exécuté  aux 
concerts  des  Champs-Elysées  et  au  Casino  de  Vichy,  où  il  obtient  en 
ce  moment  un  véritable  succès. 

4**  Une  Esquisse  historique  de  la  musique  arabe  aux  temps  anciens,  avec 
dessins  d'instruments  et  quarante  mélodies  notées  et  harmonisées  par 
Alexandre  Christianowitsch,  a  été  publiée  par  la  librairie  du  Mont- 
Schauberg  à  Cologne.  Plusieurs  journaux  allemands  disent  beaucoup  de 
bien  de  cette  intéressante  brochure,  qui  nous  paraît  mériter  l'attention 
des  musiciens. 

***  Le  concert  des  Champs-Elysées  a  exécuté  la  semaine  dernière  la 
charmante  polka  de  Lischen  et  Fritzchen  ;  elle  a  fait  un  grand  plaisir. 
—  Le  roi  des  Belges  y  a  passé  la  soirée  la  veille  de  son  départ  pour 
Vichy.  Sa  Majesté  était  accompagnée  de  deux  de  ses  aides  de  camp,  et 
elle  ne  s'est  retirée  qu'à  la  fin  du  concert. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  au  Pré  Catelan,  grande  fête  extraordinaire 
au  bénéfice  de  M.  J.  Danbé,  violon  solo.  —  Orchestre  de  symphonie 
sous  la  direction  de  M.  Forestier;  —  musiques  militaires  du  72e  de  ligne 
et  du  2e  de  chasseurs.  —  Partie  vocale,  chantée  par  les  frères  Guidon, 
Magnien,  Pauly,  Mmes  Amélia  D.,  Pasinelli,  E.  Grally  et  Kid.  —  Partie 
instrumentale,  par  Mlle  Champon,  l'organiste;  Legendre,  piston  solo; 
Nabich,  trombone;  Taffanel,  flûtiste,  Vannier,  pianiste,  et  le  bénéficiaire 
Danbé.  —  Représentation  de  deux  opérettes  :  Chez  un  garçon,  de  Lamy 
et  Pourny,  et  Lischen  et  Fritzchen,  d'Offenbach. 

»%  Mercredi  dernier,  un  service  du  bout  de  l'an,  pour  le  repos  de 
l'âme  de  Mlle  Emma  Livry,  a  été  célébré  à  l'église  de  Notre-Dame  de 
Lorette. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


„%  Aix-la-Chapelle.  —  Mme  Ubrich,  artiste  du  théâtre  de  la  Cour,  à 
Hanovre,  obtient  de  grands  succès  ici.  Elle  s'est  fait  entendre  dans  le 
Barbier,  la  Part  du  Diable,  Dinorah,  Mariha  et  Robert.  Les  journaux  de 
la  localité  la  proclament  une  des  premières  cantatrices  de  nos  jours. 

„*.,,  tienne.  —  La  reprise  des  Aroces  de  Figaro  a  obtenu  un  très-grand 
succès  à  l'Opéra  de  la  cour.  Mlle  Bauer  y  a  débuté  dans  le  rôle  de  la 
comtesse,  qu'elle  a  joué  et  chanté  d'une  façon  très-remarquable.  — 
Au  Carl-Theater,  le  directeur-acteur  Treumann,  revenu  de  son  voyage 
à  l'étranger,  a  fait  une  rentrée  triomphale  dans  le  Violoneux.  —  Le 
ténor  Ferenczy  a  continué  ses  débuts  dans  les  rôles  de  Sévère  et 
d'Eléazar  avec  un  succès  éclatant.  11  est  question  de  l'engager  définiti- 
vement pour  remplacer  le  ténor  Ander,  qu'une  maladie  très-grave  va 
probablement  éloigner  pour  toujours  du  théâtre. 

%%  Berlin.  —  Le  succès  que  l'opéra  nouveau,  VAbbè  de  Saint-Galles, 
a  obtenu  à  sa  première  représentation,  ne  fait  qu'augmenter.  L'auteur 
de  cet  ouvrage,  annoncé  sous  le  pseudonyme  de  F.  Herther,  est  le  doc- 
teur Gunther,  un  médecin  habitant  la  ville  de  Leipzig. 


IllIIC  ^ans  une  *^es  PnnciPa'es  villes  du  Bas-Rhin,  tout  près  de 

AVl^.     Strasbourg,   sur   la  ligne   du    chemin  de  fer,  on  donnerait 
1,500  francs  d'appointement  à  un  bon  premier  violon,  capable  de  diriger 
une  petite   société  philharmonique.  Il  pourrait,  par  des  leçons  dans  la 
localité,  gagner  encore  1,500  francs. 
S'adressera  M.  Ch.  Roth,  18,  place  Kléber,  à  Strasbourg. 


AHIS. —  i'iprimehie  CCNT1M 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES    ITALIENS,  1. 


31e  Année 


ON    S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires, 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


N°  32. 


REVUE 


7  Août  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Poris. 21  r.parai 

Départements,  Belgique  cl  Suisse...    30»       id. 

Étranger 34  «       id. 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation  :  séance 
solennelle,  par  Paul  Smith.  —  Devienne  (2°  article),  par  Arthur  Pon- 
gin.  —  Revue  critique.  —  Nouvelles  et  annonces. 


CONSERVATOIRE  IMPÉRIAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Séante  solennelle. 

La  distribution  des  prix  du  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de 
déclamation  a  eu  lieu  jeudi  1  août,  à  1  heure. 

Le  maréchal  Vaillant,  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  et  des 
beaux-arts,  accompagné  de  M.  le  comte  Baciocchi,  premier  chambellan 
de  l'Empereur,  surintendant  général  des  théâtres  ;  de  M.  Alphonse  Gau- 
tier, conseiller  d'Etat,  secrétaire  général  du  ministère;  de  M.  Camille 
Doucet,  directeur  de  l'administration  des  théâtres;  du  lieutenant-colonel 
Monrival,  aide  de  camp  du  maréchal,  et  de  M.  Delacharme,  chef  du 
cabinet  de  Son  Excellence,  a  été  conduit  par  M.  Auber,  membre  de 
l'Institut,  directeur  du  Conservatoire,  dans  la  partie  de  la  grande  salle 
qui,  comme  d'ordinaire,  avait  été  préparée  pour  cette  cérémonie. 

On  remarquait  en  outre,  aux  côtés  du  ministre,  M.  le  général  Melli- 
net,  commandant  des  gardes  nationales  de  la  Seine;  MM.  Ambroise 
Thomas  et  Clapisson,  membres  de  l'Institut  ;  M.  Edouard  Monnais,  com- 
missaire impérial;  M.  Lassabathie,  administrateur  du  Conservatoire; 
MM.  Emile  Perrin.  Edouard  Thierry,  de  Leuven  et  de  La  liounat,  direc- 
teurs des  théâtres  impériaux  ;  1er.  membres  des  comités  de  déclamation 
et  des  études  musicales,  et  presque  tous  les  professeurs  du  Conserva- 
toire, notamment  MM.  Samson  et  Massart,  qui  devaient  bientôt,  l'un  et 
l'autre,  recevoir  de  la  main  même  du  ministre  la  récompense  de  leurs 
longs  et  honorables  services. 

La  séance  ayant  été  déclarée  ouverte,  le  ministre  a  prononcé  le  dis- 
cours suivant  : 

Jeunes  élèves, 

Plus  l'art  est  libre,  plus  il  importe  qu'au  seuil  de  la  carrière,  au 
début  de  la  vie,  l'esprit  s'éclaire  et  l'intelligence  se  fortifie  par  les 
leçons  du  talent  et  par  les  conseils  de  l'expérience. 

Depuis  le  jour  où,  pour  la  première  fois,  j'entrai,  il  y  a  un  an, 
dans  cette  enceinte,  appelé  de  la  veille  à  l'honneur  de  diriger  l'ad- 
ministration des  beaux-arts,  une  grande  et  importante  réforme,  due  à 
la  volonté  libérale  et  à  l'initiative  généreuse  de  l'Empereur,  est  ve- 
nue, en  affranchissant  l'industrie  théâtrale  des  anciennes  entraves 
dont  elle  se  plaignait,  ouvrir  aux  artistes  un  champ  plus  vaste,  et 
imprimer  aux  arts  un  nouvel  essor. 


En  supprimant  les  privilèges  et  les  monopoles,  en  donnant  à  tous 
les  théâtres  le  droit,  exclusivement  réservé  naguère  à  la  Comédie 
française  et  à  l'Odéon,  de  représenter  librement  les  chefs-d'œuvre 
de  l'ancien  répertoire,  la  législation  nouvelle  a  voulu  encore  élever 
en  France  le  niveau  artistique  et  littéraire. 

Pour  ces  ouvrages  incomparables,  il  faudra  de  dignes  interprèles, 
et  c'est  alors  que  la  supériorité  des  études  sérieuses  se  fera  mieux 
sentir;  c'est  alors  que  ceux  qui,  comme  vous,  au  lieu  de  se  livrer 
au  capricieux  hasard  des  inspirations  personnelles,  viennent  puiser  à 
la  bonne  source  et  s'instruire  à  la  bonne  école,  se  réjouiront  d'avoir 
édifié  leurs  talents  sur  des  bases  solides,  et  d'avoir  recueilli  le  secret 
de  bien  dire  de  la  bouche  même  de  ceux  qui  le  possédaient. 

La  lice  est  ouverte  pour  tous,  pour  ceux  du  dehors  comm.3  pour 
ceux  du  dedans,  sans  que  personne  ait  à  répondre  de  son  origine  ; 
mais  dans  estte  mêlée,  dont  le  public  sera  le  témoin  et  le  juge,  les 
enfants  du  Conservatoire  auront  à  cœur,  je  n'en  doute  pas,  de  sou- 
tenir partout  et  toujours  l'honneur  de  leur  drapeau. 

Par  suite  de  la  réorganisation  générale  des  écoles  artistiques  de 
l'Etat,  c'est  ici  qu'ont  eu  lieu  cetle  année,  et  qu'auront  lieu  doréna- 
vant les  concours  de  composition  musicale  pour  le  grand  prix  de 
Rome. 

Comme  d'habitude,  le  nom  du  lauréat  va  être  proclamé  devant 
vous  avant  tous  les  autres  ;  mais  c'est  ailleurs  qu'avec  ses  camara- 
des vainqueurs  dans  les  divers  concours  de  l'Ecole  des  beaux-arts, 
il  recevra  le  prix  qui  l'attend  ;  c'est  ailleurs  qu'il  entendra  exécuter 
l'œuvre  gracieuse  et  brillante  qui  vient  d'être  classée  en  première 
ligne  par  un  jury  spécial,  que  le  sort  renouvelle  chaque  année. 

Jusqu'à  ce  jour,  jeunes  élèves,  combien  d'entré  vos  aînés  qui, 
partis  trop  tard  pour  aller  compléter  à  Rome  des  études  heureusement 
commencées  à  Paris,  ont  eu  à  regretter  d'être  demeurés  trop  long- 
temps loin  de  la  mère  patrie,  et  de  n'y  être  revenus  que  dans  un 
âge  trop  avancé,  oubliés  du  public,  étrangers  chez  eux,  et  quand 
partout  la  place  était  déjà  prise  ! 

C'est  dans  le  but  de  protéger  vos  carrières,  en  les  mettant  à  l'abri 
de  ce  danger,  que  l'âge  réglementaire  pour  l'admission  aux  concours 
a  été  fixé  à  vingt-cinq  ans,  à  partir  de  l'année  1867.  et  que,  tout 
en  améliorant  pour  les  lauréats  le  chiffre  de  leur  pension ,  la  durée 
de  leur  absence  a  été  notablement  réduite. 


250 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


En  effet,  jeunes  élèves,  il  ne  suffit  pas  de  bien  faire,  il  faut  encore 
bien  faire  à  propos,  partir  à  l'heure  propice  et  revenir  au  moment 
favorable. 

Tandis  que  l'importance  du  Conservatoire  s'augmentait  ainsi  par 
une  attribut'on  administrative  nouvelle,  le  gouvernement  s'efforçait 
d'en  accroître  le  lustre  par  des  encouragements  d'un  autre  ordre. 

Hier,  une  collection  précieuse,  due  aux  longues  et  intelligentes 
recherches  d'un  de  vos  maîtres,  commençait  et  achevait  presque  en 
même  temps  la  création  d'un  musée  instrumental  qui,  désormais,  aura 
le  double  attrait  de  la  science  et  de  l'art  pour  les  visiteurs  étrangers. 

Aujourd'hui,  un  trésor  plus  précieux  encore  est  livré  à  la  curio- 
sité publique  et  s'ouvre  à  vos  travaux  quotidiens  :  reléguée  jadis 
dans  un  lieu  peu  digne  d'elle,  et  peu  abordable  pour  vous,  la  biblio- 
thèque du  Conservatoire  sort  pour  ainsi  dire  de  ses  ténèbres ,  éta- 
lant avec  orgueil  au  grand  jour  le  luxe  de  ses  rares  manuscrits  et 
de  ses  parties  uniques. 

Objets  constants  de  notre  sollicitude,  aidez-vous  !  jeunes  élèves, 
comme  nous  nous  efforçons  de  vous  aider  nous-mêmes  -,  travaillez 
sans  relâche,  sans  découragement,  et  ne  vous  reposez  qu'après  la  fa- 
tigue, pour  recommencer  ensuite  avec  plus  d'ardeur. 

Quels  modèles  n'avez-vous  pas  sous  vos  yeux!  votre  illustre  direc- 
teur!... général  et  soldat  dans  l'armée  des  arts,  commandant  d'une 
main,  combattant  de  l'autre,  et  qui  chaque  année,  celle-ci  encore, 
par  de  nouveaux  succès,  continue  à  donner  à  tous  le  conseil  et 
l'exemple  ;  vos  habiles  professeurs  dévoués  et  infatigables  ;  vos  an- 
ciens camarades  devenus  des  artistes  et  qui  vous  montrent  le  che- 
min, ceux  qui  commencent  et  ceux  qui  finissent;  ceux  qui  naissent 
à  la  gloire  et  ceux  qui  succombent  couverts  de  lauriers  ! 

le  regrette  d'attrister  un  moment  cette  fête  ;  mais  quand  je  vous 
parle  de  gloire,  comment  oublier  le  glorieux  maître  dont  la  vie, 
comme  le  talent,  doit  être  pour  tous  le  plus  beau  et  le  plus  grand 
modèle  !  Honoré  dans  son  pays,  possesseur  d'une  immense  fortune, 
Meyerbeer  mettait  le  travail  au-dessus  de  tous  ces  dons  ;  ne  les  sa- 
crifiant pas,  mais  se  sacrifiant  lui-même,  il  a  vécu  pour  travailler, 
et  il  est  mort  en  travaillant  sur  le  champ  d'honneur  des  artistes. 

Membre  libre  du  comité  des  études  musicales  du  Conservatoire,  il 
était  des  nôtres  ici,  comme  ailleurs,  comme  partout;  aussi  aimai-je 
à  lui  appliquer  ce  vers  du  vieil  Horace  et  du  vieux  Corneille  : 

Dans  les  murs,  hors  des  murs,  tout  parle  de  sa  gloire. 

La  gloire  n'est  pas  ingrate,  mes  amis;  elle  se  donne  à  qu  la  mé- 
rite. Méritez-la  donc  par  le  travail;  c'est  le  plus  sûr  moyen  de  l'ob- 
tenir, et  la  récompense  manque  rarement  à  qui  en  est  digne. 

Depuis  un  an  je  n'ai  cessé  de  suivre  vos  études  avec  un  intérêt 
toujours  croissant;  rien  de  ce  qui  touchait  à  vos  travaux  ne  m'a 
laissé  indifférent;  hier  encore,  j'assistais  avec  plaisir  à  vos 
dernières  luttes,  et,  témoin  des  efforts  de  tous,  je  suis  heureux  de 
venir  en  ce  moment  couronner  les  élèves  et  remercier  les  maîtres. 

Si  le  choix  est  délicat  et  difficile  entre  tous  ceux  qui  font  bien, 
du  moins  l'honneur  qui  s'adresse  aux  uns  doit-il  être  déjà  pour  les 
autres  un  encouragement  précieux  et  une  douce  espérance. 

Deux  de  vos  professeurs  que  de  longs  et  utiles  services  signalaient 
particulièrement  à  une  auguste  bienveillance  viennent  d'obtenir  la 
première,  la  plus  enviée  des  récompenses. 

L'Empereur,  en  ce  moment  éloigné  de  Paris,  mais  dont  la  pater- 
nelle sollicitude  n'est  jamais  absente,  accorde  la  croix  de  la  Légion 
d'honneur  à  M.  Massart,  professeur  de  violon  depuis  plus  de  vingt 
ans,  ainsi  qu'à  l'un  c'es  doyens  de  cette  maison,  je  pourrais  dire 
l'une  de  ses  gloires,  à  votre  excellent  maître  M.  Samson. 


Ce  discours  a  été  interrompu  à  plusieurs  reprises  par  les  applaudis- 
sements d'une  jeunesse  ardente  et  sympathique;  des  acclamations  una- 
nimes ont  éclaté  au  moment  où  le  maréchal  a  annoncé  que  l'Empereur 
daignait  accorder  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  à  M.  Samson  et  à 
M.  Massart. 

La  séance  s'est  terminée  par  un  exercice  dramatique  et  lyrique  exé- 
cuté par  les  principaux  lauréats  et  composé  d'une  ballade  pour  le  vio- 
lon, par  M.  Chomanowski,  d'un  air  de  Lucie  de  Lammermoor  chanté  par 
Mlle  Daram,  de  la  marche  et  du  finale  du  Croisé  (Concert-Stuck)  de 
Weber,  exécutés  sur  le  piano  par  Mlle  Paule  Gayrard  ;  d'un  fragment 
(Vllamlet  joué  par  MM.  Etienne,  de  Rhéville  et  Charpentier,  et  d'un 
fragment  des  A7oces  de  Jeannette  par  M.  Troy  et  Mlle  Mauduit. 

La  cérémonie  a  fini  à  4  heures.  (Moniteur  universel). 


Comment  ne  pas  exprimer  ici  nos  vives  sympathies  pour  toutes  les 
paroles  prononcées  par  le  ministre,  pour  le  bel  hommage  rendu  à 
l'homme  de  génie  mort,  pour  la  récompense  si  légitime  accordée  à 
deux  artistes  vivants?  Cette  fois,  nul  ne  se  plaindra  que  la  récom- 
pense arrive  trop  vite.  MM.  Samson  et  Massart  l'ont  attendue  :  ils 
l'ont  méritée  plusieurs  fois  avant  de  l'obtenir.  A  ce  propos,  nous 
pouvons  citer  des  particularités  historiques  qui  ne  sont  pas  dénuées 
d'intérêt.  Ouvrez  YAlmanach  national  de  1849,  et  vous  y  verrez  que 
M.  Samson  y  est  décoré  de  la  croix  d'honneur.  C'est  qu'alors  il 
avait  été  résolu  qu'on  la  lui  donnerait,  et  l'on  s'en  croyait  tellement 
sûr,  qu'on  l'avait  imprimé  d'avance.  Alors  la  question  de  la  croix 
aux  artistes  dramatiques  avait  été  décidée  en  principe,  et  si  l'on  re- 
vint sur  cette  décision,  à  qui  la  faute?  Aux  artistes,  qui  voulaient  bien 
de  la  croix,  mais  qui  ne  pouvaient  s'entendre  sur  leur  candidat.  Dans 
le  tumulte  et  le  doute,  on  s'abstint  :  au  bout  de  quinze  ans,  M.  Sam- 
son obtient  réparation  du  tort  que  lui  avaient  fait  ses  camarades  ; 
mais  ce  n'est  plus  comme  acteur  qu'il  est  décoré,  c'est  comme  pro- 
fesseur. Qu'importe  ?  Il  pouvait  l'être  aussi  comme  orateur,  comme 
poëte  :  on  choisira  le  titre  qu'on  voudra,  mais  la  grande  question 
reste  pendante.  M.  Massart,  lui  aussi  avait  été  si  bien  désigné  en 
1851,  que  beaucoup  de  gens  croyaient  la  chose  faite;  mais  les  évé- 
nements politiques  l'avaient  contrariée  et  emportée  si  loin  qu'elle  vient 
seulement  de  réussir.  Heureusement  le  digne  professeur  ne  s'était 
pas  relâché  de  son  zèle  :  il  n'avait  pas  cessé  de  traiter  ses  élèves 
en  père,  et  il  en  avait  été  plus  que  jamais  récompensé  par  leurs 
succès. 

L'intermède  musical  et  dramatique  exécuté  dans  la  séance  solen- 
nelle, offrait,  dans  sa  brièveté  un  peu  laconique,  le  résumé  de  ces 
concours  si  longs,  si  fatigants,  auxquels  assiste  d'habitude  un  public 
bienveillant  et  une  presse  assez  souvent  hostile.  Cette  hostilité  se 
manifeste  par  des  comptes  rendus  de  tous  les  tons  et  de  tous  les 
styles  •  dans  les  uns  on  déclare  franchement  que  tout  est  mauvais, 
pitoyable  et  que  la  décadence  continue  de  marcher;  dans  les  autres, 
on  excepte  certaines  classes,  certains  professeurs,  et  l'on  reconnaît 
les  notes  fournies  par  ceux-ci,  aux  qualités  supérieures  qu'on  leur 
attribue,  qualités  dont  personne  ne  se  doutait  et  qui  les  posent  en 
maîtres  sans  rivaux,  malgré  d'incontestables  rivalités. 

Tout  cela  ne  nous  émeut  guère  :  nous  avons  entendu  tant  de  fois 
répéter  les  mêmes  choses  qui  ne  deviennent  ni  plus  justes  ni  plus 
raisonnables  en  devenant  de  plus  en  plus  banales.  Cependant,  nous 
ne  pouvons  nous  défendre  d'un  sentiment  pénible,  quand  nous  voyons 
des  gens  d'esprit,  et  de  beaucoup  d'esprit,  reprendre  périodiquement 
de  vieux  paradoxes  tombés  à  l'état  de  rengaines,  comme,  par  exem- 
ple, la  supériorité  des  études  instrumentales  sur  les  éludes  vocales 
au  Conservatoire!  Ces  études  instrumentales  y  ont  toujours  été  excel- 
lentes, et  elles  le  seront  toujours,  tandis  que  les  études  vocales  n'ont 
jamais  répondu  au  zèle,  au  savoir  des  professeurs,  à  part  de  bril- 
lantes exceptions!  Nous  en  demandons  mille  fois  pardon  au  cher 
confrère  dont  nous  citons  les  paroles.  Les  études  vocales  ont  large- 
ment contribué  à  la  gloire  d'une  école  qui  a  compté  longtemps  Garât 
parmi   ses  professeurs;  qui,  jadis,    a    formé   Ponchard,    Levasseur, 


DE  PARIS. 


251 


Mme  Branchu,  et  qui  dans  ces  derniers  temps  a  fourni  tant  de  jeu- 
nes chanteurs  et  cantatrices  dont  notre  confrère  cite  les  noms  lui- 
même. 

Ah  !  si  l'on  disait  que  les  études  vocales  obéissent  à  d'autres  lois 
que  les  études  instrumentales  1  Oui,  cela  est  trop  vrai  :  le  chanteur 
ne  saurait  travailler  dix  ou  douze  heures  par  jour,  comme  l'instru- 
mentiste. En  général,  il  commence  à  travailler  beaucoup  plus  tard, 
parce  qu'il  ne  s'avise  de  sa  voix  que  quand  elle  est  venue,  à  seize 
ou  dix-huit  ans,  quelquefois  plus.  En  outre,  il  est  bien  forcé  de 
s'en  tenir  a  la  voix  que  la  nature  lui  a  donnée,  tandis  que  l'autre 
peut  changer  d'instrument.  Tout  élève  en  état  de  se  procurer  un  vio- 
lon de  2  ou  300  francs,  un  piano  de  5  ou  600,  est  certain  d'avoir  un 
instrument  sur  lequel  il  exécutera  ce  qu'il  y  a  de  plus  difficile  en 
musique.  S'il  devient  riche,  il  pourra  s'acheter  une  voix  admirable, 
en  faisant  l'empiète  d'un  chef-d'œuvre  de  Crémone;  mais  un  chan- 
teur, quelque  opulent  qu'il  soit,  doit  se  contenter  du  Mirecourt  qu'il 
tient  du  bon  Dieu,  sans  aspirer  à  s'introduire  dans  le  larynx  un  stra- 
divarius, un  guarnerius  ou  un  amati  ! 

Mais  qui  donc  a  persuadé  au  cher  confrère  que  dans  les  classes 
vocales  du  Conservatoire  on  avait  complètement  renoncé  au  solfège, 
à  la  vocalisation?  Proh  pudor !  Mais  qu'il  interroge  seulement  les 
élèves  du  pensionnat,  pour  lesquels  une  classe  spéciale  de  solfège  a 
été  instituée,  et  qui  en  ont  presque  tous  double  ration,  avec  une 
classe  et  un  professeur  supplémentaire?  Qu'il  interroge  les  jeunes 
chanteuses  que  l'on  ne  cesse  de  pousser  au  solfège,  et  dont  quel- 
ques-unes ne  dédaignent  pas  d'en  disputer  les  prix  !  La  vocalisation  ! 
11  est  vrai  qu'autrefois  il  y  avait  des  classes  consacrées  à  cet  exer- 
cice, et  qu'il  n'y  en  a  plus  aujourd'hui  ;  s'ensuit-il  que  la  vocali- 
sation ait  été  supprimée?  Notre  confrère  sait-il  par  qui  la  suppres- 
sion des  anciennes  classes  de  vocalisation  fut  réclamée?  par 
Mme  Damoreau,  parBordogni,  par  Banderali  et  peut-être  par  Ponchard 
lui-même.  Ces  professeurs  de  chant  trouvèrent  que  les  maîtres  de  vo- 
calisation empiétaient  sur  leur  domaine  et  se  servaient  de  procédés 
contraires  à  leur  méthode;  en  conséquence  ils  demandèrent  à  se 
charger  de  tout,  de  la  vocalisation  et  du  reste.  Pourquoi  supposer 
bénévolement  les  professeurs  de  chant  plus  dépourvus  de  sens,  d'ob- 
servation, plus  étrangers  aux  principes  de  leur  art  que  leurs  con- 
frères les  instrumentistes?  Convenons  que  peut-être  y  aurait-il  à  cela 
un  peu  de  leur  faute,  si,  comme  on  l'assure,  ils  étaient  toujours 
prêts  à  se  nier  absolument  les  uns  les  autres,  et  à  déclarer  que  chez 
aucun  de  leurs  confrères,  du  premier  jusqu'au  dernier,  il  n'existe 
pas  l'ombre  du  talent  ! 

Toujours  est-il  que  la  voix  humaine  appartient  à  la  catégorie  des 
instruments  les  plus  difficiles,  les  plus  capricieux.  On  ne  la  fait  pas  : 
à  peine  si  on  la  corrige.  Un  rien  la  dérange,  la  gâte  ;  une  terreur, 
une  fatigue,  en  troublent  la  pureté,  en  restreignent  l'étendue.  Pour 
bien  faire  le  métier  d'athlète,  il  fallait  s'abstenir  de  vin  et  d'autre 
chose.  Abstinuit  venere  et  vino.  Demandez  ce  que  coûtait  à  Rubini 
le  soin  de  son  précieux  organe  !  On  se  rappelle  le  mot  de  Martin, 
qui,  un  soir,  n'avait  pu  retrouver  son  la  ou  son  sol,  et  s'en  allait 
grommelant  :  —  «  Vous  l'avez  voulu,  madame  Martin,  vous  l'avez 
voulu  !  » 

Allez  donc  vous  mettre  en  colère  contre  de  pauvres  élèves 
qui  dans  un  concours  chantent  trop  tôt  le  matin,  ou  trop  tard 
dans  l'après-midi,  que  la  peur  étouffe,  que  la  chaleur  enroue,  et 
s'ils  ne  tirent  pas  de  leur  gosier  des  sons  aussi  purs,  aussi  éclatants 
que  d'autres  de  leurs  cordes  frottées  par  l'archet,  ou  de  leurs 
touches  noires  et  blanches,  dites  que  c'en  est  fait  de  l'art  en  France, 
parce  que  le  solfège  et  la  vocalisation  sont  bannis  du  Conservatoire, 
et  que  pas  un  professeur  de  chant  ne  saurait  lutter  d'intelligence, 
de  logique  avec  un  professeur  de  violon,  de  violoncelle,  de  flûte,  de 
clarinette  ou  de  trombone  à  pistons  ! 

Paul  SMITH. 


DEVIENNE. 

(2«  article)  (1). 

III. 

Devienne  tint  largement,  ainsi  que  nous  Talions  voir,  ce  qu'il  avait 
promis  dans  ses  premiers  essais.  Le  7  juillet  1792,  juste  cinq  mois 
après  l'apparition  de  Encore  des  Savoyards,  il  faisait  représenter  à 
Feydeau,  avec  un  succès  colossal,  un  ouvrage  dont,  après  soixante- 
douze  années  d'existence,  le  nom  est  resté  célèbre  et  connu  de  tous. 
Je  veux  parler  des  Visitandines,  opéra-comique  en  deux  actes,  dont 
le  poëme  fut  la  première  œuvre  saillante  et  remarquée  de  Picard. 
Voici  quel  éloge  en  faisait,  le  15  juillet,  le  Moniteur  universel  : 
«  Cette  jolie  bagatelle  est  de  M.  Picard,  qui  a  déjà  donné  des  espé- 
rances à  ce  théâtre,  et  qui  annonce  encore  mieux  dans  celui-ci  l'art 
de  dialoguer  avec  esprit.  La  musique  est  de  M.  Devienne,  et  l'on  y  a 
trouvé  avec  plaisir  des  progrès  très-sensibles  depuis  son  premier 
ouvrage  donné  au  théâtre  Italien.  Celui-ci  offre  beaucoup  plus  d'ima- 
gination et  d'originalité.  Le  chant  en  est  fort  agréable,  dramatique, 
au  ton  des  personnages,  et  les  accompagnements  très-piquants,  sans 
recherches  déplacées,  et  sans  étouffer  la  voix  des  chanteurs.  On  doit 
lui  conseiller  de  soigner  davantage  la  prosodie,  qu'il  ne  paraît  pas 
connaître  ni  respecter  assez  ;  mais  cet  ouvrage  lui  fait  infiniment 
d'honneur;  il  le  met  au  rang  des  compositeurs  dramatiques  qui  pro- 
mettent le  plus,  t 

Maintenant  que  nous  avons  l'opinion  des  contemporains  (car  tous 
se  confondaient  en  éloges  semblables),  abordons  cette  remarquable 
partition,  sur  laquelle  nous  devons  nous  appesantir  quelque  peu. 

L'ouverture,  fort  bien  faite,  doit  dessiner  un  orage.  Dans  un  an- 
dante  à  trois  temps,  peu  développé  et  commençant  d'une  façon 
calme  et  sereine,  on  sent  petit  à  petit  s'annoncer  la  tourmente  :  le 
vent  souffle  dans  les  feuilles  et  rasant  de  près  la  terre,  faiblement 
d'abord,  puis  avec  intensité  ;  bientôt  la  rafale  augmente,  et  c'est 
alors  que  survient  un  allegro  à  deux  temps,  carré  et  bien  rhythmé, 
sur  lequel  la  tempête  éclate  dans  toute  sa  furie,  avec  ses  plaintes, 
ses  cris  sourds  et  ses  gémissements.  Le  rideau  se  lève  sans  que  l'o- 
rage ait  cessé,  un  dialogue  s'établit  entre  les  sœurs,  pendant  les  in- 
termittences de  la  colère  céleste,  et  l'on  entend  ces  aimables  recluses 
s'écrier  en  chœur  : 

Divin  Seigneur,  épargnez  les  couvents 
En  punissant  le  reste  de  la  terre. 

L'air  célèbre  de  Frontin  : 

Qu'on  est  heureux  de  trouver  en  voyage 
Un  bon  souper,  mais  surtout  un  bon  lit, 

est  un  modèle  de  grâce,  de  verve  et  de  gaieté;  le  caractère  mélodi- 
que en  est  excellent,  et  il  est  instrumenté  d'une  façon  fort  élégante, 
bien  qu'avec  une  clarté  et  une  sobriété  rares. 

Aussi  joli,  aussi  clair,  aussi  simple  et  pur  de  formes,  est  le  déli- 
cieux trio  chanté  par  la  tourière,  Belfort  et  Frontin  ;  la  mélodie  est 
franche,  l'orchestration  soignée,  élégante,  nourrie  sans  être  confuse, 
et  sonore  sans  être  bruyante.  Et  puis  tout  cela  est  plein  d'entrain,  de 
verve  et  d'une  véritable  chaleur. 

Certains  biographes  de  Devienne  ont  fait  grand  bruit  d'un  pré- 
tendu plagiat  commis  par  ce  compositeur,  qui,  dans  l'air  de  Belfort, 

Enfant  chéri  des  dames. . . 
aurait  copié  note  pour  note  l'air  de  Papageno  : 

Colomba,  o  tortorella. 
A' Il  Flauto  magico  de  Mozart.   D'autres  en  ont  inféré  que  Devienne 
ne  vivait  que  d'emprunts,  n'était  qu'un  misérable  plagiaire,  prenant 
à  droite  et  à  gauche  et  pillant  sans  vergogne  tous  ses  confrères. 

(1)  Voir  le  n°  31. 


252 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Or,  il  faut  raisonner  :  c'est  l'année  même  de  sa  mort,  c'est-à-dire 
le  30  septembre  1791,  que  Mozart  fit  représentera  Vienne  11  Flauto 
magico,  et  cet  opéra  —  ou,  pour  mieux  dire,  la  parodie  de  cet 
opéra  —  ne  fut  donnée  pour  la  première  fois  à  Paris,  sous  le  litre 
des  Mystères  d'Isis,  que  le  23  août  1801.  Devienne  n'avait  donc  pas 
pu,  en  1792,  entendre  à  l'Opéra  un  ouvrage  qui  n'y  fut  représenté 
que  neuf  ans  plus  tard,  et,  retenu  à  Paris  par  d'innombrables  tra- 
vaux, non  moins  que  par  la  place  de  premier  basson  qu'il  tenait  à 
Feydeau,  on  peut  affirmer  que,  dans  un  temps  où  les  voyages  étaient 
autrement  longs,  coûteux  et  difficiles  qu'aujourd'hui,  il  n'avait  pas 
fait  celui  de  Vienne  exprès  pour  aller  applaudir  cet  ouvrage. 

Mais  ce  n'est  pas  tout,  et  je  vois  d'ici  les  gens  pointilleux  m'ob- 
jecter  qu'il  avait  pu  prendre  connaissance  de  la  partition  :  à  ceci,  je 
répondrai  que  les  éditeurs  d'alors  étaient  beaucoup  moins  expéditifs 
que  ceux  d'aujourd'hui;  qu'à  cette  époque  une  partition,  loin  d'être 
mise  en  vente  quinze  jours  après  sa  représentation ,  n'était  souvent 
livrée  au  public  qu'au  bout  de  cinq  ou  six  mois,  et  que  la  date  de 
l'apparition  des  Visitandines  semble  indiquer  assez  clairement,  si 
l'on  veut  bien  se  rendre  compte  du  temps  que  Devienne  a  pu  mettre 
à  composer  cet  ouvrage  et  de  celui  qu'il  a  fallu  pour  le  mettre  à  la 
scène  —  qu'il  n'a  pu  consulter  utilement  la  partition  de  la  Flûte 
magique.  J'ajouterai  qu'au  temps  dont  nous  parlons,  Mozart  —  qui 
était  souvent  méconnu,  même  en  Allemagne  —  était  fort  loin  d'être 
apprécié  chez  nous  à  sa  juste  valeur;  que  c'est  seulement  le  20  mars 
1793  que  le  public  français  fut  admis  pour  la  première  fois  à  le 
juger,  par  la  représentation,  au  théâtre  de  la  Nation,  des  Noces  de 
Figaro,  horriblement  mutilées;  enfin,  que  les  amateurs  les  plus 
distingués,  et  même  les  artistes,  étaient  à  peu  près  complètement 
ignorants  du  génie  du  grand  homme  et  ne  s'occupaient  nullement 
de  ses  ouvrages. 

Au  reste,  pour  réduire  à  leur  juste  valeur  les  griefs  articulés  en 
cette  circonstance  contre  Devienne,  je  transcris  ici  toute  la  première 
partie  de  l'air  de  Mozart  (la  seconde  est  un  6/8  qui  n'a  pas  l'ombre 
d'un  rapport  avec  l'air  de  Devienne),  et  les  premières  mesures  (les 
seules  qui  puissent  être  incriminées)  de  celui  :  Enfant  chéri  des 
dames. 


AIR   DE  PAPAGENO. 


Co-lom-ba     lor  -  lo  -  rel  -  -    -     la,     Yer-ria  l'uc-cel  -   la    -    tor  :    Sia 


don  -  na    o      sia   don  -  zel  -  la      Cora  -  pa  -  gna     del     suo        cor,    Com 


gna   de]        suo        cor,      Com  -  pa   -  gna        del       suo  cor. 

AIR   DE   FRONTTO. 


î§iE§5=£=Ë 


En-fant  ché  -  ri    des     da mes,    Je        fus   dans  tous   pa  -  ys     Fort 

4 


j^^^^H^^^^^^^ 


ff 


bien  a  -  vec   les      fem mes.  Mal   a  -  vec      les   ma 

Le  commencement  de  ces  deux  airs  contient,  on  le  voit,  dix  notes 
identiques;  mais,  ce  point  acquis  au  débat,  il  est  facile  de  voir  que 
là  se  borne  toute  la  ressemblance  qui  existe  entre  eux.  J'ai  démon- 
tré plus  haut  qu'il  était  au  moins  peu  probable  que  Devienne  eût  eu 
connaissance  de  la  partition  de  la  Flûte  magique;  mais  je  veux  aller 
jusqu'au  bout  et  faire  la  partie  belle  aux  détracteurs  de  ce  dernier. 
J'admets,  en  effet,  que  Devienne    a    lu,  étudié  cette    partition    d'un 


bout  à  l'autre  :  il  n'y  aurait  donc  trouvé  à  prendre  que  ces  dix 
notes,  causes  de  tant  de  reproches,  et  c'est  pour  si  peu  de  chose 
qu'il  se  serait  exposé  de  gaieté  de  coeur  à  passer  aux  yeux  dé  tous 
pour  un  plagiaire,  lui,  l'homme  aux  idées  si  fraîches,  si  spontanées, 
si  primesautières!  Pour  moi,  je  ne  consentirai  jamais  à  voir  là  autre 
chose  qu'une  coïncidence,  un  pur  effet  du  hasard,  qui  a  voulu  qu'à 
la  même  heure  deux  artistes,  l'un,  génie  supérieur,  l'autre,  talent 
modeste,  mais  très-réel,  vissent  se  produire  à  leur  imagination  le 
germe  d'une  pensée  semblable,  employé  par  chacun  deux  d'une  façon 
différente.  Car  tandis  que  Mozart,  arrêtant  à  la  fin  du  passage  que 
j'ai  reproduit  plus  haut  son  premier  mouvement  pour  prendre  un  6/8 
sans  rapport  aucun  avec  les  mesures  précédentes,  Devienne  au  con- 
traire continue  jusqu'à  la  fin  de  son  morceau  le  rhylhme  et  le  style 
annoncés  dès  le  début.  Le  premier  a  cette  phrase  écrite  andante,  ce 
qui  lui  donne  une  langueur,  une  tendresse  et  une  mélancolie  inex- 
primables, tandis  que  le  second,  attaquant  son  air  dans  le  mouve- 
ment allegretto  (rondeau)  et  le  soutenant  ainsi  jusqu'à  sa  conclusion, 
lui  fait  acquérir  dès  l'origine  une  gaieté,  un  brio  et  un  entrain  ex- 
ceptionnels. Il  faut,  à  mon  sens,  être  aveugle  ou  partial  pour  trou- 
ver dans  tout  ceci  autre  chose  que  ce  qui  y  est  réellement,  c'est-à- 
dire  une  rencontre  fortuite  de  la  pensée,  fait  beaucoup  plus  commun 
dans  les  arts  qu'on  n'est  généralement  tenté  de  le  supposer. 

Arthur  POUGIN. 
{La  suite  prochainement.) 


BEVUE  CRITIQUE. 

Saive  JÊtegina, 

Pour  deux  voix  de  soprano,  de  Giovanni  Battista  Pergolesi, 
partition  de  piano  d'après  le  manuscrit, 

PAR 
Charles  Bank. 

M.  Charles  Bank  est  avantageusement  connu  en  Allemagne  par  les 
excellentes  critiques  musicales  qu'il  publie  depuis  une  série  d'années 
dans  le  feuilleton  du  Journal  de  Dresde.  Mais  avant  de  s'occuper 
de  critique,  M.  Bank  s'est  acquis  une  renommée  bien  méritée  comme 
compositeur  d'un  grand  nombre  de  Lieder  qui  se  distinguent  par  les 
qualités  les  plus  rares. 

Élève  de  Zelter,  de  Louis  Beyer,  et  pendant  quelque  temps  aussi 
de  Schneider,  à  Dessau,  M.  Bank  a  commencé  par  consacrer  ses 
études  à  la  musique  d'église,  et  il  y  a  peu  de  musiciens  en  Europe 
qui  connaissent  mieux  la  musique  religieuse  d'Italie.  Il  n'est  donc  pas 
étonnant  qu'il  ait  pu  faire  celte  trouvaille  précieuse  de  l'admirable 
composition  de  Pergolèse.  La  fortune  n'estjamais  aussi  aveugle  qu'on 
veut  bien  le  prétendre. 

M.  Bank  a  découvert  le  manuscrit  du  Salve  Begina  dans  la  col- 
lection d'un  prince  amateur  de  Naples.  La  bibliothèque  du  Conser- 
vatoire de  cette  ville  ne  le  possède  pas  ;  c'est  ce  qui  explique  le  si- 
lence des  dictionnaires  de  musique  modernes  au  sujet  de  cette  com- 
position, tandis  qu'elle  se  trouve  mentionnée  dans  les  ouvrages  de 
publication  ancienne. 

Ce  Salve  Regina  précéda,  sans  aucun  doute,  le  célèbre  Stabat  ma- 
ter composé  en  1735-38,  car  toutes  les  parties  du  quatuor  qui  ac- 
compagne ce  dernier  sont  élaborées  avec  un  soin  bien  plus  grand. 
Et  pourtant  il  y  a  çà  et  là  des  analogies  harmoniques  ou  mélodiques 
qui  prouvent  que  Pergolèse  n'avait  point  oublié  ces  délicieuses  pages 
lorsqu'il  eut  à  composer  son  Stabat. 

Le  Salve  Begina  est  écrit  pour  deux  voix  de  soprano,  avec  accom- 
pagnement d'orgue  et  de  quatuor.  Mais  l'accompagnement  de  l'orgue 
est  à  peine  indiqué,  le  compositeur  comptant  sur  l'intelligence  et  sur 
les  connaissances  harmoniques  de  l'organisle.    Le    deuxième  violon 


DE  PARIS. 


253 


marche  souvent  à  l'unisson  avec  le  premier,  et  l'alto  double  constam- 
ment la  basse.  Cependant  cet  accompagnement,  tel  qu'il  est,  suffit 
pour  rendre  claires  toutes  les  intentions  du  compositeur  quant  à  la 
couleur  et  à  l'expression. 

En  transcrivant  cette  composition,  M.  Banck  a  eu  une  tâche  assez 
difficile  à  remplir.  Il  a  dû  souvent  compléter  l'harmonie  sans  s'é- 
carter de  l'esprit  de  son  auteur,  sans  altérer  en  rien  les  parties  du 
chant.  Il  lui  a  fallu  rendre  avec  exactitude  la  couleur  et  le  sentiment 
de  l'original,  tout  en  remplaçant  par  le  piano  l'orgue  et  les  quatre 
instruments  à  corde.  M.  Banck  a  si  bien  réussi  que  nous  retrouvons 
dans  son  arrangement  jusqu'à  cette  sonorité  agréable  qui  est  un  des 
signes  caractéristiques  de  la  musique  de  Pergolèse.  Mais  ce  qui  mé- 
rite à  un  plus  haut  degré  encore  notre  admiration,  c'est  le  rare 
bonheur  avec  lequel  M.  Banck  a  su  respecter  la  simplicité  et  imiter 
la  clarté  de  son  modèle. 

De  toutes  les  compositions  de  Pergolèse,  le  Salve  Résina  est  celle 
qui  par  le  charme  de  la  mélodie  et  la  profondeur  du  sentiment,  se 
rapproche  le  plus  du  Stabat.  Il  est  vrai  que  ce  dernier  est  plus  va- 
rié, ce  qui  n'a  rien  d'étonnant,  puisqu'il  contient  le  double  de  mor- 
ceaux, le  Salve  Regina  n'en  comptant  que  six. 

Les  numéros  1,3,  6,  peuvent  être  comparés  aux  plus  belles  par- 
ties du  Stabat,  et  tous  les  six  se  recommandent  par  le  charme  et 
par  le  développement  gracieux  des  motifs,  par  quelques-uns  de  ces 
effets  de  chant  qui  mettent  si  bien  en  relief  les  qualités  de  la  voix 
humaine.  De  plus,  l'ensemble  de  la  composition  est  empreint  d'un 
caractère  d'unité  qui  produit  l'impression  la  plus  profonde. 

M.  Banck,  qui  a  enrichi  la  littérature  musicale  par  des  composi- 
tions originales,  s'est  acquis  un  nouveau  titre  à  la  reconnaissance  des 
amateurs  de  bonne  musique. 

Nous  terminerons  cet  article  en  recommandant  aux  exécutants  de 
traiter  l'accompagnement  avec  une  grande  discrétion.  Le  pianiste 
doit  s'appliquer  à  fondre  complètement  son  jeu  avec  le  chant. 

Frédéric  SZARVADY. 


JT.  OIFenlmcli.  —  Les  Feuilles  du  soir,  grande  valse  pour  piano. 

Pour  occuper  les  rares  loisirs  que  lui  laisse  la  composition  drama- 
tique, Jacques  Offenbach,  cet  esprit  alerte  et  primesautier,  dont  l'ins- 
piration est  toujours  en  éveil,  ne  dédaigne  pas  parfois  d'aller  sur  les 
brisées  d'Arban,  de  Musard  et  de  Strauss.  A  la  veille  de  partir  pour 
Vienne,  pour  Ems  ou  pour  Bade,  où  la  mise  à  l'étude  de  quelque 
opéra  nouveau  réclame  sa  présence  et  ses  soins,  il  rêve  tout  à  coup 
un  de  ces  gracieux  motifs  de  valse  dont  la  Germanie,  Y  Aima  mater, 
lui  a  légué  le  secret;  il  le  livre  à  son  éditeur,  et  déjà  la  vapeur  l'a 
emporté  à  plusieurs  centaines  de  kilomètres,  lorsque  son  œuvre 
commence  à  peine  à  entrer  en  circulation.  Mais  qu'importe?  il  est 
bien  sûr  de  la  retrouver,  à  son  retour  à  Paris,  en  pleine  possession 
des  salons  et  des  bals.  C'est  le  sort  qui  attend,  sans  contredit,  les 
Feuilles  du  soir,  sa  dernière  valse,  une  page  piquante  dont  la  su- 
prême élégance  n'a  d'égale  que  sa  très-grande  simplicité.  C'est  un 
morceau  dont  le  rhythme  entraînant  n'est  un  obstacle  pour  aucun  ef- 
fort, si  faible  qu'il  soit,  et  dont  l'effet  doit  sortir  facilement  de  la  plus 
modeste  interprétation.  Est-ce  par  défiance  du  succès  que  l'auteur  l'a 
assimilé  aux  journaux  du  soir  dont  l'existence  est'  si  précaire?  Il  se 
tromperait  étrangement,  car  sa  valse  sera  cet  hiver  sur  tous  les  pu- 
pitres, quand  on  aura  oublié  jusqu'au  nom  de  certaines  feuilles  qui 
brillent  d'un  éclat  éphémère  sous  les  vitres  multicolores  des  kiosques 
du  boulevard. 

Y. 


L'Empereur  a  écrit  la  lettre  suivante  au  maréchal  Vaillant,  mi- 
nistre de  sa  Maison  et  des  Beaux-Arts  : 

«  Vichy,  le  31  juillet  1864. 

»  Mon  cher  maréchal,  je  viens  vous  faire  part  d'une  réflexion  qui 
m'est  survenue  pendant  le  repos  dont  je  jouis  ici.  Deux  grands  établis- 
sements doivent  être  reconstruits  à  Paris,  avec  une  destination  bien 
différente  :  l'Opéra  et  PHôtel-Dieu.  Le  premier  est  déjà  commencé  ; 
le  second  ne  l'est  pas  encore.  Quoique  exécutés,  l'Opéra  aux  frais  de 
l'Etat,  l'Hôtel-Dieu  aux  frais  des  hospices  et  de  la  ville  de  Paris, 
tous  deux  ne  seront  pas  moins  pour  la  capitale  des  monuments  re- 
marquables; mais  comme  ils  répondent  à  des  intérêts  très-différents, 
je  ne  voudrais  pas  que  l'un  surtout  parût  plus  protégé  que  l'autre. 

»  Les  dépenses  de  l'Académie  impériale  de  musique  dépasseront 
malheureusement  les  prévisions,  et  il  faut  éviter  le  reproche  d'avoir 
employé  des  millions  pour  un  théâtre,  quand  la  première  pierre  de 
l'hôpital  le  plus  populaire  de  Paris  n'a  pas  encore  été  posée.  En- 
gagez donc,  je  vous  prie,  le  préfet  de  la  Seine  à  faire  commencer 
bientôt  les  travaux  de  l'Hôtel-Dieu,  et  veuillez  faire  diriger  ceux  de 
l'Opéra  de  manière  à  ne  les  terminer  qu'en  même  temps.  Cette 
combinaison,  je  le  reconnais,  n'a  aucun  avantage  pratique;  mais, 
au  point  de  vue  moral,  j'attache  un  grand  prix  à  ce  que  le  monu- 
ment consacré  au  plaisir  ne  s'élève  pas  avant  l'asile  de  la  souffrance. 

»  Recevez,  mon  cher  maréchal,  l'assurance  de  ma  sincère  amitié. 

»  NAPOLÉON.  » 


NOUVELLES. 

**„  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Comte  Ory  et 
Nemea; — mercredi,  la  Juioe;— vendredi,  les  Huguenots  étaient  annoncés 
pour  la  rentrée  de  Faure,  de  retour  à  Paris  après  sa  saison  de 
Londres;  mais  le  spectacle  a  été  changé  par  ordre;  on  a  donné  le 
deuxième  acte  de  Guillaume  Tell  dans  lequel  a  reparu  le  célèbre  ba- 
ryton, et  Nemea.  —  S.  M.  le  roi  des  Belges  assistait  à  la  représen- 
tation. 

***  L'engagement  de  Mme  Marie  Sax  n'ayant  plus  que  dix-huit  mois 
à  courir,  la  célèbre  cantatrice  est  en  pourparlers  avec  la  direction  de 
l'Opéra  pour  en  contracter  un  nouveau  de  cinq  années. 

*%,  M.  et  Mme  Gueymard,  dont  le  congé  est  expiré,  sont  de  retour  à 
Paris  ;  on  a  repris  vendredi  les  répétitions  de  Roland  à  Roncevaux. 

**»  Tamberlick  était  ces  jours-ci  à  Paris.  11  est  parti  pour  Madrid,  où 
il  va  commencer  ses  représentations  au  théâtre  Rossini. 

***  Roger  a  donné  ces  jours-ci,  avec  Diemer  et  Sarasate,  à  Saint- 
Malo,  un  charmant  concert  qui  réunissait  l'élite  de  la  Société  malouine 
et  des  nombreux  baigneurs  qui  y  affluent  en  ce  moment. 

***  A  Londres  il  est  question  de  trois  théâtres  anglais  pour  l'hiver 
prochain.  La  Compagnie  de  l'opéra  anglais  donnera  ses  représentations 
au  théâtre  de  Covent-Garden,  et  M.  Mapleson  s'occupe  d'organiser  un 
opéra  anglais  pour  la  salle  de  Her  Majestxfs  Theater,  et  au  Lycée  on 
jouerait  l'opéra  anglais  sous  la  direction  de  M.  Harrison. 

***  On  vient  de  promulguer  à  Londres  la  nouvelle  loi  sur  les  musi- 
ciens ambulants.  Désormais  les  habitants  d'une  maison  qu'ils  importu- 
neraient pourront  requérir  l'intervention  d'un  constable  pour  les  éloi- 
gner, et  en  cas  de  résistance  ils  pourront  être  condamnés  à  40  shillings 
(30  francs)  d'amende.  11  serait  bien  à  désirer  qu'une  pareille  ordonnance 
fût  rendue  et  appliquée  dans  Paris. 

,**  Nous  avons  parlé  déjà  d'une  société  qui  allait  s'établir  au  centre 
de  Paris,  sous  la  direction  de  M.  Félicien  David,  avec  M.  Charles 
de  Lorbac  pour  secrétaire,  dans  le  but  d'offrir  au  public  les  chefs- 
d'œuvre  de  la  musique  ancienne  et  moderne  dans  des  conditions  excep- 
tionnelles de  bonne  exécution  et  de  bon  marché.  Cette  société  est  au- 
jourd'hui constituée  sous  la  désignation  de  :  Société  du  grand  concert.  La 
salle  est  installée  rue  Richer,  32,  à  la  place  du  vaste  établissement 
connu  sous  le  nom  de  «Colonnes  d'Hercule.»  Cette  salle  peut  contenir  plus 
de  trois  mille  personnes  confortablement  assises.  L'orchestre  sera  com- 
posé de  quatre-vingt-cinq  musiciens,  et  pour  arriver  à  une  exécution 
irréprochable,  toutes  les  places  seront  données  au  concours;  même  or- 
ganisation pour  les  chœurs,  composés,  en  commençant,  de  deux  cents 
choristes,  pour  arriver  successivement  à  trois  cents.  L'orchestre  et  les 
chœurs,  en  sus  de  leurs  appointements,  sont  intéressés  dans  les  béné- 


254 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


fices  de  l'affaire.  Enfin,  les  prix  d'entrée  sont  fixés  à  1  franc  et  2  francs, 
chacun  ayant  droit,  même  pour  1  franc,  à  une  stalle  numérotée,  qu'il 
pourra  louer  d'avance  au  même  prix  qu'au  bureau. 

„%  M.  et  Mme  Marchesi  sont  de  retour  après  la  brillante  saison  de 
Londres,  où  leur  concert  historique  a  obtenu  beaucoup  de  succès.  Ils 
ont  chanté  aussi  tous  les  deux  dans  les  salons  de  la  haute  aristocratie. 
Mme  Marchesi  a  eu  le  plaisir  de  retrouver  plusieurs  des  élèves  formées 
par  elle  au  Conservatoire  de  Vienne,  entre  autres  Mlle  Fricci.  Beaucoup 
d'artistes  des  deux  théâtres  ont  aussi  travaillé  avec  l'excellente jjrofesssora. 
—Mlle  Fricci  est  réengagée  à  Londres  pour  la  quatrième  fois.  Elle  s'est 
distinguée  à  Covent-Garden  dans  les  grands  opéras  du  répertoire. 

j*,  On  vient  de  publier  à  Leipzig  la  partition  de  Paris  et  Hélène,  opéra 
de  Gluck,  qui  suivit  Orphée  et  Alceste,  et  dont  il  était  fort  difficile  de  se 
procurer  un  exemplaire. 

*%  M.  le  professeur  Lemmens  et  la  célèbre  cantatrice  Mme  Lem- 
mens-Sherrington,  en  ce  moment  au  festival  de  Wiesbaden,  doivent  se 
rendre  à  Paris  du  12  au  15  courant  et  donner  quelques  séances  d'orgue 
et  de  chant  dans  les  ateliers  de  MM.  A.  Cavaillé-Coll  et  Ce. 

»%  Le  mariage  de  Mlle  Balbi  avec  M.  Verdier,  a  eu  lieu  le  U  août, 
à  Notre  Dame  de  Lorette. 

»*^  M.  Gardoni,  lieutenant  de  vaisseau,  frère  du  célèbre  ténor,  épouse 
Mlle  Tamburini,  sœur  de  la  femme  de  son  frère. 

»*„  M.  de  Flotow  termine  en  ce  moment  à  Vienne  un  opéra  en  deux 
actes  et  trois  tableaux,  qui  a  pour  titre  Na'ida,  et  dont  M.  de  Saint- 
Georges  a  écrit  les  paroles.  C'est  la  Russie  qui  aura  la  primeur  de  cette 
œuvre.  M.  de  Flotow  a  traité  avec  la  direction  des  théâtres  impériaux 
pour  qu'elle  soit  représentée  cet  hiver  à  Saint-Pétersbourg,  sur  le  théâ- 
tre italien. 

*,  Le  Précurseur  du  26  nous  apporte  d'Anvers  les  nouvelles  suivan- 
tes :  «  Le  concert  qui  a  été  donné  hier,  au  local  du  Cercle  artistique, 
avec  les  nouveaux  instruments  de  musique  en  cuivre  de  M.  Adolphe 
Sax,  n'a  fait  qu'ajouter  encore  au  grand  effet  qu'a  produit  il  y  a  quel- 
ques jours  l'audition  de  ces  merveilleux  instruments  au  local  de  l'Har- 
monie. C'est  une  révolution  complète  dans  la  valeur  des  instruments 
tels  qu'on  avait  coutume  de  les  considérer.  »  Dans  les  autres  villes 
principales  de  Belgiquo,  de  Hollande,  l'effet  a  été  le  même,  l'enthou- 
siasme s'est  élevé  au  plus  haut  degré.  Dans  certaines  villes,  où  il  avait 
fallu  donner  deux  concerts  le  même  jour,  on  voulait  retenir  les  ar- 
tistes pour  les  entendre  encore  le  lendemain. 

u%  Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  un  des  luthiers  les  plus 
estimés  et  les  plus  justement  célèbres  ,  M.  Rambaux ,  de  Mirecourt. 
Héritier  des  procédés  des  Stradivarius,  des  Amati,  des  Guarnerius, 
M.  Rambaux  fait  revivre  les  traditions  d'une  époque  où  l'art  du  luthier 
fut  porté  à  un  si  haut  degré  de  perfectionnement  Toute  sa  vie  a  été 
consacrée  à  de  longues  et  minutieuses  recherches  que  couronnèrent 
d'éclatants  succès.  L'instrument  le  plus  compromis  par  le  temps  re- 
prend entre  ses  mains  toutes  les  qualités  premières  de  forme,  d'élé- 
gance et  de  sonorité.  Des  résultats  aussi  remarquables  valurent  à 
M.  Rambaux,  pendant  qu'il  exerçait  sa  profession  de  luthier  à  Paris, 
une  clientèle  nombreuse  composée  des  artistes  du  plus  grand  renom. 
Quoique  retiré  depuis  quelques  années  dans  sa  ville  natale,  des  com- 
mandes expédiées  des  points  les  plus  éloignés  de  l'Europe  continuent  à 
lui  parvenir.  Des  virtuoses  d'élite  n'ont  pas  craint  d'entreprendre  le 
voyage  des  Vosges  pour  lui  confier  la  réparation  de  leurs  précieux  ins- 
truments. Son  atelier  est  actuellement  à  Mirecourt  (département  des 
Vosges).  Il  suffit  d'indiquer  son  adresse  pour  que  la  clientèle  choisie 
avec  laquelle  M.  Rambaux  s'est  trouvé  en  rapport  pendant  son  séjour 
dans  la  capitale  s'adresse  à  lui  de  nouveau. 

J%.  Nous  avons  entendu  plusieurs  fois  cet  été  au  concert  des  Champs- 
Elysées,  deux  ouvertures  de  M.  Adolphe  Blanc,  le  jeune  compositeur 
de  musique  de  chambre;  l'une  a  pour  titre  Une  aventure  sous  la  ligue, 
et  l'autre  est  une  ouverture  de  fantaisie  que  M.  Blanc  a  nommée  Ou- 
verture espagnole.  Ces  deux  œuvres  symphoniques  sont  parfaitement 
réussies ,  chacune  dans  son  genre,  et  font  le  plus  grand  plaisir  aux 
nombreux  habitués  des  concerts  des  Champs-Elysées. 

»%  Ferdinand  de  Croze ,  l'éminent  pianiste-compositeur  dont  nous 
avons  annoncé  la  prochaine  arrivée  à  Paris,  a  fait  entendre  lundi  soir 
son  sixième  album  de  concert,  qui  a  été  chaleureusement  applaudi  par 
l'assemblée  d'élite  conviée  à  l'écouter.  Il  se  rend  en  Angleterre  et  en 
Allemagne,  où  il  est  attendu  pour  faire  connaître  cette  publication. 

**»  M.  Mestepès  a  réclamé  contre  la  qualification  de  directeur  du 
théâtre  des  Bouffes-Parisiens  qui  lui  avait  été  donnée  par  plusieurs 
journaux.  Il  a  seulement  été  choisi  par  les  intéressés  pour  les  repré- 
senter. 

„%  Une  faute  d'impression  s'est  glissée  dans  notre  dernier  numéro. 
C'est  à  Carlsruhe  et  non  à  Mulhouse,  comme  on  l'a  imprimé  par  erreur, 
qu'aura  lieu  le  grand  festival  annoncé  pour  le  22  août. 

**»  Kruger,  l'éminent  compositeur,  vient  de  quitter  Paris  pour  se 
rendre  en  Allemagne. 

»*»  Dans  le  grand  concours  d'orphéons,  de  fanfares  et  d'harmonies 
qui  a  eu  lieu  le  24  juillet  à  Eu,  les  Enfants  de  Saint-Denis,  sous  l'ha- 


bile direction  de  M.  Monestier,  ont  obtenu  la  médaille  d'or  donnée  par 
l'Empereur.  Le  premier  prix  de  la  2me  section  de  la  division  supérieure 
a  été  décerné  à  la  Société  d'Amiens,  et  le  second  prix  à  celle  de  Pleyel- 
Wolff.  Le  jury  était  composé  de  MM.  F.  Baziu,  Boïeldieu,  Lecouppey, 
Meifred,  Laurent  de  Rillé,  Vervoitte,  Coche,  etc.  Le  concours  a  eu  lieu 
dans  le  beau  parc  du  château  d'Eu. 

„*„,  Dans  l'été  de  1862,  M.  Romero,  professeur  de  clarinette  au  Con- 
servatoire de  musique  de  Madrid  et  de  la  chapelle  royale  de  S.  M.  la 
reine  d'Espagne,  était  venu  à  Paris  avec  le  projet  de  faire  faire  pour 
son  instrument  favori  un  nouveau  mécanisme  de  son  invention,  destiné 
à  rendre  plus  justes  les  notes  de  sol  dièze,  la,  si  bémol,  et  à  en  faciliter 
l'exécution,  ainsi  que  celle  de  plusieurs  passages.  Ce  nouveau  système 
de  clarinette,  déjà  breveté,  a  été  construit  par  M.  Bié,  successeur  de 
Lefèvre,  et  M.  Romero,  qui  est  revenu  donner  ses  dernières  instruc- 
tions pour  le  terminer,  a  invité  tous  les  artistes  facteurs  et  amateurs 
qui  voudraient  l'examiner  et  l'apprécier,  à  le  visiter  chez  lui,  rue 
Notre-Dame-des-Victoires,  hôtel  de  la  Bourse  et  des  Ambassadeurs. 
MM.  Klosé,  Leroy,  Buffet  jeune,  Gautrot,  Breton  et  plusieurs  autres  se 
sont  rendus  à  l'invitation  de  M.  Romero  et  ont  trouvé  l'invention  de 
son  nouveau  mécanisme  très-heureuse,  et  de  nature,  par  la  justesse  et 
l'homogénéité  du  son  qui  en  résultent,  à  singulièrement  faciliter  l'exé- 
cution. Us  ont  exprimé  à  M.  Romero  l'intention  où  ils  étaient  de  l'a- 
dapter aux  instruments  de  leur  fabrication.  M.  Romero  sera  encore 
ici  les  8,  9  et  10  août,  et  recevra  de  midi  à  2  heures  les  personnes  qui 
désireront  le  visiter. 

%*%  Le  célèbre  violoniste  -  compositeur  Bazzini  avait'  dédié  au  roi 
d'Italie  son  concerto  militaire.  En  témoignage  de  sa  satisfaction,  Sa  Ma- 
jesté a  daigné  envoyer  à  l'éminent  artiste  une  belle  médaille  en  or  à 
son  effigie,  avec  cette  inscription  :  Al  distinto  maestro  di  Musica  A. 
Bazzini,  et  le  nommer  de  plus  chevalier  de  l'ordre  des  saints  Maurice 
et  Lazare.  La  cantate  composée  à  Florence  par  M.  Bazzini  et  qui  a  ob- 
tenu le  prix,  a  beaucoup  de  succès,  et  sera  vraisemblablement  exé- 
cutée au  Conservatoire  de  Milan. 

*%  La  Charité,  de  Rossini,  est  exécutée  trois  ou  quatre  fois  par  se- 
maine avec  un  immense  succès  au  concert  des  Champs-Elysées. 

***  Le  bénéfice  de  M.  Danbé  avait  attiré  dimanche  dernier  une 
grande  foule  au  Pré  Catelan.  Le  bénéficiaire  a  été  fort  applaudi.  —  Le 
programme  du  concert  qui  sera  donné  aujourd'hui  dimanche  est  des 
plus  remarquables;  sur  douze  morceaux  choisis  parmi  les  œuvres  des 
grands  maîtres,  il  y  a  huit  nouveautés.  —  Grand  bal  d'enfants  avec 
tombola;  musiques  militaires;  et  Klosko  avec  tous  ses  enchantements 
dans  son  royaume  de  Magie. 

»*„  La  Société  philharmonique  de  Boulogne  avait  convié  à  son  con- 
cert du  20  juillet  trois  artistes  de  la  plus  grande  réputation,  chacun 
dans  leur  genre,  Bottesini,  Délie  Sedie  et  Mme  Tardieu  de  Malleville. 
Aussi  ce  concert  a-t-il  été  des  plus  brillants  ;  Bottesini  a  produit  son 
effet  accoutumé  sur  la  contre-basse,  dont  il  joue  comme  personne.  Délie 
Sedie  a  dit  délicieusement  la  romance  d'un  Ballo  in  maschera,  l'air  de 
Don  Sebasliano  et  la  sérénade  de  Don  Juan,  et,  quant  à  Mme  Tardieu 
de  Malleville,  on  connaît  son  style  pur  et  distingué.  Après  chaque 
morceau,  les  bravos  et  les  rappels  ont  accueilli  les  trois  vaillants  ar- 
tistes. 

***  On  écrit  de  Carlsbad  :  o  La  grande- duchesse  vient  d'envoyer  à 
l'institution  de  Mozart,  à  Salzbourg,  un  don  des  plus  précieux.  Il  s'agit 
d'un  vieux  cahier  de  musique  trouvé  aux  environs  de  Vienne  et  portant 
pour  inscription  en  langue  française  :  «  Ce  livre  appartient  à  Marie- 
Anne  Mozart,  1750.  »  Les  première  feuillets  de  ce  cahier  contiennent 
des  exercices  pour  piano  écrits  de  la  main  du  père  de  Mozart,  et  les 
douze  derniers  sont  de  la  main  même  du  grand  compositeur  Wolfgang 
Mozart  et  portent  les  dates  1762  et  1763.  Ce  sont  cinq  compositions  de 
lui,  non  connues  jusqu'à  présent;  n°  1,  allégro  en  ut  majeur,  deux 
pages  composées  à  Bruxelles  le  11  octobre  1163;  n°  2,  deux  menuets 
en  ré  majeur,  composés  à  Paris  le  30  novembre  1763  ;  n°  3,  air  en  fa 
majeur,  composé  le  16  juillet  1762;  u°  U,  autre  menuet,  composé  le 
11  mai  de  la  même  année,  et  le  n"  5,  une  étude  compliquée  et  datée 
de  la  même  époque.  » 

»**  Un  grand  festival  de  musique  chorale  a  eu  lieu  à  Berne  (Suisse). 
Un  très-grand  nombre  d'orphéons  étrangers  y  a  pris  part  et  le  nombre 
des  chanteurs  n'a  pas  été  au-dessous  de  trois  mille.  L'Harmonie  suisse 
de  Paris  y  a  concouru;  la  Société  chorale  Concordia  de  Fri bourg  a  ob- 
tenu le  premier  prix. 

„%  En  attendant  la  réouverture  des  Italiens  et  de  l'Opéra-Comique, 
les  amateurs  de  bonne  musique  continuent  à  fréquenter  le  concert  des 
Champs-Elysées,  pour  s'y  promener  sous  de  beaux  ombrages,  y  admirer 
les  fameux  solistes,  nommés  Lêvy,  Gobert,  Demerssemann,  Genin,  de 
Prins,  Soler,  Bardey,  François,  Gobin,  etc.,  et  pour  y  applaudir  d'ex- 
cellente musique,  admirablement  exécutée  par  un  orchestre  d'élite  sous 
l'habile  direction  de  M.  Eugène  Prévost. 

,,%  Lundi  soir  on  a  exécuté  au  concert  des  Champs-Elysées  l'ouver- 
ture d'un  opéra  en  deux  actes,  Bianca  di  Belmonte,  qui  fut  composé  à 
Madrid  par  M.  Piermarini  et  chanté  avec  un  grand  succès  par  ses  élèves 
au  théâtre  du  Conservatoire.  Cette  ouverture  a  fait  beaucoup  de  plaisir 


DE  PARIS. 


255 


et  précédera  l'opéra  de  Bianca  di  Belmontc,  dont  l'auteur  s'occupe  à  re- 
manier l'orchestration,  pour  la  mettre  à  la  hauteur  des  progrès  accom- 
plis depuis  qu'il  a  été  représenté. 

„*„  La  librairie  française  vient  de  faire  une  grande  perte  dans  la 
personne  de  M.  Hachette,  qui  a  succombé  dimanche  dernier  à  une 
nouvelle  attaque  de  la  maladie  dont  il  avait  été  atteint  il  y  a  six  se- 
maines. 11  était  âgé  de  soixante-quatre  ans,  et  son  nom  reste  attaché  à 
la  création  d'une  des  plus  importantes  maisons  de  librairie  de  l'Eu- 
rope. Ses  obsèques  avaient  attiré  une  foule  considérable  de  notabilités 
littéraires  et  administratives;  au  nombre  de  ces  derniers  on  remarquait 
les  ministres  de  la  maison  de  l'Empereur  et  de  l'instruction  publique. 

»%  Les  journaux  anglais  annoncent  la  mort  de  Mistriss  Wood  qui 
tenait  à  Leards  un  cours  très-suivi  d'enseignement  musical.  Jeune 
fille  elle  s'appelait  miss  Paton  et  brilla  comme  cantatrice  à  Drury  Lane 
et  à  Covent-Garden.  Mariée  à  lord  W.  Uennox  elle  divorça  bientôt,  et 
épousa  en  secondes  noces  un  chanteur  de  mérita,  M.  Wood. 

*%  Nous  avons  répété  il  y  a  quelque  temps  la  nouvelle  donnée  par 
les  journaux  allemands  de  la  mort  de  Mme  Mortier  de  Fontaine,  la 
femme  du  célèbre  pianiste-compositeur.  Cette  nouvelle  n'avait  aucun 
fondement,  et  nous  nous  empressons  de  la  démentir.  Mme  Mortier  de 
Fontaine  est  en  ce  moment  à  Paris,  où  elle  est  venue  voir  sa  famille. 

***  Le  22  juillet  est  mort  à  Trieste  le  compositeur  de  musique  iEgi- 
dius-Charles  Lickl,  à  l'âge  de  soixante-un  ans. 

***  Le  directeur  d'un  journal  est  exposé  plus  que  personne  à  rece- 
voir des  lettres  anonymes.  Dans  le  nombre,  les  moins  plaisantes  ne  sont 
pas  celles  que  lui  adressent  certains  collaborateurs  mécontents  de  ne 
pas  jouir  des  hautes  prérogatives  auxquelles  ils  prétendent  et  assez 
simples  pour  ne  pas  se  douter  que  leurs  tristes  épîtres  sont  signées  à 
chaque  ligne.  Une  lettre  de  ce  genre  nous  est  parvenue  ces  jours  der- 
niers. Son  auteur  nous  engage  à  congédier  au  plus  tôt  nos  rédacteurs 
les  plus  éminents  et  les  plus  célèbres.  Il  n'aura  donc  nul  droit  de  se 
plaindre  si  nous  nous  décidons  à  commencer  par  lui.  A  bon  entendeur  ! 

CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

*%  Vichy.  —  Le  26,  juillet,  LL.  MIL  l'empereur  et  le  roi  Léopold  ont 
honoré  de  leur  présence  les  salons  de  l'établissement  thermal,  de  bonne 
heure  remplis  d'une  brillante  assemblée,  et  éc!airés  à  giorno.  A  l'entrée 
des  deux  souverains,  et  par  une  délicate  attention,  l'orchestre  a  joué  la 
marche  nationale  belge.  La  soirée  se  composait  de  deux  pièces  :  le  Pif- 
feraro,  joué  par  Berthelier  et  les  artistes  de  la  troupe  du  Casino,  de  Lis- 
chen  et  Fritzchen,  par  Berthelier  et  Mlle  Frasey,  et  d'un  intermède  mu- 
sical, par  Mme  Ugalde  et  MM.  Carré  Kolawski  et  Henri  de  Hauteville. 
La  tarentelle  finale  du  Pifferaro,  dite  par  Berthelier  avec  une  verve 
étourdissante,  a  été  l'occasion  d'applaudissements  dont  LL.  MM.  ont 
daigné  donner  le  signal.  Dans  l'intermède,  qui  a  valu  aux  deux  éminents 
instrumentistes  et  à  Mme  Ugalde  des  bravos  mérités,  Berthelier  a  dit  en 
costume  la  chanson  de  Fortunio,  au  milieu  de  rires  frénétiques,  et  il  a 
dû  la  répéter-  A  neuf  heures  et  demie,  LL.  MM.  quittaient  le  salon  après 
avoir  applaudi  très-chaudement  Berthelier  et  la  toute  charmante  Mlle 
Frasey,  dans  la  désopilante  conversation  alsacienne  de  Lischen  et  Fritz- 
chen. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

**„  Londres.  —  La  clôture  de  l'Opéra  italien  de  Govent-Garden  a  in- 
terrompu en  plein  succès  les  représentations  de  la  Stella  del  Nord,  dont 
la  quatrième  et  dernière  a  été  donnée  samedi  passé. — Adelina  Patti  a  fait 
ses  adieux  au  public  dans  le  rôle  de  Martha. —  Le  théâtre  de  Sa  Majesté 
continue  ses  représentations  à  des  prix  d'entrée  réduits. — Les  concerts- 
promenades,  sous  la  direction  de  Mellon,  vont  remplacer  l'opéra  dans 
la  salle  de  Covent-Garden.  Carlotta  Patti,  Marie  Krils,  une  très  jeune 
pianiste,  presque  une  enfant,  dont  le  talent  a  été  tant  apprécié  pendant 
la  saison  passée,  et  le  cornetiste  Lévy  y  sont  engagés. — L'Académie  royale 
de  musique  (Conservatoire),  qui,  jusou'à présent,  n'avait  été  soutenue  que 
par  quelques  dons  annuels  d'un  petit  nombre  d'amateurs  riches,  vient 
d'être  dotée  par  la  Chambre  des  communes,  après  une  discussion  très- 
vive,  d'une  subvention  de  500  livres  par  an.  —  Les  répétitions  pour  le 
festival  de  Birmingham  ont  commencé.  Le  festival  aura  lieu  les  6,  1  et 
8  septembre.  On  exécutera,  le  premier  jour,  l'oratorio  Saint  Paul,  de  Men- 
delssohn.  Le  soir  du  même  jour,  il  y  aura  un.  concert  en  deux  parties. 
La  première  partie  sera  remplie  par  une  cantate  de  Henry  Smart,  vingt 
et  un  morceaux.  La  seconde  partie  contiendra  sept  morceaux,  tant  d'ins- 
truments que  de  chant.  La  troisième  partie,  huit  morceaux  de  chant. 
Le  second  jour,  le  matin,  Naaman,  oratorio  de  Costa,  et  le  soir  une  can- 
tate de  M.  Sullivan  et  un  concert  de  dix-sept  morceaux  de  chant  ou 
d'instruments.  Le  troisième  jour,  le  concert  du  matin  est  consacré  au 
Messiah  de  Haendel,  et  le  soir,  à  une  hymne  de  Mendelssohn,  avec  une 
vingtaine  d'autres  morceaux  détachés.  Le  quatrième  jour,  enfin,  le  Christ 
à  la  montagne  des  Oliviers,  de  Beethoven,  toute  la  douzième  messe  de 


Mozart  et  une  partie  de  l'oratorio  Samson,  de  Hasndel.  Le  soir,  Elle,  de 
Mendelssohn.  Les  artistes  engagés  sont  :  Mmes  Titjens,  Rudersdorff, 
Lemmens  et  Mlle  Patti.  Contraltos,  Mme  Sainton  et  miss  Palmer.  Té- 
nors, MM.  Reeves,  Cummings  et  Mario.  Barytons,  MM.  Weiss  etSantley. 
Pianiste,  Mme  Arabella  Goddard.  Violon,  M.  Sainton.  Organiste,  M.  Stimp- 
son.  Chef  d'orchestre,  Costa.  —  Voici  maintenant  la  composition  de 
l'orchestre  et  des  chœurs  de  cette  immense  solennité  musicale  :  28 
premiers  violons,  26  seconds,  18  violes,  17  violoncelles,  17  contre-basses, 
4  flûtes,  4  hautbois,  4  clarinettes,  4  bassons,  4  cors,  2  trompettes,  etc. 
Un  ensemble  de  presque  140  instruments  et  de  plus  de  350  voix,  savoir  : 
94  sopranos,  29  contraltos.  87  ténors,  58  alti  (hommes),  88  basses.  Les 
chœurs  seront  sous  la  direction  de  M.  Stockey,  maître  des  chœurs  du 
festival,  et  de  M.Sutton,  maître  des  chœurs  de  l'Association  des  ama- 
teurs. Le  tout  obéira  au  bâton  du  maréchal  Costa.  —  Naaman,  l'oratorio 
que  Costa  écrit  pour  le  festival,  vient  d'être  répété  avec  un  succès  tel 
que  peu  s'en  fallait  que  l'auditoire,  composé  de  cet  énorme  orchestre  et 
des  quelques  personnes,  journalistes  ou  artistes,  admis  exceptionnelle- 
ment, ne  fît  recommencer  presque  chaque  morceau.  Impossible  de  les 
énumérer  tous  :  plus  de  quarante  ont  été  remarqués  ;  mais  il  est  per- 
mis de  signaler  la  grandeur  du  style,  la  simplicité  et  la  sévère  pu- 
reté de  l'ensemble,  l'ampleur  de  l'orchestration,  profondément  étu- 
diée sans  être  cherchée,  savamment  combinée  sans  être  jamais  torturée, 
et  d'un  effet  de  sonorité  qui  a  électrisé  tous  les  musiciens.  Exécutée 
par  cet  orchestre,  chanlée  par  la  Patti,  Reeves,  Mmes  Sainton  et  Santley, 
Mme  Rudersdorff  et  miss  Palmer,  il  est  évident  qu'une  aus^i  belle  œu- 
vre, si  magistralement  interprétée,  ne  peut  que  produire  le  plus  grand 
effet. 

***  Breslau.  —  Le  ténor  Niemann  s'est  fait  entendre  dans  Fcrnand 
Cortez  et  le  Prophète.  Son  succès  a  été  aussi  grand  que  mérité. 

*%  Berlin.  —  L'Opéra  royal  a  été  rouvert  par  le  ballet  Aladin,  qui  a 
attiré  une  grande  affluence.  Oberon  est  annoncé.  —  Au  théâtre  de  Kroll, 
Mme  deMarlow  est  toujours  en  grande  faveur.  Après  Martha,  elle  a 
chanté  la  Fille  du  régiment,  les  Diamants  de  la  couronne  et  le  Philtre, 
aux  applaudissements  unanimes  —  Il  vient  de  paraître  chez  l'éditeur 
Mendel  un  médaillon  en  ivoire  représentant  le  portrait  de  Meyerbeer, 
sculpté  par  E.  Lincke.  C'est  une  œuvre  d'art  de  tout  point  réussie.  — 
Un  ténor  du  théâtre  de  la  Cour  à  Hanovre,  le  Dr  Gunz,  donne  en  ce 
moment  au  théâtre  Victoria  des  représentations  qui  sont  fort  suivies. 
Il  obtient  notamment  beaucoup  de  succès  dans  le  rôle  de  Chapelou  du 
Postillon  de  Longjumeau. 


Le  Directeur  :  S.  DCFOL'R. 


LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,  FILS  ET  C«,  RUE  JACOB,  56, 

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256 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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SANS     ACCOMPAGNEMENT 

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SOCIÉTÉS    CHORALES 


lt.  Flotow    . 

5.  Gluck  .   . 

6.  — 

7.  Halévy    . 

8.  Maillart. 

9.  Meïerbeer. 


U .  Weber. 


PREMIERE    SERIE 

CHŒURS  D'OPÉRAS         £V" 

te  Iiac  des  Fées.    .  Choeur  des  Etudiants 

Muette    de  Portlci  Chœur  de  la  Chapelle 

—  Amour  sacré  de  la  patrie,    .    .   . 

llartha Mélodie  irlandaise 

Aie  es  te Vivez,  aimez 

Armide Les  plaisirs  ont  cheisi  pour  asile 

lie  IVabali Couplets  du  tabac,  avec  solo.    . 

Drasons  de  Villars  Prière  :  Soutien  de  l'innocent.    . 


lies  Huguenots 


lie  Prophète.    .    . 
Robert  le  Diable 


lie  Comte  Ory  . 
Guillaume  Tell 


Robert  Bruce 


Coupjets  des  soldats  huguenots  .     »  50 

Septuor  du  duel 1  50 

Appel  aux   armes »  75 

Chœur  des  Buveurs »  75 

Chœur  de  moines i  75 

Chœur  et  prière a  75 

Prière 40 

Chœur  de  la  Conjuration.   ...     »  50 

Chœur  des  Chasseurs »  75 

Chasse  et  prière  du  soir  ....     »  75 

Prière »  50 

Chœur  bachique  avec  solo  ...     »  75 


DEUXIEME    SERIE 


CHŒURS  DIVERS 


1 .  Ad.  Adam 


9.  Beethoven 
10.        — 


12.  Cavallo.  . 

13.  Elwart    . 


17.  — 

18.  — 

19.  Labarre.  . 


lies  Boulangers 1     » 

lies  Pondeurs 1    » 

lies  Garçons  de  restaurant 1     » 

fiies  Horlogers 1     » 

lies  Canotiers 1     » 

lies  Postillons 1     » 

Xi'BnclHme 1    » 

lies  Charpentiers 1     » 

Chant  des  Compagnons 1  50 

Chant  élégiaque 1  50 

Sljmne  tin  sacrifiée,  avec  solo 1  50 


lies  Canotiers  de  Paris •   .    . 

Salut  impérial,  God  save  français 

Marche  du  Prince    Impérial 

Hymne  national  russe 

lia  Fuite  des  captifs,  chœur  avec  solo  de  ténor 

l'seult  l'impératrice 

lies  Veilleurs  de  nuit 

lia  Chasse  an  tigre 

lies  Gondoliers  vénitiens 


Chaque  partie  séparée  de  Ténor  ou  de  Basse  se  vend  séparément  20  centimes  net. 
I<es    SO    chœurs,    réunis    en    un    volume    in- 8"    brocbé,    prix  :    6    francs   net. 


.  Chœurs  des  Bohémiens. 


Avant  la  bataille,  marziale  et  amiante 


Le  Cbant  des  Exilés,  chœur  avec  solo  de  ténor. 
les  doyens  Chasseurs,  chœur  à  quatre  voix. 
A  la  Patrie  !  chœur  avec  soli. 
Ii' Amitié,  quatuor  pour  voix  d'hommes. 

Invocation  à   la  terre   natale ,   chœur  sur  le   thème   du   God 
save  the  King. 


Cbant  guerrier  de  Struensée,  chœur  à  quatre  voix. 

Couplets  de  la  Cavalerie,  de  l'Etoile  du  Nord,  à  quatre  voix. 

Le  91e  psaume,  motet  pour  deux  chœurs  à  huit  voix. 

Adieux  aux.  jeunes  Mariés,  sérénade  pour  2  chœurs,  à  8  voix. 

Prière  du  matin,  pour  deux  chœurs  à  huit  voix. 


Chaque  partition  net  :  1  fr.  50. 


Composés  par 


Les  Parties  séparées  :  20  centimes. 


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COLLECTION    DES   ŒUVRES   PUBLIÉES    PAR    LA   SOCIÉTÉ    DE    MUSIQUE   ANCIENNE   A    LONDRES 


Volumes. 

1 .  Byrd's  Messe  à  cinq  voix,  revue  par  le  Dr  Rimbault. ...      1 

Partie  d'orgue 2 

2.  Wilbye's  lre  suite  de  madrigaux,  revu  par  M.  Turle     .   .      3 

Partie  de  piano h 

3.  Purcell's  Didon  et  Enée,  revu  par  M.  Macfarren 5 

Partie  de  pianu 6 

i.  Gibbon*  1™  suite  de  madrigaux,  par  sir  G.  Smart.  ...      7 
Partie  de  piano 8 

5.  Morley  1re  suite  de  ballets,  par  M.  Rimbault 9 

Partie  de  piano 10 

6.  Byrd  Chants  sacrés,  par  M.  Hersley 41 

Partie  d'orgue 12 

7.  Purcell's  Bonduca,  par  M.  Rimbault 13 

Partie  de  Piano 14 

8.  Welbe's  1™  suite  de  Madrigaux,  par  M.  Hopkin 15 

Partie  de  piano 16 


Volumes. 

9.  Ciibbon's  Fantaisies,  par  M.  Rimbault 17 

Partie  iie  piano 18 

10.  Purcell's  Le  Roi  Arthur,  parle  professeur  Taylor.    ...  19 

Partie  de  piano 20 

11.  Douland  Airs,  par  M.  Chappell 21 

Partie  de  piano 22 

12     E*te-»  Whole  Boek  of  Psalmes,  par  M.  Rimbault..   ....  23 

Partie  de  piano 24 

13.  m  lions  Âyrex  or  falux,  par  M.  Warren 25 

Partie  de  piano 26 

44.  Bennet's  Madrigaux,  par  il.  Hopkin 27 

15.  Collection  of  anthems,  par  M.  Rimbault 28 

Partie  de  piano 29 

16.  Batcson's  lre  suite  de  Madrigaux,  par  M.  Rimbault.  ...  30 

Partie  de  piano 31 

31  volumes.  —  Prix  :  ISO  francs. 


PRIX  ACCORDÉ   A    L  UNANIMITE   A    L  EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE    LONDRES   1851. 


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Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 

ANTOINE  COURTOIS 


MÉDAILLE  D'ARGENT   DE  1"   CLASSE 
A     L'EXPOSITION     UNIVERSELLE     DE   PARIS    1855. 


Facteur  du    Conservatoire   et  de 
I1  Académie  impériale  de  Paris. 


Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  del'égliseSt-Pierre. 


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adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


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31e  Année, 


ON  S'ABONNE: 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

cher  tous  les  Marchands  de   Husique,  Us  Libraires, 

et  uui  Durcaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


N°  33. 


REVUE 


14  Août  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Pari» «  r.pora» 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  •       id. 

Étranger S*  »       14. 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  La  musique  à  la  cour  et  à  la  ville,  sous  le  règne  de  Louis  XIII 
(i"  article),  par  Mathieu  «le  Ilonter.  —  La  senora  Rosario  Zapater  et 
un  autographe  de  Meyerbeer,  par  Léo.  —  Mémoire  sur  l'origine  de  la  musi- 
que (5*  et  dernier  article),  par  B>.  Keaulieu.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LA  MUSIQUE  A  LA  CODR  ET  A  LA  VILLE, 

Sons  le  règne  de  Louis  XIII. 

(Premier  article.) 

Vous  aimez  les  héros  et  les  poètes  ;  vous  êtes  accessible  à  toutes 
les  séductions  honnêtes;  la  bonne  compagnie  vous  charme;  vous 
goûtez  la  gloire,  les  élégances,  l'esprit,  l'art  délicieux  du  bien-dire. 
Le  xvne  siècle  est  celui  où  vous  vous  plaisez.  Vous  y  avez  des  rela- 
tions établies  et  charmantes  ;  vous  admirez  la  grandeur  et  les  grâces 
de  celte  splendide  époque  ;  vous  vous  complaisez  à  ce  mélange  d'hé- 
roïsme, de  raison  et  de  roman,  tout  empreint  de  couleur  espagnole 
et  marquant  si  bien  cependant  les  allures  françaises  ;  vous  fréquentez 
les  cercles  et  les  ruelles,  vous  en  connaissez  et  reconnaissez  facile- 
ment les  habitués.  Vous  aimez  les  guides  qui  vous  mènent  et  vous 
dirigent  au  milieu  de  cette  société  charmante,  et  vous  croyez,  avec 
leur  aide,  avoir  pénétré  dans  son  for  intime.  Vous  ne  possédez  pas 
encore  la  complète  intelligence  de  ce  temps,  si  vous  n'avez  pas,  dans 
les  quatre-vingts  Mémoires  qui  le  racontent,  ressaisi,  démêlé,  ras- 
semblé l'attache  et  le  lien  de  la  vie  mondaine,  lien  gracieux  que, 
pour  la  première  fois  depuis  Auguste,  la  main  du  grand  cardinal 
devait  rattacher  aux  rouages  de  la  politique  et  de  l'État  :  la  musique. 

Depuis  quelques  années,  la  critique  et  l'érudition,  guidées  par 
l'esprit  historique,  se  sont  livrées  sur  les  origines  de  la  musique 
moderne  à  un  travail  qui  a  son  prix,  son.  utilité  et  son  importance 
incontestables.  Ce  que  quelques  érudits  seuls  possédaient  autrefois, 
ce  qui  appartenait  exclusivement  au  domaine  d'un  Mersenne,  d'un 
Fonoemagne  ou  d'un  Griffet,  a  été  mis  à  la  disposition  de  tous.  Et 
cependant,  tandis  que  la  physionomie  littéraire  du  xvne  siècle  est 
connue  à  tel  point  que,  malgré  les  ridicules,  l'humeur  plaisante  ou 
héroïque  des  invités  de  l'hôtel  de  Rambouillet,  par  exemple,  on  ne 
confondra  pas  les  «  alcôvistes  »  d'Arthénice  et   des   petits  cabinets 


bleus  de  Julie  avec  les  filles  du  bourgeois  Gorgibus  et  leurs  amou 
reux  travestis...,  la  physionomie  musicale,  reléguée  dans  le  clair- 
obscur  de  l'étude,  manque  d'ensemble,  de  couleur  et  de  relief. 

Par  physionomie  musicale  j'entends  la  musique  proprement  dite, 
et  non  pas  le  ballet.  M.  Castil-Blaze  et,  à  son  exemple,  ceux  qui 
ne  se  piquent  pas  d'exactitude  historique,  n'ont  voulu  voir  dans  la 
société  française,  sous  Louis  XIII,  qu'une  troupe  de  danseurs  et  de 
ballerines.  Leste  est  le  procédé  !  Quoique  l'union,  la  fusion  même  de 
la  danse  et  de  la  musique  n'ait  jamais  été  plus  intime  qu'alors, 
celle-ci  ne  se  laissait  pas  entièrement  absorber  par  celle-là.  A  la 
cour  et  à  la  ville,  au  château  de  Saint-Germain  comme  dans  le  «  pa- 
lais de  Roselinde  »  la  musique  seule  remplissait  un  rôle  permanent, 
continu,  et  ne  se  bornait  pas  à  ces  quelques  «  sublimités  et  subtilités  » 
que  l'on  a  mis  depuis  en  évidence,  comme  de  brillants  coléoptères 
piqués  sur  un  carton  spécial  dans  une  collection  d'entomologie. 

«  Subtilités  »  qui  tournent  volontiers,  il  est  vrai,  au  pathos  et  à 
l'emphase!  «  Sublimités  »  dont  la  couleur  est  fausse  et  le  lyrisme 
outrecuidant  !  On  résonne  et  on  raisonne  à  outrance  ;  on  chante  et  on 
parle  de  tête  ;  on  quintessencie  la  rudesse  de  l'orchestre  et  de  l'es- 
prit; le  cerveau  prend  la  place  du  cœur.  Mais,  en  France,  nous 
trouvons  toujours  des  ressources  dans  nos  inconvénients,  et  nous 
sommes  ramenés,  par  nos  défauts  mêmes,  à  notre  grande  qualité 
artistique  :  la  netteté.  Du  mauvais  goût  musical  et  littéraire  de  la 
première  moitié  du  xvnc  siècle  jaillira,  par  contraste  et  par  réaction, 
cette  veine  d'imagination  perpétuelle  dans  le  détail  de  l'expression 
plutôt  que  dans  l'ensemble,  qui  nous  ravit  en  musique  comme  en 
littérature;  et  si,  au  sortir  du  règne  de  Louis  XIII,  la  littérature 
trouve  avec  la  Fontaine,  avec  Mme  de  Sévigné  et  Mme  de  Maintenon 
l'invention,  l'exactitude  et  l'atticisme  réunis,  la  musique,  de  son  côté, 
rencontre  avec  Lulli  et  bientôt  avec  Rameau,  une  simplicité,  une 
pureté  de  forme,  monotone,  sans  doute,  mais  que  nous  n'avons  plus, 
que  nous  ne  pouvons  plus  avoir,  et  qu'il  nous  sied  alors  d'aimer  et 
de  regretter  dans  le  luxe  de  l'art  moderne.  En  buvant  dans  notre  or, 
regrettons  les  coupes  antiques! 

Peut-être  n'est-il  pas  sans  intérêt  de  remonter  aux  sources,  de 
s'adresser  aux  documents  de  première  main,  aux  pièces  inédites,  tout 
en  consultant  les  travaux  si  fidèles  et  si  complets  de  l'illustre  colla- 
borateur de  cette  Revue,  et  de  tâcher  ainsi  de  présenter  au  lecteur 
.  pressé  ou  qu'effraient  les  gros  livres,  le   croquis  rapide  de  la  mu- 


258 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sique  pendant  la  première  moitié  du  xvne  siècle,  de  son  théâtre,  de 
son  caractère  et  de  son  originalité,  de  ses  œuvres,  de  ses  disciples 
et  de  ses  enthousiastes,  de  l'influence  enfin  qu'elle  exerça  sur  les 
mœurs  et  sur  certains  événements  de  cette  époque  «  au  grand  air 
de  gloire.  » 

I. 

En  France,  on  a  toujours  autant  aimé  la  musique  qu'en  Allemagne 
ou  qu'en  Italie.  Vous  rappelez-vous  Rabelais  :  «  Un  bateleur,  un  vio- 
leur, au  milieu  d'un  carrefour,  assemble,  en  cette  bonne  ville  de 
Paris,  plus  de  gens  que  ne  ferait  un  bon  prescheur  évangélique.  » 
Ce  culte,  ce  goût  do  la  mélodie,  dont  la  marche  progressive  devait 
être  si  rapide,  reçoit,  dès  le  début  du  xvue  siècle,  une  impulsion 
remarquable.  La  musique  répondait  sî  bien  aux  aspirations  de  ce 
peuple  amoureux  de  bruit,  de  couleur  et  d'éclat  !  «  Sous  le  roi  Louis 
treizième  —  écrit  Mézeray  —  la  musique  entra  dans  le  plaisir  de 
tous.  Et  quoique  la  noblesse  se  trouvât  accablée  de  dettes,  et  que 
les  coffres  du  roi  aient  été  vides,  chacun  se  composait  des  corps 
d'exécutants.  » 

L'historien-philosophe  qui  a  le  mieux  compris  et  fait  revivre  la 
société  française  de  1600  à  1650,  M.  Cousin,  éclaire  ce  point  d'une 
vive  lumière  :  «  Tout  s'engoue  de  musique  :  princes  et  princesses 
du  sang  royal,  grands  seigneurs  et  grandes  dames,  courtisans  et  sol- 
dats, ecclésiastiques  instruits  et  magistrats  aimables,  financiers,  hom- 
mes de  lettres,  bourgeois  et  bourgeoises,  tantôt  fort  riches,  tantôt 
d'un  rang  inférieur,  et  touchant  même  au  peuple,  mais  ayant  encore  des 
goûts  distingués  et  de  la  politesse.  La  musique  tient  le  premier  rang 
des  divertissements  qui  se  mêlent  à  ceux  de  l'esprit  ;  elle  préside,  en 
souveraine  aux  assemblées,  à  la  galanterie,  aux  promenades  aux 
chasses,  aux  parties  de  plairir  à  la  ville  et  à  la  campagne,  et  aux 
diverses  manières  de  s'amuser  et  de  passer  agréablement  le  temps 
dans  la  bonne  compagnie  aristocratique  et  bourgeoise.  »  Et  ailleurs: 
h  Sous  Louis  XIII,  on  n'était  pas  un  peu  honnête  homme,  au  sens  bien 
connu  de  ce  mot,  si  on  ne  donnait  de  temps  en  temps  un  concert 
plus  ou  moins  considérable.  » 

La  musique  est  si  bien  l'engouement  du  jour  et  la  marque  de  la 
générosité  du  caractère  ;  elle  est  si  profondément  entrée  dans  les  ha- 
bitudes de  l'élégance  et  du  luxe,  du  high  life,  dirait-on  aujourd'hui, 
qu'au  premier  acte  du  Menteur,  Dorante  pour  éblouir  Alcippe  et  Phi- 
liste  de  ses  grandes  façons  d'agir,  ne  trouve  rien  de  mieux  : 

Que  de  leur  tout  conter. 

J'avais  pris  cinq  bateaux  pour  mieux  tout  ajuster  : 
Les  quatre  contenaient  quatre  chœurs  de  musique 
Capables  de  charmer  le  plus  mélancolique. 
Au  premier,  violons  ;  en  l'autre,  luths  et  voix  ; 
Des  flûtes  au  troisième  ;  au  dernier  des  hautbois, 
Qui,  tour  à  tour,  dans  l'air  poussaient  des  harmonies 
Dont  on  pouvait  nommer  les  douceurs  infinies. 

On  ne  saurait  plus  royalement  faire  les  choses.  Aussi  Philiste,  saisi 
d'admiration,  ne  peut-il  que  dire  à  Alcippe  : 

Quoi!  sur  l'eau,  la  musique  et  la  collation [ 
Et  Alcippe,  non  moins  stupéfait,  que  répondre  à  Philiste  : 
Oui  !  la  collation  avecque  la  musique! 

De  cette  vogue,  la  satire  populaire  s'empare  et  se  gaudit.  Voulez- 
vous  connaître  par  le  menu  et  voir  se  dresser  en  pied  devant  vous 
les  virtuoses  du  temps"  Allez  à  la  place  Dauphine;  allez  écouter  les 
vieux  pitres,  les  faiseurs  de  gaîté,  les  momus  populaires,  aux  rires 
larges,  aux  grosses  naïvetés,  aux  paternelles  niaiseries.  Gautier  Gar- 
guille  rencontre  Turlupin  «  en  l'autre  monde  »  ;  il  lui  donne  des 
nouvelles  de  sa  chère  ville;  il  lui  annonce  que  l'on  n'y  peut  plus 
marcher  à  l'aise,  non  pas  tant  «  à  cause  de  l'embarras  des  charrois 
et  de  la  pédaille,  que  du  trop  grand  ramassis  de  menestreurs,  tria— 


cleurs,  barytonneurs,  souffleurs  de  flûte  et  râcleurs  de  guitare.  Tu 
rirais  à  gueule-bée,  ô  mon  ami!  —  ajoute-t-il  —  si  tu  voyais  les 
orgueilleux  musiciens  d'aujourd'hui ,  qui,  d'un  pas  rnustafique,  les 
mains  sur  les  costez  comme  pots  à  ances,  desdaignent  moustachi- 
quement  tout  ce  qu'ils  rencontrent.  Et  qui  pis  est,  de  leur  regard 
louchant  soubz  un  bran-bralant  panache,  ils  font  frémir  Jupin,  qui  est 
sur  le  point  de  leur  céder  son  foudre  et  son  aigle,  pour  avoir  paix 
envers  eux,  nonobstant  qu'ils  ne  fassent  peur  qu'aux  limaçons,  mou- 
ches et  grenouilles.  » 

Est-elle  trop  violemment  chargée  cette  caricature  des  musiciens 
enrichis  et  vaniteux?  Non:  le  trait,  sans  doute,  est  grossi;  mais  en  • 
la  rapprochant  d'autres  esquisses  tracées  par  des  mains  plus  habiles, 
on  trouve  bien  des  points  de  ressemblance. 

Dans  une  lettre  fort  bien  tournée,  où  elle  raconte  à  une  de  ses 
amies  son  voyage  de  Paris  à  Rouen,  Mlle  de  Scudéry  peint  un  autre 
type  de  musicien,  celui  qui  n'a  pas  fait  fortune,  qui  ne  peut  aspirer, 
hélas!  au  «  bran-bralant  panache,  »  et  qui  revient  au  pays,  humble 
de  bourse,  sinon  de  voix  :  «  Quoique  plusieurs  personnes,  dit-elle, 
eussent  contribué  à  son  habillement,  il  ne  lui  en  était  pas  plus  pro- 
pre. Son  chapeau  ayant,  à  ce  que  je  crois,  été  autrefois  à  M.  de 
Saint-Rrisson,  lieutenant  de  police,  lui  était  trop  large  et  lui  tombait 
sur  le  nez.  Son  collet  ressemblait  assez  à  un  peignoir  ;  son  pourpoint 
était  à  grandes  basques,  et  ses  chausses  approchaient  fort  de  celles 
des  Suisses.  Enfin,  plus  d'un  siècle  et  plus  d'une  nation  avaient  eu 
part  à  cet  habit  extraordinaire.:.  Quoique  plus  incommode  par  sa 
voix  que  le  bruit  des  roues  du  coche,  il  voulait  toujours  chanter. 
Nous  en  sortîmes  fort  honorablement ,  c'est-à-dire  tambour  battant 
par  sa  voix.  » 

Les  grands  seigneurs  hantent  les  musiciens  et  les  comédiennes. 
C'est  le  bel  air  que  de  «  rauder  le  parterre  en  habit  de  Pantalon  ». 
Les  musiciens  vivent  sans  vergogne  aux  gages  des  grands  seigneurs. 
De  ces  relations  serviles  et  de  ces  fréquentations  hétéroclites  ré- 
sultent toutes  sortes  de  scènes  pitoyables.  Les  injures,  les  plaintes, 
les  hontes  bues,  les  vengeances,  les  familiarités  insultantes  vont  leur 
train  ;  le  bâton  des  laquais  a  beau  jeu,  et  un  soir,  certain  vicomte, 
assistant  à  la  représentation  d'une  pièce  dans  laquelle  deux  des  per- 
sonnages s'injurient,  crie  à  l'un  :  «  Ami,  tu  me  fais  pitié!  Donne 
seulement  à  ce  rustre  qui  t'insulte  quatre  pistoles  comme  j'ai  fait 
tantôt,  et  sur  ma  parole  tu  en  viendras  à  bout  !  » 

Gravement  compromise  et  même  arrêtée  dans  son  développement 
naturel  par  les  agitations  politiques  et  religieuses  qui,  depuis  les  Va- 
lois, bouleversèrent  la  France,  la  musique  est  bien  le  reflet  de  l'é- 
poque :  style  maniéré,  expression  diffuse,  langueur  prétentieuse, 
mièvreries  et  finesses,  avec  des  éclats  et  des  explosions  que  rien  n'ex- 
plique. La  musique  vocale  et  la  musique  instrumentale  se  mêlent  et 
se  confondent  ;  les  madrigaux,  les  chansons  à  boire,  tous  les  airs  sont 
écrits  pour  être  chantés  ou  joués  ad  libitum.  Le  chant  consiste  en 
une  mélopée  mesurée,  sorte  de  récitatif  envahi  par  l'appogiature, 
le  trille,  les  groupes,  auxquels  l'exécutant  ajoute  encore  les  brisés, 
les  flattés,  etc. ,  et  que  coupent  des  fragments  d'accompagnement  plus 
ou  moins  longs.  Les  duos  se  chantent  à  la  tierce  :  éternel  nocturne 
qui  berce,  mais  qui  endort  aussi!  Les  orchestres  sont  formés  de 
clavecins,  de  lyres  ou  grandes  violes  à  treize  cordes,  de  dessus  de 
viole,  de  harpes,  de  violons,  de  guitares,  orgues,  basses  de  viole, 
trombones,  flageolets,  cornets,  clairons,  trompettes  à  sourdine  et 
autres.  Pour  l'exécution  des  charivaris,  concertos  burlesques  fort  en 
vogue,  des  engins  spéciaux  renforcent,  comme  aujourd'hui,  l'or- 
chestre. Ce  sont,  entre  autres,  des  «  castagnettes,  des  fifres,  d<3s  sif- 
flets, des  musettes,  des  orgues  de  Perse,  de  petits  rossignols  de  terre 
pleins  d'eau,  et  des  saulnières  de  bois  que  les  musiciens  attachent 
à  leur  ceinture  et  sur  lesquelles  ils  battent  avec  des  baguettes  de 
tambour  et  font  des  fredons,  le  tout  extrêmement  joli  et  qui  donne 
beaucoup  de  plaisir  à  ceux  qui  sont  là.  »   O  musique  !  sublime  joie 


)>K  PARIS. 


259 


de  l'homme,  langue  amoureuse  et  universelle,  que  nous  sommes  éloi- 
gnés encore  des  jours  de  voire  complet  épanouissement,  et  que  votre 
essor  devra  être  puissant  et  hardi  pour  franchir  en  un  siècle  la  dis- 
tance énorme  qui  sépare  ces  «  petits  rossignols  de  terre  »  gazouillant 
à  voire  aurore,  des  conceptions  sublimes  de  Beethoven,  de  Mozart, 
de  Meyerbeer  et  de  Rossini,  vos  grammairiens  et  vos  poètes! 

Sous  l'influence  des  jésuites  et  des  orateriens,  ces  «  pères  au  beau 
chant  »,  la  musique  d'église  oublie  ses  traditions  palestriniennes.  Les 
messes  s'affublent  de  vaudevilles;  la  chanson  rit  dans  les  motets; 
le  pont-neuf  se  change  en  cantique.  On  renchérit  sur  les  tours  de 
force  de  Josquin  Desprée,  et  les  messes  ad  imilalionem  modulorum  : 
Amour  me  bat;  Baisez-moi;  A  l'ombre  d'un  buissonnet,  Dites-moi 
toutes  vos  pensées,  etc.,  sont  remplacées,  sans  souci  de  la  dignité  du 
culte,  par  d'autres  messes,  dont  l'étiquette  porte  :  J'ai  couru  tous 
ces  bocages;  Allons  à  Candie,  allons  !  Vides  vos  flacons;  Quand 
Madelon  va  seulette,  etc.  C'est  ainsi  que  Grégoire  de  Nazianze  et  les 
Pères  avaient  adapté  les  chants  lithurgiques  du  paganisme  aux  prières 
de  la  religion  nouvelle,  mais  avec  un  prétexte  qui  n'existe  plus  au 
xvii°  siècle.  Quelques  gens  de  goût  cependant  réagissent  contre  ces 
bouffonneries  scandaleuses.  Aux  Minimes  de  la  place  Royale,  au  cou- 
vent Sainte-Marie  de  Chaillot,  dans  d'autres  communautés  religieuses, 
ils  vont  entendre  de  bonne  musique  et  surtout  un  motet  du  «  bon- 
homme Formé  »,  le  nonne  Deo  subjecta  erit  anima,  'qui  passe  pour 
le  meilleur  du  temps.  Le  cardinal  de  Richelieu  lui-même  veut  le 
connaître.  La  musique  du  roi,  venue  exprès  à  Paris  de  Saint-Ger- 
main, l'exécute  deux  fois  de  suite  dans  la  chapelle  du  Palais-Royal. 
Enthousiasmé  —  ce  qui  ne  lui  arrivait  guère  —  le  cardinal  fait 
servir  aux  musiciens  un  dîner  magnifique  et  leur  donne  «  dix  mille 
livres  de  l'argent  du  roi,  par  ung  acquit  patent.  »  Plus  tard,  en  1664, 
on  racontait  l'anecdote  à  Louis  XIV;  et  le  grand  roi,  qui  n'aimait  pas 
moins  la  musique  que  son  père  et  que  Richelieu,  mais  qui  lui  pré- 
férait l'ordre  dans  les  finances,  répondait  de  son  plus  grand  air  : 
«  Cela  était  bien  aisé  dans  ce  temps-là,  mais  à  présent  cela  ne  se 
fait  plus.  » 

A  bien  observer  le  mouvement  musical  de  cette  époque,  on  se 
demande  à  quelle  impulsion  il  obéit;  à  sentir  passer  sur  toute  une 
société  ce  souffle  artistique,  on  cherche  le  foyer  vivifiant  qui  le  con- 
centre et  l'alimente.  Dans  les  arts,  quand  il  y  a  ensemble  et  cou- 
rant, c'est  qu'au  fond  il  y  a  quelqu'un,  un  seul  ou  un  petit  nombre 
qui  tient  la  main,  qui  contient  et  qui  dirige. 

Ce  chef  d'orchestre  qui  pendant  trente  ans  battit  la  mesure  à  la 
France  et  ne  s'occupa  que  de  cela,  confiant  le  soin  des  affaires  de 
l'Etat  et  des  siennes  à  la  glorieuse  tyrannie  patriotique  de  Richelieu, 
ce  musicien  si  profondément  attaché  à  son  art,  on  l'appelait  alors  : 
le  roi  Louis  treizième. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
{La  suite  prochainement.) 


LA  SENORA  ROSARIO  ZÂPATER 

ET 

TJN  AUTOGRAPHE  DE  MEYERBEER. 

Lorsque  la  mort  vint,  il  y  a  trois  mois  à  peine,  fermer  les  yeux  de 
l'illustre  génie  qui  éleva  l'art  à  des  hauteurs  inconnues  jusqu'à  lui, 
une  préoccupation  spontanée,  unique,  s'empara  de  tous  ceux  qui  sui- 
vaient de  loin  ou  de  près  ce  grand  deuil.  Que  deviendra  l'Africaine? 
Que  deviendront  ces  œuvres  échappées  chaque  jour  de  la  plume  du 
compositeur  infatigable  pour  qui  le  temps  n'avait  pas  de  limites  et 
qui  avait  fait  du  travail  la  condition  essentielle  de  sa  vie  ?  Hélas  !  si 
l'Africaine,  cet  objet  de  la  sollicitude  du  maître  à  ses  derniers  mo- 
ments et  de  l'attente  universelle,  devait  voir  le  jour,  tout  ce  qui 
existait  en  dehors  de  cette  dernière  œuvre  était  condamné  par  sa 


volonté  suprême  au  néant  du  silence  jusqu'au  jour  où  une  étincelle 
de  son  génie  musical  le  rallumant  chez  l'un  de  ses  petits-fils,  en  fe- 
rait le  digne  possesseur  de  ces  précieux  trésors  laissés  par  son  aïeul. 

Ce  ne  furent  pas  seulement  les  œuvres  publiées  du  grand  homme 
qui  reçurent  alors  une  nouvelle  valeur,  une  nouvelle  consécration, 
celle  de  la  postérité  ;  c'est  à  qui,  parmi  les  heureux  propriétaires  de 
témoignages  dus  à  l'estime  ou  à  l'amitié  de  Meyerbeer,  se  prit  à 
s'enorgueillir  de  ces  inestimables  autographes,  à  en  proclamer  les 
beautés  et  à  raconter  les  circonstances  dans  lesquelles  ils  avaient  été 
obtenus. 

Nous  n'avons  donc  pas  été  surpris  de  lire  tout  récemment  dans  un 
journal  de  Madrid,  la  Libertad,  les  détails  intéressants  qui  accom- 
pagnèrent le  don  fait  par  Meyerbeer,  deux  mois  avant  sa  mort,  d'une 
délicieuse  composition  à  une  jeune  Espagnole,  que  son  mérite  ren- 
dait d'ailleurs  parfaitement  digne  de  la  gracieuseté  du  maître,  et  qui 
n'est  pas,  au  reste,  une  inconnue  pour  les  lecteurs  de  la  Gazette 
musicale;  nous  voulons  parler  de  Mlle  Rosario  Zapater. 

Ils  se  rappelleront,  peut-être  en  effet  qu'un  jour  d'octobre  1861 
apparut  dans  le  salon  de  M.  Georges  Kastner,  membre  de  l'Institut, 
cette  jeune  fille  qui  comptait  à  peine  dix-sept  ans,  douée  par  la 
nature  d'une  voix  merveilleuse,  et  chez  laquelle  une  vocation  innée, 
irrésistible,  avait  déjà  développé  un  talent  qui  ne  se  rencontre  d'or- 
dinaire que  chez  des  cantatrices  éprouvées.  Les  suffrages  qu'elle 
obtint  d'un  auditoire  composé  de  sommités  musibales  et  artistiques 
ne  furent  considérés  par  elle  que  comme  un  encouragement  à  per- 
fectionner les  belles  qualités  dont  elle  venait  de  donner  une  preuve 
si  éclatante,  et  ce  fut  pour  elle,  si  haut  placée  pour  la  pratiquer,  que 
la  devise  :  Noblesse  oblige,  devint  une  vérité. 

Aujourd'hui  c'est  le  journal  la  Libertad  qui  se  charge  de  nous 
faire  connaître  les  progrès  accomplis  par  la  senora  Zapater. 

Nous  le  laisserons  donc  parler  : 

«  Tous  les  certes  musicaux  de  Madrid  connaissent  l'amateur  aussi 
noble  que  distinguée  qui  s'appelle  dona  Rosario  Zapater;  tous  ont  pu 
apprécier  sa  magnifique  voix  de  soprano,  et  de  plus  un  style  et  une 
méthode  qui  lui  donnent  rang  parmi  les  artistes  de  la  réputation  la 
mieux  établie. 

»  Ce  n'est  pas  seulement  à  Madrid  que  s'est  révélée  notre  jeune 
et  belle  compatriote.  Le  séjour  qu'elle  fit  à  Paris  avec  sa  famille 
il  y  a  quelques  années,  lui  valut  les  éloges  des  maîtres  de  l'art  et 
entre  autres  de  Rossini,  qui,  enthousiasmé  de  son  chant,  ajouta  eoe- 
pressément  pour  elle  aux  cavatines  du  Barbier  et  de  Sémiramis,  et  lui 
dédia,  des  ornements  dans  lesquels  on  ne  sait  qu'admirer  le  plus  ou  de 
la  difficulté  d'exécution  vaincue  ou  du  pur  style  rossinien  de  l'inter- 
prète. 

»  Mais  la  senora  Zapater,  artiste  de  cœur  et  de  foi,  ne  se  borne  pas 
à  cultiver  le  chant;  elle  s'est  depuis  longtemps  familiarisée  avec  la 
langue  du  Dante,  de  Pétraque,  de  l'Arioste  et  du  Tasse,  et,  inspirée  par 
les  vers  de  ces  admirables  poètes,  les  prenant  pour  modèles,  les  étu- 
diant sans  cesse  et  les  assimilant  à  son  génie  musical,  elle  marche 
sur  les  traces  de  Felice  Romani,  de  Piave  et  de  Camaranno,  et  comme 
eux  elle  écrit  des  livrets  italiens  dont  nous  ne  sommes  pas  autorisés  à 
divulguer  les  titres,  mais  que  quelques-unes  de  nos  célébrités  litté- 
raires ont  été  à  même,  d'apprécier,  et  qu'elles  ont  jugés  dignes  des  plus 
grands  éloges. 

»  Le  talent  de  la  senora  Zapater  avait  attiré  l'attention  de  l'auteur 
de  Robert  le  Diable  et  des  Huguenots,  et  il  s'était  engagé  à  composer 
un  morceau  pour  son  album,  mais  en  y  mettant  la  condition  qu'elle  lui 
fournirait  les  paroles  de  l'air,  qui  devait  d'ailleurs  lui  être  dédié. 

»  Meyerbeer  reçut  les  vers  de  notre  compatriote,  et  il  lui  échappa, 
après  les  avoir  lus,  des  paroles  aussi  sympathiques  au  talent  poétique 
de  celle  qui  les  avait  composés  que  flatteuses  pour  le  pays  qui  l'a 
vue  naître. 

•  Nous  serions  bien  ingrats  si,  à  notre  tour  et  comme  Espagnols, 
nous  ne  nous  montrions  pas  reconnaissants  envers  l'auteur  du  Pardon 
de  Ploërmel  de  sa  courtoisie;  et  quant  à  la  valeur  de  la  distinction  dont 
la  senora  Zapater  a  été  l'objet  de  la  part  du  compositeur  qui  a  écrit 
pour  elle  la  musique  de  l'air  :  Il  primo  amore  (c'est  le  titre  de  cette 
poésie),  on  la  comprendra  quand  on  se  rappellera  combien  Meyerbeer, 
surtout  dans  ces  derniers  temps  où  sa  santé  déclinait  déjà,  se  montrait 
sobre  de  libéralités  et  d'hommages  de  ce  genre. 

»  D'un  autre  côté,  pour  que  nos  lecteurs  puissent  juger  par  eux- 


260 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mêmes  du  mérite  des  vers  qui  ont  inspiré  Meyerbeer,  nous  les  trans- 
crivonsjen  entier  : 

II  primo  amore. 

«  Tu  m' ami'....  qualc  accento 
Ch'empie  il  cor  di  ventura. . .  di  contenlo.  » 

«  Ah!  mio  caro  or  che  vuà  Iddio 
Che  s'unisca  al  tuo  mio  core, 
Jo  t'el  dono  picn  d'amore 
D'innocenza  c  candor  pien. 

Palpilar  per  prima  volta 
Il  sentii ...  qui...  nel  mio  petto, 
In  quell'ora,  oh  mio  diletto  ! 
Ch'io  trovai  in  tè  mio  ben.  » 

Per  tè  fù  il  primier  sospiro 
Che  fuggi  all'amor  primiero, 
Fù  per  tè  il  primo  pensiero 
Che  V amore  mi  svelo. 

Ah!  quel  fuoco  che  nel  seno 
Nascondevasi  possente, 
A  te...  caro!  fede  ardente, 
Per  ognora  H  giuro. 


«  D'ignoii  spasimi, 
Di  sguardi  amanti, 
D'amor  gl'incanti 
Goclei  al  fin. 

Piacere  insolito, 
Senti  mio  petto, 
Di  puro  affetto, 
S'apri  il  cammin.  » 

«  Mio  cor  in  estasi, 
Resta  sospeso, 
D'amor  difeso 
Più  non  sarà. 

Non  pub  conoscere 
Tanto  gioire, 
Cor  che  sentir e 
L'amor  non  sa.  » 

»  Tel  est  le  texte  expressif  sur  lequel  la  plume  de  Meyerbeer  a  brodé 
l'une  des  plus  suaves  mélodies  qu'il  nous  ait  été  donné  d'entendre  ; 
tout  ce  que  nous  en  pourrions  dire  ne  serait  rien  en  comparaison  de 
l'effet  qu'elle  produit,  interprétée  par  la  senora  Rosario.  Il  y  règne 
un  sentiment  de  poésie  si  élevé  qu'on  la  dirait  composée  par  l'auteur 
sous  l'influence  du  beau  soleil  d'Espagne,  quand  il  brille  au  milieu  de 
l'azur  de  ce  ciel  qu'admirent  tant  tous  les  étrangers  qui  visitent  pour 
la  première  fois  notre  pays. 

»  Ajoutons  qu'en  envoyant  à  la  senora  Zapater  un  aussi  précieux 
autographe  (car  ce  morceau,  musique  et  paroles,  est  tout  entier  écrit 
de  la  main  de  Meyerbeer),  portant  en  toutes  lettres  qu'il  a  été  com- 
posé expressément  pour  notre  jeune  compatriote,  le  maître  a  poussé  la 
modestie  au  point  d'accompagner  son  œuvre  d'une  copie  faite  par  un 
calligraphe  «  ne  trouvant  pas  digne  que  l'auteur  de  pareils  vers  reçût 
un  brouillon  écrit  en  caractères  si  peu  intelligibles. 

>>  Or,  ces  caractères  sont  très-nets,  sans  aucune  rature,  et  certes  on 
ne  peut  donner  le  nom  de  brouillon  à  la  feuille  sur  laquelle  est 
tracé  :  Ce  précieux  joyau  désormais  incrusté  dans  la  couronne  artistique 
de  celle  qui,  ayant  à  peine  franchi  les  limites  de  l'extrême  jeunesse,  se  voit 
destinée  à  des  triomphes  dont  le  moindre  ne  sera  pas  celui  qui  porte  les  ap- 
plaudissements et  les  noms  de  Meyerbeer  et  de  Rossini. 

»  Quant  à  nous,  en  même  temps  que  nous  félicitons  la  senora  Ro- 
sario Zapater,  ne  devons-nous  pas  nous  enorgueillir  de  voir  que  des 
génies  qui  sont  la  gloire  du  monde  civilisé,  n'ont  pas  dédaigné  de  payer 
un  juste  tribut  d'éloges  et  de  sympathie  à  l'une  dos  filles  de  notre  Es- 
pagne, et  ne  devons-nous  pas  vivement  regretter,  comme  nous  le  disions 
dans  l'article  nécrologique  écrit  par   nous  sur  le  grand  homme,  que 


l'impitoyable  mort  ne  lui  ait  pas  permis  de  mettre  à  exécution  le  pro- 
jet qu'il  avait  formé  dans  les  derniers  moments  de  sa  vie,  de  profiter 
de  l'achèvement  des  chemins  de  fer  pour  visiter  Madrid  ,  Séville  et 
Barcelone.  J.  0.  » 

En  reproduisant  l'article  qui  précède,  nous  sommes  heureux  d'a- 
voir été  des  premiers  à  rendre  au  talent  de  Mlle  Zapater  la  justice 
qu'il  méritait,  et  d'avoir  pressenti  le  bel  avenir  qui  l'attendait.  Nous 
avons  appris  d'ailleurs  depuis  que  cet  article  a  été  imprimé,  que 
Mlle  Zapater  a  écrit  les  paroles  de  deux  opéras  italiens  :  Gli  amanti 
di  Terruel  et  Covengonda. 

Le  premier  a  été  mis  en  musique  par  un  compositeur  espagnol 
de  beaucoup  d'avenir,  don  Aguire.  Le  journal  la  Razon  de  Espana 
annonçait  même,  il  y  a  quelque  temps,  que  cet  opéra  serait  repré- 
senté à  Valence  l'hiver  prochain.  Le  sujet  en  est  fort  intéressant  et 
très-dramatique,  le  style  noble,  élevé.  L'auteur  des  paroles  y  a 
ménagé  des  situations  très-touchantes  et  très-propres  à  inspirer  le 
compositeur. 

On  dit  au  reste  que  Mlle  Rosario  Zapater  se  propose  de  faire  un 
voyage  en  Italie  et  de  passer  quelque  temps  à  Milan.  Espérons 
qu'elle  nous  reviendra  ensuite,  ne  fût-ce  que  pour  quelques  mois, 
et  que  le  public  parisien  connaîtra  par  elle-même  les  productions 
des  deux  illustres  maîtres  qui  ont  patronné  son  talent  et  surtout  II 
primo  amore,  le  Premier  amour,  qui  fut  comme  l'adieu  à  la  vie, 
comme  le  chant  du  cygne  de  Meyerbeer  ! 

LEO. 


MÉMOIRE  SUR  L'ORIGINE  DE  LÀ  MUSIQUE. 

(5*  et  dernier  article)  (1). 

Sous  Charlemagne,  à  la  fin  du  vme  siècle  ou  au  commencement 
du  ixe,  Leidrade,  archevêque  de  Lyon,  institua  des  écoles  où  les 
clercs  apprenaient  à  lire  les  évangiles  et  les  épîtres  (2)  ;  cela  ne  peut 
s'entendre  de  la  manière  d'épeler  et  d'assembler  les  syllabes,  mais 
bien  des  intonations,  de  l'espèce  de  mélopée  qu'on  devait  suivre  dans 
cette  lecture.  Eh  bien  !  ne  serait-ce  pas  là  aussi  un  reste  de  cet  accent 
latin,  issu  de  l'accent  grec,  remontant  même  encore  bien  plus  haut 
jusqu'à  l'accent  indou,  et  qui,  malgré  sa  dégénérescence,  était  encore 
si  musical  dans  la  langue  latine  qu'il  permettait  aux  orateurs  d'avoir 
auprès  d'eux,  pour  les  soutenir  par  moments,  un  joueur  d'instrument? 
J'ai  observé,  et  il  est  facile  de  remarquer  comme  je  l'ai  fait,  que, 
dans  la  récitation  notée  des  épîtres  et  des  évangiles,  lorsque  le  dia- 
cre ou  le  sous-diacre  débite  beaucoup  de  mots  sur  le  même  ton,  on 
peut  aisément  confondre  la  voix  musicale  avec  la  voix  simplement 
orale,  et  que  la  première  ne  reprend  sensiblement  son  caractère  que 
lorsque  le  son  vient  à  changer.  Ceci  et  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  sur 
le  récitatif  de  certains  opéras  italiens,  explique  peut-être  comment, 
chez  les  anciens,  on  pouvait  soutenir  par  intervalle,  au  moyen  d'un 
instrument  de  musique,  non-seulement  celui  qui  déclamait  des  vers, 
mais  aussi  l'orateur  à  la  tribune.  Je  n'ai  ni  la  science  ni  l'autorité 
nécessaire  pour  décider  ces  questions,  mais  je  les  rassemble,  je  les 
rapproche,  et  j'attends  de  leur  importance,  de  leur  propre  force 
qu'elles  fassent  jaillir  la  vérité. 

J'avais  écrit  ce  qui  précède,  lorsque  dans  mes  recherches  j'ai 
trouvé  la  notation  de  certaines  intonations  de  la  langue  siamoise 
qu'on  dit  être  analogues  à  des  intonations  de  l'ancien  chinois.  J'ai 
comparé  cette  notation  avec  celle  de  notre  récitation  psalmodique, 
avec  les  fragments  qui  nous  restent  de  la  musique  grecque,  dont 
quelques-uns  au  moins  ne  sont,  selon  toute   apparence,  qu'une  dé- 


(1)  Voir  le  n°  51  de  l'année  1863  et  les  n°"  4,  5  et  30. 

(2)  Cours  d'hist.  moi.,  par  M.  Guizot,  1828,  page  372.  Laborde,  Essai  sur  la 
musique,  t.  I",  page  110,  notes. 


DE  PARIS. 


261 


clamalion  notée,  enfin  avec  ce  qu'on  nous  dit  de  l'accentuation  sans- 
crite. On  pense  bien  que  je  n'ai  pas  trouvé  une  entière  identité  en- 
tre toutes  ces  récitations.  En  vérité,  il  serait  plus  que  surprenant' 
qu'à  travers  les  révolutions,  les  changements  des  empires,  les  croi- 
sements des  races,  l'accent  du  langage  se  fût  maintenu  intact  depuis 
deux  mille  ans  environ  avant  l'ère  chrétienne  jusqu'à  nos  jours.  Mais 
si  je  n'ai  pas  trouvé  entre  ces  récitations  l'identité  que  je  n'y  pou- 
vais chercher,  j'ai  reconnu  entre  elles  certains  points  de  contact 
qui  m'ont  frappé.  le  prie  d'observer  que,  dans  ce  qui  va  suivre,  je 
n'ai  pu  et  je  n'ai  dû  envisager  que  des  généralités  ;  cela  ressortait 
de  la  question  elle-même.  Dans  les  exemples  de  récitations  que  je 
viens  de  citer,  on  voit  ordinairement  la  voix  s'élever  au  commence- 
ment des  phrases  et  s'abaisser  lorsqu'elles  se  terminent.  Entre  ces 
deux  termes,  on  trouve  communément  un  assez  grand  nombre  de 
paroles  débitées  sur  un  ton  uniforme,  mélangé  par  intervalles  de 
quelques  sons  plus  graves  ou  plus  élevés.  Cet  accent  sanscrit  que 
précède,  nous  dit-on,  une  note  sourde,  peut-il  être  plus  fortement 
marqué  que  dans  certains  passages  des  fragments  de  musique  grecque 
qui  sont  arrivés  jusqu'à  nous  ?  Enfin,  il  est  une  formule  mélo- 
dique, très-courte,  se  composant  de  trois  notes  qui  semblent  s'en- 
rouler autour  de  la  note  qui  les  suit,  et  qui  se  retrouve,  sauf  peut- 
être  une  différence  dans  la  rapidité  du  mouvement,  qui  se  retrouve, 
dis-je,  plusieurs  fois  dans  la  notation  siamoise,  dans  les  fragments 
de  musique  grecque  et  dans  notre  récitation  psalmodique.  Chose  bien 
singulière,  cette  formule  mélodique  est  encore  employée  dans  notre 
musique  comme  ornement  du  chant,  sous  le  nom  de  petit  groupe, 
grupetto  (1). 

Je  parlais  tout  à  l'heure  de  paroles,  en  plus  ou  moins  grand  nom- 
bre, débitées  sur  un  ton  uniforme,  entremêlées  par  intervalles  de 
quelques  sons  plus  graves  ou  plus  élevés.  Cette  note  plus  souvent 
employée,  cette  note  dominante,  se  retrouve  également  dans  tous 
les  chants  de  l'Église;  elle  est  un  des  caractères  qui  servent  à  en  dé- 
terminer le  mode.  Ces  chants,  sous  plusieurs  rapports,  peuvent,  aussi 
bien  que  la  simple  psalmodie,  être  comparés  aux  fragments  que  nous 
possédons  de  la  musique  des  anciens  Grecs,  cependant  avec  cette 
différence,  bien  essentielle  il  est  vrai,  que  dans  nos  chants  religieux 
on  voit  la  mélodie  proprement  dite  se  dégager  davantage  des  for- 
mes seulement  accentuées,  et  s'acheminer  vers  ce  qu'elle  est  deve- 
nue depuis  dans  ses  plus  beaux  modèles.  Cette  dernière  observation 
et  le  fait  qui  y  donne  lieu  sont,  je  crois,  d'une  très-grande  impor- 
tance. 

Je  reviens  à  ce  que  je  disais  plus  haut  relativement  aux  points  de 
contact  très-remarquables  que  j'ai  signalés  entre  la  notation  siamoise 
déjà  citée,  l'accent  sanscrit,  les  morceaux  de  l'ancienne  musique 
grecque  qui  nous  restent  et  la  manière  dont  nous  récitons  musicale- 
ment nos  psaumes,  et  j'ajoute  qu'à  mon  avis,  toutes  ces  coïnciden- 
ces proviennent  de  ce  que — quelles  que  soient  les  révolutions  —  les 
générations  sont  toujours  filles  de  celles  qui  les  ont  précédées,  et  de 
ce  que  l'expression  des  sentiments  du  cœur  de  l'homme  est  une, 
qu'elle  porte  certains  caractères  qui  se  retrouvent  en  tous  lieux  et 
toujours,  parce  que  cette  expression  est  le  fruit  de  son  organisation, 
qu'elle  découle  de  sa  nature.  Les  formes  du  langage  peuvent  varier 
suivant  les  temps  et  les  peuples  ;  l'acccent  du  cœur,  le  cri  des  pas- 
sions, est  le  même  partout. 

J'ai  pensé  que  ces  rapprochements,  s'ils  ne  pouvaient  être  pré- 
sentés comme  des  preuves  incontestables  à  l'appui  de  mes  idées, 
prêteraient  au  moins  une  certaine  force  à  ce  que  je  n'ai  présenté  que 
sous  forme  de  conjecture. 


(1)  L'auteur  de  l'ouvrage  d'où  j'ai  extrait  les  intonations  siamoises  citées  plus 
haut,  a  si  bien  compris  que  la  formule  mélodique  dont  je  viens  de  parler  n'est 
autre  chose  que  notre  grupelto,  qu'il  s'est  servi  pour  l'indiquer  d'un  signe  sem- 
blable à  celui  que  nous  employons  pour  écrire  en  abrégé  cet  ornement  du  chant . 


Je  me  résume.  Les  langues  les  plus  anciennes,  et  elles  appartien- 
nent à  l'Asie,  étaient  très-fortement  accentuées.  Leur  accent  a  été 
dans  l'origine  essentiellement  musical.  Les  nuances  de  cet  accent, 
qui  déterminaient  la  signification  des  mots,  se  sont  multipliées  à 
mesure  que  de  nouvelles  sensations  se  produisaient,  que  les  idées 
se  développaient  et  que  le  langage  se  diversifiait.  Ces  nuances,  en 
se  multipliant,  se  sont  de  plus  en  plus  rapprochées  et  conséquem- 
ment  sont  devenues  moins  faciles  à  saisir.  Alors  on  sentit  le  besoin 
de  les  préciser  au  moyen  de  certains  instruments  de  musique.  De  là 
naquit  une  sorte  de  cantilènes  du  genre  de  celles  nommées  enhar- 
moniques et  qui  sont  attribuées  à  Olympe,  le  Mysien.  Mais  ces  mélo- 
pées, où  dominaient  les  intervalles  minimes,  dites  par  les  voix  seules 
et  à  raison  de  la  difficulté  de  leurs  intonations,  étaient  plutôt  orales 
ou  prosaïques  suivant  l'expression  d'un  auteur  grec  (1),  que  vérita- 
blement musicales;  elles  avaient  perdu  de  leur  première  simplicité 
de  vocalisation  et,  par  suite  ,  de  leur  antique  énergie.  Cependant 
l'instinct  du  chant  inné  chez  l'homme,  ce  besoin  de  mélodie  dans 
l'expression  de  ses  joies,  de  ses  amours,  de  ses  douleurs  même, 
qui  lui  est  inhérent  comme  celui  de  la  régularité  du  rhythme  dans 
ses  mouvements  habituels,  firent  plus  tard  écarter  des  nuances  d'in- 
tonation trop  difficiles  à  saisir,  et  firent  préférer  un  genre  plus  sim- 
ple, le  genre  diatonique,  d'où  naissent  des  mélodies  aux  contours 
plus  précis,  plus  arrêtés,  et  qui  domine  encore  dans  notre  musique 
actuelle.  Ainsi,  notre  art  musical,  aujourd'hui  si  puissamment  déve- 
loppé, trouve  son  origine,  son  germe  dans  le  premier  langage  de 
l'homme,  dans  l'expression  de  ses  premières  sensations,  comme  quel- 
ques traits  à  peine  saisissables  deviennent  sous  une  main  habile  le 
point  de  départ  de  l'œuvre  si  correctement  dessinée,  si  richement 
colorée,  si  expressive  du  grand  peintre.  Ce  premier  langage  de 
l'homme  fut,  disent  les  auteurs,  un  chant  perpétuel  de  l'âme;  notre 
musique  est  l'expression  vive,  animée  de  nos  affections  les  plus  dou- 
ces, les  plus  chères,  les  plus  profondes.  Le  Tout-Puissant,  en  nous 
créant  et  en  nous  gratifiant  du  don  de  la  parole,  n'a  pas  voulu  nous 
accorder  seulement  un  langage  sec,  aride,  mais  il  nous  a  donné  la 
faculté  de  peindre  pour  ainsi  dire  par  nos  accents,  tout  ce  qui  tou- 
che, émeut  notre  cœur.  Si  les  oiseaux,  si  tous  les  animaux  ont  un 
chant,  tout  au  moins  un  cri  pour  faire  connaître  leur  joie,  leur  ter- 
reur, pour  célébrer  la  saison  de  leurs  matérielles  amours,  l'homme  qui 
a  été  formé  à  l'image  divine,  qui  a  reçu  au  front  une  émanation  du 
souffle  créateur,  auquel  a  été  fait  le  don  heureux  et  malheureux 
d'une  exquise  sensibilité ,  en  un  mot,  qui  est  né  de  la  parole,  du 
verbe  de  Dieu,  ne  pouvait  être  privé  d'un  langage  riche,  animé,  co- 
loré, pour  rendre  ses  sensations,  pour  exprimer  au  divin  ouvrier  sa 
profonde  reconnaissance,  et  pour  chanter  solennellement  sa  gloire  et 
sa  toute-puissance. 

D.  BEAULIEU. 


NOUVELLES. 

J'i  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  Giselle  et  deux  actes 
du  Trouvère;  S.  M.  le  roi  des  Belges  assistait  à  la  représentation. — 
Mercredi,  les  Huguenots  ont  vu  reparaître  Faure,  toujours  admirable  dans 
le  rôle  de  Nevers. —  Vendredi,  on  a  joué  le  Comte  Ory  et  le  ballet  de 
Nemea. 

*%  Pendant  la  représentation  à  laquelle  il  a  assisté  à  l'Opéra,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  S.  M.  le  roi  des  Belges  a  fait  appeler  M.  Auber 
et  s'est  entretenu  avec  lui  avec  beaucoup  de  cordialité.  Le  roi  des 
Belges  connaît  M.  Auber  et  le  tient  en  très-haute  estime.  Il  lui  a  déjà 
témoigné  à  plusieurs  reprises  le  grand  cas  qu'il  fait  de  son  caractère 
et  de  son  talent. 

***  A  l'occasion  de  la  fête  du  la  août,  des  représentations  gratuites 
seront  données  sur  tous  les  théâtres  encore  ouverts  à  Paris.  La  repré- 
sentation de  l'Opéra  se  composera  de  Guillaume  Tell,  d'un   pas  dansé 


(1)  M.  Vincent,  manus.  grec,  page  22. 


262 


REVLE  BT  GAZETTE  MUSICALE 


par  Mlle  Mouravieff  et  d'une  cantate  dont  M.  L.  Ilalévy  a  écrit  les  pa- 
roles et  SI.  Duprato  composé  la  musique. 

,**  La  direction  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  espère  tou- 
jours voir  ses  travaux  de  réparation  terminés  pour  le  23.  L'intérieur 
de  la  salle  recevra,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  une  décoration  complète- 
ment neuve  et  trf  -riche.  On  substitue  la  couleur  rouge,  comme  étant 
décidément  la  plus  avantageuse  aux  toilettes  des  femmes,  à  la  couleur 
verte  qui  tapissait  le  fond  des  loges. —  Outre  les  ouvrages  à  l'étude  dont 
nous  avons  donné  la  note  dernièrement,  on  doit  mettre  en  répétition 
au  mois  de  septembre  un  nouvel  opéra  de  MM.  T.  Sauvage  et  Semet, 
qui  a  pour  titre  Pulcinella.  Enfin  nous  savons  que  M.  de  Leuven  s'oc- 
cupe de  nous  rendre  l'Etoile  du  Nord  et  le  Pardon  de  Ploérmel. 

***  La  direction  du  théâtre  Lyrique  impérial  s'occupe  avec  une 
grande  activité  des  préparatifs  de  sa  saison  prochaine,  dont  la  réou- 
verture se  fera  le  1CT  septembre,  très-probablement,  par  la  Reine  Topaze. 
Peu  de  temps  après  viendra  Martha,  dont  les  études  sont  fort  avancées, 
et  l'Alcade;  Mlle  Nielson  débutera  ensuite  dans  la  Tramata,  et  il  est 
question  d'un  ouvrage  nouveau  que  M.  Victor  Massé  écrirait  pour 
Mme  Carvalho,  laquelle  se  repose  en  ce  moment  à  Dieppe  après  avoir 
si  brillamment  clos  la  saison  de  Covent-Garden  à  Londres  par  l'Etoile 
du  Nord. 

*%  On  annonce  l'engagement  de  Mme  Talvo-Bedogni  au  théâtre  im- 
périal italien. 

*%  Il  est  question,  au  théâtre  du  Vaudeville,  de  profiter  de  la  liberté 
des  théâtres  pour  y  représenter  le  Devin  du  village.  L'opéra  de  J.-J.  Rous- 
seau serait  orchestrée  entièrement  à  nouveau  par  M.  Jules  Cadaux,  et 
interprété  par  trois  élèves  du  Conservatoire,  lauréats  du  dernier  con- 
cours, MM.  Troy  et  Roy,  et  Mlle  Laporte. 

»*„Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des  théâ- 
tres secondaires,  concerts,  spectacles  concerts,  etc.,  se  sont  élevées, 
pendant  le  mois  de  juillet,  à  795,743  fr.  08  c. 

***  S.  Exe.  le  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  vient  d'adresser 
à  M.  H.  Berlioz  la  lettre  qui  suit  : 

«  Paris,  12  août  1864. 
»  Monsieur, 

»  L'Empereur  vient  de  vous  nommer  officier  de  la  Légion  d'honneur. 
C'est  avec  un  véritable  plaisir  que  j'annonce  cette  nouvelle  à  l'intelli- 
gent compositeur  et  au  savant  critique  qui  a  tant  fait  pour  l'art  mu- 
sical. 

»  Signé:  Maréchal  Vaillant.  » 

«*„  De  grandes  fêtes  auront  lieu  à  Versailles  pour  l'arrivée  du  roi 
d'Espagne.  On  y  représentera,  entre  autres,  le  divertissement  de  Psyché, 
avec  une  mise  en  scène  qui  rappellera  celle  du  temps  de  Louis  XIV,  et 
l'addition  d'un  ballet  nouveau  par  les  artistes  de  l'Opéra.  L'intermède 
de  danse  sera  complété  par  le  pas  de  Giselle  que  dansera  Mlle  Moura- 
vieff  au  troisième  acte,  et  par  le  ballet  des  saisons  emprunté  aux  Vê- 
pres siciliennes.  La  salle  sera  éclairée  par  1,200  becs  de  gaz  et  2,000 
bougies. 

,%  M.  Jaime  fils,  auteur  des  paroles  de  plusieurs  opérettes,  annonce 
dans  une  lettre  adressée  aux  journaux,  qu'il  entreprend  à  l'aide  de  ca- 
pitaux anglais  la  construction,  sur  le  boulevard  de  Belleville,  d'un  théâ- 
tre qui  contiendra  trois  mille  places,  et  où  seront  représentés  les  chefs- 
d'œuvre  du  théâtre  anglais  ancien  et  moderne.  Il  ne  serait  dérogé  à  ce 
programme  qu'une  fois  chaque  année  au  15  août.  Ce  jour-là  M.  Jaime 
ferait  représenter  un  drame  français  en  trois  ou  cinq  actes  d'un  auteur 
complètement  inconnu,  et  paierait  sur  les  recettes  15  0/0  de  droit 
d'auteur. 

**»  Le  directeur  du  nouveau  théâtre  Saint-Germain  s'occupe  avec  une 
activité  croissante  de  l'ouverture  prochaine  de  sa  salle,  qui  reste  fixée 
au  15  septembre.  Au  nombre  des  artistes  qu'il  a  engagés  récemment 
on  cite  M.  Laglaize,  ténor  qui  s'est  fait  une  réputation  à  Florence; 
Mlle  Mezerai  et  M.  Albert  Julien,  tous  deux  fort  applaudis  au  théâtre 
de  Bruxelles;  Marchand,  des  Bouffes-Parisiens,  et  Falchieri,  baryton 
qu'on  a  entendu  récemment  à  la  Porte-Saint-Martin  dans  le  Barbier. 

„%  Roger  et  Mlle  Wertheimber  sont  engagés  pour  chanter  au  pro- 
chain festival  de  Troyes. 

„*„  Dimanche  dernier  une  grande  fête  orphéonique  a  eu  lieu  à  Pan- 
tin. Cinquante-huit  sociétés  s'y  étaient  rendues.  Les  prix  consistaient 
en  nombreuses  médailles  d'or  et  en  une  couronne,  également  d'or, 
d'une  valeur  de  £00  francs,  donnée  par  la  commune  ;  elle  a  été  ga- 
gnée par  la  Société  de  l'Odéon. 

*%  Adelina  Patti  est  en  ce  moment  à  Boulogne-sur-Mer,  où  elle  res- 
tera jusqu'au  jour  du  festival  de  Birmingham.  Sa  sœur  Carlo tta  a  quitté 
cette  résidence  pour  retourner  à  Londres.  Leur  frère  Carlo  Patti,  qui 
était  à  Paris  ces  jours-ci,  est  parti  pour  Bruxelles,  où  il  va  perfection- 
ner ses  études  dans  l'art  du  violon,  sous  la  direction  et  avec  les  leçons 
de  Léonard. 

*%  Le  président  de  la  Société  philharmonique  de  Boulogne  sur-Mer 
était  à  Paris  ces  jours-ci  pour  compléter  le  personnel  du  concert  ex- 
traordinaire que  la  Société  organise  pour  le  24  août;  ce  concert  sur- 


passera en  éclat  tous  ceux  qu'elle  a  donnés  jusqu'à  ce  jour.  Le  ténor 
Baragli  et  Adelina  Patti  doivent  y  chanter  le  duo  de  Don  Pasquale,  et 
la  jeune  et  célèbre  cantatrice  dira  en  outre  l'air  final  de  l'Etoile  du 
Nord  avec  les  deux  flûtes  obligées,  et  le  rondo  de  la  Sonnambula. 

***  Franz  Liszt  vient  d'envoyer  100  ducats  à  la  Société  de  secours 
pour  les  artistes  hongrois,  et  il  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  d'en 
faire  partie. 

„**  L'auteur  de  la  Péri,  Vittor  Pisani,  est  à  Paris  où  il  vient  de  ter- 
miner la  musique  d'un  opéra  nouveau  en  quatre  actes  :  Rebecca, ,  dont 
le  poëte  Piave  a  écrit  les  paroles. 

a,**  Le  Petit  traité  d'instrumentation  à  l'usage  des  jeunes  compositeurs, 
de  M.  A.  Ehvart,  a  paru  cette  semaine.  Nous  rendrons  compte  de  cet 
ouvrage  de  l'auteur  du  Manuel  des  aspirants  aux  grades  de  chefs  de  mu- 
sique de  l'armée. 

3%  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  la  souscription  organisée  à  Dijon 
pour  élever  un  monument  à  Rameau.  Le  conseil  général  de  la  Côte- 
d'Or  a  voté  dernièrement  une  somme  de  1,000  francs  pour  cette  hono- 
rable entreprise;  MAI.  Auber,  Georges  Kastner,  membres  de  l'Institut, 
ont  voulu  être  des  premiers  à  souscrire,  et  le  comité  a  tout  lieu  de 
compter  sur  l'appui  du  ministère  d'Etat.  Tous  ceux  qui  cultivent  l'art 
musical  voudront  prendre  part  à  cet  hommage  rendu  au  grand  musi- 
cien français.— Le  trésorier  général  de  l'œuvre  est  M.  Bry-d'Arcy,  ins- 
pecteur des  forêts,  rue  Chabot-Charny,  26,  à  Dijon,  et  la  souscription 
est  ouverte  chez  MM.  Retté  et  C"  (magasin  Brandus),  103,  rue  de 
Richelieu. 

,*«  L'Académie  impériale  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de 
Rouen  vient  de  nommer  président  pour  l'année  académique  1864-1865, 
M.  Amédée  Mereaux,  et  pour  son  vice-président,  M.  Auguste  Lévy.  Ces 
choix  ont  reçu  l'approbation  générale.  L'Académie  met  au  concours 
divers  prix  pour  les  années  1865-66  et  67.  Le  sujet  de  ce  dernier  est  : 
«  Les  origines  du  théâtre  à  Rouen  et  son  histoire  jusqu'à  Pierre  Cor- 
neille. »  Elle  décerne,  en  outre,  chaque  année,  des  médailles  aux  au- 
teurs nés  ou  domiciliés  en  Normandie  qui  se  sont  distingués  dans  les 
sciences,  les  lettres  et  les  arts. 

»%.  Louis  Engel,  réminent  professeur  d'harmonium  de  Londres,  est  à 
Paris  ;  il  va  s'y  reposer  quelques  instants  de  ses  travaux  de  la  saison. 
On  se  rappelle  que  tout  récemment  Louis  Engel  a  été  accueilli  avec  la 
plus  grande  faveur  par  les  cours  de  Madrid  et  de  Vienne.  Parmi  ses 
dernières  compositions,  on  cite  un  charmant  morceau  de  chant,  Irène, 
interprété  de  la  façon  la  plus  remarquable  par  Mme  Sainton-Dolby,  et 
dont  le  succès  a  été  si  grand  qu'en  cinq  semaines  le  premier  tirage  a 
été  épuisé;  une  seconde  édition  du  même  morceau  en  deux  tons  diffé- 
rents a  été  publiée  de  suite. 

„*,,  Tamberlick  est  arrivé  à  Madrid.  Poliuto  sera  sa  pièce  de  début  au 
théâtre  Rossini;  après  quoi  il  chantera  Otello.  Une  représentation  du 
chef-d'œuvre  de  Rossini  venait  d'avoir  lieu  avec  Mongini,  Vidal  et 
Mme  Spezzia.  Le  succès  avait  été  grand. 

***  La  troupe  du  théâtre  italien  de  Nice  pour  la  prochaine  saison  est 
à  peu  près  complète.  Voici  les  noms  des  artistes  engagés  :  ténors,  Vil- 
lani  et  Cantoni;  barytons,  Capelli  et  Rota;  première  basse,  Segri  Se- 
garra;  basse  comique,  Ronconi  ;  soprani,  Mmes  Judith  Beltramelli,  Be- 
nedittina  Grosso,  Mersan-Ferruggi  ;  contralti,  Mmes  Olympia  Beltramelli 
et  Emilia  Grossi;  comprimarii,  MM.  Angiolini  et  Grossi,  Mme  Angiolini. 

#%  Nous  avons  donné  dernièrement  quelques  détails  sur  Deauville, 
la  ville  nouvelle  qui  s'élève  comme  par  enchantement  en  face  de  Trou- 
ville,  et  qui  semble  destinée  à  devenir  pour  la  France  ce  que  sont 
Brighton  ou  Cheltenham  pour  l'Angleterre.  On  nous  écrit  que  depuis 
trois  jours  une  foule  nombreuse  y  arrive  pour  les  courses  qui  doivent 
inaugurer  définitivement  aujourd'hui  dimanche  la  nouvelle  plage,  et 
que  la  fête  sera  des  plus  brillantes.  La  part  de  la  bienfaisance  y  sera 
largement  faite  par  un  magnifique  bal  donné  au  bénéfice  des  pauvres 
sous  le  patronage  de  Mmes  de  Morny,  de  Metternich,  de  Barbantane, 
Dalloz,  miss  Oliffe,  etc.  En  même  temps  sera  inauguré  le  Casino,  com- 
plètement terminé,  et  qui  recevra  Desgranges  et  son  vaillant  orchestre. 
Déjà,  depuis  une  dizaine  de  jours  on  avait  pu  le  voir  à  l'œuvre  dans 
les  jardins  et  sur  la  terrasse  qui  regarde  la  plage,  et  chaque  concert 
attirait  en  grand  nombre  les  gracieuses  habitantes  non-seulement  de 
Deauville,  mais  aussi  les  jolies  baigneuses  de  Trouville.  L'auditoire  re- 
trouvait dans  le  répertoire  varié  et  choisi  de  Desgranges  ses  airs  fa- 
voris, et  applaudissait  chaleureusement  à  l'ensemble  et  à  l'entrain  avec 
lequel  ils  étaient  rendus.  Il  est  vrai  que  l'habile  chef  d'orchestre  a  été 
fort  heureux  dans  la  réunion  de  son  personnel  qui  compte  d'excellents 
artistes:  aussi  a-t-il  reçu  à  maintes  reprises  les  compliments  de  Félicien 
David  qui,  pendant  les  quelques  jours  qu'il  a  passés  à  Trouville,  se 
montrait  un  de  ses  auditeurs  les  plus  assidus. 

„*»  On  nous  écrit  d'Ems  :  «  Après  le  grand  succès  d'Offenbach,  il  y 
a  encore  eu  place  pour  celui  très-franc  et  très-légitime  de  l'opéra  de 
MM.  Deforges  et  Laurencin,  dont  M.  L.  Deffès  a  composé  la  musique. 
La  Boite  à  surprises,  tel  en  est  le  titre,  est  une  pièce  très-amusante  dans 
laquelle  se  succèdent  des  aventures  impossibles,  et  qui  provoquent  le 
rire  depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin.  M.  Deffès,  dans  le  Café  du  roi 


DE  PARIS. 


263 


et  les  Bourguignonnes,  qui  n'ont  pas  été  moins  applaudis  à  Paris  qu'ici, 
n'a  pas  mis  moins  de  talent  dans  sa  nouvelle  œuvre  que  dans  ses  aî- 
nées. La  musique  de  la  Boite  à  surprises  est  très-originale,  vive  et  sur- 
tout mélodique.  Comme  cet  opéra  sera  certainement  représenté  cet 
hiver  a  Parts,  je  n'entrerai  pas  dans  l'analyse  de  la  partition,  mais  je 
vous  dirai  qu'une  ronde  provençale  très-colorée,  un  trio  dans  lequel  se 
trouve  urm  jolie  phrase  :  Oui,  c'est  là  tout  h  mystère,  l'air  de  basse  de 
Guyot,  les  couplets  à  deux  voix  :  L'avez-vous  vue?  le  rondo  :  Une  femme 
que  l'on  emballe,  et  enfin,  le  quintette  final,  sont  des  morceaux  de  tout 
point  fort  bien  réussis  et  qui  ont  provoqué  des  applaudissements  uni- 
versels. Ajoutons  qu'ils  ont  été  chantés  délicieusement  par  Mlle  Taffa- 
nel,  MM.  Désiré,  Guyot  et  Pelva.  —  Mardi  nous  en  aurons  la  deuxième 
représentation,  et  samedi,  pour  la  clôture  de  la  saison  théâtrale,  le 
public  a  demandé  avec  instances  Lischen  et  Fritschen  et  M.  Choufleury 
restera  chez  lui.  » 

***  On  nous  écrit  de  Bade  que  la  Fleur  de  lotus,  opéra  de  M.  Jules 
Barbier  et  Prosper  Pascal,  vient  d'y  être  représenté  avec  succès  par 
Mme  Faure-Lefèvre,  Jourdan,  Sainte-Foy  et  Jules  Petit.  M.  Pascal  a 
soutenu,  sinon  surpassé,  dans  cette  nouvelle  œuvre,  la  réputation  qu'il 
s'était  faite  avec  le  Cabaret  des  amours,  et  l'on  a  remarqué  et  fort  lé- 
gitimement applaudi  l'air  de  Mme  Faure,  celui  de  Jourdan,  leur  grand 
duo,  les  couplets  de  Sainte-Foy  et  le  grand  air  de  Jules  Petit,  qui  con- 
tiennent des  mélodies  originales  et  dont  l'harmonie  est  traitée  avec  un 
grand  soin  et  beaucoup  de  science. — On  avait  donné  quelquos  jours  avant 
le  Déserteur  et  Joconde.  Raynal,  Legrand,  Mlle  Tillemont,  Mlle  Henrion, 
Sainte-Foy,  M.  Jules  Petit,  Mlle  Giraldine,  Mme  Numa  Blanc,  Mme  Faure- 
Lefebvre,  celle-ci  surtout,  et  en  premier  lieu,  ont  été  les  interprètes 
applaudis  de  ces  deux  anciens  chefs-d'œuvre.  —  Dimanche  dernier  la 
première  représentation  d'un  opéra-comique  en  un  acte  :  le  Rouet,  par- 
tition de  Mme  la  vicomtesse  de  Grandval,  a  été  accueillie  très-favora- 
blement. 

**i  Le  plus  grand  attrait  que  Paris  offrira  cette  année  aux  étrangers 
et  aux  touristes  qui  viendront  le  visiter,  sera  sans  contredit  la  grande 
fête  nationale  et  militaire  qui  aura  lieu  au  pré  Catelan  aujourd'hui  di- 
manche l 'i  août.  Pour  rehausser  l'éclat  de  cette  importante  solennité, 
Son  Exe.  le  maréchal  Magnan  a  daigné  accorder  le  concours  des  mu- 
siques du  premier  corps  d'armée.  Ce  sera  un  de  ces  spectacles  merveilleux 
que  vainement  on  demanderait  aux  autres  capitales  de  l'Europe  et  que 
seul  le  baron  Taylor  pouvait  organiser.  Réunies  au  remarquable  or- 
chestre de  symphonie  que  dirige  avec  un  Valent  aussi  solide  que  dis- 
tingué M.  Forestier,  l'un  de  nos  grands  artistes,  les  musiques  militaires 
formeront  une  harmonieuse  phalange  qui  ne  comptera  pas  moins  de 
mille  exécutants.  Pour  couronner  ce  festival  donné  au  bénéfice  de 
l'Association  des  artistes  musiciens,  les  musiques  de  la  ligne,  ayant  à 
leur  tête  tous  les  tambours  et  clairons  sous  les  ordres  d'un  tambour- 
major  en  grande  tenue,  et  flanquées  par  les  fanfares  des  chasseurs  à 
pied,  exécuteront,  en  suivant  les  allées  sinueuses  de  l'immense  pelouse 
du  pré  Catelan,  une  nouvelle  retraite  de  la  ligne,  spécialement  com- 
posée pour  cette  fête  nationale. 

„**  Demain  lundi,  jour  de  la  fête  de  l'Empereur,  un  grand  concert 
extraordinaire  sera  donné  au  concert  des  Champs-Elysées.  La  première 
partie  du  concert  aura  lieu  de  7  heures  1/2  à  8  heures  1/2,  avant  le  feu 
d'artifice,  et  la  deuxième  partie  se  jouera  de  9  heures  1/2  a  10  heures  1/2. 
Les  personnes  qui  craignent  les  grandes  foules  qu'engendrent  toujours 
les  fêtes  publiques,  trouveront  chez  M.  de  Besselièvre  un  abri  sûr,  frais 
et  agréable.  Le  programme  du  concert  sera  un  des  plus  beaux  de  la 
saison. 

***  Une  nouvelle  qui  paraît  malheureusement  se  confirmer,  s'est  ré- 
pandue depuis  quelques  jours.  Le  critique  musical  de  la  Revue  des  Deux 
Mondes,  M.  Scudo,  serait  atteint  d'une  affection  cérébrale  fort  grave. 
Les  amis  de  M.  Scudo  avaient  remarqué  chez  lui,  dans  ces  derniers 
temps,  une  certaine  exaltation  qui  frappait  tout  le  monde  et  qui  leur 
donnait  de  l'inquiétude. 

***  Luigi  Marchionni,  frère  de  la  célèbre  comédienne  Carlotta  Mar- 
chionni,  et  qui  fut  lui-même  un  acteur  distingué,  vient  de  mourir  à 
Naples.  Il  a  traduit  un  grand  nombre  de  pièces  françaises,  et  il  était 
l'auteur  des  livrets  de  Belisario  et  de  YEsule  di  Roma,  dont  la  musique 
a  été  composée  par  Donizetti. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


„.*„.  Bordeaux.  —  L'annonce  de  la  reprise  des  représentations  d'opéra 
a  ramené  le  public  au  Grand-Théâtre.  Il  y  avait  foule  aux  Dragons  de 
Villars.  Mlle  Lacombe,  qui,  quelques  années  auparavant,  y  avait  créé 
avec  tant  de  succès  le  rôle  de  Rose  Friquet,  y  reparaissait.  Elle  n'y  a 
pas  été  moins  applaudie  que  dans   l'origine;  on  l'a  rappelée  avec  ac- 


clamation à  !a  fin  de  la  pièce,  et  le  charmant  opéra  de  Maillard  a  fait 
le  plus  graud  plaisir.  —  Pvous  avons  toujours  les  Bouffes-Parisiens  de 
Paris;  ils  ont  donné  en  dernier  lieu,  avec  un  succès  de  fou  rire,  les 
Deux  vieilles  gardes,  et  successivement  les  Petits  Prodiges,  la  Chanson  de 
Fortunio,  le  Mari  à  la  porte  et  la  Chatte  métamorphosée  en  femme. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


**„,  Londres.  —  On  annonce  pour  le  commencement  d'octobre  l'inau- 
guration de  l'opéra  anglais  au  théâtre  de  Covent-Garden  ;  il  est  question 
d'y  représenter  le  Prophète  de  Meyerbeer,  traduit  en  anglais.  —  M.  Ma- 
pleson  entreprend  avec  les  principaux  artistes  qui  ont  brillé  pendant  la 
saison  passée  à  son  théâtre,  une  tournée  en  province,  où  il  fera  repré- 
senter plusieurs  ouvrages  de  son  répertoire.  —  M.  Mellon,  dont  les 
concerts  ont  commencé,  a  engagé,  outre  Mlle  Patti,  Marie  Krebs  (1)  et 
M.  Lévy,  un  artiste  oriental,  Ali  Ben  Soualle,  qui  se  fera  entendre  sur 
un  nouvel  instrument  nommé  le  turcophone.  —  Arban  est  également 
engagé,  ainsi  que  le  violoniste  Carolus,  le  violoncelle  Paque,  etc.,  etc. 
—  Quoique  l'offre  de  «  testimonial  »  ou  témoignages  de  satisfaction  et 
d'estime  envers  les  artistes  dégénère  depuis  quelque  temps  en  manie  à 
Londres,  on  ne  peut  cependant  qu'approuver  cet  usage  quand  il  s'ap- 
plique à  des  hommes  qui  en  sont  vraiment  dignes  par  leur  talent  et  leur 
réputation.  Aussi  a-t-on  accueilli  avec  la  plus  grande  faveur  le  projet 
formé  par  les  nombreux  élèves  de  Benedict  d'ouvrir  pour  l'année  pro- 
chaine —  la  treizième  de  son  séjour  à  Londres  —  une  grande  souscrip- 
tion dont  le  produit  sera  consacré  à  lui  présenter  un  «  testimonial  » 
auquel  personne  n'a  plus  de  droits  que  lui  et  comme  grand  compositeur 
et  comme  gentleman. 

t*#  Mayenee.:  —  Mme  Viard-Louis  (veuve  du  compositeur  et  violo- 
niste JN.  Louis)  vient  de  donner  un  concert  où,  notamment  dans  l'exé- 
cution des  morceaux  de  musique  classique,  elle  a  obtenu  un  succès 
très-mérité. 

„,**  Stuttgart.  —  Pendant  l'année  théâtrale,  interrompue  par  la  clô- 
ture de  l'Opéra  de  la  cour  à  la  mort  du  roi  de  "Wurtemberg,  on  a 
donné  204  représentations,  parmi  lesquelles  figurent  85  opéras.  Les 
compositeurs  français  y  comptent  pour  10  ouvrages,  dont  4  d'Auber, 
1  d'Adam,  dTlalévy,  de  Mehul,  de  Boiëldieu,  de  Gretry  et  de  Gounod. 
Les  compositeurs  allemands  s'y  sont  trouvés  partagés  ainsi  :  Meyer- 
beer, U  ouvrages,  Mozart,  3;  Weber,  3;  Gluck,  1;  Nicolai  1,  et  de  Flo- 
tow,  2. 

„,**  Kreuznach.  —  Notre  saison  des  eaux  est  fort  animée  cette  année. 
A  défaut  d'un  théâtre  et  de  salle  de  jeu,  ce  sont  les  concerts  qui  at- 
tirent la  nombreuse  société  réunie  ici.  Le  violoniste  Auer,  dont  le  ta- 
lent a  été  si  apprécié  à  Paris  ;  le  chanteur  Th.  Formés  ,  le  pianiste 
Tausch,  et  Max  Wolff,  violoniste  de  mérite,  ont  surtout  le  ;privilége 
d'attirer  la  foule.  Les  frères  Wieniawski  sont  attendus.  Mme  Clauss- 
Szarvady  est  arrivée,  et  l'on  regrette  généralement  qu'on  n'ait  pas  en- 
core eu  l'occasion  d'applaudir  la  célèbre  pianiste. 

a**  Berlin.  —  Mlle  Santer  a  débuté  avec  succès  dans  le  rôle  de  Rezia 
à'Oberon,  qui  a  inauguré  les  représentations  lyriques  à  la  réouverture 
de  l'Opéra  royal. 

a**  Vienne.  —  Le  ténor  Wachtel  a  fait  sa  rentrée  dans  la  Muette  de 
Porliei  d'une  façon  fort  malheureuse  pour  lui.  Pris  tout  à  coup  d'un 
enrouement  très-violent,  il  a  dû  interrompre  son  rôle  au  commence- 
ment du  troisième  acte,  et  la  représentation  n'a  pu  finir. 


(1)  Dans  notre  dernier  article  Londres,  son  nom,  par  suite  d'une  faute  d'im- 
pression, a  été  écrit  :  Marie  Krils. 


Le  Directeur  :  S.  DUFOUK. 


En  vente  chez  J.  TRESSE,  galerie  de  Chartres,  2  et  5,  Palais-Royal. 


MEYERBEER 

Notes  biographiques 
Par   ARTHUR   POUGIN 

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264 


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Première  flûte  à  l'Académie  impériale  de  musique,  membre  de  la  Société  des  concerts  et  de  la  musique  de  l'Empereur. 


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*  & 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des   Guides   et   des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc.  /fiS^ 

Tout  les  instrument!  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    ^, 
le  numéro  d'ordre  de  l'intfrument  et  le  poinçon  ci-après  :  |£\*\/ 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Saxophone 
alto  BD   bémol. 


Extraits  des  «apports  des  jurys  internationaux  des  Expositions  universelles  de   1851,  1855 
et  1862,  relatifs  anx  Saxophones  (BREVET  DE  184G). 

m Parmi   les   inventeurs   d'instruments  de    musique,  la  plus   haute   distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  (Exposit.  4851.) 

«  Famille   complète   des   Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  joue  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 
habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  au  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  "famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme?  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions- tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès;  celui-ci,  au  contraire,  e<<t  né  d'hier;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  a  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  (Exposit.  4855.) 

m  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jurv  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  juslesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  (Exposit.  IS62.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 

Saxophone  soprano,  «OO  fr.—  Sasojilione  ténor,  «<SS  fr.—  Saxophone  alto,  ««5  fr.  —  Saxophone  baryton,  «5©  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 

l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 

pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


PAB1S.  —  I.UPBIUEBIE  CE5TBAIE  DE  NAPOIÉON  CHA1X  ET  Cc,  BUE  BEBGEBE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


W  54. 


21  Août  1801 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Déporlements  et  à  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Librairet 

et  ûui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  T.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  «       id. 

Étranger •  ■  ■    34  m       id. 

le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


ET 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Représentation  de  gala  à  l'Opéra  le  18  août  1864.  —  La  musi- 
que à  la  cour  et  à  la  ville,  sous  le  règne  de  Louis  XIII  (2e  article),  par  Ma- 
thieu de  Monter.  —  Audition  d'orgue  et  de  chant  donnée  par  M.  et  Mme 
Lemmens,  par  Louis  Roger,  —  Revue  critique.  —  Revue  des  théâtres, 
par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


REPRÉSENTATION  DE  GALA  A  L'OPÉRA 

Le  18  août  1SG4. 

La  représentation  de  gala  que  l'Empereur  vient  d'offrir  au  roi 
d'Espagne  comptera  dans  les  fastes  de  l'Académie  impériale  de  mu- 
sique et  de  danse.  Vers  huit  heures  une  foule  empressée  attendait  le 
passage  de  Leurs  Majestés,  dont  le  parcours  n'a  été  qu'une  longue 
ovation.  Les  abords  de  la  rue  le  Peletier  étaient  illuminés  et  avaient 
conservé  leurs  drapeaux  comme  si  Paris  eût  été  jaloux  de  s'associer 
à  la  courtoise  hospitalité  de  l'Empereur  envers  un  hôte  auguste. 
L'Opéra  ruisselant  de  lumières  attendait  ses  illustres  visiteurs,  qui 
sont  arrivés  à  9  heures  moins  quelques  minutes. 

En  même  temps  que  Leurs  Majestés  descendaient  de  voiture,  le 
personnel  diplomatique  en  grand  uniforme  montait  derrière  Elles  les 
marches  de  l'Opéra,  et  l'effet  de  ce  cortège  était  merveilleux. 

Leurs  Majestés,  reçues  à  l'entrée  ordinaire  par  M.  Perrin,  direc- 
teur de  l'Opéra,  et  par  M.  Gulliet,  secrétaire  de  l'administration,  ont 
traversé,  entre  deux  haies  de  fleurs,  le  péristyle  converti  en  vérita- 
ble jardin,  et  ont  gagné,  par  l'escalier  de  droite,  jonché  de  bouquets 
à  chaque  extrémité  des  marches,  la  loge  qui  avait  été  spécialement 
construite  pour  Elles  au  milieu  de  l'amphithéâtre.  Six  rangs  de  lo- 
ges et  plusieurs  rangs  de  stalles  avaient  dû  être  sacrifiés;  mais  l'in- 
novation avait  été  si  habile,  qu'il  semblait  que  la  loge  impériale  eût 
toujours  existé  à  cette  place,  et  les  cris  de  Vive  l'Empereur!  allaient 
plus  largement  à  leur  adresse. 

Tous  les  regards  se  tournaient  vers  cette  loge  qui,  faite  d'un  dais 
de  velours  rouge  orné  de  crépines  d'or,  était  vraiment  resplendis- 
sante. Sa  Majesté  Catholique  était  placée  entre  l'Empereur,  qui  avait 


à  sa  gauche  la  princesse  Mathilde,  et  l'Impératrice,  qui  avait  à  sa 
droite  le  prince  Murât.  L'Empereur  portait  le  collier  de  la  Toison- 
d'Or,  et  le  roi  d'Espagne  le  grand  cordon  de  la  Légion  d'honneur. 

L'Impératrice,  superbement  coiffée  d'un  diadème  de  pierreries, 
était  éblouissante  de  grâce  et  de  beauté.  Derrière  ces  augustes  per- 
sonnages se  trouvaient  les  grands  officiers  de  service.  Au-devant  de 
la  loge  impériale  étaient  les  personnes  de  la  maison  de  l'Empereur 
et  de  la  maison  du  roi  d'Espagne. 

La  loge  impériale  ordinaire  était  occupée  par  la  famille  particu- 
lière de  l'Empereur  ;  on  y  admirait  la  comtesse  Rudpoli  et  les  prin- 
cesses de  Canino,  adorablement  jolies. 

Le  personnel  diplomatique  étincelait  dans  le  rang  de  loges  à 
droite  de  Leurs  Majestés,  les  ministres  et  les  grands  officiers,  non  de 
service,  constellaient  les  loges  de  gauche  ;  l'orchestre  avait  été  ré- 
servé aux  sénateurs  et  aux  députés.  L'éclat  des  uniformes  était  tel 
qu'il  eût  fait  pâlir,  en  toute  autre  circonstance,  la  toilette  des  dames; 
elles  avaient  heureusement  des  diamants  pour  se  défendre.  Mme  la 
princesse  de  Metternich,  seule  _  de  femme  dans  la  loge  des  chefs  de 
mission,  attirait  tous  les  regards.  Mme  la  duchesse  de  Morny,  Mme 
la  duchesse  de  Fernan-Nunez,  Mme  de  Pourtalès,  et  bien  d'autres 
grands  noms  de  beauté,  complétaient  cette  féerie  des  yeux. 

Des  lustres  chargés  de  bougies  rehaussaient  l'éclairage  ordinaire  de 
l'Opéra  ;  le  foyer  avait  été  coupé  en  deux,  de  façon  à  faire  un  sa- 
lon de  repos  pour  Leurs  Majestés  ;  des  deux  côtés  de  la  loge  impé- 
riale et  des  deux  côtés  de  la  scène  se  tenaient  deux  cent-gardes, 
dont  le  magnifique  uniforme  s'harmonisait  avec  toutes  ces  somp- 
tuosités. 

On  jouait  le  ballet  de  Néméa.  Leurs  Majestés  ont  souvent  daigné 
donner  le  signal  des  applaudissements.  Vers  11  heures  cette  impo- 
sante représentation  était  terminée  ,  et  Leurs  Majestés  retrouvaient 
au  départ  les  acclamations  respectueiues  et  sympathiques  qui  les 
avaient  accueillies  à  l'arrivée. 


266 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


LA  MUSIQUE  A  LA  COUR  ET  A  LA  VILLE, 

Sons  le  règne  de  Louis  XIII. 

(2e  article)  (1). 
II. 

J'ai  vu  à  Fontainebleau  un  portrait  de  Louis  XIII,  par  Philippe  de 
Champagne.  Ce  portrait  fut  peint  dans  les  dernières  années  de  la  vie 
du  roi,  ruiné,  exterminé  par  celte  médecine  implacable  du  temps 
qui,  en  s'acharnant  à  chasser  les  humeurs,  chassait  la  vie.  Pour  con- 
clure de  la  physionomie  au  caractère,  l'histoire,  depuis  M.  Bazin 
jusqu'à  M.  Michelet,  s'est  beaucoup  trop  attachée  à  cette  peinture  : 
longue  figure  brune  et  sèche ,  aux  moustaches  noires  et  minces, 
qui  n'a  rien  d'Henri  IV,  rien  de  Marie  de  Médicis,  mais  qui  a  tout 
d'un  Orsini,  disaient  les  Espagnols,  ou  d'un  prince  italien  de  la  dé- 
cadence. Adressez-vous  aux  contemporains,  consultez  leur  témoi- 
gnage, celui  de  Jean  Hérouard  entre  autres,  médecin  du  roi,  et  qui 
a  noté  sa  vie  heure  par  heure,  rapprochez  ces  renseignements  au- 
thentiques, et  au  lieu  de  cet  étrange  et  mystérieux  souverain  que  la 
fatalité  semble  marquer  au  front,  vous  vous  trouverez  en  présence 
d'un  prince  né  pour  la  retraite  plutôt  que  pour  le  trône,  et  n'ayant 
qu'une  pensée  dominante,  et  cela  depuis  sa  plus  tendre  enfance  jus- 
qu'à l'heure  de  sa  mort  :  —  composer  de  la  musique,  faire  de  la 
musique,  entendre  de  la  musique.  Ce  point  admis,  voici  que  tout  se 
tient,  tout  se  coordonne,  tout  s'explique  dans  cette  nature  si  diver- 
sement interprétée.  Que  l'histoire  ait  assigné  d'autres  raisons  à  l'in- 
dolence ou  à  l'incapacité  gouvernementale  de  Louis  XIII,  je  le  com- 
prends :  sa  majesté  l'enchaîne  au  rivage  politique.  L'histoire  musi- 
cale elle,  n'a  pas  de  ces  scrupules;  elle  ne  saurait  se  borner  à 
dresser,  comme  sa  grande  sœur,  la  nomenclature  des  ballets  écrits, 
réglés  et  dansés  par  le  roi,  des  chansons  ou  des  airs  composés  par 
lui  et  dont  quelques-uns  se  retrouvent  dans  les  œuvres  du  P.  Mer- 
senne  et  de  Kircher,  et  dans  des  collections  particulières. 

Louis  naît  au  mois  de  septembre  1601  «  sous  le  signe  de  la  Ba- 
lance ,  qui  comporte  la  notion  de  justesse  et  <f  harmonie.  »  L'astro- 
logie judiciaire,  très  en  faveur  à  la  cour,  commente  cet  horoscope, 
et  —  admirez  un  peu  la  coïncidence  !  —  l'enfant  royal ,  qui  sera 
musicien,  est  baptisé  Louis  le  Juste,  par  les  devins  et  par  les  sages 
du  Louvre ,  bien  avant  que  Richelieu  ne  trouve  dans  l'affaire  du 
gouverneur  de  Fougères  l'occasion  précieuse  d'imposer  ce  surnom 
au  peuple,  qui  commence  déjà  à  dire  ;  Louis  le  Bègue. 

A  neuf  ans,  il  vient  à  la  couronne.  Beau,  bien  fait ,  très-réfléchi 
déjà  «  en  ce  temps-là,  —  nous  dit  Bassompierre,  —  il  passait  tout 
son  temps  à  chanter  et  à  jouer  des  instruments,  à  quoi  il  réussissait 
fort  bien.  »  Mme  de  Motteville,  en  plusieurs  endroits  de  ses  mémoi- 
res, revient  «  sur  la  grande  adresse  et  le  talent  particulier  que  le  roi 
avait  pour  la  musique.  »  A  seize  ans,  ses  goûts  n'avaient  pas  changé, 
et  Bassompierre  dit  encore  :  «  Un  jour  que  je  le  louais  de  ce  que 
n'ayant  jamais  été  montré  à  chanter  et  à  jouer  de  tous  les  instru- 
ments, il  y  réussissait  mieux  que  les  autres,  il  me  dit  :  «  Il  faudra 
>  que  j'apprenne  encore  à  jouer  du  cor  de  chasse,  et  je  veux  être 
s  tout  un  jour  à  sonner.  » 

Le  soir,  quand  ses  lecteurs  lui  lisent  les  vieilles  chroniques,  il 
écoute  d'un  air  distrait  et  ennuyé  ;  mais  qu'il  s'agisse  de  David,  de 
Charlemagne  ou  d'un  roi  dont  les  loisirs  aient  été  consacrés  à  la  mu- 
sique, et  son  attention  se  réveille.  Robert  II  qui,  revêtu  de  ses  ha- 
bits royaux,  couronne  en  tête,  quittait  les  camps  pour  venir  diriger 
le  chœur  aux  matines  de  l'abbaye  de  Saict-Denis,  et  qui  notait  des 
proses,  des  antiphones  et  des  hymnes;  Jacques  d'Ecosse,  le  plus  ha- 

(1)  Voir  le  n°  33. 


bile  virtuose  de  son  temps  ;  Maximilien  d'Allemagne  qui  touchait  des 
orgues  ;  Thibaut,  comte  de  Champagne,  Robert  d'Anjou,  roi  de  Naples, 
et  René  d'Anjou,  roi  de  Sicile,  Abdérame  Ier,  calife  de  Cordoue, 
Henri  III,  tous  ces  amis  du  «  gay  sçavoir,  »  ;  Charles  IX  qui  chantait 
au  lutrin  et  protégeait  les  chantres,  voilà  les  souverains  qu'il  chérit 
et  dont  la  renommée  l'attire .  Rêveur,  taciturne,  faisant  de  son  talent 
le  Pylade  métaphysique  et  imaginaire  d'un  Oreste  vivant  et  ténébreux, 
il  sait  sourire  cependant  lorsqu'on  lui  rapporte  que  son  père  Henri  IV 
chantait  de  sa  belle  voix  de  basse,  en  traversant  les  galeries  du  Lou- 
vre, et  que  sa  tante  avait  appris  le  pas  d'un  ballet  au  grave  Sully 
lui-même.  Rien  de  cela  ne  lui  échappe.  Bien  plus  tard,  lorsqu'il  lui 
prendra  la  fantaisie  de  faire  figurer  douze  conseillers  au  Parlement 
dans  un  ballet  de  sa  composition,  et  que  le  marquis  de  Rosny  ne  ju- 
gera pas  de  sa  dignité  de  gentilhomme  de  danser  avec  des  «robins,  » 
et  déclinera  l'invitation,  le  roi  s'en  plaindra  à  Sully,  son  père,  en  lui 
rappelant  le  trait  de  la  sœur  d'Henri  IV.  «  Mon  fils  a  des  enfants,  ré- 
pondra Sully  ;  il  n'est  plus  d'âge  à  prendre  rôle  dans  une  mascarade.  » 
Et  le  roi  :  «  Je  vois  bien  que  vous  voulez  faire  de  mon  ballet  une 
affaire  d'Etat.  —  Non  pas,  répliquera  l'ancien  surintendant,  tout  au 
contraire;  je  tiens  les  affaires  d'Etat  de  Votre  Majesté  pour  des  ballets 
et  de  la  musique.  »  Le  coup  était  dur  et  bien  de  ceux  qu'aimait  à  dé- 
tacher le  vieux  misanthrope.  Il  avait  touché  juste,  et  le  roi  se  tut. 

Le  25  novembre  1615,  Louis  et  l'infante  d'Espagne  reçurent  la 
bénédiction  nuptiale  dans  la  cathédrale  de  Bordeaux.  La  pompe  de 
la  cérémonie,  la  majesté  de  l'assemblée,  les  grâces  naissantes  de  sa 
femme,  l'imprévu,  la  nouveauté  de  la  situation  impressionnent-elles  le 
jeune  roi  ?  Il  n'est  remué,  il  n'est  vivement  touché  que  par  les  chants, 
l'harmonie  des  orgues  et  le  concert  des  instruments.  «  La  belle  mu- 
sique !  »  Il  ne  dit  pas  autre  chose  à  ceux  qui  l'entourent  et  qui  l'as- 
sistent. 

Le  roi  revient  à  Saint-Germain  :  c'est  pour  danser  la  première  fois 
dans  un  ballet  de  Mauduit  et  de  Boësset.  Quelque  temps  durant,  il 
semble  ne  plus  songer  à  la  musique.  Il  apprend  tour  à  tour,  et  avec 
une  merveilleuse  promptitude,  à  faire  toutes  sortes  de  métiers, 
hormis  à  régner  sur  la  France.  Un  jour  il  est  arquebusier,  le  lende- 
main canonnier,  peintre  ou  menuisier:  au  débotté  des  chasses,  il 
rase  ses  veneurs,  il  écrit  de  petits  articles  —  les  communiqués  du 
temps  —  pour  la  Gazette  de  France,  il  fabrique  des  jetons,  des  filets 
de  pêche,  des  pralines  ou  bien  il  larde  des  longes  de  veau.  Talle- 
mant  des  Réaux  et  les  autres  en  font  des  gorges  chaudes.  Et  la  bonne 
de  Motteville  d'ajouter  finement  ;  «  Il  faisait  mille  choses  auxquelles 
les  esprits  mélancoliques  ont  coutume  de  s'adonner.  »  Mais,  un  beau 
jour,  tout  change.  «  Le  chapeau  sur  les  yeux,  la  main  dans  les 
chausses,  sifflant  toujours,  il  se  promène  sous  les  ombrages  de  Saint- 
Maur  ou  de  Monceaux.  Il  rêvait  de  plus  belle  à  ses  airs  —  continue 
de  la  Porte,  le  valet  de  chambre  de  la  reine-mère  —  le  vendredi 
surtout,  qui,  prétendait-il,  avait  toujours  été  son  jour  heureux. 
(  Voilà  bien  une  superstition  d'artiste  !)  Quand  il  était  malade,  ou  que 
le  temps  l'empêchait  de  sortir,  il  y  rêvait  encore  dans  sa  grande 
chaise  à  la  romaine,  où  l'on  peut  se  coucher  tout  de  son  long,  et 
où  bien  souvent  il  faisait,  le  soir,  de  longs  sommeils.  » 

Le  roi  mettait  alors  en  musique  des  poésies  d'Anacréon,  des  vers 
de  Charles  d'Orléans,  de  Baïf,  de  Montignac,  de  Miron,  de 
Mlle  d'Hautefort,  du  jeune  Benserade,  et  aussi  des  psaumes  et  des 
motets.  L'abbé  de  Boisrobert,  «  ce  premier  chansonnier  de  France,  » 
collaborait  avec  Louis  XIII.  Il  chansonnait  les  amours  du  roi,  et  le 
roi  faisait  chorus.  Il  chansonnait  les  mousquetaires  «  avec  leurs  noms 
béarnais  du  pays  de  M.  de  Tréville,  qui  sont  noms  à  tuer  chiens  », 
et  le  roi  trouvait  la  chose  admirable.  Avec  son  occupation  favorite, 
ses  humeurs  noires  se  dissipaient,  comme  nuées  d'orage  au  souffle 
d'un  vent  frais.  Mieux  que  la  médecine,  la  musique  le  guérissait.  11 
eut  ainsi  une  périede  de  gaieté  :  moment  rapide,  lueur  passagère! 


DR  PARIS. 


267 


Aux  grandes  dames  qui  venaient  lui  demander  des  grâces,  il  ima- 
ginait de  faire  danser  des  «  courantes  ».  Par  l'intermédiaire  d'un 
M.  de  Bourdonné,  de  Dreux,  il  demandait  à  M.  Godeau,  depuis 
évêque.  de  Grasse,  d'écrire  les  vers  de  son  ballet  de  prédilection, 
la  Chasse  aux  merles.  M.  Godeau  en  est  encore  à  les  faire!  Deux  de 
ses  musiciens,  inexacts  ou  malhabiles,  auxquels  il  avait  rogné  les 
appointements,  allaient  au  petit  coucher,  sur  l'avis  de  Marais,  le 
bouffon,  danser  une  mascarade  à  demi  habillés.  —  «  Que  veut  dire 
cela?  demandait  le  roi.  —  C'est,  Sire,  que  gens  qui  n'ont  que  la 
moitié  de  leur  salaire  ne  s'habillent  aussi  qu'à  moitié.  »  Le  roi  en 
riait  et  les  reprenait  à  son  service.  L'après-dînée,  quand  on  dansait 
un  ballet  du  duc  de  Nemours  ou  du  comte  d'Agli,  du  cardinal  de 
Savoie  ou  des  RR.  PP.  jésuites,  —  car  tout  le  monde  s'en  mêiait  — 
il  ne  représentait  que  les  personnages  comiques.  Après  que  la  reine 
Aune,  qui  aimait  beaucoup  la  danse  et  qui  dansait  fort  bien  «  avait 
couru  la  Boccane  »,  le  roi  reproduisait  ses  poses  et  ses  gestes,  «  de 
manière  à  dérider  les  plus  graves  ». 

«  L'on  avait  règlement  trois  fois  par  semaine,  —  écrit  Mlle  de 
Montpensier,  —  le  divertissement  de  la  musique,  que  celle  de  la 
chambre  du  roi  venait  donner,  et  la  plupart  des  airs  qu'on  y  chantait 
étaient  de  sa  composition;  il  en  faisait  même  les  paroles.  »  Ce  qui  est 
pour  un  compositeur  —  soit  dit  en  passant  et  sans  rancune  —  le 
vrai  moyen  d'avoir  un  livret  à  sa  guise!  Avec  Tallemant,  nous  entrons 
dans  l'intimité  de  ces  petits  concerLs  :  «  Sur  la  fin  de  la  soirée  on 
chanta  des  airs  du  roi.  Le  Pailleur,  pour  faire  sa  cour,  dit  à  demi 
haut  :  «  Ah!  que  ce  dernier  air  mériterait  bien  d'être  chanté  encore 
une  fois!  »  Le  roi  dit  :  «  On  trouve  cet  air  là  beau,  recommençons- 
le  !  «On  le  chanta  encore  quatre  fois.  Le  roi  battait  la  mesure.  » 

«  Un  autre  soir  —  c'est  Tallemant  qui  parle  —  le  roi  proposa  de 
former  une  symphonie,  depuis  les  plus  bas  instruments  jusqu'aux 
trompettes,  et  il  décida  qu'il  n'y  entrerait  personne  qui  ne  sût  la  mu- 
sique. »  Former  une  symphonie  !  n'y  faire  entrer  que  des  musi- 
ciens! Que  veut  dire  Tallemant?  Le  roi  n'a-t-il  pas  sous  la  surinten- 
dance de  Boërset  de  Villedieu,  et  sous  la  direction  de  Vincent,  de  le 
Bailly,  de  Guedron,  de  Justice,  de  Moulinier,  de  l'abbé  de  l'Auroy, 
une  musique  de  chapelle  et  une  musique  de  chambre,  fonctionnant 
régulièrement,  et  qui  se  recrutent  parmi  les  artistes  les  plus  renom- 
més de  l'époque?  Ce  corps  de  musique,  —  Mlle  de  Montpensier  vient 
de  nous  l'apprendre,  —  ne  donne-t-il  pas  règlement  des  concerts 
chez  le  roi?  Sans  doute,  mais  la  pensée  de  Louis  XIII,  depuis  long- 
temps caressée,  est  de  former,  en  dehors  de  sa  musique  ordinaire, 
une  sorte  de  société  philharmonique  composée  des  grands  seigneurs 
et  des  grandes  dames  retenus  à  la  cour  par  les  devoirs  de  leur  charge. 
Ou  les  paroles  du  roi  que  Tallemant  rapporte  ont  trait  à  la  réalisation 
de  ce  projet,  où  elles  ne  présentent  aucun  sens.  Le  roi,  en  effet, 
n'eût  pas  posé  cette  condition  formelle  «  de  savoir  la  musique  »  s'il 
ne  se  fût  pas  agi  d'autres  personnes  que  celles  qui  formaient  la  cha- 
pelle et  la  chambre.  Ce  que  désire  surtout  Louis  XIII,  c'est  de  pou- 
voir diriger  lui-même  cet  orchestre  aristocratique,  et  de  l'avoir  cons- 
tamment à  sa  disposition  pour  l'exécution  de  ses  œuvres,  sans  apparat, 
néanmoins,  sans  caractère  permanent,  et  dans  un  heureux  et  facile 
courant  d'intimité.  Cette  pensée,  il  la  met  en  pratique  le  soir  même 
où  il  la  formule.  Tallemant  nous  montre  à  l'orchestre,  et  faisant  leur 
partie  «  en  pourpoint  de  velours  et  collets  de  point  de  Venise  à  la 
féminine,  le  maréchal  de  Schomberg,  les  ducs  de  Nemours  et  de 
Mortemart,  »  le  roi  lui-même  «  qui  bat  la  mesure,  »  réformant  ainsi, 
dans  l'intérêt  de  son  projet,  la  tradition  et  l'étiquette. 

Voilà  donc  le  sujet  des  sombres  méditations  de  Saint-Maur  et  du 
Louvre,  pour  lesquelles  l'histoire  n'a  pas  eu  assez  de  commentaires 
sinistres  !  Plus  nous  allons,  en  vérité,  et  plus  la  mort  de  Sully  semble 
résumer  exactement  le  caractère  et  la  biographie  de  ce  conspira- 


teur...  philharmonique  :  «  Les  ballets  et  la  musique  sont  les  affaires 
d'Etat  de  Votre  Majesté  !  » 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
(La  mile  prochainement.) 


ADDITION  D'ORGUE  ET  DE  CHANT 

Donnée  par  II.  et  Mme  LEHHESS. 

Il  y  a  quelques  mois,  —  c'était  pendant  la  semaine  sainte,  — 
M.  Lemmens,  professeur  d'orgue  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  se 
faisait  entendre  dans  une  séance  toute  spéciale  à  laquelle  assislait 
Meyerbeer.  Le  maître  immortel,  à  qui  nous  devons  tant  de  chefs- 
d'œuvre,  avait  entendu  parler  de  Mme  Lemmens-Sherrington  et  de 
la  réputation  qu'elle  s'est  faite  en  Angleterre  comme  cantatrice.  Il 
avait  manifesté  le  désir  de  l'entendre,  et  c'était  pour  l'époque  actuelle 
qu'elle  devait  à  cet  effet  se  rendre  à  Paris.  Malheureusement  le  grand 
homme  n'était  plus  là  pour  apprécier  son  talent  et  lui  confier  peut- 
être  l'interprétation  d'une  de  ses  glorieuses  conceptions. 

M.  et  Mme  Lemmens  se  sont  nonobstant  fait  entendre  dimanche 
dernier  dans  le  grand  atelier  de  M.  Cavaillé-Coll,  facteur  d'orgues, 
rue  de  Vaugirard.  Bien  que  la  saison  ne  soit  pas  favorable  à  une 
audition  musicale,  les  deux  artistes  ont  trouvé  à  Paris  d'assez  bons 
juges  pour  ne  pas  avoir  à  regretter  les  deux  heures  qu'ils  ont  bien 
voulu  leur  consacrer.  Parmi  les  personnes  qui  composaient  l'auditoire, 
on  remarquait  MM.  Ambroise  Thomas,  Louis  Lacombe,  Pasdeloup, 
Denne-Baron,  Neukomm,  le  frère  du  célèbre  chevalier  de  ce  nom,  et 
beaucoup  d'amateurs  de  distinction. 

Le  programme  de  la  séance  était  composé  de  morceaux  courts, 
parfaitement  choisis  et  de  différents  styles. 

M.  Lemmens,  dont  le  talent  sur  l'harmonium  ne  s'était  pas  encore 
révélé  à  Paris,  vient  d'y  sanctionner  sa  réputation.  Il  a  joué  un 
Nocturne  en  si  bémol  mineur,  un  morceau  intitulé  Souvenir  du  châ- 
teau de  Bierbais,  une  Invocation  et  une  Romance  sans  paroles.  Ces 
quatre  morceaux  font  partie  d'un  recueil  qui  sera  publié  prochaine- 
ment. Ils  sont  conçus  dans  une  donnée  toute  nouvelle.  M.  Lemmens 
se  dispense  de  tirer  les  registres  aussi  fréquemment  qu'on  le  fait 
d'ordinaire.  C'est  dans  la  soufflerie ,  dans  l'expression  et  dans  la 
percussion  qu'il  va  chercher  ses  effets.  Disons  qu'ils  sont  si  habile- 
ment préparés  qu'on  croirait  que  l'organiste  varie  sans  cesse  l'emploi 
des  jeux.  D'un  autre  côté,  il  fait  le  meilleur  usage  de  la  percussion 
et  obtient,  grâce  à  elle,  des  accompagnements  d'une  grande  légèreté, 
et  une  multitude  de  petites  notes  détachées  qu'il  serait  à  peu  près 
impossible  de  tirer  des  anches  libres. 

M.  Lemmens  joue  d'ailleurs  avec  un  sentiment  exquis  ;  son  jeu 
pur,  correct,  lié,  délicat,  savamment  nuancé,  n'a  nul  besoin  de  re- 
courir sans  cesse  au  vibrato,  et  ses  compositions  sont  appropriées 
avec  beaucoup  d'art  à  l'orgue  expressif. 

M.  Lemmens  s'est  mis  ensuite  au  grand  orgue  commandé  par  le 
marquis  de  Lamberty,  et  qui  depuis  plusieurs  mois  fait  l'admiration 
des  artistes  et  des  amateurs  amenés  par  le  hasard  dans  les  ateliers 
de  M.  Cavaillé-Coll. 

Dès  les  premiers  accords  frappés  par  l'éminent  artiste,  nous  avons 
retrouvé  ce  beau  style,  celte  forme  raisonnablement  sévère,  toujours 
favorable  à  l'expansion  et  au  développement  des  idées,  mélange 
heureux  de  la  scolastique  d'outre-Rhin  et  des  élégances  de  l'art 
français. 

Après  chaque  morceau  ,  des  applaudissements,  qui  s'adressaient 
au  pompeux  instrument  et  à  l'artiste  qui  le  maniait  si  vaillamment, 
ont  traduit  à  plusieurs  reprises  les  émotions  de  l'auditoire. 


268 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Mme  Lemmens-Sherrington  a  alterné  pendant  la  séance  avec  son 
mari.  C'était  la  première  fois  qu'elle  chantait  devant  le  public  pari- 
sien. Le  bruit  de  ses  succès  à  Londres  l'avait  devancée. 

Mais  dès  le  premier  morceau,  un  air  de  Haendel,  l'allégro  d'il 
Pensieroso,  Mme  Lemmens  s'était  concilié  toutes  les  sympathies  de 
ses  auditeurs.  Nous  avons  applaudi  une  belle  et  sympathique  voix, 
parfaitement  égale  dans  tous  les  registres,  sonore  et  fraîche,  vibrante 
parfois  comme  un  clairon,  douce  et  pénétrante  comme  une  flûte. 
Depuis  longtemps  nous  n'avions  entendu  un  trille  aussi  bien  conduit. 
Mme  Lemmens  en  dirige  les  battements  avec  une  rare  habileté;  elle 
les  presse  ou  les  ralentit,  augmente  ou  diminue  l'intensité  des  sons 
avec  une  sûreté  qui  n'a  rien  de  mécanique,  et  qui  laisse  la  voix  en 
pleine  possession  d'elle-même.  Nous  avons  retrouvé  les  mêmes  qua- 
lités dans  les  variations  de  Rhode  et  dans  M  Ave  Maria,  de  Cheru- 
bini,  chantés  avec  un  sentiment,  un  charme  et  une  grâce  auxquels, 
la  veille,  Rossini,  dans  son  salon,  où  M.  et  Mme  Lemmens  s'étaient 
fait  entendre,  s'était  plu  à  rendre  une  justice  éclatante  devant  la 
foule  de  notabilités  qui  s'y  trouvait  réunie. 

C'est  donc  un  grand  succès  que  Mme  Lemmens  vient  de  rempor- 
ter, et  qui  nous  ferait  vivement  désirer  de  la  voir  prendre  sur  un 
de  nos  théâtres  lyriques  une  place  qui  nous  donnerait  deux  talents  à 
la  fois  :    celui  d'une    brillante  cantatrice  et  celui  d'un  organiste  de 

premier  ordre. 

Louis  ROGER. 


REVUE  CRITIQUE. 

A,  Batla.  —  Fantaisie  sur  Robert   le    Diable  pour   violoncelle,  avec 
accompagnement  d'orchestre  ou  de  piano. 

11  serait  difficile  de  compter  toutes  les  transcriptions  qui  sont  issues 
de  l'immortel  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  et  nous  ne  sommes  pas  au 
bout.  Tant  que  resplendira  la  gloire  de  l'opéra  le  plus  universellement 
populaire  dont  ce  siècle  a  eu  la  primeur,  les  merveilleux  trésors  de 
mélodie  qu'il  contient  seront  une  source  inépuisable  et  toujours  nou- 
velle, de  morceaux  destinés  à  refléter  la  pensée  du  maître  sous  mille 
formes  diverses.  Bien  d'autres  qu'Alexandre  Batta  apporteront  encore 
leur  pierre  à  l'édifice  fondé  sur  le  génie  de  l'illustre  musicien  qui  n'est 
pas  descendu  tout  entier  dans  la  tombe;  mais  peu  d'artistes  le  feront 
avec  le  talent,  avec  la  conscience  que  l'éminent  violoncelliste  a  prodi- 
gués dans  sa  brillante  fantaisie  sur  Robert  le  Diable. 

Nous  n'avons  pas  à  pronostiquer  le  succès  de  ce  morceau,  qu'Alexan- 
dre Batta  a  fait  entendre  dans  plusieurs  concerts  de  la  saison  dernière; 
c'est  aujourd'hui  un  l'ait  acquis,  et  dout  il  ne  nous  reste  qu'à  proclamer 
l'existence.  Dépouillée  du  prestige  de  l'exécution  du  virtuose,  la  fantai- 
sie de  Batta  ne  perd  aucune  des  qualités  qui  l'ont  fait  accueillir  avec 
enthousiasme  par  tous  ses  auditeurs.  L'effet  doit  en  être  attribué  tout 
d'abord  à  l'heureux  choix  des  motifs  dont  elle  se  compose;  ils  sont  peu 
nombreux  :  l'évocation  des  nonnes,  l'air  de  grâce  et  la  cabalette  si  con- 
nue :  Vor  est  une  chimère;  voilà  tout.  Mais  leur  fusion  est  si  habilement 
opérée,  elle  donne  lieu  à  des  combinaisons  si  imprévues  et  si  char- 
mantes, à  des  variations  d'un  si  séduisant  attrait  qu'on  arrive  à  l'explo- 
sion finale  en  regrettant,  malgré  les  développements  de  l'œuvre,  qu'elle 
se  termine  sitôt.  Sans  nul  doute,  les  difficultés  dont  elle  est  semée  ont 
besoin  de  l'interprétation  de  Batta  pour  ressortir  dans  tout  leur  éclat; 
mais  elles  ne  sont  pas  tellement  inabordables  qu'on  ne  puisse,  en  les 
affrontant,  obtenir  un  résultat  des  plus  satisfaisants. 


valeur.  Le  chant  de  Rossini  est  bien  posé,  et  les  variations  que  le 
transcripteur  en  a  tirées  sont  un  excellent  modèle  d'étude  pour  les 
pianistes  qui  ont  surmonté  les  premières  difficultés  de  leur  art. 


p.  Bernard.  —  La  Foi,  chœur  de  G.  Rossini,  transcrit  et  varié 
pour  piano. 

Professeur  émérite,  dont  la  méthode  produit  chaque  année  les  plus 
heureux  et  les  plus  brillants  résultats,  M.  Paul  Bernard,  malgré  les 
soins  absorbants  qu'il  donne  à  ses  élèves,  trouve  encore  le  temps  de  se 
livrer  à  la  composition,  et  d'augmenter  incessamment  le  nombre  de  ses 
œuvres  déjà  considérables.  11  y  a  quelques  années,  il  a  obtenu  un  très- 
légitime  succès  en  transcrivant  la  Charité,  de  Rossini.  Il  y  ajoute  au- 
jourd'hui la  Foi,  qui  ne  sera  pas  moins,  bien  accueillie,  parce  que  les 
mêmes  qualités  s'y  rencontrent.  Plein  de  respect  pour  la  pensée  du 
maître,  M.  Paul  Bsrnard  ne  l'a  pas  noyée  dans  un  déluge  d'ornements 
ambitieux  ;  et  cependant  son  dessin  harmonique  est  loin  d'être   sans 


E.   Jonas. 


Souvenir  d'un  songe,  mélodie  pour  piano. 


Quelques  mesures  d'introduction ,  larges  et  fières,  un  thème  char- 
mant de  grâce  et  d'expression,  de  fines  et  élégantes  broderies,  servant 
à  orner  le  chant,  et  non  à  l'effacer,  tout  cela  en  quatre  pages,  dont  la 
conclusion  est  amenée  avec  un  rare  bonheur,  telle  est  la  mélodie  par- 
faitement nommée  de  M.  Emile  Jonas.  A  peine  parue,  nous  savons 
qu'elle  a  déjà  fixé  l'attention  des  connaisseurs,  et  qu'elle  est  même  ap- 
préciée à  l'étranger,  où  l'on  se  prépare  à  lui  faire  les  honneurs  de  la 
transcription  orchestrale.  M.  Emile  Jouas,  professeur  distingué  du  Con- 
servatoire, s'est  fait  connaître  avantageusement  par  ses  productions 
pour  le  théâtre  et  pour  l'orphéon.  Son  Souvenir  d'un  songe  ajoutera, 
sous  une  autre  forme,  un  nouveau  fleuron  à  sa  couronne  de  composi- 
teur. 

Y. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 


Variétés  :  La  Liberté  des  théâtres,  salmigondis  mêlé  de  chant  et 
de  danse,  en  six  actes  et  quatorze  tableaux,  par  MM.  Théodore 
Cogniard  etClairville. 

Les  espérances  qui  se  sont  fondées  sur  la  liberté  théâtrale,  malgré 
quelques  tentatives  faites  un  peu  au  hasard,  ne  se  sont  point  encore 
réalisées  ;  mais  tout  vient  à  point  à  qui  sait  attendre,  et  nous  sommes 
de  ceux  qui  croient  fermement  aux  avantages  de  l'émancipation.  Ce 
n'est  pas  par  quelques  quolibets  lancés  contre  leurs  concurrents  futurs 
que  les  anciens  théâtres  privilégiés  entraveront  les  conséquences  de 
cette  grande  et  utile  mesure.  Seulement,  c'est  un  droit  qu'on  ne 
saurait  leur  contester,  et  s'ils  en  usent  avec  esprit  et  malice,  tout  est 
profit  dans  une  guerre  de  ce  genre.  En  admettant  que  la  liberté  des 
théâtres  n'ait  eu  jusqu'ici  d'autres  résultats  que  celui  de  procurer  un 
grand  succès  aux  Variétés,  c'est  toujours  cela  de  gagné.  Le  reste 
viendra  plus  tard,  en  son  temps  et  à  son  heure. 

Le  salmigondis  de  MM.  Théodore  Cogniard  et  Clairville  est  vraiment 
bien  nommé.  Il  ne  faut  lui  demander  ni  rime  ni  raison,  ni  queue 
ni  tête.  C'est  une  critique  à  bâtons  rompus  de  tous  les  excès  qui 
pourront  surgir  du  régime  de  la  liberté  à  la  scène.  La  tragédie,  l'o- 
péra, le  vaudeville,  les  pièces  militaires,  le  ballet-pantomime,  les  ma- 
rionnettes y  sont  passés  tour  à  tour  en  revue,  à  peu  près  comme 
cela  se  pratiquait  dans  une  vieille  pièce  du  Palais-Royal,  intitulée  les 
Folies- Dramatiques;  néanmoins,  le  but  n'est  pas  le  même.  Au  Pa- 
lais-Royal, on  se  moquait  du  présent  ;  aux  Variétés,  on  s'amuse  aux 
dépens  de  l'avenir.  Les  artistes  sont  à  l'enchère;  un  pâtissier  et  un 
traiteur  se  les  disputent  à  qui  mieux  mieux,  et  fondent,  pour  les  uti- 
liser, les  entreprises  les  plus  cocasses. 

Nous  ne  les  suivrons  pas  dans  leurs  tentatives  fantaisistes  qui  nous 
mèneraient  beaucoup  trop  loin.  Nous  nous  bornerons  à  constater  que 
sur  les  quatorze  tableaux  qui  composent  cette  épopée  bouffonne,  les 
deux  tiers,  pour  le  moins,  sont  très-gais,  très-ingénieux,  très-variés, 
en  un  mot,  très -réussis  sous  tous  les  rapports.  Nous  citerons,  entre 
autres,  l'adjudication  des  comédiens,  la  répétition  de  l'Opéra,  les  pu- 
paszi,  la  fontaine  enchantée.  Nous  voudrions  pouvoir  louer  au 
même  degré  le  théâtre  restaurant,  la  pièce  militaire  et  le  ballet;  les 
éléments  en  sont  bons  ;  mais  ils  auraient  besoin  de  larges  cou- 
pures. 

Quant  aux  artiste?,  nous  n'avons  que  du  bien  à  en  dire.  A  l'exem- 
ple de  leurs  camarades  du  Palais-Royal,  ils  commencent  àse  connaître, 
à  s'entendre,  à  se  fondre,  et  le  moment  approche  où  ils  constitueront 
u  ne  excellente  troupe  d'ensemble.  Dans  toutes  ces  sortes  de  pièces,  il 
y  a  des  compères  qui  sont  chargés  de  mener  l'action  et  de  faire  les 
honneurs  de  leurs  confrères.  Cette  tâche,  plus  lourde  qu'on  ne  pense, 


DE  PARIS. 


269 


est  échue  à  Alexandre-Michel  et  à  Couder  qui  s'en  acquittent  tous  les 
deux  à  merveille.  Dupuis,  Grenier,  Hitlemans,  Blondelet,  Ch.  Potier, 
Mlle  Aline  Duval,  Mlle  Silly  ont  des  rôles  plus  effacé?,  mais  ils  en 
font  des  types  très  en  relief. 

L'acte  du  Violon  enchanté  nous  a  révélé  deux  artistes  qui,  pour 
leur  part,  contribueront  puissamment  à  la  vogue  de  la  Liberté  des 
théâtres.  L'un  est  un  bon  musicien  qui  a  été  chef  d'orchestre  au 
Palais-Royal,  qui  dirige  aujourd'hui  celui  de  l'Eldorado,  et  qui,  par 
boutades,  a  quitté  plusieurs  fois  son  pupitre  pour  monter  sur  les 
planches.  Pianiste,  violoniste,  compositeur,  acteur  bouffe,  Hervé  est 
tout  cela,  avec  une  verve,  un  entrain  sans  pareils.  L'autre  est  une 
jeune  etgentille  débutante  qui  vient  du  théâtre  des  Célestins,  à  LyoD. 
Elle  joue  l'ingénuité  d'une  manière  agréable,  elle  chante  avec  goût 
les  mélodies  charmantes  de  son  camarade  Hervé,  et  elle  exécute  en 
virtuose  un  solo  de  violon  fort  bien  choisi.  Mlle  Vernet  a,  en  outre, 
un  nom  qui  ne  peut  manquer  de  lui  porter  bonheur  sur  la  scène  des 
Variétés. 

Le  succès  de  la  Liberté  des  théâtres  a  été  très-vif  le  premier  jour, 
et  tout  nous  fait  croire  qu'il  ira  crescendo,  grâce  à  une  interpréta- 
tion des  plus  satisfaisantes  et  à  une  mise  en  scène  des  plus  soignées. 
Les  bravos  décernés  aux  artistes  n'empêcheront  pas  le  public  d'ap- 
plaudir également  la  Fontaine  merveilleuse,  du  professeur  Weller,  qui 
reflète  loutes  les  couleurs  du  prisme;  les  pas  réglés  par  Mlle  Mélina 
Marmet,  première  danseuse  du  théâtre  de  Milan,  et  surtout  les  Pu- 
paszi  de  M.  Lemercier  de  Neuville,  qui  représentent  plusieurs  artis- 
tes célèbres,  dont  la  voix  est  imitée,  dans  la  coulisse,  par  Alexandre 
Michel,  par  Alexandre  Guyon  et  par  Mlle  Silly.  Il  faut  voir  et  enten- 
dre la  charge  de  Méh'ngue  et  celle  de  la  fameuse  Thérésa;  c'est  la 
nature  prise  sur  le  fait;  mais  de  toutes  ces  parodies,  la  meilleure 
est,  sans  contredit,  celle  de  Dupuis  qui  s'imite  lui-même. 

».  A.  D.  SAINT-YVES. 


Par  sa  volonté  dernière,  Meyerbeer  a  autorisé  la  représentation  et 
la  publication  de  l'Africaine.  En  conséquence  du  vœu  exprimé  par 
l'illustre  défunt,  un  traité  a  été  signé  le  12  de  ce  mois  entre 
Mme  Meyerbeer  et  M.  Perrin,  directeur  du  théâtre  impérial  de  l'O- 
péra. L'Africaine  doit  être  incessamment  mise  à  l'étude,  et  la  pre- 
mière représentation  aura  lieu  au  mois  de  février  prochain.  —  Elle 
sera  éditée  par  la  maison  G.  Brandus  et  S.  Dufour. 


NOUVELLES. 

***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  Guillaume  Tell  pour 
la  représentation  gratuite  du  15  août.  —  Mercredi,  le  Trouvère  et  le 
Marché  des  Innocents.  —  Jeudi,  Néméa  pour  la  représentation  de  gala 
offerte  à  Sa  Majesté  Catholique,  et  vendredi  Robert  le  Diable  qui  avait 
attiré  une  foule  considérable. 

***  Roland  à  Roncevaux,  dont  on  presse  les  répétitions,  sera  inter- 
prété par  MM.  Gueymard  (Roland),  Belval  (l'archevêque  Turpin),  Cazaux 
(Gannelon),  Warot  (un  pâtre);  Mmes  Gueymard  (Aide),  Camille  de 
Maesen  (Saïda),  Levielli  (un  page).  Le  ballet  sera  composé  de  Mmes  Eu- 
génie Fiocre,  Fioretti,  Fonta,  Brach,  etc. 

,%  La  fête  du  13  août  a  été  célébrée  avec  une  grande  solennité  et 
elle  a  été  secondée  par  un  temps  admirable.  Comme  toujours,  la  mu- 
sique y  a  occupé  une  large  place.  Dès  cinq  heures  du  matin,  les  ama- 
teurs se  postaient  aux  abords  de  l'Opéra,  seul  théâtre  lyrique  ouvert  à 
la  foule,  pour  y  attendre  patiemment  jusqu'à  2  heures  l'ouverture  de  la 
salle,  envahie  en  un  clin  d'œil.  Le  chef-d'œuvre  de  Rossini  a  été 
écouté  avec  un  recueillement  qui  n'était  troublé  que  par  les  applau- 
dissements ;  ils  ont  surtout  éclaté  au  trio  du  deuxième  acte,  admira- 
blement chanté  par  MM.  Faure,  Villaret  et  Belval.  La  cantate  de  MM. 
Lud.  Halévy  et  Meilhac,  dont  M.  Duprato  a  composé  la  musique,  avait 
toutes  les  qualités  qu'on  peut  attendre  de  ces  œuvres  fugitives  et  du 
mérite  reconnu  des  auteurs;  chantée  par  Mme  Marie  Sax,  MM.  Morère 


et  Dumestre,  elle  a  été  chaudement  accueillie.  —  Le  soir,  les  façades 
de  tous  les  théâtres  de  Paris,  pavoisées  de  drapeaux  dès  la  veille,  ont 
été  splendidement  illuminées. 

„,**  Dans  quelques  jours  les  réparations  de  la  salle  de  l'Opéra-Comi- 
que seront  entièrement  terminées.  Toutefois,  la  réouverture  n'aura  pas 
lieu  avant  le  1er  ou  le  2  septembre. 

***  Au  nombre  des  décorations  accordées  par  S.  M.  l'Empereur  à 
l'occasion  de  sa  fête,  la  croix  de  grand-officier,  donnée  à  Rossini,  et 
la  promotion  d'Hector  Berlioz  au  rang  d'officier,  ont  été  saluées  avec 
acclamation  dans  le  monde  musical. —  M.  le  comte  Gabrielli  et  M.  Nicou- 
Choron  ont  été  nommés  chevaliers.  —  Plusieurs  littérateurs  qui  tra- 
vaillent pour  le  théâtre,  MM.  Lud.  Halévy,  Hector  Crémieux,  Lambert 
Thiboust,  Varin,  Benjamin  Antier,  ont  obtenu  la  même  distinction.  — 
MM.  E.  Legouvé  et  Saintine  ont  été  promu?  au  grade  d'officier. 

„."■*  M.  de  la  Rounat,  directeur  du  théâtre  de  l'Odéon ,  et  M.  Garnier, 
architecte  du  nouveau  théâtre  de  l'Opéra,  ont  été  nommés  chevaliers 
de  la  Légion  d'honneur. 

***  Samedi  dernier,  S.  Exe.  le  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur 
a  donné  un  grand  dîner  à  l'occasion  des  récompenses  décernées  aux 
exposants  et  de  la  distribution  des  prix  du  Conservatoire  impérial  de 
musique  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts  Parmi  les  convives  du  maréchal 
Vaillant,  on  remarquait  MM.  Auber,  Ambroise  Thomas,  Hector  Berlioz, 
Clapisson,  le  comte  de  Nieuwerkerke,  le  général  Mellinet,  M.  Gautier, 
secrétaire  général  du  ministère  des  Beaux-Arts,  M.  Lassabathie,  admi- 
nistrateur du  Conservatoire,  Edouard  Monnais,  Mérimée,  Th.  Gau- 
tier, etc.,  etc.  Outre  les  artistes  peintres  décorés  à  la  suite  de  l'exposi- 
tion et  les  professeurs  du  Conservatoire  qui  ont  obtenu  la  même  distinc- 
tion, trois  des  élèves  couronnés  à  l'Ecole  des  beaux-arts  et  M.  Sieg, 
grand  prix  de  Rome  pour  la  composition  musicale,  avaient  été  conviés 
à  ce  dîner. 

„%  Rossini  a  donné  hier  à  Passy  une  grande  fête  à  l'occasion  de  la 
nouvelle  dignité  dont  il  vient  d'être  revêtu.  Samedi  passé,  la  nouvelle 
de  sa  promotion  y  ayant  été  apportée,  une  lyre  gigantesque  en  sucre 
commandée  chez  Siraudin,  lui  avait  été  offerte  par  cinq  élégantes  et 
nobles  dames,  habituées  assidues  des  réceptions  de  l'illustre  maestro. 

%%  Les  concours  de  musique  institués  l'an  dernier  sur  la  proposition 
de  M.  François  Bazin,  directeur  de  l'Orphéon,  entre  les  écoles  commu- 
nales de  la  ville  de  Paris,  rive  gauche,  viennent  d'avoir  lieu.  Le  pro- 
gramme de  ces  intéressants  exercices  scolaires  se  composait  d'un  chœur 
imposé,  d'un  chœur  au  choix,  de  questions  sur  la  théorie  musicale,  et 
de  la  lecture  à  première  vue  d'un  solfège  à  plusieurs  voix.  MM.  Am- 
broise Thomas,  le  général  Mellinet,  Edouard  Rodrigues,  Spenner,  mem- 
bres de  la  commission  de  chant,  François  Bazin,  Foulon,  et  des  profes- 
seurs de  l'Orphéon  faisaient  partie  des  divers  jurys. 

**„,  La  Société  des  concerts  du  Conservatoire  impérial  de  Paris  vient 
de  faire  hommage  à  M.  Jean  Becker,  l'éminent  violoniste,  d'une  mé- 
daille en  argent,  frappée  à  l'effigie  d'Habeneck,  comme  témoignage  de 
sa  grande  satisfaction  pour  l'exécution  du  concerto  qu'il  a  joué  au 
concert  du  17  mars  dernier.  Nous  applaudissons  sincèrement  à  l'hom- 
mage rendu  à  cet  artiste,  et  nous  désirons  qu'il  revienne  bientôt  à 
Paris,  où  l'attendent  de  nombreux  admirateurs. 

***  Dimanche  prochain ,  jour  de  la  fête  patronale  de  la  paroisse 
Saint-Roch,  on  exécutera  sous  la  direction  de  M.  Charles  Vervoitte,  la 
neuvième  messe  avec  orchestre,  d'Haydn.  Après  vêpres,  on  entendra 
le  cinquième  Salut  de  M.  Ch.  Vervoitte. 

t%  L'Académie  des  beaux-arts,  dans  sa  séance  du  samedi  13  août,  a 
élu  correspondants  dans  la  section  de  composition  musicale  :  M.  Béné- 
dict,  à  Londres,  en  remplacement  de  M.  Beaulieu,  décédé;  M.  de  Flo- 
tow,  en  remplacement  de  M.  Verdi,  promu  au  rang  d'associé  étranger. 
Dans  la  même  séance,  l'Académie  des  beaux-arts  a  décerné  le  prix  du 
concours  Bordin  relatif  à  «  l'histoire  de  la  musique  en  France,  »  à 
M.  Gustave  Chouquet.  Elle  a  accordé,  dans  le  même  concours,  une 
mention  honorable  au  mémoire  inscrit  sous  le  numéro  3,  et  portant 
pour  épigraphe  :  «  Pour  bien  savoir  une  chose,  on  doit  en  savoir  un 
peu  mille.  »  Si  l'auteur  de  ce  mémoire  désire  se  faire  connaître,  il 
devra  adresser  une  demande  à  l'Académie. 

***  Adelina  Patti  doit  se  rendre  au  Havre  pour  y  chanter  dans  le 
grand  concert  qui  sera  donné  le  27  de  ce  mois.  On  sait  que  la  célèbre 
cantatrice  reçoit  3,500  francs  pour  cette  soirée,  après  laquelle  elle  re- 
viendra immédiatement  à  Boulogne-sur-Mer. 

***  On  écrit  d'Etretat  :  «  Le  désir  de  se  soustraire  au  tumulte  des  fêtes 
du  15  août  avait  amené  dès  le  samedi  une  grande  affluence  de  Pari- 
siens sur  notre  belle  plage,  et  parmi  eux  beaucoup  d'artistes,  sûrs  d'a- 
vance d'y  rencontrer  les  nombreux  confrères  auxquels  Etretat  doit  en 
grande  partie  sa  fondation.  Offenbach  est  un  de  ces  derniers,  et  di- 
manche il  réunissait  toute  cette  joyeuse  société  dans  une  fête  de  famille 
qu'il  donne  annuellement  à  son  délicieux  chalet,  l'un  des  premiers 
construits  dans  la  localité,  à  mi-côte,  et  dont  la  vue  splendidc  embrasse 
la  mer  dans  tout  son  horizon,  domine  la  ville  et  plonge  dans  une  ravis- 
sante vallée.  Comme  de  juste,  la  musique  avait  le  pas  sur  les  autres 
amusements,  et  le  maître  du  logis,  qui    avait  exhumé  son  violoncelle, 


270 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'instrument  de  ses  premiers  succès,  en  a  joué  comme  pas  un  des  vir- 
tuoses actuels  les  plus  distingués.  Mlle  Artot,  dont  les  succès  à  Ber- 
lin, à  Vienne,  à  Londres  remplissent  toutes  les  bouches  de  la  renommée, 
y  chantait  ses  plus  beaux  et  ses  plus  grands  airs  avec  une  voix  magni- 
fique et  le  plus  grand  style  ;  mais  la  perle  de  la  soirée  a  été  un  bijou 
musical  composé  par  Offenbach  dans  les  circonstances  que  voici  : 
On  sait  le  succès  qu'obtient  le  nouvel  ouvrage  d'Arsène  Houssaye  : 
Mlle  Cléopâtre  ;  l'auteur  a  placé  dans  la  bouche  d'une  des  héroïnes  de 
son  roman  une  chansonnette  d'une  naïveté  charmante  avec  cette  indi- 
cation :  musique  d  Offenbach.  Or,  il  envoya  dernièrement  au  célèbre 
maestro  un  exemplaire  de  Mlle  Cléopâtre  sans  lui  faire  connaître  cette 
particularité.  Aussitôt  Offenbach  mit  en  musique  les  couplets  d'Arsène 
Houssaye  et  les  lui  envoya  accompagnés  d'une  lettre  spirituelle  par  la- 
quelle il  l'informait  de  son  empressement  à  acquitter,  quoique  sans  avis, 
la  lettre  de  change  tirée  sur  lui  par  son  ami.  Ce  sont  ces  couplets  qui, 
chantés  par  Mlle  :Vrtot  —  a  laquelle  ils  sont  dédiés  —  d'une  manière  déli- 
cieuse, il  faut  le  dire,  ont  tellement  ravi  l'assemblée,  qu'elle  a  dû  les 
répéter  trois  fois.  11  est  de  fait  que  depuis  la  chanson  de  Fôrtuniq, 
Offenbach  n'a  peut-être  jamais  été  mieux  inspiré,  et  c'est  en  fredonnant 
cette  mélodie  aussi  originale  que  colorée,  que  tout  le  monde  a  passé 
dans  la  salle  du  bal,  où  l'on  a  dansé  jusqu'à  U  heures  du  matin.  » 

***  On  lit  dans  le  Trovatore  :  «  Les  quelques  mots  que  nous  avons 
imprimés  dans  notre  numéro  du  2  juillet  ont  porté  leurs  fruits.  La 
pensée  qu'en  Italie  un  monument  devait  être  élevé  à  la  mémoire  de 
l'illustre  auteur  de  Robert  le  Diable  et  des  Huguenots,  a  été  accueillie 
avec  transport  par  tous  ceux  qui  professent  le  culte  de  l'art,  lequel 
étant  d'essence  surnaturelle,  s'inquiète  peu  des  délimitations  imposées 
à  notre  globe  par  la  différence  de  langage,  la  géographie  ou  la  diplo- 
matie. Plusieurs  adhésions  particulières  avaient  instantanément  répondu 
à  notre  appel,  devançant  l'heure  à  laquelle  devait  s'ouvrir  la  souscrip- 
tion, et  jalouses  de  montrer  comment  l'Italie  sait  honorer  le  génie. 
Parmi  ces  adhésions  nous  devons  ^signaler  celle  du  célèbre  avocat 
Sangiorgi,  rédacteur  de  VArpa,  journal  artistique  de  Bologne,  lequel 
s'est  empressé  de  reproduire  notre  projet  et  de  joindre  sa  voix  à  la 
notre  pour  inviter  les  protecteurs  des  lettres  et  des  arts  et  tous  les 
dilettantes  à  donner  ce  témoignage  d'estime  au  grand  maître,  en  ajou- 
tant qu'il  était  prêt  à  verser  son  obole  entre  nos  mains,  dès  que  nous 
ouvririons  une  première  liste  de  souscripteurs.  C'est  ce  que  nous 
faisons  de  grand  cœur  en  pourvoyant  à  l'institution  d'une  commission, 
laquelle,  interprète  du  vœu  universel,  se  chargera  de  traduire  en  acte, 
ce  qui  n'est  encore  que  l'expression  d'un  vif  désir.  Marcello.  » 

A  la  suite  de  cette  manifestation,  le  Trovatore  a  publié  une  première 
liste,  et  il  invite  toutes  les  personnes  qui  voudraient  s'associer  à  l'œu- 
vre projetée,  d'envoyer  leur  souscription  dans  ses  bureaux.  Les  noms 
des  souscripteurs  seront  publiés  non-seulement  dans  ce  journal,  mais 
dans  tous  les  journaux  italiens. 

+*H,  On  nous  écrit  de  Bade  :  «  La  saison  de  l'Opéra  français  a  été 
brillamment  close  le  12  de  ce  mois  par  une  deuxième  représentation 
de  Fra  Diavolo,  unanimement  redemandée  et  non  moins  universellement 
applaudie.  Quelques  jours  avant  on  avait  donné  deux  reprises  intéres- 
santes, celles  de  Volage  et  Jaloux,  de  MM.  Sauvage  et  Rosenhain,  qui 
eut  un  succès  de  si  bon  aloi  l'été  dernier,  et  de  Maître  Wolfram,  de 
Reyer.  Ces  deux  reprises  ont  fait  le  plus  grand  plaisir  et  Mme  Faure  y 
a  été  charmante.  C'est  maintenant  le  tour  des  représentations  italien- 
nes et  elles  ont  bien  commencé  par  Rigoletto.  Cet  opéra  a  marché  à 
merveille  et  Naudin  s'y  est  montré  fort  sympathique;  il  a  chanté  avec 
beaucoup  de  charme  le  duo  du  deuxième  acte  et  les  couplets  du  qua- 
trième. Mlle  Battu  interprète  avec  une  grande  supériorité  le  rôle  de 
Gilda  et  Délie  Sedie  est  admirable  dans  Rigoletto.  Mme  Sanchioli  a 
également  bien  rendu  le  rôle  de  Magdaleua.  Le  prince  Humbert  de 
Piémont  honorait  la  représentation  de  sa  pré=ence,  ot  Son  Altesse  a 
donné  plusieurs  fois  le  signal  des  applaudissements.  —  Mme  Charton- 
Demeur  vient  d'arriver.  « 

4%  Les  concours  du  Conservatoire  royal  de  musique  de  Bruxelles, 
sous  la  direction  de  M.  Fétis,  sont  terminés.  Ils  ont  été  fort  brillants, 
particulièrement  pour  les  classes  de  piano  de  Mme  Pleyel  et  de  M.  Du- 
pont, et  pour  celles  de  violon  de  Léonard,  et  de  violoncelle  de  Servais. 
La  supériorité  des  élèves  de  Léonard  s'est  manifestée  jusque  dans  l'exé- 
cution des  plus  faibles.  Le  concours  de  la  classe  de  Servais  a  été 
splendide.  Il  n'a  pas  été  décerné  de  premier  prix  de  chant,  et  le  con- 
cours de  tragédie  n'a  pas  eu  lieu. 

»*»  La  troupe  de  Merelli  est  en  moment  à  Francfort.  Les  sœurs  Mar- 
chisio  y  ont  été  accueillies  avec  enthousiasme.  On  a  aussi  beaucoup  ap- 
plaudi Mme  Zacchi. 

*%  On  nous  écrit  de  Florence  qu'on  s'y  prépare  déjà  pour  célébrer 
dignemert  le  600e  anniversaire  de  la  naissance  du  Dante.  Un  grand 
festival  musical  aura  lieu  pour  l'inauguration  du  monument  élevé  à 
l'illustre  poète,  et  des  sommes  considérables  sont  destinées  à  cette  so- 
lennité, qui  aura  lieu  avec  tout  l'éclat  possible.  Ch.  Gounod  a  été 
chargé  d'écrire  la  musique  d'une  des  cantates  qui  seront  exécutées  à 
cette  occasion.  —  Un  nouveau  ballet  de  M.  Pedoni,  ayant  pour  titre  : 
Azémi,  dont  le  maestro  Délia  Baretta  a  composé  la  musique,  a  obtenu 


beaucoup  de  succès.  Le  rôle  principal  est  rempli  par  une  charmante 
danseuse,  Mlle  Aranevary. 

t*t  Le  conseil  communal  de  Catane,  sur  l'initiative  de  l'illustre  au- 
teur de  Sa/Jb,  Jean  Pacini,  vient  de  décider  par  acclamation  que  la  dé- 
pouille mortelle  de  Bellini  serait  réclamée  à  Paris  pour  être  inhumée 
en  sa  ville  natale.  On  sait  que  le  maestro  Pacini  est  né  à  Catane,  ainsi 
que  l'auteur  de  Norma  et  de  la  Sonnambula, 

„,%  Dans  le  courant  du  mois  de  septembre  prochain  se  réunira  à 
Naples  le  premier  congrès  des  amis  de  la  musique,  congrès  provoqué 
par  le  maestro  Bonamici,  directeur  du  Cercle  musical  de  cette  ville. 
C'est  ce  cercle  lui-même  qui  a  envoyé  les  invitations,  recueilli  les  ad- 
hésions, enfin  discuté  et  approuvé  un  règlement  général  présenté  par 
le  maestro  Taglioni.  Ce  règlement,  aujourd'hui  publié,  se  compose  de 
dix-sept  articles;  le  congrès  sera  divisé  en  plusieurs  sections,  savoir: 
d'enseignement  ;  de  musique  sacrée;  de  musique  de  chambre;  de  mu- 
sique instrumentale;  de  statistique;  de  secours  mutuel  italien.  On  es- 
père qu'il  s'occupera  aussi  de  la  question  si  importante  de  la  propriété 
artistique  et  littéraire. 

*%  La  distribution  des  prix  du  Conservatoire  impérial  de  musique  de 
Lille  a  eu  lieu  avec  la  solennité  accoutumée,  en  présence  de  M.  le  préfet 
du  Nord,  qui  la  présidait,  entouré  de  l'administration  municipale,  du 
général,  d'officiers  supérieurs,  du  jury  d'examen,  et  d'un  auditoire  nom- 
breux et  sympathique  qui  a  donné  les  marques  les  plus  chaleureuses  de 
satisfaction.  Parmi  les  soli  exécutés,  on  a  remarqué  surtout  l'œuvre  45 
de  M.  V.  Magnien,  concerto  de  violon  qui  renferme  autant  de  difficultés 
que  de  mélodies  fraîches  et  gracieuses  ;  la  scène  n°  8  des  Diamants  de 
la  couronne  a  été  facilement  vocalisée  par  le  1er  prix  de  chant.  Les  au- 
tres morceaux  n'ont  pas  été  moins  goûtés.  Après  la  distribution,  le 
préfet  a  adressé  au  directeur  et  aux  professeurs  les  félicitations  que 
méritaient  ces  résultats.  Elles  encourageront  ces  fonctionnaires  à  per- 
sister dans  une  voie  qui  leur  permet  de  produire  dans  le  monde  artisti- 
que des  sujets  d'une  valeur  réelle. 

**„.  Nous  disions  dimanche  que  l'opéra  de  Mme  la  vicomtesse  de  Grand- 
val,  le  Rouet,  avait  été  accueilli  très-favorablement;  c'est  sous  le  titre 
définitif  de  la  Comtesse  Eva  que  cet  ouvrage  a  été  représenté,  et  l'on 
écrit  de  Bade,  à  ce  sujet,  au  Petit  Journal  :  «  La  Comtesse  Eva,  l'opéra 
de  Mme  la  vicomtesse  de  Grandval,  vient  d'être  joué  avec  un  beau 
succès  ici.  La  première  romance,  qui  est  un  morceau  de  sentiment,  dé- 
licieusement chantée  par  Jourdan  ;  un  duo  de  scène  entre  Crosti  et 
Mme  James  ;  l'air  qui  suit,  et  le  trio  final,  plein  de  gaieté,  d'inventions 
mélodiques  et  résumant  parfaitement  le  genre  bouffe,  ont  été  accueillis 
avec  une  faveur  signalée.  Le  public  a  applaudi  chaleureusement,  et  il 
a  fait  aux  artistes  l'honneur  d'un  rappel.  Les  critiques  les  plus  compé- 
tents sont  d'accord  pour  enregistrer  ce  succès  de  bon  aloi  de  Mme  de 
Grandval,  qui  se  trouve  ainsi  engagée  dans  une  voie  où  elle  pourra 
compter  désormais  autant  de  bonnes  fortunes  musicales  que  de  parti- 
tions. La  meilleure  preuve  de  la  réussite  de  la  Comtesse  Eva,  c'est 
que  deux  morceaux  arrangés  sur  cet  opéra  vont  être  exécutés  aux 
concerts  des  Champs-Elysées,  à  Paris.  » 

t%  Le  ténor  Severini,  élève  de  Panofka,  dont  les  succès  ont  été  ré- 
cemment très-grands  au  théâtre  de  Stockholm,  se  trouve  en  ce  moment 
à  Paris. 

*%  M.  Romero,  professeur  de  clarinette  au  Conservatoire  de  Madrid, 
est  reparti  pour  l'Espagne  après  avoir  reçu  les  félicitations  de  tous  les 
artistes  et  facteurs  de  Paris  pour  les  perfectionnements  remarquables 
qu'il  a  introduits  dans  la  construction  de  son  instrument.  Il  a  fait  bre- 
veter en  France  ses  inventions,  qui  contribuent  à  donner  aux  sons  de 
la  clarinette  une  justesse  et  une  homogénéité  parfaites.  Ses  instru- 
ments tendent  à  rendre  l'exécution  plus  facile,  ainsi  qu'on  peut  en  ju- 
ger par  ceux  qu'on  trouve  chez  Bié,  successeur  de  Lefèvre,  23,  rue  de 
Rambuteau,  seul  facteur  qui  ait  le  droit  de  fabriquer  des  clarinettes 
d'après  l'ingénieux  mécanisme  imaginé  par  M.  Romero. 

***  On  vient  d'établir  au  théâtre  de  la  Scala  une  école  de  chant  à 
l'instar  de  celle  qui  existe  à  l'Opéra  impérial  de  Vienne. 

„*,.  Johann  Strauss,  le  chef  d'orchestre  des  concerts  de  Pavlovski  et 
des  bals  de  la  cour  à  Saint-Pétersbourg,  et  l'autenr  d'une  foule  de  com- 
positions légères,  devenues  populaires,  vient  d'être  décoré  de  l'ordre  de 
Saint-Stanislas. 

»%  Le  succès  si  étrange  obtenu  à  Vienne  par  le  danseur  Donato,  qui 
n'a  qu'une  jambe,  a  provoqué  des  imitations  de  tout  genre ,  mais  elles 
sont  loin  de  réussir,  C'est  ainsi  qu'à  Bude  un  invalide  de  soixante  ans, 
nommé  Corradini,  qui;  comme  Donato,  est  privé  d'une  jambe,  a  vaine- 
ment essayé  d'enthousiasmer  les  nombreux  spectateurs  qui  avaient  payé 
fort  cher  leurs  places.  Il  avait  à  peine  commencé  à  danser  qu'on  a 
quitté  la  salle.  D'autres  imitateurs  n'ont  pas  eu  un  meilleur  sort. 

,**  Le  pré  Catelan  donne  aujourd'hui  dimanche,  21  août,  une  fête 
extraordinaire.  L'orchestre  de  symphonie,  composé  de  cent  exécutants, 
conduit  par  M.  Forestier,  et  l'orchestre  militaire,  sous  la  direction  de 
M.  Vobaron,  chef  du  2e  chasseurs  à  cheval,  pour  satisfaire  le  public, 
exécuteront  le  programme  de  la  fête  militaire. 

*%  M.  Robin  a  tenu  au-delà  de  ce  qu'il  avait  promis.  Sa  nouvelle  et 


I»E  PARIS. 


211 


brillante  série  d'expériences  a  dépassé  l'attente  du  public  déjà  habitué 
cependant  aux  merveilles  si  souvent  variées  qu'il  avait  admirées  à  ce 
théâtre  d'enchantements.  Les  rases  qui  naissent  à  un  simple  signe  de 
la  baguette  de  notre  habile  physicien,  son  cadre  magique,  la  Nou- 
velle-Californie et  ses  tableaux  de  l'astronomie  populaire  ont  surtout 
excité  des  bravos  unanimes.  C'est  toujours  le  même  succès  qui  se  con- 
tinue. 

***  Un  des  plus  vieux  et  des  meilleurs  comédiens  de  Paris,  Ferville, 
qui  brilla  si  longtemps  au  Gymnase,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  quatre- 
vingts  ans.  Tous  ses  camarades  de  ce  théâtre  et  un  grand  nombre  d'ar- 
tistes dramatiques  de  Paris  et  de  la  province  ont  assisté  à  ses  funé- 
railles. 

***  Un  jeune  compositeur  allemand,  qui  était  en  même  temps  chan- 
teur distingué,  M.  Alfred  Bicking,  vient  de  mourir  à  Berlin,  sa  ville 
natale.  Il  avait  été  former  en  Italie  son  double  talent  de  virtuose  et  de 
compositeur,  et  avait  fait  représenter  à  ïerano,  au  commencement  de 
cette  année,  un  opéra  sérieux  intitulé  Wenccslas,  dont  le  succès  fut 
très-grand.  Ayant  ressenti  les  premiers  symptômes  d'une  maladie 
grave,  M.  Bicking  avait  repris  le  chemin  de  Berlin,  où  il  vient  de  s'é- 
teindre à  l'âge  de  vingt-quatre  ans. 

***  Le  maître  de  chapelle  Hermann  Kufferath,  musicien  d'un  grand 
mérite  et  élève  de  Spohr,  est  mort  le  28  juillet  à  Wiesbade. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


a**  Carlsruhe.  —  Le  grand  festival  qui  doit  réunir  les  sociétés  mu- 
sicales d'Allemagne,  aura  lieu  dans  les  journées  des  22  au  25  août ,  et 
promet  d'être  très-intéressant  par  le  nombre  et  le  choix  des  artistes  et 
des  œuvres  qu'on  y  entendra. 

,%  Ems.  —  Les  artistes  du  théâtre  du  Kursaal  viennent  de  nous  dire 
adieu.  Pendant  les  deux  mois  qu'a  duré  la  saison  théâtrale,  l'adminis- 
tration a  monté  douze  pièces  de  l'ancien  répertoire,  et  trois  ouvrages 
nouveaux  qui  ont  été  trois  succès  :  le  Fifre  enchanté,  et  Jeanne  qui 
pleure,  d'Offenbach,  et  la  Boîte  à  surprises,  de  Deffès.  C'est  maintenant 
le  tour  des  concerts,  et  dans  quelques  jours  nous  posséderons  Batta, 
Servais,  Vivier,  Vieuxtemps,  Alard,  Wieniawski,  Blaes,  Arban,  etc. 

**„  Hambourg.  —  Les  représentations  de  la  troupe  d'opéra  italien, 
sous  la  direction  d'Orsini,  sont  très-suivies.  Depuis  le  départ  de  Mmes 
Marchisio,  qui  avaient  enthousiasmé  le  public  dans  Norma,  Mme  Méric- 
Lablache,  Sterbini  et  Antonucci ,  obtiennent  les  applaudissements  les 
plus  chaleureux. 

***  Berlin.  —  Une  reprise  très-brillante  de  la  Muette  de  Portici  a  eu 
lieu  à  l'Opéra  royal.  M.  Colomann  Schmidt ,  de  l'opéra  impérial  de 
Moscou ,  nouvellement  engagé,  a  rempli  le  rôle  de  Masaniello ,  et 
Mlle  Santer,  celui  d'Elvire,  à  la  satisfaction  générale.  —  Dans  la  Flûte 
enchantée,  une  cantatrice  russe,  Mlle  Metzdorf,  a  débuté  avec  succès.  — 
On  attend  Mlle  Lucca,  qui  doit  faire  incessamment  sa  rentrée  dans  les 
Huguenots.  La  célèbre  cantatrice  créera  cette  saison  le  principal  rôle 
du  nouvel  opéra  de  Wuerst,  l'Etoile  de  Turan.  —  On  s'occupe  de  la 
reprise  de  l'opéra  de  Maronner,  Hans  Heiling. 

%*%  Vienne.  —  Mlle  de  Murska,  de  l'opéra  de  Pesth,  s'est  fait  enten- 
dre au  théâtre  de  la  cour,  dans  Lucia  et  Martha,  et  y  a  déployé  un 
grand  talent  de  cantatrice  et  de  comédienne.  Elle  sera  probablement 
engagée  à  l'Opéra  impérial. 


**„  Hermansladt.  —  Le  Pardon  de  Ploèrmcl  vient  d'être  représenté 
pour  la  première  fois  avec  un  très-grand  succès.  L'exécution  en  a  été 
excellente,  et  de  nombreux  rappels  et  bravos  ont  été  notamment  dé- 
cernés à  Mlle  Rutland  (Dinorah),  et  à  M.  Carlo  (Hoél). 

*%  Turin.  —  La  direction  du  théâtre  Victor-Emmanuel  vient  d'en- 
gager Mme  E.  Lagrua  pour  un  mois,  du  10  septembre  au  10  octobre. 

***  Naples.  —  La  direction  du  théâtre  de  San  Carlo  a  été  confiée  à 
M.  Presteau,  qui  s'est  rendu  en  Espagne  et  en  France  pour  y  compléter 
sa  troupe. 


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Par  F.-dT.  FETIS 

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A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE  PARIS   1855. 

Facteur  du    Conservatoire  et  de      ' 
l' Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg: 

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Perspect.  Newsky,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


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Transcrites  pour  Orgue-Harmonium,  par  Prix:  6  francs. 


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Adam  (A.).  Fantaisie  sur  la  Muette  de  Por- 
tici, composée  par  S.  Thalberg,  ar- 
rangée pour  le  mèlodium  et  piano  . 

Alday  (F.).  Op.  15.  Les  Huguenots,  fan- 
taisie brillante  pour  harmonium.   .    . 

—  Fantaisie  de  salon  sur  V  Etoile  du  Nord 
Badarzewska    (T.).     La     Prière     d'une 

vierge,  pour  harmonium 

lïr  isson.  Adagio  de  Beethoven  ,  transcrit 
pour  harmonium  ou  orgue  et  piano. 

—  Costa  Diva,  cavatiue  de  Norma,  trans- 

crite pour  harmonium  ou  orgue , 
piano  et  violon 

—  La  Somnambule,  trio  pour  harmonium 

ou  orgue,  piano  et  violon 

—  La  Charité,  chœur  de  Rossini ,  trans- 

crit pour  harmonium  ou  orgue,  piano 
et  violon  

—  Op.  66.  Marta,  trio  pour  piano,  orgue 

et  violon 

—  Op.   69.  Robert  le  Diable,  grand  duo 

caractéristique  pour  piano  et  orgue  . 

—  Op.  70.  Le   Pardon  de  Ploërmel,  duo 

de  concert  pour  piano  et  orgue.   .   . 

—  Op.  71.  Méditation  sur  le  chœur   reli- 

gieux du  Pardon  de  Ploërmel, 
transcription  pour  piano,  orgue  et 
violon  ou  violoncelle 

Durand.  Première  romance  sans  paroles  de 
Mendelssolm,  en  trio  pour  violon,  or- 
gue et  piano 

Ouverture  de  la  Sirène,  pour  harmo- 
nium et  piano 

Engel  (L).  Fantaisie  pour  harmonium  sur 
l'Etoile  du  Nord 

—  Grande  fantaisie  pour  orgue-harmonium 

sur  le  Pardon  de  Ploërmel  .... 

—  Grand  duo  pour  piano   et   harmonium 

sur  le  Pardon  de  Ploërmel  .... 

Fessy.  Fant.  sur  le  chœur  du  Domino  noir 

Réminiscence  du  Slabat  Mater  de  Rossini 

—  Andante  et  boléro 

Cavatine  de  Torqualo  Ta'so  et  caprice 

Six  morceaux  sur  des  motifs  de  Rossini, 

Auber  et  Douizetti,  2  suites,  chaque. 

Herz    et    Fessy.    Deux    duos  concertants, 

pour  harmonium  et   piano,  2  suites, 

chaque 

1.  Cavatine  de  Vaccai. 

2.  Thème  de  Beethoven. 


7  50 
7  50 

5     » 

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6  » 

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12  » 
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Frelon.  Trois  marches  pour  orgue  expressif 
à  percussion  : 

1.  Marche  du  sacre  du  Prophète.   .    . 

2.  Marche  de  Robert  Bruce 

3.  Marche  de  la  Muette  de  Port  ici.  . 

—  La  Part  dit  Diable,  fantaisie  pour  or- 

gue et  piano i 

—  Le  Prophète,  fantaisie  de  concert  pour 

orgue  avec  accomp.  de  piano  obligé,  i 

—  Romance  sans  paroles  de  Thalberg  pour 

orgue  et  piano 

Kiebeau.  Op.  42.  L'Abandon,  romance  sans 
paroles  pour  harmonium 

—  Op.  45.  Danse  bretonne,  villanelle  pour 

harmonium: 

—  Op.  44.    La  Rosée  du  matin,    caprice 

pour  harmonium 

—  Op.    45.    Sylvie,  souvenir    d'autrefois, 

pour  harmonium 

—  Op.  46.  En  mer,  chant  maritime,  pour 

harmonium 

■ —    Op.  47.  Impromptu  pour  harmonium.. 

JLonis.  Op.  271.  Entretiens  familiers  pour 
orgue  et  piano,  3  suites,  chaque.  .   . 

Ilarias  Uneil.  Op.  34.  Cinquante  mor- 
ceaux de  différents  caractères,  classés 
ton  par  ton,  et  disposés  de  manière  à 
pouvoir  servir  d'Antiennes  ou  de  Ver- 
sets aux  chants  de  l'office  divin,  pour 
orgue  ou  harmonium,  2  suites,  chaq.  : 

Mcreanx.  Op.  65.  Grand  caprice  sur  Ro- 
bert le  Diable,  pour  harmonicorde  , 
piano  et  violon '. 

Moreau.  Ouverture  de  Giralda,  pour  orgue 
et  piano 

—  Ouverture  des    Diamants  de    la  Cou- 

ronne, pour  orgue  et  piano 

SSiolan.  Fantaisie  sur  Moïse,  composée  par 
S.  Thalberg,  arrangée  pour  mélodium 
et  piano    

Riballier.  Cavatine  du  sommeil  de  la 
Muette  de  Portici,  pour  orgue,  piano 
et  violon,  ou  violoncelle 

Romano  (Giuseppe).  La  Carita,  chœur  re- 
ligieux de  Rossini,  pour  harmonium 
seul 

—  Ave  Maria,  de  Schubert,  pour  harmo- 

nium seul 

—  Prière   de  Stradella  (  Pieta  signor), 

pour  harmonium  seul 


Harmonium  seul  : 

F.  BRISSON 

LES  DÉLASSEMENTS  DE  L'ÉTUDE 

NOUVELLE  ÉDITION. 

48  MÉLODIES  OU  AIRS  FAVORIS 

Tirés  des  opéras  de 

AD.    ADAM,    AUBER,   FLOIOW,    HALÉVÏ,   MAILLART,    MEÏER- 
BEER,   MOZART,    ROSSINI,    A.    THOMAS  et    WEBER. 

En  quatre  suites,  chaque 7  50 

lre  SUITE.  3e   SUITE. 

Dragons  de  Villars. 
Pardon  Je  Ploërmel. 
Le  Roman  d'EIvire. 
Le  Comte  Ory. 
La  Fiancée. 
Pardon  de  Ploërmel. 
La  Muette  de  Portici. 
L'Etoile  du  Nord. 
Nozze  di  Figaro. 
Haydée 

Pardon  de  Ploërmel. . 
Le  Roman  d'EIvire. 

4e  SUITE. 
L'Ambassadrice. 
Les  Huguenots. 
La  Fée  aux  Roses. 
Guillaume  Tell. 
La  Fiancée. 
Pardon  de  Ploërmel . 
Le  Roman  d'EIvire. 
Robert  le  Diable. 
Fra  Diavolo. 
Le  Domino  noir. 
Le  Roman  d'EIvire. 
Le  Cheval  de  bronze. 


Le  Prophète.  25. 

Pardon  de  Ploërmel.  26. 

Stradella.  27. 

La  Muette  de  Portici.  28. 

Zerline.  29 . 

Robert  le  Diable.  30. 

Oberon.  31 . 

Le  Postilloo  de  Longjuraeau.  32. 

Le  Prophète.  33. 

La  Muette  de  Portici.  34. 

Marta.  35 . 

La  Sirène.  36. 
2e  SUITE. 

Le  Philtre.  37. 

Guillaume  Tell.  38. 

Lestocq.  39 . 

L'Etoile  du  Nord.  40. 

Haydée.  41. 

Marta.  42. 

La  Fiancée.  43. 

le  Postillon  de  Longjnmeau.  44. 

Le  Domino  noir.  45. 
La  Muette  de  Portici.  46. 

Les  Huguenots.  47. 

Le  Prophète.  48. 


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N°  35. 


REVUE 


28  Août  1864. 


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Paris 24  "■•Pmoi 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30»       id. 
34  n       M. 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (4e  article),  par 
Paul  Smith.  —  La  musique  à  la  cour  et  à  la  ville,  sous  le  règne  de  Louis 
XIII  (3e  article),  par  Mathieu  de  Monter.  —  Correspondances:  Pesaro. 
—  Nouvelles  et  annonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 

Par  91.  de  Wolzogen  (1). 

IV. 

La  voix  de  Mme  Schroeder-Devrient  était  un  fort  soprano,  don- 
nant la  double  octave  à!ut  à  ut,  mais  ne  pouvant  soutenir  longtemps 
les  notes  élevées,  comme  dans  les  rôles  de  Dona  Anna  et  de  la  Ves- 
tale, sans  être  obligée  de  crier,  surtout  vers  la  dernière  époque  de 
sa  carrière.  Elle  n'avait  pas  l'étendue  extraordinaire  de  la  voix  des 
Mara,  des  Catalani,  des  Malibran.  Le  registre  du  contralto,  dont  cette 
dernière  tirait  un  si  brillant  parti,  n'était  nullement  à  son  usage,  et 
son  ut  grave  manquait  généralement  de  puissance.  Elle  n'aurait 
donc  pu  chanter  ni  VOrphée,  de  Gluck,  ni  Fidès,  du  Prophète,  ni 
Tancrède,  ni  Arsace,  et  même  il  lui  fallait  transposer  quelques  notes 
hautes  de  Roméo.  La  véritable  région  de  sa  voix  était  de  sol  à  sol  ; 
même  après  que  la  décadence  se  fût  manifestée,  elle  conserva  en- 
core de  sol  à  ré  des  notes  charmantes,  qui  lui  permettaient  de 
chanter  délicieusement  les  mélodies  de  Schubert,  de  Mendelssohn  et 
de  Schumann. 

Non,  sans  doute,  la  voix  de  l'artiste  n'était  pas  sans  défaut;  elle 
n'avait  pu,  malgré  ses  efforts,  corriger  tout  à  fait  son  grasseyement, 
et  son  éducation  première  avait  été  trop  incomplète.  Sa  beauté  non 
plus  n'était  pas  sans  reproche,  mais  elle  avait  plus  que  la  perfection 
de  la  nature  et  de  l'art  ;  elle  avait  le  charme,  la  passion;  l'éloquence 
du  regard  et  du  jeu  muet  ;  les  traits  de  son  visage  obéissaient  avec 
la  rapidité  de  l'éclair  aux  mouvements  de  son  âme  ;  elle  écoutait, 
comme  personne  n'écoute,  elle  que  la  parole  et  le  chant  rendaient  si 
belle,  que  l'expression  de  la  physionomie  élevait  au-dessus  de  la 
terre.  Admirablement  taillée,  ni  grande,  ni  petite,  blanche  de  teint, 
blonde  de   cheveux,  elle    offrait  le   type  germanique  avec  toute  sa 

(1)  Voir  les  n01  2(j,  26  et  27. 


séduction  possible.  Fanny  Lewald,  qui  la  vit  à  Kœnigsberg,  peu 
de  temps  après  son  mariage  avec  Karl  Devrient,  acteur  renommé, 
nous  donne  en  quelques  lignes  l'idée  du  prestige  qui  s'attachait  à 
elle  comme  artiste  et  comme  femme.  Au  théâtre,  dans  le  rôle  d'Em- 
meline,  de  la  Famille  suisse,  elle  avait  ému  tous  les  cœurs,  et  fait 
verser  d'abondantes  larmes.  A  travers  l'innocente  douceur  du  ton  de 
l'idylle,  on  sentait  déjà  percer  l'accent  tragique,  et  dans  sa  bouche 
la  plainte  amoureuse  causait  la  plus  vive  émotion.  Quelques  jours 
après,  elle  était  à  la  campagne  dans  uue  famille  où  il  y  avait  plu- 
sieurs jeunes  filles,  ses  amies.  Les  hommes  et  les  femmes  l'entou- 
raient. «  Nous  autres,  dit  Fanny  Lewald,  nous  l'admirions  de  loin, 
éblouies  de  sa  beauté.  C'était  dans  la  chaleur  de  l'été  :  elle  avait  une 
robe  de  taffetas  à  raies  blanches  et  roses,  le  col  et  la  poitrine  décou- 
verts, elle  était  coiffée  avec  tout  le  luxe  de  sa  magnifique  chevelure. 
L'un  des  assistants  la  plaisanta  sur  la  fossette  bien  marquée  de  son 
menton. — «Oui,  dit-elle,  c'est  Dieu  lui-même  qui  me  l'a  faite.  Lorsque 
je  fus  créée,  il  me  donna  un  petit  coup  avec  son  doigt  et  me  dit  : 
—  Maintenant,  va,  tu  es  prête.  C'est  ainsi  que  la  fossette  m'est  res- 
tée !  »  Elle  était  ravissante  en  disant  ces  mots,  et  le  soir,  quand 
parmi  les  roses  qu'on  lui  avait  cueillies,  elle  en  eût  pris  deux  pour 
les  mettre,  l'une  à  son  sein,  l'autre  sur  sa  tête,  elle  me  parut  si  belle 
que  vingt  ans  après  je  me  souvins  d'elle  en  contemplant  à  Florence 
les  Vénus  du  Titien,  non  qu'il  y  eût  la  moindre  ressemblance,  mais 
c'était  la  même  splendeur  d'attraits  et  de  jeunesse.  » 

A  dix-huit  ans,  Wilhelmine  était  mariée  :  elle  avait  commis  la 
faute  commune  à  tant  d'artistes,  pour  qui  le  mariage  n'a  rien  de  sé- 
rieux ni  de  stable  parce  qu'ils  n'y  apportent  aucune  des  dispositions 
qu'exige  un  état  en  lutte  perpétuelle  avec  les  périls  et  les  entraîne- 
ments de  leur  profession.  Pour  eux  le  mariage  n'est  pas  même  une 
station  :  ce  n'est  qu'un  passage.  Malgré  son  honorable  caractère  et 
l'estime  générale  dont  il  jouissait,  Karl  Devrient,  M.  de  Wolzogen 
l'avoue,  n'était  pas  l'homme  qu'il  aurait  fallu  pour  maîtriser  une 
femme  comme  la  sienne  et  mettre  un  frein  à  sa  fougue  indomptable. 
De  cette  union  malheureuse,  et  qui  finit  par  devenir  intolérable,  quatre 
enfants  naquirent,  deux  fils  et  deux  filles.  Le  second  fils,  qui  ressem- 
blait beaucoup  à  sa  mère,  joua  pendant  quelque  temps  les  rôles  d'a- 
moureux au  théâtre  de  Wiesbade.  Les  deux  filles  moururent  avant 
leur  mère  :  la  cadette  tomba  des  bras  d'une  servante  inattentive, 
pendant  que  sa  mère  était  occupée  au  théâtre,  et  ce  triste  souvenir 


274 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


poursuivit  longtemps  Wilhelmine.  Bien  des  années  après,  elle  gémis- 
sait encore  d'avoir  tué  son  enfant  à  cause  de  son  art.  En  1828,  son 
mari  demanda  la  séparation  et  l'obtint  :  ce  qui  la  désolait,  c'était 
que  ses  enfants  lui  fussent  enlevés.  Elle  avait  alors  vingt-trois  ans  : 
une  fois,  elle  envoya  de  Londres  7,000  thalers  pour  leur  éducation. 
Elle  eût  été  capable  de  tout  pour  leur  témoigner  sa  tendresse,  hormis 
pourtant  de  changer  son  excentrique  manière  de  vivre.  Quand  des 
amis  intimes  lui  adressaient  quelques  conseils,  elle  ne  manquait  pas 
de  répondre  :  «  Laissez-moi  donc,  une  fois  pour  toutes,  être  ce 
que  je  suis!  —  Ce  n'est  pas  à  des  prudes  qu'il  appartient  de  me 
juger  !  »  Et  pour  sa  justification,  elle  s'appuyait  sur  des  raisonne- 
ments dont  au  fond  la  base  n'était  autre  que  celle  de  la  théorie 
fameuse  démentie  par  tant  d'exemples  :  Désordre  et  génie. 

Comme  Marie-Madeleine,  Mme  Schroeder-Devrient  figure  au  pre- 
mier rang  de  ces  femmes  auxquelles  il  sera  beaucoup  pardonné 
parce  qu'elles  ont  beaucoup  aimé.  On  peut  trouver  qu'à  cet  égard 
elle  dépassa  même  les  limites  permises  !  Pourquoi  ne  pas  citer  le 
mot  caractéristique  échappé  à  l'un  de  nos  amis,  directeur  du  théâ- 
tre Favart,  à  l'époque  où  la  célèbre  artiste  vint  y  chanter?  «  Ah! 
nous  dit-il  un  jour,  je  suis  bien  sûr  d'être  le  premier  qu'elle  ait 
aimé  à  Paris,  car  c'est  moi  qui  suis  allé  la  chercher  à  la  diligence! 
Mais  le  soir,  par  exemple,  je  crois  bien  que  je  n'étais  pas  le  seul  !  » 
Qui  s'étonnera  qu'à  travers  ces  passions,  dont  elle  ne  pouvait  se 
rassasier,  ces  triomphes,  qu'elle  ne  cessait  de  poursuivre,  mais  dont 
elle  sentait  le  vide,  elle  eut  des  moments  de  mélancolie  amère  et 
d'aspirations  à  un  repos  absolu?  «  Si  j'étais  catholique,  disait-elle, 
je  me  serais  déjà  plongée  dans  un  cloître  !  »  Mais  le  cloître  ne  lui 
eût  servi  de  rien,  car  ce  n'était  pas  le  monde,  ni  ses  vanités,  ni 
ses  perversités  qu'elle  aurait  voulu  fuir,  c'était  elle-même!  Aux  torts 
nombreux  qu'on  avait  le  droit  de  lui  reprocher,  on  en  ajouta  une 
foule  d'autres  :  il  n'est  sorte  de  contes  que  l'on  ne  fît  courir,  ni 
d'excès  que  l'on  ne  se  plût  à  lui  attribuer.  On  l'accusa  notamment 
de  s'enivrer  et  de  ne  jamais  paraître  en  scène  sans  avoir  vidé  une 
bouteille  de  Champagne.  De  même  on  avait  prétendu  que  Mme  Ma- 
libran  abusait  de  madère  au  point  de  détruire  sa  santé.  Le  fait  est 
que  Mme  Schroeder-Eevrient  recourait  à  une  certaine  poudre,  qui 
calmait  son  agitation,  lorsqu'elle  avait  à  jouer  quelque  rôle  impor- 
tant, et  c'est  à  quoi  se  réduisait  en  définitive  son  goût  frénétique 
pour  le  Champagne. 

Chez  elle,  le  désordre  moral  s'alliait  singulièrement  avec  des  habi- 
tudes d'ordre,  de  régularité,  d'élégance  et  de  convenance,  qui  la  sui- 
vaient partout,  et  dont  on  s'apercevait  même  dans  les  logements 
qu'elle  ne  devait  habiter  qu'un  petit, nombre  de  jours.  Mais  c'était 
surtout  en  ce  qui  touchait  son  art  que  le  sentiment  du  beau,  que  le 
besoin  de  s'en  rapprocher  toujours  plus  par  un  effort  constant,  infa- 
tigable, exerçaient  sur  elle  un  empire  qui  tenait  de  la  tyrannie. 
«  Il  y  a  dans  l'art,  disait-elle,  une  éternelle  recherche,  une  éter- 
nelle aspiration,  et  c'en  est  fait  de  l'artiste  qui  s'imagine  avoir 
atteint  le  but.  Rien  de  plus  commode  à  la  vérité  que  de  s'en 
tenir  à  mettre  un  costume  et  à  le  laisser  reposer  jusqu'à  ce  que  le 
répertoire  oblige  à  le  reprendre.  Je  n'ai  jamais  pu  procéder  ainsi. 
Que  de  fois,  après  avoir  été  applaudie,  couverte  de  fleurs,  me  suis- 
je  retirée  dans  ma  loge,  toute  honteuse,  en  me  disant  :  «  Wil- 
»  helmine  qu'as-tu  fait  là?  »  et  je  ne  me  donnais  pas  de  trêve,  ni  le 
jour  ni  la  nuit,  que  je  ne  fusse  parvenue  à  trouver  mieux!  »  Son 
attention  se  portait  sur  les  moindres  détails,  et  elle  ne  pouvait  sup- 
porter les  négligences  par  lesquelles  les  artistes  nuisent  si  souvent 
à  l'illusion  du  spectateur.  Ainsi,  par  exemple,  dans  le  Templier  et 
la  Juive,  elle  se  fâchait  si  Rebecca  laissait  tomber  par  terre,  dès 
qu'elle  n'en  avait  plus  besoin,  le  bijou  dont  elle  avait  tenté  de  payer 
son  salut,  et  qu'elle-même  avait  dit  être  d'une  grande  valeur;  ou 
bien  encore  si,  dans  Freischutz,  Agathe  se  hâtait  de  jeter  dans  la 
coulisse,  à  la  fin  de  son  air,  le  tablier  qu'elle  avait  fait  flotter  aux 


yeux  de  son  amant,  comme  la  bannière  de  l'amour.  «  Ce  qui  manque 
à  tous  ces  gens-là,  disait-elle,  c'est  le  respect  de  leur  art.  » 

Du  reste,  comme  toutes  les  natures  passionnées,  quoiqu'elle  se  fût 
mise  en  possession  d'un  rôle  par  tous  les  moyens  que  procure  l'é- 
tude, il  lui  fallait  encore  un  concours  heureux  de  circonstances  et 
de  rapports  pour  produire  ses  grands  effets,  pour  déployer  sa  toute 
puissance.  Comme  à  notre  Rachel,  les  rôles  nouveaux  ne  se  livraient 
pas  complètement  à  elle  dès  la  première  fois.  Elle  avait  beau  se  pré- 
parer lentement  et  n'affronter  le  péril  que  quand  elle  se  sentait  sûre 
d'elle-même,  les  premières  représentations  n'étaient  pour  elle  que 
des  répétitions,  que  des  épreuves  où  elle  interrogeait  le  public,  et 
apprenait  de  lui-même  le  moment  qu'il  fallait  saisir,  le  procédé 
qu'il  fallait  employer  pour  exciter  au  plus  haut  degré  son  enthou- 
siasme. La  froideur  de  l'auditoire  était  un  obstacle  qui  s'opposait  in- 
vinciblement aux  élans  de  son  génie.  Elle  écrivait,  après  une  repré- 
sentation de  Fidelio  :  «  Le  rouage  de  mes  inspirations  n'a  jamais 
pu  se  mettre  en  mouvement  aujourd'hui  :  je  le  sentais  pris  et  empê- 
tré dans  les  divines  harmonies  de  Beethoven.  Notre  maudit  temple 
des  muses  (le  vieux  théâtre  de  Dresde),  que  le  feu  d'enfer  consume! 
envoyait  à  mon  corps  tout  entier  un  souffle  glacial,  qui  atteignait 
mon  âme  et  en  faisait  une  masse  inerte  que  les  célestes  rayons  du 
maître  ne  pouvaient  fondre.  Le  moyen  de  se  réchauffer,  en  présence 
d'âmes  froides  comme  celles  dont  se  compose  notre  public!  Impos- 
sible d'en  tirer  la  moindre  étincelle,  quoiqu'on  les  frappe  à  coups 
redoublés!  Ames  de  bois!  »  (Le  texte  original  est  plus  expressif  en- 
core, et  on  y  lit  ces  mots  :  Ames  de  cuir .') 

Mais  ce  n'était  pas  seulement  dans  le  public  que  la  grande  artiste 
rencontrait  ces  âmes  de  cuir  qui  paralysaient  sa  verve:  elle  les  trou- 
vait encore  parmi  ses  camarades,  et  elle  ne  dissimule  pas  à  quelles 
terribles  expiations  elle  se  permettait  de  les  condamner.  Si, par  ha- 
sard, elle  avait  affaire  à  quelque  malheureux  ténor,  incapable  de  ré- 
pondre à  sa  brûlante  passion,  elle  chantait  de  manière  à  le  réduire 
à  néant;  et  voici  comment  elle  s'en  excusait  auprès  de  Fanny 
Lewald  :  «  Les  ténors,  en  général,  sont  moitié  bois,  moitié  éponge. 
Comment  faire  pour  se  tenir  au  niveau  de  gens  qu'il  faut  toujours 
pousser?  J'avoue  que  plusieurs  d'entre  eux,  dans  la  chaleur  de 
l'action  dramatique,  ont  éprouvé  la  force  de  mon  bras  ;  mais  pour 
ne  pas  sembler  ridicule  et  outrée  par  mon  énergie  auprès  de  ces 
hommes  de  paille,  je  n'avais  d'autre  ressource  que  de  les  reléguer 
dans  un  coin  et  de  rester  seule  maîtresse  de  la  scène.  »  Ainsi 
elle  se  vengeait  du  partner  qui  la  compromettait  par  son  insuffi- 
sance !  Jouait-elle  le  rôle  de  Roméo,  et  se  trouvait-elle  en  rapport 
avec  une  Juliette,  dont  l'amour  somnolent  l'avait  ennuyée  pendant 
tout  le  premier  acte,  elle  en  punissait  l'infortunée  créature  pendant 
le  quatrième,  et  profitait  de  la  situation  qui  oblige  l'actrice  à  rester 
endormie  dans  son  cercueil  sous  les  yeux  du  public,  pour  lui  cha- 
touiller la  plante  des  pieds,  tout  en  exhalant  les  tendres  soupirs  et 
les  plaintes  désespérées  ! 

Paul  SMITH. 
{La  suite  prochainement.) 


LA  MUSIQUE  À  LÀ  CODR  ET  À  LÀ  VILLE, 

Sous  le  règne  de  liouis  XIII. 

(3e  article)  (1). 

III. 

Associer  à  ses  loisirs  artistiques,  attirer,  comme  exécutants,  à  ses 
concerts  presque  journaliers  ces  gens  du  bel  air,  dont  la  place 
Royale  était  le  Pré  aux  Clercs  galant  et  belliqueux,  ne  dut  pas  être 


(1)  Voir  les  n"  33  et  34. 


DE  PARIS 


275 


pour  Louis  XIII  une  tâche  facile.  11  fut  aidé  en  cela  par  deux  hom- 
mes habiles  :  un  de  ses  valets  de  chambre,  d'abord ,  Marie  Dubois, 
écuyer,  sieur  de  Lestourmières,  gentilhomme  servant,  caractère  liant 
et  aimable,  dont  la  jolie  voix  avait  fait  la  fortune  à  la  cour;  un 
musicien  d'Arles,  en  second  lieu,  nommé  Vaultier,  par  lequel  la  reine 
mère  se  laissait  honteusement  mener,  et  qui,  pour  la  mieux  gouver- 
ner et  assotir,  étudiait  en  astrologie.  Ce  Vaultier  fut  le  rival  et  faillit 
devenir  le  remplaçant  de  Richelieu.  Homme  de  ressources,  esprit 
pénétrant,  délié,  fécond  en  intrigues,  il  s'ingénia  à  entrer  dans  les 
vues  du  roi  et  il  y  réussit. 

Bientôt,  en  effet,  les  concerts  royaux  ajoutèrent  à  leur  programme 
les  talents  les  plus  renommés  de  la  cour  et  de  la  ville.  Ils  étaient 
là,  tous  ces  raffinés,  tous  ces  voluptueux,  ces  mécontents,  ces  mo- 
queurs, ces  ambitieux  trompés  par  le  cardinal  et  ceux  qui  atten- 
daient, en  se  dédommageant  dans  la  liberté  d'esprit  et  dans  les 
plaisirs  de  la  cour!  Elles  étaient  là,  toutes  ces  femmes  charmantes 
du  xvn°  siècle,  au  front  large  et  pur  voilé  de  boucles  blondes  et 
frissonnantes,  aux  yeux  ouverts  à  l'orientale,  au  nez  fin  et  légère- 
ment recourbé,  à  la  bouche  petite  avec  les  lèvres  un  peu  relevées 
des  coins,  ce  qui  donnait  à  leur  sourire  une  grâce  infinie,  à  la 
taille  élancée,  à  la  main  veineuse  et  frêle  posée  sur  les  cordes  des 
luths  et  des  mandores  ! 

Mme  de  Joyeuse,  Mme  de  Fiennes,  Mme  de  Sassy,  Mme  de  Saint- 
Thomas,  Mlle  Paulet,  dont  le  temps  respectait  la  beauté,  Mlles  du 
Puy,  du  Bouchet,  de  la  Barre,  des  Nots,  Boni,  Hilaire,  etc.,  jouaient 
de  la  harpe  et  du  clavecin  dans  l'orchestre  royal. 

Parmi  les  chanteuses  :  Mme  la  princesse  de  Bourbon,  aimée  au- 
trefois d'Henri  IV,  et  dont  la  beauté  était  majestueuse  ;  Mme  de  Mont- 
bazon,  grande,  gaie,  l'air  libre  avec  l'envie  de  plaire  ;  Mme  de  Gué- 
méné,  très- belle  et  coquette,  et  fière  de  ses  triomphes;  Mme  la 
princesse  de  Gonzague;  Mlle  de  Rohan,  qui  fit  profession  d'une  ex- 
trême vertu  et  d'une  grande  fierté;  Mlle  de  Guise,  estimable  en  tout; 
Mlle  de  Vendôme,  sœur  du  duc  de  Beaufort,  le  futur  roi  des  halles  ; 
Mlles  d'Aiches,  de  Polignac  et  de  Vieuxpont  ;  Mlle  d'Hautefort,  la  plus 
belle  de  toutes,  blonde,  bonne  sans  être  tendre,  plutôt  sévère  que 
dure,  naturellement  railleuse;  Mlle  de  la  Fayette,  fille  d'honneur  de 
la  reine,  aimable  et  fière,  au  cœur  bien  fait,  ayant  autant  de  sûreté 
que  de  vertu,  et  «  qui  chantait  à  ravir  —  nous  dit  de  la  Porte  — 
tellement  que  le  bonheur  le  plus  vif  du  roi  était  de  l'entendre.  »  Il 
faut  nommer  encore  la  jolie  petite  Mme  de  Sénecée,  remplie  d'esprH 
mais  un  peu  prude,  qui  s'avisa  la  première,  ne  voulant  pas  prononcer 
le  mot  francisé  de  castrato,  de  dire  :  —  cet  incommodé.  C'était  à  un 
concert  du  Louvre.  Un . . .  soprano  était  en  scène  :  «  Mon  Dieu  ! 
Mademoiselle,  que  cet  incommodé  chante  bien  !  »  Le  nom  leur  en 
resta  à  la  cour  de  France,  et  Mazarin,  avec  son  accent  italien,  ne 
disait  pas  autrement. 

Parmi  les  chanteurs  et  les  musiciens  :  Gaston,  le  frère  du  roi,  le 
prince  ds  Marsillac,  les  ducs  de  Nemours,  de  Bellegarde,  de  Crussol 
de  Liancourt;  les  enfants  de  Mme  de  Guise;  les  pages;  les  marquis 
de  Souvré,  de  Coligny  ;  les  comtes  de  Saint-Maigrin,  de  Montignat, 
de  Guitaut,  de  Morteman;  les  barons  de  Clinchamp,  de  Belleville,  de 
Saintôt;  Bassompierre,  Beringhen,  Boisrobert,  Desmaretz,  le  confi- 
dent du  roi,  etc.;  Ménage,  enfin;  mais  les  chœurs  ne  le  possédèrent 
pas  longtemps.  «  Je  n'ai  jamais  pu  —  disait-il  —  rien  apprendre  de 
la  musique,  pas  même  une  chanson  de  table.  »  Cependant,  au  Jardin 
du  roi,  un  soir,  après  boire,  il  avait  dansé  un  branle  au  chant  de 
quelques  odes  d'Anacréon  mises  en  musique  par  Louis  XIII. 

Forest,  Bontemps,  d'Archambault,  de  Nyert  et  Dubois,  premiers 
valets  de  chambre,  dirigeaient  les  chanteurs.  Les  instrumentistes 
étaient  confiés  aux  soins  de  Livet,  corniste  dont  on  goûtait  les  fanfares; 
de  Mésangeau,  luthiste  distingué,  et  principalement  de  Jacques  Cor- 
dier,  dit  Bocan,  violoniste  fameux  qui  joua  la  sarabande  dansée  par 
le  grand  cardinal  pour  plaire  à  la  reine. 


Les  œuvres  de  Louis  XIII  et  de  Boësset  défrayaient  presque  com- 
plètement le  programme  des  soirées  musicales  de  la  cour.  Quand  le 
roi  était  au  Louvre,  ces  concerts  intimes  avaient  lieu  dans  ses  appar- 
tements, dans  ceux  de  la  reine  mère  et  le  plus  souvent  dans  la  salle 
de  ballet,  construite  sur  l'emplacement  qui  forme  aujourd'hui  la 
cage  de  l'escalier  du  musée. 

Tout  cela  était  fort  gai,  très-animé,  pétillant  de  jeunesse,  d'esprit 
et  d'entrain.  Les  anecdotes  abondent,  mais  on  ne  peut  pas  tout  dire. 
Comment  raconter,  par  exemple,  après  de  la  Porte,  qu'un  soir 
Mlle  de  la  Fayette  chantant  une  chanson  badine  se  prit  à  rire,  et 
de  si  grand  cœur,  et  tant,  et  tant,  que. . .  ma  foi  !  vous  m'enten- 
dez bien?  La  reine  mère  ne  riait  pas,  elle,  et  la  coupable  un  peu 
décontenancée,  prétendit  qu'en  s'asseyant  elle  avait  écrasé  un  citron 
oublié  dans  la  poche  de  son  vertugadin.  On  appelle  de  la  Porte; 
séance  tenante  on  le  charge  de  «  procéder  à  une  enquête,  »  et  de  la 
Porte,  qui  n'y  entend  pas  malice  et  qui,  du  reste,  n'avait  pas  été  mis 
au  courant,  ajoute  gravement  dans  ses  mémoires  qu'un  instant  après 
il  put  donner  à  Sa  Majesté  l'assurance  qu'il  n'y  avait  pas  de  citron 
dans  toute  cette  affaire.  Je  ne  donne  ici  que  le  sens  de  la  réponse. 
Blot,  le  chansonnier  mordant  et  redouté,  qui  était  au  duc  d'Orléans, 
en  fit  un  vaudeville.  Louis  XIII  n'aimait  pas  cette  chanson-là. 

C'est  ici  le  lieu  de  parler  d'une  aventure  plus  tragique  dont  les 
acteurs  figuraient  tous  aux  concerts  du  Louvre:  elle  me  servira  de 
transition  naturelle  pour  dire  quelques  mots  de  Richelieu,  au  point 
de  vue  musical. 

La  cour  était  à  Monceaux.  M.  de  Montmorency  va  voir  Mme  de 
Montbazon,  à  laquelle  on  donnait  M.  de  Chevreuse  pour  amant.  Ils 
s'amusent  à  chanter  en  duo  des  «  valentins  »  rimes  sur  M.  de  Che- 
vreuse qui,  à  ce  moment-là,  avait  mal  à  une  dent  et  à  un  œil.  M.  de 
Chevreuse  l'apprend,  et,  quelques  jours  après,  chez  Mme  de  Mont- 
bazon et  devant  M.  de  Montmorency  qui  s'y  trouve,  il  parle  des 
valentins,  ajoutant  que  le  «  chanteur-poëte  était  un  coquin,  et  qu'il 
le  traiterait  d'importance,  s'il  le  connaissait.  »  M.  de  Montmorency 
ne  répond  rien,  mais  le  lendemain,  à  6  heures,  il  envoie  le  marquis 
de  Praslin  appeler  sur  le  terrain  M.  de  Chevreuse,  à  cette  heure  au 
cercle  de  la  reine.  Quoique  suivis  de  près  et  surveillés,  ils  se  ren- 
dent avec  leurs  écuyers  dans  la  basse-cour  du  château,  et  là,  met- 
tent l'épée  à  la  main,  au  milieu  même  des  gardes-françaises  et  des 
Suisses  qui  veulent  les  arrêter.  M.  du  Hallier  sort  du  château,  à  la 
tête  de  gentilshommes,  pour  séparer  les  adversaires.  Une  mêléef  gé- 
nérale s'ensuit  avec  des  morts  et  des  blessés.  Le  duc  de  Montmorency 
est  arrêté,  le  duc  de  Chevreuse  gardé  à  vue.  Sur  ce  différend  la 
cour  se  sépare  en  deux  camps.  Un  grand  conseil  se  tient  le  lende- 
main sous  la  présidence  de  Richelieu.  M.  de  Montmorency  est  mis  à 
la  Bastille ,  M.  de  Chevreuse  exilé  dans  sa  terre  de  Dampierre.  Peu 
de  temps  après,  il  est  vrai,  le  roi  obtient  leur  grâce  du  cardinal.  — 
Sa  musique  était  désorganisée  !  —  Mais  le  duc  de  Montmorency  garde 
rancune  au  premier  ministre,  et  lorsque  Monsieur  se  retire  en  Flan- 
dre afin  de  recruter  un  parti  à  la  reine  mère,  il  va  lever  des  troupes 
dans  son  gouvernement  de  Languedoc...  L'année  suivante,  sa  tête 
tombait  sous  la  hache  du  bourreau.  Voilà  des  valentins  qui  ont  mené 
loin  leur  homme  ! 

Quelques  mois  se  passent.  Richelieu  forme  le  dessein  d'arrêter  la 
reine  mère  et  de  la  faire  sortir  de  France.  Pour  battre  en  brèche 
son  crédit,  il  se  rétablit  dans  l'esprit  de  Louis  XIII,  il  lui  présente 
des  chanteurs  et  des  musiciens  qu'il  a  mandés  d'Italie;  il  lui  per- 
suade d'aller  à  Compiègne,  d'y  donner  des  concerts  et  des  sérénades. 
L'idée  sourit  au  roi  qui  part,  s'isole  et  écrit  une  série  d'airs  nou- 
veaux. Dans  la  fièvre  de  la  composition,  que  lui  importe  ce  qui 
s'agite,  ce  qui  se  trame  autour  de  lui  !  Pendant  un  concert,  on  ar- 
rête la  reine  et  ses  partisans.  Le  château  de  Compiègne,  gardé  par 
le  maréchal  d'Estrées,  se  change  en  prison  d'Etat.  Le  roi  rentre  à 
Paris,  profondément  irrité  contre    le   cardinal,  mais   entendant   en- 


276 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


core,  dans  sa  vanité  d'artiste,  résonner  délicieusement  à  son  oreille 
et  à  son  cœur  l'écho  des  applaudissements  qui  ont  salué  ses  compo- 
sitions nouvelles,  et  en  voulant  moins  à  Richelieu  d'avoir  porté  la 
main  sur  une  reine,  que  d'avoir  osé  troubler  ses  plaisirs,  à  lui,  le 
maître  1 

Les  concerts  et  les  ballets  figuraient  comme  moyens  dans  la  poli- 
tique de  Richelieu.  Lorsqu'il  donna  sa  nièce,  Mlle  de  Pont-Château, 
en  mariage  à  Puylaurens,  favori  de  Gaston  d'Orléans,  pour  se  récon- 
cilier avec  celui-ci,  «  Puylaurens  —  écrit  Mlle  de  Montpensier  — 
ne  fut  du  ballet  royal  que  pour  couvrir  l'intention  que  le  cardinal 
avait  de  le  faire  arrêter.  Il  le  fit  prendre  au  Louvre  pendant  une 
répétition  du  ballet,  et  conduire  au  bois  de  Vincennes  où  il  mourut 
subitement.  » 

«  Quand  la  reine  Anne  d'Autriche,  bien  malgré  elle,  —  raconte 
de  la  Porte,  —  et  sur  les  instances  réitérées  de  Mme  de  Rohan, 
alla  voir  le  cardinal  à  Rueil,  celui-ci,  pour  lui  donner  le  change  sur 
ses  vrais  sentiments  et  lui  celer  ce  qu'il  avait  projeté  de  faire,  la 
reçut  magnifiquement  et  fit  chanter  devant  elle  un  air  que  Chansé 
avait  fait  exprès.  » 

a  En  1632,  à  la  Rochelle,  —  au  témoignage  d'une  lettre  du  temps, 
—  la  reine,  sa  maison  et  sa  cour  furent  encore  traitées  trois  jours 
de  suite  par  le  cardinal,  avec  toute  la  pompe  imaginable.  Il  y  eut 
toutes  sortes  de  plaisirs;  mais  rien  de  plus  beau  et  qui  plut  autant 
que  la  musique  et  les  concerts. . .  » 

Cette  grande  victoire  catholique  sur  la  Rochelle  et  ceux  de  la  religion 
fut  fêtée  à  Paris  d'un  triomphe  païen.  Selon  le  goût  allégorique  du 
siècle,  Richelieu  exhiba  Louis  XIII  déguisé  en  Jupiter  Stator,  tenant 
à  la  main  un  foudre  doré.  Ce  Jupiter  musicien  s'intitulant  Stator, 
disait  assez  lui-même  qu'il  ne  voulait  rien  qu'arrêter ,  et  qu'il  fou- 
droierait modérément. 

On  battit,  il  est  vrai,  et  l'on  battit  bien  le  cardinal  avec  ses 
propres  moyens.  A  certains  jours  la  musique  lui  fut  amère.  Dans 
l'affaire  du  chevalier  du  Jars,  une  de  ses  plus  nobles  victimes,  on 
retire  les  sceaux  à  Châteauneuf,  on  l'arrête  au  milieu  d'un  concert, 
on  l'enferme  au  château  d'Angoulême.  Richelieu  tombe  malade.  Châ- 
teauneuf transporté  de  joie,  fait  venir  des  violons,  danse  et  chac- 
sonne  Son  Eminence  dans  l'espoir  d'être  bientôt  ministre.  Le  roi 
s'en  mêle,  et  il  décoche  au  convalescent  deux  vaudevilles  satiri- 
ques : 

Richelieu  prolonge  son  sort,  etc. 
Et  cet  autre  : 

Quand  Armand  vit  le  diable  aussi  près  de  sa  couche,  etc. 
Du  reste,  au  lendemain  de  la  mort  du  cardinal,  le  roi,  oubliant  dans 
un  cruel  accès  d'ingratitude,  que  cet  «  Armand  »  avait  dompté  les 
grands,  élevé  la  monarchie  et  réalisé  bien  des  idées  françaises,  le 
roi  trouvera  encore  sur  son  luth  une  corde  ironique  pour  chanter, 
avec  une  sécheresse  de  cœur  qui  fait  peine.  —  Chanter  est  sa  vie  : 
pour  chanter  tout  lui  est  bon  ! 

Il  a  passé,  il  a  plié  bagage,  etc. 
Et  encore  : 

Voilà  la  France  hors  de  ses  fers... 


Em.  Mathieu  DE  MONTER. 


(La  fin  prochainement .  ) 


CORRESPONDANCE. 


Nous  recevons  de  M.  Panofka  une  lettre  particulière  dans  la- 
quelle il  nous  donne  des  détails  intéressants  sur  l'inauguration  de  la 
statue  de  Rossini  à  Pesaro,  à  laquelle  il  a  assisté.  Quoique  cette  let- 
tre ne  soit  pas  destinée  à  la  publicité,  nous  croyons  ne  pas  désobli- 


ger M.   Panofka  et  faire  plaisir  à  nos  lecteurs  en  reproduisant  ce 
qu'elle  contient  de  relatif  à  la  fête  rossinienne. 

Pesaro,  ce  22  août  1864. 

J'aurais  bien  voulu  vous  envoyer  un  article  en  bonne  forme  pour 
la  Gazette  musicale,  sur  l'inauguration  de  la  statue  de  Rossini  à  Pesaro  ; 
mais  au  moment  de  retourner  à  Milan,  il  ne  me  reste  que  tout  juste  le 
temps  de  jeter  au  hasard  quelques  lignes  sur  le  papier. 

Parti  samedi  à  5  heures  et  demie  du  matin  de  Bologne  avec  une 
véritable  caravane  d'artistes,  de  poètes,  de  journalistes,  venus  de  tous 
les  points  de  l'Italie,  nous  sommes  entrés  à  la  gare  de  Pesaro  à  9  heu- 
res. Une  bande  militaire  nous  a  reçus  avec  de  brillantes  fanfares. 
Quelle  cohue  !  quelle  inquiétude  de  trouver  un  gîte  !  Figurez-vous  des 
milliers  d'étrangers  qui  viennent  envahir  cette  gracieuse  ville  de  Pesaro, 
dont  le  nombre  d'habitants  s'élève  à  12,000,  et  qui  demandent  à  la  fois 
le  gîte  et  la  nourriture,  des  chambres,  des  déjeuners  et  des  dîners.  Aussi 
ne  puis-je  assez  remercier  la  veuve  et  le  fils  de  Vaccaj,  le  célèbre  pro- 
fesseur de  chant  et  compositeur,  qui,  avec  une  courtoisie  tout  italienne, 
nous  ont  offert  l'hospitalité  la  plus  gracieuse,  à  moi  et  à  mon  ami  Emi- 
liani,  l'éminent  violoniste  de  Bologne,  et  membre  de  la  commission  ros- 
sinienne. La  maison  de  Mme  Vaccaj  est  située  dans  la  rue  adjacente 
à  la  via  Rossini,  où  se  trouve  la  maison  qui  a  vu  naître  le  cygne  de 
Pesaro.  Au-dessus  de  la  porte  de  cette  maison,  petite,  mais  d'une 
jolie  apparence,  et  qui,  par  une  bizarrerie  à  moi  inexplicable,  porte  les 
trois  numéros  333,  334  et  335,  on  voit  une  table  en  marbre  avec  la 
date  de  la  naissance  de  Rossini. 

Le  rendez-vous  général  était  la  piazza  Rossini.  Là,  dans  une  des  ni- 
ches de  la  façade  de  San  Domenico,  est  placée  une  statue  du  maître, 
vêtu  d'une  polonaise  à  brandebourgs,  qui  fut  donnée  à  la  ville  par  un 
particulier.  En  face  de  cette  église,  un  grand  café  a  été  improvisé  et 
nommé  Café  Rossini,  où,  malgré  une  chaleur  accablante,  s'étaient  réu- 
nies les  notabilités  artistiques  accourues  de  toutes  les  parties  de  l'Italie 
pour  rendre  hommage  au  génie  du  grand  maître  : 

Palerme  était  représentée  par  MM.  Lancia  di  Broto,  secrétaire  de  l'a- 
cadémie des  belles-lettres;  Platania  et  Saladino,  journalistes; 

Naples,  par  les  deux  éminents  professeurs  de  composition,  MM.  Conti 
et  Serrao,  d'une  distinction  et  d'une  affabilité  rares,  et  par  M.  Florino» 
compositeur  ; 

Venise,  par  M.  Buzzola,  maître  de  chapelle  de  Saint-Marc; 

Turin,  par  M.  Reglï,  l'érudit  rédacteur  en  chef  du  Pirata; 

Florence,  par  MM.  le  comte  de  Pertirari-Gordiano,  frère  de  Giulio, 
comte  Appoliti;  Pacini,  le  célèbre  auteur  de  Saffo  et  de  tant  d'autres 
partitions  ;  Mabellini,  le  célèbre  contrepointiste,  homme  charmant  et 
d'une  douceur  rare;  Mariani,  le  meilleur  chef  d'orchestre  d'Italie; 

Milan,  par  M.  Rossi,  directeur  du  Conservatoire,  et  les  deux  profes- 
seurs de  composition  Ronchetti  et  Lucca,  et  de  Filippi,  le  spirituel  feuil- 
1  etoniste  de  la  Persrveranza.  L'absence  de  l'éminent  professeur  Mazzu 
cato  a  été  généralement  regrettée. 

Et  enfin,  Bologne,  par  MM.  le  comte  de  Pepoli,  l'auteur  du  libretto 
des  Puritani,  maire  de  Bologne;  Emiliani,  le  célèbre  violoniste;  Golli- 
nelli.  à  juste  titre  nommé  le  chef  de  l'école  de  piano;  Ivanoflf,  Ba- 
diali,  Giraldoni,  dont  la  voix  est  plus  fraîche  et  plus  puissante  que  ja- 
mais ;  Pedrazza,  Giuglini  et  l'éminent  poète  Mereantini.  J'en  oublie  sans 
doute,  et  beaucoup. 

Tout  le  monde  attendait  impatiemment  la  représentation  de  Guil- 
laume Tell  ;  «  mais  l'homme  propose  et  les  ténors  disposent,  »  car  ce 
sont  bien  les  dieux  du  jour.  L'indisposition  subite  de  M.  Stigelli  a  forcé 
la  direction  à  donner  l'opéra  sans  ténor.  Malgré  cela  tout  a  bien 
marché,  et  le  joli  théâtre  de  Pesaro,  qui  peut  bien  contenir  quinze 
cents  personnes,  était  rempli  jusqu'aux  combles.  L'orchestre,  composé 
des  professeurs  les  plus  distingués  de  l'Italie,  et  les  choristes,  au  nom- 
bre de  soixante-huit,  ont,  sous  l'énergique  direction  de  Mariani,  sur- 
tout brillé  par  la  vigueur  et  une  belle  sonorité.  Le  public  ,  très- 
enthousiaste,  a  bissé  l'ouverture.  La  chaleur  était  vraiment  tropicale 
et  ne  m'a  pas  permis  de  rester  jusqu'à  la  fin  du  spectacle,  qui  a  ter- 
miné la  première  journée.  Celle  d'hier,  favorisée  par  le  temps  le  plus 
beau,  offrait  un  programme  très-riche.  Dès  le  matin,  on  préparait  sur 
les  places  des  colonnes  en  bois  avec  des  drapeaux  aux  couleurs  natio- 
nales, et  une  illumination  à  la  vénitienne;  les  chevaux  des  fiacres 
étaient  ornés  de  plumes  rouges  et  blanches,  des  musiciens  ambulants, 
parmi  lesquels  il  y  avait  de  bons  exécutants,  faisaient  entendre  leurs 
plus  beaux  morceaux.  La  foule  était  grande  et  le  nombre  de  mendiants 
l'était  aussi  ;  tout  le  monde  était  gai  et  content.  A  midi ,  la  fête  a  été 
inaugurée  par  une  séance  solennelle  que  présidaient  S.  Exe.  M.  Peruzzi, 
ministre  de  l'intérieur;  SI.  le  maire  et  les  adjoints  de  la  ville  de  Pe- 
saro. M.  le  comte  Pertirari  Gardiano  a  lu  un  discours  au  nom  des  re- 
présentants de  Florence,  qui  ont  offert  à  la  ville  une  graûde  médaille 
commémorative  en  or.  Ensuite  M.  Regli  a  lu  également  une  savante 
appréciation  des  œuvres  de  l'homme  de  génie,  qui  a  été  vivement  ap- 
plaudie; mais  ce  qui  a  profondément   ému  et  touché  l'assemblée  nom- 


DE  PARIS. 


277 


breuse,  c'est  une  improvisation  de  M.  le  ministre  de  l'intérieur,  grand 
orateur,  doué  d'un  organe  sonore  et  puissant,  à  la  figure  iuspirée,  au 
geste  noble  et  gracieux;  ses  paroles,  qui  étaient  l'expression  d'un  véri- 
table enthousiasme  pour  l'art,  ses  pensées  élevées  et  parfois  neuves,  ses 
rapprochements  de  l'art  avec  la  politique,  la  phrase  surtout  où  il  di- 
sait que  pendant  que  l'Italie  sommeillait,  Rossini  seul  la  faisait  vivre 
par  ses  mélodies,  —  tout  cela  a  électrisé  les  assistants  et  a  provoqué 
une  triple  salve  d'applaudissements. 

A  3  heures,  à  la  gare  du  chemin  de  fer,  la  statue,  présent  de 
MM.  Salamanca  et  Delahante,  directeurs  des  chemins  de  fer  italiens, 
a  été  dégagée  de  son  voile.  Chose  bizarre  I  Rossini,  qui  n'aime  pas  les 
chemins  de  fer,  s'est  fait  construire  à  Passy  une  villa  près  la  gare,  et  à 
Pesaro,  sa  statue  est  placée  à  la  gare,  et,  assis  dans  un  grand  fauteuil, 
le  maître  fixe  ses  yeux  sur  la  salle  d'attente,  en  tournant  le  dos  à  la 
ville.  Sur  une  grande  estrade  se  trouvaient  cinq  cents  exécutants  qui 
ont  admirablement  dit  l'ouverture  de  la  Gazza  ladra;  puis  M.  le  comte 
Bellino  Briganti-Bellini,  député  et  représentant  de  la  Société  générale 
des  chemins  de  fer  romains,  a  fait  un  discours  très-politique,  qui  a  été 
suivi  de  la  cantate  composée  par  Mercadante,  sur  des  paroles  du  poète 
Mercantini.  L'illustre  compositeur  napolitain,  qui  hélas,  n'a  pu  venir  à 
Pesaro,  s'est  servi  des  plus  beaux  morceaux  de  la  Donna  delLago  et  de 
Zelmire,  qu'il  a  enchaînés  avec  un  art  supérieur  et  instrumentés  avec 
son  talent  si  connu.  Elle  a  produit  un  grand  effet  et  a  été  redemandée. 

Des  Evviva  nombreux  à  Rossini,  à  Mercadante,  à  Pacini,  à  Mariani, 
à  l'Italie  ont  été  poussés  par  des  milliers  de  personnes.  M.  le  comte 
Pepoli  a  ensuite  pris  la  parole  pour  annoncer  qu'au  même  moment  où 
le  voile  qui  couvrait  la  statue  de  Rossini  est  tombé,  la  ville  de  Bologne 
posait  sur  la  place  du  Lycée  une  pierre  avec  cette  inscription  à  la  ma- 
nière latine  : 

21  Agosto  1864 
Iscrizione 
Sulla  porta  del  Liceo  Filarmonico  di  Bologna. 
Qui  entra  studente  di  qui  ussci  principe 
Délie  scienze  musicali 
Gioacchino  Rossini 
E  Bologna  per  dvcumento  perenne  d'onore  intitolà  del  suo 
Nome  a  circastante  piazza  e  questa  lapide  posé 
Il  21  Agosto  1864. 
La  solennité  s'est  terminée  par  l'ouverture  de  Sémiramide,  parfaite- 
ment exécutée  et  redemandée.    Le    tout    a    été  dirigé  par   Mariani, 
qui  a  montré  un  grand  talent  de  chef   d'orchestre.  Le  soir  il  y  a  eu 
concert  au  théâtre.  On  y  a  chanté  des  fragments  du  Stabat,  du  Barbier, 
de  la  Cenerentola,   de   Mosé  et  de  Sémiramide,  ainsi  que  la  Cantate  de 
Pacini  sur  des  paroles  de  Mercantini,  qui  sont  fort  belles  ;  je  veux  vous 
citar  celles  que  chante  Venise  et  qui  ont  vivement  ému  : 
Vengo  alla  festa  anch'  io  per  V  aria  bruna, 

Porto  il  sospiro  délia  mia  laguna. 
La  mia  laguna  è  in  faccia  a  questa  sponda, 

E  piena  di  canzoni  era  quell'  onda. 
Sa  i  canti  di  Rossini  il  gondoliere, 

Ma  oggi  ilnostro  canto  è  Miserere. 
Vengo  alla  festa  anch'  io  per  ('  aria  bruna, 
Porto  il  sos}riro  délia  mia  laguna. 
La  ville  était  splendidement  illuminée. 

S.  M.  le  roi  Victor-Emmanuel  a  conféré  à  Rossini  le  grand  cordon 
de  l'ordre  des  Saints-Maurice  et  Lazare. 

H.  P. 


Notre  savant  collaborateur  M.  Fétis  père,  maître  de  chapelle  de 
S.  M.  le  roi  des  Belges  et  directeur  du  Conservatoire  royal  de  musique 
de  Bruxelles;  est  à  Paris  depuis  quelques  jours.  Il  s'y  est  rendu  sur 
l'invitation  qui  lui  en  a  été  adressée  par  Mme  Meyerbeer  et  par 
M.  Perrin,  directeur  de  l'Opéra,  pour  prendre  connaissance  de  la 
partition  de  l'Africaine,  dont  les  répétitions,  auxquelles  M.  Fétis 
doit  présider,  commenceront  aussitôt  que  Roland  à  Roncevaux 
aura  été  joué.  On  sait  le  cas  que  faisait  l'illustre  auteur  des  Hugue- 
nots des  lumières  de  M.  Fétis  et  ses  sentiments  d'affection  pour  lui; 
il  est  donc  tout  naturel  que  cette  tâche  glorieuse  lui  ait  été  confiée . 
De  son  côté,  en  l'acceptant,  M.  Fétis  ne  s'est  pas  dissimulé  l'impor- 
tance de  la  responsabilité  qu'il  assumait,  mais  son  dévouement  et 
son[amitié  pour  Meyerbeer  ne  lui  permettaient  pas  d'en  décliner 
l'honneur. 


NOUVELLES. 

„*„,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Trouvère  et  le 
Marché  des  Innocents  ;  mercredi,  Guillaume  Tell  ;  et  vendredi,  Lucie  de 
Lammermo&r  et  Nemea.  —  Demain  on  donnera  les  Huguenots. 

***  Mercredi  prochain  aura  lieu  la  première  répétition  à  l'orchestre 
de    lloland  à  Roncevaux. 

»**  Mme  Marie  Petipa,  qui  a  passé  deux  mois  à  Paris,  vient  de  repar- 
tir pour  Saint-Pétersbourg.  Elle  fera  sa  rentrée  au  grand  théâtre  par 
la  reprise  de  la  Fille  de  Plmraon,  dont  Mme  Rosati  avait  créé  le  prin- 
cipal rôle.  De  son  côté,  Saint-Léon  a  quitté  Paris  avant-hier  avec 
Mlle  Lebedeff.  Il  va  monter  son  grand  ballet  pour  la  saison  d'hiver.  Il 
avait  été  un  moment  question  du  début  de  Mlle  Lebedeff  à  l'Opéra  ;  mais 
il  est  remis  à  l'année  prochaine. 

***  M.  de  Leuven  vient  de  recevoir  deux  poèmes  d'opéra,  dus  à 
M.  Alphonse  Daudet,  l'un  des  auteurs  de  la  Dernière  idole,  comédie  jouée, 
on  le  sait,  avec  grand  succès  à  l'Odéon.  —  L'un  de  ces  deux  poèmes 
a  pour  titre  :  les  Absents,  le  second  s';ippelle  :  les  Moulins  à  vent.  —  La 
musique  des  Absents  a  été  confiée  à  M.  Poise.  Cet  ouvrage  sera  joué 
très-prochainement 

»**  A  partir  de  jeudi  dernier,  25,  le  bureau  de  location  du  théâtre 
impérial  de  l'Opéra-Comique  a  été  rouvert,  et  c'est  irrévocablement  le 
1er  septembre  que  recommenceront  les  représentations  par  la  Dame 
blanche  avec  Achard  et  Mlle  Cico.  —  Montaubry  rentrera  le  lendemain 
dans  le  Postillon  de  Longjumeau.  —  Lara  et  l'Eclair  seront  repris  dans 
la  première  quinzaine  du  mois. 

„.**  La  direction  de  l'Opéra-Comique  vient  d'engager  Mme  Gennetier 
pour  chanter  les  premiers  rôles  de  soprano.  Elle  débutera  dans  le  cou- 
rant du  mois  de  septembre.  Mme  Gennetier  a  été  plusieurs  années  pre- 
mière chanteuse  à  l'Opéra  de  la  Nouvelle-Orléans,  où  elle  était  fort  ai- 
mée. Elle  y  tenait  tout  le  répertoire  de  l'Opéra-Comique,  et  elle  y  a 
créé  avec  un  grand  succès  le  rôle  de  Catherine,  de  l'Etoile  du  Nord  La 
lutte  qui  ensanglante  l'Amérique  l'a  forcée  d'abandonner  ce  pays,  et 
nous  croyons  que  M.  de  Leuven  a  eu  la  main  heureuse  en  se  l'at- 
tachant pour  trois  ans.  Mme  Gennetier  possède  une  voix  d'un  timbre 
charmant  et  fort  étendue;  elle  vocalise  avec  une  merveilleuse 
facilité,  et,  ce  qui  ne  gâte  rien,  elle  est  excellente  musicienne.  Douée 
d'un  physique  agréable,  sa  physionomie  a  beaucoup  de  vivacité  ;  elle  est 
bonne  comédienne  et  particulièrement  faite  pour  réussir  dans  les  rôles 
de  Mme  Damoreau. 

***  Le  théâtre  Lyrique  rouvrira  ses  portes  jeudi  1er  septembre  par 
la  Reine  Topaze,  et  le  lendemain  on  donnera  Don  Pasquale. 

„,**  Pendant  le  séjour  du  roi  d'Espagne  à  Paris,  M.  Bagier,  directeur 
du  théâtre  Italien,  a  été  admis  à  l'honneur  de  lui  présenter  ses  hom- 
mages. L'accueil  fait  par  Sa  Majesté  à  M.  Bagier  a  été  des  plus  bien- 
veillants, et  Elle  a  daigné  lui  dire  plusieurs  choses  gracieuses  au  sujet 
de  sa  double  entreprise  du  théâtre  Italien  à  Madrid  et  à  Paris. 

***  La  représentation  donnée  le  samedi  de  la  semaine  dernière  au  théâ- 
tre du  château  de  Versailles  en  l'honneur  de  S.  M.  le  roi  d'Espagne 
était  éblouissante  de  lumières,  de  toilettes,  d'uniformes  et  de  déco- 
rations. Elle  a  commencé  à  9  heures  et  demie,  et  elle  se  composait 
ainsi  que  nous  l'avons  dit,  de  la  comédie-ballet  de  Corneille  et  Molière, 
Psyché,  avec  la  musique  ds  Jules  Cohen.  On  avait  entremêlé  au  troisième 
acte  un  pas  de  Giselle  et  le  divertissement  des  Saisons  des  Vêpres  si- 
ciliennes. Les  chœurs  étaient  exécutés  par  les  élèves  du  Conservatoire. 
L'orchestre  était  dirigé  par  Georges  Hainl.  A  1 1  heures,  la  représentation 
était  terminée. 

s*^.  Tamberlick  a  fait  sa  première  apparition  à  Madrid  au  théâtre 
Rossini  dans  Poliûto.  Quoiqu'on  ait  pu  constater  dans  les  moyens  du 
célèbre  chanteur  quelques  défaillances,  il  n'en  a  pas  moins  chanté  ce 
rôle,  l'un  de  ses  meilleurs,  avec  une  grand  supériorité,  et  le  public  lui 
a  fait  un  chaleureux  accueil.  Mme  Bendazzi  a  été  faible  dans  le  rôle  de 
Pauline. 

„,*,„  A  l'occasion  de  son  jour  de  naissance  et  de  sa  haute  promo- 
tion dans  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur,  une  brillante  fête  a  été 
donnée  par  Rossini  la  semaine  dernière  à  sa  villa  de  Passy,  devant  une 
nombreuse  assemblée  composée  d'amis  de  l'illustre  maître.  Des  artis- 
tes de  l'Opéra  et  de  la  Comédie-Française  ont  tenu  à  honneur  de  prê- 
ter le  concours  de  leur  talent  à  l'exécution  de  divers  fragments  de 
ses  œuvres. 

t*t  Mme  Frezzolini  et  Bottesini  viennent  de  donner  un  concert  à 
Enghien;  le  célèbre  contre-bassiste  est  ensuite  parti  pour  Saint-Malo, 
en  compagnie  de  M.  et  de  Mme  Bettini  (Trebelli),  où  on  les  attendait. 
Bottesini  reste  attaché  au  théâtre  de  Barcelone  en  qualité  de  chef 
d'orchestre.  Quant  à  M.  et  Mme  Bettini  ils  sont  engagés  à  Rome  pour 
la  saison  d'automne,  et  leur  apparition  s'y  fera  dans  Marta  qu'ils  inter- 
préteront avec  Mlle  Angelica  Moro,  MM.  Storti  et  Marchisio. 

**,,,  Le  Pirate  annonce  comme  très-prochaine  la  réouverture  du  théâtre 
Victor-Emmanuel  à  Turin  pour  la  saison  d'automne  et  donne  la  com- 
position de  la   troupe  engagée.    Elle    comprend  pour  l'opéra  :  Prime 


278 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


donne  assolute,  Lagrua-Emy,  Palmieri  Maria,  Berti  Ersilia,  Ferrari  Leo- 
nilda;  primi  tenori  assoluti,  Zaccometti  Giovanni,  Andreeff  Nicola  ;  pri- 
mo tenore  assoluto,  Gaetano  Pardini;  primi  baritoni  assoluti,  Cima  Giu- 
seppe,  Grandi  Antonio  ;  prima  donna  contralto  assoluta,  Ciaschetti  Sera- 
fina;  primo  basso  assoluto,  Bagaggiolo  Eraclito;  pour  le  ballet,  les 
chorégraphes  Boni  Pasquale ,  Rota,  Giuseppe  et  Bini  Giuseppe.  Les 
premières  danseuses  sont  Mmes  Emilia  Aranyvary,  Poggiolesi,  Ettore. 
—  Au  théâtre  Alfieri  a  eu  lieu  enfin  la  première  représentation  si 
longtemps  attendue  de  Robert  de  Normandie,  opéra-ballet  en  quatre 
actes  et  sept  tableaux.  Le  poëme  est  de  Maurizio  Toussaint  et  la  mu- 
sique des  maeotri  Cordiale  et  Denina.  La  réussite  a  été  des  plus  heu- 
reuses, et  les  deux  compositeurs  ont  été  rappelés  à  plusieurs  reprises. 
Le  sujet  est  le  même  que  celui  de  Robert  le  Diable  de  Meyerbeer  ;  les 
vers  ne  valent  pas  ceux  de  Romani  ou  de  Cammarano;  mais  tels  quels 
ils  sont  très-acceptables.  La  musique  manque  d'originalité,  mais  elle 
est  bien  faite  et  l'instrumentation  élégante  sent  sa  bonne  école.  Du 
reste,  les  représentations  suivantes  ont  confirmé  le  succès  de  la  pre- 
mière, et  Robert  de  Normandie  paraît  devoir  prendre  une  bonne  place 
dans  le  répertoire  mélodramatique  italien. 

***  On  assure  que  M.  Gye  a  engagé  pour  la  saison  prochaine, 
Mme  Amalia  Patti,  qui  chanterait  avec  ses  sœurs  Adelina  et  Carlotta 
dans  la  Flûte  enchantée.  Ce  trio  de  voix,  d'un  timbre  presque  pareil, 
produirait  certainement  beaucoup  d'effet  dans  les  rôles  de  la  Reine  de 
la  nuit,  de  Pamina  et  de  Papagena. 

*%  Un  nouvel  opéra  comique  de  Balfe,  Sleeping  queen  (Reine  qui 
dort),  doit  être  représenté  à  Londres  la  semaine  prochaine  par  la  troupe 
de  M.  GermaD  Rééd. 

***  La  charmante  chanson  d'Arsène  Houssaye,  dont  nous  parlions 
dans  notre  dernier  numéro,  et  qui  a  si  bien  inspiré  Offenbach,  va  pa- 
raître cette  semaine  sous  le  titre  de  Jeanne  la  Rousse. 

*%  Le  concours  d'orphéons  qui  a  eu  lieu  dimanche  dernier  à  Chan- 
tilly, a  été  des  plus  brillants.  Une  animation  extraordinaire  régnait  dans 
la  ville,  dont  les  rues  étaient  ornées  de  guirlandes  de  feuillage  et  d'arcs 
de  triomphe.  La  distribution  des  médailles  a  été  faite  aux  flambeaux, 
par  M.  Clapisson,  membre  de  l'Institut  et  président  du  jury  des  or- 
phéons. Le  premier  prix  de  la  division  supérieure,  médaille  d'or  d'une 
valeur  de  400  francs,  donnée  par  les  dames  françaises  de  Chantilly,  a 
été  remporté  par  l'orphéon  de  Sèvres. 

s**  Ce  n'est  pas  seulement  à  Londres  qu'on  s'occupe  de  former  des 
compagnies  d'opéra  anglais;  à  New- York  également  un  théâtre  entière- 
ment consacré  à  l'opéra  anglais  a  ouvert  par  l'opéra  de  Balfe,  la  Rose 
de  Castille. 

2*2  L'Institut  musical  de  Florence  a  donné  une  matinée  consacrée  à 
honorer  la  mémoire  de  Meyerbeer.  La  séance  s'est  ouverte  par  des 
stances  funèbres  composées  par  Meini  et  mises  en  musique  par  le 
jeune  Tadeucci.  Après  l'ouverture  de  Romilda  et  Costanza,  on  a  succes- 
sivement exécuté  un  duo  de  l'Esule  di  Granala,  un  air  du  Prophète 
chanté  par  la  jeune  Nercolini.qui  est  douée  d'une  excellente  voix;  puis 
Mlle  Moreno  a  très-bien  dit  la  romance  de  Robert  le  Diable,  et  l'on  a 
terminé  par  l'ouverture  de  l'Étoile  du  Nord. 

2*2  La  Société  impériale  des  Orphéonistes  lillois,  vient  d'organiser  à  Lille 
une  souscription  en  faveur  des  incendiés  de  Limoges.  Dans  une  lettre 
adressée  aux  journaux  de  la  ville,  le  président,  M.  Ferdinand  Lavainne, 
dit,  en  quelques  mots  pleins  de  cœur,  que  la  société  a  pris  cette  initia- 
tive en  souvenir  de  l'hospitalité  généreuse  et  désintéressée  qui  lui  fut 
offerte  par  la  municipalité  de  la  ville  de  Limoges. 

2*2  Le  12  de  ce  mois,  le  président  de  la  Compagnie  des  chemins  de 
fer  d'Orléans,  Lyon  à  Genève,  etc.,  M.  Fr.  Bartholoni,  a  convoqué  à 
Genève  un  congrès  destiné  à  poser  les  bases  d'une  convention  inter- 
nationale ayant  pour  but  philantropique  d'améliorer  et  d'augmenter 
les  secours  à  donner  sur  les  champs  de  bataille  aux  blessés  de  toutes 
les  nations.  Toutes  les  puissances  de  l'Europe  ont  envoyé  des  représen- 
tants à  ce  congrès,  l'expérience  ayant  démontré  que  la  majeure  partie 
des  blessés  succombent  faute  de  soins  suffisants.  A  cette  occasion, 
M.  Bartholoni  a  donné  dans  sa  belle  villa  de  Genève  une  brillante  fête 
musicale  à  laquelle  nos  meilleurs  artistes  ont  voulu  prendre  part.  On 
y  a  en  outre  exécuté  un  chœur  que  l'éminent  pianiste  compositeur, 
M.  Bergson,  avait  été  chargé  de  composer  pour  la  circonstance,  et  qui, 
chanté  par  cent  voix,  accompagnées  de  la  musique  militaire,  a  produit 
le  plus  grand  effet. 

2*2  On  nous  écrit  de  New-York  que  l'imprésario  Maretzek  se  donne 
beaucoup  de  peine  pour  compléter  le  personnel  de  sa  saison  d'hiver 
qui  s'ouvrira  le  15  septembre.  Il  a  engagé  jusqu'à  présent  :  ténors, 
MM.  Massimiliani  et  Dotti  ;  basses,  Susini  et  Bellini;  premières  chan- 
teuses, Mmes  Kellog,  Morensi  et  Harris;  contralto,  n'ayant  pas  encore 
paru,  Mlle  Frida  de  Gebelle.  L'orchestre  sera  augmenté. 

2*2  M.  et  Mme  Léonard  donnaient  le  16  août,  à  Huy,  un  concert  qui 
avait  réuni  aux  Augustins  plus  de  1,500  personnes  accourues  pour 
entendre  ce  couple  artistique  si  éminent,  et  bientôt  après,  à  Spa, 
le  grand  salon  de  la  Redoute,  rempli  jusque  dans  les  galeries  de  ta- 
bleaux,   l'applaudissait   de   nouveau  dans  le  magnifique  concert  donné 


par  l'administration  des  jeux  à  l'opulente  et  aristocratique  société  étran- 
gère que  Spa  possède  en  ce  moment.  Mme  Léonard  y  a  chanté  avec 
Jourdan  le  duo  de  Philémon  et  Raucis  et  le  grand  air  des  Diamants  de  la 
couronne.  De  son  côté,  M.  Léonard  a  joué  la  Rêveuse  et  la  valse  de  con- 
cert avec  l'adagio  et  l'allégretto  de  son  5°  concerto.  Les  plus  cha- 
leureux bravos,  suivis  de  rappels,  ont  accueilli  M.  et  Mme  Léonard  après 
chacun  de  leurs  morceaux.  La  sérénade  de  Rossini,  exécutée  par  Mme 
Léonard,  MM.  Jourdan,  Léonard,  Godefroid  et  Libert,  a  brillamment 
terminé  cette  belle  soirée. 

2*2  Liszt,  pour  répondre  au  désir  du  Pape,  s'est  fait  entendre  devant 
Sa  Sainteté  et  quelques  hauts  dignitaires  de  l'église  au  palais  de  San  Gan- 
dolpho.  Le  piano  était  placé  dans  la  grande  salle  du  trône,  et  le  célèbre 
artiste  a  littéralement  ravi  son  auditoire.  Il  a  quitté  Rome  pour  assis- 
ter au  congrès  artistique  de  Carlsruhe  qui  a  eu  lieu  le  22  août  et  dont 
nous  reparlerons. 

***  Depuis  la  mise  en  vigueur  de  la  loi  sur  les  musiciens  ambulants, 
les  tribunaux  de  police  de  Londres  condamnent  journellement  bon 
nombre  de  ces  virtuoses  du  pavé,  coutumiers  du  fait  et  récidivistes 
quand  même.  La  peine  infligée  se  monte  généralement  à  25  francs 
d'amende  et  aux  frais. 

2*2  Un  photographe  de  Vienne  vient  de  commencer  la  publication 
d'une  série  de  vues  qui  comprennent  les  tombes  de  Schubert,  Beetho- 
ven et  Mozart. 

2*2  Le  septième  volume  de  la  nouvelle  édition  de  la  Biographie  des 
musiciens,  par  Fétis,  vient  de  paraître.  Nous  rendrons  compte  de  ce 
volume. 

**„  Les  28  et  29  août  aura  lieu,  à  Arras,  le  festival  orphéonique 
annoncé  depuis  longtemps,  et  auquel  quatre-vingt-quinze  sociétés  or- 
phéoniques  doivent  prendre  part.  La  journée  du  dimanche  sera  consa- 
crée aux  orphéons  ;  celle  du  lundi  aux  musiques  militaires  et  aux  fan- 
fares. En  outre,  il  y  aura  un  grand  concert  donné  par  la  société 
philharmonique. 

2*2  Nous  venons  de  recevoir  le  premier  numéro  d'un  nouveau  jour- 
nal :  le  Courrier  d'Arcachon,  consacré  à  la  chronique  des  bains  de  mer 
et  des  eaux  thermales.  MM.  Monselet  et  Pierre  Véroa  sont  au  nombre 
des  rédacteurs. 

2*2  L'administration  supérieure  vient  d'autoriser  une  tombola  de 
huit  mille  billets  au  bénéfice  de  la  Caisse  de  secours  de  l'association 
des  artistes  dramatiques.  Elle  sera  composée  de  lots  de  tableaux,  des- 
sins, objets  d'art  provenant  tous  des  artistes  sociétaires. 

»**  Le  jour  même  où  on  inaugurait  à  Pesaro  la  statue  de  Rossini , 
Bologne  célébrait  la  fête  du  célèbre  maestro  ;  la  municipalité  a  donné 
à  la  place  de  San  Giacomo  le  nom  de  place  Rossini,  et  une  table  de 
marbre  a  été  placée  au-dessus  de  la  porte  du  lycée  de  musique  avec 
une  inscription  appropriée  à  la  circonstance. 

2*2  Dans  la  représentation  donnée  au  Grand-Théâtre  de  Bordeaux,  au 
bénéfice  des  incendiés  de  Limoges,  on  a  remarqué  la  fille  du  chef  d'or- 
chestre du  Grand-Théâtre,  Mlle  Mezeray  qui  a  chanté  le  rôle  de  Rosine 
dans  les  trois  premiers  actes  du  Barbier.  Cette  jeune  personne  possède 
une  Irès-jolie  voix,  dirigée  par  une  excellente  méthode;  elle  vocalise 
avec  une  grande  facilité,  et  son  jeu  est  en  même  temps  simple  et  dis- 
tingué ;  elle  a  reçu  de  chaleureux  et  légitimes  applaudissements. 

2*2  M.  Guidi,  l'éditeur  de  Florence  qui  a  publié  en  éditions  portati- 
ves les  partitions  de  Guillaume  Tell  et  des  Huguenots,  vient  d'ajouter  à 
sa  collection  celle  d'il  Barbiere  di  Seviglia,  de  Rossini,  gravée  d'après  les 
manuscrits  existant  au  Lycée  communal  de  Bologne. 

2*2  A  Dieppe,  M.  Placet,  le  digne  chef  d'orchestre,  est  fort  estimé 
des  amateurs  de  musique.  Le  jour,  il  y  a  concert  sur  la  plage,  et  le 
soir,  au  Casino.  Le  programme  des  concerts  est  varié  ;  des  artistes 
distingués  s'y  réunissent,  et  c'est  ainsi  que  Mlle  Borghèse  s'est  fait  en- 
tendre tout  récemment  au  profit  des  pauvres. 

2*2  On  nous  écrit  de  Bade  :  «  Les  artistes  italiens  ont  donné  le  19 
/.  Puritani  pour  leur  deuxième  représentation.  Naudin,  Delle-Sedie  et 
Mlle  Battu  y  ont  obtenu  un  très-grand  succès.  Le  Trovatore  sera  donné 
lundi  22  avec  Mme  Charton-Demeur  ;  ensuite  viendront  Don  Pasquale 
et  la  Gazza  Ladra. 

2*±  L'éditeur  S.  Richault  vient  de  publier  un  nouvel  et  important  ou- 
vrage, pour  orgue  ou  harmonium,  de  M.  Edouard  Batiste,  professeur 
au  Conservatoire  impérial  de  musique,  organiste  du  grand  orgue  de 
••aint-Eustaohe.  Cette  œuvre,  intitulée  :  15%  versets,  antiennes  ou  préludes, 
dans  tous  les  tons  majeurs  et  mineurs,  sera  d'une  grande  utilité  pour 
tous  les  organistes.  Les  morceaux  sont  courts,  ainsi  que  le  titre  le 
comporte,  et  les  mélanges  des  jeux  pour  le  grand  orgue  ou  pour  l'har- 
monium sont  soigneusement  indiqués  à  chacun  de  ces  152  versets.  Cet 
ouvrage  fait  suite  aux  50  pièces  d'orgue  du  même  auteur. 

t*2  M.  Emile  Chevé,  chef  de  l'école  Galin-Paris-Chevé,  vient  de  mou- 
rir à  Fontenay-le-Comte. 

2*2  On  annonce  la  mort,  à  Munich,  de  M.  Henri  Kohi,  violoniste  du 
roi  de  Bavière. 

2*2  Giuseppe    Scoppa  ,    musicien    de   mérite    et    prédécesseur    de 


DE  PARIS. 


279 


MM.  Coccia  et  Costa  comme  chef  d'orchestre  à  l'opéra  de  Oovent-Gar- 
den,  vient  de  mourir  à  Londres,  où  il  donnait  dans  ces  dernières  an- 
nées des  leçons  de  chant. 

**„  Le  8  août  est  mort  à  Cologne  M.  E.  Kuntz,  auteur  de  plusieurs 
symphonies  et  ouvertures,  et  ancien  maître  de  chapelle  à  Amsterdam. 


„%  Melbourne.  —  Le  Prophète  a  été  représenté  avec  un  immense 
succès  sous  la  direction  de  M,  Lysser.  L'exécution  en  a  été  très-remar- 
quable ;  Mme  Lucia  Escott  s'y  est  surtout  distinguée  dans  le  rôle  de 
Fidès.  Les  Noces  de  Figaro  sont  annoncées. 


CHRONIQUE    DÉPAHTEMENTALE. 

t*t  Lyon.  —  La  réouverture  de  notre  théâtre  lyrique  est  annoncée 
pour  le  I"  septembre.  Elle  aura  lieu  par  Robert  le  Diable.  Une  céré- 
monie en   l'honneur  de  Meyerbeer  aura  lieu  dans  un  des  entr'actes. 

*'%  Havre.  —  Le  théâtre  des  Variétés  vient  do  nous  donner  l'excel- 
lente bouffonnerie  d'Offenhach,  Tromb-al-Cazar,  interprétée  par  Mme 
Niel,  MM.  Victor  et  Duchesne.  On  a  applaudi  en  même  temps  et  les 
artistes  et  la  pièce  qui  ne  peut  manquer  d'avoir  une  longue  série  de 
représentations. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

t\  Bruxelles.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  rouvre  ses  portes  le 
1**  septembre  par  les  Huguenots.  Voici  la  composition  de  la  troupe  pour 
la  saison  de  1864-1865  :  grand  opéra,  opéra  comique,  etc.,  etc.  Ténors, 
MM.  Wicart,  Jourdan,  Holtzem ,  Metzler  et  Danglès,  ténor  comique; 
basses,  MM.  Coulon,  Mederic,  Mengal,  Ferraud,  Pierre  et  Pennequin  ; 
barytons,  MM.  Roudil  et  Barré;  chanteuses,  Mmes  Mayer-Boulart,  Bla- 
rini,  Charry,  Elmire,  Moreau,  Faivre-Rety,  Arquier,  Dubarry,  Marie 
Gronin  et  Bernouville,  mère  dugazon;  quarante-cinq  choristes.  Ballet, 
MM.  Monplaisir,  premier  maître  de  ballet,  avec  un  nombreux  personnel. 
Chef  d'orchestre,  M.  Ch.-L.  Hanssens.  —  Vieuxtemps  vient  de  composer 
une  ouverture  à  grand  orchestre  avec  chœur,  servant  de  cadre  à  un 
hymne  national.  11  a  offert  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Belgique  de 
faire  exécuter  cette  œuvre  dans  la  séance  publique  de  fin  septembre  et 
d'en  diriger  l'exécution.  Cette  offre  a  été  acceptée  avec  remercîments. 
—  MM.  Schott  frères  viennent  de  publier  deux  œuvres  très-remarqua- 
bles :  c'est  d'abord  le  quatrième  concerto  pour  violon,  de  Léonard,  qui 
a  fait  une  si  grande  sensation  au  dernier  concours,  et  l'œuvre  21  de 
Servais,  Souvenir  de  Czernowicz,  recueil  de  mélodies  traitées  avec  toute 
la  science  et  l'habileté  dont  Servais  est  capable. 

$%  Ems.  —  Le  premier  de  nos  grands  concerts  réunissait  trois  ar- 
tistes d'élite,  Batta,  Alard  et  Arban  ;  Batta  avec  des  airs  de  la  Juive  et 
Passiflore;  Alard  en  jouant  ses  deux  fantaisies  sur  Guillaume  Tell  et 
Robert  le  Diable,  et  Arban  avec  ses  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise 
et  sa  fantaisie  sur  le  Trovatore,  ont  enthousiasmé  l'auditoire.  Vivier, 
Wieniawski  et  Mme  Rosa  Kastner  se  sont  fait  entendre  au  second  con- 
cert et  leur  succès  n'a  pas  été  moins  grand. 

,%  Wiesbade.  —  Un  concert-festival  est  annoncé  pour  le  24  août,  à 
l'occasion  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  l'avènement  au  trône  du 
duc  régnant  de  Nassau.  Mlle  Lucca,  de  Berlin,  Mme  Kastner-Escudier, 
Henri  Wieniawski,  A.  Piatti  et  le  ténor  Schnorr  de  Carolsfeld,  de  Dresde, 
s'y  feront  entendre. 

***  Cologne.  —  Un  nouvel  opéra  de  Max  Bruch,  intitulé  Lorelcij,  pa- 
roles de  Geibel,  a  été  favorablement  accueilli. 

„.*£  Berlin.  —  Arban,  le  célèbre  cornet  à  pistons  de  Paris,  vient  de 
se  faire  entendre  à  l'établissement  Kroll.  Son  succès  a  été  prodigieux  ; 
il  a  dû  répéter  deux  morceaux  de  sa  composition. —  Rarement  les  ama- 
teurs de  musique  d'opéra  ont  eu  autant  d'occasions  de  satisfaire  leur 
goût  qu'en  ce  moment.  Voici  ce  qu'on  a  représenté  pendant  la  semaine 
passée  à  l'opéra  royal,  aux  théâtres  Victoria  et  Kroll  :  Les  Huguenots, 
pour  la  rentrée  de  Mlle  Lucca,  le  Lac  des  Fées,  le  Barbier,  Robert  le 
Diable,  les  Mousquetaires  de  la  Reine,  Martha,  l'Aire  de  l'Aigle  (de  Glaeser), 
la  Fille  du  Régiment,  la  Dame  blanche,  Czar  et  Charpentier,  et  le  Mariage 
aux  lanternes.— Le  directeur  de  l'académie  de  chant,  M.  Grell,  a  été  dé- 
coré de  l'ordre  du  Mérite  pour  les  arts  et  les  sciences.—  Taglioni  s'oc- 
cupe de  la  mise  en  scène  d'un  nouveau  ballet  en  trois  actes,  qui  sera 
intitulé  Fantasca. 

„.*„,  Dresde.  —  Idomeneo,  l'opéra  de  Mozart,  a  été  repris  au  théâtre 
de  la  cour.  Malgré  l'insuffisance  du  poëme,  le  public  a  su  distinguer 
les  beautés  réelles  qui  se  trouvent  dans  cet  ouvrage  et  les  a  souvent 
applaudies. 

„,*„.  Vienne.  —  L'opéra  de  Flotow,  Indra,  vient  d'obtenir  un  très-beau 
succès  au  théâtre  impérial.  Mlle  Wildauer  et  M.  Beck  y  ont  eu  de  nom- 
breux bravos.  —  A  l'opéra  de  la  cour,  on  répète,  sous  le  titre  :  la  Fille 
des  Bois,  un  nouveau  ballet  composé  par  l'intendant  le  prince  Auers- 
perg  et  le  maître  de  ballets  Pellerini. 

,,%  Saint-Pétersbourg.  —  Le  général  et  sénateur  Alexis  Lwoff,  compo- 
siteur et  violoniste  d'un  grand  talent,  s'est  démis  de  ses  fonctions  de 
directeur  des  chantres  de  la  cour;  M.  de  Bachmétieff  doit  lui  succéder. 


ERRATUM. 

Une  faute  d'impression  a  été  commise  dans  le  deuxième  article  de 
la  Musique  à  la  cour  et  à  la  ville  que  contenait  notre  dernier  numéro. 

Page  267,  première  colonne,  au  lieu  de  :  «  Plus  nous  allons,  en  vérité, 
et  plus  la  mort  de  Sully  semble  résumer  le  caractère  ;  »  lisez  :  «  et 
plus  le  mot  de  Sully,  »  etc.  La  coquille  est  tellement  grossière  qu'elle  a 
dû  sauter  aux  yeux  de  tous  les  lecteurs.  Ce  serait  bien  la  première 
fois  que  la  mort  d'un  ministre  résumerait  le  caractère  et  la  biographie 
d'un  roil 


HirïC  ®a  demande,  pour  diriger  exclusivement  la  Société  phil- 

Hwi^.  harmonique  de  Fresnes,  canton  de  Condé  (Nord),  un  chef  de 
musique  qui  devrait  prendre  sa  résidence  dans  cette  commune  ;  son 
traitement  annuel  serait  fixé  à  1,500  francs,  indépendamment  des  res- 
sources que  pourrait  lui  offrir  la  populeuse  localité,  au  moyen  de  le- 
çons particulières,  dans  la  commune  même  et  dans  celles  environ- 
nantes. 

Les  candidats  devront  adresser  leur  demande  à  il.  le  maire  de 
Fresnes  avant  le  4b  septembre  prochain. 

Les  lieu  et  jour  du  concours  qu'ils  auront  à  subir,  leur  seront  ulté- 
rieurement indiqués. 


Le  Directeur  :  S.  Dt'FOUB. 


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<•  IE  DOMINO  NOIR. Ah!   quelle  nuit I COUPLETS. 

2.  —  Qui  je  suis  ?. . .  une  fée ..         — 

3.  L'ÉCLAIR Quand  de  la  nuit ROMANCE.. 

4.  L'ENFANT  PRODIGUE- ••  Allez,  suivez  votre  pensée.         — 

5-  L'ÉTOILE  DU  NORD En  sa  demeure COUPLETS. 

6-  LA  FAVORITE Pour  tant  d'amour CAVAT1NE. 

7.  —  Un  ange,  une  femme ROMANCE. 

8-  LA  FÉE  AUX  ROSES.-..  Oui,  chaque  jour  je  viens.        — 

9-  LA  FIANCÉE Entendez-vous? DUO 

10.  —  Montagnard  ou  berger TYllnl.nvsE 

H.  FRA  DIAVOLO Je  voulais  bien COUPLETS. 

12.  —  Voyez  sur  cette  roche RONDE. 

13.  GUIDO  ET  GINEVRA Pendant  la  fête ROMANCE. 

14-  GUILLAUME  TELL Sombres  forêts,  désert — 

15-  HAYDÉE Ah!  que  la  nuit  est  belle  !  BARCAROI.l.E 

16.  —  C'est  la  corvette COUPLETS. 

1 1  ■  LES  HUGUENOTS Plus  blanche ROMANCE. 

18.  LA  JUIVE Rachel,quaudduSeigneur.  AIR 

19-  LA  MUETTE  DE  PORTICI.  Ferme  tes  yeux CAVATINE. 

20.  LA  PART  DU  DIABLE  ■•  Ferme  ta  paupière,  dors..  ROMANCE. 

21-  IE  PHILTRE Je  suis  sergent AIR. 

22.    LE  POSTILLON  DE  LONJUMEAU-  Mes  amis,  écoutez..  RONDE. 

23-  LE  PRÉ  AUX  CLERCS...  Jours  de  mon  enfance AIR. 

24-  LE  PROPHÈTE PourBertha,  moi  jesoupire PASTORALE. 

25.  LA  REINE  DE  CHYPRE..  Triste  exilé CAVATINE. 

26-  ROBERT-LE-DIABLE Nonnes  qui  reposez ÉVOCATION 

27.  —  Val...  dit-elle,  va ROMANCE. 

28.  LA  SIRÈNE 0  dieu  des  flibustiers  ....  COUPLETS. 

29.  LE  VAL  D'ANDORRE..-.  Marguerite,  qui  m'invite. .  ROMANCE. 

30.  —  Toutelanuitsuivautsatrace        — 

3t-  L'AMBASSADRICE Il  est,  dit-on COUPLETS. 

32.  —  Que  ces  murs  coquets ....  AIR. 

33-  LE  DOMINO  NOIR Le  trouble  et  la  frayeur..  ROMANCE. 

34.             —                        La  belle  Inès  fait  florès. ..  ARAGONAISE. 
35-  LA  FAVORITE O  mon  Fernand AIR. 

36.  —  Ange  si  pur — 

37.  —  Va-t'en  d'ici,  de  cet  asile.  DUO. 

38.  HAYDÉE Il  dit  qu'à  sa  noble  patrie.  COUPLETS. 

39.  —  A  la  vo*x  séduisante ROMANCE. 

■10.   LA  JUIVE Il  va  venir,  et  d'effroi — 

41-  LA  MUETTE  DE  PORTICI.  Ne  repoussez  pas CAVATINE. 

42.  MOUSQUETAIRES  DE  LA  REINE  Bocage  épais   AIR. 

43.  —  Le  cardinal  dans  sa  colère  COUPLETS . 

44.  LE  PRÉAUX  CLEBCS-.  Les  rendez-vous DUO. 

45.  LA  REINE  DE  CHYPRE..  Vous  qui  de  la  chevalerie.         — 

46.  ROBERT-LE-DIABLE Robert,  toi  que  j'aime CAVATINE. 

47-  LA  SIRÈNE Prends  garde,  montagnard.  RONDE. 

48.  LE  VAL  D'ANDORRE. .  - .  Voilà  le  sorcier CHANSON. 

49.  _  Faudra-t-il  donc,  pâle ROMANCE. 

50.  —  Le  soupçon,  Thérèse — 

51.  CHARLES  VI. Humble  fille  des  champs..  AIR. 

52.  LE  DOMINO  NOIR Heureux  ad  ne  respire...  CANTIQUE. 

53.  —  Mes  chèies  sœurs CAVATINE. 

54.  L'ÉTOILE  DU  NORD Veille  sur  eux  toujours...  PRIÈRE. 

55.  LA  FAVORITE Jardins  de  l'Alcazar RÉCIT  et  AIR 

56.  GIRALDA Rêve  heureux  du  jeune  âge.  CAVATINE  . 

57.  —  Ange  des  cieux ROMANCE. 

58.  LES  HUGUENOTS Tu  l'as  dit,  oui,  tu  m'aimes.  CAVATINE  . 

59.  JEANNOT  ET  COLIN  ■••  Ah!  pour  moi  quelle  peine.  AIR. 

60.  JOCONDE Dans  un  délire  extrême. ..  ROMANCE. 

61  •   LE  JUIF  ERRANT Pour  expier  envers  lui LÉGENDE. 

62 .  —  A  moi,  ta  sœur  et  ton  amie .  ROMANCE. 

63.  LA  JUIVE Dieu,  que  ma  voix CAVATINE. 

64.  MOUSQUETAIRES  DE  LA  REINE.  Je  l'ai  sauvé  celui.  ROMANCE. 

65.  LA  MUETTE  DE  PORTICI.  Mieux  vaut  mourir EXT.  DU  DUO. 

66 .  —  Chantons  gaîment BARCAROLLE 

67.  —  Voyezdubautdecesrivages  — 

68-  LE  NABAB Ledestincomblemesvœux.C.  DU  TABAC. 

69-  LE  PHILTRE Vous  me  connaissez  tous. .  AIR. 

70.  —  Je  suis  riche,  vous  êtes  belle  BARCAROLLE 

71.  LE  POSTILLON  DE  LONJUMEAU.  Mon  petit  mari AIR. 

72.  LE  PRÉ  AUX  CLERCS-.  ■  Souvenirs  du  jeune  âge. ..  ROMANCE. 

73.  —  Ce  soir  j'arrive  donc AIR. 

74 .  —  A  la  fleur  du  bel  âge RONDE . 

75.  ROBERT-LE-DIABLE...  Jadisrégnaiten  Normandie.  BALLADE. 

76.  BLUMENTHAL  LE  CHEMIN  DU  PARADIS Mélodie. 

77.  DASSIER CE  QUE  J'AIME Romance. 

78.  —  MARCEL  LE  MARIN Rom.  dr.. 

79.  —  POUR  LES  PAUVRES,  MERCI — 

80.  —  TROP  TARD — 

81.  —  UNE  VENGEANCE  CORSE Ch.dram. 

82.  —  VA-T'EN.  JE  T'AIME Mélodie. 

83.  DUPREZ LA  VIE  D'UNE  FLEUR Pastorale 

84.  HALÉVY LA  VENTA-..    Boléro. 

85.  KUCKEN AVE  MARIA Prière. 

86-  LABARRE....  L'ANNEAU  D'ARGENT Légende. 

87.  —  LA  PAUVRE  NEGRESSE Romance. 

88.  MEMBRÉE.  ..  L'ONDINE  ET  LE  PÊCHEUR Ballade. 

89.  MEYEkBEER.  CHANSON  DE  MAI Mélodie. 

90.  —  GUIDE  AU  BORD  TA  NACELLE — 

91.  -  LE  MOINE — 

92.  —  LA  SÉRÉNADE — 

93.  PANSERON...  AU  REVOIR,  LOUISE Romance. 

94.  —  DEMAIN  ON  VOUS  MARIE — 

95-  PROCH LE  COR  DES  ALPES Mélodie. 

96 .  F.  SCHUBERT  ADIEU — 

97.  ■-  AVE  MARIA Prière. 

98.  —  LA  JEUNE  RELIGIEUSE. Mélodie. 

99.  —  LA  SÉRÉNADE 

100.TROUPENAS  LE  BRAVO Romance. 


01.  LE  CHEVAL  DE  BRONZE. Quand  on  est  fille,  hélas!.  COUPLETS. 

02.  LE  COMTE  ORY Veiller  sans  cesse AIR. 

03.  LES  DEUX  PECHEURS-.  Castilbcta BALLADE. 

04.  LES  DIAMANTS  DE  LA  COURONNE.  Vivent  la  p!uie,elc.  COUPLETS. 
03.  LES  DRAGONS  DE  VILLARS.  Heupiheup!  mule  chérie.  AIR. 

06.  —  Ne  parle  pas,  Rose ROMANCE. 

07.  —  Il  m'aime,  espoir  charmant.  AIR. 

08.  L'ENFANT  PRODIGUE..  •  Ah  !  dans  l'Arabie COUPLETS. 

09.  —  J'ai  tout  perdu,  Seigneur .  ROMANCE. 

10.  L'ÉTOILE  DU  NORD  •  --0  jours  heureux  de  joie..         — 

11.  —  Sur  son  bras  m'appuyant .  COUPLETS  i  îtoIi. 
12-  LA  FÉE  AUX  ROSES En  dormant  ,  c'est  à  moi.  ROMANCE. 

13.  —  Près  de  toi  je  crois  revivre. 

14.  LA  FIANCÉE Si  je  suis  infidèle BALLADE. 

15.  —  Garde  à  vous,  avançons.  .  COUPLETS. 

16.  FRA  DIAVOLO Je  vois  marcher AIR. 

17.  —  Agnès,  la  jouvencelle BARCAROLLE 

18.  GIRALDA Bève  si  doux AIR. 

19.  —  0  dieu  d'amour DUO. 

20.  GUIDO  ET  GINEVRA Quand  renaîtra  la  pâle ...  GRAND  AIR. 

21.  GUILLAUME  TELL Accours  dans  ma  nacelle. .  BARCAROLLE 

22.  —  Asile  héréditaire AIR. 

23.  HAYDÉE Enfants  de  la  noble  Venise,  ciiassok  baciihub 

24.  LES  HUGUENOTS Rataplan COUPLETS  «HIT. 

25.  —  Rentrez,habitanlsdeParis.COUVRE-l''EU 
! 26 .  JOCONDE J'ai  longtemps  parcouru...  AIR. 

I27.  MARTHA Seule  ici,  fraîche  rose ROMANCE. 

!28.  —  Mes  chersamis CHAHS,  ou  pouteu 

129.  —  Lorsqu'à  mes  yeux ROMANCE. 

130.  MESDAMES  DE  LA  HALLE.  Au  beau  jour COUPLETS. 

1 31 .  OBÉRON Quel  plaisir  de  flotter ....  BARCAROLLE 

132.  PANTINS  DE  VIOLETTE. Pierrot  est  un  joli  pantin.  CHANSON.... 

133.  LA  PART  DU  DIABLE..  Le  singulier  récit AIR. 

134.  LE  PHILTRE.   La  coquetterie — 

135.  LE  POSTILLON  DE  LONJUMEAU.  Assis  au  pied.  ...ROMANCE. 

136.  LA  POUPÉE  DE  NUREMBERG.  Me  voilà,  oui  c'estelle.  DUO. 

137.  LE  PROPHÈTE Donnez  à  la  pauvre  femme.  COMPLAINTE 

138.  LE  RÊVE  D'UNE  NUIT  D'ÉTÉ.  Oh!  Paris,  séjour A1B  bouffe  AtiCL. 

139.  ROBERT-LE-DIABLE Quand  j'ai  quitté  la  Norm.  COUPLETS. 

140.  LE  VIOLONEUX    Le  violoneux   du  village   .RONDE. 

141.  DASSIER LE  CHÉtIE  DU  DIABLE Romance. 

142.  —  MARINE — 

143.  DELSARTE....  STANCES  A  L'ÉTERNITÉ Mélodie. 

144.  J.  DESSAUER.   LE  RETOUR  DES  PROMIS..  Cantabile  andaloux. 

145.  F.  KUCKEN...  SÉRÉNADE  MORESQUE Mélodie. 

146.  Th.  LABARRE.  LA  PUPILLE Chansonn. 

147.  G.MEYERBEER  LA  BARQUE  LÉGÈRE Mélodie. 

148.  —  CANTIQUE  DU  TRAPPISTE — 

149  F.  SCHUBERT.  LA  POSTE — 

150  LE  ROI  DES  AULNES — 

151.  ACTÉON Nina,  jolie  et  sage AIR. 

152.  LE  CHEVAL  CE  BRONZE  Ah!  pour  un  jeune  cœur.  AIR. 

153.  LES  DEUX  PÉCHEURS.    La  grenouilleaux  camélias  CHANSON. 

154.  DEUX  VIEILLES  GARDES  Versez, moij'aime  le  doux  POISA  CIUKIBE. 

155.  DIAMANTS  DE  LA  COURONNE  Dans  les  défilés BOLERO. 

156.  DRAG-  DE  VILLARS  Quand  le  dragon  a  bien  trotté  AIR  MILIT. 

157.  —  Grâce  à  ce  vilain  ermite COUPLETS 

158.  L'ENFANT  PRODIGUE  H  est  un  enfant  d'Israël ROMANCE. 

159.  L'ÉTOILE  DU  NORD  Beau  cavalier  au  cœur  d'acier  COUPLETS. 

160.  LA  FÉE  AUX  ROSES.  Des  roses,  partout  des  roses  AIR. 

161.  LA  FIANCÉE Que  de  mal,  de  tourment...  COUPLETS. 

162.  —  Un  ciel  serein  et  sans  nuage  ROMANCE. 

163.  FRA  DIAVOLO Le  gondolier  fidèle BARCAROLLE 

164.  —  Pour  toujours,  disait-elle.. .  COUPLETS. 

165.  GIRAi-DA 0  mon  habit,  mon  bel  habit  COUPLETS. 

166.  GUILLAUME  TELL...  Sois  immobile ROMANCE. 

167.  HAYDÉE Glisse  ma  gondole BARCAROLLE 

•168.  —  Unis  par  la  naissance AIR. 

169.  LES  HUGUENOTS...  Piff,  paff. C1IAKS.  IIUBUESOIE 

170.  —  Nobles  seigneurs,  salut CAVATINE. 

171.  JOCONDE L'épreuve  est   tout  à  fait...  AIR. 

172.  —  Parmi  les  filles  du  canton. .  COUPLETS. 

1 73 .  LESTOCQ Ne  nous  trahissez  pas  DUO. 

174.  MARTHA Ah!  voyez  donc!  ah! ARIETTE. 

175.  —  Bois  paisible,  vert  feuillage.   ROMANCE. 

176.  MESDAMES  DE  LA  HALLE  La  lune  et  le  soleil COUPLETS. 

177.  LA  MUETTE  DE  PORTICI  Amis,  la  matinée  est  belle  BARCAHMLl.L 

178.  LE  NABAB Mon  oncle  a  dit,  dans  sa  colère.  ROMANCE. 

179.  LE  PHILTRE  La  reine  Yseult,aux  blanches  mains  BALLADE. 

180.  LE  PORTEFAIX Une  princesse  de  Grenade..  RONDE. 

181.  LE  PROPHÈTE Ah!  men  fils,  sois  béni ARIOSO. 

182.  —  Roi  du  ciel  et  des  anges...  HYMNE. 

183.  ROBERT  BRUCE....  Le  roi  sommeille CAVATINE- 

184.  ROBERT-LE-DIABLE.  0  fortune,  à  ton  caprice....  SICILIENNE. 

185.  —  Noirs  démons,  fantômes TiLSE  ISFEnrfALE. 

186.  LE  SERMENT..  Le  bel  état  que  celui  d'aubergiste  AIR. 

187.  LE  TOREADOR Dans  une  symphonie AIR. 

188.  TROMB-AL-CA-ZAR..  Un  jambon  de  Rayonne RONDE. 

189.  LE  VIOLONEUX Le  violon  brisé ROMANCE. 

190.  ZERLINE Achetez,  voici  des  oranges.  CANZONETTA 

191.  DASSIER JEUNE  FILLE  ET  FAUVETTE Romance. 

192.  —  AIMER  ET  SOUFFRIR — 

193.  —  ADIEU,  PATRIE! — 

194.  GÉRALDY....  LA  LETTRE  AU  BON  DIEU S. histoire 

195.  LABARRE....   LA  FILLE  O'OTAITI Romance. 

196.  —  LA  FIANCÉE  DU  KLEPHTE — 

197.  MEYEBBEER.  LE  VŒU   PENDANT  L'ORAGE Mélodie. 

198.  —  MERE  GRAND Nocturne 

199.  SCHUBERT...  MARGUERITE Mélodie. 

200.  —  PLAINTES  OE  LA  JEUNE  FILLE — 


20-1 .  LA  BARCAROLLE-.  Le  matin  j'y  rêve ROMANCE. 

202.  CENDRILLON 0  sexe  aimable — 

203.  LES  CHAPERONS  BLANCS.  Le  plaisir  n'a  qu'unjour..  COUPLETS. 

204.  LE  CHEVAL  DE  BRONZE.  Là-bas  sur  ce  rocher BALLADE. 

205 .  —  Tranquillement  il  se  promène. .  COUPLETS . 

206.  LE  COMTE  ORY...  Que  les  destins  prospères CAVATINE. 

207.  —  Venez,  amis,  retirons-nous COUPLETS. 

208.  LES  DEUX  JOURNÉES-  Un  pauvre  petit  Savoyard. .  ROMANCE. 

209.  LES  DIAMANTS  DE  LA  COURONNE.  Le  beau  Pédrille.  BALLADE. 

210.  LE  DIEU  ET  LA  BAYADÈRE-  Quel  vin!  quel  repasl..  AIR. 

211.  —  Sois  ma  bayadère — 

212.  LE  DOMINO  NOIR.  Amour,  finis  mon  supplice....  ROMANCE. 

213.  —  Au  réfectoire COUPLETS. 

214.  —  D'où  venez-vous,  ma  chère — 

215.  LES  DRAGONS  DEVILLARS.  Allons,  ma  chère DUC. 

216.  —  Biaise  qui  partait tu.  PHnIBBIAIB. 

217.  —  Il  m'accuse,  il  me  croit  coupable  CANTABILE. 

218.  —  Le  sage  qui  s'éveille CBAJSOS  A  BOIBI 

219.  LE  DUC  D'OLONNE  Fleurs  fraîches  et  jolies ROMANCE. 

220.  L'ENFANT  PRODIGUE.  0  campagne  chérie 

221.  —  Toi  qui  versas  la  lumière AIR. 

222.  L'ÉTOILE  DU  NORD.  Avec  toi,  ma  charmante COUPLETS.    ! 

223.  —  Le  bonnet  sur  l'oreille — 

224.  —  Enfants  de  l'Ukraine 

225 .  —  Sous  les  vieux  remparts YITAIBiÈBts. 

226.  FRA  DIAVOLO..  •  Oui,  c'est  demain COUPLETS. 

227.  —  Quel  bonheur!  je  respire CAVATINE. 

228.  —  Tu  veux  en  vain ROMANCE. 

223.  GIRALDA Ce  récit  est  vraiment  étrange...  AIRBOUFFE. 

230.  —  Quand  saint  Jacques AIR. 

231.  GUILLAUME  TELL.  Mathilde,  idole  de  mon  âme...  ROMANCE. 

232 .  —  Toi  que  l'oiseau TYROLIENNE 

233.  HAYDÉE Adieu  donc,  noble  ville AIR. 

234.  —  Ainsi  que  vous COUPLETS. 

235.  —  Bravons  la  mitraille AIR. 

236.  —  C'est  la  fête  au  Lido DUETTINO. 

237.  —  Mes  jours  voués  à  la  tristesse.  ROMANCE. 

238.  —  Mo  voici,  général AIR. 

239.  —  Salut  l  cité  chérie CHOEUR. 

210.  LES  HUGUENOTS-.  Bonheur  de  la  table ORGIE. 

241.  —  Jeunes  beautés CHOEUR. 

242.  —  0  viens,  divin  Luther   RECITATIF. 

213.  JEANNOT  ET  COLIN.  Malgré  l'éclat  de  l'opulence.. .  ROMANCE. 

244.  JOCONDE Magiand' mère  disait  souvent...  COUPLETS. 

245.  —  Quand  on  attend  sa  belle AIR. 

216.   LE  LAC  DES  FÉES  La  nuit  et  l'orage ROMANCE. 

247.  MARTHA Ah!  que  Dieu  vous  pardonne AIR. 

248.  —  Dors  en  paix,  mon  cœur NOCTURNE. 

249.  —  En  lançant  trait  sur  trait AIR. 

250.  —  Mon  pauvre  camarade RECIT. 

251.  MESDAMES  DE  LA  HALLE.  Ma  ciboulette COUPLETS. 

252.  LA  MUETTE  DE  PORTICI  Ah!  ces  cris  d'allégresse..  A1B 

253 .  —  Plaisir  du  rang  suprême — 

254.  —  Saint  bienheureux PRIERE. 

255.  UNE  NUIT  BLANCHE.  Contrebandier,  tu  ne  sais RONDEAU. 

256.  LES  PANTINS  DE  VIOLETTE     Ce  qu'ils  font AIR. 

257.  LE  PARDON  DE  PLOERMEL.  Mon  remords  te  venge.  ROMANCE. 

258.  —  Dors,  petite BERCEUSE. 

259.  —  En  chasse,  en  chasse CH.DOCHASSBBR. 

260.  —  Ombre  légère GRAND  AIR. 

261.  LE  PHILTRE Philtre,  liqueur  enchanteresse.  AIR. 

262.  LE  POSTILLON  DE  LONJUMEAU.  Oui,  des  choristes.  —       I 

263.  LE  PROPHÈTE....  Versez,  que  tout  respire COUP. BACBMIJ, 

264.  ROBERT  BRUCE  ..  Oui,  demain,  l'Ecossais ROMANCE. 

265.  ROBERT  LE  DIABLE.  La  trompette  guerrière AIR. 

""".  —  Versez  à  tasse  pleine COUPLETS. 

■  LE  ROMAN  D'ELVIRE.  Ah!  ce  serait  un  crime....  ROMANCE. 

—  Si  la  brise  folle BARCAROLLE 

■  LA  ROSE  DE  SAINT-FLSURCnmmnousnousamuiàmes  COUPLETS. 
.  LE  SIÈGE  DECORINTHE.  Qu'à  ma  voix  la  victoire..  AIR. 

■  LA  SIRÈNE Qu'est-ce  donc?  mes  amis — 

■  STRADELLA A  nous  tous,  mes  amis JMSOïïltOILl 

—  Astre  pleia  Je  grandeur HYMNE. 

—  viens,  o  ma  belle SERENADE. 

.  LE  TORÉADOR....  Je  tremble  et  je  doute COUPLETS. 

•  TROMB-AL-CA-ZAR  •  Le  crocodile  en  partant CHANSON. 

.  TROMPETTTEDF  IYI.LE  PRINCE-  Pourquoi  ces  guerres.        — 
.   LE  VIOLONEUX.    .  Conscrit,  conscrit COUPLETS 

■  ZAHETTA Voici  voici  la  jardinière ROMANCE. 

.  ZERLINE Souviens-toi — 

.   ARTUS LES  VIVEURS Chanson. 

.    BLUMENTHAL  POUR  MA  MÈRE Romand. 

—  RAPPELLE-TOI Mélodie. 

■  DASSIER FOU  DE  LA  REINE Romatiu. 

—  VENISE  ET  BRETAGNE — 

.   DELSARTE..     HISTOIRE  DU  BON  DIEU Chant  de  nourrice. 

.  DUPREZ JEANNE  LA  RIEUSE Chansonnette. 

.  KUCKEN MYSTÈRE  DU  COEUR Mélodie. 

.  LABARRE....  LE  KLEPHTE  POURSUIVI Ballade. 

—  LA  SÉPARATION Scène. 

.  LHUILL1ER.  .  L'PLUS  MALIN  D'COQUENTIN Chansonnette. 

—  LA  MAISON  INFERNALE — 

.  MARC  CHAUTAGNE.  J'AI  PERDU  MA  VAQUE — 

—  J'SIS  FARCEUR — 

.  MARNET LE  CHRIST  AU  ROSEAU Mélodie. 

.  MEYERBEER .   LA  DAME  INVISIBLE Chanson  persane. 

—  SUR  LE  BALCON Mélodie. 

.   OFFENBACH  .   BIBI-BAMBAN Chanson  nègre. 

.  SCHUBERT...   L'ÉLOGE  DES  LARMES Mélodie. 

—  LA  TRUITE — 


PRIX    DE     CHAQUE    NUMÉRO    :     25     CENTIMES     NET. 


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BiiHCi'.nE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année. 


ON  S'ABONNE: 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  lous  les  Marchands  de   Musique,  les  Libraire 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


N«  36. 


REVUE 


Septembre  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 2*  r.parai, 

Départements,  Belgique  ot  Suisse...    30  n       id. 

Étranger 34  »       id- 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Feuillets  d'album,  par  Paul  Smith.  —  La  musique  à  la  cour 
et  à  la  ville,  sous  le  règne  de  Louis  XIII  (4e  et  dernier  article),  par  Mathieu 
de  Monter.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


FEUILLETS  D'ALBUM, 
i. 

On  a  signalé  plus  de  différences  que  d'analogies  entre  les  deux 
époques  où  la  liberté  des  théâtres  est  venue  chez  nous  favoriser  l'es- 
sor des  œuvres  lyriques  et  la  multiplication  des  salles  consacrées  à 
leur  exploitation. 

La  grande  supériorité  de  l'époque  passée  sur  l'époque  présente, 
c'est  qu'en  1791  on  avait  devant  soi  plus  de  soixante  ans  de  mélodie 
souveraine,  incontestée,  et  qu'aujourd'hui  beaucoup  de  musiciens, 
vieux  et  jeJnes,  délibèrent  pour  savoir  s'ils  mettront  ou  ne  mettront 
pas  de  la  mélodie  dans  leurs  ouvrages. 

II. 

N'est-ce  pas  un  des  signes  du  temps  les  plus  tristes  que  ce 
doute  qui  vient  assaillir  et  troubler  l'esprit  des  artistes?  En  1791,  la 
foi  était  entière,  absolue;  en  1864,  les  sceptiques  abondent  et  les  athées 
ne  sont  que  trop  nombreux.  Pourquoi  cette  incrédulité?  Pour- 
quoi cette  négation  du  principe  même  de  la  musique?  La  réponse 
est  bien  simple  :  on  voudrait  supprimer  la  mélodie  parce  qu'il  est 
plus  que  jamais  difficile  d'en  trouver.  On  a  épuisé  toutes  les  formules 
connues,  servant  à  l'expression  des  sentiments  et  des  idées  :  un 
homme  de  génie  pourrait  seul  en  renouveler  le  répertoire,  mais  cet 
homme  de  génie  n'apparaît  point.  Il  y  a  tant  d'échos  et  si  peu  de 
voix  !  Les  voix  ne  retentissent  que  de  loin  en  loin,  quand  il  plaît  à 
Dieu,  tous  les  siècles,  ou  tous  les  demi-siècles,  et  les  échos  ne  font 
autre  chose  que  répéter  ce  qu'elles  ont  dit,  avec  quelques  petites 
variantes  plus  ou  moins  heureuses  ;  mais  le  moment  arrive  où  les 
variantes  même  s'épuisent,  et  où  les  échos  sont  réduits  au  silence 
sous  peine  de  tomber  dans  le  plus  affreux  jargon. 

III. 

C'est  ce  qui  faisait  dire  un  jour  à  l'un  de  nos  confrères,  paradoxe 


vivant  que  tout  le  monde  connaît  :  «  La  mélodie  !  voulez-vous  son 
histoire  en  deux  mots  ?  C'est  exactement  celle  du  compliment  de 
M.  Jourdain  dans  le  Bourgeois  gentilhomme;  Belle  marquise,  vos 
beaux  yeux  me  font  mourir  d'amour  !  Voilà  comment  s'énonce  en 
prose  M.  Jourdain,  et  il  n'accepte  aucune  des  périphrases  que  lui 
propose  son  maître  de  philosophie,  parce  qu'il  trouve  que  ces  péri- 
phrases gâtent  la  pureté  de  sa  pensée.  Voilà  aussi  comment  s'exprime 
en  musique  le  compositeur  qui  le  premier  s'empare  d'un  sentiment, 
d'une  idée,  et  les  produit  sous  leur  forme  la  plus  naturelle.  Puis  il 
en  vient  un  second,  qui,  pour  le  seul  plaisir  de  changer  quel- 
que chose,  tourne  la  phrase  ainsi  :  D'amour  mourir  me  font, 
belle  marquise,  vos  beaux  yeux.  Un  troisième,  trouvant  cela  com- 
mun, aime  mieux  dire  :  Vos  yeux  beaux  d'amour  me  font,  belle 
marquise,  mourir.  Un  quatrième,  pressé  du  besoin  de  varier  encore, 
adopte  ce  tour  inédit  :  Mourir,  vos  beaux  yeux,  belle  marquise, 
d'amour  me  font.  Enfin,  un  cinquième,  cédant  toujours  à  l'irrésis- 
tible nécessité  d'innover,  ne  craint  pas  d'en  venir  à  cet  ordre  ou  plu- 
tôt à  ce  désordre  grammatical  :  Me  font  vos  yeux  beaux  mourir,  belle 
marquise,  d'amour.  Et  les  variantes,  les  innovations,  les  renverse- 
ments continuent  jusqu'à  ce  qu'on  se  brise  au  nec  plus  ultra  du 
recherché,  de  l'alambiqué,  de  l'inintelligible  !  » 

IV. 

Un  de  nos  confrères,  et  encore  plus  de  nos  amis,  écrivait  à  propos 
de  Richard  "Wagner,  de  ses  œuvres  et  de  ses  systèmes  :  «  Est-ce 
que  par  hasard  la  musique  se  serait  trompée,  en  prenant  la  mélo- 
die pour  son  essence,  en  la  considérant  comme  son  principe  et  sa 
fin  ?  Au  commencement,  la  mélodie  est  toute  simple  et  toute  naïve  ; 
elle  plaît  par  elle-même  et  par  sa  propre  beauté. |  Elle  naît  sans 
peine,  sans  effort,  elle  se  dégage  des  bruits  du  monde,  comme  Vénus 
de  l'écume  des  mers.  Bientôt  la  coquetterie  lui  vient,  et  elle  cherche 
un  attrait  nouveau  dans  la  parure.  Quand  la  parure  ne  lui  suffît  plus, 
elle  vise  à  être  originale;  puis  de  l'originalité  elle  passe  à  l'étran- 
geté,  à  la  bizarrerie.  Elle  finit  par  se  déguiser  si  bien  qu'onfne 
peut  plus  guère  la  reconnaître,  tant  elle  a  peur  de  tomber  dans  le 
banal.  Enfin  elle  disparaît,  se  cache  et  devient  si  fugitive  qu'on  ne 
sait  plus  où  la  trouver.  Cependant  les  grands  musiciens  la  poursui- 
vent toujours,  persuadés  que  sans  mélodie  il  n'y  a  pas  de  musique, 
et,  quand  ils  parviennent  à  la  saisir,  ils  l'enferment  dans  ces  vastes 


282 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


forêts  d'harmonie,  labyrinthes  savants  dont  ils  tiennent  la  clef,  et 
dans  lesquels  ils  ménagent  soigneusement  des  clairières,  afin  que  la 
mélodie  puisse  reparaître  de  temps  à  autre  et  être  reconnue  malgré 
l'éloignement.  » 


Du  reste,  quoi  qu'on  pense  et  qu'on  dise  de  la  mélodie,  les  essais 
qu'on  a  tentés  jusqu'ici  pour  s'en  passer  n'ont  servi  qu'à  prouver 
qu'elle  est  indispensable.  Cependant  quelques  musiciens  s'étaient 
flattés  d'avoir  trouvé  moyen  de  la  remplacer  avec  avantage.  Ils 
avaient  mis  le  public  à  la  diète,  et  celui-ci  avait  eu  la  bonhomie  de 
s'y  prêter.  Là  dessus,  grande  joie  !  grand  triomphe  !  La  mélodie  a 
fait  son  temps!  La  routine  a  son  coup  de  grâce,  comme  aurait  dit 
M.  Emile  Chevél  Mais  au  bout  de  quelques  jours,  le  public  se  sentant 
l'estomac  creux,  la  tête  vide,  s'abstenait  prudemment  du  chef-d'œu- 
vre, qui  ne  suffisait  pas  à  son  appétit.  Cela  rappelle  l'histoire  de  ce 
cheval,  que  son  maître  voulait  dresser  à  vivre  sans  manger.  Le 
régime  durait  depuis  trois  jours  ;  après  quoi  l'animal  restait  sur 
la  place.  —  C'est  dommage,  disait  le  maître,  il  commençait  à  s'y 
habituer.  Au  théâtre,  mieux  vaut  l'imitation,  la  réminiscence  que 
l'absolue  privation  de  mélodie  !  Renoncez  au  théâtre,  vous  qui  re- 
doutez le  banal  au  point  de  lui  préférer  l'étrange,  le  violent,  le 
désagréable  ! 

VI. 

Autre  supériorité  du  passé  sur  le  présent.  Les  terrains  propres  à 
la  construction  des  théâtres  coûtaient  beaucoup  moins  cher,  et  les 
artistes  étaient  à  bien  meilleur  marché  !  Les  artistes  sont  parfaitement 
maîtres  de  faire  de  leur  voix  ce  que  bon  leur  semble,  mais  n'est-ce  pas 
aussi  notre  droit  et  notre  devoir  de  les  avertir  qu'ils  sont  en  train  de 
ruiner  tous  les  théâtres.  On  a  ri  longtemps  de  ce  mot  du  célèbre  Ca- 
merani,  régisseur  de  la  Comédie  italienne  :  «  Tant  qu'il  y  aura  des 
auteurs,  les  théâtres  ne  pourront  pas  marcher.  »  Aujourd'hui  nous  ne 
rions  pas  du  tout  en  affirmant  que  les  chanteurs  ne  tarderont  pas  à 
rendre  tout  théâtre  chantant  impossible  ! 
VII. 

Notez  que  la  qualité  des  voix  n'augmente  pas  avec  leur  prix  ! 
Seulement,  ce  qu'il  y  a  de  trop  positif,  c'est  que  plus  le  traitement 
s'accroît,  plus  l'artiste  devient  intraitable!  Comment  voudriez-vous 
vivre  sur  un  pied  d'égalité  avec  des  gens  qui  vous  contraignent 
à  leur  payer  plus  de  100,000  francs  par  année?  Évidemment 
les  rôles  sont  renversés.  Le  directeur  est  l'ilote  et  l'artiste  le 
maître;  l'un  gouverne,  l'autre  règne.  Et  la  critique,  jugez  la 
façon  dont  elle  est  accueillie  par  des  millionnaires?  On  conçoit 
assez  bien  le  chagrin,  la  colère  que  ses  moindres  observations  ins- 
pirent à  des  artistes  dont  le  talent  est  coté  si  haut  !  quand  par  ha- 
sard un  feuilleton  vient  à  déclarer  que  leur  sol  commence  à  briller 
par  son  absence,  que  leur  médium  faiblit,  que  leur  registre  bas  s'em- 
plit de  galet,  n'est-ce  pas  comme  si  l'on  annonçait  à  un  armateur 
de  Nantes  ou  de  Bordeaux  qu'un  de  ses  navires  a  sombré,  à  un  pro- 
priétaire de  Beauce  ou  de  Normandie  qu'une  de  ses  fermes  a  brûlé, 
qu'on  a  incendié  la  plus  belle  de  ses  granges,  en  un  mot  qu'il  est 
menacé  d'une  perte  de  20,  30  ou  /i0,000  francs  pour  son  année,  sans 
parler  du  futur  contingent? 

VIII. 

Quoi  de  plus  triste  que  les  restes  d'une  voix  qui  tombe,  avec  une 
ardeur  qui  ne  s'éteint  pas  ?  Ceci  est  du  Bossuet,  Messieurs  et  Mes- 
dames. 

IX. 

Autrefois  on  voyait  le  grand  artiste  (je  ne  parle  ici  que  des  com- 


positeurs) s'élancer  bien  loin  de  la  foule,  dans  laquelle  se  rencon- 
traient à  peine  quelques  hommes,  marchant  à  pas  de  tortue  et  le 
suivant  d'infiniment  loin.  Aujourd'hui,  tout  au  contraire,  il  y  a  une 
multitude  d'artistes  qui  partent  en  même  temps,  marchent  du  même 
pas,  et  s'avancent  plus  que  les  petits  artistes  d'autrefois,  mais  bien 
moins  que  les  grands. 


A  quoi  nous  mènera  le  mouvement  rétrospectif  qui  s'est  manifesté 
depuis  plusieurs  années,  et  qui  certainement  fait  beaucoup  d'hon- 
neur à  notre  goût  ?  à  une  rénovation  de  nos  facultés  inventives  et 
productrices  ?  Je  me  permettrai  d'en  douter. 

XI. 

Il  sera  toujours  plus  facile  de  bâtir  des  théâtres  que  de  trouver 
des  idées. 

XII. 

On  ne  cesse  de  préconiser  l'importance  des  études,  comme  si  la 
fécondité  tenait  à  la  science!  Dans  tous  les  arts,  ce  qui  porte  le 
plus  à  la  eréation  des  chefs-d'œuvre,  ce  n'est  pas  qu'il  y  en  ait 
beaucoup  de  faits,  mais  c'est  qu'il  y  en  ait  beaucoup  à  faire. 

XIII. 

En  musique  la  faculté  de  produire  des  mélodies  qui  se  retiennent 
et  laissent  des  traces  dans  la  mémoire,  équivaut  à  la  puissance  qui 
crée  des  personnages  et  leur  impose  un  nom  dans  les  œuvres  dra- 
matiques, poétiques  et  romanesques. 

XIV. 

Les  grands  musiciens,  comme  les  grands  poètes,  obéissent  à  un 
instinct  qui  est  leur  loi  suprême.  Pour  que  l'art  leur  procure  ces  émo- 
tions sans  lesquelles  ils  ne  peuvent  vivre,  ils  sont  contraints  de 
créer,  d'innover,  de  se  modifier  sans  cesse  :  ils  se  dégoûtent  des 
formes  connues,  plus  vite  que  personne.  Il  leur  faut  du  nouveau  par 
rapport  à  leur  époque  et  à  eux-mêmes.  De  là  les  secondes  et  les 
troisièmes  manières  que  l'on  admire  et  dont  on  s'étonne  également. 

XV. 

Se  nourrit-on  de  souvenirs  dans  la  fiévreuse  et  fertile  saison  des 
amours  ? 

XVI. 

A  force  de  ressusciter  l'ancienne  musique  et  de  se  complaire  à 
son  étude  exclusive,  quel  succès  on  prépare  au  premier  compositeur 
qui  aura  quelque  pauvre  petite  idée  tant  soit  peu  neuve? 

Paul  SMITH. 


LÀ  MUSIQUE  À  LÀ  COUR  ET  À  LÀ  VILLE, 

Sons  le  règne  de  Louis  XIII. 

(4e  et  dernier  article)  (1). 

IV. 

Ce  n'était  pas  une  sinécure  que  de  faire  partie  de  la  musique 
particulière  de  Louis  XIII.  A  la  guerre,  en  voyage  ou  aux  eaux,  le 
roi  ne  donnait  aucun  répit  à  cet  orchestre  princier,  à  ces  chan- 
teurs courtisans,  aussi  habiles  musiciens  que  ceux  de  la  chapelle, 
non  moins  prompts  à  se  plier  sous  sa  direction,  et  qui,  ne  deman- 

(1)  Voir  les  n°"  33,  34  et  35. 


DE  PARIS. 


283 


dant  ni  gratifications  ni  indemnités  allégeaient  d'autant  les  dépenses 
prévues  pour  la  musique  dans  son  revenu  de  /|8  raillions. 

Aussi,  à  ce  siège  de  la  Rochelle  dont  je  parlais  plus  haut,  et  où 
la  chapelle  ne  vint  pas,  Louis  XIII  travailla-t-il  plusieurs  jours  à 
composer  l'office  et  à  noter  les  vêpres  et  les  compiles  du  dimanche. 
La  maison  militaire  remplissait  les  fonctions  de  la  chapelle. 

Au  siège  des  barricades  de  Suse,  en  Savoie,  le  cardinal  faisait  le 
vide  autour  du  roi.  Depuis  le  retour  des  reconnaissances  jusqu'à 
l'heure  du  coucher,  les  soirées  paraissaient  longues  et  lourdes  au 
chef  d'orchestre  des  concerts  du  Louvre.  Mais  Saint-Simon  et  de 
Hyert  —  une  voix  admirable  —  sont  là.  Vite  !  des  chanteurs  et  des 
instruments!  Et  les  soirées  musicales  recommencent  sous  la  tente, 
et  le  sourire  renaît,  avec  la  mélodie,  sur  les  lèvres  de  Louis  XIII. 

En  1642,  pendant  le  siège  de  Perpignan,  le  roi  malade  et  bien 
près  de  sa  fin,  se  rend,  avec  Turenne  blessé,  aux  eaux  de  Montfrin, 
dans  les  Pyrénées,  au  pied  du  Canigou.  Toute  la  noblesse  du  Midi 
est  là  :  les  fêtes  et  les  plaisirs  se  succèdent.  Rien  ne  peut  distraire 
le  roi  et  le  réveiller  de  sa  torpeur  fiévreuse,  rien,  si  ce  n'est  de 
temps  à  autre,  —  Mlle  de  Scudéry  vous  le  dit,  —  «  ses  concerts  de 
grands  seigneurs  et  de  belles  dames,  et  la  musique  que  font  des 
musiciens  venus  là  de  tous  les  points  de  la  terre.  » 

Je  pourrais  multiplier  ces  souvenirs.  Et  encore,  je  ne  parle  que 
de  la  danse  de  cour  et  des  nombreux  «  ballets  de  Sa  Majesté.  »  De 
volumineux  ouvrages  traitent  amplement  de  ces  matières  lé- 
gères. Pour  montrer  cependant  combien  Louis  XIII  était  heureuse- 
ment doué  sous  le  rapport  artistique  et  avec  quelle  rapidité  il  pro- 
duisait, je  rappellerai  seulement  qne  le  7  février  1636,  l'idée  étant 
venue  de  composer  un  ballet  pour  le  carnaval,  il  partit  aussitôt  de 
Saint-Germain,  vint  s'enfermer  à  Versailles,  et  en  six  jours  le  ballet 
fut  inventé,  disposé,  écrit,  paroles  et  musique,  et  dansé  au  Louvre 
sous  le  nom  bien  choisi  de  Ballet  de  l'improviste,  dans  la  nuit  du  12 
au  13  février.  La  Gazette  de  France,  par  la  plume  de  l'auteur,  du 
roi,  rendit  un  compte  détaillé  de  cette  œuvre  «  par  laquelle  Sa 
Majesté  a  voulu  prouver  que  la  diversité  des  airs,  des  pas,  des  gestes 
et  des  habits  est  une  des  plus  agréables  choses  de  la  nature,  et 
qu'on  peut  l'obtenir  avec  peu  de  peine  et  sans  longue  étude.  »  Petite 
forfanterie  d'auteur  heureux!  Le  ballet  n'est  que  médiocre;  mais  le 
récit  en  musique  qui  l'ouvre  est  comme  un  aveu  échappé  au  roi  : 

O  beautés  dont  sur  nous  le  pouvoir  est  extrême, 
Si  je  viens  en  ce  lieu  pour  charmer  vos  ennuis, 
Vous  tâchez  vainement  d'apprendre  qui  je  suis, 
Car  je  ne  le  sais  pas  moi-même  ! 

O  historiens  !  ô  philosophes!  construisez  donc  des  systèmes  biogra- 
phiques sur  une  négation  de  personnalité  aussi  formelle,  aussi  prou- 
vée par  l'événement!  Ce  que  nous  savons  le  mieux,  en  définitive, 
—  j'en  reviens  à  ce  que  je  disais  au  début  de  cette  étude,  —  ce  que 
nous  connaissons  le  mieux  de  Louis  XIII,  c'est  le  culte  exclusif  et 
persévérant  qu'il  avait  voué  à  la  musique.  Agonisant  même,  «  cla- 
quant des  dents  et  tremblant  la  fièvre,  »  étendu  «  dans  ce  grand 
fauteuil  à  la  romaine  »  que  nous  montre  Dubois,  il  jouait  du  luth  et 
notait  ses  inspirations  dernières. 

«  Dans  la  dernière  maladie  qui  l'emporta,  le  vendredi  2k  avril, 
déjà  maigre  comme  un  squelette  et  mourant  dans  l'après-dinée,  il 
commanda  à  M.  de  Hyert,  premier  valet  de  garde-robe,  d'aller 
prendre  son  luth,  et  il  chanta  des  louanges  à  Dieu,  comme  Lauda 
anima  mea  Dominum,  et  fit  aussi  chanter  Savi,  Martin,  Campfort 
et  Fordonant,  qui  chantèrent,  en  parties,  des  airs  que  le  roi  avait 
faits  sur  les  paraphrases  de  David,  et  ne  fut  chanté  que  des  airs  de 
dévotion,  et  même  le  roi  chanta  quelques-unes  des  basses  avec 
M.  le  maréchal  de  Schomberg.  Le  reste  du  jour  se  passa  à  faire  de 
la  musique.  » 

Tel  est  le  rapport  du  médecin.  De  son  côté,  Mlle  de  Montpensier 


écrit:  «  J'ai  ouï  dire  qu'il  avait  mis  en  musique,  pendant  sa  der- 
nière maladie,  le  De  Profundis  qui  fut  chanté  dans  sa  chambre,  à 
Saint-Germain,  incontinent  après  sa  mort,  comme  c'est  la  coutume 
de  faire  quand  les  rois  sont  décédés.  » 

V. 

Sous  le  règne  de  Louis  XIII,  à  l'exemple  du  roi  et  de  la  cour,  et 
au  commencement  du  règne  de  Louis  XIV,  il  régna  parmi  la  haute 
société  de  Paris  et  des  provinces  un  goût  de  la  musique  dans  lequel 
il  entrait  plus  de  zèle  et  d'émulation  que  de  discernement  et  de  lu- 
mières. Il  y  avait  encore  en  France  quelques  restes  du  vif  sentiment 
artistique  et  de  la  politesse  que  Catherine  de  Médicis  y  avait  appor- 
tés d'Italie.  On  trouvait  une  si  grande  délicatesse  dans  les  coutumes 
d'outre-monts  que  chacun  brûlait  du  désir  de  copier  ces  fêtes  mu- 
sicales, empruntées  par  les  Espagnols  aux  Maures,  aux  mystiques 
Karoubi  qui  chantent  les  amours  du  rossignol  et  de  la  rose  dans  les 
jardins  délicieux  de  l'Orient,  et  d'une  gracieuse  image  font  sortir 
une  exquise  galanterie.  D'un  autre  côté,  les  romans  de  l'époque,  — 
ces  romans  dont  les  héros  sont  invariablement  guidés  vers  les  cas- 
tels  enchantés  par  les  sons  des  luths  et  des  mandores,  —  avaient 
développé  une  grande  curiosité  musicale,  surtout  chez  les  femmes, 
qui  sentaient  que  le  moment  de  mettre  la  société  à  leur  niveau, 
grâce  à  leur  prépondérance  artistique  et  littéraire,  était  venu  pour 
elles.  Enfin,  chacun  voulait  imiter  Saint-Germain  et  le  Louvre;  les 
divertissements  gymnastiques  passaient  de  mode  ;  aux  exercices  de 
corps  on  préférait  ceux  de  l'esprit  et  de  l'intelligence;  on  s'adres- 
sait aux  musiciens  de  profession,  aux  amateurs  distingués,  et  des 
gens  du  meilleur  monde  se  portaient  comme  intermédiaires  entre 
eux  et  les  salons. 

«  Ces  fêtes  musicales,  —  écrit  M.  Cousin.  —  devaient  paraître 
improvisées.  La  mode  le  voulait  ainsi.  »  On  était  un  soir  dans  un 
salon  avec  une  société  aimable,  on  se  promenait  avec  des  dames  : 
tout  à  coup  des  voix  et  des  instruments  résonnaient  dans  la  rue  ou 
sous  la  feuillée  du  parc.  Les  dames  se  regardaient  et  se  demandaient 
pour  qui  était  et  de  quelle  part  venait  cette  sérénade.  Quelquefois, 
sans  doute,  elle  était  donnée  pour  toute  la  compagnie  ;  mais  le  plus 
souvent  elle  s'adressait  à  une  personne  qui  en  devinait  bien  l'auteur, 
mais  qui  laissait  les  autres  dames  chercher  en  vain. 

Dans  le  Cijrus,  Mlle  de  Scudéry,  —  cette  infatigable  institutrice 
de  son  temps,  —  décrit  agréablement  un  concert  à  la  ville.  Ailleurs, 
la  musique  se  mêle  à  une  partie  de  campagne  comme  l'assaisonne- 
ment obligé  de  toute  galanterie  :  «  En  traversant  le  parc,  nous  en- 
tendîmes un  concert  de  hautbois  très-agréable.  Quand  nous  fûmes 
dans  le  grand  vestibule,  nous  en  ouïmes  un  autre  de  voix  au  haut 
de  l'escalier,  et  quand  nous  entrâmes  dans  la  chambre,  une  lyre 
merveilleuse,  accompagnée  d'une  voix  admirable,  imposa  silence  à 
toute  la  compagnie,  chacun  écoutant  l'harmonie.  » 

Le  Cyrus  nous  fournit  encore  le  récit  d'un  concert  d'apparat  donné 
ouvertement  par  un  prince  à  une  grande  princesse,  et  qui  nous  peut 
représenter  «  la  mise  en  scène  »  des  fêtes  musicales  de  la  cour  et 
de  la  ville.  Le  débat  entre  la  musique  lydienne  et  la  phrygienne  est- 
il  une  allusion  à  la  rivalité  qui  couvait  déjà  entre  la  musique  ita- 
lienne et  la  française  ?  Je  penche  à  le  croire.  —  «  Il  y  avait  alors  à 
Sardis  (Saint-Cloud)  un  grand  nombre  de  musiciens  de  Phrygie,  et 
comme  vous  savez  que  la  musique  lydienne  et  la  phrygienne  passent 
pour  les  plus  admirables  de  toute  la  terre,  ceux  qui  avaient  en- 
tendu l'une  et  l'autre  avaient  des  sentiments  différents,  selon  la  con- 
formité qu'il  y  avait  de  ses  inclinations  à  ces  diverses  harmonies. 
La  princesse  de  Clasomène  dit  que  pour  en  parler,  il  fallait  les  avoir 
entendues  en  un  même  jour  et  avec  un  dessein  prémédité  de  les 
observer,  et  qu'il  fallait  même  que  ceux  qui  se  mêlaient  de  juger 
d'une  semblable  chose,  eussent  quelque  connaissance  de  la  musique 
et  fussent  incapables  de  préoccupation.  Il  faudrait  encore,  dit  Abra- 


284 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


date,  que  pour  mettre  les  musiciens  en  bonne  humeur,  on  leur  pro- 
posât un  prix,  afin  que  l'émulation  qu'ils  auraient  leur  fît  faire  les 
derniers  effets.  »  On  approuve  le  projet  ;  on  lie  la  partie  ;  on  choi- 
sit la  princesse  pour  juge  du  camp,  et  une  maison  royale  pour  lice; 
on  donne  huit  jours  aux  musiciens  pour  se  préparer;  le  concert,  — 
le  concours,  devrais-je  dire,  —  a  lieu  devanL  la  cour  réunie  ;  les 
musiciens  se  surpassent,  et  les  dames  distribuent  (aux  sociétés  cho- 
rales victorieuses? . . .)  aux  musiciens  victorieux  «  des  médailles  d'or, 
où  le  prince  avait  fait  graver  son  image  avec  une  devise  galante.  » 

C'est  ainsi  que  l'on  sacrifie  au  goût  du  jour  et  que  l'on  fait  de  la 
musique  dans  les  salons  les  plus  fréquentés  de  la  première  moitié 
du  xvne  siècle.  Les  soirées  de  la  comtesse  de  Soissons,  à  l'hôtel  de 
Créqui,  et  de  Mme  la  Princesse,  à  l'hôtel  de  Ventadour,  sont  renom- 
mées entre  toutes  :  on  y  donne  la  comédie  et  les  violons.  «  Dans  le 
beau  monde  de  Paris,  —  écrit  un  habitué  de  l'hôtel  de  Créqui,  —  il 
y  a  des  brigues  perpétuelles  pour  ces  deux  assemblées,  à  qui  s'at- 
tirerait le  plus  de  monde.  »  Chez  Mlle  de  Montpensier,  tous  les 
mercredis  on  soupe  avec  les  vingt-quatre  violons.  A  l'hôtel  de  Ram- 
bouillet, rue  Saint-Thomas-du-Louvre,  la  société  la  plus  quinlessen- 
ciée  du  temps  n'interrompt  le  pétillement  prétentieux  et  redoublé,  le 
pédantisme  sémillant  et  joli  de  sa  conversation,  que  pour  prêter 
l'oreille  au  luth  de  Mlle  Paulet,  à  la  guitare  de  Madonte  et  de  Cêlie, 
—  Mme  de  Maure  et  Mme  de  Choisy,  —  ou  à  la  voix  suave  de 
Félicie,  —  Mme  de  Fiesque.  Les  concerts  des  hôtels  .  de  Saint-Ai- 
gnan,  de  Guiche,  de  Vivonne,  du  Lude,  de  Conti,  de  Roquelaure 
réunissent  les  virtuoses  célèbres  d'Italie,  d'Espagne,  d'Allemagne.  Le 
samedi,  Mlle  Chéron,  qui  chante  à  ravir;  Mlle  de  Lavigne,  auteur 
de  délicieuses  ariettes  ;  Henriette  de  Coligny,  qui  compose  de  spiri- 
tuelles chansons,  se  rencontrent  rue  de  Beauce  au  Marais,  chez 
Mlle  de  Scudéry,  et  recueillent  les  applaudissements  enviés  de  Cha- 
pelain, de  Conrarl,  de  Doneville,  d'Isarn,  de  Raincy,  de  Sarrazin , 
de  Pellisson,  de  tous  les  beaux  esprits  attirés  là,  autant  par  le 
charme  de  la  musique  que  par  le  plaisir  de  la  conversation.  Le 
marquis  de  Sourdéac,  l'abbé  Perrin,  Lambert,  Boësset  donnent 
l'hospitalité  aux  musiciens  de  profession  :  là  se  discutent  les  ques- 
tions spéciales  et  les  intérêts  de  l'art.  Ouvrez,  en  un  mot,  le  Grand 
Dictionnaire  des  Précieuses,  et  de  ces  pages  poudreuses  et  jaunies 
se  détacheront,  lumineux  encore,  les  noms  de  plus  do  six  cent  sa- 
lons gris  et  or,  tendus  d'aubusson,  dans  lesquels  le  ballet  cède  le 
pas  à  la  musique.  La  province  s'associe  à  ce  mouvement  artistique  : 
Mézerày  nous  a  dit  que  la  noblesse  organise,  dans  ses  châteaux,  des 
corps  d'exécutants,  et  Bordeaux,  Toulouse,  Lyon,  Aix,  Arles,  Tours, 
Poitiers  conservent  dans  leurs  histoires  locales  le  nom  des  maisons 
où  la  musique  est  de  toutes  les  fêtes  privées  ou  publiques,  couvrant 
ainsi  de  son  harmonieux  réseau  ce  fragile  empire  de  la  Préciosité 
«  borné  à  l'orient  par  l'Imagination,  au  couchant  par  le  Tendre,  au 
nord  par  les  côtes  de  Lecture,  au  midi  par  la  Coquetterie.  » 

Tels  furent  à  la  cour  et  à  la  ville,  pendant  la  première  moitié  du 
xviie  siècle,  ces  Athénées  artistiques,  ces  cénacles  de  mélodie,  ces 
réunions  musicales  choisies,  entre  soi,  à  huis  clos.  Tels  furent  ces 
sanctuaires  dont  la  porte  avait  pour  inscription  :  Odi  profanum  vul- 
giis  ;  loin  d'ici  les  profanes  !  Il  passa  vite  le  règne  de  ces  théories 
délicieuses,  de  ces  jouissances  raffinées  de  l'oreille  et  de  l'amour- 
propre.  Il  passa  vite,  et  quand  les  temps  modernes  arrivèrent,  il 
fallut  aborder  franchement  les  œuvres  nouvelles  et  pénibles,  compter 
dorénavant  avec  tous,  tirer  du  goût  et  du  jugement  de  tous  ce  qu'ils 
renferment  de  mieux,  de  plus  applicable  aux  nobles  sujets,  vul- 
gariser les  belles  choses;  sembler  même  les  rabaisser  un  peu,  pour 
mieux  élever  jusqu'à  elles  le  niveau  commun.  C'est  à  ce  prix  seule- 
ment qu'on  s'est  montré  et  qu'on  se  montrera  tout  à  fait  digne  de 
les  aimer  en  elles-mêmes  et  de  les  comprendre;  car  c'est  le  seul 
moyen  de  les  sauver  désormais  et  d'en  assurer  à  quelque  degré  la 


tradition,  que  d'y  faire  entrer  plus  ou  moins  chacun  et  de  les  placer 
ainsi  sous  la  sauvegarde  universelle. 

Musique  charmante  et  légère  qui  avez  été,  de  tout  temps,  la  grâce 
et  l'honneur  artistiques  de  la  terre  de  France,  qui  avez  commencé 
de  naître  et  de  vous  jouer  dès  les  âges  de  fer,  au  sortir  des  hor- 
reurs sauvages  ;  qui  passiez  à  côté  des  cloîtres  et  qu'on  y  accueillait 
en  amie  ;  qui  étiez  l'âme  joyeuse  de  la  veillée  bourgeoise,  et  la  fête 
délicate  des  châteaux;  qui  fleurissiez  souvent  sur  le  trône;  qui  dis- 
sipiez l'ennui  dans  les  pompes,  donniez  de  la  politesse  à  la  victoire, 
et  qui  rappreniez  vite  à  sourire  au  lendemain  des  revers;  qui  avez 
pris  bien  des  formes  badines,  élégantes  ou  tendres ,  faciles  toujours, 
et  qui  n'avez  jamais  manqué  de  renaître  au  moment  où  l'on  vous 
disait  disparue  !  Les  âges,  pour  nous,  deviennent  sévères  ;  le  raison- 
ner de  plus  en  plus  s'accrédite;  tout  loisir  a  fui;  il  y  a,  jusque  dans 
nos  plaisirs,  un  acharnement  qui  les  fait  ressembler  à  des  affaires  ; 
la  paix  elle-même  est  sans  trêve,  tant  elle  est  occupée  à  l'utile;  jus- 
que dans  les  journées  sereines,  les  arrière-pensées  et  les  soins  sont 
en  bien  des  âmes  ;  maintenant  que  vous  voilà  libre  et  de  toute  en- 
trave délivrée,  c'est  l'heure  ou  jamais  du  réveil,  c'est  l'heure  encore 
une  fois,  comme  au  xvne  siècle,  de  surprendre  le  monde  et  de  le 
réjouir;  vous  en  avez  su  de  tout  temps  la  manière  toujours  nouvelle; 
n'abandonnez  jamais  la  terre  de  France,  musique  charmante  et 
légère  ! 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 


REVUE  DES  THEATRES. 

Vaudeville  :  Le  Devin,  du  village,  opéra  en  un  acte,  paroles 
et  musique  de  J.-J.  Rousseau  ;  le  Florentin,  comédie  en  un  acte 
et  en  vers,  de  la  Fontaine;  le  M  Février,  drame  en  un  acte,  de 
Werner  ;  reprise  de  Pierrot  •posthume,  comédie  de  Théophile  Gau- 
tier. —  Palais-Royal  :  Les  Ficelles  de  Montempoivre,  comédie- 
vaudeville  en  trois  actes,  par  MM.  Varin  et  Michel  Delaporte  ;  Eh  ! 
Lambert,  à-propos  en  un  acte,  par  M.  Lambert  fils.  —  Ambigu  : 
Rocambole,  drame  en  cinq  actes  et  huit  tableaux,  par  MM.  Anicet 
Bourgeois,  Ponson  du  Terrail  et  Ernest  Blum.  —  Gaité  :  Les 
Mohicans  de  Paris,  drame  en  cinq  actes  et  onze  tableaux,  par 
M.  Alexandre  Dumas. 

L'approche  du  mois  de  septembre  semble  avoir  imprimé  un  nouvel 
élan  à  l'activité  de  nos  directeurs  de  théâtres;  les  uns  se  préparent 
à  rouvrir  leurs  salles  fermées  pendant  la  saison  des  chaleurs  ;  les  au  • 
très  s'empressent  de  rafraîchir  leur  répertoire  pour  tenir  tête  à  la 
concurrence.  Tous  paraissent  s'être  donné  le  mot  pour  nous  acca- 
bler sous  une  telle  avalanche  de  pièces,  que  nous  ne  savons  à  qui 
entendre.  Dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  liquider  notre 
passif  en  une  seule  fois,  nous  nous  réglerons  sur  le  droit  de  priorité, 
et  nous  nous  acquitterons  de  l'arriéré  dans  le  plus  bref  délai  pos- 
sible. 

L'affiche  du  Vaudeville  porte  quatre  titres  qui  ne  sont  pas  préci- 
sément nouveaux,  mais  qui  constituent  un  spectacle  varié  et  peu 
connu  du  public  de  nos  jours.  A  notre  point  de  vue  spécial,  le  prin- 
cipal attrait  de  ce  spectacle  est  la  reprise  du  Devin  du  village,  de 
J.-J.  Rousseau,  que  l'Opéra  a  cessé  de  jouer  depuis  près  de  quarante 
ans.  C'est  le  second  essai  de  ce  genre  que  nous  vaut  la  liberté  des 
théâtres.  La  Porte-Saint-Martin  a  ouvert  la  marche  avec  le  Barbier 
de  Séville  et  Norma.  En  nous  rendant  le  Devin  du  village,  le  Vau- 
deville est  entré  à  son  tour  sérieusement  dans  la  voie  qui  mène  à  la 
propagation  populaire  de  l'art  lyrique.  L'œuvre  de  Rousseau  est  en 
effet  l'un  des  jalons  les  plus  curieux  à  étudier  dans  l'histoire  de  notre 
opéra  national.  Elle  a  conservé  le  charme  naïf  et  vrai  auquel  sont 
dus  les  soixante  ans  de  succès  dont  elle  a  joui  en  France,  jusqu'au 
jour  où  une  malencontreuse  perruque,  jetée  sur  la  scène,  l'a  fait  tout 
à  coup  disparaître  du  répertoire.  Ses  allures,  il  est  vrai,  sont  de- 


DE  PARIS. 


285 


venues  vieillottes  ;  mais,  ainsi  que  le  fait  observer  M.  Fétis  dans 
le  tome  septième,  récemment  paru,  de  sa  Biographie  universelle  des 
musiciens,  cette  musique  archaïque  a  eu  sa  raison  d'être  en  1752, 
alors  que  la  monotomie  des  rhythmes  et  des  formes  de  la  plupart 
des  airs  des  anciens  opéras  établissait  une  comparaison  favorable 
aux  gracieuses  mélodies  de  Rousseau.  Aujourd'hui  que  les  immenses 
progrès  accomplis  depuis  le  commencement  du  siècle  nous  ont  con- 
duits à  une  sorte  d'éclectisme  plus  rationnel,  nous  pouvons,  mieux 
que  nos  pères,  apprécier  le  mérite,  quel  qu'il  soit,  de  cet  opéra 
séculaire,  et,  quand  ce  ne  serait  que  pour  un  intérêt  de  curiosité, 
nous  devons  savoir  gré  au  Vaudeville  de  nous  l'avoir  restitué. 

L'effet  produit  par  plusieurs  morceaux,  et  notamment  par  le  joli 
air  :  J'ai  perdu  tout  mon  bonheur,  par  le  duo  du  devin  et  de  Co- 
lette, et  par  cet  autre  duo  si  expressif  des  deux  amoureux,  prouve 
que  nous  ne  sommes  plus  au  temps  où  le  goût  trop  exclusif  du 
présent  se  traduisait  par  des  injures  au  passé.  Grâce  à  ce  même 
esprit  de  justice,  l'arrangement  confié  aux  soins  de  M.  Justin  Ca- 
daux  n'a  soulevé  aucune  objection.  Selon  l'antique  usage,  on  n'avait 
pas  manqué  de  crier  au  sacrilège,  lorsque  naguère,  sans  tenir 
compte  des  protestations  préventives  de  Rousseau,  l'ancien  biblio- 
thécaire de  l'Opéra,  M.  Lefebvre,  avait  remanié  l'orchestre  du  Devin 
de  village;  les  remaniements  de  M.  Cadaux  ont  été  plus  heureux,  t_t, 
en  conscience,  nous  ne  comprenons  pas  quel  tort  ils  auraient  pu 
faire  aux  mélodies  du  compositeur;  avec  ce  système  absurde  de 
fétichisme,  il  aurait  donc  fallu  se  contenter  de  la  simple  basse  chif- 
frée qui  accompagnait  le  récitatif  et  aux  deux  parties  de  violon 
avec  basse  auxquelles  se  bornait  presque  exclusivement  l'accompa- 
gnement du  chant?  Si  Rousseau  vivait,  il  eût  été  le  premier  à  vou- 
loir modifier  son  œuvre,  et  probablement  il  n'eût  pas  appelé,  pour 
faire  cette  besogne,  le  fantastique  Granet,  de  Lyon,  que  l'imagina- 
tion méridionale  de  Castil-Blaze,  sur  la  foi  douteuse  de  quelques 
ennemis  du  philosophe,  a  affublé  de  la  véritable  paternité  du  Devin 
de  village.  Quoi  qu'il  en  soit,  constatons  que  la  direction  du  Vaude- 
ville n'a  rien  négligé  pour  assurer  la  bonne  interprétation  de  cet 
opéra.  Elle  a  engagé  trois  lauréats  du  dernier  concours  du  Conser- 
vatoire :  M.  Leroy,  un  élève  de  Révial,  qui  semble  avoir  été  créé 
tout  exprès  pour  le  rôle  de  Colin;  M.  Troy,  le  jeune  frère  de  l'ar- 
tiste de  l'Opéra-Comique ,  qui  a  fait  preuve  d'excellentes  qualités 
dans  le  personnage  du  sorcier,  et  Mlle  Laporte,  jeune  et  charmante 
brune,  dont  la  voix  sympathique  et  le  jeu  intelligent  ont  réuni  tous 
les  suffrages. 

Parmi  les  trois  pièces  qui  accompagnent  le  Devin  de  village,  nous 
devons  une  mention  toute  particulière  au  Florentin,  vieille  comédie 
de  la  Fontaine,  négligée  par  le  Théâtre-Français,  et  ressuscitée  par  le 
Vaudeville,  en  vertu  de  la  liberté  des  théâtres.  Si  l'on  en  croit  la 
tradition,  cet  ouvrage  a  été  composé  par  le  fabuliste  pour  se  venger 
de  Lulli,  qui  avait  refusé  de  s'occuper  de  la  musique  de  l'opéra  de 
Daphné,  dont  il  avait  fait  les  paroles  sur  les  instances  de  l'imprésario 
royal.  Si  nous  louons  cette  reprise,  c'est  bien  plutôt  à  cause  de  l'in- 
tention qui  en  a  dicté  le  choix  qu'en  raison  de  ses  qualités  qui  sont 
à  peu  près  nulles,  et  dont  la  rareté  explique  en  partie  l'indifférence 
des  comédiens  de  la  rue  de  Richelieu.  Rendons  justice  néanmoins  aux 
efforts  tentés  par  Saint-Germain  et  par  Mlle  Laurence  pour  le  rendre 
acceptable. 

Le  24  Février  est  un  petit  drame  allemand  de  Werner,  dont  la  scène 
française  a  vraiment  abusé,  en  dépit  du  mauvais  accueil  qu'on  lui  a 
fait,  lorsque,  pour  la  première  fois,  il  a  essayé  de  s'acclimater  chez 
nous,  dans  le  troisième  acte  de  la  Vie  d'un  joueur.  L'autre  soir 
encore,  ce  lugubre  cauchemar,  basé  sur  la  fatalité  qui  pousse  un  père 
à  assassiner  son  fils,  a  excité  une  sorte  d'étonnement  répulsif,  dont 
l'auteur  anonyme  de  la  version  nouvelle  est,  à  tout  prendre,  moins 
responsable  que  son  modèle  germanique.  Le  Vaudeville  a  eu  là  une 
étrange  idée  ! 


Comme  complément  à  ce  spectacle,  le  même  théâtre  a  repris 
Pierrot  posthume,  une  pochade  en  vers  de  MM.  Théophile  Gautier  et 
Siraudin,  laquelle  n'avait  pas  été  jouée  depuis  longtemps,  et  qui  a 
fourni  à  Saint-Germain  et  à  Mlle  Bianca  l'occasion  de  se  faire  cha- 
leureusement applaudir. 

—  Au  Palais-Royal,  M.  Varin,  l'un  des  nouveaux  décorés  du  15  août, 
sans  doute  pour  avoir  fait  les  Saltimbanques,  a  risqué,  en  compa- 
gnie de  M.  Michel  Delaporte,  une  drôlerie  infiniment  trop  compliquée, 
sous  le  titre  des  Ficelles  de  Montempoivre.  Au  début  de  ces  trois 
longs  actes,  Montempoivre,  qui  revient  de  Nuremberg,  apprend  que 
sa  fille  est  courtisée  par  un  certain  Robinet,  et,  pour  s'assurer  de  la 
moralité  de  son  futur  gendre,  il  s'introduit  chez  lui  comme  garni- 
saire,  à  la  faveur  d'une  saisie-arrêt.  Mais,  par  suite  d'une  foule  de 
circonstances  inénarrables,  Montempoivre  trouve  le  moyen  de  se 
compromettre  tant  et  si  bien,  que  Robinet  le  force  à  lui  accorder  sa 
fille.  Il  est  heureux  que  M.  Varin  ait  eu  le  ruban  rouge  avant  celte 
pièce,  car  ce  n'est  pas  elle  qui  le  lui  eût  donné. 

La  fameuse  scie  ■  Eh  Lambert  !  qui,  pendant  quelques  jours,  a 
rendu  idiot  le  peuple  le  plus  spfrituel  de  la  terre,  avait  inspiré  dans 
la  même  soirée,  consacrée  au  bénéfice  de  Mme  Thierret,  un  à-pro- 
pos dont  le  dénoûment  a  été  étouffé  sous  les  sifflets.  N'était-ce  pas 
assez  d'entendre  ce  cri  stupide  dans  tous  les  carrefours  ?  Le  Pa- 
lais-Royal, en  voulant  l'élever  jusqu'aux  honneurs  de  la  scène,  a  fait 
un  pas  de  clerc,  et  c'est  le  cas  de  lui  chanter  cet  autre  refrain,  non 
moins  idiot  :  v'ià  ce  que  c'est...  c'est  bien  fait!...  Mais  on  ne  l'y 
reprendra  plus. 

—  La  nouvelle  pièce  de  l'Ambigu  est  tirée  des  Drames  de  Paris, 
un  roman  de  M.  Ponson  du  Terrail  qui  a  eu  un  très-grand  retentis- 
sement, et  qui,  à  travers  un  incroyable  tohu-bohu  d'incidents  som- 
bres et  bizarres,  décèle  çà  et  là  une  imagination  forte  et  fertile.  Pour 
tirer  de  cet  amoncellement  d'aventures  un  drame  plein  d'émotions  et 
de  surprises,  il  n'y  avait  que  l'embarras  du  choix,  et  les  trois  au- 
teurs qui  ont  entrepris  cette  tâche  s'en  sont  acquittés  à  la  satisfaction 
générale.  Rocambole  est  le  héros  des  Drames  de  Paris  ;  Baccarat  en 
est  l'héroïne.  Ce  sont  ces  deux  personnages  qui  portent  également 
tout  le  poids  de  la  pièce.  Dans  un  prologue  intitulé  les  Valets  d? 
cœur,  on  voit  une  association  de  coquins  qui  obéissent  à  l'influence 
d'un  habile  escroc  qu'on  appelle  César  Andréa.  Cet  honnête  homme 
convoite  la  succession  en  déshérence  d'un  comte  de  Chamery,  cinq 
fois  millionnaire,  et  pour  se  l'approprier,  il  fait  passer  Rocambole  pour 
le  fils  du  comte.  Mais  il  y  a  un  fils  authentique  qui,  renié  par  son 
père,  ignore  et  son  nom  et  ses  droits.  Qui  l'emportera  du  vrai  ou  du 
faux  Armand  de  Chamery?  toute  la  question  est  là.  D'un  côté,  César 
et  Rocambole  ;  de  l'autre,  Armand,  protégé  par  Baccarat,  se  dispu- 
tent la  succession  du  comte.  Par  bonheur,  la  désunion  se  met  dans 
le  camp  des  bandits  ;  César  et  Rocambole  cherchent  mutuellement  à 
se  détruire,  et  comme  la  morale  exige  la  punition  du  crime  et  le 
triomphe  de  l'innocence,  César  périt  dans  une  noyade,  et  la  police 
met  la  main  sur  Rocambole  au  moment  où  il  allait  devenir  l'époux 
de  la  fiancée  d'Armand.  Toutes  ces  péripéties  émouvantes  sont  menées 
à  grandes  guides  par  Taillade,  par  Castellano  et  par  Mme  Marie 
Laurent.  Un  rôle  épisodique  très-gai,  très-amusant,  est  parfaitement 
rendu  par  Raynard,  et  la  ronde  qu'il  chante  est  destinée,  grâce  à  lui, 
à  devenir  populaire. 

—  Les  Mohicans  de  Paris,  qui  font  florès  à  la  Gaîté,  sont  aussi 
empruntés  à  un  roman  de  longue  haleine,  sorti  de  la  laborieuse  of- 
ficine d'Alexandre  Dumas.  Le  procédé  qui  consiste  à  tirer  deux  mou- 
tures d'un  même  sac  est  passé  à  l'état  d'habitude  ;  il  paraît  que  les 
théâtres  s'en  trouvent  bien  et  que  le  public  n'en  souffre  point.  Tout 
est  donc  pour  le  mieux,  et  nous  n'avons  pas  le  plus  petit  mot  à 
dire  contre  les  abus  de  cette  singulière  mission  dramatique.  Les  évé- 
nements qui  entrent  dans  l'économie  d'un  roman  en  neuf  volumes 
sont  trop  nombreux  pour  trouver  place  à  la  scène.  Qu'importe?  On 


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REVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


en  épluche,  on  en  racle,  on  en  coupe  une  partie,  on  accommode  le 
reste,  tant  bien  que  mal,  avec  une  liaison  quelconque,  et  l'on  sert 
chaud.  Par  exemple,  il  peut  arriver,  dans  cette  manipulation,  que 
l'étiquette  ne  couvre  plus  la  marchandise  ;  mais  c'est  un  détail  sans 
conséquence.  Qu'on  ne  nous  demande  donc  pas  où  sont  les  Mohicans 
du  nouveau  drame  de  la  Gaîté.  Il  est  possible  qu'ils  ne  soient  que 
dans  le  titre;  mais  le  titre  est  ronflant,  cela  suffit.  Si  vous  n'êtes 
pas  satisfait,  allez  les  chercher  dans  le  livre.  Quant  à  l'action,  si  vous 
avez  l'indiscrétion  de  la  vouloir  connaître,  voici,  sauf  erreur,  ce  que 
nous  y  avons  compris.  Étant  donnés  deux  enfants,  deux  orphelins, 
qui  sont  aux  mains  d'un  scélérat  de  tuteur  et  qui  possèdent  une  im- 
mense fortune  dont  le  vieux  a  envie,  comment  faut-il  s'y  prendre 
pour  que  le  digne  homme  en  devienne  possesseur  au  détriment  de 
ses  pupilles?  Le  moyen  est  bien  simple  :  il  ne  s'agit  que  de  les  sup- 
primer. C'est  ce  que  fait  le  nommé  Gérard ,  habitant  de  Viry-sur- 
Orge.  Mais  il  a  mal  pris  ses  mesures  ;  un  des  enfants  succombe, 
l'autre  est  sauvé.  Ce  point  de  départ  vous  fait  pressentir  tout  le 
drame.  Le  bonhomme  Gérard,  qui  passe  pour  un  petit  manteau-bleu, 
parviendra-t-ii,  à  force  d'hypocrisie,  à  se  défaire  de  sa  pupille?  Car 
l'enfant  échappé  à  ses  griffes  sournoises  est  une  jeune  fille.  Elle  a 
pour  protecteurs  un  commissionnaire  du  coin  de  la  rue,  dont  la  veste 
de  velours  cache  un  fils  de  marquis,  et  un  fin  limier  de  police, 
nommé  Jackal,  qui  joue  le  même  jeu  que  Salvator.  Cependant,  les 
généreux  instincts  de  ces  deux  chiens  de  Terre-Neuve  resteraient 
sans  effet,  si  le  vieux  Gérard,  à  son  lit  de  mort,  n'avouait  à  un 
moine  ses  crimes  qui,  au  moment  décisif,  sont  révélés  de  manière  à 
produire  un  dénoûment  heureux.  Il  y  a,  dans  ce  drame,  et  par  con- 
séquent dans  le  roman  qui  lui  a  servi  de  source,  certaines  réminis- 
cences des  Mystères  de  Paris,  dont  le  public  s'est  offusqué  à  tort  ou 
à  raison.  Aujourd'hui,  on  n'y  pense  plus,  et  la  pièce  marche  à  sou- 
hait. Dumaine  y  fait  merveille  dans  le  rôle  du  commissionnaire  Sal- 
vator ;  mais  les  préférences  du  public  s'adressent  à  Perrin ,  qui  a 
prêté  au  personnage  de  Jackal  une  physionomie  des  plus  originales. 
La  place  nous  manque  pour  nous  occuper  des  nouveautés  de  la 
Comédie  française,  de  l'Odéon  et  de  la  Porte  Saint-Martin.  Nous  y 
reviendrons. 

!).  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

***  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  le  répertoire  de  la  semaine  pas- 
sée s'est  composé  des  Huguenots,  de  Nérnéa,  précédée  de  Lucie  de  La- 
mmermoor  et  de  la  Juive.  —  On  presse  les  répétitions  de  Roland  à  Ron- 
cevaux  dont  la  première  représentation  doit  avoir  lieu  dans  une  quin- 
zaine de  jours. 

„/%  Demain  lundi,  début  de  Mlle  Sannier  dans  la  Favorite. 

***  La  réouverture  de  l'Opéra-Comique,  fermé  pendant  deux  mois,  a 
eu  lieu  jeudi  passé  devant  une  assemblée  nombreuse  et  brillante.  Le 
public  a  paru  généralement  satisfait  des  changements  et  embellisse- 
ments dont  la  salle  a  été  l'objet  pendant  sa  clôture;  on  y  a  trouvé 
autant  de  richesse  que  de  goût.  La  couleur  rouge  a  été  substituée  au 
papier  vert  qui  garnissait  le  fond  des  loges;  des  dorures  en  profusion, 
et  à  la  place  de  l'ancien  rideau  allégorique  a  été  placé  un  rideau  de 
velours  rouge  et  or  d'un  très-bel  effet.  La  Dame  blanche  avec  Achard 
et  Mlle  Cico,  le  Tableau  parlant,  avec  Sainte-Foy  et  Mlle  Girard,  ont 
été  applaudis  dans  cette  soirée.  La  recette  s'est  élevée  à  plus  de  6,000 
francs.  —  Le  lendemain  on  a  repris  le  Postillon  de  Longjumeau,  avec 
Montaubry  qui  y  a  retrouvé  son  succès  habituel. 

„**  Le  début  de  Mme  Gennetier  aura  lieu  incessamment  à  l'Opéra- 
Comique. 

,.%  Le  directeur  du  théâtre  Italien  vient  de  publier  le  programme  de 
la  saison  prochaine.  Comme  nous  l'avons  annoncé,  des  ballets  feront 
partie  des  représentations,  et  les  ouvrages  qui  comprennent  des  diver- 
tissements et  des  intermèdes  de  danse  pourront  ainsi  être  donnés  d'uue 
manière  complète.  Outre  les  opéras  du  répertoire  courant,  dont  les 
auteurs  sont  Mozart,  Rossini,  Donizetti,  Bellini,  Verdi,  Mercadante, 
Flotow,  etc.,  la  direction  se  propose  de  faire  représenter  la  Forza  del 


destino,  de  Verdi,  Leonora,  de  Mercadante,  Don  Bucefalo,  de  Cagnoni, 
Crispino  e  la  Comare,  de  llicci,  la  Duchessa  di  San  Giuliano,  de  Graffigna. 
Les  artistes  dont  les  noms  suivent,  et  qui  ne  faisaient  pas  partie  de 
la  troupe,  ont  été  engagés  :  Mme  Adomali,  Rosina  Penco,  Talvo-Bedogni. 
Giuseppina  Vitali  et  de  Brigni  ;  MM.  Baragli,  Corsi,  Negrini,  Fagotti, 
Zacchi,  Foli,  Selva  etZucchini.  Chefs  d'orchestre,  MM.  Bosoni,  Graffigna, 
Portéhaut;  chef  du  chant,  M.  Alary;  chef  des  chœurs,  m!  Hurand  ; 
maître  de  ballet,  M.  Costa.  Différents  changements  ont  été  faits  dans  la 
distribution  des  places  :  Les  premières  loges  découvertes,  reconstruites 
entièrement,  ont  été  rendues  plus  spacieuses  au  moyen  d'une  réduc- 
tion de  quatre  de  ces  loges,  avec  la  suppression  du  troisième  rang  des 
balcons  ;  ce  qui  a  permis  aussi  d'élargir  le  couloir  par  lequel  on  y  ar- 
rive, en  même  temps  que  les  loges  placées  derrière  les  balcons  ont  été 
avancées;  les  cloisons  qui  séparent  les  loges  découvertes  les  unes  des 
autres  ont  été  établies  de  manière  à  bien  isoler  chacune  d'elles.  L'ad- 
ministration du  théâtre  italien,  pour  répondre  au  désir  exprimé  par 
les  abonnés  habituels  de  ce  théâtre,  annonce  qu'elle  veillera  scrupu- 
leusement à  ce  qu'aucun  abonnement  ni  location  ne  se  fasse  pour  ces 
loges  qu'avec  la  certitude  qu'elles  seront  toujours  occupées  par  les  per- 
sonnes de  la  société. 

,,%  Hier  la  réouverture  du  théâtre  Lyrique  a  eu  lieu  par  la  Reine 
Topaze,  pour  la  rentrée  de  Mme  Carvalho.— Mercredi  sera  donnée  la  pre- 
mière représentation  de  Don  Pasquale,  chanté  par  Mlle  de  Maësen,  MM. 
Ismaël,  Troy  et  Bach,  et  la  première  représentation  de  l'Alcade,  opéra- 
comique  en  un  acte.  —  Un  opéra  en  deux  actes  de  M.  Cherouvrier, 
second  prix  de  Rome,  sera  représenté  dans  le  courant  de  ce  mois. 

***  Nous  trouvons  dans  la  nomenclature  des  artistes  du  théâtre  Lyri- 
que, publiée  par  M.  Carvalhc,  comme  nouvellement  engagés  :  Mmes  Niel- 
son,  Gravière  Ebrard,  Estagel  ;  MM.  Troy,  Michot,  Péront,  Guyot,  Bach. 

„*„  L'auteur  de  Santa-Chiara  et  de  Diane  de  Solanges,  S.  A.  R.  le  duc 
de  Saxe-Cobourg-Gotha,  est  attendu  à  Paris.  Il  est  question  de  la  mise 
à  l'étude  prochaine  au  théâtre  Lyrique  de  son  opéra  Casilda  la  bohé- 
mienne. 

t\  On  annonce  que  l'opéra  de  Bénédict,  la  Rose  d'Erin,  doit  être 
représenté  cet  hiver  au  même  théâtre. 

„%,  Le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  annonce  sa  réouverture  pour  le 
20  septembre. 

t%  M.  et  Mme  Soustelle,  premiers  prix  du  Conservatoire  de  l'an- 
née passée,  engagés  d'abord  à  l'Opéra,  font  partie  de  la  nouvelle  troupe 
du  grand  théâtre  de  Lyon. 

„%  Mlle  Artot  s'est  trouvée  la  semaine  dernière  à  Paris. 

,%  On  nous  écrit  de  Plombières  :  «  Mme  Marie  Cabel  est  ici  depuis 
un  mois.  Elle  est  venue  demander  à  nos  sources  bienfaisantes  la  gué- 
rison  de  la  douloureuse  maladie  qui  la  tient  éloignée  de  la  scène  de- 
puis plus  de  quatre  mois.  Elle  se  trouve  aujourd'hui  rétablie,  et  sa  voix, 
à  la  grande  satisfaction  de  ses  admirateurs,  n'a  jamais  été  plus  sonore, 
plus  limpide  ni  plus  agile.  Mme  Cabel  retourne  cette  semaine  à  Paris, 
où  elle  ne  tardera  sans  doute  pas  à  reprendre  sa  brillante  carrière.  » 

,:*(.  Adelina  Patti  est  restée  pendant  quelques  jours  à  Paris  la  se- 
maine passée.  Elle  est  retournée  en  Angleterre  pour  chanter  au  festival 
de  Birmingham,  où  elle  remplira  une  partie  importante  dans  l'ora- 
torio Naaman  de  M.  Costa.  Le  1er  octobre  elle  ouvrira  la  saison  du 
théâtre  Italien  de  Paris. 

„*,  Sivori  vient  de  donner  à  Voltaggis  un  concert  au  bénéfice  des 
pauvres,  qui  a  attiré  une  grande  affluence.  11  va  se  rendre  à  Milan, 
Trieste,  Vienne  et  Pesth,  où  de  brillants  engagements  l'appellent. 

„,**  Carlotta  Patti  sera  accompagnée  dans  les  concerts  qu'elle  doit 
prochainement  donner  en  Allemagne,  par  Alfred  Jaëll  et  Louis  Brassin, 
Vieuxtemps,  J.  Stefens ,  de  Saint-Pétersbourg,  et  A.  Ferranti,  de 
Londres. 

„,%  Vivier  obtient  en  ce  moment  le  succès  le  plus  franc  à  Ems. 
Aussitôt  arrivé'  il  s'est  fait  entendre  au  Kursaal,  d'abord  seul  et  ensuite 
avec  Batta  dans  la  Sérénade  de  Rossini;  il  a  enthousiasmé  le  public. 

**t  Une  troupe  d'opéra  italien,  composée  d'artistes  d'un  certain  ta- 
lent, a  débuté  sans  succès  par  le  Trovatore,  au  théâtre  des  Arts,  à 
Rouen. 

»%  L'ancien  ténor  de  l'Opéra,  Renard,  chante  en  ce  moment  avec 
beaucoup  de  succès  aux  concerts  de  i'Alcazar. 

„*„,  Les  fêtes  musicales  célébrées  à  Arras  cette  année,  comme  elles 
l'avaient  été  il  y  a  deux  ans  à  Lille,  ont  valu  de  nouvelles  ovations  à 
Ambroise  Thomas  Deux  chœurs  de  sa  composition,  h  Tyrol  et  le  Car- 
naval de  Rome,  œuvre  toute  récente,  ont  produit  uu  immense  effet. 

„.**  Une  fête  musicale  a  eu  lieu  tout  récemment  à  Arromanches,  pe- 
tit port  de  mer  perdu  au  fond  de  la  Normandie.  L'tiumble  église  de  ce 
village  a  besoin  de  réparations,  pour  lesquelles  l'argent  manquait. 
Mlle  Paule  Gayrard,  premier  prix  du  Conservatoire,  a  donné  un  brillant 
concert  dont  le  produit  sera  consacré  à  cette  dépense.  Faute  de  local 
c'est  l'église  même,  dont  le  sanctuaire  était  dissimulé  par  une  voile  de 
navire,  qui  a  servi  de  salle.  Un  magnifique  instrument  avait  été  envoyé 
exprès  par  la  maison  Erard,  dans  ce  bourg,  où  le  son   du   piano  est 


DE  PARIS. 


287 


à  peu  près  ignoré.  .Mlle  Paule  Gayrard  a  obtenu  un  immense  succès 
dans  la  fantaisie  sur  Moïse  de  Thalberg,  et  le  concertsliick  de  Weber, 
qu'elle  a  exécutés  avec  cette  maestria  et  ce  brio  qui  lui  ont  valu  le 
premier  prix  au  concours  de  cette  année.  Un  public  nombreux  accouru 
de  tous  côtés,  a  apporté,  son  offrande  à  cette  œuvre  de  piété,  et  l'il- 
lustre M  Ingres,  qui  est  au  nombre  des  baigneurs,  a  voulu  y  contribuer 
en  mettant  en  loterie  une  magnifique  aquarelle.  La  recette  a  été  con- 
sidérable. 

***  Ferdinand  de  Croze  est  de  retour  de  son  voyage  à  Londres,  où  il 
a  donné  plusieurs  matinées  musicales  dans  l'une  desquelles  il  a  fait  en- 
tendre son  Crescendo  qui,  de  même  que  d'autres  morceaux,  lui  a  valu 
des  applaudissements  unanimes. 

„**  M.  Walstein,  compositeur  et  pianiste  de  talent,  organiste  de  l'é- 
glise de  Saint-Luke,  vient  de  mourir  à  Londres. 

***  Mme  Marchesi  est  allée  passer  quelques  semaines  à  Ostende,  où 
elle  doit  retrouver  plusieurs  de  ses  élèves  appartenant  à  l'aristocratie 
viennoise. 

**,.  M.  Goldberg,  l'excellent  professeur  de  chant  et  compositeur  vient 
d'arriver  de  Londres. 

*%  M.  Ch.  Vervoitte,  maître  de  chapelle  de  Saint-Roch,  vient  d'être 
nommé  vice-président  de  la  section  de  musique  religieuse  au  congrès 
catholique  de  la  Belgique,  présidé  par  Mgr  le  cardinal-archevêque  de 
Malines. 

$%  On  va  entendre  prochainement,  à  Paris,  un  instrument  d'un  genre 
assez  singulier,  et,  dans  tous  les  cas,  complètement  nouveau.  C'est 
une  sorte  d'orgue  dit  aérophon,  dans  lequel  la  vapeur  remplace  l'air. 

„%  A  Nantes,  Lyon,  Vichy,  Bruxelles,  partout  où  Berthelier  a  fait 
entendre,  en  compagnie  de  Mlle  Frasey,  Lischen  et  Frilzchen,  '  le  joyeux 
comique  a  dit  avec  non  moins  de  succès  l'Enfant  de  la  Cannebière,  qu'il 
avait  chanté  plus  de  vingt  fois  au  théâtre  du  Palais-Royal.  Cette  scène 
est  publiée  depuis  quelques  jours  avec  accompagnement  de  piano. 

***  La  grande  matinée  enfantine  qui  sera  donnée  aujourd'hui  au  Pré 
Catelan,  offrira  un  double  attrait  au  public  :  richesse  du  programme  du 
concert  entièrement  composé  d'œuvres  nouvelles  exécutées  par  les  pre- 
miers solistes,  et  quatre  nouveautés  chorégraphiques  dansées  par  les 
élèves  de  M.  Chevallier. 

***  Les  concerts  des  Champs-Elysées  fermeront  le  15  septembre.  Le 
public  s'y  porte  constamment.  Plusieurs  morceaux  y  ont  été  exécutés 
la  semaine  passée  pour  la  première  fois,  parmi  lesquels  ont  été  beau- 
coup applaudis  l'ouverture  du  Templier,  de  Nicolaï;  Sur  la  montagne, 
symphonie  descriptive  de  Genin,  la  valse  de  Lischen  et  Frilzchen,  et  le 
Basilic,  de  Graziani. 

2%  Le  septième  volume  de  la  deuxième  édition  de  la  Biographie  des 
musiciens  de  M.  Fétis,  qui  vient  de  paraître,  contient  les  lettres  P,  Q,  R 
et  S  (Perotti  à  Scultetus). 

***  Les  obsèques  de  M.  Emile  Chevé  ont  eu  lieu  dimanche  dernier  au 
cimetière  du  Père-Lachaise.  Des  discours  ont  été  prononcés  par  MM. 
Cuéroult,  le  docteur  Pèlerin,  Durieux  et  Chaptal,  devant  la  tombe 
qu'entourait  un  grand  nombre  d'amis. 

***  Pierre  Cheret,  auteur  d'un  grand  nombre  de  romances  devenues 
populaires  et  musicien  de  mérite,  est  mort  à  Paris  à  l'âge  de  soixante 
et  onze  ans. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 

*%  Boulorjne-sur-Mer,  29  août.  —  Les  salons  de  l'établissement  des 
bains  ne  suffisaient  point  à  contenir  un  public  attiré  par  le  programme 
du  concert  que  donnait,  le  24  de  ce  mois,  la  Société  philharmonique, 
avec  le  concours  d'Adelina  Patti,  de  Baragli  et  d'Alard.  Pour  la  pre- 
mière fois,  Mlle  Patti  se  faisait  entendre  dans  un  concert  en  province. 
Ce  début  a  été  pour  la  charmante  cantatrice  un  triomphe,  et 
pour  notre  ville  un  événement.  L'air  du  Barbier,  le  rondo  de  la  Som- 
nambule, le  finale  de  l'Etoile  du  Nord,  ont  vivement  impressionné 
le  public  et  produit  cet  enthousiasme  inexprimable  que  les  italiens 
nomment  fanatismo.  Dans  le  dernier  de  ces  morceaux,  M.  Char- 
dard,  notre  habile  chef  d'orchestre,  flûtiste  de  premier  ordre,  et  M.  N., 
excellent  amateur,  ont  dignement  secondé  Mlle  Patti.  On  a  aussi  fort 
bien  accueilli  M.  Baragli,  dont  la  voix  est  expressive  et  fraîche.  Cet 
agréable  ténor  a  chanté  avec  beaucoup  d'expression  les  romances  de 
Luisa  Miller  et  de  la  Favorite,  ainsi  que  le  duo  de  Don  Pasquale,  avec 
Mlle  Patti.  Que  pourrions-nous  dire  sur  Alard  ?  qu'il  s'est  surpassé  dans 
cette  brillante  soirée,  et  qu'il  a  transporté,  charmé  son  auditoire.  L'or- 
chestre de  la  Société  philharmonique  a  exécuté,  sous  la  bonne  direc- 
tion de  M.  Chardard,  les  ouvertures  de  la  Muette  et  de  Guillaume  Tell, 
avec  un  ensemble  et  un  entrain  à  la  hauteur  de  la  circonstance. 

^*.t  Le  Havre.  —  Adelina  Patti  a  chanté  ici  dans  la  salle  Sainte-Cé- 
cile les  mêmes  morceaux  qu'à  Boulogne-sur-Mer,  et  son  succès  n'y  a 
pas  été  moins  éclatant. 


**»  Bordeaux.  —  La  reprise  du  Templier ,  de  Nicolaï,  a  eu  lieu  pour 
les  débuts  du  ténor  Peschard  qui  y  a  réussi  ;  Mlle  Lacombe  a  obtenu 
un  très-grand  succès. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

„%  Bade.  —  Mme  Charton-Demeur  a  débuté  avec  Je  succès  le  plus 
complet  dans  le  Trovatore.  Mme  Sanchioli  (Azucena)  a  été  souvent 
applaudie,  ainsi  que  Naudin  et  Delle-Sedie.—  Don  Pasquale  a  été  donné 
ensuite,  interprété  par  Mlle  Battu,  MM.  Naudin,  Frizzi  et  Delle-Sedie, 
qui  y  ont  obtenu  les  bravos  les  plus  mérités. 

*%  Carlsruhe.  —  Le  festival  de  l'association  des  sociétés  musicales 
allemandes,  dont  le  but  est  de  faire  connaître  et  de  propager  les  œu- 
vres de  mérite  de  compositeurs  contemporains,  a  eu  lieu  devant  une 
grande  affluence  parmi  laquelle  on  a  remarqué  Franz  Liszt.  Après  une 
marche  triomphale  de  Lasser,  un  prologue  de  M.  Eccard  a  été  en- 
tendu. Les  morceaux  qui  ont  obtenu  principalement  les  suffrages  de 
l'auditoire  sont  la  ballade  la  Malédiction  du  poète,  pour  orchestre,  par 
F.  de  Bulow,  fragment  de  la  symphonie  Christophe  Colomb,  d'Abert,  le 
43*  psaume  par  Liszt,  et  une  ouverture,  la  Plainte  du  Tasse,  de  H.  Strauss. 

„,*„  Manheim.  —  Le  diapason  de  l'orchestre  de  Paris  a  été  employé 
pour  la  première  fois  à  la  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel,  qui  vient 
d'avoir  lieu  devant  une  salle  comble. 

,%  Anvers.  —  Le  festival  musical  donné  à  l'occasion  du  58e  anniver- 
saire de  la  fondation  de  la  Société  royale  d'harmonie  et  du  300e  anni- 
versaire de  celle  de  son  Académie,  a  été  fort  brillant,  sous  la  direction 
de  M.  Possoz  et  avec  le  concours  de  Mme  Marie  Sax,  MM.  Vieuxtemps 
et  Stockhausen.  Deux  séances  des  plus  intéressantes  ont  été  données; 
on  en  jugera  par  les  principaux  morceaux  de  son  programme  :  Le  414e 
psaume  de  Mendelssohn,  la  cantate  Jacob  von  Artevelde,  de  Gevaêrt,  les 
Kyrie,  Sanctus  et  Benedictus,  de  la  messe  de  Benoît  ;  une  ouverture, 
Teniers  ou  la  Kermesse  flamande,  de  Léon  de  Burburé,  la  symphonie  en 
ut  mineur,  de  Beethoven  ;  un  Te  Deum  et  Invocation  à  l'harmonie,  sym- 
phonie avec  chœurs,  de  Benoît;  des  fragments  de  l'oratorio  Elie,  de 
Mendelssohn,  chantés  par  Mme  Sax  et  M.  Stockhausen,  et  le  concerto 
en  la,  de  Vieuxtemps,  joué  par  l'auteur. 

„.?„.  Amsterdam.  —  Un  palais  de  cristal,  à  l'instar  de  celui  qui  existe 
prés  de  Londres,  vient  d'être  inauguré  ici  par  un  concert  composé  de 
morceaux  du  répertoire  classique.  L'orchestre,  de  cent  musiciens,  est 
dirigé  par  M.  Stampff. 

s*i.  Berlin.  —  On  prépare  à  l'Opéra  royal  une  représentation  solen- 
nelle à  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la  naissance  de  Meyerbeer  ;  les 
Huguenots  seront  probablement  choisis  à  cet  effet. —  La  cantatrice  russe 
E.  Metzdoi  ff  a  continué  avec  succès  ses  débuts  dans  le  rôle  d'Isabelle, 
de  Robert  le  Diable.  —  La  reprise  de  VEnlèccment  au  sérail  au  théâtre 
Victoria  a  été  l'occasion  d'un  nouveau  succès  pour  le  ténor  Dr  Gunz. 
—  Au  théâtre  de  Kroll,  Arban  fait  toujours  une  grande  impression  sur 
le  public,  et  le  danseur  Juliano  Donato,  qui  n'a  qu'une  jambe,  attire 
beaucoup  de  monde. 

#%  Vienne.  —  Le  ténor  Wachtel  vient  de  chanter  avec  un  grand 
succès  le  rôle  de  Fra  Diavolo  à  la  reprise  de  cet  opéra  au  théâtre  de 
la  cour.  Une  nouvelle  opérette  de  Suppé,  intitulée  Franz  Schubert,  va 
être  donnée  au  Carl-Theater. 

„%  Dresde.  —  La  reprise  de  Jessonda,  l'opéra  de  Spohr,  a  été  froide- 
ment accueillie,  et  l'ouvrage  va  probablement  disparaître  du  réper- 
toire. 

t*4  Trieste.  —  L'opéra  de  Pacini,  le  Regina  di  Cipro,  a  été  accueilli 
avec  une  grande  faveur.  C'est  une  œuvre  fort  remarquable  et  digne 
de  l'auteur  de  Saffo. 

s*j.  Milan.  —  Le  théâtre  de  la  Canobbiana  va  ouvrir  sa  saison  par 
l'opéra  Isabella  d'Aragona,  de  Pedrotti,  et  un  ballet  de  Rota,  intitulé 
Anna  de  Masovia.  Le  second  opéra  sera  Werther,  de  Gentili. 


Le  Directeur  :  S.  DDFOUR. 


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de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  thnballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc. 

Tous  les  instrument»  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur, 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumcnt  et  le  poinçon  ci-après  : 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Saxophone 
alto  HI  bémol. 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851,  1855 
et  1862,  relatifs  aux.  Saxophones  (BREVET  DE!  1846). 

« Parmi    les   inventeurs    d'instruments  de    musique,  la  plus   haute    distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  (Exposit.  1SSI.) 

«  Famille   complète   des    Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.   — L'instrument  se  joua  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  a  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 
habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  :  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions; tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès;  celui-ci,  au  contraire,  est  né  d'hier;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  à  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte,  ><  (Exposit.  1853.) 

<c  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  (Exposit.  1862.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix   des  saxophones  sont  les  suivants  : 
Saxophone  soprano,  'îOO  fr. —  Saxophone  ténor,  "4'î.ï  te. —  Saxophone  alto,  «S5  fr. —  Saxophone  baryton,  %50  te. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 
l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 
pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  b'  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui.  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


PARIS.  —  IMPRIMERIE  CENTBAIE  DE  NAPOIEON  CHAtX  ET  Cc,  mu:  I 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Librair< 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Tostes. 


N°37. 


REVUE 


11  Septembre  1861 


.     PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 2*  r.parai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    3(1  »       >&■ 

Étranger 3*  "       id- 

Le  Joui  mit  unral    le  Dimanche 


TTE  MUSIC 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  Lyrique  impérial:  réouverture;  l'Alcade,  opéra-comi- 
que en  un  acte,  paroles  de  M.  Emile  Thierry,  musique  de  M.  Uzépy  ;  Don  Pas- 
quale,  opéra  bouffon  en  trois  actes,  traduit  de  l'italien  par  MM.  Alphonse 
Royer  et  Gustave  Vaez,  musique  de  Donizetti,  par  Léon  Ouroclier.  —  Pré- 
fecture du  département  de  la  Seine.  —  Correspondances  :  Bruxelles  et  Birmin- 
gham. —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  ©.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

Réouverture.  —  1/ Alcade,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de 
M.  Emile  Thierry,  musique  de  M.  Uzépy.  —  Don  Pasquale, 

opéra  bouffon  en  trois  actes,  traduit  de  l'italien  par  MM.  Alphonse 
Royer  et  Gustave  Vaez,  musique  de  Donizetti. 

Le  théâtre  Lyrique  a  fait  sa  rentrée,  comme  on  dit  au  Palais  de 
justice  et  dans  les  écoles,  le  3  septembre.  Cet  événement  avait  été 
annoncé  pour  le  1er,  mais  fait-on  toujours  ce  que  l'on  veut? 

C'est  la  Reine  Topaze  qui  a  ouvert  la  marche.  La  Reine  Topaze, 
suprême  adieu  de  ce  pauvre  jeune  homme  qui  avait  tant  d'imagina- 
tion, tant  d'esprit,  tant  de  verve,  qui  était  l'espoir  des  amis  de  l'art 
dramatique.  Espoir  trop  tôt  et  trop  cruellement  déçu!  En  ce  temps 
d'indigence  et  d'efforts  avortés  que  nous  traversons,  quel  avenir 
était  assuré  à  Léon  Battu,  s'il  avait  pu  vivre  ! 

Tout  a  été  dit  sur  la  Reine  Topaze  —  qui,  après  tout,  n'était 
que  pour  moitié  l'œuvre  de  Léon  Battu.  A  Dieu  ne  plaise  que  nous 
contestions  à  M.  Lockroy  sa  part  de  paternité,  que  nous  dévalisions 
le  vivant  au  profit  du  mort!  —  Pièce  très-originale,  spirituellement 
faite,  fantastique,  extravagante  même,  si  on  le  veut,  mais  amusante 
au  dernier  point.  La  partition  est  une  œuvre  de  conscience  et  de  ta- 
lent, dont  quelques  parties  sont  très-heureusement  réussies.  Et  ce 
n'est  pas  la  moindre  bonne  fortune  des  auteurs  et  de  l'ouvrage  que 
d'avoir  eu  pour  interprète  Mme  Miolan-Carvalho. 

Comment  parler  de  Mme  Carvalho  sans  nous  répéter,  et  sans  ré- 
péter tout  le  monde  ?  Quand  il  s'agit  de  Mme  Carvalho  tout  le  monde 
est  d'accord,  et  toutes  les  voix  se  confondent  dans  un  même  refrain, 
comme  à  l'Orphéon.  Merveilleuse  science  d'exécution,  naturel  par- 


fait, esprit,  finesse,  grâce  exquise Mais  tout  cela  est  si  connu, 

si  universellement  admis  qu'on  nous  permettra-  de  ne  pas  le  redire 
une  fois  de  plus.  Les  applaudissements  du  public  ont  salué  Mme  Car- 
valho quand  elle  a  paru,  et  l'ont  accompagnée  jusqu'au  dernier  fi- 
nale. Ils  ont  redoublé  après  les  variations  sur  l'air  du  Carnaval  de 
Venise,  et  après  la  chanson  de  l'abeille,  dont  on  a  demandé  à 
grands  cris  une  seconde  exhibition.  Savez-vous  pourquoi  celte  chan- 
son de  Yabeille  produit  un  effet  si  délicieux,  et  fait  tant  de  plaisir  à 
l'auditoire?  C'est  que  Mme  Carvalho,  artiste  d'esprit  et  de  goût,  la 
dit  à  demi-voix,  à  quart  de  voix.  Cela  est  si  rare  aujourd'hui,  et 
paraît  si  doux,  une  actrice  qui  sait  chanter  piano  un  accompagne- 
ment délicat  et  discret,  une  mélodie  que  l'on  peut  exécuter  sans 
effort  ! 

Mlle  de  Maesen  devrait  bien  écouter  Mme  Carvalho,  et  profiter  de 
la  leçon.  C'est  elle  qui,  dans  la  traduction  de  Don  Pasquale,  joue  le 
rôle  de  Norina,  écrit,  en  1842,  pour  Giulia  Grisi.  Nous  ne  voulons 
point  comparer  Mlle  de  Maesen  à  Mme  Grisi.  Mais  peut-on  s'empê- 
cher de  regretter  que  la  Norina  d'aujourd'hui  pousse  constamment  à 
plein  gosier  les  légères,  et  vives,  et  fraîches  cantilènes,  et  qu'elle  se 
livre,  dans  certaines  scènes,  à  une  si  terrible  pantomime.  Ces  exa- 
gérations sentent  la  province  d'une  lieue.  Une  femme  du  monde, 
quelque  rôle  qu'il  lui  plaise  de  jouer,  reste  toujours,  malgré  qu'elle 
en  ait,  femme  du  monde.  Ce  n'est  pas  de  la  brutalité,  c'est  de  la 
malice,  c'est  de  l'espièglerie  que  demande  le  rôle  de  Norina  :  il  fau- 
drait le  chanter  du  bout  des  lèvres,  et  le  gesticuler  du  bout  des 
doigts. 

M.  Gilland,  qui  a  débuté  dans  celui  d'Octave,  ne  brille  point  par  la 
grâce,  ni  par  la  désinvoltura.  Sa  voix  paraît  fatiguée.  Le  timbre  en 
est  par  trop  guttural.  Il  monte  avec  peine.  Son  sol  est  presque  tou- 
jours douteux.  Terrible  note  que  ce  sol!  pierre  d'achoppement  pour 
les  chanteurs  surmenés  !  véritable  critérium  des  ténors.  Tel  lance 
dans  l'espace  des  la  retentissants  et  des  si  formidables,  qui  ne  peut 
déjà  plus  soutenir  un  sol. 

Comme  acteur,  M.  Gilland  nous  semble  à  peu  près  nul.  Mais  le 
théâtre  Lyrique  a  fait  une  riche  acquisition  en  la  personne  de  M.  Troy, 
que  l'Opéra-Comique  avait  eu  le  tort  de  laisser  partir.  M.  Troy 
n'a  peut-être  pas  toute  la  gaieté  qu'exigerait  le  rôle  du  docteur  Ma- 
Iatesta  :  mais  il  le  chante  avec  beaucoup  de  grâce  et  d'élégance  et 
le  vocalise  fort  bien  quand  il  ne  se  laisse  pas  emporter,  quand  il  ne 


290 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


va  pas  trop  vite.  Il  a  été  fort  applaudi  à  diverses  reprises,  et  très- 
justement. 

Quant  à  M.  Ismael,  nous  ne  croyons  pas  que  depuis  Lablache,  il 
y  ait  eu  au  théâtre  Italien  un  Don  Pasquale  aussi  naturel  que  lui , 
aussi  vrai,  aussi  franchement  comique,  aussi  plein  de  verve,  aussi 
bouffe  dans  toute  l'étendue  du  mot.  Il  n'a  pas,  malheureusement,  la 
voix  assez  grave  pour  rendre  tous  les  effets  du  rôle  —  ce  n'est  pas 
sa  faute  —  ni  assez  forte,  —  c'est  un  peu  la  faute  de  M.  Deloffre, 
qui  devrait  réfléchir  que  des  accompagnements  calculés  pour  la  voix 
de  Lablache  ont  besoin  d'être  modérés  quand  ce  n'est  plus  Lablache 
qui  chante.  A  cela  près,  et  c'est  un  très-léger  inconvénient,  il  faut 
se  joindre  au  public,  qui  applaudit  M.  Ismael  avec  une  vivacité  sin. 
gulière,  et  qui  rit  autant  pour  le  moins  qu'il  applaudit.  M.  Ismael  a 
obtenu  dans  Don  Pasquale  un  succès  très-brillant,  et  parfaitement 
mérité.  On  l'a  rappelé,  on  l'a  bissé  après  son  duo  avec  le  docteur, 
au  troisième  acte,  duo  qu'il  dit  avec  un  entrain  et  une  chaleur  co- 
mique que  l'on  ne  trouve  guère  que  chez  les  bons  bouffes  italiens. 
Nous  avons  déjà  fait  entendre  que  Mlle  de  Maesen  laissait  passa- 
blement à  désirer.  On  lui  voudrait  plus  de  naturel,  de  gaieté,  de 
grâce,  une  exécution  plus  légère,  une  vocalisation  moins  ambitieuse 
et  plus  correcte,  moins  de  solennité,  moins  de  réminiscences  du 
style  tragique  et  des  effets  violents  de  Rigolelto.  Ce  qui  l'a  fait  réussir 
dans  Rigolelto  était  justement  ce  qu'il  fallait  éviter  dans  Don  Pasquale. 
Nous  ne  dirons  rien  du  mérite  incontestable  et  incontesté  de  ce 
charmant  ouvrage,  jugé,  classé  depuis  plus  de  vingt  ans,  et  que 
tous  les  dilettanti  savent  par  cœur.  Malgré  les  déficit  que  nous  avons 
signalés,  l'exécution,  prise  dans  son  ensemble,  est  satisfaisante,  et 
le  succès  nous  a  paru  de  bon  aloi.  Il  se  soutiendra,  et  sera  certaine- 
ment productif  si  le  public  ordinaire  du  théâtre  Lyrique  est  assez 
étranger  aux  choses  musicales  pour  que  l'aimable  partition  de  Do- 
nizetti  soit  pour  lui  une  nouveauté. 

On  nous  permettra  de  ne  pas  nous  étendre  sur  YAlczde,  pièce, 
si  pièce  il  y  a,  où  tout  manque  à  la  fois  :  le  plan,  le  dialogue,  et  sur- 
tout le  sens  commun  ;  pièce  dont  le  héros  est  un  chef  de  bandits,  ou 
plutôt  de  filous,  de  truands  de  la  plus  sale  espèce,  lequel,  au  dénoû- 
ment,  devient  roi  de  Portugal  par  droit  héréditaire,  et  profite  de  l'occa- 
sion pour  épouser  la  fille  d'un  alcade  de  village  qu'il  a  traité  vingt  fois 
de  coquin,  tout  en  le  volant.  Il  faut  glisser  sur  ces  erreurs  où  se  lais- 
sent parfois  entraîner  les  théâtres.  La  musique,  début  de  M.  Uzépy, 
a  de  la  facilité  mélodique,  assez  souvent  de  l'élégance,  et  se  fait  re- 
marquer par  une  instrumentation  bien  entendue.  L'ouverture  est  jo- 
lie, ainsi  que  des  couplets  syllabiques  chantés  par  M.  Legrand,  les- 
quels ont  été  précédés  d'un  trio  où  sont  de  très- agréables  phrases. 
Mais  le  sort  jaloux  lui  avait  donné  un  soprano,  Mlle  Estagel,  dont  la 
voix  fêlée,  chevroltante,  inégale,  s'entend  mal  avec  l'orchestre,  et 
aurait  grand  besoin  que  le  diapason  fût  abaissé.  M.  Ambroselli,  qui 
remplit  le  rôle  du  voleur-roi,  ne  chante  pas  plus  juste,  et  chevrotte 
à  peu  près  autant,  et  il  prononce  le  français  comme  s'il  avait  passé 
les  deux  tiers  de  sa  vie  tras  os  montes.  Les  autres  rôles  sont  mieux 
tenus,  surtout  celui  du  vieil  alcade.  Mais  l'agrément  des  accessoires 
pouvait-il  suppléer  à  l'insuffisance  du  principal  ? 

Léon  DUROCHER. 


PRÉFECTURE  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  SEINE, 

En  janvier  dernier,  un  concours  a  été  ouvert  par  M.  le  sénateur 
préfet  de  la  Seine,  pour  la  production  de  pièces  de  vers  destinées 
à  être  chantées  dans  les  réunions  de  l'Orphéon  des  écoles  communales 
et  des  classes  d'adultes  de  Paris,  lie  très-nombreux  concurrents 
(2,214)  ont  répondu  à  cet  appel.  Une  commission  composée  de  MM. 


Victor  Foucher,  membre  du  conseil  municipal,  président;  Camille 
Doucet,  de  Saint-Georges,  Alphonse  Royer,  Ambroise  Thomas,  Ber- 
lioz, Gounod,  Edouard  Monnais,  a  été  chargée  d'apprécier  le  mé- 
rite des  pièces  présentées. 

Dix  pièces  de  vers  seulement  lui  ont  paru  mériter  d'être  signalées 
à  M.  le  préfet  comme  remplissant  les  conditions  du  programme. 

Les  concurrents  de  l'an  prochain  pourront  puiser  d'utiles  ensei- 
gnements dans  l'extrait  suivant  de  son  rapport  : 

«  Si,  dans  ce  concours,  la  quantité  l'emporte  beaucoup  sur  la 
qualité,  il  est  juste  de  constater  l'immense  difficulté  de  l'entreprise. 
Le  programme  ne  demande  qu'une  œuvre  très-simple  et  très-courte; 
mais  cette  simplicité,  cette  brièveté  sont  bien  loin  d'en  faciliter 
l'exécution.  Quoique  le  répertoire  de  l'Orphéon  compte  plusieurs 
compositions  remarquables,  le  modèle,  le  type  de  l'œuvre  demandée 
par  le  programme  du  concours,  n'existent  pas  encore.  Le  poëme 
orphéonique  ne  doit  être  ni  l'ode  ni  la  chanson,  non  plus  que  le 
dithyrambe  ;  il  peut  toucher  à  ces  divers  genres  sans  s'absorber  dans 
aucun.  Les  sentiments,  les  idées  doivent  y  avoir  quelque  chose  de 
général,  en  fuyant  le  banal.  Les  spécialités  de  professions,  de  mé- 
tiers, doivent  y  être  évitées  plutôt  que  recherchées,  ainsi  que  les 
descriptions,  les  réflexions,  comme  choses  peu  favorables  à  la  musi- 
que. Dans  l'énorme  quantité  de  pièces  soumises  à  son  examen,  la 
commission  a  rencontré  souvent  beaucoup  d'esprit,  d'imagination, 
de  verve.  Elle  a  souvent  regretté  de  ne  pouvoir  accueillir  des  cou- 
plets, des  refrains  dignes  d'être  applaudis  autour  d'une  table,  mais 
qui,  par  cela  même,  ne  conviennent  pas  à  une  réunion  d'orphéonistes. 
Enûn,  ce  que  la  commission  regrette  d'avoir  trouvé  plus  rarement 
encore  que  tout  le  reste,  dans  ces  pièces  de  vers  destinées  à  être 
chantées,  c'est  le  sentiment  lyrique,  c'est-à-dire  le  souffle  qui  donne 
des  ailes  à  la  parole  et  l'oblige  en  quelque  sorte  à  se  transformer  en 
chant. 

»  Les  dix  pièces  de  vers  distinguées  dans  la  commission  sont 
celles  qui  lui  ont  paru  contenir  au  plus  haut  degré  l'élément  néces- 
saire au  poème  lyrique,  indépendamment  des  autres  qualités  re- 
quises. » 

Afin  d'encourager  autant  que  possible  les  essais  tentés  dans  la 
poésie  orphéonique,  le  préfet  a  décidé  que  toutes  les  pièces  jugées 
admissibles  seraient  primées  ;  que  trois  médailles,  d'une  valeur  de 
300  francs  chacune,  seraient  décernées  aux  trois  compositions  jugées 
les  meilleures,  et  sept  médailles  de  100  francs  aux  sept  autres 
pièces. 

Voici  l'indication  des  pièces  primées  : 

MÉDAILLES  DE   300  FRANCS. 

N°  829.  Gloire  à  Dieu.  Epigraphe  :  «  Cantate  canticum  novum  » 
(Ps.  32),  par  M.  Gindre  de  Mancy. 

N°  727.  Hymne  de  Noël.  Epigraphe  :  «  Dans  une  crèche  est  le 
sauveur  du  monde,  »  par  M.  le  pasteur  L.  Tournier,  de  Genève. 

N°  1405.  Où  est  le  bonheur'}  Epigraphe  :  «  Je  crois,  j'espère,  » 
par  M.  H.  MM... 

MÉDAILLLES  DE   100   FRANCS. 

N°1821.  Myosotis.  Epigraphe:  «  Juvenes  et  virgines  laudent  no- 
men  Domini  »  (Ps.  148),  par  M.  L.  T.  Descats,  curé  de  Bonnes 
(Vienne). 

N°  1302.  Respect  à  la  vieillesse,  par  M.  A.  Hinzelin,  agent  géné- 
ral des  écoles  de  Nancy. 

N°  739.  Ave  Maria.  Epigraphe  :  «  Fide  et  amore,  »  par  Mme  la 
comtesse  Clémence  de  Corneillan. 


DE  PARIS. 


291 


N°  1791.   La   Vapeur.  Epigraphe:  «  Go  ahead!  »    par  M.  Jules 
Ladimir. 

N"  1363.  Le  Pavillon.  Epigraphe  :  «  Telle  contre  un  rocher  gronde 
en  vain  la  tempête,  etc.,  par  M.  A.  Vossier. 

N°  1138,  la  Cloche.  Epigraphe  :  «  L'homme  est  né  pour  travail- 
ler, »  par  M.  F.  E.  Adam,  répétiteur  au  lycée  de  Brest. 

N°  157.  Le  Tirage  au  sort.  Epigraphe  :  «  La  France  aime  le  tam- 
bour, »  par  M.  L.  Valette. 

[Moniteur  du  7  septembre  ) 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  6  septembre  186i. 

Monsieur, 

Notre  théâtre  royal  de  la  Monnaie  a  fait  son  ouverture  de  la  saison 
dramatique  le  1er  de  ce  mois  par  les  Huguenots,  qui  sont  toujours  la 
pierre  de  touche  pour  l'essai  des  premiers  ténors  de  grand  opéra, 
ainsi  que  pour  les  premières  chanteuses  plus  ou  moins  falcon.  Le  ré- 
sultat de  l'épreuve  a  été  médiocrement  satisfaisant. 

Pour  commencer  par  ce  qui  est  le  plus  rare  aujourd'ui  dans  une 
troupe  de  grand  opéra,  c'est-à-dire  le  ténor,  je  vous  dirai  que  le  public 
a  soigné  chaleureusement  l'entrée  de  Wicart,  qui  fut  longtemps  en 
possession  de  cet  emploi  au  même  théâtre  et  qui  en  était  éloigné  de- 
puis trois  ans.  Ce  non-sens  d'applaudissements  prodigués  à  un  acteur 
qu'on  n'a  pas  entendu,  dont  on  ignore  la  valeur  actuelle,  et  pour  le- 
quel on  se  montrera  peut-être  sévère  avant  la  fin  de  la  représentation, 
est  une  des  bizarreries  de  notre  temps.  Ainsi  qu'il  arrive  souvent,  les 
bénévoles  spectateurs  de  la  soirée  ont  pu  bientôt  reconnaître  qu'ils 
s'étaient  fourvoyés  dans  leurs  applaudissements  anticipés,  car  M.  Wi- 
cart n'a  pas  réalisé  leurs  espérances.  Il  a  dit  avec  adresse  la  romance 
du  premier  acte,  dissimulant  les  ruines  de  son  organe  vocal  ;  mais 
celles-ci  se  sont  révélées  dans  les  actes  suivants.  Au  quatrième,  sa 
voix  fatiguée,  et  dont  l'émission  se  fait  par  de  pénibles  efforts,  a  fait 
éprouver  une  impression  désagréable,  trop  prolongée.  On  a  parlé  le 
lendemain  d'une  indisposition  à  laquelle  on  attribue  le  fiasco  de  cette 
soirée,  et  il  y  a  eu  depuis  lors  un  relâche  pour  cette  cause.  Attendons 
ce  qui  adviendra  par  la  suite. 

A  Mme  Charry,  que  vous  avez  peut-être  entendue  plus  que 
moi,  était  échu  le  rôle  de  Valentine;  elle  l'a  chanté  d'une  voix  aigre 
assez  médiocrement  réglée.  Laissons  au  public  à  prononcer  sur  l'ad- 
mission de  cette  prima  donna. 

Mme  Moreau  (Marguerite)  est  une  jolie  personne  dont  le  soprano,  un 
peu  blanc,  est  agréable  et  a  la  vocalisation  naturelle  et  facile.  Dès  la 
première  soirée  elle  a  conquis  la  faveur  du  public,  et  son  succès  s'est 
consolidé  dans  le  rôle  d'Athénaïs  de  Solanges,  des  Mousquetaires  de  la 
reine. 

M.  Méderic  (Saint-Bris)  n'est  point  une  basse  ;  il  ne  sait  ni  monter 
ni  descendre  et  manque  absolument  de  mordant.  Dans  le  rôle  du  capi- 
taine Roland  des  Mousquetaires,  il  a  montré  la  même  insuffisance.  Quant 
à  M.  Coulou  (Marcel),  sa  voix  a  du  timbre,  mais  son  action  dramati- 
que est  dépourvue  de  chaleur  et  d'entrain.  C'est  ce  qu'on  appelle  un 
acteur  convenable,  bien  qu'il  conviendrait  mieux,  sans  aucun  doute, 
qu'on  eût  toutes  les  qualités  de  son  emploi. 

En  somme,  sauf  Mme  Mayer-Boulard  ,  talent  précieux  et  complet 
comme  on  n'en  trouve  plus  à  la  scène,  et  Jourdan,  pour  qui  les  Bruxel- 
lois ont  de  la  sympathie,  la  saison  dramatique,  dans  laquelle  nous  en- 
trons, nous  promet  peu  d'agrément. 

J'aurais  à  vous  parler  de  choses  plus  satisfaisantes  du  monde  musi- 
cal, par  exemple,  des  concours  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  qui  ont 
été  splendides  dans  toutes  les  branches  de  l'enseignement;  mais  il 
s'est  écoulé  bien  du  temps  depuis  lors,  et  l'on  pourrait  me  reprocher 
de  faire  de  l'histoire  ancienne.  Je  dois  cependant  vous  dire  quelque- 
chose  des  artistes  envoyés  par  M.  Adolphe  Sax  en  Belgique  pour  y  faire 
entendre  ses  nouveaux  instruments,  car  il  s'agit  réellement  d'une  créa- 
tion nouvelle  et  importante,  d'un  monde  sonore  introduit  dans  l'art,  où 
il  opérera  sous  peu  de  très-considérables  modifications. 

Les  instrumentistes  de  M.  Sax,  dont  les  plus  distingués,  par  paren- 
thèse, sont  belges  et  ont  fait  leur  éducation  au  Conservatoire  de  Bru- 
xelles, ont  donné  d'abord  une  séance  dans  la  salle  delà  Grande  Harmonie, 
où  se  trouvaient  des  connaisseurs  et  des  hommes  du  méiier,  vivement 
impressionnés  par  les  effets  aussi  nouveaux  que  puissants  de  ces  agents 
sonores.  Le  programme  était  composé  d'un  duo  sur  Guillaume  Tell  pour 
trombone  et  saxhorn-basse,  tous  deux  à  six  pistons  et  à  tubes  indépen- 
dants ;  d'une  fantaisie  pour  trompette  avec  accompagnement  de  piano 
sur  Robert  le  Diable,  dans  laquelle  était  mise  en  relief  la  rapidité  pro- 


digieuse d'articulation  et  la  justesse  parfaite  du  nouvel  instrument, 
auquel  l'inventeur  a  conservé  intact  son  caractère  strident  et  spécial  ; 
d'une  marche  triomphale  de  M.  Demerssmann  ;  d'un  quatuor  de  trom- 
bones sur  le  Comte  Oru  ;  de  solos  avec  accompagnement  de  piano  sur 
les  quatre  individus  de  la  famille  des  saxophones;  d'une  marche  funè- 
bre pour  six  instruments,  à  la  mémoire  de  Meyerbeer,  par  Henri  Li- 
tolff,  composition  remarquable  par  le  caractère  d'originalité  ;  enfin,  de 
plusieurs  autres  morceaux  qui,  tous,  ont  démontré  l'excellence,  sous 
tous  les  rapports,  des  nouveaux  instruments  ù-î  Sax.  La  beauté  des 
sons,  leur  justesse,  leur  facile  émission  dans  les  traits  les  plus  rapides, 
la  douceur  de  leur  timbre  réunie  à  la  puissance,  ont  reçu  les  applau- 
dissements et  les  éloges  de  tous  les  assistants.  On  a  particulièrement 
admiré  la  belle  sonorité  des  basses  et  contre-basses  de  saxophones, 
dont  l'étendue  au  grave  surpasse  tout  ce  qu'on  avait  fait  jusqu'à  ce 
jour,  et  dont  les  sons  se  produisent  avec  la  même  facilité  clans  \e.  piano 
et  dans  le  forte. 

Le  lendemain  de  cette  séance,  les  instrumentistes  de  M.  Sax  en  ont 
donné  une  autre  dans  le  jardin  du  Vauxhall;  le  retentissement  du  succès 
de  la  veille  y  avait  attiré  un  grand  nombre  de  dames  élégantes,  d'a- 
mateurs et  d'artistes  qui,  pendant  près  de  deux  heures,  n'ont  cessé  de 
donner  aux  exécutants  des  témoignages  de  leur  admiration  pour  les 
beaux  effets  produits  par  leur  habileté  et  leurs  instruments. 

Après  cette  seconde  séance,  les  artistes  de  M.  Sax  sont  partis  pour 
la  Hollande  et  l'Allemagne.  A  leur  retour,  ils  se  sont  arrêtés  de  nou- 
veau à  Bruxelles,  et  ont  donné  un  troisième  et  dernier  concert  gratuit 
au  Parc,  un  dimanche  matin,  après  qu'un  des  corps  de  la  musique  mi- 
litaire de  la  garnison  s'y  fut  fait  entendre  suivant  l'usage.  Ce  que  vou- 
laient ces  artistes,  c'était  un  succès  populaire  :  jamais  on  n'en  obtint 
de  plus  complet,  car  le  peuple,  qui  entourait  en  foule  compacte  le 
kiosque  où  se  trouvaient  les  instrumentistes,  ne  cessa  de  faire  retentir 
au  loin  ses  applaudissements,  ses  exclamations  et  ses  hourras.  L'agita- 
tion régnait  encore  dans  cette  foule  longtemps  après  que  la  musique 
eut  cessé  de  se  faire  entendre. 

Agréez,  etc. 

S. 


Birmingham,  S  septembre  iS6i. 

La  ville  est  en  fête  :  les  rues  et  les  maisons  sont  pavoiàées  de  dra- 
peaux, les  trottoirs  sont  couverts  du  matin  au  soir  d'une  foule  im- 
mense, venue  en  grande  partie  de  loin  pour  voir  et  entendre  les  artistes 
qui  lui  emportent  et  rapportent  de  si  grandes  sommes.  Car  vous 
n'êtes  pas  sans  savoir  que  les  sommes  énormes  qui  se  manient  autour 
de  cette  solennité  sont  destinées  au  grand  hôpital  de  Birmingham,  qui, 
par  acte  du  Parlement,  dispose  de  l'hôtel  de  ville  pour  six  semaines  de 
l'année,  et  qui  se  trouve  propriétaire  du  grand  orgue  et  de  la  biblio- 
thèque. 11  n'est  guère  possible  de  donner  l'énumération  de  tous  les 
oratorios,  cantates,  symphonies,  ouvertures  et  morceaux  de  solo  ou 
d'ensemble  qui  se  produisent  dans  les  huit  concerts  du  mardi  au  ven- 
dredi. Jugez-en  :  mardi,  un  oratorio  divisé  en  cinquante-six  numéros, 
une  cantate  de  vingt  et  un,  et  ensuite  l'ouverture  de  la  Gazza  ladra, 
et  quatorze  autres  morceaux.  Tout  cela  dans  une  seule  journée,  et 
de  même  pour  mercredi,  jeudi  et  vendredi.  Mais  ce  qui  est  intéressant 
pour  le  monde  musical ,  c'est  de  se  rendre  compte  des  proportions 
colossales  de  ces  solennités  et  de  la  valeur  des  nouvelles  créations 
composées  pour  ce  festival. 
Nous  allons  donc  borner  notre  correspondance  à  ces  deux  points. 
Le  comité  général  présidé  par  M.  Mason,  le  comité  orchestral  par 
M.  Peyton,  et  le  secrétaire  général,  M.  Howell,  forment,  à  l'aide  de 
soixante- dix-huit  membres,  qui  tous  se  chargent  gratuitement  des  ser- 
vices honoraires  exigés  pour  la  fête,  onze  sous-comités  pour  toutes  les 
branches  nécessaires. 

Ces  comités  organisés,  on  publie  les  annonces  et  les  affiches  qui 
sont  portées  par  des  hommes  engagés  exprès  pour  voyager  dans  toutes 
les  villes  du  royaume.  Les  œuvres  à  exécuter  sont  commandées  et  pro- 
posées, les  artistes  engagés,  et  tous  ces  arrangements  finis  on  commence 
les  répétitions  avec  tous  les  chœurs  (il  y  a  trois  grandes  sociétés  cho- 
rales à  Birmingham,  composées  d'autant  d'artistes  que  d'amateurs). 
C'est  une  affaire  importante  ;  on  le  comprendra  facilement  par  les  indi- 
cations suivantes  en  chiffres  ronds  : 

L'orchestre  revient  à -45,000  francs. 

Les  chœurs  à 30000      — 

Les  solistes  à 60,000      — 

Les  textes  imprimés  à 10,000      — 

Annonces 20,000      — 

Affiches 5,000      — 

Total. . .   170,000  francs, 
sans  compter  les  mille  petites  dépenses  d'installation,  d'affiches,  d'an- 
nonces, etc.,  etc.  On  m'a  montré  une  annonce  dans  le  Times,  une  seule, 
qui  coûtait  64  livres  sterling  (1,600  francs). 


292 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Procédant  avec  de  pareils  moyens,  la  sensation  produite  est  telle  que 
de  tous  les  points  du  royaume  arrivent  tant  de  demandes  de  billets, 
qu'on  a  jugé  nécessaire  de  décider  au  moyen  d'une  loterie  qui  au- 
rait les  places  demandées.  Les  places  se  vendent  1  guinée  (2G  francs); 
la  salle  contient  au-delà  de  deux  mille  places. 

Les  recettes  du  premier  jour  ont  été  de  60,000  francs,  celles  du  se- 
cond jour,  de  78,000  francs  ;  celles  du  troisième,  de  85,000  francs,  et 
celles  du  quatrième  d'environ  7o,000  francs.  On  aura  donc  reçu  à 
peu  près  300,000  francs,  soit  un  bénéfice  net  de  100,000  francs,  dé- 
duction faite  des  dépenses,  qui  montent  presque  à  200,000  francs. 

Quant  aux  nouveaux  ouvrages  produits  cette  fois,  ce  sont  Naarnan, 
oratorio  de  Costa,  la  Fiancée  de  Dunkerron,  cantate  de  Henri  Smart,  et 
h'enilworth,  de  Sullivan. 

L'œuvre  la  plus  importante  du  festival  était  l'oratorio  de  Costa  ;  vous 
me  permettrez  de  le  nommer  en  premier  lieu.  C'est  une  œuvre  qui,  à 
elle  seule,  demanderait  tout  un  volume  de  critique,  tant  les  morceaux 
sont  nombreux,  la  conception  vaste,  l'orchestration  de  main  de  maître, 
exploitant  toutes  les  ressources  connues,  toutes  les  combinaisons  sai- 
sissantes; le  style  en  est  élevé,  mélodieux,  en  même  temps  que  sévère; 
en  un  mot,  c'est  un  chef-d'œuvre  dont  il  faut  simplement  mentionner 
le  grand  mérite  et  l'immense  succès  (on  a  bissé  douze  morceaux),  à 
moins  de  pouvoir  entrer  dans  des  détails  minutieux  pour  exprimer 
l'admiration  due  au  maître,  avec  le  soin  et  les  études  qu'exige  une 
œuvre  qui  fait  événement  dans  l'histoire  musicale.  Costa  qui,  comme 
chef  d'orchestre,  tient  en  Angleterre  une  position  telle  que  personne 
n'en  avait  eue  avant  lui,  a  trouvé,  après  son  oratorio,  un  de  ces  mo- 
ments qui  payent  une  vie  de  labeur  et  de  privations.  Le  public  entier 
s'est  levé,  l'orchestre  et  les  chœurs  se  sont  levés,  et  une  clameur 
inouïe  a  ébranlé  la  salle  ! 

Je  ne  désire  qu'une  chose,  c'est  qu'on  exécute  cet  oratorio  à  Paris,  — 
malheureusement,  il  ne  sera  pas  gravé  avant  six  mois,— pour  que  le  pu- 
blic français  puisse  juger  et  se  convaincre. 

Si  la  gloire  de  la  composition  est  due  à  Costa,  autant  que  celle 
d'avoir  dirigé  l'orchestre  comme  il  l'a  fait,  les  artistes  exécutants  ont 
pris  une  part  énorme  dans  le  succès  de  l'œuvre.  L'ensemble  des  chœurs 
et  de  l'orchestre  était  admirable.  C'était  la  Patti,  Mmes  Dolby-Sainton, 
Sims  Reeves  et  Santley  pour  les  parties  les  plus  importantes,  Mmes  Ru- 
derdoff,  Palmer  et  Cummings  pour  les  parties  secondaires.  Quant  à 
Mlle  Patti,  elle  a  deux  solos,  et  sa  partie  dans  un  trio  et  un  quatuor,  qui, 
tous,  ont  été  bissés.  Les  solos  de  Mmes  Reeves  et  de  Santley  ont  été 
bissés  également.  Mais  je  dois  aussi  vous  parler  du  solo  de  Mme  Sain- 
ton-Dolby. 

Mme  Sainton  qui  est  une  artiste  dans  la  plus  sérieuse  acception  du 
mot,  a  une  façon  de  déclamer  au-dessus  de  tout  éloge.  Elle  a  dans  son 
récit  les  accents  du  cœur  qui  impressionnent  toujours.  Il  n'est  pas 
permis  d'applaudir  pendant  un  oratorio,  ce  qui  n'empêche  pas  le  pu- 
blic d'indiquer  par  une  sorte  d'exclamation  contenue  ce  qu'il  désire 
réentendre,  et  alors  le  président  fait  un  signe  au  chef  d'orchestre  qui 
fait  recommencer.  Cependant  quand  le  trio  dans  la  première  partie 
(Patti,  Reeves,  Palmer)  et  le  quatuor  (Patti,  Reeves,  Palmer,  Santley) 
dans  la  seconde  partie  ont  été  chantés,  contre  les  usages  une  explo- 
sion de  bravos  enlevée  par  la  force  du  génie  (et,  aussi  par  la  voix  de 
Mlle  Patti),  s'est  fait  entendre. 

La  cantate  de  M.  Henri  Smart,  très-sérieuse,  très-dramatique,  pleine 
de  mérite  autant  de  travail  que  d'initiative,  est  l'œuvre  d'un  grand 
musicien,  reconnu  et  apprécié  depuis  longues  années;  elle  a  été  reçue 
avec  la  chaleur  que  ne  manque  jamais  de  montrer  le  public  anglais, 
quand  il  s'agit  d'applaudir  un  compatriote. 

L'œuvre  de  M.  Sullivau,  quoique  pleine  de  sève  et  de  verve,  ne 
peut  être  mise  au  niveau  des  deux  autres  ;  le  compositeur,  jeune  en- 
core, prendra  son  véritable  élan  plus  tard  et  avec  un  peu  plus  d'expé- 
rience. 

Dans  les  autres  ouvrages  et  dans  les  concerts,  il  s'est  produit  une 
si  grande  quantité  d'artistes,  outre  ceux  que  j'ai  déjà  nommés,  que 
je  ne  saurais  abuser  des  colonnes  de  la  Gazelle  Musicale  pour  ren- 
dre justice  à  tous.  Il  n'est  cependant  pas  possible  de  ne  pas  s'incliner 
devant  l'énorme  succès  de  Mlle  Titjens,  dont  la  belle  voix,  la  méthode 
pure,  l'accent  élevé  et  noble,  font  sans  contredit  la  plus  grande  chan- 
teuse classique.  N'oublions  pas  la  charmante  Mme  Lemmens  qui  a  su 
faire  applaudir  son  talent  à  Birmingham  comme  à  Londres,  et  ce  n'est 
pas  peu  dire.  Comme  instrumentiste,  il  y  avait  Mme  Arabella  Goddard, 
la  plus  grande  chanteuse  sur  le  piano.  Comment  une  femme  peut-elle 
réunir  autant  d'expression  délicate  et  de  rapidité  foudroyante,  autant 
de  gravité  et  autant  d'élégance?  Enfin,  il  y  avait  Sainton  qui  fait  chan- 
ter sa  femme  avec  son  violon,  en  lui  prêtant  l'appui  de  son  talent, 
pour  lequel  nulle  difficulté  n'existe  ! 

Louis  ENGEL. 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  La  Volonté,  comédie  en  quatre  actes  et  en  vers, 
par  M.  Jean  du  Boys.  —  Odéon,  réouverture  :  Les  Plumes  du 
paon,  comédie  en  quatre  actes  et  en  prose,  par  M.  Louis  Leroy. 
— Porte-Saint-Martin  :  Les  Flibustiers  de  la  Sonore,  drame  en 
dix  tableaux,  par  MM.  Amédée  Rolland  et  Gustave  Aymard. 

Un  jeune  auteur,  dont  le  nom  commence  à  se  dégager  des  nuages 
de  l'inconnu,  s'est  fait,  au  Théâtre-Français,  l'apôtre  de  la  volonté. 
L'intention  est  bonne  ;  mais,  en  dépit  de  l'axiome  :  Vouloir,  c'est 
pouvoir!  il  y  a  loin,  parfois,  de  l'idée  d'une  pièce  à  son  exécution. 
Nous  admettons  qu'il  y  ait  quelque  chose  encore  à  tirer  d'un  sujet 
passablement  rebattu,  mais  qui,  jusqu'ici,  n'a  produit  aucun  chef- 
d'œuvre.  Seulement,  l'inexpérience  de  M.  Jean  du  Boys  l'a  fait  pas- 
ser à  côté  de  ce  quelque  chose,  et  ce  qu'il  a  pris  pour  des  aperçus 
nouveaux  ne  rappelle  que  trop  ce  que  l'on  a  dit  avant  lui. 

Un  jeune  homme  se  présente  chez  M.  Lacroix,  banquier,  qui  lui 
demande  ce  qu'il  sait  faire.  —  Rien,  répond  le  jeune  homme,  mais 
j'apprendrai.  —  Eh  bien  !  revenez  alors,  conclut  logiquement  le 
banquier  en  le  congédiant. 

Un  an  plus  tard,  le  même  individu  reparaît.  —  Je  sais  maintenant 
toat  ce  qu'il  faut  pour  entrer  chez  vous,  dit-il  à  M.  Lacroix,  —  et 
celui-ci  surpris  de  tant  de  bon  vouloir,  lui  donne  une  place  dans  ses 
bureaux.  A  force  d'application,  Philippe  devient  le  principal  commis 
du  banquier,  puis  son  associé,  et  il  finit  par  épouser  sa  fille. 

Et  c'est  là  tout?  sans  doute.  Mais  où  est  l'action  dramatique,  mais 
où  sont  les  moyens,  les  obstacles,  les  luttes,  au  milieu  desquels  tout 
héros  de  pièce  doit  se  débattre,  et  l'intérêt  qui  s'attache  à  lui  gran- 
dir en  proportion  de  ses  efforts  ?  On  les  chercherait  en  vain,  à  moins 
de  prendre  pour  argent  comptant  ce  qui  se  passe  dans  les  coulisses 
et  pendant  les  entr'actes. 

Il  y  a  bien,  en  regard  de  l'homme  à  la  volonté,  un  jeune  mon- 
sieur qui  lui  sert  de  contraste.  Philippe  n'a  pas  le  sou  ;  Marcel,  au 
contraire,  est  riche  à  20,000  livres  de  rentes.  Philippe  est  seul 
au  monde,  sans  appui,  sans  famille;  Marcel  n'a  qu'à  étendre  la  main 
pour  saisir  une  position  et  un  riche  mariage.  Et  cependant,  tandis 
que  l'un  monte  rapidement,  l'autre  descend  avec  la  même  vélocité, 
et  cela,  parce  qu'il  manque  de  résolution,  et  qu'il  remet,  comme  ce 
tyran  de  l'antiquité,  toutes  les  affaires  sérieuses  au  lendemain.  Mais 
de  même  que  Philippe,  Marcel  n'agit  guère  qu'à  la  cantonade  ;  il 
aime  une  femme  qu'on  ne  voit  pas;  il  va  à  Bade  pour  se  ruiner, 
et  Philippe  le  ramène,  quand  il  n'a  plus  qu'à  se  repentir,  à  épou- 
ser une  jeune  fille  pauvre,  et  à  recommencer  sa  vie  sur  nouveaux 
frais. 

La  Volonté  n'a  donc  d'une  comédie  que  l'apparence,  c'est-à-dire 
le  titre  ;  mais  en  revanche  c'est  une  œuvre  littéraire  et  vraiment 
poétique  dans  certaines  parties.  M.  Jean  du  Boys  a  le  vers  facile, 
quelquefois  trop  facile  ;  il  a  tantôt  de  la  grâce,  tantôt  du  mordant. 
Il  fait  aussi  d'excellents  portraits,  témoin  celui  des  oisifs  envieux  qui 
est  tracé  d'après  nature  par  Tiburce,  le  Desgenais  obligé  de  toute 
pièce  contemporaine  : 

Nous  sommes  des  fakirs,  et  nonchalants  comme  eux, 
L'opium  jette  un  brouillard  sur  nos  esprits  brumeux. 
Oh  !  le  projet  pour  nous  est  chose  très-facile  ! 
L'architecte,  en  rêvant,  bâtit  toute  une  ville  ; 
Le  peintre,  en  son  esprit,  crée  un  divin  tableau 
Où  se  mêle  à  l'azur  du  ciel  l'azur  de  l'eau  ; 
Au  café,  le  poëte  ébauche  un  plan  de  drame 
Qui  doit  régénérer  du  coup  l'homme  et  la  femme. 
Après  quoi,  tous,  pensifs,  se  disent  par  instants  : 
—  Oui...  je  ferai  cela,  lorsque  j'aurai  le  temps  1 
On  n'a  jamais  le  temps 


DE  PARIS. 


293 


Nous  démolissons  tout,  ne  pouvant  pas  construire  ; 

Pour  n'être  pas  détruits,  nous-même  il  faut  détruire. 

On  bâtit  à  Paris  un  théâtre,  un  palais, 

Chacun  les  trouve  beaux,  moi  je  les  trouve  laids. 

Machin  a  des  projets  bien  plus  grands  dans  la  tête. 

Delacroix  I  Delacroix  !  Euh  1  nature  incomplète  1 

Ah  !  les  tableaux  d'un  tel. . .  quand  il  les  aura  faits  ! 

Un  jour  au  boulevard  un  drame  à  grands  effets, 

C'est  un  succès.  —  Tant  pis,  ce  n'est  pas  littéraire  !. . . 

Quand  vous  verrez  celui  que  ïiburce  doit  faire  1 

Au  résumé,  il  y  a  du  bon  dans  la  Volonté,  et  il  n'est  pas  impos- 
sible qu'elle  exerce  quelque  influence  sur  les  recettes  de  la  Comédie 
française.  Elle  est  d'ailleurs  convenablement  interprétée  par  Maubant, 
Coquelin,  un  jeune  lauréat  du  Conservatoire  nommé  Etienne  Séné- 
chal, et  surtout  par  Mlles  Marie  Royer  et  Ponsin,  qui  font  preuve 
toutes  deux  de  charme  et  de  talent. 

—  IvOdéon  a  fait  brillamment  sa  réouverture,  le  1er  septembre, 
avec  une  comédie  en  quatre  actes,  intitulée  les  Plumes  du  paon. 
Quoique  le  public  s'intéresse  fort  peu,  en  principe,  aux  mœurs  et  aux 
usages  de  la  gent  artistique,  il  a  pris  grand  plaisir,  nous  devons  le 
constater,  aux  tribulations  d'un  pauvre  diable  d'auteur  qui ,  pour 
venir  en  aide  à  je  ne  sais  quelle  infortune  respectable,  a  escompté 
sa  gloire  future,  et  voit,  un  jour,  représenter,  sous  le  nom  d'un 
autre,  une  pièce  dans  laquelle  il  a  mis  toute  son  âme  et  toutes  ses 
forces  intellectuelles.  Par  bonheur,  le  geai  paré  des  plumes  du  paon 
en  est  dépouillé  par  l'intermédiaire  du  marché  dont  il  n'a  pas  rem- 
pli les  conditions,  et  chacun  reprend  la  place  à  laquelle  il  a  droit. 
Nous  négligeons  les  détails  ;  nous  ne  parlons  pas  du  mariage  qui  est 
la  conséquence  de  ce  revirement  inattendu;  cela  va  de  source.  Mais 
ce  que  nous  nous  plaisons  à  attester,  c'est  que  la  pièce  de  M.  Louis 
Leroy  est  vive,  amusante  et  ne  manque  pas  d'intérêt.  Le  troisième 
acte,  très-gai,  très-mouvementé,  ferait  à  lui  seul  la  fortune  de  cette 
comédie,  s'il  en  était  besoin.  L'Odéon,  en  un  mot,  ne  pouvait  mieux 
ouvrir  sa  campagne,  et  le  voilà  lesté  de  manière  à  pouvoir  voguer 
longtemps  sans  changer  son  pavillon.  Le  principal  rôle  des  P.utnes 
du  paon  est  joué  par  un  débutant  du  nom  de  Villeray,  qui  a  com- 
plètement réussi,  grâce  à  sa  chaleur  et  à  sa  distinction.  11  a  d'ail- 
leurs été  secondé  à  merveille  par  Thiron,  Romanville  et  Mlle  Mosé. 

—  Le  drame  nouveau  de  la  Porte-Saint-Marlin,  les  Flibustiers  de 
la  Sonore,  n'est  pas  tout  à  fait  fictif;  c'est  l'histoire  à  peu  près  vé- 
ritable d'un  homme  dont  on  a  beaucoup  parlé,  il  y  a  dix  ou  douze 
ans,  et  qui,  après  des  aventures  inouïes,  a  trouvé  une  fin  lugubre 
dans  un  coin  obscur  du  Mexique.  M.  Gustave  Aymard  a  écrit  quel- 
que part  la  légende  dn  comte  de  Raousset-Boulbon,  et,  selon  l'usage 
reçu,  il  s'est  adjoint  un  collaborateur  pour  la  transporter  à  la  scène. 
Nous  sommes  donc  bien  avertis,  le  comte  Horace  d'Armancey  n'est 
autre  que  le  comte  Gaston  de  Raousset-Boulbon;  et,  sauf  quelques 
épisodes  nécessaires  à  l'économie  d'un  drame ,  l'action  des  Flibus- 
tiers de  la  Sonore  nous  retrace  des  événements  qui  se  sont  passés 
de  nos  jours,  bien  qu'ils  soient  marqués  au  coin  d'un  autre  âge.  En 
effet,  rien  ne  ressemble  moins  au  prosaïsme  de  notre  époque  que 
la  résolution  prise  par  un  gentilhomme  de  la  vieille  roche  de  quitter 
sa  patrie  pour  aller  refaire  sa  fortune  dans  le  nouveau  monde  en 
enlevant,  à  la  tête  d'un  petit  nombre  de  compagnons  déterminés, 
une  province  entière  appartenant  à  un  État  puissant  malgré  ses  dis- 
sensions. Le  comte  Horace  est  cependant  bien  près  de  réussir, 
lorsque  la  trahison,  sous  les  traits  d'une  femme  délaissée,  et  d'un 
général  mexicain ,  ambitieux  et  jaloux ,  lui  arrache  sa  proie  et  le 
conduit  devant  un  conseil  de  guerre  qui  le  fait  passer  par  les 
armes. 

Ce  que  nous  racontons  en  quelques  lignes  fait  la  matière  de  dix 
tableaux  pleins  de  mouvement  et  d'émotion.  Tout  serait  pour  le 
mieux  si  l'on  pouvait  refaire  l'histoire  ;  mais  après  avoir  excité  un 


très-vif  intérêt,  le  comte  Horace  est  mis  en  chapelle  et  fusillé.  Or, 
ce  dénouaient  n'est  pas  de  nature  à  renvoyer  le  parterre  satisfait, 
et  il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  ce  qu'il  fît  du  tort  au  succès  de 
l'ouvrage.  Un  pareil  résultat  serait  assurément  fort  regrettable,  car 
les  Flibustiers  de  la  Sonore  sont  montés  avec  un  grand  soin  ;  la 
couleur  locale  y  est  scrupuleusement  observée,  et,  sous  ce  rapport, 
nous  citerons  le  tableau  très-curieux  de  la  vie  à  San-Francisco.  Le 
sixième  tableau  est  rempli  par  la  Fête  du  soleil,  un  ballet  splendide, 
où  Mlle  Mariquita  danse  la  Mexicaine  avec  beaucoup  de  grâce  et  de 
souplesse.  Enfin,  pour  compléter  les  attraits  de  ce  drame,  la  direc- 
tion a  engagé  tout  exprès  Berton ,  qui  représente  le  comte  Horace 
avec  une  rare  élégance,  et  Mlle  Rousseil,  qui  est  en  train  de  conqué- 
rir au  boulevard  une  position  exceptionnelle. 

».  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

*%  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  Mlle  Sannier  a  débuté  lundi  dans 
la  Favorite.  La  débutante,  qui  avait  été  engagée  au  théâtre  Lyrique  pour 
jouer  dans  la  Captive,  de  Félicien  David,  est  une  belle  personne,  dont 
la  voix  ne  manque  pas  de  puissance,  mais  qui,  en  cherchant  à  monter, 
a  perdu  ses  meilleures  notes  graves.  Une  seconde  épreuve  permettra  de 
la  mieux  juger  comme  actrice;  dès  la  première,  on  peut  dire  qu'elle 
a  réussi.  —  Mercredi,  on  donnait  Nemea,  et  vendredi,  Guillaume  Tell. 

***  L'engagement  de  Mme  Marie  Sax  vient  d'être  renouvelé  pour 
cinq  ans. 

***  La  reprise  de  Lara  aura  lieu  cette  semaine  à  l'Opéra-Comique. 
Mlle  Monrose  y  chantera  pour  la  première  fois  le  rôle  de  la  comtesse. 

***  Mme  Gennetier  fera  son  début  à  l'Opéra-Comique  dans  le  Songe 
d'une  nuit  d'été. 

***  Le  théâtre  Italien  ouvrira  sa  saison  le  1<*  octobre  par  la  Sonnam- 
bula,  chantée  par  Adelina  Patti  et  le  ténor  Corsi.  Le  début  de  la  troupe 
dansante  aura  lieu  le  même  soir  dans  un  ballet  en  un  acte  très-appré- 
cié  en  Italie,  Aci  e  Galatea,  du  chorégraphe  Costa,  et  dansé  par  Mmes  Er- 
nestine  Urban,  Gredlu  Merante  et  M.  Costa. 

***  M.  Bosoni,  le  nouveau  chef  d'orchestre  engagé  par  M.  Bagier, 
a  fait  ses  preuves,  en  dirigeant  pendant  plusieurs  années  l'exécution 
des  grands  ouvrages  au  théâtre  de  la  Fenice,  à  Venise.  Dans  le  nombre 
se  trouvent  les  Huguenots,  le  Prophète,  de  Meyerbeer,  ainsi  que  Rigo- 
letto,  la  Traviata  et  Simon  Boccanegra,  de  Verdi,  lors  de  leur  première 
représentation  à  ce  théâtre. 

*%  Comme  nous  l'avons  annoncé,  l'opéra  de  Bénédict,  la  Rose  d'Erin, 
sera  joué  au  théâtre  Lyrique.  La  première  représentation  doit  avoir 
lieu  au  commencement  de  décembre. 

***  M.  Mareux  et  Mlle  Lovato,  qui  se  sont  particulièrement  distin- 
gués au  dernier  concours  d'opéra-comique  du  Conservatoire,  sont  en- 
gagés au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens.  Ils  débuteront  dans  l'une  des 
pièces  nouvelles  qui  doivent  être  jouées  pour  la  réouverture  de  ce  théâtre. 

***  L'ancienne  Société  des  Bouffes-Parisiens  a  été  dissoute,  et  une 
nouvelle  Société  en  nom  collectif  a  été  formée.  MM.  Alphonse  Varney 
et  Eugène  Hanappier  en  sont  les  directeurs. 

***  Les  recettes  des  théâtres,  concerts,  etc.,  ont  été  pendant  le  mois 
d'août,  de  9â0,387  fr.  86  c. 

***  Roger  vient  de  se  faire  entendre  à  Trouville  et  à  Dieppe,  en 
compagnie  de  Félix  Godefroid.  L'éminent  chanteur  a  excité  l'enthou- 
siasme et  a  dû  répéter  plusieurs  morceaui,  parmi  lesquels  la  Mélancolie, 
le  Rêve  et  la  Danse  des  Sylphes,  stances  de  Méry,  mises  en  musique  par 
Godefroid,  déclamées  et  chantées  d'une  façon  délicieuse  par  Roger. 

**„  Mlle  Boschetti  estapplaudie  au  théâtre  de  la  Monnaie,  à  Bruxelles, 
où  elle  est  engagée  pour  une  série  de  représentations.  Elle  a  débuté 
dans  un  divertissement,  la  Fête  des  voiles. 

***  M.  et  Mme  Bettini-Trébelli  se  trouvent  à  Rome,  et  doivent  y  dé- 
buter le  15  de  ce  mois  dans  Marta. 

***  Un  journal  anglais  annonce  que  l'ancienne  cantatrice,  Victoria 
Balfe,  fille  du  célèbre  compositeur  anglais,  mariée  à  l'ambassadeur  an- 
glais à  Saint-Pétersbourg,  lord  Crampton,  et  séparée  de  son  mari  par 
un  récent  divorce,  va  épouser  un  grand  d'Espagne,  dont  la  fortune 
est  considérable. 


294 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


„*:l  M.  Klosé,  professeur  de  clarinette  au  Conservatoire  et  chef  de 
musique  de  l'artillerie  de  la  garde,  et  M.  l'aulus,  chef  de  musique  de 
la  garde  de  Paris,  viennent  d'être  nommés  chevaliers  de  la  Légion 
d'honneur. 

»*i  Par  arrêté  ministériel  en  date  du  22  août  dernier,  M.  Eugène 
Gautier  a  été  nommé  professeur  d'harmonie  et  accompagnement  pra- 
tique au  Conservatoire  de  musique,  en  remplacement  de  M.  Bienaimé, 
admis  à  la  retraite. 

„*»  Ont  été  également  admis  à  la  retraite,  MM.  Meifred,  professeur  de 
cor  à  pistons,  et  M.  Goblin,  professeur  de  solfège,  qui  ne  paraissent  pas 
devoir  être  remplacés. 

„,%.  Adelina  Patti  va  donner  incessamment  quatre  représentations  au 
théâtre  de  Lyon. 

£*„  Un  assez  grand  nombre  de  noms  d'artistes,  de  musiciens  et  de 
poètes  viennent  d'être  donnés  à  des  rues  de  Paris,  dont  la  dénomination 
était  multiple.  On  y  remarque  les  rues  Quinault,  Marmontel,  Hérold, 
Beethoven,  Donizetti,  Bellini,  Lesueur,  Cimarosa,  Wilhem ,  Lassus , 
Béranger,  de  Musset,  Lesage,  Pétrarque,  Talma,  Poussin,  Raphaël,  Ti- 
tien, Rubens,  Greuze,  David,  SchefTer,  Ingres,  Yernet,  Decamps,  Vis- 
conti  et  Erard. 

»%  L'opéra  de  Rubinstein,  Feramors,  doit  être  représenté  cet  hiver 
à  Weimar  et  à  Carlsruhe. 

,*„  H.  Panofka  est  de  retour  de  son  voyage  en  Italie. 

„%  La  réouverture  du  grand  théâtre  de  Lyon  a  eu  lieu  par  une  re- 
présentation à  la  mémoire  de  Meyerbeer,  composée  de  Robert  le  Diable, 
et  d'une  cérémonie  dans  laquelle  la  troupe  entière  a  tenu  à  figurer.  Les 
cinq  œuvres  écrites  par  le  grand  maître  pour  la  scène  française  étaient 
allégoriquement  représentées  ;  des  couronnes  d'immortelles  ont  été  dé- 
posées devant  un  buste  éclairé  par  la  lumière  électrique,  tandis  que  l'or- 
chestre jouait  la  marche  du  sacre  du  Prophète.  Un  génie  descendant  des 
frises  est  venu  ensuite  couronner  le  front  du  grand  maître,  pendant  que 
la  prière  de  l'Etoile  du  Nord  était  exécutée.  Dulaurens  a  débuté  avec 
beaucoup  de  succès  dans  le  rôle  de  Robert;  Mme  Soustelle  n'a  pas  réussi 
autant  dans  celui  d'Alice.  Une  grande  émotion  a  paru  paralyser  une 
partie  de  ses  moyens. — Le  lendemain,  Mlle  Marimontet  M.  Barielle  ont 
été  accueillis  avec  faveur  dans  la  Fille  du  régiment. 

***  Rossini,  à  l'occasion  de  la  statue  que  vient  de  lui  élever  Pesaro, 
a  adressé  la  lettre  suivante  au  syndic  de  cette  ville  :  «  Très-excellent 
monsieur  Ceccarelli,  je  reçois  avec  une  joie  profonde  votre  très-esti- 
mable lettre  du  23  courant  par  laquelle  vous  me  peignez,  avec  le  pin 
ceau  du  Sauzio  (mon  adoré),  ce  qui  s'est  fait  dans  ma  chère  ville  de 
Pesaro,  pour  m'honorer  et  me  fêter.  S.  Exe.  Ubaldino  Peruzzi,  par  une 
lettre  du  21,  me  faisait  part  de  la  munificence  royale;  vous  me  faites 
maintenant  connaître,  Monsieur,  que  vous  êtes  en  possession  d'une 
médaille  frappée  en  mon  honneur  et  offerte  par  la  courtoise  et  gé- 
néreuse députation  toscane  pour  m'être  envoyée.  Toutes  ces  choses 
tendent  à  m'édifier,  et,  si  c'était  possible,  à  m'enorgueillir.  Ce  sont 
assurément  là  de  beaux  et  flatteurs  encouragements  dont  je  suis  très- 
reconnaissant.  Je  tiens  cependant  à  vous  déclarer  que  ce  qui  réjouit 
le  plus  mon  àme  et  me  pénètre  le  plus  le  cœur,  c'est  l'affection  que 
me  témoignent  mes  concitoyens.  Voir  payer  de  retour  un  amour  de  la 
patrie  que  j'ai  nourri  (quoique  en  silence)-  toute  ma  vie,  c'est  une 
vraie  félicité  pour  moi.  Je  dois  aussi  vous  dire  que  j'ai  la  plus  grande 
satisfaction  à  penser  que  mon  très-cher  comte  Gordiano  Perticari  a,  lui 
aussi,  figuré  dans  cette  circonstance  solennelle ,  ce  qui  m'est  une 
preuve  qu'il  jouit  d'une  bonne  santé  et  qu'il  me  conserve  sa  bienveil- 
lance dont  je  suis  fier.  Je  m'aperçois,  monsieur  le  syndic,  que  je  vous 
donne  trop  longuement  la  peine  de  me  lire  :  jetez  les  yeux  dans  mon 
cœur,  et  pardonnez-le  moi.  Veuillez  bien  faire  agréer  à  MM.  les  mem- 
bres de  la  junte  les  sentiments  de  ma  chaleureuse  reconnaissance,  et 
je  vous  prie  d'en  faire  autant  auprès  de  ceux  qui  aiment  l'enfant  de 
Pesaro,  qui  est  heureux  de  se  dire  votre  respectueux  et  affectionné 
Gioachino  Rossini.  —  Paris-Passy,  le  27  août  1864.  » 

*%  La  Création  d'Haydn,  des  fragments  d'Oberon,  la  messe  en  ré  de 
Beethoven,  Elis  de  Mendelssohn,  la  Chute  de  Babylone,  de  Spohr,  et 
la  cantate  Richard  Cœur  de  Lion,  de  J.  Bénédict,  sont  les  principales 
œuvres  dont  se  composait  le  festival  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Iiere- 
ford.  La  nouvelle  composition  de  Bénédict  n'y  a  pas  produit  moins 
d'effet  qu'à  Nonvich  et  à  Londres;  c'est  une  œuvre  des  plus  élevées  et 
dont  la  place  est  marquée  parmi  les  meilleures  du  genre.  Mines  Tiet- 
jens  et  Sainton  Dolby,  MM.  Sims  Reeves,  Santley  et  Weiss  s'y  sont 
notamment  distingués  et  ont  obtenu  souvent  les  suffrages  d'un  audi- 
toire nombreux  et  choisi. 

*%  L'excellent  pianiste  J.  Baur  s'est  distingué  au  grand  concert 
donné  récemment  au  Havre,  dans  la  salle  Sainte-Cécile.  Son  succès  a 
été  grand  et  mérité. 


,.%  Arabella  Goddard,  la  célèbre  pianiste  anglaise,  a,  suivant  le  jour- 
nal Orchestra,  l'intention  de  faire  admirer  son  talent  magistral  sur  le 
continent,  et  nous  aurons  bientôt  occasion  d'applaudir  à  Paris  cette 
artiste  hors  ligne. 

**„  Berthelier  donne  des  représentations  au  théâtre  des  galeries  de 
Saint-Hubert  à  Bruxelles.  Lischen  et  Fritzchen,  le  Pifferaro  et  le  Brésilien 
composent  son  joyeux  répertoire,  que  le  public  applaudit  chaque  soir. 

***  Le  théâtre  Vittorio-Emanuele,  à  Turin,  annonce  parmi  les  nou- 
veautés de  sa  prochaine  saison,  Aidea,  montée  avec  l'élite  de  sa  troupe. 
Ce  sera  la  première  fois  que  cet  ouvrage  d'Auber  traversera  les  Alpes 
et  sera  joué  en  italien.  On  s'occupe  de  la  traduction  en  italien  d'autres 
œuvres  d'Auber  :  le  Domino  noir,  les  Diamants  de  la  couronne,  l'Ambas- 
sadrice et  la  Fiancée  seront  prochainement  donnés  en  Italie,  où  la  Muette 
de  Poi-tici  et  Fra  Diavolo  ont  déjà  obtenu  tant  de  succès. 

*%  Le  succès  de  Jeanne  la  Rousse,  la  nouvelle  chanson  de  J.  OfTen- 
bach,  sur  les  paroles  tirées  de  Mademoiselle  Cléopâtre  d'Arsène  Houssaye, 
dépasse  toutes  les  prévisions.  Il  est  probable  que  cette  mélodie  ar- 
rivera rapidement,  comme  le  roman  auquel  elle  doit  sa  naissance,  à  sa 
cinquième  édition. 

»*„.  On  nous  écrit  de  Bade,  en  date  du  9  septembre  :  «  Hier,  à  l'oc- 
casion de  la  fête  anniversaire  de  S.  A.  R.  le  grand-duc  Frédéric  de  Bade, 
a  eu  lieu  après  un  beau  feu  d'artifice,  dans  les  nouveaux  salons  de  la 
Conversation,  splendidement  illuminés  à  cet  effet,  le  dernier  grand 
concert  de  la  saison,  donné  au  profit  de  l'hôpital  de  Bade.  Le  chant 
y  était  représenté  par  Mmes  Charton-Demeur,  Battu,  Lustani  -  Men- 
dès,  MM.  Délie  Sedie  et  Warnotz  ;  la  partie  instrumentale  ne  comp- 
tait que  deux  artistes  ;  mais  c'était  Vieuxtemps  et  Vivier.  L'orches- 
tre conduit  par  Koennemann,  a  exécuté  avec  une  grande  perfec- 
tion les  ouvertures  de  la  Violette,  de  Carafa,  et  celle  du  Freyschutz. 
Vieuxtemps  a  joué  en  maître  irréprochable  l'introduction  et  le 
rondeau  d'un  concerto  de  sa  composition,  et  dans  la  deuxième  partie 
une  légende  dont  le  motif  a  beaucoup  de  couleur,  suivie  d'une  polo- 
naise admirablement  enlevée.  Vivier  n'a  dit  qu'un  seul  petit  morceau, 
bien  court,  mais  c'était  la  romance  de  la  Favorite  :  «  Ange  si  pur  », 
et  il  l'a  dit  comme  lui  seul  sait  le  dire.  Mme  Charton  avait  choisi  un 
grand  et  magnifique  air  de  Beethoven,  Perfido  spergiuro,  rarement  exé- 
cuté dans  les  concerts  de  Paris.  Cet  air  a  fourni  à  la  célèbre  cantatrice 
l'occasion  d'y  déployer  ses  grandes  qualiiés.  Tour  à  tour  tendre,  abattue, 
passionnée,  elle  a  donné  à  ce  morceau  l'importance  d'un  drame.  Le 
duo  de  Don  Juan  avec  Délie  Sedie  :  La  ci  darem  la  mono,  et  une  vive 
chansonnette  espagnole  qui  a  suivi,  ont  montré  le  talent  de  Mme  Charton 
sous  l'aspect  le  plus  varié.  Mlle  Battu  avait  borné  son  contingent  à  la 
cavatine  d'Ernani;  mais  elle  l'a  chantée  avec  un  siyle  et  un  éclat  qui 
la  placent  au  rang-  des  meilleures  cantatrices  actuelles.  Mlle  Lustani- 
Mendès  a  chanté  l'air  de  Casta  diva  de  Norma.  On  ne  peut  pas  dire 
qu'elle  ait  encore  atteint  le  talent  de  Julie  Grisi,  mais  on  doit  des 
éloges  à  sa  bonne  volonté.  Tous  ceux  qui  ont  entendu  Délie  Sedie  à 
Paris  et  à  Londres,  connaissent  la  perfection  de  sa  méthode  et  le  sen- 
timent exquis  dont  il  est  doué;  la  romance  d'Un  Ballo  in  maschera  est 
sous  ce  rapport  un  de  ses  triomphes  ;  il  ne  lui  a  pas  fait  défaut  hier 
soir.  Le  quatuor  du  Rouet  de  Martha,  chanté  par  Mlles  Battu  et  Lustaui- 
Mendès,  MM.  Délie  Sedie  et  Warnotz,  a  gaiement  terminé  ce  brillant 
concert,  qui  avait  attiré  l'élite  de  la  société  de  Bade,  et  qui  était  ho- 
noré de  la  présence  de  LL.  MM.  le  roi  et  la  reine  de  Prusse,  ainsi  que 
des  princes  de  Hesse.  Des  applaudissements,  toujours  un  peu  contenus 
par  l'étiquette,  n'ont  pas  moins  accueilli  chacun  des  éminents  artistes 
après  leur  morceau,  et  les  rappels  ne  leur  ont  pas  manqué. —  Les  re- 
présentations d'opéras  italiens  se  sont  terminées  par  celle  de  la  Gazza 
ladra,  chantée  par  Mmes  Battu,  Sanchioli  et  Vestri;  MM.  Agnesi,  Frizzi 
et  Fallar.  Le  rôle  de  Ninetta,  très-favorable  à  Mlle  Battu,  lui  a  valu 
les  applaudissements  les  plus  chaleureux.  La  Comédie  française  a  pris 
maintenant  possession  du  théâtre. 

3*s  II  s'est  formé  en  Italie  un  comité  pour  provoquer  l'érection  d'un 
monument  en  l'honneur  de  Guido  d'Arezzo,  le  célèbre  musicien  du 
xc  siècle.  Tous  les  professeurs  et  artistes  réunis  à  Pesaro  pour  l'inau- 
guration de  la  statue  de  Rossini,  ainsi  que  G.  Pacini  et  Mercadante,  ont 
donné  leurs  adhésions  à  ce  projet. 

»%,  On  a  exécuté  au  Conservatoire  de  Prague  un  canon  en  forme 
d'ouverture,  composé  par  C.  Pugni,  de  Milan,  et  qui  a  excité  un  grand 
intérêt.  Ce  morceau  est  écrit  pour  deux  orchestres,  dont  l'un  répète 
constamment  la  partie  de  l'autre  à  une  mesure  d'intervalle. 

„*,,  Signe-accord  est  le  nom  d'un  nouvel  instrument,  inventé  par  le 
maître  de  chapelle  Metzger,  à  Vienne,  à  l'aide  duquel  on  trouve  facile- 
ment le  ton  dans  lequel  un  morceau  de  musique  est  exécuté. 

„*,,  Nous  rappelons  que  le  congrès  du  cercle  artistique-musical  Bo- 
namici  doit  se  tenir  à  Naples  le  15  de  ce  mois,  et  que  l'on  y  traitera 
les  questions  les  plus  importantes  qui  intéressent  la  musique  et  les 
musiciens. 


DE  PARIS. 


295 


*%  Cette  semaine  sera  publiée  une  nouvelle  transcription  pour  le 
piano,  par  Paul  Bernard,  du  célèbre  chœur  de  llossini,  l'Espérance.  Il 
existe  déjà  des  transcriptions  du  même  auteur,  des  chœurs  la  Charité 
et  la  Foi,  qui  jouissent  d'une  grande  vogue. 

„*,  Faut-il  prendre  au  sérieux  le  prospectus  d'un  journal  de  musique 
dansante,  intitulé  la  Terpsichore  pieuse,  ainsi  que  les  Parfums,  quadrille 
mystique,  devant  réconcilier  la  danse  avec  la  dévotion?  Ce  n'est  pas, 
sans  doute,  une  petite  affaire,  mais  le  prospectus  la  regarde  déjà  comme 
à  peu  près  faite,  et  n'en  veut  pas  de  meilleure  preuve  que  l'emploi 
dans  les  compositions  musicales  destinées  au  culte  de  formes  se  rappro- 
chant de  celles  usitées  dans  la  musique  du  genre  récréatif  et  gaillard.  Ceci 
ressemble  fort  à  une  épigramme,  et  il  se  pourrait  que  M.  Marius  Eléo- 
nore  Bonafous,  se  disant  chef  d'orchestre  du  Casino  champêtre  et  serpent 
de  la  confrérie  des  pénitents  bleus  à  Carpentras,  fût  plus  malin  qu'il  n'en 
a  l'air  au  premier  coup  d'œil.  Nous  ne  nous  permettrons  pas  de  tran- 
cher cette  grave  question. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


.,.%  Baiionne.  —  A  l'occasion  de  l'exposition  internationale,  un  con- 
cours d'orphéons  et  de  musique  militaire  a  eu  lieu  dans  cette  ville.  Le 
jury  était  composé  de  MM.  Clapisson,  Dufresne,  Victor  Massé,  Delsarte, 
<-I.  de  Vos,  Alard,  Duprato,  Armingaud,  Jubin,  Delplace  et  Bourcourt. 
Le  premier  prix  a  été  décerné  à  la  société  de  fanfares,  Echos  de  Mou- 
tiers.  La  société  chorale  de  Libourne  a  obtenu  le  premier  prix  des  or- 
phéons. Plusieurs  sociétés  espagnoles  se  sont  distinguées  à  ce  concours, 
auquel  s'attachait  un  grand  intérêt  public.  —  M.  Edouard  Batiste, 
professeur  au  Conservatoire,  organiste  de  Saint-Eustache,  est  appelé 
pour  faire  etTtendre  le  nouvel  orgue  construit  par  MM.  Merklin- 
Schiitze,  pour  l'église  Saint- Vincent  de  Paul.  Cette  inauguration  est  fixée 
à  jeudi  prochain. 

»*„  Rouen.  —  La  troupe  des  Bouffes-Parisiens  attire  beaucoup  de 
monde  au  théâtre.  Lischcn  et  Fritzchen,  M.  Choufle.ury,  Tromb-al-Cazar, 
la  Chanson  de  Fortunio  et  les  Dames  de  la  halle  sont  surtout  écoutés  avec 
grand  plaisir. 

*%  La  Rochelle.  —  Mme  Ecarlat-Geismar  a  donné  ces  jours  derniers 
un  concert  au  bénélice  de  la  caisse  de  secours  pour  les  veuves  et  les  or- 
phelins de  la  marine.  La  foule  était  nombreuse  et  a  fort  applaudi  la 
charmante  cantatrice,  ainsi  que  51.  Schelling,  le  pianiste  de  talent,  et 
l'orchestre,  dirigé  par  M.  Léon  Meneau.  —  A  une  grande  soirée  musi- 
cale aux  bains  Marie- Thérèse,  dans  laquelle  se  sont  fait  entendre  pres- 
que uniquement  des  amateurs,  une  quête  au  profit  des  incendies  de 
Limoges  a  produit  600  francs. 

,%  Arras.  —  Après  les  concours  de  chant  et  d'harmonie,  qui  n'ont 
pas  rempli  moins  de  deux  jours,  est  venu  le  concert  de  la  Société  phil- 
harmonique :  Faure,  Mlle  de  Maësen  et  Batta  s'y  distinguaient  en  pre- 
mière ligne,  et  c'était  à  qui  produirait  le  plus  d'effet  dans  chacun  des 
morceaux  qu'ils  ont  fait  entendre,  l'air  de  la  Favorite,  la  romance  de 
Joconde,  le  duo  du  Trouvère,  l'air  de  Rigoletto  et  le  morceau  des  Rameaux, 
que  Faure  a  si  bien  écrit  pour  sa  voix  admirable.  Deux  ouvertures  par- 
faitement exécutées,  celle  de  Masaniello  et  celle  du  Songe  d'une  nuit 
d'été  (la  dernière  en  présence  de  l'auteur  qui  se  dérobait  au  triomphe), 
ont  établi  l'excellence  de  l'orchestre  devant  un  auditoire  qui  ne  pouvait 
être  p. us  nombreux  ni  plus  brillant. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


*%  Londres.  —  Nos  théâtres  lyriques  sont  fermés,  à  l'exception  de 
la  petite  scène  du  Royal  Gallery  of  Illustration,  où  M.  German  Reed  a 
commencé  avec  un  grand  succès  sa  seconde  saison  d'opérettes  intitu- 
lées ici  Opéra  di  caméra,  par  Sleeping  queen,  de  Balfe,  et  la  Rose  de  Saint- 
Flour,  d'Offenbach,  jouée  sous  le  titre  :  Too  many  coofcs  (trop  de  cuisi- 
niers). Une  opérette  de  Macfarren  va  y  être  prochainement  donnée. —On 
attend  de  jour  en  jour  le  programme  de  la  nouvelle  société  d'opéras 
anglais  de  Covent-Garden,  qui  a  engagé  jusqu'à  présent  M  mes  Sher- 
rington,  Parepa  et  Huddart;  MM.  Weiss,  Perren,  Corri  et  Hagh.  Au 
théâtre  de  Sa  Majesté,  des  représentations  d'opéras  anglais  seront  don- 
nées ,  sous  la  direction  de  M.  Harrisson,  avec  Mlle  Pyne  et  Sims 
Reeves.  —  En  présence  de  vingt  mille  auditeurs  a  eu  lieu,  au  Palais  de 
Cristal,  un  festival  choral  donné  par  les  trois  à  quatre  mille  jeunes 
chanteurs  de  la  Tonic  Sol-fa  Association,  qui  ont  exécuté  des  chœurs  an- 
ciens et  modernes  avec  un  ensemble  admirable. 


„*„  Dresde.  —  L'opéra  de  Dorn,  les  Aibelungen,  est  en  répétition  au 
théâtre  de  la  Cour,  où  le  ténor  G.  Muller,  du  théâtre  de  Francfort,  a 
débuté  avec  succès  dans  Martha. 

***  Vienne.  —  Mme  Czillag  et  le  ténor  Steger  vont  donner  une  série 
de  représentations  au  théâtre  an  der  Wien.— Mlle  de  Murska  est  engagée 
au  théâtre  de  la  Cour;  elle  doit  y  chanter  pour  la  première  fois  le  rôle 
de  Dinorah  du  Pardon  de  Ploérmcl. 

„%  Prague.  —  Naudin  vient  de  débuter  aux  applaudissements  les  plus 
chaleureux  dans  Lucia  di  Lammennoor.  Ses  prochains  rôles  seront  Lio- 
nello  (de  Marta),  don  Ottavio  et  Manrico. 

*%  Pcsth.  —  Au  théâtre  National,  on  a  mis  à  l'étude  Fidelio,  Robert 
le  Diable  et  la  Muette  ds  Portici,  qui  seront  chantés  en  langue  hon- 
groise. 

%*i  Milan.  —  Roberto  il  Diavolo  a  inauguré  la  saison  du  théâtre  Car- 
cano  devant  une  salle  comble  et  enthousiasmée  du  chef-d'œuvre,  qui  a 
été  chanté  par  MM.  Garcia,  Concordia,  Mmes  Savini  et  Siebs. 

*%  Cadix. —  Giovanna  Shore,  opéra  de  Bonetti,  a  été  représenté  plu- 
sieurs fois.  Mme  Penco  y  obtient  dans  le  rôle  principal  un  très-grand 
succès. 


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G.     DOUIZETTI 

Représenté  à  Paris  pour  la  première  fois  (en  français)  au  théâtre  Lyrique  impérial  le  9  septembre  18G4. 
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1 .  Romance  pour  baryton  :  Taille  d'abeille  et  teint  rosé ....  4  50 
1  bis.  La  même,  pour  soprano 4  50 

2.  Cavatine  pour  basse  :  Ah!  quelle  flamme 5  » 

3.  Dno  pour  ténor  et  basse:  Prendre  femme  zeste  preste.   ...  9  » 

3  bis.  Cavatine  pour  ténor,  extraite  du  duo.   .  .   ■ 5  » 

4.  Cavatine  pour  soprano  :  Pauvres  amants  fidèles 7  50 

4  bis.  La  même,  transposée  pour  contralto 7  50 

5 .  Dno  pour  soprano  et  baryton  :  Ah  !  c'est  charmant 9  » 

6.  Scène  et  air  pour  ténor  :  Tout  m'est  ravi,  Louise  me  restait  7  50 

7.  Trio  p.  soprano,  ténor  et  basse:  Viens,  avance,  ô  contrainte.  7  50 

8.  Quatuor  pour  soprano,  ténor,  baryton  et  basse  :   Entre  les 


soussignés. 


8  bis.  Adagio  extrait  du  quatuor 

9.  Cnœur  :  Bal  enchanteur,  nuit  d'amour,  folle  ivresse  .   .   . 

10.  Duo  pour  soprano  et  basse:  Voici  l'heure 

11.  Duo  pour  baryton  et  basse:  Je  renferme  ma  colère  .   .   . 

42.  Sérénade  pour  ténor  :  Nuit  parfumée. 

12  6î's.  La  même,  pour  soprano 

12  ter.  La  même,  pour  contralto  ou  baryton 

12  quater.  La  même,  pour  ténor  avec  chœurs 

13.  Nocturne  pour  soprano  et  ténor  :  Le  jour  a  fui  la  terre. 

14.  Rondo  pour  soprano  :  Des  jours  calmes  quand  vient  l'âge 
14  bis.  Le  même,  transposé  pour  contralto 


4  50 
7  50 
9    » 


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N°  38. 


18  Septembre  4864. 


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REVUE 


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Paris n  rP'"'!" 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    3û  »       id. 

Émincer 34  »       id- 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


DE     PARIS 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui , 
un  iïoclttrne  pour  le  piano ,  tiré  d'un  nouveau  re- 
cueil :  Pensées  musicales,  par  A.  BEKI/VIV. 


SOMMAIRE .  —  Biographie  universelle  des  musiciens  :  François-  Joseph  Fétis 
(1"  article).  —  Les  chœurs  de  la  chapelle  impériale  de  Saint-Pétersbourg 
(1"  article),  par  Maurice  Cristal.  —  Revue  critique.  —  Nécrologie  :  De- 
lair,  par  Arthur    Pougin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


BIOGRAPHIE  UNIVERSELLE  DES  MUSICIENS. 

(seconde  édition.) 

Plus  d'un  grand  peintre  a  voulu  faire  son  portrait  lui-même  et 
s'est  acquitté  de  sa  tâche  avec  autant  de  fidélité  que  de  talent. 

M.  Fétis  est  de  ce  nombre  ;  le  biographe  à  qui  nous  devons  tant 
de  chefs-d'œuvre  de  ce  genre  n'a  pas  écrit  de  biographie  supérieure 
à  celle  où  il  parle  de  lui  et  de  ses  immenses  travaux.  C'est  peut-être 
par  ce  morceau  que  nous  aurions  dû  commencer  les  extraits  de  son 
vaste  et  admirable  ouvrage,  mais  il  est  toujours  temps  de  réparer 
une  omission,  et  c'est  ce  que  nous  allons  faire  aujourd'hui. 

FÉTIS  (François-Joseph)  (1) 

Né  à  Mons,  en  Belgique,  le  25  mars  1784,  est  fils  d'un  orga- 
niste, professeur  de  musique  et  directeur  de  concerts  en  cette 
ville.  Destiné  à  suivre  la  profession  de  son  père,  il  apprit  si  jeune 
les  principes  de  la  musique,  qu'à  l'âge  de  six  ans  il  lisait  à  livre 
ouvert  les  solfèges  écrits  à  toutes  les  clefs.  Le  premier  instrument 
qu'on  lui  mit  entre  les  mains  fut  le  violon  ;  à  sept  ans  il  écrivit  des 


(1)  II  y  a  toujours  quelque  ridicule  à  parler  de  soi;  le  ridicule  est  plus  fâcheux 
encore  quand  on  en  parle  longuement.  L'ouvrage  que  j'écris  m'oblige  pourtant  à 
faire  l'une  et  l'autre  de  ces  choses,  au  risque  de  ce  qui  pourra  s'ensuivre.  Ma 
vie  artistique  a  été  trop  active,  et  j'ai  montré  Irop  de  désir  de  fixer  l'attention 
publique  sur  mes  travaux,  pour  que  je  ne  me  croie  pas  dans  la  nécessité  de  dire 
ici  quel  en  a  été  l'objet  principal. 


duos  pour  cet  instrument,  et  il  commença  l'étude  du  piano.  Avant 
d'avoir  atteint  sa  neuvième  année ,  il  écrivit  un  concerto  pour  le 
violon  avec  orchestre ,  quoiqu'il  n'eût  d'autres  notions  d'harmonie 
que  celles  qu'il  avait  puisées  dans  la  musique  qu'il  avait  exécutée 
et  entendue.  Ce  morceau  fut  joué  par  son  père  au  concert  des  ama- 
teurs de  la  ville,  et  applaudi  comme  l'œuvre  d'un  enfant  précoce. 
A  neuf  ans,  Fétis  était  organiste  du  chapitre  noble  de  Sainte- 
Waudru,  accompagnait  le  chœur  des  chanoinesses  et  les  anciennes 
messes  de  vieux  compositeurs  allemands  et  italiens.  Vers  ce  même 
temps  il  commença  l'étude  des  langues  anciennes  ;  mais  bientôt  la 
deuxième  invasion  de  la  Belgique  par  les  armées  françaises  fit  fermer 
les  collèges,  les  églises,  et  lui  enleva  les  moyens  de  s'instruire 
comme  humaniste  et  comme  musicien.  Heureusement,  un  vieux  prote 
d'imprimerie  se  chargea  de  lui  faire  continuer  ses  études  latines,  et 
la  formation  d'une  société  d'artistes  et  d'amateurs  lui  fournit  l'occa- 
sion d'entendre  et  de  jouer  la  musique  instrumentale  de  Haydn  et  de 
Mozart.  Les  œuvres  de  ces  grands  maîtres,  alors  dans  tout  l'éclat 
de  la  nouveauté,  l'initièrent  dans  les  secrets  d'une  harmonie  neuve 
et  piquante  dont  il  n'avait  point  l'idée  auparavant;  il  en  profita 
pour  écrire  à  leur  imitation  deux  concertos  de  piano,  une  symphonie 
concertante  pour  deux  violons,  alto  et  basse  avec  orchestre,  des  so- 
nates de  piano,  des  fantaisies  à  quatre  mains,  une  messe  solennelle 
(en  ré),  un  Stabat  (en  sol  mineur)  pour  deux  chœurs  et  deux  or- 
chestres, et  des  quatuors  de  violon.  Avant  qu'il  eût  atteint  sa  quin- 
zième année,  tout  cela  formait  une  suite  assez  nombreuse  de  pro- 
ductions où  des  amis  crurent  apercevoir  quelques  traces  de  talent. 
Ces  amis  engagèrent  le  père  du  jeune  Fétis  à  envoyer  son  fils  au 
Conservatoire  de  Paris,  et  celui-ci  y  entra  au  mois  d'octobre  1800. 
Admis  dans  la  classe  d'harmonie  de  Bey,  alors  chef  d'orchestre  de 
l'Opéra,  il  apprit  de  ce  vieux  maître  la  théorie  suivant  le  système 
de  Bameau;  car  Bey  n'en  connaissait  point  d'autre,  et  ne  croyait 
même  pas  qu'il  y  en  eût  d'autre  possible.  C'est  peut-être  à  cette 
circonstance  que  l'élève  de  cet  homme  respectable  dut  la  direction 
que  prit  dès  lors  sa  pensée  ;  car,  peu  de  temps  après,  le  système 
d'harmonie  de  Catel  fut  publié,  et  fit  naître  de  vives  discussions  au 
dedans  et  au  dehors  du  Conservatoire.  Pour  la  première  fois,  Ba- 
meau était  attaqué  de  front,  en  France;  ses  partisans  poussèrent 
des  cris  d'indignation  contre  son  antagoniste.  Trop  jeune  pour  em- 
brasser un  parti  dans  une  querelle  de  ce  genre,  Fétis  se  contenta 


298 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  lire  le  Traité  d'harmonie  de  Catel  et  d'en  comparer  la  théorie 
avec  celle  de  Rameau  :  cette  étude  marqua  ses  premiers  pas  dans 
la  carrière  qu'il  a  parcourue  depuis  lors.  L'étude  des  langues  italienne 
et  allemande,  qu'il  entreprit  peu  de  temps  après,  lui  permit  ensuite 
de  comparer  aux  systèmes  de  Rameau  et  de  Catel  ceux  de  Kirnber- 
ger  et  de  Sabbatini.  Trois  mois  après  son  admission  dans  la  classe 
de  Rey,  il  en  avait  été  nommé  le  répétiteur;  l'année  suivante  il  ob- 
tint le  premier  prix  au  concours.  Il  prenait  aussi  dans  le  même 
temps  au  Conservatoire  des  leçons  de  piano  ;  Boieldieu  était  son 
maître  pour  cet  instrument,  et  quand  ce  compositeur  fut  parti  pour 
la  Russie,  Fétis  continua  ses  études  sous  la  direction  de  Pradher. 

Au  commencement  de  1803,  il  quitta  Paris  pour  voyager  et  ne  re- 
vint en  celte  ville  que  vers  le  milieu  de  l'année  suivante,  après  avoir 
étudié  le  contre-point  et  la  fugue  d'après  la  théorie  de  l'école  alle- 
mande, dans  les  écrits  de  Marpurg,  de  Kirnberger  et  d'Albrechtsber- 
ger.  L'étude  particulière  qu'il  avait  faite  des  compositions  de  Jean- 
Sébastien  Bach,  de  Hœndel,  de  Haydn  et  de  Mozart,  avait  fait  naître 
en  lui  un  goût  passionné  pour  le  style  de  cette  école,  et  tout  ce 
qu'il  écrivait  alors  était  empreint  de  l'harmonie  modulée  qui  en  est 
le  caractère  distinctif.  C'est  ainsi  qu'il  écrivit  une  symphonie  à  grand 
orchestre,  une  ouverture,  des  sonates  et  des  caprices  pour  le  piano, 
ainsi  que  des  pièces  d'harmonie  pour  huit  instruments  à  vent,  qui  ont 
été  publiés  à  Paris  chez  Lemoine  (père).  Ses  études  littéraires  et 
ses  lectures  sur  la  musique  le  conduisirent  alors  à  commencer  ses 
recherches  sur  la  théorie  et  sur  l'histoire  de  cet  art.  Ses  premiers 
travaux  eurent  pour  objet  de  constater  la  nature  des  inventions  de 
Gui  d'Arezzo,  et  d'éclaircir  l'histoire  de  la  notation  de  la  musique.  11 
avait  rassemblé  déjà  beaucoup  de  matériaux  sur  ces  objets,  et  avait 
commencé  à  les  classer  d'après  ses  idées  particulières,  dans  une  sé- 
rie considérable  de  documents  ;  mais  tout  cela  s'est  égaré  lorsqu'il 
s'est  éloigné  de  Paris,  en  1811. 

Lié  d'amitié  avec  Roquefort  et  Delaulnaye,  il  conçut  avec  ces 
littérateurs-musiciens  le  projet  d'un  journal  de  musique  dont  il  pa- 
rut quelques  feuilles  in-4°,  à  la  fin  de  l'année  1804;  mais  la  litté- 
rature et  la  critique  musicale  n'excitaient  alors  qu'un  médiocre  in- 
térêt, et  il  fallut  renoncer  à  cette  entreprise.  A  cette  époque,  bien 
que  le  théâtre  Italien  de  Paris  eût  une  troupe  composée  d'artistes 
distingués,  tels  que  Nozzari,  la  Strinasacchi,  Marianne  Sessi,  et  un 
peu  plus  tard  Tacchinardi  et  Barilli,  ce  spectacle  n'était  pas  fré- 
quenté, et  les  secours  du  gouvernement  pouvaient  seuls  le  maintenir 
en  France. 

La  plupart  des  musiciens  français,  enthousiastes  admirateurs  de  la 
musique  de  l'école  de  Méhul,  affectaient  beaucoup  de  mépris  pour 
les  œuvres  de  Cimarosa,  de  Paisiello  et  de  Guglielmi  ;  mais  Fétis, 
déjà  entré  dans  celte  voie  d'éclectisme  qu'il  a  parcourue  plus  tard 
dans  ses  travaux,  ne  se  laissa  point  influencer  par  son  penchant 
pour  les  formes  de  la  musique  allemande,  et  mit  tant  de  persévé- 
rance à  fréquenter  les  représentations  de  l'Opéra  buffa,  qu'il  finit  par 
classer  dans  sa  mémoire  les  principaux  ouvrages  des  maîtres  cités 
précédemment.  Cetle  étude  lui  fut  plus  tard  d'un  grandsecours,  quand  il 
voulut  se  livrer  à  l'analyse  des  qualités  distinctives  des  diverses  écoles. 
Vers  le  même  temps,  quelques  conversations  qu'il  eut  avec  Chéru- 
bini  lui  dévoilèrent  le  mérite  immense  des  traditions  de  l'ancienne 
école  italienne  dans  l'art  d'écrire,  et  la  nécessité  d'étudier  les  prin- 
cipes du  contre-point  vocal  d'après  ces  traditions.  Ce  fut  alors  que  les 
œuvres  de  Palestrina  devinrent  les  objets  de  ses  éludes  constantes, 
et  qu'il  écrivit  une  multitude  de  morceaux  d'église  dans  la  manière 
de  cet  illustre  maître,  modèle  désespérant  d'une  perfection  idéale. 
Dès  lors  aussi,  il  lut  avec  attention  tous  les  ouvrages  des  didacti- 
ciens  italiens,  particulièrement  ceux  de  Zarlino,  de  Zacconi,  de  Cer- 
reto  et,  parmi  les  modernes,  du  P.  Martini  et  de  Paolucci  Ses  idées 
se  formulèrent  sur  la  nécessité  d'exposer  les  principes  de  l'art  d'é- 
crire d'après  les  traditions  de  cette   grande  et  belle  école,  considé- 


rant seulement  le  style  instrumental  de  l'école  allemande  comme  un 
cas  particulier  de  la  théorie  générale  :  ce  sont  ces  mêmes  idées  qu'il 
a  développées  plus  tard  dans  son  Traité  du  contre-point  et  de 
la  fugue. 

En  1806,  Félis  fut  engagé  dans  un  travail  immense  dont  il  n'a- 
vait pas  mesuré  l'étendue,  qui  fut  plusieurs  fois  Interrompu,  qu'il 
reprit  cependant  toujours  avec  courage,  et  qu'il  a  enfin  achevé  après 
trente  années  de  recherches  et  de  patience.  Il  s'agit  d'une  révision 
de  tout  le  chant  de  l'Église  romaine,  d'après  les  manuscrits  les  plus 
authentiques  et  les  plus  anciens,  conférés  avec  les  meilleures  édi- 
tions. La  première  révolution  française  avait  anéanti  une  multitude 
de  livres  de  chœur,  et  la  rareté  de  ces  livres  s'était  fait  apercevoir 
quand  Napoléon  eut  rétabli  le  culte  catholique  en  France.  Un  des- 
cendant de  la  famille  des  Ballard  conçut  alors  le  projet  de  donner 
de  nouvelles  éditions  des  livres  du  chant  romain  et  du  parisien; 
mais  ayant  appris  que  ces  chants  avaient  subi  de  notables  altérations, 
il  eut  assez  de  confiance  dans  les  connaissances  de  Fétis,  malgré  sa 
jeunesse,  pour  lui  proposer  de  donner  des  soins  aux  nouvelles  édi- 
tions qu'il  projetait  ;  celui-ci  accepta  pour  le  chant  romain,  mais  re- 
fusa pour  le  parisien,  qui  n'avait  point  de  valeur  dans  son  opinion. 
Immédiatement  après  il  se  mit  à  l'ouvrage  ;  mais  dès  les  premiers 
pas,  il  trouva  tant  de  versions  différentes  et  capricieuses  dans  toutes 
les  éditions  qu'il  consulta,  qu'il  demeura  convaincu  de  la  nécessité 
de  remonter  aux  sources  les  plus  anciennes  et  les  plus  authentiques, 
dans  les  manuscrits,  afin  de  retrouver  le  chant  primitif  et  de  cons- 
tater les  causes  de  son  alourdissement,  de  ses  variantes  capricieuses, 
et  des  défauts  d'accentuation  qu'on  remarque  dans  un  grand  nombre 
d'éditions.  Dès  lors  le  travail  devenait  presque  sans  bornes,  et  il 
ne  fallut  pas  moins  qu'un  courage  de  bénédictin  pour  oser  l'entre- 
prendre. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  la  nécessité  de  rappeler  le  chant 
de  l'Église  romaine  à  ses  formes  primitives  se  fait  sentir;  plusieurs 
papes  ont  reconnu  cette  nécessité  :  Grégoire  XIII  avait  chargé  Pier- 
luigi  de  Palestrina  de  faire  ce  travail,  et  ce  grand  maître,  aidé  par 
son  élève  Guidetti,  y  employa  plusieurs  années  sans  l'achever.  Paul  V 
ordonna  à  Rjger  Giovanelli,  successeur  de  Palestrina,  de  corriger 
l'antiphonaire  et  le  graduel;  le  graduel  seul,  résultat  du  travail  de 
Giovanelli  (si  toutefois  la  tradition  est  exacte  à  cet  égard),  a  été  pu- 
blié à  Rome,  en  1814,  à  l'imprimerie  Médicis.  Ce  graduel,  le  Direc- 
torium  Chori  de  Guidetti,  le  graduel  et  l'antiphonaire  de  Venise, 
1580 ,  et  d'anciennes  éditions  du  xvie  siècle  données  par  les 
Junte,  les  Plantin  et  autres,  ont  été  conférés  par  Fétis  avec  deux 
cent  quarante-six  manuscrits  des  bibliothèques  de  Paris,  de  Cambrai, 
d'Arras,  du  Musée  britannique  à  Londres,  de .  la  bibliothèque  des 
ducs  de  Bourgogne,  à  Bruxelles,  etc.  Parmi  les  manuscrits,  il  y  en  a 
plusieurs  du  ixe  siècle,  quelques-uns  du  xe,  et  beaucoup  du  xie 
et  du  commencement  du  xne.  Ceux  qui  sont  postérieurs  à  cette 
époque  ont  dû  être  examinés  avec  beaucoup  de  soins,  parce 
que  la  transcription  en  notation  du  plain-chant  des  ornements  de 
l'ancien  écrit  en  notation  neumatique,  a  fait  transformer  en  notes 
réelles  les  appogialures,  groupes  et  trilles,  qu'il  aurait  fallu  simple- 
ment supprimer  pour  le  système  de  simplification  qu'on  voulait  adop- 
ter. Ce  grand  travail,  qu'ii  avait  entrepris  à  la  légère,  à  une  époque 
où  il  ne  possédait  pas  les  connaissances  nécessaires;  ce  travail, 
est  terminé  ;  le  graduel  et  l'antiphonaire  sont  prêts  à  être  li- 
vrés à  l'impression;  mais  il  est  vraisemblable  que  le  fruit  d'un  si 
grand  labeur  ne  verra  jamais  le  jour  ;  car,  après  avoir  été  témoin 
des  luttes  violentes  où  les  ecclésiastiques  de  France  se  sont  laissé 
entraîner  à  propos  d'opinions  plus  ou  moins  mal  fondées,  sur  ce 
qu'ils  ont  appelé  la  restauration  du  chant  grégorien,  l'auteur  de  la 
première  idée  de  cette  restauration,  et  des  premiers  travaux  entre- 
pris pour  l'opérer,  se  gardera  d'appeler  sur  lui-même  l'animadver- 
sion  de  tous  les  partis.  En  l'état  actuel  des   choses,  il  s'exposerait, 


DE  PARIS. 


299 


en  publiant  le  fruit  de  ses  veilles  sur  ce  sujet,  à  voir  troubler  la 
tranquillité  de  ses  derniers  jours,  sans  aucune  chance  de  succès. 

Une  réaction  s'était  fait  sentir  dans  la  musique  dramatique,  en 
opposition  à  l'école  de  Méhul  et  de  Cherubini  ;  cette  réaction,  com- 
mencée par  les  opérettes  de  Della-Maria,  avait  ramené  sur  la  scène 
les  ouvrages  de  Grétry.  Elleviou,  dont  le  talent  se  déployait  avec 
avantage  dans  ces  compositions,  cherchait  à  remettre  en  vogue  tout 
l'ancien  répertoire  ;  il  demanda  à  Fétis  une  nouvelle  musique  pour 
l'Ecole  de  la  jeunesse,  opéra  écrit  autrefois  par  Duni;  mais  cette 
musique  parut  trop  forte  d'harmonie  à  cet  acteur;  il  crut  devoir  ha- 
sarder la  reprise  de  cet  ouvrage  sous  son  ancienne  forme  ;  mais  il 
se  trompa;  le  public  repoussa  cette  partition  surannée.  Toutefois,  le 
travail  de  Fétis  fut  perdu,  et  jamais  la  nouvelle  musique  de  l'Ecole 
de  la  jeunesse  n'a  été  entendue. 

(La  suite  au  numéro  prochain.) 


LES  CHŒURS  DE  LÀ  CHAPELLE  IMPÉRIALE 

DE    SAIST-PÉTERSBOUR». 

(Premier  article.) 

Le  coloris  des  nuances,  la  variété  et  la  justesse  d'expression  qui 
donnent  tant  de  charme  et  ajoutent  une  si  incontestable  puissance 
aux  effets  de  la  musique,  ont  été,  depuis  cinquante  ans,  l'objet  de 
fécondes  études  que  le  succès  a  couronnées  pour  ce  qui  concerne  les 
orchestres.  Pour  les  chœurs,  les  progrès  n'ont  point  été  les  mêmes, 
et  il  est  à  regretter  que,  dans  nos  églises  et  sur  nos  théâtres,  l'on 
ne  sache  que  très-imparfaitement  faire  la  distinction  du  fort  et  du 
faible  des  voix,  et  que  les  directeurs  des  masses  vocales  négligent 
la  justesse  des  sons,  la  netteté  de  la  prononciation,  le  rhythme 
exact  et  l'accent.  Jadis,  ces  diverses  parties  de  l'art,  unies  à  la 
beauté  des  voix,  ajoutaient  une  inappréciable  valeur  aux  belles  com- 
positions qu'on  entendait  dans  le  chœur  de  la  chapelle  pontificale  à 
Rome.  Aujourd'hui,  la  bonne  tradition  existe  encore  dans  cette  cha- 
pelle; mais  elle  tend  à  s'effacer.  A  Berlin,  l'académie  de  chant  d'en- 
semble mérite  encore  des  éloges  ;  mais  il  faut  les  restreindre  seule- 
ment à  quelques  parties  de  l'exécution  chorale.  En  France,  où  l'art 
du  chant  individuel  est  cultivé  avec  un  succès  que  n'égale  point 
l'Allemagne,  et  qui  rivalisera  bientôt  avec  l'Italie,  l'art  d'imprimer 
la  vie  artistique  aux  masses  vocales  commence  à  peine  à  être  connu 
et  compris.  Mais  tout  ce  qui  existe  comme  chœur  et  chant  des  masses 
est  dépassé  par  les  chants  de  la  chapelle  chorale  russe  qu'exécutent 
à  Saint-Pétersbourg  les  chantres  de  la  cour  avec  une  perfection  d'en- 
semble, une  finesse  de  nuances  et  une  qualité  de  sonorité  dont  rien 
de  ce  qu'on  entend  ailleurs  ne  peut  donner  une  idée.  Ce  chœur  est 
composé  de  quatre-vingts  chanteurs,  hommes  et  enfants,  exécutant 
des  morceaux  à  quatre,  six  et  huit  parties  réelles,  tantôt  d'une  allure 
assez  vive  et  compliqués  de  tous  les  artifices  du  style  fugué,  tantôt 
d'un  mouvement  lent  et  d'une  expression  grave,  et  réclamant  par 
conséquent  un  art  de  poser  et  de  soutenir  la  voix  aussi  remarqua- 
ble que  l'est  celui  qu'ont  dû  déployer  les  chœurs  employés  par  Pa- 
lestrina,  Léo,  Allegri  et  Jomelli.  Dans  ce  chœur,  on  trouve  des  voix 
graves  inconnues  chez  nous,  qui  descendent  au  contre-wi,  au  contre-M 
et  même  au  contre-fa,  au-dessous  de  la  portée  clef  de  fa.  L'exécu- 
tion telle  qu'on  parvient  à  l'obtenir  de  ces  chantres  merveilleux 
égale  ce  que,  comme  instrumentation,  l'on  vante  de  plus  parfait 
dans  l'orchestre  du  Conservatoire  de  Paris.  Ce  résultat  exceptionnel 
ne  dépend  pas  de  la  puissance  virtuelle  d'une  masse  de  voix  incul- 
tes ;  il  a  pour  origine  l'excellence  des  études  constamment  suivies 
par  un  groupe  de  choristes  choisis  et  que  l'instinct,  aidé  par  l'édu- 
cation, a  fait  artistes.  Le  rituel  delà  religion  chrétienne  grecque  in- 


terdit l'emploi  de  l'orgue  et  des  instruments  de  musique  ;  en  consé- 
quence, les  choristes  russes  chantent  toujours  sans  accompagnement. 

Les  choristes  de  la  chapelle  impériale,  pour  renchérir  sur  cette 
difficulté,  se  sont  instruits  à  se  passer  d'un  chef  pour  marquer  la 
mesure,  et  ils  y  ont  réussi.  Cela  ne  les  empêche  pas  de  chanter 
avec  une  imperturbable  assurance,  et  ainsi  livrés  à  eux-mêmes,  ils 
abordent  hardiment  et  avec  un  ensemble  irréprochable  les  morceaux 
les  plus  périlleux,  passent  brusquement  d'une  tonalité  à  l'autre,  d'un 
presto  à  un  adagio  et  d'un  mouvement  lent  à  un  mouvement  pré- 
cipité, et  exécutent  jusqu'à  des  psalmodies  non  mesurées  et  à  des 
récitatifs  à  mouvements  très-capricieux.  Les  chœurs  qu'ils  chantent 
paraîtraient  inexécutables  et  produisent,  en  réalité,  des  effets  spé- 
ciaux qu'aucun  orchestre  ne  pourrait  rendre.  Seule  la  voix  humaine 
peut  les  obtenir,  et  c'est  pour  cela  que  les  chœurs  des  grands  maî- 
tres un  peu  anciens  ne  produisent  plus  aujourd'hui  le  même  effet 
parce  qu'on  n'a  plus  la  tradition  complète  de  la  manière  dont  il 
faudrait  les  exécuter.  Dimitri  Stepanowich  Bortnyanski  est  un  des 
maîtres  de  chapelle  qui  ont  le  plus  aidé  à  rendre  excellents  ces 
chœurs  religieux  russes.  Sa  biographie  ne  saurait  donc  être  racontée 
avec  plus  d'opportunité  et  de  profit. 

Il  est  né  en  1751  dans  la  ville  de  Gloukoff,  qui  appartient  au 
gouvernement  de  Tchernigoff  en  Russie.  De  bonne  heure  il  révéla  ses 
heureuses  dispositions  pour  la  musique  ;  sa  voix  était  très-belle,?  et, 
à  sept  ans,  il  fut  admis  au  nombre  des  chanteurs  de  la  chapelle 
impériale.  Galuppi  était  alors  maître  de  chapelle  à  Saint-Pétersbourg. 
L'impératrice  Elisabeth,  charmée  de  la  belle  qualité  de  voix  de  so- 
prano du  jeune  choriste,  autant  qu'étonnée  de  ses  dispositions  musi- 
cales et  de  son  organisation  d'artiste,  le  confia  aux  soins  éclairés  de 
Galuppi,  entre  les  mains  duquel  il  ne  resta  que  quelques  années,  ce 
compositeur  étant  parti  pour  l'Italie.  Heureusement  l'impératrice  Ca- 
therine II,  dont  la  perspicacité  pressentit  si  souvent  le  génie  des 
gens  qui  l'approchaient,  devina  la  haute  intelligence  du  jeune  Bort- 
nyanski. Elle  voulut  que  le  jeune  artiste  n'interrompît  point  ses  étu- 
des, et  elle  lui  fournit  les  moyens  d'aller  retrouver  Galuppi  qui  était 
alors  à  Venise.  Bortnyanski  y  arriva  en  1768,  il  avait  alors  dix-sept 
ans.  De  là  il  alla  à  Bologne,  à  Rome,  à  Naples,  pour  y  saisir  l'art  dans 
les  diverses  directions  de  cette  époque.  «  Il  écrivit  alors,  dit  M.  Fé- 
tis, beaucoup  de  morceaux  de  musique  dans  la  manière  des  maîtres 
italiens,  des  sonates  pour  le  clavecin,  des  pièces  détachées  de  genres 
différents  et  même  des  opéras.  »  M.  Fétis  ajoute  qu'il  possède  des 
motets  de  la  composition  de  Bortnyanski  qui  datent  de  cette  époque, 
et  qu'ils  n'ont  rien  de  remarquable  si  ce  n'est  la  pureté  d'harmonie 
des  maîtres  de  la  bonne  école.  Bortnyanski  retourna  en  Russie  en 
1779.  Quelque  temps  après  il  fut  nommé  directeur  du  chœur  de  la 
cour  qui  reçut  bientôt  le  titre  de  chapelle  impériale. 

Toutes  les  biographies  que  nous  avons  consultées  sont  fort  igno- 
rantes de  ce  qui  concerne  ce  grand  homme.  Celle  de  M.  Fétis  est  très- 
exacte  et  résume  parfaitement  le  génie  de  Bortnyansky  et  les  ser- 
vice qu'il  a  rendus  à  l'art  musical  en  Russie.  Dans  tout  ce  qu'il  avait 
produit  avant  son  retour  en  Russie,  dit-il,  le  nouveau  compositeur 
s'était  inspiré  de  la  musique  italienne  de  son  temps  ;  ce  ne  fut  qu'à 
Saint-Pétersbourg  que  son  génie  se  révéla  dans  ce  qui  constitu  at 
son  originalité.  Le  chœur  de  chantres,  dont  il  avait  la  direction  et 
qui  existait  depuis  le  règne  du  czar  Alexis  Michaïlowitch,  laissait 
beaucoup  à  désirer.  Quoique  déjà  ancien  et  très-exercé,  il  pouvait 
encourir  des  reproches  quant  au  fini  de  l'exécution  et  à  la  qualité 
des  voix.  Maître  de  chapelle  habile,  Bortnyanski  se  consacra  exclu- 
sivement à  sa  nouvelle  tâche,  et  mit  tous  ses  soins  à  perfectionner  la 
noble  institution  qu'il  avait  à  diriger.  Il  fit  venir  des  chanteurs  de 
l'Ukraine  et  des  diverses  provinces  de  l'empire,  choisissant  les  voix 
les  plus  belles,  doublées  d'une  organisation  d'artiste.  C'est  par  ses 
soins  heureux  autant  que  bien  dirigés,  que  la  chapelle  impériale  de 
Russie  est  parvenue  à  cette  exécution  excellente  et  même  parfaite 


300 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dont  on  ne  prévoyait  pas  la  possibilité  avant  lui,  et  qui  fait  aujour- 
d'hui l'admiration  de  tous  les  artistes  étrangers.  Quand  ses  chantres 
furent  bien  exercés,  Bortnyanski  s'occupa  de  composer  pour  eux  des 
harmonies  religieuses  où  leur  exécution  pût  briller  de  tout  son 
éclat.  Il  composa  donc  quarante-cinq  psaumes  complets  à  quatre  et 
à  huit  parties.  On  lui  doit  aussi  une  messe  grecque  à  trois  parties 
et  beaucoup  de  pièces  diverses.  Toutes  ces  compositions  sont  écrites 
avec  une  science  pure  et  correcte;  elles  se  distinguent  par  une  vé- 
ritable et  très-haute  intelligence  du  sentiment  religieux,  souvent  par 
une  sorte  de  mysticisme  qui  plonge  l'auditeur  dans  de  profondes 
extases.  On  y  remarque  encore  une  rare  expérience  du  groupement 
des  masses  vocales,  une  prodigieuse  entente  des  nuances,  une  har- 
monie sonore,  une  incroyable  liberté  dans  la  disposition  des  parties 
multiples,  et  un  mépris  souverain  pour  la  distribution  des  chœurs,  des 
règles  respectées  par  ses  prédécesseurs  comme  par  ses  contempo- 
rains, et  surtout  par  les  Italiens  dont  il  est  un  des  disciples  les  mieux 
émancipés.  Chacun  de  ses  psaumes  est  un  gigantesque  concert  à 
quatre  ou  à  huit  voix.  Il  y  a  dans  ces  tissus  d'harmonies  des  en- 
chevêtrements de  parties  qui  semblent  irréalisables,  des  soupirs,  des 
plaintes,  de  vagues  murmures  comme  on  en  entend  dans  le  rêve  ou 
dans  l'extase,  et  puis  par  moments  de  ces  accents  inouïs,  inexpli- 
qués qui,  par  leur  intensité,  ressemblent  à  des  cris,  à  des  sanglots 
qui  saisissent  le  cœur,  oppressent  la  poitrine,  et  donnent  aux  per- 
sonnes nerveuses  d'irrésistibles  mouvements  spasmodiques  presque 
douloureux;  puis  tout  s'éteint  dans  des  decrescendo  vaporeux,  céles- 
tes, incommensurables,  où  le  silence  parle,  comme  dit  le  poète 
russe  Pouschkine.  En  entendant  une  semblable  musique  l'auditeur  le 
plus  impassible  s'émeut,  et  les  plus  violents  efforts  de  volonté  ne 
suffisent  pas  à  dompter  l'émotion. 

Maurice  CRISTAL. 
{La  suite  prochainement.) 


REVDE  CRITIQUE. 

Fréd.  Brisson.  —  Arrangements  pour  harmonium  des   mélodies  de 
F.  Schubert,  transcrites  pour  le  piano  par  Stephen  Heller. 

Le  nom  de  M.  Frédéric  Brisson,  placé  en  tête  d'une  publication  con- 
sacrée à  l'étude  de  l'harmonium,  est  une  recommandation  assez  puis- 
sante en  elle-même  pour  que  nous  n'ayons  pas  à  insister  beaucoup  sur 
les  louanges  que  celle-ci  mérite.  On  sait  ce  que  la  renommée  de  F. 
Schubert  doit  en  France  aux  transcriptions  que  Stéphen  Heller  a  faites 
d'une  partie  notable  de  ses  mélodies.  M.  Frédéric  Brisson,  accomplis- 
sant pour  l'harmonium  la  tâche  que  Stéphen  Heller  a  entreprise  pour 
le  piano,  s'est  efforcé  de  réunir  en  deux  collections,  composées  chacune 
de  quinze  morceaux,  les  plus  charmantes  inspirations  du  mélodiste  al- 
lemand, et  nous  pouvons  affirmer  que  son  travail,  habile  et  conscien- 
cieux, ne  laisse  absolument  rien  à  désirer.  Compositeur  non  moins  ex- 
périmenté qu'exécutant  hors  ligne  et  que  professeur  d'un  talent  re- 
connu, il  y  a  mis  le  cachet  de  cette  triple  aptitude  :  aussi  les  élèves  et 
les  amateurs  d'orgue,  qui  ont  déjà  de  si  grandes  obligations  à  M.  Fré- 
déric Brisson,  ne  sauraient-ils  mieux  faire  que  de  chercher  dans  cette 
nouvelle  publication  des  exemples  et  des  exercices  d'autant  plus  pré- 
cieux qu'ils  émanent  d'une  autorité  compétente,  et  qu'ils  rappellent 
une  des  gloires  de  l'art  musical  à  l'étranger. 


Emile  Bret.  —  OEuvres  diverses  pour  le  chant. 

Il  y  a  deux  ans  environ  que  M.  Emile  Bret,  un  organiste  genevois, 
poussé  par  une  noble  et  légitime  ambition,  est  venu  soumettre  à  l'ap- 
préciation du  public  parisien  de  sérieux  essais  de  composition  drama- 
tico-lyrique,  qui  ont  obtenu  dans  la  salle  Herz  un  accueil  des  plus  en- 
courageants. Mais  la  carrière  du  théâtre  est  ardue  et  pénible  pour  les 
débutants.  Malgré  l'excellent  effet  de  son  audition,  nous  n'avons  pas 
encore  appris  que  M.  Emile  Bret  se  soit  fait  ouvrir  les  portes  d'aucune 
de  nos  scènes  lyriques,  et  nous  en  sommes  réduit  à  former  des  vœux 
pour  que  la  liberté  théâtrale  lui  donne  enfin  les  moyens  de  se  produire 
selon  ses  mérites. 


En  attendant  ce  grand  jour  de  la  justice,  M.  Bret  ne  reste  pas  oisif, 
et  il  continue  à  fournir  des  preuves  persévérantes  de  ses  aspirations  à 
la  musique  dramatique,  dont  le  chant  est,  comme  on  sait,  l'élément 
principal.  Aiusi,  parmi  les  ouvrages  qu'il  a  publiés  récemment,  nous 
remarquons  une  scène  pour  contralto,  intitulée  le  Paradis  perdu,  dans 
laquelle  on  sent  le  souffle  divin  qui  anime  les  vrais  compositeurs.  Cette 
scène,  parfaitement  disposée,  renferme  une  introduction  d'un  très-bon 
travail  harmonique,  un  récit  plein  d'émotion,  un  andante  à  trois  temps, 
d'une  fraîcheur  et  d'une  élégance  tout  à  fait  incoutestables,  un  adagio 
scénique,  un  cantabile  non  moins  bien  venu,  et,  pour  conclusion,  une 
strette  finale  qui  ne  manque  ni  d'élan  ni  de  franchise.  Le  Paradis  perdu 
est  un  petit  drame  complet  qui  remplit  toutes  les  conditions  du  genre, 
et  qui  ne  pourrait  que  gagner  à  être  transcrit  pour  le  théâtre  et  pour 
l'orchestre. 

Les  mêmes  qualités  dramatiques  se  distinguent  dans  une  mélodie 
pour  ténor  qui  porte  le  titre  de  Sons  retour. . .  et  qui  peut  être  ac- 
compagnée ad  libitum  par  l'harmoniflûte.  Les  plus  heureux  contrastes, 
la  passion,  l'élan,  la  mélancolie,  prêtent  un  grand  charme  à  ce  mor- 
ceau. 

Nous  citerons  encore  un  Ave  Maria,  pour  contralto,  qui  atteste  que 
le  goût  du  théâtre  n'a  pas  fait  oublier  à  M.  Bret  ses  premières  tendan- 
ces. On  y  retrouve  l'inspiration  douce  et  suave  de  l'organiste  habile 
dans  son  art,  et  le  compositeur  exercé  se  révèle  dans  un  très-riche 
accompagnement  de  piano,  dont  l'effet  est  doublé  par  l'immixtion  du 
violon  et  du  violoncelle. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  donner  une  plus  grande  étendue  à 
l'examen  des  œuvres  nombreuses  de  musique  vocale  qui  forment  l'avoir 
de  M.  Emile  Bret.  Nous  avons  indiqué  les  plus  importantes  ;  les  autres 
sont  des  romances,  des  mélodies,  une  Berceuse  orientale,  une  Chanson 
galicienne,  une  Aubade  pour  ténor  et  contralto;  une  Berceuse  finlandaise 
pour  deux  voix  de  femmes,  etc.  Dans  presque  tous  ces  morceaux,  on 
rencontre  une  pensée  fine,  ingénieuse,  originale,  et  il  n'en  est  pas  un 
seul  qui  ne  se  recommande  par  des  détails  harmoniques  pleins  de 
charme  et  d'intérêt.  Nous  ne  quitterons  pas  M.  Bret  sans  le  féliciter 
d'avoir  choisi  pour  collaborateur  à  peu  près  exclusif  M.  Alfred  Guichon, 
dont  la  poésie,  très-diverse  de  forme  et  d'allure,  a  tout  ce  qu'il  faut 
pour  inspirer  un  musicien. 

Y. 


NÉCROLOGIE. 


DEEAIRE. 


En  amateur,  un  dilettante  distingué  qui  portait  à  un  très-haut 
degré  l'amour  de  l'art  musical,  est  mort  à  Paris  la  semaine  dernière. 

Jacques-Auguste  Delaire,  né  à  Moulins  le  10  mars  1796,  fit  de 
bonnes  études  dans  son  pays  natal.  Venu  ensuite  à  Paris,  il  y  suivit 
un  cours  de  droit,  se  fit  recevoir  avocat  et  exerça  quelque  temps  sa 
profession.  Mais  bientôt  il  quitta  cette  carrière  pour  celle  de  l'ad- 
ministration, et  accepta  un  emploi  qui  lui  était  offert  au  ministère 
des  finances. 

Tout  jeune  encore,  Delaire  avait  d'heureuses  dispositions  pour  l'art 
musical,  et  il  avait  en  ce  genre  ébauché  son  éducation.  A  Paris,  il 
se  fit  élève  de  Reicha,  et  partagea  bientôt  sa  vie  entre  ses  devoirs 
administratifs  et  la  culture  intelligente  de  l'art  qu'il  affectionnait.  Le 
31  mars  1825,  il  faisait  exécuter  dans  la  cathédrale  de  Moulins  un 
Stabat  mater  à  quatre  voix  et  orchestre,  de  sa  composition,  qui  fut 
aussi  exécuté  plus  tard  à  Paris  dans  les  églises  Saint-Roch  et  Saint- 
Eustache.  Lorsque  éclata  la  révolution  hellénique,  il  écrivit  une 
grande  scène  lyrique  intitulée  la  Grèce,  qu'il  fit  entendre  au  nouveau 
Concert  des  amateurs.  Puis  il  composa  une  symphonie  à  grand  or- 
chestre qu'il  fit  interpréter,  en  1828,  par  la  même  Société.  Delaire 
est  encore  l'auteur  d'une  messe  solennelle  (en  ré  majeur),  d'un  cer- 
tain nombre  de  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  basse,  d'un 
grand  quintette  pour  piano,  violon,  alto,  violoncelle  et  contre-basse, 
et  enfin  de  plusieurs  romances. 

Mais  là  ne  se  bornent  pas  les  travaux  de  Delaire.  Dès  1830,  il 
prit  sa  place  dans  la  littérature  spéciale  en  fournissant  à  la  Revue 
musicale,  dirigée  par  M.  Fétis,  plusieurs  articles  importants. 

Peu  après,  il  se  fit  recevoir  à  la  Société  libre  des  beaux-arts,  fon- 
dée sous  l'impulsion  de  Miel,  et  dont  faisaient  partie  M.  Hittorf, 
l'architecte;  M.    Galimard,  le  peintre,  notre  regretté  collaborateur 


DE  PARIS. 


301 


Adrien  de  la  Fage,  M.  Bienaimé,  professeur  au  Conservatoire,  et  un 
grand  nombre  d'artistes  distingués.  Delaire  lut  dans  différentes  séan- 
ces de  cette  Société  un  grand  nombre  de  rapports  et  de  travaux  lit- 
téraires relatifs  aux  beaux-arts.  Ces  travaux  ont  tous  été  publiés 
dans  les  Annales  de  la  Société  libre  des  beaux-arts,  et  voici  les 
titres  de  ceux  qui  concernent  spécialement  la  musique  : 

1°  De  la  défense  d'admettre  des  femmes  dans  les  chœurs  de  mu- 
sique d'église,  1835,  in-8n;  2°  Des  amateurs  de  musique  et  des 
concerts  d'amateurs,  1836,  in-8°;  3°  Rapport  sur  une  méthode  élé- 
mentaire de  musique,  offerte  à  la  Société  libre  des  beaux-arts  par 
M.  Adrien  de  la  Fage,  1838-39,  in-8°  ;  4°  Histoire  de  la  Romance, 
considérée  comme  œuvre  littéraire  et  musicale,  1840-41,  in-8°;  5° 
Rapport  sur  les  deux  premiers  volumes  de  l'Histoire  de  la  musique 
et  de  la  danse,  de  31.  Adrien  de  la  Fage,  1844-45,  in-8°. 

Peu  après  la  mort  de  Reicha,  Delaire  avait  encure  mis  au  jour  un 
écrit  intitulé  :  Notice  sur  Reicha,  musicien-compositeur  et  théoriste  (!) 
1837,  in-8°.  En  sa  qualité  d'ancien  élève  de  Reicha,  Delaire  dresse, 
dans  cette  brochure,  un  piédestal  à  ce  théoricien  surfait,  dont  les 
travaux  sont  maintenant  à  peu  près  oubliés,  et  il  hasarde  cette  ap- 
préciation hardie  :  «  Aujourd'hui  l'on  considère  généralement  les 
quintettes  de  Reicha  comme  des  chefs-d'œuvre  dignes  de  rivaliser 
avec  ceux  de  Haydn,  de  Mozart  et  de  Beethoven.  »  Ceci  est  une 
hérésie  causée  évidemment  par  un  profond  attachement.  Je  dois  dire 
que  la  plupart  des  autres  écrits  de  l'auteur  sont  aussi  estimables  par 
les  qualités  de  la  forme  que  par  celles  d'un  jugement  sain. 

Delaire  avait  été  chef  au  contentieux  au  ministère  des  finances,  et 
ses  services  administratifs  lui  avaient  valu  le  ruban  de  chevalier  de 
la  Légion  d'honneur.  Il  appartenait  à  la  Société  des  Enfants  d'Apol- 
lon, et  fut,  pendant  sept  années  consécutives,  président  de  celle 
des  beaux-arts,  dont  il  fit  partie  pendant  trente  et  un  an. 

Arthur  POUGIN. 


La  partition  de  l'Africaine  a  été  collationnée  avec  le  plus  grand 
soin  par  M.  Fétis:  elle  est  complète;  il  n'y  manque  pas  une  note. 
Les  rôles  qui  sont  à  la  copie,  seront  distribués  aux  artistes  dans  le 
courant  de  la  semaine  prochaine. 


NOUVELLES. 


***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Trouvère.  Mlle 
Sannier  y  a  chanté  le  rôle  d'Asuzena,  et  a  produit  à  peu  près  le  même 
effet  qu'à  son  premier  début.  Mercredi,  Robert  le  Diable  a  été  repré- 
senté devaut  une  salle  comble,  et  vendredi  Néméa,  pour  les  dernières 
représentations  de  Mlle  Mouravieff. 

t*t  La  première  représentation  de  Roland  à  Roncevaux  est  irrévo- 
cablement fixée  à  lundi  26  courant. 

„%  Mlle  Marie  Battu  fera  incessamment  sa  rentrée  dans  la  reprise 
de  Mdise,  avec  Faure,  Obin  et  Warot. 

***  La  lettre  suivante  est  adressée  par  M.  le  directeur  de  l'Opéra  au 
rédacteur  d'un  journal  littéraire  sur  une  prétendue  lecture  de  l'Afri- 
caine : 

«  Paris,  14  septembre  1864. 
»  Monsieur  le  rédacteur  en  chef, 

»  Permettez  moi  de  rectifier  les  quelques  lignes  placées  en  tête  de 
votre  numéro  d'aujourd'hui. 

»  Aucune  lecture  de  l'Africaine  n'a  eu  lieu  à  l'Opéra.  Pas  un  seul  des 
artistes,  pas  un  seul  des  chefs  de  service  ou  des  employés  attachés  à 
l'administration  de  l'Opéra  ne  connaît,  encore  une  note  de  l'œuvre  de 
Meyerbeer.  Si  quelqu'un  a,  devant  vous,  émis  son  opinion  sur  la  parti- 
tion de  l'Africaine,  cette  personne  a  sciemment  surpris  votre  bonne  foi 
en  parlant  d'une  chose  qu'elle  ne  pouvait  connaître. 

»  Je  suis  persuadé,  Monsieur,  que  vous  regretterez  d'avoir  prêté  la 
publicité  de  votre  journal  à  une  allégation  dont  je  n'ai  point  à  sigûaler 
la  malveillance. 


»  Je  vous  prie  d'agréer,  Monsieur  le  rédacteur  en  chef,  l'assurance 
de  ma  considération  très-distinguée. 

»  Le  directeur  de  l'Opéra, 
»  Emile  Perrin.  » 

***  Une  seconde  rectification  nous  paraît  également  indispensable  : 
quelques  journaux  ont  parlé  de  la  prétendue  installation  de  M.  Fétis  à 
l'Opéra,  où  il  occuperait  un  appartement,  et  recevrait  l'hospitalité  la 
plus  large.  C'est  une  erreur  complète.  M  Fétis  habite  l'hôtel  de  Bade, 
où  depuis  longtemps  il  a  l'habitude  de  descendre  quand  il  vient  à 
Paris.  Tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai,  c'est  qu'un  bureau  lui  a  été  réservé  à 
l'Opéra  pour  son  usage,  à  l'effet  de  lui  rendre  plus  faciles  et  plus  com- 
modes ses  fréquentes  relations  avec  la  direction  et  les  chefs  de  service. 

»%  Au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  la  reprise  de  Lara  a  eu  lieu 
mercredi,  et  le  lendemain  celle  de  l'Eclair.  Rien  n'avait  été  changé  dans 
la  distribution  des  rôles,  si  ce  n'est  que  dans  Lara,  le  rôle  de  la  com- 
tesse était  chanté  par  Mlle  Monrose.  Montaubry,  Mme  Galli-  Marié, 
Gourdin,  Mlles  Cico  et  Bélia,  Achard  et  Capoul  ont  retrouvé  leur  suc- 
cès habituel  dans  les  deux  ouvrages  qu'on  a  revus  avec  grand  plaisir. 

»%  Voici  la  liste  des  nouveaux  ouvrages  que  la  direction  de  l'Opéra- 
Comique  se  propose  de  monter  cet  hiver  :  Le  Trésor  de  Pierrot,  deux 
actes,  paroles  de  M.  Cormon,  musique  de  M.  E.  Gautier,  avec  M.  Mon- 
taubry et  Mlle  Monrose,  qui  sera  précédé  d'un  acte,  de  MM .  Alphonse 
Daudet  et  Poise,  intitulé  tes  Absents.  —  Le  capitaine  Hcnriot,  trois  actes, 
paroles  de  M.  Sardou,  musique  de  M.  Gevaert,  avec  MM.  Achard, 
Couderc,  Ponchard,  Mmes  Galli-Marié,  Bélia,  etc.  —  Tout  est  bien  qui 
finit  bien,  trois  actes,  de  MM.  de  Leuven  et  Carré,  musique  de  Félicien 
David,  avec  MM.  Montaubry  et  Gourdin,  Mlles  Cico,  Girard  et  Révilly. 
—  Trois  actes,  paroles  de  M.  Cormon,  musique  de  M.  Jules  Cohen.  — 
Trois  actes  de  M.  Ambroise  Thomas.  —  Trois  actes  bouffes  de  M.  Labi- 
che, musique  de  M.  F.  Bazin.  —  Pukinella,  trois  actes  bouffes,  de 
M.  Sauvage,  musique  de  M.  Semet. 

*%  L'Etoile  du  Nord,  le  Pardon  de  Plo'érmel  et  le  Pré  aux  Clercs,  re- 
montés avec  beaucoup  de  soin,  vont  reparaître  prochainement  à  l'O- 
péra-Comique. 

n%  Don  Giovanni  et  Lucia,  avec  Fraschini,  doivent  succéder  à  la 
Sonnambula,  qui  inaugurera  les  représentations  du  théâtre  Italien.  Le 
début  de  la  troupe  dansante  n'aura  lieu  que  dans  le  courant  du  mois 
d'octobre. 

i%  M.  Bagier  vient  d'engager  le  ténor  Brignoli  dont  les  succès  ont 
été  très-grands  en  Amérique. 

»%  On  assure  que  Mario  a  signé  aussi  un  engagement  pour  cette 
saison  avec  la  direction  du  théâtre  Italien. 

„*.„  Le  théâtre  Lyrique  a  donné  jeudi  Faust  pour  la  rentrée  de  Mi- 
chot,  qui  a  obtenu  d'unanimes  applaudissements.  Mme  Carvalho  s'est 
montrée  inimitable  dans  le  rôle  de  Marguerite;  rarement  sa  voix,  sa 
méthode,  son  jeu  avaient  paru  plus  admirables. 

„*,  Le  succès  que  Don  Pasquale  a  obtenu  à  la  première  représenta- 
tion s'est  consolidé  dans  les  soirées  suivantes. 

±*t  La  première  représentation  de  Martha  doit  avoir  lieu  au  com- 
mencement du  mois  de  novembre.  Le  principal  rôle  sera  chanté  par 
Mme  Carvalho;  Monjauze  remplira  le  rôle  de  Lionel,  Mme  Faure-Le- 
febvre  celui  de  Nancy. 

x**  Va  opéra  en  un  acte  et  à  deux  perscnnages,  paroles  de  M.  Na- 
jac,  musique  de  M.  Albert  Grisar,  sera  prochainement  joué  au  théâtre 
Lyrique  par  M.  Froment  et  Mme  Faure-Lefèbvre. 

.j.%  Mlle  Christine  Nelson  fera  son  début  dans  le  rôle  de  la  Traviata 
qui  est  à  l'étude  sous  le  titre  de  Yioletta  ;  MM.  Michot  et  Lutz  rempli- 
ront les  autres  rôles.  —  L'Aventurier,  l'opéra  de  M.  de  Saint-Georges 
musique  du  prince  Poniatowski,  doit  être  également  représenté  cet 
hiver. 

***  Mme  Rey-Balla,  cantatrice  de  talent  qui  a  fait  ses  preuves  en 
province,  vient  d'être  engagée  par  M.  Carvalho. 

.„%  Le  théâtre  du  boulevard  Saint-Germain  doit  être  inauguré  le 
1er  octobre  par  un  opéra-comique  en  deux  actes,  le  Mousquetaire  de 
Trianon,  musique  de  M.  Barbier,  et  une  opérette,  le  Lion  de  Saint- 
Marc.  On  y  a  mis  à  l'étude  'es  Chevaliers  du  poignard,  deux  actes,  pa- 
roles de  MM.  Deslandes  et  Desolme,  musique  de  M.  Samuel  David,  et 
les  Contrebandiers,  opéra-comique  eu  un  acte,  de  M.  Eugène  Prévost. 

***  Mme  Marie  Cabel  se  trouve  à  Paris.  Avant  de  quitter  Plom- 
bières l'excellente  artiste  avait  chanté  dans  le  salon  des  thermes  Na- 
poléon, au  bénéfice  des  pauvres.  On  assure  et  on  apprendra  avec 
plaisir  que  des  offres  d'engagement  lui  sont  faites  par  une  de  nos  pre- 
mières scènes  lyriques. 

,*»  Les  ouvrages  suivants  ont  été  envoyés  de  Rome  par  les  pen- 
sionnaires  musiciens    de   l'Académie  de   France,   dont   le  directeur, 


302 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


M.Sehnetz,  se  trouve  en  ce  moment  à  Paris  :  La  Prova  d'un  opéra  séria, 
opéra-comique  composé  par  M.  Dubois,  élève  d'Ambroise  Thomas;  un 
Stabat  avec  accompagnement  d'orgue  ou  de  piano,  et  un  recueil  de 
mélodies  originales  composées  par  M.  Bourganet,  également  élève  d'Am- 
broise Thomas. 

*■„  Nous  possédons  en  ce  moment  parmi  nous  Ernst,  le  célèbre  vio- 
loniste. L'artiste  aimé  venant  d'Angleterre  pour  se  rendre  à  Nice,  s'est 
arrêté  quelques  jours  à  Paris  pour  consulter  nos  sommités  médicales, 
car  bien  que  son  état  se  soit  amélioré,  la  santé  de  i'éminent  artiste  ne 
laisse  pas  moins  beaucoup  à  désirer. 

J%  Le  dernier  numéro  du  journal  F  Autographe  contient  le  fac-similé 
suivant  pris  de  l'album  d'Adelina  Patti  :  «  Ma  bonne  Adelina,  rien  ne 
m'est  plus  facile  que  de  jeter  une  pensée  sur  votre  album,  pensée  qui 
me  trotte  par  la  tête  :  vous  chérir  comme  une  adorable  créature,  ad- 
mirer votre  ravissant  talent,  être  à  jamais  votre  ami.  —  G.  Rossini. 
—  16  février  1864.  » 

*  Léopold  de  Meyer,  le  célèbre  pianiste- compositeur,  vient  d'ar- 
river à  Paris. 

*  Henri  Wieniawski  vient  de  donner  plusieurs  concerts  très-bril- 
lants* avec  Servais  et  Vieuxtemps  à  Hombourg  et  à  Ems.  Il  y  a  joué  le 
concerto  en  sol  mineur  de  Mendelssohn,  la  transcription  de  Liszt  sur 
Riqoletto,  ses  deux  compositions  Souvenir  de  Lublin,  et  valse  de  concert. 
Les  deux  autres  artistes  ont  fait  entendre  plusieurs  de  leurs  meilleures 
œuvres,  et  le  succès,  plus  chaleureux  que  d'ordinaire,  s'est  partagé 
entre  eux  de  manière  à  ne  pas  faire  de  jaloux. 

*  Par  suite  du  décret  sur  la  liberté  des  théâtres,  ceux  de  Mar- 
seille Kouen,  Lille,  Havre  et  autres  ont  supprimé  les  débuts  des  ar- 
tistes subordonnés  au  suffrage  du  public. 

%  La  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  l'arrondissement  de 
Valenciennes  vient  de  publier  le  programme  des  concours  pour  1865, 
dont  nous  extrayons  ce  qui  suit.  —  Musique  :  la  Société  met  au  con- 
cours la  composition  d'une  ouverture  pour  harmonie  militaire.  Une 
médaille  d'or  de  la  valeur  de  200  francs  sera  décernée  à  l'auteur  qui 
en  aura  été  jugé  digne.  L'ouverture  devra  être  composée  d'une  intro- 
duction, d'un  adagio  et  d'un  allegro  final.  La  partition  sera  adressée 
franco  au  secrétaire  général  de  la  Société  d'ici  au  1"  mars  1865  (terme 
de  rigueur).  Les  nom,  prénoms  et  demeure  de  chaque  concurrent  se- 
ront contenus  dans  un  billet  cacheté  joint  aux  pièces  envoyées,  et  re- 
produisant en  suscription  l'épigraphe  que  chacune  de  ces  pièces  devra 
porter.  L'ouverture  couronnée  prendra  le  titre  de  Valenciennes.  — 
Poésie  :  Une  coupe  d'argent  ciselée,  ou  une  médaille  d'or,  de  vermeil 
ou  d'argent,  selon  le  mérite  de  l'œuvre,  à  l'auteur  de  la  meilleure  pièce 
de  vers  dont  le  sujet  est  laissé  au  choix  des  concurrents. 

%  Parmi  les  pianistes  français  dont  le  talent  est  hautement  appré- 
cié en  Angleterre,  il  faut  citer  Mlle  Peschel.  Elle  vient  de  se  faire  en- 
tendre aux  bravos  les  plus  chaleureux  dans  un  concert  à  Soarborough, 
où  elle  a  joué  d'une  façon  admirable  plusieurs  compositions  modernes. 

*  Un  nouveau  fascicule  de  l'ouvrage  :  La  musique  aux  Pays-Bas 
avant  le  xixe  siècle,  vient  de  paraître.  Il  est  entièrement  consacré  à  un 
compositeur  belge  inconnu  des  biographes,  Charles-Joseph  Van  Hel- 
mont ,  maître  de  chapelle  à  Sainte-Gudule,  à  Bruxelles.  Entre  autres 
productions  de  ce  musicien,  il  faut  mentionner  une  rarissime  partition 
pour  chant  et  clavecin,  écrite,  selon  toute  vraisemblance,  à  l'occasion 
de  la  rentrée  du  duc  Charles  de  Lorraine  en  cette  ville.  Elle 'a  pour 
titre  :  Le  Retour  désiré,  divertissement  pour  la  paix,  et  elle  porte  la  date 
de  17Û9.  Cette  étude  se  termine  par  une  liste  inédite  de  compositions 
du  xvnie  siècle,  où  Charles-Joseph  Van  Helmont,  est  cité  pour  un  Lauda 
Sion,  à  quatre  voix,  avec  accompagnement  d'orgue  et  d'instruments 
à  cordes. 

.%  Arban  est  revenu  de  ses  excursions  en  Allemagne  et  en  Angle- 
terre, où  le  célèbre  artiste  a  obtenu  le  succès  le  plus  complet. 

*%  Le  jury  de  l'exposition  internationale  de  Bayonne,  après  avoir 
constaté  la  supériorité  marquée  des  pianos  à  queue  et  des  pianos  droits 
de  la  maison  Henri  Herz,  a  décidé  que  ces  instruments  seraient  mis 
hors  concours,  et  a  décerné  le  grand  diplôme  d'honneur  à  M.  Henri 
Herz.  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  cette  désision  qui  confirme  la 
haute  réputation  que  cette  maison  s'est  acquise. 

i*,  Berthelier  est  de  retour  à  Paris;  il  a  dû  chanter  dix  fois  à 
Bruxelles,  Lischen  el  Fritzchen,  le  Pifferaro ,  le  Brésilien  et  les  Deux 
Aveugles . 

J**  La  tombola  des  artistes  dramatiques  marche  à  merveille.  Les 
lots  affluent  de  tous  côtés,  ainsi  que  les  demandes  de  billets.  Nous  rap- 
pelons à  nos  lecteurs  que  l'on  trouve  des  billets  chez  tous  les  artistes 
des  théâtres  de  Paris,  et  chez  M.  Thuillier,  trésorier  de  l'œuvre,  rue 
de  Bondy,  68. 

»%  L'éditeur  Adolphe  Catelin  complète  chaque  jour  par  de  nouvelles 
livraisons  sa  belle  collection  des  Chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres  pour 


le  piano.  Les  dernières  qui  ont  paru  sont  de  J.  L.  Baltmann  sur  Or- 
phée, de  Gluck;  l'Italienne  à  Alger,  de  Rossini  ;  Dilettante  d'Avignon, 
d'Halévy;  il  Furioso,  de  Donizetti.  Le  succès  de  cette  importante  pu- 
blication en  dit  plus  que  tous  les  éloges. 

***  M.  L.  Palianti  vient  de  publier  la  mise  en  scène  de  l'opéra 
d'Aimé  Maillart,  Lara.  Cet  important  travail ,  deux  cent  soixante  et 
unième  œuvre  de  la  précieuse  collection  de  mises  en  scènes  rédigées 
et  publiées  par  M.  L.  Palianti,  se  trouve  chez  l'auteur,  chez  MM.  les 
correspondants  des  théâtres,  et  chez  MM.  les  éditeurs  de  musique. 

**„.  Dimanche  prochain  aura  lieu  au  Pré-Catelan,  et  au  bénéfice  de 
l'Association  des  artistes  musiciens,  une  grande  fêle  de  la  cavalerie.  Grâce 
à  la  bienveillance  de  LL.  Exe.  les  maréchaux  Randon  et  Magnan,  le 
baron  Taylor  a  pu  réunir  pour  ce  festival  plus  de  mille  exécutants 
fournis  par  quatre  régiments  de  lanciers,  deux  de  chasseurs  à  cheval, 
deux  de  hussards,  deux  d'artillerie,  deux  de  cuirassiers  et  deux  fanfares 
de  chasseurs  à  pied.  —  Aujourd'hui,  au  Pré-Catelan,  grand  concert  du 
jour  avec  bal  d'enfants,  musique  militaire  et  orchestre  champêtre. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  de  2  à  5  heures,  première  réunion  musi- 
cale au  concert  des  Champs-Elysées.  Le  programme  du  concert  est 
composé  de  manière  à  attirer  la  foule. 

**„,  Rectification.  —  On  nous  prie  d'annoncer  que  la  Société  du  théâtre 
des  Bouffes-Parisiens  n'a  jamais  été  dissoute,  ainsi  que  nous  l'avions 
dit,  avec  quelques  autres  journaux.  Seulement  les  porteurs  de  parts 
d'intérêts  se  sont  réunis  en  assemblée  générale  extraordinaire,  à  l'effet 
de  modifier  leurs  statuts  ,  et  ces  modifications  ont  eu  pour  résultat 
l'adjonction  d'un  cogérant,  M.  Eugène  Hanappier,  à  M.  Varney,  qui  n'a 
jamais  cessé  d'être  gérant  en  titre  de  la  Société. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

,*#  Bruxelles.  —  Voici  quelques  nouvelles  théâtrales  :  Le  second 
début  de  M.  Wicart  et  de  Mme  Charry  dans  la  Juive  a  été  assez  heu- 
reux pour  ces  artistes.  Mme  Mayer-Boulart  a  fait  une  rentrée  très- 
brillante  dans  le  Songe  d'une  Nuit  d'été.  M.  Panglèsa  débuté  sans  succès 
dans  les  Dragons  de  Villars;  et  Mlle  Boschetti  s'est  produite  aux  bravos 
unanimes  dans  le  rôle  de  l'abbesse  de  Robert  le  Diable.  On  annonce  la 
prochaine  reprise  du  Prophète.  —  Une  troupe  d'opéra  allemande  vient 
d'arriver  et  commencera  ses  représentations  par  le  Freyschutz,  Fidelio 
et  Une  nuit  à  Grenade. 

„,%  Spa.—  Notre  dernier  concert  a  été  donné  vendredi  9.  L'administra- 
tion si  habilement  dirigée  par  M.  Davelouis  avait  engagé  pour  cette 
solennité  musicale  Mlle  de  la  Pommeraye,  le  violoncelliste  Seligmann, 
Lebeau,  organiste,  et  le  ténor  Leroy,  des  Italiens.  Mlle  de  la  Pommeraye 
a  chanté  avec  un  grand  charme  l'air  de  :  Si  j'étais  roi;  M.  Leroy  l'a 
parfaitement  secondée  dans  le  duo  des  Dragons  de  Villars,  et  elle  n'a 
pas  moins  réussi  dans  les  autres  morceaux,  surtout  dans  la  sérénade  de 
Gounod,  où  le  suave  violoncelle  de  Seligmann  se  marie  si  bien  avec  la 
voix  de  la  cantatrice.  Constatons  qu'une  longue  salve  d'applaudisse- 
ments avait  accueilli  Seligmann  à  son  arrivée,  et  que  le  rondo  de  sa 
composition  a  eu  un  éclatant  succès.  M.  Lebeau  a  joué  une  prière  et 
l'Appel  aux  pâtres,  avec  infiniment  de  goût  et  d'expression.  M.  Leroy  a 
chanté  avec  beaucoup  d'art  l'air  de  Jérusalem.  Un  singulier  événement 
s'était  passé  la  veille  du  concert;  le  cri  sinistre  au  feu  avait  été  en- 
tendu dans  la  salle  de  la  Redoute.  Vous  concevez  l'effroi,  la  confusion, 
la  panique  générale.  Mais  on  fut  bientôt  rassuré.  C'était  un  acteur  qui 
attendait  de  sa  loge  le  coiffeur  qui  n'arrivait  pas,  et  qui  se  mita  crier  en 
patois  vallon  :  «  Coiffeu,  coiffeu?...»  La  terreur  passée,  on  a  beaucoup 
ri  de  l'aventure. 

.,,%  Ostende.  —  On  a  fait  beaucoup  de  musique  ici  daus  ces  derniers 
jours,  mais  en  petit  comité.  Avant  de  nous  quitter,  Rubinstein  a  donné 
une  matinée  musicale  par  invitation.  L'élite  de  l'aristocratie  russe,  po- 
lonaise, allemande,  y  assistait.  Le  célèbre  virtuose  y  a  joué  plus  de 
vingt  morceaux  des  grands  maîtres.  Léop.  de  Meyer  a  également  convié 
la  haute  société  à  une  matinée  qui  n'avait  que  le  tort  d'être  un  peu 
trop  matinale.  Mme  Marchesi  a  voulu  ensuite  faire  entendre  une  de 
ses  élèves,  Mlle  la  comtesse  Pergen  Battyany,  de  Vienne.  Bien  des  ar- 
tistes envieraient  la  voix  et  la  méthode  de  cette  amateur  célèbre  en 
Allemagne,  qui,  en  chantant  huit  morceaux  de  différents  styles,  a  lit- 
téralement électrisé  l'auditoire,  et  c'est  grand  dommage  qu'elle  ne 
veuille  pas  chanter  en  public.  Dans  cette  séance,  Mlle  de  Buch,  fille 
de  la  princesse  Hatyi'eld,  élève  de  Liszt,  a  parfaitement  joué  plusieurs 
morceaux  de  Chopin,  et  Léop.  de  Meyer  a  exécuté  aussi  une  de  ses  œu- 
vres. Mme  Marchesi,  cédant  aux  instances  générales,  a  chanté  l'air  de 
Rinaldo,  de  Haendel,  et  un  lied  de  Schubert,  avec  la  voix  sympathique 
et  sonore  de  mezzo-soprano,  qui  chez  elle  s'unit  à  une  méthode  irré- 
prochable et  à  une  déclamation  parfaite.  Nous  espérons  que  l'éminente 
professora  donnera  une  matinée  musicale  avant  son  départ. 


m  PARIS. 


303 


»*„  Leipzig.  —  Les  représentations  d'ouvrages  lyriques  au  théâtre  de 
la  ville,  dont  la  salle  a  été  reconstruite  avec  beaucoup  de  luxe  et  de 
goût,  ont  été  inaugurées  par  la  Juive  et  Maria. 

4%  Berlin.  —  Le  5  septembre,  jour  anniversaire  de  la  naissance  de 
Meyerbeer,  le  cimetière  où  reposent  les  restes  mortels  du  grand  com- 
positeur a  été  visité  par  un  nombre  considérable  de  ses  admirateurs, 
qui  y  venaient  pour  déposer  des  (leurs  et  des  couronnes  sur  sa  tombe, 
Le  célèbre  jardinier  Lenné  est  chargé  de  la  plantation  du  terrain  assez 
étendu  qu'occupe  le  caveau  de  la  famille  Meyerbeer.  —  L'opéra  de 
Marschner,  Ilans  Heiling,  a  été  repris  avec  succès  au  théâtre  de  l'opéra 
royal.  MM.  Betz  et  Kruger,  Mlles  Santer  et  de  Ahna  ont  rempli  avec 
beaucoup  de  talent  les  principaux  rôles  de  cette  œuvre  remarquable. 
—  Une  nouvelle  opérette  de  Conradi,  la  Maionna  Sixtine,  a  réussi  au 
théâtre  Victoria. 

**..,,  Magdcbourg.  —  Un  terrible  malheur  est  arrivé  le  1er  de  ce  mois, 
pendant  la  représentation  au  théâtre  de  cette  ville  d'une  pièce  intitulée  : 
Robert  et  Bertram.  L'action  du  premier  acte  de  cette  pièce  se  passe  dans 
un  donjon  élevé  à  la  hauteur  d'un  troisième  étage  au-dessus  du  niveau 
de  la  scène.  Par  suite  d'un  accident  de  décor  dont  on  n'a  pas  encore 
pu  constater  la  cause,  quelques  poutres  se  détachèrent,  et  en  moins 
d'un  moment  l'échafaudage  tout  entier  s'écroula  sur  l'orchestre,  en 
entraînant  dans  sa  chute  deux  acteurs.  A  part  ces  infortunés,  tués  sur 
place,  plusieurs  personnes  furent  grièvement  blessées.  Une  dame  eut  le 
bras  littéralement  arraché  du  corps  et  un  monsieur  eut  l'épaule  com- 
plètement fracassée.  L'un  des  musiciens  ne  dut  son  salut  qu'à  un  ha- 
sard. Au  moment  où  l'échafaud  commençait  à  chanceler,  il  s'était  blotti 
scus  son  pupitre  sur  lequel  il  avait  posé  son  ophicléide.  L'instrument 
fut  broyé  sans  que  le  musicien  éprouvât  le  moindre  mal.  Le  directeur 
du  théâtre  a  dû  indemniser  les  blessés  et  les  familles  des  victimes 
d'une  somme  de  10,000  thalers.  Les  deux  artistes  ont  été  enterrés  au 
milieu  d'une  affluence  considérable.  Une  souscription  a  été  organisée  en 
faveur  des  victimes.  Cet  événement  a  produit  dans  la  ville  la  plus  dou- 
loureuse impression. 

t*t  Pesth .  —  Au  théâtre  hongrois  national  a  eu  lieu  le  3  septembre 
une  réprésentation  des  Huguenots,  à  la  mémoire  de  Meyerbeer,  à  la- 
quelle le  personnel  entier  de  l'opéra  a  tenu  à  concourir.  Les  rôles  se- 
condaires ont  été  chantés  par  les  premiers  sujets. 

** ^Wergame.  —  Maria  de  Grifji,  un  nouvel  opéra  assez  médiocre,  com- 
posé par  Petrali,  a  été  froidement  accueilli. 


***  Spoleta.  —  Giusemberga  di  Spolelo  est  le  titre  d'un  nouvel  opéra, 
composé  par  Filippo  Sangiorgi,  qui  vient  d'être  représenté  avec  un 
succès  complet.  —  Amalia  Ferraris  a  fait  ses  adieux  au  public  dans  un 
nouveau  ballet,  Vespina,  et  y  a  excité  l'enthousiasme. 


INSTRUCTION  ÉLÉMENTAIRE 

DU 

CALCUL     MUSICAL 

ET  PHILOSOPHIE  DE  LA  MUSIQUE 

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la  Cour.  —  A  Paris,  chez  Schott,  30,  rue  Neuve-Saint-Augustin.  —  A 

Londres,  chez  Schott  et  Ce,  159,  Hegent  street.  —  A  Mayence,  chez  les 

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MEDAILLE  D  ARGENT  DE  lre  CLASSE 
A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE  PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
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La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  lss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


304 


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G.     Rossini  Paul    Bernard 

DU  MÊME  AUTEUR,  PUBLIÉ  PRÉCÉDEMMENT  : 

Transcription  tf^TOf  A  ¥8  W^ÏT'  Chœur  religieux  l      Transcription  "■"     A        "Kl  A  M  Chœur  religieux 

pour  le  piano,  la      ^^MILlS..HL»-B.  M.  O^i  de  Rossini.        I  pour  le  piano  de         *-*  -™-      *■    "  ■■■  de  Rossini. 

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DE 

HiENDEL 


Publiée  aux  frais  du  gouvernement  anglais  par  le  Dv  Arnold. 


EN  41   VOLUMES  RELIÉS. 


Volumes. 

1.  Athalie,  oratorio 

en  trois  parties 

2.  Théodora, 

id. 

3.  Messie, 

id. 

4.  Hercule, 

id. 

5.  Judas  Machabée 

id. 

6.  Samson, 

id. 

7.  Josué, 

id. 

8.  Balthasar, 

id. 

9.  Salomon, 

id. 

40.  Israël,  oratorio 

en 

deux  parties. 

4 1 .  Sosarme,  opéra 

en 

trois  actes. 

12.  Thésée,  opéra  en  cinq  actes. 

13 .  Giulio  Cesare,  opéra  en  trois  actes. 

14.  Semele,  drame  en  trois  actes. 

15.  Alexander  Fest,  ode  à  sainte  Cécile. 
1  6 .  Concertos,  pour  instruments  à  cordes  (4  2). 

Concertante  à  neuf  parties. 
M.  Te  Deum  pour  le  duc  de  Chandos. 

Te  Deum  pour  la  naissance  de  la  reine 

Caroline. 
Te  Deum  pour  la  victoire  de  Dettingen. 


-         PRIX  :   800  FRANCS  NET. 

Volumes. 

18 .  Jubilate  pour  la  paix  d'Utrecht. 
Grand  Te  Deum        id. 
Grand  Te  Deum  pour  le  duc  de  Chandos. 

19.  Six  antiennes,  id. 

20.  Six  autres  antiennes,      id. 

24 .  Alcide,  opéra  en  un  acte. 
L'Alchimiste,  musique  instrumentale. 
Musique  pour  une  fête  nautique. 
Musique  pour  un  feu  d'artifice. 
The  Choice  of  Hercules,  opéra  en  un  acte. 

22 .  Acis  et  Galatée,  sérénade. 

23.  Occasional  oratorio. 
2û.  Joseph,  oratorio  en  trois  parties. 

25.  Saûl,  id. 

26.  Jephta,  id. 

27.  Concertos  d'orgue,  1re  et  2e  suite  (12). 

28.  Six  fugues  pour  orgue. 
Trois  livres  de  leçons. 

29 .  Susanna,  oratorio  en  trois  parties. 

30.  Esther,  id. 

31 .  Debora,  id. 


SUR   GRAND  PAPIER    IMPERIAL. 

Volumes. 

32 .  Agrippine,  opéra  en  trois  actes. 

33.  L'Allégro  et  il  Pensieroso,  opéra. 

34.  Ode  ou  sérénade  à  la  reine  Anne. 
Ode  à  sainte  Cécile. 

35.  Alexandre  Balus,  oratorio  en  trois  parties. 

36.  The  Triumph  of  Times,  id. 

37.  Trois  antiennes  pour  les  noces  du  prince 

de  Galles,  et  les  funérailles  de  la  reine 
Caroline. 

38.  Quatre  antiennes  pour  le  couronnement 

de  George  II. 

39.  1m  Resurrezzione,  oratorio. 

Masques,  vingt-neuf  morceaux  en  partition. 

40.  Six  concertos  de  hautbois. 
Un  concerto  d'orgue. 

Un  concerto  de  hautbois. 
Un  concerto  d'orgue. 

41 .  Quatre  cantates,  deux  trios. 
Treize  duos  de  chambre. 
Douze  cantates. 


COLLECTION    DlES   ŒUVRES   PUBLIEES    PAR    LA 

Volumes. 
4 .  Byrd's  Messe  à  cinq  voix,  revue  par  le  Dr  Rimbault. ...      4 
Partie  d'orgue 2 

2.  Wllbye'»  lre  suite  de  madrigaux,  revu  par  M.  Turle     .   .      3 

Partie  de  piano a 

3.  Pnrcell's  Didon  et  Enée,  revu  par  M.  Macfarren 5 

Partie  de  piano 6 

4.  Gibbon»  1IC  suite  de  madrigaux,  par  sir  G.  Smart.  ...      7 

Partie  de  piano 8 

5.  Morley  4rc  suite  de  ballets,  par  M.  Rimbault 9 

Partie  de  piano 10 

6.  Byr«l  Chants  sacrés,  par  M.  Hersley 41 

Partie  d'orgue 12 

7.  Purccil's  lionduca,  par  M.  Rimbault 43 

Partie  de  Tiano 1a 

8.  Weike's  1"  suite  de  Madrigaux,  par  M.  Hopkin 45 

Partie  de  piano 16 


SOCIÉTÉ   DE   MUSIQUE  ANCIENNE   A    LONDRES 

Volumes. 

9.  Gibbon's  Fantaisies,  par  M.  Rimbault 17 

Partie  de  piano 18 

10.  Purcell's  Le  Roi  Arthur,  parle  professeur  Taylor.    ...  19 

Partie  de  piano 20 

14.  Donland  Airs,  par  M.  Chappell 21 

Partie  de  piano 22 

12.  Es.te"s  Whole  Boek  of  Psalmes,  par  M.  Rimbault..  ....  23 

Partie  de  piano 24 

13.  Hllton's  Ayrex  or  falux,  par  M.  Warren 25 

Partie  de  piano • 26 

14.  Bennet's  Madrigaux,  par  M.  Hopkin 27 

15.  Collection  of  anthems,  par  M.  Rimbault 28 

Partie  de  piano 29 

16.  Bateson's  lre  suite  de  Madrigaux,  par  M.  Rimbault.  ...  30 

Partie  de  piano 31 

31  volumes.  —  Prix  :  ISO  francs. 


PARIS.  —  ItlPHlMEBIE  CENTBAIE   DE  NAPOIEON   CIIA1X    ET   t 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD]  DES   ITALIENS,  1. 


31e  Année, 


N°39. 


25  Septembre  1864. 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

c^ez  tous  les  Marchands  de  Musique,  1rs  Libraire 

et  aux  Bureaux  des  Messngcries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 24  r.  pue  ai 

Départements,  Belgique  cl  Suisse....    3(1»       id. 

Étranger 34  ..       Id. 

te  Journal  paraît  le  Dimanche. 


AZETTE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE .  —  Biographie  universelle  des  musicieus  :  François-  Joseph  Fétis 
(28  article).  —  Les  chœurs  de  la  chapelle  impériale  de  Saint-Pétersbourg 
(2e  et  dernier  article),  par  Maurice  Cristal.  —  Devienne  (3e  article),  par 
Arthur  Pougin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


BIOGRAPHIE  UNIVERSELLE  DES  MUSICIENS. 

(seconde  édition.) 

FÉTIS  (François- Joseph). 

(2e  article)  (1). 

Fétis  s'était  marié  en  1806  ;  il  était  alors  âgé  de  vingt  deux  ans. 
Sa  femme,  petite-fille  du  savant  chevalier  de  Kéralio,  sous-gouver- 
neur de  l'École  militaire,  pour  qui  Napoléon  avait  conservé  des  sou- 
venirs de  reconnaissance,  et  nièce  d'un  ancien  maréchal  de  camp, 
gouverneur  du  prince  de  Parme,  était  unique  héritière  d'une  for- 
tune considérable.  Cette  alliance  avait  changé  la  position  de  Fétis, 
et  d'artiste  il  était  devenu  amateur,  sans  que  l'activité  de  ses  tra- 
vaux se  fût  ralentie.  La  banqueroute  inattendue  d'un  des  premiers 
négociants  de  Paris,  et  de  fausses  spéculations  des  parents  de  sa 
femme,  anéantirent  tout  à  coup  la  fortune  qui  semblait  devoir  lui 
appartenir  ;  lui-même,  par  une  imprudente  condescendance,  fut  en- 
traîné à  souscrire  des  engagements,  qui,  sans  préserver  de  leur 
ruine  ceux  pour  qui  ils  étaient  pris,  ont  troublé  sa  vie  pendant  plus 
de  vingt-cinq  ans.  Obligé  de  s'éloigner  de  Paris  en  1811,  pour  se 
préparer  une  nouvelle  existence,  il  se  retira  à  la  campagne  dans  le 
département  des  Ardennes,  et  y  vécut  pendant  près  de  trois  ans 
éloigné  de  toute  ressource  musicale.  Il  y  écrivit  cependant  une  messe 
à  cinq  voix,  avec  chœurs,  orgue,  violoncelle  et  contre-basse,  qu'il 
considère  comme  un  de  ses  meilleurs  ouvrages,  et  qui  a  été  exécu- 
tée à  l'église  Notre-Dame  du  Sablon,  à  Bruxelles,  le  6  octobre  1856, 
pour  son  jubilé  de  cinquante  ans  de  mariage.  Mais  son  occupation 
principale  dans  sa  retraite  fut  l'étude  de  la  philosophie,  qui  lui  pa- 
raissait indispensable  pour  l'exposition  des  principes  de  la  théorie  de 
la  musique,  et  pour  l'analyse  des  faits  de   l'histoire  de  cet  art.  Ce 

(1)  Voir  le  n"  38. 


temps  d'étude  solitaire  a  toujours  été  considéré  par  lui  comme  le 
plus  heureux  de  sa  vie. 

C'est  à  cette  époque  que  commencèrent  à  fructifier  dans  son  es- 
prit quelques  mots  échappés  à  l'illustre  Lagrange,  dans  une  conver- 
sation qu'ils  avaient  eue  sur  la  musique  :  «  Il  y  a  quelque  chose 
dans  votre  art  que  je  ne  comprends  pas,  disait  le  célèbre  géomètre  ; 
nous  croyons  tout  expliquer  avec  nos  proportions  numériques  et  le 
tempérament  ;  cependant,  les  dénégations  de  certains  musiciens  pour- 
raient bien  n'être  pas  si  mal  fondées  qu'on  le  croit,  et  peut-être 
Rameau  s'est  il  fourvoyé.  Il  y  a  vraisemblablement  quelque  chose 
d'inconnu  où  se  trouve  la  vérité;  je  me  suis  beaucoup  occupé  de 
cela,  mais  l'élément  me  manque.  Il  y  aura  de  la  gloire  pour  celui 
qui  découvrira  ce  critérium,  caché  depuis  tant  de  siècles,  et  qui 
s'est  dérobé  à  tant  d'efforts.  Vous  devriez  y  songer  ;  cela  vaut  bien 
le  dévouement  d'une  vie  tout  entière.  »  Préoccupé  d'autres  objets, 
Fétis  n'avait  point  saisi  d'abord  le  grand  sens  de  ces  paroles  ;  elles 
lui  revinrent  à  la  mémoire  lorsque  ses  études  philosophiques  lui  eu- 
rent fait  comprendre  la  nécessité  de  faire  dériver  toutes  les  lois  par- 
ticulières des  diverses  parties  de  l'art  d'une  loi  générale  dont  elles 
ne  seraient  que  des  applications  à  des  cas  particuliers.  Ses  recher- 
ches sur  la  théorie  de  l'harmonie  le  mirent  sur  la  voie,  en  lui  fai- 
sant voir  que  la  tonalité  est  la  seule  base  de  cette  combinaison  des 
sons,  et  que  les  lois  de  cette  tonalité,  appliquées  à  l'harmonie,  sont 
absolument  identiques  à  celles  qui  régissent  la  mélodie,  et  consé- 
quemment,  que  dans  la  tonalité  moderne,  ces  deux  branches  princi- 
pales de  l'art  sont  inséparables.  Considération  neuve,  dont  la  réalité 
est  démontrée  par  l'histoire  de  la  musique,  et  qu'il  a  rendue  évi- 
dente depuis  lors  dans  ses  écrits. 

Au  mois  de  décembre  1813,  Fétis  accepta  les  fonctions  d'organiste 
de  la  collégiale  de  Saint-Pierre  à  Douai,  et  de  professeur  de  chant 
et  d'harmonie  d'une  école  municipale  de  musique,  fondée  en  cette 
ville.  Cette  situation  fut  l'occasion  de  nouvelles  études.  Il  avait  eu 
autrefois  de  la  réputation  comme  organiste,  à  la  suite  d'une  lutte 
qui  avait  eu  lieu  entre  Woelfl,  Nicolo  Isouard  et  lui,  sur  l'orgue  de 
l'église  Saint-Sulpice  de  Paris  ;  mais  depuis  plusieurs  années  il  avait 
cessé  de  jouer  de  cet  instrument.  Celui  sur  lequel  il  était  appelé  à  se 
faire  entendre  à  Douai  était  un  excellent  orgue  de  Dallery,  composé 
de  cinquante-six  jeux,  quatre  claviers  à  la  main  et  un  clavier  de  pé- 
dales. Cet  instrument  lui  offrait  d'immenses  ressources  qu'il  se  mit  à 


S06 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


étudier,  se  faisant  souvent  enfermer  dans  l'église  pendant  six  ou  huit 
heures,  pour  se  rendre  familières  les  œuvres  des  grands  organistes, 
anciens  et  modernes,  de  l'Italie  et  de  l'Allemagne,  et  pour  cher- 
cher, dans  l'emploi  alternatif  des  différents  styles,  une  variété  qui 
lui  semblait  manquer  dans  les  productions  des  plus  célèbres  artistes; 
car  chacun  d'eux  affectionnait  de  certaines  formes  qu'il  a  reprodui- 
tes dans  tous  ses  ouvrages.  On  verra  le  résultat  de  ces  travaux 
dans  son  ouvrage  intitulé  la  Science  de  l'organiste,  dont  une  partie 
est  gravée  depuis  longtemps,  mais  qui  n'est  pas  encore  terminée. 

Les  fonctions  de  professeur  de  chant  et  d'harmonie  que  Fétis  rem- 
plissait à  l'école  de  musique  de  Douai  appelèrent  son  attention  sur 
le  système  d'enseignement  alors  en  usage  dans  toutes  les  écoles  de 
ce  genre.  Il  vit  que  les  dégoûts  éprouvés  par  la  plupart  des  com- 
mençants dans  la  lecture  de  la  musique,  lecture  dont  les  éléments 
sont  difficiles  et  compliqués,  provenaient  de  ce  que  l'attention  se  fa- 
tiguait à  se  partager  dès  les  premiers  pas  sur  des  objets  qui  n'ont 
point  d'analogie.  Ainsi,  dans  l'étude  du  solfège,  les  élèves  les  moins 
avancés  étaient  obligés  de  reconnaître  à  la  fois  les  signes  et  leur  va- 
leur, de  battre  la  mesure  en  faisant  le  calcul  de  la  division  des 
temps,  et  de  chanter  en  cherchant  la  justesse  des  intonations.  Or, 
distinguer  des  signes,  en  connaître  la  signification  ;  diviser  des  temps 
et  développer  le  sentiment  de  la  mesure  ;  enfin,  former  l'oreille  à  la 
justesse  des  intonations,  sont  toutes  choses  indépendantes  les  unes 
des  autres;  il  est  donc  raisonnable  de  les  enseigner  séparément. 
C'est  d'après  ces  considérations  que  Fétis  établit  dans  l'école  de 
Douai  la  division  des  éludes  qui  a  servi  de  base  aux  Solfèges  pro- 
gressifs précédés  de  l'exposé  des  principes  de  musique  publiés  par 
lui  plus  tard,  et  c'est  cette  même  division  que  plusieurs  maîtres  ont 
adoptée  dans  leur  système  d'enseignement. 

C'est  aussi  pendant  son  séjour  à  Douai  que  Fétis  compléta  le  sys- 
tème rationnel  de  l'harmonie  ébauché  par  Rameau  dans  l'application 
du  renversement  à  la  génération  des  accords  et  dans  la  division  de 
ces  accords  en  fondamentaux  et  dérivés  •  étendu  par  Kirnberger  dans 
la  découverte  de  l'origine  des  accords  produits  par  le  mécanisme  de 
la  prolongation,  enfin,  perfectionné  par  Catel  dans  sa  classification 
des  accords  en  naturels  et  artificiels  ou  composés.  Malheureusement 
Catel,  préoccupé  de  sa  fausse  idée  de  tous  les  accords  directs  ou 
fondamentaux  contenus  dans  la  divis-'on  d'une  corde,  division  arbi- 
traire, comme  il  a  été  dit  à  l'article  de  cet  artiste,  avait  été  con- 
duit à  classer  parmi  les  accords  naturels  ou  simples  ceux  de  sep- 
tième de  sensible,  de  septième  diminuée,  de  neuvième  majeure  et 
de  neuvième  mineure  de  la  dominante,  quoique  son  instinct  lui  eût 
fait  voir  que  ces  accords  se  substituent  souvent  à  celui  de  la  domi- 
nante et  de  ses  dérivés.  Cette  anomalie  provenait  de  ce  que  Catel 
n'avait  point  aperçu  le  mécanisme  de  la  substitution;  Fétis  décou- 
vrit que  ce  mécanisme  n'est  autre  que  le  sixième  degré  du  mode 
majeur  ou  mineur  qui  prend  la  place  de  la  dominante  dans  les  seize 
formes  dont  ces  combinaisons  sont  susceptibles,  et  démontra  que 
l'effet  de  ce  genre  de  modification  de  l'accord  naturel  de  septième 
dominante  et  de  ses  dérivés  n'en  change  pas  la  destination ,  que 
l'emploi  est  identique,  et  qu'il  en  résulte  seulement  une  variété  d'ef- 
fet pour  l'oreille.  La  découverte  importante  de  ce  mécanisme  de  la 
substitution  fut  féconde  en  résultats,  car  elle  conduisit  Fétis  à  celle 
de  l'origine  des  accords  produits  par  la  substitution  du  sixième  de- 
gré de  la  gamme  avec  la  prolongation  de  la  tonique,  et  par  là  on 
eut  l'explication  simple  et  naturelle  de  la  formation  de  ces  accords 
de  septième  mineure  du  deuxième  degré,  de  quinte  et  sixte,  de 
tierce  et  quarte,  et  de  seconde  et  quarte,  des  modes  majeur  et  mi- 
neur, qui  avaient  donné  la  torture  à  tous  les  harmonistes,  depuis 
Rameau.  Ce  fut  encore  par  la  loi  de  l'identité  de  destination  que 
l'auteur  de  cette  découverte  en  démontra  la  réalité.  Cette  même  loi 
lui  fit  trouver  le  mécanisme  des  altérations  ascendantes  et  descen- 
dantes des  intervalles   des  accords,  et  de  leurs  combinaisons  avec 


les  autres  genres  de  modifications,  telles  que  la  prolongation  et  la 
substitution.  En  appliquant  de  la  manière  la  plus  générale  ce  prin- 
cipe nouveau  de  la  combinaison  des  divers  genres  de  modifications 
des  accords  naturels,  Fétis  fut  conduit  à  la  découverte  d'une  multi- 
tude d'accords  nouveaux  du  genre  appelé  enharmonique,  dont  plu- 
sieurs ont  été  employés  plus  de  quinze  ans  après  par  Rossini  et  par 
Meyerbeer  dans  Guillaume  Tell  et  dans  Robert  le  Diable. 

En  1816,  l'ouvrage  où  Fétis  avait  exposé  cette  théorie  nouvelle  et 
complète  de  l'harmonie  fut  achevé,  et  l'auteur  l'envoya  à  l'Institut 
de  France,  pour  qu'il  en  fût  fait  un  rapport  ;  une  correspondance 
assez  active  eut  lieu  à  ce  sujet  entre  le  ministre  de  l'intérieur,  le 
secrétaire  de  l'Académie  des  beaux-arts  et  Fétis,  et  le  résultat  de 
cette  négociation  fut  que  l'Académie,  effrayée  partant  de  nouveautés, 
et  ne  voulant  pas  se  compromettre  en  les  approuvant  ou  en  les  re- 
jetant, décida  qu'au  public  seul  appartenait  de  prononcer  avec  le 
temps  sur  leur  mérite.  Fétis  accepta  cette  décision,  et,  en  1819,  il 
fit  commencer  l'impression  de  son  livre  par  M.  Eberhardt.  Déjà  cinq 
feuilles  étaient  imprimées;  mais  à  cette  même  époque,  Catel,  dont 
l'amitié  parfaite  pour  Fétis  ne  s'est  jamais  démentie,  lui  rendait  les 
services  les  plus  importants,  et  lui  faisait  obtenir  des  poëmes  pour 
l'Opéra  et  pour  l'Opéra-Comique  ;  la  reconnaissance  imposait  à  Fétis 
l'obligation  de  ne  point  affliger  ce  digne  artiste  par  une  discussion 
de  principes  relative  à  l'un  de  ses  travaux  auxquels  il  mettait  le  plus 
de  prix;  il  arrêta  donc  l'impression  de  son  livre,  resté  inédit  jus- 
qu'en 1844,  et  dont  cinq  feuilles  seulement  ont  été  tirées.  Cepen- 
dant, sollicité  en  1823,  par  un  éditeur  de  musique,  pour  qu'il  donnât 
une  Méthode  élémentaire  d'harmonie  et  d'accompagnement,  deman- 
dée de  toutes  parts,  il  satisfit  à  cette  demande,  mais  d'une  manière 
succincte,  sous  la  forme  dogmatique,  et  sans  aucune  discussion  de 
théorie.  L'ouvrage  a  été  publié  au  mois  de  mars  1824  ;  la  simplicité 
et  l'évidence  de  ses  principes  ont  fait  son  succès;  des  milliers  d'exem- 
plaires en  ont  été  vendus,  et  c'est  à  peu  près  le  seul  ouvrage  par 
lequel  les  maîtres  enseignent  maintenant  l'harmonie  en  France  et  en 
Relgique.  Il  en  fut  fait  une  traduction  italienne,  publiée  à  Naples,  et 
une  anglaise,  par  Bishop,  à  Londres. 

Pendant  son  séjour  à  Douai,  Fétis  avait  repris  ses  travaux  relatifs 
à  la  Biographie  des  musiciens  dont  il  publie  aujourd'hui  la  seconde 
édition,  et  qui  étaient  commencés  en  1806,  ainsi  que  le  prouve  une 
note  d'un  discours  prononcé  le  8  octobre  1807  par  Van  Hulthem, 
dans  une  réunion  d'artistes,  et  imprimé  dans  la  même  année  chez 
Pierre  Didot  (1).  Dans  lu  même  temps  il  écrivit  aussi,  sur  la  de- 
mande de  l'autorité,  un  Requiem  qui  fut  exécuté  en  expiation  de  la 
mort  de  Louis  XVI,  le  20  avril  1814,  un  sextuor  pour  piano  à  quatre 
mains,  deux  violons,  alto  et  basse  (œuvre  5e,  Paris,  Michel  Ozy), 
dont  la  deuxième  édition  a  été  publiée  chez  Brandus,  à  Paris,  en 
1858,  et  beaucoup  de  morceaux  de  chant  à  trois  et  à  quatre  voix, 
pour  l'école  de  Douai,  outre  une  grande  quantité  de  morceaux  d'or- 
gue. Tout  cela  fut  fait  dans  l'espace  de  quatre  ans  et  demi,  nonobs- 
tant dix  heures  employées  chaque  jour  aux  fonctions  d'organiste,  à 
l'école  de  chant  de  la  ville,  et  en  leçons  particulières  ;  pour  suffire 
à  tant  de  travaux,  Fétis  avait  pris,  en  arrivant  à  Douai,  l'habitude 
d'y  consacrer  seize  ou  dix-huit  heures  chaque  jour;  depuis  lors  sa 
vie  s'est  écoulée  dans  la  même  activité,  sans  autre  interruption  que 
ses  voyages. 

Persuadé  que  le  moment  était  venu  pour  lui  de  prendre  une  po- 
sition à  Paris,  Fétis  quitta  Douai  pour  s'y  rendre,  dans  l'été  de 
1818.  Il  y  publia  dans  la  même  année  des  fantaisies,  des  préludes, 
des  sonates  de  piano,  et  y  reprit  ses  travaux  sur  la  littérature,  la 
théorie  et  l'histoire  de  la  musiaue.  Pendant  les  années  suivantes  il 


(1)  Discours  prononcé  clans  une  réunion  d'artistes  belges,  habitants  de  Paris, 
par  M.  Ch.  Van  Hulthem,  ancien  membre  du  tribunal,  membre  de  la  Légion 
d'honneur,  etc.  Paris,  P.  Didot  l'aîné,  1807,  in-8c  de  46  pages  (p.  31,  n°  1). 


DE  PARIS. 


307 


écrivit  pour  le  théâtre  plusieurs  opéras  sérieux  et  comiques  dont 
quelques  uns  ont  obtenu  du  succès,  mais  qui  n'ont  pas  satisfait  leur 
auteur;  les  autres  n'ont  pas  été  représentés. 

En  1821  il  fut  nommé  professeur  de  composition  au  Conservatoire 
de  Paris,  en  remplacement  d'Eler,  décédé  depuis  peu.  Huit  mois 
après  son  entrée  en  fonctions,  ses  élèves  ayant  été  examinés  par  le 
comité  d'enseignement,  où  siégeaient  Paer,  Lesueur,  Berton,  Reicha 
et  Boïeldieu,  Cherubini,  président  de  ce  comité,  adressa  ces  paroles 
au  professeur  :  «  Monsieur,  c'est  avec  beaucoup  d'intérêt  que  le 
comité  a  passé  l'examen  de  votre  classe,  et  qu'il  a  trouvé  chez  vos 
élèves  l'art  de  faire  chanter  les  parties  d'une  manière  élégante  et 
naturelle  ;  art  difficile,  si  bien  connu  des  anciens  maîtres,  et  qui  se 
perd  aujourd'hui:  c'est  avec  une  vive  satisfaction  que  nous  voyons 
que  vous  travaillez  ù  le  faire  revivre.  »  Quelques  années  après,  le 
grand  maître  qui  avait  prononcé  ces  paroles  flatteuses  s'est  exprimé 
d'une  manière  plus  explicite  encore,  dans  le  rapport  qu'il  a  fait  à 
l'Académie  des  beaux-arts  sur  le  Traité  du  contre-point  et  de  la  fu- 
gue, écrit  par  M.  Fétis,  pour  l'usage  du  Conservatoire  ;  car  il  l'a  dé- 
claré le  seul  ouvrage  de  ce  genre  où  les  règles  de  ces  compositions 
scientifiques,  particulièrement  celles  de  la  fugue,  sont  exposées  avec 
méthode  et  clarté.  Ce  livre,  dont  presque  tous  les  exemples  ont  été 
écrits  par  Fétis,  lui  a  coûté  de  longues  méditations,  parce  qu'il  avait 
reconnu  la  nécessité  de  prendre  la  tonalité  pour  base  de  la  mélodie, 
origine  réelle  du  contre-point,  comme  il  l'avait  prise  précédemment 
pour  l'harmonie  et  la  modulation.  Or,  l'analyse  des  faits  de  la  suc- 
cession mélodique  des  sons,  en  ce  qui  concerne  la  tonalité  et  les 
combinaisons  de  plusieurs  parties  chantantes,  est  fort  difficile.  De  là 
l'absence  de  toute  critique  pure  dans  tous  les  traités  de  composition 
qui  ont  été  publiés  depuis  plus  de  deux  cents  ans,  et  la  forme  em- 
pirique adoptée  par  tous  les  auteurs  de  ces  ouvrages.  En  s'imposant 
l'obligation  de  faire  connaître  la  raison  des  règles,  Fétis  s'était  en- 
touré d'immenses  difficultés. 

(La  suite  ■prochainement .) 


LES  CHŒURS  DE  LÀ  CHAPELLE  IMPÉRIALE 

DE    SAHW-PÉTERSBOÏJIïe. 
(2e  et  dernier  article)  (1). 

Bortnyanski  avait,  dans  les  derniers  temps,  senti  la  nécessité  de 
mettre  en  ordre  les  anciens  chants  de  l'église  moscovite  qui  se  chan- 
taient en  harmonie  par  tradition,  et  dont  les  successions  d'accords 
n'étaient  souvent  pas  satisfaisantes  pour  l'oreille  ;  mais  il  n'eut  pas 
le  temps  de  réaliser  ce  projet  de  réforme.  Après  s'être  fait  des  ti- 
tres à  l'admiration  de  la  postérité,  il  mourut  le  28  septembre  (9  oc- 
tobre) 1825,  à  l'âge  de  soixante-quatorze  ans.  On  a  publié  depuis, 
à  Saint-Pétersbourg,  un  choix  de  ses  compositions  à  l'usage  des 
églises  grecques  de  Russie. 

Après  Bortnyanski,  la  direction  de  la  chapelle  fut  confiée  au  con- 
seiller privé  Lvoff,  homme  d'un  goût  exquis  et  possédant  une  grande 
connaissance  pratique  des  œuvres  magistrales  de  toutes  les  époques. 
Né  le  25  mai  1799,  à  Réval  en  Esthonie,  Alexis-Théodore  Lvoff  ré- 
véla dès  son  enfance  d'heureuses  dispositions  pour  la  musique.  Le 
violon  fut  l'instrument  pour  lequel  il  montra  le  penchant  le  plus 
décidé.  On  lui  donna  un  maître,  et  ses  progrès  furent  très- rapides. 
A  l'âge  de  huit  ans  il  exécutait  déjà  des  concertos  réputés  très- 
difficiles.  Lorsqu'il  eut  atteint  sa  dix-septième  année,  il  se  résolut  à 
compléter  son  talent  en  étudiant  dans  une  laborieuse  solitude  les 
œuvres  de  Corelli,  de  Bach,  de  Gaviniès,  de  Viotti,  de  Baillot  et 
de    Kreutzer.    Un    travail    constant ,    le  familiarisa   avec   la    ma- 

(1)  Voirie  n°  38. 


nière  de  chacun  de  ces  artLtes,  et  de  leur  fusion  il  se  fit  un 
style  personnel.  La  lecture  des  partitions  de  Haendel,  de  Graun,  de 
Jomelli,  de  Durante,  de  Gluck,  de  Mozart,  de  Haydn  et  de  Beetho- 
ven devint  aussi  la  source  de  ses  connaissances  pour  la  composi- 
tion. En  France,  la  plupart  des  amateurs  de  quatuor  et  les  grands 
violonistes  de  toute  l'Europe  connaissent  et  apprécient  ce  musicien 
éminent,  à  la  fois  virtuose  et  compositeur.  Par  des  travaux  persévé- 
rants poursuivis  pendant  trente  ans,  Lvoff  arriva  à  une  réputation 
méritée,  et  l'empereur  Nicolas  ayant  apprécié  son  mérite  comme 
musicien  lui  confia,  en  1836,  la  direction  de  la  chapelle  impériale, 
comme  étant  le  seul  qui  pût  tenir  la  place  de  Bortnyanski.  Ami  in- 
time et  sincère  admirateur  de  Bortnyanski,  Lvoff  se  fit  un  devoir  de 
suivre  scrupuleusement  la  marche  que  celui-ci  s'était  tracée.  Il  reprit 
même  le  projet  que  la  mort  de  son  prédécesseur  avait  laissé  inexé- 
cuté, et  c'est  lui  qui  a  édité  les  chants  antiques  de  toutes  les  parties 
de  l'office  divin  du  rit  grec  de  Russie,  harmonisés  à  quatre  parties 
sur  le  texte  slave.  Ce  travail  immense,  qui  comprend  onze  gros  vo- 
lumes in-4°,  gravés  à  Saint-Pétersbourg,  a  fait  beaucoup  d'honneur 
au  directeur  de   la  chapelle  impériale  élu  par  Nicolas. 

En  1840,  Lvoff  visita  Paris  et  Leipsick.  Il  s'y  fit  connaître  avan- 
tageusement comme  violoniste  et  compositeur  ;  un  de  ses  opéras  fut 
représenté  à  Dresde  avec  succès  en  1845,  après  avoir  été  joué  à 
Saint-Pétersbourg.  Les  académies  philharmoniques  de  Bologne,  Sainte- 
Cécile  de  Rome,  des  Amis  de  la  musique  de  Vienne,  décernèrent  à 
cet  artiste  distingué  le  titre  de  membre  honoraire.  Son  dernier  ou- 
vrage, joué  à  Saint-Pétersbourg,  l'opéra  l'Ondine,  dont  M.  de  Saint- 
Georges  à  traduit  dans  ces  dernières  années  le  livret  en  français, 
contient  des  beautés  de  l'ordre  le  plus  élevé,  fraîches,  vives,  jeunes 
et  d'une  originalité  charmante. 

Depuis  qu'il  dirigeait  le  chœur  des  chantres  de  la  cour  en  Russie, 
tout  en  suivant  la  même  voie  que  ses  devanciers,  il  s'était  appliqué 
à  augmenter  le  répertoire  déjà  si  riche  de  cette  chapelle,  soit  en 
composant  des  pièces  de  musique  religieuse,  soit  en  se  livrant  à  de 
savantes  et  utiles  investigations  dans  les  archives  musicales  de  l'É- 
glise russe,  recherches  fécondes  grâces  auxquelles  il  a  fait  plusieurs 
découvertes  précieuses  pour  l'histoire  de  l'art.  Il  a  fait  exécuter 
avec  succès  par  ses  chœurs  les  œuvres  religieuses  de  Meyerbeer,  et 
le  91e  psaume  a  toujours  soulevé  de  très-austères  émotions  parmi 
les  auditeurs.  La  chapelle  impériale  était  parvenue  à  un  degré  de 
splendeur  remarquable  lorsque,  après  la  mort  du  conseiller  Lvoff,  le 
général  Alexis  Lvoff,  son  fils,  fut  nommé  pour  lui  succéder  et  con- 
tinuer les  traditions  de  la  chapelle  impériale. 

Voici  quel  est  l'ordre  dans  lequel  l'exécution  des  chœurs  se  fait. 
Les  quatre-vingts  chantres,  revêtus  de  leur  uniforme  très-riche,  sont 
disposés  en  deux  groupes  égaux  ;  ils  se  tiennent  debout  en  face  l'un 
de  l'autre  de  chaque  côté  de  l'autel.  Les  basses  occupent  les  rangs 
les  plus  éloignés  du  centre.  Devant  eux  sont  les  ténors,  et,  de 
vant  ceux-ci,  se  tiennent  les  enfants  soprani  et  contralti.  Tous  les 
yeux  baissés,  immobiles,  attendent  dans  le  plus  profond  silence  le 
moment  de  commencer  leur  chant,  qu'ils  entonnent  à  un  signe  im- 
perceptible pour  l'auditeur,  et  qui  est  sans  doute  donné  par  le  chef 
d'attaque,  leur  habitude  étant,  comme  nous  l'avons  dit,  de  chanter 
sans  qu'aucun  chef  leur  marque  la  mesure. 

Quand  on  voit  fonctionner  ce  chœur  incomparable ,  on  se  de- 
mande ce  qu'il  a  fallu  de  temps  et  d'argent  pour  l'amener  à  cette 
perfection  si  rare.  Il  a  fallu  tout  simplement  un  maître  habile  ;  c'est 
Galuppi  qui  a  réformé  le  chœur  de  la  chapelle  impériale  russe,  et 
qui  le  premier  a  donné  idée  des  ressources  qu'on  en  pouvait  es- 
pérer. Il  était,  après  tous  ses  succès  d'opéra,  devenu  maître  de  cha- 
pelle de  Saint-Marc  à  Venise,  et  maître  du  Conseravtoire  degli  incu- 
rabili,  place  qu'il  occupa  jusqu'à  l'âge  de  soixante-trois  ans,  lors- 
qu'il fut  appelé  en  Russie  par  l'impératrice  Catherine  II,  qui  plus 
tard  devait  lui  confier  l'éducation  musicale  de  Bortnyanski.   Outre 


308 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


un  traitement   de  4,000   roubles,  l'impératrice  de  Russie  lui  assura 
un  logement  et  fit  mettre  à  sa  disposition  une  voiture  de  la  cour. 

Galuppi  trouva  l'orchestre  du  théâtre  détestablement  organisé;  il 
parvint  à  le  rendre  supportable,  et  put  bientôt  donner  son  opéra  de 
Didone  abbandonata,  dont  l'impératrice  fut  si  satisfaite  qu'elle  en- 
voya à  Galuppi,  le  lendemain  de  la  première  représentation,  une  ta- 
batière d'or  enrichie  de  diamants,  avec  mille  ducats  que  la  reine  de 
Carthage  lui  avait,  disait-elle,  légués  par  son  testament.  Le  chœur 
des  chantres  n'était  guère  meilleur  que  l'orchestre  de  l'Opéra.  Il  n'a- 
vait pas  même  l'idée  des  nuances  du  piano  et  du  forte.  Là,  les 
soins  de  Galuppi  portèrent  les  meilleurs  fruits,  et  Bortnyanski  n'eut 
qu'à  continuer  ses  traditions  et  à  développer  ce  qu'il  avait  si  heu- 
reusement commencé.  Aujourd'hui,  ce  chœur  est  incomparable.  Les 
maîtres  de  chapelle  des  autres  villes  russes  cherchent  à  l'imiter,  et  y 
parviennent  quelquefois.  Le  choix  des  voix,  des  chanteurs,  telle  est 
la  difficulté.  Un  bon  maître  de  chapelle  tel  est  le  secret  du  succès. 

Du  reste,  dans  toute  l'Allemagne,  les  chœurs  sont  aujourd'hui 
excellents,  et  l'écho  fidèle  que  nous  en  avons  en  France  dans  le 
Liederkrans,  —  cette  aimable  Société  de  gens  du  monde  qui  chan- 
tent avec  une  rare  perfection  les  chœurs  les  plus  beaux,  ceux  de 
Haendel,  de  Weber,  de  Kucken,  de  Marschner,  des  classiques  et  des 
contemporains,  —  peut  très-bien  nous  montrer  que  la  musique  cho- 
rale est  en  très-réel  progrès  dans  toute  l'Europe.  Les  luttes  de  nos 
orphéons  nous  donnent  aussi  la  preuve  que  nous  marchons  dans 
cette  voie  avec  succès,  et  qu'avant  peu  nos  masses  chorales  seront 
très-bien  disciplinées  partout,  et  bientôt  même  à  la  hauteur  des 
chœurs  incomparables  dont  nous  venons,  dans  ces  quelques  lignes, 
d'esquisser  l'histoire. 

Maurice  CRISTAL. 


DEVIENNE. 

(38  article)  (1). 

Ceci  dit,  reprenons  notre  analyse  pour  signaler  d'abord  l'air  d'Eu- 
phémie  : 

Dans  l'asile  de  l'innocence. . . 
plein  de  grâce  et  de  langueur,  et   auquel    son   accompagnement  de 
harpe  donne  un  charme  de  plus. 

Le  trio  des  trois  hommes  est  tracé,  on  le  voit,  par  une  main  ha- 
bile et  sûre  d'elle-même.  Divisé  en  quatre  parties  bien  distinctes, 
son  plan  est  d'une  netteté  et  d'un  aplomb  rares.  La  première  partie, 
dialoguée  entre  Frontin  et  son  maître,  contient  un  dessin  ostinato 
de  violons  à  l'unisson,  d'une  élégance  extrême  et  qui  suffit  à  l'in- 
strumentation, car,  pendant  tout  ce  temps,  on  n'entend  que  le  qua- 
tuor et  les  grandes  flûtes.  L'arrivée  de  Grégoire  amène  la  seconde 
partie  (allegro  à  6/8) ,  sur  un  couplet  dont  le  tissu  mélodique  est 
d'une  franchise  et  d'une  carrure  qui  rappellent  les  meilleurs  mo- 
ments de  Philidor,  de  Monsigny  et  de  Grétry.  La  troisième  partie 
(andantino  en  fa  majeur,  à  2/4)  est  dialoguée  entre  les  trois  per- 
sonnages ;  enfin,  la  quatrième  n'est  que  la  reprise  du  joli  dessin  de 
violons  entendu  dès  le  commencement,  sous  lequel  les  trois  voix 
d'hommes  se  marient  à  merveille,  et  qui  termine  le  morceau  sans 
fracas,  sans  bruit,  sans  éclat  d'aucune  sorte. 

Ce  qui  me  semble  merveilleux  dans  ce  morceau,  c'est  la  simplicité 
des  moyens  employés  mise  en  regard  de  l'excellence  du  résultat 
obtenu  ;  j'ai  dit  que  toute  la  première  partie  était  accompagnée  seu- 
lement par  le  quatuor  et  les  flûtes;  il  en  est  de  même  de  la  seconde, 
et  ce  n'est  que  dans  la  troisième  que  l'auteur  a  cru  devoir  faire 
une  ou  deux  entrées,  soit  de  cor?,  soit  de  bassons.  Lorsque  le  des- 

(1)  Voir  les  n0'  31  et  32. 


sin  primitif  revient  pour  amener  la  coda  et  terminer  le  morceau,  le 
quatuor  et  les  flûtes  reprennent  leur  travail  sans  l'aide  d'aucun  se- 
cours étranger.  Comment  donc,  avec  si  peu  d'éléments ,  l'orchestre 
est-il  si  sonore,  si  rempli,  sans  faste,  mais  aussi  sans  maigreur  ?  Cela 
tient  à  la  bonne  et  judicieuse  disposition  des  parties,  à  la  façon  pure 
et  pleine  dont  Devienne  écrit  pour  les  instruïnents  à  cordes,  base 
véritable  de  l'échafaudage  orchestral  :  les  voix  résonnent  à  merveille 
au  milieu  de  cet  orchestre  à  la  fois  simple  et  nourri,  rempli  de  détails 
ingénieux  et  piquants  qui  ne  cessent  d'animer  et  de  colorer  le  style 
sans  jamais  l'alourdir  ;  les  chanteurs  sont  à  l'aise  et  tout  fonctionne 
admirablement  dans  cet  ensemble  plein  d'ampleur,  et  cependant  sage 
et  sobre  au  possible. 

Le  finale  du  premier  acte  est  un  simple  quatuor  pour  voix  d'hom- 
mes et  ne  contient  aucun  des  développements  que  nous  sommes  ha- 
bitués à  chercher  aujourd'hui  dans  les  morceaux  de  ce  genre.  11  se 
fait  remarquer  aussi  par  une  extrême  clarté  et  une  grande  limpidité 
de  style,  et,  bien  que  l'orchestration  en  soit  solide  et  brillante,  l'au- 
teur n'y  a  employé,  avec  le  quatuor  des  instruments  à  cordes,  que 
les  hautbois,  les  bassons  et  les  cors.  Le  presto  qui  forme  la  seconde 
partie  de  ce  morceau  commence  d'une  façon  pleine  d'originalité,  et 
pourtant,  là  encore,  qu'a  fait  le  compositeur?  Sur  un  dessin  vocal 
mélodique  qui  serait  peut-être  vulgaire  s'il  n'était  accompagné  de  la 
sorte,  et  qui  se  compose  d'une  note  sur  chaque  temps  fort,  il  a  mis 
un  dessin  en  triolets  au  premier  violon,  une  tenue  en  notes  synco- 
pées au  second,  pendant  que  les  cors  et  les  hautbois  doublent  le 
chant  et  que  la  basse  frappe  chaque  temps.  Voilà  son  orchestre,  et 
avec  quels  moyens  élémentaires  il  obtient  de  délicieux  effets  !  Ce 
quatuor,  qui,  comme  inspiration,  ne  vaut  peut-être  pas  le  trio  pré- 
cédent, n'en  est  pas  moins  un  morceau  excellent  et  des  plus  par- 
faits. 

L'air  d'Euphémie  qui  se  trouve  au  début  du  second  acte,  et  dans 
lequel  la  jeune  fille  exhale  la  douleur  qu'elle  éprouve  d'être  séparée 
de  celui  qu'elle  aime,  est  extrêmement  remarquable,  tant  à  cause  de 
l'abondance  et  de  la  fraîcheur  des  idées  qui  y  sont  contenues  qu'en 
raison  de  l'élévation  du  style  et  de  la  passion  qui  y  domine.  Il 
s'ouvre  par  une  longue  ritournelle,  au  moyen  de  laquelle  le  cor  ex- 
pose, pour  ainsi  dire,  la  situation  dans  un  solo  grave,  touchant  et 
mélancolique.  Lorsque  Euphémie  fait  entendre  les  premiers  vers, 

0  toi,  dont  ma  mémoire 

A  conservé  les  traits. 

le  cor  la  suit  docilement  et  mêle  sa  voix  à  la  sienne  dans  un  ac- 
compagnement à  la  fois  plein  de  grâce,  de  délicatesse  et  de  discré- 
tion ;  il  continue  ainsi  jusqu'à  la  fin  de  la  première  partie,  où  il  perd 
son  rôle  important  pour  reprendre  sa  place  modeste  dans  l'ensemble 
de  l'orchestre. 

C'est  alors  qu'après  avoir  fait  entendre  ses  plaintes  dans  un  lan- 
gage simple  et  sévère,  la  jeune  fille  trouve,  pour  appeler  son  amant, 
des  accents  pathétiques  et  débordants  de  passion.  «  Reviens,  »  lui 
dit-elle, 

Reviens,  et  je  brise  ma  chaîne  ; 
Ton  absence,  en  ces  lieux  seule  a  pu  m'entraîner; 

Elle  est  ma  seule  peine, 
Et  mon  plus  grand  désir  est  de  te  pardonner. 

Le  style  de  l'ardente  mélopée  sur  laquelle  sont  placées  ces  paroles 
est  vigoureux,  et  le  dessin  mélodique  semble  haletant  et  comme  en- 
trecoupé par  des  soupirs  ;  l'instrumentation  est  nerveuse ,  colorée, 
puissante,  bien  que  tout  l'orchestre  n'y  concoure  pas  (on  n'y  ren- 
contre ni  hautbois,  ni  trombones).  On  croit  le  morceau  fini,  lorsque 
sur  une  rentrée  heureuse  du  cor  qui  vient  rappeler  la  situation  pre- 
mière, les  paroles  du  commencement, 

0  toi 

se  font  entendre  de  nouveau,  mais  d'une  façon  fugitive,   et  comme 


DE  PARIS. 


309 


pour  amener  la  strette  d'une  manière  plus  inattendue  ;  celle-ci  se 
présente  en  effet,  chaude,  vive,  entraînante,  et  Euphémie  ,  en  s'é- 
criant  encore  :  «  Reviens...  reviens,  et  je  brise  ma  chaîne,  »  at- 
teint le  plus  haut  degré  d'expression  de  la  douleur  et  du  désespoir. 
Je  voudrais  entendre  chanter  cet  air  remarquable  par  une  grande 
artiste,  et  je  suis  certain  que  l'effet  produit  serait  saisissant. 

Les  couplets  de  la  tourière,  dont  la  fin  peut-être  est  un  peu  ba- 
nale, sont  du  moins  parfaitement  en  situation,  et  on  retrouve  toute 
la  grâce,  la  franchise  et  la  distinction  habituelles  à  Devienne  dans  le 
joli  duo  de  Belfort  et  de  Frontin, 

J'ai  bien  souvent  juré  d'être  fidèle... 
dont  la  première  phrase  surtout  est  délicieuse. 

La  mélopée, 

Le  ciel,  mes  sœurs,  vous  tienne  en  joie 
chantée  par  Frontin  à  son  entrée  au  couvent  et  pompeusement  inti- 
tulée «  Air  »  dans  la  partition,  est  d'un  excellent  caractère.  Les 
choses  de  ce  genre,  à  la  fois  courtes  et  bien  construites,  sont  beau- 
coup plus  malaisées  à  faire  qu'on  ne  le  croit  communément  :  Pascal, 
écrivant  un  jour  à  un  sien  ami,  terminait  ainsi  sa  lettre  :  «  Je  n'ay 
fait  celle-cy  si  longue  que  parce  que  je  n'ay  pas  eu  le  loysir  de  la 
faire  plus  courte.  »  C'est  là  un  mot  profondément  vrai  ;  il  faut  du 
temps  pour  faire  court,  et,  même  avec  du  temps,  tout  le  monde 
n'y  peut  point  parvenir. 

Le  grand  morceau  d'ensemble  qui  suit  est  tracé  avec  une  rare 
habileté  ;  il  semble  que,  dès  les  premières  mesures ,  on  entende 
bruire  autour  de  soi  tous  les  caquets  du  couvent,  dont  le  vénérable 
chef  actuel  de  l'école  française,  M.  Auber,  a  donné  un  spectacle  si 
saisissant  dans  le  troisième  acte  du  Domino  noir.  Ce  morceau  ren- 
ferme une  phrase  musicale  très-plaisante,  écrite  sur  ces  vers  chantés 
par  Frontin  : 

.   .   .    C'est  un  grand  scandale, 

Que  dans  votre  sainte  maison, 

Sous  les  habits  d'une  Vestale 

Se  soit  introduit  le  démon. 

Placée  sur  une  simple  gamme  chromatique  de  basse  partant  de  la 
médiante  pour  arriver  à  la  tonique,  cette  phrase  est  d'un  très-bon 
effet  comique,  qui  a  souvent  été  imité  depuis. 

Arthur  POUGIN. 
[La  suite  prochainement.) 


NOUVELLES. 


***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche  dernier  une 
représentation  de  Guillaume  Tell.  — Lundi  on  a  joué  le  Comte  Ory  et  le 
ballet  de  Nemea.  S.  M.  l'Empereur  a  honoré  le  spectacle  de  sa  présence. 
Le  rôle  de  Mlle  Anetta  Merante,  indisposée  depuis  deux  semaines,  avait 
été  donné  à  Mlle  Guiseppina  Boss).  —  Mercredi,  dans  les  Vêpres  sicilien- 
nes, c'est  M.  Dumestre  qui  a  pris  le  rôle  de  Guy  de  Montfort,  dans 
lequel  il  laisse  beaucoup  à  désirer  ;  Mlle  Sax  a  eu  les  honneurs  de 
la  soirée.  Mlle  Baratte  a  remplacé,  dans  le  pas  du  Printemps,  Mlle  Fio- 
retti,  éloignée  momentanément  de  la  scène  par  une  entorse.  —  Enfin, 
vendredi,  Mlle  Mouraviefl'  a  clos  la  série  de  ses  représentations  par  le 
premier  acte  de  Nemea  et  le  ballet-pantomime  de  Diavolina,  précédés 
du  premier  et  du  deuxième  acte  de  Lucie.  La  jeune  ballerine  russe  a 
fait  ses  adieux  au  public  au  milieu  d'applaudissements  prolongés. 

***  L'affiche  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  annonce  la  prochaine  re- 
présentation de  Roland  à  Roncevaux.  Les  répétitions  générales  ont  com- 
mencé et  la  première  représentation  paraît  définitivement  fixée  à 
vendredi  prochain.  —  Un  nouveau  ballabile  en  forme  de  polka,  a  été 
introduit  au  deuxième  acte  ;  il  sera  dansé  par  Mlle  Pilatte  et  M.  Ré- 
mond.  —  Un  rôle  pour  Mlle  Fonta  a  été  ajouté  au  divertissement.  — 
Mlle  E.  Fiocre  y  paraîtra  sous  les  traits  et  le  costume  d'un  prince 
indien . 


*%  Les  Huguenots  sont  annoncés  pour  demain. 

***  La  direction  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  vient  d'engager 
Mme  Cabel  pour  un  certain  nombre  de  représentations  qui  commence- 
ront par  Galatée;  on  remonterait  ensuite  pour  elle  le  Pardon  de  Plocr- 
mel,  dont  elle  a  créé  si  remarquablement  le  rôle  principal. 

***  L'engagement  de  Montaubry  vient  d'être  renouvelé  jusqu'en  1870 
et  celui  d'Achard  |iour  cinq  années. 

***  On  annonce  pour  la  semaine  prochaine  le  début  de  Mme  Gen- 
netier  dans  le  rôle  d'Elisabeth  du  Songe  d'une  nuit  d'été.  Nous  avons  fait 
connaître  les  antécédents  de  Mme  Gennetier.  L'administration  attache 
à  son  début  une  très-grande  importance,  et  Amhroise  Thomas  porte,  de 
son  côté,  beaucoup  d'intérêt  à  la  cantatrice,  à  laquelle  il  a  bien  voulu 
donner  ses  conseils  pour  la  reprise  de  son  œuvre. 

„.**  Nous  sommes  autorisés  à  déclarer  inexact  de  tout  point  le  bruit 
mis  en  circulation  d'un  changement  de  directeur  à  l'Opéra-Comique. 

t%  Faust  et  Don  Pasquale  alternent  avec  un  succès  fructueux  au 
théâtre  Lyrique.  Un  des  premiers  ouvrages  qui  leur  succédera  sera  le 
nouvel  opéra  de  Grisar,  qui  a  pour  titre  Bégaiements  de  l'amour,  et  dont 
les  paroles  sont  de  M.  Emile  de  Najac  et  Charles  Deulin. 

„,*„,  L'ouverture  du  théâtre  Italien  est  toujours  fixée  à  samedi  1er  oc- 
tobre; mais  à  la  Sonnambula,  avec  Adelina  Patti,  qui  avait  été  annon- 
cée, sera  substituée,  paraît- il,  la  Lucia,  avec  Frasehini,  Zacchi,  Anto- 
nucci  et  Mme  Lagrange. 

*■%  Outre  l'engagement  de  Brignoli,  que  nous  avons  annoncé,  M.  Ba- 
gier  a  engagé  également  le  ténor  Sarti.  M.  Brignoli  a  fait  autrefois  une 
apparition  a  l'Opéra;  il  y  chanta  le  rôle  d'Amenophis,  à  l'époque  où 
on  reprit  Moïse,  pour  Mme  Bosio,  et  il  fit  une  saison  au  théâtre  Italien 
où  il  rentre  avec  l'expérience  acquise  comme  acteur  et  une  réputation 
bien  établie  d'excellent  chanteur.  Il  est  lié  à  M.  Bagier  par  un  enga- 
gement de  trois  ans  à  8,000  francs  par  mois  la  première  année,  9,000 
francs  la  seconde,  et  10,000  francs  la  troisième.  Selon  toute  apparence; 
c'est  lui  qui  ouvrira  la  saison  de  Madrid  avec  Mme  Penco,  par  Lucrezia 
Borgia. 

***  Des  propositions  d'engagement  sont  faites  à  Mario  par  M.  Bagier, 
mais  jusqu'à  présent  elles  n'ont  pas  abouti. 

„.*»  M.  Costa  n'a  pas  été  engagé  par  le  directeur  du  théâtre  Italien 
seulement  pour  diriger  le  corps  de  ballet,  mais  aussi  pour  fonder  une 
école  gratuite  de  perfectionnement  de  danse  et  de  pantomime  que  les 
artistes  engagés  pourront  suivre  avantageusement  chaque  jour  durant 
toute  l'année. 

„,**  La  rentrée  des  classes  du  Conservatoire  impérial  de  musique 
aura  lieu  le  lundi  3  octobre. 

„%  M.  Varney  vient  d'engager  une  actrice  célèbre  par  ses  succès  au 
boulevard,  Mlle  Clarisse  Miroy.  Elle  possède  une  jolie  voix  et  débutera 
dans  la  nouvelle  opérette  de  E.  Jonas. 

„,*„.  J.  Offenbach  vient  de  quitter  Paris  pour  se  rendre  à  Vianne  où 
l'on  va  monter  son  opéra  les  Géorgiennes.  Il  y  a  rupture  entre  lui  et 
le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens,  auquel  le  célèbre  maestro  paraîtrait 
disposé  à  interdire  la  représentation  de  ses  œuvres.  En  attendant,  la 
réouverture  doit  avoir  lieu  à  la  fin  du  mois  par  les  Dames  de  la  Halle, 
M'sieu  Landry  et  une  nouvelle  opérette-bouffe  de  Mestepès  et  Jocas, 
qui  a  pour  titre  :  Le  Manoir  des  La  Renardière.  — La  nouvelle  direction 
annonce  que  le  prix  des  places  sera  diminué. 

***  Berthelier  doit  faire  aujourd'hui  sa  rentrée  au  théâtre  du  Pa- 
lais-Royal par  le  Pijferaro.  11  dira  une  scène  comique  qui  a  pour  titre 
F  Amoureux  de  la  lune. 

***  La  réouverture  des  concerts  populaires  de  musique  classique, 
sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup,  aura  lieu  le  dimanche  23  octobre,  à 
2  heures,  au  Cirque  Napoléon. — MM.  les  abonnés  qui  voudront  conserver 
leurs  places  sont  priés  d'en  faire  retirer  les  coupons  dans  les  bureaux 
de  location.  A  partir  du  15  octobre,  on  en  disposera. 

„*.,.  La  réouverture  du  Casino  a  eu  lieu  jeudi  dernier.  La  salle  était 
trop  petite  pour  contenir  la  foule  des  amateurs  qui  s'y  étaient  donné 
rendez-vous  pour  applaudir  et  acclamer  le  chef  d'orchestre  qui  repre- 
nait le  bâton  de  mesure.  Un  tonnerre  d'applaudissements  a  salué  le 
retour  d'Arban,  que  tout  le  monde,  artistes  et  public,  étaient  heureux 
de  revoir,  et  jamais  ovation  n'a  été  plus  spontanée.  La  grande  fantaisie 
de  la  Reine  de  Chypre,  composée  exprès  pour  cette  solennité,  a  obtenu 
un  succès  d'enthousiasme  ;  c'est  le  digne  pendant  des  belles  fantaisies 
du  même  auteur  sur  les  Huguenots  et  Robert  le  Diable.  Demerssman  a 
I  été  ce  qu'il  est  toujours,  virtuose  de  premier  ordre.  Arban  possède 
plus  que  jamais  le  talent  de  charmer  son  auditoire  par  les  admirables 
effets  qu'il  tire  de  son  instrument  et  la  distinction  de  son  style  ré- 
cemment apprécié  par   les   connaisseurs  d'Allemagne  et  d'Angleterre, 


310 


RKVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


comme  il  l'était  déjà  par  ceux  de  France.  En  somme,  la  saison  com- 
mence bien  et  les  habitués  du  Casino  vont  retrouver  les  brillants  con- 
certs et  les  programmes  variés  dont  Arban  connaît  si  bien  la  recette. 

,%  Rossini  a  accepté  la  qualité  de  président  honoraire  du  comité 
qui  s'est  formé  en  Italie  pour  l'érection  d'un  monument  à  Guido   d'A- 
rezzo.  Voici  la  traduction  de  la  lettre  que  l'illustre  compositeur  a  adres- 
sée à  cette  occasion  à  M.  Pietro  Mori,  gonfalouier  d'Arezzo  : 
«  Très-excellent  monsieur, 

»  C'est  avec  un  grand  plaisir  que  j'accepte  l'honorable  titre  de  pré- 
sident honoraire  de  la  commission  artistique  que  m'a  conféré  le  géné- 
reux conseil  communal  d'Arezzo  par  sa  délibération  du  12  courant; 
honorer  la  mémoire  du  moine  Guido  (auquel  l'art  musical  doit  tant) 
est  un  saint  devoir,  et  en  prendre  sa  part,  quoique  je  ne  le  puisse  que 
par  le  cœur  et  l'esprit,  est  une  véritable  gloire;  je  me  déclare  donc  très- 
reconnaissant  envers  le  susdit  conseil  d'Arezzo,  non-seulement  pour 
l'honneur  qu'il  m'a  conféré,  mais  pour  avoir  composé  la  commission 
artistique  de  collègues  qui  me  sont  très-chers  et  qui  (plus  heureux  que 
moi)  sauront  par  eux-mêmes  concourir  efficacement  à  un  si  noble  but. 

»  Veuillez  me  croire  votre  très-dévoué  serviteur, 

»  G.  Rossini,  citoyen  dArezzo. 

»  Passij  de  Paris,  21  août  1864.  » 

t*#  On  a  exécuté  dimanche  dernier,  dans  l'église  de  Saint-Cloud,  une 
messe  en  musique  de  la  composition  de  M.  Albert  L'hôte,  musicien  dis- 
tingué, qui  s'est  fait  connaître  déjà  par  un  certain  nombre  de  mélodies 
vocales  et  de  morceaux  de  piano  très-appréciés  des  artistes  et  des  ama- 
teurs. Cette  messe  a  produit  une  très-bonne  impression  sur  les  audi- 
teurs, principalement  le  Kyrie  et  l'O  Salularis,  ce  dernier  parfaitement 
chanté  par  M.  Portehaut,  de  l'Opéra.  Les  autres  interprètes  étaient  des 
amateurs  dont  nous  regrettons  de  ne  pas  connaître  les  noms,  car  ils 
ont  fait  preuve  d'un  talent  véritable.  A  l'Offertoire,  l'auteur,  qui  est  un 
des  meilleurs  artistes  de  l'orchestre  du  théâtre  Italien,  a  exécuté  lui- 
même,  avec  beaucoup  de  charme,  un  solo  de  violon  très-élégant  et  dé- 
veloppé avec  un  goût  exquis. 

,%  On  nous  écrit  de  Bordeaux  :  «  Depuis  longtemps  Robert  le  Diable 
n'avait  pas  été  joué  sur  notre  grand  théâtre.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyer- 
beer  vient  d'être  remonté  par  la  direction,  et  la  représentation  dans 
laquelle  se  sont  distingués  MM.  Bertrand  et  Dermont,  Mlle  Olivier  et 
Mme  Barbot,  a  été  excellente.  Entre  le  troisième  et  le  quatrième  acte, 
une  surprise  attendait  les  spectateurs.  Le  rideau  s'est  relevé  et  a  laissé 
voir  au  fond  de  la  scène  un  buste  couronné  :  c'était  celui  de  l'auteur 
du  chef-d'œuvre  dont  on  venait  d'applaudir  l'acte  le  plus  touchant  et 
le  plus  beau.  Tout  autour,  les  interprètes  de  la  pièce  s'étaient  respec- 
tueusement rangés.  Des  applaudissements  unanimes  ont  éclaté  de  toutes 
les  parties  de  la  salle,  comme  pour  payer  encore  une  fois  un  tribut 
d'admiration  et  de  reconnaissance  au  génie  puissant  et  élevé  qui  nous 
a  causé  si  souvent  de  profondes  et  vives  émotions,  puis  Ricquier-De- 
launay  s'est  avancé  et  a  lu  des  vers  dus  à  M.  Hippolyte  Minier.  De 
nouveaux  applaudissements  ont  accueilli  les  nobles  et  chaleureuses 
paroles,  auxquelles  le  public  s'associait  de  cœur,  et  acclamé  le  nom 
de  l'auteur  de  ce  poétique  hommage.  » 

„%  Les  représentations  données  à  Lyon  par  Adelina  Patti  font  fureur, 
et  jamais  salle  de  théâtre  n'a  été  témoin  d'un  pareil  enthousiasme, 
tous  les  journaux  de  la  localité  s'en  font  l'écho.  La  recette  de  la  repré- 
sentation du  Barbier,  qui  a  suivi  celles  de  la  Lucie,  a  atteint  le  chiffre 
inouï  de  10,000  francs!  Nous  ne  pouvons  d'ailleurs  mieux  donner 
l'idée  de  l'effet  produit  par  la  jeune  cantatrice,  qu'en  reproduisant 
l'appréciation  du  journal  le  Salut  public,  après  la  représentation  du 
Barbier  : 

«  C'est  bien  la  plus  gentille  espiègle  qu'il  soit  possible  de  voir  et 
d'entendre.  Elle  a  les  plus  charmants  caprices  et  les  plus  gracieuses 
mutineries.  Tant  de  cantatrices  ont  fait  de  Rosine  une  astucieuse 
rouée  1  II  est  bon  de  retrouver  la  naïve  malice  de  ces  beaux  yeux  qui 
n'ont  vu  le  monde  qu'à  travers  les  persiennes  toujours  closes  de  Bar- 
tholo.  La  Patti  prend  à  cette  éternelle  comédie  du  tuteur  mystifié  un 
plaisir  de  rieuse  pensionnaire.  Elle  dit  le  dialogue  en  français  avec  un 
accent  italien  qui  est  comme  une  coquetterie  de  plus.  La  scène  a  été 
jonchée  de  bouquets.  La  charmante  cantatrice  a  fait  entendre,  dans  la 
scène  de  la  leçon,  une  canzone  délicieuse,  où  elle  produit  des  imitations 
de  flûte  tierce  de  l'effet  le  plus  original,  et  une  fort  jolie  valse  de 
Strakosch.  —  Strakosch  est  le  beau-frère  et  le  maître  d'Adelina  Patti. 
C'est  un  pianiste  d'un  grand  talent  et  un  excellent  musicien.  Il  a  écrit 
pour  le  piano  de  brillantes  fantaisies  et  des  études  qui  lui  ont  valu  une 
belle  réputation.  —  Adelina  Patti  se  fera  entendre  samedi  dans  le 
Barbier  de  Scville  et  la  Traviata.  On  parle  même  d'une  cinquième  re- 
présentation, ce  serait  une  charmante  surprise.  » 

*%  Le  théâtre  Rossini  de  Madrid  vient  de  clore  sa  saison  par  une 
brillante  représentation  de  Fausto,  dans  laquelle  les  applaudissements 
et  les  fleurs  ont  été  prodigués  à  la  Spezzia,  à  Tamberlick  et  Aldighieri. 
—  Mme  Tedesco  et  Tamberlick  sont  déjà  de  retour  à  Paris;  le  célèbre 


ténor  et  Mme  Nantier-Didiée  vont  partir  pour  Saint-Pétersbourg  où  les 
rappelle  l'ouverture  prochaine  du  théâtre  impérial  italien. 

t*t  Mlle  Peschel,  la  charmante  pianiste,  de  retour  de  Londres,  est 
passée  à  Paris  cette  semaine.  Elle  se  rend  à  Bade,  où  elle  est  engagée 
pour  les  derniers  concerts  de  la  saison. 

***  Mme  Yandenheuvel-Duprez,  qui  a  passé  une  partie  de  l'été  en 
Suisse,  est  de  retour  à  Paris. 

„**  A  la  suite  du  consentement  gracieux  donné  par  le  gouvernement 
français  à  l'exhumation  des  cendres  deBellini  et  à  leur  translation  à  Ca- 
tane,  sa  patrie,  la  municipalité  de  cette  ville  a  voté  des  remercî- 
ments  à  l'empereur  Napoléon,  et  a  décidé  qu'une  commission,  compo- 
sée du  sénateur  marquis  San  Giuliano,  du  chevalier  Gravina,  du  baron 
Bruca,  du  baron  Spitalieri,  du  marquis  Casalotto  et  du  célèbre  com- 
positeur Pacini,  se  rendrait  à  Paris  pour  porter  l'expression  de  la 
reconnaissance  de  leurs  compatriotes  pour  cette  restitution  courtoise, 
et  recevoir  les  restes  précieux  de  l'auteur  de  Norma.  Une  somme  de 
30,000  francs  est  affectée  aux  frais  de  cette  espèce  d'ambassade  artis- 
tique et  funéraire. 

„%  Le  théâtre  Victor-Emmanuel  a  ouvert  sa  saison  par  II  Pirata  e 
Rodolfo  di  Gerolstein,  ballet  tiré  des  Mystères  de  Paris,  et  qui  a  pour  au- 
teurs Borri  et  Giorza.  On  s'est  étonné  qu'ayant  à  sa  disposition  des  ar- 
tistes comme  la  Lagrua  et  Zacometti,  le  directeur  Martinotti,  qui  passe 
pour  habile,  n'ait  pas  choisi  pour  sa  réouverture  Otello  ou  le  Trovatore, 
au  lieu  d'un  opéra  qui  ne  peut  être  goûté,  s'il  est  interprété  par  des 
acteurs  secondaires,  et  qui  par  conséquent  n'a  pas  fait  d'effet.  Au  con- 
traire., Rodolfo  a  obtenu  un  succès  incontesté. 

***  Après  le  beau  concert  du  8  de  ce  mois,  dont  nous  avons  rendu 
compte,  Alary  en  a  donné  un  autre  à  Bade  quelques  jours  après  avec  le 
concours  de  Mmes  Marie  Battu,  Lustani-Mendès  et  de  MM.  Delle-Sedie 
et  Stroeker  pour  la  partie  vocale;  de  M.  et  Mlle  Heermann  pour  la 
partie  instrumentale.  Onze  morceaux  composaient  le  programme,  et 
ont  été  admirablement  interprétés  par  ces  éminents  artistes.  Mlle  Battu 
s'y  est.  particulièrement  distinguée,  et  S.  M.  la  reine  de  Prusse  a  daigné 
lui  exprimer  sa  satisfaction  par  l'entremise  de  S.  Exe.  le  comte  de 
Blùcher.  Ces  félicitations  ont  été,  à  quelques  jours  de  là,  renouvelées 
de  vive  voix  à  la  jeune  cantatrice  par  la  reine  elle-même,  qui  l'avait 
rencontrée  dans  la  grande  avenue  de  Lichtenthal. 

***  On  doit  construire  à  Naples  un  nouveau  théâtre  qui  s'appellera 
théâtre  Donizetti.  Il  est  destiné  aux  compagnies  françaises  jouant  la 
comédie. 

**t  La  Société  chorale  de  Sainte-Cécile  de  Reims  a  donné  récem- 
ment une  brillante  soirée  dans  laquelle  Mme  Lafaix-Boisgontier  a 
chanté  avec  autant  de  talent  que  de  distinction,  et  aux  applaudissements 
unanimes  de  l'auditoire,  la  Fête  de  Marie,  mélodie  religieuse  d'Hocmelle, 
et  une  chansonnette  de  son  opéra.  L'interprète  n'a  pas  été  moins  ap- 
plaudie que  le  compositeur.  M.  Hocmelle,  organiste  de  Saint-Philippe 
du  Roule ,  a  chanté  aussi  deux  romances  de  lui,  et  fait  entendre  de 
nouvelles  productions  pour  l'orgue  Alexandre  sur  lequel  il  excelle.  Le 
lendemain,  l'éininent  artiste  a  tenu  l'orgue  à  la  cathédrale  pendant 
qu'on  exécutait  une  messe  de  sa  composition. 

a*,.  L'ouverture  du  congrès  musical  italien,  provoqué  par  le  cercle 
Bonamici,  a  eu  lieu  le  15  septembre,  dans  la  grande  salle  du  palais 
municipal  de  Monte  Olivetto.  On  remarquait  dans  l'auditoire  très-nom- 
breux un  grand  nombre  de  maestri  venus  de  l'Italie  supérieure  et  cen- 
trale. Après  un  discours  fort  applaudi  du  maestro  Taglioni,  appelé 
provisoirement  au  fauteuil  de  la  présidence,  le  Congrès  a  été  déclaré 
ouvert  et  l'on  a  procédé  à  la  nomination  du  président,  du  vice-président 
et  des  autres  fonctionnaires  désignés  par  les  statuts.  La  présidence 
d'honneur  a  été  décernée  à  Saverio  Mercadante,  aune  grande  majorité, 
et  le  Maestro  Taglioni  a  été  confirmé  dans  ses  fonctions  de  président;  le 
maestro  Baretta,  de  Bologne,  a  été  élu  vice-président.  L'assemblée  s'est 
ensuite  ajournée. 

„*;,  Dans  le  compte  rendu  du  festival  de  Birmingham,  qui  a  duré 
quatre  jours,  notre  correspondant  avait  évalué  la  recette  à  300,000  fr. 
Elle  a  produit  12,725  livres  1  shilling  9  pence,  soit  318,127  fr.  65  c. 

„%,  On  écrit  de  Lyon  que  les  débuts  de  l'acteur  Cabel  dans  le  Pos- 
tillon de  Longjumeau  ont  été  l'occasion  de  scènes  tumultueuses,  à  la 
suite  desquelles  cet  artiste  a  dû  déclarer  qu'il  se  retirait. 

4%  On  écrit  de  New-York  que,  malgré  la  continuation  de  la  guerre, 
l'Opéra  allemand  a  été  installé  à  l'Académie  de  musique  par  MM.  Gro- 
ver,  directeur,  et  Anschùtz,  chef  d'orchestre,  et  que  l'ouverture  a  eu 
lieu  par  Faust.  —  Du  reste,  les  théâtres  ne  chôment  pas  non  plus 
dans  le  Sud.  A  Maçon,  en  Géorgie,  le  théâtre  fait  d'excellentes  affaires. 
Les  places  se  paient  5  dollars  et  3  dollars  et  demi  (25  fr.  et  17  fr.  50). 
On  y  donne  en  ce  moment  la  Dame  aux  Camellias,  intitulée  en  an- 
glais Camille. 

„*,.  Joseph  Wieniawski  (et  non  Henri,  comme  nous  l'avons  dit  par  er- 


DE  PARIS. 


311 


reur  dans  notre  Jernier  numéro),  s'est  fait  entendre  avec  Servais  et 
Vieuxternps  à  Hombourg  et  à  Ems.  Son  succès  n'a  pas  été  moins  grand 
au  concert  donne  le  16  de  ce  mois  dans  la  salle  de  la  Redoute  à  Spa, 
où  il  a  exécuté,  entre  autres  morceaux  et  aux  applaudissements  una- 
nimes, avec  Vieuxternps  le  duo  pour  piano  et  violon  sur  Obéron,  com- 
posé par  Wolff  et  Vieuxternps.  L'éminent  pianiste  est  de  retour  à  Paris. 

**»  Le  célèbre  éditeur  Tito  di  Cio.  Ricordi  vient  d'ouvrir  à  Naples 
une  succursale  de  son  établissement  de  Milan.  La  direction  en  est  con- 
fiée à  MM.  P.  Clausetti  et  Aless.  Calabi. 

**»  Le  concert  des  Champs-Elysées  donne  aujourd'hui  dimanche  sa 
deuxième  réunion  musicale,  de  2  à  5  heures.  Dimanche  dernier,  l'orage 
épouvantable  qui  a  éclaté  au  commencement  du  concert  n'avait  pas  arrêté 
les  dilettantes  parisiens  qui  sont  venus  entendre  et  applaudir  les  mor- 
ceaux choisis  composant  le  programme.  Demersseman,  le  célèbre 
flûtiste,  a  produit  le  plus  grand  effet  dans  un  solo  de  sa  composi- 
tion sur  VArmide  de  Gluck.  Aujourd'hui  le  trio  et  le  finale  de  Guillaume 
Tell  seront  exécutés,  dans  la  deuxième  partie  du  concert,  par  les  trom- 
bones François,  Richir  et  Rome. 

***  Le  15  de  ce  mois  est  mort  à  Berlin,  à  l'âge  de  soixante-dix  ans, 
M.  W.  Gaebrich,  compositeur  de  mérite  et  ancien  chef-d'orchestre 
pour  les  ballets  à  l'Opéra  royal  de  Berlin.  Pendant  les  quarante  ans 
qu'il  a  été  en  activité,  M.  Gaehrich  a  composé  un  grand  nombre  de 
ballets  parmi  lesquels  il  faut  citer  Don  Quixote,  Aladin  et  le  Corsaire  qui 
ont  obtenu  de  grands  succès  et  sont  restés  au  répertoire. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


*%  Marseille.  —  La  distribution  des  prix  du  Conservatoire  a  eu  lieu 
mardi  avec  un  éclat  inaccoutumé.  La  salle  Beauvau,  gracieusement 
mise  à  la  disposition  de  l'autorité  municipale  par  M.  Défossez,  réunis- 
sait un  public  empressé  et  sympathique  qui,  par  son  aristocratique 
composition,  le  nombre  et  l'élégance  des  toilettes  féminines,  donnait  à 
cette  fête  de  famille  l'aspect  d'une  véritable  solennité.  A  deux  heures, 
la  séance  a  été  ouverte  par  un  aimable  boléro  de  la  composition  du  di- 
recteur M.  Auguste  Morel.  M.  Marius  Roux,  adjoint  au  maire,  délégué  à 
la  présidence,  a  prononcé  ensuite  un  discours  plein  de  conseils  et  d'en- 
couragements aux  jeunes  élèves.  Le  concert  qui  suivait  la  distribution 
a  permis  d'apprécier  le  sérieux  mérite  des  jeunes  lauréats  et  l'intelli- 
gence avec  laquelle  l'instruction  musicale  est  développée  et  menée  à 
bien  par  les  professeurs  du  Conservatoire.  Deux  élèves  de  M.  Bénédit 
se  sont  distingués  en  chantant  avec  autant  d'âme  que  de  goût  l'air  de 
Joseph  et  un  air  d'Othello.  Trois  virtuoses  ont  en  outre  charmé  l'audi- 
toire et  ont  obtenu  tous  trois  les  honneurs  du  rappel. 

„%  Le  Havre.  —  Notre  nouvelle  troupe  d'opéra  a  commencé  ses  re- 
présentations par  Robert  le  Diable,  dont  l'exécution  a  été  satisfaisante. 


CHRONIQUE  ÉTRANGÈRE. 


„*,, Londres.—  La  nouvelle  Compagnie  d'opéra  anglais  ouvrira  sa  saison 
au  théâtre  de  Covent-Garden,  le  15  octobre,  par  la  Muette  de  Portici, 
chantée  par  le  ténor  Adam,  M.  Weiss  et  Mme  Parepa.  L'œuvre  d'Auber 
sera  suivie  de  Martha,  de  Flotow,  chantée  par  MM.  High,  Lawrence, 
Corri,  Mmes  Sherrington  et  Huddart  ;  un  opéra  nouveau  composé  par 
Macfarren  sur  des  paroles  originales  d'Oxenford:  Helwehjn  sera  donné 
ensuite,  ainsi  qu'un  nouvel  opéra  de  Bénédict,  intitulé  Esmeralda,  et  un 
ouvrage  en  trois  actes  composé  par  Hatton  sur  le  sujet  du  Val  d'An- 
dorre. On  se  propose  de  représenter  également  le  Médecin  malgré  lui,  de 
Gounod,  réduit  en  un  acte.  ■ —  Le  poëme  du  dernier  ouvrage  de  Balfe, 
Sleepina  queen  (Reine  qui  dort)  n'est  autre  que  celui  de  l'opéra-comique 
Ne  touches  pas  à  la  reine,  joué  avec  tant  de  succès  à  Paris  il  y  a  quel- 
ques années.  —  Un  festival  de  chant  de  cinq  mille  voix  aura  lieu  le  24 
septembre  au  Crystal  Palace,  sous  la  direction  de  M.  Martin.  S.  M.  la 
reine  a  autorisé  M.  Martin  à  comprendre  dans  son  programme  un  cho- 
ral inédit  composé  par  feu  le  prince  Albert,  époux  de  la  reine. 

„,*„  Bruxelles.  —  Samedi  17  a  eu  lieu  l'ouverture  du  théâtre  allemand 
par  le  Frcyschiitz,  dont  l'exécution  a  laissé  à  désirer  sous  le  rapport 
de  l'orchestre  et  de  la  mise  en  scène.  La  représentation  suivante  se 
composait  de  Don  Juan  et  d'un  ballet.  Parmi  les  chanteurs  de  la 
troupe  formée  par  M.  Hildebrandt,  on  a  remarqué  Mlle  Lichtmay,  qui 
a  interprété  avec  beaucoup  de  talent  les  rôles  d'Agathe  et  de  Dona 
Anna,  Mlle  Ressert  dans  celui  de  Zerline,  et  Mlle  Bevendorf,  très-bonne 


cantatrice.  Quant  au  ténor,  M.  Lukas,  il  était  indisposé,  et  M.  Lang, 
dans  le  personnage  de  Don  Juan,  manque  de  noblesse.  —  On  annonce 
la  reprise  du  Prophète  au  théâtre  de  la  Monnaie. 

***  VVcimar.  —  F.  Liszt  se  trouve  ici  et  a  fait  entendre  devant  un 
cercle  d'intimes  plusieurs  nouvelles  et  remarquables  compositions  pour 
orgue  et  pour  piano.  11  a  apporté  entièrement  achevée  l'œuvre  la  Lé- 
gende de  sainte  Elisabeth,  qu'il  a  composée  à  Rome,  et  s'occupe  à  ter- 
miner l'oratorio  Jésus-Christ.  —  L'opéra  de  la  cour  a  ouvert  sa  saison 
par  la  Fille  du  Régiment,  qui  sera  suivie  des  Noces  de  Figaro,  Slradella, 
la  Malédiction  du  poète,  de  Langert,  et  un  nouvel  opéra  de  Cornélius, 
intitulé  le  Cid. 

„.*.,.  Leipzig.  —  Au  premier  concert  du  Geicamlhaus,  qui  aura  lieu  le 
6  octobre,  se  fera  entendre  Charles  Halle,  l'éminent  pianiste  allemand, 
qui  s'est  fixé  en  Angleterre.  —  Le  maître  de  chapelle  B.  Bilse,  de  Lieg- 
nitz,  se  trouve  ici,  avec  sou  orchestre  et  donne  des  concerts  qui  sont 
très-suivis. 

**„  Berlin.  —  La  reprise  de  Fra-Diav«lo,  remonté  avec  beaucoup  de 
soin  à  l'Opéra  royal,  a  obtenu  du  succès,  bien  que  l'exécution  ait 
laissé  beaucoup  à  désirer.  Mlle  Lucca  y  a  fait  preuve  d'une  souplesse  de 
talent  aussi  admirable  qu'étonnante.  Il  est  rare  qu'une  artiste  qui  mon- 
tre tant  d'expression  dramatique  dans  le  rôle  de  Valentine,  des  Hugue- 
nots, puisse  jouer  et  chanter  avec  tant  de  verve  et  de  vérité  celui  de 
Zerline  dans  Fra-Diavolo.  —  Guillaume  Tell,  Struensée,  avec  la  musique 
de  Meyerbeer,  Hans  Heiling  et  le  ballet  Morgano  ont  été  également  re- 
présentés cette  semaine  au  même  théâtre. — Par  ordre  de  la  maison  du 
Roi,  le  buste  de  Meyerbeer  sera  placé  dans  la  salle  des  concerts  du 
Schauspielhaus. 

**„,  Vienne.  —  Le  ténor  Ander,  entièrement  rétabli  de  la  grande  ma- 
ladie qui  l'avait  tenu  éloigné  de  la  scène,  est  rentré  dans  Guillaume  Tell. 
Il  a  été  accueilli  de  la  façon  la  plus  chaleureuse. — Les  Fées  du  Rhin, 
opéra  d'Offenbach,  a  été  revu  avec  grand  plaisir, —  On  répète  l'opéra 
de  Loew e,  Concino  Concini.  — Au  Carl-Theater,  Franz  Schubert,  l'opérette 
de  Suppé,  obtient  beaucoup  de  succès.  On  y  a  utilisé  habilement  cinq 
des  plus  belles  mélodies  de  Schubert.  Le  célèbre,  compositeur  lui- 
même  est  mis  en  scène,  et  l'excellent  acteur  Charles  Treumann  qui  le 
représente  est  étonnant  de  verve  et  aussi  de  ressemblance  avec  cette 
figure  de  Franz  Schubert,  restée  si  populaire  à  Vienne. 

j%  Prague.  —  Naudin  vient  de  terminer  ses  représentations  avec  le 
succès  le  plus  éclatant.  Par  la  délicatesse  infinie  de  ses  nuances  dans 
l'emploi  de  la  voix  claire  et  sombre,  par  l'union  merveilleuse  des  regis- 
tres, enfin,  par  la  méthode  la  plus  parfaite,  Naudin  a  captivé  aussi 
bien  le  public  que  les  musiciens  de  profession.  Ses  représentations  fe- 
ront époque  dans  les  annales  de  notre  théâtre. 


Avis  à  î33H.  les  Eullfears  de  musique. 

MM.  Brandus  et  Dufour  ont  fait  saisir,  chez  deux  éditeurs  de  Paris, 
les  contrefaçons  d'un  air  de  ballet  de  la  Muette  de  Portici,  le  «SAL.EO, 
utilisé  plus  tard  par  M.  Auber,  pour  le  chant,  dans  le  Domino  noir.  Ces 
contrefaçons  ayant  été  publiées  de  bonne  foi  et  dans  la  fausse  idée  que 
c'était  un  air  national  intercalé  par  M.  Auber  dans  son  opéra,  tandis 
qu'il  est  entièrement  dû  à  l'illustre  compositeur,  MM.  Brandus  et  Du- 
four n'ont  point  voulu  intenter  d'action  judiciaire  aux  éditeurs  qui 
l'avaient  contrefait,  et  ils  ont  transigé  avec  eux.  Mais  comme  ils  sont 
informés  qu'induits  pareillement  en  erreur,  quelques  autres  de  leurs 
confrères  ont  placé  cet  air  dans  des  collections  et  des  méthodes, 
MM.  Brandus  et  Dufour,  auxquels  il  répugne  de  faire  pratiquer  de  nou- 
velles saisies,  les  prient  de  s'entendre  avec  eux  pour  sa  suppression 
partout  où  il  en  aurait  été  fait  usage. 


Le  Directeur  :  S.  DUFOUIt. 


En  vente  chez  J.  TRESSE,  galerie  de  Chartres,  2  et  3,  Palais-Royal. 


MEYERBEER 

Notes  biographiques 
Par   ARTHUR    POUGIN 

Prix  :  1  franc 


512 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  chez  GAMB0G1  frères,  éditeurs,  112,  rue  de  Richelieu  (Maison  Frascali),  Paris. 

DON    PASOUALE 


Opéra  bouiïe  en  trois  actes,  paroles  françaises  de 


et  G.  ÏAEZ, 


MUSIQUE   DE 


G.     DONIZETTI 

Représenté  à  Paris  pour  la  première  fois  (en  français)  au  théâtre  Lyrique  impérial,  le  9  septembre  1864. 

Partition  pour  piano  et  chant,  in-8°,  net  :  15  fr.    —    Partition  piano  solo,  net  :  10  fr, 

PIANO  SEUL 

Leduc 


Ouverture  par  Labarre 6     » 

Adam,  Six  airs  faciles 6     » 

—  Sérénade  (en  feuille) 2  50 

Benedict  (J.).  Nocturne 6    » 

—  Divertissement 6     • 

Berttnl.  Op.  446.  Sérénade  variée...  7  50 

Donlzettl.  Suite  de  valses 7  50 

Goldscumidt.  Op.  4.  Fantaisie  bril!.  9     » 

Herz  (Henri).  Op.  134.  Fantaisie  brill.  9     » 

Kontskl  (A.  de).  Op.  97.  Gr.  fantaisie  9     » 

Labarre.  Valse 3    » 

Lecarpentier.  Op.  72.   Sérénade  et 

rondo 6    » 


SUITE  DU  PIANO  SEUL 

1 2°  bagatelle  sur  la  sérénade 

(très-facile) 5  » 

Louis  (N.).  Op.  127.  Rondo 5  » 

Micucnx .  Op.  77.  Trois  fantaisies  : 

1 .  Très-facile 5  » 

2.  Facile 5  » 

3 .  Morceau  de  salon 5  » 

Prudent.  Op.  13.  Quatuor  varié...  9  » 

Rosellen.  Op.  53.  Fantaisie 9  » 

Thalberg.  Op.  67.  Grande  fantaisie  40  » 

—      Op.  67  bis.  Sérénade  extraite..  7  50 
Vos»  (Ch.).  Op.  146.  Grande  fantaisie 

brillante 7  50 

Wolff.  Op.  81.  Boléro 6  » 


PIANO  A  QUATRE  MAINS 

Ouverture  par  Labarre 

Berlini .  Op.  146.  Sérénade 

Donlzettl.  Suite  de  valses 

Louis  (N.).  Op.  434.  Variations  brill. 

Bosellen .  Op .  53 .  Fantaisie 

HARMONIUM 
Daussoigne-Mébul.  Fantaisie  avec 

piano 

Engel.  Fantaisie  (solo) 

Frelon.  Quatuor  transcrit  avec  piano 
Lef ébure-Wély .  Op.  27.  Fantaisie 

(solo) 

PIANO  ET  VIOLON 
Gorla  et  Berman.  Op.  29.  Duo  de 

concert 

Louis  (N.).  Op.  431.  Andante  et  rondo 


7  50 
9    » 


—      Op.  73.  Cavatine 5 

Arrangements  divers  pour  Violoncelle  avec  Piano,  Violon  seul,  Flûte,  Hautbois,  Cornet  à  pistons 

Harmonie  militaire,  etc.  —  Danses  pour  le  Piano  à  deux  et  à  quatre  mains. 


Chez    G.    BRANDUS    et    S.    DUFOUR,    éditeurs,    à    Paris,    103,    rue     de    Richelieu,    au    Ie 

L'ESPÉRANCE 


Prix  :  6  fr. 


Chœur  religieux 


Transcrit  pour  le  Piano  Prix  :  6  fr. 

PAR 


G.    Rosstiii  Paul    Bernard 

DU  MÊME  AUTEUR,  PUBLIÉ  PRÉCÉDEMMENT  : 


Transcription 
pour  le  piano,  la 


CI1AI&ITE2      aS^Sr  I  pourTiïSTde     LA   FOI 


Chœur  religieux 
de  Rossini. 


OPERAS    CELEBRES 

Transcriptions  et  Fantaisies  pour  la  flûte  avec  accompagnement  de  Piano, 

HENEI     AL 


Première  flûte  à  l'Académie  impériale  de  musique,  membre  de  la  Société  des  concerts  et  de  la  musique  de  l'Empereur. 


1"  livraison.  —  Op.  16. 

ROBERT  LE  DIABLE 


N"  1. 
Transcription . 

Prix  :  7  50. 


N°  2. 
Fantaisie. 

Prix  :  7  50. 

i"  livraison. 


2e  livraison.  —  Op.  n. 

LES  HUGUENOTS 


N"  1. 
Fantaisie. 

Prix  :  9  fr. 


N°  2. 
Caprice. 

Prix  :  7  50. 


3e  livraison.  —  Op.  18. 

LE   PROPHÈTE 


L'ETOILE  DU  NORD      -    LE 


N°  1. 
Transcription. 

Prix  :  1  50. 
Op.  49. 


N°  2. 
Fantaisie. 

Prix  :  9  fr. 


N°  1.  —  Fantaisie.  —  Prix  :  9  franc3. 


Ko  2.  —  Fantaisie.  —  Prix  :  9  francs. 


JE1NNE    Lia    EOiSS 

N"  1.                                                                                     €  liait  s  on  N°  2. 

Soprano  ou  Ténor.                        Tirée  du  roman  :  MADEMOISELLE  CLÉOPATRE.  Baryton  ou  Contralto. 

Prix  :  3  francs.            Paroles    de    M.    ARSÈNE    HOUSSAYE,    mise    en    musique  Prix  :  3  francs. 

Et  dédiée  à  Mlle  DÉSIRÉE  ARTOT  par 


mmw 


IuPBIUEBIE  CEHTBAIE  DE  N&POIÉON  CHAIX    ET  C,  BUE  BEI!  GEBE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD1  DES   ITALIENS,  1. 


3!c  Année, 


2  Octobre  1864. 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  ti  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Librairi 

et  aui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24   r.  pur  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse. ...    30  <i       id. 

Étranger 34  »       id. 

Le  Journal  paruit  lr  Dininnrhe. 


DE     PARIS 


SOMMAIRE .  —  Biographie  universelle  des  musiciens  :  François-  Joseph  Fétis 
(3e  article).  —  Théâtre  des  Bouffes  -  Parisiens  :  réouverture;  le  Manoir  des 
La  Renardière,  opérette -bouffe  en  un  acte,  paroles  de  M.  Mestépès,  musique 
de  M.  Emile  Jonas.  —  Devienne  (4°  article),  par  Arthur  Pongin.  — 
Revue  critique.  —  Nouvelles  et  annonces. 


BIOGRAPHIE  UNIVERSELLE  DES  MUSICIENS. 

(SECONDE   ÉDITION.) 

FÉTIS  (Français- Joseph) . 

(3e  article)  (1). 

Vers  la  fin  de  1826,  engagé  dans  de  grands  travaux  de  différents 
genres,  il  conçut  un  projet  que  plusieurs  de  ses  amis  condamnèrent 
comme  téméraire,  et  dont  ils  considérèrent  la  réalisation  comme  im- 
possible :  ce  projet  était  celui  d'un  journal  uniquement  consacré  à 
la  musique.  Jamais  publication  de  ce  genre  n'avait  pu  subsister  en 
France,  car  personne  (les  musiciens  pas  plus  que  d'autres)  ne  lisait  ce 
qui  concerne  la  musique,  et  l'on  ne  croyait  pas  qu'il  fût  possible  de 
former  une  classe  de  lecteurs  pour  un  écrit  spécialement  consacré  à 
cet  art.  Dans  le  premier  projet  de  Fétis,  Castil-Blaze  devait  s'asso- 
cier à  lui,  et  se  charger  de  rendre  compte  des  représentations  d'o- 
péras et  des  concerts.  Mais  des  engagements  antérieurs  ne  permi- 
rent pas  à  ce  critique  de  prendre  part  à  la  nouvelle  entreprise 
projetée,  et  Fétis  prit  dès  lors  la  résolution  de  faire  seul  ce  journal, 
convaincu  qu'il  y  aurait,  dans  l'unité  de  doctrine  et  de  vues  d'un 
tel  écrit,  avantage  pour  le  public  et  pour  l'art.  C'est  contre  ce  projet 
gigantesque  que  s'élevèrent  les  amis  de  Fétis,  persuadés  que  les 
forces  d'un  seul  homme  ne  pourraient  y  suffire.  Cependant,  ils  ne 
purent  ébranler  sa  résolution,  et  la  Revue  musicale  parut  pour  la 
première  fois  au  commencement  du  mois  de  février  1827,  et  fut 
continuée  sans  interruption  jusqu'à  la  fin  de  la  huitième  année,  au 
mois  de  novembre  1835.  A  l'exception  de  dix  ou  douze  articles,  Fétis 
rédigea  seul  les  cinq  premières  années,  dont  l'ensemble  forme  en- 
viron la  valeur  de  huit  mille  pages,  in-8°  ordinaire.  Pendant  les  trois 

(1)  Voir  les  n01  38  et  39. 


premières  années,  il  donna  chaque  semaine  vingt-quatre  pages  d'im- 
pression, d'un  caractère  petit  et  serré,  et  la  quatrième  année,  trente- 
deux  pages  d'un  plus  grand  format.  Pendant  ce  temps,  il  lui  fallut 
assister  à  toutes  les  représentations  d'opéras  nouveaux,  aux  reprises 
des  anciens,  aux  débuts  des  chanteurs,  aux  concerts  de  tout  genre, 
visiter  les  écoles  de  musique ,  s'enquérir  des  nouveaux  systèmes 
d'enseignement,  visiter  les  ateliers  des  facteurs  d'instruments  pour 
rendre  compte  des  nouvelles  inventions  ou  des  perfectionnements, 
analyser  ce  qui  paraissait  de  plus  important  dans  la  musique  nou 
velle,  lire  ce  qui  était  publié,  en  France  ou  dans  les  pays  étran- 
gers, sur  la  théorie,  la  didactique  ou  l'histoire  de  la  musique,  pren- 
dre connaissance  des  journaux  relatifs  à  cet  art  publiés  en  Allemagne, 
en  Italie  et  en  Angleterre,  et  même  consulter  un  grand  nombre  de 
Revues  scientifiques,  pour  les  faits  négligés  par  ces  journaux  ;  enfin, 
entretenir  une  correspondance  active,  et  tout  cela  sans  négliger  les 
devoirs  de  professeur  de  composition  au  Conservatoire,  et  sans  in- 
terrompre d'autres  travaux  sérieux.  Quelquefois  même,  des  circon- 
stances inattendues  l'obligeaient  à  entreprendre  des  ouvrages  aux- 
quels il  n'était  pas  préparé;  c'est  ainsi  qu'en  1828  il  écrivit  un 
mémoire  de  56  pages  in-4°,  sur  une  question  mise  au  concours  par 
l'Institut  des  Pays-Bas,  concernant  le  mérite  et  l'influence  des  musi- 
ciens belges  pendant  les  xive,  xve  et  xvie  siècles,  et  qu'en  1839  il 
céda  aux  instances  d'un  libraire,  en  composant  la  Musique  mise  à 
la  portée  de  tout  le  monde,  ouvrage  destiné  à  donner  des  notions  de 
toutes  les  parties  de  la  musique  aux  personnes  qui  ne  sont  pas  mu- 
siciennes. Il  était  peut-être  impossible  qu'au  milieu  de  tant  d'activité 
et  dans  une  rédaction  si  rapide,  il  ne  se  glissât  point  des  erreurs  de 
faits,  et  sans  doute  on  peut  en  signaler  plusieurs  ;  mais  il  ne  faut 
pas  oublier  que  souvent  les  articles  étaient  improvisés  dans  l'impri- 
merie, lorsque  la  copie  manquait  pour  remplir  le  journal,  ou  lorsque 
quelque  circonstance  obligeait  à  changer  inopinément,  et  au  moment 
de  mettre  sous  presse,  la  disposition  primitivement  adoptée. 

Des  négligences  de  style  se  font  aussi  remarquer  dans  la  rédac- 
tion de  la  Revue  musicale  ;  les  mêmes  considérations  peuvent  peut- 
être  leur  servir  d'excuse.  Il  est  bon  de  remarquer  d'ailleurs  que, 
pendant  plusieurs  années,  Fétis  a  rédigé  le  feuilleton  musical  du 
journal  intitulé  le  Temps,  conjointement  avec  la  Revue,  et  qu'il  a 
même  plusieurs  fois  écrit  trois  articles  dans  le  même  jour  sur  un 
opéra  nouveau;  de  ces  trois  articles,  qui  formaient  ensemble  à  peu 


314 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


près  vingt -cinq  pages  in-8"  d'impression,  un  était  destiné  à  la  Revue 
musicale,  le  second  au  Temps,  le  troisième  au  National  ;  dans  cha- 
cun d'eux,  l'ouvrage  était  considéré  sous  un  aspect  différent;  tous 
les  trois  paraissaient  le  même  jour,  c'est-à-dire  le  surlendemain  de  la 
représentation.  Malgré  ses  imperfections,  la  Revue  musicale  a  joui 
de  beaucoup  de  faveur  auprès  des  amateurs  de  musique;  aujour- 
d'hui même  qu'elle  a  cessé  de  paraître,  parce  que,  éloigné  de  Paris, 
son  ancien  rédacteur  n'y  pouvait  plus  donner  de  soins,  elle  est  con- 
sidérée comme  un  livre  de  bibliothèque  ;  les  exemplaires  en  sont  re- 
cherchés et  se  vendent  cher,  parce  que  toutes  les  questions  de 
quelque  importance  y  ont  été  agitées  et  traitées  avec  développe- 
ment, et  parce  qu'on  y  aperçoit  partout  les  vues  consciencieuses 
d'un  artiste  qui  se  dévoue  à  son  art.  Ce  journal  a  d'ailleurs  pro- 
duit un  grand  bien  en  France  ;  il  y  a  augmenté  le  nombre  des  ama- 
teurs de  musique,  a  échauffé  leur  zèle,  fait  fonder  en  beaucoup  de 
lieux  des  écoles  et  des  concerts  publics  ;  a  formé  des  lecteurs  à  la 
littérature  musicale  et  des  critiques  pour  les  journaux  ;  l'érudition 
en  musique  a  même  fait  tant  de  progrès  parmi  les  Français,  depuis 
la  publication  de  la  Revue,  que  les  livres  qui  y  sont  relatifs,  et  qui 
étaient  autrefois  dédaignés,  se  vendent  maintenant  à  des  prix  très- 
élevés. 

Dans  plusieurs  écrits,  Fétis  avait  essayé  de  démontrer  que  l'his- 
toire de  l'art  indique  un  développement  progressif  dans  les  formes, 
et  d'avancement  dans  les  moyens,  mais  qu'il  n'y  a  eu  que  transfor- 
mation dans  l'objet,  qui  est  d'émouvoir.  Il  lui  semblait  d'autant  plus 
nécessaire  d'insister  sur  ce  point,  que  des  préjugés  contraires,  ré- 
pandus non-seulement  parmi  les  gens  du  monde,  mais  aussi  chez  les 
artistes,  font  considérer  la  musique  comme  étant  dans  une  progres- 
sion incessante  ;  ce  qui  a  pour  résultats  inévitables  de  faire  rejeter 
comme  suranné  tout  ce  qui  n'est  pas  de  l'époque  actuelle,  d'ébran- 
ler la  foi  de  l'artiste  en  la  réalité  de  son  art,  de  ne  présenter  les 
émotions  de  générations  passées  que  comme  de  puériles  illusions, 
enfin,  de  n'offrir  l'histoire  des  monuments  de  la  musique  que  comme 
celle  de  tristes  débris  d'un  monde  à  jamais  oublié.  Si  des  acquisi- 
tions de  moyens  physiques  sont  faites,  on  perd,  en  mettant  trop  de 
prix  à  ces  moyens,  du  côté  de  la  naïveté  de  la  pensée;  on  se  for- 
mule, et  l'état  d'excitation  dans  lequel  on  se  tient  incessamment 
émousse  le  principe  de  la  sensibilité.  Cette  opinion  toutefois  faisait 
peu  de  conversions,  parce  qu'elle  avait  à  combattre  une  actualité 
sans  cesse  agissante.  En  1832,  Fétis  conçut  le  plan  de  ses  concerts 
historiques,  comme  le  meilleur  moyen  de  triompher  des  résistances 
des  plus  incrédules.  Cette  heureuse  idée,  accueillie  avec  enthou- 
siasme, a  porté  ses  fruits,  et  les  concerts  de  la  musique  des  xvie  et 
xvne  siècles,  ainsi  que  celui  de  l'origine  et  des  développements  de 
l'Opéra  en  Italie,  en  France  et  en  Allemagne,  ont  prouvé,  par  le  vif 
intérêt  qu'ils  ont  excité,  que  les  assertions  de  Fétis ,  à  l'égard  des 
qualités  distinctives  de  l'art  à  toutes  les  époques,  étaient  dans  le 
vrai.  Et  pourtant,  malgré  ses  soins,  il  ne  put  parvenir  qu'à  une  exé- 
cution fort  imparfaite,  à  cause  de  la  difficulté  de  faire  les  études 
convenables  pour  bien  rendre  la  musique  ancienne,  à  moins  que  ce 
ne  soit  dans  une  école  dirigée  par  une  intelligente  et  puissante  vo- 
lonté. D'après  le  succès  éclatant  obtenu  par  ces  concerts  en  l'état 
d'imperfection  où  il  a  fallu  les  donner,  on  peut  juger  de  l'effet  pro- 
digieux qu'ils  auraient  produit  si  les  morceaux  de  musique  y  eussent 
été  rendus  avec  le  fini,  l'ensemble  désirable,  et  dans  leur  véritable 
sentiment.  Cette  belle  œuvre  d'art  se  réalisera  peut-être  quelque 
jour. 

Peu  de  temps  après  que  le  premier  concert  historique  eut  été 
donné,  et  après  avoir  vu  son  succès,  Fétis  voulut  essayer  l'effet  que 
produirait  sur  un  certain  nombre  d'artistes  et  d'amateurs  un  cours 
de  la  philosophie  et  de  l'histoire  de  la  musique,  établi  sur  un  en- 
semble nouveau  d'idées  et  de  faits,  résultat  de  vingt  années  de  ré- 


flexions et  de  travaux  ;  il  ouvrit  ce  cours  gratuit  au  mois  de  juillet 
1832.  Dans  les  leçons  qu'il  y  fit,  il  n'aborda  que  quelques-unes  des 
questions  qui  sont  l'objet  de  l'ouvrage  qu'il  publiera  sous  le  titre  de 
Philosophie  de  la  musique;  mais  ces  questions  excitèrent  le  plus  vif 
intérêt.  Il  établit  :  1"  que  l'oreille  n'est  qu'un  organe  de  perception 
qui  n'apprécie  pas  les  rapports  des  sons,  et  que  cette  appréciation 
est  l'acte  d'une  faculté  spéciale;  2°  que  cette  faculté  d'appréciation 
des  rapports  des  sons  n'établit  pas  d'une  manière  absolue  les  idées 
de  convenance  ou  d'inconvenance  de  ces  rapports,  mais  qu'elle  for- 
mule ces  idées  en  raison  de  l'ordre  de  faits  au  milieu  desquels  se 
trouve  placé  l'individu  soumis  à  l'action  des  sons  et  des  habitudes  de 
perception  qu'il  a  contractées  dès  sa  naissance  ;  assertion  qu'il  dé- 
montrait par  la  diversité  des  échelles  musicales  en  usage  chez  diffé- 
rents peuples,  et  par  les  sensations  opposées  qu'elles  développent 
chez  les  individus  qui  y  sont  accoutumés  et  chez  ceux  qui  y  sont 
étrangers.  Cette  considération  le  conduisit  à  examiner  les  conforma- 
tions des  différentes  échelles  de  sons  qui  ont  été  en  usage  jusqu'à 
ce  jour  ;  il  démontra  que  chacune  a  été  destinée  à  un  objet  particu- 
lier ;  enfin  que,  chacune,  suivant  sa  constitution,  a  eu  des  résultats 
nécessaires  et  conformes  à  cet  objet.  3°  Il  classa  ces  échelles  musicales 
en  rationnelles  et  irrationnelles,  inharmoniques  et  harmoniques,  et  fit 
voir  que  ce  n'est  pas  seulement  par  la  nature  des  intervalles  des  sons 
que  chacune  de  ces  gammes  a  un  caractère  particulier,  mais  aussi 
par  l'ordre  dans  lequel  ces  intervalles  sont  rangés  ;  car  la  gamme 
moderne  du  ton  d'ut  majeur,  par  exemple,  étant  commencée  par  fa, 
la  tonalité  change  à  l'instant,  parce  que  l'ordre  des  intervalles  est  in- 
terverti; les  mélodies  deviennent  étranges,  et  la  plupart  des  com- 
binaisons et  des  successions  harmoniques  cessent  d'exister.  Telle  est 
la  constitution  d'une  gamme  majeure  de  la  musique  des  Chinois. 
Cette  considération  conduisit  le  professeur  à  faire  remarquer  que  la 
division  mathématique  d'une  corde  et  les  rapports  de  nombres  par 
lesquels  se  déterminent  les  proportions  des  intervalles,  sont  impuis- 
sants à  former  une  échelle  musicale,  parce  que,  dans  ces  opérations 
numériques,  les  intervalles  se  présentent  comme  des  faits  isolés, 
sans  liaison  nécessaire  entre  eux,  et  sans  que  rien  détermine  l'ordre 
dans  lequel  ils  doivent  être  enchaînés;  d'où  il  conclut  que  toute 
gamme  ou  échelle  musicale  est  le  produit  d'une  loi  métaphysique, 
né  de  certains  besoins  ou  de  certaines  circonstances  relatives  à 
l'homme.  C'est  ainsi  qu'il  fit  voir  que  les  dispositions  lascives  des 
peuples  orientaux  ont  donné  naissance  aux  petits  intervalles  de  leur 
chant  langoureux;  que  le  découragement  des  peuples  asservis  a 
fait  naître  chez  tous  les  gammes  mineures  ;  enfin,  que  le  caractère 
de  dévotion  grave  et  de  calme  résignation,  qu'on  trouve  dans  la 
prière  des  chrétiens  catholiques  romains,  a  donné  naissance  à  la  to- 
nalité du  plain-chant,  dépouillé  de  tout  accent  passionné.  h°  Cette 
tonalité  du  plain-chant  servit  au  professeur  à  démontrer  invincible- 
ment que  toute  échelle  musicale  engendre  des  faits  analogues  à  sa 
nature;  ainsi,  la  note  sensible  n'existant  point  avec  un  rapport  au 
quatrième  degré,  dans  cette  tonalité,  l'harmonie  ne  pouvait  être  que 
consonnante,  et  seulement  mêlée  de  dissonances  artificielles  de  pro- 
longation. Or,  dans  un  tel  système  de  musique,  il  n'y  avait  point  de 
modulation  possible,  car  toute  modulation  se  fait  par  l'harmonie 
dissonante  naturelle  de  la  dominante;  s'il  y  avait  quelquefois  un 
changement  de  ton  dans  la  musique  de  la  tonalité  du  plain-chant, 
ce  changement  se  faisait  sans  liaison,  car  l'élément  de  la  transition 
n'existait  pas,  et  les  efforts  de  Vicentino,  de  Marenzio  et  d'autres, 
pour  faire  de  la  musique  chromatique,  échouèrent  contre  cette  diffi- 
culté, ce  que  n'ont  pas  vu  ceux  qui  ont  parlé  de  ces  choses.  Il  suit 
de  là  que  la  musique  composée  dans  le  système  de  la  tonalité  du 
plain-chant  est  unilonique,  c'est-à-dire  d'un  seul  ton.  5°  Lorsqu'un 
compositeur  osa  faire  entendre  dans  les  dernières  années  du 
xvie  siècle  l'harmonie  dissonante  naturelle,  il   crut  ne  faire  qu'une 


DE  PARIS. 


315 


nouveauté  hardie  d'harmonie  ;  mais  il  changea  tout  à  coup  la  tona- 
lité, en  créant   la  véritable  note  sensible,  par  son   rapport  avec   le 
quatrième  degré.  Dès  lors  l'accent  passionné  fut  trouvé  ;  la  musique 
dramatique  en  fut  le  résultat  immédiat,  et  la    musique  religieuse 
commença  à   s'altérer,  en    perdant  son  caractère  calme  et  grave; 
l'élément  de  la  transition  existait,  et  la  musique  devint  transitaniquc. 
Tout  était  lié  dans  ce  nouveau  système  comme  dans   le  précédent. 
6°  Plus  tard,  le  désir  de  multiplier  les  accents  passionnés  a  fait  ima- 
giner d'altérer  les  notes  naturelles  dos  accords,  pour  leur  donner  des 
attractions  ascendantes  ou  descendantes  ;  au  moyen  de   ces  attrac- 
tions, appelées  enharmonies,  on  est  parvenu  à  multiplier  les   rela- 
tions d'un  ton  avec  d'autres  tons;  de  telle  sorte  qu'une  même  note 
et  une  même  harmonie  peuvent  se  résoudre  en  plusieurs  tons  diffé- 
rents; d'où  résulte  un  système  de  tonalité  multiple  désigné  par  Fétis 
sous  le  nom  d'ordre  pluritonique.  Ce  système  est  celui  qui  est  main- 
tenant communément  employé.    Ce    professeur,  l'imaginant  à  priori 
poussé  jusqu'à  ses  dernières  limites,  l'a  formulé  de  cette  manière  : 
Un  son  étant  donné,  trouver  des  combinaisons  harmoniques  par  les- 
quelles il  puisse  se  résoudre  dans  tous  les  tons,  et   dans   tous  les 
modes,  et  il  a  trouvé  toutes  ces  combinaisons  en  généralisant  le  prin- 
cipe de  l'altération.  Ainsi  s'est  trouvé  complété  de  la  manière  la  plus 
absolue,  le  système  général  de  la  génération  harmonique  qu'il  avait 
commencé  à  formuler  en  1816.  L'étonnement  de  son  auditoire  fut 
porté  à  l'excès  quand   on  entendit  quelques-unes  de  ces  combinai- 
sons, dont  les  résolutions  étaient  complètement  inattendues.  Fétis  a 
donné  le  nom  d'omnitonique  à  ce  système  de  succession  harmonique. 
S'arrêtant  à  ce  point  où  il  était  arrivé,  il  a  fait  remarquer  que  tout 
ce  qu'il  venait  d'avancer,  sut  ces  diverses  transformations  de  tona- 
lité, était  prouvé  par  les  monuments  de  l'histoire  de  l'art.  C'est  aussi 
en  cet  endroit  qu'il   a  démontré  que  dans  l'ordre  pluritonique,  et, 
à  fortiori,  dans  l'omnitonique,  la  justesse  invariable,  c'est-à-dire  la 
proportion  exacte  des  intervalles  ,  n'existe  pas  plus  que  le  tempéra- 
ment, parce  que  les  altérations  momentanées  des  notes  des  accords 
font  naître  de  perpétuelles  appellations  ascendantes  ou  descendantes, 
qui  obligent  les  musiciens  doués  d'un  instinct  délicat  à  modifier  in- 
cessamment les  intonations.  Depuis  lors  il  a  fait  une  suite  d'expé- 
riences très- minutieuses  par  lesquelles  il  est  parvenu  à  déterminer 
le  nombre  de  vibrations  dont  les  notes  altérées  diffèrent  en  raison 
de  leurs  combinaisons  et  de  leurs  résolutions.  Le  système  d'harmonie, 
et  celui  de  contre-point  ou  de  l'art  d'écrire,  exposés  dans  les  livres 
publiés  par  Fétis,  ou  inédits,  ainsi  que  son  Histoire  générale  de  la 
musique,  ne  sont  que  les  développements  de  cette  philosophie  des 
tonalités,  et  des  rapports  de  celles-ci  avec  l'organisation  humaine. 
Un  travail  analogue  a  été  fait  par  lui   sur  la  mesure,  le  rhythme  et 
la  sonorité,  matières  neuves  qui,  développées  dans  la  Philosophie  de 
la  musique,  feront  connaître  à  priori  la  destination  future  de  l'art, 
et  qui  pour  la  première  fois  présenteront  cet  art  dans  un  système 
homogène  et  complet,  d'accord  avec  ce  qu'enseigne  l'expérience  de 
tous  les  temps  et  avec  les  faits  historiques. 

(La  suite  prochainement.) 


THEATRE  DES  BOUFFES -PARISIENS. 

RÉOUVERTURE. 
liE  KAKOIB  DES  LA  RENARDIERE, 

Opérette-bouffe  en  un  acte,  paroles  de  M.  Mestépès,  musique  de 

M.  Emile  Jonas. 

(Première  représentation  le  29  septembre  1864.) 

Annoncée  d'abord  pour  le  20  septembre,  la  réouverture  des  Bouf- 


fes-Parisiens a  eu  lieu  le  29,  non  sans  quelques  tiraillements  provo- 
qués par  le  changement  de  direction  de  ce  théâtre.  Nous  nous  abs- 
tiendrons de  rechercher  les  causes  de  la  petite  révolution  de  palais 
qui  a  décidé  M.  Varney  à  donner  sa  démission,  et  brouillé  Jacques 
Offenbach  avec  le  théâtre.  11  ne  nous  appartient  pas  de  mettre  im- 
prudemment notre  doigt  entre  l'arbre  et  l'écorce  ;  tout  ce  que  nous 
pouvons  faire,  c'est  de  juger  la  nouvelle  direction  selon  ses  œuvres, 
et  nous  userons  de  ce  droit-là. 

Ainsi,  il  avait  été  question  d'un  opéra-féerie,  de  Grisar,  pour  le 
début  de  la  saison  ;  et,  au  lieu  de  cela,  que  nous  ont-ils  donné  ? 
Deux  reprises  d'anciennes  pièces,  M'sieu  Landry  et  les  Dames  de  la 
Halle,  plus  une  nouveauté  en  un  acte,  le  Manoir  des  la  Renardière. 
Franchement,  le  programme  laissait  à  désirer. 

Nous  croyons  d'ailleurs  que  la  direction  est  bien  près  de  se  four- 
voyer en  prenant  pour  enseigne  la  fantaisie  sans  Offenbach.  Certes, 
même  avec  l'auteur  d'Orphée,  c'est  un  genre  dont  il  ne  faut  pas  abu- 
ser; mais,  en  dehors  de  lui,  il  n'en  faut  pas  user  du  tout. 

Le  Manoir  des  la  Renardière  ne  supporte  guère  l'analyse  ;  c'est  ce 
qu'on  appelle  vulgairement  une  scie  montée  par  un  petit  paysan  amou- 
reux, pour  dégoûter  des  marchands  de  la  rue  Saint-Denis  de  venir 
habiter  un  château  qu'ils  ont  acquis  à  beaux  deniers  comptants.  Le 
marquis  et  la  marquise  de  la  Renardière,  escortés  d'un  crétin  de  va- 
let qui  est  épris  des  charmes  plantureux  de  sa  maîtresse,  résistent 
tout  d'abord  au  mauvais  vouloir  de  leurs  vassaux;  mais  le  hé- 
ros d'une  certaine  ballade  vient  les  hanter  pendant  leur  sommeil, 
sous  la  forme  d'un  pendu,  et  ils  se  hâtent  de  déguerpir  au  petit  jour, 
abandonnant  la  place  à  leurs  matois  persécuteurs. 

L'auteur  de  la  musique  de  cet  opéra  bouffe  est  M.  Emile  Jonas, 
professeur  au  Conservatoire,  dont  le  talent,  fin  et  distingué,  était 
digne  de  rencontrer  un  canevas  mieux  approprié  à  ses  aptitudes.  Il 
est  vrai  que,  dans  la  première  partie  surtout,  la  situation  hésite  à 
tourner  au  burlesque,  et  que  presque  tous  les  morceaux,  placés  au 
commencement  de  la  pièce,  reposent  sur  une  idée  plutôt  gracieuse 
que  bouffonne  ;  aussi  M.  Jonas  a-t-il  tiré  un  excellent  parti  de  deux 
gentils  couplets  pour  voix  de  femme,  d'un  duetto  et  d'un  terzetto 
qui  se  succèdent  avant  l'entrée  des  la  Renardière.  Nous  aimons 
moins  cette  entrée  avec  accompagnement  de  trompettes  à  treize  sons, 
et  la  ballade  du  pendu,  dont  nous  donnerions  volontiers  tous  les  ef- 
fets tapageurs  pour  quelques  mesures  d'une  marche  en  sourdine 
très-réussie,  ou  pour  une  seule  phrase  de  l'ouverture  écrite  avec 
soin  dans  le  style  archaïque  qui  convient  à  cette  plaisanterie  féo- 
dale. 

Un  début  surprenant,  inattendu,  a  été,  à  coup  sûr,  celui  de 
Mlle  Clarisse  Miroy  dans  le  rôle  de  la  marquise  de  la  Renardière. 
Si  l'affiche  n'en  avait  fait  foi,  on  aurait  eu  peine  à  reconnaître,  dans 
cette  virago  de  carnaval,  la  touchante  interprète  de  la  Grâce  de 
Dieu,  ou  l'héroïne  dramatique  qui  donnait  si  noblement  la  réplique 
à  Frederick  Lemaître  dans  ses  plus  saisissantes  créations.  Convenons- 
en  néanmoins,  sous  quelque  aspect  qu'elle  se  présente,  Mlle  Clarisse 
Miroy  a  dans  les  veines  du  véritable  sang  d'artiste,  et  nous  pensons 
qu'elle  peut  rendre  d'utiles  services,  même  aux  Bouffes-Parisiens. 
Une  autre  débutante,  Mlle  Lovato,  jeune  ingénue,  sortie  récemment 
du  Conservatoire,  à  la  voix  sympathique,  n'a  pas  été  moins  bien 
accueillie.  Quant  à  Mlle  Irma  Marié ,  à  Désiré  ,  Messmackre  et 
Mlle  Simon,  on  les  a  revus  avec  plaisir  comme  d'anciennes  connais- 
sances. 


316 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


DEVIENNE. 

(4e  article)  (1). 

Par  celle  substantielle  analyse,  le  lecteur  peut  se  rendre  compte 
de  la  valeur  très-réelle  de  l'excellente  partition  des  Visitandines .  On 
a  vu  plus  haut  que  cet  opéra  avait  été  très-accueilli  parla  critique — 
telle  qu'elle  existait  à  cette  époque  ;  il  ne  le  fut  pas  moins  par  le 
public,  et  quarante-huit  représentations  de  l'ouvrage  données  du 
7  juillet,  jour  de  sa  création,  au  30  décembre  1792 ,  attestent  suffi- 
samment son  succès.  Mais  ce  succès  ne  se  borna  pas  là.  Devienne 
avait  donné  à  Feydeau,  le  10  décembre  de  la  même  année,  une  pe- 
tite pièce  en  deux  acles,  les  Quiproquos  espagnols,  dont  Dejaure, 
qui  fut  le  collaborateur  de  Kreutzer,  de  Berton  et  de  Boïeldieu,  avait 
écrit  le  poëme.  Cette  bluette  fit  une  chute  à  peu  près  complète  et 
ne  fut  jouée  que  trois  fois.  Devienne  reprit  alors  en  sous-œuvre, 
avec  son  ami  Picard,  les  bienheureuses  Visitandines  ;  un  acte  fut 
ajouté  à  la  pièce,  et  celle-ci  fut  représentée  sous  cette  nouvelle 
forme  le  5  juin  1793.  Chose  bien  rare,  l'ouvrage,  ainsi  transformé, 
fut  accueilli  par  le  public  avec  une  nouvelle  faveur  et  obtint  un  re- 
gain de  succès  qui  se  traduisit  par  plus  de  soixante  représentations . 
Il  n'en  avait  pas  moins  en  province,  où  on  le  jouait  partout,  et  à 
Paris  même,  lorsque  de  nombreux  théâtres  se  furent  établis  à  la 
suite  du  système  de  liberté  créé  par  la  Convention,  c'était  à  qui 
monterait  cet  opéra,  dont  la  foule  était  affolée.  le  remarque,  entre 
autres,  le  théâtre  lyri-comique  (ci-devant  Mareux,  rue  Saint-Antoine, 
46),  qui  reprit  les  Visitandines  le  29  floréal  an  VII,  et  le  théâtre 
Louvois,  qui,  le  20  pluviôse  de  la  même  année,  faisait  avec  elles  sa 
réouverture. 

Et  ce  ne  fut  pas  là  une  fureur  d'un  moment;  on  peut  dire  que 
peu  d'œuvres  dramatiques  ont  eu  une  carrière  aussi  longue  et  aussi 
fortunée.  Remontées  et  offertes  de  nouveau  au  public  de  l'Opéra- 
Comique  le  5  février  1809,  interdites,  en  raison  du  sujet  de  la  pièce, 
pendant  tout  le  règne  de  Louis  XVIII,  reprises  au  même  théâtre  le 
5  mars  1815,  avec  quelques  changements  et  sous  le  titre  du  Pen- 
sionnat de  jeunes  Demoiselles  (1),  les  Visitandines  furent  jouées  de 
nouveau  à  l'Odéou  sons  un  troisième  titre,  les  Français  au  Sérail, 
le  28  juin  suivant  (2).  Enfin,  la  dernière  reprise  de  l'ouvrage  eut 
lieu  au  théâtre  Lyrique  le  11  février  1852,  juste  soixante  ans  après 
sa  création.  En  matière  d'art,  le  succès  ne  répond  pas  toujours  à  la 
valeur  du  travail  de  l'artiste;  mais  pour  qu'une  œuvre,  une  œuvre 
musicale  surtout,  atteigne  ce  degré  de  longévité,  il  faut,  nul  ne  peut 
le  nier,  qu'elle  renferme  des  qualités  sérieuses,  et  qu'elle  soit  édifiée 
sur  des  bases  solides  et  inaltérables. 

La  partition  des  Visitandines  a  été  gravée  et  dédiée  par  Devienne 
«  à  M.  Louis  Maillard,  »  son  beau-père.  Je  ne  dois  pas  oublier  de 
mentionner  que  l'ouvrage,  présenté  d'abord  par  les  auteurs  aux  ar- 
tistes sociétaires  du  théâtre  Favart,  avait  été  refusé  par  ceux-ci,  qui 
se  mordirent  les  doigts  de  leur  maladresse  en  voyant  leurs  camara- 
des de  Feydeau  encaisser  avec  lui  de  magnifiques  recettes. 


(1)  Voir  les  n01  31,  32  et  39. 

(1)  Les  modifications  apportées  au  poëme  avaient  été  opérées  par  Vial,  mais  la 
musique  avait  été  scrupuleusement  respectée.  Les  rôles  étaient  tenus  alors  par 
Ponchard,  Féréol,  Cassel,  Vizentini,  Darancourt,  et  Mmes  Paul,  Belmont  et  Ca- 
simir. A  la  création,  les  principaux  personnages  avaient  été  remplis  par  Ga- 
veaux,  Châteaufort,  Mmes  Scio  et  Verteuil. 

(2)  Cette  fois,  les  changements  étaient  plus  considérables,  et  la  pièce  avait  été 
réduite  en  un  acte.  Tois  hommes  de  lettres  avaient  cru  devoir  prendre  part  à 
cette  transformation  :  c'était  Hyacinthe,  Albertin  et  Fleury. 


III. 


Devienne  avait  trente -deux  ans  seulement  lorsqu'il  remporta,  avec 
ses  charmantes  Visitandines,  un  de  ces  succès  qui  marquent  et  font 
époque,  non-seulement  dans  la  vie  d'un  artiste,  mais  encore  dans 
l'histoire  de  l'art.  Dans  cet  ouvrage,  en  effet,  Devienne  semblait,  pour 
la  solidité  du  fond  aussi  bien  que  pour  l'élégance  et  la  beauté  de  la 
forme,  procéder  directement  de  l'aimable  auteur  de  Biaise  et  Babet  et 
des  Trois  Fermiers,  de  Dezèdes  en  un  mot,  lequel,  lui-même,  procédait 
de  Philidor,  artiste  ignoré  et  méconnu  aujourd'hui ,  mais  qui  demeure 
néanmoins  l'un  des  musiciens  les  plus  complets  et  les  mieux  doués 
dont  la  France  ait  jamais  pu  s'enorgueillir.  Cette  brillante  victoire  lui 
ouvrait  une  carrière  belle  et  souriante  ;  aussi,  à  partir  de  ce  moment, 
sa  réputation  fut-elle  solidement  établie,  et  fut-il  considéré  comme 
l'un  des  soutiens  futurs  les  plus  dignes  et  les  plus  fermes  de  la  jeune 
école  musicale  française,  de  cette  école  qui  commençait  à  se  renou- 
veler vaillamment  à  la  faveur  du  régime  de  liberté  appliqué  au  théâ- 
tre, et  à  la  tête  de  laquelle  on  allait  voir  se  placer  bientôt  Méhul, 
Cherubini,  Lesueur,  Berton,  Boïeldieu,  Nicolo,  entourés  de  beaucoup 
d'autres  moins  célèbres,  mais  dont  le  talent,  pour  n'être  pas  aussi 
complet,  n'en  était  pas  moins  très-réel  et  très-vivace. 

Le  hasard  voulait  justement  que  Devienne  se  trouvât  bientôt  en 
contact  immédiat  avec  quelques-uns  de  ses  confrères  qui,  plus  heureux 
que  lui,  étaient  appelés  à  vivre  assez  pour  avoir  le  temps  d'affermir 
leur  renommée  et  de  forcer  la  postérité  à  conserver  le  sou- 
venir de  leur  nom  et  de  leurs  travaux.  Il  allait  entrer  eu  collabora- 
tion avec  onze  autres  compositeurs  pour  la  partition  d'un  de  ces 
ouvrages  baroques  comme  on  en  voit  tant  naître  dans  les  temps  de 
troubles  civils,  ouvrage  dont  la  destinée  devait  être  bien  éphémère, 
et  que  tout  le  talent  des  musiciens  fut  impuissant  à  sauver  du  nau- 
frage. 

Le  8  ventôse  an  II  (26  février  1794),  le  théâtre  Favart,  qui  avait 
pris  depuis  peu  le  titre  $  Opéra-Comique  national,  représentait  pour 
la  première  fois  une  pièce  en  trois  actes  intitulée  le  Congrès  des  Rois. 
Les  paroles  de  cette  insanité  ridicule,  qui  n'était  qu'un  amas  de  sottes 
caricatures,  et  dans  laquelle  les  rois  européens  et  leurs  maîtresses,  le 
pape  et  Cagliostro,  le  bonnet  rouge  et  la  carmagnole  étaient  tour  à 
tour  présentés  au  public,  étaient  de  Desmaillots,  et  la  musique  avait 
été  écrite  par  Grétry,  Méhul,  Dalayrac,  Kreutzer,  Deshayes,  Solié, 
Eevienne,  Berton,  Jadin,  Trial  fils,  Cherubini  et  Blasius. 

Le  Journal  de  Paris  du  13  ventôse  s'exprime  ainsi  au  sujet  du 
Congrès  des  Rois,  après  en  avoir  donné  l'analyse  :  «  La  musique  de 
cette  pièce  composée  en  commun  par  plusieurs  auteurs  célèbres,  a 
été  fort  applaudie  ;  mais  vers  le  milieu  du  troisième  acte,  le  public 
a  commencé  à  témoigner  son  impatience  ;  et  la  mauvaise  exécution 
du  dernier  ballet  a  excité  un  mécontentement  général  qui  a  empêché 
de  finir  la  pièce.  » 

Au  reste,  elle  fut  défendue,  ainsi  que  nous  l'apprend  l'almanach 
intitulé  les  Spectacles  de  Paris  :  «  Pièce  mal  accueillie,— dit-il  en  la 
mentionnant, — et  arrêtée,  par  ordre,  au  moment  où  nous  écrivons.  » 

Le  21  thermidor  an  II  (9  août  1794) ,  Deviennne  donne  à  Fey- 
deau Rose  et  Aurèle,  pièce  en  un  acte  qu'il  avait  faite  en  collabora- 
tion avec  Picard,  et  qui  obtint  un  certain  succès ,  malgré  le  peu 
d'intérêt  répandu  dans  le  poëme  et  la  faiblesse  de  la  partition,  qui 
était  à  peu  près  nulle. 

Un  ouvrage  beaucoup  plus  important,  Agnès  et  Félix  ou  les  Deux 
Espiègles,  représenté  au  même  théâtre  le  5  fructidor  an  III  (22  août 
1795),  n'eut  pas  un  sort  aussi  heureux.  La  quasi-chute  de  cette  pièce 
fut  provoquée  par  les  allures  beaucoup  trop  libres,  le  dialogue  plus 
que  décolleté  du  poëme,  dû  pourtant  à  l'écrivain  chaste  et  filandreux 


DE  PARIS. 


317 


qui  devait,  quelques  années  plus  tard,  donner  le  jour  aux  insipides 
et  trop  célèbres  Lettres  à  Emilie. 

Tous  les  journaux  du  temps  s'accordent  à  trouver  la  pièce  détes- 
table :  la  Décade  dit  que  «  le  style  en  rappelle  trop  souvent  le  mot 
de  Beaumarchais  :  Ce  qui  ne  vaut  pas  la  peine  d'être  dit,  on  le 
chante;  »  et  Babault ,  dans  ses  Annales  dramatiques  ,  assure  que 
«  l'intrigue  de  cet  ouvrage  est  mal  conduite  »,  en  ajoutant  que  «  la 
musique  a  eu  du  succès.  » 

Devienne,  en  cette  occasion,  comme  en  la  suivante,  subit  donc  le 
sort  de  beaucoup  de  musiciens  et  paya  pour  son  collaborateur. 

Le  2  germinal  an  V  (22  mars  1797),  il  donnait  à  FavarL  un  acte 
intitulé  Volécour  ou  Un  tour  de  Page,  que  le  misérable  poème  de 
Favières  faisait  encore  tomber,  bien  que  ce  petit  ouvrage  fût  joué 
par  l'élite  de  la  troupe  ,  Michu  ,  Chenard  ,  Solié  ,  Saint- Aubin  , 
Mmes  Carline  et  Lefebvre. 

Malgré  quelques  changements  opérés  dans  le  poëme  à  la  seconde 
représentation,  Volécour  ne  put  se  soutenir  à  la  scène  et  ne  fut 
joué  que  trois  fois. 

Arthur  POUGIN. 
{La  suite  prochainement.) 


REVUE  CRITIQUE. 

A.  Jaël.  —  Nocturne  dramatique,  pour  piano. 

Non  -  seulement  Alfred  Jaël  est  un  éminent  pianiste,  dont  la  ré- 
putation, consacrée  par  les  nombreux  succès  qu'il  a  obtenus  à  Paris, 
est  devenue  européenne  depuis  ses  récents  voyages  à  l'étranger,  mais 
il  est  aussi  compositeur  très- distingué;  nous  n'en  voulons  pour  preuve 
que  ses  œuvres  dernières,  ses  transcriptions  du  Pardon  de  Plo'érmel  et 
du  Prophète,  ainsi  que  son  morceau  de  salon,  le  Carillon.  Il  faut  au- 
jourd'hui ajouter  à  cette  liste  d'oeuvres  vraiment  remarquables,  le  Noc- 
turne dramatique  qu'il  vient  de  faire  paraître.  C'est  une  page  impor- 
tante moins  par  son  étendue,  qui  est  très-bornée,  que  par  le  charme 
poétique  et  l'expression  d'originalité  dont  elle  porte  l'empreinte.  Elle 
débute  par  une  sorte  de  récitatif  en  arpèges  qui  sert  de  préparation 
à  un  thème  ravissant,  posé  d'abord  avec  une  grande  simplicité  par  la 
main  droite  ;  puis,  après  quelques  accords  passionnés,  le  chant  est  re- 
pris doucement  par  la  main  gauche,  et  va  s'éteignant  peu  à  peu,  tan- 
dis que  le  haut  du  clavier  s'y  marie  par  un  murmure  chromatique  et 
par  un  long  trille  d'un  effet  délicieux.  Ce  morceau,  joué  par  Alfred 
Jaëll  avec  la  perfection,  avec  la  grâce  rêveuse  et  distinguée  qui  lui 
sont  propres,  est  assurément  destiné  à  faire  sensation  dans  les  concerts 
de  la  saison  prochaine. 


Cbarles  Manry.  —  Six  Mélodies  et  une  Chanson. 

C'est  surtout  par  ses  compositions  religieuses  que  M.  Charles  Manry 
a  acquis  des  titres  sérieux  à  l'estime  des  connaisseurs.  Les  messes  qu'il 
a  fait  entendre  dans  les  principales  églises  de  Paris,  et  que  nous  avons 
appréciées  en  temps  et  lieu,  témoignent  d'une  grande  élévation  d'idées, 
en  même  temps  qu'elles  dénotent  une  connaissance  profonde  de  toutes 
les  ressources  de  l'harmonie.  Mais  le  talent  de  M.  Charles  Manry  ne  se 
renferme  pas  dans  une  spécialité  qui,  après  tout,  a  des  limites  qu'on 
ne  peut  franchir.  Il  a  écrit,  pour  les  instruments  et  les  voix,  des  pages 
profanes  que  le  théâtre  pourrait  revendiquer,  et  ses  gracieuses  inspi- 
rations ont  eu  les  honneurs  de  plus  d'un  concert.  Les  six  mélodies,  que 
nous  avons  sous  les  yeux,  remplissent  cette  dernière  condition  et  ne 
peuvent  manquer  d'obtenir,  dans  le  cours  de  la  saison  prochaine,  un 
succès  qu'elles  méritent  à  tous  égards.  Elles  ont  toutes  un  parfum  de 
distinction  et  de  délicatesse  qui  est  comme  le  cachet  du  compositeur, 
et  qui  ne  fait  qu'ajouter  un  charme  de  plus  à  la  variété  caractéristi- 
que de  chacune  d'elles.  Constatons  d'ailleurs  que  les  paroles  de  ses  mé- 
lodies sont  signées  de  noms  qui  font  autorité  en  poésie  et  en  littéra- 
ture. Les  Heures  sont  d'adorables  stances  de  Méry,  dont  la  pensée  a  été 
merveilleusement  traduite  par  le  musicien.  Libertas,  l'Amour  pauvre,  Rê- 
vons toujours,  trois  fantaisies  piquantes  de  M.  Auguste  Barbier,  l'éner- 
gique auteur  des  ïambes,  ne  sont  pas  moins  heureusement  traitées; 
enfin,  Quand  nous  allons  dans  la  campayne,  de  M.  Louis  Ratisbonne,  et 


le'Chandelier,  de  M.^Edouard  Fournier,  une.  élégie  et  une  chansonnette, 
ne  nous  laissent  que  l'embarras  de  choisir  parmi  toutes  ces  petites 
pièces  également  réusies. 

Une  délicieuse  chanson  d'Alfred  de  Musset,  que  l'on  trouve  dans  ses 
œuvres  posthumes,  Bonjour  Suson,  ma /leur  des  bois!  a  aussi  inspiré  à 
M.  Charles  Manry  une  mélodie  franche  et  originale,  qui  s'adapte  on  ne 
peut  mieux  aux  paroles  du  poète.  C'est  un  vrai  bijou  musical  qui 
accouplera  le  nom  de  M-  Charles  Manry  à  celui  d'Alfred  de  Musset, 
comme  le  souvenir  de  certaines  chansons  de  Béranger  est  devenu  insé- 
parable dH  la  mémoire  des  compositeurs  qui  les  ont  mises  en  musique. 


li. -P.  Hervillc.  —  Les  Courses  de  Mantes,  grand  galop  de  bravoure, 
pour  piano. 

Si  la  musique  imitative  n'est  pas  un  vain  mot,  c'est  surtout  dans  la 
reproduction  d'un  pas  exactement  mesuré,  comme  celui  du  cheval, 
qu'elle  se  manifeste  d'une  manière  irrécusable.  Aussi  le  mot  galop  a- 
t'il  une  signification  précise  dans  le  vocabulaire  musical,  et  devons-nous 
trouver  tout  naturel  que  M.  Pascal  Gerville  l'emploie  pour  mieux  ac- 
cuser l'intention  et  la  forme  de  ses  Courses  de  Mantes.  Le  nouveau  mor- 
ceau de  l'auteur  du  Bengali  au  réveil  et  des  Heures  de  tristesse,  est  donc 
un  galop  brillant,  dont  les  motifs  sont  francs  et  distingués,  dont  les 
reprises  variées  sont  pleines  d'entrain  et  de  verve,  et  dont  l'exécution, 
sans  être  des  plus  faciles,  n'en  est  pas  moins  accessible  aux  mains  des 
amateurs  de  moyenne  force  qui  régnent  dans  les  salons.  Les  Courses  de 
Mantes  sont  pour  M.  Pascal  Gerville  un  titre  de  plus  à  joindre  à  ceux 
que  rous  venons  de  rappeler,  et  qui  jouissent  toujours  d'une  vogue 
méritée. 

Y. 


NOUVELLES. 


4%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  les  Huguenots, 
chantés  par  Morère,  Mlle  Sax,  Obin,  Faure,  Cazaux  et  Mlle  de  Maesen. 
La  représentation  a  été  très-belle,  et  la  recette  a  atteint  près  de 
40,000  francs.  —  Mercredi  Mlle  Sannier  a  continué  ses  débuts  dans  la 
Favorite.  —  Vendredi  on  a  exécuté  Guillaume  Tell. 

***  La  première  représentation  de  Roland  à  Roncevaux  est  annoncée 
pour  demain  lundi.  La  répétition  générale  a  eu  lieu  samedi. 

***  Lundi  dernier  il  a  été  donné  connaissance  aux  chefs  de  service 
de  l'Opéra  des  deux  premiers  actes  de  l'Africaine. 

a,*.  Par  suite  a'un  arrangement  à  l'amiable  intervenu  entre  M.  Ba- 
gier,  directeur  du  théâtre  Italien  et  l'administration  de  l'Opéra,  le  té- 
nor Naudin  appartiendra  définitivement  à  cette  dernière  scène.  Toute- 
fois, l'arrangement  porte  que  M.  Naudin  devra  se  tenir  dès  à  présent  à 
la  disposition  de  M.  Bagier  pour  un  certain  nombre  de  représentations, 
ce  à  quoi  le  célèbre  chanteur  a  gracieusement  souscrit. 

,%'  M.  Fétis  a  quitté  Paris  ;  il  y  reviendra  le  20  octobre  pour  suivre 
les  études  de  l'Africaine. 

„.**  C'est  vendredi  qu'aura  lieu  le  début  de  Mme  Gennetier  dans  le 
Songe  d'une  nuit  d'été.  Si  l'on  doit  juger  de  son  succès  par  celui  qu'elle 
obtient  aux  répétitions,  il  sera  grand.  —  On  répète  activement  le  Ca- 
pitaine Henriot.  —  En  attendant,  Lara,  l'Eclair,  le  Postillon  de  Longju- 
meau,  remplissent  tour  à  tour  la  salle. 

„,%  Parmi  les  grands  ouvrages  reçus  au  théâtre  Lyrique,  on  cite, 
comme  devant  être  joué  cet  hiver,  un  opéra-comique  en  trois  actes,  la 
Veuve  des  Highlands,  paroles  de  MM.  Edouard  Plouvier  et  Adolphe  Favre, 
musique  de  M.  Devin-Duvivier.  —  Nous  avons  dit  antérieurement  que 
M.  Gounod,  qui  avait  composé  pour  le  théâtre  de  l'Opéra  une  partition 
sur  le  livret  û'Yvan  le  terrible,  avait  retiré  cet  opéra,  et  que  M.  Georges 
Bizet,  auteur  des  Pêcheurs  de  perles,  auquel  le  sujet  a  plu,  s'occupait 
d'en  composer  la  musique.  Cette  œuvre  serait  destinée  également  au 
théâtre  Lyrique,  où  elle  serait  représentée  vers  la  fin  de  l'hiver. 

,%  Adelina  Patti  est  arrivée  à  Paris  un  peu  souffrante  d'un  mal  de 
gorge.  Par  suite  de  cette  indisposition,  le  théâtre  Italien  a  rouvert  ses 
portes  hier  soir  par  Rigoletto.  L'opéra  de  Verdi  a  été  interprété  par 
Delle-Sedie,  le  ténor  débutant  Sarti,  qui  chantait  à  Florence  au  théâtre 
de  la  Pergola,  Mmes  Lagrange  et  de  Méric-Lablache.  —  On  annonce 
pour  aujourd'hui  Lucrezia  Borgia,  chantée  par  Naudin  et  Antonucci, 
Mmes  Delagrange  et  de  Méric-Lablache.  Les  opéras  qui  seront  mis  les 
premiers  à  l'étude  sont  :  Roberto  Devereux,  de  Donizetti ,  et  Leonora, 
de  Mercadante. 

„%  Les  danseuses  qui  doivent  former  le  corps  de  ballet  du  théâtre 


318 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Italien  sont  arrivées  à  Paris.  On  cite  parmi  les  principales  Mlles  Caponi, 
Diani  et  Diamani. 

t*t  Les  sœurs  Marchisio  seront  retenues  quelques  semaines  encore 
à  Florence,  par  l'engagement  qu'elles  ont  contracté  avec  l'assentiment 
de  M.  Bagier,  au  grand  théâtre  Pagliano,  qui  vient  d'être  concédé  au 
signor  Gatti,  qui  a  dû  ouvrir  le  1or  de  ce  mois  par  l'opéra  de  Pacini, 
Saffo. 

»*„  Brignoli,  le  ténor  dont  nous  avons  annoncé  l'engagement  par 
M.  Bagier,  est  allé  rejoindre  à  Madrid  Mme  Penco.  Ce  sont  eux  qui  doivent 
y  ouvrir  la  saison  au  théâtre  Italien. — Une  maladie  retient  à  Naples  Ne- 
grini,  qui  ne  pourra  vraisemblablement  pas  être  rendu  a  Paris  avant  la 
lin  du  mois. 

»%  M.  A.  Varney  a  signifié  par  exploit  aux  intéressés  du  théâtre  des 
Bouffes-Parisiens  sa  démission  de  gérant  de  la  Société  de  cet  établisse- 
ment. D'un  autre  côté,  on  affirme  que  M.  Eug.  Prévost,  qui  avait  été 
engagé  par  M.  Varney  comme  chef  d'orchestre,  a  reçu  des  nouveaux 
djrecteurs  sa  démission,  et  qu'il  leur  intente  un  procès. 

***  Plusieurs  journaux  annoncent  que  le  premier  ouvrage  qui  sera 
joué  aux  Variétés  après  la  Liberté  des  Théâtres,  sera  une  grande  opé- 
rette :  l'Enlèvement  d'Hélène,  paroles  de  MM.  H.  Meilhac  et  L.  Halévy, 
dont  J.  Offenbach  compose  en  ce  moment  la  musique. 

***  Le  nouveau  théâtre  Saint-Cermain  se  propose  d'exploiter  simul- 
tanément l'opéra-comique,  l'opérette  et  le  vaudeville.  Il  ouvrira  par 
la  Bouquetière  de  Trianon,  de  M.  Laurencin,  et  le  Libre  échange,  de 
MM.  de  Leuven  et  Adenis.  —  Le  spectacle  qui  suivra  sera  composé  d'un 
vaudeville  de  M.  Lemonnier,  d'un  opéra-comique  en  deux  actes  et  trois 
tableaux,  dont  la  musique  est  due  à  M.  Samuel  David,  premier  prix  de 
Rome,  et  d'une  opérette  de  MM.  Busnak  et  Emile  Albert;  les  Frau- 
deurs, de  MM.  Duvert,  Lausanne  et  E.Prévost;  la  Comédie  aux  Champs, 
de  MM.  Narrey  et  Schimonn  ;  la  Sybillc,  de  MM.  Denizet  et  Hubans; 
Quarante  de  Bézi,  de  M.  A  Flan  et  ***,  sont  indiqués,  quant  à  présent, 
comme  devant  être  successivement  offerts  au  public. 

*%  La  salle  de  l'Alcazar,  entièrement  restaurée,  s'est  rouverte  lundi 
dernier.  Mlle  Thérésa  est  toujours  l'étoile  de  ces  concerts  dont  l'or- 
chestre est  confié  à  la  direction  de  M.  Hubans. 

s*v  Nous  avons  dit  l'enthousiasme  des  lyonnais  pour  Adelina  Patti. 
Les  chœurs  du  grand  théâtre  lui  ont  donné  une  sérénade  ;  ils  ont 
chanté  devant  l'hôtel  de  Lyon,  le  Rataplan  des  Huguenots,  le  chœur  de 
Robin  des  Bois  et  celui  du  Songe  d'une  nuit  d'été.  —  Dimanche  dernier, 
la  jeune  cantatrice  assistait  à  la  représentation  du  Toréador,  au  grand 
théâtre.  Mlle  Marimon  chantait  le  rôle  principal.  Non  contente  de  l'ap- 
plaudir de  toutes  ses  forces,  Adelina  Patti  lui  a  jeté  le  bouquet  qu'elle 
tenait  à  la  main. 

**„.  Un  affreux  accident  vient  d'être  occasionné  au  théâtre  de  la  ville 
d'Ulm  par  l'huile  de  pétrole.  Vingt-quatre  lampes  attachées  au  lustre 
suspendu  au  plafond  de  la  salle,  ont  éclaté  au  milieu  d'une  représen- 
tation, et  l'huile  de  pétrole  enflammée  est  tombée  comme  une  pluie  de 
feu  sur  les  spectateurs,  parmi  lesquels  se  trouvaient  un  assez  grand 
nombre  de  dames.  En  un  instant,  les  robes  d'une  vingtaine  de  ces 
malheureuses  étaient  en  feu  et  les  brûlures  les  plus  graves  en  sont 
résultées.  L'une  d'elles  a  succombé  quelques  heures  après  l'événement. 

4*„  On  nous  écrit  de  Rome,  que  le  21  on  y  a  joué  Marta,  avec  le 
couple  Bettini-Trebelli,  Mlle  Lanzi  et  Bremond.  Le  succès  de  l'Opéra 
de  Flotow  a  été  très-grand.  La  salle  entière  a  rappelé  Bettini  après  sa 
romance,  et  n'a  pas  été  moins  prodigue  de  ses  témoignages  de  satisfac- 
tion envers  sa  femme,  après  l'air  de  Nancy  qu'elle  a  dit  admirablement. 
Mlle  Lanzi  (Marta),  et  Bremond  (Plumkett),  ont  remarquablement  con- 
couru à  l'ensemble.  Marta,  qui  plaît  de  plus  en  plus,  a  dû  être  donnée 
quatre  fois  de  suite  et  chaque  fois  devant  une  salle  comble. — On  monte 
en  ce  moment  Marco  Visconti,  opéra  de  Petrella,  dans  lequel  Mme  Tre- 
belli-Bettini  chantera  le  rôle  du  ménestrel  Tremacoldo,  et  la  direction 
donnera  ensuite  Torquato  Tasso  et  il  Barbiere. 

„%  On  va  jouer  pour  la  première  fois  à  Rome  les  Huguenots,  mais 
la  censure  italienne  a  exigé  le  changement  du  titre  et  du  lieu  de  la 
scène.  L'ouvrage  s'appellera  Renato  de  Gfosnïbald,  et  tous  les  personnages 
seront  hollandais.  Le  rôle  de  Fidès  sera  rempli  par  Mme  Bettini-Tre- 
belli. 

„*»  On  nous  écrit  de  Bruxelles  qu'après  la  représentation  gratuite 
de  Zampa,  donnée  au  théâtre  de  la  Monnaie,  à  l'occasion  des  fêtes  de 
septembre,  on  avait  joué  le  soir  même  le  Prophète,  pour  la  rentrée  de 
Mme  Elmire  et  de  Wicart.  —  La  troupe  allemande  a  continué  ses  re- 
présentations par  Une  nuit  à  Grenade,  de  Kreutzer,  faiblement  exécuté. 
—  Lundi,  à  midi,  a  eu  lieu  au  temple  des  Augustins  la  séance  an- 
nuelle de  la  classe  des  beaux-arts.  L'ouverture  et  l'hymne  national, 
composés  par  Vieuxtemps  pour  cette  solennité,  y  ont  été  exécutés. 
L'hymne  national,  chanté  d'abord  par  quatre  voix  solo,  puis  repris 
par  le  chœur,  est  d'un  beau  caractère.  11  a  été  chaleureusement  ap- 
plaudi et  redemandé. 


„**  5.  M.  la  reine  d'Espagne  vient  de  nommer  M.  François  Bazin 
chevalier  de,  l'ordre  royal  de  Charles  III. 

x*x  Nous  avons  annoncé  que  le  théâtre  Victor-Emmanuel  avait  rou- 
vert par  II  Pirata.  Depuis  lors,  on  a  donné  le  Trovalore,  dans  lequel 
Mlle  Lagrua  a  fait  son  début  avec  un  succès  constaté  par  tous  les  jour- 
naux de  musique  italiens.  Le  Pirate  dit  que  l'éminonte  cantatrice  a 
trouvé  dans  le  rôle  de  Leonora  des  effets  qui  en  font  une  création  toute 
nouvelle.  On  ne  saurait  dire  le  nombre  de  fois  qu'elle  a  été  rappelée. 
Elle  a  été  bien  soutenue  par  Zaccometti  ;  Cima  était  indisposé  et  a  dû 
passer  son  air;  la  Ciaschetti  n'a  pas  réussi. 

„**  On  nous  écrit  de  Saint-Pétersbourg  que  la  réouverture  du  théâtre 
italien  s'est  faite  le  19  par  la  Sonnambula.  On  y  a  chaleureusement  ap- 
plaudi la  Fioretti  et  le  ténor  Giuglini.— Le  24,  on  a  donné  I  Puritani  pour 
la  rentrée  de  Calzolari,  auquel  on  a  fait  une  véritable  ovation.  Cet  émi- 
nent  ténor  est  l'idole  du  public .  —  Le  nouvel  opéra  de  Flotow,  Naïda, 
composé  exprès  pour  le  théâtre  impérial,  va  être  mis  à  l'étude.  —  De 
son  côté,  l'Opéra  russe  a  donné  l'opéra  de  Glinka,  Rousslan  et  Lioudmila, 
qui  n'avait  pas  été  joué  depuis  longtemps.  —  A  Moscou,  on  a  ouvert 
la  saison  par  le  Trovatore.  Le  retour  de  la  Fricci  a  été  salué  par  de  cha- 
leureux applaudissements,  et  le  débutant  Prudenza  bien  accueilli. 

„,**  Deux  concurrents  se  disputent  la  direction  du  théâtre  du  Liceo,  à 
Barcelone.  En  attendant,  les  artistes  engagés  restent  dans  une  attente 
fort  préjudiciable  à  leurs  intérêts.  Bottesini  a  été  le  premier  à  se  sous- 
traire à  cette  position,  et  il  a  accepté  un  engagement  pour  toute  la 
saison  d'hiver,  qui  lui  était  offert  par  Willert  Beale.  Il  est  parti  immé- 
diatement pour  Londres,  et  lundi  il  jouait  à  Covent-Garden,  au  concert 
Mellon. 

***  Les  Deux  Aveugles,  d'Offenbach,  sont  destinés  à  faire  le  tour  du 
monde.  Ils  viennent  d'être  représentés  en  Cochinchine.  à  Saïgon,  où 
l'on  a  ouvert  un  théâtre  européen,  le  premier  qui  ait  été  établi  dans 
ce  lointain  pays. 

„.%  La  préfecture  du  département  de  la  Seine  publie  l'avis  suivant  : 
«  A  la  suite  d'un  concours  entre  les  auteurs  de  pièces  de  vers  propres 
à  être  chantées  dans  les  réunions  de  l'Orphéon  des  écoles  communales 
et  des  classes  d'adultes  de  Paris,  dix  pièces,  choisies  par  un  jury  spé- 
cial, entre  deux  mille  deux  cent  quatorze  soumises  à  son  examen,  ont 
été  adoptées  et  primées.  Un  nouveau  concours  est  ouvert  par  l'admi- 
nistration municipale  pour  la  mise  en  musique  de  ces  dix  pièce  de 
vers.  Tout  concurrent  pourra  se  faire  délivrer  à  l'Hôtel  de  ville  (bu- 
reau de  l'instruction  publique),  un  exemplaire  de  la  pièce  ou  des  pièces 
de  vers  qu'il  se  proposera  de  mettre  en  musique.  Les  morceaux  devront 
être  écrits  pour  trois  ou  pour  quatre  voix  au  gré  du  compositeur,  sans 
accompagnement.  Ils  seront  jugés  par  un  jury.  Des  médailles  d'une  va- 
leur de  300  à  S00  francs,  selon  le  mérite  des  compositions,  seront  dé- 
cernées pour  chacun  des  morceaux  acceptés.  La  propriété  de  ces 
morceaux  sera  acquise  à  la  ville.  Les  partitions  devront  être  envoyées 
à  l'Hôtel  de  Ville  (bureau  de  l'instruction  publique)  avant  le  1er  décem- 
bre 1864.  Elles  ne  devront  pas  porter  de  nom  d'auteur,  mais  une  épi- 
graphe ou  une  devise  reproduite  sur  un  billet  cacheté  dans  lequel  le 
nom  de  l'auteur  sera  inscrit.  —  Les  manuscrits  déposés  ne  seront  pas 
rendus.  » 

„.%  Mme  Marchesi,  après  avoir  donné  à  Osteude  une  seconde  matinée 
musicale  par  invitation,  aussi  brillante  que  la  première,  est  rentrée  la 
semaine  dernière  à  Parisv  où  elle  a  repris  le  cours  de  ses  leçons. 

***  M.  Marchesi  vient  de  signer  avec  M.  Harrison,  le  directeur  de 
l'opéra  anglais  du  théâtre  de  la  Reine  à  Londres,  un  engagement  pour 
toute  la  saison  prochaine. 

*%  M.  Engel,  le  propriétaire  de  l'établissement  Kroll  à  Berlin,  dont 
il  est  aussi  le  chef  d'orchestre,  se  trouve  à  Paris,  où  il  a  engagé  plu- 
sieurs artistes.  Les  frères  Lamoury  se  feront  entendre  chez  lui  au  mois 
de  janvier.  Arban,  qui  a  obtenu  à  Berlin  de  si  grands  succès,  il  y  a 
quelques  mois,  va  y  retourner  prochainement  et  emmènera  M.  Demers- 
mann  et  Hellebeque. 

*%  Un  théâtre  italien  va  être  prochainement  ouvert  à  Varsovie,  sous 
la  direction  de  Mérelli.  M.  et  Mme  Bettini  (Trebelli)  y  sont  engagés. 

»%  S.  M.  l'Empereur  a  daigné  donner  à  la  tombola  des  artistes  dra- 
matiques deux  magnifiques  vases  de  la  manufacture  impériale  de 
Sèvres. 

%\  Les  nouvelles  qu'on  reçoit  de  Blois  sur  la  santé  de  M.  Scudo  sont 
de  plus  en  plus  affligeantes.  Les  violents  accès  de  fureur  auxquels  il 
est  en  proie  ont  obligé  de  recourir  à  l'emploi  de  la  camisole  de  force. 

„,%  On  annonce  le  prochain  mariage  de  M.  Georges  Pfeiffer,  pianiste 
et  compositeur  de  mérite,  attaché  à  la  maison  Pleyel-Woff  et  Ce,  avec 
Mlle  Thérèse  Lemoine,  petite-fille  de  l'honorable  M.  Hillemacher,  direc- 
teur de  la  Compagnie  des  Quatre-Canaux. 

»%  M.  Albert  Sowinski  vient  de  donner  au  Dorât,  près  Limoges,  un 
concert  dans  lequel  l'éminent  pianiste  compositeur  a  fait  entendre  plu- 


DE  PARIS. 


319 


sieurs  morceaux  de  sa  composition  sur  un  excellent  piano  d'Erard. 
Plusieurs  amateurs  de  Limoges  avaient  prêté  leur  concours  à  l'artiste, 
et  l'auditoire  nombreux  a  manifesté  maintes  fois  sa  satisfaction  par 
de  chaleureux  applaudissements. 

»%  Vincent  Wallace  vient  d'arriver  à  Paris.  Le  célèbre  compositeur 
est  entièrement  rétabli  d'une  grave  maladie  qui  l'avait  retenu  à  Bou- 
logne, et  il  a  l'intention  do  passer  l'hiver  ici. 

*%  Liszt  en  quittant  Weimar  où  il  a  été  reçu  avec  enthousiasme, 
doit  retourner  à  Rome  par  Vienne  et  Pesth  ;  il  y  donnera  quelques  con- 
certs. Il  est  accompagné  du  pianiste  Faussig. 

*%  La  direction  des  concerts  du  Gurzenich,  h  Cologne,  vient  de 
prendre  une  décision  qui  intéresse  les  compositeurs  :  chaque  auteur 
dont  on  exécutera  une  ouverture  ou  un  chœur  recevra  dorénavant,  à 
titre  d'honoraires  d'honneur  (Ehrensold),  5  thalers;  10  thalers  pour  une 
symphonie  ou  composition  chorale  d'une  certaine  étendue,  15  et  20 
thalers  pour  une  œuvre  qui  remplirait  en  grande  partie  ou  entièrement 
le  concert.  On  sait  que  les  droits  d'auteur  ne  sont  point  ou  ne  sont 
que  très-imparfaitemeni  réglés  en  Allemagne.  11  est  donc  à  désirer  que 
l'exemple  donné  par  la  Société  du  Gurzenich  trouve  de  nombreux  imi- 
tateurs. 

***  Un  concerto  inédit  et  presque  inconnu  de  Ph.-Em.  Bach  est  en  ce 
moment  sous  presse  à  Leipzig.  C'est  à  Mme  Szarvady,  qui  a  découvert 
et  arrangé  ce  concerto,  qu'on  devra  cette  intéressante  publication.  — 
Un  nouveau  concerto  de  Rubinstein  pour  le  violoncelle,  dédié  à  Piatti, 
va  aussi  être  publié  incessamment. 

***  Sur  la  Chronologie  des  œuvres  de  Beethoven,  tel  est  le  titre  d'un 
ouvrage  de  A.-W.  Thayer,  auteur  américain,  qui  va  paraître  en  Alle- 
magne, où  l'auteur  se  trouve  depuis  quinze  ans  occupé  à  recueillir 
tous  les  matériaux  ayant  cette  chronologie  pour  objet.  —  Le  second 
volume  de  la  biographie  de  Charles -Marie  de  Weber,  écrit  par  son  fils, 
est  également  sous  presse. 

,*,  M.  Paul  Dhormoys,  attaché  à  la  haute  administration  de  l'Opéra, 
et  dont  le  caractère  et  l'affabilité  sont  appréciés  de  tous  ceux  qui  l'ap- 
prochent, vient  de  publier  à  la  librairie  centrale  un  joli  volume  intitulé 
Sous  les  tropiques.  C'est  le  récit  singulièrement  attachant  d'un  voyage 
fait  par  l'auteur,  qui  retrace  avec  un  rare  bonheur  d'expression  les 
curieux  pays  qu'il  a  parcourus  ;  M .  Dhormoys  donne  dans  ce  livre  une 
preuve  nouvelle  des  qualités  d'écrivain  dont  il  a  fait  preuve  dans  un  ou- 
vrage précédent  intitulé  :  Une  visite  chez  Soulouque,  dont  la  librairie 
Hachette  vient  de  publier  une  nouvelle  édition  qui  n'avait  'pas  obtenu 
moins  de  succès  lorsqu'il  parut,  et  qui  fut  promptement  épuisé. 

***  Mme  Pierson-Bodin,  professeur  de  piano  et  de  chant,  vient  de 
faire  paraître  un  petit  ouvrage  fort  utile,  qui  a  pour  titre  :  Observations 
sur  l'étude  de  la  musique,  conseils  aux  parents  qui  veulent  faire  ap- 
prendre la  musique  à  leurs  enfants.  Prix,  50  centimes,  chez  l'auteur, 
rue  Saint-Honoré,  217,  et  chez  Chaillot,  éditeur  de  musique. 

%%  Un  opuscule  intéressant  et  fort  curieux,  concernant  l'un  des  mu- 
siciens les  plus  fameux  du  xve  siècle,  vient  de  paraître  chez  le  libraire 
Claudin,  3,  rue  Guénégaud.  11  a  pour  titre  :  Déploration  de  Guillaume 
Crétin  sur  le  trépas  de  Jean  Okeghem,  musicien,  premier  cliapelain  du  roi 
de  France  et  trésorier  de  Saint-Martin  de  Tours,  remise  au  jour,  précédée 
d'une  introduction  biographique  et  critique,  et  annotée  par  Er.  Thoinan. 
M.  Thoinan  est  l'auteur  d'un  petit  livre  fort  bien  fait,  les  Origines  de 
la  chapelle-musique  des  souverains  de  France,  publié  il  y  a  quelques  mois. 
La  présente  brochure  est  tirée  à  cent  cinquante  exemplaires,  dont 
soixante-quinze  seulement  sont  livrés  au  commerce  ;  elle  est  imprimée 
avec  un  soin  et  un  goût  rares,  et  le  petit  nombre  de  son  tirage  en 
fera  certainement  une  rareté  bibliographique  fort  recherchée  des  ama- 
teurs. 

„.**  Aujourd'hui  dimanche,  au  concert  des  Champs-Elysées,  troisième 
réunion  musicale,  de  2  à  5  heures;  le  concert  commencera  à  2  heures 
et  demie.  M.  Demerssman  jouera  le  Carnaval  de  Venise.  Le  programme 
est  splendide  ;  entre  autres  morceaux  remarquables,  l'orchestre  dirigé 
par  M.  Eug.  Prévost  exécutera  la  Charité  de  Rossini,  deux  brillantes 
fantaisies  sur  la  Fille  du  Régiment  et  sur  la  Traviata,  et  les  belles  ou- 
vertures de  Sémiramis,  de  la  Bohémienne  et  des  Joyeuses  Commères  de 
Windsor. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  fête  parisienne  au  pré  Catelan. 
Deux  orchestres,  bal  d'enfants,  etc. 

n*w  Les  représentations  de  physique  et  d'astronomie  de  M.  Robin 
remplissent  chaque  soir  la  salle  de  ce  charmant  et  instructif  théâtre. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


**,.  Londres.  —  M.  Howard  Glover  annonce  une  série  de  grands  festi- 
vals de  musique  qui  doivent  avoir  lieu  au  théâtre  de  Drurylane  à  partir 
du  1er  octobre.  Le  programme  promet,  entre  autres  morceaux,  la  sym- 
phonie pastorale  de  Beethoven,  avec  une  action  dramatique  etscénique,  et 
un  arrangement  pour  orchestre  seul  de  la  scène  de  la  gorge  des  loups 
du  Freyschiitz,  accompagnée  d'apparitions  de  spectres  impalpables. — Les 
concerts  d'Alfred  Mellon  sont  toujours  fort  suivis  à  Covent-Garden.  Ceux 
de  Jullien  fils  viennent  de  commencer  au  théâtre  de  Sa  Majesté.  Le 
violoniste  Lotto,  Mlle  Liebhardt,  le  cornettiste  Luigini  et  la  pianiste  Ma- 
riot  de  Beauvoisin  s'y  sont  fait  entendre  avec  succès.  Prochainement 
doivent  y  paraître  un  corps  de  musique  militaire  danois  et  des  chan- 
teurs danois. 

***  Cologne.  —  L'opéra  nouveau  de  Max  Bruch,  Loreley,  est  à  sa 
sixième  représentation.  On  le  monte  également  au  théâtre  de  la  Cour, 
à  Mannheim. 

„,**  Berlin.  —  Le  ténor  Dr  Gunz,  du  théâtre  de  la  cour  de  Hanovre, 
a  été  engagé  pour  quelques  représentations  à  l'Opéra  royal,  où  il  a 
débuté  avec  succès  dans  le  rôle  de  Don  Octavio  de  Don  Juan.  —  On 
va  remonter  le  ballet,  la  Jolie  fille  de  Gand.  —  Le  théâtre  Wattner, 
reconstruit  avec  beaucoup  de  luxe  et  de  goût,  doit  être  ouvert  le  16 
novembre. 


Le  Directeur  :  S.  Dl' l'ont. 


LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES ,  FILS  ET  C«,  RUE  JACOB,  56, 

Chez  tous  les  libraires  de  France  et  de  l'étranger, 
Et  chez  G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR  ,    103,   rue  de  Richelieu,  au  1" . 


Mise  en  vente  du  Tome  VIÎ  (P-Q-R-S) 


B 


MWSMŒW8 

ET 

BIBLIOGRAPHIE  GÉNÉRALE  DE  MUSIQUE 

Deuxième   édition 

Entièrement  refondue  et  augmentée  de  plus  de  moitié. 


Par  F.-J.  FÉTIS 

Maître  de  chapelle  du  roi  des  Belges,  directeur  du  Conservatoire  royal 
de  musique  de  Bruxelles. 


EN  HUIT  VOLUMES  IN-8°  DE  CINQ  CENTS  PAGES 

Paraissant  par  livraisons  de  48  pages  chacune,  ÎO  livraisons 
par  volume. 

Prix  de  chaque  livraison 80  centimes. 

Prix  de  chaque  volume 8  francs. 


MISE  EN  VENTE  DU  TOME  VII.  -  PRIX  :  8  FRANCS. 


320 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  chez  GVMBOGI  frères,  éditeurs,  112,  rue  de  Richelieu  (Maison  Frasca(i),  Paris. 

DON    PASOUALE 

Opéra  bouffe  en  trois  actes,  paroles  françaises  de  MU.  Alph.  ROÏER  cl  G.  VAEZ, 

MUSIQUE   DE 

G.     DONIZETTI 

Représenté  à  Paris  pour  la  première  fois  (en  français)  au  théâtre  Lyrique  impérial,  le  9  septembre  1864. 
Partition  pour  piano  et  chant,  in-8°,  net  :  15  fr.     —     Partition  piano  solo,  net  :  10  fr. 


PIANO  SEUL 

Ouverture  par  Labarre 6    » 

Adam.  Six  airs  faciles 6    » 

—  Sérénade  (en  feuille) 2  50 

Benedict  (J.).  Nocturne 6    » 

—  Divertissement 6     i 

Berlin I.  Op.  1&6.  Sérénade  variée...  7  50 

Donlzetti.  Suite  de  valses 7  50 

«oldschmidt.  Op.  1.  Fantaisie  brill.  9     » 

Herz  (Henri).  Op.  134.  Fantaisie  brill.  9     » 

Kontsk!  (A.  de).  Op.  97.  Gr.  fantaisie  9    » 

9Ui  narre .  Valse 3    » 

Lecarpentier.  Op.  72.   Sérénade  et 

rondo 6    » 


SUITE  DU  PIANO  SEUL. 

Leduc  12°  bagatelle  sur  la  sérénade 

(très-facile) 5  » 

Louis  (H.).  Op.  127.  Rondo 5  » 

Hichcux.  Op.  77.  Trois  fantaisies: 

1 .  Très-facile 5  » 

2.  Facile 5  » 

3 .  Morceau  de  salon 5  » 

Prudent.  Op.  13.  Quatuor  varié...  9  » 

Bosellen.  Op.  53.  Fantaisie 9  » 

Thalnerg.  Op.  67.  Grande  fantaisie  10  » 

—      Op.  67  bis.  Sérénade  extraite. .  7  50 
Vos»  (Ch.).  Op.  116.  Grande  fantaisie 

brillante 7  50 

Wolff.  Op.  81.  Boléro 6  » 


PIANO  A  QUATRE  MAINS 

Ouverture  par  Labarre 

Berlini.  Op.  146.  Sérénade 

Oonizettl .  Suite  de  valses 

Louis  (N.).  Op.  134.  Variations  brill. 
Boseilen .  Op .  53 .  Fantaisie 

HARMONIUM 
Daussoigne-lléhul.  Fantaisie  avec 

piano 

Ensc  1 .  Fantaisie  (solo) 

Frelon.  Quatuor  transcrit  avec  piano 
Lelébure-Wély.  Op.  Ti.  Fantaisie 

(solo) 

PIANO  ET  VIOLON 
«oria  et  Mer  niait    Op.  29.  Duo  de 

concert 

Louis  (N.).  Op.  131.  Andante  et  rondo 


7  50 
9  .. 
9  » 
9  » 
10     » 


7  50 


—      Op.  73.  Cavatine 5 

Arrangements  divers  pour  Violoncelle  avec  Piano,  Violon  seul,  Flûte,  Hautbois,  Cornet  à  pistons. 

Harmonie  militaire,  etc.  —  Danses  pour  le  Piano  à  deux  et  à  quatre  mains. 


MANUFACTURE   D'INSTRUMENTS   DE   MUSIQUE  EN   CUIVRE   ET   EN   BOIS  (Fondée  en  1843) 

50,  rue  Saint-Georges,  a  Paris. 

Maison    ADOLPHE    SAX* 

Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des   Guides   et   des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc.  /Tï^< 

Ton  le:  instrument!  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    y® 

le  numéro  d'ordre  de  l'initramenl  et  le  poinçon  ci-après  :  JLV''J 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Saxophone 
alto  III  bémol. 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions  universelles  de   1851,  1855 
et  1S62,  relatifs  aux.  Saxophones  (BREVET  DE  1816). 

k Parmi   les   inventeurs   d'instruments  de    musique,  la  plus  haute   distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  te  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  {Exposit.  ISS  t.) 

«  Famille   complète   des   Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  joua  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 
habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  tontes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  ;  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions •  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  e^t  né  d'hier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  à  donner  â  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  ),  {Exposit.  i8SS.) 

«  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemDS,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  ifixposit.  1SG2.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 

Saxophone  soprano,  «OO  fr.—  Saxophone  ténor,  «S5  fr.—  Saxophone  alto,  ««5  fr.  —  Saxophone  baryton,  «5©  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 

l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 

pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Saœ,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


■   niPRlMIiltli:   I.LVI  n 


\POIKON  CHAI* 


ItlIE  UEBr.KRF.,    20- 


BUREAUX    A   PARIS  :   BOULEVARD    DES   ITALIENS,  4. 


31e  Année, 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  fi  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de   Musique,  les  Libraires, 

et  aui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


W  41. 


REVUE 


9  Octobre  1864. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 24  r  """' 

Départements,  Belgique  et  Suisse...    30»       id- 


Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  Roland  à  Roncevaux,  opéra  en 
quatre  actes,  paroles  et  musique  de  M.  A.  Mermet,  Jpar  Panl  Smith.  — 
Théâtre  impérial  Italien  :  réouverture.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comi- 
que :  le  Songe  d'une  nuit  d'été;  début  de  Mme  Gennetier,  par  Iiéon  Duro- 
cher.  —  Devienne  {5°  article),  par  Arthur  Pougin.  —  Revue  des 
théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

ROLAND  A  RONCE  VAUX  , 

Opéra  en  quatre  actes,  paroles  et  musique  de  M.  A.  Mermet. 

(Première  représentation  le  3  octobre  1864.) 

C'est  assurément  une  singulière  et  curieuse  histoire  (d'autres  même 
disent  légende)  que  celle  du  compositeur  qui  jusqu'ici  ne  s'était  fait 
connaître  au  monde  musical  que  par  la  partition  de  David,  opéra  en 
trois  actes,  dont  les  paroles  étaient  de  MM.  Alexandre  Soumet  et 
Félicien  David,  et  qui,  représenté  le  3  juin  1846,  obtint  un  succès 
peu  durable.  La  légende  nous  apprend  que  M.  Mermet,  fils  d'un  offi- 
cier général  de  l'empire,  était  destiné  par  sa  famille  à  la  carrière 
dont.  l'École  polytechnique  ouvre  les  portes,  mais  l'étude  de  la  flûte 
l'en  détourna,  et  l'instinct  musical  n'eut  pas  de  peine  à  l'enlever  aux 
sciences  exactes.  On  voulait  qu'il  fût  officier,  comme  son  père  et 
son  oncle;  il  déclara  qu'il  serait  compositeur,  et  se  mit  à  travailler 
ardemment  pour  le  devenir.  Au  bout  de  quelques  années  il  donna, 
en  collaboration  avec  M.  Carmouche,  un  opéra  intitulé  la  Bannière 
du  roi,  sur  le  théâtre  de  Versailles.  Ensuite  vint  David,  reçu  avec 
enthousiasme  dans  un  petit  comité,  chez  Mme  Stoltz,  qui  devait  en 
remplir  le  rôle  principal.  M.  Mermet  n'assistait  pas  à  la  séance  où 
l'on  décidait  de  son  sort  :  ses  chants  ne  lui  arrivaient  que  de  loin  par 
les  fenêtres,  et  il  ne  sut  le  résultat  que  le  lendemain.  L'ouvrage  ne 
répondit  pas  à  ce  que  le  directeur  et  l'actrice  s'en  étaient  promis  ;  le 
costume  guerrier  de  David  ne  suffit  pas  à  réchauffer  un  drame  tris- 
tement biblique,  et,  malgré  d'esLimables  qualités,  les  inspirations  de 
M.  Mermet  n'étaient  pas  de  force  à  renouveler  le  miracle  opéré  par 
celles  de  Rossini  sur  le  canevas  de  Moïse. 
C'était  donc  une  revanche  à  prendre,  et  il   y  a  de  cela  dix-huit 


années!  Pendant  tout  ce  temps,  qu'a  fait  M.  Mermet?  Ce  qu'il  a  fait? 
Roland  à  Roncevaux,  paroles  et  musique.  11  n'avait  peut-être  pas 
été  très-content  de  ses  poètes  ;  il  résolut  de  se  faire  poëte  lui-même, 
de  se  choisir  un  sujet,  de  l'arranger  à  sa  façon,  de  le  tailler  à  sa 
fantaisie.  C'est  assez  bien  porté  de  nos  jours,  et  ce  procédé  s'ap- 
puie d'imposantes  autorités.  Est-ce  donc  seulement  par  orgueil 
et  par  une  foi  aveugle  en  sa  double  vocation,  qu'un  musicien  se 
permet  de  trancher  du  poëte  et  de  tenter  ce  que  Lully,  Rameau, 
Gluck,  Spontini,  Meyerbeer,  Halévy,  Rossini,  Auber  n'auraient  osé 
entreprendre?  Les  poètes  ne  sont-ils  pas  pour  quelque  chose  dans 
cette  disposition  des  musiciens  à  se  passer  d'eux?  Plusieurs,  et  dans 
ce  nombre  les  plus  renommés,  les  plus  habiles,  n'ont-ils  pas  quel- 
quefois refusé  absolument  leur  concours,  ou  ne  l'ont  ils  accordé 
qu'en  exigeant  des  garanties,  comme  jadis  l'abbé  Pellegrin  de  Ra- 
meau? Les  poëmes  ainsi  achetés  valaient-ils  toujours  ce  qu'ils  avaient 
coûté?  Que  de  musiciens  entraînés  dans  l'abîme  par  les  poëtes,  en- 
terrés sous  les  ruines  de  leurs  conceptions  malheureuses  ! 

Tels  sont  les  motifs  qui  ont  pu  déterminer  M.  Mermet.  l'un  des 
hommes  les  plus  modestes  et  les  plus  patients  (il  a  fait  ses  preuves), 
à  lever  le  drapeau  de  l'indépendance.  Ce  que  nous  admirons  surtout, 
c'est  qu'aspirant  à  une  revanche,  il  ait  voulu  ne  la  devoir  qu'à  lui, 
à  ses  propres  efforts,  et  qu'il  l'ait  attendue  avec  tant  de  calme,  de 
dignité,  de  confiance,  sans  se  plaindre,  sans  s'irriter,  sans  lancer  ses 
colères  au  ciel  et  ses  mépris  à  la  terre.  Enfin,  il  est  parvenu  à  son 
but;  après  avoir  erré  tant  soit  peu  de  théâtre  en  théâtre,  Roland  à 
Roncevaux  a  trouvé  un  port  dans  celui  que  l'auteur  avait  toujours 
en  vue,  pour  que  sa  revanche  fût  complète,  et  maintenant  il  ne  lui 
manque  plus  rien.  Je  me  garderai  de  surfaire  le  mérite  et  le  succès 
de  Roland;  j'en  parlerai  simplement,  sincèrement,  comme  l'auteur 
doit  aimer  qu'on  en  parle  :  l'hyperbole  ne  me  semble  pas  plus  digne 
de  son  caractère  que  de  son  talent. 

Roland  à  Roncevaux,  c'est  un  des  souvenirs  néfastes  marqués  en 
traits  de  sang  dans  notre  histoire.  J'aurais  préféré  un  autre  sujet  à 
ce  funeste  épisode  d'un  règne  si  fécond  en  grandeur  et  en  gloire, 
mais  tout  à  l'heure  nous  verrons  ce  qui  dans  cette  page  funèbre  a 
séduit  l'auteur  et  lui  a  fourni  la  plus  brillante  partie  de  son  œuvre. 
Disons  d'abord  qu'au  premier  acte,  le  lieu  de  la  scène  est  un  châ- 
teau des  Pyrénées;  on  s'y  dispose  à  célébrer  l'hymen  du  comte  Ga- 
nelon  et  de  la  belle  Aide,  qui  déteste  son  futur  époux. 


322 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALt: 


Du  comte  Ganelon  je  suis  la  prisonnière, 
Au  iit  de  mort,  mon  père, 
Sur  moi  lui  donna  tout  pouvoir; 
Le  comte  est  maître  en  mon  manoir. 
Cette  confidence  est  faite  à  Saïda,  fille  d'un  émir  et   prisonnière 
aussi,  mais  qui  va  être  rendue  à  la    liberté.  Cette  double  captivité, 
dont  l'une  va  finir  et  l'autre  se  continuer  dans  l'hymen,  jette  quel- 
que obscurité  sur    l'exposition.    Saïda  propose    à   la  belle   Aide  de 
l'emmener  avec  elle  parmi  les  Sarrasins  ;  Aide  hésite,  on  le  conçoit. 
Déjà  un  pâtre,  venant  de  Roncevaux,  a  répondu    aux   gens  qui  l'in- 
terrogeaient : 

C'est  du  nouveau  que  vous  voulez  savoir? 
Eh  bien  !  l'empereur  Charlemagne 
Avec  ses  douze  pairs  arrive  d'Allemagne  : 

Et  nous,  de  nos  yeux  nous  verrons 
Ces  grands  soldats  de  fer,  ces  comtes,  ces  barons  ; 
Et  ce  rude  enfant  de  la  Gaule, 
Qui,  chez  les  Saxons  insoumis, 
De  sa  lance  perçant  jusqu'à  trois  ennemis, 
Qu'il  emportait  sur  son  épaule, 
Enfin  Roland,  le  guerrier  sans  rival, 
Avec  son  cor  d'ivoire,  avec  sa  Durandal. 
Et  ce  fantastique  Roland  n'est  pas  seulement  l'effroi  des  ennemis 
de  son  oncle,   le  grand  empereur,  qui,   par  parenthèse,  n'était  en- 
core que  roi  en  l'année  de  grâce  778  ;  il   est  de  plus  le  rêve  de  la 
belle  Aide  :  il  trouble   ses  veilles,  il  fait  battre  son  cœur.  A  peine 
nous  a-t'elle  dit  ces  choses  que  l'on  annonce  un  chevalier  conduit 
par  la  tempête  ;  ce  chevalier,  c'est  Roland  qui  offre  son  appui  à  la 
belle  éplorée  : 

Quand  je  chaussai  l'éperon  d'or, 
Je  jurai  de  punir  le  crime, 
De  protéger  ceux  qu'on  opprime, 
De  mon  serment  je  me  souviens  encor. 

Aide  lui  dénonce  le  sombre  chevalier,  gui  de  son  amour  l'obsède 
et  va  venir  l'épouser  :  Ganelon  vient  en  effet,  suivi  de  l'archevêque 
Turpin,  ce  qui  n'empêche  pas  Roland  d'apostropher  rudement  le 
comte  et  de  le  défier  au  combat.  L'archevêque  s'interpose  et  au  nom 
de  l'empereur,  à  qui  leurs  bras  appartiennent,  défend  aux  che 
valiers  de  se  battre,  hormis  contre  les  Maures  d'Espagne;  Ganelon 
médite  un  enlèvement  nocturne  de  la  beauté  rebelle,  et  Roland  part 
en  entonnant  à  pleine  voix  : 

Superbes  Pyrénées 

Qui  dressez  dans  le  ciel 

Vos  têtes  couronnées 

D'un  hiver  éternel. 


Voici  venir  les  Francs. 
Le  second  acte  se  passe  à  Saragosse  dans  le  palais   de  l'émir  : 
Aide  s'y  entretient  avec  Saïda  ;  elle  voudrait   bien  savoir  si  Roland 
l'aime  un  peu,  lui  qui  n'est  sensible  qu'à  la   gloire.    Saïda  lui  en 
fournit  le  moyen. 

Un  rendez-vous  aux  clartés  des  étoiles 
Sous  mon  costume  éloigne  tout  danger. 
Près  de  Roland,  couverte  de  longs  voiles, 
Selon  ton  cœur,  tu  peux  l'interroger. 

Ainsi  dit,  ainsi  fait  :  Aide  se  déguise  comme  pour  un  bal  masqué, 
mais  bientôt  elle  se  révèle  :  Roland  échange  avec  elle  des  protesta- 
tions et  des  serments.  L'émir  survient,  et  croyant  trouver  sa  fille  en 
conversation  criminelle,  il  insulte  le  paladin,  qui,  pour  toute  réponse, 
lui  ordonne  de  préparer  son  tribut. 

Quant  à  la  noble  châtelaine 
Vers  Charlemairne  je  l'emmène. 
Dans  une  heure  je  partirai. 


Une  heure,  c'est  plus  qu'il  n'en  faut  à  l'émir,  à  Ganelon  et  autres 
vauriens  de  même  trempe,  pour  tramer  leurs  noirs  complots.  La  haine 
de  Roland  sera  leur  mot  d'ordre,  et  sa  dépouille  paiera  leurs  lâches 
exploits.  Ils  se  la  partagent  d'avance  :  celui-ci  veut  sa  Durandal, 
celui-là  son  cor  d'ivoire,  un  autre  son  armure,  sa  lance  au  gonfanon 
blanc.  Comme  il  est  toujours  le  premier  quand  on  marche  en  avant, 
le  dernier  quand  on  se  retire,  ils  l'attendront  dans  le  vallon  sombre 
de  Roncevaux. 

Les  deux  actes  dont  le  sommaire  précède,  peu  chargés  d'action, 
peu  riches  d'invention,  ne  servent  à  peu  près  que  de  prologue  au 
troisième,  dans  lequel  toute  la  pièce  réside,  si  du  moins  il  y  a  pièce. 
En  tout  cas,  pièce  ou  fabliau,  drame  ou  rêve,  chanson  de  geste, 
ballade  ou  complainte,  il  y  a  là  une  idée  originale,  hardie,  et  même 
tellement  hardie,  que  pas  un  auteur  de  profession  n'eût  eu  le  cou- 
rage de  la  risquer.  Ce  courage,  M.  Mermet  le  doit  sans  doute  à  son 
inexpérience,  et  il  faut  qu'il  lui  rende  grâce,  car  elle  lui  a  procuré 
ce  que  son  triomphe  a  eu  de  plus  éclatant,  de  plus  décisif.  Le  troi- 
sième acte  commence,  et  nous  sommes  au  fond  du  vallon  sombre. 
Dès  le  premier  acte  en  apercevant  la  belle  Aide,  et  en  sentant  les  at- 
teintes de  l'amour,  Roland  ne  nous  avait  point  dissimulé  le  péril  qu'il 
courait,  et  il  avait  dit  : 

Mon  cœur,  mon  cœur,  point  de  faiblesse  : 
J'entends  un  ange  me  crier  : 
lïoland  tu  m'as  fait  la  promesse 
D'avoir  toujours  un  cœur  d'acier. 

Belle  promesse,  mais  difficile  à  tenir!  Plus  l'amour  s'accroît,  plus 
le  remords  augmente ,  plus  le  héros  se  désespère.  L'archevêque  Tur- 
pin tient  à  savoir  pourquoi  et  le  héros  s'explique  en  ces  termes.  Je 
transcris  le  morceau  tout  entier  : 

J'étais  bien  jeune  encor,  lorsque  je  vis  en  rêve 

Un  ange  radieux,  le  bras  armé  d'un  glaive, 

Il  marchait  devant  moi,  me  montrant  le  chemin... 

Sans  peur  je  le  suivais...  Quand  j'aperçois  soudain 

Une  église  en  ruine,  un  sombre  cimetière... 

L'ange  s'arrête;  à  sa  voix  l'éclair  luit... 

Il  me  montre  uns  tombe,  en  soulève  la  pierre, 

Y  jette  son  épée. . .  et  tout  s'évanouit! 

Je  l'avais  déjà  vu,  ce  sombre  cimetière; 

Dès  le  matin  j'y  cours,  et,  sous  la  pierre, 
Je  découvre  au  milieu  d'ossements,  de  débris, 
Un  glaive  sur  lequel  je  vois  ces  mots  écrits  : 

(Il  lire  son  épée  et  montre  à  Turpin  la  légende.) 
Je  suis  Durandal 
Du  plus  dur  métal. 
Sans  craindre  personne, 
Qui  me  portera 
La  victoire  aura, 
Son  cœur  s'il  ne  donne. 
Et  moi,  voulant  remercier 
L'ange  radieux  de  mon  rêve, 
Vers  le  ciel  je  tendis  le  glaive 
Et  lui  promis  d'avoir  un  cœur  d'acier. 

Hélas!  j'ai  trahi  ma  promesse... 
Pardonne-moi,  prêtre,  je  m'en  confesse  ; 
L'amour  est  le  plus  fort,  il  me  tient  enchaîné  ; 
Par  l'ange  du  Seigneur  je  suis  abandonné. 
(Il  se  prosterne  aux  genoux  de  Turpin  et  laisse  tomber  son  épée.) 

Comprenez-vous  la  nouveauté,  l'étrangeté  de  cette  situation?  D'une 
part  une  épée,  qui  veut  être  aimée  exclusivement,  de  l'autre  une 
femme  qu'on  ne  peut  délaisser,  trahir!  L'archevêque  se  constitue 
l'avocat  de  l'épée,  Aide  vient  plaider  pour  elle-même,  et  voilà  Roland 
placé  entre  deux  principes,  deux  entraînements,  comme  Robert  le 
Diable  entre  Bertram  et  Alice.  Qui  sait  comment  la  lutte  se  termine- 


DE  PARIS. 


323 


rait,  si  le  pâtre,  toujours  chargé  dans  la  pièce  du  rôle  de  messager, 
ne  venait  annoncer  que  les  Sarrasins  cernent  les  Francs  de  toutes 
parts;  Put  de  ces  derniers  dit  à  Roland  : 

A  l'émir  nous  sommes  vendus, 
Koland,  sonne  ton  cor  d'ivoire 
Et  Charles  reviendra  pour  nous  porter  secours. 

Mais  le  héros  se  refuse  noblement  à  laisser  échapper  un  indice  de 
terreur. 

Amis,  en  Dieu  prenez  courage! 
A  travers  ces  païens,  condamnés  à  périr, 
Je  vous  ouvre  un  passage. 

Alors  l'enthousiasme  chevaleresque  et  religieux  est  porté  à  son 
comble.  Nous  assistons  à  une  scène  de  Thermopyles  chrétiens. 
L'archevêque  invite  les  soldats,  les  chefs  à  se  confesser  ;  Roland  ap- 
pelle les  douze  pairs,  chacun  par  sou  nom,  et  tous  les  Francs  s'é- 
lancent d'un  seul  bond,  en  répétant  un  suprême  cri  de  guerre  : 
Montjoie  et  Charlemagne.  Je  n'ai  jamais  entendu  rien  de  plus  cha- 
leureux, de  plus  vigoureux  que  cette  Marseillaise  d'un  temps  fabuleux 
qui  retentit  comme  l'airain  et  enivre  comme  la  poudre.  Napoléon  Ier 
disait  que  YHector  de  Luce  de  Lancival  était  une  tragédie  de  quartier 
général,  et  nous  dirons  que  le  chœur  de  Roland  est  un  véritable  mor- 
ceau d'avant-garde,  qui  passera  dans  toutes  les  musiques  militaires, 
et  s'installera  au  répertoire  de  tous  les  orphéons.  La  salle  entière, 
électrisée  par  ces  fiers  accents,  a  redemandé  le  chant,  en  l'ap- 
plaudissant à  outrance. 

Après  ce  troisième  acte,  S.  M.  l'Empereur,  qui  était  dans  sa  loge 
avec  le  prince  Humbert,  et  le  duc  de  Leuchtenberg,  son  cousin,  a 
fait  venir  M.  Mermet  et  l'a  complimenté  de  la  manière  la  plus  déli- 
cate et  la  plus  flatteuse. 

Le  quatrième  acte  n'est  qu'un  épilogue  très-court.  La  toile  se  re- 
lève sur  le  même  vallon  sombre,  jonché  de  morts  et  de  mourants  ; 
Roland,  blessé,  se  traîne  avec  peine  ;  il  s'est  vengé  en  tuant  Ganelon; 
il  le  montre  à  la  belle  Aide  et  il  expire  dans  ses  bras,  en  murmurant 
d'une  voix  éteinte  : 

Je  veux  vous  servir  de  bannière. 


Montjoie  et  Charlemagne!  En  avant!  en  avant! 

L'analyse  même  la  plus  rapide  met  en  relief  les  qualités  et  les  dé- 
fauts d'un  drame  aussi  peu  compliqué.  A  cet  égard,  la  musique  res- 
semble au  drame  ;  ce  n'est  pas  la  musique  de  tout  le  monde,  quel- 
qu'un l'avait  dit  d'avance,  et  ce  quelqu'un  avait  raison.  En  général 
l'inspiration  de  M.  Mermet  est  simple,  franche  et  puissante;  elle  lui 
appartient  en  propre,  mais  il  ne  sait  pas  assez  la  mettre  en  œuvre, 
la  faire  valoir  par  un  travail  dont  les  grands  maîtres  lui  ont 
donné  l'exemple.  Aussi  réussit-il  mieux  dans  les  morceaux  véhéments 
que  dans  ceux  qui  demandent  un  souffle  tempéré,  des  variétés  de 
mouvement,  des  gradations,  des  nuances.  L'art  et  le  métier  lui 
manquent  :  quand  l'idée  est  absente,  il  n'y  a  plus  rien.  Par  ces  causes 
son  ouverture  est  pour  moi  quelque  chose  d'indécis,  de  vague,  dont 
on  ne  saisit  ni  le  contour  ni  le  sens.  Le  premier  chœur  est  très- 
agréable,  mais  la  chanson  de  Roland,  dite  par  le  pâtre,  est  à  peu 
près  nulle,  comme  la  romance  de  Saïda,  l'air  d'Aide  et  le  duo  de 
celle-ci  avec  Roland.  Le  chœur  :  aux  fiancés  rendons  hommage,  dé- 
bute bien,  mais  finit  trop  vite.  La  musique  se  relève  à  l'exclamation 
grandiose  de  Roland  :  Superbes  Pyrénées,  que  le  chœur  reprend  avec 
lui  pour  clore  le  premier  acte. 

Dans  le  second,  je  n'ai  à  citer  que  des  chœurs  gracieux,  de  jolis 
airs  de  danse,  un  délicieux  cantabile  de  Roland  :  Rayonnantes  beau- 
tés. Son  duo  avec  Aide  est  médiocre,  et  le  finale,  où  les  Sarrasins 
se  partagent  la  peau  du  lion,  qu'ils  n'ont  pas  encore  abattu,  ne  vaut 
guère  mieux.  Le  compositeur  ignore  trop  absolument  le  secret  de 
ces  morceaux  fortement  conçus  et    intrigués,  pezzi   concertai,    in- 


Irecciati,  sans  lesquels  l'intérêt  musical  tombe  à  chaque  instant.  Le 
troisième  acte ,  je  me  plais  à  le  constater,  est  excellent  d'un  bout 
j  à  l'autre;  le  chœur  France!  France  !  la  délicieuse  farandole  de  ber- 
gers et  de  jeunes  filles  qui  se  déroule  et  serpente  à  travers  les  sol- 
dats; le  récit  :  J'étais  bien  jeune  encor,  le  chant  de  Turpin  :  Roland, 
reprends  ton  glaive,  le  trio  de  Roland,  d'Aide  et  de  Turpin,  malgré 
l'écrasante  concurrence  du  trio  final  de  Robert,  l'hymne  guerrier, 
qui  couronne  le  tout,  ne  mériient  que  des  éloges,  des  bravos  sans 
réserve,  et  on  les  a  traités  comme  ils  méritaient  de  l'être. 

L'auteur  du  libretto  et  de  la  partition  de  Roland  à  Roncevaux  a 
donc  mené  à  bonne  fin  sa  rude  et  périlleuse  entreprise.  Si  nous 
acceptons  comme  expédient  et  faute  de  mieux  ce  cumul  inlellectuel  du 
poëte  musicien,  iu  musicien  poëte,  ou,  si  vous  voulez,  de  l'auteur 
in  utroque,  nous  sommes  loin  de  l'admettre  comme  théorie  normale. 
L'art  musical  et  l'art  dramatique  sont  trop  différents  pour  qu'à  moins 
d'un  génie  exceptionnel,  on  puisse  y  exceller  également.  Pour  la 
composition  d'un  opéra  comme  pour  la  procréation  d'un  être  hu- 
main, il  faut  le  concours  de  deux  personnes.  Néanmoins  il  est  juste 
de  dire,  en  se  résumant  sur  le  poëme  de  M.  Mermet,  que  beaucoup 
d'auteurs  de  profession  en  ont  souvent  fait  jouer  de  moins  bons,  et, 
en  ce  qui  touche  sa  partition,  que  des  musiciens  dont  c'est  l'unique 
emploi  n'en  ont  pas  toujours  écrit  d'aussi  bonne. 

Comme  dernier  trait  à  l'honneur  de  M.  Mermet,  constatons  qu'ai; 
moment  de  l'inévitable  rappel,  il  a  eu  le  bon  esprit  de  ne  pas  se 
trouver  au  théâtre. 

Aujourd'hui  nous  n'avons  que  le  temps  et  l'espace  nécessaires 
pour  dire  un  mot  de  l'exécution  et  de  la  mise  en  scène.  Gueymard 
est  l'idéal  du  neveu  de  Charlemagne  par  la  physionomie,  la  taille, 
le  costume  et  surtout  la  voix.  Il  a  concouru  puissamment  à  l'effet 
des  belles  parties  de  l'œuvre  :  Mme  Gueymard  l'y  a  souvent  aidé; 
Belval  et  Cazaux  doivent  être  nommés  à  la  suite. 

Quant  aux  décors  et  aux  costumes,  ce  n'est  pas  une  plume,  c'est 
un  pinceau  qu'il  faudrait  pour  en  donner  le  spécimen. 

Paul  SMITH. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  ITALIEN. 

Réouverture. 

Depuis  le  premier  jour  de  ce  mois  six  représentations  ont  été  don- 
nées. Rigoletto  a  ouvert  la  marche,  et  puis  nous  avons  revu  Lucrezia 
Boryia,  Lucia  et  la  Sonnambula.  Fraschini ,  Mme  de  Lagrange, 
Naudin,  Adelina  Patti  ont  reparu  dans  le  cours  d'une  même  se- 
maine. On  nous  permettra  de  nous  taire  sur  les  débutants,  Sarti  le 
ténor,  qui  a  chanté  le  rôle  du  duc  de  Mantoue,  et  Zacchi  le  bary- 
ton, qui  a  dit  celui  d'Ashton.  C'est  un  exemple  que  nous  leur  donnons 
et  qu'ils  feront  bien  de  suivre,  si  quelque  motif  inconnu  ne  les  a 
empêchés  de  se  montrer  avec  plus  d'avantages,  et  s'ils  ne  tiennent 
en  réserve  des  qualités  cachées,  l'un  de  chanteur,  l'autre  d'acteur, 
avec  lesquelles  ils  puissent  se  relever  d'un  échec  trop  manifeste. 

Quant  aux  artistes  que  nous  connaissions  et  dont  le  retour  était 
une  fête,  nous  n'avons  que  de  bonnes  nouvelles  à  en  donner.  Fras- 
chini chante  mieux  que  jamais.  Mme  de  la  Grange  est  toujours  la 
cantatrice  et  la  femme  d'une  distinction  suprême,  d'un  art  infini,  et 
d'une  adresse  sans  égale  à  dissimuler  ce  que  sa  voix  a  perdu  en 
fraîcheur,  en  jeunesse.  Naudin  a  fait  de  grands  progrès  de  méthode 
et  de  style  :  il  nuance  avec  tout  le  goût  possible,  et  plus  il  ménage 
ses  forces,  plus  il  semble  en  acquérir.  Les  bravos,  les  te,  les  rap- 
pels lui  ont  prouvé  qu'il  n'avait  pas  travaillé  pour  des  ingrats. 

Adelina  Patti  a  fait,  elle  aussi,  de  notables  progrès.  Sa  voix,  si 
merveilleusement  agile,  expressive  et  touchante,  a  gagné  en  puis- 
sance. Sa  taille  s'est  enrichie  d'un  embonpoint  léger,  qui  lui  sied  à 
ravir  et  témoigne  de  sa  florissante  santé.  Le  rôle  d'Amina,  dont  elle 


324 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


a  su  faire  quelque  chose  de  si  neuf,  de  si  ingénument  et  spirituel- 
lement passionné,  lui  a  mérité  de  nouvelles  admirations,  mêlées  de 
douces  larmes.  Et  bientôt  elle  va  s'essayer  dans  des  opéras  qu'on 
dirait  faits  exprès  pour  elle  :  YElisire  d'Amure,  la  Figlia  del  Reggi- 
mento.  La  foule  s'empressera  de  venir  l'y  applaudir,  comme  elle  se 
portera  ce  soir  à  Don  Pasquale,  auquel  Adelina  Palti  prête  un  attrait 
si  vif.  En  vertu  de  la  liberté  on  peut  prendre  à  M.  Bagier  quelques 
chefs-d'œuvre  :  on  ne  lui  prendra  pas  sa  cantatrice,  avec  laquelle 
les  chefs-d'œuvre  centuplent  de  valeur. 

P.  3. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

Le  Songe  d'wne  nuit  d'été  —  DéltntcIeHImeGennetier. 

Le  Ca'id  et  le  Songe  d'une  nuit  d'été  sont  les  deux  ouvrages  les 
plus  heureux  de  M.  Ambroise  Thomas.  On  ne  se  lasse  pas  de  les  en- 
tendre. Ils  servent  à  tous  les  débuts,  surtout  le  Songe,  où  il  y  a 
cinq  rôles  excellents,  —  premier  et  second  sopranos,  premier  et  se- 
cond ténors,  basse  comique  et  basse  chantante  tout  à  la  fois.  La  pièce 
est  fortement  intriguée,  habilement  conduite,  pleine  de  situations  pi- 
quantes, et  animée  d'un  souffle  poétique  qui  l'élève  au-dessus  des 
vulgaires  livrets  d'opéra-comique.  La  partition,  suffisamment  mélo- 
dieuse, met  les  voix  en  dehors,  et  leur  offre  mille  occasions  de  se 
déployer  avec  éclat.  Acteurs  et  chanteurs  trouvent  donc  également 
leur  compte  dans  cet  ouvrage,  et  si,  depuis  quinze  ans,  il  n'a  pas 
cessé  d'être  en  faveur  auprès  des  artistes  et  du  public,  on  ne  dira 
pas  de  lui,  comme  on  l'a  dit  du  Château  de  Versailles  :  C'est  un  fa- 
vori sans  mérite. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  Mme  Gennetier  ait  voulu  débuter 
à  l'Opéra-Comique  dans  le  rôle  de  la  reine  Elisabeth.  Elle  y  a  réussi 
tout  à  la  fois  comme  cantatrice  et  comme  comédienne.  Elle  a  de  la 
distinction,  de  l'élégance,  une  grande  habitude  de  la  scène,  une  re- 
marquable intelligence  ;  elle  dit  fort  bien  le  dialogue,  en  soigne  tous 
les  détails,  en  fait  valoir  toutes  les  intentions.  Sa  voix,  pleine  et 
vigoureuse  dans  la  partie  grave,  s'élève  sans  effort,  et  les  notes  ai- 
guës sont  éclatantes  sans  dureté.  Elle  vocalise  surtout  avec  une  mer- 
veilleuse facilité  et  nuance  son  chant  avec  une  délicatesse  infinie. 
Depuis  longtemps  on  n'avait  entendu  à  l'Opéra-Comique  le  grand 
air  du  troisième  acte  chanté  comme  il  l'a  été  par  Mme  Gennetier. 
Accueillie  fréquemment  par  des  applaudissements  de  bon  aloi,  rap- 
pelée après  la  chute  du  rideau,  cette  cantatrice  peut  porter  avec 
éclat  le  poids  de  beaucoup  de  rôles  sous  lesquels  d'autres  fléchi- 
raient. Elle  rendra  à  l'Opéra-Comique  de  bons  et  utiles  services  : 
elle  lui  permettra  de  remettre  au  répertoire  des  œuvres  importantes 
que,  depuis  quelque  temps,  la  force  des  choses  en  avait  écartées. 
L'acquisition  de  Mme  Gennetier  sera  donc,  pour  l'administration, 
comme  pour  le  public,  une  excellente  affaire. 

Elle  était  très-bien  entourée,  d'ailleurs.  On  l'a  secondée  à  mer- 
veille. 11  semblait  que  chacun  voulût  concourir  au  succès  de  ce  dé- 
but. Shakspeare,  Latimer,  miss  Olivia,  sir  John  Falstaff  ont  rivalisé 
de  zèle  et  de  dévouement.  Une  reine  est  rarement  aussi  bien  servie. 
Si  donc  Mme  Gennetier  a  recueilli  des  marques  nombreuses  et  écla- 
tantes de  la  satisfaction  de  l'auditoire,  Mlle  Bélia,  MM.  L.  Achard, 
Capoul  et  Crosti  ont  eu  leur  juste  part  d'applaudissements,  ainsi  que 
les  auteurs,  et  chacun  répétait  en  sortant  :  Quelle  œuvre  charmante 
que  le  Songe  d'une  nuit  d'été! 

Léon  DUROCHER. 


DEVIENNE. 

(5e  article)  (1). 
IV. 

Nous  n'avons  plus  à  nous  occuper  que  de  deux  ouvrages  drama- 
tiques de  Devienne,  mais  ces  deux  ouvrages  sont,  avec  les  Visitan- 
dines,  ceux  qui  ont  consacré  sa  réputation  au  théâtre.  Il  s'agit  des 
Comédiens  ambulans  et  du  Valet  de  deux  maîtres. 

Les  Comédiens  ambulans  furent  représentés  pour  la  première  fois 
à  Feydeau  le  8  nivôse  an  VII  (28  décembre  1798);  le  livret  était  en 
deux  actes  et  signé  Picard.  Poète  et  musicien  obtinrent  un  succès 
fou,  aidés  qu'ils  étaient  par  les  excellents  artistes  du  théâtre  :  Jaus- 
serand,  Juliet,  Lesage,  Fay,  Legrand,  les  «  citoyennes  »  Rolandeau, 
Camille  et  Auvray. 

11  me  tarde  d'en  venir  à  un  document  que  j'ai  maintenant  à  met- 
tre sous  les  yeux  du  lecteur;  il  s'agit  d'une  lettre  du  Cousin-Jacques, 
de  ce  Beffroy  de  Reigny  (2),  si  singulier,  si  original,  si  excentrique, 
mais  qui,  au  fond,  ne  manquait  de  talent  ni  comme  écrivain  ni  comme 
compositeur.  Cette  lettre  qni  fut,  à  la  date  du  18  nivôse  an  VII, 
insérée  dans  le  Courrier  des  spectacles,  dont  le  Cousin-Jacques  était 
l'un  des  plus  assidus  collaborateurs,  est  certainement  inconnue  de 
tous  aujourd'hui,  même  de  son  habile  et  consciencieux  biographe, 
M.  Charles  Monselet  (3).  La  voici  : 

«  Encore  un  mot  sur  les  Comédiens  ambulans  (h).  J'aime  à  reve- 
nir sur  les  bonnes  choses,  et  j'appelle  bonnes  choses  tout  ce  qui  porte 
le  sceau  du  naturel  et  de  la  véritable  gaieté.  Un  de  nos  cousins  du 
Parnasse  savoit  bien  ce  qu'il  disoit,  quand  il  prétendoit  que 
Tous  les  genres  sont  bons,  hors  le  genre  ennuyeux. 

Je  connois  bien  le  proverbe  :  Un  barbier  rase  l'autre,  et  il  s'ap- 
plique souvent  avec  justesse  à  des  auteurs  du  même  genre  qui  se  fla- 
gornent dans  les  journaux,  de  la  meilleure  foi  du  monde.  Mais,  outre 
qu'aucun  intérêt  personnel  n'a  pu  m'engager  à  faire  l'éloge  des  au- 
teurs de  la  pièce,  outre  qu'il  n'est  nullement  probable  qu'à  la  pre- 
mière folie  qu'on  va  jouer  de  moi  à  Feydeau,  les  citoyens  Picard  et 
Devienne  me  rendront  la  pareille,  je  dirai,  pour  leur  défense  et  pour 
la  mienne  :  1°  que  je  ne  me  mêle  jamais  de  juger  le  théâtre,  et 
que  ce  n'est  point  cette  partie  quej'ai  adoptée  dans  votrejournal,  parce 
qu'elle  est  trop  assujettissante  pour  mon  caractère  indépendant,  parce 
que  ceux  qui  s'en  chargent  la  traitent  mieux  que  je  ne  pourrais  faire, 
et  parce  qu'un  écrivain  dramatique,  jugeant  des  pièces  de  ses  con- 
frères, serait  suspect  à  bon  droit,  comme  juge  et  partie;  2°  que  je 
ne  suis  nullement  lié  avec  Picard  que  je  n'entrevois  que  deux  ou  trois 
fois  dans  l'année,  non  plus  qu'avec  Devienne,  à  qui  je  dis  bon  soir 
en  passant,  quand  je  l'aperçois  au  théâtre,  où  je  ne  vais  guère  plus 
d'une  fois  dans  le  mois;  3°  enfin,  que,  s'il  s'agit  ici  de  barbier,  ce  se- 
rait moi  qu'on  raserait  h  coup  sûr,  attendu  que  Picard,  pour  les  pa- 
roles, et  Devienne,  pour  la  musique,  sont  en  état  de  faire  la  barbe, 
non-seulement  à  moi,  mais  à  bien  d'autres. 

»  J'ai  déjà  observé  que  Picard  possédoit  à  un  degré  supérieur  le 
vis  comica,  si  précieux  à  la  scène.  On  a  fait  au  théâtre,  à  ce  sujet, 

(1)  Voir  les  n0'  31,  32,  39  et  40. 

(2)  Le  nom  de  «  Cousin-Jacques  »  était  un  pseudonyme  qu'il  avait  adopté  en 
entrant  dans  la  carrière  des  lettres.  Son  véritable  nom  était  Beffroy,  et  on  l'a- 
vait appelé  Beffroy  de  Reigny  pour  le  distinguer  de  ses  deux  frères,  Beffroy  de- 
Beauvoir  et  Beffroy  de  Jésomprez. 

(3)  Dans  son  livre  curieux  et  intéressant,  les  Oubliés  et  les  Dédaignés,  M.  Mon- 
selet a  donné  —  au  seul  point  de  vue  littéraire  —  une  étude  excellente  et  très- 
dévoloppée  sur  le  Cousin-Jacques. 

(Il)  Quelques  jours  auparavant,  il  avait  publié,  dans  le  même  journal,  une  pre- 
mière lettre  sur  les  Comédiens  ambulans,  dans  laquelle  il  ne  parlait  que  de  la 
pièce  de  Picard. 


DE  PARIS. 


325 


une  plaisanterie,  qui,  si  elle  n'est  pas  excellente,  prouve  du  moins 
l'idée  que  ceux  qui  connoissent  cet  auteur  et  sa  conduite  se  sont 
formée  de  son  caractère  et  de  ses  mœurs  ;  on  m'a  dit,  au  sujet  du 
mot  vis,  qu'il  n'avoit  que  celui-là;  c'est  qu'en  effet  on  ne  lui  connoît 
aucun  vice;  c'est  un  très-mauvais  calembourg,  je  le  sais,  mais  il  faut 
s'attacher  au  sens. 

»  Quant  à  ce  but  moral  que  je  voudrais  voir  un  peu  plus  marqué 
dans  ses  pièces,  il  m'en  parla  l'autre  jour  et  m'observa  plaisamment 
que  s'il  eût  mis  de  la  moralité  dans  des  comédiens  ambulans  de 
l'espèce  de  ceux  qu'il  a  voulu  peindre,  il  aurait  péché  contre  la 
première  règle  du  théâtre,  la  vraisemblance.  Je  suis  parfahement  de 
son  avis  là-dessus  ;  d'ailleurs,  j'ai  remarqué  que  les  auteurs  les  plus 
moraux  dans  leurs  ouvrages,  ne  le  sont  pas  également  dans  leur 
conduite  :  en  raison  inverse  de  celte  observation  fondée  sur  une 
triste  expérience,  on  voit  des  auteurs,  dont  les  noms  et  le  caractère 
sont  infiniment  estimables,  comme  Picard  par  exemple,  et  dont  les 
ouvrages  respirent  beaucoup  plus  de  gaieté  et  d'esprit  que  de  mo- 
rale. 

»  La  musique  des  Comédiens  ambulans  m'a  paru  extrêmement 
bien  conçue  ;  Devienne  a  saisi  l'esprit  général  de  la  pièce  dans  son 
ouverture  et  non  pas  chaque  détail  des  scènes  successivement,  ce 
qui  est  un  défaut  très-remarquable  dans  quelques  auteurs.  Il  a  en- 
core saisi,  non  pas  le  sens  isolé  de  chaque  vers  dans  tous  les  mor- 
ceaux de  chant,  mais  bien  la  situation  de  l'âme  du  chanteur  et  l'ex- 
pression particulière  à  chaque  rôle,  ce  qui  constituera  toujours  le 
talent  lyrique  au  théâtre. 

»  D'abord,  en  entendant  l'ouverture,  on  est  tenté  de  s'écrier:  vous 
êtes  orfèvre,  Monsieur  Jossel  et  l'on  devine  aisément  qu'un  artiste 
tel  que  Deviennent  pouvoit  pas  en  conscience  faire  la  musique  d'une 
pièce,  où  il  s'agit  d'une  lutte  entre  plusieurs  chanteuses,  sans  pré- 
luder par  une  lutte  entre  les  premiers  talents  de  l'orchestre  dans  ce 
qu'on  appelle  V harmonie,  surtout  quand  l'auteur  en  fait  partie  (1) 
Mais  M.  Josse  est  d'autant  plus  excusable  d'aimer  l'orfèvrerie,  que  son 
or  n'a  point  d'alliage  et  qu'il  est  même  au  titre  le  plus  fin.  Ce  n'est 
pas  seulement  l'harmonie  qr,'on  entend  lorsque  Frédéric,  Sallentin, 
Hugot,  Duvernois  et  Devienne  exécutent  un  concerto  ;  c'est  plus  en- 
core, selon  moi;  c'est  le  véritable  harmonica(\) ,  si  j'en  juge  par  l'im- 
pression qu'ils  font  sur  l'âme  des  auditeurs.  Ceci  soit  dit  sans  porter 
préjudice  aux  talents  de  ceux  dont  je  ne  parle  pas.  Ce  seroit  une 
prévention  coupable  que  celle  qui  ne  ferait  jamais  l'éloge  d'un  ar- 
tiste qu'aux  dépens  d'un  autre  ;  comme  de  toutes  les  erreurs  la  plus 
déplorable  et  la  plus  funeste  au  progrès  des  arts  et  des  lettres,  c'est  de 
ne  pouvoir  accorder  du  mérite  à  une  pièce  de  théâtre,  à  tel  genre, 
à  tel  acteur,  sans  déprimer  les  pièces,  le  genre  et  les  acteurs  qui  ne 
leur  ressemblent  pas  :  c'est  ici  le  cas  de  finir  comme  j'ai  commencé  : 
»  Tous  les  genres  sont  bons,  hors  le  genre  ennuyeux. 

»  Salut  et  estime, 

»  Lu  Cousin-Jacques.  » 

On  voit  que  notre  homme  n'y  allait  pas  de  main  morte  lorsqu'il 
s'agissait  de  louer  un  confrère.  Plût  à  Dieu  que  sous  ce  rapport  tous 
les  artistes  lui  ressemblassent  !  On  sait,  du  reste,  quelle  excellente 
et  loyale  nature  c'était  que  ce  Cousin-Jacques,  et  je  dois  ajouter  que 
sa  sympathie  était  en  ce  cas  grandement  justifiée    par  la  valeur  de 


(1)  Par  opposition  au  quatuor,  qui  se  compose  de  la  totalité  des  instruments 
à  archet,  on  appelle  harmonie,  dans  un  orchestre,  la  réunion  de  tous  les  instru- 
ments à  vent,  et  plus  spécialement  encore,  celle  des  instruments  à  vent  en  bois  : 
flûtes,  clarinettes,  hautbois  et  bassons.  «  Vous  êtes  orfèvre,  Monsieur  Josse,  » 
s'écrie  le  Cousin-Jacques  en  s' adressant  à  Deviennes  c'est-à-dire  vous  jouez  admi- 
rablement de  la  flûte  et  du  basson,  vous  écrivez  à  merveille  pour  tous  les  instru- 
ments qui  tiennent  à  la  famille  de  ceux-ci,  vous  êtes  premier  basson  à  Feydeau, 
et  vous  avez  voulu  faire  montre  de  votre  talent  et  de  celui  de  vos  camarades.  » 


l'œuvre  dont  il  traçait  l'éloge  avec  une  si  grande  franchise.  Je  ne 
veux  pas  analyser  dans  tous  ses  détails  la  partition  si  complète  et  si 
remarquable  des  Comédiens  ambulans  ;  mais  je  ne  puis  m'empêcher 
de  dire,  et  je  ne  suppose  pas  qu'on  me  désavoue,  que  c'est  la  pro- 
duction d'un  talent  supérieur  arrêté  dans  son  essor  par  une  mort  pré- 
maturée, et,  qu'après  sa  lecture,  il  est  incontestable  pour  moi  que  si 
Devienne  avait  vécu,  il  se  fût  élevé  à  la  hauteur  des  plus  grands 
génies  qui  ont  illustré  le  commencement  du  dix-neuvième  siècle. 
Pour  formuler  en  peu  de  mots  mon  sentiment  sur  ce  charmant 
ouvrage,  je  dirai  qu'il  est,  à  mon  avis,  impossible  de  rencontrer 
dans  une  œuvre  lyrique,  une  entente  plus  complète  de  la  scène,  un 
sentiment  plus  juste  et  plus  profond  de  la  vérité  dramatique,  une 
plus  grande  abondance  mélodique,  une  pureté  de  formes  plus  ex- 
quise, un  style  plus  soutenu,  enfin  une  instrumentation  plus  brillante 
et  plus  sage  à  la  fois.  La  partition,  publiée  chez  Cousineau,  fut  dédiée 
par  Devienne  à  la  femme  de  son  collaborateur,  la  «  citoyenne  » 
Picard. 

Arthur  POUGIN. 
'La  suite  prochainement.) 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 


Odéon  :  les  Mères  terribles,  comédie  en  un  acte  et  en  prose,  par 
MM.  Chivot  et  Duru.  —  Vaudeville  :  le  Drac,  comédie  en  trois 
actes  et  un  prologue,  par  George  Sand  et  Paul  Meurice.  — Théâtre 
impérial  du  Chatelet  :  reprise  des  Sept  Châteaux  du,  diable. 

La  comédie  des  mères  qui  veulent  marier  leurs  filles  est,  à  quel- 
ques nuances  près,  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  jamais  ce- 
pendant elle  n'a  été  plus  en  situation  que  de  nos  jours,  où  la  rareté 
du  gibier  a  rendu  la  chasse  aux  maris  tout  aussi  difficile  que  celle 
du  perdreau  et  du  lièvre.  Aussi  qu'un  malheureux  jeune  homme, 
offrant  les  apparences  d'un  prétendu  sortable,  s'égare  dans  un  salon 
orné  de  demoiselles  à  pourvoir,  vous  voyez  aussitôt  les  Mme  Bergerat 
et  les  Mme  Ducoudray  de  la  comédie  s'élancer  sur  sa  piste,  le  guetter, 
le  coucher  en  joue  et  se  disputer  le  coup  de  fusil  qui  doit  le  mettre 
dans  le  carnier  du  mariage.  Tel  est  le  sort  de  M.  de  Blainval  qui 
fait  le  rôle  du  gibier  dans  la  pièce  nouvelle  de  l'Odéon,  les  Mères  ter- 
ribles. Mais,  malgré  les  inconvénients  de  sa  position,  ce  jeune  infor- 
tuné est  encore  moins  à  plaindre  que  les  filles  de  Mme  Ducoudray 
et  de  Mme  Bergerat,  forcées  par  leurs  mères  de  déployer  tous  leurs 
petits  talents  de  société  pour  séduire  M.  de  Blainval.  C'est  un  duel 
acharné,  dont  ces  mères  terribles  dirigent  à  l'envi  tous  les  incidents, 
toutes  les  péripéties,  mais  en  pure  perte;  car,  une  fois  à  bout  de 
ruses  et  de  perfidies  réciproques,  elles  apprennent  que  M.  de  Blainval 
est  marié  secrètement  et  que  la  chose  est  à  recommencer. 

Bien  de  plus  amusant  et  de  plus  réel  que  cette  légère  esquisse  de 
mœurs,  fort  bien  interprétée  par  les  artistes  de  l'Odéon,  et  qui  n'a 
d'autre  défaut  que  de  côtoyer  d'un  peu  trop  près  le  répertoire  des 
Variétés  et  du  Palais-Boyal. 

—  Un  volume  publié ,  il  y  a  quelques  mois ,  sous  le  titre  de  : 
Théâtre  de  Nohant,  contient  plusieurs  pièces  que  George  Sand  a 
écrites  spécialement  pour  être  jouées  devant  un  petit  groupe  d'amis, 
et  qui,  par  leur  forme  fantaisiste,  semblent  n'avoir  pas  été  destinées 
à  la  représentation  sur  nos  scènes  routinières.  L'une  d'elles  cepen- 
dant, le  Pavé,  a  été  essayée  au  Gymnase,  mais  avec  un  succès  mé- 
diocre. Le  Vaudeville,  à  son  tour,  s'est  laissé  tenter  par  une  autre 
de  tes  pièces;  seulement  il  a  pris  la  précaution  de  lui  faire  subir 
une  retouche  indispensable  et  d'y  adjoindre  un  prologue  explicatif. 
Sans  cela,  en  effet,  le  Drac  eût  couru  grand  risque  de  ne  pas  être 
compris  par  le  public.  Qui  est-ce  qui  sait  ce  que  c'est  qu'un  Drac? 
les   pêcheurs  des  côtes  de  la  Méditerranée,  et  encore,  pas  tous.  Il 


326 


REVUE  HT  GAZETTE  MUSICALE 


résulte  d'une  légende  locale,  développée  dans  le  prologue  en  vers 
de  M.  Paul  Meurice,  qu'un  Drac  est  un  lutin  familier,  dans  le  genre 
de  Trilbij,  qui  se  mêle  à  la  vie  des  pêcheurs,  les  accompagne  en 
mer,  les  harcèle,  les  taquine,  mais  sans  leur  faire  aucun  mal.  Or, 
l'un  de  ces  malins  démons  est  devenu  amoureux,  nous  ne  savons 
trop  comment,  de  la  fille  du  patron  André,  et  il  supplie  la  reine 
Cyané  de  lui  permettre  d'aller  faire  un  tour  sur  terre,  en  revêtant 
la  dépouille  mortelle  du  petit  mousse  Fleur-de-Mer,  qui  vient  de 
périr  dans  une  tempête.  La  reine  Cyané  accorde  son  autorisation  et 
voilà  le  Drac,  ou  plutôt  Fleur-de-Mer,  qui  se  trouve  lancé  tout  d'a- 
bord dans  une  intrigue  d'amour  fort  compliquée  avec  la  jolie  Fran- 
chie, courtisée  à  la  fois  par  le  soldat  Bernard,  son  préféré,  et  par 
l'usurier  Lesquinade,  que  le  patron  André  protège.  Ce  dernier  per- 
sonnage, de  l'invention  de  M.  Paul  Meurice,  n'existe  pas  dans  l'ou- 
vrage primitif  de  George  Sand,  et  nous  devons  constater  que  son 
intervention  est  une  heureuse  trouvaille.  Placé  entre  ses  deux  ri- 
vaux, le  Drac  oublie  son  origine,  devient  méchant,  haineux,  comme 
le  premier  homme  venu,  et  il  est  bien  près  de  s'abandonner  à  ses 
nouveaux  instincts,  lorsque  l'exemple  de  Bernard  le  fait  rentrer  en 
lui-même,  et  le  décide  à  s'immoler  pour  assurer  le  bonheur  de 
Francine. 

Cette  donnée  fantastique,  toute  pleine  d'un  sentiment  poétique, 
rehaussé  par  le  génie  de  George  Sand  et  par  le  talent  de  M.  Paul 
Meurice,  n'est  pas,  selon  nous,  dans  la  sphère  qui  lui  est  propre. 
S'il  y  eut  jamais  un  sujet  musical,  c'est  à  coup  sûr  celui-là,  et  nous 
nous  trompons  bien  si,  tôt  ou  tard,  le  Drac  ne  se  métamorphose  pas 
une  fois  encore,  sous  l'inspiration  heureuse  d'un  de  nos  bons  compo- 
siteurs. Tel  qu'il  est  aujourd'hui,  il  a  droit  à  l'estime  de  la  portion 
délicate  du  public  qui  préfère  aux  combinaisons  dramatiques  des  fai- 
seurs, de  belles  pensées  traduites  en  vers  élégants  ou  en  prose  forte 
et  substantielle.  Le  Drac  est  d'ailleurs  parfaitement  joué  par  Mlle  Jane 
Essler,  par  Mlle  Francine  Cellier,  et  par  Febvre,  Delannoy  et  Parade. 

—  On  a  repris  au  théâtre  impérial  du  Chàtelet  la  grande  féerie 
des  Sept  Châleauv  du  diable,  qui  a  été  naguère  l'un  des  plus  im- 
menses succès  de  la  Gaîté,  au  boulevard  du  Temple.  Remontée  avec 
luxe,  rajeunie  avec  soin  par  des  scènes,  des  airs  et  des  ballets  en- 
tièrement neufs,  cette  pièce  nous  fait  l'effet  de  vouloir  reconquérir  la 
vogue  qui  lui  a  déjà  valu  plusieurs  centaines  de  représentations. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


Le  défaut  d'espace  nous  empêche  de  donner  la  fin  de  la  biogra- 
phie de  M.  Fétis,  qui  se  termine  par  la  liste  complète  de  ses  ou- 
vrages. 


NOUVELLES. 

*%  Les  trois  représentations  de  la  semaine  au  théâtre  impérial  de 
l'Opéra  ont  été  remplies  par  Roland,  à  Roncevaux. 

***  Les  Huguenots  seront  représentés  aujourd'hui  par  extraordi- 
naire. 

**.t  Jeudi  dernier  a  eu  lieu  à  l'Opéra  la  lecture  au  piano  des  deux 
premiers  actes  de  V Africaine  et  la  distribution  des  rôles  aux,  artistes. 
Voici  cette  distribution  telle  qu'elle  a  été  jusqu'à  présent  arrêtée  : 

Vasco  da  Gama MM.  Naudin 

Don  Pedro,  grand  amiral Belval 

Nelasko Faure 

Le  grand  inquisiteur Aubin 

Don  Alvar Warot 

Selica,  reine  de  Madagascar. . . .      Mmes  Marie  Sax 

Inès Battu 

La  scène  se  passe  d'abord  à  Lisbonne  et  le  premier  acte  dans  la  salle 

du  grand  conseil  d'Etat  ;  le  deuxième  acte  dans  la  prison  où  Vasco  da 

Gauna  a  été  renfermé:  le  troisième  en  mer  dans  un  vaisseau,  et  les 

deux  derniers  en  Afrique. 

*%  David  apprend  le  rôle  de  Belval,  et  M.  Castelmary  celui  de  Bon- 


nesseur  dans  Roland  à  Roncevaux  pour  suppléer,  en  cas  de  besoin,  leurs 
chefs  d'emploi. 

***  Vendredi  a  eu  lieu  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  la  reprise  du 
Songe  d'une  nuit  d'été.  Mme  Gennetier  y  a  fait  un  très-brillant  début. 
Nous  en  rendons  compte. 

***  Mario  vient  d'être  décidément  engagé  par  M.  Bagier;  il  chantera 
trois  mois  à.  Madrid  à  partir  du  1er  décembre  et  viendra  à  Paris  à  la  fin 
de  février.  —  Mlle  Quéniaux,  danseuse  de  l'Opéra,  vient  d'être  égale- 
ment engagée. 

***  M.  Carvalho  ,  directeur  du  théâtre  Lyrique  Impérial,  vient  de 
mettre  gracieusement  à  la  disposition  des  organisateurs  de  la  tombola 
des  artistes  dramatiques,  une  entrée  personnelle  à  son  théâtre,  à  par- 
tir du  jour  du  tirage. 

**„  Le  premier  ouvrage  qui  va  être  joué  au  théâtre  Lyrique  est  la 
Traviata.  En  attendant,  Faust  et  Don  rasquale  continuent  à  remplir  la 
salle. 

"t  M.  Bordet  (d'Angers)  et  F.  Dartol  ont  adressé  aux  journaux  une 
lettre  destinée  à  constater  que,  dès  1850,  ils  avaient  composé  en  colla- 
boration un  opéra  dont  le  titre  est  la  Fiancée  d'Abydos,  et  le  sujet 
le  même  que  celui  qui  a  été  choisi  par  M.  Carvalho  pour  être  mis  au 
concours  entre  les  lauréats  du  prix  de  Rome.  Cette  œuvre  est  à  la 
gravure. 

/,  La  direction  du  théâtre  Italien  vient  de  faire  savoir  qu'elle  dé- 
livrera, moyennant  le  prix  de  Soi)  fr.  pour  la  saison,  un  certain  nom- 
bre d'entrées  personnelles  à  toutes  les  représentations  d'abonnement  des 
dimanches,  mardis,  mercredis,  jeudis  et  samedis.  —  Les  divertisse- 
ments chorégraphiques  ne  commenceront  que  vers  le  1b  de  ce  mois. 

***  Le  différend  survenu  entre  la  nouvelle  Société  du  théâtre  des 
Bouffes  Parisiens  et  M.  Eugène  Prévost  est  aplani,  et  il  conserve  ses 
fonctions  de  chef  d'orchestre. 

a/%,  On  doit  représenter  cet  hiver  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  un 
opéra  féerie  en  trois  actes  de  MM.  Emile  de  Najac  et  Ch.  Deulin,  mu- 
sique d'Albert  Grisar,  provisoirement  intitulé  le  Parapluie;  il  faudra 
que  le  théâtre  soit  machiné  exprès  pour  l'exécution  de  cette  œuvre. 

a..**  J.  Offenbach  est  toujours  à  Vienne.  Son  opéra  les  Géorgiennes  y 
sera  joué  vers  la  mi-décembre. 

m\  La  direction  du  théâtre  des  Variétés  vient  d'engager  Mlle  Schnei- 
der pour  créer  le  principal  rôle  dans  l'Enlèvement  d'Hélène  ou  la  Belle 
Hélène  (le  titre  n'est  pas  encore  fixé),  opéra-bouffe  en  trois  actes,  de 
H.  Meilhac  et  Ludovic  Halévy,  dont  Offenbach  compose  la  musique,  et 
qui  sera  joué  cet  hiver.  Le  rôle  de  Paris  est  destiné  à  Dupuis,  et  celui 
de  Ménélas  à  Hervé,  qui  vient  de  signer  un  engagement  de  trois  ans  au 
même  théâtre. 

.,.**  On  prête  à  M.  Varney  et  à  Mme  Ugalde  le  projet  de  parcourir  la 
province  avec  une  troupe  que  l'ex-directeur  des  Bouffes  serait  en  train 
de  recruter  pour  y  chanter  le  répertoire  d'Offenbach,  et  entre  autres, 
les  Bavards,  Orphée  aux  enfers,  les  Géorgiennes,  etc.  Elle  exploiterait 
d'abord  le  midi  de  la  France. 

***  L'éditeur  Choudens  vient  d'acquérir  la  propriété  pour  tous  pays 
de  l'opéra  de  M.  Mermet  :  Roland  à  Roncevaux.  La  partition  et  les  mor- 
ceaux séparés  paraîtront  à  la  fin  de  ce  mois. 

»**  Mlle  Artot  vient  de  quitter  Paris  pour  aller  remplir  l'engagement 
qui  la  lie  au  théâtre  de  Vienne,  et  qui  commence  le  1er  novembre.  Le 
Domino  noir  est  au  nombre  des  opéras  qu'elle  doit  y  chanter. 

s*,.  Joseph  Wieniawski  est  parti  pour  la  Russie.  Il  se  fera  entendre 
à  Saint-Pétersbourg  et  à  Moscou.  Il  compte  être  de  retour  à  Paris 
pour  le  mois  de  décembre. 

***  Le  théâtre  du  Havre  vient  de  reprendre  Robert  le  Diable,  chanté 
par  MM.  Bosc,  Zimmermann,  Mlles  Lagye  et  Vitalis;  le  chef-d'œuvre  de 
ileyerbeer  a  été  bien  interprété  et  les  artistes  fort  applaudis. 

„%  La  Société  nationale  des  beaux-arts,  n°  26,  boulevard  des  Italiens, 
va  désormais  donner  des  concerts  quotidiens  qui  auront  lieu  le  soir  à 
8  heures  1/2.  A  cet  effet  la  salle  a  reçu  d'importantes  modifications,  qui 
mettront  à  la  disposition  du  public,  à  son  choix,  des  loges,  un  amphi- 
théâtre ou  des  stalles.  L'ouverture  des  concerts  aura  lieu  au  mois  de 
décembre.  On  y  exécutera  la  musique  des  grands  maîtres  et  de  la  mu- 
sique de  danse.  M.  Debillemont  a  été  choisi  par  le  directeur,  M.  Mar- 
tinet, pour  chef  d'orchestre.  Le  prix  d'entrée,  qui  donnera  lieu  à  l'au- 
dition delà  musique,  à  la  visite  de  la  galerie  des  tableaux  et  à  la  jouis- 
sance du  cabinet  de  lecture,  sera  de  2  francs. 

*%  Par  décret  impérial,  en  date  du  5  octobre,  M.  le  comte  de  Nieu- 
werkerke,  surintendant  des  beaux-arts,  a  été  élevé  à  la  dignité  de  sé- 
nateur. 

***  Dans  les  derniers  jours  de  septembre,  Arcachon  a  été  le  théatr  e 
d'une  fête  artistique,  dont  Mmes  Tardieu  de  Malleville  et  Oscar  Cûmet- 
tant  ont  fait  les  honneurs.  La  cantatrice  n'a  pas  réussi  moins  dans  un 
air  de  la  Flûte  enchantée  que  dans  la  romance  des  Porcherons.  La  ronde 
havanaise  qu'elle  a  dite  dans  l'idiome  national,  a  fait  valoir  toutes  les 
ressources  d'un  talent  souple  et  facile  qui  s'exerce  avec  un  avantage 
égal  dans  les  genres  les  plus  opposés. 


ne  PARIS. 


327 


*%  Nous  rappelons  aux  amateurs  que  les  concerts  populaires  de 
Pasdeloup  recommenceront  ic  23  de  ce  mois  au  cirque  Napoléon.  Il 
donnera  dans  la  saison  d'hiver  vingt-quatre  concerts  divisés  en  trois 
séries  de  huit  chacun. 

„.*»  Nous  lisons  dans  la  Gazette  des  Etrangers  que  les  accès  violents 
auxquels  M.  Scudo  a  été  en  proie  la  semaine  dernière,  se  sont  calmée, 
et  qu'une  amélioration  sensible  s'est  manifestée  dans  son  état. 

»**  Le  corps  académique  de  l'Institut  royal  de  musique  de  Florence 
s'est  réuni  le  27  septembre  pour  décerner  les  prix  du  concours  Basevi. 
Voici  le  résultat  proclamé  :  M.  W il  hem  Langnans  a  obtenu  le  premier 
prix  et  M.  Giuglio  Ricordi  le  deuxième  prix.  Cinq  mentions  honorables 
ont  été  accordées  à  MM.  Charles  Dancla,  Thomas  Taeglichsbeck ,  Sum- 
mers,  John  Lodge  Ellerton,  Luigi  Laschi. 

***  La  Société  des  quatuors  de  Florence  vient  de  publier  son  pro- 
gramme pour  la  quatrième  année  de  ses  séances.  Elles  seront  au 
nombre  de  dix  et  commenceront  le  1e"  novembre. 

***  Le  théâtre  San  Carlos,  à  Lisbonne,  a  fait  sa  réouverture  par  la 
Favorite.  Le  chef-d'œuvre  de  Donizetti  a  été  interprété  par  Mme  Borghi, 
MM.  Mongini  et  Squarcia  aux  grands  applaudissements  du  public.  Riijo- 
letlo  a  suivi  ;  Mme  Volpini,  Tombesi  et  Squarcia  y  ont  obtenu  un  grand 
succès. 

***  Le  théâtre  de  Strasbourg  a  rouvert  ses  portes  le  29  septembre. 
La  troupe  se  compose  de  Mlle  Lustani-Mendez,  qui  a  chanté  avec  succès 
à  Bade;  MM.  de  Warnotz,  Stroheker,  Carman  et  Marchot.  La  direction 
annonce  en  fait  de  nouveautés  Obèron,  un  Ballo  in  maschera,  Lara,  et  les 
opérettes  Orphée  aux  enfers,  les  Bavards,  la  Chanson  de  Fortunio,  etc. 
On  reprendra  les  Huguenots,  le  Pardon  de  Ploermel,  Martha,  Frey- 
schulz,  etc. 

**.j.  Le  premier  numéro  de  la  Gazelle  des  abonnés,  donné  gratuite- 
meutparM.  de  Villemessant  à  ceux  qui  le  chargent  de  renouveler  leurs 
abonnements  aux  journaux  publiés  à  Paris,  vient  de  paraître.  Ce  nu- 
méro qui  est  très-varié,  contient  une  nouvelle  de  M.  do  Bragelonne, 
une  uouble  planche  des  modes  du  jour,  une  revue  comique  inédite  de 
Cham,  des  dessins  de  broderie,  etc  Mais  le  morceau  capital  est  une 
chanson  de  Victor  Hugo  qui  a  pour  titre  :  Vieille  Chanson,  et  sur  la- 
quelle Offenbach  a  composé  une  délicieuse  musique;  pour  le  coup  c'est 
un  véritable  cadeau  fait  à  ses  abonnés  par  M.  de  Villemessant. 

*%  M.  Bessems  est  de  retour  de  ses  voyages  artistiques  et  rendu  à 
ses  nombreux  élèves  de  musique  classique  dont  il  est  le  représentant 
le  plus  digne. 

4*4  Un  arrangement  pour  harmonium  et  piano  des  principales  ro- 
mances sans  paroles  de  Mendelssohn,  par  J.  Miolan,  va  incessamment 
paraître. 

„*,  Nous  avons  fait  connaître  l'ouverture  à  Naples  du  congrès  musical 
italien.  Voici  les  principales  questions  dont  il  aura  à  s'occuper  :  — 
1°  Encouragements  à  donner  aux  compositeurs  dramatiques  pour  faci- 
liter leurs  débuts  et  préparer  leur  avenir.  Institution  d'un  jury  com- 
posé de  nwestri  et  de  littérateurs  ayant  pour  mission  de  recommander 
aux  municipalités  qui  subventionnent  leurs  théâtres  l'exécution  des 
œuvres  nouvelles  de  jeunes  compositeurs.  —  2°  Réorganisation  des 
conservatoires,  lycées  et  établissements  consacrés  à  la  musique,  d'après 
les  conditions  actuelles  de  l'art,  en  se  conformant  autant  que  possible 
aux  systèmes  universitaires,  dans  le  but  de  mettre  obstacle  à  l'arbitraire 
exercice  des  soi-disant  artistes. —  3°  Réforme  des  méthodes,  traités  et 
systèmes  d'enseignement  tendant  à  établir,  dans  les  diverses  branches 
de  l'art,  une  école  italienne  ;  réclamant  un  soin  particulier  pour  l'en- 
seignement élémentaire  et  pour  la  résurrection  de  Vart  du  chant, 
tombé  plus  que  tout  autre  dans  un  abaissement  déplorable.  Rédac- 
tion d'un  dictionnaire  italien  des  mots  nécessaires  à  la  science  et 
à  l'art  musical. —  4°  Fixation  d'un  diapason  normal,  unique,  inaltérable. 
Préparer  l'unité  de  diapason  entre  tous  les  peuples  musiciens,  à  com- 
mencer par  l'Italie,  la  France  et  l'Allemagne.— 5°  Formuler  une  réforme 
de  la  musique  religieuse,  tant  dans  le  caractère  et  le  styie  des  compo- 
sitions que  dans  les  moyens  d'exécution.  Etablissement  d'écoles  de  chant 
dans  les  églises  épiscopales  et  archiépiscopales.  Pourvoir  à  la  renais- 
sance de  1  école  d'orgue. ...  —  8°  Droits  des  compositeurs  de  musique 
sur  la  gravure  et  sur  la  représentation  de  leurs  œuvres.  Propriété 
intellectuelle.  Fondation  d'un  bulletin  mensuel  international  de  toutes 
les  publications  et  de  toutes  les  représentations  musicales.  Ce  bulletin 
devrait  se  borner  à  la  mention  pure  et  simple  du  fait  artistique,  sans 
aucune  appréciation... —  10°  Fondation  d'une  bibliothèque  populaire 
musicale  dans  chaque  commune.  —  11°  Etudes  à  faire  en  vue  d'une  sta- 
tistique musicale.  —  4  2»  si  l'on  doit  appeler  classicjue  la  musique  des  com- 
positeurs vivants  lorsqu'elle  réunit  certaines  conditions  de  science  et 
de  génie,  ou  s'il  faut  réserver  cette  expression  pour  la  seule  musique, 
plus  ou  moins  ancienne,  des  compositeurs  morts.  Le  congrès  admet,  en 
outre,  les  questions  non  prévues  qui  pourraient  être  soulevées  oppor- 
tunément dans  son  sein  et  dont  il  reconnaîtrait  l'urgence. 

***  C'est  aujourd'hui  dimanche,  de  midi  à  5  heures,  qu'a  lieu  dans 
le  beau  jardin  du  concert  des  Champs-Elysées  le  grand  festival  auquel 
tout  Paris  est  convié  depuis  quinze  jours.  L'orchestre  habituel  du  con- 
cert, un  excellent  orchestre  militaire,  les  Sociétés  chorales  les  plus  en 


renom  de  Paris,  en  tout  cinq  cents  exécutants,  voilà  plus  qu'il  n'en 
faut  pour  piquer  la  curiosité  parisienne  et  attirer  aux  Champs-Elysées, 
cette  après-midi,  des  milliers  de  personnes. 

,**  Dimanche  prochain  16  octobre  i!  sera  donné  au  Pré  Catelan 
une  grande  fête  de  bienfaisance  au  profit  de  l'association  des  artistes 
musiciens.  —  Pour  la  première  fois,  le  public  d'élite  de  la  capitale  et 
les  nombreux  étrangers  qui  se  trouvent  à  Paris  auront  le  plaisir  d'as- 
sister à  ce  spectacle  unique  dû  à  la  bienveillance  de  LL.  Exe.  les  ma- 
réchaux Randon  et  Magnan,  et  à  la  sollicitude  toute  paternelle  du  baron 
Taylor.  —  Organisé  par  les  soins  empressés  d'une  direction  aussi  ac- 
tive qu'intelligente,  le  premier  festival  de  ta  cavalerie  sera  la  solennité  la 
plus  imposante  de  l'année  1864.  Mille  artistes  de  toutes  armes  exécute- 
ront les  chefs-d'œuvre  de  la  musique,  et  une  belle  fantasia  militaire 
avec  les  trompettes  et  clairons  couronnera,  au  bruit  des  salves  d'artil- 
lerie, cette  fête  de  l'art  et  de  la  charité. 

*%  M.  Ernest  Bourget,  auteur  d'une  foule  de  chansonnettes  comiques, 
dont  plusieurs  sont  devenues  populaires,  a  succombé  cette  semaine  à 
une  courte  maladie;  on  lui  devait  aussi  les  rondes  originales  des  Nuits 
de  la  Seine  et  des  Chevaliers  du  brouillard. 

_  ***  M.  le  comte  Horace  de  Vieil-Castel,  qui  avait  succédé  à  Fioren- 
tino  dans  le  feuilleton  dramatique  du  journal  la  France,  a  succombé  la 
semaine  dernière  à  la  maladie  grave  dont  il  était  atteint  depuis  long- 
temps. M.  de  Vieil-Castel,  parent  de  Mirabeau  par  alliance,  était  un  lit- 
térateur de  mérite  qui  avait  attaché  son  nom  à  de  nombreuses  et  im- 
portantes publications.  11  était  conservateur  du  musée  des  souverains. 
Un  grand  nombre  de  notabilités  assistaient  à  ses  funérailles,  et  l'un  de 
ses  collaborateurs  à  la  France,  M.  Cohen,  a  prononcé  un  discours  sur 
sa  tombe. 

„?,  Frédéric  Hofmeister,  le  doyen  des  éditeurs  de  musique  allemands, 
est  mort  à  Leipzig;  il  était  âgé  de  quatre-vingt-trois  ans.  C'était  un 
homme  estimé  de  tous,  et  dont  le  monde  musical  doit  surtout  regretter 
la  perte. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


„*„  Bruxelles.  —  La  semaine  théâtrale  a  été  défrayée  par  le  Prophète, 

la  Dame  blanche  et  les  Draguns  de  Villars.  On  monte  la  Reine  Topaze. 

La  troupe  allemande  a  donné  une  excellente  représentation  de  Martha. 
Mlle  Lichtmay  est  une  Martha  remplie  de  grâce,  de  coquetterie  et  de 
vivacité  ;  sa  voix  est  pleine  de  charme  et  de  suavité.  M.  Lukes  a 
chanté  d'une  façon  très-remarquable  le  rôle  de  Lionel,  et  M.  Strobel 
est  fort  bien  dans  celui  de  Plumkett.  Mlle  Hessert  a  suppléé  avanta- 
geusement Mlle  Orossi  dans  celui  de  Nancy.  —  La  maison  Schott  vient 
d'acquérir  la  propriété,  pour  tous  les  pays,  de  l'Hymne  national  com- 
posé par  Vieuxtemps. 

„,%  Berlin.  —  A  l'occasion  du  jour  de  naissance  de  la  reine  de 
Prusse,  une  représentation  de  gala  a  été  donnée  à  l'Opéra  royal.  On 
a  exécuté  une  ouverture  de  fête  de  Taubert  et  repris  l'opéra  Orphée, 
de.  Gluck,  avec  Mlle  de  Ahna  dans  le  rôle  principal.  —  Fr.  Liszt  vient 
d'arriver  ici. 


ERRATUM.  —  Une  de  ces  fautes,  malheureusement  trop  fréquentes 
en  imprimerie,  a  rendu  inintelligible  le  sens  de  la  nouvelle  que  nous 
avons  donnée  dans  notre  dernier  numéro,  sur  la  prochaine  représenta- 
tion des  Huguenots,  au  théâtre  Argentina,  à  Rome.  On  nous  a  fait  dire 
que  Mme  Trebelli-Bettini  chanterait  le  rôle  de  Fidès,  tandis  que  nous 
avions  écrit  le  rôle  du  page.  Nous  devons  même  annoncer  à  cette  occasion 
que  Mme  Trebelli  y  ajoutera  le  fameux  rondo  composé  par  Meyerbeer 
pour  Mme  Alboni. 


Le  Directeur  :  S.  DUFODR. 


CONCOURS 

Pour  l'emploi   de  premier   organiste  à   la   cathédrale 
de  Reims. 

Le  concours  aura  lieu  en  l'église  métropolitaine,  le  mardi  25  octobre 
1864,  à  10  heures  du  matin. 

MM.  les  artistes  qui  désirent  y  prendre  part  devront  à  l'avance,  et 
par  lettre  affranchie,  se  faire  inscrire  au  secrétariat  de  l'archevêché,  et 
déposer  un  certificat  de  moralité  délivré  par  leur  curé,  et  revêtu  du 
visa  de  l'autorité  diocésaine. 

Les  concurrents  seront  examinés  sur  la  lecture  de  la  musique  d'or- 
gue; sur  le  maniement  de  la  pédale  ;  sur  l'improvisation;  sur  l'accom- 
pagnement du  plain-chant;  sur  la  composition,  etc. 

Le  traitement  annuel  est  fixé  à  1,500  francs,  non  compris  le  casuel. 


328 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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E.     GÉRARD    ET    Ce,     ÉDITEURS, 

Rue  de  la   Chaussée  -d' A ntin,  n°    •/,   au  coin  du  boulevard  des  Capucines. 

MUSIQUE,  PIANOS  ET  ORGUES 

Abonnement  de  musique.  —  Location  de  pianos. 


SUCCURSALE  :  RUE  DAUPHINE,  N"  18. 

A  l'ancien  siège  de  la  maison. 


En  vente  chez  GAMBOGI  frères,  éditeurs,  112,  rue  «le  Richelieu  (Maison  Frascali),  Paris. 


DON    PASQUALE 

Opéra  bouffe  en  trois  actes,  paroles  françaises  de  MM.  ilph.  ROYER  et  G.  VAEZ, 

MUSIQUE   DE 

G.     DONIZETTI 

Représenté  à  Paris  pour  la  première  fois  (en  français)  au  théâtre  Lyrique  impérial,  le  9  septembre  1864. 

Partition  pour  piano  et  chant,  in-8°,  net  :  15  fr.     —     Partition  piano  solo,  net  :  10  fr. 


PIANO  SEUL 

Ouverture  par  Labarre. 6    ■> 

Adam.  Six  airs  faciles 6     » 

—  Sérénade  (en  feuille) 2  50 

Benfsdict  (J.).  Nocturne 6    » 

—  Divertissement 6     » 

Bertinl.  Op.  146.  Sérénade  variée...  7  50 

Donizetti.  Suite  de  valses 7  50 

Goldscbmidt.  Op.  1.  Fantaisie  brill.  9     » 

Herz  (Henri).  Op.  1 34.  Fantaisie  brill.  9     » 

Kontskl  (A.  de).  Op.  97.  Gr.  fantaisie  9     » 

Labarre.  Valse 3    » 

Lecarpentier.  Op.  72.  Sérénade  et 

rondo 6    » 

—  Op.  73.  Cavatine 5     » 


SUITE  DU  PIANO  SEUL 

Leduc.   12°  bagatelle  sur  la  sérénade 

(très-facile) 

Louis  (N.).  Op.  127.  Rondo 

Slïclicux.  Op.  77.  Trois  fantaisies: 

1 .  Très-facile 

2.  Facile 

3 .  Morceau  de  salon 

Prudent.  Op.  13.  Quatuor  varié... 

Bosellen .  Op .  53 .  Fantaisie 

Tbalberg.  Op.  67.  Grande  fantaisie 

—      Op.  67  bis.  Sérénade  extraite.. 
Voss  (Ch.).  Op.  146.  Grande  fantaisie 

brillante 

Wolfff .  Op.  81 .  Boléro 


5     « 
5     » 

9  » 
9    » 

10  » 
7  50 


7  50 
6    » 


PIANO  A  QUATRE  MAINS 

Ouverture  par  Labarre 

Bertini.  Op.  146.  Sérénade 

Donizetti .  Suite  de  valses 

Louis  (N.).  Op.  134.  Variations  brill. 

Bosellen.   Op.  53.  Fantaisie 

HARMONIUM 
Daussofgne-iiébui.  Fantaisie  avec 

piano 

Engel .  Fantaisie  (solo) 

Frelon.  Quatuor  transcrit  avec  piano 
Lefébure-Wely .  Op.  27.  Fantaisie 

(solo) 

PIANO  ET  VIOLON 
«oria  et  Uerman.  Op.  29.  Duo  de 
concert 

Louis  (N.).  Op.  131.  Andante  et  rondo 


7  30 
9  » 
9  » 
9  » 
10     » 


7  50 


Arrangements  divers  pour  Violoncelle  avec  Piano,   Violon  seul,  Flûte,  Hautbois,  Cornet  à  pistons. 

Harmonie  militaire,  etc.  —  Danses  pour  le  Piano  à  deux  et  à  quatre  mains. 


PAIX  ACCOUDE  A  L  UNANIMITE  A   l  EXPOSITION 
UNIVERSELLE  DE  LONDRES  1851. 

fournisseur  des  Ministères  de  la 
Guerre  et  de  la  Marine  de  France. 

Seuls    agents    à    Londres 

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214  ,  Régent  Street. 


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MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE     A  l'BXP0S1TI0B  universelle  de  paris  1855. 
Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 

ANTOINE  COURTOIS 

POUR  L'EXCELLENCE  DE  SES  CORNETS  A  PISTONS,  CORS,  ALTOS,  BASSES, 


l'acteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  Impériale  de  Paris. 


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adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


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31e  Année, 


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16  Octobre  1864. 


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Dans  les  Déportements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de   Musique,  les  Libraires, 

et  oui  Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris 24  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse...    30.       id. 

Étranger 34  »       Id. 

Le.  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  La  musique  et  la  société  française  au  xvme  siècle  (1"  article), 
par  13m.  Mathieu  de  Monter.  —  Biographie  universelle  des  musiciens  : 
François-Joseph  Fétis  (ù«  et  dernier  article).  —  Lettre  de  Marie-Antoinette 
relative  à  Gluck.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LA  MUSIQUE  ET  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AU  XVIIIe  SIÈCLE. 

(Premier  article.) 

A  ce  xvine  siècle  que  l'on  attaque  trop  sans  le  bien  connaître,  et 
dont  le  sens  intime  et  caché  se  dérobe  sous  l'agrément  de  ses  de- 
hors, l'histoire  pardonnera  au  nom  de  l'art  qu'il  aima  tant.  C'est  la 
grandeur  de  cette  époque,  ce  sera  son  excuse,  et  une  glorieuse 
excuse,  d'avoir  affranchi  la  pensée  de  ses  entraves  séculaires,  d'avoir 
libéré  l'artiste  de  la  sportule  des  grands  pour  l'élever  à  leur  estime, 
d'avoir  montré  le  rang,  la  naissance  courtisant  le  talent,  d'avoir  fêté 
la  muse  riante,  la  mélodie  qui  caresse  de  doux  accents, 

Enfants  d'une  bouche  vermeille  ! 
tout  un  monde  ambré,  pailleté,  insouciant,   et  agité,  de  Choiseul  à 
Turgot,  et  jusqu'à   la  veille  de  l'effroyable  orage,   par  je  ne  sais 
quelle  fièvre  d'idéal. 

La  France  est  alors  pays  d'opéra,  de  romans,  d'ariettes,  de  comé- 
dies, de  vaudevilles  courant  les  éventails,  de  chansons  bien  vite  en- 
volées vers  les  saules,  de  bagatelles  musicales,  de  petits  riens  qui 
font  figure,  prennent  tournure,  amenés  d'un  joli  air.  Le  but  de  la 
vie  semble  être  la  jouissance  de  tout  ce  qui  est  aimable,  bien  plus 
que  la  poursuite  ambitieuse  de  la  gloire.  La  musique  sacrifiée  à  la 
danse,  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  par  bien  des  motifs  d'apparat, 
auquels  l'orgueil  du  «  royal  danseur  de  ballets  »  ne  fut  pas  étran- 
ger, la  musique,  comme  un  courant  longtemps  comprimé,  se  ré- 
pand parmi  la  société  française  avec  l'impétuosité,  l'enivrement  et 
l'audace  des  temps  de  Louis  XIII.  «  ^Chaque  femme  de  qualité  a 
son  philosophe  et  son  musicien  »,  et  son  théâtre,  et  ses  concerts, 
et  ses  rôles  à  apprendre,  et  ses  répétitions  à  suivre,  et  ses  costu- 
mes à  méditer.  Avec  Rameau  naît  la  gaieté  musicale.  A  Lully,  à  ses 
récitatifs  interminables,  à  ses  lentes  symphonies,  à  ses  ouvertures 
solennelles,  «  le  père   aux  rigodons  »  oppose  la  musique  nouvelle, 


vive,  riante,  la  troupe  des  harmonies  volantes  et  légères.  La  pein- 
ture elle-même  met  ses  pinceaux  au  service  de  la  musique,  et  les 
toiles  des  Watteau,  des  Lancret,  des  Vanloo  ne  semblent  accrochées 
dans  les  galeries  que  pour  faire  revivre  au  bord  des  sources,  à  la 
marge  des  forêts  lumineuses,  Hippolyte  et  Aricie,  et  les  héros  des 
Indes  galantes,  et  Gilles  et  Colombine,  vêtus  de  satin,  guitare  au 
poing,  bien  campés  et  le  nez  au  vent. 

Le  roi  et  ses  maîtresses,  le  Parlement  et  les  jansénistes,  la  politi- 
que de  Dubois  et  les  crimes  de  Cartouche,  Law  et  son  système,  les 
philosophes  et  les  convulsionnaires,  les  molinistes  et  le  pacte  de  fa- 
mine, ce  sont  là,  n'est-ce  pas'  de  vastes  et  sérieux  sujets  à 'com- 
mentaires, et  qui  doivent  épuiser  la  voix  du  causeur,  fatiguer  la 
plume  du  chroniqueur?  Nullement.  Aussi  bien,  chroniqueurs,  hommes 
d'esprit  et  épistolaires  sont  forcés  de  choisir  entre  le  mensonge,  le 
s'ience  ou  la  Bastille,  en  ce  qui  touche  aux  choses  de  l'Etat.  La  mu- 
sique, l'Opéra,  le  ballet,  les  concerts,  les  salles  de  spectacle  aristo- 
cratiques, les  compositeurs,  les  hautes-contre  italiens,  les  filles  de 
théâtre,  voilà  ce  qui  absorbe  la  curiosité  publique!  Ouvrez  les  ra- 
conteurs du  temps  :  Marmontel,  Bachaumont ,  la  Harpe ,  Grimm , 
Diderot,  Mettra,  Barbier,  Marais,  Mme  du  Deffand,  etc.  ;  de  chaque 
feuillet  se  détache  le  compte  rendu  d'une  première  représentation, 
l'analyse  d'un  opéra,  l'annonce  d'un  concert,  une  nouvelle  musicale. 
Voulez-vous  être  plus  amplement  renseigné  ?  Voici  les  Nouvelles  à  la 
main,  le  Journal  de  Verdun,  le  Mercure,  la  Gazette  de  France  qui 
gardent,  entre  leurs  colonnes  jaunies,  comme  une  vague  odeur  de 
musc  et  de  «  bouquets  à  Chloris.  »  Ils  ne  sont  pas  prolixes  ces  jour- 
naux, et  pour  cause,  mais  aucun  nom  ne  manque  à  leur  liste  des 
salons  blanc  et  or,  ou  chaque  semaine  s'ouvre  le  clavecin  de  Dulken 
et  s'accordent  les  violons  de  Canaple  ou  de  Vaugeois.  Dans  votre 
curiosité  légitime,  allez  plus  loin  encore,  descendez  la  sombre  spirale 
qui  mène  aux  «  bouches  de  fer  »  de  la  police,  interrogez  de  l'œil  et 
du  doigt  ces  dossiers  sans  nombre,  ces  rapports  administratifs  "que 
les  lieutenants  généraux  de  la  bonne  ville  feuilletaient  à  leur  petit 
lever.  Une  place  large,  jamais  vide,  y  est  réservée  aux  choses  de  la 
musique,  et  la  musique  a  là  une  Clio  bien  indiscrète.  Prenez  au 
hasard  : 

«  11  mars  1722.  —  Hier  messieurs  de  la  ville  ont  donné  un  con- 
cert magniûque  en  l'honneur  de  l'Infante.  Les  pages  du  roi,  des 
princes  et  d'autres  jeunes  gens  ont  ballotté  les  femmes,   les  ont  dé- 


330 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


coiffées,  et  ont  jeté  les  perruques  sur  les  lustres,  en  faisant  tapage.  » 

Notre  siècle  tant  maudit  a  du  bon.  Nous  nous  conduisons  mieux, 
aujourd'hui,  aux  concerts  de  la  salle  Herz. 

«  5  avril  1723.  —  Chez  la  Minier,  chanteuse  de  l'Opéra,  on  vient 
de  trouver,  étendu  sous  le  clavecin,  M.  le  duc  de  Mazarin  mort 
d'une  indigestion  d'un  pâté  haché  de  truffes  et  de  marrons.  Il  laisse 
trente-trois  mille  bouteilles  de  Champagne  dans  sa  cave.  » 

M.  de  Mazarin  était  un  excellent  musicien.  Il  jouait  admirablement 
de  la  flûte. 

<•  18  janvier  1741.  La  Lemaure  ne  chante  pas  tous  les  jours  à 
l'Opéra.  Cela  dépend  du  petit  abbé  de  Lagarde.  Elle  veut  qu'il  lui 
tienne  constamment  compagnie.  S'il  n'est  pas  docile  à  ses  volontés, 
ses  vapeurs  lui  prennent.  » 

«  28  juillet  1741.  —  On  badine  Mme  la  duchesse  de  Villars  sur 
son  académie  musicale,  dont  M.  de  Moncrif  est  le  tenant.  On  plai- 
sante beaucoup  cet  académicien  sur  les  saintes  cantates  qu'il  com- 
pose pour  la  reine,  parce  qu'on  n'ignore  pas  qu'il  s'est  depuis  long- 
temps voué  au  profane.  » 

«  3  septembre  1742.  —  M.  de  Bagestan  a  fait  l'acquisition  d'une 
fille  de  magasin  qui  a  une  fort  belle  voix.  On  la  dit  jolie.  » 

On  la  dit  jolie  I  Nous  savons  à  quoi  nous  en  tenir  sur  le  dilettan- 
tisme de  M.  de  Bagestan  ! 

«  10-29  août  1743.  —  La  grande  affaire  du  moment,  c'est  l'his- 
toire de  Mlle  Rotisset,  sœur  du  secrétaire  de  M.  d'Argenson,  qui  a 
débuté  à  l'Opéra  sous  le  nom  de  Romainville.  On  ne  parle  que  de 
cela.  Le  père  et  la  mère  avaient  écrit  des  placets  au  roi  pour  que 
Sa  Majesté  l'en  empêchât,  mais  M.  de  Gesvres,  qui  devait  les  re- 
mettre, les  a  gardés  pour  lui.  M.  d'Argenson  s'est  piqué  que  M.  de 
Gesvres  l'ait  si  peu  ménagé  dans  la  personne  de  son  secrétaire,  qui 
est  au  désespoir  que  sa  sœur  soit  actrice.  M.  de  Gesvres  a  tenu  bon 
et  assuré  la  petite  Rotisset  qu'elle  n'aurait  pas  à  quitter  l'Opéra.  Elle 
y  est  restée,  en  effet,  et  son  succès  est  grand.  Le  père  a  voulu  re- 
venir de  province,  pour  la  tuer.  De  sages  conseils  l'en  ont  em- 
pêché.  » 

Ce  n'était  pas  un  honneur,  alors,  d'avoir  une  fille  dans  ce  sérail 
lyrique  et  chorégraphique  ! 

«  Septembre  1770.  — Une  cantatrice  retirée  depuis  longtemps  de 
l'Opéra,  et  qui  vit  avec  un  M.  Rollinj  fermier  général,  est  venue  hier 
soir  à  l'Opéra  et  a  causé  avec  des  actrices.  Quelqu'un  s'informa 
quelle  était  celle  dame  :  s  Eh  !  quoi,  répondit  Sophie  Arnould,  vous 
»  ne  la  connaissez  pas  ?  C'est  l'histoire  ancienne  de  M.  Rollin.  » 

«  Mlle  Guimard,  maîtresse  de  M.  Jarente,  chargé  de  la  feuille  des 
bénéfices,  a,  comme  l'on  sait,  peu  d'embonpoint.  Mlle  Arnould  a  dit 
d'elle  :  «  Conçoit-on  que  cette  chenille  soit  si  maigre?  Elle  est  sur 
une  si  bonne  feuille  !  » 

«  Mars  1777.  —  11  y  a  eu  ce  carême  plusieurs  spectacles  de  so- 
ciété fort  intéressants,  entre  autres  chez  Mme  la  marquise  de  Mont... 
On  y  a  revu  avec  le  plus  grand  plaisir  l'opéra  d'Aline  et  celui  de 
la  Servante  maîtresse,  le  Barbier  de  Séville,  trois  pièces  où  Mme  de 
Mont...  a  rempli  tour  à  tour  les  rôles  de  Mlle  Doligny,  de  Mlle  Ar- 
nould et  de  Mme  Laruelte,  avec  une  intelligence,  un  naturel,  une 
grâce,  une  finesse  capables  de  suppléer  tous  les  avantages  de  l'ha- 
bitude et  du  talent  le  plus  exercé.  » 

«  20  novembre  1780.  —  Il  y  avait  ces  jours  derniers,  rue  Blan- 
che, grande  société  aristocratique  chez  Mme  la  princesse  de  Vaude- 
mont,  passionnée  pour  la  bonne  musique.  Elle  devait  avoir  Mme  de 
Montgeroult  qui  s'est  fait  une  grande  réputation  en  improvisant  au 
clavecin.  Par  malheur,  cette  virtuose  de  société  est  fort  capricieuse, 
et  elle  se  passa  la  fantaisie,  en  arrivant  chez  la  princesse,  d'annon- 
cer qu'une  migraine  l'empêcherait  de  se  faire  entendre.  Vif  désap- 
pointement pour  les  personnes  qui  n'étaient  venues  ce  soir-là  que 
pour  elle  !  Mme  de  Vaudemont  la  décida  enfin  au  milieu  de  la  soirée 
à  s'asseoir  au  forte;  mais  dès  qu'elle  y  eût  préludé,  Mmes  de  Bauf- 


fremont  et  de  Mailly,  Mlle  de  Nervo  et  d'autres  demandèrent  tout 
haut  leur  carrosse,  trompant  à  leur  tour  l'attente  de  Mme  de  Mont- 
geroult. » 

Dans  ces  notes  officielles,  l'histoire  musicale  se  fait  ainsi,  au  jour 
le  jour,  durant  une  période  de  soixante  ans.  Il  convient  de  les  uti- 
liser, tout  en  contrôlant  de  bien  près  leur  témoignage.  L'histoire  ar- 
tistique vit,  aujourd'hui,  de  détail,  descendant  à  tout  sans  s'amoin- 
drir, consultant  tout  sans  rien  dédaigner,  et  par  d'ingénieuses  déduc- 
tions reconstruisant  l'être  avec  un  grain  de  sable.  C'est  l'histoire 
intime  que  l'on  appellera  peut-être  un  jour  :  l'histoire  humaine. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
[La  suite  prochainement .) 


BIOGRAPHIE  UNIVERSELLE  DES  MUSICIENS. 

(SECONDE  ÉDITION.) 

FÉTIS  (François- Joseph). 

(4«  article)  (1). 

Vers  la  fin  de  1832,  des  propositions  furent  faites  à  Fétis,  de  la 
part  du  roi  Léopold  Ier  et  du  gouvernement  belge,  pour  qu'il  accep- 
tât les  places  de  maître  de  chapelle  du  roi  et  de  directeur  du  Con- 
servatoire de  Bruxelles;  au  mois  de  mars  suivant,  il  signa  des  con- 
trats relatifs  à  cette  nouvelle  position,  et  dans  le  mois  ■■de  mai  il 
quitta  Paris  pour  vaquer  à  ses  nouvelles  fonctions.  Le  désir  de  ne 
rien  négliger  pour  la  prospérité  de  l'école  qui  lui  était  confiée,  l'a 
engagé  dans  de  nouveaux  et  considérables  travaux.  Outre  l'adminis- 
tration de  cette  école,  qui  exige  beaucoup  de  soins,  il  fait  lui-même 
un  cours  de  composition,  dirige  les  études  d'orchestre,  les  répéti- 
tions et  les  concerts;  enfin  il  a  écrit,  pour  faciliter  l'enseignement 
un  Manuel  des  principes  de  la  musique,  un  Traité  du  chant  en  chœur, 
un  Manuel  des  jeunes  compositeurs,  directeurs  de  musique  et  chefs 
d'orchestre,  une  Méthode  des  méthodes  de  piano,  ou  analyse  des  meil- 
leurs ouvrages  publiés  sur  l'art  de  jouer  de  cet  instrument,  et  une 
Méthode  des  méthodes  de  chant,  faite  sur  le  même  plan.  Tous  ces 
ouvrages,  hors  le  dernier,  sont  publiés  depuis  longtemps ,  chez 
Brandus,  à  Paris.  Vingt-huit  années  se  sont  écoulées  au  moment  où 
cette  notice  est  revue,  depuis  que  la  direction  du  Conservatoire  de 
Bruxelles  a  été  confiée  à  Fétis,  et  la  réputation  universelle  dont  jouit 
cette  institution,  le  nombre  considérable  d'artistes  distingués  de  tout 
genre  qui  y  ont  été  formés,  les  heureux  effets  produits  par  l'influence 
de  cette  même  école,  sur  le  goût  de  l'art  et  les  progrès  de  l'éduca- 
tion musicale  dans  la  population  du  pays,  ont  été  dans  cette  période 
la  récompense  des  efforts  du  directeur,  secondé  par  les  professeurs 
d'élite  dont  il  s'est  entouré,  ou  dont  il  a  lui-même  formé  et  développé 
le  talent.  Dans  le  but  de  lui  offrir  un  témoignage  durable  de  leur 
affection  et  de  leur  gratitude  pour  son  dévouement,  ces  professeurs 
ont  saisi  l'occasion  du  cinquantième  anniversaire  de  son  mariage, 
arrivé  le  6  octobre  1856,  et  ont  fait  placer  son  buste  en  bronze, 
ouvrage  du  célèbre  sculpteur  Guillaume  Geefs,  sur  un  socle,  au  mi- 
lieu de  la  cour  du  Conservatoire  ;  l'inauguration  en  a  été  faite  au 
milieu  d'un  concours  immense  de  spectateurs,  après  qu'une  messe  à 
cinq  voix  et  chœur,  de  Fétis,  eut  été  exécutée  le  même  jour,  dans 
l'église  Notre-Dame  du  Sablon,  par  les  professeurs  et  les  élèves  du 
Conservatoire. 

Les  productions  que  Fétis  a  publiées  jusqu'à  ce  jour,  sont  celles 
dont  les  titres  suivent  : 
I.  Musique  instrumentale.  1°  Pièces   d'harmonie  à    huit   parties, 


(1)  Voir  les  not  38,  39  et  40. 


DE  PARIS. 


331 


Paris,  Lemoine.  2°  Fantaisie  pour  le  piano  sur  l'air  O  pescator  dell' 
onda,  Paris,  Ph.  Petit.  S0  Fantaisie  pour  le  piano  sur  la  ronde  du 
Petit  Chaperon,  Paris,  Boïeldieu.  4°  Trois  suites  de  préludes  pro- 
gressifs pour  le  piano,  Paris,  A.  Petit.  5"  Sextuor  pour  piano  à 
quatre  mains,  deux  violons,  alto  et  basse,  op.  5,  Paris,  Mi- 
chel Ozy;  2e  édition,  Paris,  Brandus.  6°  Fantaisie  chromatique  pour 
le  piano,  op.  6.  Ibid.  7°  Trois  sonates  faciles  pour  piano  à  quatre 
mains,  op.  7.  Paris,  A.  Petit.  8°  Grand  duo  pour  piano  et  violon, 
op.  8.  Paris,  Launer.  9°  Variations  à  quatre  mains  pour  le  piano  sur 
l'air:  l'Amour  est  un  enfant  trompeur,  Paris,  Ph.  Petit.  10e  Marche 
variée  pour  le  piano,  ibid.  11°  Ouverture  de  concert  à  grand  or- 
chestre, Brunswick,  Mayer.  11°  (bis)  Premier  et  deuxième  quintettes 
pour  deux  violons,  deux  altos  et  violoncelle,  Paris,  Brandus,  et 
Mayence,  Schott,  en  parties  séparées  et  en  partition.  De  plus,  environ 
cent  cinquante  morceaux  de  tout  genre,  écrits  pour  la  lecture  à  pre- 
mière vue,  aux  concours  du  Conservatoire  de  Bruxelles  pendant 
vingt-huit  ans,  lesquels  consistent  en  solfèges,  pièces  pour  le  piano, 
solos  pour  tous  les  instruments,  avec  accompagnement  de  quatuor,  etc. 

II.  Opéras.  11°  (ter)  L'Amant  et  le  Mari,  opéra-comique  en  deux 
actes,  représenté  au  théâtre  Feydeau,  en  1820. 12°  Les  Sœurs  jumelles, 
en  un  acte,  représenté  au  même  théâtre,  en  1823.  13°  Marie  Stuart 
en  Ecosse,  3  actes  (1823).  14°  Le  Bourgeois  de  Reims,  en  un  acte, 
ouvrage  composé  pour  le  sacre  de  Charles  X,  et  représenté  en  1824. 
15°  La  Vieille,  en  un  acte,  représenté  au  théâtre  Feydeau,  en  1826. 
16°  Le  Mannequin  de  Bergame,  en  un  acte,  au  théâtre  de  la  rue  Ven- 
tadour,  en  1832.  17"  Phidias,  en  deux  actes,  pour  l'Opéra  (non  re- 
présenté). 

III.  Musique  de  chant.  18°  Deux  nocturnes  italiens  et  une 
canzonnelte,  Paris,  Pleyel.  19"  Miserere,  pour  trois  voix  d'homme, 
sans  accompagnement,  Paris,  A.  Petit.  20°  Messe  de  Requiem,  pour 
quatre  voix  et  chœur,  avec  accompagnement  de  six  cors,  quatre  trom- 
pettes, trois  trombones,  saxhorn,  bas-tuba,  bombardon,  orgue  obligé, 
violoncelles,  contre-basse  et  timbales,  exécutée  le  14  octobre  1850, 
pour  le  service  funèbre  de  la  reine  des  Belges.  Paris,  chez  Meisson- 
nier,  partition  et  parties  séparées.  20°  (a)  Six  messes  faciles  pour 
l'orgue,  composées  sur  le  plain-chant  de  l'église  accompagné,  avec 
des  versets,  des  introductions  et  des  conclusions.  Paris,  H.  Lemoine, 
1839,  1  vol.  in-folio.  20°  (b)  Vêpres  et  saluts  du  dimanche  pour 
l'orgue,  avec  le  chant  des  hymnes  et  des  antiennes  de  la  Vierge, 
précédés  d'une  instruction  sur  l'accompagnement  des  psaumes,  Paris, 
Ve  Canaux,   1843,  un   cahier  in-folio  oblong. 

IV.  Musique  d'église  (non  publiée).  21°  Messe  à  cinq  voix  et 
chœurs,  avec  orgue,  violoncelle  obligé  et  contre-basse.  22°  Plusieurs 
messes,  motets,  litanies,  hymnes  et  antiennes  pour  trois,  quatre 
et  cinq  voix,  avec  orgue,  composés  dans  un  nouveau  système  pour 
la  chapelle  de  la  reine  des  Belges.  22°  (bis)  Lamentations  de  Jé- 
rémie,  à  six  voix  et  orgue. 

V.  Musique  instrumentale  (non  publiée).  23°  Une  très-grande  quan- 
tité de  pièces  d'orgue  de  tout  genre.  24°  Soixante  fugues  et  préludes 
fugues  pour  le  même  instrument.  Un  choix  de  ces  pièces  fait  partie 
de  la  Science  de  l'organiste,  ouvrage  non  encore  achevé.  25°  Sym- 
phonies à  grand  orchestre  (en  mi  bémol).  26°  Fantaisie  pour  piano 
et  orchestre.  27°  Deux  quintettes  pour  deux  violons,  deux  violes  et 
violoncelle.  28°  Un  sextuor  pour  deux  violons,  deux  violes,  violon- 
celle et  contre-basse.  29°  Un  quatuor  pour  piano,  violon,  viole  et 
basse.  Toutes  les  premières  productions  de  Fétis,  telles  que  sympho- 
nies, symphonies  concertantes,  concertos  de  violon  et  de  piano, 
quatuors,  messes,  offertoires,  etc.,  ont  été  anéanties,  à  l'exception  de 
trois  quatuors,  composés  à  l'âge  de  douze  ans,  conservés  par  cu- 
riosité. 

VI.  Ouvrages  didactiques,  historiques  et  critiques  publiés  ou 
prêts  à  paraître.  30°  Méthode  élémentaire  et  abrégée  d'harmonie  et 
d'accompagnement,  suivie  de  basses  chiffrées,  Paris,  1824,  in-8°,  Ph. 


Petit.  Une  deuxième  édition,  revue  avec  soin,  a  été  publiée  à  Paris, 
en  1836,  chez  Mme  Lemoine  (plus  tard  Aulagnier),  in-4°.  Il  en  a 
été  fait  une  troisième,  portative,  grand  in-8°,  Paris,  Aulagnier,  1841; 
on  y  a  supprimé  les  exercices  d'accompagnement  de  la  basse  chif- 
frée. Une  traduction  italienne  de  cet  ouvrage  a  été  publiée  à  Naples, 
chez  Girard,  en  1836,  et  une  autre  a  paru  à  Turin,  chez  Pomba. 
M.  Bishop,  de  Cheltenham,  en  a  donné  une  traduction  anglaise  in- 
titulée :  Elementary  and  abridged  Method  of  Harmony  and  accom- 
paniment,  followed  by  progressive  exercices  in  every  key,  etc., 
Londres,  Robert  Cocks  et  C°  (saDS  date),  1835,  grand  in-4°.  31° 
Traité  de  la  fugue  et  du  contre-point,  composé  pour  l'usage  du  Con- 
servatoire. Paris,  Troupenas,  1825,  deux  parties  in-4°.  Une  deuxième 
édition,  avec  des  additions  concernant  le  style  instrumental,  à  Paris, 
chez  Brandus,  en  1846.  32°  Traité  de  l'accompagnement  de  la  par- 
tition, Paris,  1829,  Pleyel,  in-4°-  Ouvrage  d'un  genre  neuf,  le  seul 
qui  existe  sur  cette  matière.  33°  Solfèges  progressifs,  avec  accom- 
pagnement de  piano,  précédés  de  l'exposition  raisonnée  des  princi- 
pes de  la  musique,  Paris,  1827,  M.  Schlesinger,  in-4°.  Quatre  édi- 
tions de  cet  ouvrage  ont  paru  jusqu'en  1857.  On  en  prépare  une 
cinquième  avec  des  additions  considérables.  34°  Revue  musicale,  huit 
années,  1827-1834,  quinze  volumes,  dont  dix  in-8°  et  cinq  in-4°. 
35°  Mémoire  sur  cette  question  mise  au  concours  en  1828,  par  la 
quatrième  classe  de  l'Institut  des  Pays-Bas  :  Quels  ont  été  les  méi  i- 
tes  des  Néerlandais  dans  la  musique,  principalement  aux  xiv6,  xv" 
et  xvie  siècles,  etc.  Ce  mémoire  a  été  imprimé  aux  frais  de  l'Insti- 
tut, conjointement  avec  celui  de  R.  G.  Kiesewetter,  qui  a  obtenu  le 
prix,  sous  ce  titre  hollandais:  Verhandelingen  over  de  vraag,  etc. 
(Mémoires  sur  la  question,  etc.)  Amsterdam,  J.  Muller  et  Ce,  1829, 
un  vol.  in-4°.  36°  La  musique  mise  à  la  portée  de  tout  le  monde, 
exposé  succinct  de  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  juger  de  cet  art, 
et  pour  en  parler  sans  l'avoir  étudié.  Paris,  Mesnier,  1830,  un  vol. 
in-8".  Dans  la  même  année  il  fut  fait  une  deuxième  édition  de  ce 
livre  à  Liège,  chez  Collardin,  en  un  vol.  in-12,  avec  le  consente- 
ment de  l'éditeur  de  Paris.  Une  troisième  édition,  augmentée  de  plu- 
sieurs chapitres  et  d'un  dictionnaire  des  termes  de  musique  dont 
l'usage  est  habituel,  a  paru  à  Paris,  chez  Paulin,  en  1834,  un  vol. 
in-12.  Cette  édition  a  été  tirée  à  quatre  mille  exemplaires.  Une  qua- 
trième édition  a  été  publiée  par  Brandus  et  Ce,  avec  des  augmen- 
tations considérables.  Paris,  1847,  un  vol.  in-8°.  Il  a  été  fait  une 
contrefaçon  de  ce  même  livre  à  Bruxelles,  chez  Haumann  et  Ce, 
1839,  un  vol.  in-18,  et  une  autre,  à  Bruxelles,  chez  Meline,  Cans 
et  C%  1840,  un  vol.  in-18.  Blum  a  publié  une  traduction  allemande 
de  cet  ouvrage  sous  ce  titre  :  Die  Musik,  Handbuch  fur  Freund 
und  Liebhaber  dieser,  Kunst,  Berlin,  1830,  un  vol.  in-12.  On  a  fait 
aussi  un,e  traduction  anglaise  du  même  livre  intitulée  :  The  Music 
mode  easy,  Londres,  1831,  un  vol.  in-12.  L'Académie  de  musique 
de  Boston  (Amérique)  en  a  fait  faire  une  autre  traduction  qui  fut 
revue  sur  la  seconde  édition  de  Paris,  et  qui  a  été  publiée  sous  ce 
titre  :  Music  explained  to  the  World  ;  or  How  to  understand  Music 
and  enjoy  Us  performance.  Translated  for  the  Boston  Academy  of 
Music.  Boston,  B.  Perkins,  18 12,  petit  in-8°.  Cette  traduction  a  été 
réimprimée  à  Londres,  en  1844,  chez  Clarke  et  Ce,  un  vol.  petit 
in  8°,  et  donné  comme  une  traduction  nouvelle.  Le  même  ouvrage  a 
été  traduit  en  espagnol,  sous  ce  titre  :  La  Musica  puesta  al  alcance 
de  Todos.  0  sea  brève  esposicion  de  todo  lo  que  es  necessario  para 
juzgar  de  esta  arie  y  hablar  de  ella  sen  haberla  estudiado.  Escrita 
en  Frances  por,  etc.,  traducida  y  anotada  por  A.  F.  S.  (Soriano- 
Fuertes).  Barcelona,  1840,  un  vol.  petit  in-8°.  Une  traduction  ita- 
lienne a  été  annoncée  dans  la  Gazette  musicale  de  Milan,  par  M.  Pic- 
chianti.  Enfin,  M.  Belikoff,  inspecteur  de  la  chapelle  impériale  de 
Russie,  en  a  fait  imprimer  une  traduction  en  langue  russe,  Saint- 
Pétersbourg,  1833,  un  vol.  in-8°.  36°  Curiosités  historiques  de  la 
musique,  complément  nécessaire  de  la  Musique  mise  à  la  portée  de 


332 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tout  le  monde.  Paris,  Janet  et  Cotelle,  1830,  un  vol.  in-8°.  Ce  vo- 
lume ne  contient  qu'un  choix  d'articles  historiques  de  la  Revue  mu- 
sicale. 37°  Biographie  universelle  des  musiciens  et  bibliographie 
générale  de  la  musique,  précédée  d'un  résumé  philosophique  de 
l'histoire  de  cet  art.  Paris  et  Bruxelles,  1834  et  années  suivantes, 
huit  volumes  grand  in-8".  Vingt  années  ont  été  employées  en  re- 
cherches de  tout  genre  pour  le  perfectionnement  de  cet  ouvrage, 
qui  peut  être  constaté  par  la  comparaison  de  cette  seconde  édition 
avec  la  première.  38°  Manuel  des  principes  de  musique,  à  l'usage 
des  professeurs  et  des  élèves  de  toutes  les  écoles,  particulièrement 
des  écoles  primaires.  Paris,  1837,  Schlesinger  (Brandus),  un  vol.  in-8. 
39°  Traité  du  chant  en  chœur,  à  l'usage  des  directeurs  d'écoles  de 
chant,  et  des  chefs  de  chœurs  des  théâtres.  Paris,  1837,  Schlesin- 
ger (Brandus),  in-4°.  40°  Manuel  des  jeunes  compositeurs,  des  chefs 
de  musique  militaire  et  des  directeurs  d'orchestre.  Paris,  1837, 
Schlesinger  (Brandus),  un  vol.  grand  in-8°.  41"  Méthode  des  métho- 
des de  piano,  analyse  des  meilleurs  murages  qui  ont  été  publiés  sur 
l'art  de  jouer  de  cet  instrument  ;  livre  composé  pour  l'usage  du 
Conservatoire  royal  de  musique  de  Bruxelles.  Paris,  Schlesinger 
(Brandus),  1837,  grand  in-4°.  Une  traduction  italienne  de  cet  ou- 
vrage a  été  publiée  à  Milan,  chez  Ricordi,  en  1841,  sous  le  titre  de  : 
Metodo  dei  metodi  di  piano-forte,  ossia  trattato  dell'  arte  di  suonar 
quest  istrumento.  Cette  traduction  est  l'ouvrage  d'Antolini.  Il  en  a 
paru  une  autre  dans  la  même  année,  à  Florence,  chez  Cipriani. 
42"  Méthode  des  méthodes  de  chant,  analyse  des  principes  des  meil- 
leurs écoles  de  l'art  de  chanter.  Paris,  Bandus.  43°  Esquisse  de 
l'histoire  de  l'harmonie,  considérée  comme  art  et  comme  science  sys- 
tématique. Paris,  Bourgogne,  1840,  un  vol.  in-8°  de  178  pages,  tiré 
à  cinquante  exemplaires  seulement  pour  les  amis  de  l'auteur  ;  n'a 
pas  été  mis  dans  le  commerce.  44°  Méthode  élémentaire  du  plain- 
chant.  Paris,  Ve  Canaux,  1843,  un  vol.  grand  in-8°.  45°  Traité  com- 
plet de  la  théorie  et  de  la  pratique  de  l'harmonie.  Paris,  Schlesinger, 
1844,  un  vol.  grand  in-8°,  —  2e  édition,  Brandus,  1846.  —  3e  édi- 
tion (ibid.),  1847.  —  4a  édition,  augmentée  d'une  préface  philoso- 
phique et  de  notes  (ibid.),  1849.  —  5e  édition  (ibid.),  1853.  —  6e 
édition,  G.  Brandus  et  Dufour,  1857.  La  publication  de  ce  livre  a 
produit  la  plus  vive  sensation,  non-seulement  en  France,  mais  à  l'é- 
tranger. Fétis  considère  cet  ouvrage  et  son  Traité  du  contre-point  et 
de  la  fugue,  comme  ses  productions  les  plus  originales  et  les  fonde- 
ments les  plus  solides  de  sa  réputation.  Deux  traductions  italiennes 
de  ce  livre  ont  paru  en  même  temps  :  toutes  deux  sous  le  titre  de  : 
Trattato  compléta  délia  teoria  e  délia  pratica  dell'  armonia.  La  pre- 
mière, ouvrage  de  M.  Mazzucato,  a  été  publiée  à  Milan,  par  Jean 
Ricordi,  en  1842,  un  vol.  grand  in-8°,  imprimé  en  caractères  mobi- 
les; l'autre  par  M.  Emmanuel  Gambale,  chez  F.  Lucca,  dans  la 
même  ville,  un  vol.  in-fol.  gravé.  M.  Gil ,  professeur  d'harmonie  au 
Conservatoire  de  Madrid,  en  a  donné  une  traduction  espagnole  inti- 
tulée :  Tratado  complcto  de  la  teoria  y  pratica  de  la  armonia,  Ma- 
drid, Salazar  (sans  date),  un  vol.  in-fol.  Le  même  professeur  a  res- 
serré la  doctrine  exposée  dans  cet  ouvrage  en  un  volume  de  peu 
d'étendue  intitulé  :  Tratado  elementar  teorico  pratico  de  armonia. 
Madrid,  1856,  grand  in-8°.  Enfin,  M.  Vanderdoodt  a  exposé  la  même 
doctrine  dans  le  livre  en  langue  flamande  qui  a  pour  titre  :  Harmo- 
nie-Leere  tan  gebruike  der  organislen.  Brussel,  1852,  un  vol.  grand 
in-8°.  46°  Notice  biographique  de  ÎSicolo  Paganini,  suivie  de  l'ana- 
lyse de  ses  ouvrages,  et  précédée  d'une  esquisse  de  l'histoire  du  vio- 
lon. Paris,  Schonenberger,  1851,  grand  in-8»  de  95  pages.  47°  Traité 
élémentaire  de  musique,  contenant  la  théorie  de  toutes  les  parties 
de  cet  art  (dans  l' Encyclopédie  populaire).  Bruxelles,  Jamar,  1831- 
1832,  deux  parties  in-12.  Sept  mille  exemplaires  de  ce  livre  ont  été 
vendus.  48°  Antoine  Stradivari,  luthier  célèbre,  connu  sous  le  nom 
de  Stradivarius;  précédé  de  recherches  historiques  et  critiques  sur 
l'origine  et  les  transformations  des  instruments  à  archet,  et  suivi  d'a- 


nalyses théoriques  sur  l'archet  et  d'une  notice  sur  François  Tourte, 
auteur  de  ses  derniers  perfectionnements.  Paris,  Vuillaume,  luthier, 
1856,  un  vol.  in-8",  illustré  de  figures  d'instruments.  Cet  ouvrage, 
tiré  à  mille  exemplaires,  a  été  donné  en  cadeau  aux  artistes  et 
amateurs,  et  n'a  point  été  mis  dans  le  commerce.  49°  Exposition 
universelle  de  Paris,  en  1855.  Fabrication  des  instruments  de  mu- 
sique. Rapport  de  M.  Fétis  ,  membre  du  jury,  rapporteur  de  la 
27e  classe.  Paris,  imprimerie  impériale,  1856,  dans  les  volumes  des 
rapports  généraux,  et  tiré  à  part,  grand  in-4°  de  54  pages  à  deux 
colonnes.  50°  Mémoire  sur  cette  question  :  Les  Grecs  et  les  Romains 
ont-ils  connu  l'harmonie  simultanée  des  sons  ?  En  ont-ils  fait  usage 
dans  leur  musique  ?  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique, tome  XXXI.  On  trouve,  du  même,  dans  les  Bulletins  de  la 
même  Académie  :  1°  Note  sur  une  trompette  romaine  trouvée  récem- 
ment aux  environs  de  Bavay.  (Tome  XIII,  1846).  2°  Recherches  sur 
les  instruments  dont  il  est  parlé  dans  la  Bible  (ibid.).  3°  Discours 
sur  le  progrès  dans  les  arts  (ibid.).  4°  Rapport  sur  la  rédaction 
d'une  histoire  des  arts  en  Belgique  (ibid.).  5°  Rapport  sur  trois  Mé- 
moires présentés  en  réponse  à  la  quatrième  question  de  la  classe  des 
beaux-arts  de  l'Académie  (1),  t.  XIV,  1847,  50  pages  d'impression. 
6°  Discours  prononcé  à  la  séance  publique  du  24  septembre  1847 
(ibid.).  7°  Rapport  sur  une  notice  de  M.  le  comte  de  Robiano,  inti- 
tulée :  Mémoire  sur  la  musique  antique  de  la  Grèce  (tome  XV,  1848). 
8°  Rapport  sur  un  Mémoire  présenté  au  concours  de  1848,  en  ré- 
ponse à  la  quatrième  question  de  la  classe  des  beaux-arts  (ibid.). 
9°  Note  sur  les  véritables  fonctions  de  l'oreille  dans  la  musique 
(tome  XVI,  1849).  10°  Discours  prononcé  dans  la  séance  publique 
du  25  septembre  1849  (ibid.).  11°  Note  sur  les  conditions  acousti- 
ques des  salles  de  concert  et  de  spectacle  (ibid.).  12°  Sur  l'état  ac- 
tuel de  la  facture  des  orgues  en  Belgique,  comparée  à  sa  situation  en 
Allemagne,  en  France  et  en  Angleterre  (tome  XVII,  1850).  13°  Sur 
les  documents  relatifs  à  l'histoire  de  l'art  en  Belgique  (tome  XVIII, 
1851).  14°  Sur  la  situation  ancienne  et  moderne  de  la  musique  en 
Espagne  (tome  XIX,  1852).  15°  Sur  un  nouveau  système  de  musique 
dramatique  (ibid.).  16"  Discours  prononcé  à  la  séance  publique  de  la 
classe  des  beaux-arts  de  l'Académie,  le  25  septembre  1852  (ibid.). 
17°  Discours  prononcé  dans  la  séance  publique  de  la  classe  des 
beaux-arts,  le  25  septembre  1855  (tome  XXII).  18°  Sur  les  progrès 
de  la  facture  des  orgues  en  Belgique,  dans  les  dernières  années 
(tome  XXIII,  1856).  19°  Rapport  sur  un  Mémoire  de  MM.  Fraselle  et 
Germain,  relatif  à  l'emploi  qui  aurait  été  fait  du  quart  de  ton  dans 
le  chant  grégorien  au  moyen  âge  (tome  XXIV,  1857).  20°  Note  sur 
la  découverte  récente  des  plus  anciens  monuments  de  la  typographie 
musicale,  et,  par  occasion,  sur  les  compositeurs  belges  du  xve  siècle 
(tome  XI,  2°  série,  1861).  Fétis  a  publié  dans  la  Gazette  musicale 
de  Paris  et  dans  la  Revue  de  la  musique  religieuse,  une  multitude 
d'articles  de  critique,  de  théorie,  d'histoire  et  de  philosophie  de  la 
musique,  formant  plus  de  2,500  pages  d'impression,  1836-1860. 

VII.  Ouvrages  non  publiés.  51°  la  Science  de  l'organiste,  traité 
complet  de  cet  instrument,  de  ses  effets,  des  divers  systèmes  de 
l'accompagnement  du  plain-chant,  avec  tout  l'office  catholique  ro- 
main, un  grand  nombre  de  pièces  de  tout  genres,  et  un  choix  de 


(1)  Cette  question  était  ainsi  conçue  :  «  Faire  l'exposé  des  principes  de  chacun 
des  systèmes  de  notation  musicale  qui  peuvent  être  ramenés  à  trois  types  princi- 
paux, à  savoir  :  les  chiffres,  les  lettres  de  l'alphabet,  et  les  combinaisons  de  si- 
gnes arbitaires  ou  sténographiques.  —  Examiner  si  ces  systèmes  sont  conçus  de 
manière  à  pouvoir  représenter,  par  leurs  signes,  toute  combinaison  quelconque  de 
la  musique,  sans  laisser  de  doutes  par  l'aspect  de  leur  ensemble,  ou  s'ils  ne  sont 
applicables  qu'à  certains  cas  et  dans  certaines  limites. 

»  Démontrer  l'une  ou  l'autre  hypothèse  par  des  exemples. 

»  Déduire  à  priori  les  conséquences  inévitables  de  la  substitution  d'un  système 
quelconque  de  notation  à  celui  qui  est  en  usage,  abstraction  faite  du  mérite  du 
système.  » 


DE  PARIS. 


333 


morceaux  des  plus  célèbres  organistes  italiens,  allemands  et  fran- 
çais ,  depuis  le  xvie  siècle  jusqu'à  l'époque  actuelle.  Deux  cent 
cinquante  pages  environ  de  cet  ouvrage  sont  imprimées.  52°  Phi- 
losophie générale  de  la  musique,  un  volume  in-8°.  Ce  livre,  quoique 
borné  à  un  seul  volume,  est  le  travail  le  plus  considérable  de  l'au. 
teur,  à  cause  des  difficultés  du  sujet  et  du  point  de  vue  ou  Fétis 
s'est  placé.  Il  a  été  abandonné  et  repris  vingt  fois  en  quarante  ans. 
46°  Graduale  de  tempore  ne  de  sanelis  juxta  ritum  sacrosanctœ 
romance  ecclesiœ,  cum  cantu  ex  mullis  anliquissimis  codieibus  res- 
tituto,  quibus  dissertatio  de  cantilenarum  adulteratione  prœfixa 
est.  kl"  Antiphonarium  divinorum  officiorum  juxta  ritum  sacro- 
sanctœ romance  ecclesiœ,  cum  cantu  ex  multis  velustissimis  codi- 
eibus reslituto  cura  et  studio,  etc.  53°  Histoire  générale  de  la  musique. 
Ouvrage  dont  plusieurs  parties,  qui  exigeaient  les  recherches  les  plus 
minutieuses,  sont  entièrement  terminées.  Il  formera  6  volumes  in-8° 
avec  deux  volumes  de  monuments  historiques,  in-4°.  54°  Souvenirs 
d'un  vieux  musicien  (Mémoires  sur  la  vie  de  l'auteur  et  sur  ses  re- 
lations avec  les  hommes  les  plus  célèbres  dans  l'art  et  dans  la 
science,  pendant  soixante  ans).  55°  De  la  collection  de  traités  de 
musique  du  moyen  âge,  annoncée  dans  la  première  édition  de  la 
Biographie,  Fétis  s'est  borné  à  l'ouvrage  de  Francon  de  Cologne, 
texte  et  traduction  française  avec  la  restitution  exacte  des  exemples 
notés,  d'après  de  bons  manuscrits  inexplorés  ;  et  à  la  collection  des 
œuvres  théoriques  de  Tinctoris,  dont  le  texte,  tiré  des  manuscrits 
qui  appartiennent  à  Fétis,  a  été  collationné  sur  les  manuscrits  de 
Gand  et  de  Bologne,  et  dont  la  traduction  est  entièrement  terminée. 
Des  rapports  de  MM.  Van  Hasselt  et  Snel  sur  ce  grand  travail  ont 
été  faits  à  l'Académie  royale  de  Belgique,  et  insérés  dans  le  tome 
XII  de  ses  bulletins,  2e  série,  1861.  56°  Traduction  française  du 
Traité  de  musique  de  Boèce. 


LETTRE  DE  MARIE-ANTOINETTE  RELATIVE  A  GLUCK. 

M.  le  comte  Paul  Vogt  d'Hunolstein  vient  de  publier  une  corres- 
pondance inédite  de  Marie-Antoinette,  recueillie  sur  les  documents 
originaux.  Cet  ouvrage,  des  plus  intéressants,  contient  une  lettre  qui 
nous  appartient  de  droit;  car  l'infortunée  reine  y  raconte  à  sa  sœur 
le  succès  du  premier  chef-d'œuvre  donné  par  Gluck  à  Paris.  Nos 
lecteurs  nous  sauront  gré  de  la  leur  faire  connaître. 

Versailles,  ce  26  avril  477A. 

Enfin,  ma  chère  Christine,  voilà  un  grand  triomphe,  nous  avons  eu 
le  19  la  première  représentation  de  Vlphigénie,  de  Gluck  ;  j'en  ai  été 
transportée,  on  ne  peut  plus  parler  d'autre  chose,  il  reigne  dans  toutes 
les  têtes  une  fermentation  aussi  extraordinaire  sur  cet  événement  que 
vous  le  puissiez  imaginer,  c'est  incroyable;  on  se  divise,  on  s'attaque, 
comme  s'il  s'agissoit  d'une  affaire  de  religion;  à  la  cour,  quoique  je  me 
sois  prononcée  publiquement  en  faveur  de  cette  œuvre  de  génie,  il  y 
a  des  partis  et  des  discussions  d'une  vivacité  singulière,  il  paroît  que 
c'est  bien  pire  encore  à  la  ville;  j'avois  voulu  voir  M.  Gluck  avant  l'é- 
preuve de  la  représentation,  et  il  m'avoit  développé  lui-même  le  plan 
de  ses  idées  pour  fixer  comme  il  l'appelle  le  vrai  caractère  de  la  mu- 
sique théâtrale  et  le  faire  rentrer  dans  le  naturel  ;  si  j'en  juge  par 
l'effet  que  j'ai  éprouvé  il  a  réussi  au-delà  de  ses  désirs,  M.  le  dauphin 
étoit  sorti  de  son  calme  et  il  a  trouvé  partout  à  applaudir;  mais  comme 
je  m'y  attendois,  à  la  représentation  s'il  y  a  eu  des  morceaux  qui  ont 
transporté,  on  avoit  l'air  en  général  d'hésiter,  on  a  besoin  de  se  faire 
à  ce  nouveau  système,  après  avoir  eu  tant  l'habitude  du  contraire; 
aujourd'hui  tout  le  monde  veut  entendre  la  pièce,  ce  qui  est  un  bon 
signe,  et  Gluck  se  montre  très-satisfait,  je  suis  certaine  que  vous  serez 
heureuse  comme  moy  de  cet  événement. 

Adieu,  chère  sœur,  je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  combien  je  vous 
aime,  il  y  a  trop  longtemps  que  je  n'ai  eu  de  vos  nouvelles  et  vous 
savez  que  je  ne  peux  m'en  passer.  Gluck  m'a  écrit  quelques  morceaux 
de  sa  musique  que  je  chante  sur  le  clavecin.  Adieu  encore. 

Marie-Antoinette. 


NOUVELLES. 

»*»  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  n'a  pu  donner  lundi  Roland  à 
Roncevaux,  par  suite  d'une  indisposition  de  Gueymard;  on  lui  a  substi- 
tulé  la  Favorite.— Mercredi  et  vendredi  on  a  représenté  l'ouvrage  de 
M.  Mermet,  dont  le  succès  s'est  pleinement  confirmé.  LL.  MM.  l'Empe- 
reur et  l'Impératrice  assistaient  à  la  représentation  de  vendredi. — Le 
vendredi  précédent,  Mlle  de  Taisy  avait  suppléé  Mme  Gueymard,  indis- 
posée, et  s'était  avantageusement  acquittée  de  son  rôle. 

**„  La  représentation  des  Huguenots  donnée  dimanche  avait,  comme  à 
l'ordinaire,  rempli  la  salle.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  remar- 
quablement exécuté  par  Mme  Marie  Sax,  liorère,  Obin  et  Faure. 

***  Le  Roi  d'Yvetot  paraît  être  le  titre  définitif  d'un  ballet  dont  le 
libretto  est  dû  à  M.  le  marquis  de  Massa,  et  la  musique  à  deux  diplo- 
mates en  collaboration  avec  M.  Labarre. 

***  Le  succès  obtenu  par  Mme  Gennetier  dans  le  Songe  d'une  nuit 
d'été  s'est  brillamment  confirmé  dans  les  représentations  suivantes,  où 
la  cantatrice,  maîtresse  de  ses  moyens,  a  pu  leur  donner  un  libre  essor. 
Jeudi  dernier,  elle  a  chanté  le  rôle  d'Elisabeth  avec  une  rare  perfec- 
tion, et  si  l'on  a  pu  reprocher  à  son  jeu  un  peu  de  froideur,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  le  caractère  du  personnage  impose  à  l'actrice  chargée 
de  l'interpréter  une  réserve  et  une  dignité  qui  atténuent  l'effet  du  rôle. 
D'ici  à  peu  de  temps  les  rôles  âtHaydée,  de  la  Fille  du  régiment,  du 
Domino  noir,  fourniront  à  Mme  Gennetier  l'occasion  de  faire  apprécier 
la  souplesse  et  la  variété  de  son  talent  et  justifieront  les  éloges  que  lui 
a  prodigués  la  presse.  Nous  ne  pouvons  à  cet  égard  nous  empêcher  de 
reproduire  à  l'appui  de  ces  éloges  une  anecdote  que  nous  lisons  dans 
le  Sport,  sous  la  signature  de  son  rédacteur  en  chef,  M.  Jiug.  Chapus, 
et  qui  prouve  à  quel  point  la  nouvelle  pensionnaire  de  l'Opéra-Comique 
est  musicienne.  «  Elle  était  à  Toulouse,  et  le  directeur,  aux  termes  de 
son  traité  avec  la  ville,  devait  ouvrir  le  théâtre  à  jour  fixe  ou  perdre 
un  dédit  de  6,000  francs  ;  le  délai  était  rigoureux.  L'affiche  annonçait 
Robert  le  Diable.  Mme  Gennetier  était  chargée  du  rôle  d'Alice,  et  celui 
d'Isabelle  devait  être  rempli  par  une  cantatrice  célèbre  qu'on  attendait 
d'une  grande  ville  voisine.  A  6  heures,  le  jour  même  désigné  pour  la 
représentation,  Isabelle  n'était  pas  encore  arrivée.  Le  directeur  était 
aux  abois,  il  ne  savait  que  devenir,  lorsqu'il  eut  l'idée  de  s'adresser  à 
Mmo  Gennetier  pour  se  tirer  d'embarras.  Il  lui  demanda  si  elle  pourrait 
jouer  le  rôle  d'Isabelle,  qu'elle  n'avait  jamais  étudié,  tandis  que  celui 
d'Alice  serait  donné  à  une  autre  personne  de  la  troupe,  qui  le  savait 
et  l'avait  déjà  joué  plusieurs  fois  (1).  Mme  Gennetier  hésita  un  mo- 
ment; puis,  ne  consultant  que  son  désir  d'obliger  son  directeur,  elle 
consentit  à  jouer,  mais  à  la  condition  que  pendant  les  entr'actes  on 
répéterait  les  morceaux  les  plus  difficiles  du  rôle.  L'opéra  fut  joué  dans 
ces  étranges  conditions  et  obtint  un  grand  succès.  Il  ne  fut  question  à 
Toulouse  que  de  ce  merveilleux  tour  de  force  ;  il  avait  commencé  cette 
réputation  artistique  qui  prit  un  si  grand  essor  à  la  Nouvelle-Orléans, 
où  Mme  Gennetier  serait  encore  l'enfant  gâtée  du  public  américain,  si 
la  guerre  ne  l'avait  obligée  de  quitter  ce  pays.  » 

***  Le  premier  ouvrage  nouveau  qui  sera  donné  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  est  celui  de  M.  Gautier  ;  le  Capitaine  Henriot,  de  Ge- 
vaert,  suivra  promptement. 

%*t  Le  répertoire  du  théâtre  Italien  s'est  augmenté  de  deux  reprises 
d'ouvrages,  dont  la  faveur  n'a  pas  d'intermittences.  La  première  nous 
a  rendu  Don  Pasquale,  ce  dernier  sourire  de  la  muse  italienne,  et 
Adelina  Patti  a  reparu  dans  le  rôle  de  Norina,  dont  elle  a  fait  une  de 
ses  créations  les  plus  originales  et  les  plus  charmantes.  Scalese  et 
Delle-Sedie  sont  excellents  dans  les  rôles  de  l'amoureux  barbon  et  du 
docteur.  Dans  celui  d'Ernesto,  le  ténor  Baragli,  que  nous  avions  en- 
tendu l'année  dernière,  et  qui  déjà  vocalisait  très-bien,  nous  a  prouvé 
qu'il  avait  encore  fait  des  progrès  dans  l'art  du  chant,  mais  nous  vou- 
drions que  sa  voix  fût  devenue  meilleure,  et  plus  que  jamais  elle  est 
dépourvue  de  timbre.  Le  chanteur  a  beau  se  montrer  habile ,  il  ne 
peut  soutenir  un  son.  C'est  ce  qui  fait  que  Baragli  a  par  deux  fois 
échoué  dans  la  sérénade  Corn?  è  genhl,  et  que  des  chut!  l'ont  salué  pré- 
cisément là  où  des  bravos  auraient  dû  l'accueillir.  —  La  seconde  reprise 
a  été  celle  du  Trovalore,  dans  lequel  Fraschini  a  rapporté  sa  voix  admi- 
rable et  ses  beaux  effets  de  grand  style  ;  Mme  Charton-Demeur,  dans  le 
rôle  de  Léonore,  et  Mme  Méric-Lablache,  dans  celui  d'Azucena,  ont  re- 
trouvé leur  succès  de  la  saison  précédente.  Sterbini  s'est  aussi  distin- 
gué, et  a  mérité  un  rappel,  après  son  air  du  second  acte.  On  l'a  aussi 
redemandé  avec  Mme  Charton-Demeur  après  le  grand  duo  du  qua- 
trième. 

+%  La  représentation  de  Violetta  (la  Traviata)  au  théâtre  Lyrique 
est  très-prochaine.  —  Les  répétitions  de  Martha  sont  commencées. 


(1)  Le  renseignement  fourni  à  M.  Eug.    Chapus  n'est   pas   tout   à   fait    exact. 
Mme  Gennetier  chanta  simultanément  les  deux  rôles  d'Isabelle  et  d'Alice. 


334 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


t*t  On  répète  l'opéra  en  un  acte  de  MM.  Nuitter  et  Desarbres,  dont 
le  comte  Gabrielli  a  écrit  la  musique,  et  qui  a  pour  titre  Fancheite. 
Le  poème  est,  dit-on,  fort  joli,  et  la  pièce  sera  jouée  par  Froment, 
Mme  Faure-Lefèvre  et  Guyot. 

»%  La  distribution  des  rôles  du  nouvel  opéra  de  M.  de  Saint-Georges 
et  du  prince  Poniatowski,  VAventurier,  a  été  faite  aux  artistes  du  théâ- 
tre Lyrique;  ils  sont  confiés  à  MM.  Monjauze  (Don  Manoel),  Gerpré 
(Don  Annibal),  Petit  (le  vice-roi),  Ismaël  (Quirino);  Mmes  de  Maesen 
(Dona  Eleonora),  Albrecht  (Anita).  La  lecture  de  l'œuvre  a  produit 
beaucoup  d'effet. 

***  Gerpré,  ancien  acteur  des  Bouffes-Parisiens  et  qui  a  tenu  avan- 
tageusement l'emploi  de  trial  en  province ,  est  engagé  au  théâtre 
Lyrique. 

„**  Les  Bouffes-Parisiens  viennent  de  reprendre  avec  un  grand  suc- 
cès une  des  plus  charmantes  opérettes  jouées  à  ce  théâtre,  les  Pantins 
de  Violette,  d'Adam.  Heuzey,  Mmes  Carrait  et  Irma  Marié  ont  remplacé 
dans  l'interprétation  Pradeau  et  Mmes  Dalmont  et  Maréchal,  qui  l'a- 
vaient si  remarquablement  créée  à  l'origine.  —  Un  des  comiques  les 
plus  goûtés  au  passage  Choiseul  et  qui  date  aussi  de  la  fondation , 
Léonce,  n'a  pu  s'entendre  avec  la  nouvelle  administration  et  la  quitte. 
En  revanche  elle  vient  d'engager  M.  Félix  Puget,  fils  de  l'ancien  ténor; 
il  a  débuté  dans  Un  mari  à  la  porte;  il  a  beaucoup  à  acquérir. 

*%  Cette  semaine  Offenbach  est  revenu  devienne,  où  il  était  allé  pré- 
sider à  la  mise  en  scène  de  son  opéra  les  Géorgiennes,  au  Karl-Theater. 
L'ouvrage  a  obtenu  uu  très-grand  succès.  Le  maestro  a  conduit  l'or- 
chestre aux  trois  premières  représentations,  et  il  a  été  acclamé  avec 
enthousiasme.  Le  directeur  du  Karl-Theater  a  composé  le  bataillon 
des  Géorgiennes  de  soixante  jolies  femmes  qui  ont  fort  bien  manœu- 
vré, au  grand  plaisir  du  public. 

„,%  Les  auteurs  de  l'Enlèvement  d'Hélène,  MM.  Meilhac,  Halévy  et  Of- 
fenbach ont  lu  leur  pièce  aux  artistes  des  Variétés,  et  les  rôles  princi- 
paux ont  été  distribués  à  Dupuis,  Kopp,  Grenier,  Couder  et  à  Mmes 
Schneider  et  Silly. 

*%  Une  jeune  élève  de  Duprez,  Mlle  Léontine  Durand,  vient  de  dé- 
buter avec  un  grand  succès  au  théâtre  de  Strasbourg,  dans  le  rôle  de 
Rosine,  du  Barbier.  Le  Courrier  du  Bas-Rhin  en  fait  un  grand  éloge. 
Mlle  Durand  est  la  sœur  de  Mlle  Lucile  Durand,  artiste  du  théâtre  des 
Variétés. 

*%  A  Lyon  les  Dragons  de  Villars  viennent  de  faire  leur  réapparition 
sur  le  Grand-Théâtre  aux  applaudissements  du  public.  Le  rôle  si  ori- 
ginal de  Rose  Friquet  était  interprété  par  Mlle  Dupuy,  qui  n'a  rien 
laissé  à  désirer  comme  chanteuse  et  comme  actrice.  C'était  son  troi- 
sième début,  et  son  admission  a  été  chaleureusement  proclamée. 

„,%  On  nous  écrit  de  Moscou  que  Mlle  Reboux,  transfuge  du  théâtre 
Lyrique,  a  obtenu  sur  le  théâtre  impérial  Italien  de  cette  capi- 
tale un  succès  enthousiaste  dans  le  rôle  de  Gilda  de  Rigoletto.  De  nom- 
breux rappels  et  de  non  moins  nombreux  bouquets  ont  témoigné  à  notre 
jeune  compatriote  toute  la  satisfaction  du  public. 

a%  Carlotta  Patti  vient  de  passer  par  Paris,  venant  de  Londres  ;  elle 
n'y  est  restée  qu'un  jour,  et  elle  se  rend  en  Allemagne  pour  y  ac- 
complir les  engagements  contractés  en  son  nom.  Elle  a  été  l'étoile  des 
concerts  Mellon  qui  viennent  de  finir.  —  Bottesini,  qui  s'y  est  fait  eu- 
tendre  plusieurs  fois  avec  le  succès  qui  l'accompagne  partout,  est  éga- 
lement de  retour.  Willert  Beale  l'a  engagé  de  nouveau  du  1er  au  15 
janvier,  pour  une  tournée  en  Angleterre. 

„,*„,  Voici  le  programme  du  premier  concert  populaire  de  musique 
classique  donné  par  M.  Pasdeloup,  dimanche  prochain,  à  2  heures,  au 
cirque  Napoléon.  /«6e/ -ouverture,  Weber; — symphonie  en  mi  mineur 
(n°  14),  Haydn  (première  audition);— Polonaise,  de  Struensée,  Meyerbeer; 
— andante,  Mozart  ;— symphonie  en  ut  mineur,  Beethoven. 

t*t  La  saison  du  théâtre  Italien,  à  Madrid,  s'est  ouverte  comme  à 
Paris,  par  Rigoletto.  Le  public  madrilène  s'est  montré  fort  mal  disposé 
et  la  représentation  a  été  fort  orageuse.  L'œuvre  de  Verdi  a  cependant 
été  interprétée  avec  talent  par  Mlle  Vitali,  Mme  Talvo-Bedogni,  Nico- 
lini  et  Aldighieri.  —  La  Norma  a  succédé  à  Rigoletto  pour  le  début  de 
Mme  Penco  et  celui  de  Mme  Adomali. 

»%  Parmi  les  ouvrages  de  Donizetti,  il  en  est  quelques-uns  inconnus 
en  France  ;  de  ce  nombre  est  un  opéra-bouffe  en  un  acte  qui  a  pour 
titre  :  il  Campanello;  MM.  J.  Ruelle  et  Debillemont  viennent  d'en  ter- 
miner une  traduction  qu'ils  destinent  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens. 

*%  Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des 
théâtres  secondaires,  spectacles-concerts,  etc.,  ont  atteint,  pendant  le 
mois  de  septembre  dernier,  le  chiffre  de  1,409,788  fr.  73  c. 

***  Frantz  Liszt  était  à  Paris  la  semaine  dernière  avec  sa  fille, 
Mme  Hans  de  Bulow.  11  est  reparti  pour  Rome,  et  l'on  assure  qu'il  re- 


viendra au  mois  d'avril  prochain,  avec  l'intention  de  donner  des  con- 
certs qu'il  dirigerait  comme  chef  d'orchestre,  et  dans  lesquels  il  ferait 
entendre  plusieurs  œuvres  nouvelles  de  lui.  Il  assistait  dimanche  au 
concert  des  Champs-Elysées. 

*%  Partout  où  se  fait  entendre  le  célèbre  pianiste-compositeur  Léo- 
poid  de  Meyer,  il  passionne  son  auditoire.  C'est  ainsi  que  chez  Rossini 
il  a  reçu  de  l'illustre  maître  et  de  la  société  d'élite  qui  s'y  trouvait 
réunie  les  félicitations  les  plus  chaleureuses  après  l'exécution  d'un 
délicieux  nocturne  de  sa  composition.  Lundi  dernier,  pareille  ovation 
lui  était  faite  dans  les  beaux  salons  de  Philippe-Henri  Herz  neveu,  où 
il  a  joué  sur  un  admirable  piano  à  queue,  sorti  tout  fraîchement  des 
ateliers  de  cette  maison, — qui,  tout  d'abord,  s'est  placée  au  premier  rang 
de  la  facture  parisienne,  —  trois  œuvres  nouvelles,  aussi  remarquables 
par  leur  originalité  que  par  le  style  et  la  mélodie,  et  qu'il  a  exécutées 
avec  une  supériorité  digne  de  sa  grande  réputation.  La  brillante  as- 
semblée conviée  par  M.  Herz  à  cette  occasion  a  partagé  ses  applaudis- 
sements tmtre  le  célèbre  artiste  qui  venait  de  faire  valoir  avec  tant  de 
talent  un  instrument  si  parfait  et  l'habile  facteur  qui  avait  pu  le  mettre 
à  sa  disposition. 

**„  Jeudi,  dans  l'église  d'Auteuil,  a  eu  lieu  le  mariage  que  nous 
avions  annoncé  de  M.  Georges  Pfeiffer  avec  Mlle  Thea  Lemoioe;  Ros- 
sini, l'ami  et  le  protecteur  du  jeune  artiste,  et  M.  Woff-Pleyel  étaient 
ses  témoins.  Plusieurs  professeurs  du  Conservatoire  assistaient  à  la  cé- 
rémonie, à  laquelle  Delle-Sedie,  Mlle  Wertheimber  et  White  ont  voulu 
prêter  le  concours  de  leur  talent  en  chantant,  le  premier  l'air  magis- 
tral de  Stradella,  la  seconde  un  Agnus  Dei,  et  M.  VVhite  en  exécutant 
merveilleusement  un  andante  de  Beethoven.  L'orgue  a  été  tenu  avec 
une  supériorité  remarquable  par  un  élève  du  Conservatoire,  célébrité 
future  déjà  recherchée,  bien  qu'ayant  à  peine  dix-huit  ans.  Le  jeune 
artiste,  Lavignac,  a  intercalé  dans  une  brillante  improvisation  quel- 
ques fragments  des  compositions  de  M.  Georges  Pfeiffer.  La  foule  était 
si  grande  qu'une  partie  des  invités  a  dû  se  tenir  en  dehors,  sous  le 
portail  et  jusque  sur  la  place  de  l'Eglise. 

***  Le  Courrier  de  Lyon  donnait  ces  jours-ci  la  nouvelle  intéressante 
d'un  projet  de  fondation  à  Lyon  d'un  Conservatoire  de  musique  et  d'une 
salle  de  musique  populaire,  dont  les  plans  déjà  étudiés  sont  en  ce  mo- 
ment soumis  à  l'approbation  du  conseil  municipal.  Le  terrain  qui  faisait 
p  artie  de  l'ancien  Jardin  des  plantes  a  été  concédé  gratuitement  par  la 
ville;  le  bâtiment  présenterait  l'aspect  d'un  parallélogramme  divisé  en 
deux  parties,  dont  l'une  serait  affectée  au  Conservatoire  et  l'autre  à  la 
salle  de  concert,  et  cette  dernière  serait  construite  d'abord.  Elle  résou- 
drait le  problème  qui  plusieurs  fois  à  Paris  s'est  présenté  comme  une 
difficulté  pour  y  construire  une  salle  plus  digne  de  la  grande  capitale 
que  celles  qui  y  existent  aujourd'hui,  à  savoir  que  ses  dimensions  n'en 
fissent  pas  un  désert  à  des  jours  donnés  pour  être  insuffisante  dans  d'au- 
tres occasions.  Pour  cela,  la  distribution  de  la  salle  de  Lyon  ne  res- 
semblerait point  à  nos  salles  de  spectacle,  et  elle  offrirait  l'avantage 
remarquable  de  donner  place  à  deux  mille  cinq  cents  personnes,  comme 
de  s'ouvrir  seulement  à  un  public  restreint  de  trois  ou  quatre  cents 
auditeurs.  On  obtiendra  ce  résultat  en  masquant  les  places  qui  ne  se- 
ront pas  occupées,  et  cette  disposition  est  d'autant  plus  simple  qu'elle 
ne  préjudicie  en  rien  à  l'effet  d'acoustique.  Ainsi  on  pourra  y  don- 
ner non-seulement  des  concerts  populaires,  mais  encore  toute  espèce 
de  concerts  et  de  matinées  musicales,  la  salle  étant  éclairée  par  des 
fenêtres  s'ouvrant  de  tous  côtés.  Les  meilleures  places  se  trouvent  si- 
tuées au  point  où  tous  les  sons  arrivent  en  faisceau  à  l'auditeur,  c'est- 
à-dire  dans  l'espace  où  sont  d'ordinaire  les  stalles  et  le  parterre.  Néan- 
moins, les  ondes  sonores  se  répandront  très-distinctes  jusqu'aux  troi- 
sièmes, auxquelles  on  aura  accès  par  le  côté  nord. 

***  On  nous  écrit  de  New-York  qu'en  attendant  la  réouverture  de 
l'Opéra  italien  qui  s'annonce  très-bien,  l'Opéra  allemand  continue  avec 
grand  succès  ses  représentations.  Une  nouvelle  représentation  de 
Martha,  dans  laquelle  Formés,  M.  Habelmann  et  Mme  Frederici  se  sont 
surpassés,  a  été  donnée,  comme  la  précédente,  aux  grands  applaudisse- 
ments du  public. 

„,**  La  Société  des  Amis  de  la  musique,  à  Vienne,  a  imité  l'exemple 
donné  par  la  Société  des  concerts  du  Gurzenich,  à  Cologne,  dont  nous 
avons  parlé.  Une  rémunération  pécuniaire  sera  dorénavent  accordée 
par  eux  aux  auteurs  dont  on  jouera  des  œuvres  dans  les  concerts  à 
Vienne. 

***  Nous  lisons  dans  un  journal  de  Berlin  un  trait  caractéristique 
des  mœurs  allemandes  qui  mérite  d'être  cité.  A  l'occasion  de  sa  cin- 
quantième année  de  présence  à  l'orchestre,  une  ovation  très-mé.ritée 
a  été  faite  au  violoniste  Maurice  Klengel  au  concert  du  Gewandhaus,  à 
Leipsig.  Pendant  ces  cinquante  ans  M.  Klengel,  qui  est  âgé  de  soixante- 
dix  ans,  n'a  manqué  ni  à  une  répétition,  ni  à  un  concert  (il  n'a  pas 
joué  dans  moins  de  mille  vingt  concerts).  Après  plusieurs  discours 
qui  lui  ont  été  adressés  au  nom  du  comité  et  de  l'orchestre  de  cette 
société  des  concerts,  ainsi  que  par  le  bourgmestre,  au  nom  de  la.  ville 
de  Leipsig,  des  présents  honorifiques  lui  ont  été  remis  par  eux,  et 
enfin  le  roi  de  Saxe  l'a  décoré  de  la  croix  d'honneur  de  l'ordre  d'Al- 


DE  PARIS. 


335 


brecht.  C'est  le  fils   du  vieillard,  trop  ému  pour  pouvoir  parler,  qui  a 
dû  remercier  Sa  Majesté  au  nom  de  son  père. 

„%  Rossini,  reconnaissant  des  témoignages  d'estime  et  de  considéra- 
tion dont  il  vient  d'être  l'objet  à  Pesaro,  a  mis  à  la  disposition  des  au- 
torités une  somme  de  10,000  francs  pour  être  distribuée  aux  pauvres, 
de  son  pays. 

„,%  A  l'occasion  de  la  rentrée  des  classes,  nous  appelons  l'attention 
sur  les  solfèges  et  les  méthodes  de  chant  de  Panseron  ;  le  mérite  si 
bien  établi  de  ce  cours  d'instruction  élémentaire  qui  a  formé  tant  et 
de  si  bons  chanteurs,  le  dispense  de  toute  banale  recommandation. 

»**  Un  ami  de  Bellini,  M.  Luigi  Bordés,  dans  une  lettre  adressée  aux 
journaux,  rectifie  l'opinion  erronée  qui  jusqu'à  présent  a  attribué  à 
une  maladie  de  poitrine  la  mort  de  Fauteur  de  Norma.  Il  aurait  suc- 
combé, selon  M.   Bordés,  à  une  inflammation  d'intestins. 

**,.  Le  second  volume  d'un  ouvrage  fort  intéressant  :  Histoire  de  la 
musique,  par  le  docteur  Ambros,  vient  de  paraître  à  Berlin. 

„%  Jules  Bénédict,  l'auteur  de  la  Rose  d'Erin,  était  cette  semaine  à 
Paris;  il  y  était  venu  s'entendre  avec  les  traducteurs  de  son  opéra, 
MM.  d'Ennery  et  Crémieux  qui  l'ont  presque  entièrement  refondu  et  en 
ont  fait  un  ouvrage  nouveau.  La  Rose  d'Erin,  dans  laquelle  Mme  Car- 
valho  chantera  le  principal  rôle,  sera  jouée  en  janvier  ou  février  pro- 
chain. 

t*t  On  nous  écrit  de  Bruxelles  que  la  troupe  allemande  dont  nous 
avons  parlé,  et  qui  y  donnait  des  représentations,  est  en  pleine  déroute. 
La  majeure  partie  des  acteurs  qui  la  composaient  a  quitté  Bruxelles  à 
l'improviste  et  sans  prévenir  le  directeur. 

***  M.  Henri  Herz  vient  de  composer  deux  ouvrages  pour  piano,  in- 
titulés Chant  d'amour,  op.  203,  Chant  de  guerre,  op.  204,  qui  seront  mis 
en  vente  la  semaine  prochaine.  On  en  dit  le  plus  grand  bien  et  nous 
nous  proposons  d'en  rendre  compte  dans  un  de  nos  prochains  numéros. 

**t  La  troisième  édition  de  l'intéressante  Histoire  des  Concerts  popu- 
laires d'H.  Elwart  vient  de  paraître  à  la  librairie  Castel,  passage  de 
l'Opéra.  Un  joli  volume  in-8°,  prix  net,  1  franc. 

„**  Au  nombre  des  intéressantes  publications  pour  le  piano  que  l'é- 
diteur Adolphe  Catelin  vient  de  faire  paraître,  il  faut  citer  en  première 
ligne  les  œuvres  18  et  19  d'Aioys  Kunc,  ainsi  que  la  rêverie  intitulée 
le  Désir  d'un  exilé,  par  Auguste  Burg.  Ce  dernier  ouvrage  obtient  un 
succès  bien  mérité  et  place  le  compositeur  parmi  les  meilleurs  en  ce 
genre  de  musique  gracieuse  et  mélodique. 

*%  On  se  rappelle  la  publication  des  excellentes  traductions  du 
théâtre  de  Cervantes  et  de  celui  de  Tirso  de  Molina,  achevées  par 
M.  A.  Royer  dans  les  loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonctions  de  direc- 
teur de  l'Opéra.  Il  vient  d'y  joindre  un  complément  intéressant  en 
donnant  la  traduction  du  théâtre  d'Alarcon,  et  nous  apprenons  qu'il 
prépare  celle  du  théâtre  Fiabesque  de  Carlo  Gozzi. 

„%  Le  1er  novembre,  de  1  heure  à  5  heures,  aura  lieu  l'inauguration, 
dans  les  riches  salons  de  l'Exposition  internationale  de  l'hôtel  Laffitte, 
des  concerts-promenade.  Ces  raouts  de  bonne  compagnie,  création  nou- 
velle, offrant  au  public  d'élite  de  la  capitale  la  récréation  la  plus  in- 
téressante et  la  plus  agréable,  seront  le  succès  de  l'hiver  1864.  — 
L'orchestre  de  symphonie,  aussi  remarquable  par  sa  composition  que 
par  le  nombre  des  artistes  renommés  qui  en  font  partie,  est  placé  sous 
la  haute  direction  de  M.  Forestier,  l'excellent  chef  qui  a  obtenu  cet 
été  les  plus  légitimes  succès  au  Pré  Catelan.  —  Dans  les  merveilleuses 
galeries  de  l'Exposition  internationale,  la  belle  société  parisienne  et  les 
étrangers  qui  visitent  journellement  Paris  trouveront  réunies  les  ri- 
chesses de  l'art  et  de  l'industrie,  la  nouveauté  du  jour  avec  ses  pri- 
meurs et  ses  élégances,  les  splendeurs  de  la  peinture  et  les  magiques 
mélodies  des  chefs-d'œuvre  de  la  musique.  —  L'honorabilité,  le  goût 
et  l'intelligence  bien  connus  du  directeur  permettent  d'affirmer  qu'il  n'y 
aura  acets  dans  ces  vastes  salons  transformés  en  musées  que  pour  le 
beau,  le  bon  et  l'honnête. 

***  Aujourd'hui  dimanche  16  octobre,  à  2  heures,  cinquième  réunion 
musicale  au  concert  des  Champs-Elysées.  Le  programme,  composé  de 
douze  morceaux  choisis,  contient  la  fantaisie  sur  Rigoletto,  la  belle 
fantaisie  concertante  composée  par  M.  Demersseman,  et  dans  laquelle 
il  fait  briller  tous  les  solistes  de  l'orchestre  ;  une  Noce  de  village,  et  les 
ouvertures  du  Roi  d'Yvetot,  du  Père  Gaillard  et  des  Diamants  de  la  Cou- 
ronne; trois  ouvertures  par  Adam,  Reber  et  Auber.  Dans  la  deuxième 
partie  du  concert,  M.  de  Prim,  le  célèbre  hautboïste  applaudi  cet  été 
aux  concerts  du  soir,  jouera  un  solo  de  sa  composition  sur  Don  Pas- 
quale. 

*%,  M.  Diomède-Zompi,  l'excellent  pianiste-professeur,  vient  de  re- 
prendre ses  leçons  d'école  classique  du  piano  pour  les  jeunes  demoi- 
selles, dans  son  nouveau  domicile,  15,  rue  de  Ponthieu.  11  donne  éga- 
lement des  leçons  particulières. 


*%  Au  Casino,  les  concerts  sont  toujours  très-suivis.  L'orchestre 
conduit  par  Arban  exécute  avec  une  incontestable  supériorité  tles  œu- 
vres de  nos  grands  maîtres.  Les  réunions  musicales  ont  lieu  les  mardis, 
jeudis,  samedis  et  dimanches. 

*%  Le  2  octobre,  à  Vienne,  est  mort  à  l'âge  de  quarante- six  ans, 
M.  Charles  Krottenthaler,  chef  d'orchestre  du  Carltheater. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


fï 4*  Ji Londres.  —  L'opéra  anglais  de  Covent-Garden  va  tenir  les  pro- 
messes de  son  programme,  en  ouvrant  le  17  de  ce  mois  par  Masaniello 
(la  Muette  dc^Portici).  —  Celui  de  Her  Majeslys  théâtre  annonce  la  Jre- 
prise  de  ses  représentations  pour  le  7  novembre,  par  l'opéra  de  Mac- 
farren,  she  Stoops  to  conquer.  Arditi  sera  le  chef  d'orchestre  de  cette 
entreprise. —  Un  concert  a  été  donné  au  palais  de  cristal  par  la  signora 
Garibaldi,  nièce  du  héros  italien,  avec  le  concours  d'un  corps  de  mu- 
sique militaire  revêtu  de  l'uniforme  de  Garibaldi.  La  cantatrice,  qui 
possède  une  assez  bonne  voix  de  mezzo  soprano,  a  obtenu  un  assez 
grand  succès  et  un  nombreux  public  a  assisté  à  cette  exhibition.  — 
Les  chanteurs,  danois  sont  en  faveur  près  du  public,  qui  afflue  aux 
concerts  de  Jullien,  où   le  violoniste  Lotto  est  toujours    très-applaudi. 

„**  Gand.  —  La  saison  théâtrale  s'est  ouverte  par  une  bonne  repré- 
sentation de  Robert  le  Diable,  dans  laquelle  ont  paru  nos  nouvelles  re- 
crues. On  a  fait  bon  accueil  au  ténor  Picot;  au  second  ténor,  M.  Voisin, 
à  Mlle  Cavalliès,  récemment  sortie  du  Conservatoire  de  Paris,  et  à 
Mme  Balbi  ;  seul,  M.  Filliol,  chargé  du  rôle  de  Bertram,  et  peut-être 
parce  qu'il  avait  été  surfait  à  l'avance,  n'a  point  obtenu  la  faveur  du 
public,  et  au  grand  désappointement  du  directeur,  il  s'est  vu  refusé. 

„%  Stuttgart.  —  L'opéra  de  Berlioz,  Béatrice  et  Bénédict,  vient  d'être 
mis  en  répétition  au  théâtre  royal. 

é  J*  Leipzig.  —  Le  premier  concert  du  Gewandhaus  vient  d'avoir  lieu 
devant  une  grande  affluence  et  avec  le  concours  du  pianiste  Ch.  Halle 
et  de  la  cantatrice  .Mme  Koester,  de  l'opéra  royal  à  Berlin.  Le  concerto 
en  mi  bémol  de  Beethoven,  une  polonaise  de  Chopin  et  des  fragments 
des  Promenades  d'un  solitaire,  de  Stephen  Heller,  ont  été  exécutés  avec 
autant  de  talent  que  de  succès  par  Ch.  Halle.  L'orchestre  a  fait  enten- 
dre, avec  sa  verve  et  son  talent  habituels,  l'ouverture  A'Anacréon,  de 
Cherubini,  et  la  symphonie  en  la  de  Beethoven. 

x**  Vienne.  —  La  représentation  consacrée  à  la  mémoire  de  Meyer- 
beer  vient  enfin  d'être  donnée  à  l'opéra  de  la  cour.  Tous  les  artistes 
du  chant  ayant  tenu  à  honneur  d'y  figurer,  les  rôles  secondaires  et  de 
comparses  ont  été  remplis  par  les  premiers  sujets  (c'est  ainsi  que 
Th.  Wachtel  a  chanté  avec  un  immense  succès  le  Rataplan).  Les  décors 
et  les  costumes  avaient  été  renouvelés,  plusieurs  morceaux,  habituelle- 
ment supprimés,  rétablis,  et  pour  la  première  fois  à  Vienne,  des  moines 
brandissant  le  crucifix  et  la  croix  ont  été  vus  dans  la  scène  de  la  Béné- 
diction des  poignards. 

,%  Turin.  —  Après  le  Trovatore,  on  a  donné  Otello,  et  Mme  Lagrua 
vient  d'y  obtenir  un  nouveau  triomphe.  Le  rôle  de  Desdemona  est  un 
de  ceux  où  brille,  avec  le  plus  grand  éclat,  son  double  talent  de 
grande  cantatrice  et  de  grande  tragédienne  ;  aussi  le  public  lui  a-t-il 
prodigué  des  ovations  sans  fin,  particulièrement  après  le  morceau  Ah! 
se  il  paire  m'abandonna,  et  la  fameuse  romance  Assisa  al  pié  d'un  salice 
qu'elle  a  dits  merveilleusement. 

***  Borne.  —  Six  représentations  consécutives  de  Marta  ont  été  don- 
nées au  théâtre  Argentina,  et  chacune  d'elles  a  vu  s'augmenter  les  ap- 
plaudissements prodigués  aux  interprètes  de  l'opéra  de  Flotow,  Mmes 
Lanzi,  Trebelli,  A.  Bettini  et  Bremond.  —  Cette  semaine  l'opéra  de  Pé- 
trella,'  Marco  Visconti,  a  fait  une  apparition  triomphale,  chanté  par 
Mmes  Moro,  Trebelli,  Tasca,  Storti  et  Galli.  Mme  Moro  a  reçu  le  plus 
chaleureux  accueil  ;  au  deuxième  acte,  Mme  Trebelli-Bettini,  à  laquelle 
le  costume  masculin  de  Tremacoldo  sied  supérieurement,  a  merveilleu- 
sement dit  la  brillante  chanson  de  la  Rondinella  qui  a  été  bissée  avec 
acclamation. 


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N°  43. 


REVUE 


23  Octobre  1804. 


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Le  Journal  paroîl  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (5e  article),  par 
Paul  Smith.  —  La  musique  et  la  société  française  au  xvnr5  siècle  (2e  ar- 
ticle), par  Em.  Mathieu  de  Monter.  —  Revue  des  théâtres,  par  D. 
A.  O.  Maint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 

Par   M.  de  Wolzogen  (1). 


Ce  fut  en  1828  que  Mme  Schroeder-Devrient  se  sépara  de  son 
mari,  ou  plutôt  que  son  mari  se  sépara  d'elle,  et  qu'elle  vint  pour 
la  seconde  fois  donner  des  représentations  à  Berlin.  Les  Allemands 
ont  une  expression  consacrée  pour  ces  apparitions  d'artistes  sur  des 
scènes  où  ils  ne  viennent  qu'en  passant,  comme  des  étrangers,  des 
hôtes  :  ils  appellent  cela  Gastspiel,  et  les  rôles  joués  dans  ces  occa- 
sions se  nomment  Gastrollen.  Le  moment  n'était  pas  bien  choisi 
pour  Mme  Schroeder-Devrient  :  elle  arrivait  après  les  deux  artistes 
les  plus  éminentes  de  l'époque,  Nannette  Schechner  et  Henriette 
Sontag,  qui  lui  étaient  supérieures,  l'une  par  la  puissance  extraordi- 
naire de  la  voix,  l'autre  par  la  perfection  du  mécanisme. 

Cette  dernière  avait  obtenu  des  succès  inouïs  pendant  quelques 
mois  de  l'année  1827,  en  chantant  les  rôles  de  Dona  Anna,  d'Aga- 
the, de  Myrrha  (dans  le  Sacrifice  interrompu),  de  Rosine,  de 
Suzanne,  d'Euryanthe,  de  la  princesse  de  Navarre  (dans  Jean  de 
Paris),  de  Desdémone  et  d'Aménaïde.  Mlle  Schechner  avait  occupé 
un  espace  à  peu  près  égal  de  la  même  année,  durant  laquelle 
Mme  Catalani  et  Sabine  Heinefetter  étaient  venues  aussi  se  faire  en- 
tendre. Berlin  pouvait  donc  passer  pour  une  ville  privilégiée,  et  le 
public  avait  ses  raisons  pour  se  montrer  difficile.  Spontini,  alors  di- 
recteur omnipotent  du  théâtre  de  l'Opéra  royal,  avait  aussi  les  sien- 
nes pour  contrarier  la  cantatrice  que  Dresde  lui  envoyait.  Elle  avait 
prudemment  refusé  de  débuter  dans  la  Vestale,  ou  dans  un  autre 
ouvrage  du  même  auteur,  pour  éviter  le  péril  d'un  parallèle  immé- 
diat avec  Mlle  Schechner,  qui  s'y  était  placée  très-haut.  Spontini  ne 
le  lui  pardonna  pas  :  elle  dut  se  contenter  d'un  théâtre    inférieur  et 

(1)  Voir  les  n"  24,  26,  27  et  35. 


attendre  qu'une  célèbre  cantatrice,  venant  de  Dresde  comme  elle, 
Constance  Tibaldi,  y  eût  chanté  Tancrède  pour  qu'elle  parût  dans 
Euryanthe;  mais  les  obstacles  qu'elle  avait  eus  à  vaincre  rendirent 
son  triomphe  plus  glorieux. 

Un  critique  renommé,  que  notre  journnl  s'honore  d'avoir  compté 
parmi  ses  collaborateurs,  Rellstab,  a  rédigé  le  bulletin  de  ce  triom- 
phe, en  déclarant  que  la  première  épreuve  n'avait  pas  été  favorable 
à  Mme  Schroeder-Devrient,  parce  qu'on  avait  trouvé  en  elle  la  no- 
blesse et  la  force  héroïque  plutôt  que  U  tendresse  et  la  douceur  qui 
avaient  toujours  semblé  les  qualités  distinctives  d'Euryanthe  ;  mais  il 
constate  aussi  que  l'entraînement  de  la  passion,  la  beauté  plastique 
du  jeu,  l'expression  du  chant  prirent  bientôt  leur  revanche  et  pro- 
duisirent un  effet  tel  qu'on  n'en  avait  jamais  vu  de  plus  complet  sur 
un  théâtre  lyrique.  La  grande  artiste  acheva  de  se  faire  connaître 
dans  Obéron,  Sargines  et  la  Dame  blanche. 

De  retour  à  Dresde,  elle  aborda  le  répertoire  de  Spontini  :  dans 
la  Vestale,  elle  parut  comme  une  reproduction  vivante  de  l'anti- 
que. Rellstab  disait  que  si  Mlle  Schechner  était  le  sentiment  du  rôle 
de  Julia,  Mme  Schroeder  en  était  la  pensée.  Dans  l'Amazili  de  Fer- 
nand  Cortez,  dans  la  Statira  d'Olympie,  elle  se  montra  fort  belle 
aussi,  bien  que  dans  ce  dernier  rôle  le  critique  allemand  lui  préfé- 
rât Mlle  Milder,  qui  l'avait  empreint  d'un  caractère  de  grandeur  et 
de  majesté  auquel  la  nature  de  Mme  Schroeder  ne  pouvait  préten- 
dre. Cette  nature  l'appelait  d'ailleurs  plutôt  à  la  simplicité  sévère  du 
style  de  Spontini  qu'à  la  brillante  coquetterie  de  celui  de  Rossini  ; 
jamais  le  luxe  des  roulades  et  des  trilles  ne  fut  de  son  domaine,  et 
dans  la  Rosine  du  Barbier,  Mlle  Sontag  eut  toujours  sur  elle  une 
incontestable  supériorité. 

Vers  cette  époque,  il  se  faisait  chez  nous  un  prodigieux  travail 
de  transformation,  de  fusion  dramatique;  des  barrières,  longtemps 
infranchissables,  s'étaient  abaissées  tout  à  coup.  Il  n'y  avait  plus 
de  délroit  pour  s'opposer  à  l'invasion  des  acteurs  anglais  et  des 
chefs-d'œuvre  de  Shakspeare,  traînant  à  leur  suite  un  certain  ba- 
gage de  productions  modernes;  pourquoi  donc  le  Rhin  aurait-il 
retenu  les  chanteurs  célèbres  de  l'Allemagne,  qui  demandaient  à 
nous  faire  connaître  dans  leur  idiome  natal  les  opéras  que  l'on 
ne  nous  avait  chantés  que  dans  notre  langue,  ou  que  même  on 
ne  nous  avait  pas  chantés  du  tout?  Miss  Smithson  avait  frayé  la 
route  à  Mme  Schroeder  ;  l'Odéon  s'était  presque  changé  en  théâtre 


338 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALF 


britannique,  le  théâtre  Italien,  qui  lui  avait  succédé  comme  succur- 
sale de  Covent-Garden  et  de  Drury-Lane,  allait  ouvrir  avec  la  même 
facilité  ses  portes  à  une  troupe  allemande. 

Remarquons  en  passanl  que  le  théâtre  Italien  était  alors  dans 
une  des  phases  les  plus  difficiles  de  son  existence.  Et  pourtant  il 
avait  de  bons  chanteurs,  d'admirables  cantatrices  !  Il  avait  le  ré- 
pertoire rossinien  dans  toute  la  fleur  de  sa  jeunesse  !  Malgré  cela, 
il  ne  pouvait  vivre  ,  parce  qu'il  était  obligé  de  vivre  et  de  jouer 
toute  l'année?  Son  intime  alliance  avec  l'Académie  royale  de  mu- 
sique ,  laquelle  vivait  très-mal  aussi,  ne  lui  avait  été  d'aucun  se- 
cours, quoi  qu'en  aient  écrit  des  historiens  peu  au  courant  des  cho- 
ses. Pour  ramener  la  prospérité  dans  les  deux  théâtres  mal  assortis 
un  divorce  était  indispensable,  et  ce  fut  la  révolution  de  juillet 
qui  le  prononça.  Rendu  à  la  liberté,  le  théâtre  Italien  imagina 
cette  combinaison  qui,  en  réduisant  ses  années  à  six  mois,  lui  prépara 
un  magnifique  avenir  de  vogue  et  d'opulence.  Aujourd'hui  cet  ave- 
nir est  du  passé,  comme  tant  d'autres  choses,  et  les  directeurs  actuels 
s'épuisent  en  héroïques  efforts  pour  le  ressusciter.  Y  parviendront- 
ils?  nous  le  souhaitons  de  toute  notre  âme. 

Lorsqu'en  l'année  1829,  il  fut  décidé  qu'une  troupe  lyrique  alle- 
mande, dirigée  par  Roeckel,  viendrait  à  Paris,  le  théâtre  Italien  en 
était  encore  aux  expédients,  et  l'ingénieuse  combinaison  qui  devait 
le  sauver  n'existait  même  pas  en  perspective.  Notre  artiste,  dont  le 
nom  remplissait  l'Allemagne  entière,  commençait  à  s'y  trouver  a 
l'étroit  et  aspirait  à  devenir  une  célébrité  européenne.  Elle  accepta 
donc  l'engagement  offert  par  Roeckel,  qui  voulut  en  1830  renouveler 
ca  périlleuse  tentative  :  elle  l'accepta,  non  sans  terreur,  en  pensant 
qu'elle  aurait  à  défendre  non-seulement  son  honneur  et  ses  intérêts, 
mais  ceux  de  la  musique  allemande,  dont  elle  était  la  prêtresse,  et 
que  si  la  prêtresse  ne  plaisait  pas,  Mozart,  Beethoven  et  Weber  en 
souffriraient.  Cette  idée  la  tourmenta  au  point  de  la  porter  plus  d'une 
fois  à  rompre  son  traité  ;  mais  enfin,  rassurée  par  la  conscience  de 
ses  forces,  elle  ne  songea  plus  qu'à  tout  préparer  pour  une  victoire 
éclatante. 

En  se  rendant  à  Paris,  elle  passa  par  Weimar,  où  elle  fut  priée 
de  donner  quelques  représentations,  mais  le  prix  qu'elle  y  mettait 
dépassant  celui  que  le  théâtre  pouvait  lui  offrir,  elle  stipula  d'autres 
conditions  beaucoup  moins  onéreuses,  dont  l'une  avait  pour  objet 
d'être  présentée  à  l'illustre  Goethe.  En  effet,  on  demanda  au  grand 
homme  s'il  consentirait  à  la  recevoir,  et  sa  réponse  fut  qu'il  aurait 
grand  plaisir  à  connaître  une  artiste  dont  il  avait  entendu  dire  tant 
de  bien  !  Comme  il  ne  pouvait  aller  au  théâtre  à  cause  d'un  funèbre 
anniversaire,  l'artiste  lui  proposa  de  chanter  quelque  chose  pour  lui 
seul,  et  il  accepta  en  disant  qu'il  serait  fort  heureux  de  l'entendre. 
La  réception  eut  lieu  quelques  jours  après  de  la  manière  la  plus  af- 
fectueuse. Mme  Schroeder  chanta  le  Roi  des  Aulnes,  avec  la  musique 
de  Schubert,  et  quoiqu'il  n'aimât  guère  les  arrangements  de  ce 
genre  dont  on  affublait  sa  poésie,  il  fut  tellement  saisi  de  la  haute 
expression  dramatique  du  morceau,  qu'il  prit  dans  ses  deux  mains 
la  tête  de  la  cantatrice  et  lui  dit  :  «  Merci  mille  fois  pour  cette  belle 
et  grande  manifestation  artistique  !  »  Il  la  baisa  au  front  et  ajouta 
qu'il  avait  déjà  une  fois  entendu  cette  composition,  mais  qu'exécutée 
ainsi,  elle  se  transformait  en  une  image  visible.  Mme  Schroeder  fut 
ravie  de  l'accueil  de  Gœlhe  et  des  compliments  qu'il  lui  adressa, 
ainsi  que  sa  belle-fille.  Goethe  lui  donna  un  feuillet  d'album,  sur  le- 
quel il  avait  écrit  quatre  vers  au-dessous  d'un  aigle  qui  s'envolait 
en  tenant  une  lyre  d'or.  En  le  quittant,  l'artiste  s'écria  qu'elle  n'a- 
vait jamais  vu  de  si  beau  vieillard,  et  qu'elle  concevait  qu'on  pût 
l'aimer  éperdument.  Le  grand  poëte,  qui  mourut  en  1833,  comptait 
alors  plus  de  quatre-vingts  ans. 

Mme  Schroeder  débuta  le  6  mai  1830  au  théâtre  Italien,  alors  do- 
micilié dans  la  salle  Favart,  qu'habite  aujourd'hui  l'Opéra-Comique.  Elle 
chanta  le  rôle  d'Agathe  du  Freischutz.  Avant  son  arrivée,  une  autre 


cantatrice  s'était  déjà  essayée  dans  ce  rôle,  et  la  troupe  dans  laquelle 
on  comptait  l'admirable  ténor  Haitzinger,  l'excellente  basse  Wolte- 
reck,  Mmes  Fischer,  Roland  et  Schmidt,  avait  joué  plusieurs  opéras, 
notamment  le  Faust,  de  Spohr,  le  Sacrifice  interrompu,  de  Winter, 
et  Bibiana,  de  Pixis.  L'effet  général  n'avait  rien  eu  de  saillant,  sauf 
le  FreischiUz,  dont  on  avait  été  charmé  de  retrouver  les  mélodies  po- 
pulaires. Le  choix  des  ouvrages  avaitcausé  plus  d'ennui  que  de  plaisir. 
Dès  le  premier  début  de  Mme  Schroeder,  l'impression  fut  vive,  le 
succès  décisif,  et  deux  jours  après,  lorsqu'elle  joua  Fidelio  ce  fut  un 
enthousiasme  universel.  Beethoven  lui  dut  pour  la  seconde  fois,  en 
France  comme  en  Allemagne,  une  glorieuse  résurrection.  La  foule  ac- 
courut pour  entendre  le  chef-d'œuvre,  que  l'année  précédente  on 
jouait  devant  les  banquettes,  et  les  recettes  s'élevèrent  rapidement 
du  chiffre  de  5,000  à  celui  de  7,000  francs.  «  Voyez  cette  femme, 
dit  un  critique  français  cité  par  M.  de  Wolzogen,  que  le  ciel  semble 
avoir  faite  exprès  pour  être  le  Fidelio  de  Beethoven  !  Elle  ne  chante 
pas  comme  les  autres  artistes  chantent;  elle  ne  parle  pas  comme 
nous  parlons;  son  jeu  n'est  pas  toujours  conforme  aux  règles  de 
l'art;  on  dirait  qu'elle  ne  sait  pas  qu'elle  est  sur  un  théâtre.  Elle 
chante  avec  son  âme  plus  encore  qu'avec  sa  voix  ;  les  notes  s'échap- 
pent de  son  cœur  plutôt  que  de  son  gosier;  elle  oublie  le  public,  elle 
s'oublie  elle-même  pour  passer  tout  entière  dans  le  personnage  qu'elle 
représente.  »  Telle  était  Mme  Schroeder,  telle  nous  l'avons  admirée 
dans  ce  rôle,  où  jamais  elle  n'eut  de  rivale  !  Fidelio,  c'était  son  incar- 
nation complète;  une  nature  dans  toute  sa  franchise  et  toute  sa  li- 
berté! Qui  aurait  pu  dire  de  quelle  école  sortait  la  cantatrice  ou  l'actrice? 
Rien  de  ce  qu'elle  faisait  ne  lui  avait  été  enseigné  :  le  sentiment, 
l'inspiration,  tout  lui  appartenait  en  propre.  Dieu  nous  garde  du 
moindre  blasphème  contre  l'art,  mais  a-t-il  jamais  rien  produit  de 
comparable  à  l'instinct  qui  animait  jadis  Mme  Schroeder,'et  qui,  dans 
un  tout  autre  genre,  anime  aujourd'hui  la  jeune  et  charmante  Adelina 
Patti  ?  Les  aristarques  délicats  et  formalistes  diront  d'elle  tout  ce 
qu'ils  voudront  :  ils  pourront  lui  trouver  mille  défauts  et  la  con- 
damner au  nom  de  l'art  :  ils  n'empêcheront  pas  le  public  de  l'adorer 
et  de  l'absoudre  au  nom  de  la  nature. 

L'avènement  de  Mme  Schroeder  à  Paris  causa  une  grande  sensa- 
tion et  marqua  une  époque.  C'est  pour  elle  que  l'on  vit  commencer 
la  coutume  de  jeter  des  fleurs  sur  la  scène.  Un  éditeur  de  nos  amis, 
zélé  partisan  de  l'artiste,  trouva  moyen  de  placer  aux  premières 
loges  et  au  balcon  un  certain  nombre  de  dames,  qu'il  avait  lui-même 
armées  de  bouquets,  en  les  priant  de  vouloir  bien,  à  un  moment 
donné,  les  jeter  aux  pieds  de  Mme  Schroeder.  Par  malheur,  la  flat- 
teuse ovation  ne  tarda  pas  à  dégénérer  en  habitude  vulgaire,  que 
souvent  les  ouvreuses  se  chargent  de  mettre  à  exécution. 

Mme  Schroeder  vint  donner  des  représentations  deux  années  de 
suite.  En  1831,  lors  de  son  second  voyage,  on  s'occupait  sérieuse- 
ment de  monter  Robert  le  Diable,  et  l'illustre  compositeur,  que  l'on 
appelait  alors  l'auteur  du  Crociato,  était  en  instance  devant  une 
commission  administrative ,  remplissant  l'interrègne  de  M.  Lubbert 
à  M.  Véron.  La  distribution  des  rôles  n'était  pas  encore  arrêtée. 
Meyerbeer,  comme  le  prouve  une  lettre  par  lui  adressée  à  la  com- 
mission, et  dont  la  publication  est  due  à  Jules  Lecomte,  se  contentait 
de  Dabadie  pour  le  rôle  deBertram,  et  pour  celui  d'Alice,  il  laissait 
en  blanc  le  nom  de  l'artiste,  mais  dans  une  note  il  s'expliquait 
ainsi  : 

«  Le  rôle  d'Alice,  le  plus  important  de  la  pièce  et  de  la  partition, 
appartient,  quant  à  la  musique,  aux  premiers  emplois  de  la  tragédie 
lyrique  (tel  que  Desdemone  dans  Otello  ou  la  Vestale,  etc.),  deman- 
dant de  la  force  et  du  pathétique,  en  même  temps  qu'il  requiert 
comme  rôle  de  la  pièce  de  la  jeunesse  et  un  physique  agréable.  Cet 
emploi  des  grands  rôles  dramatiques  n'est  malheureusement  pas, 
quant  à  présent,  rempli  à  l'Opéra,  quoique  dans  un  temps  plus  re- 
culé M.  le  directeur  de  l'Opéra  m'avait  fait  concevoir  quelques  espé- 


DE  PARIS. 


339 


rances  d'y  voir  appeler  Mme  Devrient,  qui  aurait  été  inimitable 
dans  le  rôle  d'Alice.  Dans  l'état  actuel  des  choses,  je  ne  vois  à  pro- 
poser que  Mme  Dabadie,  etc.  » 

Eh  bien,  non  !  il  était  dit  que  dans  Robert  le  Diable  le  nom  de 
Dabadie  ne  figurerait  pas.  A  la  place  du  mari,  pour  Beitram.  il  y  eut 
Levasseur,  et  au  lieu  de  la  femme,  pour  Alice,  il  y  eut  Mlle  Dorus, 
toute  jeune  et  toute  blonde,  plus  jeune  et  plus  blonde  encore  que 
Mme  Devrient,  mais  qui  n'avait  ni  sa  renommée,  ni  son  expérience, 
ni  son  talent  !  Cependant  Mlle  Dorus  fit  du  rôle  d'Alice  ce  que  tout 
le  monde  saie,  et  concourut  au  succès  du  chef-d'œuvre,  de  telle  sorte 
que  Meyerbeer  n'eut  rien  à  regretter.  Pendant  les  répétitions,  le  sou- 
venir de  Mme  Devrient  poursuivait  encore  le  grand  maître,  et  il 
n'épargnait  à  Mlle  Dorus  ni  les  observations,  ni  les  critiques,  espérant 
peut-être  qu'elle  renoncerait  d'elle-même  à  un  rôle  qui  excédait  ses 
forces,  mais  elle  le  garda  courageusement,  quelquefois  en  le  mouil- 
lant de  ses  larmes,  et  plus  tard  sans  doute  le  grand  maître  fut  des 
premiers  à  l'en  remercier. 

Paul  SMITH. 
[La  suite  prochainement.) 


LA  MUSIQUE  ET  LÀ  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AU  XVIIIe  SIÈCLE. 

(2e  article)  (1). 
I. 

C'était  une  occupation  et  un  effort  de  tous  les  instants,  une  posi- 
tion sociale,  si  mieux  vous  aimez,  que  de  remplir  au  XVIIIe  siècle  les 
devoirs  d'amateur  de  musique  actif  et  consciencieux.  Il  fallait  avoir, 
pour  cela,  une  grande  fortune,  de  bons  chevaux,  la  tête  à  l'abri  des 
traîtrises  du  vin  de  Champagne,  une  santé  excellente,  un  caractère 
fortifié  contre  le  doute  et  les  désillusions.  Le  rôle  du  dilettante,  de 
l'artiste  qui  ne  crée  pas,  mais  qui  juge  et  compare  constamment,  ce 
rôle,  quand  il  est  exclusif,  fait  une  vie  blasée  ou  sceptique.  Les  créa- 
tions de  l'art  sont  stimulantes  :  c'est  là  leur  magnifique  bienfait.  En 
élevant  l'âme,  elles  lui  communiquent  une  sainte  émulation.  Les  di- 
lettantes du  dernier  siècle,  amateurs  la  plupart  improductifs,  devaient 
donc  prendre  beaucoup  sur  eux  pour  se  maintenir  en  un  continuel 
état  de  ravissement  véritable.  Et  puis,  l'admiration  était  un  joyau 
qu'il  fallait  savoir  porter.  On  goûtait,  on  appréciait,  on  avait  des 
mots  enfermés  dans  une  certaine  mesure.  On  s'arrangeait  à  ne  mon- 
trer d'émotion  à  propos  de  rien,  et  dans  ce  perpétuel  sourire  de  la 
grâce  noble,  on  devenait  si  charmant  qu'on  n'avait  plus  rien 
d'humain. 

Sous  ce  calme  d'étiquette  et  tout  de  surface,  quelle  agitation  !  quelle 
vie  !  L'amateur  se  lève  en  fredonnant  le  Noël  de  la  veille,  quelques 
couplets  bien  acérés,  bien  finement  barbelés  contre  la  Cotillon  ré- 
gnante ou  contre  ses  ministres,  contre  celui-ci  ou  celle-là,  souvent 
contre  soi-même.  Champagne  ou  Bourguignon  apporte  et  «  la  pe- 
tite poste  »  et  les  paquets  remis  au  Suisse  «  en  mains  propres.  » 
Voici  VAlmanach  des  muses  et  ses  romances  évaporées,  et  ses  petites 
«  polissonneries  »  sentimentales  sur  l'air  de  Ma  douce  Eglé  ou  de 
Rossignolet  du  vert  bocage.  Pendant  qu'un  valet  vous  accommode,  et 
que  la  poudre  neige  sur  le  papier,  on  lit,  on  chantonne  pour  s'assu- 
rer «  si  l'air  va  bien  aux  paroles.  »  Voici  la  livraison  des  Quatre 
saisons  du  Parnasse  et  ses  ariettes  gravées.  La  Gazette  de  France? 
Y  a-t-il  eu  hier  concert  chez  Sa  Majesté  ?  Cydalise  a-t-elle  reçu  des 
gentilshommes  de  la  chambre  son  ordre  de  début  ?  Quand  jouera-t-on 
Acanthe  et  Céphise ?  Va-t-on  reprendre  Belléropkon?  — Arrive  le  pa- 
quet de  musique  choisie  chez  Des  Lauriers,  l'éditeur  de  Gluck,  rue 
Saint-Honoré,  ou  chez  Bignon,  à  l'Opéra  :  un  morceau  de  Hinner,  le 

(1)  Voirie  n"  42. 


maître  de  harpe  de  la  reine,  un  arrangement  de  Bâillon  pour  la  gui- 
tare, de  Balbâtre  pour  piano-  forte  organisé,  des  quatuors-concertants 
de  M.  de  Saint-Georges,  les  œuvres  nouvelles  d'Hartmann,  le  flûtiste 
du  duc  de  Saxe,  de  Caravoglio,  le  hautbois  favori  des  concerts  spiri- 
tuels, ou  du  violoncelliste  Haillot.  Les  compositeurs-amateurs  n'ont 
pas  oublié  leur  confrère.  Voici  des  romances  de  M.  de  Jetfort,  avocat 
au  Parlement,  des  duos  de  M.  Légat  de  Furcy,  des  airs  de  MM.  de 
Servilliers,  de  Rivière,  de  Monhéron,  et  jusqu'à  des  concertos  de 
M.  de  Veaucel,  du  régiment  de  Noailles,  et  de  M.  de  Hollenwerck, 
officier  de  carabiniers  au  service  de  la  Russie.  Ne  faut-il  pas  jeter  un 
coup  rl'œil  sur  ces  primeurs,  en  lire  une  page,  en  jouer  deux  me- 
sures, marquer  de  l'ongle  le  passage  saillant,  et  ciseler  en  pointe,  à 
leur  endroit,  une  petite  critique  aigre-douce  que  l'on  placera  avanta- 
geusement dans  ses  visites  de  la  journée  ?  —  Vient  le  tour  des  let- 
tres, des  billets  de  couleur  tendre  plies  suivant  le  caprice  d'une  géo- 
métrie fantaisiste.  Invitations  de  matinées  et  de  soirées  musicales,  de 
concerts,  d'opéras  de  société,  de  soupers,  et  il  n'y  a  pas  de  beau 
souper  sans  musique! 

Invitation  à  l'hôtel  des  Parties  casuelles,  au  Marais,  chez  M.  et 
Mme  Bertin.  On  y  chante  l'opéra-comique.  Le  monde  y  est  un  peu 
mêlé  :  Marmontel,  Lemierre,  Cailhava,  le  marquis  de  Bièvre,  la  Gui- 
mard,  Mlle  Raucourt,  l'évêque  d'Orléans  et  des  émules  de  Cartouche. 
Un  soir,  pendant  la  symphonie,  un  filou  vola  toutes  les  boîtes  à 
mouches  des  dames  et  toutes  les  tabatières  des  invités,  réduits  à 
priser  au  cornet. 

Invitation  au  séjour  des  Bauffremont.  Maison  d'artistes,  brillante 
académie  dont  les  familiers  se  nomment  Dufrénoy  et  sa  femme,  de 
la  musique  du  duc  d'Orléans,  Schmesca,  la  basse,  et  Eckard,  peintre, 
dessinateur  et  musicien  consommé. 

Invitation  à  l'hôtel  d'E.nbrun,  quai  de  Béthune.  Apollon,  les  muses, 
les  allégories  musicales  les  plus  ingénieuses  brillent  aux  panneaux  de 
la  galerie  des  concerts.  Quand  la  nuit  tombe,  des  symphonies  de  voix 
et  d'instruments  passent  lentement  sur  les  eaux,  et  c'est  merveille 
que  d'entendre  ces  sérénades  montant  jusqu'aux  balcons  des  maisons 
à  physionomie  castillane,  contemporaines  de  Corneille  et  du  Cid! 

Invitation  aux  concerts  du  duc  de  Soubise,  en  son  hôtel  de  la  rue 
de  l'Arcade.  Les  plus  beaux  concerts  de  Paris  f  Tous  les  virtuoses 
sont  là,  acteurs  ou  auditeurs  ;  le  programme  est  épuré  ;  les  talents 
sont  choisis.  Là,  les  réputations  naissent,  grandissent  et  se  fixent.  Là, 
le  goût  s'améliore  et  la  critique  s'élève.  Quand  ces  salons  fermeront 
en  1782,  et  que  ce  sera  une  perte  irréparable  et  un  deuil  général 
pour  la  société  dilettante,  VAlmanach  musical,  devançant  les  temps, 
demandera  «  que  les  établissements,  qui  servent  de  perspective  aux 
talents  qui  veulent  se  produire,  soient  entretenus  aux  frais  de  l'État.» 

Invitation  adressée  par  Jean  Aviat,  receveur  des  tailles  de  la  ville. 
La  musique  est  de  tradition  dans  cette  maison  du  boulevard  Beau- 
marchais, l'ancien  logis  de  la  musique  de  la  chambre,  vers  la  fin  du 
xvi0  siècle,  et  où  la  chronique  parisienne,  sous  prétexte  de  concerts, 
introduit  plus  d'une  fois  le  roi  vert-galant  par  la  porte  secrète  de  la 
rue  des  Tournelles. 

Invitation  chez  Helvetius,  ce  financier  littérateur,  qui  chante  comme 
Clairval  et  danse  comme  Javilliers  de  l'Opéra  ;  —  à  la  Folie-Genlis, 
où  la  comtesse  joue  du  clavecin  et  de  la  harpe  devant  le  chevalier 
Gluck,  que  Mlle  Levasseur,  la  jalouse,  grondera  bien  fort  à  son  re- 
tour; —  à  la  petite  salle  de  spectacle  du  vicomte  de  Brillantais,  là 
même  où  l'on  bouchonne  aujourd'hui  les  coursiers  de  la  Compagnie 
des  Petites- Voitures  ;  —  à  la  Folie-Titon,  rue  des  Boulets,  où  l'on  ne 
peut  aller  qu'en  chaise  à  porteurs,  tant  la  route  est  cahoteuse,  mais 
où  se  réunissent  de  bien  jolies  voix  et  de  bien  jolies  femmes;  — 
chez  le  baron  d'Espagnac,  qui  a  fait  construire  un  théâtre  chez  lui, 
place  Victoire,  pour  mettre  en  relief  le  talent  de  Mlle  Nie),  de  l'Opéra; 
—  chez  le  chevalier  de  Crussol  dans  ce  vieil  hôtel  de  la  rue  Bar- 
bette, qui,  après  avoir  entendu,  depuis  Louis  XIV,  bien  des  mazari- 


340 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nades,  bien  des  chansons  de  la  Fronde  et  des  rondeaux  de  la  Régence, 
retentit  aujourd'hui  encore  des  accords  d'un  l'acteur  de  pianos.  Invi- 
tations chez  les  Crillon  et  les  Caraman,  chez  les  Damas  et  les  Châ- 
tillon,  chez  le  duc  de  Gontaut-Biron  et  chez  M.  de  Gesvres,  gou- 
verneur de  Paris,  chez  les  marquis  de  Gabriac,  de  Langle,  de  Sour- 
dis,  de  Puysieux,  qui  ont  de  petits  théâtres;  chez  le  prince 
de  Lambesc,  qui  «  renifle  » ,  chez  le  prince  de  Croy,  qui  «  bégaye 
et  a  un  catarrhe  »,  double  et  bruyant  épouvantail  des  virtuoses, 
trouble-fêtes  de  leurs  propres  fêles!  —  Invitations  dans  toutes  ces 
grandes  et  opulentes  familles  qui  donnent  à  l'harmonie,  par  tradition 
et  par  goût,  l'hospitalité  des  souverains;  —  invitation,  enfin,  aux 
poétiques  fêtes  de  la  petite  cour  cachée  comme  un  nid  sous  les  om- 
brages de  Sceaux,  de  ce  Versailles  frais  et  parfumé  de  la  duchesse 
du  Maine,  qui  chante  et  aime  fort  à  entendre  chanter,  tout  en  ne 
laissant  passer  ni  un  jour  ni  une  heure  sans  conspirer  contre  «  son 
bon  ami  »  le  Régent. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER, 
(La  suite  prochainement.) 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Odéon  :  Reprise  du  Marquis  de  Villemer.  —  Gymnase  :  Lis  Curieu- 
ses, comédie  en  un  acte,  par  MM.  Henri  Meilhac  et  Arthur  Dela- 
vigne  ;  Un  Ménage  en  ville,  comédie  en  trois  actes,  par  M.  Théo- 
dore Barrière.  —  Palais- Royal  :  Les  Pommes  du  voisin,  comédie 
en  trois  actes  et  quatre  tableaux,  par  M.  Victorien  Sardou. —  Porte- 
Saint-Martin  :  Les  Drames  du  cabaret,  drame  en  cinq  actes  et 
neuf  tableaux,  par  MM.  Dumanoir  et  Dennery.  —  Gaité  :  Le  Mar- 
quis caporal,  drame  en  cinq  actes  et  sept  tableaux,  par  M.  Victor 
Séjour. 

La  reprise  du  Marquis  de  Villemer  a  été  une  véritable  solennité 
pour  le  théâtre  de  l'Odéon.  Quatre-vingts  représentations  n'avaient 
pas  épuisé  la  curiosité  du  public,  et  la  foule  est  accourue  pour  ap- 
plaudir à  nouveau  le  remarquable  ouvrage  de  George  Sand.  A  côté 
de  Mlle  Thuilier  et  de  Mme  Ramelli  qui  avaient  conservé  leurs  rôles, 
on  a  vu  avec  plaisir  Brindeau  succéder  à  Berton  dans  le  duc  d'A- 
leria,  en  y  apportant  des  qualités  tout  autres,  quoique  non  moins 
précieuses,  et  Laroche  débuter  dans  le  personnage  du  marquis,  dont 
il  a  conservé  le  caractère  intéressant.  Il  y  a  là  un  regain  de  succès 
qui  ne  prendra  pas  fin  de  sitôt. 

—  Deux  pièces  nouvelles  ont  remplacé,  au  théâtre  du  Gymnase- 
Dramatique,  Don  Quichotte,  de  M.  Victorien  Sardou,  qui  avait  fait 
son  temps.  En  nous  demandant  si  la  petite  comédie  des  Curieu- 
ses est  bien  convenablement  placée  sur  une  scène  qui  a  su  se  main  - 
tenir  pendant  si  longtemps  dans  une  réserve  appréciée  par  la  bonne 
société,  nous  sommes  forcé  de  reconnaître  que  l'esprit  et  l'habileté 
des  auteurs  y  dissimulent,  autant  que  possible,  l'extrême  hardiesse  de 
la  donnée.  Une  dame  du  monde,  une  comtesse  russe,  vient  passer 
quelques  jours  à  Paris,  dans  un  appartement  garni,  et  lorsque,  après 
s'y  être  installée,  elle  apprend  qu'elle  est  dans  les  meubles  d'une 
célèbre  demoiselle  aux  camellias,  absente  pour  une  partie  de  la  belle 
saison,  au  lieu  de  se  fâcher,  elle  se  laisse  aller  joyeusement  au  désir 
de  connaître  les  mille  et  un  mystères  de  l'existence  menée  par  Mlle 
Nina.  Sous  le  nom  de  Fanny  Lear,  qui  passe  pour  une  amie  de  la  lo- 
rette,  elle  reçoit  les  connaissances  compromettantes  de  cette  dernière, 
et  elle  leur  donne  de  son  mieux  la  réplique.  Mais  son  secret  a  été 
pénétré  par  un  certain  vicomte  qui,  justement,  possède  une  jolie 
cousine  fort  curieuse  aussi  de  voir  de  près  l'une  des  reines  du  demi- 
monde.  Son  parent  l'affuble  du  nom  de  Bébé  Patapouf  et  la  met  en 
présence  de  la  fausse  Fanny  Lear.  Tout  ce  que  cette  situation  excen- 
trique peut  produire  de  gai  et  d'imprévu,  on  le  devine  aisément. 
Après  avoir  bien  ri  du  quiproquo  des  deux  grandes  dames,  le  vicomte 


leur  révèle  la  vérité,  en  leur  faisant  un  bout  de  morale,  et  remet  la 
comtesse  russe,  intacte  et  corrigée,  aux  bras  de  son  mari. 

La  comédie  de  M.  Théodore  Barrière,  un  Ménage  en  ville,  n'a 
certes  pas  l'originalité  piquante  de  celle  que  nous  venons  de  racon- 
ter. Mais  elle  est  traitée  avec  un  art  et  un  esprit  si  transcendants, 
qu'on  ne  saurait  reprocher  à  cet  auteur  d'avoir  choisi  un  sujet  re- 
battu, puisqu'il  lui  a  donné  toute  la  saveur  d'une  œuvre  nouvelle.  On 
l'a  vu  bien  souvent  au  théâtre,  ce  mari  sincèrement  attaché  à  sa 
femme  qui,  par  habitude  et  par  faiblesse,  conserve  en  ville  une 
chaîne  illégitime  qu'il  ne  peut  ou  qu'il  n'ose  rompre,  surtout  lors- 
qu'il y  a  un  enfant.  Telle  est  la  position  pleine  de  périls  et  de  dé- 
goûts qu'a  acceptée  Marcel  en  épousant  sa  cousine  Camille,  et,  entre 
nous,  ce  n'est  pas  ce  point  de  départ  qui  a  dû  coûter  beaucoup  de 
frais  d'imagination  à  M.  Barrière.  Seulement,  l'imbroglio  qui  en  ré- 
sulte est  tout  entier  de  son  invention  et  se  termine  de  la  manière 
la  plus  étrange  et  la  plus  inattendue.  La  femme  de  Marcel  est  sans 
soupçons  ;  mais  elle  a  une  sœur  qui,  par  ricochet,  voyant  la  maî- 
tresse de  son  beau-frère  bien  près  de  jeter  le  trouble  dans  son  pro- 
pre ménage,  menace  de  tout  découvrir  à  Camille.  Que  faire  pour 
prévenir  une  catastrophe  ?  Marcel  a  un  vieux  parrain,  un  digne  et 
honnête  homme,  qui  consent  à  se  dévouer,  un  peu  malgré  lui,  au 
repos  de  son  filleul,  en  prenant  sur  son  compte  le  crime  du  jeune 
mari  et  en  donnant  un  nom  honorable  à  sa  maîtresse  et  à  son  en- 
fant. Cette  dernière  partie  de  la  pièce,  où  le  drame  le  plus  navrant 
se  convertit  en  un  long  éclat  de  rire,  est  un  des  tours  de  force  les 
plus  étonnants  que  nous  ayons  vu  accomplir  à  la  scène.  Aussi  la 
réussite  d'un  Ménage  en  ville  a-t-elle  été  enlevée  par  ce  dénoûment 
que,  du  reste,  le  jeu  naïf  et  spirituel  de  l'excellent  Numa  n'a  pas 
peu  servi.  Un  début  fort  intéressant,  celui  des  deux  nièces  des  sœurs 
Brohan,  Mlles  Dortet  et  Samary,  élèves  de  leur  tante  Augustine,  a 
aussi  contribué  aux  plaisirs  de  cette  soirée,  qui  restera  parmi  les  plus 
charmants  souvenirs  du  Gymnase. 

—  M.  Victorien  Sardou ,  dont  le  nom  venait  tout  à  l'heure  sous 
notre  plume  à  propos  de  Don  Quichotte,  et  qui  y  reviendra  bien- 
tôt à  propos  du  Capitaine  Henriot,  est  un  lutteur  infatigable.  Nous 
le  retrouvons  sur  la  brèche  du  Palais-Royal  avec  une  grande  pièce 
qu'il  a  signée  seul,  mais  qui,  en  bonne  justice,  devrait  aussi  porter 
la  signature  de  Charles  de  Bernard.  Les  Pommes  du  voisin  sont  en 
effet  empruntées,  pour  une  bonne  part,  à  une  nouvelle  de  ce  ro- 
mancier, intitulée  :  Une  aventure  de  magistrat.  L'idée  en  est  heu- 
reuse et  féconde  en  situations  scéniques.  L'avocat  Larosière  est  sur 
le  point  de  devenir  substitut  et  d'épouser  une  jolie  veuve.  Rien  ne 
manque  à  son  bonheur,  rien  que  le  regret  d'avoir  consacré  toute  sa 
vie  à  l'étude  et  d'être  arrivé  à  près  de  quarante  ans  sans  connaître 
les  distractions  et  le  plaisir.  Survient,  au  fond  de  sa  province,  un 
ami  nommé  Puyseul,  dont  l'existence  a  été  aussi  agitée  que  celle  de 
Larosière  a  été  tranquille.  Puyseul  veut  faire  une  fin,  et  malheureu- 
sement pour  le  futur  substitut,  il  a  jeté  ses  vues  sur  la  veuve  que 
ce  dernier  courtise.  Confident  du  desideratum  as  son  ami,  Puyseul, 
poursuivi  par  une  maîtresse  jalouse,  forme  le  projet  machiavélique 
de  faire  coup  double,  en  lançant  Larosière  sur  la  brune  Paola,  pour 
se  débarrasser  de  l'une  par  l'autre.  Larosière,  qui  a  vu  Paola  cachée 
sous  des  habits  masculins,  dont  ses  attraits  reçoivent  un  reflet  aga- 
çant et  mutin,  est  pris  au  piège.  Une  fois  dans  sa  vie,  il  dépouillera 
sa  candeur  natale  et  il  goûtera  du  fruit  défendu.  Mais  il  est  difficile 
de  toucher  aux  Pommes  du  voisin  sans  que  le  voisin  se  fâche  et 
défende  ses  droits  de  propriété.  Or,  Paola  est  sous  puissance  de 
mari,  et  M.  Limouroux  est  un  brutal  qui  s'est  mis  à  courir  après 
sa  femme  et  qui,  la  surprenant  en  tête  à  tête  avec  Larosière,  veut 
se  venger  de  celui  qu'il  prend  pour  le  séducteur  de  sa  chaste  moitié. 
Alors  commence  une  poursuite  échevelée,  pendant  laquelle  Larosière, 
ce  substitut  en  herbe,  se  trouve  compromis  de  toutes  les  façons  et 
vient  se  heurter  à  chaque  instant  contre  les   plus  graves  articles  du 


DE  PARIS. 


3Z,1 


code,  de  ce  code  qu'il  va  être  chargé  d'interpréter  au  nom  de  la 
justice  humaine.  Nous  n'essayerons  pas  de  le  suivre  à  travers  toutes 
les  péripéties  terribles  qui,  du  crime  d'adultère,  le  conduisent  jus- 
qu'à ceux  de  bris  de  clôture,  d'effraction,  voire  même  d'assassinat. 
M.  Sardou,  entraîné  par  son  sujet,  qui  lui  a  fait  dépasser  de  beau- 
coup Charles  de  Bernard,  nous  mènerait  trop  loin.  En  fin  de  compte, 
c'est  Puyseul  qui  épouse  la  veuve,  et  Larosière  n'est  pas  nommé 
substitut.  Il  est  peut-être  regrettable  que  M.  Sardou  n'ait  pas  montré 
le  tact  de  son  modèle,  en  s'arrêtant  un  peu  plus  tôt,  et  en  ne  four- 
nissant pas  à  Geoffroy  l'occasion,  si  rare  chez  cet  acteur,  d'inspirer 
au  spectateur,  dans  les  derniers  tableaux  de  cette  pièce,  une  im- 
pression véritablement  pénible.  Mlle  Honorine,  mieux  partagée,  est 
fort  gentille  dans  son  costume  d'honneur. 

—  La  nouvelle  pièce  de  la  Porte-Saint-Martin,  les  Drames  du 
cabaret,  est  une  œuvre  pleine  d'intérêt  et  d'enseignements  qui  mé- 
riterait à  coup  sûr  le  prix  fondé,  il  y  a  quelques  années,  en 
faveur  de  la  morale  dramatique,  si  ce  prix  existait  encore.  Ce  n'est 
pas  seulement  une  leçon  adressée  aux  gens  du  peuple  qui  hantent 
les  débits  de  boisson,  et  y  laissent,  avec  leur  raison,  toutes  les  res- 
sources de  la  famille.  Le  blâme  remonte  jusqu'à  ces  riches  salons 
de  restaurants  à  la  mode,  où  quelques  jeunes  gens  du  monde  ressus- 
citent la  Régence,  en  se  grisant  de  Champagne  et  en  risquant ,  à 
une  table  de  jeu,  leur  patrimoine  et  quelquefois  !'or  qu'ils  n'ont  pas. 
De  là,  deux  actions  distinctes,  parfaitement  conduites,  et  qui  sont 
habilement  soudées  par  un  lien  commun.  D'une  part,  c'est  l'ouvrier 
Baudry,  que  nous  voyons  tout  d'abord  entraîné  au  cabaret  par  des 
amis  de  bouteille.  Son  fils,  un  jeune  enfant,  est  renversé  sous  les 
roues  d'une  voiture,  pendant  que  Baudry  l'oublie  pour  les  charmes 
du  petit  bleu.  Un  rassemblement  se  forme  ;  la  femme  de  Baudry  et 
sa  fille  Marthe  sont  les  premières  à  accourir  et  reçoivent  l'enfant 
blessé  autour  duquel  s'empressent  également  la  grande  dame  et  son 
fils  dont  la  calèche  a  occasionné  l'accident.  Cette  grande  dame  n'est 
autre  que  la  comtesse  de  Marsan  et  son  fils  le  comte  Albert  qui  ne 
peut  voir  Marthe  sans  l'aimer.  Mais  Albert  est  fiancé  à  Josefa,  fille 
d'un  riche  nabab  de  Batavia,  dont  son  père,  le  comte  de  Marsan,  a 
été  longtemps  l'associé.  Ce  nabab,  Van  Prat,  qui  se  vante  d'avoir  at- 
teint ses  quatre-vingts  ans  parce  qu'il  ne  croit  ni  à  Dieu  ni  à  diable, 
et  qu'il  n'a  qu'un  estomac  au  lieu  de  cœur,  est  cependant  vulnérable 
dans  un  seul  point,  la  tendresse  infinie  qu'il  a  pour  sa  petite-fille 
Josefa,  et  celle-ci  aime  avec  passion  le  comte  Albert.  Il  l'a  donc  choisi 
pour  gendre  et  pour  héritier  de  ses  20  millions  de  fortune.  L'amour 
subit  d'Albert  pour  Marthe  vient  déranger  ses  combinaisons.  A  la 
suite  d'un  déjeuner  de  garçon,  Albert,  ivre,  a  joué  et  perdu 
120,000  francs  sur  parole;  bien  plus,  défié  par  les  sarcasmes  de  ses 
compagnons,  il  a  déshonoré  Marthe.  Mais  revenu  à  la  raison,  il 
refuse  la  main  de  Josefa  et  veut  donner  son  nom  à  l'ouvrière  qu'il 
a  séduite.  Ni  les  prières  ni  les  menaces  de  Van  Prat  ne  peuvent  lui 
faire  changer  de  résolution  ;  c'est  alors  que  le  terrible  vieillard  lui 
fait  une  révélation  foudroyante;  son  père,  le  comte  de  Marsan,  n'a  été 
que  son  commis  et  non  son  associé  ;  il  n'a  laissé  aucune  fortune,  et 
l'opulence  qui  entoure  sa  veuve  et  son  fils,  l'hôtel  qu'ils  habitent, 
tout  est  à  lui.  Qu'Albert  cherche  donc  ailleurs  de  quoi  payer  sa 
dette  de  jeu  ou  qu'il  épouse  Josefa.  La  générosité  de  son  créancier 
tire  le  comte  Albert  de  cette  situation;  mais  Van  Prat  ne  se  consi- 
dère pas  comme  battu.  Sa  Josefa  a  dit  qu'elle  mourrait  si  elle  n'épou- 
sait pas  Albert;  il  soudoie  un  des  compagnons  de  Baudry  pour  ren- 
verser l'obstacle  qui  s'oppose  à  ses  desseins  et  le  débarrasser  de 
Marthe.  Heureusement  l'ouvrière  est  sauvée  par  celui  même  qui  de- 
vait l'assassiner.  C'est  Josefa  qui  meurt  en  se  frappant  d'un  stylet 
empoisonné.  Nous  oublions  un  détail  qui  aurait  d'ailleurs  suffi  pour 
empêcher  son  mariage  avec  Albert  ;  Van  Prat,  dans  une  orgie,  avait 
assassiné  le  comte  de  Marsan.  A  prix  d'or  il  avait  pu  faire  passer  ce 
meurtre  pour  un  accident  auquel  avaient  cru  la  comtesse  et  son  fils  ; 


!mais  il  leur  est  révélé  au  dernier  moment  par  un  médecin  qui  vivait 
à  Batavia  dans  l'intimité  de  Van  Prat  et  du  comte  au  moment  où  le 
I  crime  fut  commis. 

A  côté  de  cette  action  se  déroulent  les  scènes  qui  conduisent  Bau- 
dry à  la  dégradation,  et  dans  l'une  desquelles,  qui  a  fort  impres- 
sionné le  public,  il  lance  son  fils  contre  une  machine  en  mouvement 
qui  lui  brise  le  bras. 

Les  Drames  de  cabaret  sont  remarquablement  interprétés  par  La- 
cressonnière,  par  Paulin  Menier,  qui  a  composé  en  grand  comédien 
le  rôle  du  nabab  ;  Vannoy  ;  Mmes  Duverger  et  Rousseil  ;  ils  ont  été 
fort  bien  accueillis,  et  nous  croyons  qu'ils  fourniront  une  longue 
carrière.  La  mise  en  scène  est  très-soignée;  la  vue  de  Paris  pendant 
la  nuit  est  fort  belle,  et  le  septième  tableau  qui  se  passe  dans  une 
usine  en  mouvement  est  d'un  immense  effet. 

—  A  la  Gaîté,  on  joue,  sous  le  titre  du  Marquis  caporal,  un 
drame  militaire  qui  ne  nous  semble  pas  avoir  les  mêmes  éléments  de 
vogue  que  celui  de  la  Porte-Saint-Martin.  Les  aventures  de  ce  mar- 
quis de  Valleroy  qui  se  fait  passer  pour  mort  et  endosse  l'uniforme 
d'un  caporal  pour  mieux  se  cacher,  sont,  selon  nous,  bien  romanes- 
ques, pour  un  théâtre  où  l'on  demande,  avant  tout,  de  l'intérêt  basé 
sur  de  la  vraisemblance.  Il  y  a  pourtant,  dans  cette  pièce,  une  situa- 
tion attachante  et  neuve:  c'est  celle  de  ce  mort  qui  voit,  sous  ses 
yeux,  sa  veuve  poursuivie  par  l'amour  d'un  rival,  sans  qu'il  puisse 
s'y  opposer.  Le  rival,  commissaire  de  la  Convention,  fait,  par  bon- 
heur, tant  de  gaucheries  qu'il  finit  par  se  compromettre  et  par  céder 
la  place  au  marquis,  rendu  à  la  vie  et  à  l'amour  conjugal.  Les  deux 
principaux  rôles  de  cette  pièce  sont  confiés  à  Dumaine  et  à  Mlle  Lia 
Félix,  qui  ont  su  en  tirer  un  excellent  parti,  et  qui  maintiendront 
sans  doute,  pendant  un  certain  temps,  sur  l'affiche  de  la  Gaîté,  le 
Marquis  caporal. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cette  semaine  trois  fois 
Roland  à  Roncevaux. 

***  Mlle  Guglielmina  Salvioni,  danseuse  très-distinguée,  vient  d'être 
engagée  à  l'Opéra.  Dans  le  mois  de  novembre  prochain,  elle  fera  son 
début  dans  la  Maschera,  ballet  de  M.  Rota. 

***  M.  Fétis  est  de  retour  à  Paris,  où  il  restera  jusqu'à  la  représen- 
tation de  l'Africaine. 

***  Mme  Cabel  a  reparu  hier  soir  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  dans 
Galatée,  rôle  qui  lui  a  valu  de  grands  succès.  Elle  ne  le  chantera  que 
cinq  ou  six  fois,  des  engagements  la  rappelant  en  province.  La  direc- 
tion a  pour  cette  occasion  engagé  Mlle  Wertheimber;  elle  a  chanté  le 
rôle  de  Pygmalion  qu'elle  avait  créé  dans  l'origine. 

***  On  annonce  pour  mercredi  la  première  représentation  des  Ab- 
sents, de  MM.  Daudet  et  Poise,  chanté  par  Sainte-Foy,  Capoul,  Nathan 
et  Mmes  Girard  et  Révilly.  —  Peu  de  jours  après  viendra  le  Trésor  de 
Pierrot,  interprété  par  Montaubry,  Prilleux,  Nathan,  Potel,  Mmes  Mon- 
rose  et  Mlle  Tuai.  Montaubry  en  Pierrot  et  Mlle  Monrose  en  paysanne; 
rôles  si  opposés  à  leur  emploi  ordinaire,  piqueront  vivement  la  cu- 
riosité. 

**„.  Au  théâtre  Italien,  la  Traoiata  nous  est  revenue  mardi  avec 
Mlle  Patti  et  Naudin,  dans  les  rôles  de  Violetta  et  d'Alfredo.  Nous  ne 
saurions  dire  à  quel  point  la  jeune  artiste  s'est  montrée  originale,  char- 
mante et  pathétique  dans  ce  rôle  de  Dame  aux  Camellias  qu'elle  refait 
à  sa  taille  et  qu'elle  habille  de  ses  caprices  :  nulle  autre  qu'elle  n'o- 
serait ce  qu'elle  ose,  notamment  à.  la  fin  du  premier  acte,  où  elle  sort 
sur  un  trille  lancé  à  pleine  gorge  et  en  courant  comme  un  enfant  1  Le 
public  n'a  que  le  temps  de  la  rappeler,  pour  arrêter  sa  course,  et  l'ap- 
plaudir avec  redoublements.  Au  troisième  acte,  on  n'a  jamais  vu  de 
mourante  plus  adorable,  plus  simple,  et  l'on  est  heureux  de  se  rassu- 
rer sur  sa  santé,  sur  sa  vie,  en  entendant  l'excellent  timbre  de  sa 
voix.  Naudin  a  fort  bien  réussi  dans  toute  la  partie  musicale  de  son 
rôle  ;  aussi  l'a-t-on  souvent  et  justement  applaudi.  Zacchi,  jouant  le 
rôle  du  père,  ne  doit  être  nommé  que  pour  mémoire,  quoiqu'il  ait  été 
meilleur  que  dans  Asthon  de  Lucia.— Après  une  bonne  représentation  du 
Trovatore,  donné  mercredi ,  le  joyeux  Barbier  a  rempli    les  deux  der- 


362 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Dières  soirées  de  la  semaine.  Mlle  Patti  a  été  aussi  vive  et  aussi 
folâtre  dans  le  rôle  de  Rosine  qu'elle  avait  été  touchante  dans  le  rôle 
de  Violetta.  Pour  la  leçon  de  chant,  elle  a  dit  avec  sa  verve  étince- 
lante  la  Gioja  insolita  et  la  Calesera.Tous  ses  partenaires  l'ont  digne- 
ment secondée. 

„*„  La  semaine  ne  se  passera  pas  sans  qu'on  ait  au  théâtre  Italien 
un  échantillon  du  ballet  monté  par  M.  Bagier.  Dans  un  grand  ballabilf, 
qui  a  pour  titre  timoré  ed  arte  (l'amour  et  l'art),  paraîtront  toutes  les 
danseuses  engagées. —  La  reprise  de  VElisire  d'amore  est  très-prochaine, 
et  le  public  reverra  avec  d'autant  plus  de  plaisir  ce  chef-d'oeuvre  de 
Donizetti,  qu'il  sera  interprété  par  Adelioa  Patti,  Naudin,  Scalese  et 
Délie  Sedie.  —  Roberto-Devereux,  de  Donizetti  ;  Leonora,  de  Mercadante, 
Crispino  la  comare,  de  Ricci,  sont  à  l'étude. 

»%  Une  indisposition  de  Mlle  Christine  Nilson  ajourne  à  mardi  ou 
jeudi  la  première  représentation  de  Yioletta,  au  théâtre  Lyrique. 

»%  Mme  Ugalde  vient  d'être  engagée  pour  l'hiver  par  M.  Carvalho. 
Le  premier  rôle  qu'elle  chantera  est  celui  de  Nancy  dans  Martha.  L'o- 
péra de  Flotow  sera  joué  après  Yioletta.  Cette  nouvelle  dément  suffi- 
samment le  bruit  qui  avait  couru  de  l'engagement  de  la  célèbre  can- 
tatrice au  théâtre  Bataclan. 

„%  La  direction  du  théâtre  des  Variétés  s'occupe  avec  beaucoup 
d'activité  de  la  Belle  Hélène,  l'opéra  bouffe  de  MM.  L.  Halévy,  H.  Meilhac 
et  J.  Offenbach,  qu'elle  voudrait  faire  représenter  à  la  fin  de  novembre. 
Cette  pièce  sera  montée  avec  grand  luxe,  l'orchestre  et  les  chœurs  se- 
ront renforcés. 

***  On  annonce  pour  le  28  de  ce  mois  irrévocablement  l'ouverture 
du  nouveau  théâtre  Saint-Germain.  Tout  se  prépare  pour  cette  solen- 
nité dont  se  préoccupe  beaucoup  le  quartier  des  Ecoles.  Les  décors, 
confiés  à  l'habile  pinceau  de  M.  Fromont,  sont  terminés,  ainsi  que  les 
machines,  dues  au  talent  de  M.  Petit.  On  parle  d'un  nouveau  mode 
d'éclairage  qui  donnera  aux  décorations  le  prestige  d'un  diorama.  Tou- 
tes les  sympathies  sont  acquises  au  nouveau  théâtre  qui,  le  premier, 
va  consacrer  la  liberté  théâtrale  due  à  la  sollicitude  de  S.  M.  l'Empereur. 

„*„  M.  Bagier  vient  d'engager  pour  le  théâtre  de  Madrid  l'excel'ent 
baryton,  Gassier.  —  Après  la  Norma,  où  le  public  madrilène  s'est 
montré  de  beaucoup  meilleure  composition  qu'à  la  réouverture,  on 
a  donné  la  Traviata,  chantée  par  Mme  Spezia,  par  Nicolini  et  Aldi- 
ghieri;  le  succès  a  élé  très-grand  surtout  pour  Mme  Spezia.  — C'est 
dans  Lucrezia  Borgia  que  doit  débuter  le  ténor  Brignoli  sur  lequel  on 
compte  beaucoup. 

„**  On  nous  écrit  de  Moscou  qu'on  vient  de  représenter  au  théâtre 
italien  la  Maria  avec  les  artistes  qui  l'avaient  jouée  l'année  précédente. 
L'opéra  de  Elotow  est  toujours  accueilli  avec  un  plaisir  nouveau.  — 
On  répétait  Robetto  il  Diavolo  pour  les  débuts  du  ténor  Armandi. 

„%  Le  théâtre  de  la  Pergola  à  Florence  a  complété  sa  troupe  d'opéra 
et  de  ballet  pour  la  saison.  La  prima  donna  et  le  premier  ténor  sont 
les  époux  Tiberini  ;  premier  soprano,  Emilia  Bellini  ;  contralto ,  Rosina 
Vercolini;  premier  ténor,  I.uciani;  barytons,  Gianoli  et  Sartori;  pre- 
mière basse,  Mateo  délia  Torre;  basse  comique,  G.  Scheggi.  On  jouera 
Marta,  la  Stranicra  il  Giuramento,  Matilda  ai  Shabran  et  deux  autres 
opéras,  nouveaux  pour  Florence.  Le  théâtre  ouvrira  à  la  fin  du  mois  par 
Marta  et  un  ballet,  Délia. 

J*3  Dimanche  dernier,  S.  Exe.  le  maréchal  Vaillant  a  distribué  les 
prix  remportés  par  les  lauréats  du  concours  de  peinture,  architecture, 
musique,  etc.,  et  leur  a  remis  leurs  diplômes.  S.  M.  l'Empereur  avait 
daigné  les  inviter  à  dîner  au  palais  de  Saint-Cloud  et  après  le  dîner  ils 
ont  reçu  de  l'Impératrice  les  portraits  de  Leurs  Majestés  Impériales  pho- 
tographiés et  au  bas  desquels  l'Empereur  avait  mis  son  nom.  M.  Sieg  a 
été  en  même  temps  informé  par  M.  le  comte  Bacciochi,  surintendant 
des  théâtres,  que  sa  cantate  serait  exécutée  prochainement  au  théâtre 
impérial  de  l'Opéra. 

,%  C'est  samedi  prochain  que  sera  jugé  le  concours  ouvert  entre 
plusieurs  lauréats  de  Rome,  pour  la  composition  d'un  opéra  destiné  à 
être  représenté  au  théâtre  Lyrique.  Ce  sont  les  lauréats  eux-mêmes, 
qui  sur  l'invitation  de  M.  le  surintendant  des  théâtres,  ont  désigné 
d'un  commun  accord  les  membres  du  jury.  Le  concours  aura  lieu  au 
Conservatoire. 

t*t  II  y  avait  grande  séance  vendredi  dernier  à  l'école  lyrique  de  la 
rue  Turgot,  dirigée  par  notre  célèbre  chanteur  et  professeur  Duprez. 
Nous  dirions  que  c'était  une  séance  de  rentrée,  si  l'école  prenait  jamais 
des  vacances.  Dans  le  nombre  des  élèves  distingués  qui  se  sont  fait  en- 
tendre, il  y  en  avait  un  ancien,  maintenant  devenu  artiste,  M.  Lefranc, 
le  ténor  favori  de  Marseille,  et  qu'un  engagement  appelle  à  Turin. 
Avant  de  s'y  rendre,  il  a  voulu  travailler  encore  trois  mois  avec  son 
maître,  et  il  ne  pouvait  rien  faire  de  plus  avantageux  à  son  talent.  Le 
succès  nous  parait  assuré  en  Italie  à  sa  belle  voix  et  à  son  excellente 
méthode. 

,%  On  nous  écrit  de  Londres  :  «  Mario  et  Mme  Grisi  sont  à  Liverpool; 
il  y  ont  donné,  en  compagnie  de  Mme  Sainton-Dolby  et  de  M.  Sainton 
l'excellent  violoniste,  un  concert  dans  lequel  ils  ont  été  chaleureuse- 
ment   applaudis.  Mme   Grisi  a  dû  répéter  l'air  de  Marta  :  Sola  vergin 


|  Rosn,  qu'elle  avait  délicieusement  chanté.  —  L'Opéra  anglais  a  ouvert 
par  Masaniello.  La  représentation  en  a  été  généralement  bonne,  les 
honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  Mme  Parepa,  Elvire;  M.  Charles 
Adams,  Masaniello,  et  Mlle  Giraud,  Fenella.  Lundi,  reprise  de  la  Muette, 
Mardi,  Martha,  avec  Mme  Lemmens-Sherrington.— L'Opéra  italien,  sous 
la   direction  de  M.  Mapleson,  rouvrira  lundi  2i  pour  deux  semaines.  » 

***  Nous  avons  dit  que  Liszt  reviendrait  à  Paris  au  printemps  pour 
faire  entendre  quelques-unes  de  ses  compositions.  La  principale  serait 
une  messe  qu'il  fit  il  y  a  quelques  années  pour  la  cathédrale  de  Gran 
en  Hongrie  et  qui  serait  exécutée  dans  une  des  églises  de  Paris. 

„%  Camille  Sivori  vient  de  donner  au  théâtre  Carlo  Felice  à  Gênes 
un  grand  concert  au  bénéfice  des  pauvres.  Le  programme  était  ma- 
gnifique. Le  célèbre  artiste  y  a  exécuté  entre  autres  le  concerto  de 
Paganini  en  si  mineur,  morceau  dont  Sivori  est  peut-être  seul  capable 
d'exécuter  les  immenses  difficultés  et  dans  lequel  il  a  été  applaudi  à 
tout  rompre. 

*%  Les  fêtes  de  Bade  ont  dit  leur  dernier  mot  dans  deux  beaux 
concerts,  l'un  donné  par  Mme  Frezzolini  dans  le  salon  Louis  XIV,  avec 
le  concours  de  M.  et  de  Mlle  Heermann,  et  l'autre  offert  par  M.  Be- 
nazet,  et  dans  lequel  figuraient  Mlle  Joly  et  M.  Lefort,  pour  le  chant; 
et  pour  la  partie  instrumentale,  Vivier,  Mlles  Castellan,  Nina  Gaillard  et 
Adrienne  Peschel.  «  Vivier,  cette  fois,  n'a  dit  que  du  Vivier  (lisons- 
nous  dans  Y  Illustration,  de  Bade).  Personne  n'a  songé  à  s'en  plaindre, 
au  contraire.  Son  cantabile,  dit  par  lui  dans  la  demi-teinte  avec  une 
suavité  indicible,  et  sa  Chasse,  tantôt  sonore  comme  l'Hallali,  tantôt 
mystérieuse  comme  les  sombres  bois  et  lointaine  comme  l'écho,  avec 
ces  étonnants  effets  d'harmonie  et  de  parties  simultanées  dans  un  seul 
et  même  instrument,  dont  il  a  dérobé  le  secret  à  Roland,  à  Obéron  ou 
à  Samiel,  ont  produit  une  sensation  d'enchantement,  c'est  le  mot,  et 
l'on  a  applaudi  du  même  coup  double  en  lui,  afin  de  lui  rendre  un 
peu  la  monnaie  de  sa  pièce,  et  le  compositeur  et  le  grand  artiste.  » 

„%  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  qu'aujourd'hui  à  deux  heures,  le 
Cirque  Napoléon  rouvrira  pour  le  premier  concert  populaire  dirigé  par 
Pasdeloup.  Nous  en  avons  donné  le  programme  dans  notre  dernier 
numéro. 

***  M.  Albert  Sowinski  vient  de  faire  paraître  un  ouvrage  important 
et  qui  .sera  fort  recherché  dans  le  monde  musical  ;  c'est  une  traduction 
de  l'excellent  ouvrage  d'Antoine  Schindler  :  Histoire  de  la  vie  et  de 
l'œuvre  de  Ludwig  van  Beethoven,  1  beau  vol.  gr.  in-8°.  Nous  reviendrons 
sur  cette  publication. 

***  Le  célèbre  oratorio  de  Haydn,  la  Création,  vient  d'être  pour  la 
première  fois  exécuté  à  New-York  :  le  succès  a  été  immense.  Parmi  les 
artistes  se  distinguait  Cari  Formés.  L'orchestre  et  les  chœurs  étaient 
composés  de  six  cents  musiciens,  presque  tous  Allemands. 

a^S.  M.  l'Empereur  vient  d'honorer  M.  Emile  Bernard  d'une  médaille 
grand  module,  pour  la  cantate  qu'il  a  fait  exécuter  au  théâtre  du  Gym- 
nase le  15  août  dernier.  Nous  avons  remarqué  dans  cette  composition 
des  qualités  qui  révèlent  les  études  sérieuses  du  jeune  compositeur. 

*%  Rossini  a  quitté  sa  résidence  d'été  de  Passy  pour  revenir  à  Paris. 

„*„.  M.  A.  Berlyn,  chef  d'orchestre  à  Amsterdam,  vient  de  recevoir 
de  S.  A.  R.  le  duc  de  Nassau,  une  médaille  en  or  du  mérite  artistique, 
pour  une  ouverture  à  grand  orchestre  dont  Son  Altesse  a  daigné  ac- 
cepter la  dédicace. 

**»  Dimanche  dernier  a  eu  lieu  l'inauguration  des  concerts-prome- 
nades de  l'hôtel  Lafitte.  On  y  a  entendu  avec  plaisir  deux  artistes  de 
talent ,  Mlle  Delphine  Champon,  qui  a  joué  plusieurs  morceaux  sur 
l'orgue  harmonium,  le  violoniste  Danbé,  MM.  Forestier,  flûtiste,  Robyns, 
sur  le  saxhorn,  Vannier  et  Poligny  ;  l'assemblée  était  nombreuse,  et 
cette  association  de  la  musique  à  la  peinture  promet  d'agréables  dis- 
tractions au  public. 

***  Seligman  a  rapporté  de  ses  voyages  quatre  nouveaux  morceaux 
pour  le  violoncelle.  Ils  sont  à  la  gravure  et  paraîtront  à  la  fin  de  ce 
mois.  Ballade  de  minuit,  op.  73;  Andante  et  rondo  de  concert,  op.  75; 
Dernier  chant  d'amour,  op.  76  ;  caprice  humoristique  et  Chanson  hava- 
naise, op.  "77  ;  tels  sont  les  titres  de  ces  ouvrages  qui  ont  produit  un 
grand  effet  dans  les  concerts  que  l'éminent  violoncelliste  vient  de  don- 
ner en  Allemagne  et  en  Belgique,  et  nous  en  rendrons  compte  dans  un 
de  nos  plus  prochains  numéros. 

„*„  Le  22  juillet  de  l'année  prochaine  doit  avoir  lieu  à  Dresde  le 
premier  festival  général  de  chant  allemand  qui  durera  quatre  jours  et 
pour  lequel  on  fait  les  préparatifs  les  plus  considérables.  On  compte 
sur  une  réunion  de  dix  mille  chanteurs.  C'est  au  moyen  de  signaux 
électriques  que  cette  masse  vocale  doit  être  dirigée.  Les  frais  de  ce 
festival  monstre  sont  évalués  à  90,000  thalers  (337,500  francs).  Une 
grande  partie  de  cette  somme  sera  absorbée  par  la  construction  de  la 
salle  des  chanteurs,  qui  doit  pouvoir  contenir  trente  mille  personnes. 

„;*»  La  fête  de  bienfaisance  organisée  dimanche  dernier  au  pré  Catelan, 
par  les  soins  de  M.  le  baron  Taylor,  avec  le  concours  de  toutes  les  mu- 
siques de  cavalerie,  a  dépassé  toutes  les  espérances.  Le  temps  était  su- 
perbe, la  foule  on  ne  peut  plus  nombreuse,  l'exécution  splendide  et  la 
recette  très-fructueuse  pour  les  artistes. 


DE  PARIS. 


343 


„%  M.  S.  Ponce  de  Léon,  pianiste  et  compositeur,  auteur  de  char- 
mants morceaux  pour  piano,  de  plusieurs  œuvres  religieuses  et  d'un 
excellent  ouvrage  d'études,  approuvé  par  le  Conservatoire  de  Paris, 
vient  d'être  nommé  par  S.  M.  la  reine  d'Espagne  chevalier  de  l'ordre 
royal  d'Isabelle  la  Catholique. 

»%  Le  deuxième  numéro  de  la  Gazette  des  abonnés,  de  M.  de  Ville- 
messant,  a  paru  hier.  Ce  numéro  est  entièrement  consacré,  texte  et 
illustration,  à  Roland  à  Roncevaux;  il  contient  les  décors,  les  costumes, 
les  portraits  et  les  autographes  du  compositeur,  et  de  tous  ceux  qui 
prennent  part  à  l'exécution  de  ce  grand  succès,  et,  de  plus,  le  finale 
du  troisième  acte,  arrangé  pour  piano  par  M.  Mermet. 

***  Sous  le  titre  de  Chants  du  soir,  Mme  Rossi  Gallieno  vient  décom- 
poser et  de  faire  paraître  un  charmant  caprice  pour  piano.  Nous  l'avons 
entendu  et  nous  pouvons  le  recommander  avec  connaissance  de  cause. 

*%  Le  Concert  des  Champs-Elysées  donne  sa  sixième  réunion  musi- 
cale de  jour  aujourd'hui  dimanche,  de  deux  à  cinq  heures.  A  la  de- 
mande générale,  l'orchestre  jouera  la  Charité,  de  Rossini,  qui  sera  pré- 
cédée et  suivie  des  chefs-d'œuvre  du  répertoire  :  Ouvertures  d'Obéron, 
du  Cheval  de  bronze,  de  Si  j'étais  roi;  fantaisies  sur  les  Huguenots  et  sur 
Anna  Bolena,  solo  de  petite  flûte  par  M.  Genin.  Le  concert  commencera 
à  deux  heures  précises. 

***  Vendredi  dernier,  à  Blois,  M.  Scudo  a  succombé  à  la  cruelle  ma- 
ladie dont  il  était  atteint.  11  n'avait  que  cinquante-neuf  ans.  11  était 
depuis  longues  années  attaché  comme  critique  musical  à  la  Revue  des 
Deux  Mondes.  11  a  composé  diverses  romances  et  écrit  plusieurs  ouvrages 
sur  la  musique. 

***  Cette  semaine  a  vu  mourir  une  notabilité  théâtrale,  Ant.  Cou- 
part.  Il  était  depuis  1831  régisseur  du  théâtre  du  Palais-Royal,  et  l'au- 
teur d'une  foule  de  pièces  composées  par  lui  seul  ou  en  collaboration 
avec  divers  auteurs. 

„%  La  mort  a  également  frappé  M.  Gallay,  professeur  de  cor  au  Con- 
servatoire et  anciennement  attaché  au  théâtre  Italien. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

3%  Bruxelles.  — Le  calme  n'est  pas  encore  rétabli  à  l'occasion  des 
débutants,  et  il  serait  temps  que  ces  scènes  tumultueuses  prissent  fin. 
En  attendant,  on  a  donné  avec  peu  de  succès  le  Docteur  Mirobolan. 
La  Reine  Topaze  a  été  au  contraire  très-favôrablement  accueillie. 
MmeMayerBoulart  y  a  chanté  de  la  façon  la  plus  remarquable  le  rôle  prin- 
cipal. —  Mlle  Carlotta  Patti  et  son  directeur  Dllmann  viennent  de  passer 
ici.  Ils  se  rendent  en  Allemagne,  où  ils  seront  accompagnés,  dans  les  con- 
certs qu'ils  vont  donner,  par  A.  Jaell,  Brassin,  Vieuxtemps,  Stefens, 
violoniste  de  Saint-Pétersbourg,  et  Ferranti,  chanteur.  Les  concerts  de 
Carlotta  Patti  commenceront  à  Dresde  le  28  octobre.  Tous  les  billets 
sont  déjà  retenus  à  l'avance. 

,*„  Darmstadt.  —  La  série  des  concerts  que  la  chapelle  du  grand-duc 
donne  annuellement  a  commencé  hier,  sous  la  direction  ds  M.Neswadba, 
le  nouveau  maître  de  chapelle.  On  a  exécuté  la  symphonie  en  si  bémol 
de  Beethoven  avec  un  ensemble  parfait.  Mlle  Mollnar,  du  théâtre  de  la 
cour,  a  chanté  avec  une  grande  perfection  l'air  du  Pré  aux  Clercs,  d'Hé- 
rold,  et  la  charmante  valse  la  Prima  Donna,  de  notre  compatriote  Emile 
Ettling.  Dans  cette  dernière  composition,  Mlle  Mollnar  a,  par  la  flexibi- 
lité de  sa  voix  et  par  son  excellente  méthode,  enlevé  tous  les  suffrages. 
Mlle  Mollnar  est,  sans  contredit,  une  des  cantatrices  d'Allemagne  qui 
sait,  le  mieux  vocaliser.  Mlle  Doring,  pianiste  de  beaucoup  de  mérite, 
a  été  très-applaudie  dans  le  concerto  en  ré  mineur  de  Mozart  et  dans 
la  polonaise  de  Weber. 

»%  Vienne.  —  Un  nouveau  ballet  fantastique  ,  Fille  des  bois ,  vient 
d'être  représenté  au  théâtre  de  la  cour  et  a  été  assez  froidement  ac- 
cueilli, malgré  une  mise  en  scène  très-brillante  et  une  fort  bonne  exé- 
cution. Mlle  Couqui,  seule,  qui  remplissait  le  rôle  principal,  a  obtenu 
quelques  bravos.  —  Le  ténor  Ferenczy  vient  d'être  engagé  au  théâtre 
de  la  cour.  Son  début  a  eu  lieu  dans  Robert  le  Diable  ;  il  y  a  obtenu 
un  succès  complet. 

„*„  Leipzig.  —  Au  troisième  concert  du  Gewandhaus  qui  vient  d'avoir 
lieu,  la  nouvelle  symphonie  d'Abert,  Christophe  Colomb,  a  excité  beau- 
coup d'enthousiasme.  C'est  une  œuvre  de  tout  point  remarquable;  l'or- 
chestre qui  l'avait  très-bien  rendue  a  joint  ses  applaudissements  à  ceux 
du  public,  et  tout  l'auditoire  a  témoigné  bruyamment  sa  satisfaction 
au  compositeur.  —  Le  programme  du  second  concert  du  Gewandhaus 
contenait  une  symphonie  de  Schumann  et  une  ouverture  de  Mendels- 
sohn,  admirablement  exécutées  par  l'orchestre,  un  concerto  de 
R.  Wolkmann,  un  air  dePergolèse  et  un  larghetto  de  Mozart,  joués  avec 
un  talent  supérieur  par  le  violoncelliste  Popper,  et  plusieurs  airs  de 
Mozart  et  de  Winter  fort  bien  dits  par  Mlle  Melita  Alvsleben,  de  Dresde. 
— Charles  Halle,  avant  de  quitter  Leipzig,  a  donné  une  soirée  pour  mu- 
sique de  piano,  où  il  a  fait  entendre ,  aux  bravos  unanimes  du  public, 
des  morceaux  de  Beethoven,  S.  Bach,  Mendelssohn  et  Chopin,  ainsi 
que  trois  compositions  de  Stephen  Heller  :  la  Tarentelle,  op.  85;  Prome- 
nades d'un  solitaire,  op.  78,  et  les  Nuits  blanches,  op.  82. 

„*„  Berlin.  —  Mme  Laszlo-Doria,   du  théâtre  de  Cologne,  a  débuté  à 


l'opéra  dans  Lucrezia  Borgia.  On  lui  a  reconnu  un  assez  grand  talent 
de  cantatrice,  mais  sa  voix  a  paru  fort  usée.  —  Au  premier  jour  sera 
donné  au  même  théâtre  l'opéra  de  Richard  Wuerst,  l'Etoile  de  Turan, 
avec  Mlle  Lucca  dans  le  rôle  principal.  —  La  compagnie  théâtrale 
française,  sous  la  direction  de  Laferrière,  a  commencé  avec  succès  ses 
représentations  au  théâtre  Frédéric-Guillaume. — L'intendant  des  théâtres 
royaux,  M.  Ch.  Hulsen,  vient  de  prendre  une  mesure  fort  louable  :  les 
choristes  recevront  dorénavant  des  feux  â  chaque  représentation  à  la- 
quelle ils  concourront.  —  Le  ténor  Niemann  doit  donner  cette  semaine 
trois  représentations  â  l'Opéra.  Il  y  chantera  le  Prophète,  Fernand  Cor- 
tez  et  Tannhauser. 

*%,  Turin.  —  Emilie  Lagrua  nous  a  fait  ses  adieux  dans  son  rôle 
de  prédilection  Desdemona  et  dans  le  quatrième  acte  du  Trovatore. 
Nous  ne  parlerons  pas  des  acclamations  et  des  transports  qui  ont  con- 
sacré cette  soirée.  Les  Turinois  sont  bons  juges  du  talent,  et  s'ils  sont 
froids,  ce  n'est  pas  pour  l'artiste  qui,  comme  Emilie  Lagrua,  a  su  trou- 
ver le  chemin  de  leur  cœur.  Le  théâtre  était  illuminé  pour  cette  solen- 
nité où  l'affluence  des  spectateurs  était  énorme.  Mme  Lagrua  est  partie  le 
lendemain  pour  Naples,  où  elle  est,  dit-on,  engagée  au  théâtre  San 
Carlo,  et  où  elle  sera  la  plus  brillante  étoile  de  la  saison. 

t*j.  Rome.  —  Le  Barbier  de  Séville  a  été  donné  au  théâtre  Argentina,  au 
bénéfice  de  Mme  Trebelli-Bettini.  Jamais  la  jeune  cantatrice  n'avait  plus 
délicieusement  chanté.  Ce  n'a  été  qu'un  applaudissement  sans  fin.  Bet- 
tini,  Storti,  Bremond  et  Marchisio  ont  dignement  secondé  la  bénéfi- 
ciaire, et  rarement  le  chef-d'œuvre  de  Rossini  a  été  mieux  exécuté. 

%*%  Lisbonne.  —  Mme  Volpini  a  remporté  dans  la  Traviata  un  nou- 
veau succès  que  constatent  à  l'envi  les  journaux  portugais.  Jamais  le 
personnage  de  Violetta,  écrivent-ils,  n'avait  été  rendu  sur  notre  scène 
d'une  façon  si  touchante.  Après  son  air  du  premier  acte,  la  charmante 
artiste  a  été  rappelée  trois  fois,  et  à  la  chute  du  rideau,  elle  a  dû  re- 
venir sur  la  scène  à  différentes  reprises,  au  bruit  des  acclamations  de 
toute  la  salle. 

ERRATUM.  —  Une  erreur,  que  du  reste  tout  le  monde  pouvait  cor- 
riger, s'est  glissée  dans  notre  compte  rendu  de  Roland  à  Roncevaux.  A 
propos  de  David,  premier  ouvrage  de  M.  Mermet,  il  faut  lire  :  poëme 
de  MM.  A.  Soumet  et  Félicien  Mallefille,  et  non  pas  Félicien  David. 


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N°  M. 


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chez  lous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraii 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Poste*. 


REVUE 


30  Octobre  iUi. 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. 24  r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  »       id. 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui , 
la  charmante  chanson  de  Jfeanne  la  Mtottsse,  ex- 
traite do  roman  en  vogue  d'Arsène  Ooussaye,  JtMa- 
tlan*e  Ctéojtulre,  et  dont  «I.  Offenbacb  a  composé  la 
musique. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique:  les  Absents,  opéra-comi- 
que en  un  acte,  paroles  de  M.  Daudet,  musique  de  M.  Ferdinand  Poise,  par 
I.éoii  Durocher.  —  Théâtre  Lyrique  impérial  :  Violelta,  opéra  en  quatre 
actes,  traduit  de  l'italien  par  M.  Ed.  Duprez,  musique  de  M.  Verdi,  par  le 
même.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (6e  article),  par  Paul 
Smith.  —  La  musique  et  la  société  française  au  xvm'  siècle  (2°  article),  par 
Em.  Mathieu  de    Mouler.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÊRA-COMIOUE. 

LES  ABSENTS, 

Opéra-comique  en  un  acte ,  paroles  de  M.  Daudet,  musique  de 

M.  Ferdinand  Poise. 

(Première  représentation  le  25  octobre  1864.) 

Les  absents  ont  toujours  tort,  dit  un  vieux  proverbe.  —  M.  Dau- 
det et  M.  Poise  ont  voulu  prouver  que  les  absents  ont  toujours  rai- 
son. Il  n'est  pas  défendu  à  l'Opéra-Comique  de  se  passer  la  récréa- 
tion d'un  petit  paradoxe...  de  temps  en  temps,  et  sans  que  cela 
tire  à  conséquence. 

C'est  M.  Eustache  qui  fournit  la  démonstration.  Il  est  à  Aix,  en 
Provence,  où  il  suit  les  cours  de  l'École  de  droit.  Pendant  qu'il  ap- 
prend le  code  par  cœur,  qu'il  médite  les  doctes  dissertations  de 
Toullier,  qu'il  se  nourrit  du  Digeste,  sa  vieille  tante  Brigitte,  et  sa 
cousine  Suzette,  et  le  jardinier  Brèchemain  pensent  à  lui  sans  cesse, 
parlent  de  lui  tous  les  jours:  —  Ah  !  si  Eustache  était  ici,  ce  bon 
Euslache,  ce  cher  Eustache,  notre  bonheur  serait  complet  !  Et  ma- 
demoiselle Suzette  fait  en  secret  sur  ce  texte  les  commentaires  les 
plus  intéressants   du  monde.  Quant  à    M.  Léonard,   avec    ses   bas 


bleus,  son  pantalon  trop  court  et  son  habit  noisette,  qui  ne  néglige 
aucune  occasion  de  se  rendre  utile,  qui  achète  des  plumeaux  pour 
la  mère  Brigitte,  et  des  graines  de  laitue  pour  le  père  Brèchemain, 
qui  a  pour  Suzette  mille  attentions  délicates  accompagnées  de  gros 
soupirs,  et  qui  garde  la  ferme  quand  on  veut  aller  se  promener, 
personne  ne  lui  sait  gré  de  ce  dévouement,  et,  si  l'on  prend  garde 
à  lui,  c'est  pour  se  plaindre  de  le  trouver  toujours  sur  son  chemin. 
Il  est  présent,  voilà  son  tort.  L'autre  est  absent,  voilà  son  mérite. 

Or,  Eustache,  reçu  docteur,  annonce  sa  visite  prochaine  à  sa  chère 
tante,  qui  en  pleure  de  joie.  Grande  rumeur  à  la  ferme,  et  grande 
agitation.  Tous  les  travaux  sont  suspendus.  On  s'endimanche,  on  at- 
telé le  cheval  à  la  carriole,  et  l'on  va  se  promener  sur  la  route,  afln 
de  voir  une  demi-heure  plus  tôt  cet  aimable  Eustache  qui  est  de- 
venu docteur  en  droit.  Pendant  ce  temps,  M.  le  docteur,  quia  bonnes 
jambes,  quitte  la  patache  pour  aller  plus  vite,  prend  la  traverse, 
saute  les  fossés,  franchit  les  haies,  traverse  au  grand  galop  les  plates- 
bandes  du  père  Brèchemain,  au  grand  préjudice  des  choux-fleurs  et 
des  groseillers  du  bonhomme,  brise  en  arrivant  les  assiettes  de  la 
n  ère  Brigitte,  déchire  une  romance  manuscrite  que  Suzette  a  com- 
posée exprès  pour  lui, —  car  cette  jeune  fermière  est  à  la  foispoëte 
et  musicienne,  ce  qui  ne  se  voit  guère  en  Brie  ni  en  Beauce,  mais 
ce  qui  est  très-commun  en  Provence,  —  commet  enfin  mille  forfaits. 
Dépit  de  Suzette,  colère  du  jardinier,  désespoir  de  mère  Brigitte,  qui 
aimait  passionnément  sa  faïence.  Quel  tourbillon  !  quel  garnement  ! 
il  n'est  bon  qu'à  troubler  la  paix  du  logis  !  Décidément  il  n'est  ai- 
mable que  de  loin.  On  ne  se  contente  pas  de  penser  cela  :  on  le  lui 
dit.  Il  le  reconnaît,  prend  congé  de  la  compagnie,  et  s'en  va  comme 
il  est  venu,  à  jeun.  Dès  qu'on  le  croit  parti,  on  le  regrette,  et  tout 
le  monde  l'embrasse  quand  il  revient.  Ce  que  voyant,  Léonard  part 
à  son  tour,  disant  que  puisqu'il  faut  être  absent  pour  être  aimé,  il  va 
essayer  de  ce  procédé  irrésistible.  Léonard  ne  réussira  pas,  car,  si 
Eustache  est  turbulent,  Léonard  est  sot  et  ennuyeux,  défaut  bien  plus 
grave.  On  pardonne  tout  à  Eustache,  parce  qu'il  est  gai,  ouvert,  et 
qu'il  a  bon  cœur;  on  ne  pardonnerait  rien  à  Léonard,  el  s'il  allait 
faire  son  droit  à  Aix,  personne  ne  penserait  à  lui.  Par  conséquent  la 
démonstration  de  M.  Daudet  ne  prouve  rien,  sinon  qu'il  a  le  dialogue 
facile,  parfois  piquant  et  spirituel,  et  qu'il  ne  sait  pas  encore  faire 
une  pièce.  Le  dénoûment  de  la  sienne,  c'est  le  benedicite  par  lequel 
la  mère  Brigitte  inaugurera  sans  doute  le  dîner  si  longtemps  attendu. 


346 


ISKVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Quant  à  Mlle  Suzetle,  vous  pouvez  arranger  sa  destinée  future  comme 
il  vous  plaira  :  l'auteur,  sur  ce  point,  a  laissé  le  champ  libre  à  votre 
imagination. 

Au  point  de  vue  musical,  les  Absents  sont  moins  un  opéra  qu'un 
vaudeville  avec  des  airs  nouveaux.  Un  musicien  se  fait  rarement  aussi 
petit.  Tout  est  couplet  dans  cette  partition.  Couplets  sur  l'histoire  des 
Deux  Pigeons.  —  Couplets  de  Léonard  :  Comment  voulez-vous  qu'on 
m'aime?  —  Couplets  provençaux  d'Eustache:  Vive  notre  bon  roi  René! 
—  Couplets  maritimes  du  même  Eustache.  —  Chanson  du  Dragon.  Il 
n'y  a  que  le  père  Brèchemain  qui  chante  un  petit  air  :  Cequej'ail... 
ce  que  j'ai?...  J'ai...  j'ai...,  etc.  C'est  un  air  bouffe.  Il  est  vif,  il  est 
gai.  Le  tour  en  est  original.  On  dirait  une  page  posthume  d'Adolphe 
Adam,  qui  ne  renierait  pas  le  travail  de  son  élève.  Dans  les  autres 
morceaux,  l'auteur,  qui  s'efforce  toujours  d'être  original,  ne  réussit 
bien  souvent  qu'à  n'être  pas  naturel.  Il  convient  pourtant  de  faire 
une  exception  pour  la  chanson  maritime  d'Eustache,  qui  m'a  paru 
avoir  assez  de  couleur.  Les  couplets  du  roi  René  ne  sont  peut-être 
pas  aussi  heureusement  trouvés.  Ceux  de  Léonard  font  de  l'effet  ; 
mais  cet  effet  tient  surtout,  ce  me  semble,  à  la  manière  exquise  dont 
M.  Sainte-Foy  les  dit.  Et  en  cela  M.  Sainte-Foy  ne  sort-il  pas  un  peu 
du  caractère  de  son  personnage?  Dans  aucune  autre  partie  de  son 
rôle  Léonard  ne  montre  une  sensibilité  aussi  franche,  ni  un  sentiment 
aussi  profond. 

Les  idées  mélodiques  n'abondent  pas  dans  cet  ouvrage.  En  revan- 
che, l'instrumentation  y  est  très-recherchée,  pleine  de  petits  déiails 
qui  veulent  être  plaisants  et  qui  atteignent  rarement  leur  but.  Tel 
qu'il  est,  cependant,  il  a  grandement  réussi,  je  me  hâte  de  le  recon- 
naître. On  l'a  applaudi  avec  un  entrain  tout  particulier,  un  zèle  ar- 
dent, un  bruit  formidable,  et  M.  Poise  a  une  réponse  toute  prête  à 
ces  critiques  :  C'est  son  brillant  et  incontestable  succès. 

Il  n'a  d'ailleurs  qu'à  se  louer  de  ses  interprètes,   Mmes  Girard  et 

Révilly,  MM.  Capoul,  Sainte-Foy  et  Nathan.  On  ne  saurait  voir  une 

petite  pièce  mieux  rendue. 

Léon  DUROCHER. 


THÉÂTRE  LYRIQUE  IMPERIAL. 

Opéra  en  quatre  actes,  traduit  de  l'italien  par  M.  Ed.  Duprez, 
musique  de  M.  Verdi. 

Tout  le  monde  sait  que  Violetla  n'est  pas  autre  chose  que  la  Tra- 
viata  qui  se  joue  au  théâtre  Italien  depuis  huit  années.  La  Traviata 
n'e.t  elle-même  que  la  Darne  aux  Camélias,  traduite  en  italien  par 
M.  Piave,  avec  les  modifications  que  les  exigences  de  la  musique 
avaient  rendues  nécessaires.  M.  Ed.  Duprez  a  retraduit  cette  traduc- 
tion. En  dépit  de  toutes  ces  façons  nouvelles,  le  véritable  auteur  de 
ce  drame  est  et  sera  toujours  M.  Alexandre  Dumas  le  01s.  C'est  lui  qui 
a  taillé  l'habit  que  les  autres  ont  retourné,  et  que  M.  Verdi  a  brodé. 
—  Richement  brodé,  il  faut  le  reconnaître. 

C'est  dans  une  anecdote  du  xviii0  siècle  que  M.  Alexandre  Dumas 
avait  trouvé  son  sujet.  On  raconte  que  Mlle  Salle,  première  dan- 
seuse à  l'Opéra,  celle  qui  inspira  à  Voltaire  son  madrigal,  si  connu  et 
si  souvent  cité  : 

Ah  !  Camargo,  que  vous  êtes  brillante  ! 

Mais  que  Salle,  grands  dieux  !  est  ravissante  !  etc. 

on  raconte,  dis -je,  que  Mlle  Salle  comptait  au  nombre  de  ses 
adorateurs  le  fils  d'un  président  de  je  ne  sais  quel  parlement  de 
province,  et  qu'elle  avait  assez  de  goût  (style  du  temps)  pour  ce 
jeune  homme,  qui  négligeait  ainsi  sa  carrière  et  compromettait  son 
avenir.  Le  président  écrivait  à  son  fils  lettre  sur  lettre  pour  le  guérir 
de  cette  passion  dont  il  lui  énumérait  êloquemment  tous  les  dangers  ; 


mais  il  y  perdait  son  latin.  Il  prit,  de  guerre  lasse,  le  parti  assez  ori- 
ginal de  s'adresser  à  Mlle  Salle  elle-même.  Il  vint  à  Paris,  se  fit  an- 
noncer chez  elle,  lui  parla  en  homme  du  monde,  en  galant  homme, 
lui  conta  son  chagrin,  lui  exposa  le  tort  que  spn  fils  se  faisait,  la 
supplia  de  lui  venir  en  aide,  et  de  congédier  ce  jeune  fou  qui  ne  pou- 
vait renoncer  à  elle.  Mlle  Salle  rit  beaucoup  de  la  confidence  et  de  la 
requête.  Mais,  comme  elle  avait  de  l'esprit,  et  que  les  amants  ne  lui 
manquaient  pas,  elle  promit  au  magistrat  de  le  satisfaire,  et  tint 
parole. 

Etant  donnés  le  caractère  de  Mlle  Salle  et  les.  mœurs  du  temps, 
qui  excluaient  les  passions  profondes  et  les  «  arrangements  »  à  long 
terme,  rien  n'est  plus  vraisemblable  que  cette  histoire.  Mais  l'hé- 
roïne de  M.  Dumas  a  un  cœur,  un  cœur  vivement  épris.  Elle  aime 
sincèrement,  profondément.  Qu'une  femme,  en  pareil  cas,  consente, 
dans  un  élan  d'héroïsme,  à  se  séparer  de  celui  qu'elle  aime,  cela 
peut  s'admettre.  Mais  qu'elle  se  voue  à  son  mépris,  non  !  cent  fois 
non  !  Qu'elle  se  tue,  à  la  bonne  heure  !  mais  qu'elle  se  donne ,  ou 
même  qu'elle  fasse  semblant  de  se  donner  à  un  autre,  cela  n'est  pas 
vrai.  Toute  cette  partie  du  drame,  malgré  le  talent  que  l'auteur  a 
déployé  dans  Fexéculiou,  sonne  faux. 

Heureusement,  cela  n'ôte  rien  au  mérite  de  la  partition,  lequel  est 
très-grand.  Rien  de  plus  vif  et  de  plus  brillant  que  le  brindisi  du 
premier  acte,  la  valse  qui,  du  fond  du  théâtre,  accompagne  le  dia- 
logue des  personnages  qui  sont  sur  la  scène,  l'air  de  Violetta  :  Folies! 
folies,  etc.  Rien  de  plus  expressif  que  la  première  partie  de  cet  air, 
où  Violetta  s'abandonne  au  sentiment  nouveau  pour  elle  qui  l'enva- 
hit, qui  la  charme,  et  qu'elle  s'efforcera  vainement  de  repousser. 
Rien  de  mieux  entendu  que  le  duo  qui  précède,  où  la  légèreté  co- 
quette de  Violetta  et  les  accents  passionnés  de  Germond  forment  un 
si  heureux  contraste.  Le  second  acte  est  moins  riche.  Le  sermon  en 
deux  couplets  du  bonhomme  Germond  n'a  pas  une  grande  valeur 
musicale.  On  ne  retrouve  guère  le  talent  de  M.  Verdi  que  dans  le  duo 
de  cet  apôtre  des  bonnes  mœurs  avec  Violetta.  Il  y  a  là  de  belles 
phrases,  et  des  accents  très-pathétiques.  Il  y  en  a  aussi ,  avec  de 
grands  effets  d'harmonie  vocale,  dans  le  largo  du  finale,  au  troi- 
sième acte.  (Je  suis  la  division  française.)  Au  quatrième  acte,  le  duo 
des  deux  amants  —  l'andante  surtout  —  est  une  inspiration  déli- 
cieuse, et  la  romance  de  l'héroïne  a  une  expression  douloureuse  et 
désolée  qui  serre  le  cœur.  A  qui  vient  de  chanter  un  pareil  morceau, 
il  ne  reste  plus  qu'à  mourir. 

Le  début  de  Mlle  Nilsson,  jeune  cantatrice  suédoise,  dont  on  avait 
d'avance  annoncé  des  merveilles,  donnait  beaucoup  d'intérêt  à  cette 
représentation.  Mlle  Nilsson  est  élève  de  M.  Wartel,  et  lui  fait  grand 
honneur.  Le  médium  de  sa  voix  est  faible  et  un  peu  sourd  ;  mais  le 
registre  aigu  est  superbe,  brillant  et  doux  tout  à  la  fois.  Elle  voca- 
lise à  merveille,  et  prononce  mieux  que  bien  des  Françaises.  Elle 
était  un  peu  intimidée  en  commençant,  ce  qui  l'a  fait  paraître  assez 
froide.  Elle  s'est  enhardie  progressivement.  Elle  a  dit  et  joué  le  second 
et  le  troisième  acte  avec  intelligence.  Au  quatrième,  elle  a  montré  un 
véritable  talent  de  cantatrice  et  d'actrice.  Il  faut  féliciter  M.  Car- 
valho  d'avoir  fait  cette  trouvaille. 

M.  Lutz  chante  à  merveille  le  rôle  du  bonhomme  Germond,  le- 
quel, malheureusement,  n'a  que  deux  morceaux.  On  voudrait  qu'il  en 
eût  dix.  Voix  agréable  et  parfaitement  posée,  expression  constamment 
juste,  style  excellent,  M.  Lutz  a  tout  ce  qu'on  peut  demander  à  un 
chanteur. 

M.  Monjauze  fait  tout  ce  qu'il  peut,  et  l'on  n'a  rien  à  reprocher 
à  son  chant.  Mais  il  n'a  plus  le  physique  de  son  emploi..  Comment 
veut-il  que  l'on  s'y  prenne  pour  voir  en  lui  le  fils  de  M.  Lutz  ? 
Je  conviens  que  M.  Lutz  aurait  dû  se  coiffer  de  cheveux  gris.  Mais 
cela  même  n'y  ferait  rien  tant  que  la  question  abdominale  ne  serait 
point  résolue.  Et  comment  la  résoudre  à  l'avantage  de  M.  Monjauze? 

L'exécution  musicale  de  cet  opéra   est  très-soignée,   parfaitement 


DE  PARIS. 


347 


réglée,  habilement  nuancée.  On  y  peut  signaler  de  très-beaux  effets, 
dont  personne  ne  s'est  jamais  avisé  au  théâtre  Italien,  par  exem- 
ple, dans  le  largo  du  finale  du  troisième  acte.  On  ne  saurait  trop 
louer  sur  ce  point  M.  Dcloffre  et  son  orchestre. 

On  ne  saurait  trop  louer  non  plus  la  mise  en  scène  et  les  costu- 
mes, qui  sont  aussi  riches  qu'élégants. 

Léon  DUROCHER. 


MME    SCHROEDER  -DEVRIENT, 

Par   II.  «5e  Woizogen  (1). 

VI. 

Après  l'immense  effet  produit  chez  nous  par  la  cantatrice  alle- 
mande, était-il  probable  qu'on  la  laissât  tranquillement  retourner 
dans  son  pays  ?  On  éprouve  toujours  un  violent  désir  de  s'appro- 
prier les  artistes  au  talent  desquels  on  a  dû  de  nouvelles  jouissan- 
ces. On  n'oublie  qu'une  chose,  c'est  qu'ils  sont  étrangers,  et  qu'il 
ne  dépend  pas  d'eux  de  se  faire  Français  pour  nous  plaire.  Que 
d'efforts  n'a-t-on  pas  tentés  pour  décider  Lablache  à  se  montrer  sur 
un  de  nos  théâtres,  mais  l'excellent  artiste  avait  trop  de  bon  sens 
pour  ne  pas  comprendre  la  folie  d'une  émigration  de  ce  genre.  En 
cessant  d'être  Italien,  il  eût  cessé  d'être  lui-même,  et  il  eût  perdu 
les  trois  quarts  de  sa  valeur.  Mme  de  Staël  disait  :  «  Une  langue, 
c'est  un  peuple.  »  A  plus  forte  raison,  une  langue,  c'est  un  artiste; 
et  malgré  cette  évidence,  n'avons-nous  pas  encore  vu  tout  récem- 
ment de  naïfs  amateurs  vouloir  forcer  Mme  Ristori  à  parler  fran- 
çais pour  devenir  une  seconde  Rachel  !  Comme  si  l'on  changeait 
d'idiome  aussi  aisément  que  de  costume!  Gomme  si  la  pureté  de 
l'accent,  la  beauté  de  la  prononciation  n'étaient  pas  toujours  les 
conditions  essentielles  de  la  poésie  du  langage! 

Quant  à  établir  dans  nos  murs  un  théâtre  allemand  perpétuel  avec 
Mme  Schroeder  pour  principal  appui,  c'eût  été  une  autre  chimère.  La 
tragédie  anglaise  n'avait  pu  se  soutenir  avec  miss  Smithson,  Char- 
les Kemble,  Young,  Macready.  L'opéra  allemand  ne  possède  qu'un 
trop  petit  nombre  de  chefs-d'œuvre  pour  s'imposer  longlemps  à  l'é- 
tranger. L'Italie  seule  a  pu  régner  dans  toute  l'Europe  et  au-delà  des 
mers,  parce  que,  comme  la  langue  française,  sa  musique  était  douée 
du  privilège  de  l'universalité.  Aujourd'hui  que  la  source  de  sa  fé- 
condité est  à  peu  près  tarie,  le  véritable  centre  de  la  production 
lyrique  est  en  France  ;  c'est  là  que  se  composent  la  plupart  des 
chefs-d'œuvre,  mais  pour  que  leurs  destinées  s'accomplissent  et 
qu'ils  fassent  le  tour  du  monde,  on  les  traduit  toujours  en  italien. 

Des  divers  partis  qui  s'offraient  à  la  triomphante  artiste  sur  la- 
quelle se  fixaient  tous  les  yeux,  celui  qu'elle  crut  devoir  prendre 
était  sans  doute  le  moins  prévu.  Dans  la  représentation  donnée 
à  son  bénéfice  le  1k  juin  1830,  lors  de  son  premier  voyage, 
elle  avait  chanté  le  rôle  de  Julia,  de  la  Vestale,  avec  un  double 
succès  d'enthousiasme  et  d'argent.  De  retour,  en  1831,  elle  repa- 
rut le  17  mai  dans  Fidelio,  et  ensuite  dans  Oberon,  Don  Juan, 
Euryanlhe.  Les  journaux  du  temps  constatent  que  dans  la  grande 
scène,  qui  constitue  presque  tout  le  rôle  de  Rezia,  d'Oberon,  et 
ne  dure  pas  moins  de  dix  minutts,  Mme  Schroeder  supportait 
son  accablant  fardeau  sans  un  symptôme  de  fatigue,  et  que  le  finale 
du  second  acte  à'Euryanthe  lui  fournissait  l'occasion  d'atteindre  au 
plus  haut  degré  de  l'expression  tragique,  en  dominant  merveilleuse- 
ment la  niasse  chorale  par  l'éclat  de  sa  voix.  Notre  artiste  n'avait  à 
combattre  alors  qu'une  rivalité  dans  la  faveur  publique,  c'était  celle 
de  Paganini,  que  Paris  ne  connaissait  pas  encore,  et  qui  donnait 
des  concerts  dans  la  salle  de  l'Opéra.  Nous  lisons  dans  la  chronique 

(1)  Voir  les  n"  2/j,  26,  27,  35  et  43. 


musicale  du  Journal  des  Débats  que  si  Paganini  avait  rencontré  des 
âmes  insensibles  aux  prodiges  de  son  art,  Mme  Schroeder  les  avait 
toutes  subjuguées  par  la  puissance  de  la  mélodie  aidée  du  charme 
de  deux  beaux  yeux.  Le  rédacteur  (Castil-Blaze)  ajoutait  que  le 
costume  avait  aussi  une  grande  importance,  et  que  Mme  Schroeder 
était  admirable  dans  celui  de  Fidelio. 

«  On  assure,  d  sait-il  encore,  qu'un  engagement  doit  être  bientôt 
conclu  pour  l'élever  au  rang  d'héritière  des  artistes  célèbres  crui 
ont  fait  l'ornement  de  l'Académie  royale  de  musique',  Mlles  le  Ro- 
chois,  Maupin,  Laguerre,  Sophie  Arnould,  Saint-Huberty  et  Branchu. 
Le  directeur  du  grand  Opéra  fera  bien  de  s'assurer  promptement 
une  si  précieuse  conquête.  C'est  la  seconde  fois  que  la  chance  d'un 
tel  engagement  se  présente  â  lui,  et  il  serait  bien  imprudent  d'at- 
tendre qu'elle  revînt  une  troisième.  » 

Ce  conseil  ironique  eut  tout  le  succès  que  l'auteur  en  espérait 
peut-être  :  l'engagement  avec  le  grand  Opéra  ne  se  conclut  pas. 
Les  circonstances  devenaient  de  plus  en  plus  difficiles,  et  l'excessive 
chaleur  du  mois  de  juillet  vint  mettre  un  terme  aux  représentations 
allemandes.  L'une  des  plus  brillantes  avait  été  donnée  le  22  juin, 
au  bénéfice  d'Haitzinger.  Mme  Schroeder  y  avait  joué  le  premier 
acte  de  Don  Juan,  et  le  second  de  Fidelio  ;  elle  se  disposait  à  quit- 
ter Paris,  lorsque  le  directeur  du  théâtre  Italien,  Robert,  dont  l'as- 
sociation avec  Severini  devait  être  si  heureuse,  entama  avec  elle  une 
négociation,  qui  se  termina  par  un  engagement,  signé  le  9  juillet, 
pour  la  saison  d'hiver  1831-1832.  De  bonne  foi,  c'était  pour  notre 
artiste  une  rude  et  périlleuse  entreprise  que  d'entrer  dans  une 
troupe  qui  comptait  des  cantatrices  telles  que  Mmes  Pasta,  Malibran  ; 
des  ténors  tels  que  Rubini,  Bordogni  ;  et  des  basses  comme  Labla- 
che, tous  artistes,  dont  le  voisinage  ne  pouvait  que  rendre  plus 
saillants  des  défauts  d'art  et  de  méthode.  En  outre,  elle  devait 
chanter  dans  trois  ouvrages  nouveaux,  Anna  Bolena,  le  Pirate,  la 
Somnambule,  et  consentir  à  ne  paraître  dans  le  rôle  d'Imogène,  du 
Pirate,  qu'après  Mme  Pasta. 

La  saison  commença  le  1er  septembre,  par  Anna  Bolena,  que 
chantaient  Rubini,  Lablache,  Mmes  Pasta  et  Tadolini.  Le  Matrimonio 
segreto,  avec  Lablache  et  Rubini  ;  Tancredi,  avec  Mmes  Pasta,  Tado- 
lini, et  Rubini  dans  le  rôle  d'Argire,  furent  donnés  ensuite.  Le 
1er  novembre  seulement,  Mme  Schroeder  débuta  par  le  rôle  de 
dona  Anna,  dans  Don  Juan,  à  côté  de  Lablache,  qui  chantait  le 
rôle  principal  ,  et  de  Rubini  qui  chantait  celui  de  dono  Ottavi  ; 
Mmes  Tadolini  et  Caradori  remplissaient  les  rôles  d'Elvire  et  de  Zer- 
line,  Graziani  celui  de  Leporello.  Il  faut  l'avouer,  Mme  Schroeder 
passa  presque  inaperçue,  ou  du  moins  l'impression  qu'elle  produisit 
alla  bientôt  se  perdre  dans  l'émotion  bien  autrement  vive  excitée  par 
Mme  Malibran,  qui,  le  8  novembre,  chanta  dans  la  Gazza  ladra  le 
rôle  de  Ninetta,  et  qui,  tout  d'abord,  fut  rangée  au  nombre  des 
déesses. 

Ici  se  place  l'anecdote  racontée  par  Claire  de  Glumer  dans  ses  sou- 
venirs et  relative  à  une  représentation  à'Otello,  que  Mme  Malibran 
donnait  à  son  bénéfice.  Pour  piquer  la  curiosité,  Mme  Malibran  avait 
imaginéde  jouer  le  rôle  du  More,  ellequi  tant  de  fois  s'était  montrée  dans 
celui  de  Desdemone,  confié  pour  cotte  fois  à  Mme  Devrient.  Il  paraî 
trait  que  dans  une  représentation  précédente  de  Don  Juan,  où 
Mme  Schroeder  chantait  le  rôle  de  Dona  Anna  et  Mme  Malibran  celui 
de  Zerline,  celle-ci  s'élait  plainte  amèrement  de  ce  que  les  Parisiens 
lui  avaient  départi  leurs  bravos  moins  largement  qu'à  la  cantatrice 
allemande.  Cela  criait  vengeance,  mais  tous  les  efforts  tentés  par 
Mme  Malibran-Otello  pour  couler  à  fond  sa  rivale  n'empêchèrent  pas 
Schroeder-Desdemone  de  lui  tenir  tète  pendant  les  trois  actes,  et  ce 
fut  seulement  à  la  lin  du  troisième  que  Ja  vindicative  Espagnole 
trouva  moyen  d'introduire  un  coup  de  théâtre  capable  d'amoindrir  le 
gUccès  de  l'artiste  allemande,  en  la  jetant  dans  une  situation  ridi- 
cule.  Desdemone  devait  être  frappée  par  Otello,  et  ce  forfait  de  la 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


jalousie  s'était  accompli  si  près  de  la  rampe  que  la  toile,  en  s'abais- 
sant,  n'eût  pas  manqué  d'atteindre  le  visage  de  Mme  Schroeder,  si  le 
machiniste  ne  s'en  fût  aperçu  à  temps  et  n'eût  retardé  la  manœuvre. 
Le  public,  ne  comprenant  pas  le  pourquoi  de  ce  relard,  avait  fini 
par  crier  :  à  bas  le  rideau  !  On  se  figure  la  position  pénible  de  la 
pauvre  Desdemone,  essayant  tant  bien  que  mal  de  se  dérober  au 
péril  qui  la  menaçait,  et  n'y  parvenant  qu'au  milieu  des  accès  d'un 
fou  rire  !  Il  y  avait  bien  là  de  quoi  détruire  l'effet  de  la  plus  belle 
soirée,  et  voilà  ce  qui  s'appelle,  selon  Claire  de  Glumer,  une  ven- 
geance de  la  Malibran! 

Nous  avons  raconté  le  fait,  mais  nous  nous  permettrons  de  ne  pas 
y  croire.  A  ce  fâcheux  souvenir,  opposons  celui  de  la  douleur  que 
témoigna  Mme  Schroeder  en  apprenant  à  Dresde,  au  printemps  de 
1836,  la  mort  de  sa  glorieuse  ennemie.  A  tous  ceux  qui  vinrent 
alors  la  visiter  et  la  consoler,  elle  se  plaisait  à  dire  combien  elle  avait 
appris  d'elle,  et  comment ,  dans  le  rôle  de  Desdemone  surtout ,  elle 
avait  toujours  devant  les  yeux  l'image  de  l'illustre  défunte  ? 

Paul  SMITH. 
[La  suite  prochainement.) 


LA  MUSIQUE  ET  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AU  XVIIIe  SIÈCLE. 

(3e  article)  (1). 

Il  est  midi.  L'amateur  court  déjà  de  par  la  ville.  N'y  a-t-il  pas  une 
belle  messe  en  musique,  ou  un  Te  Deum  à  Notre-Dame?  En  a-ton 
chanté  de  ces  Te  Deum  sous  Louis  le  Bien-Aimé;  Te  Deum  pour  les 
victoires,  pour  les  défaites,  pour  la  santé  du  roi;  Te  Deum  pour  tout 
et  pour  rien,  et  c'étaient  de  magnifiques  solennités  musicales;  et  à 
la  suite  du  Te  Deum  officiel,  chaque  corps  de  métier  faisait  célébrer 
le  sien,  jusqu'à  la  corporation  des  charbonniers  porteurs  d'eau  de 
la  musique  de  la  chambre  et  de  la  chapelle  du  roi,  qui  se  rendirent 
en  cortège  à  l'église  métropolitaine,  tous  habillés  de  blanc,  épée  au 
côté  et  plumet  blanc  au  feutre!  Et  puis,  après  le  Te  Deum,  sur  les 
places,  aux  carrefours  on  dresse  des  estrades  pour  les  concerts  en 
plein  vent.  Les  musiciens  s'escriment  de  leur  mieux;  la  ville  s'em- 
plit de  joyeuses  fanfares.  Lorsque  le  concert  a  lieu  le  soir,  aux  Tui- 
leries, et  qu'entre  chaque  arbre  de  l'avenue  une  terrine  de  suif 
brûle  sur  un  poteau,  quelle  splendeur  !  et  «  le  bel  effet  !  »  Passer 
dédaigneux  à  côté  de  ces  orchestres  populaires  ne  serait  ni  d'un 
bon  gentilhomme,  ni  d'un  amateur  consciencieux.  Et  cependant  le 
temps  presse.  Il  faut  courir  aux  nouvelles  musicales,  chez  Mme  Dou- 
blet de  Persan,  dans  ce  salon  du  couvent  des  Filles-Saint-Thomas, 
berceau  des  faits  divers,  un  salon  qui  tient  le  monde  et  Paris,  la 
veille,  le  jour,  l'Opéra,  la  chaire,  la  comédie,  l'Académie,  les  dan- 
seurs, la  cour  ! 

Les  lunch  artistiques  de  la  haute  société  occupaient  l'après-dînée 
de  l'amateur.  Ces  séances  musicales  et  dramatiques  avaient  leurs 
acteurs  en  renom  qui  allaient  de  cercle  en  cercle,  trouvant  ainsi,  sinon 
la  considération,  du  moins  une  certaine  existence  et  l'accès  auprès 
delà  bonne  compagnie,  où,  sans  cela,  ils  n'auraient  jamais  figuré. 
Parmi  eux  on  citait  Mlle  Delon,  une  Genevoise,  connue  sous  le  nom 
de  marquise  de  Luchet,  et  qui  mourut  dans  la  misère  ;  M.  d'Albaret; 
un  commis  dans  les  fourrages,  contrefaisant  les  Anglais,  et  que 
l'on  appelait  mylord  Gor;  Préville  et  Bellecour,  de  la  Comédie  fran- 
çaise; Laruette  et  Clairval;  l'avocat  Coqueley  de  Chaussepierre  «  le 
sublime  ;  »  un  jeune  peintre  nommé  Touzet,  «  qui,  à  lui  tout  seul 
—  raconte  Grimm  —  exécutait  un  motet  à  grand  chœur  et  à  plein 
orchestre...  Il  se  mettait  derrière  un  paravent  et  imitait  le  chœur 
de  tout  un  couvent  de   religieuses,    avec  un  tel  art  que  l'on  jurait 


(1)  Voiries  n"  Ii2  et  A3. 


qu'il  y  un  avait  une  douzaine,  et  que  l'on  devinait  l'âge,  le  carac- 
tère et  la  physionomie  de  ces  béguines;  »  un  ancien  comédien,  ri- 
val de  Touzet,  Lécluse,  qui  de  ses  imitations  fit  un  spectacle,  en  les 
assaisonnant  de  drôleries  et  de  couplets;  Francœur,  le  violon,  qui 
en  jouait  si  bien  pour  être  caressé  d'un  bien  doux  : 
Adieu,  Francœur,  mon  petit  cœur... 
par  la  Pellissier,  la  très-impertinente  Pellissier  qui  avait  épousé  le 
directeur  du  théâtre  de  Rouen,  et  se  vantait  de  posséder  le  mari  le 
moins  Dandin  de  Paris;  la  Pellissier,  la  Pilleresse  disaient  un  ana- 
gramme et  les  heureux  qu'elle  faisait,  et  qui  faillit  être  la  cause  que 
Francœur  fût  roué  de  coups  de  bâton  par  le  valet  de  Dulis  ; 
M.  de  Pont  de  Veyle,  «  vieillard  étrange  et  morose,  —  écrit  Horace 
Walpole,  —  mais  qui  possédait  Fart  de  parodier.  Unique  en  ce  genre, 
il  avait  composé  des  paroles  sur  de  grands  airs  de  danse,  et  adapté 
de  la  musique  à  la  fable  de  Daphnis  et  Chloé,  rendue  ainsi  dix  fois 
plus. . .  ljgcre;  mais  il  était  si  vieux  et  il  chantait  si  bien  que  dans 
les  meilleures  sociétés  on  voulait  l'entendre.  »  Ce  M.  de  Pont  de 
Veyle  mit  les  gens  de  condition  dans  le  goût  de  faire  des  opéras- 
comiques.  Malgré  l'hémistiche  flatteur  de  Voltaire,  cela  ne  porta  pas 
bonheur  au  chevalier  de  Brassac.  Les  récitatifs  de  son  Triomphe  de 
l'Amour,  début  de  Géliotte ,  étaient  écrits  si  bas  que  l'on  disait  : 
«  Le  musicien  l'a  fait  par  politesse  pour  l'auteur  des  paroles  qu'on 
n'entend  pas.  » 

Le  soir  arrive.  L'amateur  n'a  que  le  temps  de  courir  à  l'Opéra, 
dont  le  rideau  se  lève  à  6  heures.  Ce  que  l'on  y  faisait,  nous  le 
verrons.  A  la  sortie,  les  soupers  s'organisent;  on  se  cherche,  on 
s'invite  ;  on  enrôle  comédiens  et  chanteurs ,  troupe  enjouée  qui  ap- 
porte l'esprit  et  le  rire  au  bon  vin  de  la  bonne  compagnie  ;  on  met 
la  main  sur  quelques  musiciens  des  gardes  françaises  ou  de  Royal- 
Cravate  ;  on  se  procure  quelque  joyeux  faiseur  de  vers  qui  ne  pré- 
tend qu'à  mettre  un  refrain  sans  façon  sur  les  lèvres,  et  les  chan- 
sons et  les  musiques  durent  à  la  table  de  l'amphitryon  jusqu'au  bout 
des  nuits  longues. 

Ils  sont  nombreux,  dans  le  Paris  du  xvnr9  siècle,  ceux  qui  vécu- 
rent de  cette  vie  agitée  du  dilettantisme.  Leur  galerie  compte  plus 
d'un  portrait  d'hommes  qui  ont  rendu  des  services  à  l'art. 

C'est  entre  autres  le  comte  de  Caylus,  qui  conduisit  une  décoration 
à  l'Opéra,  «  qui  rêva  la  réforme  de  la  mécanique  au  théâLre,— l'abbé 
de  Conti  nous  apprend  qu'il  fit  plus  que  d'y  rêver,  —  qui  songea  à 
mener  le  spectacle  beaucoup  plus  loin,  à  faire  du  grand,  à  joindre, 
pour  la  surprise  et  l'illusion,  l'exactitude  et  l'imagination  d'un  poëte 
et  d'un  peintre.  »  C'est  le  comte  de  Lauraguais,  de  l'Académie  des 
sciences,  auquel  on  doit  d'avoir  fait  retirer  les  banquettes  de  la 
scène.  C'est  aussi  la  margrave  de  Bareith,  excellente  musicienne, 
qui,  à  Paris  comme  en  Allemagne,  occupe  ses  loisirs  par  des  opéras, 
des  chanteurs  et  des  cantatrices,  et  que  son  frère,  Frédéric  le  Grand 
aime  à  entretenir  de  ses  concertos  et  de  sa  musique.  C'est  le  gra- 
veur Le  Bas,  violoniste  habile,  et  qui  était  à  préluder  le  premier  de 
son  temps.  Il  arriva  que  le  concert  tardant  un  soir  chez  M.  Crozat, 
dont  Watteau,  par  quatre  coups  de  crayon,  a  immortalisé  les  fêtes 
délicates,  Le  Bas  se  mit  à  préluder  ;  M.  Crozat  courut  l'embrasser  : 
«  Ah!  M.  Le  Bas,  que  je  suis  enchanté  de  la  découverte;  vous 
allez  remplacer  mon  premier  violon  !  »  Le  Bas  accepta.  La  salle  était 
au  rez-de-chaussée  ;  le  timide  brave  homme  avait  comploté  de  sauter 
et  de  s'échapper  au  dernier  moment.  Enfin,  le  violon  arriva,  et  le 
pauvre  Le  Bas  fut  sauvé. 

En  ces  années  de  «  fines  régalades  d'oreille,  »  le  dilettantisme  a 
également  ses  grotesques  et  ses  excentriques.  Regardez  passer  dans 
son  carrosse  le  vieux  Verthamon,  premier  président  du  grand  con- 
seil :  la  musique  a  fêlé  son  cerveau.  Il  est  en  robe  et  en  rabat,  le 
cordon  bleu  au  cou,  sans  perruque,  une  cornette  de  nuit  de  femme 
sur  la  tête,  pinçant  de  la  guitare.  Vous  sourirez  encore  si  vous  ren- 
contrez  au    Palais-Royal  le  comte    de  Charolais,    en  costume  de 


DK  PARIS. 


349 


chasse,  composant  une  fanfare  en  marchant  à  grands  pas,  «  tandis 
qu'on  porte  le  bon  Dieu  à  la  duchesse  d'Orléans,  »  ajoute  Barbier. 
Et  cet  abbé  Perretty,  un  ancien  jésuite,  un  mélomane,  qui  avait 
une  dent  de  l'Héloïse  d'Abeilard,  montée  en  or  et  pendue  aux  bre- 
loques de  sa  montre  !  Et  tous  ces  originaux  qui  changeaient  en  par- 
lement musical  le  café  Gradot  et  le  cabaret  de  la  Cornemuse,  célèbre 
par  la  soif  des  musiciens  et  des  danseurs  du  temps!  Et  M.  d'Har- 
noncourt  et  le  président  de  Saint-Lubin,  «  bien  connus  pour  aider 
les  parents  a  faire  apprendre  le  chant  et  la  danse  à  leurs  jeunes 
ûlles.  » 

Le  xvine  siècle  a  légué  de  ces  Mér ènes-là  au  nôtre.  L'humanité  se 
reproduit  sans  cesse  dans  des  êtres  doués  d'une  môme  ressemblance 
et  frappés  à  la  même  effigie.  Mais  pour  un  Caton  que  d'Alcibiades ; 
pour  un  sage,  que  de  protecteurs  de  l'art. . .  au  féminin  ! 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
(La  suite  prochainement.) 


Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  les  lettres  de  M.  Fétis  père  publiées 
l'année  dernière  dans  ce  journal  au  sujet  de  la  Marseillaise.  La 
lettre  suivante  adressée  à  M.  Georges  Kastner  nous  paraît  destinée  à 
clore  le  débat. 

«  Paris,  le  27  octobre  186A. 
«  Cher  monsieur  Kastner, 

»  La  question  du  véritable  auteur  de  la  musique  de  la  Marseil- 
laise, soulevée  à  l'occasion  d'un  exemplaire  imprimé  en  1793,  avec 
le  nom  de  Navoigille,  lequel  est  en  ma  possession  ;  cette  question, 
dis-je,  se  trouve  résolue  en  faveur  de  Rouyet  de  Liste  par  l'exem- 
plaire original  que  vous  avez  bien  voulu  me  communiquer  hier  du 
Chant  de  guerre  pour  l'armée  du  Rhin,  dédié  au  maréchal  Lukner 
(sic)  ;  à  Strasbourg,  de  V imprimerie  de  Ph.  de  Dannebach,  impri- 
meur de  la  municipalité.  Une  demi-feuille  in-4°  oblong,  imprimée 
en  caractères  mobiles  de  musique. 

»  Bien  que  cet  exemplaire  ne  porte  point  de  date,  il  est  évident 
qu'il  appartient  à  la  première  moitié  de  l'année  1792,  puisque  le 
maréchal  Lukner  fut  privé  de  son  commandement  après  le  10  août 
de  la  même  année,  et  périt  finalement  par  la  hache  révolutionnaire. 

»  Lorsque  j'ai  soulevé  la  question  dont  il  s'agit,  j'ai  dit  dans  la 
Gazette  musicale  de  Paris,  et  j'ai  répété  dans  le  septième  volume 
de  la  nouvelle  édition  de  la  Biographie  universelle  des  musiciens 
(article  Rouget  de  Liste),  qu'un  document,  à  savoir  l'original  de 
l'hymne  avec  la  musique  connue,  ayant  les  caractères  de  l'authen- 
ticité, pouvait  seul  mettre  fin  à  toute  contestation  :  ce  document, 
vous  l'avez  mis  sous  mes  yeux.  Dès  ce  moment,  tous  les  doutes  sont 
dissipés,  et  toute  polémique  doit  cesser.  Je  vais  faire  des  cartons 
pour  le  septième  volume  de  la  Biographie  des  musiciens,  et  j'y  éta- 
blirai, comme  je  l'ai  fait  dans  la  première  édition  de  cet  ouvrage,  que 
Rouget  de  Lisle  est  le  véritable  auteur  de  la  poésie  et  de  la  musique 
de  la  Marseillaise. 

»  le  vous  autorise  à  faire  de  ma  lettre  l'usage  que  vous  croirez 
convenable. 

»  Agréez,  cher  Monsieur,  l'assurance  de  mes  sentiments  affec- 
tueux. 

»  FÉTIS  père.  » 

Du  reste  nous  pouvons  annoncer  la  prochaine  publication  d'un  ou- 
vrage complet  sous  ce  titre  :  la  Marseillaise,  étude  historique  et 
musicale,  précédée  d'une  notice  sur  Rouget  de  Lisle,  sa  vie  et  ses 
œuvres,  par  Georges  Kastner,  de  l'Institut. 


Au  nombre  des  questions  importantes  agitées  devant  le  Congrès  mu- 
sical italien  réuni  à  Naples,  celle  qui  concerne  la  propriété  littéraire  et 
musicale  devait  venir  en  première  ligne.  M.  Teodoro  Cottrau,  de  Na- 
ples, a  présenté  sur  ce  sujet  un  projet  de  loi  qui  a  été  l'objet  d'une 
très-intéressante  délibération  ,  dans  laquelle  il  a  prononcé  deux  dis- 
cours devant  un  auditoire  nombreux  et  compétent.  Voici  les  points 
principaux  du  projet  qui  a  été  voté  avec  quelques  modifications  : 

—  La  propriété  des  héritiers  ou  des  ayants  droit  des  auteurs,  est  ga- 
rantie pendant  cinquante  ans  apri.s  la  mort  de  ces  derniers. 

—  La  reproduction,  sous  n'importe  quelle  forme,  et  même  partielle 
ou  variée,  est  interdite. 

—  L'exécution  dans  les  établissements  publics  avec  billets  payants  est 
assimilée  à  la  représentation  dans  un  théâtre. 

—  Le  taux  des  droits  d'auteur  reste  fixé  à  40  0/0  sur  la  recette  brute. 
Une  proportion  est  établie  pour  les  spectacles  mixtes  et  variés.  Une 
autre  proportion  alloue  deux  tiers  à  l'auteur  de  la  musique,  et  le  der- 
nier tiers  à  celui  du  poëme  ou  de  la  chorégraphie. 

—  Les  directeurs  et  les  propriétaires,  soit  des  théâtres,  soit  des  éta- 
blissements publics,  sont  solidairement  responsables,  aussi  bien  pour  le 
payement  des  droits  d'auteurs  que  pour  tous  les  dommages  et  intérêts 
dont  ils  deviennent  passibles  s'ils  n'ont  pas  égard  aux  notifications  faites 
en  temps  utile,  et  selon  les  formes  voulues  par  le  Journal  officiel  du 
Royaume  et  par  le  Bulletin  international  des  Droits  d'auteur,  feuille  dont 
la  création  est  incidemment  proposée  au  Congrès. 

—  Les  auteurs  ou  leurs  ayants  droit,  ces  notifications  une  fois  faites 
peuvent  obtenir  l'interdiction  de  la  représentation,  la  saisie  de  la  re- 
cette, et  la  confiscation  des  parties  d'orchestre  ou  de  chant. 

Le  Congrès  a  adopté  de  même  la  fondation  d'un  prix  annuel  de 
2,000  francs,  consacré  à  un  concours  de  composition  pour  la  musique 
chorale,  et  offert  par  M.  Teodoro  Cottrau,  comme  encouragement  dans 
cette  voie  artistique  fort  délaissée  en  Italie. 

Le  fondateur  du  prix  a  été  nommé  secrétaire  du  comité  permanent, 
qui  a  été  ensuite  institué  pour  le  renouvellement  périodique  et  annuel 
de  la  réunion  du  Congrès  musical  dans  les  principales  villes  d'Italie 
choisies  à  tour  de  rôle. 

L'année  prochaine,  le  Congrès  se  réunira  à  Bologne. 


NOUVELLES. 

»%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné,  cette  semaine,  encore 
trois  fois  Roland  à  Roncevaux.  —  Aujourd'hui,  par  extraordinaire  on 
jouera  la  Juive.  ' 

„*„  Mlle  Marie  Battu  rentrera  cet  hiver  à  l'Opéra  par  le  rûle  d'Anaï 
de  Moïse;  c'est  à  tort  qu'un  journal  a  annoncé  qu'elle  chanterait  celui 
de  la  princesse  dans  la  reprise  de  la  Muette  qui  se  prépare  en  ce 
moment. 

***  Mlle  Guglielmina  Salvioni,  que  l'Opéra  vient  d'engager,  est  arrivée 
à  Paris.  M.  de  Saint-Georges  remanie  son  ballet  la  Maschera,  dans  le- 
quel doit  débuter  cette  danseuse,  qui  nous  vient  précédée  de  succès 
éclatants  obtenus  en  Italie  et  en  Angleterre. 

*%  On  se  rappelle  le  succès  qu'a  obtenu  la  dernière  reprise  de  la 
Muette  de  Porlici;  nous  ne  tarderons  pas  à  la  revoir.  Morère  y  chantera 
le  rôle  de  Pietro,  et  Mlle  Vernon  y  reprendra  son  rôle  de  Fenella. 

***  Dans  la  semaine,  aura  lieu  la  première  représentation  du  Trésor  de 
Pierrot,  de  MM.  Cormon  et  Trianon,  musique  de  M.  Eugène  Gautier.  Mon- 
taubry  y  remplit  le  principal  rôle  qui  n'est  pas  celui  d'un  Pierrot  de  la 
comédie  italienne,  mais  d'un  simple  paysan,  dans  lequel  on  dit  que 
l'excellent  artiste  de  l'Opéra-Comique  se  montrera  charmant. 

»%  Nous  avions  été  des  premiers  à  annoncer  que  les  bruits  répandus 
sur  les  conséquences  que  la  maladie  de  Mme  Cabel  avait  eues  quant  à 
sa  voix  avaient  été  fort  exagérés.  On  a  pu  en  juger  cette  semaine  en 
entendant  la  célèbre  cantatrice  chanter  l'un  des  rôles  dans  lequel  elle 
avait  obtenu  le  plus  de  succès,  celui  de  Galatée,  et  se  convaincre 
qu'elle  n'avait  jamais  été  mieux  en  possession  des  qualités  qui  ont  fait 
sa  réputation.  La  soirée  a  été  pour  elle  un  véritable  triomphe.  Elle  a 
dû  répéter  la  fameuse  chanson  à  boire  du  deuxième  acte,  et  on  l'a  rap- 
pelée après  le  premier  acte  et  à  la  chute  du  rideau.  Une  indisposition 
subite  de  Gourdin,  qui  devait  chanter  le  rôle  de  Pygmalion,  avait  mis 
la  direction  dans  un  grand  embarras.  Mlle  Wertheimber  l'en  a  fort 
heureusement  tirée  en  s'offrant  pour  remplir  ce  rôle,  qu'elle  a  créé  à 
l'origine  d'une  façon  si  remarquable,  et  dans  lequel  elle  a  retrouvé  son 
succès  du  premier  jour.  Mlle  Wertheimber  n'ayant  voulu  accepter  au- 


350 


REVlrE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


cune  rétribution  pour  cet  acte  de  complaisance,  MM.  de  Leuven  et 
Bitt  ont  fait  remettre  à  l'artiste,  en  témoignage  de  leur  gratitude,  une 
parure  de  turquoises  et  perles  fines.  Sainte-Foy  et  Ponchard  ont  re- 
marquablement concouru  au  succès  de  cette  reprise,  qui  avait  attiré 
beaucoup  de  monde.  Mme  Cabel  n'a  plus  que  deux  fois  à  en  interpréter 
le  rôle  principal.  Gourdin  a  repris  à  la  troisième  représentation  celui 
de  Pygmalion. 

**„  Les  sœurs  Marchisio  sont  arrivées  à  Paris;  elles  reparaîtront  au 
théâtre  Italien  le  1er  novembre. 

*%  Une  représentation  extraordinaire  au  bénéfice  de  l'acteur  Bouffé 
se  prépare  à  l'Opéra,  pour  le  17  novembre.  Elle  se  composerait,  sauf 
modifications  ultérieures,  d'un  acte  de  Moïse,  avec  Faure,  Mlle  Battu, 
et  du  ballet  de  cet  opéra;  de  la  Fille  de  l'avare,  par  Bouffé,  avec  Mme 
Victoria  Lafontaine ,  Delaunay  et  Lesueur;  d'un  acte  du  Mariage  de 
Figaro,  avec  Mlle  Déjazet  dans  le  rôle  de  Chérubin  ;  d'une  pièce  du 
Gymnase  et  d'un  intermède  dans  lequel  paraîtraient  Frédéric  Lemaitre 
et  Roger. 

**»  Les  représentations  du  théâtre  Italien  se  sont  composées  cette 
semaine  de  Rigoletto,  de  la  Traviata  et  de  Don  Pasquale.  —  Mardi, 
1er  novembre,  on  donnera  il  Barbiere,  et  mercredi  2,  la  première  repré- 
sentation de  Iloberto  Devereux,  par  Mines  de  la  Grange,  Vander-Beek, 
MM.  Fraschini  et  Delle-Sedie,  et  la  première  représentation  d'un  diver- 
tissement en  un  acte  de  M.  David  Costa,  musique  de  M.  Mattiozzi,  dansé 
par  Mmes  Grédelue,  Mérante,  Urban,  Troisvallets,  MM.  Costa,  Grédelue- 
Maroig;  ensemble  par  les  sujets  de  la  danse  et  les  artistes  du  corps  de 
ballet.  —  Aujourd'hui  dimanche  relâche.  —  Une  pièce  qu'on  n'a  pas 
jouée  depuis  longtemps  à  Paris.  Linda  di  Chamouni,  de  Donizetti, 
sera  reprise  incessamment,  et  Adelina  Patti  chantera  le  principal  rôle; 
celui  de  Pierroto  sera  rempli  par  Mme  de  Meric-Lablache  ;  Naudin, 
Délie  Sedie,  Scalese,  Antonucci  rempliront  les  autres. 

***On  annonce  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  la  reprise  d'un  opéra- 
comique  de  Gustave  Vaez,  musique  de  Gevaert,  Georgette,  jouée  primi- 
tivement au  théâtre  Lyrique,  de  l'Homme  entre  deux  âges  et  des  Petits 
Prodiges. 

»%  Les  hostilités  ont  commencé  entre  J.  Offenbach  et  la  nouvelle 
direction  des  Bouffes  parisiens  ;  les  tribunaux  sont  appelés  à  pronon- 
cer sur  ces  différends  regrettables. 

t%  L'ouverture  du  théâtre  Saint-Germain  annoncée  pour  cette  se- 
maine n'aura  lieu  que  le  mois  prochain. 

*%  A  la  suite  d'une  scène  plus  tumultueuse  encore  que  celles  qui 
avaient  précédé,  le  théâtre  royal  italien  de  Madrid  a  du  fermer  ses 
portes.  La  cabale  qui  a  fini  par  triompher,  s'attaquait  à  la  direction, 
et  cependant  celle-ci  avait  fait  annoncer  l'engagement  de  plusieurs 
artistes  de  talent,  tels  que  Mario,  Gassier  et  Mme  Eleonora  Grossi,  con- 
tralto fort  apprécié  du  théâtre  de  Sa  Majesté  à  Londres.  C'est  sans 
doute  le  cas  d'appliquer  à  cet  incident  le  proverbe,  quand  on  veut  tuer 
son  chien,  etc.  Toutefois  il  n'eu  constitue  pas  moins  un  embarras  sé- 
rieux et  immérité  pour  M.  Bagier. 

»%  En  parlant  il  y  a  quelque  temps  de  la  troupe  allemande  qui  a 
donné  à  Bruxelles  des  représentations  si  brusquement  interrompues, 
nous  avons  donné  des  éloges  mérités  au  talent  de  la  première  chanteuse, 
Mlle  Lichtmay.  Son  talent  r.vait  attiré  l'attention  de  M.  Letellier  qui 
a  eu  l'idée  de  la  faire  débuter  au  théâtre  de  la  Monnaie.  Elle  y  a  chanté 
en  allemand  le  rôle  de  Léonore,  du  Trouvère,  et  de  Valentine,  des  Hu- 
guenots, tandis  que  ses  camarades  chantaient  en  français.  Malgré  l'é- 
trangeté  et  la  témérité  de  cette  tentative,  la  belle  voix  de  Mlle  Licht- 
may, la  puissance  de  son  organe  sonore,  le  sentiment  dramatique  dont 
elle  est  douée  à  un  haut  degré,  ont  captivé  de  suite  l'attention  de 
l'auditoire  qui  l'a  applaudie  avec  un  entrain  extraordinaire,  et  rap- 
pelée avec  acclamations  après  le  duo  du  quatrième  acte  des  Hugue- 
nots. 

***  Le  concours  entre  les  lauréats  de  l'Institut  pour  l'opéra  destiné 
à  être  joué  au  théâtre  Lyrique  impérial,  devait  être  jugé  hier  samedi. 
A  11  heures,  le  jury  choisi  par  les  concurrents  eux-mêmes  est  entré 
en  séance  dans  la  petite  salle  du  Conservatoire  ;  il  se  composait  de 
MM.  Auber,  président;  Reber,  Félicien  David,  prince  Poniatowski,  Gou- 
nod,  Maillard,  Victor  Massé.  Sur  les  cinq  partitions  qui  devaient  être 
exécutées,  on  n'a  pu  en  entendre  que  trois,  celles  de  MM.  Samuel  Da- 
vid, Conte  et  Dubois.  La  première  était  chantée  par  MM.  Michot,  Da- 
vid (de  l'Opéra)  et  Mme  Michot;  la  seconde  par  MM.  Capoul,  Crosti  et 
Mlle  Daram;  la  troisième  par  MM.  Villaret,  Troy  et  Mme  Genetier.  On 
entendra  mardi  prochain  la  quatrième  partition,  qui  est  de  M.  Paladilhe, 
et  la  cinquième,  dont  l'auteur  est  M.  Barthe.  On  sait  que  le  libretto  a 
pour  titre  et  pour  sujet  la  Fiancée  d'Abydos,  de  lord  Byron. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  3t)  octobre,  au  Cirque  Napoléon,  boulevard 
des  Filles-du-Calvaire,  à  2  heures,  deuxième  concert  populaire  de  musi- 
que classique,  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  En  voici  le  programme  : 
Ouverture  à'Athalie,  Mendelssohn.  —  Symphonie  pastorale,  Beethoven. 

—  Ouverture  des  Joyeuses  Commères  de  Windsor  (l™  audition),   Nicolaï. 

—  Adagio  du  quintette  (op.  408),  Mozart,  exécuté  par  M.  Grisez  (clari- 
nette), et  tous  les  instruments  à  cordes. —  Symphonie  n°  2,  Haydn. —  In- 
troduction, allegro  vivace,  andante,  menuet,  finale. 


s**  Les  concerts  populaires  de  musique  classique  ont  inauguré,  di- 
manche dernier,  leur  quatrième  année.  La  foule  ne  s'est  pas  montrée 
moins  exacte  au  rendez-vous  qu'il  n'y  avait  lieu  de  l'espérer,  et  elle 
n'a  pu  que  se  féliciter  de  son  empressement.  Sans  doute,  en  plaçant  au 
milieu  de  son  programme  l'admirable  polonaise  de  Struensée,  Pas- 
deloup avait  voulu  pieusement  honorer  la  mémoire  de  Meyerbeer 
qui  suivait  si  assidûment  ses  intéressantes  matinées.  C'est  Pasdeloup 
qui  nous  avait  fait  entendre  pour  la  première  fois  le  chef-d'œuvre,  il  y 
a  plusieurs  années,  dans  la  petite  salle  de  la  rue  de  la  Victoire;  mais 
il  n'avait  jamais  pu  l'exécuter  avec  autant  de  précision,  d'élégance,  de 
verve  et  d'éclat  qu'il  l'a  fait  l'autre  dimanche,  aux  applaudissements 
de  tout  l'auditoire.  Une  des  premières  symphonies  d'Haydn  (la  quator- 
zième) formait  par  la  simplicité,  la  fraîcheur  naïve  des  idées,  le  plus 
parfait  contraste  avec  la  gigantesque  symphonie  en  ut  mineur  de  Bee- 
thoven, et  ce  n'était  pas  le  moindre  attrait  du  programme,  auquel  We- 
ber  avait  fourni  sa  Jubel-ouverture  et  Mozart  un  fort  bel  andante. 

***  Par  arrêté  du  23  de  ce  mois,  M.  Charles  Mohr  a  été  nommé  pro- 
fesseur de  cor  au  Conservatoire,  en  remplacement  de  M.  Gallay,  dé- 
cédé. 

**.,,  Mlle  Adrienne  Peschel,  qui  figurait  dans  le  dernier  grand  concert 
de  Bade,  y  a  exécuté,  aux  grands  applaudissements  de  l'auditoire,  une 
valse  de  Chopin,  une  étude-caprice  de  de  Bériot  fils  et  la  grande  valse 
de  concert  de  J.  Wieniawski.  La  jeune  artiste  est  partie  pour  Nice,  où 
elle  a  des  engagements  à  remplir. 

é*t  M.  Buckley,  violoniste  et  chef  d'orchestre  de  mérite,  dont  les  œu- 
vres et  l'individualité  ont  été  populaires  à  Boston,  vient  de  mourir  dans 
cette  ville.— Nous  avons  également  à  enregistrer  la  mort  subite  du  vio- 
loncelliste Grunwald,  à  Pesth,  et  celle  du  directeur  de  musique  Montag 
à  Weimar. 

***  Après  s'être  fait  successivement  entendre  à  Trieste,  à  Gratz  et  au 
concert  du  Gevantlhaus  à  Leipzig,  Alfred  Jaëll  s'est  rendu  à  Prague,  où 
il  a  pris  part,  avec  Vieuxtemps,  aux  deux  concerts  que  vient  d'y  don- 
ner Carlotta  Patti  avec  un  immense  succès.  Deux  autres  concerts,  pour 
lesquels  toutes  les  places  étaient  louées  d'avance,  étaient  annoncés  pour 
le  25  et  le  26.  Si  Carlotta  Patti  a  été  portée  aux  nues  par  la  foule 
énorme  accourue  pour  l'entendre,  Alf.  Jaëll  et  H.  Vieuxtemps  l'ont  di- 
gnement secondée  et  ont  excité  une  admiration  enthousiaste.  Les  trois 
vaillants  artistes  sont  maintenant  à  Dresde,  où  a  dû  avoir  lieu  le  28 
leur  premier  concert.  La  salle  des  bains  de  Linke  où  se  donne  les 
concerts  de  Carlotta  Patti  étant  située  hors  la  ville,  M.  Ullmann  y 
fait  conduire  gratuitement  toutes  les  personnes  qui  veulent  s'y  ren- 
dre. Dans  cinq  endroits  de  la  ville,  M.  Ullmann  fait  stationner  des  om- 
nibus au  nombre  de  vingt-quatre,  contenant  chacun  vingt  personnes,  et 
dans  lesquels  est  admise,  tant  pour  l'aller  que  pour  le  retour,  toute 
personne  munie  d'une  carte  d'entrée  au  concert.  —  Alfred  Jaëll  compte 
être  de  retour  pour  la  mi-janvier. 

***  M.  Marchesi,  l'excellent  baryton,  est  parti  cette  semaine  pour 
Londres,  où  il  est  engagé  pour  chanter  en  anglais  pendant  tout  l'hi- 
ver, au  théâtre  de  Sa  Majesté.  11  débutera  par  le  rôle  de  Méphistophélès, 
dans  Faust,  qu'il  a  déjà  joué  avec  grand  succès  l'année  dernière.  Il 
emploiera  le  congé  de  trois  semaines,  que  lui  vaudront  les  fêtes  de 
Noël,  pour  venir  chanter,  avec  Mme  Marchesi,  aux  grands  concerts  que 
Félicien  David  organise  à  Paris.  Le  couple  chantant  est  aussi  engagé  à 
Gand  pour  un  festival  qui  aura  lieu  au  mois  de  janvier  prochain. 

„.**  L'éditeur  Choudens  a  confié  la  traduction  italienne  de  Roland  à 
Roncevaux  aH.  Marchesi,  qui  a  déjà  traduit  plusieurs  opéras  allemands, 
entre  autres  le  Tannhauser,  de  Richard  Wagner. 

*%  La  Gazette  des  Etrangers  fait  mention  d'un  salon  de  réunion  ou- 
vert depuis  quelque  temps  au  Grand  Hôtel,  et  où  l'on  fait  de  bonne  mu- 
sique. On  y  applaudit  particulièrement  une  charmante  cantatrice,  en 
même  temps  excellente  pianiste,  Mme  Cécile  de  Rheimer,  qui  y  a  ob- 
tenu dernièrement  un  grand  succès  en  chantant  la  jolie  romance  de 
Mme  de  Girardin,  l'Etranger,  et  la  mélodie  en  vogue  d'Arsène  Houssaye, 
Jeanne  la  Rousse,  qui  a  si  heureusement  inspiré  Offenbach. 

„.%  Un  de  nos  anciens  collaborateurs,  M.  Damcke,  compositeur 
distingué  et  pianiste  du  roi  de  Hanovre,  écrit  en  ce  moment,  sur 
le  désir  que  lui  en  a  exprimé  son  souverain,  une  grande  symphonie 
qu'il  viendra  diriger  lui-même  en  sa  présence.  En  attendant.  M.  Dam- 
cke vient  d'obtenir  un  succès  d'autant  plus  flatteur  qu'il  lui  était  dé- 
cerné par  une  réunion  d'artistes  éminents  conviés  par  le  grand  vio- 
loncelliste Servais,  à  entendre  un  trio  de  la  composition  de  M.  Damcke, 
exécuté  par  l'auteur,  Léonard  et  Servais,  et  qui  a  produit  la  plus  vive 
sensation. 

**»  Deux  jeunes  violonistes  d'un  grand  talent,  les  frères  Holmes,  sont 
en  ce  moment  à  Paris.  Dans  une  réunion  intime  qui  avait  lieu  ces 
jours-ci  chez  le  célèbre  Ernst,  ils  ont  fait  leur  partie  dans  son  second 
quatuor,  et  joué  plusieurs  duos  avec  une  perfection  et  un  ensemble 
merveilleux.  Ces  deux,  jeunes  artistes  sont  destinés  à  faire  sensation 
s'ils  se  font  entendre  publiquement  à  Paris. 

„**  La  direction  définitive  du  théâtre  du  Lycée  à  Barcelone  vient 
d'engager  Bottesini  comme  chef  d'orchestre;  toutefois  le  célèbre  con- 
tre-bassiste devra  se  mettre  à  la  disposition  de   M.  Willert-Beale,  du 


I>E  PARIS. 


351 


5  janvier  au  15  février,  pour  la  tournée  artistique  qu'il  s'est  obligé  à 
faire  avec  lui  en  Angleterre. 

***  Des  plaques  portant  les  mot  :  Place  de  l'Opéra,  viennent  d'être 
posées  à  l'angle  de  la  rue  Auber,  du  côté  du  boulevard  et  de  la  mai- 
son formant  l'angle  de  la  rue  Halévy. 

**,  On  annonce  le  mariage  prochain  de  Mlle  Schœffcr,  nièce  de 
Mme  Erard,  propriétaire  de  la  célèbre  manufacture  de  pianos  qui  porte 
son  nom,  avec  M.  Ch.  de  Franqueville,  auditeur  au  conseil  d'Etat. 

„%  F.  Burgmuller,  a  qui  l'on  doit  les  célèbres  valses  de  Gizellc  et 
du  Juif  errant,  vient  d'en  composer  une  délicieuse  sur  les  motifs  de 
Lischen  et  Fritzchen,  de  J.  Offenbach. 

*%  Nous  annonçons  le  retour  de  Géraldy  à  Paris.  L'éminent  profes- 
seur de  chant  va  reprendre  ses  leçons,  comme  les  années  précédentes. 

***  Alexandre  Billet,  l'éminent  pianiste  et  professeur,  annonce  des 
cours  pour  la  rentrée  de  la  saison.  Nous  ne  pouvons  que  le  féliciter  de 
son  heureuse  idée.  11  pourra,  de  cette  manière,  initier  un  plus  grand 
nombre  d'élèves  aux  secrets  de  l'art  du  piano  qu'il  possède  à  un  si  haut 
degré. 

„,**  La  danseuse  russe  qui  s'essaya  dans  le  temps  sur  la  scène  de 
l'Opéra,  Mlle  Friedberg,  abandonne  la  carrière  artistique  pour  épouser 
un  jeune  comte  de  Westphalen.  Le  mariage  doit  être  célébré  à  la  fin 
de  ce  mois. 

»%  Au  1er  novembre,  M.  C.  Stamaty  reprendra  les  Cours  d'artistes 
qu'il  a  fondés  à  la  succursale  de  M.  Pleyel-Wolff,  rue  de  Richelieu,  95. 
Ces  cours  s'adressent  spécialement  aux  jeunes  gens  et  aux  jeunes  per- 
sonnes voulant  suivre  la  carrière  artistique  et  professorale.  Les  Cours 
gradués  pour  enfants  et  pour  jeunes  personnes  rouvriront  le  l"  dé- 
cembre. 

*%  Ant.  Rubinstein  compose  en  ce  moment  la  musique  d'un  opéra 
qui  a  pour  titre  Roswitha,  et  dont  M.  M.  Hartmann  a  écrit  les  paroles. 

*%  Ferd.  Hiller  vient  aussi  d'achever  un  opéra  dont  il  a  fait  en- 
tendre des  fragments  à  quelques  amis  et  qui  serait  une  œuvre  très- 
remarquable. 

***  M.  Henry  Herwyn  va  commencer  le  3  décembre  la  cinquième 
année  de  son  cours  d'éducation  musicale  pour  les  dames  et  les  demoi- 
selles; ce  cours  aura  lieu  deux  fois  par  semaine  chez  l'excellent  profes- 
seur. 

»**  La  réouverture  du  cours  de  chant  de  M.  Kœnig  aura  lieu,  à  par- 
tir du  5  novembre,  les  mardis  et  samedis,  de  3  heures  et  demie  à  5 
heures  et  demie,  en  son  domicile,  rue  Buffault,  47,  faubourg  Mont- 
martre. 

„**  L'administration  de  l'Exposition  de  l'art  industriel,  aux  Champs- 
Elysées,  annonce  qu'aujourd'hui  dimanche  et  mardi  1er  novembre,  un 
orchestre  d'élite  y  exécutera,  de  1  heure  et  demie  à  k  heures  et  demie, 
des  morceaux  choisis  de  son  répertoire. 

„,*„,  Alfred  Lebeau  vient  de  donner  à  Bayonne,  dans  la  salle  du  théâ- 
tre, un  grand  concert  avec  le  concours  de  Mlles  de  Lapommeraye,  de 
Linières,  de  M.  Jubin  et  de  l'orphéon  de  Sainte-Cécile,  sous  la  direction 
de  M.  Masson.  L'éminent  organiste  s'est  fait  chaleureusement  applau- 
dir dans  deux  morceaux  de  sa  composition  :  Fantaisie  sur  la  Traviata 
et  Appel  aux  pâtres.  Mlle  de  Lapommeraye  a  partagé  son  succès  en 
chantant  la  ballade  de  Charles  VI,  dont  elle  a  dû  répéter  le  dernier 
couplet  aux  bravos  de  la  salle  entière. 

**„.  L'éminent  pianiste-compositeur  W.  Kriiger  est  en  ce  moment  à 
Stuttgard,  où  il  a  été  admis  à  l'honneur  de  jouer  devant  le  roi.  S.  M.  a 
daigné  lui  exprimer  toute  sa  satisfaction  pour  le  plaisir  qu'elle  avait 
éprouvé,  et  accepter  la  dédicace  du  second  concerto  de  sa  composi- 
tion que  W.  Kriiger  a  exécuté  avec  un  succès  remarquable  à  Paris  et 
à  Bruxelles. 

„,*t  La  tombola  organisée  par  le  comité  des  Artistes  dramatiques  s'en- 
richit tous  les  jours  de  lots  précieux.  M.  Del  Peral  vient  d'offrir  pour 
cette  tombola  un  magnifique  exemplaire  richement  relié,  orné  d'un  por- 
trait et  d'un  autographe  de  Cervantes.  Cette  édition,  tirée  à  un  petit 
nombre  d'exemplaires,  a  été  imprimée  dans  la  maison  qui  servait  de  pri- 
son à  l'auteur.— On  trouve  des  billets  chez  les  artistes  de  tous  les  théâtres 
de  Paris,  chez  M.  Thuillier,  trésorier  de  l'œuvre,  68,  rue  de  Bondy,  et 
à  la  librairie  du  Petit  Journal,  21 ,  boulevart  Montmartre. 

***  Le  concert  des  Champs-Elysées  donne  aujourd'hui  dimanche,  de 
2  à  5  heures,  sa  dernière  réunion  musicale.  Le  programme  du  concert 
est,  comme  toujours,  d'une  grande  richesse.  Les  ouvertures  du  Dieu 
et  la  Baijadère,  de  Guillaume  Tell,  de  Mazanicllo  et  du  Jeune  Henri  figu- 
rent sur  l'affiche  ;  et  tous  les  solistes  de  l'orchestre  se  feront  entendre 
dans  la  fantaisie  concertante  composée  par  M.  Demersseman. 

***  Aux  obsèques  de  l'amiral  Romain-Desfossés,  qui  ont  eu  lieu  hier 
aux  Invalides,  la  musique  a  exécuté  plusieurs  fragments  du  Pardon  de 
Ploërmel,  dont  le  caractère  profondément  religieux  a  produit  un  grand 
effet  sur  l'assistance. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


t%  Londres.  —  Le  succès  du  ténor  Charles  Adams  se  consolide  de 
plus  en  plus,  et  huit  représentations  de  Masaniello,  loin  d'avoir  épuisé 
la  curiosité,  n'ont  fait  qu'éveiller  davantage  l'intérêt  qu'inspire  à  ses 
compatriotes  l'apparition  du  nouveau  ténor  anglais.  Oulre  une  voix 
très-belle  et  très-pure,  M.  Adams  chante  avec  goût,  et  sa  méthode  se 
perfectionnera  encore;  car  il  est  jeune,  mais  il  possède  surtout  le  mé- 
rite inestimable  de  déclamer  admirablement,  et  de  prononcer  si  bien 
que  pas  une  syllabe  n'est  perdue.  L'opéra  National  a  donc  fait  une  ac- 
quisition très-heureuse  en  engageant  M.  Adams,  qui  est  incontestable- 
ment appelé  à  occuper  uue  des  premières  places  non-seulement  parmi 
les  ténors  anglais,  mais  européens.  —  Martha  a  été  le  second  opéra  mis 
en  scène  par  la  direction  du  nouveau  théâtre  National.  Le  succès  de 
la  soirée  a  été  pour  Mme  Lemmens-Sherrington,  qui  a  fait  de  ce  rôle 
une  véritable  création;  voix  sympathique  et  émouvante,  jeu  distingué 
et  bien  conduit,  tout  en  elle  confirme  ce  qu'on  avait  été  à  même  de 
juger  en  cette  artiste  remarquable  lors  de  sa  magnifique  interprétation 
de  Marguerite,  dans  Faust,  la  saison  passée.  Le  reste  était  faible.  — 
Jeudi  prochain,  la  première  représentation  d'Helvellyn,  ouvrage  original 
anglais  pour  les  paroles  et  la  musique,  par  MM.  Oxenford  et  Macfar- 
ren.  —  La  direction  du  théâtre  de  la  Reine  a  commencé  ses  représen- 
tations, hier  lundi,  par  Faust,  interprété  par  MM.  Gardoni  et  Santley, 
et  Mlle  Titjens  et  Grossi.  Succès  habituel.  —  Aujourd'hui ,  Lucrezia 
Borgia  avec  les  mêmes  artistes,  et  dans  quinze  jours,  repos  complet  de 
la  troupe  italienne,  à  laquelle  succédera  une  troupe  d'opéra  anglais, 
sous  la  direction  de  M.  Harrison,  et  destinée  à  faire  concurrence  à 
l'opéra  National  de  Covent-Garden.  —  Mlle  Deschamps,  la  célèbre  orga- 
niste, a  donné  une  soirée  musicale  à  Hanovers'Square-Rooms,  et  elle 
y  a  produit  une  véritable  sensation.  Rappelée  après  tous  ses  morceaux 
et  couverte  d'applaudissements,  elle  a  été  invitée  à  revenir  pour  la 
saison  et  à  faire  admirer  à  un  public  plus  nombreux  son  grand  ta- 
lent.—  Mlle  Liebhart,  de  l'opéra  Impérial  de  Vienne,  qui  a  produit  une 
si  grande  sensation  dans  les  concerts  de  Jullien,  où  tous  ses  morceaux 
ont  été  bissés  chaque  soir,  vient  d'être  engagée  par  Willert-Beale 
comme  prima  donna,  pour  une  tournée  qu'il  fera  au  moisde  janvier  avec 
Bottesini,  Ambonetti  (un  nouveau  ténor  italien),  et  le  cornet  à  piston 
Levy. 

**t  La  Haye.  —  Une  jeune  et  belle  artiste  française,  Mme  Sallard, 
poursuit  le  cours  de  ses  succès.  Jamais,  disent  les  correspondances  de 
la  Haye,  le  rôle  de  Léonora,  dans  le  Trouvère,  n'avait  été  chanté  et  joué 
avec  autant  de  talent.  Aussi  les  rappels  et  les  bravos  ont-ils  chaleureu- 
ment  accueilli  notre  charmante  prima  donna.  A  bientôt,  Lucrezia  Bor- 
gia, Rigoletto,  et  la  Martha  de  Flotow. 

***  Leipzig.  —  La  symphonie  de  M.  J.-J.  Abert,  intitulée  Columbus,  a 
été  exécutée  au  concert  du  Gewandhaus,  du  20  octobre,  sous  la  direc- 
tion personnelle  du  compositeur.  Les  succès  obtenus  précédemment  par 
cette  œuvre  dans  les  villes  de  Stuttgart,  Munich,  Lowenberg  et  Carls- 
ruhe  avaient  déjà  favorablement  disposé  notre  public  pour  le  jeune 
compositeur.  Mais  nulle  part  l'effet  produit  n'a  été  plus  grand  qu'ici, 
où,  après  chaque  partie,  l'orchestre  et  le  public  ont  témoigné  à  M.  Abert 
leur  admiration  par  les  bravos  les  plus  enthousiastes.  Le  comité  des 
concerts,  en  exprimant  au  compositeur  sa  haute  satisfaction,  lui  a  an- 
noncé, dans  les  termes  les  plus  flatteurs,  que  dorénavant  il  accueille- 
rait d'emblée  toutes  les  œuvres  qu'il  voudrait  bien  lui  adresser. 

3*j.  Berlin.  —  Taglioni  met  en  scène  un  nouveau  ballet,  dont  on 
parle  beaucoup  ;  il  aura  pour  titre  :  Hans  Lampe,  et  sera  représenté 
vers  la  fin  de  l'année.  —  A  cette  époque,  on  attend  Mlle  Artot,  et 
quelque  temps  après,  le  ténor  Giuglini  qui  aura  fini  sa  saison  à  Saint- 
Pétersbourg. 

i*4  Vienne.  —  L'opéra  de  M.  Ch.  Lovve,  Concino  Concini,  vient  d'être 
mis  à  l'étude.  La  direction  compte  beaucoup  sur  cet  ouvrage.— On  étu- 
die le  Domino  noir  pour  la  rentrée  de  Mlle  Artot.  —  Ander,  le  ténor, 
est  aux  eaux  de  Wartemberg  sans  y  trouver  encore  la  guérison  de  sa 
maladie.— Une  tablette  en  granit  vert,  portant  en  lettresd'or  les  mots  : 
Glucle's  Vohnhaus,  sera  posée  sur  la  maison  qu'habita  quelques  années 
le  célèbre  compositeur. —  On  va  aussi  ériger  une  statue  en  marbre  ou 
en  bronze  à  Mozart,  sur  la  fontaine  de  la  place  qui  porte  son  nom.  — 
M.  Nohl,  avantageusement  connu  déjà  par  ses  travaux  importants  sur 
Beethoven  et  Mozart,  vient  de  terminer  une  édition  aussi  exacte  et 
aussi  complète  que  possible  de  la  collection  des  lettres  de  Mozart,  ac- 
compagnée de  notes  critiques  et  biographiques.  Cet  ouvrage,  intéressant 
à  plus  d'un  titre,  et  auquel  l'auteur  a  consacré  plusieurs  années  de  sa 
vie,  va  incessamment  paraître  à  la  librairie  Mayr. 


Le  Directeur  :S.  1)1  nul:. 


352 


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de  la  Garde  impénale    -Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  vision, sT 
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et  1862,  relatifs  ani  Saxophones  (BREVET  DE  I84C). 

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M.  Sax,  qu  on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'util  é  de 
ses  inventions  ...  M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  eu Le  avec  un bec à .anche 
ï*.^  genre  detce'ul  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'Sn  charme  égal  à 
1  originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive  Les  instru- 
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toiï&ïïl  i  d°'fé'-  Se,?lb/able  à  -e'Ui  desinstrumente  Va  octavient,  est  peu  différent  de  ce^fd.iflute  ou 
du  hautbois  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il' est  mieux  adapté  au^uant  ou  à 
Uh!',m0,Iif-qU)fUf  wltS„rapid/S'  qu01que ,son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 
habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  rie  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  an  pianissimo  le.  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  pu.ssant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  tou'es  -*"èê™ 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  ouinte  nu  >i  IWave  l»«  „n00  ,w       * 

de  la  famille.de»  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance:  car  cet  instrument  est  nouvea»   par Tes   proport  ions    de   le,   tubes    n,r^ LeXamen  ""f"^ 

chure  et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  varié  es  de  S  au  grave  oui  dfn\  i  PerCe'  îf  S°"  ?mb™; 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue "de  la  jus  es  !  e  de8  a  sôno  hé  ™  i  T>  en*?mble:  ""ferment 
mécansme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  tennis-  tous  ont  snhi  rf»  „„i,hi»rm!fr]-fi*,7?  sonorlte,  soit  qu  on  l'examine  dans  son 
tiens;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès;  celui-ci au  ton'rlZ ,'e.T  é  d'hi  r  il  l£t  fiïiXïZZ  LmmJ"^  V  *""  ^  "^"T 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges   à  donner'  à  M.  Adolphe  Sax   pour  une  si  belle  découverte    >,{Expc !?5  )  Premier  J°m'       * 

lit^il^^fe-gSe^^t  pureTe?  tïîS^^Jïïfe  t!^%  *"|  -T7  n 

S!°T:T^%lf.rtTeS  f3CteUrS  °nt  6n  VaiD  6SSayé  ^  rePr°dUire  le  timbre  '^^^^l^^^^  uëesaMc.arTne«eréfontro! 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musioues  d'infanterie  rie  ta  Uo-no    ..nm^et**  j  •  •  ,    . 

phones  en  double  quatuor  -  L'introduction  des  slxophones  dans  les  musiques™!™  prôtû^s  ^nhaft^a^par?"^^^'  "rie  ^our 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique  régiments  de  cavalerie,  pour 

Les  prix   des  saxophones  sont  les  suivants  : 
Saxophone  soprano,  «OO  fr.-  Saxophone  ténor,  »«5  fr.-  Saxophone  alto,  «as  fr.-  Saxophone  baryton,  950  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos  ténors  et  barytons  à 
l'ancien  diapason.  -  Les  soc.étés  e  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commande i  obtiendront  un  asle ^  Ion  "crédit 
pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges. 


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N°  1 .  Op.  14.  —  200  exercices  d'agilité  (2e  édition) 12  » 

2.  18.  —  25  études  élémentaires 12  , 

3.  20.  —  25  études  rhythmiques 12  » 

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5.  12.  —  25  études  mélodiques  (2e  édition 12  » 

6.  22.  —  25  études  artistiques  (sous  presse) 20  » 

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étude  de  chaque  livre,  qui  sera  expédié  franco  à  toute  personne  qui 
accompagnera  la  demande  affranchie  de  40  centimes  en  timbres-poste. 


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Les  études  comprendront  l'école  ancienne  et  l'école  moderne  du 
piano,  ainsi  qu'un  travail  approfondi  du  mécanisme  et  des  différents 
styles. 

Ce»  cours  ouvriront  le  15  novembre  aftOfl. 

Ils  auront  lieu  deux  fois  par  semaine,  les  mardis  et  vendredis  à  9 
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jeunes  personnes. 

Un  cours  normal 
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dis aux  mêmes  heures. 

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de  musique. 


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31e  Année, 


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Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires, 

et  aui  Bureau\  des  Messageries  et  des  PoeIcs. 


N°45. 


REVUE 


6  Novembre  1801 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Paris. «  r.parai 

Départements,  Belgique  et  Suisse. ...    30»       id. 

Étranger 3*  "       id- 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


AZETT 


USICAL 


DE     PARIS 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  Italien  :  Roberto  Dcvereux,  opéra  en  trois 
actes,  musique  de  Donizetti.  —  Concerts  populaires  de  musique  classique,  par 
Paul  Smith.  —  Quatuors  de  H.  Ernst,  par  Stéphen  Heller.  —  De- 
vienne (6e  article),  par  Arthur  Pougin.  —  Revue  des  théâtres,  par 
D.  A.  D.  Suiut-Y»es.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IMPERIAL  ITALIEN. 

Etoherlo  Beveretta;, 

Opéra  en  trois  actes ,  musique  de  Donizetti. 

Permis  aux  nouvelles  générations  du  dilettantisme  de  considérer 
comme  une  première  représentation  ce  qui  n'est  pour  nous  qu'une 
reprise.  A  vingt-six  ans  de  distance,  nous  venons  de  revoir  et  de 
réentendre  ce  Roberto  Devereux,  qui  fit  son  apparition  chez  nous 
vers  la  fin  du  mois  de  décembre  1838.  Donizetti  l'avait  composé 
pour  Naples,  où  il  fut  donné  avec  un  grand  succès  dans  l'automne 
de  1837;  ses  interprètes  étaient  alors  Basadonna,  Barroilhet,  et 
Mme  Ronzi,  que  vingt  ans  plus  tôt  nous  avions  connue  si  belle.  A  Paris 
l'ouvrage  fut  encore  mieux  partagé  :  Rubini,  Tamburini,  Mmes  Julie 
Grisi  et  Albertazzi  en  remplirent  les  quatre  rôles,  aujourd'hui  con- 
fiés àFraschini,  Delle-Sedie,  Mmes  de  la  Grange  et  Vander-Beeck. 

Eh  bien  !  il  faut  l'avouer,  malgré  l'intervalle  d'un  quart  de  siècle, 
malgré  le  changement  d'artistes,  nos  impressions  n'ont  pas  varié  ; 
nous  pourrions  transcrire  aujourd'hui  le  jugement  que  nous  portions 
in  illo  tempore,  sans  y  ajouter  ni  en  retrancher  une  syllabe.  «  Po- 
berto  Devereux,  écrivions-nous  alors  dans  un  autre  journal  que 
celui-ci,  ne  s'élève  guère  au-dessus  de  ces  improvisations  musica- 
les que  l'Italie  accepte,  comme  nous  acceptons  nos  vaudevilles, 
parce  que  la  musique  est  pour  elle  un  besoin  qu'il  faut  satisfaire  à 
tout  prix.  Mais  dans  ces  œuvres,  où  le  procédé  domine  à  défaut  de 
l'inspiration,  ne  cherchez  ni  pensée  sérieuse,  ni  calcul  profond,  ni 
tentative  d'innovation  raisonnée  et  raisonnable.  Le  compositeur  s'est 
tracé  une  voie  facile,  d'où  il  n'a  garde  de  s'écarter;  il  a  choisi  le 
moule  le  plus  simple  et  le  plus  commode  pour  y  jeter  pêle-mêle  ses 
idées,  ses  souvenirs.  » 

En  1838,  Donizetti  venait  en  France  avec  l'intention  de  s'y  éta- 
blir par  des  ouvrages  plus  appropriés  à  notre  goût  que  le  Marino 


Faliero,  qui  ne  lui  avait  valu  qu'un  échec  dans  son  concours  avec 
l'auteur  des  Puritains.  A  la  vérité,  Mercadante  s'était  fourvoyé  bien 
davantage  encore,  lui  qui  écrivit  ses  Briganti  pour  ce  même  concours 
dont  Bellini  remporta  la  palme.  En  nous  apportant  le  fruit  le  plus 
nouveau  de  sa  muse  italienne,  l'auteur  de  Roberto  Devereux  avait  cru 
devoir  augmenter  sa  partition  d'une  ouverture,  travaillée  avec  soin, 
et  dans  laquelle  il  intercala  le  God  save,  malgré  le  flagrant  anachro- 
nisme, pour  en  faire  un  thème  à  variations.  L'ouverture  est  restée  à 
sa  place,  et  nous  l'avons  respectueusement  saluée  comme  souvenir 
de  l'hommage  que  le  compositeur  avait  voulu  nous  rendre  ;  comme 
la  pierre  d'attente  sur  laquelle  devaient  s'élever  plus  tard  des  parti- 
tions telles  que  la  Fille  du  régiment,  la  Favorite,  et  quelques  autres 
sur  lesquelles  sa  renommée  s'appuye  à  jamais. 

Roberto  Devereux,  c'est,  comme  on  le  sait  de  reste,  ce  fameux 
comte  d'Essex  dont  la  Calprenède,  Thomas  Corneille  et  Ancelot  fi- 
rent tour  à  tour  le  héros  d'une  tragédie  ;  c'est  ce  jeune  présomptueux 
de  trente  et  quelques  années,  auquel  la  fille  d'Henri  VIII,  qui  avait 
plus  de  deux  fois  son  âge,  appliquait  un  vigoureux  soufflet,  en  lui 
disant  d'aller  se  faire  pendre.  On  a  gravement  discuté  la  question  de 
savoir  si  le  comte  d'Essex  était  ou  n'était  pas  l'amant  d'Elisabeth  ; 
ce  qui  n'est  pas  douteux,  c'est  que  la  reine  laissa,  non  sans  hésita- 
tion ni  sans  remords,  décapiter  son  favori  dans  la  tour  de  Londres, 
parce  qu'il  ne  lui  avait  pas  renvoyé  à  temps  la  bague  qu'elle  lui 
avait  donnée  comme  gage  infaillible  de  sa  clémence.  Dans  le  libretto 
italien  de  Cammarano,  comme  dans  la  tragédie  d'Ancelot,  cette  ba- 
gue a  été  saisie  et  retenue  au  passage  par  un  mari  jaloux  et  non 
sans  cause,  le  duc  de  Nottingham,  personnage  dont  la  conception 
offre  beaucoup  d'analogie  avec  celle  de  l'Ankastroem  de  Gustave  III, 
opéra  français  de  Scribe,  récemment  transformé  en  Un  ballo  in  mas- 
chera. 

Roberto  Devereux,  tant  applaudi  à  Naples  et  dans  mille  autres 
lieux,  ne  produisit  que  peu  d'effet  à  Paris,  malgré  la  supériorité  des 
artistes  qui  le  chantèrent  dans  l'origine.  Comment  espérer  que 
d'autres  réussiront  où  Rubini,  Tamburini  et  Julia  Grisi  ont 
échoué  ?  Fraschini,  Delle-Sedie,  et  Mme  de  la  Grange  y  perdraient 
leur  voix  et  leur  peine.  Certainement  ils  se  sont  dévoués  à  leur 
tâche  avec  autant  de  courage  que  de  talent  ;  Mme  Vander-Beeck  a 
fait  valoir  le  rôle  de  Sara  par  sa  figure  plutôt  que  par  sa  voix  ;  c'est 
toujours  queqlue  chose.  Mais  en  somme,  l'ouvrage  ne  paraît  pas  des- 


354 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tiné  à  rester  au  répertoire,  et  c'est  à  son  genre  qu'il  faut  s'en  pren- 
dre. Le  comte  d'Essex,  prêt  à  mourir,  chante  un  air  sur  le  rhylhme 
duquel  il  pourrait  fort  bien  courir  soit  au  bal,  soit  à  quelque  tendre 
rendez-vous. 

La  musique  a  ses  licences,  mais 

Celle  ci  passe  un  peu  les  bornes  que  j'y  mets. 


COHCERTS  POPULAIRES  DE  HUSIQUE   CLASSIQUE. 

Le  programme  du  second  de  ces  concerts,  plus  encore  que  celui 
du  premier,  offrait  d'heureux  contrastes  et  une  rare  variété  de 
genres  et  de  styles.  La  grande  et  majestueuse  ouverture  d'Athalie, 
de  Mendelssohn,  lui  servait  de  début,  et  peu  après  venait  une  autre 
ouverture  bien  différente  de  caractère  et  d'allure,  que  l'orchestre  de 
Pasdeloup  n'avait  pas  encore  exécutée,  celle  des  Joyeuses  Commères 
de  Windsor,  d'Otto  Nicolaï,  cet  Allemand  réchauffé  au  soleil  d'Italie. 
Le  théâtre  Lyrique  devait  nous  faire  connaître  l'opéra  entier,  dont 
on  dit  beaucoup  de  bien,  mais  nous  ne  pouvons  encore  en  juger 
que  par  le  délicieux  morceau  qui  lui  sert  de  préface  ;  on  dirait  que 
Nicolaï  l'a  écrit  sous  l'inspiration  de  la  muse  qui  a  dicté  à  Auber 
tant  d'ouvertures  pétillantes  d'esprit  et  de  verve.  Il  y  a  surtout  une 
phrase  tout  à  fait  française  par  l'élégance  et  l'abandon  plein  de 
grâce.  L'orchestre  l'a  rendue  avec  un  sentiment  parfait  :  aussi  l'au- 
ditoire a-t-il  été  séduit,  ravi  au  point  de  redemander  l'ouverture  à 
l'instant  même,  et  à  la  seconde  audition  l'effet  du  morceau  n'a  pas 
été  moindre.  Voilà  donc  un  nom  de  compositeur  de  plus  à  inscrire 
au  livre  d'or.  Otto  Nicolaï,  né  à  Berlin  en  1809,  avait  étudié  sous  la 
direction  de  Bernard  Klein  et  de  Louis  Berger.  Vers  1837,  il  se 
rendit  à  Rome,  où  il  resta  plusieurs  années  :  il  travailla  la  haute 
composition  avec  Baini,  et  fit  représenter  les  Templiers,  l'un  de  ses 
premiers  ouvrages.  De  retour  en  Allemagne,  Nicolaï  devint  bientôt 
chef  d'orchestre  du  théâtre  allemand  à  Berlin,  où  ses  Joyeuses  Com- 
mères obtinrent  un  éclatant  succès.  Une  mort  presque  subite  l'enleva 
en  1849. 

Dans  Y  adagio  du  magnifique  quintette  de  Mozart  (op.  108), 
M.  Grisez  a  largement  déployé  son  beau  talent  de  clarinettiste, 
et  mérité  l'honneur  que  lui  a  fait  Pasdeloup,  en  le  présentant  à 
l'assemblée  et  au  feu  de  ses  bravos. 

Le  programme  contenait  deux  symphonies,  l'une  de  Beethoven, 
la  Pastorale,  et  l'autre  d'Haydn,  la  Surprise.  Bien  des  gens  ont  été 
surpris,  justement  parce  qu'il  n'y  avait  de  surprise  que  dans  le 
titre,  et  qu'ils  ont  retrouvé  une  symphonie  fort  connue,  dont  l'an- 
dante  avec  variations  est  demeuré  dans  toutes  les  mémoires. 


Le  concours  entre  les  lauréats  de  l'Institut  pour  l'opéra  qui  doit 
être  joué  au  théâtre  Lyrique,  s'est  continué  mardi  dernier. 

Le  jury,  composé  de  MM.  Auber,  président,  Henri  Reber,  Félicien 
David,  prince  Poniatowski,  Gounod,  Victor  Massé,  Maillard,  s'est  de 
nouveau  réuni  au  Conservatoire  et  a  successivemeut  entendu  la  par- 
tition de  M.  Paladilhe,  chantée  par  MM.  Chambon,  Petit,  Mme  Gene- 
tier,  et  celle  de  M.  Barthe,  chantée  par  MM.  Genevois,  Ismaël  et 
Mme  Barthe-Banderali. 

Immédiatement  après,  le  jury  a  voté  au  scrutin  secret,  et  le  nom 
de  M.  Barthe  a  été  proclamé  à  l'unanimité. 

Voici  dans  quel  ordre  chronologique  les  cinq  concurrents  avaient 
obtenu  le  grand  prix  de  composition  musicale  : 

1854.  M.  Barthe,  élève  de  M.  Leborne. 

1855.  M.  Conte,  élève  de  M.  Carafa. 
1858.  M.  David,  élève  de  M.  Halévy. 


1860.  M.  Paladilhe,  élève  de  M.  Halévy. 

1861.  M.  Dubois,  élève  de  M.  Ambroise  Thomas. 

Deux  lauréats,  M.  Bizet  et  M.  Guiraud,  qui  ont  obtenu  le  grand 
prix,  l'un  en  1857  et  l'autre  en  1859,  étaient  naturellement  exclus 
du    concours,    puisque  le  premier  a  déjà  fait  jouer    un    opéra    en 

1863,  les  Pêcheurs  de  perles,    au  théâtre  Lyrique,  et   le  second,  en 

1864,  Sylvie,  à  l'Opéra-Comique.. 

Paul  SMITH. 


QUATUORS  DE  H.-H-  ERNST. 

Qui  ne  connaît  le  nom  d'Ernst,  un  grand  et  charmant  artiste,  un 
des  plus  aimés  et  des  plus  populaires  de  notre  temps  ? 

Mais  la  foule  qui  s'est  empressée  aux  concerts  sans  nombre  qu'Ernst 
a  donnés  dans  ses  voyages  à  travers  les  grandes  et  les  petites 
villes  de  l'Europe,  cette  foule  ne  connaît  que  le  virtuose  extraordi- 
naire, qui  s'est  joué  des  difficultés  inextricables  de  l'art  paganinien, 
et  cela  suffisait  pour  qu'elle  lui  décernât  le  nom  de  grand  artiste. 

A  côté  de  cette  multitude,  il  y  avait  une  élite  de  connaisseurs 
(moins  nombreuse  —  cela  va  sans  dire)  —  qui  ne  connaissait  rien 
de  plus  délicieux  que  d'entendre  jouer  par  Ernst  un  quatuor  de 
Beethoven. 

Tout  a  été  dit  sur  ce  jeu  tour  à  tour  passionné,  tendre,  spirituel, 
humoristique,  et  je  ne  veux  pas  répéter  ce  qui  a  été  dit  et  écrit 
par  les  meilleurs  juges. 

Ernst  a  publié  une  foule  de  morceaux,  écrits  pour  mettre  en  relief 
tout  ce  que  le  public  exige  aujourd'hui  d'un  virtuose  accompli. 

Il  les  a  fait  entendre  dans  tout  l'univers  civilisé,  et  ils  ont  été 
adoptés  par  les  virtuoses  de  toutes  les  catégories.  Ils  ont  probable- 
ment coûté  bien  des  larmes  à  ces  pauvres  petits  êtres  que  des  pères 
sans  entrailles,  ou  vaniteux,  intéressés,  consacrent  à  l'état  d'en- 
fant  prodige,  état  que  l'on  exerce  souvent  pendant  longues  années, 
car  il  y  a  des  enfants  prodiges  de  tout  âge.  J'ai  connu  des  artistes, 
qui  parlaient,  agissaient,  jouaient  d'un  instrument  ou  composaient  en 
enfants  prodiges  jusqu'à  leur  mort. 

Dans  ces  morceaux  brillants,  composés  par  Ernst,  on  voyait  néan- 
moins poindre  souvent  un  sentiment  d'un  art  plus  élevé.  On  sentait 
l'artiste  richement  doué  à  travers  ces  accords  plaqués,  ces  folles 
gammes,  ces  traits  échevelés  et  tout  cet  attirail  du  grand  virtuose, 
qui  veut  et  doit  frapper,  stupéfier  même  ce  monstre  vorace  et  insa- 
tiable qu'on  nomme  un  auditoire.  Comment  un  artiste  voyageur,  à 
chaque  moment  sous  le  coup  d'une  grande  exhibition,  comme  disent 
nos  voisins,  trouverait-il  le  calme,  le  recueillement  si  nécessaires  à 
l'éclosion  d'une  œuvre  d'art?  Cependant,  de  temps  à  autre,  il  parais- 
sait quelque  œuvre  d'Ernst,  où  l'on  voyait  bien  ce  qu'il  y  avait  en 
lui  de  sentiment  profond  et  poétique. 

Je  ne  veux  citer  que  sa  célèbre  Élégie,  dont  les  accents  si  tendre- 
ment passionnés  ont  provoqué  partout  les  applaudissements  les  plus 
enthousiastes.  L'Élégie  a  été  —  j'allais  dire  traduite  dans  toutes  les 
langues  —  arrangée  du  moins  pour  tous  les  instruments  :  piano  seul, 
flûte,  clarinette,  et  pour  la  voix.  Enfin,  elle  a  eu  tous  les  honneurs, 
si  j'en  excepte  celui  de  l'orgue  de  Barbarie,  le  triomphe,  le  Capitole 
des  compositeurs  victorieux. 

Je  dois  citer  encore  le  concerto  en  fa  d'èze  majeur,  conception 
remarquable,  dans  laquelle  Ernst  a  fait  preuve  de  qualités  supérieu- 
res. J'ai  dit  plus  haut  qu'il  est  bien  difficile,  sinon  impossible,  de 
trouver  le  recueillement  nécessaire  à  une  œuvre  d'art  sérieuse,  au 
milieu  des  tracas  et  des  occupations  sans  trêve  d'une  vie  nomade, 
comme  celle  d'un  virtuose  voyageur.  Ce  recueillement,  cette  solitude, 
ce  calme,  Ernst  les  a  trouvés,  hélas!  mais  à  quel  prix?  Depuis  dix 
ans,  il  souffre  d'une  maladie  cruelle,  et  son  violon  enchanteur  lui 
est  échappé  des  mains.  Mais  la   Providence  a    voulu  que  son  esprit 


DE  PABIS. 


355 


restât  vaillant,  et  il  souffre  avec  courage,  avec  résignation,  parce  que 
le  plus  vif  sentiment  de  l'art  divin  se  conserve  toujours  dans  son  âme. 
Par  un  destin  cruel,  le  virtuose  n'existe  plus  :  il  s'est  consumé  comme 
le  phénix,  et  de  ses  cendres  il  en  est  sorti  un  autre  qui  plane  bien 
au-dessus  du  premier,  quelque  admirable  qu'il  fût.  Ce  second  phénix 
au  vol  radieux,  c'est  le  compositeur. 

Il  y  a  quelques  jours,  nous  avons  entendu  deux  œuvres  de  lui, 
deux  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle.  Nous  ne  vou- 
lons pas  même  essayer,  par  une  sèche  analyse,  de  donner  une  idée 
d'œuvres  aussi  importantes  par  leur  étendue  que  par  leur  valeur.  N'y 
cherchez  pas  l'aimable  et  charmant  compositeur  de  la  fantaisie  sur 
Othello  ou  sur  le  Pirate.  Mais  vous  y  reconnaîtrez  l'auteur  de  l'Elé- 
gie et  du  Concerto,  singulièrement  agrandi  et  épuré.  Toutes  les  pro- 
messes contenues  dans  ces  deux  ouvrages  se  sont  réalisées,  et  vous 
avez  devant  vous  un  noble  artiste  arrivé  à  l'apogée  de  son  talent. 

Ces  quatuors  ne  pouvaient  être  écrits  que  par  un  grand  musicien, 
qui  a  cent  fois  exécuté,  médité  les  chefs-d'œuvre  de  ce  genre  que 
nous  ont  laissés  les  grands  maîtres. 

Le  style  le  plus  noble  y  règne  d'un  bout  à  l'autre  ;  aucune  lâche 
complaisance  pour  les  oreilles  novices  ou  frivoles.  Tout  y  est  de 
cette  beauté  sérieuse  et  sévère  qui  seule  assure  l'avenir  aux  œuvres 
d'art.  Ne  croyez  pas  toutefois  que  la  mélodie  n'y  abonde  pas.  Les 
adagio,  les  andante  sont  ce  qu'ils  doivent  être  :  des  chants  ou  ex- 
pressifs ou  tendres,  et  passionnés  souvent.  Les  scherzo  sont  d'un 
véritable  humoriste  :  celui  du  premier  quatuor,  d'un  laconisme  éton- 
nant, en  dit  beaucoup  plus  qu'on  ne  pense.  C'est  une  épigramme, 
mais  sans  fiel  ni  amertume,  et  comme  une  confidence  aimable  et 
rapide,  glissée  à  l'oreille  en  passant.  Le  scherzo  du  deuxième  qua- 
tuor est  au  contraire  très- développé,  d'une  grande  hardiesse  harmo- 
nique et  rhylhmique.  Ces  deux  morceaux  ne  rappellent  aucune  com- 
position de  ce  genre,  et  c'est  là  un  bien  grand  mérite.  Je  voudrais 
citer  encore  le  ravissant  andante,  de  style  un  peu  pastoral  ;  et  j 'au- 
rais à  citer  tant  d'autres  passages!  —  J'en  ai  assez  dit.  Je  ne  puis  me 
résigner  à  une  analyse,  il  faut  entendre  cette  musique.  Je  me  ré- 
sume :  ces  deux  quatuors  témoignent  d'une  complète  transformation 
du  talent  de  l'auteur.  Ces  grands  ouvrages  méritent  la  plus  sérieuse 
attention,  et  il  est  impossible  que  le  suffrage  de  vrais  connaisseurs 
leur  fasse  défaut. 

Deux  jeunes  artistes  anglais,  les  frères  Holmes,  et  MM.  L.  Jacquard 
et  C.  Ney,  ont  interprété  les  quatuors  avec  un  rare  talent.  Après  une 
seule  répétition,  ils  ont  dit  ces  œuvres  si  difficiles  avec  un  entrain  et 
un  ensemble  bien  remarquables.  L'auteur  était  présent,  et  il  était  vi- 
siblement ému  de  la  profonde  impression  qui  partait  de  lui  pour  lui 
revenir.  L'auditoire,  composé  de  nombreux  artistes  et  connaisseurs, 
l'a  chaleureusement  félicité. 

Je  ne  veux  pas  terminer  ces  lignes  sans  dire  un  mot  des  deux 
frères  Holmes  que  je  viens  de  nommer.  Après  la  grande  pièce  ,  la 
petite.  Ils  ont  joué  un  duo  pour  deux  violons,  sans  accompagnement  ; 
quel  ensemble  merveilleux  !  quel  spectacle  sympathique,  celui  de 
deux  jeunes  gens,  de  deux  frères ,  qu'on  dirait  issus  du  même 
violon,  comme  ils  sont  issus  de  la  même  mère  !  Paris,  cette  ville  si 
affreuse  et  si  belle,  le  public  parisien,  ce  public  si  détestable  et  si 
adorable  (choisissez  entre  les  épithètes  :  chacune  son  heure  et  son 
à-propos)  jugeront  les  jeunes  artistes  :  je  ne  suis  pas  inquiet  pour 
eux. 

Stephen  HELLER. 


DEVIENNE. 

(C  article)  (1). 

Le  12  brumaire  an  VIII  (3  novembre  1799),  Devienne  donnait  ù 
Feydeau  le  Valet  de  deux  maîtres,  qui  devait  être  son  dernier  ou- 
vrage dramatique.  Le  poëme  de  celui-ci,  qui  était  en  un  acte  et 
dont  une  comédie  de  Goldoni,  IL  Servitore  di  due  padroni,  avait 
fourni  le  sujet,  était  dû  à  Roger,  qui  fut  plus  tard  académicien  et 
qui  écrivit  les  lignes  suivantes  dans  la  préface  de  cette  petite  pièce  : 
«  Ma  pièce  achevée,  j'en  confiai  aussitôt  la  musique  à  Devienne,  à 
qui  l'opéra  des  Visitandines  avait  fait  une  grande  réputation.  Un 
jour  qu'il  était  en  train  de  travailler  pour  moi,  il  me  tourmenta 
vivement  pour  ajouter  quatre  vers  au  duo  de  la  scène  xvic.  —  «  A 
»  quoi  bon,  lui  dis-je,  ces  quatre  vers  ? — Parce  que,  sans  cela,  ma 
»  phrase  musicale  n'est  pas  carrée. — Je  suis  bien  fâché  de  ne  pou- 
»  voir  vous  satisfaire;  en  cet  endroit  Sophie  se  trouve  mal,  et  pour 
»  l'ordinaire  une  femme  ne  parle  point  en  pareil  cas.— Eh  !  qui  vous 
»  dit  de  la  faire  parler  ?  mais  il  faut  qu'elle  chante.  »  Cette  naïveté 
me  fit  trembler  pour  la  musique  de  l'ouvrage  ;  elle  ne  nuisit  pour- 
tant point  au  succès,  qui  fut  complet  et  de  longue  durée,  malgré  la 
terrible  concurrence  du  Collatéral,  qu'on  jouait  toujours  la  veille  et 
le  lendemain,  car  il  y  avait  alors  à  Feydeau  Théâtre-Français  et 
Opéra-Comique.  Ce  Collatéral,  cette  charmante  comédie  en  cinq 
actes  de  Picard,  où  l'on  rit  depuis  la  première  scène  jusqu'à  la 
dernière,  n'était  d'abord  qu'un  modeste  opéra-comique  en  un  acte, 
qui  avait  pour  titre  :  le  Sot  Héritier.  Picard  l'avait  présenté  au 
théâtre  Favart  le  jour  même  où  de  mon  côté  j'y  portais  le  Valet  de 
deux  maîtres,  et  tous  deux  nous  avions  été  refusés! » 

Le  Valet  de  deux  maîtres  était,  musicalement,  beaucoup  moins 
important  que  les  Visitandines  et  les  Comédiens  ambulans  ;  De- 
vienne, cependant,  y  fit  preuve  de  son  talent  ordinaire ,  et  sa  mu- 
sique fut  fort  bien  accueillie.  Parmi  les  morceaux  saillants  de  cette 
très-agréable  partition,  je  citerai  l'ouverture,  qui  est  excellente,  l'air 
de  la  jeune  fille  et  les  trois  duos  auxquels  elle  prend  part.  Ce  sont 
là  autant  de  pages  charmantes. 


A  partir  de  la  représentation  du  Valet  de  deux  maîtres,  on  ne 
trouve  plus  trace  de  l'existence  de  Devienne,  et  les  journaux  ne 
parlent  plus  de  lui  qu'une  dernière  fois,  pour  annoncer  sa  mort  ar- 
rivée le  18  fructidor  an  XI  (5  septembre  1803).  Un  de  ses  élèves 
adressait  au  Courrier  des  spectacles,  pour  lui  apprendre  ce  fatal 
événement,  une  lettre  qui  fut  insérée  dans  le  numéro  de  ce  jour  du 
23  fructidor  et  que  voici  en  partie  : 

«  Le  cit.  François  Devienne  est  décédé  le  18  de  ce  mois  à  la  mai- 
son de  Charenton,  où  il  est  resté  pendant  quatre  mois  entre  les 
mains  des  gens  de  l'art,  qui  malgré  tous  leurs  soins  n'ont  pu  le 
guérir  d'un  dérangement  du  cerveau  qui  a  dégénéré  en  véritable 
folie,  causée  par  les  différens  chagrins  qu'il  a  éprouvés  pendant  la 
révolution. 

»  La  mort  vient  de  l'enlever  à  l'âge  de  quarante-trois  ans,  il  em- 
porte avec  lui  l'estime  et  les  regrets  des  artistes  et  de  ses  amis.  Il 
laisse  dans  la  détresse  une  femme  et  cinq  enfans,  dont  quatre  en  bas 
âge. 

»  Le  gouvernement  en  a  déjà  placé  un  au  Lycée  de  Bruxelles  :  on 
espère  qu'il  n'oubliera  pas  les  autres  dans  la  répartition  de  ses  bien- 
faits. 

»  Guillon  fils, 
»  Elèoe  de  M .  Devienne  au  Conservatoire  de  musique.  » 


(1)  Voir  les  n"  31,  32,  39,  liO  et  41. 


356 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


D'autre  part,  je  trouve  dans  un  journal  spécial  du  temps,  la  Cor- 
respondance des  amateurs  musiciens,  un  article  auquel  j'emprunte 
le  passage  suivant  : 

«  Nous  venons  de  perdre  en  très-peu  de  tems  deux  hommes  éga- 
lement chers  à  l'art  musical,  à  leurs  familles,  à  leurs  amis.  L'un  est 
le  cit.  Devienne,  mort  le  18  fructidor  à  Charenton,  des  suites  d'une 
longue  maladie  qui  avait  fini  par  altérer  sa  raison.  Devienne  étoit 
né  musicien.  Il  fut  élève  de  son  frère,  musicien  lui-même  dans 
Royal-Cravate.  A  l'âge  de  dix  ans,  Devienne  composa  une  messe  qui 
fut  exécutée  par  la  musique  de  ce  régiment.  Studieux  et  appliqué 
comme  on  l'est  à  quarante  ans,  il  fuyoit  les  jeux  de  son  âge.  Bien 
différent  des  autres  enfans  à  qui  il  faut  promettre  ou  donner  de  l'ar- 
gent pour  les  engager  à  faire  quelque  chose,  Devienne  ne  quittoit  le 
travail  que  quand  son  frère  lui  avoit  donné  quelques  écus  à  condi- 
tion qu'il  iroit  prendre  un  peu  de  divertissement.  En  réfléchissant 
sur  cet  amour  précoce  et  extraordinaire  pour  le  travail,  il  seroit 
possible  d'expliquer  comment  la  tête  la  mieux  organisée  pour  tout  ce 
qui  peut  rendre  un  homme  intéressant  dans  la  société  intime  et  gé- 
nérale, a  fini  par  se  déranger  avant  l'âge  où  l'on  cesse  de  la  meu- 
bler de  choses  utiles  et  instructives.  Tel  étoit  Devienne.  Continuelle- 
ment la  plume  à  la  main,  il  avoit  par  une  quantité  d'ouvrages,  d'un 
style  aimable  et  chantant,  régénéré  la  musique  des  instrumens  à  vent. 
Il  avoit  enrichi  le  théâtre  de  quelques  productions  qui  y  resteront, 
telles  que  les  Visitandines ,  les  Comédiens  ambulans,  le  Valet  de 
deux  maîtres.  Il  trouvoit  encore  des  momens  pour  l'étude  des  belles- 
lettres.  Son  esprit  étoit  assez  cultivé.  Son  goût  l'avoit  plus  d'une 
fois  éclairé  sur  certains  poëmes  qu'il  s'étoit  chargé  de  mettre  en 
musique.  Mais  la  crainte  de  désobliger  l'empêcha  de  les  rendre,  et 
la  chute  du  poëte  entraîna  celle  du  musicien. 

!•  Son  plus  bel  ouvrage  est  sa  Méthode  de  flûte  qui  paraîtra  un 
jour,  revue,  corrigée  et  considérablement  augmentée  par  lui-même, 
quelque  tems  avant  sa  maladie.  Ses  quatuors  sont  joués  partout,  la 
grâce  et  l'amabilité  y  dominent  toujours  sur  la  science.  Ses  roman- 
ces ne  s'oublieront  point. 

»  Devienne  avoit  joui  d'une  grande  réputation  sur  la  flûte.  Il  laisse 
une  place  vacante  au  Conservatoire,  où  il  professoit,  place  dont  le 
gouvernement  lui  a  continué  les  émolumens  pendant  sa  maladie  ;  cet 
artiste  n'avoit  encore  songé  qu'à  sa  réputation.  La  mort  l'enlève  au 
moment  où  il  eût  pu  s'occuper  de  sa  fortune,  ou  du  moins  soigner 
l'éducation  de  cinq  enfans  dont  quatre  sont  en  bas  âge.  »  (Corres- 
pondance des  amateurs  musiciens  du  1er  vendémiaire  an  XII — 24 
septembre  1803.) 


[La  suite  prochainement.) 


Arthur  POUGIN. 


M.  Carvalho,  directeur  du  théâtre  Lyrique  impérial,  vient  d'adres- 
ser à  M.  E.  Cardon,  rédacteur  du  journal  le  Figaro-Programme,  la 
lettre  que  voici  : 

Monsieur, 

Je  ne  puis  laisser  sans  réponse  des  allégations  qui  se  sont  déjà  pro- 
duites et  que  vous  avez  répétées  avec  une  certaine  vivacité  dans  votre 
article  de  samedi  dernier,  à  propos  de  la  Traviata. 

Il  va  sans  dire  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de  discuter  vos  appréciations 
artistiques,  mais  seulement  le  droit  que  j'ai,  et  que  vous  prétendez 
me  contester,  de  jouer  1rs  ouvrages  italiens. 

De  tout  temps,  Monsieur,  le  théâtre  Lyrique  a  été  autorisé  par  son 
privilège  à  faire  représenter  les  ouvrages  des  auteurs  étrangers,  italiens 
ou  allemands. 

Ainsi,  dès  l'origine,  M.  Seveste  faisait  jouer  le  Barbier,  la  Pie  voleuse, 
Elisabeth,  etc.,  etc.,  et  quand,  pour  la  seconde  fois,  j'ai  pris  la  direc- 
tion du  théâtre  Lyrique,  le  droit  de  traduction,  malgré  toutes  les  récla- 
mations qu'avaient  soulevées  les  grands  succès  des  Noces  de  Figaro, 
û'Oberon,  A' Orphée,  a  été  maintenu  dans  mon  nouveau  privilège. 

La  liberté  des  théâtres,  loin  d'affaiblir  ce  droit,  me  parait  devoir  l'é- 
tendre encore  davantage  ;  et  à  propos  de  la  liberté  des  théâtres,  laissez- 
moi  vous  dire,  Monsieur,  qu'il  peut  sembler  étonnant  qu'à  l'heure  où 


I  l'Empereur,  soucieux  des  besoins  et  des  plaisirs  de  tous,  veut  que  les 
chefs-d'œuvre  de  toutes  les  écoles  puissent  être  joués  partout,  pour  être 
j  mis  ainsi  à  la  portée  de  toutes  les  classes  de  la  société,  vous,  Mon- 
sieur, vous  réclamiez  le  monopole  exclusif  des  œuvres  italiennes  au 
profit  du  seul  théâtre  inaccessible  aux  quatre-vingt-dix-neuf  centièmes 
de  la  population  de  Paris. 

Est-ce,  par  hasard,  au  théâtre  Italien,  que  la  classe  moyenne,  les 
sociétés  chorales,  auraient  connu  les  Noces  de  Figaro,  Rigoletto,  Norma, 
Don  Pasquale,  et  tous  les  chefs-d'œuvre  que  j'ai  fait  représenter  ? 

Vous  prétendez  que  la  subvention  m'a  créé  une  situation  exception- 
nelle, et  que  ce  qu'il  m'était  permis  de  faire  autrefois  m'est  défendu 
aujourd'hui. 

Sur  ce  point,  Monsieur,  vous  êtes  dans  une  erreur  absolue. 

S'il  vous  convenait  de  parcourir  avec  moi  les  arrêtés  par  lesquels 
M.  le  ministre  d'État  m'a  accordé  la  subvention,  vous  y  verriez,  qu'à 
côté  de  la  sollicitude  que  Son  Excellence  témoignait  pour  les  auteurs 
français,  il  y  avait  aussi  un  sentiment  de  justice  envers  une  adminis- 
tration qui  s'était  ruinée  au  profit  de  l'art.  M.  le  ministre  voulait  met- 
tre le  théâtre  à  l'abri  de  nouveaux  désastres,  et  laissant  dans  le  privi- 
lège le  droit  de  jouer  des  traductions,  il  n'imposait,  pour  toute  charge 
nouvelle,  que  l'obligation  de  faire  représenter  chaque  année  un  opéra 
en  trois  actes  d'un  prix  de  Rome  n'ayant  jamais  été  joué. 

Ai-je  manqué  à  cette  condition? 

Je  ne  suis  subventionné  que  depuis  le  1er  janvier  1864,  et  cependant 
dès  le  mois  de  septembre  1863,  pour  répondre  à  la  pensée  généreuse 
du  ministre,  je  faisais  représenter  les  Pêcheurs  de  perles,  de  M.  Bizet. 

En  ce  moment,  une  commission  va  décider  lequel  des  lauréats  de 
l'Institut  sera  joué  cette  année  au  théâtre  Lyrique. 

Vous  voyez,  Monsieur,  que  je  suis  dans  la  légalité. 

Faut-il  vous  montrer  que  je  n'ai  pas  abusé  de  ce  droit  de  traduction? 

La  saison  dernière  j'ai  fait  représenter  : 

Les  Pêcheurs  de  perles,  opéra  en  trois  actes,  de  M.  Bizet  ; 

Mireille,  opéra  en  cinq  actes,  de  M.  Gounod; 

Les  Troyens,  opéra  en  cinq  actes,  de  M.  Berlioz. 

A  côté  de  ces  treize  actes,  que  voyez-vous  du  répertoire  italien  : 

Trois  actes  de  M.  Verdi,  Rigoletto. 

J'allais  faire  représenter  un  quatrième  ouvrage,  la  Captive,  opéra  en 
trois  actes,  de  M.  Félicien  David  ;  costumes,  décors,  tout  était  prêt. 
J'avais  même  engagé  une  artiste  spécialement  pour  cet  ouvrage.  La 
répétition  générale  avait  eu  lieu,  lorsque  M.  F.  David  a  demandé  le  re- 
trait de  sa  partition. 

Pour  remplacer  la  Captive,  j'ai  monté  Norma. 

Pour  cette  saison  1863-186-4,  où  je  n'avais  touché  que  six  mois  de 
subvention,  la  part  faite  aux  auteurs  français  vous  paraît-elle  suffisante? 

Je  ne  veux  pas  terminer  sans  faire  quelques  observations  relatives  aux 
ouvrages  italiens  que  vous  appelez  le  répertoire  du  théâtre  Italien. 

Vous  dites  que  je  prends  le  répertoire  du  théâtre  Italien,  qui,  lui,  n'a 
pas  le  droit  de  prendre  Faust. 

C'est  l'exemple  que  vous  choisissez. 

Eh  bien,  vous  prouvez  simplement  par  là  que  je  suis  propriétaire  d'un 
répertoire  et  que  le  théâtre  Italien  n'en  possède  pas.  S'il  en  avait  réelle- 
ment un,  il  le  défendrait  comme  je  défends  le  mien. 

Le  théâtre  Italien  n'a  pas  d'ouvrages  à  lui.  Les  œuvres  qu'il  fait  re- 
présenter sont  toutes  empruntées  aux  théâtres  d'Italie.  11  les  joue  en 
vertu  de  la  loi  sur  le  domaine  public. 

Le  théâtre  Lyrique,  au  contraire,  n'a  d'ouvrages  à  jouer  qu'en  vertu 
de  traités  passés  avec  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs  dramati- 
ques, qui  lui  assurent,  à  certaines  conditions,  le  droit  exclusif  de  faire 
représenter  ces  ouvrages. 

Le  théâtre  Italien  ne  paie  pas  de  droits  d'auteurs  ;  le  théâtre  Lyrique 
paie  chaque  soir  douze  pour  cent  sur  la  recette  brute. 

Le  théâtre  Italien  joue  les  œuvres  de  M.  Verdi  en  vertu  d'un  arrêt 
de  la  Cour  de  Paris,  qui  déclare  M.  Verdi  sans  droits  pour  s'opposer  à 
la  représentation  de  ses  œuvres  italiennes  en  France  (la  loi  plaçant  ces 
œuvres  dans  le  domaine  public). 

Le  théâtre  Lyrique  qui  pouvait,  lui  aussi,  bénéficier  de  cette  juris- 
prudence, non-seulement  s'est  préoccupé  d'obtenir  le  consentement  de 
M.  Verdi,  mais  encore  lui  a  assuré,  à  lui  personnellement,  une  rétribu- 
tion égale  aux  droits  des  auteurs  français. 

Votre  système  nous  conduirait  à  ceci,  que  M.  Verdi  ne  peut  être  joué 
que  là  où  on  ne  le  paie  pas. 

Vous  vous  êtes  trop  ému,  Monsieur,  de  l'apparition  des  œuvres  ita- 
liennes dans  le  répertoire  du  théâtre  Lyrique. 

Ne  craignez  pas  que  je  leur  sacrifie  les  œuvres  françaises. 

Je  suis  trop  fier  d'avoir  mis  mon  travail  et  ma  fortune  au  service  des 
auteurs  de  Faust,  de  Topaze,  de  Fanchonmttc,  des  Dragons  de  Yillars,  de 
Gil-Blas,  des  Troyens,  de  Mireille,  pour  ne  pas  recommencer  dès  que 
l'occasion  m'en  sera  donnée. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  mes  salutations. 

L.  Carvalho. 

Paris,  le  51  octobre  ISGi. 


DE  PARIS. 


357 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Tjiéatbe-Français  :  Maître  Gvérin,  comédie  en  cinq  acles  et  en 
prose,  par  M.  Emile  Augier. 

Si  la  quinzaine  qui  vient  de  s'écouler  n'a  pas  été  féconde  en  nou- 
veautés, elle  a  vu,  par  compensation,  se  produire  au  Théâtre-Fran- 
çais une  de  ces  œuvres  sérieuses  à  l'aide  desquelles  on  se  console 
aisément  de  la  pénurie  des  autres  scènes.  Maître  Gvérin  n'a  pour- 
tant pas  été  prôné  d'avance,  et  il  a  pris  possession  de  l'affiche  sans 
annonce  et  sans  bruit.  Mais  cette  tactique  de  bon  goût  n'en  a  que 
mieux  fait  ressortir  les  qualités  inattendues  de  la  comédie  de  M.  Emile 
Augier.  Nous  disons  inattendues,  parce  qu'après  les  Effrontés  et  le 
Fils  de  Giboyer,  il  était  permis  de  croire  que  cet  auteur,  engagé 
dans  une  voie  facile  au  succès,  chercherait  encore  à  passionner  la 
foule  par  des  discussions  politiques  et  sociales,  comme  celles  dont  il 
a  su  tirer  un  si  grand  profit.  Par  bonheur,  il  n'est  rien  advenu  de 
pareil,  et  l'éminent  écrivain,  faisant  un  retour  sur  lui-même,  s'est 
souvenu  qu'en  d'autres  temps  il  avait  brillamment  conquis  ses  titres 
à  l'Académie  par  des  études  dramatiques  fortement  conçues,  saines 
d'intentions  et  d'effets,  sans  être  pour  cela  dépourvues  de  cet  étin- 
celant  esprit  qu'il  prodigue  en  toutes  choses.  Blaitre  Guérin  est  une 
comédie  de  caractère,  prise  sur  le  vif  des  mœurs  contemporaines,  et 
contenant  une  leçon  morale  de  haute  portée.  Nous  essayerons  d'en 
donner  une  idée  au  lecteur,  autant  du  moins  que  ses  nombreuses  et 
habiles  complications  nous  permettront  une  analyse  claire  et  suc- 
cincte. 

Le  pivot  de  la  pièce  est  un  notaire  de  province,  maître  Gué- 
rin, qui,  sous  des  dehors  de  probité  courante,  cache  une  âme 
avide  et  perverse.  Cet  honnête  homme,  toujours  à  l'affût  des  occa- 
sions de  s'enrichir  légalement,  pratique  en  secret  l'usure  à  l'abri 
d'un  prête-nom,  d'un  homme  de  paille,  le  père  Brénu,  dont  le  rôle, 
celui  du  paratonnerre,  consiste  à  détourner  la  foudre  de  h  tête  du 
vertueux  fonctionnaire  public,  lequel  est  ainsi  en  règle,  sinon  avec 
sa  conscience,  du  moins  avec  les  gens  du  parquet.  Mais  comment  un 
soupçon  pourrait-il  atteindre  maître  Guérin,  lorsque  l'on  voit  s'asseoir 
à  son  foyer  une  femme  véritablement  digne  de  tous  les  respects  par 
ses  vertus  simples  et  modestes,  et  un  fils  arrivé  par  son  mérite  au 
grade  d'officier  supérieur?  Or,  ce  fils,  à  défaut  de  sa  propre  ambi- 
tion, est  l'objet  de  celle  du  notaire ,  qui  entreprend,  au  moyen  de 
ses  intrigues  ténébreuses,  de  lui  assurer  une  fortune  princière  et  un 
nom  aristocratique.  Justement,  il  existe  dans  le  voisinage  une  veuve 
fort  riche  et,  de  plus,  très-coquette,  qui  compte  le  colonel  au  nombre 
de  ses  adorateurs.  Cette  veuve  s'appelle  prosaïquement  Mme  Lecou- 
tellier, mais  elle  est  née  de  Valtaneuse.  Quoique  possédant,  de  par 
le  fait  de  son  mari  défunt,  de  grandes  richesses  qui  lui  sont  dispu- 
tées par  un  neveu  de  M.  Lecoutellier,  un  député  dandy,  que  son 
procès  avec  sa  tante  n'empêche  pas  de  figurer  parmi  ses  sigisbées, 
la  belle  veuve  ne  peut  se  consoler  d'avoir  perdu  le  berceau  de  ses 
nobles  ancêtres,  et  ses  plus  chères  convoitises  se  réunissent  sur  le 
château  de  Valtaneuse  qu'elle  veut  racheter  à  tout  prix.  C'est  là  que 
l'attend  la  dextérité  sournoise  de  maître  Guérin,  qui  a  bâti  son  plan 
d'après  cette  donnée.  Le  château  de  Valtaneuse  appartient  en  ce 
moment  à  un  M.  Desroncerets,  espèce  d'original,  incessamment  en 
quête  d'inventions  saugrenues,  dans  lesquelles  toutes  ses  ressources 
s'épuisent.  Un  dernier  projet  traverse  son  cerveau  ;  mais  pour  l'exé- 
cuter il  lui  faut  100,000  francs,  et  il  n'en  a  pas  le  premier  sou. 
Dans  son  délire  d'inventeur  aux  abois,  il  se  jette  entre  les  mains  de 
maître  Guérin,  c'est-à-dire  de  son  prête-nom,  le  père  Brénu,  et  il 
lui  vend  à  réméré  son  château  qui,  dans  un  an,  appartiendra  au 
prêteur,  si  les  100,000  francs  ne  sont  pas  remboursés.  Maître  Guérin 
n'a  aucun  doute  sur  le  résultat  de  cette  affaire  usuraire  ;  dans  un  an, 
et  le  terme  est  prochain,  Desroncerets  ne  paiera  pas;  le   château 


deviendra  sa  propriété,  et  il  le  donnera  à  son  fils,  qui,  du  même 
coup,  épousera  Mme  Lecoutellier  et  échangera  son  nom  plé- 
béien contre  celui  de  Valtaneuse.  Tout  cela  est  bien  près  de  s'ac- 
complir selon  les  calculs  de  l'ambitieux  notaire.  Mais  où  serait  la 
justice?  où  serait  la  morale?  La  pierre  d'achoppement  de  tout  ce  bel 
échafaudage  vient  de  la  fille  de  Desroncerets,  un  ange  de  dévouement 
et  de  beauté,  que  le  colonel  Guérin,  las  des  caprices  de  Mme  Lecou- 
tellier, s'est  mis  à  aimer  sérieusement,  le  jour  où  les  admirables 
qualités  de  la  fille  du  savant,  voilées  pendant  un  instant  par  une 
apparente  sécheresse  de  cœur,  lui  ont  été  révélées.  Alors  son  parti 
est  pris;  quand  bien  même  il  devrait  renoncer  aux  avantages  que 
son  père  lui  destine,  il  se  décide  à  demander  la  main  de  Francine 
Desroncerets.  Maître  Guérin,  voyant  tous  ses  projets  à  vau-l'eau, 
éclate  et  se  trahit  ;  c'est  son  arrêt  qu'il  a  prononcé  ;  dès  ce  moment 
il  n'a  plus  de  femme,  il  n'a  plus  de  fils,  et  il  se  trouve  réduit  à  l'u- 
nique société  de  son  compère  Brénu. 

,  Telle  est,  en  termes  sommaires,  la  comédie  nouvelle  de  M.  Emile 
Augier,  qui  renferme,  comme  on  voit,  de  puissants  éléments  d'intérêt 
et  d'émotion,  ménagés  avec  beaucoup  d'art  et  relevés  par  d'excellents 
détails  d'exécution.  Il  faut  cependant  reconnaître  que  les  trois  pre- 
miers actes  ne  sont  pas  a  la  hauteur  des  deux  derniers  qui  ont  em- 
porté le  succès.  Mais  ce  défaut  est  bien  compensé  par  une  interpré- 
tation hors  ligne,  en  tête  de  laquelle  il  faut  citer  Got,  chargé  du  rôle 
de  maître  Guérin,  dont  il  a  fait  une  de  ses  plus  remarquables  créa- 
tions. Geffroy  prête  une  saisissante  physionomie  à  l'inventeur  Des- 
roncerets, Delaunay  est  un  parfait  dandy,  et  Lafontaine  retrouve,  sous 
les  traits  du  colonel  Guérin,  tous  ses  heureux  souvenirs  du  Fils  de 
famille.  Un  personnage  de  grande  coquette,  tel  que  celui  de  Mme  Le- 
coutellier, ne  pouvait  être  mieux  confié  qu'à  Mme  Arnould-Plessy  ; 
celui  de  Francine  Desroncerets  met,  une  fois  de  plus,  en  relief  le 
sentiment  exquis  de  Mlle  Favart,  et  enfin;  Mlle  Nathalie  joue  avec 
convenance  et  sentiment  le  rôle  un  peu  effacé  de  Mme  Guérin. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

***  La  représentation  de  la  Juive,  donnée  dimanche  au  théâtre  im- 
périal de  l'Opéra,  a  été  fort  brillante.  Villaret  a  chanté  le  rôle  d'Eléazar 
avec  beaucoup  d'âme  et  de  puissance;  Mlle  Sax  s'est  élevée  à  une 
grande  hauteur  dramatique  dans  te  rôle  de  Kachel,  et  sa  splendide  voix 
a  électrisé  la  salle.  On  sait  avec  quelle  supériorité  Obin  joue  et  chante 
le  cardinal  ;  Warot  et  Mlle  de  Taisy  ont  vaillamment  contribué  à  l'en- 
semble. —  Lundi  et  vendredi  on  a  représenté  Roland  à  Roncevaux,  et 
mercredi  Guillaume  Tell. 

V**  Les  études  de  l'Africaine  sont  poussées  avec  activité.  Les  deux 
premiers  actes  sont  sus  par  les  chanteurs  et  les  choristes,  et  le  troi- 
sième vient  de  leur  être  distribué.  Les  décorateurs  sout  à  l'œuvre,  et 
l'on  peut  s'en  rapporter  au  goût  et  au  talent  artistique  de  M.  Perrin 
pour  se  faire  une  idée  de  ce  qu'elles  seront.  Jamais,  dit-on,  pareilles 
splendeurs  n'auront  été  déployées  à  l'Opéra. 

***  En  annonçant  la  représentation  extraordinaire  qui  doit  être  don- 
née le  17,  à  l'Opéra,  au  béuéfice  de  Bouffé,  nous  avions  mentionné 
Roger  comme  devant  y  figurer.  Quelques  obstacles  sont  venus  à  la 
traverse,  et  le  célèbre  ténor  ne  pourra  donner  cette  preuve  de  bonne 
volonté  à  un  artiste  qu'il  estime  et  qu'il  aime. 

„*,.  La  cantate  du  nouveau  prix  de  Rome,  M.  Sieg,  qui  doit  être, 
d'après  le  nouveau  décret,  exécutée  au  théâtre  de  l'Opéra,  sera  chantée 
par  Mlle  de  Taisy,  Morère  et  Dumestre. 

a.**  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  donné  cette  semaine  deux  re- 
présentations du  Domino  noir,  pour  la  continuation  des  débuts  de 
Mme  Gennetier  qui  a  été  fort  applaudie  dans  le  rôle  d'Angèle.  Elle  a  dit 
fort  brillamment  Varagonaise  dont  on  a  redemandé  le  deuxième  couplet, 
et  avec  beaucoup  de  goût  le  rondo  du  troisième  acte.  —  Hier  au  soir  on 
a  donné  la  première  représentation  du  Trésor  de  Pierrot,  de  MM.  Cormon 
et  Henri  Trianon,  musique  de  M.  E.  Gautier.  Nous  en  rendrons  compte 
dimanche. 

***  Le  succès  de  la  Traviata  et  de  Mlle  Nilsson  s'est  confirmé  aux 
représentations  suivantes;  la  jeune  cantatrice,  plus  maîtresse  d'elle- 
même,  s'est  rendu  compte  de  la  portée  de  sa  voix  :  elle  a  donné  plus 


358 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


d'accentuation  à  son  chant,  d'animation  à  sa  diction,  et  tous  les  soirs 
un  nombreux  public  applaudit  à  ces  progrès  et  les  encourage. 

*%  L'opéra  de  M.  de  Saint-Georges,  dont  le  prince  Poniatowski  a 
composé  la  musique,  sera  chanté  par  Mmes  de  Maësen  et  Faure-Lefeb- 
vre,  Montjauze,  Ismael  et  Petit.  Il  est  entré  en  répétition. 

„,•„  Vendredi  soir  a  eu  lieu  au  théâtre  Italien  la  répétition  générale 
du  divertissement  chorégraphique  qui  doit  être  inauguré  aujourd'hui 
même  pour  la  représentation  de  l'Elisire  d'amore,  chanté  par  Mlle  Patti, 
Naudin,  Scalese  et  Antonucci.  La  musique  de  ce  divertissement  est  d'un 
jeune  oompositeur  de  mérite  M.  Mattiozzi,  de  Florence.  La  chorégra- 
phie du  ballet  est,  dit-on,  bien  dessinée  et  les  costumes  riches. 

,,%  L'un  des  ténors  que  M.  Bagier  avait  engagé  pour  le  théâtre  de 
Madrid,  Negrini,  vient  d'être  frappé,  si  l'on  en  croit  YIndependente  de 
Naples,  d'une  attaque  d'apoplexie  qui  met  sa  vie  en  danger.  On  espérait 
pourtant  que,  grâce  aux  soins  empressés  qui  lui  ont  été  prodigués,  cet 
éminent  artiste  ne  serait  pas  enlevé  à  l'art  musical. 

»*„  Les  sœurs  Marchisio,  dont  nous  avons  annoncé  le  retour,  rentre- 
ront prochainement  dans  la  Semiramide.  Carlotta  chantera  ensuite  le 
rôle  de  Pauline  dans  Poliuto. 

***  D'après  les  dernières  nouvelles  qui  nous  parviennent  de  Madrid, 
les  difficultés  qui  ont  amené  la  fermeture  regrettable  du  théâtre  italien 
de  cette  ville  seraient  en  voie  d'arrangement. 

***  Aujourd'hui,  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  troisième  concert 
populaire  de  musique  classique  sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup.  En 
voici  le  programme  :  1"  ouverture  du  Roi  des  génies,  Weber  ; — 2°  sym- 
phonie en  sol  mineur,  Mozart;— 3°  fragment  de  la  symphonie  cantate, 
Mendelssohn; — i°  concerto  pour  piano  en  si  bémol,  Beethoven  ; — 5°  suite 
d'orchestre  en  ré  majeur  (op.  113),  Franz  Lachner. 

***  L'Académie  des  beaux-arts,  dans  sa  dernière  séance,  a  décerné  le 
prix  Tremont  à  Si.  Th.  Semet,  que  plusieurs  succès  lyriques  ont  placé 
au  rang  de  nos  bons  compositeurs. 

£*„.  A  partir  d'aujourd'hui  dimanche,  VEldorado  donnera  tous  les  di- 
manches et  jours  de  fête,  de  2  à  5  heures,  des  Concerts  de  famille,  dans 
lesquels  se  feront  entendre  les  célébrités  artistiques  de  Paris,  et  qui 
n'auront  rien  de  commun  avec  les  concerts  offerts  en  passe-temps  aux 
consommateurs  de  bière  et  de  café.  Le  concert  d'aujourd'hui  est  con- 
sacré à  la  bienfaisance,  et  le  produit  en  est  destiné  à  la  maison  des 
vieillards  du  dixième  arrondissement.  Mme  Ugalde  a  bien  voulu  con- 
courir à  cette  bonne  œuvre,  en  y  chantant  plusieurs  morceaux,  et 
entre  autres  son  fameux  air  des  Bavards. 

***  Béatrice  et  Benedkt,  l'opéra  shakspearien  de  Berlioz,  est  à  l'étude 
au  théâtre  royal  de  Stuttgart. 

„**  La  première  représentation,  en  Allemagne,  de  Lara,  de  Maillard, 
a  eu  lieu  le  29  octobre  au  théâtre  de  Leipzig.  L'ouvrage  a  obtenu  du 
succès  à  la  représentation,  mais  il  est  sévèrement  traité  par  la  cri- 
tique. 

*%  Le  musée  instrumental  du  Conservatoire,  acquis  de  M.  Clapisson, 
sera  désormais  ouvert  au  public  tous  les  jeudis,  de  midi  à  4  heures. 

***  Le  15  courant  la  société  du  Grand  Concert,  sous  la  direction  de 
Félicien  David,  va  commencer  ses  travaux  d'installation  qui  dure- 
ront environ  un  mois.  Le  comité  artistique  est  composé  de  MM.  Ber- 
lioz, F.  David,  Gevaert,  V.  Massé,  prince  de  Polignac,  prince  Ponia- 
towski et  Edouard  Itodrigues.  Aux  termes  du  programme  qui  vient 
de  nous  être  envoyé,  le  Grand  Concert  aura,  avant  tout,  un  caractère 
essentiellement  international  et  universel,  en  ce  sens  que  ses  program- 
mes comprendront  tous  les  morceaux  les  plus  remarquables  des  maîtres 
de  tous  les  pays,  de  tous  les  temps,  de  toutes  les  écoles,  et  qu'ils 
devront  offrir,  dans  leur  infinie  variété,  des  spécimens  de  tous  les  gen- 
res :  symphonies,  symphonies  avec  chœurs,  odes-symphonies;  frag- 
ments d'opéras,  de  messes,  d'oratorios  ;  ouvertures,  chœurs,  canta- 
tes, etc.,  en  ayant  soin  de  n'admettre  que  des  œuvres  d'un  mérite 
incontestable  et  d'un  effet  certain.  Enfin,  après  avoir  donné  à  son  orches- 
tre, à  ses  chœurs,  une  large  organisation,  la  société  du  Grand  Concert 
adressera  un  appel  à  tous  les  maîtres,  français  ou  étrangers,  et  les 
invitera  à  venir  diriger,  en  personne,  l'exécution  de  leurs  œuvres. 

**,  On  annonce  l'arrivée  à  Paris  d'une  excellente  cantatrice  polo- 
naise, Mme  Frederici-Jakowicka,  élève  de  M.  Julien  Dobrski,  professeur 
de  chant  à  l'Institut  musical  à  Varsovie.  Cette  jeune  dame  qui  possède 
une  très-belle  voix  de  soprano,  très-accenluée  et  très-dramatique,  a 
été  entendue  par  M.  Auber,  directeur  du  Conservatoire  impérial  de 
musique.  L'illustre  compositeur  a  témoigné  plusieurs  fois  à  Mme  Ja- 
kowicka  sa  satisfaction  sur  sa  méthode  et  la  pureté  de  son  goût.  Nous 
espérons  qu'elle  se  fera  entendre  en  public  avant  son  départ. 

„.*„.  Le  célèbre  compositeur  anglais  Balfe,  auteur  de  la  Bohémienne, 
vient  d'arriver  à  Paris,  où  il  compte  passer  l'hiver.  On  sait  que  sa  fille, 
Mlle  Victoria  Balfe,  qui  avait  quitté  la  carrière  théâtrale  pour  épouser 
lord  Crampton,  ambassadeur  d'Angleterre  à  Saint-Pétersbourg,  après 
avoir  obtenu  son  divorce,  vient  d'épouser  le  duc  de  Frias,  grand 
d'Espagne  et  cousin  de  la  reine  d'Angleterre. 

**„  On  se  rappelle  le  succès  qu'obtinrent  il  y  a  deux  ans,  aux  con- 
certs Musard,  plusieurs  compositions  de  danse,  et  entre  autres  l'express- 


train  de  M.  Arthur  Kalkbrenner.  Le  jeune  compositeur  est  de  retour  à 
Paris,  après  avoir  passé  en  Bretagne  ces  deux  années  à  mûrir  ses  études 
musicales,  et  à  composer,  dit-on,  la  partition  d'un  opéra  en  trois  actes. 

„*„  L'éditeur  qui  partage  avec  Iîicordi  la  suprématie  du  commerce 
de  musique  en  Italie,  M.  Francesco  Lucca,  est  depuis  huit  jours  à  Paris. 

*%  Les  journaux  de  Berlin  annoncent  le  retour  dans  cette  ville  de 
l'éminent  pianiste  Ch.  Wehle,  après  un  long  voyage  en  Afrique,  aux 
Indes  et  à  Batavia.  Nous  avions  déjà,  il  y  a  quelques  mois,  annoncé  son 
retour  lorsqu'il  passa  par  Paris.  SJ.  Wehle  compte  séjourner  quelque 
temps  à  Berlin. 

„**  L'inauguration  solennelle  du  grand  orgue  construit  par  MM.  Mer- 
klin-Schulze  pour  la  ravissante  église  de  Notre-Dame  de  Liesse  a  eu  lieu 
jeudi  dernier.  Le  succès  de  ces  habiles  facteurs  a  été  complet,  ainsi 
que  celui  de  MM.  Edouard  Batiste,  l'éminent  organiste  de  Saint-Eustache, 
et  Grison,  le  nouvel  organiste  de  la  cathédrale  de  Reims,  qui  étaient 
chargés  de  faire  entendre  les  nombreuses  ressources  de  ce  délicieux 
instrument. 

**%  La  société  pour  l'encouragement  de  l'art  musical  en  Hollande 
avait  mis  au  concours  cette  année  une  symphonie  à  grand  orchestre. 
C'est  M.  E.  Chaîne,  l'éminent  violoniste-compositeur,  qui  vient  d'être 
couronné  en  premifre  ligne  avec  mention  honorable,  pour  sa  première 
symphonie  en  fa.  Cette  œuvre ,  qu'on  a  jugée  très-remarquable,  sera 
exécutée  cet  hiver  dans  un  des  grands  festivals  ou  concerts  populaires 
de  la  Hollande.  Nous  constatons  ce  succès  que  vient  de  remporter 
M.  E.  Chaîne  avec  d'autant  plus  de  plaisir  que  les  symphonistes  fran- 
çais sont  rares. 

n%  L'éminent  compositeur,  M.  Jules  Benedict,  à  Londres,  vient  d'être 
décoré  par  S.  M,  le  roi  de  Wurtemberg  de  l'ordre  de  la  Couronne. 
Cette  décoration,  une  do  celles  qui  ne  se  prodiguent  point,  confère  en 
même  temps  au  récipiendaire  des  titres  de  noblesse. 

+*%  Mlle  Murska,  l'une  des  brillantes  élèves  de  Mme  Marchesi,  est 
engagée  à  Vienne  et  pour  l'été  prochain  au  théâtre  de  Sa  Majesté  à 
Londres.  Mme  Dory  et  Mlle  Fabbrini,  deux  autres  de  ses  élèves,  sont 
engagées,  l'une  à  Barcelone,  et  l'autre  à  Odessa,  où  elles  chanteront 
cet  hiver. 

***  L'exposition  internationale  de  Bayonne  a  été  close  le  29  sep- 
tembre, par  la  distribution  des  récompenses  accordées  aux  exposants. 
—  Dans  la  partie  industrielle,  M.  Henri  Herz  et  M.  Adolphe  Sax,  pour 
leurs  instruments  de  musique,  ont  obtenu  des  «  diplômes  d'honneur.  » 

**,,,  M.  Braga,  l'éminent  violoncelliste,  est  de  retour  à  Paris. 

**„.  Un  roi  tenant  sur  les  fonts  baptismaux  l'enfant  d'un  simple  mu- 
sicien, est  certainement  un  fait  assez  rare,  et  qui,  à  ce  titre,  mérite 
d'être  enregistré.  C'est  S.  M.  le  roi  de  Hanovre  qui  vient  d'accorder 
cette  faveur  au  violoniste  Joachim. 

„.**  La  vogue  est  toujours  au  charmant  théâtre  Robin,  et  la  salle  de- 
vient trop  petite  pour  la  foule  qui  s'y  presse  tous  les  soirs.  Ce  succès 
s'explique  par  l'attrait  d'un  spectacle  on  ne  peut  mieux  choisi.  Tous 
les  soirs,  des  bravos  unanimes  accueillent  les  curieuses  expériences 
scientifiques  que  M.  Robin  exécute  avec  les  bobines  Ruhmkorff  et  la 
nouvelle  machine  pneumatique.  Rien  de  plus  intéressant  et  en  même 
temps  de  plus  instructif  que  ses  tableaux  animés  de  l'astronomie  po- 
pulaire. La  composition  mécanique  de  ces  tableaux  est  si  ingénieuse 
et  les  explications  qui  les  accompagnent  sont  si  claires  et  si  précises 
que  les  esprits  les,  moins  exercés  peuvent  comprendre  du  premier  coup 
toutes  les  merveilles  du  ciel.  Vulgariser  la  science,  c'est  le  mot  d'ordre 
du  théâtre  Robin. 

t%  M.  de  Kustner,  avant  l'avènement  de  M.  de  Hulsen,  et  pendant 
de  longues  années  intendant  des  théâtres  royaux  de  Berlin,  vient  de 
mourir  à  Dresde,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


„*„  Reims.  —  Le  concours  pour  la  place  de  premier  organiste  de 
notre  cathédrale  vient  d'avoir  lieu.  Le  jury  était  composé  de  M.  l'abbé 
Régnier,  de  Nancy  ;  de  M.  Lefébure-Wely,  organiste  de  Saint-Sulpice  ; 
de  M.  Edouard  Batiste,  organiste  de  Saint-Eustache,  professeur  au  Con- 
servatoire impérial  de  musique,  et  de  M.  Robert,  maître  de  chapelle  de 
notre  métropole.  Le  jury  avait  tenu  à  ne  connaître  ni  les  noms  des 
concurrents  ni  l'ordre  dans  lequel  ils  subiraient  les  épreuves.  Dix  con- 
currents sont  entrés  en  lice,  après  avoir  entre  eux  tiré  au  sort  une 
lettre  de  l'alphabet.  Le  jury,  à  l'unanimité,  a  déclaré  première  la  let- 
tre A,  deuxième  la  lettre  K,  et  ex-equo,  comme  ayant  mérité  une  men- 
tion honorable  ou  d'encouragement  les  lettres  B,  D,  I,  L,  0.  La  concur- 
rent A,  qui  vient  d  être  nommé  organiste  du  grand  orgue,  est  M.  Grison. 
de  Reims  ;  la  lettre  K  était  M.  Dallier,  également  de  Reims.  Il  est  à 
remarquer  pour  l'honneur  de  notre  ville  que  deux  autres  artistes  ré- 
mois, M.  Auguste  Carré  (D),  et  M.  E.  Duval  (0),  ont  aussi  mérité 
d'être  remarqués  par  le  jury. 

„*«  Strasbourg.  —  Le  public  n'a  que  des  remerciments  a  adresser  à 
la  direction  de  notre  grand  Théâtre  pour  le  soin  qu'il  a  mis  à  compo- 


DE  PARIS. 


359 


ser  son  personnel  et  celui  qu'il  apporte  à  la  bonne  exécution  des  ou- 
vrages du  répertoire.  Norma,  le  Toréador,  le  Maître  <lc  Chapelle,  la  Dame 
blanche,  Rigoletto,  les  Dragons  de  Villars,  ont  fait  tour  à  tour  valoir 
Mmes  Lustani-Mendez,  Mlle  Durand,  Mlles  Vois  et  Collignon,  et  MM.  War- 
nots,  Marchot,  Carman  et  Puget,  qui  composent  le  gros  de  la  troupe 
actuelle.  Les  Dragons  de  Villars,  le  charmant  opéra  de  Maillart,  sont 
toujours  accueillis  avec  grande  faveur.  —  On  nous  annonce  pour  cet 
hiver  la  représentation  d'un  opéra-comique  inédit,  dont  notre  ténor  lé- 
ger, M.  Henri  Warnots,  a  composé  la  musique. — Nous  apprenons  aussi 
qu'un  opéra  dont  M.  Aug.  Lippmann,  notre  compatriote,  a  écrit  la 
partition  et  qui  a  pour  titre  :  les  quatre  Neveux  de  l'andolfe,  paroles  de 
M.  Vallièro,  vient  d'être  choisi  pour  être  joué  sur  le  théâtre  de  Bade,  par 
le  comité  chargé  de  désigner  les  pièces  dignes  de  cette  préférence. 

***  Lyon.  —  Notre  grand  théâtre  est  entré  en  possession  d'une  ex- 
cellente troupe  d'opéra  et  d'opéra-comique.  Mme  Soustelle,  Mme  Vadé, 
Mlle  Marimon,  Mlle  Dupuy,  Mlle  SmitzErambert  ;  MM.  Dulaurens,  Mel- 
chîsedec,  Perié,  Ch.  Achard,  P.arielle,  Mirai,  composent  un  très-re- 
marquable ensemble  qu'on  a  pu  successivement  apprécier  dans  le  Songe 
d'une  nuit  d'été,  la  Fille  du  Régiment,  la  Favorite  et  les  Huguenots.  Du- 
laurens (Raoul),  Mme  Soustelle  (Valentine),  M.  Perié  (Marcel),  Melchi- 
sedec  (Nevers),  et  Barielle  (Saint-Bris),  Mlle  Dupuy  (Marguerite),  ont 
interprété  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  de  façon  à  satisfaire  les  plus 
difficiles  et  à  provoquer  de  légitimes  applaudissements.  Le  talent  de 
Mlle  Marimon  lui  a  promptement  concilié  les  sympathies  du  public,  et 
les  rôles  de  la  reine  Elisabeth  et  de  la  fille  du  Régiment  ont  été  pour 
elle  un  véritable  triomphe  ;  Mme  Cabel  ne  pouvait  être  plus  dignement 
remplacée. 

CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

t*%  Londres.  —  La  première  représentation  de  Helvellyn,  le  premier 
opéra  vraiment  anglais  donné  par  le  théâtre  royal  anglais  de  Covent- 
Garden,  établi  expressément  dans  ce  but,  a  eu  lieu  hier,  jeudi.  Le  sujet 
sur  lequel  M.  Oxenford  a  très-habilement  bâti  son  livret,  est  tiré  du 
drame  allemand  de  Mosenthal,  der  Sonnenivendhof  ;  il  est  très-attachant, 
et,  ce  qui  est  l'essentiel,  il  fournissait  au  compositeur  des  situations 
musicales  et  des  scènes  émouvantes.  M.  Macfarren  a  su  en  tirer  le  meil- 
leur parti,  et  le  succès  de  la  première  représentation  a  été  très-grand. 
Quatre  morceaux  ont  été  bissés,  et  l'on  a  rappelé  le  compositeur  à  la 
fin  du  premier  acte.  Le  même  honneur  a  été  prodigué,  à  la  chute  du 
rideau,  à  tous  les  artistes  occupés  dans  l'ouvrage,  y  compris  M.  Mellon, 
le  chef  d'orchestre,  et  M.  Barris,  le  directeur  de  la  scène.  Les  décora- 
tions, les  costumes  et  la  mise  en  scène  en  général,  ont,  du  reste,  été 
admirables;  et  sans  que  l'affiche  eût  eu  besoin  de  l'annoncer,  on  s'aper- 
cevait bien  que  M.  Uarris  avait  passé  par  là.  Le  mérite  de  la  partition 
pourra  être  contesté,  mais  non  celui  de  la  mise  en  scène. — On  vient  de 
publier  la  liste  des  compositions  de  L.  Engel,  l'organiste,  qui  a  obtenu 
dernièrement  de  si  beaux  succès  à  Vienne  et  à  Madrid.  11  n'apaspublié 
moins  de  62  compositions  originales  pour  l'orgue,  255  fantaisies  et 
transcriptions;  3  trios,  4  4  duos  pour  piano  et  orgue,  et  une  série  de 
morceaux  pour  piano  et  chant.  Qu'on  dise,  après  cela,  que  l'Angleterre 
est  le  pays  du  far  nièrite  pour  les  artistes  ! 

„**  Weimar.  —  Béatrice  et  Bcnedict,  de  Berlioz,  est  toujours  l'ouvrage 
qui  se  joue  avec  l'intérêt  le  plus  soutenu  sur  notre  théâtre  grand-du- 
cal. Le  duo-nocturne  entre  Héro  et  Ursule  est  un  de  ces  morceaux  qui 
suffisent  seuls  pour  immortaliser  une  œuvre  d'art;  Mme  Podolski  (lléro), 
lime  de  Milde  (Béatrice),  et  M.  Kopp  (Benedict),  contribuent  grande- 
ment, par  leur  interprétation  excellente,  au  succès  de  l'œuvre  originale 
du  maître  français. 

**„,  Cologne.  —  La  Société  des  concerts  du  Gurzenich  vient  d'inau- 
gurer la  saison  de  l'hiver  par  l'exécution  de  l'oratorio  de  Ferdinand 
Hiller,  la  Destruction  de  Jérusalem,  ouvrage  d'un  grand  mérite  et  qui  a 
été  supérieurement  rendu  sous  la  direction  du  compositeur.  —  Notre 
compatriote,  M.  Ch.  Halle,  après  ses  concerts  à  Leipzig  et  à  Hanovre, 
et  avant  de  retourner  à  son  poste,  en  Angleterre,  nous  a  consacré  une 
soirée  dans  laquelle  l'éminent  artiste  nous  a  fait  entendre  les  œuvres 
pour  piano  de  Scarlatti,  Beethoven,  Bach,  Chopin  et  Heller.  Charles 
Halle  a  tenu  seul  le  piano  pendant  toute  la  soirée,  l'intérêt  cependant 
n'a  pas  langui  un  seul  instant. 

„.%  Berlin.  —  On  ne  saurait  trop  louer  l'entreprise  de  notre  maître 
des  concerts,  le  vénérable  Hubert  Ries,  qui  a  pour  but  de  faire  enten- 
dre, sous  le  patronage  et  devant  un  auditoire  choisi,  des  compositions 
nouvelles  de  musique  de  chambre.  Dans  l'une  des  dernières  de  ces 
séances  intéressantes ,  le  quatuor  en  mi  bémol  de  Ernst  a  eu  tous 
les  honneurs.  La  Gazette  musicale  rend  compte  aujourd'hui  même  de 
ce  quatuor  et  de  son  exécution  à  Paris;  nous  n'avons  donc  pas  be- 
soin d'insister  à  cette  place  sur  le  mérite  de  la  composition,  mais  nous 
tenons  à  constater  qu'à  Berlin  aussi  bien  qu'à  Paris  et  à  Londres,  l'œu- 
vre du  sympathique  artiste  a  été  entendue  avec  le  plus  vif  intérêt. 
C'est  une  œuvre  pleine  de  force  et  de  vie,  et  personne  ne  se  douterait, 
en  l'entendant,  que  celui  qui  a  écrit  ces  pages  si  fraîches  et  si  origi- 
nales   est,  hélas  !    cloué    depuis    des  années   sur  un   lit  de   douleur. 


M.  Hubert  Ries  lui-même,  tenait  le  premier  violon,  et  sous  sa  direction 
l'exécution  ne  pouvait  être  que  parfaite.  Ses  partenaires  d'ailleurs, 
MM.  F.  Ries,  Kahle  et  Rohne  rivalisaient  avec  le  .maître  et  se  sont  ac- 
quittés admirablement  d'une  tâche  ardue,  car  les  parties  de  ce  qua- 
tuor laissent  suffisamment  voir  qu'il  a  été  écrit  par  un  virtuose  de  pre- 
mière force.  —  M.  de  Bulovv  nous  quitte  ;  il  est  appelé  à  Munich 
comme  pianiste  particulier  (Vorspieler)  du  roi  de  Bavière.  M.  de  Bulow, 
grand  virtuose,  du  reste,  est  un  des  adeptes  les  plus  fervents  de  l'é- 
cole de  Richard  Wagner  que  Sa  Majesté  bavaroise  paraît  tout  spécia- 
lement vouloir  prendre  sous  sa  protection,  puisque  un  des  premiers 
actes  de  son  règne  a  été  d'appeler  dans  sa  capitale  M.  Richard  Wagner 
lui-même.  —  M.  de  Bronsart  remplace  M.  de  Bulow  comme  chef  d'or- 
chestre des  concerts  de  la  Société  des  amateurs. 

**„,  Milan.  —  Vers  la  mi-novembre  le  théâtre  Carcano  va  rouvrir  ses 
portes  pour  la  saison  d'automne  et  de  carnaval.  La  salle  a  été  res- 
taurée et  embellie.  La  troupe  se  compose  de  Mmes  Ponti  Dell'armi,  Siebs, 
Varesi,  prime  donne;  Giuseppina  Lemaire,  contre-alto;  MM.  Dell'armi, 
Stecchi-Bottardi,  ténors;  Baraldi,  Varesi,  barytons;  Garcia,  Rebottaro, 
basses;  bouffe,  Enrico  Toppai.  Les  premiers  ouvrages  qui  seront  joués, 
sont  :  Un  Ballo  in  maschera,  Roberlo  il  Diavolo,  Mose,  Marta,  Norma, 
Linda  di  Chamouni,  Memorie  del  Diavolo,  du  maestro  Sozzi,  écrit  expres- 
sément pour  cette  scène. 

„,*.,  Naples.  —  Le  théâtre  San  Carlo  donnera  cette  saison,  c'est-à-dire 
du  5  novembre  jusqu'à  la  fin  d'avril,  quatre-vingt-huit  représentations, 
à  raison  de  trois  par  semaine.  Outre  le  répertoire  courant,  on  montera 
trois  ouvrages  nouveaux,  dont  l'un  écrit  spécialement  pour  ce  théâtre, 
s'appelle  Celinda,  dn  maestro  Petrella  ;  Maria-Staarda,  de  Donizetti,  et 
Marta,  de  Flotovv.  On  donnera,  en  outre,  trois  ballets,  dont  deux  en 
cinq  actes,  Velleda,  la  Comtesse  d'Egmont  et  Ariella.  Les  sujets  engagés 
sont  :  Emilie  Lagrua  et  Luigia  Perelli  ;  de  Ruda  et  Crescimanno,  prime 
donne;  Laura  Caracciolo,  contre-alto;  Mirate,  Ruggiero  Sirchia,  Tasca 
de  Cappellio,  ténors;  de  Bassini,  Guicciardi,  Ferri,  barytons;  Atri, 
Arati,  basses.  —  La  troupe  est  donc  excellente,  et  nous  promet  une 
bonne  saison  théâtrale. 


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13  Novembre  1864. 


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C'est  elle. 

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Le  Moine. 
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Sérénade. 

Elle  et  moi. 

La  Barque  légère. 


I  Le  Trappiste. 
Les  Souvenirs. 
|  Sur  le  Balcon. 


Délire. 

A  une  jeune  mère. 

Le  Poète  mourant. 


I  La  Fille  de  l'air. 
Fantaisie. 
La  Chanson  de  maître  Floh. 


La  Folle  de  Saint-Joseph. 
Au  Tombeau  de  Beethoven. 
Suleîka. 
Le  Baptême. 
Sicilienne. 
Prière  d'enfants. 
Vœu  pendant  l'orage. 
Printemps  caché. 
Le  Pénitent. 
Marguerite. 
La  Dame  invisible. 
Feuilles  de  roses. 
Chant  du  dimanche. 
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Lorsque  Meyerbeer  fut  si  soudainement  enlevé  a  l'art  qu'il  illustrait,  pas  uu  des  abonnés  de  la  Galette 
musicale  ne  faillit  à  payer  son  tribut  de  regrets  à  l'immortel  auteur  des  EBvtgwenois.  Sons  sommes  donc 
bien  certains  qu'en  leur  offrant  aujourd'hui,  EN  PBI1IE,  un  magnifique  porirait  du  maître,  accompagné  de  la 
collection  transcrite  pour  piano  de  ses  QUARANTE  MÉLODIES,  arrangées  exprès  poui'  celte  occasion,  par 
un  professeur  et  un  artiste  dont  la  valeur  et  le  mérite  n'ont  pus  besoin  d'éloge,  II.  .Imïiih:  HEKEADS ,  qui  a 
voulu  lui-même  honorer  la  mémoire  de  Meyerbeer  en  faisant  ce  travail,  nous  sommes  bien  certains,  disons- 
nous,  d'avoir  choisi  ce  qui  pouvait  leur  plaire  le  mieux.  —  D£s  le  1er  décembre,  nous  mettrons  donc  a  leur 
disposition  ce  beau  volante  Inédit  et  le  portrait,  auxquels  nous  ajoutons  UN  ALBUM  DE  DANSES,  du  aux  meil- 
leurs auteurs  de  ee  genre  de  musique. 


362 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de.  l'Opéra-Comique  :  le  Trésor  de  Pierrot, 
opéra-comique  en  deux  actes,  paroles  de  MM.  Cormon  et  Henri  Trianon,  mu- 
sique de  M.  Eugène  Gautier,  par  Léon  Durocbcr.  —  Théâtre  impérial 
Italien  :  VElisire  d'amore,  de  Donizetti  ;  Adelina  Patti  dans  le  rôle  d'Adina  ; 
divertissement,  par  Paul  Smith.  —  La  musique  et  la  société  française  au 
xvme  siècle  (4°  article),  par  Em.  Mathieu  de  Monter.  —  Devienne 
(7«et  dernier  article),    par  Arthur  Pougin.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  HftPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

I>E  TRÉSOR  D9B  PIERROT, 

Opéra-comique  en  deux  actes,  paroles  de  MM.  Cormon  et  Henri 
Tbianon,  musique  de  M.  Eugène  Gautier. 

(Première  représentation  le  5  novembre  1864.) 

Ce  Pierrot-ci  n'est  pas  l'amant  enfariné  de  Colombine.  Il  est  paysan 
de  naissance,  jardinier  de  profession,  et,  de  plus,  il  est  fiancé  à 
la  jolie  Lucette,  à  laquelle  il  a  promis  mariage.  Faut-il  même  que  je 
dise  toutes  les  circonstances  qui  vont  aggraver  les  torts  de  Pierrot? 
L'union"  tant  désirée  est  près  de  s'accomplir.  Le  curé  est  averti,  et 
prépare  son  conjungo,  la  cloche  va  se  mettre  en  branle,  et  Lucette 
fait  sa  toilette  de  mariée  quand  Pierrot,  dont  les  laitues  ont  soif,  se 
met  en  devoir  de  les  abreuver,  en  attendant  l'heure  de  la  cérémonie; 
car  Pierrot  est  un  homme  d'ordre.  Or,  que  ramène-t-il  du  puits,  au 
lieu  de  la  demi-voie  d'eau  qu'il  y  cherche?  un  coffre  de  fer.  Et  que 
trouve-l-il  dans  ce  coffre?  des  louis  d'or!  Le  coffre  en  est  plein! 
Voilà  Pierrot,  le  jardinier,  cent  fois,  mille  fois  plus  riche  que  le  cé- 
lèbre savetier  qu'a  si  agréablement  chanté  la  Fontaine.  Il  emporte, 
il  cache  soigneusement  son  trésor,  qui,  naturellement,  fait  chez  lui 
bien  plus  de  ravage  que  les  cent  écus  du  financier  n'en  firent  chez 
le  savetier  son  voisin.  «  Quels  beaux  cadeaux  je  vais  faire  à  Lu- 
cette! Des  cadeaux?  non.  Cela  ferait  jaser.  On  découvrirait  bien  vite 
que  je  suis  riche,  et  l'on  ne  tarderait  pas  à  me  voler.  De  la  pru- 
dence, et  point  de  cadeaux  !  D'ailleurs,  Lucette  n'a  rien.  Ce  matin, 
en  l'épousant,  je  faisais  un  mariage  convenable,  mais  tout  est  bien 
changé.  Si  je  l'épousais  maintenant,  je  ferais  une  sottise,  car  je  puis 
aspirer  aux  partis  les  çlus  brillants.  »  C'est  Chrysanthe,  son  riche  voi- 
sin, qui  lui  fait  venir  à  l'esprit  ces  réflexions  judicieuses,  en  lui  of- 
frant la  main  de  sa  fille  Florise.  —  Chrysanthe  a  pour  cela  des 
raisons  secrètes  qui  m'ont  paru  fort  contestables,  mais  que  je  sup- 
prime afin  d'abréger.  0  puissance  de  l'or  !  en  moins  d'une  heure, 
Pierrot,  le  bon,  l'honnête,  l'insouciant  Pierrot,  qui  avait  le  cœur  sur 
la  main,  et  qui,  n'ayant  rien  à  perdre,  ne  se  souciait  de  personne, 
devient  avare,  inquiet,  soupçonneux,  ambitieux,  coureur  de  dots,  in- 
fidèle, grossièrement  déloyal,  et  disposé  à  tout  faire  pour  grossir  son 
magot.  Il  repousse  brutalement  Lucette,  dont  les  larmes  l'importunent 
au  lieu  de  l'attendrir.  Florise  vient  lui  notifier  qu'elle  ne  l'aime  pas, 
qu'elle  en  aime  un  autre,  que  si,  se  prévalant  de  l'entêtement  d'un 
père  insensé,  il  s'obstine  à  l'épouser  malgré  elle,  elle  continuera 
d'aimer  l'autre,  et  qu'il  peut  s'attendre  à  tout.  Cette  déclaration  l'é- 
branle  un  moment  :  mais  bientôt  il  reprend  courage.  «  Bah!  bah! 
n'y  a-t-il  pas  une  dot  ?  Palpons  d'abord  la  dot,  après  nous  verrons  !  » 
—  Voilà  où  la  richesse  a  conduit  Pierrot,  qui  ne  revient  à  lui  que 
lorsqu'il  voit  Lucette  se  diriger  vers  l'église,  au  bras  d'un  dragon 
qu'elle  fait  semblant  d'épouser.  La  jalousie  dissipe  toute  cette  fumée, 
et  Pierrot  renvoie  au  fond  du  puits  le  trésor  qui  lui  a  fait  tant  de 
mal.  C'est  le  beau  mouvement  de  Robinson  Crusoé.«  Vil  métal,  etc.  » 
Mais  Pierrot  n'étant  pas,  comme  Robinson,  dans  une  île  déserte, 
pourrait,  je  crois,  faire  de  sa  trouvaille  un  usage  plus  utile  à  Lucette 
et  à  sa  future  famille. 

Tout  cela  n'est,  comme  on  voit,  qu'une  bouffonnerie.  Cette  bouf- 
fonnerie manque  un  peu  son  effet,  parce  que  M.  Montaubry,  qui  est 


chargé  du  rôle  de  Pierrot  ,  n'a  pas  les  habitudes  scéniques  de 
MM.  Saint  e-Foy  ou  Berthelier,  et  qu'il  n'a  pas  été  donné  à  tout  co- 
médien de  se  transformer  à  volonté.  Il  aurait  fallu  pour  cela  le  coup 
de  baguette  d'un  magicien.  Ce  magicien  ne  s'étant  pas  rencontré, 
M.  Montaubry  est  demeuré  acteur  sérieux  et  raisonnable,  malgré  qu'il 
en  eût,  plein  de  bonne  volonté  d'ailleurs,  et  montrant  beaucoup 
d'intelligence.  Mais  la  nature,  évidemment,  ne  lui  a  pas  donné  ce  je 
ne  sais  quoi  qui  fait  les  acteurs  comiques,  et  qu'avait  à  une  si  forte 
dose  M.  Arnal. 

S'il  joue  trop  sérieusement  son  rôle,  en  revanche,  il  le  chante  très- 
agréablement, —  quand  il  ne  pousse  pas  sa  voix  trop  fort,  par 
exemple,  dans  son  duo  comique  avec  le  dragon  son  rival,  et  surtoutdans 
une  très-jolie  romance:  Ainsi  qu'un  chien  fidèle,  etc.,  que  chante 
Pierrot  quand  l'amour  se  réveille  dans  son  cœur.  Il  y  a  là  tout  ce 
qu'on  peut  souhaiter  :  une  mélodie  élégante,  expressive,  un  accom- 
pagnement harmonieux,  une  instrumentation  colorée,  des  modula- 
tions très -heureuses,  un  style  dont  le  tour  ancien,  sans  être  vieillot, 
a  presque  tout  le  piquant  de  l'originalité.  La  scène  où  Pierrot  est 
déshabillé  malgré  lui,  et  habillé  en  cadence  par  une  troupe  de  tail- 
leurs, vient  tout  droit  de  Molière,  mais  elle  donne  lieu  à  un  morceau 
d'ensemble  bien  fait.  Le  duo  de  Pierrot  et  du  dragon,  dont  je  par- 
lais tout  à  l'heure,  a  beaucoup  de  gaieté,  ainsi  qu'un  trio  que  l'on 
entend  avec  plaisir  au  commencement  du  premier  acte.  Le  premier 
air  de  Pierrot  :  L'eau  du  bon  Dieu  vaut  bien  le  vin,  la  romance  de 
Lucette  :  Si  je  sais  plaire,  l'air  de  Pierrot,  au  commencement  du  se- 
cond acte,  sont  moins  heureusement  trouvés  :  le  chant  y  manque  de 
naturel,  et  l'expression  en  est  faible. 

Le  finale  du  second  acte  n'a  de  remarquable  que  deux  notes  obs- 
tinées de  bassons,  à  une  seconde  de  distance,  qui  figurent  le  tinte- 
ment alternatif  de  deux  cloches,  et  constituent  d'ailleurs  une  assez 
pauvre  harmonie  :  cela  ne  suffit  pas  pour  relever  une  mélodie  qui, 
par  elle-même,  n'a  rien  de  saillant.  Il  y  a,  en  avant  du  second  acte, 
une  pièce  symphonique  interminable,  et  dent  l'intérêt  ne  compense 
pas  la  longueur.  Les  auteurs  gagneraient  beaucoup,  ce  me  semble,  à 
raccourcir  ce  morceau.  Tout  n'est  donc  pas  à  louer,  tant  s'enfaul, 
dans  le  Trésor  de  Pierrot,  et  cette  partition  n'ajoutera  rien  à  la 
réputation  de  son  auteur  ;  M.  Gautier  demeurera  ce  qu'il  était  avant 
de  la  faire,  un  musicien  instruit,  habile,  médiocrement  mélo, 
diste,  mais  très- intelligent  des  exigences  du  théâtre  et  très-spi- 
rituel. 

J'ai  déjà  parlé  de  M.  Montaubry.  Mmes  Monrose  et  Tuai  le  se- 
condent de  leur  mieux,  ainsi  que  MM.  Prilleux  et  Potel.  Peut-être 
M.  Potel  charge-t-il  un  peu  trop  le  rôle  de  l'officier  de  dragons,  sur- 
tout à  côté  de  M.  Montaubry,  qui,  pour  sa  part,  n'a  rien  d'excen- 
trique. 

Léon  DUROCHER. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

WSElisire   tVamore  ,  de  Donizetti. 
Adelina  Patti  dans  le  rôle  d'Adina.  —  Divertissement. 

L'Élisire  d'amore  fut  composé  pour  Naples  en  1832,  mais  cet  opéra 
ne  parvint  au  théâtre  Italien  de  Paris  qu'en  janvier  1839,  fort  peu  de 
temps  après  Roberlo  Devereux.  C'est  encore  aujourd'hui  dans  le 
même  ordre  que  nous  reviennent  ces  deux  ouvrages  si  différents  de 
caractère  et  d'effet.  On  a  souvent  raconté  comment  s'improvisa  la 
musique  de  VElisire,  sur  un  libretto  presque  littéralement  traduit  de 
notre  Philtre  français.  Donizetti  n'avait  pris  que  la  peine  d'écrire 
au  courant  de  la  plume  la  plus  facile,  et  sans  se  soucier  beaucoup 
d'aligner  symétriquement  ses  morceaux,  tandis  que  dans  la  partition 
d'Auber  il  y  avait  beaucoup  plus  d'art,    de   combinaison,    de    soin. 


DE  PARIS. 


363 


Paris  et  Naples  se  reflétaient  parfaitement  dans  le  Philire  et  dans 
l'Elisire,  qui,  tout  d'abord,  se  recommandaient  par  un  goût  du  ter- 
roir des  plus  prononcés. 

Ce  qui  généralement  nuit  le  plus  au  succès  des  reprises,  c'est  le 
souvenir  des  grands  artistes  qui  ne  sont  plus  là  pour  les  soutenir.  Nous 
concevons  très-bien  qu'après  Garcia,  on  ne  puisse  tolérer  personne 
dans  le  rôle  de  Don  Juan,  ni  après  Rubini  dans  celui  d'Ottavio.  Par 
la  même  raison,  Lablache  a  laissé  dans  l'Elisire  un  vide  immense. 
Où  chercher  le  pareil  de  cet  incomparable  charlatan  ?  L'excellent 
Tamburini  prêtait  aussi  au  sergent  Belcore  une  physionomie  parfaite. 
Heureusement,  les  deux  autres  rôles,  celui  d'Adina  et  de  Nemorino, 
confiés  dans  l'origine  à  Mme  Persiani  et  à.  Iwanoff,  n'avaient  pas  été 
rendus  de  manière  à  désespérer  leurs  successeurs.  Mario  n'avait  pas 
tardé  à  se  montrer  dans  celui  de  Nemorino,  et  l'on  peut  dire  même 
que  ce  rôle  fut  la  porte  par  laquelle  le  célèbre  ténor,  élevé  par  et 
pour  le  grand  opéra  français,  s'échappa  pour  rentrer  dans  sa  patrie, 
et  se  vouer  désormais  au  genre  italien.  Les  deux  théâtres  étaient  alors, 
non  plus  dans  la  main  de  l'Etat,  mais  sous  le  protectorat  du  même 
financier,  qui  trouvait  peut-être  son  compte  à  regagner  d'un  côté  ce 
qu'il  s'exposait  à  perdre  de  l'autre. 

Lablache,  Tamburini,  Mario,  voilà  les  trois  meilleures  incarnations 
des  rôles  de  Dulcamara,  de  Belcore  et  de  Nemorino.  Restait  toujours 
celui  d'Adine  qui  n'avait  pas  encore  rencontré  son  complet  idéal,  et 
qui  ne  le  cherchera  plus,  maintenant  qu'AdelinaPatti  l'a  marqué  à  son 
effigie.  On  peut  tout  critiquer,  tout  amoindrir  ;  c'est  un  des  plaisirs 
que  rien  n'empêche  de  goûter,  quand  on  en  est  friand  ;  mais  on  aura 
beau  dire  et  beau  faire,  on  n'induira  jamais  le  public  à  se  boucher 
les  yeux  et  les  oreilles,  à  ne  pas  aimer  ce  qui  est  aimable  et  char- 
maDt,  à  ne  pas  admirer  ce  qui  est  admirable.  Le  public  européen  ne 
s'est  pas  trompé  sur  le  mérite  si  neuf  et  si  original,  sur  les  qualités 
si  rares  et  si  imprévues  de  cette  individuaiité  artistique  ayant  nom 
Adelina  Patti.  Nous  ne  la  plaçons  au-dessus  de  nulle  autre,  mais 
nous  affirmons  aussi  qu'elle  ne  ressemble  à  nulle  autre,  sans  faire  le 
moindre  tort  aux.  Sontag,  auxMalibran,  aux  Frezzolini,  et  tutti  quanti. 
Nous  nous  félicitons  de  posséder,  après  tant  d'illustrations  passées, 
l'illustration  présente,  jeune  et  radieuse  d'Adelina  Patti.  Le  rôle  de 
la  coquette  Adine  lui  a  fourni  l'occasion  de  déployer  tout  son  arsenal 
de  séductions  spirituelles  et  de  malices  provoquantes.  Le  pauvre  Ne- 
morino n'est  que  trop  excusable  de  vendre  sa  liberté  pour  conquérir 
un  tel  trésor.  Il  donnerait  son  âme  par-dessus  le  marché  qu'on  serait 
encore  obligé  de  l'absoudre.  Naudin  nous  semble  avoir  un  peu  trop 
confondu  dans  son  regard,  dans  ses  gestes  le  mendiant  d'amour  avec 
le  mendiant  vulgaire,  mais  au  moment  où,  moyennant  finance,  il  se 
croît  enfin  sûr  de  se  faire  aimer,  il  a  eu  le  plus  joyeux  réveil  :  il  a 
dansé  de  toute  sa  personne,  le  cœur  y  compris,  et  la  gaieté  qui  s'est 
communiquée  à  toute  la  salle  a  démontré  l'intérêt  qu'elle  prenait  au 
personnage.  Comme  chanteur,  il  s'est  signalé  dans  les  deux  duos  et 
encore  plus  dans  la  délicieuse  romance  :  Una  furtiva  layrima,  par 
laquelle  la  réputation  de  Mario  a  commencé  à  s'établir.  Scalese  joue 
et  chante  fort  rondement  le  rôle  de  Dulcamara,  mais  Antonucci,  dans 
celui  de  Belcore,  nous  semble  un  peu  trop  grave  et  trop  sombre. 

Dimanche  dernier,  après  l'opéra,  venait  un  divertissement,  dont 
le  moindre  tort  était,  selon  nous,  d'allonger  beaucoup  le  spectacle. 
Jusqu'à  présent  la  danse  n'avait  pas  joui  d'une  grande  faveur  :  on 
venait  au  théâtre  Italien  pour  entendre  et  non  pour  voir.  L'oppor- 
tunité d'un  changement  se  faisait-elle  vivement  sentir  ?  Nous  ne  sa- 
vons trop  et,  cette  opportunité  admise,  le  divertissement,  dont  nous 
avons  eu  les  prémices  l'autre  jour,  satisfait-il  aux  conditions  d'une 
scène  de  premier  ordre  ?  Nous  doutons  encore,  et  même,  s'il  faut 
le  dire,  nous  croyons  qu'il  eût  fallu  ne  présenter  à  un  public  habitué 
aux  chefs-d'œuvre  qu'un  choix  de  scènes  exquises  et  d'artistes  d'une 
haute  distinction.  Au  lieu  de  cela,  nous  avons  vu  quelque  chose 
d'indécis,  de  vague,  d'inexplicable  sans  programme,  et   de  tant  soit 


peu  ridicule,  le  programme  à  la  main.  Du  reste,  nous  nous  en  rap- 
porterons volontiers  au  public,  dont  l'opinion  se  traduit  toujours  en 
chiffres  éloquents.  Si  le  divertissement  lui  plaît,  s'il  se  sent  pris  d'un 
certain  émoi  à  l'aspect  des  gracieuses  évolutions  de  Mmes  Urban, 
GrédelueMérante,  et  de  plusieurs  autres,  il  en  répandra  la  nouvelle, 
et  l'on  accourra  sur  sa  foi  ;  si  au  contraire  il  lui  arrive,  comme  à 
nous,  de  penser  et  de  dire  :  La  danse  n'est  pas  ce  que  j'aime,  on  le 
saura  bien,  vite,  et  rien  n'est  plus  facile  que  d'émonder  une  luxuriance 
inutile,  et  de  supprimer  d'un  coup  de  serpe  un  accessoire  sans  au- 
cune liaison  intime  avec  le  principal. 

Paul  SMITH. 


Là  MUSIQUE  ET  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AD  XVIÏI  SIÈCLE. 


(4e  article)  (1). 


II. 


A  côté  de  ces  coureurs  intrépides  de  fêtes  musicales,  de  ces  ama- 
teurs intelligents,  de  ces  vaillants  «  disciples  d'Apollon,  »  comme  on 
disait  alors,  le  xvnr3  siècle  vit  des  existences  fastueuses  briller,  pas- 
ser et  s'éteindre,  escortées  de  magnificences  artistiques  inouïes.  Ces 
princes  de  la  naissance  et  de  la  fortune  réalisèrent  des  rêves  lyriques 
et  dramatiques  près  desquels  pâlissent  les  féeries  de  Versailles,  et 
qui  laissent  derrière  eux  dans  l'histoire  comme  un  sillage  éblouis- 
sant. 

Comment  raconter,  par  exemple,  les  fêtes  que  Samuel  Bernard 
donne  pour  le  mariage  de  sa  fille  avec  le  président  Mole  ?  Dans  les 
jardins,  Servandoni  a  construit  et  décoré  une  salle  de  spéciale,  une 
salle  de  concert,  une  salle  de  bal.  Festons  et  astragales,  arcades, 
colonnes,  devises,  allégories,  médaillons,  cartels,  bas-reliefs  et  tro- 
phées! tout  un  numéro  de  la  Gazette  de  Francs  (octobre  1733)  est 
rempli  de  la  description  de  ces  merveilles.  Après  le  spectacle,  les 
symphonies.  11  y  en  a  trois  —  Samuel  Bernard  a  voulu,  sans  doute, 
faire  de  l'esprit  —  :  l'une  de  violons,  de  hautbois  et  de  flûtes  (pour 
les  personnes  agitées  apparemment)  ;  l'autre,  de  trompettes  et  de 
tambours  (à  l'adresse  des  militaires  ou  des  invités  mélancoliques);  la 
troisième  de  cors  de  chasse  (réservée  aux  chasseurs  et  aux  sourds) . 

Entre  Samuel  Bernard  et  Bonnier,  l'un  des  plus  gros  financiers  de 
France,  et  qui  avait  payé  50,000  écus  le  droit  d'avoir  un  Suisse  à  sa 
porte,  c'était  une  lutte  courtoise  de  merveilles  musicales.  Magnifi- 
que, généreux,  content  de  lui  et  des  autres,  aimant  la  vie  large  et 
ses  aises,  Bonnier,  marquis  de  Mousson,  était  enthousiaste  d'opéra, 
de  chant,  de  beaux  yeux  et  de  belles  voix.  Il  donnait  des  concerts 
comme  le  roi  Louis  XV  n'en  avait  pas  à  sa  cour.  Dans  des  bibliothè- 
ques de  bois  violet  et  satiné,  les  partitions  étaient  rangées,  et  l'on 
posait  les  pupitres  sur  des  tables  de  marbre,  dans  les  pieds  dorés 
desquelles  couraient  des  chasses  fouillées  par  Pelletier.  «  Il  avait 
l'Opéra  chez  lui,  —  écrivent  MM.  de  Goncourt,  ces  charmants  et 
ingénieux  cicérones  des  beaux-arts  au  xvm°  siècle,  —  et  quel  Opéra! 
le  plus  riche  et  le  mieux  machiné  des  Opéras;  un  Opéra  qui  com- 
mençait au  débrouillement  du  chaos  pour  finir  à  l'apothéose  des  Jeux 
et  des  Ris  !  un  Opéra  dont  le  premier  acte  tirait  Neptune  du  fond 
des  eaux,  sur  son  char  attelé  de  quatre  chevaux  marins;  dont  le 
second  montrait  le  palais  du  Soleil,  ses  colonnes  de  lapis  enguirlan- 
dées d'or,  et  le  Soleil  couronné  des  douze  Heures  du  jour,  sur  un 
trône  de  lumière  entouré  des  Saisons  ;  dont  le  troisième  faisait  des- 
cendre le  Soleil  sur  la  terre,  et  dont  le  dernier  donnait  une  fêle  de 
volupté,  le  triomphe  de  l'Olympe,  et  des  Grâces  et  de  Vénus!  Un 
jouet  et  un  miracle;  cet  Opéra  à  volonté,  cette  scène  de  18  pouces 
de  large   sur  15  de   haut,   une   miniature   de   1,500    livres  pesant, 

(1)  Voir  les  n  ■  42,  43  et  44. 


364 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


que  d'une  seule  main  Bonnier  pouvait  amener  sur  quatre  roulettes.» 
Quand    le  printemps  souriait  dans   le   ciel    bleu,   Bonnier  partait 
pour  sa  terre  de  Mousson,  une  Cythère  : 

L'on  n'y  boit  que  dans  un  verre 
Qui  sert  à  l'Amour  de  carquois. 

Et  les  harmonies  lassaient  les  échos,  et  sous  l'ombrage  se  prolon- 
geait le  bruit  des  instruments,  et  les  plus  jolies  chanteuses  chantaient 
avec  le  plus  frais  de  leur  sourire  et  le  plus  beau  de  leur  gosier. 

De  Mousson,  la  grande  société  dilettante  allait  à  Chambord,  où  le 
maréchal  de  Saxe,  sous  les  yeux  orangés  de  Mme  de  Sens,  une 
Condé,  menait  grand  train,  avec  un  corps  de  musique,  des  danseuses 
italiennes  et  allemandes  et  des  cantatrices  de  Favart.  Aux  intrépides 
que  la  traversée  de  la  Manche  n'effrayait  pas,  le  duc  de  Kingston 
offrait  la  royale  hospitalité  de  son  château  de  Thoresby.  On  re- 
trouvait là  une  Parisienne,  artiste  jusqu'au  bout  de  ses  ongles  roses, 
Mme  de  la  Touche.  Un  orchestre  de  cent  musiciens  jouait  sur  les 
tapis  de  verdure  et  dans  les  cirques  naturels  du  Nottingham.  Pour 
les  concertos,  on  avait  l'ombre  des  vieux  chênes  et  les  bords  de  la 
petite  rivière.  Charmant  décor  de  ces  harmonies  charmantes  ! 

Celaient  là  les  étapes  des  voyages  de  printemps  et  d'automne. 
L'hiver  revenu,  on  se  pressait  aux  fêles  de  l'hôtel  de  Soissons.  L'O- 
péra y  venait  en  représentation  chez  son  directeur,  ce  prince  de 
Carignan  vivant  glorieusement  et  impudemment  sur  5  millions  de 
dettes.  Chez  lui,  les  ballets  se  répétaient  et  les  Nouvelles  à  la  main 
racontent  ses  concerts:  «  —  3  mars  1736.  —  On  fit  hyer  la  répéti- 
tion, chez  M.  le  prince  de  Carignan,  d'un  opéra  dont  une  jeune  fille 
de  dix-huit  ans  a  fait  la  musique.  Cette  fille,  qui  a  un  génie  parti- 
culier pour  la  musique,  est  connue  à  Paris  sous  le  nom  de  la  Cons- 
titution, parce  qu'elle  est  fille  naturelle,  à  ce  qu'on  prétend,  du 
nonce  du  pape  qui  a  apporté  en  France  la  constitution  unigenilus  et 
de  la  Duval,  danseuse  à  l'Opéra...  M.  le  prince  de  Carignan  nous 
donne  toutes  les  semaines  des  concerts  chez  luy,  où  Mlle  Vanloo 
paraît  tous  les  jours  un  nouveau  phénomène.  La  musique  de  ce 
prince  est  parfaite,  et  tous  les  grands  gourmets  y  viennent  assidue- 
ment.  » 

Chansons  dans  le  nuage  et  chanteurs  au  tombeau  !  Un  soir,  à  la 
fin  d'un  concert,  M.  de  Carignan  se  laissa  mourir.  Ses  musiciens  et 
ses  créanciers  ne  touchèrent  qu'une  épigramme  : 

Cy-gist  dans  la  tombe  funèbre 
Uu  Savoyard  juste  et  célèbre, 
Grand  protecteur  de  l'Opéra, 
Qui  des  produits  d'ul,  ré,  mi,  fa, 
Savait  grossir  son  revenu...,  etc. 

Em.  Mathieu  DE  MONTE!".. 
{La  suite  prochainement.) 


DEVIENNE. 

(7°  et  dernier  article)  (1). 

Devienne  fut  donc,  lui  aussi,  une  des  victimes  de  ce  Minotaure 
éternel  et  insatiable  qui  s'appelle  l'art.  La  lettre  citée  plus  haut 
nous  apprend  que  les  chagrins  avaient  ébranlé  à  la  fois  sa  santé  et 
sa  raison,  et  l'article  qui  précède  nous  fait  voir  qu'un  travail  exces- 
sif ne  fut  pas  non  plus  étranger  à  ce  dérangement  de  ses  facultés  et 
à  sa  mort  prématurée. 

Devienne  en  effet,  ceci  est  constant,  usa  son  corps  dans  un  tra- 
vail sans  relâche  et  fit,  pour  nourrir  les  siens,  beaucoup  plus  que 
ses  forces  ne  lui  permettaient.  Attaché,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  au  théâtre 
de  Monsieur  depuis  sa  fondation  (1789),  il  y  resta  jusqu'à  la  fin  de 

(1)  Voir  les  n"  31,  32,  39,  40,  «1  et  .'|5. 


ses  jours,  en  qualité  de  premier  basson  ;  c'était  là  un  esclavage  bien 
dur  pour  un  homme  dont  l'imagination  était  sans  cesse  en  travail 
d'enfantement.  De  plus,  son  talent  exceptionnel  de  virtuose  lui  avait 
fait,  à  la  création  de  l'Institut  musical  (16  thermidor  an  III —  3  août 
1793)  conférer  un  emploi  de  professeur  de  première  classe  à  cet  éta- 
blissement, et  lors  de  la  création  du  Conservatoire  proprement  dit 
(1er  brumaire  an  V  —  27  octobre  1796),  il  demeura  à  la  tête  de 
sa  classe  de  flûte,  qu'il  conserva  aussi  toute  sa  vie.  Outre  cela,  il 
donnait  encore  un  grand  nombre  de  leçons  particulières.  Mais  tout 
ceci  n'est  rien,  et  M.  Fétis  a  grandement  raison  lorsqu'il  dit  :  «  Les 
productions  de  Devienne  sont  en  si  grand  nombre  qu'on  ne  com- 
prendrait qu'à  peine  sa  fécondité,  si  l'on  ne  savait  que,  nonobstant 
tous  les  devoirs  que  lui  imposaient  ses  places  et  les  leçons  qu'il  don- 
nait, il  travaillait  ordinairement  huit  heures  chaque  jour.  »  On  a 
peine,  en  effet,  à  concevoir  que  la  vie  d'un  homme  —  d'un  homme 
mort  à  quarante-quatre  ans  —  ait  pu  suffire,  en  dehors  du  travail 
ordinaire  que  lui  imposaient  ses  divers  emplois,  à  écrire  dix  opéras 
et  à  composer  l'énorme  répertoire  de  musique  de  tout  genre  dont  je 
donne  ici  la  liste  très-sommaire. 

Musique  instrumentale.  —  Symphonies  concertantes  pour  divers 
instruments  à  vent,  avec  ou  sans  accompagnement  d'orchestre, 
n0s  1,  2,  3,  4,  5,  6  et  7.  —  La  Bataille  de  Jemmapes  (symphonie), 
pour  vingt  instruments  (1).  —  Ouvertures  pour  instruments  à  vent, 
à  l'usage  des  fêtes  nationales,  noS  1  ,  2 ,  3 ,  4,  5,  6  et  7.  — Con- 
certos pour  flûte,  avec  accompagnement  d'orchestre,  n°s  1,  2,  3,  4> 
5,  6,  7,  8,  9,  10,  11,  12  et  13  (ce  dernier,  posthume).  —  Concer- 
tino  d'airs  variés  pour  flûte.  —  Concerto  de  cor,  avec  accompagne- 
ment d'orchestre.  —  Concertos  pour  basson,  avec  accompagnement 
d'orchestre,  n05  1,  2,  3,  4  et  5.  —  Quarante-deux  quatuors  pour  di- 
vers instruments,  œuvres  1,  3,  16,  62,  66,  67,  73  et  75. — Soixante- 
quatre  trios  pour  divers  instruments,  en  seize  livres.  —  Cent 
soixante-quatre  duos  pour  divers  instruments,  œuvres  2,  5,  6,  7,  8, 
15,  20,  21,  53,  64,  65,  67,  68,  69,  70,  78,  79,  81  et  84.  — 
Soixante-dix-huit  sonates  pour  divers  instruments,  œuvres  14,  22, 
23,  24,  28,  58,  68,  70,  71  et  autres.  —  Deux  suites  d'airs  variés 
pour  flûte.  —  Etude  de  flûte  (en  deux  livres),  contenant  :  le  pre- 
mier, «  vingt  petits  airs  et  dix-huit  duos  à  l'usage  des  commen- 
çans;  »  le  second,  «  six  sonates,  avec  des  préludes  pour  chaque 
ton.» —  Variations  pour  deux  flûtes  sur  l'air  le  Réveil  du  Peuple.  — 
Pot-pourri  pour  flûte  et  violon.  —  Vingt  airs  pour  deux  flûtes.  — ■ 
Ouverture  de  la  Punition,  de  Cherubini,  «  arrangée  pour  harmo- 
nie. » 

Chant.  —  Romances  d'Estelle  (et  Némorin),  avec  accompagne- 
ment de  piano  et  flûte.  —  Romances  de  Gonsalve  de  Cordoue,  avec 
accompagnement  de  piano  et  flûte  ou  violon.  —  Romances  patrioti- 
ques. —  Première  livraison  de  six  romances,  paroles  de  Labiée, 
avec  accompagnement  de  piano  et  harpe.  ■ —  Chanson  républicaine 
sur  la  mort  d'Agricole  Viala,  paroles  de  Coupigny  (2).  —  Hymne 
au  bonnet  rouge  (3).  —  Romances  de  Bsrquin  (en  collaboration 
avec  Martini,  Dalayrac,  Foignet,  etc.  —  (Voir  le  Calendrier  musical 
de  1789,  p.  253.) 

Ouvrages  divers.  —  Douze   suites  d'harmonies  à  huit   et  douze 


(1)  On  a  publié  à  Londres,  du  vivant  de  Devienne,  un  arrangement  de  ce  mor- 
ceau pour  piano,  violon  et  basse.  J'ignore  s'il  en  était  l'auteur. 

(2)  Dans  les  «  Ouvrages  périodiques,  à  l'usage  des  fêtes  nationales ,  par  l'As- 
sociation des  artistes  musiciens  de  la  garde  nationale  parisienne;  ac  livraison,  à 
Paris,  rue  Joseph,  section  de  Brutus.  »  —  V  le  Journal  de  Paris  du  21  messi- 
dor an  II  (9  juillet  179a). 

(3)  «  Ornée  d'une  jolie  vignette  dessinée  et  gravée  par  le  C.  Gaucher,  paroles 
du  citoyen  Hérivaux,  musique  du  C.  Devienne.  Se  vend  au  profit  des  indigens  de 
la  section  de  Bonne-Nouvelle,  rue  de  la  Lune,  n°  118,  au  bureau  du  Comité  de 
bienfaisance,  »  —  V.  le  Journal  de  Paris  du  3  prairial  an  II  (22  mai  179a). 


DE  PARIS. 


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parties.  —  Méthode  de  flûte  théorique  et  pratique,  contenant  tous 
les  principes,  des  petits  duos  et  sonates  faciles,  ouvrage  excellent, 
dont  on  a  fait  un  grand  nombre  d'éditions  (1). 

Devienne  était  aimé  et  estimé  par  tous  ceux  qui  avaient  été  à 
même  d'apprécier  son  excellent  cœur  et  ses  hautes  qualités.  Lui 
mort,  chacun  s'intéressa  à  la  veuve  et  aux  orphelins  qu'il  laissait  sans 
appui.  Le  gouvernement  plaça  son  Cils  aîné  dans  un  lycée;  et  le 
Conservatoire,  auquel  un  arrêté  du  ministre  de  l'intérieur  en  date  du 
13  pluviôse  an  XIII  (2  février  1805)  avait  accordé  la  faculté  de  créer 
une  caisse  de  secours  pour  les  veuves  et  enfants  de  ses  professeurs, 
créa  sa  première  pension  en  faveur  de  celle  de  Devienne.  Picard, 
alors  directeur  du  théâtre  Louvois,  s'empressa  d'organiser  une  re- 
présentation au  bénéfice  de  l'intéressante  famille  de  son  ancien  col- 
laborateur, représentation  dont  il  fit  connaître  le  retard  involontaire 
par  cette  lettre  adressée  aux  journaux  : 

«  Paris,  ce  29  vendémiaire  an  42. 
«  Nous  comptions   donner   incessamment  une   représentation    au 
bénéfice  de  la  veuve  et  des  enfans  de  F.  Devienne,    professeur  au 
Conservatoire  de  musique.  Des  circonstances  particulières  nous  for- 
cent à  la  retarder. 

»  Nous  croyons  devoir  prévenir  les  personnes  qui  s'intéressent  à 
la  famille  de  cet  aimable  compositeur,  et  qui  avoieni  déjà  retenu 
des  loges,  qu'elle  aura  lieu  sans  remise  dans  les  premiers  jours  du 
mois  de  frimaire. 

»  J'ai  l'honneur  de  vous  saluer, 

»  Picard, 
»  Directeur  du  théâtre  Louvois.  » 

Devienne,  je  le  répète,  était  universellement  aimé  et  estimé.  L'a- 
necdote que  voici  donnera  nue  idée  de  la  douceur  de  son  caractère. 
Un  jeune  poëte,  ou  soi-disant  tel,  avait  fait  contre  sa  musique,  mais 
en  prenant  la  précaution  de  ne  le  point  nommer,  une  épigramme 
assez  mordante  ;  il  eut  la  grossièreté  de  la  présenter  à  Devienne,  en 
lui  en  demandant  son  avis.  Celui-ci  la  lut  et  s'y  reconnut  aussitôt  ; 
alors,  prenant  une  plume,  il  modifia  quelques  vers,  écrivit  en  tête: 
«  Contre  M.  Devienne,  »  puis,  la  rendant  à  son  auteur,  il  lui  dit 
tranquillement  :  «  Tenez,  Monsieur,  vous  pouvez  maintenant  lui 
faire  courir  la  ville;  les  légères  corrections  que  je  viens  d'y  faire 
ne  la  rendront  que  plus  piquante,  et  elle  vous  fera  honneur.  »  Le 
jeune  homme  confus  déchira  son  écrit,  demanda  pardon  à  Devienne 
et  devint  son  ami  le  plus  dévoué. 

Combien  est-il  regrettable  pour  l'art  que  ce  musicien  soit  mort  au 
moment  où,  sa  voie  étant  trouvée,  il  eût  pu  enfanter  des  œuvres 
solides  et  durables,  et  s'établir  comme  l'un  des  maîtres  les  plus 
avoués  de  la  scène  lyrique  française!  Son  nom  n'eût  point  pâli  au- 
près de  ceux  qui  jetèrent  un  si  grand  éclat  sur  nos  théâtres  à  la 
suite  de  celte  période  de  transition  qui  sépare  le  xvme  du  xixe 
siècle.  Deux  de  ses  productions  dramatiques  révèlent  des  qualités 
d'un  ordre  supérieur  :  les  Comédiens  ambulans  et  les  Visitandines, 
ouvrages  d'une  valeur  incontestable,  et  qui  certainement  exerceraient 
encore  aujourd'hui  une  grande  action  sur  le  public,  si,  usant  de  la 
liberté  acquise  à  l'industrie  théâtrale,  un  directeur  intelligent  s'avi- 
sait de  les  remettre  en  lumière.  N'eût-il  fait  que  cela,  Devienne  tien- 
drait une  place  distinguée  dans  son  histoire.  Il  ne  brille  pas  seule- 
ment, en  effet,  dans  les  deux  ouvrages  que  je  viens  de  nommer, 
par  cette  veine  mélodique  et  facile  qui  tient  lieu  de  tout  aux  yeux 
de  certaines  gens  ;  mais  bien  par  un  style  ferme,  châtié ,  par  une 
harmonie  d'une  extrême  pureté,  par  une  élégance  et  une  délicatesse 
de  forme  difficile  à  rencontrer  à  un  égal  degré,  par  une  inïtrumen- 


(1)  Et  que  les  Allemands  eux-mêmes  tenaient  en  haute  estime.  On  en  trouve  la 
preuve  dans  ce  fait  qu'une  traduction  allemande  de  cette  méthode  fat  faite  a 
Leipsick,  et  publiée  chez  l'éditeur  Kulir.cn. 


tation  à  la  fois  sage,  sobre,  éclatante  et  variée,  par  une  richesse, 
une  diversité,  une  souplesse  d'accents  extraordinaire,  par  un  senti- 
ment scénique  naturel  et  constamment  vrai,  en  un  mot,  par  la  réu- 
nion complète  des  qualités  multiples  et  infinies  qui  constituent  le 
véritable  compositeur  dramatique  (1). 

D'un  autre  côté ,  élevé  et  instruit  dans  un  régiment,  où  il  avait 
appris  à  connaître  l'étendue,  à  apprécier  les  timbres,  les  sonorités 
diverses  de  tous  les  instruments  à  vent,  Devienne  a  fait  faire  un  pas 
immense  à  l'art  d'écrire  pour  ces  instruments.  On  a  vu  plus  haut 
l'énorme  quantité  de  morceaux  qu'il  a  écrits  en  ce  genre;  il  peut 
donc,  dans  cet  ordre  d'idées,  être  à  bon  droit  considéré  comme  un 
créateur.  Venu  à  la  suite  de  Martini,  qui,  le  premier  en  France, 
avait  écrit  d'une  façon  correcte  et  pure  pour  ce  qu'on  appelle  l'har- 
monie, il  a  continué  en  la  complétant  l'œuvre  de  son  devancier,  et  a 
rendu  tout  progrès  impossible  après  lui. 

Honorons  donc  la  mémoire  de  Devienne  et  rendons  lui  l'hommage 
qui  convient  à  ces  travailleurs  estimables  et  convaincus,  véritables 
pionniers  de  l'art,  qui,  du  milieu  d'une  vie  obscure  et  laborieuse, 
partagée  entre  les  devoirs  de  la  famille  et  le  culte  obstiné  de  l'idéal, 
ont  su  se  rendre  utiles  à  leurs  semblables  en  les  charmant  par  leurs 
accents,  à  l'art  lui-même,  en  travaillant  sans  cesse  à  son  développe- 
ment, à  tous  enfin  par  l'exemple  de  leur  abnégation,  de  leur  talent 
et  de  leurs  efforts  continus.  A  défaut  de  la  gloire  qu'il  a  dû  rêver  et 
dont  il  était  bien  digne,  mais  que  sa  trop  courte  existence  ne  lui  a 
pas  permis  d'atteindre,  que  la  postérité,  impartiale  envers  Devienne, 
lui  accorde  du  moins  un  témoignage  bien  mérité  de  sympathie  et  de 
reconnaissance. 

Arthur  POUGIN. 


NOUVELLES. 

***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche  le  Trouvère, 
chanté  par  Mme  Marie  Sax,  Mlle  Sannier,  Morère  et  Dumestre,  aux  ap- 
plaudissements du  public,  dont  Mme  Sax  a  obtenu  la  meilleure  part.  — 
Lundi,  mercredi  et  vendredi  on  a  représenté  Roland  à  Roncevaux. — S.  A.  R. 
le  duc  de  Brabant  assistait  mercredi  à  la  représentation  dans  la  loge  de 
M.  Perrin.  —  M.  Mermet  a  été  désigné  pour  faire  partie  des  invités 
aux  fêtes  de  Compiègne. 

**„  Aujourd'hui ,  par  extraordinaire,  les  Huguenots,  chantés  par 
Mme  Marie  Sax,  Morère,  Obin  et  Faure  dans  les  principaux  rôles. 

***  C'est  toujours  jeudi  17  qu'a  lieu  à  l'Opéra  la  représentation  ex- 
traordinaire, donnée  au  bénéfice  de  Bouffé.  La  Comédie  française,  l'O- 
péra, l'Opéra-Coraique ,  le  Vaudeville,  le  Palais-Royal  et  le  théâtre 
Déjazet,  concourront  à  cette  solennité.  La  part  que  prend  l'Opéra  à 
la  représentation  consistera  dans  l'exécution  de  l'ouverture  de  Guil- 
laume Tell,  du  troisième  acte  de  Moïse,  par  Faure  et  Mlle  Battu,  et  du 
Pas  des  Noces,  de  Néméa,  dansé  par  le  corps  de  ballet. 

**t  Mme  Cabel  a  donné  vendredi  soir  sa  dernière  représentation  de 
Galatée.  —  On  a  commencé  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  les  répétitions 
du  Capitaine  Henriot,  de  M.  Sardou,  musique  de  Gevaert  ;  on  espère 
que  cet  ouvrage  pourra  être  représenté  vers  le  10  décembre. 

**„.  Le  ténor  Brignoli,  que  M.  Bagier  avait  engagé  pour  Madrid,  est 
arrivé  h  Paris;  il  chantera  prochainement  au  théâtre  Italien. 

„*„  Le  théâtre  Lyrique  donne  les  dernières  représentations  de  Faust. 
Dans  quelques  jours  Mireille,  l'opéra  de  Gounod,  qui  a  subi  des  modifi- 
cations importantes  et  que  les  auteurs  ont  réduit  à  trois  actes,  succédera 
à  Faust.  MmeMiolan-Carvalho  conserve  le  rôle  principal  qu'elle  a  créé; 
M.  Micliot  reprend  celui  de  Vincent.  Les  autres  rôles  seront  chantés 
par  Mme  Faure-Lefebvre,  par  Ismaël  et  Petit.  —  Violella  et  Mlle  Nilsson 
attirent  de  plus  en  plus  le  public.  —  Maria  sera  donnée  vers  la  fin  de 
décembre. 

%*,  Le  théâtre  Lyrique  vient  d'engager  le  ténor  Puget  qui  s'y  est  fait 
entendre  cet  été  dans  Norma  ;  l'opéra  de  Bellini  serait  donné  pour  sa 


(1)  Les  Allemands,  ordinairement  si  peu  sympathiques  aux  compositeurs  fran- 
çais, avaient  cependant,  il  faut  le  croire,  reconnu  chez  Devienne  ces  qualités.  On 
représenta  à  Hambourg,  en  1798,  sous  ce  titre  :  l'Amour  risque  tout,  une  petite 
pièce  qui  n'était  que  la  traduction  du  Mariage  clandestin,  avec  la  musique  de 
cet  artiste. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


rentrée,  et  Mme  Rey-Balla  chanterait  le-  rôle  principal;  Mlle  de  Maesen 
conserverait  le  rôle  d'Adalgise. 

***  Les  voies  de  conciliation  dans  lesquelles  sont  entrés  les  diffé- 
rends qui  ont  amené  la  fermeture  à  Madrid  du  théâtre  Italien,  per- 
mettent d'en  espérer  la  prochaine  réouverture.  Elle  aurait  lieu  par 
Eoberto  il  Diavolo,  que  chanteraient  Nicolini,  Mmes  Penco,  Vitali  et 
Selva.  M.  Bagier  a  détaché  à  cet  effet  six  de  ses  danseuses  pour  figu- 
rer dans  le  ballet  des  nonnes. 

3%  La  Société  des  sciences,  agriculture  et  belles-lettres  de  Tarn-et- 
Garonne  offre  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  300  francs  à  l'auteur 
de  la  meilleure  pièce  de  vers  (poème,  ode  ou  stances),  sur  Meyerbeer. 
«  Que  les  poètes  à  qui  s'adresse  cet  appel,  dit  le  programme,  ne.  se 
laissent  pas  arrêter  par  la  pensée  que  cette  belle  et  intéressante  figure 
ne  peut  être  bien  comprise  que  par  un  musicien.  Ce  n'est  pas  un  tra- 
vail technique,  une  analyse  froide  et  didactique  que  demande  la  so- 
ciété :  c'est  surtout  une  œuvre  de  spontanéité  et  d'inspiration.  C'est, 
en  un  mot,  la  musique  du  grand  compositeur  sentie  et  jugée  par  la 
poésie.  » 

,,%  La  fête  de  Sainte-Cécile  sera  célébrée  à  Saint-Eustaehe  le  mardi 
22  novembre,  à  11  heures,  avec  la  plus  grande  solennité,  par  les  soins 
du  comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens.  M.  Pasdeloup  fera 
exécuter  par  l'orchestre  et  le  choral  de  musique  classique,  sous  sa  di- 
rection, la  première  messe  en  ut  de  Beethoven,  qui  n'a  pas  encore  été 
entendue  à  Paris.  Mlles  Wertheimber  et  deTaisy,  MM.  Faure  et  Warot, 
de  l'Académie  impériale  de  musique,  chanteront  les  soli.  A  l'offertoire, 
Alard  exécutera  sur  le  violon  un  andante  de  Beethoven.  Le  grand  orgue 
sera  tenu  par  .M.  Batiste,  organiste  de  la  paroisse.  Le  produit  de  la 
quête  et  des  chaises  sera  versé  dans  la  caisse  de  secours  de  l'Associa- 
tion. On  peut  se  procurer  à  l'avance,  des  billets  d'enceinte  réservée, 
chez  M.  Bolle-Lasalle,  trésorier  de  cette  société  de  bienfaisance,  68, 
rue  de  Bondy. 

*■%  M.  Costa,  le  célèbre  chef  d'orchestre  du  théâtre  italien  de  Co- 
vent-Garden,  est  en  ce  moment  à  Paris. 

„.*„,  Jules  Schulhoff  est  arrivé  cette  semaine  à  Paris,  où  il  doit  sé- 
journer tout  l'hiver. 

**„  M.  Guglielmi,  dont  les  habitués  de  la  Société  des  concerts  du 
Conservatoire  ont  conservé  le  meilleur  souvenir,  vient,  après  une  ab- 
sence de  plusieurs  saisons,  d'arriver  à  Paris.  M.  Guglielmi  possède  une 
très-belle  voix  de  baryton  et  une  excellente  méthode. 

%*%  M.  Ch.  Lebouc  a  repris  ses  matinées  musicales  du  lundi,  et  il 
compte  en  donner  douze  cet  hiver.  La  première  a  eu  lieu  le  7  de  ce 
mois,  et  un  auditoire  d'élite  y  assistait.  Au  nombre  des  morceaux  qui 
composaient  un  programme  aussi  bien  choisi  qu'exécuté,  on  a  fort  ap- 
plaudi M.  Lebouc  pour  la  façon  dont  il  a  joué  une  fantaisie  de  lui  sur 
les  Mousquetaires  de  la  reine.  Mme  Béguin-Salomon,  MM.  White,  Comtat 
et  Trombetta  ont  dignement  secondé  M.  Lebouc. 

„*,  La  Société  des  Concerts  du  Conservatoire  donnera  deux  concerts 
extraordinaires  les  4  et  18  décembre.  Le  premier  de  ces  concerts  sera 
consacré  à  la  mémoire  de  Meyerbeer.  On  y  exécutera  trois  morceaux  de 
ce  maître  regretté. 

„%  L'hiver  dernier,  sous  les  auspices  de  Thalberg,  se  produisait  dans 
les  salons  d'Erard  un  jeune  artiste  anglais  qui  étonnait  l'auditoire  invité 
à  l'entendre  par  un  talent  de  pianiste  comme  on  en  rencontre  peu  et 
par  le  charme  de  compositions  que  son  protecteur  n'aurait  pas  désa- 
vouées. Ce  jeune  artiste,  c'était  M.  James  Wehli  qui  repartit  presque 
immédiatement  pour  l'Angleterre.  Mais  l'accueil  qu'il  avait  reçu  devait 
lui  donner  le  désir  de  se  faire  définitivement  adopter  par  le  public  pa- 
risien. Nous  apprenons  donc  avec  plaisir,  et  nous  l'annonçons  avec  em- 
pressement, que  M  Wehli  s'est  décidé  à  venir  le  mois  prochain  se 
faire  entendre  de  nouveau,  et  à  soumettre  à  l'appréciation  des  artistes  et 
des  amateurs  quelques-uns  des  morceaux  les  plus  applaudis  l'hiver  der- 
nier, et  qu'il  a  publiés  à  cet  effet. 

„*„  M.  Adolphe  de  Groot  ouvrira  prochainement  son  cours  d'harmo- 
nie, à  la  succursale  Pleyel,  Wolff  et  Ce,  95,  rue  de  Richelieu.  Le  pro- 
fesseur y  fera  l'explication  de  la  Théorie  des  accords,  de  leur  enchaî- 
nement, etc.,  de  telle  façon  qu'au  bout  de  quelques  mois  ceux  qui 
suivront  cet  enseignement  pourront,  non-seulement  se  livrer  à  des  essais 
écrits,  mais  encore  à  des  préludes  improvisés,  exempts  de  ces  fautes 
qui  attestent  une  connaissance  insuffisante  des  lois  constitutives  de 
l'harmonie. 

s*„,  Ferdinand  Schœn,  le  brillant  pianiste  compositeur,  est  de  retour 
à  Paris;  son  arrivée  coïncide  avec  la  mise  en  vente  des  Grelots  d'argent, 
sa  charmante  étude  de  concert  que  le  public  parisien  a  tant  applaudie 
l'hiver  dernier.  Ferdinand  Schœn  a  l'intention  de  passer  une  partie  de 
la  saison  à  Nice,  qui  parait  devoir  être  cet  hiver  le  rendez-vous  des  il- 
lustrations artistiques  comme  celui  du  grand  monde  politique. 

*%  Joseph  Franck,  de  Liège,  de  retour  de  son  brillant  voyage  en 
Belgique,  en  Russie  et  en  Allemagne,  recommencera  ses  cours  et  ses 
leçons  particulières  de  piano,  de  violon,  de  composition,  d'orgue  et 
d'accompagnement  de  plain-chant,  le  1er  décembre  prochain. 

,**  MM.  Gamboggi  frères  viennent  de  se  rendre  acquéreurs  de   l'o- 


péra les  Absents,  de  MM.  Poise  et  Daudet,  qui  a  obtenu  un  joli  succès 
au  théâtre  de  l'Opéra-Comique. 

*%  M.  Vincent,  de  l'Institut,  a  publié  à  la  librairie  académique  de 
Didier  une  note  sur  la  messe  grecque  qui  se  chantait  autrefois  à  l'ab- 
baye royale  de  Saint-Denis,  le  jour  de  l'octave  de  la  fête  patronale. 
Celte  note  a  été  lue  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  le 
22  janvier  1864.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire,  pour  l'analyser  en  peu 
de  mots,  que  d'extraire  le  passage  suivant  de  l'ouvrage  de  M.  l'abbé 
Cloet,  intitulé  Recueil  de  mélodies  liturgiques  restituées,  etc.  Paris,  1864, 
in-12,  tome  II,  page  9  *.  »  En  nommant  l'illustre  directeur  du  Conser- 
vatoire de  Bruxelles,  nous  devons  relever  une  assertion  faite  par  lui  au 
sujet  de  l'une  des  phrases  mélodiques  du  Te  Deum  et  que  nous  avons 
citée  dans  le  premier  volume  de  ce  recueil,  page  119,  sans  pouvoir  la 
contrôler.  M.  Vincent,  de  l'Institut,  dans  une  note  publiée  à  ce  sujet 
et  sur  notre  invitation  particulière,  a  très-bien  démontré  :  1°  que  la 
messe  grecque  qui  se  chantait  autrefois  à  l'abbaye  royale  de  Saint- 
Denis,  le  jour  de  l'octave  de  la  fête  patronale,  ne  fait  point  partie  de 
la  liturgie  des  saints  pères  et  ne  remonte  pas  au  ne  siècle;  2°  que  les 
paroles  citées  par  M.  Fétis  (Biographie  universelle  des  musiciens,  nouvelle 
édition,  article  Saint  Ambroise),  n'appartiennent  pas  à  Vlnlroit,  mais  au 
Gloria  in  excelsis;  3°  que  la  formule  mélodique  jointe  à  ce  texte  n'est 
pas  exacte;  4°  qu'il  n'est  pas  exact  de  dire  que  ce  passage  mélodique  se 
trouve  onze  fois  dans  VOctoéchos  des  Grecs  ;  3"  que  le  vrai  texte  musical  des 
paroles  citées  appartient  au  Domine  Deus,  rex  cœlestis,  Deus  Pater  omni- 
polcns,  dans  le  Gloria  in  excelsis  du  quatrième  mode  qui  fait  partie  de 
l'ordinaire  de  la  messe  pour  les  doubles  de  première  classe;  G"  que  les 
paroles  grecques  ne  sont  qu'une  traduction  de  ce  texte  latin.  » 

„.*,„  A  Prague,  le  théâtre  bohème  vient  de  donner  une  représentation 
consacrée  à  la  mémoire  de  Meyerbeer.  On  a  joué  les  Huguenots  en  lan- 
gue tchèque,  et  dans  l'un  des  entr'actes  le  buste  du  maitre  immortel  a 
été  couronné.  —  Le  théâtre  bohème  de  Prague  possède  un  téner  très- 
remarquable  nommé  Véko;  beaucoup  de  théâtres  allemands  lui  ont 
offert  déjà  des  engagements  brillants,  mais  par  un  sentiment  de  patrio- 
tisme ou  de  nationalité,  il  repousse  toutes  les  propositions  et  ne  veut 
consacrer  son  talent  qu'à  son  pays  et  chanter  en  langue  tchèque. 

„/%,  Un  procès  fort  curieux  va  être  jugé  à  Stuttgard.  Le  ténor  Sont- 
heim  plaide  contre  son  directeur  pour  n'avoir  pas  à  chanter  dans  les 
opéras  de  Richard  Wagner.  Le  célèbre  ténor  prétend  soutenir  devant 
les  tribunaux  que  s'il  a  signé  l'engagement  de  chanter  tous  les  rôles,  il 
ne  s'est  nullement  engagé  à  se  casser  la  voix. 

%*s.  Les  deux  nouveaux  morceaux  :  Chant  d'amour  et  Citant  de  guerre, 
composés  par  Henri  Herz,  ont  paru  chez  l'auteur,  et  ils  obtiennent  le 
succès  réservé  à  toutes  les  productions  du  célèbre  compositeur. 

^*t  Une  nouvelle  fantaisie  de  M.  Pascal  Gerville,  intitulée  :  Pendant 
le  bai,  vient  de  paraître.  Elle  est  dédiée  à  M.  Henri  Herz,  et  le  célèbre 
pianiste  vient  d'en  témoigner  toute  sa  satisfaction  à  M..  P.  Gerville,  par 
une  lettre  dans  laquelle,  avec  l'éloge  de  ce  morceau,  dont  il  a  apprécié 
tout  le  mérite,  il  contracte  l'engagement  de  le  faire  jouer  par  ses  élè- 
ves et  de  le  rendre  bientôt  populaire. 

:,.**  M.  Georges  Jacobi,  lauréat  de  1861  du  Conservatoire  et  premier 
violon  de  l'orchestre  de  l'Opéra,  va  commencer  la  deuxième  année  de 
sa  classe  de  violon,  professée  d'après  les  principes  adoptés  au  Conser- 
vatoire. Cette  classe,  dont  les  résultats  ont  été  remarquables  l'an  der- 
nier, aura  lieu  deux  fois  par  semaine,  durera  deux  heures  et  sera 
composée  seulement  de  six  élèves.  Le  prix  pour  un  mois  est  de  25  fr., 
de  60  francs  pour  trois  mois  et  de  100  francs  pour  un  an.  On  s'inscrit 
chez  M.  Jacobi,  -45,  rue  Rochechouart. 

,%  La  méthode  de  piano  composée  par  M.  Joseph  Franck,  de  Liège, 
et  dont  le  duc  de  Brabant  vient  d'accepter  la  dédicace,  paraîtra  avant 
la  fin  de  décembre  prochain. 

„*„.  L'auteur  de  tant  d'ouvrages  applaudis  à  l'Opéra  et  à  l'Opéra-Co- 
mique, M.  H.  de  Saint-Georges,  vient  de  faire  paraître  chez  Dentu 
un  roman  en  deux  volumes,  les  Princes  de  Maquenoisc,  que  nous 
avons  lu  avec  un  vif  intérêt.  Chaque  volume  forme  un  tout  et  a  son 
titre  distinct  :  Tome  I,  Jean  le  matelot;  tome  II,  Le  Pilon  d'argent  ; 
mais,  quand  on  a  commencé  par  Jean  le  matelot  on  ae  peut  pas  s'en 
tenir  là,  et  on  continue.  S'il  faut  dire  ses  préférences,  nous  préférons  même 
le  Pilon  d'argent  à  Jean  le  matelot,  parce  que  dans  le  Pilon  d'argent  la 
nature  des  tableaux  traités  par  l'auteur  réclamait  un  homme  du 
monde  en  même  temps  qu'un  écrivain  exercé,  et  M.  de  Saint-Georges 
est  l'un  et  l'autre. 

***  La  foule  se  presse  chaque  soir  dans  les  salons  du  Casino  pour  y 
entendre  l'excellente  musique  qu'y  fait  exécuter  Arban.  —  Les  bals 
ont  lieu  les  lundis,  mercredis  et  vendredis. 

***  Les  journaux  de  Bordeaux  annoncent  la  mort  à  Talence,  où  il 
s'était  retiré  par  suite  de  sa  mauvaise  santé,  de  M.  Rhein,  pianiste- 
compositeur  distingué,  en  même  temps  que  professeur  de  grand  mé- 
rite. 

„,%  L'art  musical  en  Italie  vient  de  faire  une  perte  regrettable  dans 
la  personne  du  professeur  Louis  Picchianti,  mort  à  Florence  le  19  oc- 
tobre. Il  enseignait  depuis  longues  années  et  avec  autant  de  science 
que  de  succès  l'harmonie  et  le  contre-point. 


DE  PARIS. 


367 


,*„  On  annonce  la  mort,  à  Weimar,  de  M.  Ernest  Montag,  pianiste  et 
compositeur,  l'un  des  meilleurs  élèves  de  Tœpfer.  M.  Fétis  cite  parmi 
ses  productions  principales  trois  lied»  écrits  sur  des  poésies  de  Henri 
Heine. 

,%  M.  John  Leech,  le  célèbre  caricaturiste  anglais,  populaire  sur- 
tout par  les  dessins  qu'il  faisait  pour  le  journal  satyrique  Punch,  vient 
de  mourir  a  Londres  à  l'âge  de  quarante-sept  ans,  et  —  le  croirait-on 
—  c'est  aux  orgues  de  Barbarie  que  ce  triste  événement  doit  être  im- 
puté. M.  John  Leech  avait  beau  changer  d'appartement  et  de  quartier, 
ses  ennemis  mortels,  les  orgues  de  Barbarie,  le  suivaient  partout.  Ses 
amis  le  plaisantaient  souvent  sur  cette  antipathie  invincible  et  sur  la 
surexcitation  nerveuse  que  le  bruit  des  orgues  lui  causait.  Vous  pouvez 
rire,  disait-il,  mais  moi  j'en  mourrai,  et  le  27  octobre  dernier,  sa  triste 
prédiction  s'est  effectivement  accomplie. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


„.**  Londres.  —  Le  nouvel  ouvrage  de  Macfarren,  Hèlvellyn,  dont  nous 
avons  annoncé  le  succès  à  la  première  représentation,  a  été  répété 
cinq  fois  cette  semaine  à  l'Opéra  anglais  de  Covent-Garden. 

**„  Brème.  —  Le  Pardon  de  Ploërmel,  de  Meyerbeer,  a  reparu  sur  notre 
scène  avec  un  succès  des  plus  marqués.  La  pastorale  du  troisième  acte 
surtout,  et  le  Pater  noster  à  quatre  voix,  supérieurement  rendus,  ont 
excité  le  plus  vif  enthousiasme. 

**„,  Berlin.  —  Le  ballet  Fantasca,  de  Paul  Taglioni,  dont  les  répéti- 
tions étaient  assez  avancées  déjà,  a  été  retiré,  et  à  la  place,  le  célèbre 
chorégraphe  composera  avec  son  musicien  ordinaire,  M.  Hertel,  un  nou- 
veau ballet  en  trois  actes,  qui,  sous  le  titre  de  Sardanapale,  sera  re- 
présenté dans  le  courant  de  l'hiver.  L'intendance  de  l'Opéra  royal  vient 
d'envoyer  ses  dessinateurs  à  Londres  pour  y  esquisser  les  costumes  et 
les  décors  du  nouveau  ballet  d'après  les  antiquités  assyriennes  qui  se 
trouvent  au  Musée  britannique.  —  La  société  des  Soirées  symphoniques 
de  l'orchestre  de  la  cour,  sous  la  direction  de  M.  Taubert,  paraît  vou- 
loir entrer  cette  année  dans  une  nouvelle  voie,  en  nous  faisant  enten- 
dre des  ouvrages  nouveaux  à  côté  des  œuvres  classiques  et  consacrées. 
Ainsi,  la  première  de  ces  soirées  nous  apportait  déjà  l'ouverture  de 
Loreley,  de  Naumann,  ouvrage  de  mérite  qui,  cependant,  a  pu  être  ap- 
préciée déjà  dans  d'autres  concerts,  tandis  que  le  programme  de  la 
deuxième  soirée,  qui  vient  d'avoir  lieu,  contenait  deux  ouvrages  entiè- 
rement nouveaux:  uneouverture  intitulée Roméoet  Juliette, de  M.  Schlott- 
mann,  et  une  composition  pour  orchestre  que  son  auteur,  M.  Rubin- 
tein,  a  intitulée  Faust.  Le  premier  de  ces  ouvrages  a  été  accueilli  avec  une 
grande  faveur  ;  le  second  n'a  pas  eu  le  même  bonheur.  On  reproche  à 
l'œuvre  de  M.  Rubinstein  de  manquer  de  clarté,  et  d'offrir,  avec  une 
grande  monotonie,  une  affectation  do  bizarrerie  dans  les  effets  harmoni- 
ques. —  M.  Sevevini,  jeune  ténor  dont  on  dit  le  plus  grand  bien,  est  at- 
tendu ici  pour  donner  des  représentations  à  l'Opéra  royal;  il  se  fera 
entendre  dans  Don  Juan,  la  Muette  et  dans  le  Trouvère.  M.  Severini  est 
un  des  élèves  les  plus  distingués  du  célèbre  professeur  Panofka.  — 
M.  R.  Bial  vient  d'être  nommé  directeur  de  la  musique  du  théâtre 
Wallner. 

a*,,,  Breslau.  —  De  même  qu'à  Dresde  et  à  Prague,  les  concerts  or- 
ganisés ici  par  M.  Ullmann,  en  ce  moment,  avec  Mlle  Carlotta  Patti,  ob- 
tiennent un  succès  fabuleux.  C'est  déjà  quelque  chose  d'extraordinaire 
que  de  pouvoir  donner  dans  des  villes  moyennes  comme  Breslau  et 
Prague  une  demi-douzaine  de  concerts  consécutifs,  non-seulement 
on  ne  trouve  point  que  c'est  trop,  mais  à  chaque  concert  l'immense 
salle  Liebich  est  trop  petite  pour  contenir  la  foule  qui  s'y  presse  On 
paie  les  cartes  d'entrée  à  des  prix  inconnus  jusqu'à  présent  parmi  nous, 
et  les  vendeurs  de  billets  font  presque  d'aussi  bonnes  affaires  que 
M.  Ullmann  lui-même.  C'est  dans  l'air  de  Linda  di  Chamounix,  0  lace 
di  quest'  anima,  dans  le  Carnaval  de  Venise,  arrangé  pour  la  voix  par  Bé- 
nedict,  et  surtout  dans  l'air  de  l'Ombre  du  Pardon  de  Ploërmel,  qu'il 
nous  a  été  donné  jusqu'à  présent  d'admirer  le  talent  extraordinaire  de 
Mlle  Carlotta  Patti.  Le  Pardon  de  Ploërmel  est  un  des  opéras  le  plus  en 
vogue  dans  notre  ville,  et  il  est  peu  de  célébrités  de  chant  que  nous 
n'ayons  vues  dans  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer.  Nous  devons  avouer 
cependant  que  jamais  nous  n'avons  entendu  l'air  de  l'Ombre  interprété 
avec  ce  brio,  cette  maestria  et  surtout  avec  cette  virtuosité  qu'y  ap- 
porte Mlle  Carlotta  Patti.  C'est  un  feu  d'artifice  de  notes,  et  un  feu 
d'artifice  lancé  jusque  dans  les  régions  les  plus  élevées,  où  nul  gosier 
humain  n'a  osé  pénétrer  encore.  Au  milieu  des  fioritures  les  plus  ef- 
frénées,. Mlle  Carlotta  Patti  se  repose  sur  un  trille,  sur  le  ré  ou  le  mi 
bémol  au-dessus  des  lignes  avec  une  aisance  incroyable.  Mlle  Carlotta 
Patti  a  eu  le  bonheur  de  voir  encore  Meyerbeer  peu  de  temps  avant 
sa  mort  et  de  chanter  devant   lui  cet  air  célèbre,  et  c'est  le  regretté 


maestro  lui-même  qui  —  dit-on  —  a  ajouté  pour  Mlle  Carlotta  Patt 
toutes  ces  fioritures  hardies  qu'elle  exécute  si  extraordinairement.  Du 
reste,  le  succès  des  concerts  de  M.  Ullmann  ne  repose  pas  sur 
Mlle  Patti  seule,  et  le  système  inventé  ou  adopté  par  l'habile  impré- 
sario de  ne  point  tout  sacrifier  à  une  étoile,  fût-elle  de  première  gran- 
deur, comme  Mlle  Carlotta  Putti,  contribue  pour  beaucoup  au  succès 
de  l'entreprise,  et  des  noms  comme  ceux  de  Vieuxtemps  et  de  Jael 
sont  certainement  pour  quelque  chose  dans  cette  vogue  sans  exemple. 

„.*„  Leipzig,  —  Depuis  dix-sept  ans  la  Société  des  concerts  du  Ge- 
watidhaus  que  Mendelssohn  a  rendus  si  célèbres,  lui  consacre  tous  les 
ans  le  concert  qui  coïncide  avec  l'anniversaire  de  la  mort  du  grand 
compositeur,  et  cette  année  encore  elle  n'a  point  manqué  à  cette  pieuse 
habitude.  C'est  la  musique  complète  d'Athalic,  ouverture,  soli  et  chœurs, 
avec  le  texte  explicatif  de  Devrient,  qui  a  été  choisie  pour  le  cinquième 
concert.  L'œuvre  du  maître  a  été  exécutée  avec  une  grande  perfection 
et  écoutée  avec  un  grand  recueillement.  —  Au  Conservatoire  de  mu- 
sique, le  jour  du  i  novembre  a  été  également  célébré  par  l'exécution  de 
plusieurs  morceaux  détachés  de  Mendelssohn,  parles  élèves  de  l'établisse- 
ment. —  A  Berlin,  c'est  par  l'exécution  de  l'oratorio  de  Paulus  que  la 
Société  Stern  a  rendu  hommage  à  la  mémoire  de  Mendelssohn.  —  Au 
sixième  concert  du  Gewandhaus,  qui  a  eu  lieu  le  10  novembre,  M.  J. 
Rosenhain,  de  Paris,  s'est  fait  entendre  dans  un  concerto  pour  piano  et 
orchestre  de  sa  composition.  L'exécutant  et  le  compositeur  ont  obtenu 
un  égal  et  très-légitime  succès. 

^xTurin. — Le  théâtre  Victor-Emmanuel  vient  de  représenter  la  Com- 
tesse d'Amal/i,  du  chevalier  Petrella.  Si  l'on  en  juge  par  le  succès  qu'il  a 
obtenu,  il  sera  l'opéra  de  la  saison.  La  majeure  partie  des  morceaux  a 
été  chaleureusement  applaudie,  et  il  en  a  été  de  même  aux  représen- 
tations suivantes.  Le  rôle  principal,  d'abord  chantéparMmePalmieri,adû, 
par  suite  d'indisposition,  être  cédé  par  elle  à  Mme  Bendazzi;  mais  l'une 
et  l'autre  l'ont  interprété  avec  une  grande  supériorité.  Mme  Ferrari, 
MM.  Zacometti  et  Cima  y  ont  également  déployé  beaucoup  de  talent. 

***  Florence.  —  L'inauguration  de  la  saison  au  théâtre  de  la  Pergola 
s'est  faite  brillamment  par  Marta.  Les  époux  Tiberini  chantaient  les 
rôles  de  Marta  et  de  Lionel,  et  leur  apparition  a  été  une  véritable  fête; 
c'est  qu'aussi  on  trouverait  difficilement  des  chanteurs  plus  accomplis. 
Ils  ont  été  vaillamment  secondés  par  Scheggi,  Mme  Vercolini  et  le  jeune 
baryton  Giannoli.  L'orchestre  a  fait  merveille  sous  la  direction  de  Va- 
nuccini. 

*%  Saint-Pétersbourg.  —  Le  théâtre  italien  nous  a  donné  successive- 
vement  Faust  qui  a  obtenu  un  médiocre  succès;  la  Traviata,  chantée 
par  la  Fioretti,  Calzolari  etGraziani.  Ces  trois  artistes  y  ont  été  accueillis 
avec  enthousiasme.  La  Fioretti  a  été  acclamée  après  chaque  morceau, 
rappelée  trois  ou  quatre  fois  après  chaque  acte,  et  une  véritable  ova- 
tion lui  a  été  faite  après  la  chute  du  rideau.  Calzolari  a  partagé  ce 
triomphe  si  bien  mérité  par  l'exquise  suavité  de  sa  voix  et  l'art  admi- 
rable qui  caractérisent  son  talent;  il  les  a  peut-être  déployés  avec  en- 
core plus  de  supériorité  dans  II  Pelcgrinaggio  li Ploërmel,  qui  n'avait  pas 
été  donné  l'an  dernier,  et  qu'on  a  repris  avec  un  grand  succès.  Nous 
attendons  maintenant  le  nouvel  opéra  de  Frederico  Ricci  et  celui  de 
Flotow,  qui  sont  à  l'étude. 

»**  Moscou.  —  Mlle  Fricci,  aujourd'hui  mariée  au  ténor  Neri-Baraldi, 
a  obtenu,  ainsi  que  son  mari,  un  immense  succès  dans  Robert,  le  Diable. 
Ils  ont  été  rappelés  nombre  de  fois,  et  au  troisième  acte,  un  bouquet 
monstre  a  été  jeté  à  la  cantatrice.  Dans  la  Traviata  aussi,  bravos  et 
rappels.  Au  sortir  du  théâtre,  un  corps  d'étudiants  stationnait  auprès  de 
la  voiture  que  les  artistes  n'ont  gagnée  qu'avec  peine. 


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20  Novembre  18(54. 


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Lorsque  Meyerbeer  fut  si  soudainement  enlevé  à  l'art  qu'il  illustrait, 
pas  un  des  abonnés  de  la  Gazette  musicale  ne  faillit  à  payer  son  tribut 
de  regrets  à  l'immortel  auteur  des  Huguenots.  Nous  sommes  donc  bien 
certains  qu'en  leur  offrant  aujourd'hui,  en  prime,  un  magnifique  por- 
trait du  maître,  accompagné  de  la  collection  transcrite  pour  piano  de 
ses  quarante  mélodies,  arrangées  exprès  pour  cette  occasion  par  un 
professeur  et  un  artiste  dont  la  valeur  et  le  mérite  n'ont  pas  besoin 
d'éloge,  M.  Amédée  Méreaux,  qui  a  voulu  lui-même  honorer  la  mé- 
moire de  Meyerbeer  en  faisant  ce  travail,  nous  sommes  bien  certains, 
disons-nous,  d'avoir  choisi  ce  qui  pouvait  leur  plaire  le  mieux. 

Dès  le  1er  décembre,  nous  mettrons  donc  à  leur  disposition  ce  beau 
volume  inédit  et  le  portrait,  auxquels  nous  ajoutons  un  album  de 
danses,  dû  aux  meilleurs  auteurs  de  ce  genre  de  musique. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra  :  exécution  de  la  cantate  qui  a 
remporté  le  grand  prix  de  composition  musicale;  le  Comte  Ory  et  le  Marché 
des  Innocents,  par  Paul  Smith .  —  La  musique  et  la  société  française  au 
xvme  siècle  (5e  article),  par  Em.  Mathieu  de  Monter.  —  Mélodies  et 
chants  religieux  de  Meyerbeer,  par  Maurice  Cristal.  —  Revue  des  théâ- 
tres, par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

Exécution  de  la  cantate  qui  a  remporté  le  grand  prix 
de  composition  musicale.  —  M,e  Comte  Ory  et  Me 
Marché  *les  Innocenta. 

Tant  que  l'Académie  des  beaux-arts  a  eu  la  mission  de  décerner 
le  grand  prix  de  composition  musicale  (et  cela  n'a  pas  duré  moins  de 
soixante  ans,  depuis  l'institution  du  prix  même),  la  cantate  cou- 
ronnée était  exécutée  solennellement  au  palais  de  l'Institut  le  pre- 
mier samedi  du  mois  d'octobre.  Le  décret  du  h  mai  dernier  ayant 
dessaisi  l'Académie  de  sa  prérogative,  il  a  fallu  trouver  un  autre 
local  pour  y  faire  entendre  l'œuvre  du  lauréat,  et  le  théâtre  impé- 
rial de  l'Opéra  a  été  choisi.  Vendredi  dernier,  jour  désigné  pour 
cette  audition  publique,  un  grand  nombre  de  notabilités,  parmi  lesquel- 
les figurait  l'Académie  des  beaux-arts  presque  tout  entière,  avaient  été 
convoquées  extraordinairement  et  remplissaient  l'orchestre.  Dans  la 
loge  d'avant-scène,  attenant  à  celle  de  Leurs  Majestés,  ont  pris  place 
M.  le  maréchal  Vaillant,  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  et  des 
beaux-arts;  M.  le  comte  Bacciocchi,  surintendant  des  théâtres;  M.  le 
comte  de  Nieuwerkerke,  surintendant  général  des  beaux-arts  ; 
M.  Auber,  directeur  du  Conservatoire;  et  près  d'eux  se  trouvait 
M.  Gautier,  secrétaire  général,  ainsi  que  M.  Camille  Doucet,  chef 
de  la  division  des  théâtres.  Tout  avait  donc  été  prévu  pour  que  la 
cérémonie  ne  perdît  rien  de  son  éclat  ni  de  son  importance. 

Le  spectacle  commençait  par  le  Comte  Ory  et  se  terminait  par  le 
Marché  des  Innocents.  Entre  ces  ouvrages,  la  cantate  a  été  dite 
par  MM.  Morère,  Dumestre  et  Mlle  de  Taisy  ;  ces  trois  artistes,  en 
habit  de  ville,  se  tenaient  sur  la  scène,  tantôt  assis,  tantôt  debout, 
le  cahier  à  la  main,  accompagnés  par  l'orchestre  que  dirigeait 
M.  Georges  Haiol. 


370 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


On  se  rappelle  qu'un  jury  composé  de  neuf  membres,  sous  la  pré- 
sidence de  M.  Auber,  avait  décerné  le  grand  prix  à  M.  Sieg,  élève 
de  M.  Ambroise  Thomas. 

Personne,  nous  le  croyons,  ne  regrettera  l'ancienne  tribune  du 
palais  des  Quatre-Nations,  dans  laquelle  la  musique  était  comme  per- 
chée, et  luttait  vainement  contre  les  plus  fâcheuses  conditions  d'a- 
coustique. Nous  avons  assez  souvent  signalé  ce  triste  état  de  choses 
pour  pouvoir  nous  dispenser  d'y  revenir  aujourd'hui. 

Mais  à  l'Opéra  ce  sont  d'autres  dangers,  d'autres  inconvénients 
plus  graves  encore  peut-être.  Jusqu'à  présent,  par  une  faveur  heu- 
reusement très-rare,  deux  ou  trois  cantates  seulement  avaient  eu 
l'honneur  d'être  admises  sur  la  vaste  scène,  et  l'on  se  demande  ce 
qu'elles  y  ont  gagné  :  en  sont-elles  sorties  plus  grandes,  mieux  ap- 
préciées, mieux  comprises?  A  propos  de  la  dernière,  exécutée  il  y  a 
quatre  ans,  et  qui  avait  pour  auteur  le  jeune  Paladilhe,  nous  avons 
exprimé  notre  opinion  sur  une  épreuve  pour  laquelle  évidemment  les 
cantates  ne  sont  pas  faites.  Ni  le  cadre  exigu  de  l'espèce  de  drame 
qui  leur  sert  de  prétexte,  ni  leurs  humbles  proportions  musicales  ne 
leur  permettent  de  un  leur  rang  à  côté  de  productions  du  plus 
haut  bord. 

Les  chante-t-on  comme  au  concert  ?  les  interprètes  demeurent 
immobiles  et  glacés,  et  !e  public  aussi  par  conséquent.  Veut-on  em- 
ployer les  costumes  et  le  décor?  l'œuvre  n'en  paraît  que  plus  étri- 
quée, plus  mesquine  :  de  cette  misère  au  ridicule  il  n'y  a  qu'un 
pas. 

Pour  nous,  introduire  la  cantate  au  théâtre  de  l'Opéra,  c'est  à  peu 
près  comme  si  l'on  exposait  dans  le  salon  carré  du  Louvre  les  petites 
toiles,  les  esquisses  des  concurrents  pour  le  prix  de  peinture,  ou 
comme  si  l'on  faisait  lire  à  l'Académie  française  les  discours  et  les 
amplifications  qui  ont  mérité  des  prix  au  concours  général. 

Nous  n'en  rendons  pas  moins  un  sincère  hommage  aux  généreuses 
intentions  qui  se  sont  associées,  pour  honorer,  relever,  ennoblir  le 
concours  du  prix  de  musique.  On  ne  pouvait  les  manifester  avec  plus 
d'éclat  qu'en  ouvrant  la  plus  belle  salle  de  Paris  au  vainqueur  de 
ce  concours  ;  mais  son  intérêt  ne  se  serait-il  pas  accommodé  d'une 
situation  plus  modeste  ?  Un  élève  lauréat  n'est,  après  tout,  qu'un 
élève.  Pour  être  bien  jugé,  son  travail  ne  demande  qu'une  petite 
enceinte,  un  auditoire  peu  nombreux,  mais  intelligent,  et  bien  pénétré 
de  cette  idée  qu'il  ne  va  écouter  qu'un  essai.  Les  murailles  de  l'O- 
péra ne  sont-elles  pas  trop  exigeantes,  et  celles  d'une  simple  école 
ne  conviendraient-elles  pas  mieux  à  une  cérémonie  dont  le  ca- 
ractère doit  être  celui  de  l'encouragement  bien  plutôt  que  celui  du 
triomphe  ? 

Tous  ceux  qui  connaissent  M.  Sieg  et  qui  l'ont  suivi  dans  ses  étu- 
des, s'accordent  à  trouver  en  lui  le  tempérament,  la  sève  d'un  bon 
compositeur  ;  mais  il  est  encore  bien  jeune,  et  ses  plus  saillantes 
qualités  ne  sont  point  encore  venues  au  point  de  saisir  un  public 
étranger  à  l'art  musical.  A  l'Opéra,  la  foule  demande  des  artistes 
dans  toute  leur  maturité,  dans  toute  leur  plénitude.  Dans  l'enceinte 
du  Conservatoire,  on  se  contenterait  à  moins  ;  aussi  pensons-nous 
que  le  Conservatoire  est  le  véritable  terrain  des  lauréats,  ainsi  qu'il 
l'est  des  concurrents,  et  que  nulle  part  ailleurs  on  ne  saurait  écouter 
ni  juger  mieux  des  cantates. 

Paul  SMITH. 


LÀ  MUSIQUE  ET  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AU  XVIII  SIÈCLE. 

(5e  article)  (1). 

Les  salons  de  Louis  de  Bourbon  consolèrent  «    les  grands  gour- 
mets »  de  la  fermeture  de  l'hôtel  de  Soissons.  Louis  de  Bourbon, 

(1)  Voiries  n  ■  42,  43,  44  et  46. 


comte  de  Clermont,  chevalier  des  ordres,  pair  de  France,  abbé 
commandataire  de  Saint-Germain  des  Prés,  colonel,  mestre  de  camp, 
«  homme  de  cour,  homme  d'église,  homme  d'épée,  grand  et  singu- 
lier seigneur,  moitié  clerc  et  moitié  héros,  et  qui  avait  besoin  de  la 
permission  du  pape  pour  mener  au  feu  ses  trois  régiments.  »  Ce  que 
l'abbé  de  Saint-Germain  n'avait  pas  besoin  d'aller  dire  à  Rome, 
c'est  que  son  hôtel  de  la  rue  de  Richelieu  recevait  chaque  semaine 
l'Opéra  et  ses  trois  merveilles  :  la  voix  de  Lemaure,  le  jarret  de 
Dupré,  la  jambe  de  la  Camargo  !  La  Camargo,  cette  déesse  des  tam- 
bourins, l'ivresse  des  ballets,  danseuse  qui  rajeunit  la  danse  en  lui 
donnant  la  liberté,  l'enjouement,  la  folie,  l'avenir  !  Dans  ce  royal 
hôtel,  où  se  presse  aujourd'hui  la  pâle  et  studieuse  population  des 
bibliothèques,  ce  fut  une  vie  de  plaisirs  caressée  par  la  musique,  vie 
qui  chante  encore  en  riant  dans  cette  lettre  aimable  du  comte  de 
Clermont  : 

«    A   M.    DE   BlLLY,    COMMANDANT   LE    RÉGIMENT   d'EnGHIEN. 

»  Ce  H  février  1743. 

»  La  fièvre  impitoyable  vous  a  forcé  d'abandonner  Melpomène, 
Thalie,  Therpsicore  et  les  marionnettes  lyriques.  La  prévoyante  sai- 
gnée, la  secourablo  émétique  et  la  sage  rhubarbe  vous  rendront  bril- 
lant de  corps,  pétillant  d'esprit  aux  vœux  de  la  troupe  qui  a  un  ex- 
trême besoin  de  vous  pour  pouvoir  commencer  ses  répétitions. 

»  Polichinel  vous  appelle  à  son  secours;  dame  Gigogne  vous 
attend  à  sa  toilette,  et  le  grand  Maamoubatclioulicarana,  autrement 
nommé  le  père  Duchemin,  n'a  qu'un  cri  après  vous.  Notre  belle 
chanteuse  s'arrache  une  boucle  du  chignon  chaque  fois  qu'elle 
pense  qu'elle  est  éloignée  de  son  compositeur  favori  ;  elle  y  pense 
cent  fois  dans  les  vingt-quatre  heures,  c'est  cent  boucles  qu'il  lui  en 
coûte  par  jour,  elle  n'en  a  que  cinq  cents  à  son  chignon,  voilà  trois 
jours  que  vous  êtes  absent,  ce  sont  donc  déjà  trois  cents  boucles 
qu'elle  s'est  arrachée;  il  ne  luy  en  reste  plus  que  deux  cents.  Si 
vous  êtes  encore  deux  jours  absent,  vous  trouvères  la  pauvre  Ma- 
thurine  chauve  comme  un  chien  turc. 

»  J'assemble  actuellement  les  virtuoses,  corno  primo,  corno  se- 
condo,  violino  cello,  violeta  vioiino,  aubois,  trompette  marine,  fla- 
geolet, contrebasse,  fifre,  timballes,  viel,  guimbarde,  flûtte  douce, 
flutte  à  l'oignon,  chalumeau,  cornemuse,  musette,  castagnette,  tam- 
bourin, trombone,  orgue,  orgue  de  Barbarie,  timpanon,  harpe,  cla- 
vecin et  épinette  pour  exécuter  vos  divins  menuets,  dont  on  va  tirer 
les  partitions  nécessaires  pour  leur  exécution.  Mlles  Leduc  répéteront 
ce  soir,  et  il  vous  sera  mandé  tout  de  suite  le  plaisir  que  nous  au- 
rons eu  à  nous  abandonner  au  charme  de  la  gracieuse  mélodie  dont 
vous  venés  d'orner  nos  concerts  et  nos  danses,  n 

Si  la  musique  fut  le  prétexte  et  l'indispensable  conviée  des  fêtes 
de  la  Régence,  de  Louis  XV  et  de  son  successeur,  ceux  qui  l'ac- 
cueillirent avec  l'ostentation  la  plus  marquée  ne  l'aimèrent  toujours 
pas  exclusivement  et  pour  elle-même.  Il  est  un  homme  cependant, 
et  l'un  des  plus  grands  seigneurs  de  cette  époque,  qui  lui  voua  un 
culte  sans  partage,  qui  lui  consacra  les  loisirs  de  sa  vie  si  doulou- 
reusement traversée,  un  homme  qui  résume  en  lui  le  modèle  et  le 
type  le  plus  complet  du  dilettantisme  au  xvnr3  siècle.  J'ai  nommé 
Louis-Jules  Mancini-Mazarini,  dernier  duc  de  Nivernais,  ministre  d'E- 
tat, ambassadeur  et  l'un  des  quarante  de  l'Académie  française. 

De  sa  mère,  une  Spinola,  et  de  son  père,  François  Mancini,  le  duc 
de  Nivernais  tenait  l'esprit  et  le  goût  des  arts  héréditaires  dans  sa 
maison.  «  Ce  petit-neveu  de  Mazarin,  —  a  écrit  M.  Sainte-Beuve, 
—  fut  l'un  des  plus  vifs  amateurs  de  musique  du  siècle  dernier.  » 
Au  lendemain  des  campagnes  de  Bohême  et  de  Bavière,  miné  par 
les  fièvres,  il  quittait  le  service  et  faisait  des  adieux  lyriques  à  son 
régiment.  L'Académie  le  choisissait  à  vingt-sept  ans,  —  pour  rem- 
placer Massillon  !  —  et  sur  la  marge  des  cahiers  de  séance,  comme 


DE  PARIS. 


371 


sur  les  albums  du  Moulin-Joli  et  d'Ermenonville ,  quand  Ermenon- 
ville était  à  la  mode,  il  notait,  en  se  jouant,  des  romances  dont 
quelques-unes  valent  celles  du  président  Hérault  et  qu'il  dédiait  à 
Délie,  à  sa  femme.  Il  était  assez  piquant,  au  xvm0  siècle,  d'être 
amoureux  de  sa  femme  :  le  duc  de  Nivernais  le  fut,  du  moins  quel- 
que temps,  et  en  musique. 

Ambassadeur  à  Rome,  de  1740  à  1752,  il  écrivait  la  musique  des 
opéras  de  son  commensal  et  ami  la  Bruère,  collaborateur  de  Ra- 
meau, rédacteur  au  Mercure,  homme  d'esprit  et  de  talent  qui,  s'il 
avait  vécu,  aurait  appris  au  public  à  distinguer  son  nom  de  celui  de 
son  presque  homonyme.  Ambassadeur  à  Berlin  en  1756,  il  faisait  la 
conquête  de  Frédéric  par  son  goût  éclairé  des  arts  ;  et  le  roi-philo- 
sophe écrivait  h  Maupertuis  :  «  Je  suis  bien  malheureux  que  le  duc 
de  Nivernais  ne  soit  pas  né  à  Berlin,  il  ne  sortirait  pas  de  chez  moi.» 
Ambassadeur  à  Londres,  il  traduisait  en  vers  les  chœurs  à'Aminte, 
l'Amaryllis  du  Pastor  Fido,  un  oratorio  de  Métastase,  écrivait  la  vie 
des  troubadours  du  Périgord,  de  la  Saintonge  et  du  Velay,  mettait 
leurs  sirventes  en  musique,  faisait  sa  partie  de  violon  au  concert, 
et  chantait  de  sa  petite  voix  flûlée  comme  sa  poésie  la  romance  en 
vogue  : 

D'aimer  jamais  si  je  fais  la  folie. . . 

pendant  les  fêtes  toutes  parisiennes  qu'Horace  Walpole  donna  à  sa 
résidence  de  Strawberry-Hall,  à  Mmes  de  Boufflers  et  d'Usson. 

La  fonction  du  duc  de  Nivernais,  si  on  la  demande,  fût  propre- 
ment d'être  le  plus  aimable  maître  des  cérémonies  de  la  société 
française.  Il  ne  passait  pas  à  Paris  un  souverain  étranger,  un  prince 
Henri  de  Prusse,  une  grande-duchesse  de  Russie,  que  le  duc  ne  les 
fêtât,  rue  de  Tournon  ou  à  Saint-Ouen,  par  quelques  couplets  im- 
promptus, par  quelque  concert,  quelque  opéra  de  sa  façon.  Au  der- 
nier acte  de  ses  pièces,  nous  dit  Grimm,  il  paraissait  lui-même,  «  et 
les  lunettes  sur  le  nez,  n'en  avait  pas  moins  de  grâce  à  chanler  des 
couplets  de  circonstance.  »  Il  cherchait  même,  autant  que  possible, 
à  rattacher  le  programme  de  ses  concerts  à  une  action  dramatique, 
sorte  d'impromptu  qui  tient  le  milieu  entre  la  bergerade  et  le  pro- 
verbe, entre  «  la  comédie  de  paravent  »  et  l'opérette  moderne.  Cette 
mise  en  scène,  un  peu  puérile,  aboutissait  à  un  souper  où  les  couplets 
alternaient  avec  les  rondes,  et  les  convives  se  séparaient  à  minuit, 
ravis  de  l'affabilité  joyeuse  du  maître  de  la  maison,  et  associant 
dans  leurs  éloges  la  délicatesse  de  la  chère  à  l'heureux  choix  du 
programme,  la  saveur  des  grands  crûs  au  talent  des  artistes. 

La  Révolution,  en  éclatant,  ne  surprit  pas  le  duc  de  Nivernais  ;  il 
avait  eu  tout  le  temps  de  se  faire  à  ses  menaces  et  à  ses  rigueurs . 
Il  baissa  la  tête  sous  la  tourmente,  sans  avoir  eu  la  pensée  d'émi- 
grer.  Arrêté  en  1793,  emprisonné  aux  Carmes,  il  y  passa  une  an- 
née donnée  tout  entière  à  la  musique,  qui  ménageait  à  son  âme 
des  consolations  imprévues.  Le  9  thermidor  le  délivra  et  le  rejeta 
ruiné,  dépouillé,  dans  son  hôtel  en  ruines  et  désert.  Sous  la  pous- 
sière et  les  débris,  il  retrouva  un  vieux  clavecin,  un  violon  des  anciens 
jours,  et  il  se  reprit  à  chanter,  à  se  chansonner  lui-même,  Bocotum 
in  acre  crasso,  et  il  songea  à  ses  amis,  et  il  s'occupa  encore,  dans 
ses  pauvres  loisirs,  à  leur  plaire,  à  leur  être  gracieux.  On  revient 
toujours  à  ses  commencements,  à  ce  que  l'on  aima  à  l'aube  de  sa 
vie! 

L'honneur  du  duc  de  Nivernais,  son  originalité  mémorable  sera 
dans  cette  fin,  dans  la  manière  unique  et  douce  dont  il  supporta, 
soutenu,  rasséréné  par  l'harmonie,  la  ruine  et  le  complet  dépouille- 
ment. Ce  dilettante  aimable,  cet  idéal  de  l'abbé  de  Bernis,  ce  musi- 
cien élégant  et  frivole  devint  —  citoyen  Mancini  —  un  modèle  aisé 
de  courage,  de  philosophie  tranquille  et  sereine,  sans  rien  perdre 
de  son  talent;  et  il  montra  que  s'il  aima  de  tout  temps  les  muses 
légères,  il  avait  bien  réellement  en  lui  une  parcelle  de  l'âme 
d'Horace. 

Em.  Mathieo  DE  MONTER. 
{La  suite  "prochainement.) 


MÉLODIES  ET  CHIOTS  RELIGIEUX 

«le  Hfeyerbccr  (1). 

Les  mélodies  de  Meyerbeer,  ses  chœurs  non  destinés  au  théâtre, 
ses  Sérénades  forment  dans  l'œuvre  colossal  de  cet  illustre  maître  un 
faisceau  de  chefs-d'œuvre  originaux,  dont  la  composition  exquise  a 
plutôt  restreint  qu'étendu  la  popularité.  Une  étude  attentive  de  ces 
productions  multiples  prouve  que  Meyerbeer  a  révélé  dans  les  mélo- 
dies tout  un  côté  intime  et  inconnu  de  son  génie  ;  il  y  a  traduit  toutes 
les  aspirations  de  son  âme  si  profondément  empreinte  de  fervente 
piété,  de  mélancolie  et  de  mystère.  On  y  sent  que  la  nature  n'avait 
pas  de  voile  pour  lui  et  qu'il  en  a  su  admirer  et  aimer  les  beautés 
chastes  et  pures.  11  nous  attire  au  dehors  ;  il  nous  montre  la  sil- 
houette gracieuse  des  montagnes  bleuissantes  au  loin,  il  nous  fait 
asseoir  près  du  ruisseau,  il  écoute  le  flot  couler,  et  nonchalamment 
couché  sur  la  rive  il  cueille  les  fruits  mûrissants  aux  vertes  branches 
de  l'arbre. 

Le  Chant  de  mai,  doux  et  délicieux,  frais  et  embaumé,  est  un  pay- 
sage lumineux  et  où  la  vie  déborde.  Le  Chant  des  moissonneurs 
vendéens,  ma  Barque  légère,  s'inspirent  des  vivaces  et  suaves  idylles 
où  la  muse  française  se  complaît  si  souvent.  La  Sicilienne,  Mina,  les 
Souvenirs,  semblent  avoir  pris  naissance  sur  les  bords  fortunés  de  la 
mer  napolitaine  par  une  bienfaisante  matinée  de  printemps.  Rachel 
et  Nephtali  résument  avec  une  sobriété  chaste  une  émotion  contenue, 
toutes  les  langueurs  ineffables,  les  mystérieuses  aspirations  des  belles 
amours,  des  tendresses  bénies  comme  nous  les  a  racontées  la  Bible. 

Puis  voici  les  accents  austères  :  le  Poêle  mourant,  où  Meyerbeer 
a  fait  s'éplorer  et  saigner  la  plainte  désolée,  éperdue  de  Millevoye;  le 
Chant  du  dimanche,  Fantaisie,  le  Moine,  le  Trappiste,  au  Tombeau 
de  Beethoven,  qui  sont  un  hommage  au  génie  grave,  à  la  muse  pen- 
sive de  l'Allemagne.  Ces  mélodies,  dont  chacune  à  part  forme  un 
poëme  achevé,  sont  toutes  diverses  de  ton,  d'inspiration,  d'accent 
et  de  couleur.  Elles  composent  dans  leur  ensemble  un  tout  essentiel- 
lement nouveau,  qui  ne  rappelle  en  rien  les  mélodies  de  Schubert  ni 
les  romances  sans  paroles  de  Mendelssohn.  Elles  émanent  d'une 
pensée  également  créatrice,  spontanée  et  sincère,  mais  toute  diffé- 
rente. La  personnalité  vigoureuse  de  Meyerbeer  s'y  fait  jour  cons- 
tamment. C'est  un  vin  généreux  qu'il  ne  faut  pas  boire  à  pleine 
coupe  et  en  une  seule  fois.  Il  faut  méditer  ces  mélodies  après  qu'on 
en  a  ressenti  l'émotion  salutaire  et  ainsi  l'on  en  double  l'effet.  La 
facture  en  est  merveilleuse.  L'auteur  les  a  écrites  pour  qu'elles  soient 
accompagnées  par  le  simple  piano.  Mais  il  s'est  laissé  entraîner  par 
sa  facilité  à  manier  les  sonorités  et  les  rhythmes  ;  tout  y  est  travaillé 
avec  la  subtilité  des  détails,  la  finesse  de  touche  que  les  peintres 
hollandais  mettent  à  leurs  tableaux.  On  prend  toujours  un  nouveau 
plaisir  à  y  étudier,  à  y  découvrir  l'ingénieuse  succession  des  modu- 
lations, les  combinaisons  imprévues  des  rhythmes  et  des  harmonies, 
toutes  les  ciselures  éblouissantes  d'où  se  détache  si  nettement  la 
mélodie,  comme  l'oiseau  qui  vole  au-dessus  d'un  jardin  féerique.  Ce 
sont  de  merveilleux  tableaux,  et  dans  leur  cadre  restreint  la  main 
habile  du  maître  a  su  condenser  toute  la  puissance  de  sa  pensée. 
Ce  sont  en  réalité  des  créations  immenses ,  dont  les  lignes  rap- 
prochées, les  contours  précisés,  répondent  admirablement  au  senti- 
ment contemporain.  Comme  accompagnement,  le  piano  s'y  révèle 
avec  des  effets  tout  à  fait  inattendus,  toujours  piquants.  On  y  recon- 
naît que  Meyerbeer  est  resté  constamment  le  virtuose  original  que  sa 
jeunesse  avait  révélé  ;  à  ce  point  de  vue,  ses  mélodies  seront  un 
incomparable   modèle  pour  tous  les  compositeurs  de  Lieder  et  pour 


(1)  Cet  article  est  l'appendice  et  le  complément  de  celui  que  nous  avons  publié 
dans  le  numéro  du  17  juillet  dernier  sous  ce  titre  :  Des  mélodies  de  Meyerbeer 
et  de  ses  œuvres  en  général  relativement  au  piano. 


372 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


les  personnes  qui   veulent  se  rendre  compte  des  ressources  que  le 
piano  offre  à  l'accompagnement  du  chant. 

En  dehors  des  œuvres  théâtrales  et  des  mélodies,  Meyerbeer  a  écrit 
pour  l'Allemagne  un  certain  nombre  d'oeuvres  qui,  depuis  longtemps, 
enrichissent  le  répertoire  des  sociétés  musicales.  Dans  ce  nombre,  il 
suffira  de  citer  la  Fête  à  la  cour  de  Ferrare,  composée  pour  une 
fête  donnée  par  le  roi  de  Prusse  ;  une  grande  cantate  pour  quatre 
voix  d'hommes  et  chœur,  poésie  du  roi  de  Bavière  ;  une  Ode  au 
sculpteur  Ranch,  pour  soli,  chœur  et  orchestre,  exécutée  pour  l'i- 
nauguration de  la  statue  de  Frédéric  le  Grand;  et  dans  le  genre 
sacré  un  recueil  de  sept  chants  religieux  sur  les  paroles  de  Klops- 
tock;  un  Stabat  Mater,  un  Miserere,  un  Te  Deum,  douze  psaumes 
à  double  chœur. 

Le  91e  psaume  de  David  à  huit  voix  et  solos  signale  en  Meyer- 
beer une  étude  toute  particulière  du  genre  sacré  avec  des  vues  qui 
diffèrent  sensiblement  de  celles  qui  l'ont  guidé  dans  la  composition 
de  la  musique  religieuse  de  ses  opéras.  On  sait  ce  que  c'est  que 
la  grande  école  musicale  fondée  par  Palestrina.  Cette  école,  dont  Al- 
legri,  Jomelli,  Baj  et  Léo  furent  les  plus  illustres  soutiens,  considérait 
la  voix  humaine  comme  seule  digne  de  chanter  Dieu.  Les  instruments, 
l'orgue  même  sont  bannis  des  œuvres  de  ces  maîtres.  La  variété  des 
timbres  de  la  voix,  la  division  de  la  masse  chorale  à  deux  ou  trois 
chœurs  leur  fournissent  leurs  plus  grands  effets.  Les  périodes  mu- 
sicales sont  larges,  les  modulations  affectent  la  plus  grande  simplicité 
et  ne  sortent  pas  des  limites  de  la  gamme  principale.  Cette  sim- 
plicité de  moyens  leur  suffisait  et  ne  les  empêchait  pas  d'émouvoir 
profondément  les  âmes  religieuses. 

Meyerbeer  a  voulu  renouveler  cette  grande  école,  mais  il  a  cher- 
ché à  introduire  dans  la  musique  sacrée  allemande  un  élément  plus 
onctueux,  plus  vibrant,  il  voulait  que  les  chœurs  composés  sous  celte 
inspiration,  en  rappelant  l'école  de  Palestrina,  évitassent  le  ton  de 
glaciale  et  morne  austérité  que  l'on  peut  reprocher  anx  thèmes  sé- 
vères et  rapides  où  se  complaît  trop  l'école  allemande,  Mendelssohn 
y  compris.  Ses  chœurs,  et  le  91°  psaume  notamment,  composés  dans 
cette  intention,  sont  privés  du  concours  des  instruments,  le  principe 
de  la  division  des  masses  chorales  y  est  adopté  ainsi  que  celui  des 
mélodies  larges  et  simples  ;  l'œuvre  entier,  nouveau  par  son  carac- 
tère d'ancienneté  même,  est  d'une  grande  fraîcheur  et  d'une  éton- 
nante virtualité.  Quel  dommage  que  Meyerbeer  n'ait  pas  eu  le  temps 
d'achever  le  retour  complet  qu'il  projetait  aux  traditions  pures  de 
l'école  de  Palestrina  !  Nul  plus  que  lui,  par  la  nature  de  ses  ins- 
pirations ,  sa  science  immense ,  sa  critique  finement  aiguisée  et 
clairvoyante,  n'était  à  même  de  réaliser  ce  grand  progrès  rétros- 
pectif. 

Les  mélodies  du  91e  psaume  sont  d'une  distinction  irréprocha- 
ble. Les  thèmes  fondamentaux  sans  efforts,  sans  entraves,  se  dis- 
tribuent au  milieu  des  huit  parties,  passant  alternativement  de  l'un 
à  l'autre  chœur  comme  les  rayons  lumineux  que  l'on  voit  circuler 
sous  les  arceaux  des  temples.  L'effet  est  augmenté  par  des  modu- 
lations auxquelles  l'auteur  a  réservé  tous  ses  prestiges.  Le  goût  le 
plus  pur  a  dicté  ces  arabesques  capricieuses  qui  s'enroulent  autour 
des  phrases  principales.  Il  y  a  surtout  une  mélodie  proposée  d'abord 
par  le  ténor,  qui  passe  ensuite  de  voix  en  voix,  à  travers  les  deux 
chœurs  et  dont  l'effet  est  magique.  Les  voix  de  basse  descendent  à  de 
très-grandes  profondeurs  ;  il  y  a  des  mi,  des  ré,  des  contre  ut.  Ces 
notes  exceptionnelles  donnent  à  l'exécution  une  indescriptible  ma- 
jesté, et  un  auditeur  qui  a  entendu  exécuter  ce  psaume  à  l'admirable 
chœur  de  la  chapelle  impériale  de  Saint-Pétersbourg,  en  a  conservé 
un  très-vif  souvenir.  11  nous  a  même  signalé  comme  ayant  toujours 
produit  le  plus  grand  effet,  la  fugue  finale  de  ce  même  psaume,  où 
par  une  combinaison  tentée  pour  la  première  fois,  Meyerbeer  a  ob- 
tenu un  effet  imprévu  d'originalité.  Dans  cette  fugue,  alla  brève,  l'un 
des  chœurs  écrit  suivant  les  tendances  de  l'école  musicale  moderne, 


se  détache  sur  l'a  utre  chœur  contenu  dans  les  sévérités  de  la  forme 
classique.  Pour  réussir  dans  cette  tentative,  il  fallait  un  homme  de 
génie,  et  Meyerbeer  s'est  rencontré. 

Maurice  CRISTAL. 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 


Vaudeville  :  la  Jeunesse  de  Mirabeau,  pièce  en  quatre  actes,  par 
M.  Aylic  Langlé  ;  les  Erreurs  de  Jean,  comédie  en  un  acte,  par 
M.  Verconsin.  —  Ambigu  :  VOuvrière  de  Londres,  drame  en  cinq 
actes,  par  M.  Hostein. 

Il  est  certains  personnages  historiques  qu'il  n'est  pas  facile  de 
mettre  à  la  scène,  et  Mirabeau  est  de  ce  nombre  L'auréole  fulgu- 
rante qui  resplendit  au  front  du  célèbre  tribun  est  bien  faite  pour 
donner  le  vertige  aux  plus  audacieux.  Aussi  croyons-nous  qu'on  n'a 
jamais  essayé  de  le  représenter  dans  tout  l'éclat  de  son  rôlo  poli- 
tique ,  mais  la  renommée  de  Mirabeau  ne  date  pas  seulement  du  jour 
où  sa  puissante  voix  a  retenti  sous  les  voûtes  de  la  Constituante. 
Avant  d'être  le  plus  grand  orateur  des  temps  modernes,  il  avait  été, 
dans  la  première  partie  de  sa  vie,  le  héros  d'un  roman  d'amour,  qui 
le  montre  sous  un  aspect  tout  autre  que  celui  sous  lequel  on  a  cou- 
tume de  l'envisager,  et  c'est  par  ce  côté  humain  qu'il  rentre  dans  le 
domaine  de  l'action  théâtrale.  Déjà,  en  1831,  sur  cette  même  scène 
du  Vaudeville  où  nous  le  retrouvons  aujourd'hui,  on  a  risqué  une 
comédie  en  deux  actes,  intitulée  Sophie  et  Mirabeau,  qui  a  vécu... 
ce  que  vivent  les  roses.  La  Jeunesse  de  Mirabeau  aura-t-elle  une 
existence  plus  prospère  et  plus  longue?  A  en  juger  par  l'accueil  que 
le  public  lui  a  fait  tout  d'abord,  c'est  ce  qui  ne  semblerait  pas  faire 
l'objet  d'un  doute.  En  attendant,  disons  ce  que  le  roman  de  Mirabeau 
est  devenu  sous  la  plume  de  M.  Aylic  Langlé. 

Nous  sommes  chez  Mirabeau  le  père,  le  philosophe  de  l'école  en- 
cyclopédique, qui  se  faisait  appeler  l'ami  des  hommes  et  qui  traitait, 
dit-on,  ses  enfants  et  ses  serviteurs  comme  des  nègres.  Il  donne  une 
fête  présidée  par  sa  maîtresse,  Mme  de  Pailly,  quand,  tout  à 
coup,  son  fils,  échappé  du  château  d'If,  où  il  le  tenait  enfermé  pour 
quelques  escapades  de  jeunesse,  se  dresse  devant  cette  courtisane 
qui  a  pris  la  place  de  sa  mère  et  dont  elle  porte  les  bijoux  qu'il  lui 
arrache  en  présence  de  tout  le  monde.  Arrêté  de  nouveau,  il  est 
envoyé  au  fort  de  Joux,  sous  la  garde  de  M.  de  Saint-Mauris,  gou- 
verneur du  fort.  M.  le  marquis  de  Monnier,  président  à  Pontarlier,  a 
été  témoin,  avec  sa  femme,  de  l'insulte  faite  à  Mme  de  Pailly.  Là  où 
le  mari  n'a  vu  qu'un  délit  digne  de  la  répression  la  plus  sévère, 
Sophie  de  Monnier  a  puisé  un  sentiment  d'admiration  qui  prend 
bientôt  le  caractère  d'une  forte  et  énergique  passion.  Mirabeau, 
défendu  par  Gensonné,  le  futur  Girondin,  intente  un  procès  à  son 
père  ;  mais  débouté  de  ses  légitimes  prétentions,  il  s'évade  encore 
une  fois  de  sa  prison  et  s'enfuit  en  Hollande  en  enlevant  Sophie. 

Poursuivi  par  la  haine  paternelle  et  par  la  jalousie  de  son  geôlier, 
il  a  été  condamné  à  mort,  et  il  est  dépisté  par  l'agent  de  police  Bru- 
gnières  qui  demande  son  extradition.  Il  pourrait  facilement  s'éloigner, 
mais  il  faudrait  abandonner  Sophie  qui,  de  son  côté,  a  été  condamnée 
à  passer  le  reste  de  ses  jours  dans  le  couvent  des  Dames  repenties 
de  Besançon.  Il  préfère  donc  demeurer  auprès  d'elle,  et  tous  deux 
sont  livrés.  Cependant  M.  de  Monnier  a  obtenu  du  roi  le  droit  de 
grâce,  et  il  en  use  envers  Mirabeau,  à  condition  que  Sophie  renon- 
cera à  son  amant  et  réintégrera  le  domicile  conjugal.  Cette  dernière 
clause  est  acceptée  ;  mais  en  sauvant  la  vie  de  Mirabeau ,  Sophie  a 
fait  le  sacrifice  de  la  sienne,  et  elle  se  tue  au  moment  de  rentrer 
sous  la  puissance  de  son  mari. 

Malgré  les  précédents  qu'on  pourrait  invoquer  en  faveur  de  ce 
drame,  sa  couleur  est  un  peu  sombre  pour  le  Vaudeville,  et  il  serait, 
selon  nous,  mieux  placé  au  boulevard;  néanmoins,  il  faut  lui  savoir 


DE  PARIS. 


373 


gré  des  qualités  littéraires  qu'on  y  découvre  çà  et  là,  et  qui  lui  don- 
nent un  air  de  parenté  à  peu  près  suffisant  avec  les  ouvrages  de 
MM.  Dumas  fils,  Emile  Augier,  Octave  Feuillet  et  Théodore  Barrière, 
que  leurs  dénoûments  lugubres  n'ont  pas  empêché  de  réussir  à  ce 
théâtre.  L'exposition  est  excellente,  mais  l'intérêt  languit  un  peu  pen- 
dant les  actes  suivants,  et  ne  se  relève  que  dans  les  dernières 
scènes. 

La  pièce  est,  du  reste,  remarquablement  interprétée.  Sous  le  véri- 
table masque  de  Mirabeau  qui,  comme  on  le  sait,  n'était  pas  un  mo- 
dèle de  perfection  idéale,  Febvre  produit  un  grand  effet  ;  Mlle  Far- 
gueil,  à  force  de  talent,  fait  presque  illusion  sous  les  traits  de  la 
jeune  et  belle  Sophie  de  Monnier.  Félix,  Parade,  Delaunoy,  Munier 
et  Mlle  Francine  Cellier  concourent,  chacun  pour  leur  part,  à  un  en- 
semble qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

On  a  joué  dernièrement,  au  même  théâtre,  une  petite  pièce  de 
M.  Verconsin,  qui,  sans  être  un  chef-d'œuvre,  peut  passer  incontes- 
tablement pour  un  très-beau  lever  de  rideau.  Cela  s'appelle  les  Er- 
reurs de  Jean.  Dans  une  maison  dont  la  maîtresse  fait  des  proverbes 
en  vers  pour  le  divertissement  de  sa  société,  ce  Jean,  Champenois 
balourd  et  niais,  arrivé  depuis  peu  de  sa  province,  assiste  sans  cesse 
à  des  répétitions,  où  la  fiction  prend  à  ses  yeux  les  proportions 
d'une  terrible  réalité.  11  se  figure  que  le  capitaine  Tancrède  fait  à 
Mme  de  Beauséant  une  cour  assidue,  et  il  le  dénonce  au  mari,  puis  sa 
vanité  aidant,  non  moins  que  sa  bêtise,  il  s'imagine  que  sa  maîtresse 
est  amoureuse  de  lui.  Dans  toutes  les  erreurs  de  Jean,  il  y  a  pour- 
tant quelque  chose  de  vrai,  ou  peu  s'en  faut  :  c'est  le  commerce  de 
galanterie  qui,  grâce  aux  proverbes,  s'est  établi  entre  Mme  de  Beau- 
séant  et  l'entreprenant  capitaine.  Mais  Jean  a  si  bien  embrouillé  l'é- 
cheveau  de  ses  confidences,  que  l'explication  provoquée  par  le  mari 
tourne  à  la  confusion  du  Champenois,  et  qu'il  est  chassé  sans 
pitié. 

Ce  petit  acte  est  vif,  alerte  et  gai  ;  le  rôle  de  Jean,  parfaitement 
joué  par  Saint-Germain,  lui  fera  le  même  honneur  que  le  rôle  du 
même  genre  qui  est  joué  par  Lesueur  dans  le  Chapeau  d'un  hor- 
loger. 

M.  Hostein,  non  content  de  diriger  avec  habileté  le  théâtre  du 
Châte'.et,  a,  paraît-il,  la  noble  ambition  de  consacrer  ses  loisirs  à  la 
fortune  de  ses  rivaux.  L'Ouvrière  de  Londres,  que  l'Ambigu  vient 
de  représenter,  est  un  drame  de  sa  façon,  et  dont  il  s'est  borné  à 
emprunter  les  principales  situations  à  un  roman  anglais  de  miss 
Braddon,  qui  a  pour  titre  les  Réprouvés.  Sans  nous  arrêter  à  la 
constatation  des  ressemblances  qui  doivent  exister  entre  le  livre  et 
la  pièce,  nous  essayerons  de  raconter  en  quelques  mots  le  sujet  de 
cette  dernière.  Marguerite,  l'ouvrière  de  Londres,  partage  ses  affec- 
tions entre  un  père  et  un  mari  qui  la  quittent  tous  les  deux,  Jocelyn, 
son  mari,  pour  obéir  à  de  mauvais  instincts  qui  lui  conseillent  le 
changement,  et  Vilmott,  son  père,  pour  accomplir  une  vengeance 
qui  est  désormais  le  but  de  sa  vie.  Ce  Vilmott,  entraîné  par  la  fai- 
blesse de  son  caractère,  a  commis  jadis  des  faux  dans  le  but  de  venir 
en  aide  à  son  ami  Henry  Dumbar  qui  l'a  lâchement  trahi,  après  avoir 
profité  de  son  crime.  Vilmott  a  longtemps  perdu  de  vue  Henry 
Dumbar  ;  mais  un  jour,  son  frère  l'a  mis,  sans  le  savoir  et  surtout 
sans  le  vouloir,  sur  la  trace  du  félon,  et  voilà  pourquoi  Vilmott  a 
quitté  sa  fille.  Celle-ci  apprend  bientôt  que  son  père  a  succombé  dans 
la  lutte  contre  Dumbar,  et  sur-le-champ  elle  quitte  tout  pour  s'atta- 
cher à  la  perte  du  meurtrier,  aidée  qu'elle  est  dans  ses  projets  par 
un  habile  agent  de  police.  A  la  suite  de  plusieurs  péripéties  qu'il  est 
inutile  de  rapporter,  Marguerite  se  trouve  enfin  en  présence  de 
Dumbar  et  elle  reconnaît. . .  Mais  avant  d'aller  plus  loin,  il  est  bon 
d'dpprendre  au  lecteur  que  Vilmott  a  complètement  réussi  à  se  venger 
de  son  déloyal  ami  ;  seulement  pour  déguiser  le  meurtre  dont  il  s'est 
rendu  coupable,  il  a  pris  les  papiers,  les  habits,  le  nom  de  sa  vic- 
time. Il  passe  donc  pour  Henry  Dumbar,  et  comme  celui-ci,  en  fuyant 


l'Angleterre,  y  avait  laissé  une  fille,  Vilmott-Dumbar  se  voit  forcé 
de  l'accueillir.  Or,  la  jeune  Laura,  en  l'absence  de  son  père,  a  fait 
choix  d'un  fiancé,  et,  à  son  retour,  elle  le  lui  présente.  0  surprise  ! 
ce  fiancé,  c'est  Jocelyn,  le  mari  de  Marguerite,  et  non-seulement 
Marguerite  retrouve  son  père  dans  la  personne  de  Dumbar,  mais  en 
même  temps  elle  retrouve  son  mari  tout  prêt  à  devenir  bigame.  Que 
faire  et  comment  sortir  de  cette  impasse  ?  Marguerite  elle-même  a 
dénoncé  son  père,  et  l'agent  de  police  a  mis  la  main  sur  sa  proie. 
Mais  Vilmott  se  fait  justice  et  sauve,  en  se  tuant,  l'honneur  de  son 
nom  ;  quant  à  Jocelyn,  il  se  repent  et  il  obtient  le  pardon  de  Mar- 
guerite. 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  faire  ressortir  les  invraisemblances 
qui  fourmillent  dans  ce  drame;  elles  sautent  aux  yeux.  Mais  comme, 
en  résumé,  les  faits  ne  sont  pas  tout  a  fait  impossibles,  et  qu'ils 
sont  adroitement  justifiés,  l'intérêt  n'en  souffre  point.  11  atteint  au 
contraire  un  tel  degré  d'intensité,  que  du  premier  acte  jusqu'au  der- 
nier, il  n'y  a  pas  un  moment  de  repos  pour  le  spectateur  qui  suit 
l'action  avec  une  anxiété  croissante,  et  qui,  en  proie  à  une  sorte  de 
cauchemar,  ne  parvient  à  respirer  que  lorsque  l'auteur  veut  bien 
enfin  le  lui  permettre.  Mme  Marie  Laurent  a  des  accents  fort  drama- 
tiques dans  le  rôle  de  Marguerite,  et  elle  est  bien  secondée  par  Clé- 
ment Just,  par  Faille  et  par  Mlle  Clarisse  Miroy,  qui  a  quitté  subite- 
ment les  Bouffes -Parisiens  pour  venir  prêter  son  concours  à  l'Ouvrière 
de  Londres. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

„,*»  La  représentation  des  Huguenots,  donnée  dimanche  au  théâtre  im- 
périal de  l'Opéra,  avait  rempli  la  salle.  Elle  a  été  fort  belle;  Mme  Marie 
Sax,  admirable  dans  le  rôle  de  Valentine,  a  plusieurs  fois  soulevé  l'en- 
thousiasme; Morère  a  très-convenablement  rempli  celui  de  Raoul,  et 
quant  à  celui  de  Marcel,  dire  qu'il  a  été  chanté  par  Obin,  c'est  cons- 
tater le  talent  supérieur  avec  lequel  il  a  été  interprété.  —  Lundi  et 
mercredi  on  a  joué  Roland  à  Roncevaux. —  Le  mercredi,  Mme  Gueymard, 
indisposée,  a  été  remplacée  dans  le  rôle  de  la  comtesse  Aide  par 
Mlle  de  Taisy.  —  Jeudi  a  eu  lieu  la  représentation  extraordinaire  au 
bénéfice  de  Bouffé.  Cette  représentation  a  été  magnifique  et  a  produit 
près  de  23,000  francs;  elle  a  été  honorée  de  la  présence  de  S.  A.  R.  le 
duc  de  Brabant.  —  Vendredi,  entre  le  Comte  Ory  et  le  Marché  des  Inno- 
cents, a  été  solennellement  exécutée  la  cantate  de  M.  Sieg,  lauréat  du 
Conservatoire,  Iqanhoe.  Elle  a  été  chantée  par  Mlle  de  Taisy,  MM.  Mo- 
rère et  Dumestre. 

***  Guillaume  Tell  sera  joué  aujourd'hui  par  extraordinaire  à  l'O- 
péra. 

***  Les  artistes  chargés  d'interpréter  les  rôles  de  l'Africaine  apportent 
le  plus  grand  zèle  à  l'accomplissement  de  leur  tâche  ;  plusieurs  savent 
déjà  complètement  les  quatre  premiers  actes  et  le  cinquième  vient  de 
leur  être  distribué.  Les  répétitions  au  théâtre  pourront  donc  commencer 
dès  les  premiers  jours  du  mois  prochain.  Tous  sont  unanimes  à  dire 
que  Meyerbeer  n'a  rien  écrit  de  plus  grandiose  et  en  même  temps  de 
plus  mélodique.  L'exécution  des  décors  est  en  pleine  activité,  et  tout 
fait  espérer  que  le  terme  de  février  assigné  à  la  représentation  de 
l'Africaine  ne  sera  pas  dépassé. 

„%  La  représentation  de  la  Traviata  donnée  jeudi  au  théâtre  Italien 
a  été  l'occasion  d'un  nouveau  triomphe  pour  Adelina  Patti.  Elle  a  été 
rappelée  quatre  fois  après  le  premier  acte  aux  acclamations  de  la  salle 
entière.  Elle  n'a  pas  provoqué  moins  d'enthousiasme  dans  le  troisième 
acte,  où  la  vérité  saisissante  de  sou  jeu  émeut  si  profondément,  et  fait 
de  cette  jeune  et  inimitable  artiste  une  véritable  tragédienne.— Hier  on 
a  donné  Norma  avec  Mme  Lagrange  et  Fraschini,  et  aujourd'hui  Don 
Giovanni,  chanté  par  Mmes  de  Lagrange,  Adelina  Patti,  Delle-Sedie, 
Baragli  et  Scalese.  Deux  divertissements  accompagneront  l'entrée  de 
Zerlina  et  de  Mazetto  et  le  bal  chez  Don  Juan. 

„,%  C'est  dimanche  prochain  que  Brignoli  doit  faire  son  apparition  sur 
le  théâtre  Italien  dans  Marta  ;  il  chantera  le  rôle  de  Lionel,  et  Mlle  Ade- 
lina Patti  celui  de  Marta. 

»*„  Le  théâtre  des  Variétés  prépare  sa  grande  pièce  d'hiver  dont  les 
représentations  auront  lieu  au  commencement  de  décembre.  Cette  fois 
la  musique  d'Offenbach  va  se  trouver  transplantée  du  passage  Choiseul 
au  boulevard  Montmartre.  La  Belle  Hélène  est  un  opéra-boufife  en  trois 
actes  dont  le  poëme  est  de  MM.  H.  Meilhac  et  Lud.  Halévy.  Le  théâtre 


374 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


des  Variétés  si  renommé  pour  sa  mise  en  scène  s'est  encore  surpassé 
dans  l'éclat  des  décors  et  des  costumes.  Les  chœurs  sont  renforcés, 
l'orchestre  est  augmenté,  enfin  la  direction  n'a  rien  épargné  pour  faire 
grandement  les  honneurs  de  la  scène  au  compositeur  si  populaire  qui 
va  livrer  sa  première  bataille  lyrique  à  ce  théâtre.  Les  bruits  de  cou- 
lisses permettent  de  présager  aux  auteurs  une  victoire  éclatante. 
On  dit  la  pièce  des  plus  amusantes;  quant  à  la  musique,  il  parait  que 
jamais  Offenbach  n'en  a  fait  de  plus  spirituelle  et  de  plus  entraînante. 
Non-seulement  cet  opéra  sera  parfaitement  joué,  ce  qui  d'ailleurs  est 
une  habitude  au  théâtre  des  Variétés,  mais  encore  il  sera  très -bien 
chanté.  Sans  compter  Dupuis  qui  certes  est  un  de  nos  meilleurs  ténors 
comiques  et  qui  jouera  Paris,  nous  aurons  Couderc  dans  le  rôle  d'A- 
gamemnon,  Grenier  dans  celui  de  Calchas,  Kopp  dans  celui  de  Ménélas; 
Guyon  jouera  Achille,  Hamburger  et  Auder  joueront  les  deux  Ajax.  Le 
rôle  d'Oreste  est  confié  à  Mlle  Silly;  enfin  Mlle  Schneider  a  été  spécia- 
lement engagée  pour  le  rôle  de  la  belle  Hélène.  Jamais  la  musique 
bouffe  n'aura  eu  de  plus  brillants  interprètes,  et  avec  de  tels  éléments 
le  succès  de  l'enlèvement  d'Hélène  est  assuré  d'avance. 

***  M.  Mestepès,  auquel  les  commanditaires  des  Bouffes-Parisiens 
avaient  confié  l'administration  de  ce  théâtre,  vient  de  se  déme'ttre  de  ses 
fonctions.— M.  HippolyteLefebvre,  ancien  régisseur  du  Vaudeville  et  de 
l'Ambigu,  est  nommé  régisseur  de  la  scène.  —  On  annonce  que  MM.  Na- 
jac,  Deulin  et  Grisar  ont  retiré  la  pièce  qu'ils  devaient  y  faire  repré- 
senter sous  le  titre  du  Parapluie  enchanté,  et  que  M.  Eoulanger  a  fait 
suspendre  les  répétitions  de  son  opérette  la  Jeunesse  de  Don  Juan. — Arnal 
a  été  engagé;  son  début  aura  lieu  dans  Passé  minuit,  transformé  en 
opérette  par  M.  Deffès,  et  qu'il  jouera  avec  Désiré. 

„%  Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des 
théâtres  secondaires,  concerts,  etc.,  ont  atteint  dans  le  mois  d'octobre 
le  chiffre  de  1,797,033  fr.  08  c. 

„*»  M.  Ritt,  directeur  associé  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique, 
vient  d'avoir  la  douleur  de  perdre  son  père. 

***  Nous  apprenons  que,  par  une  décision  récente,  l'opéra  français 
ne  fera  plus  partie  des  spectacles  de  Bade.  Les  sacrifices  que  s'est  im- 
posés M.  Benazet  pour  naturaliser,  au  delà  du  Rhin,  un  genre  si  popu- 
laire en  deçà  auront  eu  du  moins  pour  effet  de  mettre  en  lumière  des 
œuvres  parmi  lesquelles  se  distinguent  la  Colombe,  de  Gounod  ;  Béa- 
trice et  Benedict,  de  Berlioz;  Erostrate,  de  Reyer  ;  Nahel,  de  Litolff. 
Toutes  ces  partitions  vivront  dans  la  mémoire  de  ceux  qui  les  ont  en- 
tendues à  Bade,  et  il  en  sera  de  même  des  autres  opéras,  signés  de  Vic- 
tor Massé,  Gevaert,  Membrée,  Boieldieu,  Schwab,  Vogel,  Vivier,  Pascal, 
Clapisson,  Héquet,  Rosenhain,  Boulanger,  Greive,  Mme  de  Grandval,  etc. 
A  ces  noms  allaient  succéder  ceux  de  Léo  Delibes,  G.  Bizet,  Th.  Semet, 
Albert  Grisar,  E.  Ortolan,  Alfred  Mutel,  Auguste  Lippmann,  Félicien 
David,  etc.,  auxquels  des  succès  non  moins  flatteurs  semblaient  as- 
surés . 

„**  La  commission  chargée  de  l'érection  du  monument  à  la  mémoire 
d'iïalévy,  s'est  réunie  pour  la  dernière  fois,  jeudi,  au  Conservatoire, 
sous  la  présidence  de  M.  Auber,  Dans  cette  séance,  il  ne  s'agissait  que 
de  régler  les  comptes  et  de  solder  les  mémoires  non  encore  acquittés. 
Le  produit  total  de  la  souscription  s'était  élevé  au  chiffre  de  36,276  fr. 
80  c,  et  cette  somme  a  suffi  à  couvrir  toutes  les  dépenses.  Il  est  vrai 
que  la  concession  du  terrain  est  due  à  la  ville  de  Paris  et  que  le  marbre 
de  la  statue  a  été  donné  par  le  ministre.  Des  remercîments  ont  été 
votés  à  M.  Lebas,  l'architecte,  et  à  M.  Duret,  le  sculpteur,  pour  le 
désintéressement  non  moins  que  pour  le  talent  dont  ils  ont  fait  preuve 
dans  cette  circonstance.  C'est  à  leur  digne  concours  que  nous  devons  le 
plus  beau  monument  élevé  jusqu'ici  à  la  gloire  d'un  artiste  musicien. 

*%  Aujourd'hui  dimanche,  20  novembre,  à  2  heures,  cinquième  con- 
cert populaire  de  musique  classique.  En  voici  le  programme  :  1°  ouver- 
ture de  Sémiramis,  de  Rossini;  —  2"  symphonie  en  si  bémol,  op.  38 
(première  audition),  de  Robert  Schumann;  —  3°  hymne  (par  tous  les 
instruments  à  cordes),  de  Haydn  ;  —  4°  la  Séparation,  romance  pour  cor, 
de  Lorenz,  exécutée  par  M.  Mohr,  professeur  au  Conservatoire;  — 
5°  symphonie  en  ut  (allegro,  andante,  menuet,  finale),  de  Beethoven. 
—  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  J.  Pasdeloup. 

J1",  Mlle  de  Lapommeraye  vient  de  terminer  une  série  d'engagements 
qu'elle  avait  contractés  avec  les  sociétés  philharmoniques  de  province, 
où  elle  a  chanté  avec  le  plus  grand  succès,  et  elle  est  de  retour  à  Paris. 
Mlle  de  Lapommeraye,  qui  s'est  vouée  au  professorat,  y  compte  beau- 
coup d'élèves  et  va  reprendre  le  cours  de  ses  leçons  de  chant. 

i%  Une  dépêche  télégraphique  de  Madrid,  en  date  du  18  novembre, 
annonce  comme  suit  la  réouverture  du  théâtre  Royal  :  «  Hier,  Robert 
le  Diable.  —  Magnifique  succès.  —  Grands  applaudissements  et  rappels 
nombreux  pour  la  Peneo,  la  Vitali,  Nicolini  et  Selva,  —  Exécution  irré- 
prochable, chœurs  et  orchestre  parfaits.  —  Mise  en  scène  splendide.  — 
Les  plus  mal  disposés  n'ont  rien  trouvé  à  reprendre  et  ont  joint  leurs 
applaudissements  à  ceux  de  la  masse  du  public.  » 

***  On  nous  écrit  de  Lisbonne  :  «  A  la  suite  du  succès  qu'elle  a 
obtenu  dans  l'opéra  Sa-fo,  Mme  Borghi-Mamo  vient  d'être'  rengagée 
pour  la  saison  prochaine  1865-1866.  —  Dans  quelques  jours  Maria  sera 


I  représentée;  l'interprétation  en  est  confiée  à  Mmes  Volpini  et  Patti, 
MM.  Mongini  et  Marinozzi. 

t%  M.  Pierre  Benoît,  jeune  compositeur  belge,  auteur  d'œuvres  reli- 
gieuses qui  ont  été  fort  appréciées  dans  son  pays,  vient  d'arriver  à 
Paris  pour  essayer  d'y  faire  représenter  deux  opéras  dont  il  a  composé 
la  musique  sur  les  libretti  d'un  de  ses  compatriotes,  M.  Joseph  Vilbort, 
littérateur  distingué. 

„**  Le  Pape  vient  de  décerner  à  M.  Dœhring,  professeur  au  Con- 
servatoire à  Dresde  et  musicien  de  mérite,  la  croix  de  chevalier  de 
l'ordre  de  Saint-Sylvestre. 

***  L'éminent  pianiste  compositeur  Léopold  de  Meyer  est  recherché 
avec  empressement  depuis  son  retour  à  Paris,  et  ses  succès  dans  les 
salons  aristocratiques  sont  des  plus  flatteurs.  Quoique  l'élite  de  la  so- 
ciété parisienne  n'ait  pas  encore  quitté  la  campagne,  M.  Léopold  de 
Meyer  a  dû  céder  aux  instances  de  Mme  la  marquise  Tamisier,  de 
la  duchesse  Decaze,  de  la  duchssse  d'Otrante,  etc.  Partout  la  fougue 
juvénile  du  célèbre  pianiste,  la  valeur  de  ses  compositions  sur  le  Pro- 
phète, le  Pardon  de  Ploërmel,  le  Trovatore,  le  Balte  in  Maschera,  exécutées 
par  lui  avec  l'incomparable  talent  qui  a  rendu  sa  réputation  euro- 
péenne, lui  ont  valu  des  applaudissements  et  des  félicitations  aussi 
enthousiastes  que  méritées.  Chez  la  marquise  Tamisier,  Mlle  Vander- 
beeck,  du  théâtre  Italien,  accompagnée  par  Rubini  ;  chez  la  duchesse 
Decaze,  Mlle  Marie  Floresco,  sœur  du  ministre  de  la  guerre  de  la 
Moldo-Valachie,  qui  chante  délicieusement,  ont  partagé  les  triomphes  de 
Léopold  de  Meyer. 

***  La  fête  de  Sainte-Cécile  sera  célébrée  cette  année  avec  la  plus 
grande  pompe,  grâce  aux  soins  de  l'Association  des  artistes  musicieus 
de  France,  fondée  et  présidée  par  le  baron  Taylor.  Mardi,  22  novembre, 
à  11  heures,  M.  Pasdeloup  fera  exécuter  à  Saint-Eustache  la  messe  en 
ut  de  Beethoven,  qui  produisit  tant  d'effet  l'année  dernière.  Mlle  Wert- 
heimber,  MM.Faure  et  Warot,  de  l'Opéra,  et  Mlle  Levielli,  chanteront  les 
soli.  A  l'offertoire,  Alard  exécutera  sur  le  violon  uii  andante  de  Beet- 
hoven. M.  Batiste,  organiste  de  la  paroisse,  touchera  le  grand  orgue. 
Mgr  Darboy,  archevêque  de  Paris,  assistera  à  la  cérémonie.  Mgr  Bert- 
hauld,  évêque  de  Tulle,  prononcera  le  discours.  On  se  procure  à  l'a- 
vance des  billets  d'enceinte  réservée  chez  M.  Bolle-Lasalle,  trésorier  de 
l'œuvre,  68,  rue  de  Bondy. 

„,**  On  nous  écrit  de  Milan  :  «  Après  une  longue  suite  de  répétitions 
et  de  retards,  l'opéra  nouveau  de  M.  Gentili,  Werther,  vient  enfin  de 
faire  son  apparition  au  théâtre  de  la  Cannobiana.  Cet  opéra,  emprunté 
au  roman  de  Gœthe,  avait  été  représenté  à  Rome  avec  un  certain  suc- 
cès qui  ne  l'a  pas  complètement  suivi  à  Milan,  où  la  réussite  a  été  con- 
testée. C'est  le  second  ouvrage  de  ce  jeune  compositeur,  qui  donne 
d'ailleurs  de  belles  espérances.  » 

***  Sivori  est  en  ce  moment  à  Trieste;  il  vient  d'y  donner  un  con- 
cert qui  a  fanatisé  le  public  accouru  au  théâtre  communal  pour  en- 
tendre le  célèbre  artiste. 

***  M.  W.  Krùger,  l'éminent  pianiste  compositeur,  est  de  retour  à 
Paris,  où  il  va  reprendre  le  cours  de  ses  leçons. 

***  Montpellier  n'a  pas  voulu  être  en  reste  avec  les  théâtres  qui  ont 
rendu  hommage  à  la  mémoire  de  Meyerbeer.  Dernièrement  une  repré- 
sentation des  Huguenots  a  été  l'occasion  d'une  solennité  qui  a  profon- 
dément ému  l'auditoire.  Après  l'exécution  de  la  Marche  aux  flambeaux, 
le  rideau  s'est  levé  et  tous  les  artistes  ont  paru  groupés  autour  du  buste 
couronné  de  l'immortel  auteur  des  Huguenots,  en  l'honneur  duquel  des 
vers  composés  par  M.  Minier  ont  été  lus  par  M.  Pougaud,  aux  applau- 
dissements répétés  de  tous  les  assistants. 

„.%  Les  travaux  entrepris  par  M.  Martinet,  pour  ajouter  une  salle  de 
concerts  à  ses  salles  d'exposition  artistique,  sont  presque  entièrement 
terminés,  et  l'inauguration  de  cette  salle,  qui  réunira  tous  les  éléments 
d'uNe  élégante  distraction,  est  très-prochaine.  L'orchestre  est  confié  à 
la  direction  de  M.  Debillemont;  il  fera  exécuter  simultanément  des 
morceaux  de  musique  classique  ancienne  et  moderne,  des  ouvertures 
d'opéras  en  renom,  des  symphonies,  de  la  musique  légère ,  en  un  mot 
des  programmes  qui  puissent  satisfaire  tous  les  goûts.  Le  prix  d'entrée 
sera  de  1  franc. 

***  Une  troupe  italienne  exploite  en  ce  moment  avec  assez  de  suc- 
cès le  théâtre  du  Gymnase  à  Marseille.  MM.  Guadagnini,  Tagiiazucchi, 
Mmes  Calderon  et  Acs  en  sont  les  principaux  chanteurs.  Jusqu'à  pré- 
sent elle  a  représenté  Rigoletto  et  le  Trovatore. 

„*,  On  écrit  de  Florence  :  o  La  première  matinée  musicale  de  la 
quatrième  année  de  la  Societa  del  Quartetto  de  Florence,  a  eu  lieu  le 
1er  novembre.  Elle  a  été  très-brillante;  on  y  a  exécuté  la  grande  so- 
nate de  Beethoven,  pour  piano  et  violon,  dédiée  à  Kreutzer;  le  qua- 
tuor en  mi  bémol,  op.  44,  de  Mendelssohn,  et  le  grand  quintette  de 
Schumann,  pour  piano  et  instruments  à  cordes.  On  a  beaucoup  ap- 
plaudi, dans  tous  les  morceaux,  surtout  dans  la  sonate  de  Beethoven,  le 
jeu  du  violoniste,  M.  Papini.  M.  Joseph  Ducci,  habile  pianiste  qui  se 
produisait  pour  la  première  fois,  a  obtenu  le  plus  brillant  succès.  La 
Societa  del  Quartetto  fait  d'année  en  année  de  nouveaux  progrès,  et  le 
nombre  des  associés  s'est  considérablement  augmenté.  » 


DK  PARIS. 


375 


**„  La  Société  Ph.  Herz  neveu  et  Cc  vient  de  terminer  le  premier 
piano,  grand  modèle,  sorti  de  sa  manufacture.  C'est  un  instrument 
magnifique  sous  tous  les  rapports  et  que  le  public  sera  prochaine- 
ment appelé  à  apprécier. 

**„  Le  Musical  world  et  le  Guide  musical  de  Bruxelles  ont  reproduit 
l'article  de  M.  Stephen  Heller  sur  Ernst,  publié  dans  le  numéro  45  de  la 
Revue  et  Gazette  musicale  ;  nous  ne  nous  en  plaignons  pas,  loin  de  là; 
mais  nous  serions  obligés  à  nos  honorables  confrères,  lorsqu'ils  vou- 
dront bien  nous  faire  des  emprunts  analogues ,  d'indiquer  la  source  à 
laquelle  ils  ont  puisé. 

*%  Félix  Godefroid  et  Roger  viennent  de  quitter  Paris  pour  aller  don- 
ner des  concerts  en  Normandie  et  en  Bretagne. 

***  Un  nouvel  orgue  vient  d'être  placé  dans  l'église  de  la  Trinité  du  Mont, 
à  Rome, par  la  Société  anonyme:  Etablissement  Merklin-Schùlze,  à  Paris 
et  à  Bruxelles.  En  octobre  a  eu  lieu  la  réception  officielle  par  M.  Sal- 
vatorMeluzzi,  maître  de  chapelle  de  la  vénérable  chapelle  de  Julia,  au  Vati- 
can. S.  Etn.  le  cardinal  de  Reisach,  Mgr  Pacca  et  llgr  l'évêque  d'Autun, 
et  un  grand  nombre  de  personnes  d'élite,  ont  daigné  assister  aux  expé- 
riences faites  par  le  célèbre  maître  de  chapelle  Meluzzi,  et  ont  accordé 
leur  haute  approbation  à  ce  bel  instrument,  dont  l'inauguration  so- 
lennelle a  été  faite  en  présence  de  plusieurs  cardinaux  et  évoques,  hauts 
dignitaires  et  d'un  public  d'élite.  Divers  chanteurs  de  la  chapelle  Sixtine 
et  de  la  chapelle  Saint-Pierre  ont  exécuté  à  cette  occasion  plusieurs 
motets  et  chœurs,  admirablement  accompagnés  par  MM.  Renaud  de 
Vilbac,  organiste  de  Saint-Eugène,  à  Paris,  Duhautpas,  organiste  et 
maître  de.  chapelle  de  la  cathédrale  d'Arras,  d'Etchvery,  organiste  de 
Saint-Paul,  à  Bordeaux,  et  un  Romain,  M.  Meluzzi  fils,  qui  ont  fait  ap- 
précier toute  la  beauté  et  la  variété  des  effets  de  ce  bel  orgue.  Les  té- 
moignages de  satisfaction  les  plus  complets  et  les  plus  encourageants 
ont  été  adressés  par  l'auditoire  aux  organistes  et  aux  facteurs. 

*%  MM.  Boosey  et  Ce,  éditeurs  importants  de  musique  à  Londres, 
viennent  d'acquérir  la  propriété  pour  l'Angleterre  des  Dragons  de  Vil- 
lars.  L'opéra  de  Maillart  y  sera  vraisemblablement  représenté  avant 
peu,  et  il  ne  peut  manquer  d'y  obtenir  le  succès  qu'il  a  rencontré  sur 
presque  toutes  les  scènes  de  l'Europe. 

***  M.  Félix  le  Couppey  ne  se  contente  pas  de  former  par  la  prati- 
que de  bons  professeurs  ;  il  veut  encore  faire  profiter  de  son  expérience 
ceux  qui  ne  peuvent  suivre  ses  leçons  du  Conservatoire.  Cet  éminent 
artiste  vient  de  publier,  à  la  librairie  Hachette,  un  petit  volume  inti- 
tulé :  De  l'enseignement  du  piano,  conseils  aux  jeunes  professeurs.  Cet 
ouvrage,  fort  bien  écrit,  plein  de  choses  judicieuses  et  fines,  ne  peut 
manquer  d'obtenir  beaucoup  de  succès. 

„%  M.  César  Franck  aîné  a  donné  jeudi  dernier  à  Sainte-Clotilde  sur 
le  grand  orgue  de  Cavaillé-Coll,  une  séance  à  laquelle  assistaient  grand 
nombre  d'artistes  et  d'amateurs.  Les  morceaux  de  la  composition  de 
M.  Franck,  écrits  de  main  de  maître,  ont  été  exécutés  par  lui,  et  l'on 
a  remarqué  dans  le  premier  un  chœur  de  voix  humaines  du  plus  heu- 
reux effet;  et  dans  la  grande  pièce  symphonique  une  mélodie  des  plus 
distinguée  jouée  d'abord  sur  la  clarinette  et  reprise  ensuite  par  les 
jeux  de  voix  célestes.  Cette  séance,  dans  laquelle  M.  Franck  s'est  mon- 
tré aussi  savant  compositeur  qu'habile  instrumentiste,  aura  prouvé  une 
fois  de  plus  que  le  niveau  de  l'art  de  l'organiste  s'élève  de  jour  en 
jour  en  France,  et  que  les  perfectionnements  accomplis  dans  la  fac- 
ture moderne,  loin  de  nuire  à  la  composition  musicale,  lui  prêtent  au 
contraire  un  précieux  et  puissant  concours.  Le  bel  orgue  de  Sainte- 
Clotilde  n'a  pas  moins  brillé  dans  cette  séance  que  le  savant  orga- 
niste. 

**.,.  Les  bals  masqués  de  l'Opéra  pour  cette  saison  commenceront 
samedi  10  décembre.  Strauss  conduira  l'orchestre.  Les  personnes  loca- 
taires de  loges  pour  la  saison  sont  priées  de  retirer  les  coupons  avant 
le  1er  décembre.  Passé  cette  époque,  l'administration  en  disposera. 
Prix  d'abonnement  pour  la  saison  (treize  bals)  :  50  francs.  S'adres- 
ser, pour  la  location  des  loges,  à  l'administration  des  bals,  3,  rue 
Drouot. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


t.**  Strasbourg.  —  Le  directeur  de  notre  théâtre,  M.  Mutée,  déploie 
beaucoup  d'activité.  Après  le  Postillon  de  Longjumcau,  dans  lequel  M.  War- 
nots,  qui  chantait  pour  la  première  fois  le  rôle  de  Chapelou,  a  été  fort 
applaudi,  il  nous  annonce  Giralda,  la  Somnambule  et  le  Pardon  de  Ploer- 
mel.  Tous  nos  dilettanti  se  rappellent  le  succès  qu'obtint  chez  nous  le 
dernier  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer;  on  peut  donc  prévoir  d'avance 
l'accueil  qu'en  recevra  la  reprise. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

„.*„.  Bruxelles.  —  Avant  le  départ  de  Mlle  Lichtmay,  qui  va  nous 
quitter  pour  se  rendre  à  Aix-la-Chapelle,  où  elle  est  engagée  pour 
chanter  au  festival,  cette  jeune  et  remarquable  cantatrice  a  interprété 
le  rôle  d'Alice  de  Robert  le  Diable,  et  malgré  la  disparate  choquante 
produite  par  l'introduction  de  l'idiome  allemand  au  milieu  du  langage 
français,— inconvénient  qu'elle  a  considérablement  atténué  d'ailleurs,  — 
on  ne  peut  disconvenir  que  Mlle  Lichtmay  n'ait  apporté  dans  cette  in- 
terprétation un  véritable  talent  de  chanteuse  et  de  comédienne.  — 
Mlle  Zina  Richard  dansait  le  rôle  de  l'abbesse  dans  le  ballet  des  Nonnes; 
on  a  pu  y  apprécier  la  supériorité  qui  distingue  cette  danseuse  et 
qu'on  n'avait  guère  pu  bien  juger  jusqu'à  présent  ;  elle  a  obtenu  un 
succès  aussi  grand  que  mérité.  —  Le  concert  donné  par  la  Société 
chorale  Gcrmania,  à  l'occasion  de  l'anniversaire  de  sa  fondation,  a  été 
brillant.  Mlle  Lichtmay  et  Brassin  y  ont  été  fort  applaudis, 

t*%  Aix-la-Chapelle.  —  On  fait  de  grands  préparatifs  pour  la  célébra- 
tion, le  iO  novembre,  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  la  fondation 
de  la  Société  de  chant  choral  Concordia,  dont  les  membres  sont  très- 
nombreux.  Ils  se  trouveront  augmentés,  pour  cette  occasion,  par  des 
députations  de  chanteurs  de  différentes  villes  allemandes.  Après  un 
Te  Deum  et  une  messe  pour  voix  d'hommes  chantés  dans  la  cathédrale, 
les  chanteurs  se  rendront  à  l'Hôtel  de  ville,  où  le  bourgmestre  leur 
remettra  une  adresse  de  remercîments  et  de  félicitations.  Deux  grands 
concerts-festivals  doivent  être  donnés  le  soir  et  le  lendemain.  On  y  exé- 
cutera le  98e  psaume  de  Franz  Wullner,  des  scènes  de  Frithjofssage,  de 
Max  Bruch,  et  d'autres  œuvres  composées  spécialement  par  F.  Hiller, 
Mohring  et  autres.  M.  Joachim,  Mlle  Lichtmay  et  d'autres  artistes  cé- 
lèbres prêteront  également  leur  concours  à  cette  fête. 

„,**  Berne.  —  Le  théâtre  de  ville,  dont  la  direction  a  été  confiée  à 
M.  Kramer,  vient  de  faire  sa  réouverture  par  une  très-bonne  représen- 
tation des  Huguenots. 

„.*.,,  Berlin.  —  L'opérette  de  Mendelssohn,  le  Retour  de  l'étranger,  a  été 
revue  avec  plaisir  au  théâtre  de  l'Opéra,  où  la  reprise  du  ballet  la  Fille 
mal  gardée,  remanié  par  Taglioni  et  avec  musique  nouvelle  de  Hertel, 
a  été  également  très- bien  accueillie.  —  Mlle  Lucca  vient  de  signer  un 
engagement  pour  cinq  ans  avec  le  directeur  du  théâtre  de  Covent-Gar- 
den,  M.  Gye,  au  prix  de  600  thalers  (2,250  francs)  pour  chaque  repré- 
sentation. 

„*.,  Vienne.  —  Mlle  Artot  a  débuté  avec  un  très-grand  succès  dans 
le  Domino  noir,  et  la  célèbre  cantatrice  a  dû  le  chanter  trois  fois  de 
suite  devant  une  salle  comble.  Robert  le  Diable  et  Oberon  ont  complété 
le  répertoire  de  la  semaine  au  théâtre  de  la  cour.  —  Une  nouvelle  opé- 
rette-féerie, Fitzliputzli,  de  M.  Zaitz,  a  été  représentée  au  Carl-Theater 
et  saluée  de  bravos  unanimes. 

#*t  Rome.  —  Le  théâtre  Argentina  était  en  fête  le  samedi  5  ;  c'était 
le  jour  fixé  pour  le  bénéfice  d'Alessandro  Bettini  qui  avait  choisi  pour 
cette  solennité  II  Barbiere,  dans  lequel  avaient  été  introduits  pour  la 
circonstance,  une  tarentelle  du  maître  et  la  cavatine  de  Bianca  du 
Giuramento.  De  même  qu'au  bénéfice  de  Mme  Trebelli,  le  public  était 
accouru  en  foule,  et  pendant  toute  la  durée  de  l'opéra  les  applaudisse- 
ments ont  accueilli  le  bénéficiaire  à  chacune  de  ses  entrées  en  scène, 
applaudissements  qui  ont  redoublé  après  la  cavatine  Se  il  mio  nome. 
Mme  Trebelli  n'a  pas  reçu  une  moindre  ovation  après  la  cavatine  de 
Bianca,  chantée  par  elle  avec  une  inimitable  perfection.  Son  mari  a 
dû  répéter,  aux  acclamations  de  toute  la  salle,  la  tarentelle,  dite  avec 
un  brio  sans  pareil.  Cette  soirée,  dans  laquelle  on  a  prodigué  aux  deux 
artistes,  fleurs,  poésies,  épigraphes,  photographies,  etc.,  aura  été  un 
des  plus  éclatants  triomphes  de  leur  carrière  d'artistes. 


Le  Directeur  :  S.  DUFOrjK. 


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376 


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Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des    Guides    et   des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones ,  etc.,  etc. 

Tout  les  instruments  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,    ^« 

le  numéro  d'ordre  de  l'inUrumenl  et  le  poinçon  ci-apr'es  : 
SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851, 
et  1S62,  relatif»  aux  Saxophones  (BREVET  DE  184G). 

a Parmi   les   inventeurs    d'instruments  de    musique,  la  plus   haute   distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grand  progrès.  »  (Exposit,  4851.) 

«  Famille   complète   des    Saxophones,  inventée  par  M.  Adolphe  Sax.   —   L'instrument  se  joue  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
Saxophone  l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 

alto  MI  bémol.  habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes"  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  :  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme.  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions ;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  est  né  d'hier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges  à  donner  à  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  »  (Exposit.  18i>5.) 

a  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  (Exposit.  1862.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  toutes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  ieur  musique. 

Les  prix  des  saxophones  sont  les  suivants  : 
Saxophone  soprano,  %00  fr. —  Saxophone  ténor,  %%5  fr. —  Saxophone  alto,  %%»  fr. —  Saxophone  baryton,  «50  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 
l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 
pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges . 


PRIX  ACCORDE   A    L UNANIMITE   A    1   EXPOSITION 
UNIVERSELLE  DE   LONDRES  1851. 

fournisseur  des  Ministères  de  la 
ftiu'rre  et  de  In  Marine  de  France. 

Seuls   agents   à    Londres 

CHAPPELL  &  HABMOND,  S"  DE  JDLLIEN  &  C« 

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INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

Exposition  Universelle  de  Londres  18G2 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 

ANTOINE  COURTOIS 

POUR  L'EXCELLENCE  DE  SES  CORNETS  A  PISTONS,  CORS,  ALTOS,  BASSES, 

ET   POUR   TOUTE   SA   COLLECTION    D  INSTRUMENTS   EN    GÉNÉRAL. 

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MEDAILLE  D'ARGENT    DE  1"   CLASSE 
A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE  PARIS    1855. 

racteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

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Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  Iss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapporis. 


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27  Novembre  1804. 


ON   S'ABONNE  : 

Dans  les  Déportements  et  a  l'Étranger. 

cher  tous  les  Marchands  de  Musique,  1rs  Libraire 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  des  Poste9. 


REVUE 


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Départements,  Belgique  et  Suisse —    86  »       id. 
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GAZETTE  MUSICAL 


DE     PARIS 


1865  PRIMES  tses 

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à  l'occasion  du  renouvellement  de  l'année  1865  et  de  la 

32e  année  de  son  existence  : 

MAGNIFIQUE  PORTRAIT  LITHOGRAPHIE 

DE 

GL    MEYERBEER 

Dessiné  par  Desmaisons,  arec  encadrement  de  Barbizet. 

Tiré  sur   papier   vélin,   grand  format. 


UN  VOLUME  INÉDIT,  FORMAT  IN-8°,  CONTENANT 

Quarante    Mélodies 

A  une  et  à  plusieurs  voix,  composées  par 


Et  arrangées  pour  le  PIANO  SEUL  par  Amédée  Méreaux. 

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contenant  nn  choix  de  Morceaux  nouveaux,  de 

MUSIQUE    DE    DANSE 

Des  Auteurs  les  plus  en  vogue,  contenant: 

«Jacqueline,  valse  par J.  Offenbach. 

Souvenir  de  Monaco,  polka  par Arban. 

Sans  nom,  polka-mazurka  par Conradi. 

Souvenir  de  Whorn,  mazurka  par W.  Grahn. 

lia  Discrète,  polka  par Heinsdorff. 

Lorsque  Meyerbeer  fut  si  soudainement  enlevé  à  l'art  qu'il  illustrait, 
pas  un  des  abonnés  de  la  Gazette  musicale  ne  faillit  à  payer  son  tribut 
de  regrets  à  l'immortel  auteur  des  Huguenots.  Nous  sommes  donc  bien 
certains  qu'en  leur  offrant  aujourd'hui,  en  prime,  un  magnifique  por- 
trait du  maître,  accompagné  de  la  collection  transcrite  pour  piano  de 
ses  quarante  mélodies,  arrangées  exprès  pour  cette  occasion  par  un 
professeur  et  un  artiste  dont  la  valeur  et  le  mérite  n'ont  pas  besoin 
d'éloge,  M.  Amédée  Mébeaux,  qui  a  voulu  lui-même  honorer  la  mé- 
moire de  Meyerbeer  en  faisant  ce  travail,  nous  sommes  bien  certains, 
disons-nous,  d'avoir  choisi  ce  qui  pouvait  leur  plaire  le  mieux. 

Dès  le  S  décembre,  nous  mettrons  donc  à  leur  disposition  ce  beau 
volume  inédit  et  le  portrait,  auxquels  nous  ajoutons  un  album  de 
danses,  dû  aux  meilleurs  auteurs  de  ce  genre  de  musique. 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (7e  article),  par 
Paul  Smith.  —  Le  Trésor  des  Pianistes,  de  M.  Farrenc,  par  Fétls  père. 
—  Nouvelles  et  annonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 
Par  H.  de  Wolzogen  (1). 

VII. 

Nous  avons  vu  les  jours  de  la  splendeur  et  nous  approchons  de 
ceux  de  la  décadence.  Dans  le  sommaire  du  onzième  chapitre  de 
cette  biographie,  qui  en  contient  douze  en  tout,  n'apercevons-nous 
pas  déjà  ce  titre  plein  d'amertume  et  de  tristesse  :  Die  alternde  Frau 
(la  femme  qui  vieillit),  et  pour  Mme  Schroeder  n'était  il  pas  double- 
ment cruel  de  vieillir  ?  Elle  n'avait  vécu  que  par  la  passion  ;  elle  lui 
avait  dû  son  génie,  sa  gloire,  ses  félicités,  qui  bientôt  allaient  se 
changer  en  afflictions  et  en  misères.  La  femme  qui  vieillit,  que  de 
douleurs  dans  ces  mots,  quand  il  s'agit  d'une  artiste  accoutumée  aux 
succès  de  tout  genre,  à  la  domination  irrésistible,  universelle  dans  le 
monde  comme  au  théâtre  ! 

Le  second  voyage  de  notre  artiste  à  Paris  marqua,  non  pas  la  fin, 
mais  l'apogée  de  ses  triomphes.  Elle  commit  certainement  une  faute 
en  s' engageant  au  théâtre  Italien ,  pour  lequel  sa  voix  n'était  pas 
faite  ;  elle  n'y  joua  que  quatre  rôles,  parmi  lesquels  se  distinguent 
celui  d'Imogène  du  Pirate,  de  Bellini,  et  celui  d'Adélaïde  d'un  opéra 
de  Fioravanti,  gli  Amori  di  Comingio  e  d'Adélaïde,  qu'elle  chanta 
avec  Rubini.  Dans  un  duo  de  ce  dernier  ouvrage,  qui  d'ailleurs  ne 
réussit  pas,  elle  trouva  l'occasion  de  déployer  toute  son  expression 
dramatique  et  d'émouvoir  les  auditeurs  jusqu'aux  larmes.  Ce  fut  le 
choléra  qui  se  chargea  de  clore  brusquement  la  saison  :  la  crainte 
du  fléau  dispersa  les  artistes  du  théâtre  Favart.  Lablache  et 
Mme  Schroeder-Devrient  partirent  pour  Londres,  Rubini  pour  Milan. 
Mme  Pasta  et  Mme  Malibran  avaient  depuis  longtemps  pris  leur 
feuille  de  route. 

A  Londres,  l'opéra  allemand  n'était  pas  connu,  bien  qu'on  eût  déjà 
plusieurs    fois    essayé   de  l'y  introduire  ;    c'est  à  M.  Monck-Mason 


(1)  Voir  les  n"  24,  26,  27,  35,  43  et 


378 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


qu'appartient  l'honneur  de  l'avoir  révélé  à  ses  compatriotes.  Ce  Monck- 
Mason  était  alors,  et  pour  l'année  seulement,  directeur  d'une  triple 
troupe  allemande,  française  et  italienne,  qui  jouait  alternativement 
sur  le  théâtre  de  Sa  Majesté.  Presque  tous  les  sujets  de  notre  grand 
Opéra  faisaient  partie  de  la  troupe  française  et  devaient  y  représenter 
Robert  le  Diable,  auquel  par  mesure  de  prudence  et  d'économie  le 
docteur  Véron  avait  donné  la  clef  des  champs.  Mme  Schroeder-De- 
vrient  avait  été  engagée  pour  les  mois  de  mai,  juin  et  juillet,  au 
prix  de  20,000  francs,  augmenté  d'un  bénéfice.  Cela  paraissait  fort 
cher  dans  le  temps,  mais  aujourd'hui  quel  est  l'artiste  de  sa  valeur  qui 
se  dérangerait  pour  une  pareille  bagatelle?  Le  début  de  Mme  Schroe- 
der  eut  lieu  le  18  mai  1832  :  elle  joua  Fidelio  et  y  produisit  une 
sensation  extraordinaire.  Le  ténor  Hailzinger  était  avec  elle,  et  les 
choristes  allemands  n'excitèrent  pas  moins  d'enthousiasme  à  Londres 
qu'à  Paris.  L'opéra  allemand  était  dirigé  par  Chelard,  le  compositeur 
français,  auteur  du  Macbeth  qui  avait  été  joué  à  l'Académie  royale  de 
musique,  et  qui  le  fut  aussi  au  théâtre  de  Sa  Majesté.  Mme  Schroeder 
en  remplit  le  rôle  principal,  et  malgré  les  souvenirs  de  misstriss  Sid- 
dons,  la  grande  cantatrice  anglaise,  elle  s'y  fit  admirer.  Pour  troi- 
sième rôle  elle  chanta  donna  Anna  de  Don  Juan  ;  elle  parut  encore 
dans  le  troisième  acte  d'Othello  pour  un  bénéfice,  et  concourut  à 
l'exécution  de  l'oratorio  de  Beethoven,  le  Christ  aux  oliviers.  Après 
avoir  fait  ses  adieux  à  Londres  dans  Fidelio,  elle  fit  sa  rentrée  à 
Dresde  dans  le  même  ouvrage  ;  puis  elle  chanta  Desdemone  en 
italien  et  joua  plusieurs  rôles  nouveaux  dans  sa  langue  nationale. 

Au  mois  de  mai  1833,  elle  retourna  à  Londres,  appelée  par 
M.  Bunn,  qui  avait  réuni  dans  sa  main  les  théâtres  de  Drury-Lane 
et  de  Covent-Garden,  pour  y  donner  tour  à  tour  des  opéras  alle- 
mands et  anglais.  Chelard  était  encore  à  la  tête  du  premier,  et  il  y 
avait  réellement  deux  théâtres  allemands  à  Londres,  car  Laporte, 
directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  avait  joint  à  sa  troupe  italienne 
une  troupe  allemande,  dont  Mme  Pfirscher,  de  Darmstadl,  était  la 
prima  donna.  Mme  Schroeder  reparut  dans  Fidelio  et  chanta  dans 
Freyschiits,  la  Flûte  enchantée,  Euryanlhe,  qui  fut  alors  donné  à 
Londres  pour  la  première  fois.  N'oublions  pas  que  le  3  juillet  elle 
prit  congé  des  Anglais  dans  une  de  ces  représentations-monstres  qui 
sont  si  fort  de  leur  goût.  Elle  joua  Fidelio  tout  entier  et  le  premier 
acte  d'Euryanthe,  en  allemand,  plus  le  troisième  acte  d'Othello,  en 
italien,  et  c'était  elle  qui,  pour  cette  fois,  remplissait  le  rôle  du 
More,  tandis  que  Mme  M alibran  chantait  celui  de  Desdemone.  C'était 
la  contre-partie  de  la  mascarade  dont  le  théâtre  Italien  de  Paris  avait 
eu  le  plaisir  l'année  précédente  et  que  nous  avons  racontée  en  son 
lieu  (1).  Mme  Malibran  avait  été  engagée  par  Bunn  pour  par- 
ticiper à  sa  macédoine  allemande  et  anglaise.  Les  deux  cantatrices  se 
trouvaient  donc  en  présence  et  se  disputaient  la  faveur  publique. 
Mais  il  faut  avouer  que  grâce  à  la  prodigieuse  souplesse  de  son  talent, 
Mme  Malibran  enlevait  souvent  la  palme.  Elle  se  montrait  charmante 
dans  une  traduction  anglaise  de  la  Somnambule,  et  en  même  temps 
elle  étonnait  dans  une  farce  musicale  :  le  Pont  du  Diable,  ainsi  que 
dans  la  Table  et  le  Logement,  opéra  de  Chelard,  traduit  en  anglais 
exprès  pour  elle  sous  le  titre  de  :  the  Sludents  of  lena,  or  the 
family  Concert  (les  Etudiants  d'Iéna  ou  le  Concert  de  famille). 

Cependant  la  combinaison  de  Bunn  tourna  mal,  et  il  lui  fut  im- 
possible de  balancer  les  chances  de  vogue  que  le  ballet  avec  des 
danseuses  comme  Marie  Taglioni  et  Fanny  Elsler,  qui  en  était  à  son 
début  en  Angleterre,  assurait  au  théâtre  de  Sa  Majesté.  Les  opéras 
italiens  baissaient  pavillon  devant  Flore  et  Zéphyre,  Nathalie,  la  Syl- 
phide, le  Dieu  et  la  Bayadère.  Mme  Malibran,  qui  allait  sans  cesse 
du  camp  d'une  nation  à  celui  de  l'autre;  Mme  Pasta  sur  son  déclin; 
Tamburini  dans  sa  fleur,  chantaient  devant  des  salles  vides.  L'année 
d'après,  en  1834,  la  fortune  changea,  lorsque  Julie  Grisi  parut,  mais 


(1)  Voir  le  n"  M. 


alors  Mme  Schroeder  n'appartenait  plus  à  la  troupe  allemande,  qui, 
pendant  trois  années,  ruina  tous  les  entrepreneurs,  en  chantant  la 
Dame  blanche,  de  Boïeldieu,  et  le  Sacrifice  interrompu,  de  Winter. 
Monck-Mason  et  Bunn  ne  furent  donc  pas  plus  heureux  en  Angle- 
terre que  Roeckel  ne  l'avait  été  en  France.  Ils  perdirent  tous  les  trois 
leur  temps  et  leur  argent. 

Mme  Schroeder  devait  revoir  encore  les  bords  de  la  Tamise. 
Mme  Malibran  étant  venue  à  mourir  le  23  septembre  1835,  Bunn, 
qui  dirigeait  le  théâtre  de  Drury-Dane  auquel  appartenait  la  célèbre 
artiste,  ne  songea  qu'à  Mme  Schroeder  pour  la  remplacer,  et  celle-ci 
eut  le  tort  d'accepter  l'offre  qui  lui  fut  faite.  Il  n'était  bruit  que  des 
conditions  fabuleuses  de  son  engagement.  On  parlait  de  10,000  li- 
vres sterling  pour  la  saison,  de  /i00  livres  pour  chaque  rôle,  mais  il 
y  avait  beaucoup  à  en  rabattre;  la  cantatrice  ne  toucha  même  pas 
tout  ce  qu'on  lui  avait  promis.  C'était  de  sa  part  une  grande  impru- 
dence de  venir  chanter  dans  une  langue  qu'elle  n'avait  pas  eu  le 
temps  d'apprendre  assez  pour  ne  pas  blesser  les  oreilles  britanni- 
ques; une  imprudence  plus  grande  encore,  de  s'exposer  à  être 
comparée,  pour  chaque  note,  pour  chaque  mot,  à  une  artiste  qui,  au 
théâtre  anglais  plus  encore  qu'au  théâtre  italien,  avait  été  l'enfant 
gâté  du  public. 

Rien  n'effraya  Mme  Schroeder;  le  17  mai  1837,  elle  chanta  Fi- 
delio sur  le  théâtre  de  Drury-Lane.  La  traduction  anglaise  en  avait 
été  faite  pour  Mme  Malibran,  et  à  cette  occasion  l'ouvrage  avait  été 
divisé  en  trois  actes.  Ce  qui  devait  arriver,  arriva.  On  fut  d'un  avis 
unanime  que  Mme  Schroeder  ne  prononçait  pas  bien,  et  que  Mme  Ma- 
libran était  le  premier  Fidelio  anglais,  mais  que  Mme  Schroeder  ren. 
dait  la  musique  de  Beethoven  avec  un  accent  plus  élevé,  plus  pathé- 
tique. La  mort  du  roi  Guillaume  IV,  survenue  le  20  juin  1837,  fit 
fermer  les  théâtres.  Celui  de  Drury-Lane  rouvrit  le  10  juillet  par  une 
représentation  de  Fidelio.  Ce  jour-là,  Mme  Schroeder  était  plus 
en  voix  et  mieux  disposée  que  jamais,  et  ce  fut  le  dernier 
triomphe  qu'elle  obtint  en  Angleterre.  Au  lieu  de  s'en  contenter,  elle 
voulut  chanter  encore  Norma  et  la  Somnambule.  Dans  le  rôle  d'A- 
mina  surtout,  où  les  Anglais  aimaient  tant  Mme  Malibran,  elle  resta 
au-dessous  d'elle-même,  et  les  critiques  ne  lui  manquèrent  pas.  En 
général  les  directeurs  ne  sont  pas  tendres  pour  les  artistes  qui  ne 
réussissent  pas  et  ne  font  pas  salle  comble.  Sous  ce  rapport,  il  pa- 
raît que  Bunn  ne  dérogeait  pas  à  la  règle  :  il  n'épargna  ni  les  désa- 
gréments ni  les  injustices  à  Mme  Schroeder.  Un  jour  qu'elle  n'avait 
pu  jouer,  parce  que  Mme  Pasta  donnait  concert,  il  refusa  de  lui  payer 
les  80  livres  sterling  auxquelles  elle  avait  droit;  un  autre  jour, 
il  la  contraignit  à  se  montrer  sur  la  scène,  bien  que  malade  et  hors 
d'état  de  dire  une  note,  il  fallut  la  reporter  chez  elle  à  demi  mourante. 
Pour  combler  la  mesure,  il  ne  fallut  plus  qu'une  banqueroute  direc- 
toriale qui  lui  enlevât  ce  qu'elle  avait  gagné.  Ce  ne  fut  pas  tout  : 
elle  se  crut  longtemps  menacée  de  mourir,  comme  était  mort  l'illus- 
tre Weber,  d'une  maladie  de  poitrine  gagnée  dans  le  même  pays-, 
mais  heureusement  la  force-  de  sa  constitution  la  sauva,  et  dès  les 
premiers  jours  du  mois  d'août  elle  chantait  à  Hambourg  dans  Norma; 
au  mois  d'octobre  suivant  elle  reparaissait  sur  le  théâtre  de   Dresde. 

A  travers  ces  voyages  et  ces  essais  divers,  chaque  fois  que 
Mme  Schroeder  reprenait  terre  en  Allemagne,  elle  ajoutait  des  rôles 
nouveaux  à  son  répertoire  déjà  si  riche.  C'est  ainsi  qu'à  Dresde, 
après  avoir  repris  Fidelio,  elle  créa  le  rôle  de  Rosa  dans  un  opéra 
nouveau  de  Glaser,  l'Aire  de  l'aigle;  le  mois  suivant,  elle  chanta  le 
rôle  de  Roméo,  en  italien  dans  l'opéra  de  Bellini,  i  Blontecchi  ed  i 
Capuleti,  celui  de  Bebecca,  dans  le  Templier  et  la  Juive,  de  Mars- 
chner,  et  celui  d'Amazili,  dans  Fernand  Cortez,  de  Spontini.  De  tous 
ces  rôles,  celui  de  Roméo  fut  celui  dont  la  création  lui  fit  le  plus 
d'honneur,  et  que  l'on  regarda  comme  la  plus  importante.  La  grande 
artiste  a  elle-même  consigné,  par  écrit,  des  observations  que  Mme  de 
Glumer  nous  a  conservées,  et  nous  trouvons  les  lignes  suivantes  dans 


DE  PARIS. 


379 


une  lettre  écrite  par  elle  en  1853  à  Mlle  Emy  La  Grua,  qui,  retirée 
à  Manheim,  pour  s'y  livrer  à  de  sérieuses  études,  lui  avait  demandé 
ses  conseils  pour  les  rôles  de  Fidelio,  Euryanlhe,  Donna  Anna  et  Ro- 
méo :  «  Ce  qui  fait  la  difficulté  de  ce  dernier  rôle,  lui  répondait 
Mme  Schroeder,  c'est  qu'il  a  été  écrit  pour  une  femme  et  que  l'ar- 
tiste est  forcée  d'oublier  son  sexe  pour  reproduire  la  tenue,  les  ges- 
tes, les  poses  et  l'ardente  impétuosité  d'un  jeune  homme.  Rien  ne 
doit  trahir  la  femme,  sous  peine  de  rendre  toute  la  situation  ridi- 
cule. Il  faut  marcher,  s'arrêter,  s'agenouiller  comme  un  homme;  il 
faut  tirer  l'épée,  se  préparer  au  combat  comme  un  bon  maître  d'ar- 
mes, et  avant  tout  bannir  de  son  costume  ce  qui  pourrait  avoir  l'air 
féminin.  Pas  de  coiffure  élégante,  pas  de  petits  pieds,  pas  de  belle 
taille!  La  façon  d'ôter  et  de  remettre  son  chapeau,  ses  gants,  n'est 
pas  moins  essentielle.  »  Dans  une  autre  lettre,  Mme  Schroeder  nous 
apprend  qu'elle  engagea  la  jeune  artiste  à  venir  passer  quatorze 
jours  avec  elle  pour  travailler  les  quatre  rôles  qu'elle  devait  jouer  à 
Vienne  l'automne  suivant,  et  Mlle  La  Grua  se  rendit  à  son  invitation  : 
«  Quatorze  jours,  ajoute-t-elle,  c'est  encore  bien  peu,  pour  ces  quatre 
rôles,  qui  ne  m'ont  pas  demandé  moins  que  la  moitié  de  ma  vie.  » 
Voilà  comment  elle  consacrait  au  culte  de  l'art  son  infatigable  activité, 
sa  vive  intelligence.  Voilà  comment  elle  parvenait  à  retrouver  dans  le 
rôle  de  Roméo,  malgré  la  faible  musique  de  Bellini,  les  effets  que  sa 
mère,  Sophie  Schroeder,  la  grande  tragédienne,  produisait  autrefois 
dans  le  chef-d'œuvre  de  Shakspeare  ! 

Lorsque  sa  voix,  dont  les  défaillances  avaient  commencé  de  bonne 
heure  à  se  manifester,  l'eût  abandonnée  presque  tout  à  fait,  on  vou- 
lut lui  persuader  qu'elle  n'avait  qu'une  chose  à  faire,  laisser  le 
chant  pour  la  déclamation,  et  se  poser  comme  seule  et  légitime  hé- 
ritière de  son  illustre  mère,  mais  elle  comprenait  trop  bien  qu'un 
organe  fatigué  par  le  travail  et  les  efforts  qu'exige  le  chant, 
n'avait  plus  les  qualités  indispensables  au  débit  dramatique.  Elle  re- 
poussait les  propositions  que  lui  faisait  à  ce  sujet  Fanny  Lewald,  en 
disant  :  «  Je  ne  puis  rien  sans  la  musique.  La  musique  est  l'élément 
dans  lequel  je  trouve  la  force  et  la  vie.  Si  je  voulais  essayer  de 
jouer  les  rôles  que  jouait  ma  mère,  je  n'y  serais  jamais  qu'une 
pauvre  imitatrice,  car  les  rôles  que  jouait  ma  mère  on  ne  peut  les 
jouer  autrement  qu'elle  ne  l'a  fait,  et  moi  je  suis  condamnée  à  créer 
moi-même,  créer  toujours,  toujours!  Réfléchissez  d'ailleurs,  chère 
amie,  qu'il  y  a  des  positions  dans  lesquelles  le  fiasco  est  absolument 
interdit.  Si  j'essayais  ce  que  je  puis  faire  et  que  j'éprouvasse  un 
échec!  Une  Schroeder-Devrient  peut  perdre  la  vie  dans  un  naufrage, 
mais  ce  n'est  pas  sur  le  théâtre  qu'elh  doit  en  courir  le  danger.   » 

Paul  SMITH. 
(La  suite  prochainement.) 


LE  TRÉSOR  DES  PIANISTES 

PUBLIÉ     PAR     M      PABBEÏt. 

6'  et  7e  livraison. 

Les  monuments  de  l'art  rétrospectif  sont  de  deux  sortes  :  ou  ils 
appartiennent  à  l'art  complet,  c'est-à-dire  à  la  musique  en  posses- 
sion de  tous  les  éléments  de  tonalité  moderne,  d'harmonie,  de  formes 
mélodiques  et  de  rhythme  qui  constituent  les  œuvres  du  xvrne  et  du 
xixe  siècle  ;  ou  ils  sont  dans  les  conditions  de  l'époque  où  les  artistes, 
encore  soumis  aux  lois  de  la  tonalité  ancienne,  faisaient  cependant, 
par  instinct,  des  efforts  pour  entrer  dans  le  domaine  d'une  tonalité 
nouvelle  dont  la  base  leur  était  inconnue.  Par  une  conséquence  lo- 
gique, l'harmonie,  qui  pose  cette  base,  n'ayant  pas  été  découverte, 
n'apparaît  pas  dans  leurs  œuvres,  et  la  modulation,  dont  la  musique 
actuelle  porte  l'abus  jusqu'à  l'excès,  fait  défaut  dans  les  compositions 
de  ces  anciens  artistes.  Il  en  résulte  que  le   caractère  de   leur  mu- 


sique est  entièrement  différent  de  celui  des  productions  de  l'art  mo- 
derne. Or,  les  formes  de  la  mélodie  étant  entièrement  adéquates  à  la 
constitution  de  l'harmonie,  celles  qu'on  remarque  dans  la  musique 
des  anciens  compositeurs  sont  également  très-différentes  des  formes 
mélodiques  auxquelles  nous  sommes  accoutumés.  Enfin,  la  cadence 
qui  termine  les  phrases  et  les  périodes  des  œuvres  des  maîtres  mo- 
dernes, résultat  du  caractère  attractif  de  notre  harmonie,  lorsqu'elle 
n'est  point  évitée  par  la  modulation,  est  infiniment  rare  dans  l'an- 
cienne musique,  et  n'y  est  jamais  de  nécessité  absolue  :  de  là 
viennent  ces  longs  enchaînements  de  phrases  sans  conclusions  qui 
nous  étonnent  à  l'audition  des  œuvres  conçues  dans  les  conditions  de 
l'ancienne  tonalité. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  que  cette  musique  ancienne  soit  pour 
nous  dénuée  d'intérêt;  car  dans  les  conditions  où  ils  étaient  placés, 
quelques-uns  des  vieux  maîtres  de  la  fin  du  xvic  siècle  et  de  la  pre- 
mière moitié  du  xvuG  ont  été  des  artistes  de  génie  comme  ont  été 
certains  compositeurs  de  temps  plus  rapprochés  de  nous.  Dans  l'ordre 
étroit  de  faits  harmoniques  où  leur  talent  était  enfermé ,  ces  artistes 
ont  montré  une  remarquable  habileté  dans  l'art  d'écrire.  Leur  pen- 
sée, circonscrite  par  les  éléments  dont  ils  disposent,  a  le  grand  mé- 
rite de  la  naïveté,  qui  a  disparu  de  la  musique  moderne,  bien  plus 
riche  en  ressources  de  développements.  Dans  mes  concerts  histo- 
riques, ce  furent  surtout  ces  monuments  des  temps  anciens  et  d'un 
art  différent  du  nôtre  qui  excitèrent  le  plus  vif  intérêt  et  qui  eurent 
le  succès  le  plus  éclatant,  parce  qu'ils  étaient  la  révélation  d'un  ordre 
de  faits  et  d'idées  inconnu  de  tout  l'auditoire.  Il  en  fut  de  même 
l'année  dernière  aux  séances  historiques  de  la  musique  de  clavecin 
et  de  piano  données  à  Bruxelles  par  M.  le  professeur  virtuose  Dupont. 
Toutes  les  anciennes  pièces  tirées  du  Trésor  des  pianistes  de 
M.  Farrenc  furent  aussi  celles  qui  furent  accueillies  par  les  ap- 
plaudissements les  plus  enthousiastes  de  la  nombreuse  assemblée 
réunie  à  ces  intéressantes  séances. 

La  place  réservée  par  M.  Farrenc,  dans  son  Trésor  des  pianistes, 
aux  anciens  clavecinistes  français  Ghambonnière,  Couperin  et  Rameau, 
aux  Italiens  Frescobaldi,  Pasquini,  Porpora,  Martini  et  Scarlatti,  aux 
Allemands  Froberger,  Pachelbel,  Kûhnau  et  Muffert,  il  la  devait  aux 
Anglais,  qui  ont  leurs  clavecinistes  renommés:  Byrd,  J.Bull,  Orlando 
Gibbons  et  Crofurd  :  il  leur  a  payé  sa  dette  dans  la  sixième  livraison 
de  sa  précieuse  collection. 

William  Byrd  fut  un  des  plus  célèbres  musiciens  anglais  du 
xvie  siècle,  et  peut  être  considéré  comme  le  chef  d'école  de  son 
pays.  Les  pièces  de  clavecin  ou  d'épinette,  appelée  virginale  en 
Angleterre,  composées  par  ce  maître,  sont  extraites  d'un  ancien  re- 
cueil de  pièces  de  ce  genre,  intitulé  Parthenia,  dont  M.  Farrenc  a 
fait  graver  en  fac-similé  le  frontispice  de  l'édition  originale,  ainsi 
qu'un  spécimen  de  la  notation.  Ces  pièces  ont  pour  auteur  le  même 
William  Byrd,  John  Bull  et  Orlando  Gibbons.  La  Parthenia  est  la  pre- 
mière musique  imprimée  pour  clavecin  en  Angleterre.  Les  pièces  de 
Byrd  appartiennent  au  genre  appelé  suites.  Les  suites  sont  composées, 
dans  la  Parthenia,  d'un  prélude,  d'une  pavane  et  d'une  gaillarde, 
quelquefois  de  deux  pièces  de  ce  dernier  caractère.  Le  style  de  Byrd, 
dans  ces  pièces,  a  de  l'analogie  avec  celui  de  Claude  Mirulo.  Il  s'y 
trouve  d'assez  grandes  difficultés,  particulièrement  dans  les  orne- 
ments qui  y  sont  multipliés.  D'ailleurs,  elles  sont  souvent  écrites  à 
quatre  parties,  ce  qui  en  rend  le  doigter  difficile. 

Le  style  de  Bull  est  plus  jeune,  plus  brillant  que  celui  de  Byrd  ; 
les  cadences  y  sont  mieux  dessinées,  et  le  caractère  de  la  mélodie  y 
est  plus  saisissable  ;  l'harmonie  y  est  aussi  plus  pure.  Bull,  qui  ne 
mourut  qu'en  1628,  éprouve  évidemment,  dans  ses  compositions 
pour  la  virginale,  l'influence  de  la  révolution  musicale  qui  s'opéra 
au  CDmmencement  du  xvnc  siècle,  quoiqu'il  s'y  engage  moins 
résolument  que  son  compatriote  Orlando  Gibbons.  Celui-ci,  né  vingt 
ans  plus  tard  que  John  Bull,  est  beaucoup  moins  correct  que  lui  dans 


380 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sa  manière  d'écrire.  Il  multiplia  les  dissonances  sans  les  préparer  et 
sans  les  justifier  par  le  mouvement  conjoint,  les  attaquant  par  des 
sauts  de  tierces  ou  de  quartes.  On  dirait  qu'il  prend  plaisir  aux  re- 
lations dures  de  sons  qui  ne  sont  pas  faits  pour  se  trouver  réunis. 
C'est  un  véritable  révolutionnaire  qui  ne  se  rend  pas  compte  de  l'ob- 
jet de  la  transformation  qui  s'accomplit  de  son  temps  ;  mais,  au  mi- 
lieu de  ses  défauts,  on  reconnaît  un  génie  hardi  qui  s'ouvre  des 
voies  nouvelles,  particulièrement  dans  le  rhythme,  qui  prend  dans 
ses  pièces  un  caractère  plus  décidé  que  chez  ses  prédécesseurs.  Son 
prélude  (n°  18,  pages  38  et  39)  est  presque  de  la  musique  moderne; 
enfin,  sa  courante  (n°  6  du  recueil  suivant,  page  14)  est  d'une  mélo- 
die charmante. 

Après  les  pièces  des  clavecinistes  anglais  viennent,  dans  la  sixième 
livraison  du  Trésor  des  pianistes,  douze  polonaises  de  Guillaume- 
Friedmann  Bach,  qui  sont  autant  d'oeuvres  parfaites.  Originales  par 
le  fond  et  par  la  forme,  ces  compositions  n'ont  de  rapport  avec  les 
pièces  connues  sous  le  nom  de  polonaises  que  ce  nom  même  et  la 
mesure  à  trois  temps.  Tout  y  est  d'invention,  et  le  sentiment  musi- 
cal y  est  partout  empreint  du  caractère  de  la  grandeur.  Dès  les 
premières  mesures  de  chacune  de  ces  douze  pièces,  le  génie  d'un 
maître  se  manifeste.  Comme  son  frère,  Charles-Philippe-Emmanuel, 
Guillaume-Friedmann  Bach  est  fils  de  l'immortel  Jean-Sébastien.  Tous 
furent  dignes  de  leur  illustre  père,  car  tous  furent  de  grands  artis- 
tes, chacun  en  son  genre  ;  m;.is  Guillaume-Friedmann  n'exerça  pas 
sur  la  destinée  de  la  musique  moderne  une  influence  aussi  décidée 
que  son  frère,  parce  qu'il  écrivit  beaucoup  moins,  parce  qu'il  ne  pu- 
blia qu'une  petite  partie  de  ce  qu'il  composa  ;  enfin,  parce  que  sa 
musique  offrit  de  trop  grandes  difficultés  aux  artistes.  Mélancolique 
et  peu  sociable,  son  ciractère  ne  le  disposait  point  à  obtenir  des 
succès,  que  d'ailleurs  il  ne  recherchait  pas.  Mais  s'il  était  dépourvu 
des  qualités  par  lesquelles  on  se  produit  et  réussit  dans  le  monde,  la 
nature  l'avait  dédommagé  en  le  douant  des  plus  rares  qualités  de 
l'artiste.  Par  la  publication  des  œuvres  de  ce  grand  artiste,  presque 
ignoré  du  monde  musical  actuel,  M.  Farrenc  ajoute  un  nouveau  prix 
au  beau  monument  qu'il  élève  à  la  gloire  de  l'art.  Les  douze  polo- 
naises de  Guillaume-Friedmann  Bach  sont  suivies  d'une  sonate  du 
même,  où  l'on  retrouve  toutes  les  qualités  de  son  génie. 

La  même  livraison  contient  six  sonates  magnifiques  de  Charles- 
Philippe-Emmanuel  Bach,  créateur,  comme  je  l'ai  dit  en  plusieurs 
endroits,  de  la  sonate  moderne.  Dans  toutes  se  révèlent  les  qualités 
qui  ont  été  l'objet  de  mes  analyses  précédentes  des  livraisons  du 
Trésor  des  pianistes.  Je  ne  puis  rien  ajouter  à  ce  que  j'en  ai  dit  ; 
car,  dans  leurs  proportions  peu  développées,  ces  sonates  présentent 
les  mêmes  perfections  de  sentiment  et  d'originalité  que  celles  dont 
j'ai  déjà  parlé. 

La  seconde  moitié  de  la  sixième  livraison  du  Trésor  des  pianistes 
est  remplie  par  huit  sonates  de  Beethoven,  extraites  de  ses  œuvres 
13,  li,  22,  26,  27  et  28.  Ces  belles  compositions  sont  trop  connues, 
trop  répandues  dans  le  monde  musical,  trop  admirées,  enfin,  pour 
que  j'aie  besoin  d'ajouter  ici  quelque  chose  aux  éloges  qui  en  ont  été 
faits  cent  fois. 

Deux  noms  à  peu  près  inconnus  aujourd'hui ,  non  -  seule- 
ment des  amateurs,  mais  même  des  artistes,  Théophile  Muffat  et 
Georges  Binda,  se  présentent  d'abord  à  l'ouverture  de  la  septième 
livraison  du  Trésor  des  pianistes.  Théophile  Muffat,  organiste  de 
S.  M.  l'empereur  Charles  VI,  vint  à  Vienne  dans  la  première  moitié 
du  xviïi0  siècle.  Son  ouvrage  le  plus  important  a  pour  titre  :  Com- 
ponimenti musicali  per  il  rembolo.  C'est  un  recueil  de  pièces  appe- 
lées Suites  qui  étaient  alors  en  usage.  Gravés  sur  cuivre  à  grands 
frais,  les  Componimenti  musicali  sont  d'une  rareté  excessive,  parce 
que  le  premier  tirage  qu'on  en  fit  fut  sans  doute  à  petit  nombre,  et 
que,  postérieurement,  les  planches  paraissent  s'être   égarées  ou  ont 


été  fondues.  En  publiant  de  nouveau  cet  ouvrage  dans  son  Trésor, 
M.  Farrenc  en  fait  presque  une  résurrection. 

Les  Suites  contenues  dans  le  recueil  des  Componimenti  musicali 
sont  au  nombre  de  sept.  On  sait  que  ce  nom  était  donné  à  des  réu- 
nions de  pièces  peu  développées,  dont  quelques-unes  avaient  les  ca- 
ractères et  les  mouvements  de  danses  autrefois  en  usage,  tels  que 
les  pavanes,  allemandes,  sarabandes,  courantes,  gaillardes,  gigues, 
menuets,  rigaudons,  branles,  auxquelles  on  ajoutait  quelquefois  une 
ouverture  d;ins  le  style  fugué,  un  air,  une  finale.  Les  Suites  n'étaient 
pas  toujours  composées  des  mêmes  morceaux,  ni  astreintes  à  un  ordre 
régulier.  Chaque  auteur  en  faisait  une  disposition  particulière  suivant 
sa  fantaisie.  Le  nombre  de  morceaux  dont  se  composait  une  Suite 
n'était  pas  non  plus  invariable,  il  s'étendait  depuis  quatre  jusqu'à 
sept.  Par  exemple,  la  première  Suite  de  Muffat  est  composée  d'une 
ouverture,  d'une  allemande,  d'une  courante,  d'un  air,  d'un  rigaudon , 
d'un  menuet  avec  son  trio,  d'un  adagio  et  d'un  finale.  Dans  la  se- 
conde, on  trouve  un  prélude,  une  allemande,  une  courante,  une  sara- 
bande, une  bourrée,  un  menuet  avec  son  trio,  une  fantaisie  et  une 
gigue.  Chacune  ainsi  varie  de  forme. 

Muffat  a  joui  de  la  réputation  d'un  savant  musicien  en  Allemagne 
parmi  les  érudits  :  il  la  mérite  par  l'élégance  du  mouvement  des 
parties  et  la  pureté  de  son  harmonie.  Son  style  brille  par  la  clarté 
des  idées,  le  naturel  des  modulations  et  la  franchise  des  rhythmes. 
Lorsqu'il  écrit  à  quatre  parties,  il  sait  en  maintenir  la  réalité  pen- 
dant toute  la  durée  des  morceaux.  Ses  motifs,  bien  choisis,  chantent 
avec  facilité  ;  ils  ont  de  la  variété  dans  le  caractère  et  ne  tombent 
jamais  dans  la  trivialité;  mais  il  n'a  ni  la  richesse  d'imagination  des 
grands  maîtres  allemands,  ni  la  profondeur  de  leurs  combinaisons. 
En  cela,  il  est  le  point  de  départ  de  l'école  de  Vienne  au  xvme  siè- 
cle, et  marque  d'une  manière  évidente  les  différences  essentielles 
qui  séparent  cette  école  de  celles  de  l'Allemagne  du  Nord,  car  le  na- 
turel et  la  clarté  sont  précisément  les  qualités  distinctives  de  cette 
école  viennoise  jusqu'à  la  fin  du  xvme  siècle  ;  on  les  retrouve  même 
dans  les  compositions  des  fuguistes  tels  qu'Albrechtsberger  et  de 
l'abbé  Stadler. 

Originaire  de  la  Bohême,  Georges  Benda,  bien  qu'il  ait  vécu  long- 
temps à  Berlin  et  dans  le  duché  de  Saxe-Gotha,  est  empreint  des  ca- 
ractères de  la  musique  facile,  claire  et  gracieuse  de  l'Autriche.  Les 
six  sonates  de  sa  composition  placées  par  M.  Farrenc  dans  la  sep- 
tième livraison  du  Trésor  des  pianistes,  rappellent  les  formes  des 
sonates  de  Charles-Philippe-Emmanuel  Bach,  mais  sont  dépourvues 
du  cachet  de  création  qu'on  admire  dans-  celles-ci.  Toutes  ont  du 
charme,  mais  elles  manquent  de  forme.  Les  meilleures  parties  de 
ces  sonates  sont  les  mouvements  lents  :  le  larghetto  de  la  première 
sonate,  le  poco  lento  de  la  sixième  ont  le  caractère  de  la  grande  mu- 
sique. Le  largo  de  la  quatrième  offre  aussi  beaucoup  d'intérêt  par 
un  sentiment  à  la  fois  énergique  et  tendre  que  n'aurait  pas  désavoué 
Mozart. 

Des  six  soDates  de  Charles-Philippe-Emmanuel  Bach  qui  viennent 
après  celles  de  Benda,  dans  la  septième  livraison  du  Trésor  des  pia- 
nistes, les  quatre  premières  ne  sont  pas  les  meilleures  productions  de 
ce  grand  artiste;  leur  style  a  un  peu  vieilli;  mais  la  cinquième  (en  ré 
mineur)  et  la  sixième  (en  la  mineur)  peuvent  prendre  place  parmj 
les  plus  belles  inspirations.  La  sixième,  particulièrement,  est,  d'un 
bout  à  l'autre,  une  production  originale  parfaite. 

Les  trois  magnifiques  sonates  de  l'œuvre  31  de  Beethoven,  et  les 
deux  sonates  de  l'œuvre  /|9  du  même  compositeur,  complètent  la 
septième  livraison  du  Trésor  des  pianistes.  Après  les  œuvres  d'inté- 
rêt historique,  elles  présentent  l'art  dans  tout  le  développement  de 
sa  puissance.  Fidèle  à  son  plan,  qui  consiste  à  faire  connaître  aux 
artistes  et  aux  amateurs  du  piano  toutes  les  formes  sous  lesquelles 
cet  art  inépuisable  s'est  produit  jusqu'à  l'époque  actuelle,  M.  Far- 
renc met  un   discernement  très-délicat  dans  le  choix  des  pièces  qui 


DE  PARIS. 


381 


composent,  sa  collection  et  fait  preuve  d'un  dévouement  sans  bornes 
dans  la  continuation  de  son  entreprise  gigantesque.  Poussé  ainsi  jus- 
qu'à son  terme,  le  Trésor  des  pianistes  sera  un  des  plus  beaux  mo- 
numents élevés  à  la  gloire  de  la  musique  dans  le  xix°  siècle.  L'amour 
pour  l'art  dont  l'érudit  éditeur  est  animé  peut  seul  lui  donner  le 
courage  nécessaire  pour  l'accomplissement  d'un  si  rude  labeur  ;  car 
la  recherche  d'anciennes  œuvres  devenues  presque  introuvables  ;  la 
comparaison  des  éditions  diverses  d'un  même  ouvrage,  pour  écarter 
les  altérations  capricieuses  et  résoudre  quelquefois  des  problèmes 
difficiles  concernant  la  version  préférable;  la  correction  des  fautes  de 
gravure,  enfin,  la  perfection  de  l'exécution  matérielle,  exigent  des 
soins  incessants  ainsi  qu'une  rare  sagacité.  Ajoutons  à  tout  cela  le 
travail  des  excellentes  notices  relatives  à  la  vie  et  aux  ouvrages  des 
artistes  dont  M.  Farrenc  enrichit  sa  précieuse  collection,  et  l'on  com- 
prendra ce  qu'exige  de  lu;  la  difficile  entreprise  qn'il  a  formée,  et 
qu'il  poursuit  avec  un  zèle  digne  des  plus  grands  éloges. 

»  FÉT1S  père.  » 


Mardi,  22  novembre,  jour  de  la  fête  de  sainte  Cécile,  a  eu  lieu  à 
Saint-Eustache  l'exécution  de  la  messe  en  ut  de  Beethoven,  déjà  entendue 
l'année  dernière  dans  la  même  solennité. 

La  messe  en  ut  majeur  (œuvre  86)  de  Beethoven  fait  partie  de  la 
première  série  des  œuvres  de  ce  célèbre  maître.  On  sait  qu'il  ne  mo- 
difia sa  manière  et  son  style  qu'à  l'époque  du  congrès  de  Vienne.  Elle 
diffère  donc  de  son  autre  grande  messe  en  ré  autant  que  le  premier 
opéra  italien  de  Meyerbeer  peut  différer  des  Huguenots,  que  Cyrus  à 
Babylone  de  Rossiui  diffère  de  Guillaume  Tell,  et  en  choisissant  cette 
année  pour  sa  fûte  de  sainte  Cécile  une  œuvre  qui  n'est  pas  de  celles 
qui  signalent  le  génie  de  Beethoven,  l'association  des  musiciens  n'a  eu 
d'autre  but  sans  doute  que  d'épargner  aux  artistes  de  longues  et  pa- 
tientes études. 

Composée  en  1807,  la  messe  en  ut  fut  exécutée  pour  la  première 
fois,  sous  la  direction  de  son  auteur,  dans  le  palais  du  prince  Ester- 
hazy  à  Eisenstadt  (Hongrie).  Grand  amateur  de  musique,  le  prince  avait 
une  chapelle  ou  corps  municipal,  composé  d'une  centaine  de  chanteurs 
et  instrumentistes  les  plus  en  renom.  Cette  chapelle  faisait  envie  à  des 
souverains,  et  surpassait  même  celle  de  l'électeur  de  Saxe,  jusqu'alors 
très-vantée.  Son  entretien  coûtait  plus  d'un  million  par  année,  et  le 
prince  n'allait  jamais  en  voyage  ni  même  en  villégiature  sans  être  suivi 
du  personnel  complet  de  ses  musiciens.  Beethoven  fut  donc  invité  à 
venir  de  Vienne  pour  faire  entendre  son  œuvre  au  palais  d'Eisenstadt, 
où  Haydn,  précédemment  maître  de  chapelle,  avait  été  remplacé  par 
Hummel. 

C'est  à  cette  exécution  que  se  rattache  le  fait  suivant  :  11  était 
d'usage  qu'après  l'office  toutes  les  notabilités  de  la  ville  vinssent  se 
réunir  dans  le  palais  du  prince  pour  s'entretenir  des  œuvres  qu'on 
venait  d'entendre.  Beethoven,  quittant  son  poste  de  directeur  accom- 
pagnateur, arrive  à  la  salle  de  réception,  où  le  prince  Esterhazy  lui 
adresse  publiquement  cette  question  singulière  :  Qu'avez-vous  donc  fait 
là?  Cette  apostrophe,  probablement  accompagnée  d'autres  remarques 
critiques,  fut  d'autant  plus  pénible  pour  Beethoven  qu'il  crut  apercevoir 
un  sourire  ironique  sur  les  lèvres  de  Hummel,  qui  se  tenait  debout  à 
côté  du  prince.  Déjà  il  avait  eu  à  se  plaindre  de  ce  confrère  jaloux,  et, 
au  même  instant,  il  quitta  Eisenstadt  pour  n'y  plus  reparaître.  Dès  ce 
moment,  vécurent  en  état  d'inimitié  deux  grands  artistes  qui  s'étaient 
fort  estimés  jusqu'alors,  et  la  réconciliation  n'eut  lieu  qu'à  la  mort  de 
Eeethoven. 

La  messe  en  ut,  devenue  propriété  du  prince  Esterhazy,  qui  l'avait 
payée  environ  200  écus,  ne  fut  publiée  qu'en  1812  par  Breitkoffet 
Haertel  à  Leipsick. 

II  est  inutile  d'indiquer  les  morceaux  saillants  de  cet  ouvrage,  qui 
n'est  point  un  chef-d'œuvre  du  genre  religieux.  L'orchestration  est  so- 
nore, brillante;  les  chœurs  et  les  ensembles  sont  bien  rhythmés,  et  ne 
manquent  pas  d'effet;  mais  le  sens  des  paroles  dans  les  divers  mor- 
ceaux n'est  point  ce  qui  paraît  avoir  préoccupé  le  génie  du  maître,  à 
l'époque  où  il  écrivit  cette  composition. 

Le  comité  de  l'Association  des  musiciens  avait  confié  à  M.  Pasde- 
loup  la  direction  de  cette  solennité  musicale,  précédemment  organisée 
par  MM.  Girard  et  Tilmant  L'habile  chef  s'est  acquitté  de  cette  tâche 
avec  le  talent  qui  le  distingue  :  la  plupart  des  artistes  des  théâtres  ly- 
riques s'étaient  mis  à  sa  disposition. 

La  journée  a  dû  être  bonne  pour  l'Association  et  pour  ceuxqu:  se 
plaisent  à  voir  grandir  une  institution  aussi  utile  qu'honorable. 

(Moniteur  universel  ) 


NOUVELLES. 

*%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cette  semaine  trois  re- 
présentations de  Roland  à  Boncevaux.  —  On  va  reprendre  prochaine- 
ment la  Masclieru,  ballet  de  MM.  de  Saint-Georges,  Rota  et  Giorza,  pour 
le  début  de  Mme  Salvioni.  L'ouvrage  a  été  revu  et  diminué. 

**„,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  a  repris  Lara,  qui  tiendra 
avantageusement  l'affiche  jusqu'à  l'apparition  du  Capitaine  Henriot,  de 
MM.  Sardou  et  Gevaert.  Les  répétitions  en  sont  poussées  avec  activité, 
et  l'on  pense  que  cette  nouveauté  pourra  être  donnée  dans  une  quin- 
zaine de  jours.  On  sait  qu'Achard,  Couderc,  Crosti,  Ponchard,  Prilleux, 
MmesGalli-Marié,  Belia  et  Colson  doivent  eu  être  les  interprètes. —  Après 
Galatée,  Mme  Cabel  a  chanté  la  Fille  du  régiment  et  la  Dame  blanche. 
Elle  n'y  a  pas  obtenu  moins  de  succès  que  dans  l'œuvre  de  Massé. 

„,*„  A  l'une  des  dernières  représentations  du  Songe  d'une  nuit  d'été  , 
Achard  s'étant  trouvé  indisposé  a  été  remplacé  à  l'improviste  dans  le 
rôle  de  Shakspeare  par  son  frère  M.  Ch.  Achard,  qui  pos-ôde  une 
jolie  voix  dont  il  se  sert  habilement.  Mme  Gennetier  n*avait  pas  encore 
chanté  avec  autant  de  supériorité  le  rôle  d'Elisabeth.  M.  Ch.  Achard  a 
également  remplacé  son  frère  vendredi  dans  le  rôle  d'Horace  du  Do- 
mino noir. 

„%  L'engagement  de  Crosti  vient  d'être  renouvelé. 

„**  Le  théâtre  Italien  a  donné  hier  soir  pour  la  première  fois  un 
Buïlo  in  maschera.  On  sait  avec  quelle  supériorité  Mme  Charton-Demeur 
interprète  le  beau  rôle  de  la  comtesse.  —  Ce  soir  ou  reprend  Maria, 
pour  le  début  de  Brignoli  ;  Adelina  Patti  chantera  le  rôle  de  Marta;les 
autres  seront  interprétés  par  Mme  Méric-Lablache,  Delle-Sedie  et  Sca- 
lese.  —  Outre  Linda  di  Chamounix,  que  doit  chanter  Adelina  Patti, 
nous  l'entendrons  dans  un  rôle  qui  ne  peut  manquer  d'être  un  triom- 
phe pour  elle,  celui  de  Ninetta  dans  la  Gazza  ladra. 

*%  La  représentation  de  Don  Giovanni  donnée  dimanche  dernier  au 
théâtre  italien,  a  offert  encore  plus  d'inégalités  que  n'en  présente  géné- 
ralement ce  chef-d'œuvre  d'une  exécution  si  difficile,  et  qui  demande 
tant  d'excellen:s  chanteurs.  Mlle  Patti,  dans  le  rôle  de  Zerlina,  a  été 
complètement  charmante  eta  sauvé  la  soirée.  Elle  a  dû  redire  le  duo 
et  l'a  r  Batti,  batti.  Délie  Sedie,  qui  n'est  qu'un  quart  de  don  Juan 
tout  au  plus,  a  bien  dit  sa  partie  du  duo  Là  ci  darem  la  mano  ;  il  n'a 
pas  rendu  moins  bien  la  sérénade  Deh!  Veni  alla  jînestra.  Mme  de  la 
Grange  est  une  dona  Anna  remplie  de  noblesse  et  de  dignité,  mais  elle 
a  été  trop  mal  secondée  dans  le  trio  des  masques,  lequel  s'est  trouvé 
réduit  à  un  simple  duo,  ce  qui  n'a  pas  médiocrement  surpris  l'auditoire. 

»%  En  attendant  Martha,  l'opéra  de  Flotow  qui  sera  joué  le  mois 
prochain  au  théâtre  Lyrique  impérial,  et  dans  lequel  Mme  Ugalde  doit 
remplir  le  rôle  de  Nancy,  la  célèbre  cantatrice  a  chanté  deux  fois  celui 
de  .Madeleine,  de  Rigoletto,  avec  beaucoup  de  succès.  Le  ténor  Puget 
s'est  bien  acquitté  de  celui  du  duc,  et  Mlle  de  Maesen,  dans  celui 
de  Gilda,  a  été  fort  applaudie  et  rappelée.  Ismaël,  très-bien  placé  dans 
celui  du  bouffon,  a  partagé  ce  succès.  —  Faust  va  cette  semaine  pro- 
bablement faire  place  à  Mireille.  Nous  avons  dit  que  l'œuvre  de  Gounod 
avait  subi  des  modifications;  l'une  des  plus  importantes  est  celle  qui  a 
été  apportée  au  dénoûment  :  au  lieu  de  mourir,  Mireille  épouse  celui 
qu'elle  aime.  —  Violetta,  avec  Mlle  Nilsson,  continue  à  attirer  beaucoup 
de  monde. 

*'%  On  affirme  que  M.  Gounod  vient  de  s'engager  à  composer  pour 
le  théâtre  Lyrique  impérial  un  opéra  en  quatre  actes  intitulé  Bornéo  et 
Juliette. 

„.%  Le  concours  d'harmonie  écrite  des  élèves  militaires  du  Conserva- 
toire impérial  de  musique  a  eu  lieu  vendredi.  En  voici  le  résultat  : 
1er  prix,  M.  Denni,  du  21e  de  ligne,  élève  de  M.  François  Bazin,  et 
M.  Wittman,  des  chasseurs  à  cheval  de  la  garde,  élève  de  M.  Emile 
Jonas;  2e  prix,  MM.  Thuillier,  du  1er  régiment  des  grenadiers  de  la 
garde,  et  Riche,  des  lanciers  de  la  garde,  élèves  de  M.  Bazin  ;  1er  acces- 
sit, MM.  Chabert,  du  14e  de  ligne,  et  Levy,  du  56e  de  ligne,  élèves  de 
M.  Jonas  ;  26  accessit,  M.  Feningre,  du  8e  lanciers,  élève  de  M.  Bazin; 
3e  accessit,  MM.  Niverd,  du  5e  chasseurs  à  cheval,  et  Rass,  du  3e  ré- 
giment d'artillerie,  élèves  de  M.  Jonas,  et  M.  Gaimard,  du  21e  de  li- 
gne, élève  de  M.  Bazin. 

***  Sur  la  proposition  de  M.  le  sénateur  comte  de  Nieuwerkerke, 
surintenoant  des  beaux-art,  S.  Exe.  le  maréchal  Vaillant,  ministre  de 
la  maison  de  l'Empereur  et  des  beaux-arts,  vient  de  commander  à 
M.  Chevalier  l'exécution  en  marbre  d'un  médaillon  du  maestro  Ros- 
sini.  On  assure  que  cette  œuvre  est  destinée  au  foyer  de  l'Opéra. 

*%  Dans  le  programme  du  cinquième  concert  donné  dimanche  au 
Cirque  Napoléon  figurait  la  symphonie  en  si  bémol  de  Robert  Schumann, 
la  première  qu'il  ait  composée,  et  que  M.  Pasdeloup  avait  déjà  fait  en- 
tendre dans  la  salle  de  la  rue  de  la  Victoire.  L'habile  chef  d'orchestre  a 
eu  grandement  raison  de  renouveler  l'épreuve  :  il  ne  faut  pas  qu'on 
puisse  dire  qu'un  musicien  tel  que  Schumann  a  été  condamné  sans  qu'on 
l'ait  entendu.  Qui  sait?  Peut-être  son  heure  viendra-t-elle,  suivant  la 
théorie  qui  veut  que  pour  les  musiciens  d'une  certaine  école  ce  ne  soit 


382 


REVLE  KT  GAZETTF  MUSICALE 


qu'une  affaire  de  temps  de  devenir  classique.  Ce  que  nous  pouvons  as- 
surer, c'est  que  Schumann  ne  l'est  pas  encore,  et  que  sa  symphonie  a 
été  moins  goûtée  à  cette  seconde  audition  qu'à  la  première.  On  n'y  a  trouvé 
qu'un  style  pénible  et  tourmenté,  des  idées  pauvres  et  triâtes,  une 
couleur  terne.  En  revanche,  l'hymne  d'Haydn  et  la  symphonie  en  ut  de 
Beethoven  ont  ranimé  l'innombrable  auditoire.  Jamais  l'ouverture  de 
Sémiramide  n'avait  été  rendue  avec  plus  de  chaleur  et  de  verve.  On  l'a 
redemandée,  mais  non  répétée.  Dans  un  solo  de  cor,  M.  Mohr,  le  nou- 
veau professeur  du  Conservatoire,  a  prouvé  que  nul  mieux  que  lui 
n'était  en  état  de  joindre  l'exemple  au  précepte,  ce  qui  constitue  la 
plus  efficace  des  leçons. 

t*4  Voici  le  programme  du  premier  concert  extraordinaire  que  donne 
aujourd'hui  dimanche  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire ,  en 
l'honneur  de  Meyerbeer:  1°  Symphonie  en  re  de  Beethoven;  2"  chœur 
de  Marguerite  d'Anjou,  de  Meyerbeer;  3°  ouverture  du  Pardon  de  Ploér- 
mel,  de  Meyerbeer  ;  4°  air  chanté  par  M.  Faure  ;  5°  fragments  du  63e 
quatuor  d'Haydn,  exécuté  par  tous  les  instruments  à  cordes;  6»  scène 
de  la  bénédiction  des  poignards  des  Hugu.en.ots,  de  Meyerbeer;  7°  marche 
du  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn.—  Nous  rappelons  aux  ama- 
teurs de  musique  que  ce  concert  et  celui  du  18  décembre  sont  en 
dehors  de  l'abonnement;  pour  avoir  des  billets,  il  suffira  de  se  pré- 
senter au  bureau  de  location  aux  jours  indiqués  sur  l'affiche. 

***  Aujourd'hui  à  deux  heures,  au  Cirque  Napoléon,  6e  concert  popu- 
laire de  musique  classique,  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  On  y  exé- 
cutera :  1°  Symphonie  n"  51,  de  Haydn  (introduction,  allegro,  andante, 
menuet  et  finale;— 2°  adagio  du  quintette  en  sol  mineur,  de  Mozart,  par 
tous  les  instruments  à  cordes;— 3°  ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  de 
Mendelssohn  ;—i°  air  du  ballet  (rigodon)  de  l'opéra  Darlanus,  de  Ra- 
meau;— 5°  symphouie  en  la,  de  Beethoven  (introduction,  allegro,  alle- 
gretto, scherzo,  finale). 

„*„  Les  journaux  espagnols  qui  rendent  compte  de  la  réouverture  du 
théâtre  royal  de  Madrid,  s'accordent  à  reconnaître  que  jamais  Boberto 
il  Diavolo  n'avait  été  représenté  sur  cette  scène  avec  autant  d'éclat  et 
de  perfection  artistique  La  plupart  des  décors  sont  neufs,  notamment 
le  décor  du  deuxième  acte,  qui  a  produit  un  grand  effet.  M.  Bagier  n'a 
rien  négligé,  et,  dans  ces  conditions,  exécuté  avec  tant  de  conscience 
et  de  talent,  si  dignement  mis  en  scène,  le  chef-d'eeuvie  de  Meyerbeer 
ne  pouvait  rencontrer  qu'un  succès  complet,  lime  Penco  est  une  admi- 
rable Alice,  et  l'on  parle  aussi  beaucoup  de  Mlle  Vitali  qui  s'est  distin- 
guée dans  le  rôle  d'Isabelle.  Cette  jeune  artiste  a  reçu  à  diverses 
reprises  des  marques  de  la  satisfaction  du  public.  Le  trio  sans  accom- 
pagnement a  été  applaudi  à  outrance.  Nicolini  ,  qui  remplissait  le 
rôle  de  Robert,  a  été  excellent,  et  Selva  est  un  magnifique  Ber- 
trand. La  paix  paraît  donc  faite  entre  l'administration  et  certaine 
portion  turbulente  du  public,  qui  ne  rêvait  rien  moins  qu'un  chan- 
gement de  gouvernement.  La  représentation  de  Don  Pasquale ,  peu 
de  jours  après,  a  cimenté  cette  réconciliation  par  un  nouveau  succès. 
La  jolie  partition  de  Donizetti  avait  pour  interprètes  la  Vitali,  Corsi, 
Gassier  et  Zucchini,  qui  ont  fait  merveille.  Enfin,  on  attend  Mlle  Eleo- 
nora  Grossi,  l'éminent  contralto  du  théâtre  de  la  Reine,  à  Londres,  et 
Mario  a  télégraphié  à  M.  Bagier  qu'il  se  trouverait  à  son  poste  le  15  dé- 
cembre. On  peut  raisonnablement  tout  attendre  d'une  pareille  réunion 
d'artistes  d'élite,  et  il  est  désormais  permis  de  croire  que  la  saison  se 
poursuivra  sans  encombre,  n'apportant  plus  que  des  succès  pour  les 
pensionnaires  de  M.  Bagier,  et  pour  l'honorable  directeur  du  Théâtre- 
Royal,  la  récompense  due  à  ses  efforts  et  à  l'énergie  dont  il  a  fait  preuve 
jusque  dans  les  moments  les  plus  critiques. 

„%  On  écrit  de  Saint-Pétersbourg  :  i  On  s'occupe  activement,  sur 
la  scène  de  notre  grand  théâtre,  des  répétitions  d'un  nouveau  ballet 
intitulé  :  le  Cheval  enchanté  (Koniék  Gorbounok).  Cette  œuvre  chorégra- 
phique est  due  à  M.  Saint-Léon.  Le  sujet  en  est  tiré  d'un  conte  po- 
pulaire en  Russie.  On  l'attend  avec  impatience.  —  La  société  de 
musique  a  commencé  la  série  de  ses  concerts  (3  novembre).  Le  pro- 
gramme de  la  soirée  comprenait  :  Symphonie  héroïque  de  Beethoven, 
les  ouvertures  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn,  et  Jules  César, 
de  Schumann,  des  fragments  d'Idomcneo,  de  Mozart,  et  de  ÏEnfance  du 
Christ,  de  Berlioz.  Au  second  concert  (10  novembre),  Rubinstein  a  fait 
entendre  un  nouveau  concerto,  pour  le  piano,  en  ré  mineur.  » 

t*t  On  nous  écrit  de  Madrid  :  «  La  fête  de  la  Sainte-Eugénie  a  été 
célébrée  à  Madrid  par  la  mère  de  l'impératrice  des  Français,  Mme  la 
comtesse  de  Montijo.  Elle  a  donné  à  cette  occasion  une  soirée  musi- 
cale des  plus  brillantes,  dont  le  programme  était  aussi  bien  choisi  que 
varié.  Outre  les  principaux  artistes  du  théâtre  royal,  les  dames  du  plus 
haut  rang  de  la  société  madrilène  ont  tenu  à  honneur  d'y  prendre 
part.  M.  Quesada,  amateur  très-distingué,  a  joué  avec  le  plus  grand 
talent  une  fantaisie  de  Chopin  sur  Don  Juan;  Mme  de  Luxan,  nièce  de 
l'ancien  ministre,  a  chanté  admirablement  le  rondo  de  la  Sonnanbula; 
Mme  de  Prendergast  a  dit  avec  M.  Romero,  qui  faisait  entendre  pour  la 
première  fois  la  nouvelle  clarinette  dont  il  est  l'inventeur,  le  beau  duo 
de  Liverani  l'Echo,  et  l'on  a  chaudement  applaudi  la  perfection  avec  la- 
quelle il  a  été  exécuté.  —  La  première  séance  de  la  société  des  quatuors 
a  été  donnée  le  20,  dans  la  grande  salle  du  Conservatoire.  Les  artistes 
et  les  amateurs  les  plus  en  renom  de  Madrid  s'y  étaient  rendus  avec 


empressement  pour  entendre  les  œuvres  admirables  de  Beethoven, 
Mozart,  Haydn,  exécutées  avec  un  ensemble  et  une  perfection  rares  par 
i  MM.  Monasterio,  Guelvenzu,  Perez,  Plo  et  Castsllano  —  On  célébrera 
le  jour  de  la  Sainte-Cécile,  dans  l'église  de  Saint-Ginès,  une  grande  fête 
religieuse  organisée  par  la  société  de  bienfaisance  des  artistes  musi- 
ciens, sous  la  direction  de  son  président  M.  Molberg. 

,,**  Plusieurs  journaux  annoncent  que  le  théâtre  de  Nuremberg  sera 
le  premier,  après  Paris,  en  mesure  de  représenter  l'Africaine;  cette 
nouvelle  est  complètement  dénuée  de  fondement. 

***  Une  excellente  cantatrice,  Mme  Galiano,  qui  l'hiver  dernier  s'est 
produite  avec  succès  dans  les  concerts  et  qui  chante  avec  la  même 
facilité  en  français,  en  italien  et  en  espagnol,  est  de  retour  à  Paris,  où 
elle  va  passer  l'hiver.  Mme  Galiano  donne  également  d'excellentes  leçons 
dont  elle  va  reprendre  le  cours. 

*%  Ernst,  le  célèbre  et  sympathique  violoniste,  a  quitté  Paris  pour 
chercher  sous  le  ciel  de  Nice  un  peu  d'adoucissement  à  son  état  per- 
sistant de  souffrance. 

i,*t  L'ancien  baryton  de  l'Opéra-Comique,  où  il  obtint  des  succès, 
Bussine  vient  d'être  engagé  pour  chanter  dans  les  soirées  extraordi- 
naires données  à  l'Alcazar. 

„*„  Mlle  Titjens  est  en  ce  moment  à  Hambourg;  elle  y  a  commencé 
ses  représentations  par  Fidelio. 

„**  M.  Charles  Hougo,  poëte  tragique  allemand,  récemment  entendu 
à  Ems  et  à  Bade,  vient  d'arriver  à  Paris  où  il  se  dispose  à  donner 
quelques  séances.  Ce  poëte,  qui  a  eu  un  certain  succès  en  Allemagne, 
représente  à  lui  seul  l'Iliade. 

t%  M.  J..-B.  Wekerlin  vient  d'être  nommé  membre  du  comité  des 
études  musicales  au  Conservatoire  impérial. 

***  L'excellent  pianiste  Baur  est  de  retour  à  Paris,  et  va  reprendre 
le  cours  de  ses  leçons. 

„*„  Nous  avons  parlé,  dans  un  de  nos  derniers  numéros,  de  l'arrivée 
à  Paris  des  frères  Holms  qui  se  sont  fait  entendre  chez  Ernst,  et  ex- 
primé l'espoir  que  le  public  serait  bientôt  appelé  à  juger  leur  beau 
talent.  Nous  apprenons  qu'il  en  sera  effectivement  ainsi,  et  que  les  deux 
jeunes  artistes  donneront  un  concert  samedi  prochain  2  décembre,  â  la 
salle  Herz.  Us  y  feront  de  nouveau  entendre  le  quatuor  en  si  bémol  de 
Ernst,  dont  la  Gazette  musicale  a  donné  un  compte  rendu  si  remarqué 
dans  son  avant-dernier  numéro.  M.  Henry  Holms  fera  également  entendre 
un  quintette  de  sa  propre  composition,  et  M.  Kriiger,  l'éminent  pianiste, 
M.M.  Jacquard,  Lalo,Dragone  et  Hermann-Léon,  fils  du  chanteur  regretté 
de  l'Opéra-Comique,  prêteront  leur  concours  aux  frères  Holms  pour 
cette  intéressante  soirée. 

**.<.  L'éminent  violoniste  et  professeur  P.  de  Cuvillon  est  de  retour  à 
Paris,  et  à  partir  du  Ie1'  décembie,  il  ouvrira  dans  son  domicile,  bou- 
levard de  la  Madeleine,  17,  un  cours  d'accompagnement  et  de  musique 
d'ensemble. 

„,%  Des  transfor'mations  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  depuis  son  origine, 
tel  est  le  titre  d'un  ouvrage  que  M.  Thurner  va  faire  paraître  le  15  dé- 
cembre à  la  librairie  Castel. 

#%  Les  trois  premiers  numéros  du  Club,  que  vient  de  fonder  M.  Au- 
rélien  Seholl,  ont  paru;  on  y  retrouve  tout  l'esprit  qui  a  fait  le  succès 
du  Nain  jaune,  sous  sa  direction.  Aug.  Villemot,  Mery,  Cu.  Monse- 
let,  etc.,  etc.,  prêtent  leur  concours  au  nouveau  journal. 

.,,*„.  On  se  rappelle  que  M.  le  comte  Walewski,  alors  ministre  d'Etat, 
confia  à  M.  Ernest  Reyer  la  mission  d'étudier  la  situation  de  l'art  mu- 
sical en  Allemagne.  L'auteur  de  la  Statue  vient  de  commencer  dans 
le  Moniteur,  sous  le  titre  de  Souveîiirs  d'Allemagne,  une  série  de  feuille- 
tons qui   seront   consacrés  à   la  relation  de  son  voyage. 

„.%  Nous  avons  annoncé  dans  notre  dernier  numéro  que  la  manufac- 
ture de  Ph.  Herz  neveu  et  Ce  venait  de  terminer  le  premier  piano 
grand  modèle  sorti  de  ses  ateliers.  Depuis  lors  quantité  d'artistes  et 
d'amateurs  ont  afflué  dans  les  salons  de  la  rue  Scribe  pour  visiter  ce 
grand  et  bel  instrument  de  concert  destiné  à  faire  sensation,  et  qui 
placera  la  nouvelle  manufacture  très-haut  dans  la  fabrication  des  pia- 
nos. Du  reste,  dans  le  courant  du  mois  prochain  M.  Herz  neveu  se  pro- 
pose de  convier  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  progrès  de  l'art,  à  venir 
en  apprécier  les  qualités. 

,,%  On  nous  écrit  de  Nancy  et  d'Epinal  que  les  frères  Lamoury 
viennent  d'y  donner  deux  brillants  concerts.  Les  salles  étaient  combles 
et  ils  ont  obtenu  le  plus  grand  succès. 

t*t  M.  Ballestra  Galli,  ténor  qui  débuta  avec  succès  au  théâtre  Italien 
sous  la  direction  de  M.  Calzado,  est  arrivé  à  Paris. 

„%  Frédéric  Brisson,  l'un  de  nos  meilleurs  pianistes,  compositeurs 
et  organistes,  est  de  retour  à  Paris.  Il  va  reprendre  dans  son  nouveau 
domile,  26,  rue  Godot-de-Mauroy,  ses  cours  de  piano  et  d'orgue. 

„*.,  La  nouvelle  que  le  célèbre  ténor  Ander,  de  l'Opéra  de  Vienne,  a 
perdu  la  raison,  se  confirme  malheureusement.  Il  a  été  placé  dans  une 
maison  de  santé. 

***  A  la  première  matinée  de  M.  Lebouc,  M.  Trombetta  a  dit  avec 
beaucoup  de  brio  la  Farfalla  pour  alto,  composée  par  Adolphe  Blanc. 


DE  PARIS. 


381 


t*t  Les  compositions  de  l'éminent  professeur  Marmuntel  sont  toujours 
une  bonne  fortune  pour  les  amateurs  de  bonne  musique;  ils  apprendront 
donc  avec  plaisir  que  sous  le  simple  titre  â'Élégie  il  vient  d'en  faire 
paraître  une  nouvelle  qui  ne  le  cède  on  rien  à  ses  aînées,  et  dans  la- 
quelle on  trouve  la  science,  l'originalité  et  la  mélodie  qui  caractérisent 
le  talent  du  célèbre  pianiste  compositeur. 

„%  M.  Victor  Tirpenne,  l'auteur  de  l'excellent  cours  complet  de 
piano  qui  porte  son  nom,  vient  de  composer  sur  la  poésie  de  M.  Bru- 
nesseur,  la  musique  de  douze  charmantes  mélodies,  qui  formeront  un 
album  intitulé  les  Douze  mois  de  l'année.  Il  doit  paraître  la  semaine 
prochaine.  L'élégance  du  texte;  le  style  distingué  de  la  musique,  la 
mélodie  qui  y  règne,  la  variété  des  sujets,  assurent  d'avance  un  grand 
succès  à  cette  intéressante  publication. 

***  M.  Baillot,  professeur  au  Conservatoire,  ouvrira  son  cours  de  piano 
(musique  d'ensemble),  mardi  6  décembre,  à  3  heures,  boulevard  llauss- 
mann,  n°  lit,  près  l'église  Saint-Augustin. 

**„..  On  annonce  le  prochain  tirage  de  la  tombola  organisée  par  les 
soins  du  baron  Taylor  au  profit  de  l'Association  des  artistes  drama- 
tiques. Outre  beaucoup  de  lots  d'une  véritable  valeur  artistique  ou  in- 
dustrielle, plusieurs  directeurs  de  théâtre,  à  commencer  par  celui  du 
théâtre  Italien,  y  ont  apporté  un  contingent  bien  attractif.  Ce  sont  des 
entrées  à  leurs  théâtres  pour  un  temps  plus  ou  moins  long. 

»*»  Le  samedi  10  décembre,  premier  bal  de  l'Opéra  avec  l'orchestre 
de  Strauss.  —  MM.  les  locataires  de  loges  pour  la  saison  sont  priés 
d'en  retirer  les  coupons  avant  le  1er  décembre,  autrement  l'adminis- 
tration, passé  cette  époque,  en  disposera.  — Prix  de  l'abonnement  pour 
la  saison  (treize  bals),  50  francs.  S'adresser,  pour  la  location,  3,  rue 
Drouot. 

***  Un  excellent  musicien,  homme  de  cœur  et  d'intelligence,  M.  Hec- 
tor Vautier,  doyen  des  organistes  de  France,  vient  de  mourir  à  Saint- 
Denis,  âgé  de  87  ans.  Pendant  le  service  funèbre,  la  société  chorale  que 
préside  M.  Monestier  a  exécuté  un  motet  de  Besozzi  et  un  De  Profundis. 
Voici  un  passage  du  discours  que  M.  Mathieu  de  Monter  a  prononcé  sur 
la  tombe  :  «  Organiste  à  quinze  ans  dans  un  couvent  de  la  Lorraine, 
sa  patrie, 'musicien  dans  un  régiment,  puis  chef  de  musique  du  i6B  de 
ligne  et  du  6e  de  la  garde,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  membre 
de  l'association  des  Artistes  musiciens  de  France,  chef  de  musique  de  la 
garde  nationale  de  Saint-Denis,  organiste  du  chapitre  et  de  la  paroisse 
de  cette  ville,  M.  Hector  Vautier  avait  fait  sonner  la  charge  de  son  ré- 
giment sur  les  champs  de  bataille  du  premier  Empire.  Mais  à  sa  nature 
aimante  et  bonne,  la  guerre  répugnait.  «  On  y  tue  trop  de  monde,  nous 
»  disait-il  un  jour.  Ce  qui  m'est  arrivé  de  plus  agréable  pendant  la  cam- 
»  pagne  d'Allemagne,  c'est  que  j'ai  pu  connaître  Haydn  et  serrer  la 
»  main  de  Beethoven.  »  Et  il  ajoutait  :  «  Croiriez-vous  que  souvent  je 
»  quittais  mon  instrument  pour  relever  un  mourant  ou  pour  tendre  ma 
»  gourde  i  un  blessé?  C'était  plus  fort  que  moi  !..  »  Voilà  l'homme, 
voilà  l'artiste  excellent,  le  soldat  généreux  que  nous  pleurons  !  Voilà  le 
protecteur  qui  vous  a  prodigué  les  marques  de  son  inaltérable  bien- 
veillance. >> 

»%  M.  Franz  Stenzl,  chef  d'orchestre  du  Cari  Théâtre  à  Vienne, 
vient  de  mourir  clans  cette  ville. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


t*„  Lyon,  23  novembre.  —  Paque,  l'excellent  violoncelliste,  est  dans 
notre  ville  depuis  quelques  jours.  Nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de 
l'entendre  dans  deux  concerts  qu'il  a  donnés  à  notre  grand  théâtre. 
Le  public  lyonnais  lui  a  montré  la  sympathie  que  mérite  son  beau'ta- 
lent,  en  le  rappelant  et  en  l'applaudissant  avec  enthousiasme.  L'orches- 
tration de  ses  morceaux  eu  fait  de  véritables  symphonies.  L'un  des 
meilleurs  est  celui  qu'il  a  composé  sur  les  thèmes  de  Rigoletto,  avant 
lequel  nous  avons  entendu  une  jolie  fantaisie  sur  Maria,  et  ensuite  un 
boléro  à  grand  efffit.  Il  faut  citer  encore  de  brillantes  variations  à  la 
manière  de  Servais  et  un  charmant  caprice  sur  des  airs  écossais.  Paque 
est  attendu  en  Hollande  et  à  Londres,  d'où,  nous  l'espérons,  il  reviendra 
nous  donner  encore  quelques  belles  soirées. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


„.%  Londres.  —  L'opéra  anglais  de  Covent-Garden  paraît  vouloir  jus- 
tifier son  titre  d'Opéra  national,  et  après  l'Helvellyn  de  M.  Macfarren, 
voici  qu'on  nous  annonce  pour  samedi  prochain  un  nouvel  opéra  an- 
glais sous  le  titre  de  Rose  or  Love's  ransom,  de  la  composition  de 
M.  Hatton.  Rose  ou  la  Rançon  de  l'amour  n'est  autre  chose  que  le  Val 
d'Andorre  de  M.  de  Saint-Georges  ;  on  dit  uu  bien  de  la  musique  de 
M.  Hatton,  et  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  souhaiter  au  coura- 
geux musicien  le  succès  qu'obtint  dans  le  temps  la  ravissante  musique 
du  regretté  maître  Froraental    Halévy.  —  Au  même  théâtre  M.  Charles 


Adams  continue  à  charmer  la  foule  par  son  talent  exquis  :  son  second 
rôle,  celui  d'Elvino  dans  la  Sonnanbula,  lui  a  valu  plus  de  succès  en- 
core que  celui  de  Masaniello.  —  Au  théâtre  anglais  rival,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Harrison,  qui  donne  ses  représentations  à  lier  Majesty's 
Théâtre,  on  s'est  contenté  jusqu'ici  de  traductions,  et  Faust  et  la  Tra- 
viata, auxquels  on  vient  d'ajouter  la  Lucia,  ont  exclusivement  défrayé 
le  répertoire.  Faust  et  la  Traviata  sont  d'excellents  ouvrages,  mais  on  se 
lasse  de  toutes  choses,  même  des  plus  excellentes,  et  l'on  commence  à 
en  avoir  assez,  et  du  Faust  et  de  la  Traviata,  même  en  anglais.  —  Don 
Juan  est  annoncé  pour  cette  semaine.  -  Miss  LouisaPyne  et  Mme  Ken- 
neth  Ferranli  sont  les  prime  donne  de  la  troupe  de  M.  Harrison.  Le  ta- 
lent de  Miss  Pyne  est  apprécié  depuis  longtemps;  quant  à  MmeKcnneth, 
qui  a  beaucoup  chanté  en  Amérique  et  sur  le  continent  de  l'Europe, 
même  à  Paris  dans  les  concerts,  elle  chante  avec  une  expression 
dramatique  incontestable,  sa  méthode  et  son  style  sont  excellents,  elle 
sait  son  métier;  c'est  en  un  mot  une  artiste  accomplie,  sa  voix  même 
a  du  être  très-belle,  mais  elle  est  revenue  dans  sa  patrie  vingt  ans  trop 
tard,  hélas!  —  M.  Marchesi  fait  également  partie  de  la  Compagnie  an- 
glaisa de  Hcr  Majesty's  Théâtre,  et  Sims  Reeves  et  M.  Swift  en  sont  les 
ténors.  Cn  très-jeune  homme,  M.  Garcia,  fils  du  professeur  de  chant 
M.  Manuel  Garcia,  vient  de  faire  son  premier  début  théâtral  avec  un 
entier  succès  dans  les  rôles  de  Valentin  de  Faust  et  de  Germont  père 
de  la  Traviata.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  irréprochable  dans  toute  l'entre- 
prise de  M.  Harrison,  c'est  sans  contredit  son  excellent  orchestre, 
habilement  dirigé  par  M.  Arditi.  —  Mme  Titjens  nous  a  quittés  pour 
Hambourg,  et  M.  Santley  pour  Barcelone.  —  Orphée  aux  enfers,  tra- 
duit en  anglais,  a  fait  son  apparition  sur  la  scène  d'Oxford  Alusik-hall 
et  y  a  obtenu  un  immense  succès. 

***  Anvers,  24  novembre.  —  Dimanche  b  eu  lieu  dans  la  nouvelle 
salle  de  la  Société  royale  d'harmonie  la  première  matinée  musicale  de 
la  saison  d'hiver.  Le  programme  était  fort  bien  composé.  Mme  Johnson- 
Graever,  pianiste  de  la  reine  des  Pays-Bas,  a  exécuté  avec  un  art  sur- 
prenant et  une  puissance  singulière  l'admirable  allegro  inaestoso  et  le 
finale  du  3e  grand  concerto  symphonique  de  Litolff,  ainsi  qu'un  andante 
et  polonaise  de  Chopin.  Mme  Johnsou-Graever  est  artiste  dans  la  plus 
haute  acception  du  mot.  Le  succès  éclatant  qu'elle  a  obtenu  cet  hiver 
à  Bruxelles,  dans  les  concerts  du  Conservatoire  ,  de  l'Association  des 
artistes  musiciens  et  de  la  Grande  Harmonie  ,  a  été  pleinement  ratifié 
par  le  public  délite  qui  remplissait  l'immense  salle  de  l'Harmonie.  Elle 
a  été  applaudie  avec  uu  véritable  enthousiasme  et  rappelée  après  chaque 
morceau. 

,*„  Berlin.  —  Le  ténor  Etlisger,  du  théâtre  do  Rotterdam,  a  débuté  à 
l'Opéra  dans  le  rôle  de  Jean  de  Leyde  du  Prophète.  Sa  voix  quoique 
d'une  assez  grande  puissance  a  paru  usée  et  sa  méthode  défectueuse; 
il  a  donc  échoué  et  a  dû  renoncer  à  se  faire  entendre  de  nouveau. 
Mmes  de  Ahna  et  Sauter  ont  obtenu  leurs  succès  habituels  dans  les 
rôles  de  Fidès  et  de  Berthe.  Robert  le  Diable  Fra  Diavolo  et  Faus(ont 
complété  le  répertoire  de  la  semaine.  —  On  dit  que  Mme  Wagner,  en- 
couragée par  les  bravos  qui  l'ont  accueillie  à  un  concert  récent  donné 
au  bénéfice  des  chœurs  du  théâtre  de  la  Cour,  a  l'intention  de  ren- 
trer à  l'Opéra  par  Orphée,  rôle  dans  lequel  elle  excellait. 

.£*„,  Francfort-sur-ie-Mein.  —  La  Chocliette  de  l'Ermite  (les  Dragons 
de  Villars)  vient  d'être  accueillie  d'une  façon  très-remarquable  au 
théâtre  de  la  ville. 

*%  Leipzig.  —  Deux  coucerts  donnés  par  Carlotta  Patti,  Vieuxtemps 
et  Jaell  ont  attiré  un  nombreux  public,  et  le  succès  de  ces  virtuoses  a 
été  des  plus  grands. 

,.%  Vienne.  —  Mlle  Artot  a  été  engagée  pour  douze  représentations; 
elle  devait,  après  celles  du  Domino  noir,  où  elle  a  obtenu  un  si  grand 
succès,  chanter  l'Ambassadrice,  mais  une  indisposition  du  ténor  y 
a  mis  obstacle.  —  On  va  donner  le  Faust  de  Gounod,  dans  le- 
quel elle  remplira  le  rôle  de  Gretchen,  et  plus  tard  la  Sonnanbula. 
Mlle  Artot  nous  quittera  ensuite  pour  Berlin,  où  elle  est  engagée  pour 
trois  mois,  après  lesquels  elle  nous  reviendra,  mais  pour  chanter  au 
théâtre  Italien. 

*%,  Naples.  —  Un  Hallo  in  maschera  n'a  pas  répondu  à  l'attente  gé- 
nérale, et  quoique  dans  le  rôle  d'Amalia,  Mlle  Lagrua  se  soit  montrée 
aussi  grande  cantatrice  qu'excellente  actrice,  quoiqu'elle  ait  été  admi- 
rable de  talent  et  d'expression  dramatique,  quoiqu'elle  ait  été  applaudie 
à  maintes  reprises  et  rappelée  plusieurs  fois,  on  aimera  toujours  mieux 
la  voir  et  l'entendre  dans  les  grands  rôles  de  Desdemona,  de  Noruaa,  de 
Valentine  et  de  Leonora.  Mme  de  Ruda  a  été  bien  faible  dans  celui  du 
page  Oscar;  Guicciardi  a  été  revu  avec  plaisir  et  Miratea  chanté  ma- 
gistralement. 

il  17  T  C!  M-  N"  Bianc!n>  l'éminent  luthier  de  Crémone,  est  de  re- 

iiV  lu.  tour  à  Paris  d'un  voyage  en  Italie,  où  il  était  allé  rétablir 
sa  santé.  Il  a  rapporté  un  grand  choix  d'iustruments  classiques  qui 
sont  à  la  disposition  des  amateurs  et  artistes  â  des  prix  modérés.  — 
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384 


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toutes  les  personnes  qui  prendront  un  abonnement  d'une  année. 

Le  portrait  de  Meyeubeer  étant  d'une  dimension  qui  ne  permet  pas 
de  le  plier  et  de  l'envoyer  sous  bande,  par  la  poste,  la  direction  prie 
MM.  les  Abonnés  de  province  de  le  faire  prendre  au  bureau  de  la 
Gazette  musicale. 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (8e  article),  par 
Panl  Smith.  —  Théâtre  impérial  Italien  :  reprise  d'un  Ballo  in  masekera, 
de  Maria  et  de  Norma.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint- 
etés. —  Nouvelles  et  annonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 

Par  M.  de  Wolzogen  (1). 

VIII. 

Vieillir,  perdre  sa  voix,  deux  épreuves  terribles,  encore  aggravées 
par  la  plus  triste  des  calamités,  une  de  ces  liaisons  funestes,  dont 
le  monde  théâtral  n'offre  que  trop  d'exemples  !  Le  mari  de  la  canta- 
trice, ne  vivant  qu'aux  dépens  de  sa  femme,  prodiguant,  dissipant 
tous  les  produits  de  son  talent,  c'est  un  type  connu  dans  les  cou- 
lisses de  l'univers  entier,  et  que  rendent  encore  plus  odieux  d'ho- 
norables et  nombreux  contrastes!  Mme  Schroeder-Devrient  ne  devait 
échapper  à  aucun  de  ces  malheurs. 

Et  pourtant  les  conseils,  les  avertissements  ne  lui  furent  pas 
épargnés.  C'est  en  1842  que  commencèrent  ses  rapports  avec  un 
M.  de  Doring,  officier  au  service  du  roi  de  Saxe,  et  qui  prit  tout 
d'abord  sur  elle  un  ascendant  dont  ses  amis  furent  effrayés.  Elle  ne 
se  dissimulait  pas  à  elle-même  l'abîme  vers  lequel  l'entraînait  une 
pente  irrésistible.  Elle  écrivait  de  Dantzick  en  1843  :  «  Je  sens  bien 
que  je  suis  à  une  époque  décisive  de  ma  vie. . .  Seulement  ne  me 
parlez  pas  de  repos  :  il  n'y  en  a  pas  de  possible  pour  moi.  Je  dois 
aller  en  avant  sans  fin  ni  trêve,  et  ce  que  je  rencontre  sur  ma 
route  je  l'entraîne  avec  moi!  Avec  mon  cœur  brisé,  malade,  je  me 
précipite  d'effort  en  effort,  d'émotion  en  émotion,  de  triomphe  en 
triomphe,  et  chaque  pas  me  mène,  grâce  à  Dieu!  plus  près  de  la 
tombe.  J'ai  tout  ce  qu'on  peut  avoir,  et  le  monde  me  porte  envie. 
Cependant  je  n'ai  jamais  désiré  la  mort  avec  plus  d'ardeur  qu'au- 
jourd'hui. » 

Pour  expliquer  et  justifier  jusqu'à  un  certain  point  la  folie  de  son 
attachement  à  un  homme  qui  lui    imposa  tous   les   sacrifices,  et  ne 

(1)  Voir  les  n"  24,  26,  27,  35,  43,  44  et  48. 


386 


KEVUK  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vit  jamais  dans  son  talent  que  l'objet  d'une  spéculation  indigne, 
M.  de  Wolzogen  a  cru  devoir  transcrire  des  lettres  de  l'artiste  à 
Claire  de  Glumer,  dans  lesquelles  sa  situation  morale  est  peinte  avec 
une  singulière  énergie. 

«  Lorsque,  dans  l'ivresse  du  succès,  remplie  de  la  joie  que  me 
donnait  mon  art,  je  rentrais  chez  moi,  j'étais  seule!  Je  ne  trouvais 
pas  une  âme  qui  pût  me  comprendre  et  se  réjouir  avec  moi. 

»  La  solitude  m'est  insupportable  ;  —  si  j'avais  seulement  un 
être  vivant  près  de  moi,  un  chien  fidèle,  une  créature  quelconque  ! 
quel  besoin  j'éprouve  d'échanger  nies  pensées  intimes  ;  —  mais 
seule!  —  je  ne  saurais  écrire  ce  qui  se  passe  dans  mon  cœur  ;  cela 
ne  se  peut.  Il  me  manque  la  vivante  chaleur  du  mot  qui  part  de  la 
bouche,  à  laquelle  une  bouche  répond  ;  à  défaut  du  mot,  le  regard 
qui  plonge  au  fond  de  l'âme.  —  C'est  une  dure  condition  que  de 
tramer  sa  vie  ainsi,  sans  être  comprise.  »  A  propos  d'une  pauvre 
famille  qu'elle  a  visitée  et  où  elle  a  trouvé  la  misère  dans  toute  son 
horreur,  elle  ajoute  :  «  Quel  tort  de  se  plaindre  quand  on  n'a  qu'à 
regarder  ici  pour  se  trouver  heureux  !  Et  pourtant  qui  sait  si  la 
pauvre  femme,  sur  son  lit  de  paille,  n'est  pas  plus  heureuse  que 
moi  sur  mes  coussins  de  soie  ?  Elle  a  un  mari  qui  la  soigne,  la  sou- 
tient, la  protège  ;  elle  a  des  enfants.  —  Et  moi,  que  me  reste-t-il  ? 

»  J'avais  vingt-trois  ans  quand  mes  premiers  nœuds  furent  brisés, 
et  j'avais  déjà  perdu  tout  le  prestige  de  la  jeunesse,  toutes  les  illu- 
sions qui  embellissent  ia  vie  :  déjà  je  pouvais  dire  avec  une  entière 
■vérité  :  Je  suis  partout  une  étrangère.  » 

Certainement  il  y  avait  de  l'exagération  et  même  une  certaine  hy- 
pocrisie dans  ces  doléances  dont  Wilhelmine  remplissait  des  volu- 
mes :  elle  cherchait  à  se  tromper  elle-même  sur  la  nécessité  du 
parti  que  tôt  ou  tard  elle  voulait  prendre.  En  effet,  on  eut  beau  lui 
représenter  M.  de  Doring  comme  un  tyran  et  un  bourreau  qui  fai- 
sait d'elle  sa  proie  et  sa  victime,  elle  s'obstinait  à  le  traiter  comme 
le  meilleur,  le  plus  estimable  et  le  plus  aimable  des  hommes.  «  Il 
était  malheureux,  disait-elle,  et  elle  ne  voulait  pas  lui  retirer  sa 
main,  la  seule  sur  laquelle  il  pût  s'appuyer.  Je  n'agirai  que  par  sa 
volonté;  sa  volonté  seule  pourrait  me  séparer  de  lui.  »  Enfin  ses 
amis  furent  consternés  d'apprendre  que  le  29  août  1847  elle  s'était 
mariée  à  Leipzick  avec  M.  de  Doring  ;  le  jour  même  elle  avait  reçu 
une  lettre  dans  laquelle  on  l'instruisait  que  les  camarades  de 
son  futur  époux  avaient  délibéré  plusieurs  fois  pour  savoir  s'il  leur 
était  possible  de  continuer  à  servir  avec  lui.  Quelques  instants  avant 
la  cérémonie,  elle  avait  s;gné,  sans  le  lire,  un  contrat  par  lequel 
elle  donnait  tout  ce  qu'elle  possédait  et  pouvait  posséder,  outre  la 
moitié  de  la  pension  dont  elle  jouissait  pour  ses  services  au  théâtre 
de  Dresde.  Le  contrat  à  peine  signé,  Doring  jeta  le  masque,  —  ce 
sont  les  expressions  de  Wilhelmine,  —  et  ce  fut  le  diable  qui  lui 
apparut. 

Le  24  février  1847,  elle  avait  chanté  pour  la  première  fois  à 
Dresde  le  rôle  principal  dllphïgénie  en  Aulide,  et  s'était  retirée  du 
théâtre  avec  le  titre  de  chanteuse  de  la  chambre  du  roi  de  Saxe. 
Après  son  mariage ,  elle  entreprit  un  nouveau  voyage .  elle  alla 
chanter  à  Copenhague,  et  comptait  se  rendre  à  Saint-Pétersbourg 
avec  son  mari.  A  Riga  elle  joua  Roméo,  et  jamais  depuis  elle  ne  re- 
mit le  pied  sur  le  théâtre.  A  Dorpat  s'accomplit  sa  rupture  complète 
avec  M.  de  Doring.  «  Je  suis  anéantie,  écrivait-elle,  réduite  à  la 
mendicité,  malade  de  corps  et  d'âme,  et  sans  espoir  de  me  relever 
jamais!  »  M.  de  Doring  se  hâta  de  retourner  en  Saxe  pour  faire  va- 
loir ses  droits  sur  les  biens  de  sa  femme  ;  elle  se  rendit  elle-même  à 
Berlin  vers  la  fin  de  février,  et  se  plaça  sous  la  protection  des  lois, 
pour  obtenir  sa  séparation,  sans  la  payer  de  tout  ce  qu'elle  possé- 
dait. Le  procès  ne  finit  qu'avec  l'année.  Il  fallut  acheter  le  consente- 
ment de  M.  de  Doring  à  la  séparation,  et  la  somme  qu'on  lui  donna 
fut  sans  doute  assez  forte,  puisque  l'artiste  eut  besoin  pour  se  la 
procurer  du  secours  de  plusieurs  amis. 


Revenons  un  peu  sur  nos  pas,  et  jetons  encore  un  coup  d'oeil  sur 
cette  brillante  carrière,  dont  nous  avons  vu  le  commencement  et  le 
terme.  Dans  ses  souvenirs,  Claire  de  Glumer  parle  d'une  représen- 
tation de  Guido  et  Ginevra  donnée  le  22  mars,  et  dans  laquelle 
Mme  Schroeder  remplissait  le  rôle  de  Ginevra.  S'il  faut  l'en  croire, 
quoique  la  représentation  fût  à  son  bénéfice,  l'artiste  ne  s'était 
résignée  qu'après  une  forte  résistance,  accompagnée  de  colère  et  de 
grincements  de  dents,  à  jouer  un  rôle  qui  lui  faisait  dresser  les  che- 
veux sur  la  tète.  Obligée  de  céder,  elle  s'était  mise  à  étudier  le  rôle, 
mais  elle  avait  bien  résolu  d'enterrer  l'ouvrage,  et  voici  comment 
elle  s'y  prit  :  Au  second  acte,  Ginevra  est  censée  mourir  empoison- 
née par  le  moyen  du  voile  apporté  d'Orient,  et  qu'on  lui  pose  sur  la 
tête.  Mi  troisième,  elle  se  réveille  dans  la  tombe  où  on  l'a  renfer- 
mée, et  se  livre  iu  désespoir  le  plus  violent.  «  Donc,  raconte  l'ar- 
tiste elle-même,  je  mourais  au  finale  du  second  acte,  comme  une 
vraie  pestiférée.  Je  rendais  la  chose  d'une  manière  si  effrayante  à 
force  de  frissons  et  de  convulsions,  que,  l'acte  fini,  l'intendant  accou- 
rut avec  un  médecin  et  me  demanda  d'un  air  alarmé  :  —  Pour 
l'amour  de  Dieu,  qu'avez-vous  ?  Etes-vous  malade  ?  Vous  m'avez  fait 
une  peur!...  —  Non,  répondis-je  tranquillement,  je  ne  suis  pas  ma- 
lade :  je  meurs  par  le  poison,  voilà  tout;  n'est-ce  pas  mon  devoir  ?» 
Au  troisième  acte,  même  jeu,  même  effet  :  l'artiste,  sortant  du  som- 
meil léthargique,  poussait  des  cris  d'angoisse,  s'arrachait  les  che- 
veux, se  frappait  le  sein,  s'accrochait  aux  murailles.  La  cGur,  épou- 
vantée, s'enfuit  au  milieu  de  l'acte,  et  le  public  ne  savait  plus  où  il 
en  était.  L'intendant  suppf.ait,  maugréait  ;  l'artiste  restait  inébranla- 
ble, et  se  contentait  de  dire  :  «  Pourquoi  me  donnez-vous  des  choses 
pareilles  à  chanter  ?  c'est  votre  faute  ;  vous  n'avez  que  ce  que  vous 
méritez,  lorsque  vous  contraignez  une  artiste  à  jouer  ce  qui  inspire  la 
haine  et  l'effroi.  »  Mme  Schroeder  ne  rejoua  plus  Ginevra  :  une 
autre  prit  sa  place,  et  l'opéra  disparut  bientôt  du  répertoire.  Mais 
l'intendant  crut  devoir  punir  d'une  amende  de  300  thalers  un  excès 
de  réalisme  qu'on  ne  saurait  guère  imputer  qu'au  caprice  ou  à  quel- 
que malin  vouloir  dont  les  causes  demeurent  inexpliquées. 

L'astre  de  Richard  Wagner  se  levait  précisément  à  l'heure  où 
celui  de  Mme  Schroeder  penchait  vers  son  déclin,  ce  qui  ne  les  em- 
pêcha pas  de  se  rencontrer,  et  il  est  certain  que  le  nom  et  le  talent 
de  la  cantatrice  vieillissante  ne  furent  pas  inutiles  à  l'avènement  du 
jeune  compositeur.  Mme  Schroeder  créa  les  rôles  d'Adriano  Colonna, 
de  Senta  et  de  Vénus  dans  Rienzi.,  le  Hollandais  volant  et  Tanhaaser, 
dont  le  premier  fut  représenté  à  Dresde  le  20  janvier  1842,  le  second 
le  2  janvier  1843,  et  le  troisième  le  19  octobre  1845.  Dans  Rienzi, 
qui  valut  à  son  auteur  la  nomination  de  maître  de  chapelle  du  roi  de 
Saxe,  le  célèbre  ténor  Tichatscheck  remplissait  le  principal  rôle.  Il 
n'est  guère  probable  qu'après  avoir  chanté  si  longtemps  la  musique 
de  Mozart,  de  Beethoven,  de  Weber,  notre  artiste  ait  éprouvé  de  très- 
vives  sympathies  pour  celle  de  Richard  Wagner.  M.  de  Wolzogen 
affirme  qu'à  sa  connaissance,  lorsque  Tanhauser  apparut  pour  la 
première  fois,  en  1845,  sur  le  théâtre  de  Dresde,  Mme  Schroeder 
n'accepta  qu'avec  peine  le  rôle  de  Vénus,  en  disant  :  «  Je  ne  sais 
que  faire  de  ce  rôle.  »  En  effet,  c'était  moins  que  jamais  le  moment 
de  le  lui  offrir  :  elle  avait  passé  la  quarantaine  !  Si  plus  tard  son 
goût  changea,  si  à  la  froideur  succéda  l'enthousiasme,  c'est  que  les 
opinions  politiques  avaient  exercé  leur  influence  sur  elle,  et  que  sa 
passion  musicale  s'était  allumée  au  foyer  des  révolutions. 

Comment  s'étonner  qu'une  femme  en  tout  temps  si  avide  de  popu- 
larité, si  heureuse  et  si  fière  de  s'entendre  nommer  dans  la  foule, 
de  se  voir  reconnue,  désignée  par  les  plus  infimes;  qu'une  femme 
qui  se  faisait  gloire  de  n'avoir  jamais  flatté  un  prince,  jamais  re- 
cherché la  faveur  des  grands,  n'ait  pu  se  défendre  d'un  entraînement 
vers  les  idées,  qui  en  1848  et  1849,  remuèrent  si  profondément  la 
France  et  l'Allemagne?  Au  mois  de  mars  1849,  elle  s'était  rendue  à 
Paris,    pour   essayer  d'y   recommencer  quelque  chose  d'artistique, 


DE  PARIS. 


387 


mais  elle  s'aperçut  bien  vite  que  les  intérêts  politiques  y  absorbaient 
tous  les  autres,  et  elle  revint  à  Dresde,  où  elle  fut  témoin  de  la  ter- 
rible journée  du  4  mai  :  quelle  part  y  fut  la  sienne  ?  harangua-t-elle 
le  peuple  pour  l'exciter  à  construire  des  barricades,  ou  bien,  comme 
l'assure  Claire  de  Glumer,  son  rôle  se  borna-t-il  à  pousser  un  cri 
d'effroi,  à  l'aspect  des  premiers  cadavres  apportés  sur  la  place  du 
vieux  marché  ?  Nous  ne  nous  chargeons  pas  de  traiter  ces  questions, 
que  d'autres  ont  examinées  et  jugées.  Dès  le  matin  du  5  mai,  l'ar- 
tis'e  s'éloignait  de  la  ville,  frémissante  encore  des  combats  de  la 
veille  :  elle  a  rendu  compte  elle-même  de  ce  triste  départ,  dans  des 
termes  remplis  d'émotion  :  «  Le  printemps  déployait  toute  sa  ri- 
chesse sur  la  terre,  je  n'oublierai  jamais  l'impression  extraordinaire 
que  j'éprouvais,  en  traversant  ces  plaines  fleuries,  sur  lesquelles  le 
ciel  répandait  son  plus  brillant  éclat,  tandis  que  le  bruit  du  tocsin 
et  de  la  révolte  s'élançait  de  la  ville  couchée  dans  le  vallon.  » 

Que  de  projets  se  présentèrent  alors  à  l'imagination  de  Wilhelmine  ! 
Tantôt  elle  voulait  écrire  ses  Mémoires,  tantôt  ne  s'occuper  qu'à  for- 
mer des  artistes,  ou  bien  encore  rédiger  l'analyse  complète  des  rôles 
qu'elle  avait  joués,  et  de  la  manière  dont  elle  les  avait  conçus  ;  mais 
elle  ne  fit  rien  de  tout  cela  ;  et  quant  au  dernier  projet,  voici  le 
motif  qu'elle  allégua  pour  y  renoncer  :  «  Si  j'analyse  mes  rôles  pour 
d'autres,  dit-elle  à  Fanny  Lewald,  je  les  perds  pour  moi-même,  et 
je  veux  au  moins  en  garder  le  souvenir.  Que  les  autres  voient  eux- 
mêmes  ce  dont  ils  sont  capables  :  il  ne  leur  sera  pas  facile  de  me 
faire  oublier.  » 

Le  mariage,  dont  Wilhelmine  venait  d'avoir  tant  à  se  plaindre,  lui 
devait  une  réparation,  et  elle  la  trouva  dans  la  personne  d'un  gen- 
tilhomme livonien  très-distingué  d'esprit  et  d'éducation,  M.  de  Bock, 
qui,  avant  sa  malheureuse  liaison  avec  Doring,  lui  avait  offert  ses 
vœux ,  mais  alors  il  y  avait  des  obstacles  :  la  position  de  M.  de 
Bock  ne  lui  permettait  pas  d'épouser  une  actrice,  et  ils  n'étaient  pas 
assez  riches  tous  les  deux  pour  pouvoir  vivre  de  leurs  rentes.  C'est 
à  Paris  dans  l'hiver  de  1850  que  leur  union  fut  décidée;  le  14  mars 
elle  s'accomplit  à  Gotha,  et  sembla  d'abord  réunir  toutes  les  condi- 
tions de  paix  et  de  sécurité  :  c'était  comme  un  arc-en-ciel  tardif  dans 
une  existence  semée  de  troubles  et  d'orages!  Les  amis  de  Wilhel- 
mine trouvaient  qu'elle  était  devenue  plus  douce,  plus  calme,  et  qu'elle 
n'avait  pas  l'air  de  souffrir  impatiemment  le  vide  que  le  théâtre  lui 
laissait.  Elle  ne  chantait  plus  dans  les  concerts  :  chez  elle  seulement 
ou  dans  des  cercles  intimes,  elle  redisait  volontiers  quelques  anciens 
lieder  que  son  mari,  musicien  excellent,  accompagnait  sur  le 
piano. 

Dans  l'année  même  de  son  mariage,  Wilhelmine  suivit  son  mari 
en  Livonie,  où.  il  avait  l'intention  de  se  fixer  et  de  vivre  dans  une 
propriété  seigneuriale,  dont  il  était  fermier;  mais  était-il  possible 
que  Wilhelmine  se  transformât  en  fermière,  en  ménagère  ?  Elle  l'es- 
saya, mais  en  vain  ;  elle  y  perdit  tous  ses  efforts,  et  ne  tarda  pas  à 
reconnaître  que  pour  sa  santé  comme  pour  tout  le  reste  il  lui  fallait 
absolument  retourner  en  Allemagne.  «  Tout  ce  qui  m'entoure,  écri- 
vait-elle, est  détestable  et  affreux;  les  hommes  méritent  à  peine 
d'être  appelés  de  ce  nom,  et  tout  ce  qu'ils  font  témoigne  du  misé- 
rable degré  de  culture  auquel  ils  sont  réduits.  Qui  pourrait  s'empê- 
cher de  dire  à  propos  d'eux  :  Ils  sont  effroyables.  » 

Dans  l'automne  de  1851,  les  deux  époux  se  rendirent  à  Dresde  où 
Wilhelmine  était  sous  le  coup  d'une  sentence  de  bannissement  et  de 
poursuites,  à  cause  de  sa  prétendue  participation  aux  événements  de 
mai  1849.  M.  de  Bock  s'empressa  de  fournir  caution,  et  obtint  que  sa 
femme  pût  se  retirer  à  Berlin.  Vers  la  fin  de  l'année,  des  lettres  de 
grâce,  octroyées  par  le  roi  de  Saxe,  terminèrent  le  procès,  dont  l'une 
des  conséquences  les  plus  tristes  était  de  lui  interdire  la  Russie.  Il 
fallut  que  M.  de  Bock  fît  de  nombreuses  démarches  et  de  grandes  dé- 
penses pour  obtenir  la  révocation  de  ce  décret.  Il  n'y  réussit  que 
dans  l'hiver  de  1853,  et  jusque-là  Wilhelmine,  séparée  de  son  mari, 


fut  obligée  de  vivre  comme  une  exilée  en  Allemagne.  Elle  passa  l'été 
de  cette  triste  année  à  Coblentz,  à  Ems,  à  Schlangenbads.  Vers  l'au- 
tomne, M.  de  Bock  alla  la  chercher  à  Paris,  où  elle  se  retrempait 
dans  la  société  d'artistes  de  son  pays,  dans  la  fréquentation  des  mu- 
sées, des  théâtres,  et  revenait  si  bien  au  plaisir  de  vivre,  qu'elle 
reparut  dans  un  concert  public  au  profit  de  l'association  allemande. 
Peu  de  temps  auparavant,  l'auteur  de  sa  b'ographie.  M.  de  Wolzogen, 
l'avait  entendue  chanter  d'une  voix  presque  éteinte  des  lieder  de 
Schubert  dans  une  soirée  que  donnait  l'excellent  pianiste-composi- 
teur J.  Rosenhein.  La  cantatrice  n'était  plus  que  l'ombre  d'elle- 
même,  mais  cette  ombre  avait  encore  quelques  moments  où  se  re- 
trouvait la  grande  artiste. 

Paul  SMITH. 
(La  fin  prochainement .) 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

Reprise  d'un  Batto  in  maBeltern,  de  Itgurtu 
et  de  IVortna. 

Trois  reprises  en  moins  de  huit  jours,  c'est  beaucoup  peut-être, 
malgré  le  proverbe  qui  dit  qu'abondance  de  biens  ne  nuit  pas.  Au 
théâtre,  il  n'y  a  qu'une  abondance  qui  n'incommode  jamais,  c'est 
celle  des  recettes  :  aussi  les  directeurs  ne  travaillent-ils  qu'à  se  la 
procurer.  M.  Bagier  n'y  épargne  pas  ses  efforts,  et  il  a  sous  sa 
main  des  artistes  qui  le  secondent  de  tout  leur  talent.  Jamais  Fras- 
chini,  Mme  Charton-Demeur  et  Delle-Sedie  n'en  avaient  donné  plus  de 
preuves  qu'à  la  reprise  d'un  Ballo,  dont  la  représentation  a  été  vrai- 
ment remarquable.  Fraschini  était  si  bien  en  voix  qu'il  a  cru  pou- 
voir sans  inconvénient  déroger  à  ses  principes  et  répéter  un  des 
couplets  de  sa  chanson  chez  la  sorcière.  Le  rôle  d'Adelia  est  un  de 
ceux  qui  conviennent  le  mieux  à  Mme  Charton-Demeur  ;  elle  y  dé- 
ploie des  avantages  égaux,  comme  cantatrice  et  comme  actrice;  elle 
a  la  dignité,  la  passion,  l'éloquence  de  la  voix  et  du  geste;  elle  a 
été  pathétique  et  touchante,  autant  que  la  situation  l'exige,  et  elle  a 
produit  une  vive  impression.  Delle-Sedie,  lors  de  ses  débuts,  s'est 
révélé  à  nous  dans  la  belle  romança  :  Eri  tu  che  macchiavi,  et  de- 
puis ce  temps  il  a  su  se  maintenir  au  rang  qu'il  avait  conquis  tout 
d'abord.  11  est  fâcheux  que  le  page  ne  soit  pas  de  taille  à  marcher 
avec  ces  artistes.  Les  pages  sont-ils  donc  devenus  si  rares  qu'on  n'en 
pnisse  trouver  pour  cet  opéra?  Il  est  vrai  que  Mlle  Battu  avait  rendu 
le  poste  très  difficile. 

Et  le  lendemain  d'Un  Ballo,  Maria  nous  est  revenue,  cette  Maria 
si  vive  et  si  légère,  cette  Maria  si  applaudie,  si  aimée  partout  où 
l'on  chante,  et  qui  pourrait,  si  elle  le  voulait,  répéter  comme 
Joconde  : 

J'ai  longtemps  parcouru  le  monde, 
Et  Ton  m'a  vu  de  toutes  parts. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'on  va  la  voir  bientôt  sur 
un  autre  théâtre,  où  elle  paraîtra  pour  la  première  fois,  sans 
qu'elle  cesse  pour  cela  de  se  montrer  au  théâtre  Italien,  d'y 
être  la  bienvenue,  la  bien  reçue  et  d'y  faire  moisson  de  bravos.  On 
ne  connaît  guère  d'exemple  d'un  cosmopolitisme  musical  comparable 
à  celui  dû  cette  charmante  partition,  dont  M.  de  Flotow  est  le  père. 
Lui  seul  pourrait  nous  dire  si,  dans  l'innombrable  quantité  d'actrices 
et  de  chanteuses  qui  ont  tour  à  tour  abordé  le  rôle  principal  de 
son  œuvre,  il  s'en  est  rencontré  une  seule  plus  prédestinée  par  la 
nature  et  l'art  à  en  réaliser  l'idéal  que  Mlle  Adelina  Patti.  Nous 
l'avions  déjà  vue  dans  ce  personnage,  mais  cette  année  elle  s'y 
surpasse,  comme  du  reste  dans  tous  ceux  où  nous  la  revoyons. 
Il  y  a  en  elle  progrès  manifeste  :  il  y  a  plus  de  séduction,  plus 
de    charme,    avec   un   sentiment   sérieux,  qui    perce     à  travers  la 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


plus  folle  des  escapades.  Marta,  devenue  la  servante  d'un  fermier,  ne 
peut  s'empêcher  de  réfléchir,  et  la  physionomie  de  Mlle  Patti  rap- 
pelle celle  de  Mlle  Mars  travestie  en  soubrette  dans  le  Jeu  de  l'amour 
et  du  hasard  au  moment  où  elle  venait  à  s'apercevoir  des  dangers 
de  sa  position.  Quant  à  la  façon  dont  la  jeune  prima  donna  chante 
la  chanson  de  la  Rose,  c'est  quelque  chose  d'exquis,  de  parfait  :  on 
ne  saurait  mieux  accentuer  des  paroles,  ni  mieux  détailler  des 
notes. 

Ajoutons  que  cette  année  aussi  Mlle  Patti  a  fait  d'immenses  progrès 
dans  le  costume.  Dans  Zerline,  c'était  la  plus  coquette  et  la  plus  sé- 
duisante mignonne  de  Gaslille  ou  d'Andalousie.  Dans  Marta,  l'on  ne 
sait  laquelle  préférer  de  la  grande  dame  ou  de  la  petite  servante. 

Le  ténor  Brignoli,  qui  débutait  dans  le  rôle  de  Lionel,  est  une 
ancienne  connaissance  ;  nous  l'avons  vu,  il  y  a  quelques  années,  au 
grand  Opéra,  remplissant  le  rôle  d'Amenophis,  dans  une  reprise  du 
Mdise  français.  Depuis  es  temps,  il  a  beaucoup  voyagé  :  il  nous  re- 
vient avec  un  organe  qui  rappelle  singulièrement  celui  de  Mario.  Si 
c'est  un  tort,  nous  le  trouvons  fort  excusable,  et  nous  acceptons 
M.  Brignoli  tel  qu'il  se  poursuit  et  comporte.  Le  premier  jour,  quoi- 
qu'il soit  grand  et  fort,  il  a  commencé  par  mourir  de  frayeur;  puis 
il  s'est  remis  peu  à  peu,  et  il  a  si  bien  chanté  sa  romance  du  troisième 
acte  qu'on  la  lui  a  redemandée  ;  ce  qui  prouve  qu'il  a  du  talent, 
c'est  qu'il  l'a  dite,  la  seconde  fois,  avec  plus  de  succès  encore  que 
la  première.  Delle-Sedie,  Scalese  et  Mme  Méric-Lablache  ont  fort 
bien  rempli  les  autres  rôles,  ce  qui  fait  que  Marta,  jouée  trois  fois 
cette  semaine,  doit  l'être  encore  mardi  prochain. 

La  reprise  de  Norma  n'a  pas  été  aussi  heureuse  que  les  deux  pré- 
cédentes. Les  deux  sœurs  Marchisio  y  faisaient  leur  rentrée;  mais 
une  indisposition  n'a  pas  permis  à  l'une  d'elles,  Carlotta,  qui 
chantait  le  rôle  principal,  d'aller  plus  loin  que  le  premier  acte,  et  il 
a  fallu  remplacer  le  second  par  un  concert  composé  de  divers  mor- 
ceaux du  répertoire,  entre  autres  le  duo  du  Trovatore,  supérieure- 
ment chanté  par  Delle-Sedie  et  Mme  Charlon-Demeur,  et  le  rondo 
de  Cenerentola  dit  par  l'autre  sœur,  Barbara,  qui  avait  fort  bien 
commencé  le  rôle  d'Adalgise. 

P.  S. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Variétés  :  Une  Femme,  un  Melon,  un  Horloger,  vaudeville  en  un 
acte,  de  MM.  Varin  et  Michel  Delaporte  ;  reprises  du  Bourreau  des 
crânes,  vaudeville  de  MM.  Lafargue  et  Siraudin,  et  de  la  Belle 
Espagnole,  saynète  de  M.  Hervé.  —  Gaité  :  Reprise  du  Fils  de 
la  nuit,  drame  de  M.  Victor  Séjour.  —  Théâtre  Saint- Germain 
(ouverture)  :  Le  Libre  Echange,  vaudeville  en  un  acte,  de  M.  Ju- 
les Francy  ;  la  Bouquetière  de  Trianon,  opéra-comique  de  MM.  Lau- 
rencin  et  Jules  Adenis,  musique  de  M.  Frédéric  Barbier;  le  Lion 
de  Saint-Marc,  opéra-bouffe  de  MM.  Beaumont  et  Nuitter,  musi- 
que de  M.  Isidore  Legouix.  —  Bouffes-Parisiens  :  Passé  minuit, 
pour  les  représentations  d'Arnal  :  Appelez-moi  sergent  !  ronde  de 
nuit  de  M.  Lemercier  de  Neuville,  musique  de  M.  Lindheim. 

A  l'occasion  d'une  représentation  donnée  au  bénéfice  de  Kopp,  l'un 
des  bons  acteurs  des  Variétés,  ce  théâtre  a  changé  son  affiche  or- 
dinaire, et  a  mis  sous  la  remise  cette  fameuse  Liberté  des  théâtres 
qui  commençait  à  se  fatiguer  et  à  vieillir.  Le  spectacle  qui  l'a  rem- 
placée n'est  cependant  que  transitoire,  et  l'on  n'y  compte  qu'une  seule 
pièce  nouvelle  ;  encore  celte  pièce  n'est-elle  qu'en  un  acte.  Mais  l'en- 
semble de  la  soirée  offre  assez  d'éléments  attractifs  pour  faire  at- 
tendre patiemment  la  Belle  Hélène,  d'Offenbach,  sur  laquelle  on 
fonde  les  plus  vastes  espérances.  L'acte  de  MM.  Varin  et  Michel 
Delaporte  s'appelle  une  Femme,  un  Melon,  un  Horloger,  et  ce  titre 
facétieux  tient  assez  bien  ce  qu  il  promet.  L'horloger  vient  de  con- 


duire à  l'autel  (vieux  style)  Mlle  Claudine,  la  fille  d'un  maraîcher 
des  environs  de  Paris,  lorsqu'une  maîtresse  sacrifiée  fait  tout  à  coup 
irruption  au  milieu  de  la  noce  et  va  se  livrer  à  un  éclat  dange- 
reux pour  le  mari.  Celui-ci  ne  parvient  à  apaiser  Mlle  Fcedora  qu'en 
promettant  de  lui  trouver,  séance  tenante,  un  épouseur;  mais  ce 
n'est  pas  sans  peine  qu'il  finit  par  découvrir  un  homme  de  bonne 
volonté  qui,  d'ailleurs,  ne  connaissant  pas  Mlle  Fœdora,  est  sur  le 
point  de  tout  compromettre  en  adressant  ses  hommages  à  la  mariée, 
qu'il  prend  pour  la  maîtresse  de  l'horloger.  Cette  situation  comique 
suffit  à  fournir  trois  quarts  d'heure  d'hilarité,  et  c'est  plus  qu'il 
n'en  faut  pour  satisfaire  un  public  bien  disposé  à  se  laisser  cha- 
touiller les  côtes 

Le  Bourreau  des  crânes,  qui  accompagne  celte  bluette,  est  une 
pièce  plus  corsée,  dont  Sainville  et  Ravel  ont  fait  le  succès.  Elle 
n'a  rien  perdu  en  passant  au  répertoire  des  Variétés,  où  elle  est 
jouée  avec  beaucoup  de  verve  et  d'entrain  par  Charles  Pérey,  par 
Kopp  et  par  Mlle  Aline  Duval. 

Nous  n'en  dirons  pas  autant  de  la  Belle  Espagnole,  extravagante 
saynète  d'Hervé  qui  a  vu  le  jour  aux  Délassements-Comiques,  et  qui 
aurait  bien  dû  rentrer  avec  eux  dans  l'oubli.  Mais  l'infortunée  a  déjà 
cessé  de  vivre  ;  ne  troublons  pas  ses  cendres. 

—  Une  reprise  fort  importante,  celle  du  Fils  de  la  nuit,  attire  en 
ce  moment  beaucoup  de  monde  au  théâtre  de  la  Gaîté.  C'est  à  la 
Porte-Saint-Martin  que  ce  drame  a  été  joué  d'origine,  en  1856.  Il 
avait  alors  pour  principaux  it>terprètes  Fechter,  Mme  Emilie  Guyon 
et  Mme  Marie  Laurent.  Aujourd'hui  c'est  Dumaine  qui  représente  le 
duc  de  Scylla,  et  les  deux  mères,  qui  ont  une  scène  si  magnifique 
au  dernier  acte,  ont  conservé,  sous  les  traits  de  Mlle  Agar  et  de 
Mme  Lacroix,  une  bonne  partie  de  leur  prestige.  Certes,  il  y  a  du 
talent  dans  cette  pièce,  on  ne  saurait  le  contester,  et  M.  Victor  Sé- 
jour n'a  peut-être  jamais  rien  écrit  de  plus  émouvant,  de  plus  dra- 
matique. Mais  il  s'est,  de  lui-même,  effacé  en  quelque  sorte  devant 
l'éclat  d'une  mise  en  scène  qui  usurpe  à  son  profit  toute  l'attention, 
tout  l'intérêt  des  spectateurs.  Déjà,  à  la  Porte-Saint-Martin,  on  n'at- 
tribuait le  succès  de  l'ouvrage  qu'au  tableau  dans  lequel  on  voyait 
la  corvette  du  pirate  se  mouvoir  à  travers  la  tempe  le  et  la  fureur 
d'un  abordage.  A  la  Gaîté,  ce  même  tableau  a  reçu  des  perfec- 
tionnements devant  lesquels  la  prose  de  M.  Victor  Séjour  va  pâlir 
encore  davantage.  Qu'importe,  il  est  vrai,  sinon  à  l'auteur,  du  moins 
au  directeur,  dont  ce  merveilleux  navire  ne  peut  manquer  de  rem- 
plir la  caisse? 

—  Nous  avons  parlé  en  son  temps  d'une  tentative  de  concerts 
quotidiens  qui,  sous  le  nom  d'Athénée  musical,  s'était  fondée  sur  la 
rive  gauche  de  la  Seine,  dans  les  déserts  qui  avoisinent  le  musée  de 
Cluny.  L'intention  était  bonne  ;  mais  après  quelques  mois  d'essais 
infructueux,  cet  établissement  s'est  vu  forcé  de  céder  à  l'indifférence 
bien  constatée  des  habitants  de  ce  quartier  maudit.  Voici  à  présent 
que,  grâce  à  la  liberté  théâtrale,  l'Athénée  s'est  transformé  en  une 
salle  de  spectacle,  où  un  hardi  spéculateur  prétend  faire  vivre  en  bon 
accord  le  vaudeville  et  Topéra-comique.  Le  théâtre  Saint-Germain 
sera-t-il  plus  heureux  que  son  prédécesseur?  C'est  ce  que  nous  hé- 
siterions fort  à  affirmer.  Sans  parler  de  plusieurs  incidents  malen- 
contreux, la  soirée  d'ouverture  se  composait  de  trois  pièces ,  dont 
deux  n'ont  eu  qu'un  médiocre  succès  ;  on  a  trouvé  que  le  vaudeville 
intitulé  le  Libre  Echange  ne  méritait  ni  qu'on  l'applaudît  ni  qu'on 
s'en  fâchât.  Quant  à  la  Bouquetière  de  Trianon,  elle  a  été  un  peu 
mieux  accueillie,  mais  si  peu  qu'en  vérité  il  n'y  a  pas  de  quoi  s'en 
glorifier.  Le  sujet  en  a  paru  commun,  et  la  musique  de  M.  Frédéric 
Barbier,  beaucoup  trop  ambitieuse  pour  la  circonstance,  n'a  pas  con- 
tribué à  dissimuler  la  légèreté  du  libretto.  La  dernière  pièce,  le 
Lion  de  Saint-Marc,  quoique  commencée  à  près  de  minuit,  est  seule 
parvenue  à  tirer  le  public  de  sa  somnolence.  On  a  franchement 
ri  des  tribulations  de  ce  vieillard  poltron  qui   prend   des  amoureux 


DE  PARIS. 


389 


pour  des  conspirateurs,  et  l'on  a  chaleureusement  applaudi  le  musi- 
cien, M.  Isidore  Legouix  qui,  pour  son  coup  d'essai,  a  fait  preuve 
d'excellentes  qualités.  Trois  couplets,  pour  voix  de  femmes,  ont  par- 
ticulièrement été  remarqués  et  ont  obtenu  les  honneurs  du  bis.  Ce 
début  est  d'un  heureux  augure  pour  l'avenir  de  M.  Legouix,  que 
nous  retrouverons  sans  doute  bientôt  sur  une  scène  plus  digne  de  lui. 

Les  artistes  de  la  nouvelle  troupe  ne  se  connaissent  pas  encore 
assez,  et  n'ont  pas  opéré  leur  fusion  de  telle  sorte  qu'on  puisse 
asseoir  sur  eux  une  opinion  définitive.  Disons  cependant  que  dès  le 
premier  jour  on  a  distingué  quelques-uns  d'entre  eux,  tels  que 
M.  Laglaize,  un  ténor  agréable,  M.  Falchieri,  une  basse  que  nous 
avons  eu  occasion  d'entendre  à  la  Porte-Saint-Martin  dans  le  Barbier 
de  Séville  qu'on  y  a  joué  l'été  dernier,  Mlle  Mézerai,  une  célébrité 
de  province,  puis,  à  un  degré  inférieur,  M.  et  Mme  Luce,  M.  Mar- 
chand, M.  Rosambeau  et  Mme  Delmary. 

—  Aux  Bouffes-Parisiens,  où  l'on  vit  presque  exclusivement  de 
reprises  depuis  qu'Offenbach  s'est  retiré  sous  sa  tente,  nous  n'avons 
rien  eu  à  signaler,  si  ce  n'est  la  reprise  de  Passé  minuit,  pour 
laquelle  la  direction  a  engagé  Arnal  qui,  dans  le  temps,  avait  trouvé 
dans  cette  pièce  l'un  de  ses  plus  grands  succès.  Pour  la  rajeunir, 
M.  Deffès  y  a  ajouté  quelques  couplets  et  quelques  sorties  d'ailleurs 
fort  bien  réussies,  qui  donnent  à  ce  vaudeville  l'allure  d'une  opé- 
rette. Désiré  a  pris  la  place  de  Bardou,  et,  malgré  l'accent  marseil- 
lais qu'il  prête  au  personnage,  il  est  loin  d'égaler  son  modèle. 

Appelez-moi  sergent  !  est  une  sorte  de  ronde  de  nuit  de  M.  Lin- 
dheim,  donnée  dimanche  dernier,  et  qui,  malgré  une  chanson  juste- 
ment applaudie,  malgré  les  louables  efforts  de  Léonce  et  de  Désiré, 
ne  nous  semble  pas  appelée  à  une  longue  existence. 

0.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cette  semaine  trois  fois 
Roland  à  Roncevaux.—  On  annonce  pour  demain  Guillaume  Tell,  et  pour 
mercredi  la  reprise  de  Moïse.  MlleEattu  y  reparaîtra  dans  le  rôle  d'Anaï, 
oui  lui  valut  un  si  beau  succès  l'hiver  dernier. 

„%  Dimanche  dernier,  Diavolina  accompagnait  le  Trouvère.  Mlle  Beau- 
grand  a  débuté  dans  le  principal  rôle  de  ce  ballet,  créé  avec  tant  de 
supériorité  par  Mlle  l'ouravieff,  et  qu'avait  ensuite  dansé  Mlle  Vernon. 
Mlle  Beaugrand,  même  après  ces  rivales  redoutables,  a  su  s'y  faire  ap- 
plaudir et  a  pleinement  réussi. 

*%  Après  une  audition  donnant  de  belles  espérances,  le  théâtre  de 
l'Opéra  vient  d'engager  comme  pensionnaire  un  jeune  ténor  doué  d'une 
très-jolie  voix  et  d'une  remarquable  organisation  musicale.  Une  année 
sera  consacrée  à  développer,  par  de  sérieuses  études,  ces  précieuses 
qualités,  et  à  faire  son  éducation  théâtrale,  après  quoi  l'on  jugera  s'il 
peut  débuter  sur  notre  première  scène  lyrique. 

„.*,.  On  a  repris  jeudi  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  un  des  plus  char- 
mants opéras  d'Auber,  Haydée;  Mlle  Cico  chantait  le  rôle  principal 
pour  la  première  fois  ;  un  peu  émue  au  premier  acte,  elle  a  dit  avec 
beaucoup  de  charme  tout  le  second ,  et  particulièrement  les  cou- 
plets de  la  Brise  qu'on  a  chaleureusement  applaudis  et  qu'elle  a  dû 
répéter.  Achard,  dans  le  rôle  de  Loredan,  s'est  montré  aussi  bon  acteur 
qu'excellent  chanteur;  Battaille  et  Ponchard,  Piilleux  et  Mlle  Bélia  ont 
contribué  au  succès  de  la  représentation  qui  avait  attiré  beaucoup  de 
monde  et  qui  a  fait  grand  plaisir.  Cette  reprise  a  d'ailleurs  coïncidé 
avec  la  première  représentation  du  même  ouvrage  qui,  sous  le  titre  de 
Aiiea,  a  dû  avoir  lieu  le  28  novembre  au  grand  théâtre^ royal  de  Turin. 

***  M.  Gounod  vient  de  s'engager  par  traité  à  donner  dans  le 
courant  de  la  saison  de  4865-1866,  à  l'Opéra-Comique,  une  par- 
tition composée  sur  un  livret  de  M.  Michel  Carré.  —  Le  même  compo- 
siteur écrirait,  si  l'on  en  croit  la  nouvelle  donnée  par  V Entracte,  des 
chœurs  et  des  intermèdes  symphoniques  pour  un  drame  en  trois  actes 
et  en  vers  de  M.  Legouvé,  intitulé  :  les  Deux  [Seines  de  France,  et  qui  se- 
rait joué  au  printemps  au  théâtre  Lyrique.  La  direction  aurait  engagé 
Mme  Ristori  pour  remplir  le  principal  rôle. 


„**  On  va  reprendre  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  la  Chanson  de 
Fortunio.  Mlle  I.  Marié  chantera  le  rôle  de  Valentin  et  Bâche  reprendra 
celui  du  petit  clerc  qu'il  a  créé.--  On  s'occupe  avec  activité  de  la  pièce 
de  M.  Cham.  le  Serpent  à  plumes,  et  de  la  Revue  de  MM.  Clairville, 
Siraudin  et  E.  Blum. 

*%  Mlle  Lagier  vient  de  lire  au  même  théâtre  une  opérette  ayant 
pour  titre  Jupiter  et  Leda  dont  elle  a  composé  la  musique,  et  qui  sera 
interprétée  par  Mlle  Philippe,  Mlle  Garait  et  Bâche. 

„,*„,  Aujourd'hui,  à  2  heures,  a  lieu  le  premiar  concert  extraordinaire 
donné  au  Conservatoire  par  la  Société  des  concerts  et  consacré  à  la 
mémoire  de  Meyerbeer.  En  voici  le  programme  :  1°  Symphonie  en  ré 
de  Beethoven;  2°  chœur  de  Marguerite  d'Anjou,  de  Meyerbeer;  3°  ou- 
verture du  Pardon  de  Ploërmel,  de  Meyerbeer  ;  4u  air  chanté  par 
M.  Kaure  ;  5»  fragments  du  63e  quatuor  d'Haydn,  exécuté  par  tous  les 
instruments  à  cordes  ;  6°  scène  de  la  Bénédiction  des  poignards  des 
Huguenots,  de  Meyerbeer;  7°  marche  du  Songe  d'une  Nuit  d'été,  de 
Mendelssohn.  —  Le  second  concert  extraordinaire  que  doit  donner  la 
Société  des  concerts  en  dehors  de  son  abonnement  aura  lieu  le  18  dé- 
cembre. 

***  Aujourd'hui  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  septième  concert 
populaire  de  musique  classique  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  On  y 
entendra  :  1°  ouverture  de  Fidelio  en  mi  majeur,  de  Beethoven  ;  — 
2°  symphonie  de  Mozart,  première  audition  (introduction,  allegro,  pre- 
mier menuet,  andante,  deuxième  menuet,  finale);  —  3°  ouverture  de 
Loreley  (première  audition),  de  Wallace;  —  4°  Largo  de  Haydn;  — 
o"  septuor  de  Beethoven  (thème  et  variations,  scherzo,  finale),  exécuté 
par  MM.  Grisez,  Kspeignet,  Mohr  et  tous  les  instruments  à  cordes. 

,*„,  Au  second  concert  extraordinaire  du  Conservatoire,  qui  aura  lieu 
le  18  décembre,  on  jouera  des  fragments  du  second  acte  des  Troyens 
de  Berlioz;  ils  consistent  en  deux  airs  de  danse,  le  quintette,  le  sep- 
tuor et  un  duo.  Il  seront  en  grande  partie  interprétés  par  les  artistes 
qui  ont  exécuté  l'œuvre  au  théâtre  Lyrique. 

***  On  nous  écrit  de  Naples,  que  Mlle  Lagrua  vient  d'y  chanter 
Norma  avec  un  immense  succès;  elle  a  excité  dans  ce  rôle,  d'ailleurs 
un  de  ses  plus  beaux,  un  enthousiasme  difficile  à  décrire,  et  qui  s'est 
traduit  par  des  applaudissements  et  des  rappels  sans  fin. 

**„  Mme  Vandenheuvel  est  en  ce  moment  à  Nice,  et  l'on  écrit 
qu'elle  vient  d'y  chanter  avec  succès  la  Somnambule  au  théâtre  Ita- 
lien. 

***  Roberlo  il  Diavolo  a  été  choisi  pour  pièce  d'ouverture  du  théâtre 
Zizinia  à  Alexandrie.  Les  artistes  engagés  sont  Mmes  Donati,  Alvese  et 
Franco -Capello,  prime  donne  ;  MM.  Pedronich  et  Pardini,  premiers  té- 
nors; Giotti,  baryton;  Nanni,  basse  profonde. 

»**  Seligmann  est  parti  cette  semaine  pour  Nice;  il  va  sans  dire 
que  son  violoncelle  l'accompagne  et  qu'il  n'oubliera  pas  de  s'en  servir. 

***  On  nous  écrit  de  Barcelone  que  le  théâtre  du  Liceo  a  fait  avec 
Lucrezia  Borgia  une  brillante  réouverture.  Mme  Lafon  dans  le  rôle 
principal,  Mme  Dory  dans  celui  d'Orsini  et  Morini  dans  celui  de  Gen- 
naro,  ont  obtenu  un  grand  succès,  Morini  particulièrement,  qui  après 
l'air  du  troisième  acte,  a  été  salué  des  plus  vifs  applaudissements  ;  bref, 
cette  réouverture  a  obtenu  du  public  le  meilleur  accueil. 

***  Mlle  Carlotta  Patti  est  en  ce  moment  à  Hanovre  où  elle  passionne 
le  public  comme  à  Leipzig;  un  air  de  Dinorah,  un  autre  de  la  Liuda 
et  le  Carnaval  de  Venise  de  Paganini  avec  une  introduction  de  Schulhoff, 
ont  soulevé  des  tonnerres  d'applaudissements.  Vieuxtemps  et  Jaell  par- 
tagent les  triomphes  de  la  célèbre  cantatrice.  Pendant  le  concert, 
S.  M.  le  roi  de  Hanovre  a  demandé  qu'elle  lui  fût  présentée. 

*%  Toujours  infatigable  pour  améliorer  la  situation  de  la  Société  des 
artistes  dramatiques,  le  baron  Taylor  organise  au  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique  une  représentation  extraordinaire  au  bénéfice  de  cette  asso- 
ciation. Elle  aurait  lieu  très-prochainement,  et  elle  se  composera 
d'éléments  de  nature  à  y  attirer  un  grand  concours  de  monde. 

*%.  Plusieurs  artistes  distingués  se  trouvent  en  ce  moment  à  Madrid  : 
Louis  Engel,  le  célèbre  organiste,  qui  s'y  est  déjà  fait  entendre  et  que 
la  reine  a  décoré;  Jules  Lefort,  l'excellent  baryton;  Nathan,  le  violon- 
celliste, et  Mlle  Castellan,  qui  joue  du  violon  d'une  façon  si  remar- 
quable. 

*%  S.  M.  la  reine  d'Espagne  vient  de  conférer  à  l'éminent  pianiste 
compositeur  W.  Kriiger  la  croix  de  chevalier  de  son  ordre  de  Char- 
les M. 

„%  M.  Watier  (A.),  de  Lille,  vient  d'être  nommé  à  l'unanimité  mem- 
bre de  l'Académie  de  Sainte-Cécile  de  Rome  (section  des  compositeurs). 

***  Depuis  que  le  Musée  instrumental  du  Conservatoire  est  ouvert  au 
public,  il  est  visité  par  une  foule  nombreuse  d'artistes,  d'amateurs  qui 


390 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


examinent  avec  autant  de  curiosité  que  d'intérêt  la  remarquable  collec- 
tion réunie  par  M.  Clapisson  et  acquise  par  S.  Exe.  le  ministre  de  la 
maison  de  l'Empereur.  Cette  collection  contient  des  pièces  de  la  plus 
grande  rareté.  Nous  aurons  l'occasion  d'en  reparler. 

„%  Lé  cercle  de  l'Union  artistique  donne  le  5  son  premier  concert. 
L'orchestre,  dirigé  par  M.  Pasdeloup,  exécutera  trois  symphonies 
nouvelles  de  MM.  Lacherier,  Polignac  et  Lefebvre. 

„,*„,  M.  Charles  Meerens,  auteur  de  la  brochure  :  instruction  élémen- 
taire du  calcul  musical  et  philosophie  de  la  musique,  dont  nous  avons 
rendu  compte  et  qui  a  paru  récemment,  vient  de  trouver  les  vraies 
relations  numériques  de  la  gamme,  conçue  d'après  l'interprétation  de 
Monteverde  ;  elles  s'expriment  par  : 

A  3-3  5  3.9  3  3.9  3.5  q 

Jt  ,  li. 2  ,  h  ,  4.5  ,  2  ,  4.4  i  4.2  ,  2 
Ces  rapports  sont  basés  sur  le  principe  du  rhythme  des  vibrations  dont 
l'auteur  a  donné  un  aperçu  dans  les  numéros  39  et  42  de  la  Gazette 
musicale  (1863),  et,  de  plus,  ils  sont  conformes  aux  expériences  direC' 
tes  que  M.  Delezenne,  membre  de  la  faculté  des  sciences  de  Lille,  a 
décrites  dans  sa  brochure  :  Considérations  sur  l'acoustique  musicale. 

»%  Les  séances  populaires  de  musique  de  chambre  vont  attirer  de 
nouveau  à  la  salle  Ilerz  leur  nombreux  auditoire  de  l'année  dernière. 
MM.  Lamoureux,  Rignault,  Colblain  et  Adam  ont  commencé  leurs  étu- 
des. Les  programmes  auront  cette  année  plus  d'attrait  encore  que  l'hi- 
ver dernier,  et  l'on  peut  s'attendre  à  uns  exécution  plus  achevée, 
s'il  est  possible,  des  œuvres  des  grands  maîtres  du  quatuor.  La 
première  séance  est  fixée  au  samedi  12  jauviex,  à  8  heures  du  soir. 
Nous  donnerons  prochainement  les  titres  des  œuvres  qui  seront  exé- 
cutées dans  cette  soirée  d'inauguration,  à  laquelle  concourra  un  de 
nos  plus  éminents  pianistes  classiques. 

*%  Le  capital  nécessaire  à  l'exploitation  du  Grand  Concert  qui  doit 
être  fondé  par  les  soins  et  sous  la  direction  de  Félicien  David  est  sous- 
crit et  la  société  constituée.  On  sait  qu'elle  a  fait  choix  d'un  local  con- 
venable, rue  Richer.  Les  ouvriers  ne  tarderont  pas  à  s'en  emparer,  et  on 
espère  que  les  travaux  ne  dureront  pas  plus  de  six  semaines  ou  deux 
mois  pour  que  la  salle  soit  mise  en  état  d'être  inaugurée. 

t*t  Cette  semaine  vont  commencer  les  concerls^promenades  qui  doivent 
être  donnés  dans  le  local  de  l'exposition  ouverte  à  l'hôtel  Laffitte.  L'or- 
chestre sera  dirigé  par  M.  Varney,  et  il  exécutera  de  la  musique  c'as- 
sique  en  même  temps  que  les  œuvres  des  grands  maîtres  modernes  et 
les  essais  des  jeunes  compositeurs. 

,*4  Le  Casino  inaugurera  ses  bals  masqués  mercredi  14  décembre. 
Arban,  l'habile  chef  d'orchestre,  prépare  un  répertoire  dont  on  dit 
merveille.  Ces  fêtes  carnavalesques,  dont  la  réputation  est  si  bien  éta- 
blie, auront  lieu  tous  les  mercredis. 

2%  Théâtre  Robin. —  Ce  charmant  spectacle,  où  la  magie  et  la  science 
marchent  de  pair,  se  tient  toujours  au  premier  rang  dans  la  faveur  du 
public.  Les  admirables  tableaux  animés  de  l'Astronomie  populaire  met- 
tent chaque  soir  sous  les  yeux  de  tous  les  merveilles  de  l'infini  :  les 
étoiles,  ces  milliers  de  soleils,  et  notre  soleil  même,  puis  la  lune 
avec  les  autres  planètes,  mondes  jetés  comme  des  points  dans  l'immen- 
sité. Au  silence  religieux  avec  lequel  la  foule  écoute  les  explications 
lumineuses  de  ces  tableaux,  on  voit  que  M.  Robin  a  su  pleinement  ré- 
pondre au  besoin  de  notre  siècle  avide  de  s'instruire. 

„,%  La  célèbre  maison  Schott  vient  de  perdre  récemment  un  de  ses 
membres,  M.  Adam  Schott,  qui  a  succombé  le  3  août  dernier  à  Bom- 
bay, après  avoir  rempli  pendant  de  longues  années  les  fonctions  de  chef 
de  musique  dans  divers  régiments  anglais,  tant  à  Londres  que  dans  les 
possessions  anglaises.  Les  détails  de  sa  vie  offrent  des  particularités 
intéressantes.  Adam  Schott,  né  en  1791,  était  l'un  des  fils  de  Bernard 
Schott,  fondateur  de  la  maison  si  renommée  de  Mayence.  Il  reçut  une 
éducation  toute  musicale  ;  à  l'âge  de  quinze  ans,  il  jouait  presque  de 
tous  les  instruments  à  vent,  il  excella  surtout  sur  la  clarinette  et  ob- 
tint de  brillants  succès  partout  où  il  se  fit  entendre.  Lors  d'un  voyage 
qu'il  fit  à  travers  l'Allemagne  et  une  partie  de  la  France,  avec  son  pro- 
fesseur, le  célèbre  Baermann,  il  partagea  les  honneurs  des  concerts 
avec  ce  dernier.  En  1822  il  fonda,  à  Anvers,  une  succursale  de  la  mai- 
son Schott,  qui  devint  plus  tard  la  maison  Schott  frères  à  Bruxelles  et 
Anvers;  mais  son  caractère  aventureux  lui  fit  abandonner  au  bout  de 
quelques  années  une  position  brillante,  que  lui  avaient  valu  son  talent 
et  l'aménité  de  son  caractère.  11  partit  pour  l'Angleterre,  ensuite  pour 
l'Amérique  et  les  Indes  orientales,  y  donna  un  grand  nombre  de  con- 
certs et  s'engagea  finalement  comme  chef  de  musique  dans  l'un  des 
régiments  anglais  aux  Indes.  En  1848,  il  revint  en  Angleterre,  où  il  fut 
nommé  chef  de  musique  de  la  garde  de  la  reine,  à  Londres.  Le  service 
régulier  et  tranquille  convenait  peu  à  des  habitudes  contractées  dans 
les  Indes,  et  il  signa  de  nouveau  un  engagement  pour  le  pays  qu'il  af- 


fectionnait (Bombay)  :  c'est  là  que  la  mort  l'a  surpris.  Adam  Schott  a 
écrit  un  grand  nombre  de  morceaux  pour  la  clarinette  et  pour  musique 
militaire,  dont  peu  cependant  ont  été  publiés;  ils  se  distinguent  tous 
par  une  profonde  connaissance  des  instruments,  par  une  harmonie  riche 
et  un  tour  des  plus  élégants.  Ils  sont  au  répertoire  de  tous  les  régi- 
ments anglais. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


***  Strasbourg.  —  On  attendait  avec  impatience  la  reprise  du  Pardon 
de  Ploërmel  annoncée  par  la  direction  de  notre  Grand-Théâtre.  Si  elle 
l'a  fait  attendre  c'est  qu'elle  a  voulu  lui  donner  tout  l'éclat  possible,  et 
nous  devons  constater  tout  d'abord  qu'elle  y  a  pleinement  réussi.  Ce 
chef-d'œuvre  de  l'illustre  maître  a  été  monté  cette  année  avec 
un  très-grand  luxe,  et  les  interprètes  ont  été  à  la  hauteur  de  son  mé- 
rite. M.  Carman  (Hoël)  s'est  montré  aussi  excellent  chanteur  que  bon 
comédien;  le  grand  air  de  Puissante  magie,  le  duoavec  Corentin,et  par- 
ticulièrement la  magnifique  romance  du  troisième  acte  qu'il  a  dite 
avec  une  expression  de  tendresse  et  de  sentiment  remarquable,  lui  ont 
valu  à  maintes  reprises  les  applaudissements  les  plus  chaleureux.  Le 
rôle  de  Corentin  a  été  chanté  par  M.  Warnots;  il  l'a  rendu  avec  beau- 
coup de  charme  et  d'originalité.  Le  succès  qu'obtient  Mlle  Durand  de- 
puis l'ouverture  de  la  saison  s'est  encore  confirmé  dans  le  rôle  de  Di- 
norah,  tout  à  fait  approprié  à  son  physique  et  à  la  nature  de  son 
talent.  Elle  a  chanté  délicieusement  la  Berceuse  du  premier  acte,  et  l'air 
de  l'ombre  lui  a  valu  plusieurs  salves  d'enthousiastes  bravos.  Enfin 
Mlles  Vois  et  Marie  Léon  dans  les  rôles  des  deux  pâtres;  M.  Marchot 
dans  l'air  du  chasseur,  et  M.  Gadilhe  dans  celui  du  faucheur  ont  vail- 
lamment contribué  au  succès  de  cette  belle  représentation. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


***  Bruxelles. —  Dimanche  a  eu  lieu,  dans  la  salle  du  Palais -Ducal,  la 
distribution  des  prix  du  Conservatoire.  La  solennité  a  été  ouverte  par 
un  discours,  après  lequel  M.  Fétis,  revenu  la  veille  de  Paris,  a  procédé 
à  la  lecture  des  récompenses,  aux  acclamations  de  la  foule  compacte 
qui  assistait  à  cette  réunion.  La  distribution  terminée,  le  concert  a 
commencé  par  l'ouverture  cVEuryanthe,  dont  l'exécution  a  été  un  chef- 
d'œuvre  de  précision,  d'ensemble  et  de  vigueur.  Puis  M.  Beyer,  lauréat 
de  cette  année,  a  exécuté  le  quatrième  concerto  de  son  maître,  M.  Léo- 
nard. C'est  une  œuvre  des  plus  remarquables,  où  la  simplicité,  la  gran- 
deur de  style  sont  jointes  à  de  grandes  difficultés  artistiques.  De  cha- 
leureux applaudissements  ont  été  prodigués  à  l'exécutant,  digne  élève 
de  la  grande  école  du  violon  belge,  et  l'on  ne  saurait  trop  apprécier  le 
maître  qui  les  forme.  La  séance  a  été  terminée  par  la  trans- 
cription de  la  romance  Une  larme,  de  Lafont,  par  Servais,  admirable- 
ment rendue  par  Mlle  Detry,  premier  prix  de  violoncelle  de  cette  année; 
encore  une  jeune  élève  dont  M.  Servais  doit  être  fier!  excellente  musi- 
cienne, elle  possède  un  talent  de  virtuosité  extraordinaire.  Deux  mor- 
ceaux de  chant,  interprétés  par  Mlles  Lambelé,  soprano,  et  Weusten, 
contralto,  complétaient  le  programme  du  concert.  —  M.  et  Mme  Léo- 
nard sont  toujours  les  artistes  recherchés  par  les  sociétés  philharmo- 
niques, aux  programmes  desquelles  ils  apportent  un  puissant  concours. 
Ils  se  faisaient  dernièrement  entendre  à  la  Maatschappy  der  Toonkunst, 
de  la  Haye,  puis  à  la  Société  philharmonique  de  Cambrai,  et  nous  ap- 
prenons que  celle  d'Amiens  et  plusieurs  autres  vont  bientôt  les  possé- 
der. Ce  succès  n'étonnera  aucune  des  personnes  qui  ont  entendu  M.  et 
Mme  Léonard,  dont  le  talent  a  le  privilège  d'exciter  partout  l'enthou- 
siasme. A  la  Haye,  l'air  de  la  Traviata,  un  air  de  Haendel  et  les  varia- 
tions du  Toréador  d'Adam  ;  à  Cambrai,  l'air  de  Lucie,  la  valse  de  Ven- 
zano  et  les  variations  du  Carnaval  de  Venise  de  la  Reine  Topaze,  chantés 
par  la  femme  avec  une  perfection  sans  égale,  soulevaient  des  applau- 
dissements sans  fin,  tandis  que  le  mari  triomphait  non  moins  brillam- 
ment par  l'exécution  d'un  concerto  de  Viotti,  de  deux  magnifiques  fan- 
taisies de  sa  composition  sur  des  motifs  de  Donizetti  et  de  Mozart,  et 
particulièrement  par  le  rondo  d'un  concerto  de  Viotti  et  un  petit  bijou 
de  Tartini,  la  Tristezza.  M.  Léonard  porte  loin  la  renommée  du  Con- 
servatoire belge  et  de  ses  professeurs. 

***  Aix-la-Chapelle.  —  La  société  de  chant  Concordia  vient  de  célé- 
brer le  vingt-cinquième  anniversaire  de  sa  fondation  par  un  festival 
qui  a  duré  plusieurs  jours.  Ce  qui  distinguait  cette  réunion    de   tant 


DE  PARIS. 


391 


d'autres  qui  ont  si  fréquemment  lieu  en  Allemagne,  c'est  que  presque 
toutes  les  compositions  qu'on  y  a  exécutées  étaient  inédites  et  en 
grande  partie  composées  exprès  pour  la  circonstance.  Dans  le  nombre 
se  faisaient  remarquer  en  première  ligne  les  scènes  de  la  Friethyofs-Sctge 
de  Max  Bruch,  et  une  Lorelei  de  Ferdinand  Hiller.  —  Plusieurs  autres 
sociétés  de  la  ville  et  des  environs  s'étaient  jointes  à  la  Concordia,  de 
manière  que  le  nombre  des  exécutants  s'est  élevé  à  quatre  cent  soixante- 
douze,  et  c'est  surtout  dans  l'Hymne  à  Bacchus  de  Mendelssohn  qu'on  a 
le  plus  admiré  la  puissance  de  ces  nombreux  et  excellents  chanteurs. 
Du  reste,  ce  n'est  pas  seulement  dans  sa  patrie  que  la  Concordia  est 
citée  parmi  les  meilleures  sociétés  chorales,  c'est  même  hors  de  l'Alle- 
magne, à  Lille,  à  Anvers,  à  Liège,  qu'elle  s'est  fait  remarquer,  et  qu'elle 
a  obtenu  de  nombreuses  couronnes  dans  les  différents  concours  de 
chant  auxquels  elle  assistait. 

„**  Amsterdam. —  Le  19  novembre,  a  eu  lieu  dans  la  grande  salle  du 
Parc,  sous  le  patronage  de  S.  M.  la  reine  des  Pays-Bas  et  la  direction 
de  M.  Berlyn,  un  beau  concert,  au  béuéfice  de  la  Société  des  orphelins. 
On  y  a  entre  autres  exécuté  des  fragments  de  l'opéra  de  M.  Berlyn,  les 
Mineurs,  et  une  grande  fantaisie  pour  orchestre  de  sa  composition  avec 
chœurs,  au  nombre  de  cent  vingt  voix.  Ces  morceaux  ont  été  chaleu- 
reusement applaudis  et  M.  berlyn  a  été  rappelé.  MM.  de  Graan,  violo- 
niste, et  Heuckeroth,  trombone,  qui  lui  prêtaient  leur  concours,  ont 
été  accueillis  par  l'auditoire  avec  une  faveur  marquée. 

%*i,  Cologne.  —  Dans  la  troisième  séance  des  concerts  du  Gurzenich, 
M.  Ferd.  Hiller,  qui  dirige  avec  tant  de  talent  ces  concerts,  a  offert  à 
ses  abonnés  la  surprise  d'une  œuvre  entièrement  inédite  de  Cherubini. 
C'est  un  Agnus  Dei  et  Da  nobis  pacem  pour  chœur  et  orchestre.  Cette 
précieuse  relique  appartient  à  M.  Ferd.  Hiller  à  qui  elle  a  été  offerte 
par  l'immortel  compositeur  lui-même.  Le  manuscrit  porte  sur  le  titre 
de  la  main  même  de  Cherubini  :  «  Agnus  Dei  à  quatre  parties  avec,  accom- 
pagnement à  G.  0.  (grand  orchestre),  composé  à  Paris  par  L.  Cherubini 
et  offert  par  le  même  à  son  cher  ami  Ferdinand  Hiller.  »  Mais  ce  n'est  pas 
seulement  comme  pièce  curieuse  que  ce  morceau  a  si  vivement  inté- 
ressé, c'est  parce  que  c'est  en  même  temps  une  des  plus  belles  pages  de 
l'œuvre  de  Cherubini,  si  riche  en  magnifiques  compositions  do  musique 
religieuse. — Joachim  s'est  fait  entendre  dansle  même  concert;  il  a  joué 
le  concei'to  ii°  6  de  Spolir,  et  comme  la  veille  à  Aix-la-Chapelle,  comme 
partout,  le  jeu  magistral  de  cetéminent  violoniste  a  été  accueilli  avec 
enthousiasme.  On  a  exécuté  ensuite  une  des  œuvres  de  Beethoven  qu'on 
a  le  plus  rarement  l'occasion  d'entendre,  sa  fantaisie  op.  80  pour 
piano,  chœur  et  orchestre;  c'est  Ferd.  Hiller  lui-même  qui  s'était  chargé 
de  la  partie  de  piano.  Les  morceaux  pour  orchestro  étaient  l'ouverture 
çYHamlet  de  Gade  et  la  huitième  symphonie  de  Beethoven  (en  fa).  —  A 
propos  de  cet  intéressant  concert  nous  trouvons  dans  le  compte  rendu 
qu'en  donne  la  Niedcr-Rheinische  Musick-Zeitung,  —  par  parenthèse 
l'une  des  mieux  rédigées  des  trop  nombreuses  feuilles  musicales  qui 
se  publient  en  Allemagne  et  qui  paraît  à  Cologne  même,  —  nous  y 
trouvons,  disons-nous,  une  phrase  qui  nous  a  causé  le  plus  vif  éionne- 
ment.  Notre  confrère  y  parle  de  la  lassitude  (abspannung)  qu'on  com- 
mence à  éprouver  à  entendre  toujours  les  mêmes  symphonies  de  Bee- 
thoven, la  lre,  2e,  h',  5e,  et  surtout  !a  pastorale.  Où  en  est  donc,  grand 
Dieu  I  la  musique  en  Allemagne  si  l'on  y  éprouve  de  la  lassitude  en 
entendant  les  symphonies  de  Beethoven  ! 

**„,  Dresde.  —  Au  théâtre  de  la  Cour  on  a  représenté  pour  la  pre- 
mière fois  la  tragédie  Œdipe  Roi,  de  Sophocle,  avec  musique  de 
F.  Lachner.  On  reproche  à  la  composition  musicale  une  certaine  mo- 
notonie, mais  on  lui  reconnaît  le  mérite  d'une  excellente  facture  et 
d'expression  dramatique  souvent  réussie.  Le  succès  n'a  pas  été  douteux. 

»%  Leipzig.  —  Au  septième  concert  du  Gewandhaus  on  a  exécuté 
une.  symphonie  de  Norbert  Burgmuller,  qui  a  obtenu  un  très-grand 
succès,  ainsi  qu'une  Toccata  de  J.  B.  Bach,  écrite  pour  orgue  et  habi- 
lement instrumentée  par  H.  Esser. 

^%  Gênes.  —  L'opéra  nouveau  du  maestro  Ferrari ,  il  Cadelto  di 
Guascogna,a.{&'d  enfin  son  apparition  sur  le  théâtre  Carlo-Felice  ;  il  serait 
téméraire  de  vouloir  juger  cet  opéra  d'après  une  seule  audition;  nous 
dirons  pourtant  que  nous  y  avons  reconnu  la  touche  de  l'auteur  de 
Filippo  11  et  de  el  Matrimonio  per  concorso.  L'auditoire  était  nombreux  et 
les  interprètes  de  l'œuvre  ont  été  fort  applaudis  et  rappelés  une  dizaine 
de  fois. 

t%  Rome.  —  La  première  représentation  de  Gli  Ugonotti  était  si  im- 
patiemment attendue  que  dès  le  matin  où  elle  a  été  annoncée,  il  ne 
restait  plus  une  place  à  louer  au  théâtre  Argentina.  Quoique  le  titre  en 
eût  été  changé  pour  celui  de  Renato  de  Groenivald;  quoique  le  livret 
fût,  disait-on,  devenu  une  chose  sans  nom ,  l'immense  réputation 
du  maître  avait  excité  au  plus  haut  point  la  curiosité  publique.  Son  at- 
tente n'a  pas  été  trompée.  Quelle  conception,  quelles  hardiesses,  quelle 
philosophie,  quelle  puissance  dramatique  !  Mais  aussi  quelle  profonde 
impression  sur  les  auditeurs  !  Le  duo  seul  du  quatrième  acte  vaut  à  lui 
seul  un  opéra  tout  entier.  Si  le  succès  a  été  enthousiaste,  l'exécution 


a  été  admirable.  Qui  pouvait  mieux  que  Mme  Moro  rendre  le  caractère 
passionné  de  Valer.tine '.'  qui  pouvait  faire  un  plus  magnifique  Raoul  que 
Tasca'!  Quel  page  plus  distingué,  plus  sympathique  pouvait-on  choisir 
que  Mme  Trebelli  ?  Enfin,  qui  pouvait  plus  artistiquement  que  Bremond 
représenter  Marcel,  ce  diamant  brut  enchâssé  dans  du  fer  ?  Enfin,  dans 
les  autres  rôles,  pouvait-on  choisir  mieux  que  Mmes  Lanzi,  Storti  et 
Rossi-Galli,  pour  Marguerite,  Nevers  et  Saint-Bris  ?  Aussi  ont-ils  tous 
rivalisé  de  talent  pour  se  mettre  à  la  hauteur  de  l'œuvre  qu'ils  étaient 
appelés  à  nous  faire  connaître,  et  ont-ils  trouvé  dans  les  applaudisse- 
ments enthousiastes  du  public  la  récompense  de  leurs  efforts.  11  ne  les 
a  d'ailleurs  pas  ménagés,  et  si  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  rencon- 
tré sur  notre  scène  un  nouveau  triomphe,  ce  triomphe  a  du  moins  re- 
jailli largement  sur  les  consciencieux  artistes  qui  se  l'étaient  si  bien 
assimilé. 


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*  * 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Auteur  du  système  d'organisation  et  fournisseur  breveté  de  la  musique  des  Guides   et  des  autres  régiments 
de  la  Garde  impériale.  —  Inventeur  des  instruments  à  pavillon  tournant,   des  instruments  à  six  pistons  in- 
dépendants, des  nouvelles  timballes,  des  Saxhorns,  des  Saxophones,  etc.,  etc.  /TT^Q 

Tous  l.s  instrument:  portent  le  nom  :  Adolphe  Sax.  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur, 

le  numéro  d'ordre  lie  l'initrnmenl  et  le  poinçon  ci-après  :  jkV' 

SEULE  GRANDE  MÉDAILLE  D'HONNEUR  AUX  EXPOSITIONS  INTERNATIONALES  DE  1851  ET  1855,  ETC., 


Saxophone 
alto  III  bémol. 


Extraits  des  rapports  des  jurys  internationaux  des  Expositions   universelles  de   1851, 
et  1862,  relatife  aux.  Saxophones  (BREVET  DE  184G). 

ce Parmi    les   inventeurs   d'instruments  de    musique,  la  plus   haute   distinction  est  due  au  mérite  de 

M.  Sax,  qu'on  le  considère  soit  sous  le  rapport  de  la  variété  et  de  l'excellence,  soit  sous  celui  de  l'utilité  de 

ses  inventions M.  Sax  a  aussi  créé  la  classe  des  saxophones,  instrument  de  cuivre  avec  un  bec  à  anche 

simple,  dans  le  genre  de  celui  de  la  clarinette.  L'effet  de  ces  nouveaux  instruments  est  d'un  charme  égal  à 
l'originalité  de  leur  son,  et  ils  portent  au  plus  haut  degré  de  perfection  la  voix  expressive Les  instru- 
ments exposés  par  M.  Sax,  de  Paris,  réalisent  un  grwd  progrès.  »  {Exposit.  4851.) 

«  Famille   complète   des    Saxophones,  inventés»  An  M.  Adolphe  Sax.  — L'instrument  se  joue  avec 

facilité,  car  le  doigté,  semblable  à  celui  des  instruments  qui  octavient,  est  peu  différent  de  celui  de  la  flûte  ou 
du  hautbois.  Les  clarinettistes  parviennent  en  peu  de  temps  à  le  bien  jouer,  à  cause  de  l'analogie  d'embou- 
chure avec  leur  instrument  habituel.  Le  son  du  saxophone  est  le  plus  beau,  le  plus  sympathique  qu'on  puisse 
entendre.  Son  timbre  n'est  celui  d'aucun  autre  instrument.  Mélancolique,  il  est  mieux  adapté  au  chant  ou  à 
l'harmonie  qu'aux  traits  rapides,  quoique  son  articulation  soit  très-prompte,  et  que  nous  ayons  entendu  le  très- 
habile  clarinettiste  Wuille  exécuter  sur  le  saxophone  un  solo  rempli  de  grandes  difficultés,  avec  beaucoup  de 
succès.  Susceptible  de  toutes  les  nuances  d'intensité,  le  saxophone  peut  passer  du  pianissimo  le  plus  absolu  au 
son  le  plus  énergique  et  le  plus  puissant.  Ce  bel  instrument,  dont  on  n'a  pas  compris  jusqu'à  ce  moment  toutes  "c 

les  ressources,  compose  une  famille  complète  qui  se  divise  en  huit  variétés,  lesquelles  sont  toutes  à  la  quinte  ou  à  l'octave  les  unes  des  autres L'examen  attentif 

de  la  famille  des  saxophones  révèle  des  faits  de  haute  importance  :  car  cet  instrument  est  nouveau  par  les  proportions  de  ses  tubes,  par  sa  perce,  par  son  embou- 
chure et  particulièrement  par  son  timbre.  Il  est  complet,  car  il  embrasse  toute  une  famille  de  huit  variétés,  de  l'aigu  au  grave,  qui,  dans  leur  ensemble,  renferment 
tout  le  diagramme  des  sons  perceptibles.  Enfin,  il  est  parfait,  .soit  qu'on  le  considère  au  point  de  vue  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  soit  qu'on  l'examine  dans  son 
mécanisme°  Tous  les  autres  instruments  ont  leur  origine  dans  la  nuit  des  temps  ;  tous  ont  subi  de  notables  modifications  à  travers  les  âges  et  dans  leurs  migra- 
tions ;  tous  enfin  se  sont  perfectionnés  par  de  lents  progrès  ;  celui-ci,  au  contraire,  est  né  d'hier  ;  il  est  le  fruit  d'une  seule  conception,  et  dès  le  premier  jour  il  a 
été  ce  qu'il  sera  dans  l'avenir.  Le  jury  n'a  que  des  éloges   à  donner  a  M.  Adolphe  Sax  pour  une  si  belle  découverte.  i>  {Exposit.  1833.) 

<c  M.  Adolphe  Sax  nous  a  fait  entendre  sa  famille  si  intéressante  de  saxophones,  dont  la  sonorité  ronde  et  charmante  joue  un  rôle  si  utile  dans  nos  musiques  mi- 
litaires. Le  jury  a  également  apprécié  la  pureté  et  la  justesse  de  ses  clarinettes  et  la  belle  sonorité  de  ses  clarinettes  basses,  instruments  que  M.  Sax  a  régénérés 
depuis  'longtemps,  et  dont  les  autres  facteurs  ont  en  vain  essayé  de  reproduire  le  timbre  distingué.  On  a  également  apprécié  le  son  moelleux  de  sa  clarinette  contre- 
basse  »  {Exposit.  1862.) 

Par  décision  impériale  du  5  mars  1855,  les  musiques  de  la  Garde  et  tontes  les  musiques  d'infanterie  de  la  ligne,  composées  de  quarante  musiciens,  ont  huit  Saxo- 
phones en  double  quatuor.  —  L'introduction  des  Saxophones  dans  les  musiques  de  fanfare  produit  des  résultats  tels,  que  la  plupart  des  régiments  de  cavalerie,  pour 
lesquels  ils  ne  sont  pas  ordonnancés,  les  ont  cependant  adoptés,  et  en  font  l'achat  en  dehors  des  fonds  alloués  pour  leur  musique. 

Les  prix   des  saxophones  sont  les  suivants  : 
Saxophone  soprano,  «OO  fr.—  Saxophone  ténor,  «S5  fr.— Saxophone  alto,  «»5  fr.—  Saxophone  baryton,  «5©  fr. 

La  maison  Adolphe  Sax  peut  livrer  à  un  prix  inférieur  une  certaine  quantité  de  saxophones  d'occasion,  sopranos,  altos,  ténors  et  barytons  à 
l'ancien  diapason.  —  Les  sociétés  et  les  clients  qui  ne  pourraient  pas  solder  immédiatement  leurs  commandes  obtiendront  un  assez  long  crédit, 
pourvu  qu'ils  fournissent  une  garantie  de  solvabilité  suffisante,  et  moyennant  une  augmentation  de  6  pour  100  sur  les  prix. 

Pour  les  propriétés  et  les  avantages  des  autres  inventions  de  M.  Adolphe  Sax,  consulter  la  notice  qui  se  distribue  chez  lui,  50,  rue  Saint-Georges . 


PRIX  ACCORDE   A    L  UNANIMITE   A    I  EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE   LONDRES   1851. 


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Guerre  et  de  la  Marine  de  France. 


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Exposition  Universelle  de  Londres  1862 

MM.  les  Membres  du  Jury  International  décernent  la  Médaille  à 

ANTOINE  COURTOIS 


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A    l'exposition    UNIVERSELLE   de  paris  1855. 


facteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  Impériale  de  Paris. 


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11  Décembre  181,4. 


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Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger, 

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REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

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Le  Journal  parmi  le  Dimanche 


GAZETTE  MUSICALE 


DE     PARIS 


1865  PRIMES  .S«5 

Offertes     aux    Abonnés    de    la    REVUE    ET    GAZETTE    MUSICALE 

à  l'occasion  du  renouvellement  de  l'année  1865  et  de  la 

32e  année  de  son  existence  : 

MAGNIFIQUE  PORTRAIT  LITHOGRAPHIE 

DE 

G,    MEYERBEER 

lfcessiné  par  Hïcsniaisoiis,  avec  encadrement  de  Barbizel. 

Tiré  sur   papier   vélin,   grand  format. 


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Quarante    Mélodies 

A  une  et  à  plusieurs  voix,  composées  par 


Et  arrangées  pour  le  PIANO  SEUL  par  Amédée  ïïéreaux. 
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contenant  un  choix  de  Morceaux,  nouveaux  de 

MUSIQUE    DE    DANSE 

Des  Auteurs  les  plus  en  vogue,  contenant: 

Jacqueline,  valse   par J.  Offenbacii. 

Souvenir  de  Monaco,  polka  par Ardas. 

Sans  nom,  polka-mazurka  par Comradi. 

Souvenir  de  Thoni,  mazurka  par W.  Grahn. 

lia  Discrète,  polka  par Heinsdorff. 


Ces  Primes  seront,  à  partir  d'aujourd'hui,  à  la  disposition  de 
toutes  les  personnes  qui  prendront  un  abonnement  d'une  année. 

Le  portrait  de  Meyerbeer  étant  d'une  dimension  qui  ne  permet  pas 
de  le  plier  et  de  l'envoyer  sous  bande  par  la  poste,  la  direction  prie 
MM.  les  Abonnés  de  province  de  le  faire  prendre  au  bureau  de  la 
Gazette  musicale. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  Moïse,  rentrée  de  Mlle  Battu.  — 

—  Théâtre  Lyrique  impérial  :  Bégaiements  d'amour,  opéra-comique  en  un 
acte,  paroles  de  MM.  Deulin  et  de  Najac,  musique  de  Albert  Grisar ,  le  Cousin 
Babylas,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  M.  Emile  Caspers,  musique  de 
M.  Henri  Caspers,  par  Léon  Durocher.  —  Société  des  concerts  du  Con- 
servatoire impérial  de  musique  :  première  séance  extraordinaire,  par  le  même. 

—  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  an- 
nonces. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

Moïse. 
Rentrée  de  Mlle  Battu. 

On  se  rappelle  avec  quel  éclat  fat  remonté  l'hiver  dernier  par 
M.  Perrin  ce  chef-d'œuvre  de  Rossini.  On  se  rappelle  surtout  com- 
ment s'y  révéla  dans  le  rôle  d'Anaï  Mlle  Battu,  dont  les  qualités 
ne  s'étaient  jusque-là  fait  apprécier  que  dans  le  chant  italien,  et  qui 
dans  cette  soirée  se  plaça  d'emblée  au  premier  rang  des  cantatrices 
de  notre  grande  scène  lyrique  ;  on  se  souvient  enfin  que  le  départ 
pour  Londres  de  Mlle  Battu  et  de  Faure  avait  interrompu  cette  re- 
prise, alors  qu'elle  était  en  plein  succès.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de 
s'étonner  que  la  représentation  de  Moïse  donnée  mercredi  ait  attiré 
une  assemblée  aussi  nombreuse  que  brillante,  dont  l'attente  n'a  d'ail- 
leurs pas  été  déçue,  Aucun  changement  n'ayant  eu  lieu  dans  la  dis- 
tribution des  rôles,  le  public  n'a  eu  qu'à  applaudir  une  admirable 
interprétation  et  il  n'y  a  pas  failli.  De  leur  côté  les  artistes  ont  large- 
ment justifié  ces  applaudissements.  Faure,  en  même  temps  qu'il  dé- 
ploie dans  le  rôle  de  Pharaon  toute  l'ampleur  de  sa  belle  voix  et 
toute  la  perfection  de  sa  méthode,  a  su,  dans  ses  gestes,  dans  sa 
démarche,  dans  son  costume,  donner,  au  plus  haut  point,  au  roi 
d'Egypte  le  caractère  de  grandeur  et  de  puissance  asiatiques  qu'on  se 
représente  dans  la  race  des  Pharaons.  Le  duo  du  deuxième  acte,  dit 
avec  Warot,  a  provoqué  les  plus  chaleureux  applaudissements. 
Mlle  Battu,  qui  depuis  deux  mois  est  tout  entière  aux  études  de 
l'Africaine,  s'est  montrée  encore  en  progrès  sur  l'effet  qu'elle  avait 
produit  cet  hiver  dans  le  rôle  d'Anaï,  et  sa  rentrée  a  été  pour  elle 


394 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


un  véritable  triomphe.  Sa  voix  semble  avoir  gagné  en  puissance,  et 
elle  dominait  distinctement  l'ensemble  du  magnifique  finale  du  troi- 
sième acte.  Mais  c'est  surtout  dans  son  grand  air  du  quatrième  que 
la  jeune  artiste  a  confirmé  l'opinion  qu'on  avait  conçue  de  son  talent. 
Il  est  impossible  de  mettre  dans  ce  morceau  plus  d'art  et  de  goût, 
plus  de  sentiment  et  d'expression,  plus  de  douceur  et  d'éclat;  aussi 
a-t-elle  été  applaudie  avec  transport  et  rappelée  deux  fois. 

Obin  s'est  montré  grand  et  majestueux  dans  le  rôle  de  Moïse;  on 
voit  qu'il  en  a  fait  une  étude  consciencieuse,  et  il  l'a  remarquable- 
ment empreint  de  la  couleur  biblique;  sa  voix  large  et  puissante 
complète  cette  création  qui  compte  parmi  ses  meilleures.  Son  succès 
a  été  aussi  grand  que  mérité. 

De  justes  applaudissements  ont  à  plusieurs  reprises  accueilli  Warot, 
excellent  chanteur,  qui  dans  le  rôle  d'Aménophis  a  eu  de  très-beaux 
moments  ;  Mlle  de  Taisy,  dans  celui  de  Sinaïde,  un  des  plus  impor- 
tants qu'elle  ait  chantés  à  l'Opéra,  a  vaillamment  concouru  à  l'en- 
semble. Nous  nous  répéterions  en  parlant  de  la  pompe  du  spectacle 
et  du  divertissement,  dans  lequel  nous  devons  seulement  dire  que 
Mlle  Beaugrand  et  Baratte  dans  un  pas  de  deux,  et  Mlle  Laure  Fonta, 
Fioretti  et  Merante  dans  un  pas  de  trois,  ont  rivalisé  de  grâce  et  de 
légèreté. 

S.  D. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

BÉGABEMETCTS  D'AHOVR, 

Opéra-comique  en  un  acte ,  paroles  de  MM.  Deulin  et  de  Najac, 
musique  de  M.  Albert  Grisar. 

ILE  COUSIN  BABY1LAS, 

Opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  M.  Emile  Caspers, 
musique  de  M.  Henri  Caspers. 

(Premières  représentations  le  8  décembre  1864.) 

Deux  pièces  nouvelles  dans  une  seule  soirée  !  C'est  une  économie 
pour  le  théâtre,  qui  fait  ainsi  à! une  pierre  deux  coups,  ou  bien,  en 
d'autres  termes,  qui,  pour  deux  ouvrages,  ne  fait  qu'une  seule  fois 
ce  qu'on  appelle  le  service  des  journaux. 

Et,  en  même  temps,  c'est  une  attention  délicate  pour  ces  journaux, 
dont  on  n'oblige  qu'une  seule  fois  les  rédacteurs  à  se  transporter,  à 
travers  la  pluie,  le  brouillard  et  le  macadam, 
Sur  les  bords  fleuris 
Qu'arrose  la  Seine. 

Long  voyage,  pour  lequel  on  devrait  bien  organiser  un  service  de 
transport  en  commun,  avec  billets  d'aller  et  retour  !  En  attendant 
que  les  progrès  de  la  civilisation  aient  fait  naître  une  institution  si 
utile,  racontons  en  peu  de  mots  la  mémorable  aventure  de  la  char- 
mante Caroline  et  de  l'ingénieux  Polynice  de  Toquandal. 

Caroline  est  veuve.  Mais  elle  est  jeune,  gracieuse,  piquante  tout 
juste  autant  que  Mme  Faure-Lefèvre.  Mais  à  tous  ces  attraits  se  joint 
un  défaut,  car  la  perfection  n'est  pas  de  ce  monde.  Caroline  est 
bègue.  Toquandal  qui  est  jeune,  assez  bien  tourné,  et  qui  orne  chaque 
fois  de  ses  petits  vers  galants  l'almanach  des  muses  de  la  province, 
est  bègue  aussi.  Caroline  aime  les  vers.  Elle  a  lu  ceux  de  Toquandal, 
et  ne  les  lui  a  jamais  entendu  réciter.  Son  imagination  s'est  enflammée 
pour  cet  Apollon  poitevin.  Elle  a  noué  avec  lui  une  correspondance 
qui,  par  degrés,  est  devenue  tendre,  et  la  voilà  au  dénoûment  de 
son  roman  par  lettres,  c'est-à-dire  à  la  première  entrevue.  Grand 
embarras  des  deux  côtés.  Je  passe,  pour  abréger,  sur  les  précau- 
tions, les  détours,  les  déguisements  auxquels  chacun  a  recours  pour 
retarder  le  plus  possible  l'aveu  de  son  infirmité.  Il  n'en  faut  pas 
moins  qu'ils  arrivent  au  moment  critique,  à  la  seule  scène  que  le 


bizarre  sujet  peut  donner,  à  cet  inévitable  entretien  où  le  premier 
interlocuteur  bégaye,  où  le  second  répond  en  bégayant,  où  le  pre- 
mier croit  que  le  second  s'est  moqué  de  lui,  où  le  second  accuse  le 
premier  du  même  méfait,  où  des  deux  côtés  on  s'emporte,  où,  au  lieu 
de  se  dire  des  douceurs,  on  s'injurie,  jusqu'à  ce  qu'un  mutuel  aveu 
apaise  la  querelle,  et  démontre  aux  belligérants  qu'ils  formeront  le 
couple  le  mieux  assorti  dont  l'Opéra-Comique  ait  jamais  donné 
l'exemple.  Si  vous  trouvez,  lecteur,  que  ce  tissu  est  un  peu  mince  et 
que  la  trame  n'est  pas  très-serrée,  on  vous  répondra  que  le  dialogue 
n'y  manque  pas  d'esprit,  et  que  M.  Grisar  y  a  mis  d'élégantes  et 
fines  broderies.  On  sait  combien  M.  A.  Grisar  a  le  chant  facile  et 
l'harmonie  légère.  On  sait  que  la  muse  comique  ne  lui  refusa  jamais 
rien.  Il  a  profité  de  ces  faveurs  en  enfant  gâté.  Si  vous  aimez  la 
musique  leste,  vive,  spirituelle  sans  recherche  et  sans  apprêt,  allez 
entendre  les  petits  airs  et  les  petits  duos  sémillants  de  Polynice  et 
de  Caroline,  ou,  si  vous  le  préférez,  de  M.  Fromant  et  de 
Mme  Faure,  qui  rendent  ce  petit  ouvrage  aussi  bien  que  vous  pouvez 
l'imaginer.  On  n'a  pas  plus  d'esprit,  de  tact,  de  finesse  et  de  grâce 
que  Mme  Faure-Lefèvre. 

Le  cousin  Babylas  est  un  benêt  qui  s'est  soumis,  on  ne  sait  trop 
pourquoi,  aux  expériences  du  docteur  ***.  Cet  homme  terrible  fait 
avaler  à  Babylas  tous  les  médicaments  connus  et  inconnus,  afin  de  le 
préserver  de  toutes  les  maladies  qu'il  n'a  pas,  mais  qu'il  pourrait 
avoir.  Le  patient  y  a  perdu  toute  la  santé  qu'il  avait.  Il  n'a  plus  ni 
force,  ni  appétit,  ni  sommeil;  plus  de  muscles  sous  sa  peau,  plus  de 
sang  dans  ses  artères.  Pour  le  dédommager,  son  bourreau  lui  a  pro- 
mis la  main  de  sa  pupille  Isabelle,  à  qui  ce  spectre  ne  peut  inspi- 
rer que  de  l'horreur.  Elle  aime  un  Léandrn  quelconque,  lequel  se 
déguise  en  Crispin,  Scapin  ou  Sganarelle  pour  s'introduire  dans  la 
maison,  bafouer  le  tuteur  et  enlever  la  pupille.  C'est  Figaro  opérant 
pour  son  propre  compte.  Mais  il  a  affaire  à  un  redoutable  Bartholo, 
qui  lui  fait  boire  un  narcotique,  et  veut  absolument  lui  ouvrir  le 
crâne  pour  savoir  ce  qu'il  y  a  dedans.  Le  docteur  enragé  n'a  donc 
pas  fait  son  cours  d'anatomie  ?  Un  mariage  sert  de  conclusion  à  tou- 
tes ces  folies  quand  le  moment  de  finir  est  arrivé,  et,  comme  on  a  ri 
depuis  l'ouverture  jusqu'au  dénoûment,  on  ne  songe  guère  à  deman- 
der à  l'auteur  compte  de  ceci,  de  cela,  de  vingt  autres  choses  encore. 
Un  médecin  pourrait  seul  être  tenté  de  lui  chercher  querelle.  Mais 
les  médecins  sont  gens  d'esprit,  pour  la  plupart,  et  partant,  gens  de 
bonne  composition  ;  si  bien  que  tout  le  monde  s'en  va  content. 

D'autant  plus  content,  que  la  musique  est  presque  aussi  gaie  que 
les  paroles. 

Elle  n'en  reste  pas  pour  cela  plus  mauvaise.  Elle  a  de  la  vivacité, 
du  mouvement,  de  l'entrain,  elle  chante  toujours,  et  les  motifs  heu- 
reux n'y  sont  pas  rares.  L'ouverture  ressemble  peut-être  un  peu  trop 
à  ce  qu'on  appelait  autrefois  un  pot-pourri  :  elle  manque  d'unité. 
Mais  elle  est  animée,  et  l'instrumentation  en  est  brillante.  La  séré- 
nade qui  suit  l'ouverture  est  fort  jolie,  ainsi  que  les  couplets  à  deux 
mouvements  d'Isabelle.  Ceux  de  Babylas  :  Lorsque  fêtais  dans  mon 
village,  sont  heureusement  trouvés  et  d'un  excellent  comique.  Il  y  a 
un  incontestable  talent  dans  le  quatuor,  dans  le  duo  entre  Isabelle 
et  son  amant,  dans  le  duo  entre  celui-ci  et  le  docteur.  Bref,  cet 
ouvrage,  très-agréable  d'un  bout  à  l'autre,  a  été  vivement  applaudi, 
et  le  méritait  à  tous  les  égards. 

C'est  encore  M.  Fromant  qui  joue  le  rôle  de  l'amant  déguisé  en 
valet.  Il  y  force  un  peu  trop  sa  voix,  et  il  n'y  a  pas  toute  la  légèreté 
désirable.  Mais  il  est,  comme  acteur,  très-amusant,  M.  Wartel,  dans 
le  rôle  du  docteur,  se  montre  excellent  comédien.  Il  faut  faire  le 
même  compliment  à  M.  Gerpré,  qu'on  applaudissait  jadis  aux  Bouffes- 
Parisiens,  et  qui  est  parfait  dans  le  rôle  du  cousin  Babylas.  Celui 
d'Isabelle  est  rempli  par  une  jeune  artiste  qui  est  depuis  deux  ans 
au  théâtre  Lyrique,  mais  qu'on  n'y  avait  pas  encore  chargée  d'une 
tâche  aussi  importante.  Elle  s'en  acquitte  à  merveille  :  actrice  adroite 


DE  PARIS. 


395 


et  piquante  ;  chanteuse  agréable,  prononçant  à  merveille ,  vocalisant 
avec  beaucoup  de  hardiesse  et  de  facilité.  11  y  a  des  voix  plus  vigou- 
reuses, plus  sonores  que  la  sienne,  mais  elle  tire  un  très- bon  parti 
de  l'instrument  que  la  nature  lui  a  donne.  Que  de  cantatrices  mieux 
traitées  par  la  nature,  et  dont  on  n'en  pourrait  pas  dire  autant  ! 

Léon  DUROCHER. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS 

DU     CONSERVATOIRE    IMPÉRIAL.    DE    HUSIQUE. 

Première  séance  extraordinaire. 

Honorer  la  mémoire  d'un  grand  artiste,  c'est  honorer  l'art  au- 
quel on  s'est  dévoué  comme  lui  ;  c'est  s'honorer  soi-même.  La  So- 
ciété des  concerts  du  Conservatoire  avait  déjà  donné,  il  y  a  deux  ans, 
ce  bel  exemple,  en  consacrant  une  séance  extraordinaire  à  la  mé- 
moire de  Cherubini.  Elle  vient  de  le  renouveler  dimanche  dernier, 
aux  applaudissements  de  tout  ce  qui,  à  Paris,  s'intéresse  à  l'art 
musical.  Cette  première  séance  a  été  consacrée  à  la  mémoire  de 
G.  Meyerbeer. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  tous  les  billets  avaient  été 
pris  d'avance.  Les  portes  à  peine  ouvertes,  la  salle  s'est  immédia- 
tement remplie.  Avec  la  symphonie  en  ré  de  Beethoven,  lin  fragment 
d'un  beau  quatuor  de  Haydn,  l'air  d'OEdipe  à  Colone  :  Elle  m'a  pro- 
digué sa  tendresse  et  ses  soins,  et  finalement  une  marche  instru- 
mentale de  Mendelssohn ,  le  programme  annonçait  trois  morceaux  du 
maître  :  le  chœur  de  Margherita  d'Angiù,  l'ouverture  du  Pardon 
de  Ploërmel,  et  cette  terrible  scène  des  Huguenots,  qu'on  a  coutume 
d'appeler  le  chœur  de  la  Bénédiction  des  -poignards. 

Margherita  d'Angiù  est  une  œuvre  de  la  jeunesse  de  Meyerbeer. 
Il  l'a  écrite  avant  le  Crociato  in  Egitto.  Il  travaillait  alors  à  s'appro- 
prier les  procédés  et  le  style  de  l'école  italienne.  Il  pliait  son  génie 
allemand  à  cette  allure  vive  et  leste,  à  ces  formes  élégantes  qui 
forment  le  caractère  général  de  la  musique  d'outre-monts,  comme  il 
devait  s'assimiler  plus  tard  les  qualités  distinctives  de  notre  musique 
nationale,  et  se  mettre  ainsi  en  mesure  de  produire  les  chefs-d'œuvre 
dont  il  a  doté  nos  théâtres.  Car  personne  ne  saurait  nier  que  son 
style  à  lui,  si  original  et  si  fortement  individuel,  ne  soit  la  fusion  et 
comme  le  résumé  du  style  des  trois  écoles  qui  se  partagent  l'Europe 
musicale. 

Margherita  d'Angiù,  malgré  le  brillant  succès  qu'elle  avait  obtenu 
en  Italie,  n'a  jamais  été  exécutée  au  théâtre  Italien  de  Paris.  Mais 
on  en  a  joué  à  l'Odéon,  en  1825  ou  1826,  la  traduction,  Marguerite 
d'Anjou,  et  l'exemple  donné  par  l'Odéon  a  été  promptement  imité 
par  toutes  nos  grandes  scènes  départementales.  A  Lyon,  à  Marseille, 
à  Toulouse,  à  Bordeaux,  etc.,  on  a  fait  de  belles  recettes  avec 
Marguerite  d'Anjou. 

Le  chœur  que  la  Société  des  concerts  a  fait  entendre  dimanche 
dernier,  n'est  pas  le  morceau  le  plus  important  ni  le  plus  remar- 
quable de  cette  partition.  C'est  une  composition  vocale  et  instrumen- 
tale d'un  mouvement  calme,  d'une  harmonie  douce,  d'une  expression 
gracieuse  et  tempérée.  C'est  une  scène  champêtre,  un  tableau  pas- 
toral tranquille  et  frais  comme  une  toile  de  Corot.  Tout  y  est  simple 
et  naturel,  l'harmonie  comme  le  chant.  Mais  ce  naturel  et  cette 
simplicité  sont  relevés  par  une  suprême  élégance.  On  voit  seulement, 
à  certains  détails  d'orchestre,  que  l'auteur  était  dès  cette  époque  à  la 
recherche  de  ces  combinaisons  instrumentales  si  neuves,  si  piquan- 
tes, si  variées,  qu'il  a  répandues  avec  tant  de  profusion  dans  ses 
œuvres  postérieures. 

Ces  effets  de  sonorité,  fruits  d'un  génie  inventif  et  inépuisable,  la 
partition  du  Pardon  de  Ploërmel  en  est  pleine,  et  particulièrement 


l'ouverture,  œuvre  originale  entre  toutes,  et  coupée  sur  un  patron 
tout  nouveau.  On  sait  quel  rôle  y  remplit  le  chœur  placé  derrière  la 
toile,  et  jetant  sa  prière  grave  et  recueillie  à  travers  la  tourmente  de 
l'orchestre. 

Au  Conservatoire,  le  chœur  était  relégué  derrière  la  cloison  en 
planches  qui  entoure  l'armée  instrumentale,  et  lui  sert  de  refléleur. 
Il  n'en  a  pas  produit  moins  d'effet  pour  cela,  et  l'on  peut  affirmer 
sans  crainte  d'un  démenti,  que  celte  symphonie  extraordinaire  n'avai 
jamais  été  exécutée  avec  une  telle  précision,  un  tel  éclat,  une  telle 
verve. 

Quant  à  ce  prodigieux  chœur  des  Huguenots,  où  le  fanalisme  rugit 
d'une  façon  si  formidable,  on  l'entend  à  l'Opéra  sans  cesse,  tout  le 
monde  le  sait  par  cœur,  et  nous  pouvons  nous  dispenser  d'en  par- 
ler, si  ce  n'est  pour  dire  qu'il  a  été  parfaitement  rendu,  et  que  l'au- 
ditoire, profondément  ému,  a  demandé  tout  d'une  voix  que  l'on  re- 
commençât. En  effet,  qui  se  lassera  jamais  d'entendre  cette  musique 
sublime  ? 

M.  Faure  a  chanté  l'air  d'OEdipe  à  Colone  avec  cette  voix  sympa- 
thique et  cette  largeur  de  style  que  tout  le  monde  lui  connaît. 

Dans  les  parties  purement  instrumentales  de  ce  beau  concert,  le 
puissant  et  merveilleux  orchestre  a  soutenu  sa  vieille  réputation. 
C'est  tout  ce  qu'il  lui  est  donné  de  faire  à  l'avenir,  car  il  ne  peut 
plus  l'accroître. 

Léon  DUROCHER. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Réouverture  du  théâtre  Beaumarchais  :  Robert  Surcouf,  drame  en 
cinq  actes  et  huit  tableaux,  par  M.  Bernard  Lopez. — Théâtre  Saint- 
Germain  :  les  Petits  du  premier,  opérette  en  un  acte,  de  M.  W. 
Busnach,  musique  de  M.  Emile  Albert;  un  Brigand  comme  on  en 
voit  peu,  vaudeville  de  M.  Lemonnier. 

On  peut  considérer  le  théâtre  Beaumarchais  comme  la  seconde 
conquête  de  la  liberté  des  théâtres.  Ce  n'est  pas  que  cette  scène  soit 
précisément  d'origine  nouvelle  ;  il  y  a  bientôt  trente  ans  qu'elle  fut 
érigée  par  M.  Anténor  Joly,  sous  le  nom  de  théâtre  de  la  Porte- 
Saint-Antoine,  et,  depuis  cette  époque,  Dieu  sait  combien  de  mal- 
heureux impresarii  s'y  sont  succédé,  sans  pouvoir  parvenir  à  fixer 
la  fortune.  Mais  les  temps  sont  changés  ;  le  goût  des  spectacles  a 
fait  d'immenses  progrès  dans  ces  dernières  années,  et  la  démolition 
des  théâtres  du  boulevard  du  Temple  a  supprimé  le  principal  obstacle 
qui  s'opposait  à  la  prospérité  d'une  entreprise  dramatique  dans  les 
parages  lointains  du  Marais.  C'est  donc  sous  l'empire  de  conditions 
nouvelles  et  essentiellement  favorables  que  le  théâtre  Beaumarchais, 
réédifié  de  fond  en  comble,  ouvre  aujourd'hui  ses  portes  au  public. 
Il  a  rompu  toute  espèce  de  solidarité  avec  le  passé,  et  nous  croyons 
être  dans  le  vrai  en  datant  son  existence  de  l'ère  récente  dans 
laquelle  nous  a  fait  entrer  le  décret  sur  la  liberté  théâtrale.  Si, 
malgré  la  grande  latitude  laissée  à  l'exploitation  des  genres,  rien 
n'indique  que  ce  théâtre  doive  appeler  la  musique  à  son  aide,  et  si, 
par  conséquent,  il  échappe  à  notre  spécialité,  nous  n'en  devons  pas 
moins  de  sincères  encouragements  aux  efforts  qu'il  semble  vouloir 
tenter  dans  la  voie  de  l'art  véritable.  Son  directeur,  M.  Dufour,  est 
un  homme  éclairé  qui  a  déjà  fait  ses  preuves  dans  une  autre  carrière, 
où  il  a  acquis  une  fortune  honorable  qu'il  a  résolu  de  consacrer  au 
service  de  celle  qu'il  s'est  choisie.  Aussi  a-t-il  commencé  par  se 
rendre  propriétaire  de  l'ancien  théâtre  Beaumarchais,  et,  sans 
hésiter,  il  y  a  mis  la  pioche  et  le  marteau. 

On  ne  saurait  trop  s'étonner  de  la  transformation  complète  que 
quelques  mois  de  fermeture,  utilement  employés,  ont  fait  subir  à 
cette  salle  étroite,  incommode  et  sombre.  C'est  à  présent  l'un  des 
plus  charmants  théâtres  de  Paris.  Ses   abords   sont    spacieux  ;   son 


396 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


aménagement  intérieur  est  parfait  et  ses  couloirs  suffisamment  longs. 
La  couleur  des  tentures  est  rouge  et  or  ;  les  dessins  du  plafond  s'é- 
talent sur  un  fond  d'azur,  et  toute  cette  décoration  riche  et  de  bon 
goût  sciu  tille  sous  le  feu  de  trois  lustres  et  de  deux  girandoles  d'a- 
vant-scène. Pour  résumer  d'ailleurs  l'importance  des  changements 
opérés  par  l'architecte  de  la  nouvelle  salle,  il  nous  suffira  de  dire 
qu'autrefois  on  y  atteignait  à  grand'peine  un  maximum  de  1,200  fr. 
de  recette,  et  qu'aujourd'hui  on  pourra  dépasser  aisément  le  chiffre 
de  3,000  francs. 

Le  cadre  étant  donné,  il  ne  s'agit  que  de  le  remplir  convenable- 
ment, et  ce  n'est  pas,  même  avec  beaucoup  d'argent,  une  tâche 
aussi  facile.  La  pièce  d'ouverture,  signée  par  M.  Bernard  Lopez,  au- 
quel on  prête  M.  Méry  pour  collaborateur,  témoigne,  à  certains  égards, 
de  cette  vérité  qui  est  malheureusement  applicable  à  bien  d'autres  scènes 
qu'à  celle  du  théâtre  Beaumarchais.  Le  héros  de  cette  pièce  maritime 
est  Robert  Surcouf,  le  célèbre  corsaire  si  connu  des  Anglais.  Les 
auteurs  l'ont  placé  entre  deux  amours,  entre  deux  dévouements,  dont 
l'un  ne  triomphe  que  lorsque  l'autre  a  sombré  dans  une  catastrophe 
sanglante.  Tour  à  tour  sur  terre,  sur  son  navire  ou  dans  l'île  de 
Java,  Robert  Surcouf  traverse  une  foule  de  péripéties  émouvantes, 
mais  peut-être  un  peu  trop  prodiguées.  Quelques  coupures  indispen- 
sables ont  sans  doute,-  à  l'heure  qu'il  est,  amélioré  ce  drame  qui,  du 
reste,  il  faut  en  convenir,  est  monté  avec  un  luxe  de  mise  en  scène 
tout  à  fait  merveilleux.  Les  décors  et  les  costumes  ne  laissent  rien  à 
désirer  ;  le  personnel  est  aussi  nombreux  que  possible  ;  enfin,  la  mu- 
sique de  M.  Blanzy,  et  notamment  une  ballade  chantée  au  sixième 
tableau,  méritent  les  applaudissements  qu'on  ne  leur  a  pas  épargnés. 

Parmi  les  artistes,  nous  en  avons  reconnu  plusieurs  qui  ne  sont 
pas  nouveaux  pour  le  public  ;  Jouanni,  qui  joue  le  rôle  de  Surcouf, 
a  été  pensionnaire  de  la  Comédie  Française  et  de  la  Porte-Saint- 
Martin;  Mlle  Aguillon  vient  en  droite  ligne  de  la  Gaîté;  Mlle  Lau- 
rence Gérard  également,  et  Mlle  Malvina  Brach,  de  l'Odéon.  C'est- 
à-dire  qu'il  y  a  dans  cette  jeune  troupe  des  éléments  de  succès  qui 
finiront,  en  se  coordonnant,  par  créer  une  redoutable  concurrence 
aux  autres  théâtres  de  drames,  qui  n'ont,  sur  le  théâtre  Beaumar- 
chais, que  l'avantage  de  l'ancienneté. 

—  L'activité  paraît  être  à  l'ordre  du  jour  au  théâtre  Saint-Ger- 
main, dont  l'ouverture,  que  nous  avons  mentionnée  récemment,  a 
précédé  tout  au  plus  d'une  semaine  celle  du  théâtre  Beaumarchais. 
Le  spectacle  de  la  première  soirée  a  déjà  été  modifié  par  l'appari- 
tion de  deux  pièces  nouvelles,  à  savoir,  un  vaudeville  et  une  opé- 
rette. Occupons-nous  d'abord  de  cette  dernière  qui,  sous  le  titre  des 
Petits  du  premier,  a  obtenu  de  francs  et  légitimes  bravos.  C'est  une 
bluette  drolatique,  basée  sur  l'erreur  d'un  brave  homme  qui,  au  mo- 
ment d'épouser  une  veuve  avec  enfants,  s'imagine  que  les  Petits  du 
premier,  c'est-à-dire  du  défunt  dont  il  va  prendre  la  place,  sont  des 
marmots  de  l'âge  le  plus  tendre,  et  qui  se  voit  tout  à  coup  sur  les 
bras  deux  grands  garçons,  dont  l'un  est  douanier  et  dont  l'autre  est 
tambour-major  aux  gardes  françaises.  Cette  paternité  imprévue  l'en- 
traîne dans  une  foule  de  tracasseries  plus  ou  moins  facétieuses  qui 
se  terminent,  comme  toujours,  par  un  embrassement  général.  Sur 
cette  donnée,  M.  Emile  Albert,  un  jeune  musicien  d'avenir,  a  brodé 
quelques  morceaux  fins  et  gracieux  qui  ont  presque  tous  reçu  l'ac- 
cueil le  plus  flatteur.  Nous  citerons,  entre  autres,  des  couplets  chan- 
tés par  le  tambour-major  et  que  l'on  a  redemandés,  de  très-jolis 
couplets  pour  voix  de  femme,  sur  un  motif  de  valse,  et  un  trio  co- 
mique dont  les  détails  accusent  une  réelle  entente  du  genre  bouffe. 
Les  paroles  de  cette  opérette  sont  de  M.  Williams  Busnach,  à  qui 
l'on  doit  l'excellente  bouffonnerie  des  Virtuoses  du  pavé. 

Nous  n'avons  que  bien  peu  de  chose  à  dire  du  Brigand  comme 
on  en  voit  peu,  vaudeville  qui  repose  aussi  sur  un  quiproquo  de  per- 
sonne, et  qui  n'a  guère  d'autre  mérite  que  celui  d'être  assez  bien 


joué  par  un  valet  grotesque,  dont  nous  n'avons  pas  retenu  le  nom. 
Au  résumé,  ces  deux  nouveautés  complètent  un  ensemble  très-sa- 
tisfaisant anec  le  Lion  de  Saint-Marc,  cette  opérette  de  M.  Isidore 
Legouix,  dont  nous  avons  constaté  la  réussite,  et  qui  est,  de  jour  en 
jour,  mieux  appréciée. 

!).  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


a*,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cette  semaine  deux  re- 
présentations de  Roland  à  Ronceuaux.  Mlle  Hamackers  y  a  remplacé 
Mlle  de  Maesen  dans  le  rôle  de  Saïda.  —  Le  début  de  Mlle  Salvioni 
aura  lieu  très-prochainement  dans  la  Maschera,  dont  les  répétitions 
sont  fort  avancées 

,,.%  Aujourd'hui,  par  extraordinaire,    la  Favorite  et  Diavolina. 

*%.  Le  théâtre  impérial  de  TOpéra-Comique  doit  jouer  le  Café  du,  roi, 
de  MM.  Meilhac  et  Deffôs.  qui  fut  représenté  dans  l'origine  avec  succès 
au  théâtre  Lyrique.  Mlle  Girard  et  Mlle  Baretti,  qui  avaient  créé  les 
deux  principaux  rôles,  en  resteraient  les  interprètes,  et  Nathan  rem- 
placerait Wartel. 

***  Naudin  a  chanté  hier  pour  la  dernière  fois,  au  théâtre  Italien,  dans 
la  Traviata.  —  Linda  di  Chamounix,  qui  doit  être  très-incessamment 
représentée,  sera  chantée  par  Mmes  A.  Patti  etDemeric,  Brjgnoli,  Délie 
Sedie,  Scalese  et  Antonucci. — A  la  dernière  représentation  de  l'Elisire 
d'amore,  un  divertissement  composé  d'un  pas  de  deux,  par  Mlle  Urban 
et  Costa,  et  d'un  ballabile  pour  le  corps  de  ballet,  a  été  intercalé  entre 
le  premier  et  le  second  acte.  Il  en  sera  également  ajouté  un  à  Maria, 
la  première  fois  qu'on  représentera  cet  opéra. 

„**  Une  indisposition  de  Mlle  Nilsson  avait  suspendu  momentanément 
les  représentations  de  Violetta ,  qui  viennent  d'être  reprises.  II  serait 
question  de  lui  faire  continuer  ses  débuts  dans  la  Flûte  enchantée. —  Jeudi 
le  théâtre  Lyrique  impérial  a  donné  deux  pièces  nouvelles  :  les  Bégaie- 
ments de  l'amour  et  le  Cousin  Babylas,  dont  nous  rendons  compte. —  Hier 
soir  il  a  repris  Mireille,  réduit  en  trois  actes.  —  On  vient  de  mettre  en 
répétition  le  Roi  Candaule,  opéra  en  deux  actes  de  Michel  Carré,  dont 
la  musique  a  été  composée  par  M.  Eugène  Diaz  de  la  Pena,  jeune 
homme  de  vingt-cinq  ans,  fils  du  célèbre  peintre  de  ce  nom. 

#%  La  musique  de  la  pièce  de  Cham  :  le  Serpent  à  plumes,  qui  se  ré- 
pète au  théâtre  des  Bouffes-  Parisiens  est  de  Léo  Delibes ,  l'auteur  des 
Deux  vieilles  gardes.  —  Les  paroles  de  Jupiter  et.  Léda,  l'opérette  de 
Mlle  Suzanne  Lagier,  sont  de  M.  Jules  Bertrand.  Bâche  doit  reparaître 
dans  cet  ouvrage  par  le  rôle  du  fleuve  Eurotas. 

„**  Le  Brésilien  vient  d'être  repris  au  théâtre  du  Palais-Royal  ;  on  se 
rappelle  l'immense  succès  obtenu  par  la  ronde  du  Brésilien  que  chantent 
dans  cette  pièce  Gil  Percz  et  Brasseur. 

**„.  Les  répétitions  générales  du  nouvel  opéra  d'Offenbach,  la  Belle 
Hélène,  vont  commencer,  et  la  première  représentation  aura  lieu  cette 
semaine. 

„*„,  Nous  avons  annoncé  que  le  théâtre  Lyrique  jouerait  au  printemps 
un  drame  de  Legouvé,  avec  des  chœurs  et  des  morceaux  symphoniques 
composés  par  Gounod.  Ce  drame,  dont  le  titre  serait  :  les  Deux  Reines 
de  France,  aurait  trois  actes.  Les  personnages  seraient  Philippe-Auguste, 
Ingeburge  et  Agnès  de  Méranie.  Le  rôle  de  Philippe-Auguste  serait  joué 
par  Joanny,  celui  d'Ingeburge  par  Mme  Ristori,  et  celui  d'Agnès  par 
MlleRousseil. 

**t  La  recette  brute  des  théâtres  impériaux,  des  théâtres  secondaires, 
concerts,  etc.,  s'est  élevée  pendant  le  mois  de  novembre  à  1,799,518  fr, 
30  cent. 

.,%  Le  programme  du  dernier  concert  donné  au  Cirque  Napoléon 
contenait  deux  nouveautés  des  j>lus  intéressantes.  La  première,  c'était 
une  symphonie  en  ré  majeur  de  Mozart,  dont  nous  ne  connaissions  en- 
core que  le  délicieux  andante,  entendu,  applaudi  et  redemandé  plu- 
sieurs fois  dans  les  saisons  précédentes.  Quant  à  la  symphonie  entière, 
une  note  nous  apprenait  qu'elle  a  été  composée  en  1776,  à  l'occa- 
sion du  mariage  de  la  fille  du  bourgmestre  de  Salzbourg.  Voilà  pour- 
quoi elle  porte  le  titre  de  Sérénade,  dont  elle  a  aussi  le  caractère.  Ce 
n'est  pas  certainement  une  des  productions  capitales  de  l'auteur,  mais 
c'est  une  œuvre  brillante,  animée,  „d'une  sève  juvénile,  et  en  parfait 
accord  avec  sa  destination.  Pour  seconde  nouveauté,  nous  avions  l'ou- 
verture de  Lorelei,  de  M.V.  Wallace,  le  compositeur  si  en  honneur  et  en 
vogue  par-delà  l'Atlantique  et  le  détroit.  L'Amérique  et  l'Angleterre  n'ont 
peut-être  pas  de  musicien  qui  leur  soit  plus  cher  et  plus  sympathique. 


DE  PARIS. 


397 


Lorelei  a  obtenu  à  Londres  un  de  ces  succès  qui  font  époque. 
L'ouverture,  que  nous  avons  entendue,  est  une  page  élevée  de  style, 
éclatante  de  coloris,  et  dans  laquelle  une  grande  maestria  se  fait  sentir. 
Il  est  vrai  que  le  souvenir  de  Weber  etd'Oteco»  plane  un  peu  sur  toute 
cette  musique,  mais  elle  n'en  a  pas  moins  son  prix,  et  réclame  une  audi- 
tion nouvelle.  L'orchestre  et  son  digne  chef  n'ont  jamais  mérité  plus  de 
bravos  qu'eu  exécutant,  comme  ils  l'ont  fait,  l'ouverture  de  Fidelio 
et  le  septuor  du  même  auteur,  l'asdeloup  a  présenté  au  public  son 
premier  violon,  qui  est  venu  pour  son  compte  et  pour  celui  de  tous  ses 
camarades. 

**„  Il  n'y  aura  bientôt  plus  dans  les  deux  mondes  un  théâtre  lyrique 
qui  n'ait  joué  Maria  et  où  n'ait  réussi  le  charmant  opéra  de  Flotovv. 
C'est  le  théâtre  de  Jassy  qui  a  son  tour  vient  de  monter  cet  ouvrage  et 
il  n'a  eu  qu'à  s'en  féliciter.  On  a  applaudi  tous  les  morceaux.  Mlle  Dixon, 
qui  jouait  le  rûle  de  lady  Henriette,  y  a  mis  beaucoup  de  talent  ; 
Vidal,  qui  chantait  celui  de  Lionel,  possède  une  très-jolie  voix  de 
ténor;  il  a  dit  sa  romance  avec  un  charme  et  une  expression  qui  l'ont 
fait  rappeler  quatre  fois,  et  Capponi  l'a  vaillamment  secondé.  C'est 
un  grand  et  véritable  succès. 

„%  Le  théâtre  Italien  de  Madrid  marche  de  mieux  en  mieux.  Lucrezia 
Borgia,  chantée  par  limes  Penco  et  Grossi,  Nicolini  et  Selva,  a  obtenu 
un  immense  succès.  Les  artistes,  applaudis  avec  enthousiasme,  ont  été 
rappelés  un  nombre  infini  de  fois. 

***  La  soirée  donnée  par  les  frères  Holmes,  à  la  salle  Herz,  a  tenu 
tout  ce  qu'elle  promettait,  et  les  deux  jeunes  artistes  ont  pleinement 
justifié  la  bonne  opinion  qu'on  avait  conçue  de  leur  talent.  On  a  beau- 
coup applaudi  aussi  M.  W.  Krûger  qui  leur  prêtait  son  concours,  et 
dont  les  dernières  composilions  ont  été  jouées  par  lui-même  avec  le 
plus  grand  talent. 

**t  Après  de  longues  et  nombreuses  pérégrinations  en  France  et  à 
l'étranger  dans  lesquelles  il  a  récolté  honneur  et  profit,  le  célèbre  chan- 
teur de  chansonnettes,  acteur  et  mime  Levassor  est  de  retour  à  Paris, 
et  il  vient  d'organiser  à  la  salle  Herz  des  soirées  bouffes  qui  ont  lieu 
chaque  mardi.  L'inauguration  de  ces  brillantes  soirées  a  eu  lieu 
mardi  devant  une  partie  de  la  presse  et  un  nombreux  public  d'ama- 
teurs. Levassor  ne  s'est  adjoint  qu'un  partenaire  ou  plutôt  une  parte- 
naire fort  agréable,  Mlle  Teissère,  qui  l'a  très-bien  secondé.  Des  scènes 
bouffes  très-amusantes,  de  nombreuses  chansonnettes  dites  avec  un  véri- 
table talent  d'imitation,  une  saynète  :  Adélaïde  et  Vermout,  et  une 
pochade,  le  Mal  de  mer,  dans  lequel  on  ne  pourrait  reprocher  à  Levassor 
qu'un  peu  trop  de  réalisme,  ont  fait  grand  plaisir  et  assurent  le  succès 
des  prochaines  soirées. 

2*%  Aujourd'hui  a  2  heures,  à  la  salle  Herz,  un  violoniste  distingué, 
M.  Niedzielski,  donne  un  grand  concert  au  bénéfice  de  ses  compatriotes 
polonais  malheureux.  Mme  Marie  Cabel,  MM.  Sainte-Foy,  Capoul, 
Mlle  Secretan,  M.  Maubant  et  la  Société  chorale  Saint-Jacques  prêtent 
leur  concours  à  cette  bonne  œuvre. 

„,%  On  nous  écrit  d'Amiens  qu'après  un  rapport  très-intéressant  sur 
l'état  florissant  dans  lequel  se  trouve  la  Société  philharmonique  de  cette 
ville,  M.  J.  Deneux  a  été  réélu,  pour  une  nouvelle  période  de  trois  ans, 
président  de  cette  Société,  qui  doit  tant  à  son  zèle,  à  son  intelligence 
et  à  son  activité. 

***  M.  Gouffé  a  repris  ses  charmantes  séances  du  mercredi  ;  la  pre- 
mière a  été  très-intéressante.  En  voici  le  programme  :  deux  quatuors 
de  Mozart  et  de  Beethoven,  un  quintette  d'Onslow  et  le  quatuor  d'Adolphe 
Blanc,  dédié  à  Uossini,  très-bien  exécuté  par  Mme  Langhans,  Guerreau, 
Casimir  JNey  et  Lebouc. 

„%  Les  matinées  musicales  de  M.  Ch.  Lebouc  continuent  d'attirer  un 
grand  nombre  d'amateurs  de  musique  sérieuse.  A  la  deuxième  matinée, 
on  a  particulièrement  applaudi  M.  Alphonse  Duvernoy  qui  a  interprété 
'a  sonate  en  fa  mineur,  de  Beethoven,  pour  piano,  d'une  manière  très- 
remarquable.  Une  transcription  de  M.  Lebouc  d'un  fragment  de  Pro- 
méthée,  de  Beethoven,  pour  violon,  alto,  violoncelle  et  piano,  et  l'élé- 
gie d'Ernst,  très-bien  chantée  sur  le  violon  par  M.  White,  ont  fait  le 
plus  grand  plaisir.  La  troisième  matinée,  qui  a  eu  lieu  lundi  dernier,  a 
offert  un  grand  intérêt  par  le  choix  des  morceaux.  Le  duo  de  Chopin 
et  Franchomme  sur  des  motifs  de  Robert  le  Diable,  exécuté  par  Mlle  Ca- 
roline Rémaury  et  M.  Lebouc,  a  produit  le  plus  grand  effet.  Ce  duo,  à 
la  fois  classique  et  brillant,  sera  certainement  exécuté  souvent  cet  hi- 
ver dans  les  concerts  et  dans  les  salons.  On  a  applaudi  ensuite  le  trio 
de  Beethoven  pour  deux  hautbois  et  basson,  fort  bien  rendu  par 
MM.  Triébert,  Berthôlemy  et  Jancourt,  le  joli  quintette  en  ré,  de  M.  Ad. 
Blanc,  exécuté  par  MM.  White,  Comtat,  Trombetta,  Lebouc  et  Gouffé; 
enfin,  le  concerto  en  ré  mineur  de  Mendelssohn,  dans  lequel  Mlle  Ré- 
maury a  déployé  son  talent  plein  de  verve  et  de  grâce,  a  dignement 
terminé  cette  belle  séance. 

***  Le  cours  supérieur  de  piano  et  d'accompagnement  donné  par 
Mme  Rossi  Gallieno,  aura  lieu  les  mercredis  à  2  heures,  dans  les  salons 


de  MM.  E.  Gérard  et  C"  (ancienne  maison  Meissonnier),  éditeurs  de 
musique,  1,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  au  coin  du  boulevard.  Pour 
les   prix  du  cours,  s'adresser  au  magasin. 

***  On  nous  écrit  de  Bruxelles  que  la  cinquième  messe  solennelle 
composée  par  M.  A.  Bessems  venait  d'y  être  exécutée  deux  fois  de  suite. 
C'est,  nous  dit-on,  une  page  remarquable,  qui  sort  complètement  de 
la  route  suivie  jusqu'à  ce  jour.  Elle  renferme  des  hardiesses  pleines 
d'originalité,  sans  sortir  dn  caractère  de  l'œuvre  ;  le  sentiment  reli- 
gieux y  domine.  Le  Kyrie  de  la  nouvelle  messe  est  une  prière  pleine 
d'onction  ;  le  Gloria  et  le  Credo  respirent  la  grandeur  et  la  majesté.  L'on 
a  remarqué  dans  le  Sanctua,  et  surtout  dans  le  Benedktus,  des  effets  de 
basse  soutenus  par  des  solos  de  cor  du  meilleur  effet.  VAgnus  Dei  est 
plein  de  candeur  et  de  douceur.  En  somme,  c'est  une  œuvre  remar- 
quable, la  digne  sœur  de  la  messe  solennelle  en  la  mineur  qui  est 
au  répertoire  de  tous  les  jubés. 

%**  Quelques  difficultés  paraissent  devoir  retarder  encore  les  travaux 
d'appropriation  du  local  choisi  par  la  Société  Félicien  David  pour  l'in- 
stallation du  Grand-Concert.  La  salle  ne  pourrait  guère  être  inaugurée 
avant  le  courant  de  février.  Aménagée  d'après  le  modèle  de  la  fameuse 
salle  Exeler  Hall  de  Londres,  elle  contiendra  1000  places  à  1  fr.  ;  300 
à  2  francs,  et  des  loges  et  baignoires  à  3,  i  et  5  francs  la  place.  On  sait 
que  chaque  œuvre  exécutée  sera  dirigée  par  l'auteur  lui-même.  Liszt, 
Benedict,  Costa  auraient  encouragé  l'entreprise  de  leur  adhésion,  et  on 
dit  même  que  Liszt  y  fera  exécuter  la  messe  inédite  qu'il  a  composée 
et  apportée  à  Paris  lors  de  son  dernier  voyage. 

t%  Une  vingtaine  d'artistes  dramatiques  et  lyriques,  engagés  pour  le 
théâtre  de  Mexico,  avaient  pris  passage  sur  le  steamer  transatlantique  le 
Jowa.  Parti  du  Havre  pour  sa  destination,  il  a  fait  côte  à  Omonville  près 
Cherbourg.  Heureusement  l'équipage  et  tous  les  passagers  ont  pu  être 
sauvés. 

»*,.  La  ville  de  Palerme  ouvre  un  concours  pour  la  construction  d'une 
nouvelle  salle  de  spectacle.  Les  cinq  plans  reconnus  les  meilleurs  re- 
cevront des  prix  de  25,000,  16,000,  9,000,  4,000  et  2,000  francs.  La 
salle  doit  contenir  trois  mille  spectateurs,  et  2  raillions  et  demi  sont 
destinés  aux  frais  de  la  construction. 

t*t  On  nous  annonce  que  A.  P.ubinstein,  le  célèbre  pianiste-compo- 
siteur russe,  est  attendu  à  Paris,  où  il  passera  l'hiver. 

***  Mlle  Angiolina  Cordier,  jeune  cantatrice  parisienne  qui  fit  ses 
débuts  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  et  qui  depuis  a  obtenu  de  grands 
succès  en  Amérique,  où  elle  a  chanté  plusieurs  années,  vient  d'arriver 
à  Paris. 

,„**  Mardi  prochain,  13  décembre,  par  extraordinaire,  une  grande  soi- 
rée musicale  sera  donnée  dans  les  salons  du  Casino,  rue  Cadet,  16,  par 
Mlle  Laure  Micheli,  avec  le  concours  de  Mlle  Dufau,  chanteuse  légère  du 
grand  théâtre  de  Madrid  ;  MM.  Guldou  frères  ;  Faivret,  fort  ténor  ;  Ca- 
zahoui,  du  théâtre  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre;  Castel,  chanteur  co- 
mique; Arban,  Demersseman,  Gobin  et  Lacoste.  Mlle  Laure  Micheli, 
professeur  et  compositeur  de  musique,  pour  cette  fois  seulement,  diri- 
gera le  brillant  orchestre  du  Casino  et  fera  exécuter  plusieurs  morceaux 
de  sa  composition. 

***  Nous  annonçons  la  publication  prochaine  d'une  œuvre  qui  ne  peut 
manquer  d'être  appréciée  par  les  amateurs  ;  elle  a  pour  titre  un  Sou- 
venir de  L.  von  Beethoven,  quatuor  pour  piano,  violon,  alto  et  basse, 
composé  par  P.  Tintorer  et  dédié  à  M.  F.  Frontera  de  Valdemosa,  pro- 
fesseur de  chant  de  S.  M.  la  reine  Isabelle  IL  L'auteur  y  a  fait  preuve 
d'une  science  musicale  remarquable,  et  ce  quatuor  figurera  bientôt  dans 
les  programmes  de  musique  de  chambre. 

***  M.  et  Mme  Langhans  annoncent  une  soirée  musicale  qu'ils  don- 
neront mardi  prochain  dans  les  salons  de  M.  Lebouc.  Des  compositions 
de  H.  Hiller,  Schumann,  Adler  et  Langhans  y  seront  exécutées. 

*%  Sous  le  titre  de  :  Découverte  et  démonstration  de  la  similitude  des 
gammes,  ou  les  physiciens  mis  d'accord  avec  les  musiciens  au  sujet  de 
la  théorie  de  la  musique,  M.  L.  Durand,  sous-lieutenant  au  27e  de  ligne, 
vient  de  publier  une  brochure  curieuse  et  qui  intéressera  certainement 
tous  ceux  qui  font  de  l'art  musical  leur  étude  sérieuse.  Elle  est  accom- 
pagnée d'une  planche  coloriée  qui  permet  de  comparer  les  différentes 
gammes  majeures  et  mineures  entre  elles,  de  saisir  facilement  toutes 
les  modulations,  de  montrer  l'accord  du  piano,  etc.,  etc. 

^*a.  Sous  ce  titre  :  Séances  consacrées  à  l'étude  de  la  musique  d'ensemble, 
deux  artistes  bien  connus  dans  le  monde  musical,  MM.  E.  Colonne  et 
H.  Poencet,  organisent  en  ce  moment  d'intéressantes  réunions  dans  le 
but  d'initier  les  amateurs  violonistes  et  violoncellistes  à  l'exécution  de 
nos  maîtres  classiques.  Nous  ne  pouvons  que  féliciter  MM.  Colonne  et 
Poencet  de  leur  heureuse  idée,  et  nous  croyons  pouvoir  leur  prédire 
un  beau  succès. 

**„  Aujourd'hui,  à  S  heures  du  soir,  commencent   à  l'Exposition  de 


398 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tableaux  du  boulevard  des   Italiens   les   concerts   qui   doivent   y    être 
donnés  sous  la  direction  de  M.  Debillernont.. 

J*„  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  cirque  Napoléon,  huitième 
concert  populaire  de  musique  classique  sous  la  direction  de  Pasdeloup. 
En  voici  le  programme  :  1°  Symphonie  en  mi  bémol  n°  53  (Haydn),  in- 
troduction, allegro,  adagio,  menuet  final  ;  —  2°  Ouverture  de  Léonore 
n°  3  (op.  72)  (Beethoven)  ;  —  3°  concerto  pour  violon  en  si  mineur 
n°  24  (Viotti),  exécuté  par  M.  Sighicelli  ;  4°  Symphonie  en  la  mineur 
(Mendelssohn),  introduction,  allegro,  agitato,  scherzo,  adagio,  finale. 

***  Hier  samedi  a  eu  lieu  le  premier  bal  masqué  de  l'Opéra.  L'or- 
chestre, dirigé  par  Strauss,  a  fait  merveille  ;  il  a  fait  entendre  les 
danses  nouvelles  de  son  album  qui  vient  de  paraître.  Des  applaudisse- 
ments frénétiques  ont  accueilli  la  plupart  de  ces  compositions.  On  a 
notamment  remarqué  les  valses  :  Au  Revoir,  V Hommage,  A  Bientôt  et  Un 
Jour  en  Savoie,  la  polka  Bric  à  brac  et  la  polka-mazurka  Paquita.  A  en 
juger  par  le  nombreux  public  qui  s'y  est  porté,  les  bals  de  l'Opéra 
n'auront  pas  moins  de  vogue  que  les  années  précédentes. 

***  Le  secrétaire  de  l'Empereur,  M.  Mocquart,  dont  la  santé  don- 
nait de  vives  inquiétudes,  est  mort  vendredi  matin.  Ses  hautes  fonc- 
tions ne  l'empêchaient  pas  de  cultiver  les  lettres  ;  on  lui  doit  plusieurs 
drames  écrits  en  collaboration  avec  MM.  Victor  Séjour  et  Dennery,  et 
un  roman  ayant  pour  titre  Jessie. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


»%  Strasbourg.  —  Dimanche,  20  novembre,  la  Société  de  musique  de 
chambre  a  repris  ses  séances  dans  l'élégante  salle  du  foyer  du  théâtre 
et  inauguré  la  dixième  année  de  sa  florissante  existence.  Ce  millésime, 
qui  marque  un  dixième  de  siècle,  est  assez  éloquent  par  lui-même  pour 
rendre  superflu  tout  commentaire  élogieux  à  l'adresse  de  la  classique 
association  fondée  par  M.  Schwsederlé.  Les  sympathiques  applaudisse- 
ments que  l'auditoire  a  prodigués  dimanche,  quand  ils  ont  paru  sur 
l'estrade,  à  MM.  Schwasderlé,  Mayerhofier,  Weber  et  Hanish,  le  nou- 
veau violoncelliste,  ont  montré  à  la  phalange  de  la  Musique  de  chambre 
combien  son  retour  avait  été  désiré.  Le  programme  de  cette  séance  de 
rentrée  était  fort  bien  choisi  et  s'ouvrait  par  le  78e  quatuor,  en 
si  bémol,  de  Haydn.  La  partie  de  piano  réservait  cette  fois  à  l'audi- 
toire un  plaisir  tout  particulier,  celui  de  revoir  et  de  réentendre  une 
jeune  musicienne  à  plus  d'un  titre  sympathique  à  cette  réunion.  Après 
deux  ans  d'absence,  c'est-à-dire  après  deux  années  d'études  sérieuses 
faites  à  Paris  sous  la  direction  particulière  d'un  professeur  du  plus  haut 
mérite,  M.  Lecouppey,  Mlle  Fanny  Schwaaderlé  nous  est  revenue  toute 
transformée  :  son  jeu  a  acquis  une  égalité,  une  souplesse,  un  éclat, 
qu'une  méthode  excellente  peut  seule  donner,  et  à  ces  qualités  qui  font 
la  pianiste  brillante  se  sont  ajoutées  celles  qui  font  la  pianiste  de  sen- 
timent :  c'est-à-dire  une  expression  naturelle,  pleine  de  goût,  un  phra- 
ser  élégant,  une  sensibilité  manifeste  mais  dénuée  de  toute  affectation. 
Aussi  les  morceaux  que  Mlle  F.  Schwsederlé  a  fait  entendre  dimanche, 
lui  ont-ils  valu  non  plus  des  encouragements  dus  à  d'heureuses  dispo- 
sitions, mais  des  applaudissements  qui  signalent  les  talents  en  pleine 
voie  de  maturité.  Ces  morceaux  étaient  une  romance  sans  paroles  de 
Mendelssohn,  celle  en  la  majeur,  qui,  dans  le  recueil  revu  par  M.  Ste- 
phen  Heller,  est  intitulée  Chanson  de  printemps;  un  Nocturne  de  Chopin 
et  le  concerto  en  la  bémol  de  Field.  M.  Oscar  Scniïzenberger  qui  avait 
bien  voulu,  pour  cette  séance  de  rentrée,  prêter  à  M.  Schwsederlé  le 
concours  de  son  talent  vocal,  a  dû  voir  que  pour  ne  plus  se  prodiguer 
comme  autrefois,  il  n'en  était  que  mieux  accueilli  lors  de  ses  appari- 
tions exceptionnelles.  Il  avait  choisi  un  air  de  Porpora,  Il  Sogno,  dont 
il  a  rendu  le  style  semi-élégiaque,  semi-déclamatif  avec  un  art  qui  té- 
moigne de  l'étude  consciencieuse  qu'il  avait  faite  de  ce  maître  ancien- 
Le  quatuor  en  fa  majeur  de  Beethoven  déjà  plus  d'une  fois  joué,  mais 
qui  paraît  plus  merveilleux  à  chaque  audition,  a  terminé  cette  première 
séance. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


J%  Londres.  —  L'opéra  anglais  de  Covent-Garden,  fidèle  à  sa  mis- 
sion, continue  de  produire  des  œuvres  nouvelles  des  compositeurs  na- 
tionaux. Après  VHelvellyn  de  M.  Macfarren,  nous  avons  eu,  le  samedi  25 


novembre,  la  première  représentation  de  l'opéra  de  M.  Hatton,  Rose  ou 
Love's  ransom,  imitation,  comme  nous  l'avons  dit,  du  Val  d'Andorre 
\  d'Halévy  et  Saint-Georges,,  L'ouvrage  de  M.  Hatton  a  été  assez  bien  reçu 
à  la  première  représentation,  l'avenir  seul  décidera  s'il  est  destiné 
à  se  maintenir  au  répertoire.  La  musique  en  est  facile  et  ne 
manque  point  d'un  certain  entrain,  mais  c'était  chose  par  trop  témé- 
raire que  de  provoquer  une  comparaison  avec  l'œuvre  admirable  d'Ila  • 
lévy,  heureusement  pour  M.  Hatton,  peu  connue  en  Angleterre.  Mme  Lem- 
mens-Sherrington  est  charmante  dans  le  rôle  de  Rose,  et  c'est  à  cette 
excellente  artiste  que  M.  Hatton  sera  en  grande  partie  redevable  de  son 
succès,  si  succès  il  y  a.  Mais  les  samedis  se  suivent  et  ne  se  ressem- 
blent pas,  et  c'était  une  soirée  bieu  autrement  intéressante  que  celle  à 
laquelle  nous'  avons  assisté  avec  tout  Londres,  à  ce  même  théâtre 
de  Covent-Garden,  le  3  décembre,  pour  entendre  la  première  re- 
présentation d'un  opéra  nouveau  de  Benedict ,  the  Bride  of  song. 
Ceci  est  l'œuvre  d'un  grand  musicien,  et  bien  que  ce  ne  soit  qu'un 
ouvrage  en  un  acte,  un  simple  lever  de  rideau  (le  comte  Ory  aussi  n'est 
qu'un  lever  de  rideau  à  Paris),  et  qu'elle  ne  se  prête  guère  par  consé- 
quent à  de  larges  développements,  il  n'est  néanmoins  pas  difficile  de 
reconnaître  dans  chaque  phrase  de  cette  fraîche  et  élégante  composi- 
tion la  main  du  maître.  Le  poëme  de  M.  Farnie  est  écrit  sans  préten- 
tion, mais  non  sans  charme,  et  offre  notamment  d'heureux  prétextes 
pour  la  musique:  aussi  M.  Benedict  en  a-t-il  merveilleusement  su  tirer 
parti.  En  somme,  the  Bride  of  song,  bien  que  restreinte  dans  ses  di- 
mensions, peut  être  comptée  parmi  les  plus  heureuses  inspirations  de 
l'auteur  de  la  Rose  d'Erin.  Il  faudrait  parcourir  l'ouvrage  entier  pour 
énumérer  toutes  les  beautés  qu'il  contient.  Toutefois  nous  dirons  que  trois 
numéros  ont  été  bissés,  et  que  M.  Benedict  a  été  forcé  de  paraître  en 
personne  après  la  chute  du  rideau,  amenant  avec  lui  M.  Mellon,  l'habile 
chef  d'orchestre. — M.  Charles  Adams,  le  ténor  que  Berlin  dispute  à  Lon- 
dres, a  abordé  lundi  avec  un  succès  toujours  croissant  son  troisième 
rôle,  celui  de  Manrico  du  Trovatore,  traduit  en  anglais. 

»%  La  Haye.  —  L'étoile  de  notre  théâtre  Italien  est  en  ce  moment 
Mme  Rosa  de  Vriès,  la  célèbre  prima  donna  de  Naples  et  de  Milan.  Elle 
vient  d'obtenir  dans  Norma  un  succès  qui  n'avait  eu  d'égal  chez  nous 
que  quand  elle  y  vint  il  y  a  quatre  ans.  Notre  direction  se  propose  de 
nous  la  faire  entendre  dans  les  chefs-d'œuvre  du  grand  opéra  et  du 
théâtre  italien  :  les  Huguenots,  le  Prophète,  la  Juive,  etc.  Aussi  l'empres- 
sement du  public  est-il  grand,  et  il  faut  s'y  prendre  huit  jours  d'avance 
pour  se  procurer  des  places. 

***  Berlin. —  Le  gouvernement  vient  de  commander  à  M.  Micheli  le 
buste  en  marbre  de  Meyerbeer,  pour  être  placé  dans  la  salle  des  con- 
certs du  Schauspiclhaus,  Une  solennité  artistique  digne  de  la  circons- 
tance en  signalera  l'inauguration.  —  Le  passage  à  Berlin  des  troupes 
autrichiennes  venant  du  Danemark  et  qui  retournent  dans  leurs  garni- 
sons, a  suggéré  à  M.  Emile  Bock  l'idée  d'un  grand  concert  de  musique 
militaire  fort  intéressant,  dans  lequel  les  musiques  militaires  prussiennes 
et  autrichiennes  devaient  concourir,  lutter;  en  un  mot,  se  faire  en- 
tendre simultanément  et  séparément  ;  le  produit  devait  être  consacré 
au  fonds  de  pension  des  musiciens  militaires,  fondé  par  feu  son  frère, 
M.  Gustave  Bock.  Personne  n'a  osé  se  prononcer  sur  celle  des  deux  mu- 
siques qui  est  la  meilleure  ;  cependant  on  est  à  peu  près  unanime  pour 
accorder  plus  d'entrain  et  de  brio  aux  Autrichiens,  plus  de  précision 
et  de  sentiment  artistique  aux  Prussiens.  En  somme,  on  a  applaudi  les 
Prussiens  aussi  bien  que  les  Autrichiens,  et  les  pensionnaires  de  la 
fondation  Bock  feront  volontiers  chorus,  car  la  recette  a  été  abondante. 
—  Le  Domchor,  ce  chœur  célèbre  de  la  cathédrale,  a  ouvert  le  1er  dé- 
cembre ses  séances  publiques  de  la  saison,  et  la  foule  la  plus  élégante 
s'y  pressait  comme  les  années  précédentes.  Le  programme  de  ce  pre- 
mier concert  contenant  un  Adoremus  de  Péri,  un  mottet  de  Bach, 
un  Salve  Regina  de  Barnabeï,  le  100e  psaume  de  Mendelssohn,  VHalle- 
lujah  de  Haendel,  deux  airs  d'église  chantés  par  Mlle  Malvina  Strahl, 
et,  ce  qui  excitait  particulièrement  l'intérêt  de  l'auditoire,  du  Pater 
nosler  de  Meyerbeer.  Quels  souvenirs  cet  admirable  morceau  éveillait  en 
nous,  et  combien  dans  cette  petite  œuvre  on  reconnaît  le  grand  maître 
qui  n'est  plus  !  Bien  que  ce  Pater  noster  ne  soit  point  écrit  dans  le  style 
religieux  des  autres  morceaux  du  programme,  cette  page  admirable  du 
maître  immortel  est  pourtant  si  noble,  si  émouvante,  si  pleine  de  beau- 
tés ineffables,  que  le  désir  de  l'entendre  souvent  dans  les  concerts  du 
Domehor  a  été  unanime,  même  parmi  cet  auditoire  un  peu  exclusif. 
Quel  merveilleux  effet  dans  ces  phrases  à  l'unisson  chantées  en  plein 
forte,  et  qui  par  un  brusque  piano  sont  ramenées  à  leur  harmonie  pri- 
mitive! Ce  Pater  noster  nous  fournit  une  nouvelle  preuve  de  la  perfec- 
tion avec  laquelle  Meyerbeer  savait  écrire  pour  les  voix,  même  sans  le 
secours  de  ï'orshestre.  La  supériorité  de  l'exécution  des  chanteurs  du 
Domchor,  composé  uniquement  de  voix  d'hommes  et  d'enfants,  et  qui 
chantent  sans  aucun  accompagnement,  est  tellement  connue,  que  tout 
éloge  devient  superflu  :  c'est  la  perfection. 

%*%  Vienne.  —  La  construction  de  notre  nouvel  Opéra  est  entière- 
ment terminée,  et  déjà  on  commence  à  s'occuper  de  la  décoration 
intérieure.  Cinq  artistes,  peintres  et  statuaires,  choisis  parmi  les  plus 


1>E  PARIS. 


399 


distingués  de  la  capitale,  se  sont  distribué  ce  travail  artistique.  Dans  la 
loggia,  dont  les  peintures  sont  confiées  à  M.  de  Schwind,  on  verra 
les  statues  en  marbre  de  Mozart,  de  Beethoven,  de  Gluck,  de  Haydn 
et  de  Schubert,  et  le  foyer  confié  à  M.  neiger  contiendra  les  bustes, 
également  en  marbre,  de  Meyerbeer,  Wcber,  Spohr,  Chérubin! ,  Dellini, 
Marschner,  Donizetti,  Nicolaï,  Weigl,  Cimarosa,  Kreutzer,  Auber,  Rossini 
et  Verdi.  Commencé  en  môme  temps  que  la  nouvelle  salle  qu'on  construit 
en  ce  moment  à  Paris,  on  compte  que  le  nouveau  monument  viennois 
rivalisera,  en  magnificence,  avec  celui  de  Paris,  mais  nous  aurons 
l'avantage  de  le  voir  achevé  plus  tôt,  car  on  espère  que  l'ouverture 
delà  nouvelle  salle  pourra  se  faire  l'hiver  prochain,  et  qu'on  l'inaugurera 
par  l'Africaine  de  Meyerbeer.  —  Le  Faust,  de  Gounod,  a  été  pour 
Mlle  Artot  l'occasion  d'un  nouveau  triomphe  ;  la  curiosité  du  public 
était  très-excitée,  et  l'on  disait  que  le  rôle  de  Orclchen,  très-allemand, 
n'irait  pas  au  talent  éminemment  italien  de  Mlle  Artot  ;  mais  la  célèbre 
cantatrice  a  obtenu  Je  plus  brillant  succès;  rappelée  trois  fois  après 
l'acte  du  jardin,  deux  fois  après  celui  de  l'église,  les  acclamations  ont 
redoublé  à  la  chute  du  rideau;  quoique  le  spectacle  eût  duré  une  heure 
de  plus  que  d'ordinaire,  aucun  des  spectateurs  n'avait  quitté  sa  place. 

„%  Trieste.  —  Sivori  nous  a  donné  cinq  concerts  sans  épuiser  l'em- 
pressement du  public  ;  c'est  toujours  la  même  foule,  les  mêmes  ova- 
tions a  ce  talent  extraordinaire  qui  n'a  pas  encore  depuis  Paganini  trouvé 
de  rival.  Parti  pour  Venise  où  il  doit  donner  deux  concerts,  nous  appre- 
nons que  le  premier  a  été  pour  lui  un  triomphe  étourdissant.  Nous 
l'attendons  maintenant  de  nouveau  ;  car  il  doit  prêter  son  concours  au 
bénéfice  de  Pancani  et  nous  donner  un  concert  d'adieu. 

**»  Milan.  —  La  Société  des  quatuors  a  donné  sa  seconde  séance  dans 
la  salle  du  Conservatoire.  Le  célèbre  violoniste  Bazzini  était  au  nombre  des 
exécutants.  Le  programme  se  composait  d'un  quartetto  de  Schumann, 
d'un  quintette  de  Mozart,  de  trois  morceaux  de  Bazzini,  d'un  nocturne 
de  Chopin,  d'un  scherzo  de  Mendelssohn  et  d'un  quatuor  de  Beethoven. 
—  Le  conseil  académique  du  Conservatoire  vient  de  nommer  une  com- 
mission chargée  de  composer  le  programme  du  concert  qui  doit  être 
donné  en  l'honneur  de  .Meyerbeer  dans  les  premiers  mois  de  l'année 
prochaine. 


t\  Lisbonne.  —  Le  compositeur  Flotow  vient  d'obtenir  un  nouveau 
triomphe  avec  son  délicieux  opéra  Maria  représenté  sur  le  théâtre  San- 
Carlos,  et  que  viennent  d'interpréter  Mmes  Volpini  et  Tati,  Mongini, 
Marinozzi  et  Giordani.  Mme  Volpini  s'y  est  particulièrement  distinguée, 
et  il  serait  impossible  de  trouver  une  plus  charmante  lady  Henriette. 
La  romance  de  fa  Rose  a  été  un  triomphe  pour  elle.  Mongini  s'est  fait 
applaudir  avec  enthousiasme,  particulièrement  dans  le  duo  du  deuxième 
acte  avec  Mme  Volpini  et  dans  la  scène  du  troisième  acte.  Les  deux 
artistes  ont  obtenu  un  succès  sans  précédent  à  Madrid. 

***  New-York.  —  Ni  la  guerre,  ni  la  crise  monétaire  ne  paraissent 
exercer  une  grande  influence  sur  le  mouvement  musical  de  notre  ville. 
Nos  artistes  ne  se  plaignent  guère,  on  les  paie  plus  cher  que  jamais.  La 
Société  philharmonique  de  Brooklyn,  sous  l'excellente  direction  de  M.  Eis- 
feld,  la  plus  sérieuse,  sans  contredit,  de  toutes  les  sociétés  analogues 
qui  existent  en  Amérique,  et  la  seule  dont  le  succès  ne  repose  pas  uni- 
quement sur  les  annonces  et  réclames,  vient  d'entrer  dans  sa  huitième 
année  d'existence,  chose  inouïe  en  Amérique.  Le  premier  concert  par 
lequel  cette  excellente  société  vient  d'ouvrir  la  saison  était  composé  de 
la  symphonie  pastorale  de  Beethoven,  de  l'ouverture  du  Itoi  Lear  de 
Berlioz,  et  de  celle  de  Maritana  de  Wallace.  La  partie  vocale  était  rem- 
plie par  miss  Adelaï  Philipps,  jeune  américaine  qui  possède  une  ex- 
cellente voix  de  contralto,  et  qu'elle  a  pu  admirablement  faire  valoir 
dans  l'air  0  mon  /ils,  du  Prophète  de  Meyerbeer,  et  dans  celui  de  l'Or- 
phée  de  Gluck,  Che  faro  senza  Euridice.  —  La  Création  d'Haydn  vient 
d'être  exécutée  pour  la  première  fois  à  New- York,  sous  la  direction  de 
M.  Anschutz.  Les  exécutants,  instrumentistes  et  chanteurs,  étaient  au 
nombre  de  quatre  cents,  et  parmi  ces  derniers  on  distinguait  M.  Charles 
Formés. 


Le  Directeur  :  S.  DUFOUIl. 


SEANCES  CONSACREES  A  L'ETUDE 

DE   LA 

MUSIQUE  D'ENSEMBLE 


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Un  mois,  20  fr.  —  Trois  mois,  50  fr.  —  Six. mois,  90  fr. 

Ces  séances  auront   lieu  dans  les  salons  de  M.  Montai,  facteur   de 

pianos,  31,  boulevard  Bonne-Nouvelle,  tous  les  jeudis,  de  S  heures  1/2 

à  10  heures  1/2  du  soir. 

Nota.  —  On  s'inscrit  chez  M.  Montai,   et  chez  les  principaux  luthiers. 

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BERTIN1.  Grand  duo  à  quatre  mains  .  .  10    » 

CRAMER.  Fantaisie  élégante 1  50 

DUVERN0Y.  Op.  21.  Variations  brillantes  6    » 

HERZ  (H.).  Op.  37.  Rondo  sur  un  chœur  9     » 

—  Trois  airs  de  ballet,  chaque   .   .  6    » 

LECARPENTIER.  48e  bagatelle 5    » 

THALBERG.  Op.  33.  Grande  fantaisie  sur 

la  Prière 9     » 

—  La  même,  à  quatre  mains  ...  10    » 

—  Mi  manca  la  voce,  varié  ....  7  50 

—  Le  même,  à  quatre  mains  ...  9    >• 
WOLFF  (ED.).  Marche  très-facile.  ...  4  50 


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KLEMCZINSK1.  Op.  64.  Duo  brillant,  id.  9  » 

LAF0NT  et  HERZ.  Op.  i2.  Variation,  id.  7  50 

0SB0NNE  et  0URT.  Souvenirs  .   .   .  id.  10  » 
HOFFMANN  et  MULLER.  Duo  concertant, 

flûte  et  violon 6  » 

MI0LAN.  Fantaisie,  harmonium  et  piano  7  50 
TUL0U.  Variations  brillantes  sur  la  Mar- 
che, pour  piano  et  flûte  ...  10  » 
LABARRE.  Fantaisie,  harpe  seule.  ...  7  50 

BOCHSA.  Duo,  harpe  et  piano 9  » 

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C'est  elle. 

Guide  au  bord  ta  nacelle. 
Nella. 
Le  Moine. 
Jardin  du  cœur. 
Sirocco. 

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Sérénade. 

Elle  et  moi. 

La  Barque  légère. 


I  Le  Trappiste. 
Les  Souvenirs. 
|  Sur  le  Balcon. 


Délire. 

A  une  jeune  mère. 

Le  Poète  mourant. 


I  La  Fille  de  l'air. 
Fantaisie. 
La  Chanson  de  maître  Floh. 


La  Folle  de  Saiut-Joseph. 
Au  Tombeau  de  Beethoven. 
Suleika. 
Le  Baptême. 
Sicilienne. 
Prière  d'enfants. 
Vœu  pendant  l'orage. 
Printemps  caché. 
Le  Pénitent. 
Marguerite. 
La  Dame  invisible. 
Feuilles  de  roses. 
Chant  du  dimanche. 
Le  Ranz  des  vaches  d'Ap- 
penzell . 


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Souvenir  de  Monaco,  polka  par Arban.  !        Souvenir  de  Thorn,  mazurka  par 

I^a  Discrète,  polka  par  Heinsdorff. 


Conradi. 
W.  Grahn. 


Ces  Primes   sont,  à  partir   d'aujourd'hui,    à   ta  disposition  de  toutes  les  personnes  qui  prendront  un  abonnement  d'une  année. 
Le  portrait  de  Meyerbeer  étant  d'une  dimension  qui  ne  permet  pas  de  le  plier  et  de  l'envoyer  sous  bande  par  la  poste,  la  direction  prie 
MM.  les  Abonnés  de  province  de  le  faire  prendre  au  bureau  de  la  Gazelle  musicale. 


102 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


SOMMAIRE.  —  Mme  Schroeder-Devrient,  de  M.  de  Wolzogen  (8e  et  dernier 
article),  par  Paul  Smith.  —  Théâtre  Lyrique  impérial  :  reprise  de  Mi- 
reille; Mme  Ugalde,  M.  Michot,  par  Léon  Durocher.—  Théâtre  des  Bouffes- 
Parisiens  :  le  Serpenl  à  plumes,  opérette-bouffe  en  un  acte,  paroles  de  M.  Cham, 
musique  de  M.  Léo  Delibes.  —  La  musique  et  la  société  française  au  xvm* 
siècle  (6°  article),  par  Em.  Mathieu  de  Monter.  —  Nouvelles  et  an- 
nonces. 


MME    SCHROEDER-DEVRIENT, 
Par  M.  de  Wolzogen  (4). 

IX. 

Enfin,  vers  les  premiers  jours  du  printemps  de  1854,  notre  artiste 
était  complètement  rentrée  en  possession  de  sa  liberté.  Après  tant 
d'années  d'une  existence  si  agitée,  si  turbulente ,  elle  n'avait  plus 
qu'à  goûter  les  douceurs  du  repos  :  il  lui  suffisait  de  le  vouloir, 
mais  pour  elle  le  repos  ce  n'était  pas  le  bonheur  !  Elle  l'avait  dit  sou- 
vent, et  elle  allait  le  prouver  avec  une  douloureuse  évidence.  C'est 
aux  artistes  et  aux  femmes  de  san  ature  que  s'appliquerait  surtout  le 
fameux  vers  de  Ménandre  : 

Ils  sont  aimés  des  dieux  ceux-là  qui  meurent  jeunes. 

Cependant  on  conçoit  que  personne  ne  se  montre  bien  jaloux 
d'une  telle  faveur,  et  qu'au  contraire  on  cherche  à  l'éloigner  en  s'é- 
criant  :  «  Dieux  tout-puissants,  honorez-moi  d'un  peu  d'indifférence.» 

Voici  ce  que  Wilhelmine  écrivait  dans  le  moment  même  où  elle  se 
félicitait  le  plus  de  sa  situation  nouvelle,  et  se  disposait  à  rejoindre 
son  mari  dans  le  pays  qu'elle  devait  habiter  avec  lui  :  «  Je  vais  re- 
tourner bientôt  dans  une  contrée  où  je  resterai  pour  toujours  étran- 
gère à  moi-même,  où  rien  ne  me  rappelle  qu'un  saint  devoir,  à  la- 
quelle rien  ne  me  rattache  que  l'amour  et  l'estime  pour  le  meilleur 
et  le  plus  noble  des  hommes.  J'entre  dans  une  tombe  ouverte,  et 
quand  se  fermera  la  barrière  russe,  je  dirai  adieu  à  tout  ce  qui  fai- 
sait autrefois  l'ornement  de  ma  vie.  L'art  et  la  poésie,  le  commerce 
de  ces  esprits  dont  les  vives  lumières  vous  raniment,  l'industrie  et 
la  science  du  monde,  tout  cela  restera  de  ce  côté  de  la  barrière, 
mais  de  l'autre  je  trouverai  l'économie  domestique,  l'ordre  et  le  re- 
pos, —  du  moins  le  repos  extérieur,  —  et  je  vivrai  à  côté  d'un 
homme,  à  coup  sûr  le  plus  vrai,  le  meilleur  de  mes  amis.  Je  ne 
serai  pas  seule  dans  le  désert  qui  m'attend,  puisque  j'aurai  mon  fi- 
dèle ami,  l'époux  que  j'aime  —  et  moi.  » 

11  n'était  guère  possible  de  prendre  son  parti  moins  gaiement  et  de 
montrer  moins  de  confiance,  en  s'efforçant de  paraître  en  avoir.  La  pau- 
vre "Wilhelmine  rencontra  d'abord  un  terrible  ennemi  dans  le  climat  de 
la  Russie.  «  Je  ne  puis  vivre,  s'écriait-elle,  là  où  mon  piano  ne  peut 
garder  l'accord  :  je  suis  déjà  morte  à  demi,  quand  je  ne  puis  tirer 
un  son  de  mon  gosier,  et  pensez  que  l'hiver  dure  huit  grands  mois  !» 
Son  existence  fut  donc  profondément  troublée  et  condamnée  à  une 
perpétuelle  instabilité.  En  Russie,  elle  souffrait  du  corps  et  de  l'âme  ; 
elle  aspirait  à  revoir  un  ciel  plus  doux.  En  Allemagne,  elle  se  repro- 
chait de  délaisser  son  mari,  et  l'absence  d'un  établissement  fixe  se 
faisait  péniblement  sentir.  Nulle  part  le  repos,  nulle  part  la  satisfac- 
tion, le  bien-être  !  Elle  écrivait  au  mois  d'avril  1855  :  «  Les  pre- 
miers instants  de  mon  séjour  dans  ma  nouvelle  patrie  fureut  employés 
à  éclairer  le  chaos  qui  m'entourait,  à  y  mettre  de  l'ordre  et  de  la 
propreté,  autant,  du  moins,  que  cela  m'est  possible,  et  à  donner  aux 
lieux  que  j'habite  un  vernis  de  cette  poésie  sans  laquelle  il  m'est  ab- 
solument impossible  de  vivre.  Ce  n'était  pas  une  petite  difficulté,  car 
ici  tout  est  prose,  prose  nue  et  chauve  sous  son  aspect  le  moins  sé- 

(1)  Voir  les  n"  24,  26,  27,  35,  43,  44,  48  et  49. 


duisant...  Que  vous  dirai  je  ?  Si  vous  voulez  me  voir,  vous  n'avez  qu'à 
ouvrir  Ylphigénie  en  Tauride,  de  Goethe,  et  à  en  lire  le  premier 
monologue  ;  ôtez-en  seulement  le  sauvage  époux,  et  tout  le  reste  me 
convient  parfaitement.  —  Certes,  mon  esprit  ne  s'accoutume  pas 
ici  (1)  !  Sommes-nous  donc  destinés,  depuis  le  berceau  jusqu'à  la 
tombe,  à  lutter  constamment?  Tel  fut  mon  lot  plus  qu'à  personne.» 
Ce  qui  aggravait  les  chagrins  de  Wilhelmine,  c'est  qu'elle  n'osait  se 
confier  entièrement  au  papier.  «  Il  y  a  si  loin  d'ici  en  Allemagne  ! 
Une  lettre  peut  s'égarer,  »  et  elle  ajoutait  :  «  On  en  a  vu  des  exem- 
ples, vous  me  comprenez  !  » 

Wilhelmine  regrettait  l'Allemagne  et  bien  plus  encore  le  théâtre  : 
elle  ne  pouvait  se  faire  à  l'idée  qu'on  l'oublierait  :  «  Quoi  de  plus 
affligeant,  disait-elle,  que  de  penser  qu'on  a  vécu  inutilement?  » — Un 
jeune  sculpteur  de  Gotha,  d'un  talent  très-distingué,  avait  retracé 
son  image  dans  un  médaillon  en  marbre  de  grandeur  naturelle,  et 
elle  avait  eu  l'intention  d'en  faire  cadeau  à  la  ville  de  Dresde  pour 
qu'on  le  plaçât  dans  l'endroit  où  elle  avait  si  souvent  prodigué  à  la 
foule  des  émotions  et  des  inspirations  qui  n'ont  que  le  tort  de  passer 
trop  vite  et  d'être  effacées  par  des  émotions  et  des  inspirations  nou- 
velles. La  manière  dont  elle  fut  traitée  dans  cette  ville,  pendant  le 
dernier  séjour  qu'elle  y  fit  en  l'automne  de  1851,  la  détourna  de 
cette  intention,  et  en  1855,  elle  écrivait  à  M.  de  Donop  :  «  Je  vou- 
drais bien  donner  une  digne  place  à  ce  médaillon,  car  en  vérité,  ce 
serait  dommage  de  le  laisser  vieillir  dans  sa  caisse.  Je  vous  prie  donc 
de  lui  accorder  un  petit  coin  dans  votre  bibliothèque  et  de  l'y  placer 
en  mémoire  de  moi  ;  qui  maintenant  se  soucie  en  Allemagne  de  la 
Schroeder-Devrient  ?  C'est  pourquoi  je  ne  veux  l'imposer  à  aucun 
établissement  public,  et  pourquoi  je  tiens  à  le  savoir  près  de  vous,  qui 
avez  toujours  voué  tant  d'intérêt  à  l'artiste.  Parmi  les  grands  esprits 
dont  les  œuvres  vous  environnent,  accordez  un  tranquille  petit  coin 
à  l'image  d'une  femme  dont  un  saint  enthousiasme  faisait  battre  le 
cœur,  qui  aimait  l'art  pour  lui-même  et  non  pas  uniquement  pour  un 
vil  profit,  comme  tant  d'autres  prêtres  et  prêtresses  des  muses,  dont 
le  front  doit  rougir  de  honte  et  de  colère.  » 

Autrefois,  quand  on  demandait  à  la  cantatrice  comment  elle  faisait 
pour  être  toujours  en  voix,  elle  avait  l'habitude  de  répondre  : 
a  Qu'ai-je  donc  tant  à  faire  pour  cela?  être  en  voix  signifie  se  bien 
porter.  Je  me  porte  bien,  pourquoi  donc  la  voix  me  manquerait-elle?  » 
Avec  le  temps  la  santé  s'était  évanouie,  mais  l'ardent  désir  de  ma- 
nifester encore  une  fois  l'idéal  qui  obsédait  son  âme  ne  lui  laissait 
ni  repos  ni  trêve.  Sans  consulter  ses  forces,  sans  savoir  quel  service 
son  organe  était  disposé  à  lui  rendre,  elle  ne  put  résister  à  la 
fatale  tentation  de  reparaître  en  public.  La  première  fois  qu'elle  y 
reparut,  ce  fut  en  quelque  sorte  sans  l'avoir  prévu.  Pour  la 
célébration  du  centième  anniversaire  de  la  naissance  de  Mozart,  la- 
quelle devait  avoir  lieu  à  Berlin  le  27  janvier  1856,  elle  s'était  jointe 
aux  membres  de  l'académie  de  chant  et  de  l'opéra  royal.  De  toutes 
parts  on  exprima  le  vœu  qu'elle  voulût  bien  chanter  un  solo  pour 
mieux  consacrer  la  solennité.  Elle  s'y  détermina  sans  peine,  et  elle 
chanta  le  beau  Lied  du  grand  maître,  Abendempfindung,  d'une  telle 
façon,  que  malgré  l'incertitude  de  ses  intonations  dans  certains  pas- 
sages difficiles,  elle  produisit  un  immense  effet  et  laissa  une  impres- 
sion vraiment  extraordinaire. 

Peu  de  temps  après,  l'excellent  baryton  Jules  Stockausen  étant  venu 
à  Berlin,  il  fut  décidé  que  Wilhelmine  donnerait  avec  lui  des  soirées, 
qui  commencèrent  en  avril  1856.  Dans  la  première,  elle  chanta  plu- 
sieurs morceaux  de  Schubert  et  de  Schumann  avec  un  grand  succès. 
A  compter  de  ce  moment,  la  carrière  était  rouverte,  et  elle  se  fit 
entendre  souvent  dans  les  concerts;  quelquefois  elle  ne  dédaignait 
pas  de  se  hasarder  devant  des  auditeurs  peu  dignes  d'elle,  tant  il  y 
avait  d'entraînement  et  de  violence  dans  ce  retour  à  la  publicité! 

(1)  Es  gewœhnt  sich  nicht  mein  Geist  hierher. 


DE  PARIS. 


403 


C'étail  au  cercle  restreint  du  Lied,  que  son  essor,  jadis  si  vaste 
devait  se  borner.  Mais  la  critique  lui  reprochait  de  donner  à 
son  style  quelque  chose  de  trop  dramatique,  Quoique  dans  les  der- 
niers temps  elle  chantât  volontiers  les  compositions  de  Schumann, 
Franz  Schubert  fut  toujours  l'objet  de  sa  prédilection  marquée.  Dans 
V Adélaïde  de  Beethoven,  son  génie  lyrique  se  déployait  avec  une 
élévation  et  une  ampleur  qui  défiaient  tous  les  parallèles. 

Jusqu'en  1858,  Wilhelmine  donna  des  concerts  avec  beaucoup  de 
succès,  notamment  à  Dresde,  où  les  souvenirs  de  son  glorieux  passé 
rendaient  sa  tâche  plus  difficile.  Ce  succès  fut  tel  qu'il  l'éblouit, 
l'enivra  au  point  de  lui  persuader  qu'à  cinquante  -  quatre  ans, 
elle  pouvait  encore  rentrer  au  théâtre  ;  et  alors  elle  conçut  le 
projet  de  passer  en  Amérique  pour  y  récolter  de  nouveaux  lauriers, 
une  nouvelle  fortune  dans  les  concerts  et  sur  la  scène.  Avant  d'exé- 
cu  er  ce  plan,  elle  s'était  engagée  à  donner  une  suite  de  représen- 
tations sur  le  théâtre  de  Weimar,  mais  sa  destinée  ne  devait  pas  le 
lui  permettre.  L'engagement  pour  l'Amérique  avait  été  considéré 
par  l'infatigable  artiste  comme  un  présage  des  plus  heureux,  et  sa- 
lué avec  joie  le  jour  où  il  lui  parvint,  le  6  décembre  1858,  anni- 
versaire de  sa  naissance.  Pendant  l'hiver  de  1858  à  1859,  elle  se 
fit  entendre  souvent  à  Leipzig  et  à  Dresde;  le  6  mars  1859  elle 
chanta  encore  à  Leipzig  dans  le  concert  du  bassiste  Pœgner,  tou- 
jours avec  succès,  mais  c'était  un  effort  suprême,  et  elle  revint  à 
Dresde  dans  un  état  désespéré.  Le  mal  qu'elle  avait  longtemps 
bravé  fut  déclaré  incurable  ;  mais  ses  souffrances  ne  la  réduisirent  pas 
à  l'inaction  :  elle  se  remit  avec  ardeur  à  écrire  ses  mémoires,  dont 
nous  avons  traduit  les  premières  pages  au  début  de  cette  suite  d'ar- 
ticles (1).  Tant  qu'il  lui  resta  un  peu  de  force  pour  lutter  contre 
les  plus  douloureuses  atteintes,  elle  ne  cessa  de  se  rattacher  à  l'es- 
poir d'une  guérison  ;  plus  tard,  elle  se  résigna  courageusement  : 
environ  cinq  mois  avant  sa  mort,  elle  avait  exprimé  le  désir  d'être 
transportée  à  Cobourg,  pour  y  être  soignée  par  sa  sœur,  Mme  Au- 
guste Schloenbach,  et  c'est  là  qu'elle  rendit  le  dernier  soupir  le 
26  janvier  1860.  Ses  funérailles  n'eurent  lieu  que  le  3  février,  parce 
qu'il  fallut  attendre  son  mari  qui  était  en  Livonie,  et  qui  n'arriva 
que  la  veille  de  ce  jour.  Toute  la  population  témoigna  la  part  qu'elle 
prenait  au  deuil  que  cette  mort  répandait  sur  l'Allemagne  entière  ; 
la  funèbre  cérémonie  répondit  à  la  renommée  de  la  grande  artiste. 
Selon  sa  volonté  dernière,  quelques  semaines  plus  tard,  ses  restes 
furent  exhumés  et  déposés  à  Dresde  dans  le  cimetière  de  la  Trinité, 
où  s'élève  un  simple  monument  avec  cette  inscription  : 

WILHELMINE    DE    BOCK 
SCHROEDER-DEVRIENT. 

Bien  d'autres  hommages  furent  rendus  à  sa  mémoire  :  Berlin  ne 
lui  épargna  ni  les  honneurs  ni  les  ovations  posthumes.  Mais  pour 
nous  le  plus  glorieux,  le  plus  curieux,  et  tout  à  la  fois  peut-être  le 
plus  durable  monument  consacré  à  son  nom ,  c'est  le  livre  de  M.  de 
Wolzogen,  livre  intéressant,  attachant,  que  nous  avons  lu,  étudié 
avec  le  plaisir  sérieux  que  donne  l'histoire,  et  l'émotion  vive  qu'on 
trouve  dans  un  roman.  Autant  que  nous  l'avons  pu,  nous  avons  tâ- 
ché d'initier  nos  lecteurs  à  une  publication  qui,  en  nous  révélant  une 
personnalité  artistique  de  la  plus  haute  valeur,  embrasse  près  d'un 
demi-siècle  de  l'histoire  du  théâtre  lyrique  en  Allemagne,  en  France 
et  en  Angleterre.  Grâces  soient  donc  rendues  à  M.  de  Wolzogen,  au- 
teur de  ce  livre,  qui  restera  comme  un  modèle  du  genre,  et  remer- 
cions aussi  notre  ami  J.  Offenbach,  car  c'est  à  lui  que  nous  devons 
de  l'avoir  connu. 

Paul  SMITH. 


(1)  Voir  le  n°  2ti. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPERIAL. 

Reprise  de  Mireille.  —  lime  Ugaldc,  SI.  Iliciiol. 

L'opéra  de  Mireille  a  été  repris  jeudi  dernier,  réduit  en  trois 
actes.  Jamais  amputation  n'a  été  faite  plus  à  propos,  et  n'a  mieux 
réussi  que  celle-là.  Le  sujet  fourni  par  le  poëme  tiendrait,  si  on  le 
voulait,  dans  un  acte.  Il  ne  faudrait  pas,  pour  cela,  le  serrer  bien 
fort.  Dans  deux  actes  il  serait  très-commodément  logé.  On  l'avait 
mis  en  cinq  actes  :  il  y  ressemblait  à  ces  vaniteux  bourgeois  de  pro- 
vince qui  occupent  une  vaste  maison,  et  n'ont  pas  de  quoi  la  meu- 
bler. Les  trois  derniers  actes  offraient  en  tout,  nous  ne  disons  pas 
trois  situations,  mais  trois  faits  :  —  Le  meurtre  de  Vincent  et  la 
noyade  du  brutal  Ourrias,  —  le  voyage  de  Mireille  à  travers  la  Crau, 
—  sa  mort  à  la  porte  de  l'église  des  Saintes.  Gela  donnait  tout  au 
plus  trois  scènes.  Que  de  hors-d'œuvre  il  avait  fallu  y  ajouter  pour 
en  faire  trois  actes  !  Mais  les  hors-d'œuvre ,  accessoire  agréable,  ne 
sauraient  suppléer  au  principal  :  dix  plateaux  d'anchois  et  de  corni- 
chons remplaceraient  mal  un  filet  de  bœuf.  On  aimerait  autant  les 
contes  pour  rire  dont  Mme  Scarron  régalait  ses  convives  quand  elle 
n'avait  pas  de  rôti. 

Dans  l'ancienne  Mireille,  le  troisième  acte  surtout  était  funeste. 
L'assassinat  du  héros  perforé  par  un  coup  de  fourche,  les  remords 
très-peu  mélodieux  de  la  victime,  la  caravane  aquatique  des  corps 
morts  venant  à  fleur  de  Rhône  demander  des  prières  pour  leurs 
âmes  en  peine,  tout  ce  spectacle  manquait  de  gaieté,  et  le  châtiment 
d'Ourrias,  noyé  par  le  diable  déguisé  en  provençal,  bien  que  satis- 
faisant pour  la  morale,  n'était  pas  une  suffisante  compensation  pour 
tant  d'objets  funèbres.  Ou  disait  :  C'est  bien  fait,  mais  on  n'en  avait 
pas  moins  le  cauchemar  pendant  la  nuit  suivante. 

Ce  troisième  acte  a  été  retranché  tout  entier.  Il  ne  reste  du  qua- 
trième que  la  chanson  du  pâtre,  et  le  couplet  de  Mireille  :  Heureux 
petit  berger,  etc.  Mais  au  lieu  de  chanter  ce  joli  morceau  en  plein 
soleil  au  milieu  d'un  désert  pierreux,  Mireille  le  chante  à  l'ombre 
et  sous  le  toit  paternel,  ce  qui  est  bien  plus  commode.  Elle  part 
ensuite  pour  l'église  des  Saintes  où  elle  a  donné  rendez-vous  à  l'ami 
Vincent.  Comme  elle  n'oublie  plus  son  bonnet,  le  soleil  la  blesse, 
mais  ne  la  tue  pas,  et  son  père  n'a  qu'à  lui  dire  :  «Épouse-le»  pour 
la  remettre  sur  pied  immédiatement.  Tout  finit  donc  maintenant  pour 
le  mieux  dans  le  plus  pastoral  des  opéras-comiques  que  nous  ait 
fournis  la  Provence. 

Le  premier  et  le  second  acte  sont  restés  ce  qu'ils  étaient,  sauf  un 
air  de  bravoure  à  trois  temps,  —  mouvement  de  valse,  —  que 
M.  Gounod  a  jugé  à  propos  d'ajouter  au  rôle  de  Mireille.  C'est  une 
idée  heureuse  qu'a  eue  là  M.  Gounod,  puisque  le  morceau  est  très- 
brillant,  et  qu'il  permet  à  Mme  Carvalho  de  faire  admirer  la  facilité, 
l'élégance  et  l'incroyable  audace  de  sa  vocalisation.  Ce  qu'elle  fait 
là,  aucune  autre  cantatrice,  — ■  Mlle  Patti  exceptée,  —  n'oserait  pro- 
bablement l'entreprendre,  et  elle  exécute  ces  étonnants  tours  de 
force  sans  avoir  presque  l'air  d'y  penser.  Avons-nous  besoin  de 
mentionner  la  satisfaction  émerveillée  du  public,  et  ses  applaudisse- 
ments, et  ses  exclamations,  et  ses  bis?  Non,  cela  va  de  soi,  et 
assurément  personne  n'en  doute.  Mme  Carvalho,  d'ailleurs,  a  joué  e^ 
chanté  toutes  les  autres  parties  de  son  rôle  avec  ce  calme  parfait, 
cette  simplicité,  cette  grâce,  cette  justesse  d'expression,  cette  exécu- 
tion savante  et  magistrale  qui  l'ont  élevée  si  haut  dans  l'estime  des 
connaisseurs. 

Mme  Faure-Lefèvre,  à  l'origine,  jouait  successivement  deux  rôles 
dans  Mireille,  celui  d'une  diseuse  de  boune  aventure  et  celui  du 
petit  pâtre.  Elle  a  conservé  seulement  ce  dernier,  et  cédé  l'autre  à 
Mme  Dgalde,  qui   s'en  acquitte  avec  son   brio  accoutumé.  Malgré 

toutes  ses  inconstances,  —  à  cause  de  ses  inconstances,  peut-être, 

on  la  revoit  toujours  avec  plaisir  au  théâtre  Lyrique,  et  on  la  reçoit 


404 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


comme  le  pigeon  sédentaire  de  la  Fontaine  reçoit  le  pigeon  voyageur. 
Un  autre  oiseau  de  passage,  c'est  M.  Michot  qui,  après  quelques 
années  de  grand  Opéra,  est  revenu  sur  le  champ  de  bataille  où  il  a 
fait  ses  premières  armes.  Le  repos  a  rétabli  sa  voix  qui  n'a  jamais 
été  plus  fraîche,  plus  franchement  timbrée,  plus  vigoureuse.  A  cer- 
tains moments,  il  s'est  laissé  un  peu  trop  aller  au  désir  de  le  prou- 
ver. Mais  il  a  dit  avec  grâce  et  beaucoup  de  charme  le  duo  du 
premier  acte;  il  a  mis  de  la  passion  dans  la  romance  et  le  duo  du  troi- 
sième,ainsi  que  dans  les  scènes  et  dans  le  morceau  d'ensemble  du  second. 
Grâce  à  lui  le  rôle  de  Vincent  est  aujourd'hui  parfaitement  compris 
par  le  public,  et  aucune  des  intentions  du  compositeur  n'est  perdue. 
Nous  pouvons  attester  que  tout  le  monde  y  gagne.  Tout  compte  fait, 
la  reprise  de  Mireille  a  parfaitement  réussi.  Le  chœur  des  Magna- 
reltes,  la  valse  di  bravura  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus,  le  duo 
de  Mireille  et  de  Vincent,  la  ballade  et  le  finale  du  second  acte,  les 
petits  airs  et  le  duo  du  troisième,  qui  avait  été  composé  pour  Lon- 
dres, ont  été  appréciés,  vivement  sentis  et  vivement  applaudis. 

Léon  DUROCHER. 


THÉÂTRE  DES  BOUFFES -PARISIENS. 

LE  SERPENT  A  PEU1IES, 

Opérette-bouffe  en  un  acte,  paroles  de  M.  Cham,  musique  de 
M.  Léo  Delibes. 

(Première  représentation  le  16  décembre  1864.) 

Quand  les  gens  d'esprit  se  mettent  à  dire  des  bêtises,  il  n'y  a  plus 
moyen  de  les  arrêter  ;  le  champ  de  l'extravagance  n'est  pas  assez 
vaste  pour  eux,  ils  s'élancent  au  delà,  et  dépassent  de  beaucoup 
ceux  qui  en  font  leur  état.  Cela  soit  dit  sans  offenser  le  très-spirituel 
dessinateur  qui  cache  son  vrai  nom  sous  celui  de  Cham  pour  illustrer 
le  Charivari  de  son  crayon  humoristique.  Non  content  de  ses  succès 
dans  la  voie  tracée  par  Gavarni,  il  lui  a  pris  fantaisie  de  faire  con- 
currence aux  adeptes  de  la  bouffonnerie  scénique,  et,  du  premier 
coup,  il  s'est  élevé  jusqu'aux  sublimités  du  genre.  Essayer  de  racon- 
ter ce  mémorable  essai  n'est  pas  chose  facile  ;  les  moralistes  sévères 
pourraient  bien  crier  gare;  mais  qu'ils  lassent  comme  nous,  qu'ils  se 
voilent  la  face,  en  éclatant  de  rire. 

Mme  Croquesec  est  une  femme  singulièrement  avancée  en  fait  de 
doctrine  conjugale.  Mais  que  voulez-vous?  son  mari  l'a  plantée  là 
depuis  cinq  ans  pour  aller  butiner  la  flore  de  l'Océanie.  En  cons- 
cience, cette  pauvre  Athénaïs  n'est-elle  pas  bien  excusable  d'avoir 
donné  un  remplaçant  à  ce  maladroit  émule  de  Buffon  et  de  Boerhaave? 
11  faudrait  n'avoir  jamais  contemplé  le  toupet  flamboyant  du  sieur 
Beaumignon,  pédicure  dans  la  garde  civique  de  n'importe  quelle 
ville  hollandaise,  pour  vouloir  faire  un  crime  à  Mme  Croquesec  de  son 
amoureuse  faiblesse.  Mais  si  l'on  va  en  Océanie,  il  paraît  qu'on  en 
revient  quelquefois,  et  voilà  qu'un  beau  jour,  pendant  que  la  tendre 
Athénaïs  berce  le  som  meil  de  son  cher  pédicure  aux  doux  sons  d'une 
guitare  pulmonique. . .  pan,  pan...  ce  n'est  pas  la  fortune,  c'est 
Croquesec  en  personne  qui  frappe  en  bas.  0  ciel?  que  faire  de  Beau- 
mignon?  Où  le  cacher?  Il  y  a,  au  fond  de  la  pièce,  un  de  ces  grands 
diables  de  poêles  qu'on  fabrique  dans  le  nord  de  l'Europe  et  qui 
mesurent  8  ou  10  pieds  de  hauteur,  sur  une  largeur  proportion- 
nelle, c'est  justement  l'affaire  du  pédicure;  il  sera  très-bien  avec 
les  bûches. 

Croquesec  peut  entrer  ;  il  trouvera  sa  femme  dans  l'attitude  de  Pé- 
nélope qui  attend  le  retour  d'Ulysse,  à  la  tapisserie  près.  Cela  mérite 
une  honnête  récompense  ;  aussi  le  voyageur  exhibe-t-il  aux  yeux  de 
sa  chaste  moitié  les  nombreux  colis  qu'il  rapporte  et  qui  sont  portés 
par  six  commissionnaires.  Et  quels  colis,  bon  Dieu  !  Un  costume  de 


sauvage  qu'il  force  Athénaïs  d'endosser  sur-le-champ,  un  couteau  à 
scalper  dont  il  fait  don  à  la  cuisinière  Mariette  pour  hacher  ses  épi- 
nards  ;  quoi  encore?  Des  os  de  baleine,  des  flèches  empoisonnées  et 
un  serpent  vivant,  un  serpent  rare,  mais  qui  n'a  qu'un  inconvénient, 
c'est  qu'il  est  invisible  et  qu'on  ne  le  retrouve  pas  dans  sa  couver- 
ture. Il  s'est  peut-être  échappé,  il  court  sans  doute  dans  l'apparte- 
ment, et  sa  morsure  est  implacable.  Afin  de  conjurer  le  danger,  Cro- 
quesec chante  un  air  qui  a  l'art  de  charmer  les  serpents.  Vaine  es- 
pérance !  le  reptile  reste  sourd,  et  Croquesec,  suivi  de  ses  six  com- 
missionnaires, exécute  une  chasse  à  fond  de  train  dans  toutes  les 
chambres  de  la  maison. 

Pendant  ce  temps  survient  un  inconnu,  un  savant  de  la  plus  belle 
eau,  le  conservateur  du  musée  d'histoire  naturelle,  à  qui  Croquesec  a 
écrit  qu'il  avait  un  animal  des  plus  extraordinaires  à  lui  montrer. 
Trompé  par  le  costume  plumifère  de  Mme  Croquesec,  le  savant  la 
prend  pour  l'animal  en  question  ;  mais  désabusé  brusquement  par 
les  soufflets  qui  pleuvent  sur  sa  face  vénérable,  il  cherche  un  refuge 
dans  la  chambre  à  coucher  d'Athénaïs.  Et  notez  que  Beaumignon  est 
toujours  clans  le  poêle,  et  qu'il  doit  bien  s'y  ennuyer.  Par  bonheur, 
la  cuisinière  a  aussi  son  Beaumignon  sous  les  traits  d'un  petit  cano- 
tier, et  comme  elle  craint  qu'on  ne  le  découvre  dans  la  perquisition 
motivée  par  la  fuite  du  serpent,  elle  fourre  son  Isidore  dans  le  poêle, 
en  compagnie  du  pédicure. 

Cependant,  si  Croquesec  n'a  pas  retrouvé  son  serpent,  il  a  mis  la 
main  sur  deux  objets  bien  plus  extraordinaires,  un  berceau  d'enfant 
et  un  biberon  plein  de  lait.  Horreur!  désolation!  Ici  commence  le 
drame  de  famille,  dans  lequel  nous  ne  suivrons  pas  nos  personnages. 
Qu'il  suffise  de  savoir  que  Mariette  se  dévoue  pour  sauver  sa  maî- 
tresse, qu'elle  avoue  un  amoureux,  qu'on  en  trouve  deux  dans  le 
poêle,  sans  compter  le  savant,  et  que  sa  situation  tournerait  bien 
décidément  au  tragique,  si  le  conservateur  du  musée  n'avait  des  ex- 
plications pour  tous  les  cas  possibles  et  même  impossibles  de  la  vie 
sociale,  si  bien  que  Croquesec,  après  avoir  pataugé  suffisamment  dans 
les  serpents  à  plumes,  dans  les  pédicures  de  la  garde  civique,  dans 
les  berceaux  en  fer  battu  et  dans  les  enfants  au  biberon,  se  déclare 
satisfait  et  que  tout  finit  par  des  chansons. 

Cette  folie,  étourdissante  de  gaieté  et  de  verve,  a  supérieurement 
inspiré  M.  Léo  Delibes,  un  autre  homme  d'esprit,  qui,  aux  Bouffes- 
Parisiens,  marche  le  plus  près  que  qui  ce  soit  sur  les  traces  d'Of- 
fenbach.  Sa  musique  possède  toutes  les  qualités  qu'il  faut;  elle  est 
vive,  légère,  originale,  et  les  idées  mélodiques  n'y  brillent  pas  par 
leur  absence,  au  contraire.  Tous  les  morceaux  du  Serpent  à  plumes 
sont  réussis  sans  exception  ;  mais  on  a  spécialement  remarqué  l'ou- 
verture qui  est  charmante,  le  chœur  des  commissionnaires,  qu'on  a 
fait  redire,  la  chanson  du  serpent,  qui  a  eu  aussi  les  honneurs  du 
bis,  et  un  très-joli  morceau  d'ensemble,  dans  lequel  se  trouve  une 
phrase  vraiment  heureuse  et  distinguée. 

La  pièce  est  jouée  par  Léonce,  Désiré,  Tayau,  Mlles  Tostée  et  Irma 
Marié  ;  c'est  dire  que  son  interprétation  est  excellente. 

D. 


LA  MUSIQUE  ET  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AU  XVIII  SIÈCLE. 


(6e  article)  (1). 
III. 

Pendant  la  première  moitié  du  xvnr5  siècle,  l'Opéra  est  le  quartier 
général,  la  place  forte  des  amateurs  de  musique,  qui  s'y  rendent 
cependant  bien  moins  pour  ce  que  l'on  y  joue  que  pour  ce  que  l'on 

(1)  Voiries  n°-  42,  43,  44,  46  et  47. 


DE  PARIS. 


105 


y  dit  et  y  entend  dire.  C'est  un  lieu  de  rendez-vous  de  toutes  les 
manières.  C'est  un  terrain  politique  et  galant,  où  l'on  couronne 
Maurice  de  Saxe,  où  l'on  discute  Villars,  où  l'on  siffle  Soubise,  où 
l'on  arrête  le  Prétendant,  où  l'on  se  montre  aux  galeries,  où  l'on  se 
cache  aux  petites  loges.  La  seule  chose  que  l'on  ne  fasse  pas  à 
l'Opéra,  c'est  de  la  bonne  musique  :  la  vogue  dos  théâtres  de  société 
s'explique  ainsi.  Soumis  aux  caprices  des  gentilshommes  de  la  cham- 
bre, hors  d'état  d'aller  vers  le  beau,  gouverné  par  le  bon  plaisir  de 
quelque  chanteuse,  l'Opéra  est  si  bien  tombé  en  quenouille  qu'un 
plaisant  demande  qu'une  femme  soit  mise  à  la  tête  de  ce  théâtre 
pour  qu'un  homme  y  règne.  Ses  directenrs,  que  les  dettes  débor-  I 
dent,  que  le  déficit  attend  d'un  côté  et  la  lettre  de  cachet  de  l'autre,  I 
croulent  successivement  et  disparaissent  avec  un  peu  de  la  caisse  J 
dans  leur  poche.  Et  les  pamphlets  de  faire  rage!  A  propos  de  mu- 
sique, on  attaque  et  M.  d'Argenson  et  M.  de  Saint-Florentin,  car  il 
faut  toujours  qu'il  entre  beaucoup  des  affaires  du  temps  dans  la  cri- 
tique du  ministère.  Les  dilettantes  achètent  et  lisent.  Brocnuriers 
et  gazetiers  sont  dans  la  joie.  Velroche  et  Taupin  vont  pouvoir  ache- 
ter une  petite  maisongdes  champs  à  Passy.  L'encre  n'enrichit  que 
lorsqu'elle  est  mêlée  de  fiel. 

Dans  les  coulisses,  le  désordre  et  le  vice  :  leurs  scandales  ne 
laissent  pas  reposer  la  curiosité  parisienne.  Les  grandes  artistes, 
vraiment,  que  cette  Monville,  que  cette  Breton,  que  la  Carville,  et 
la  Henry,  et  la  Mariette,  et  la  Richalet,  et  la  Petitpas,  le  nom  le 
plus  retentissant  du  tripot  lyrique  ;  et  la  Carton,  Pépigramme  de 
l'Opéra,  tête  folle  et  main  vive,  peinte  par  Raoux  en  naïade,  que 
Maurice  de  Saxe  avait  fait  souper  à  sou  camp  de  Muhlberg  avec  qua- 
tre rois,  et  qui  devait  finir  dans  la  compagnie  d'un  laquais!  Don- 
nera-t-on  le  nom  d'actrices  à  ces  filles  des  chœurs,  payées  ^0  livres 
par  mois,  qui  ne  veulent  paraître  sur  les  planches  qu'avec  des  man- 
chettes à  cinq  rangs,  et  plus  de  pierres  fines  sur  la  poitrine  qu'il  n'y 
en  a  aujourd'hui  de  fausses?  L'Opéra  n'a  que  deux  cantatrices  :  la 
Pellissier  et  la  Lemaure.  La  Pellissier,  sèche,  nerveuse,  maîtresse  en 
l'art  des  cabales,  intime  amie  de  Mme  de  Duras  et  des  princesses  du 
sang  qui  se  laissent  insulter  pour  lui  plaire,  a  pour  elle  les  loges, 
la  cour.  La  Lemaure,  faite  au  tour,  indolente,  prompte  aux  coups  de 
tête,  mais  chantant  d'une  voix  admirable,  a  dans  son  parti  le  par- 
terre, le  public.  Le  malheur  est  que  la  Lemaure  et  la  Pellissier  ne 
peuvent  se  voir  en  face.  «  Elles  se  détestaient  comme  des  cra- 
pauds, »  dit  Mlle  Aïssé.  Voilà  pourquoi  à  l'Opéra  on  ne  pouvait 
monter  un  opéra  1 

Un  petit  livre,  curieux  autant  que  rare  :  —  Réflexions  d'un  pein- 
tre sur  l'Opéra  ;  la  Haye,  1745,  —  nous  a  conservé,  d'une  façon 
originale  les  entretiens  et  la  physionomie  de  la  salle,  à  l'époque  de 
la  rivalité  de  Lulli  et  de  Rameau,  durant  ce  déchaînement  national 
que  nous  réservons  à  toutes  les  initiatives,  à  toutes  les  œuvres  nou- 
velles, à  tous  les  esprits  qui  sortent  des  rangs. 

«  Deux  vieux  gentilshommes  s'abordent  :  «  Ah  !  bonjour,  vous 
voilà!  Que  venez-vous  faire  ici?  Le  tambourin  est  manqué,  les  pa- 
roles sont  horribles,  et  j'ai  compté  plus  de  cinq  rimes  qui  ne  se- 
raient pas  reçues  à  l'Opéra-Comique.  —  Parbleu  !  les  opéras  depuis 
Perrin  ont  été  de  mal  en  pis;  oui,  depuis  Perrin.  Parlez -moi  de  la 
Rochois,  de  la  Journet,  de  la  Subligny!  »  Ici,  deux  femmes  de  la 
cour  nonchalamment  couchées  dans  leur  loge  :  «  En  vérité,  mar- 
quise, il  faut  avoir  perdu  l'esprit  pour  venir  s'ennuyer  à  ce  cha- 
rivari ;  (du  Rameau)  c'est  de  la  musique  pour  les  étrangers.  Je  m'y 
connais  un  peu,  je  jouais  même  de  la  guitare  quand  elle  était  à  la 
mode,  et  j'avoue  que  je  n'entends  rien  à  cette  façon  de  composer. 
On  ne  retient  pas  une  mesure,  et  toutes  les  parties  sont  si  fort  mê- 
lées les  unes  dans  les  au'res,  qu'il  faudrait  un  concert  pour  en  en- 
tendre le  premier  mot.  —  On  dit  que  c'est  de  l'harmonie.  —  Har- 
monie tant  qu'il  vous  plaira,  ma  chère  ;  mais  ce  n'est  pas  la  mienne.  » 
A  peine  entend-on    quelques  timides  :   C'est  comme  un  ange  !  (l'ap- 


plaudissement d'alors)  étouffés  dans  la  salle.  *  Monsieur,  hasarde 
quelqu'un,  la  musique  française. . .  —  Et  moi  je  dis,  répond  l'autre 
avec  un  geste  colère,  je  dis  qu'il  n'y  a  qu'une  musique,  musique  de 
toutes  les  nations,  musique  par  excellence,  musique  qu'on  doit 
aimer  à  moins  que  d'être  imbécile,  musique  italienne,  ma  musique 
à  moi!  »  Même  un  laquais  qui  vient  de  s'installer  au  balcon,  mur- 
mure tout  haut  :  «  11  faut  bien  faire  quelque  divertissement  ;  je  viens 
voir  ce  fâcheux  opéra.  »  Et  ce  laquais,  que  fait-il  autre  chose  que 
répéter  la  parole  de  son  maître,  qui,  mon  Dieu!  ne  sent  et  n'ap- 
précie pas  plus  qu  un  auLre  la  musique  de  Lulli,  mais  qui  se  rap- 
pelle qu'à  la  première  représentation  de  cet  opéra  qu'il  revoit,  il 
s'était  enivré  avec  Beaumaviel  et  la  Deschars.  Ailleurs,  on  tient  pour 
Rameau;  ou  lit,  d'une  voix  bien  claire,  cette  Nouvelle  à  la  main: 
«  On  a  toujours  une  fureur  pour  les  Indes  galantes,  de  Rameau,  qui 
va  jusqu'au  délire.  On  va  reculer  Persée,  de  Lulli,  tant  l'on  craint 
que  la  trop  prochain  voisinage  de  Rameau  ne  le  fasse  tomber.  » 

Voilà  les  loges.  Mais  au  parterre,  quelle  émeute  !  Vieux  partisans 
de  Lulli,  jeunes  amis  de  Rameau  le  remplissent  de  bruit  et  de  que- 
relles, rendant  acteurs  et  actrices  responsables  du  genre  qu'ils  inter- 
prètent sans  parti  pris,  troublant  ainsi  le  goût  et  étourdissant  la 
justice  du  dilettantisme  contemporain. 

Une  époque  ne  laisse  jamais  toucher  à  ses  habitudes  de  goût  sans 
réclamer.  Le  xvnT  siècle  devait  encore  livrer  bien  des  batailles 
musicales,  jusqu'au  jour  mémorable  du  coin  du  roi  et  du  coin  de 
la  reine.  Malesherbes,  directeur  de  la  librairie,  allait  bientôt  écrire  : 
«  J'ai  entendu  dire  sérieusement  qu'il  est  contre  le  bon  ordre  de 
laisser  imprimer  que  la  musique  italienne  est  la  seule  bonne,  »  tan- 
dis que  de  son  bord,  Voltaire  prétendait  que  «  la  musique  italienne 
l'emporte  de  beaucoup  sur  la  musique  française,  parce  qu'elle  est 
plus  ornée  et  que  la  difficulté  vaincue  est  quelque  chose.  »  Voilà 
comme  Voltaire  entendait  l'art,  pas  plus  que  la  véritable  poésie.  Il 
eût  pu  dire  comme  un  plaisant  de  nos  jours  à  qui  l'on  demandait 
s'il  aimait  la  musique  :  Elle  ne  me  gêne  pas  précisément  !  Ces  que- 
relles sont  connues.  Il  n'y  a  plus  à  y  revenir. 

IV. 

Au  sortir  de  l'Opéra,  de  ses  parages  tumultueux,  la  musique, 
notre  guide,  nous  introduit  dans  les  régions  plus  calmes,  sinon  plus 
morales  de  la  cour. 

A  l'exemple  du  régent,  bon  musicien,  élève  de  Bernier,  et  qui 
avait  écrit  la  musique  de  Panthée,  opéra,  ci  Louis  XV,  —  raconte 
l'avocat  Barbier,  —  s'adonne  à  la  musique  et  fait  avec  des  seigneurs 
de  petits  concerts  particuliers.  »  Toujours  la  tradition  de  Louis  XIII, 
fidèlement  recueillie  et  continuée!  C'était  encore  l'usage,  avant  la 
représentation  d'une  pièce  nouvelle,  que  les  acteurs  vinssent  en 
jouer  quelques  scènes  à  la  cour  ;  le  roi  tient  beaucoup  à  assister  à 
ces  visites.  De  Versailles,  il  vient  souvent  à  l'Opéra,  et  toutes 
les  semaines  l'Opéra  se  rend  à  Versailles.  Le  lundi,  c'est  jour 
de  concert  dans  les  petits  appartements.  On  y  dresse  un  théâtre, 
dont  le  régisseur  se  nomme  M.  le  duc  de  la  Vallière.  Cinquante 
places,  il  n'y  en  a  pas  davantage,  sont  distribuées  aux  élus  par  le 
maréchal  de  Richelieu,  «  ce  Kislar-aga  des  plaisirs  du  public,  et  qui 
sait  mieux  que  les  Parisiens  ce  qui  doit  leur  faire  plaisir  pour  leur 
argent.  »  Le  roi  joue  des  concertos  avec  les  princes  et  mesdames  de 
France,  «  un  peu  chiffons  et  commères,  »  dit-il,  mais,  au  demeurant, 
musiciennes  distinguées.  Puis,  quelques  acteurs  de  la  Comédie-Ita- 
lienne se  joignent  à  la  troupe  royale,  et  l'Opéra-Comique  verse  ce 
que  l'un  de  nos  confrères  appelait  dernièrement  «  sa  piquette  de 
mélodie;  »  musique  pénétrante  sans  parfum,  enivrante  sans  saveur. 
A  Choisy  comme  à  Versailles,  Louis  XV  trouve  «  une  salle  de  spec- 
tacle bien  bâtie,  aussi  grande  que  celle  de  Paris,  garnie  des  machines 
nécessaires,  toujours  prête  pour  jouer  quelque  opéra  que  ce  soit.  »  A 
Fontainebleau,  un  théâtre  où  toutes  les  femmes  de  la  cour  paraissent 


t06 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


couvertes  de  diamants,  à  une  représentation  de  Psyché,  —  octobre 
1762,  —  «  pour  faire  voir  aux  étrangers  que  nos  pertes  ne  nous  ont 
pas  réduits  à  l'indigence.  »  Théâtres  et  concerts  à  Compiègne,  à 
Crécy,  à  Meudon;  dans  ses  perpétuelles  courses  aux  environs  de 
Paris,  le  roi  trouve  partout,  à  toute  heure,  comme  par  magie,  l'une 
des  distractions  qu'il  préfère.  La  fée  est  ici  Mme  de  Pompadour. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER, 
(La  suite  prochainement.) 


NOUVELLES. 

1**  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cette  semaine  deux  re- 
présentations de  Moïse,  et  le  chef-d'œuvre  de  Rossini,  mieux  exécuté 
encore  qu'à  la  première  de  cette  reprise,  avait  rempli  la  salle.  Faure, 
Obin,  Warot,  Mlle  Battu,  ont  été  tour  à  tour  chaleureusement  applau- 
dis et  rappelés.  —  Aujourd'hui  dimanche,  les  Huguenots. 

*  Mme  Zina-Mérante,  après  ses  brillantes  représentations  à  Bruxelles, 
est  partie  pour  Milan,  où  elle  est  engagée  au  théâtre  de  la  Scala  avec 
son  mari  pour  la  saison  du  carnaval.  M.  Mérante  a  obtenu  à  cet  effet 
de  M.  Perrin  un  congé  de  quatre  mois. 

„*,  La  direction  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  fait  en  sorte  de  ne 
pas  laisser  finir  l'année  sans  que  le  Capitaine  Henriot  soit  représenté; 
elle  compte  beaucoup  sur  cet  ouvrage  et  n'épargne  rien  pour  le  monter 
splendidement. 

t*t  Nous  avons  été  des  premiers  à  parler  d'un  opéra  nouveau  en 
quatre  actes,  dont  M.  Victor  Massé  compose  la  musique  sur  un  livret 
emprunté  à  l'ouvrage  de  Lamartine,  Fior  oVAliza,  et  dont  MM.  Michel 
Carré  et  Hipp.  Lucas  ont  écrit  les  paroles.  Cet  ouvrage  est  destiné  au 
théâtre  de  l'Opéra-Comique. 

„.*„  Samedi  de  la  semaine  dernière,  Naudin  a  fait  ses  adieux  au  théâtre 
Italien  dans  la  Traviata.  La  salle  était  très -brillante  ;  S.  A.  R.  le  prince 
d'Orange  assistait  au  spectacle  dans  la  loge  de  l'Empereur.  Une  ovation 
chaleureuse  a  été  faite  au  célèbre  ténor,  dont  le  talent  se  met  désor- 
mais au  service  de  notre  première  scène  française.  —Le  second  début 
de  Brignoli  a  eu  lieu  jeudi  avec  un  grand  succès  dans  Don  Pasquale;  il 
a  dû  répéter,  aux  applaudissements  de  la  salle,  la  sérénade  du  quatrième 
acte,  qu'il  a  dite  avec  un  charme  dont  on  n'avait  pas  eu  l'équivalent  de- 
puis Mario.  Quant  à  Mlle  A.  Patti,  on  sait  que  parmi  ses  nombreux 
triomphes  le  rôle  de  Norina  compte  pour  un  des  premiers;  aussi  les 
rappels  et  les  bravos  n'ont-ils  cessé  d'être  prodigués  à  l'inimitable  artiste 
depuis  le  commencement  du  spectacle  jusqu'à  la  fin.  —  Aujourd'hui 
elle  chante  pour  la  première  fois  à  Paris  et  en  Europe  Linda  de  Cha- 
mounix,  et  Brignoli  y  fera  son  troisième  début.  L'œuvre  de  Donizetti 
n'a  pas  été  représentée  à  notre  théâtre  Italien  depuis  une  douzaine  d'an- 
nées. La  direction  l'a  fait  répéter  avec  soin  et  n'a  rien  négligé  pour 
que  cette  reprise  soit  exécutée  avec  toute  la  perfection  désirable. 

„%  Les  sœurs  Marchisio  ont  résilié  à  l'amiable  l'engagement  qui  les 
liait  pour  la  saison  actuelle  à  M.  Bagier. 

***  On  répète  Leonora,  de  Mercadante,  opéra  qui  sera  chanté  par 
Fraschini,  Mme  Charton  Demeur,  Délie  Sedie,  Scalese.  Mme  Charton  De- 
meur  remplacera  Mme  Carlotta  Marchisio  dans  le  rôle  de  Palina  de  Po- 
liuto  qu'on  jouera  cette  semaine.  Brignoli  remplira  celui  de  Poliuto,  et 
ntonucci  celui  de  Severo. 

•^  Mme  Anna  de  Lagrange  est  sur  le  point  de  se  rendre  à  Madrid  ; 
Mario  s'y  trouve  déjà  avec  MM.  Bagier  et  Alary,  pour  y  monter  Faust. 
*t  M.  Bagier  vient  d'engager  un  jeune  baryton,  M .  Verger,  frère 
de  l'agent  dramatique  qui  a,  pendant  quelques  saisons,  dirigé  le  théâtre 
du  Lycée  à  Barcelone.  Ce  jeune  artiste  n'a  pas  encore  chanté  au  théâ- 
tre. Il  est  élève  du  maestro  Porto,  et  l'on  en  dit  le  plus  grand  bien.  Il 
est  question  de  l'opéra  /  Puritani  pour  ses  débuts. 

**„  La  pièce  nouvelle  de  Mlle  Suzanne  Lagier  ne  tardera  pas  à  faire 
son  apparition  aux  Bouffes-Parisiens;  voici  comment  les  rôles  ont  été 
définitivement  distribuées:  Jupiter,  Mlle  Emilie  Garait;  Leda,  Hélène 
Loyé;  le  berger  Tyndare,  Léonie  Carretier  ;  le  fleuve  Eurotas,  Bâche; 
plus  un  bataillon  de  nymphes  court-vètues.  —  On  répète  au  même 
théâtre  une  parodie  de  Roland  à  Ronccvaux,  qui  a  pour  titre  Roland  à 
Ronge-vaux  et  qui  sera  jouée  par  Désiré,  Léonce,  Arnal,  Mmes  Irma 
Marié  et  Tostée. 

„.•„  Le  théâtre  Saint-Germain  est  maintenant  administré  par  M.  Sal- 
vador, pour  le  compte  des  artistes  que  M.  Geraud  avait  engagés. 

„*„,  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  démentir  des  nouvelles  relatives 
à  l'Africaine.  Pareille  nécessité  nous  est  imposée  aujourd'hui  en  lisant 
dans  quelques  journaux  étrangers  que  la  propriété  de  l'œuvre  dernière 
de  Meyerbeer  a  été  vendue  pour  l'Angleterre  au  prix  de  3,000  livres 
sterling.  Cette  assertion  est  dénuée  de  tout  fondement. 

t%  Mme  Borghi-Mamo  est  toujours  l'étoile  du  théâtre  San-Carlos  de 
Lisbonne  ;  tout  récemment  le  rôle  de  Desdemona  a  été  pour  elle  un 


triomphe  que  Mongini  a  d'ailleurs  partagé.  Un  jeune  ténor  du  [nom  de 
Stagno  s'est  très-bien  acquitté  du  rôle  de  Rodrigo  et  donne  de  belles 
espérances.  Squarcia  a  joué  avec  une  grande  supériorité  celui  de  Yago. 
L'effet  produit  par  Mme  Borghi-Mamo  a  valu  à  la  célèbre  cantatrice 
un  rengagement  de  72,000  francs  pour  la  saison  prochaine.  — 
Sémiramide,  donnée  après  Oiello,  n'a  pas  été  moins  bien  accueillie,  et 
Mme  Volpini  y  a  trouvé  un  éclatant  succès. 

„*„  Jeudi  prochain,  à  8  heures  du  soir,  notre  savant  collaborateur 
M.  Fétis  fera  entendre  dans  les  salons  Pleyel-Wolff  plusieurs  morceaux 
de  sa  composition. 

**%  Nous  avons  annoncé  dernièrement  l'arrivée  à  Paris  d'un  jeune 
compositeur  belge,  M.  Pierre  Benoît,  qui  s'est  déjà  fait  une  grande 
réputation  dans  son  pays  ;  nous  apprenons  par  le  Guide  musical  qu'il  a 
été  accueilli  fort  bien  par  M.  Carvalho,  et  que  jour  a  été  pris  pour 
l'audition  du  Lutin  d'Ascot,  opéra  que  vient  de  composer  M  Benoit. 

**„,  A  Vienne,  le  11  décembre,  à  l'occasion  du  jour  de  naissance  de 
M.  Berlioz,  la  Société  du  Macnnergesangvcrein  a  exécuté  à  l'un  de  ses 
concerts  le  chœur  des  soldats  et  des  étudiants  de  la  Damnation  de  Faust. 
D'immenses  applaudissements  ont  accueilli  cette  exécution  et  avis  en  a 
été  donné  à  l'auteur  par  le  télégraphe. 

*%  Aujourd'hui  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  premier  concert  po- 
pulaire de  musique  classique,  2e  série,  sous  la  direction  de  M.  Pasde- 
loup.  En  voici  le  programme  :  1°  Symphonie  en  mi  bémol,  de  Haydn, 
(lre  audition);  2°  Ouverture  de  Lorelei,  par  Wallace;  3°  Andante,  de 
Mozart,  ;  4°  Le  Comte  d'Egmont,  tragédie  de  Gœthe,  musique  de  Beetho- 
ven. 

„,*„,  Mlle  Octavie  Caussemille,  l'éminente  pianiste,  est  de  retour  à 
Paris,  où  elle  va  reprendre  le  cours  de  ses  leçons. 

***  Aujourd'hui,  au  cirque  de  l'Impératrice  (Champs-Elysées),  aura 
lieu  le  grand  festival  organisé  par  l'association  des  Sociétés  chorales 
du  département  de  la  Seine.  On  y  entendra  des  œuvres  chorales  de 
MM.  Amb.  Thomas,  F.  David,  Gevaert,  Kucken  et  Laurent  de  Rillé. 
Plusieurs  grands  artistes,  et  entre  autres  Villaret,  de  l'Opéra,  et  la  mu- 
sique de  la  garde  de  Paris  dirigée  par  son  chef,  M.  Paulus,  prêteront 
leur  concours  à  cette  brillante  solennité. 

***  La  Société  Sainte-Cécile  qui,  depuis  près  de  dix  ans,  avait  inter- 
rompu ses  séances,  va  les  reprendre  sous  la  direction  de  M.  Wekerlin, 
mais  non  pour  des  concerts  symphoniques  :  la  voix  humaine  fera,  en 
grande  partie,  les  frais  des  exécutions  de  la  nouvelle  société.  On  y  en- 
tendra de  la  musique  ancienne,  avec  soli  et  chœurs,  accompagnés 
au  piano  et  à  l'orgue.  Les  auteurs  vivants  auront  aussi  leur  place  dans 
les  programmes.  Voici  celui  qui  doit  inaugurer  la  nouvelle  ère  de  la 
Société  :  Partie  historique.  —  1.  Complainte  sur  la  mort  de  Charlemagne 
(815),  notée  d'après  les  Neumes,  par  M.  de  Coussemacker  ;  solo,  M.  Er- 
nest Bertrand  et  le  chœur.  —  2.  Vau-de-Vire  d'Olivier  Basselin,  chanté 
par  M.  Bussine.  (D'après  une  tradition  populaire, '1480. ) —  3.  Madrigal  à 
quatre  voix,  d'Orlando  de  Lassus  (1560),  chanté  par  Mmes  E.  Bertrand, 
Barthe-Banderali  et  MM.  Félix  et  Bussine.  —  4.  Concerto  italien  de  Bach, 
exécuté  par  M.  C.  Saint-Saëns.  —  5.  Lucifer,  cantate  de  Carissimi  (1160), 
chantée  par  M.  Bussine.  —  6.  La  Fête  de  Versailles,  fragment  d'un  ballet 
de  Lully  (1670).  Solo  :  Mme  Bartbe-Banderali  et  chœur.  —  7.  Trio  des 
Songes  avec  chœur,  de  l'opéra  Dardanus,  de  Rameau  (1739).  —  8.  La 
Prière,  chœur  de  Beethoven.  —  Compositeurs  vivants  :  1.  La  Zingarella, 
chœur  pour  voix  de  femme,  musique  de  M.  Hignard.  —  2.  Romance  et 
scherzo  pour  piano  et  orgue  expressif,  de  M.  C.  Saint-Saëns,  exécuté  par 
M.  Frelon  et  l'auteur.  —  3.  Fragment  de  la  Princesse  d'Elide  (Molière), 
musique  de  M.  Wekerlin.  —  4.  Chœur  des  Fiançailles,  de  l'opéra  Lohen- 
grin,  musique  de  M.  Richard  Wagner. 

**.,.  Dimanche  4  décembre,  la  Société  du  progrès  artistique,  dont 
M.  G.  Lefèvre  est  le  président,  a  donné  sa  première  matinée  musicale 
à  l'Hôtel  de  ville,  salle  Saint-Jean.  La  partie  instrumentale  y  était  re- 
présentée par  M.  Besozzi,  le  remarquable  organiste-compositeur,  et  par 
l'excellente  pianiste  Mlle  L.  Chardon.  La  partie  vocale,  par  Mme  La- 
faix-Boisgontier.  Cette  jeune  cantatrice  a  dit  avec  beaucoup  de 'grâce  l'air 
de  Jeannot  et  Colin,  et  avec  un  rare  talent  celui  de  /  Puritani  ;  son 
trille  est  brillant,  ses  sons  filés  d'une  pénétrante  douceur  et  son  style 
irréprochable.  De  quelque  côté  que  Mme  Lafaix-Boisgontier  tourne  ses 
pas,  un  très-bel  avenir  lui  est  réservé. 

***  M.  Guidi,  éditeur  de  musique  à  Florence,  vient  de  publier  la 
grande  partition  et  les  parties  d'orchestre  de  la  Sinfonia  Dante,  du  cé- 
lèbre compositeur  G.  Pacini.  Cette  œuvre  remarquable,  et  qui  en  tous 
points  est  digne  du  maître,  est  divisée  en  quatre  parties,  dont  voici  les 
titres  :  1°  L'Enfer,  2»  le  Purgatoire,  3°  le  Paradis,  et  4°  Le  Retour  triom- 
phal de  Dante  sur  la  terre. 

,%  Irkoutzk,  sur  la  frontière  de  la  Sibérie,  a  voulu  avoir  son  théâtre. 
La  salle  a  été  inaugurée  le  44-26  octobre  dernier.  Elle  est  fort  belle. 

***  Les  principaux  artistes  de  Londres  viennent  de  faire  remettre  à 
M.  Arban,  comme  témoignage  de  leur  admiration  pour  le  talent  de  l'é- 
minent  virtuose-compositeur,  une  couronne  eu  or  et  en  argent  d'un 
grand  prix,  avec  une  plaque  d'argent  portant  cette  inscription  :  «  Of- 
fert à  M.  J.-B.  Arban,  professeur  du  Conservatoire,  à  Paris,  comme  un 
faible  témoignage  de  leur  sentiment  d'estime  personnel  et  de  leur  sin- 
I 


DE  PARIS. 


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cère  appréciation  et  admiration  de  ses  talents  comme  artiste  exécutant 
et  comme  compositeur.  Londres,  20  novembre  ISGi.   » 

,*,  On  nous  écrit  de  Brome  :  «  Le  concert  qui  vient  d'être  donné 
ici  par  Mlle  Carlotta  Patti,  avait  attiré  l'élite  de  la  population,  et  la  salle 
était  comble.  L'effet  produit  par  la  célèbre  cantatrice  a  été  immense.  Les 
journaux  allemands,  en  rendant  compte  de  ce  concert,  mentionnent 
d'une  manière  toute  particulière  le  succès  qu'ont  remporté  à  côté  d'elle 
Vieuxtemps  et  Alfred  Jaell.  Ils  citent  notamment  la  sonate  de  Bee- 
thoven, dédiée  à  Kreutzer,  qui,  à  chaque  concert,  vaut  des  ova- 
tions sans  nombre  aux  deux  artistes,  et  en  outre  les  concertos  de  Bee- 
thoven et  de  Mendelssohn ,  des  œuvres  de  Chopin  et  de  Liszt, 
enfin,  deux  morceaux  delà  composition  de  M.  Jaell  :  Au  Lord  de  VArno 
et  Home,  siveet  home,  deux  perles,  dit-on,  qui  font  fortune  en  Allemagne, 
comme  dans  tous  les  pays  où  leur  auteur  les  a  fait  entendre.  « 

*%  Le  tirage  de  la  tombola  des  artistes  dramatiques  est  irrévocable- 
ment fixé  au  13  janvier.  La  liste  des  lots  possède  actuellement  trente 
entrées  aux  principaux  théâtres  de  Paris,  et  une  entrée  aux  bals  de 
l'Opéra  donnée  par  Strauss.  Les  demandes  de  billets  peuvent  être  adressées 
à  M.  Thtiillier,  rue  de  Bondy,  68,  en  échange  de  mandats  ou  timbres- 
poste,  et  à  la  librairie  du  Petit  Journal,  boulevard  Montmartre,  21. 

„*„  Pour  avoir  été  retardée  de  quelques  jours,  la  fête  de  sainte  Cé- 
cile n'en  a  pas  moins  été  célébrée  très-dignement  à  Elbeuf  par  l'exé- 
cution d'une  messe  de  Miche1  Haydn,  tirée  de  la  belle  collection  pu- 
bliée par  M.  Charles  Vervoitte,  maître  de  chapelle  de  Saint-Roch,  et 
dirigée  par  M.  Grue),  directeur  de  la  Société  chorale  d'Elbeuf.  A  l'élé- 
vation, un  0  salutaris  inédit  de  M.  Vervoitte,  et  l'une  de  ses  plus  re- 
marquables productions,  a  été  chanté  avec  beaucoup  de  sentiment  par 
M.  Périer,  ténor  solo  de  Saint-Eustache. 

**j,  L'album  de  chant  :  les  Douze  mois  de  l'année,  contenant  douze 
mélodies  de  Victor  Tirpenne,  paraîtra  cette  semaine.  Nous  appelons  à 
l'avance  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  cette  intéressante  publication. 

***  Hier  samedi  on  a  exécuté  au  Casino  une  grande  fantaisie  avec 
chœurs,  composée  par  Arban  sur  les  motifs  de  Roland  à  Roncevaux.  Cent 
vingt  choristes,  sous  la  direction  de  M.  Gaubert,  ont  concouru  à  l'exé- 
cution de  cette  œuvre  dont  la  composition  ne  fait  pas  moins  d'hon- 
neur à  Arban  que  le  talent  avec  lequel  il  l'a  dirigée. 

**„.  Quoique  borné  à  une  salle  provisoire,  et  en  attendant  le  jardin 
d'hiver  qu'on  est  en  train  de  lui  construire,  le  Concert  inauguré  samedi 
de  la  semaine  dernière  à  l'hôtel  Laffitte  n'en  avait  pas  moins  réuni 
une  nombreuse  assemblée.  La  direction  de  l'orchestre,  confiée  à  M.  Var- 
ney,  qui  a  fait  ses  preuves,  cinquante  musiciens  exercés,  de  bons 
solistes  et  un  riche  programme,  justifiaient  cette  affluence  qui  se  per- 
pétuera certainement.  MM.  Legendre  et  Lamoury,  l'un  sur  le  cornet  à 
piston,  l'autre  sur  le  violoncelle,  ont  été  couverts  de  bravos. —  Ces 
concerts  sont  quotidiens,  de  8  heures  à  11  heures  du  soir. 

***  Le  Figaro-Programme  estime  le  nombre  des  personnes  qui  étaient 
samedi  au  premier  bal  de  l'Opéra  à  4.681,  sur  lesquelles  le  beau  sexe 
figure  pour  1,463.  La  recette  s'est  élevée  à  23,000  francs.— Hier  samedi 
a  eu  lieu  le  deuxième  bal. 

*%  L°s  bals  masqués  du  Casino  ont  commencé  mercredi. 

***  On  nous  prie  d'anuoncer  pour  aujourd'hui  dimanche  l'inaugura- 
tion des  concerts  donnés  dans  les  salons  de  l'Elysée-Montmartre,  de  1  à 
3  heures,  par  les  excentrophones,  ou  les  hommes-orchestres,  avec  le  con- 
cours d'artistes  aimés  du  public. 

***  Quoique  le  charmant  théâtre  Robin  soit  envahi  tous  les  soirs  par 
une  foule  nombreuse,  M.  Robin,  pour  tenir  la  promesse  qu'il  a  faite  de 
varier  souvent  ses  expériences,  annonce  comme  très-prochain  un  chan- 
gement complet  dans  la  composition  de  son  spectacle;  c'est  un  avis 
donné  aux  retardataires  qui  n'ont  pas  encore  été  admirer  les  mer- 
veilles du  ciel. 

s*»  Alois  Ander,  l'ancien  et  célèbre  ténor  de  l'Opéra  impérial  de 
Vienne,  vient  de  mourir  à  Wartenberg. 

CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 

t%  Strasbourg,  13  décembre.  —  La  seconde  soirée  de  la  Société  de 
musique  de  chambre  avait  attiré  plus  d'auditeurs  que  jamais^  Après  le 
quatuor  en  sol  majeur  de  Beethoven ,  on  y  entendait  pour  la  première 
fois  le  2e  quintette  en  ré  majeur  de  M.  Fétis,  et  ce  n'était  pas  assurément 
un  faible  attrait  que  le  plaisir  d'écouter  l'œuvre  d'un  maître  si  re- 
nommé. Tout  le  monde  connaît  la  remarquable  personnalité  de  M.  Fétis, 
le  savant  écrivain  musical,  directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles, 
théoricien  et  praticien  à  la  fois.  A  l'annonce  d'une  composition  de  cet 
auteur  considéré  comme  un  des  oracles  de  la  science  sonore,  on  pou 
vait  s'attendre  à  quelque  page  sévère,  tout  imprégnée  de  scolas- 
tique,  bourrée  de  formules,  de  contre-point  ,  en  un  mot  plus 
savante  qu'inspirée.  Tout  au  contraire,  le  quintette  de  M.  Fétis  res- 
pire d'un  bout  à  l'autre  une  fraîcheur  qui  ferait  envie  à  plus  d'un 
jeune  prix  de  Rome;  les  idées  y  sont  abondantes,  originales,  et  en  gé- 
néral plus  riantes  que  ne  semble  le  comporter  un  genre  aussi  essen- 
tiellement classique.  Le  travail  harmonique  est  sans  cesse  intéressant, 


et  pas  un  instant  pédantesque.  Une  pureté  attique  fait  encore  mieux 
ressortir  la  grâce  des  détails,  le  fini  du  travail,  et  sous  le  rapport  du 
rhythme,  l'attention  est  à  chaque  instant  sollicitée  par  quelque  con- 
trariété piquante  habilement  calculée.  La  syncope  règne  en  souveraine 
dans  tout  le  quintette,  et  chacune  des  cinq  parties  instrumentales, 
parties  toujours  réelles  et  conduites  magistralement,  est  chargée  à  tour 
de  rôle  de  cette  figure  que  l'auteur  parait  vivement  affectionner. 
M.  Fétis  a  eu  dans  MM.  Schwsederlé  frères,  Mayerhoffer,  Weber  et  tlar- 
nisch  des  interprètes  tels  que  nous  en  souhaitons  à  toutes  ses  œuvres, 
et  dans  le  public  de  notre  musique  de  chambre  un  auditoire  dont  les 
suffrages  lui  doivent  être  d'autant  plus  précieux  qu'il  devient  chaque 
jour  plus  compétent.  Mlle  Marie  Trautmann,  la  jeune  cantatrice,  con- 
courait à  cette  seconde  séance,  où  elle  a  produit  le  plus  grand  effet. 

„**  Marseille.  —  L'un  des  principaux  éditeurs  de  cette  ville,  M.  Car- 
bonel,  a  donné  récemment  dans  la  salle  de  l'Union  des  arts  un  grand 
concert  auquel  assistait  l'élite  de  nos  dilettanti.  Comme  d'habitude  la 
Société  chorale  l'Avenir  a  ouvert  la  séance.  La  Branche  d'amandier, 
et  un  chœur  de  notre  compatriote,  M.  Morel,  le  Retour  dans  la  patrie, 
ont  été  rendus  par  les  élèves  de  M.  Bertot  avec  cet  ensemble  et  cette 
précision  qui  ont  valu,  depuis  quelques  années,  à  cet  orphéon  un  suc- 
cès que  ne  bornent  pas  les  limites  du  département.  M.  Gozlan  a  joué 
sur  le  piano  une  polonaise  charmante.  La  voix  toujours  sympathique 
d'Audran,  l'ancien  artiste  de  l'Opéra-Comique,  a  plusieurs  fois  excité 
l'enthousiasme,  surtout  dans  l'air  de  la  Dame  blanche,  qui  lui  a  valu  un 
rappel,  et  dont  il  a  dû  répéter  la  fin;  M.  Edmond  Audran,  M.  Ginouvès, 
M.  Lauret  et  Mlle  Valérie  Leoni,  élève  du  Conservatoire,  MM.  Bouttier 
et  Darboville  ont  aussi  enlevé  les  bravos.  Un  chœur  chanté  par  la  So- 
ciété l'Avenir  a  clôturé  la  séance.  Tel  est,  dans  son  résumé  le  plus 
succinct,  le  compte  rendu  de  cette  soirée,  qui  fait  le  plus  grand  hon- 
neur au  goût  de  son  organisateur,  et  qui  comptera  parmi  les  plus  beaux 
concerts  de  la  saison. 

*%  Nice,  6  décembre.  —  Un  grand  concert  vocal  et  instrumental  a 
été  donné  samedi  dernier  au  profit  des  petites  sœurs  des  pauvres  (asile 
de  la  vieillesse),  dans  la  magnifique  salle  de  l'hôtel  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Mmes  Vandenheuvel-Duprez,  Casella,  Mlle  Coraly  Mugnier, 
MM.  Casella,  Ciaffei,  Laura  et  Perny  s'étaient  associés  pour  cette  œuvre 
d'art  et  de  charité.  Le  public  les  en  a  remerciés  de  la  manière  la  plus 
flatteuse;  Mme  Vandenheuvel-Duprez  dans  l'air  Grâce  de  Robert  le  Diable, 
dans  la  romance  de  Guillaume  Tell,  ainsi  que  dans  l'air  de  Mireille,  a 
ravi  l'auditoire  ;  elle  était  accompagnée  au  piano  par  M.  Bregozzo,  l'ha- 
bile chef  d'orchestre  du  théâtre  impérial.  A  M.  Perny  revient  l'honneur 
d'avoir  organisé  ce  beau  concert.  11  y  avait  pour  les  dames  de  délicieux 
bouquets  signés  Alphonse  Karr. 


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Kreutzer. 

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llendelssobn.  IVicolo. 

Meyerbeer.  Offenbarh. 

Slercadante.  Rossini. 

Mozart.  Sacchini. 
IVlcoIaï. 


Spohr. 

Spontînt. 

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ole  Année, 


N°  S2. 


25  Décembre  1864. 


ON  S'ABONNE  : 

Dans  les  Départements  et  a  l'Étranger, 

chez  tous  les  Mnrchnnds  de  Musique,  les  Libraires, 

et  aux  Bureaux  des  Messageries  et  de<;  Pnçtes. 


REVUE 


PRIX    DE    L'ABONNEMENT: 

Piips  24   r.pir  ai 

Départorai'Dts,  Bdgiqui-  H  Suisse'..        M  »        M. 

Étrungor 31  »       iil. 

Le  Journal  pnruîi  le  Dfmnnclie 


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DE     PARIS 


18G5 


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à  l'occasion  du  renouvellement  de  l'année  1865  et  de  la 

32e  année  de  son  existence  : 

MAGNIFIQUE  PORTRAIT   LITHOGRAPHIE 

DE 

G.    MEYERBEER 

Dessiné  par  Desmaisons,  avec  encadrement  de  Darbizet. 

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Des  Auteurs  les  plus  en  vogue,  contenant  : 

Jacqueline,  valse   par J.  Offenbach. 

.  Souvenir  de  Monaco,  polka  par Arban. 

Sans  nom,  polka-mazurka  par Conbadi. 

Souvenir  de  Thorn,  mazurka  par W.  Grahn. 

La  Discrète,  polka  par Heinsdorff. 

Ces  Primes  sont,  à  partir  d'aujourd'hui,  à  la  disposition  de 
toutes  les  personnes  gui  prendront  un  abonnement  d'une  année. 

Le  portrait  de  Meyerbeer  étant  d'une  dimension  qui  ne  permet  pas 
de  le  plier  et  de  l'envoyer  sous  bande  par  la  poste ,  la  direction  prie 
MM.  les  Abonnés  de  province  de  le  faire  prendre  au  bureau  de  la 
Gazette  musicale. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  Italien  :  Adelina  Patti  dans  Linda  di  Cha- 
mouni;  Poliuto,  Fraschini  et  Mme  Charton-Demeur.  —  Théâtre  des  Variétés: 
la  Belle  Hélène,  opéra-bouffe  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Henri  Aleilhac  et 
Ludovic  Halévy,  musique  de  Jacques  Offenbach.  —  La  musique  et  la  société 
française  au  xvm'  siècle  (7»  et  dernier  article),  par  Em.  Mathieu  de 
Monter.  —  Hevue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  ITALIEN. 

Adelina   Pattl    dans    Eiintta    tti    Uhatnowni.    — 
JPoliwto,  Frascbini  et  Mme  Charton-Demeur. 

C'est  au  mois  de  novembre  1842  que  la  partition  de  Linda,  com- 
posée pour  Vienne,  fut  exécutée  à  Paris.  Sitôt  pris,  sitôt  pendu  :  Do- 
nizotti  ne  laissa  pas  refroidir  la  vogue  de  la  Grâce  de  Dieu,  ce  drame 
populaire  qui  avait  procuré  de  si  belles  recettes  au  théâtre  de  la 
Gaîlé,  où  il  fut  joué  en  janvier  1841,  et  il  se  hâta  de  le  transformer 
en  drame  lyrique.  On  en  disait  merveille  d'avance  :  on  prétendait 
qu'en  écrivant  un  ouvrage  pour  le  pays  de  Mozart,  de  Beethoven  et 
deWeber,  l'auteur  à' A nna  Bolena  et  de  Lueia  avait  changé  de  style 
et  s'était  germanisé  complètement.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai,  c'est  que  la 
partition  de  Linda  n'est  ni  plus  ni  moins  italienne  que  ses  sœurs 
aînées  :  toujours  même  facilité,  même  clarté,  même  vulgarité  de 
dessin  et  de  rhythrae.  L'instrumentation,  brillante  et  forte,  n'offre 
pas  la  moindre  ressemblance  avec  celle  des  maîtres  de  l'Allemagne. 
Sans  se  garder  suffisamment  des  réminiscences  de  lui-même  ou  d'au- 
trui,  Donizetti  avait  eu  souvent  recours  au  procédé,  qui  tient  lieu 
d'invention.  Sa  musique,  écrite  à  tête  reposée,  marche  régulièrement, 
carrément,  mais  elle  manque  de  vivacité,  d'élan,  sauf  dans  la  jolie 
tyrolienne,  que  Linda  chante  à  son  entrée  en  scène  :  O  Luce  di  quesf 
anima.  Tout  cela  fut  cause  que  dès  le  premier  jour  une  certaine  froi- 
deur régna  dans  l'auditoire,  qui  s'attendait  à  quelque  chose  de  plus 
original,  de  plus  nouveau. 

En  ce  temps-là,  Mme  Persiani  chantait  le  rôle  principal,  qui  con- 
venait beaucoup  mieux  à  sa  voix  et  à  son  talent  qu'à  sa  personne. 
A  côté  d'elle  figuraient  Mario,  Lablache  père,  Lab'ache  fils  et  l'excel- 
lent Tamburini  ;  Mme  Brambilla  débutait  sous  le  costume  de  Pierotlo, 
le  jeune  Savoyard.  C'était,  comme  vous  le  vojez,  un  personnel  assez 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


imposant,  dont  le  souvenir  resle  seul  aujourd'hui;  mais  si,  comme 
dans  la  satire  de  Boileau,  il  faut  avouer  que  nous  n'avons  plus  ni 
Lambert,  ni  Molière,  nous  avons  Mlle  Adelina  Palti,  pour  qui  Linda 
vient  d'être  reprise,  et  sans  laquelle  on  n'y  eût  guère  songé.  Tout 
le  monde  avait  compris  que  pour  la  jeune  et  charmante  artiste,  déjà 
maîtresse  d'un  répertoire  où  se  réunissent  tant  de  séductions  gracieuses, 
de  piquantes  malices  et  de  finesses  élégantes,  le  rôle  de  Linda  serait 
une  transition  à  des  sentiments,  à  des  expressions  d'un  autre  ordre. 
De  la  comédie  au  drame  il  y  avait  un  pas  à  faire,  et  ce  pas,  Mlle  Ade- 
lina Patti  l'a  franchi  plus  aisément,  plus  victorieusement  qu'elle  ne 
l'espérait  peut-être  elle-même. 

Oui,  Mlle  Patti  a  été  simple  et  naïve,  autant  qu'il  faut  l'être  dans 
le  premier  acte  de  Linda  ;  elle  a  été  pathétique  et  touchante  au 
dernier  point  dans  le  second.  Le  troisième  lui  a  conquis  tous  les 
cœurs  et  tous  les  suffrages.  Pour  nous,  ce  qu'il  y  a  eu  de  plus  admi- 
rable, de  plus  saisissant  dans  sa  voix,  dans  son  regard,  dans  tout 
son  jeu,  c'est  la  manière  dont  elle  a  rendu  son  étonnement,  sa  stu- 
peur, en  écoutant,  sans  presque  le  comprendre,  le  récit  de  Pierotto  : 
elle  a  dit  avec  l'accent  de  la  vérité  même  :  No,  non  è  ver. . .  tradir 
tu  non  mi  puoi  !  De  ce  moment,  la  jeune  artiste  est  entrée  dans  une 
voie  nouvelle,  où  les  plus  beaux  effets  lui  sont  assurés  :  nous 
n'en  voulons  pour  preuve  que  l'émotion  de  tout  l'auditoire, 
sans  compter  les  bravos,  les  exclamations,  les  rappels!  A  la  bonne 
heure,  mais  par  grâce  nous  supplions  Mlle  Patti  de  ne  pas  trop 
s'abandonner  aux  entraînements  d'un  genre  où  elle  réussira  tant 
qu'il  lui  plaira,  nous  y  consentons,  pourvu  qu'elle  ne  soit  pas 
ingrate  envers  la  comédie  !  Le  drame  est  grand  et  puissant,  mais  la 
comédie  est  si  bonne  et  si  aimable  ! 

Après  tout,  chaque  chose  a  son  temps  et  son  heure.  Poliuto  nous 
est  revenu  mercredi,  et  le  public  ne  s'est  pas  montré  moins  sensible 
que  d'ordinaire  à  la  beauté  mâle  d'une  action  fondée  sur  un  miracle  de 
l'enthousiasme  et  de  la  foi.  Sans  avoir  l'exaltation  fougueuse  à  laquelle 
nous  avait  habitués  Tamberlick,  Fraschini  est  un  admirable  Poliuto, 
et  Mme  Charton-Demeur  possède  les  rares  qualités  d'une  Paolina 
destinée  à  servir  de  modèle  comme  eantatrice  et  comme  actrice.  Elle 
y  a  été  applaudie  comme  elle  devait  l'être,  et  comme  elle  le 
sera  toutes  les  fois  qu'on  lui  confiera  des  rôles  aussi  bien  en  rapport 
avec  son  double  talent. 

P.  S. 


THÉÂTRE  DES  VARIETES. 

LA  BELLE  HÉLÈNE, 

Opéra-bouffe  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Henri  Meilhac 
et  Ludovic  Halévy,  musique  de  Jacques  Offenbach. 

(Première  représentation  le  17  décembre  1864.) 

Nous  vivons  sous  le  règne  de  la  caricature  ;  il  n'y  a  plus  rien  de 
sacré  pour  le  crayon  ni  pour  la  plume.  Les  héros  de  l'antiquité,  les 
dieux  de  l'Olympe,  toutes  les  traditions  classiques,  en  un  mot,  sont 
devenus  pour  nous  un  sujet  de  risée,  comme  si  nous  voulions  nous 
venger  par  des  injures  de  l'ennui  respectueux  qu'ils  nous  ont  fait 
éprouver  sur  les  bancs  du  collage.  Quelques  esprits,  imbus  d'hono- 
rables préjugés,  s'indignent  et  crient  à  la  profanation.  Nous  ne 
sommes  pas  si  sévère,  et  quand  la  parodie  est  plaisante,  nous  nous 
rangeons  franchement  du  côté  des  rieurs,  en  nous  réglant  sur 
l'exemple  du  grand  siècle  qui  n'a  pas  trouvé  sa  dignité  compromise 
pour  s'être  amusé  aux  bouffonneries  de  V Enéide,  de  Scarron,  le 
père  et  le  modèle  de  nos  travestisseurs  modernes.  Le  seul  danger 
de  ces  sortes  de  débauches  d'imagination  réside  dans  l'abus  qu'on  en 
peut  faire,  et  Scarron  l'a  si  bien  compris  qu'il  n'a  jamais  complété 
sa  caricature  de  Virgile. 


On  trouverait  peut-être  le  motif  de  cette  satiété  si  prompte  et  si 
facile  dans  les  ressources  bornées  à  l'aide  desquelles  ce  genre  de  pa- 
rodie procède  forcément.  Qui  en  a  vu  une,  peut  à  coup  sûr  deviner 
les  autres,  rien  que  sur  leur  enseigne,  et  c'est  là  un  inconvénient 
dont  le  peuple  le  plus  spirituel  de  la  terre  ne  saurait  s'accommoder, 
sans  donner  un  démenti  à  la  bonne  opinion  qu'il  a  de  lui-même. 

Rien  de  plus  simple,  en  effet,  de  plus  élémentaire  que  le  procédé 
en  question.  Vous  voulez,  par  exemple,  travestir  les  origines  de  la 
guerre  de  Troie?  Pas  le  plus  petit  effort  d'invention  à  faire.  Vous 
prenez  les  héros  d'Homère,  et  vous  ne  changez  pas  un  iota  aux 
incidents  dont  le  poëte  nous  a  transmis  le  récit  fabuleux.  Le  berger 
Paris,  choisi  pour  juge  par  les  trois  déesses,  sur  le  mont  Ida,  dé- 
cerne la  pomme  à  Vénus,  parce  que,  mieux  avisée  que  ses  deux  ri- 
vales, la  reine  de  Cythère  a  promis  au  fils  de  Priam  la  possession  de 
la  plus  belle  femme  du  monde.  Or,  cette  femme,  c'est  Hélène,  la 
fille  de  Jupiter  tranformé  en  cygne,  et  de  Léda,  c'est  l'épouse  de 
Ménélas,  le  roi  de  Lacédémone.  Paris  n'a  donc  qu'à  se  montrer,  Hé- 
lène est  vaincue  d'avance,  elle  suit  le  berger  et  la  guerre  de  Troie 
est  allumée. 

Seulement,  au  lieu  de  mettre  dans  la  bouche  de  ces  illustres  per- 
sonnages les  nobles  et  poétiques  discours  qu'on  est  accoutumé  à  leur 
entendre  tenir,  vous  leur  prêtez  un  langage  que  l'un  d'entre  eux 
appelle  facétieusement  la  langue  d'argos.  De  la  belle  Hélène,  vous 
faites  une  lorette,  d'Achille  aux  pieds  légers,  un  troupier  furibond, 
et  des  deux  Ajax,  le  fils  d'Oïlée  et  le  fils  de  Télamon,  deux  crétins 
renforcés.  Vous  faites  danser  le  cancan  à  Agamemnon,  le  roi  des 
rois  ;  vous  faites  chanter  des  tyroliennes  au  berger  Paris,  et  vous 
donnez  un  mouchoir  à  carreaux  à  l'augure  Calchas  qui,  par  sur- 
croît, triche  au  jeu.  Moyennant  quoi,  le  tour  est  fait. 

A  la  vérité,  il  ne  vous  est  pas  défendu  d'enjoliver  toutes  ces  gros- 
ses charges  d'une  foule  de  traits  d'esprit,  acérés  et  piquants,  et 
nous  n'allons  pas  jusqu'à  prétendre  que  les  auteurs  de  la  Belle  Hé- 
lène aient  tout  à  fait  décliné  ce  droit.  Aimez- vous  le  sel  altique? 
Voici  les  jeux  de  la  Grèce.  Il  n'est  pas  question,  rassurez -vous,  de 
réciter  de  beaux  vers,  de  diriger  un  char,  de  lancer  le  palet  ou  de 
courir  le  stade.  Il  s'agit  de  deviner  une  charade,  dont  le  mot  est  lo- 
comotive, ou  de  dire  la  différence  qui  existe  entre  un  cornichon  et 
Calchas.  «  C'est  que  le  premier,  s'écrie  Paris  inspiré,  est  confit  dans 
du  vinaigre,  et  que  le  second  est  confident  du  roi.  »  Après  cela,  il 
faut  tirer  l'échelle. 

Plaisanterie  à  part,  quand  cette  pièce  fantaisiste  n'aurait  d'autre 
mérite  que  celui  d'avoir  inspiré  à  Offenbach  l'une  de  ses  plus  char- 
mantes partitions,  sa  part  serait  belle  encore;  car  ce  n'est  pas  une 
bonne  fortune  si  ordinaire  qu'on  le  pense  pour  un  compositeur,  de 
rencontrer  dans  les  livrets  qui  lui  sont  confiés  un  sujet  et  des  situa- 
tions essentiellement  en  rapport  avec  la  nature  de  son  talent.  Offen- 
bach a  eu  cette  heureuse  chance  avec  Orphée,  et  il  n'a  pas  été 
moins  favorisé  par  la  Belle  Hélène.  Aussi  n'y  a-t-il  pas  un  seul  mor- 
ceau de  son  œuvre  qui  n'ait  une  valeur  relative  et  qui  ne  soit 
frappé  de  son  cachet  si  fin  et  si  original. 

La  pièce  n'a  pas  d'ouverture  ;  après  quelques  mesures  d'introduc- 
tion, la  toile  se  lève  sur  un  chœur  d'une  facture  très-distinguée  et 
qui  ne  ressemble  pas  le  moins  du  monde  au  prologue  d'une  bouffon- 
nerie. Notons  en  passant  que,  par  un  artifice  dont  le  but  est  facile  à 
comprendre,  les  chœurs  détachés  sont  généralement  traités  dans  un 
style  sérieux  qui  forme  contraste  avec  le  reste.  Mais  ne  pouvant  pas 
tout  analyser,  faute  d'espace,  nous  nous  contenterons  de  les  men- 
tionner en  bloc,  et  nous  essayerons  de  nous  rappeler  les  morceaux 
à  effet  de  l'ouvrage. 

C'est  d'abord,  au  premier  acte,  des  couplets  fringants  chantés  par 
le  jeune  Oreste  ;  puis  un  récit  du  berger  Paris,  que  l'on  peut,  sans 
exagération,  nommer  un  chef-d'œuvre  de  goût  et  de  finesse;  et, 
comme  complément  de  cet  acte  qui  est,  sans  contredit,  le  meilleur 


DE  PARIS. 


611 


de  la  pièce,  un  finale  très-varié,  trôs-mouveinenlê,  qui  débute  par 
des  couplets  fort  gais,  dans  lesquels  chacun  des  rois,  en  visite  chez 
Ménélas,  établit  pour  ainsi  dire  son  identité.  La  strette  :  Partez  pour 
la  Crète,  couronne  on  ne  peut  mieux  cet  excellent  finale. 

Le  deuxième  acte,  qui  se  passe  dans  le  gynécée  du  palais  de 
Ménélas  absent,  appartient  presque  tout  entier  à  Hélène  ;  les  cou- 
plets qu'elle  adresse  à  Vénus  sont  ravissants,  et  c'est  avec  justice 
qu'on  a  fait  répéter  le  second.  Son  duo  d'amour  avec  Paris  mérite 
aussi  les  plus  sincères  éloges,  comme  contexture  et  comme  exécu- 
tion. Quant  au  finale,  c'est  une  parodie  fort  bien  réussie  des  ensem- 
bles de  grand  opéra;  les  couplets  :  Un  mari  sage,  qu'y  chante  en- 
core Hélène,  ont  droit  à  une  mention  très-honorable. 

C'est  aux  bains  de  Nauplie  que  nous  transporte  le  troisième  acte, 
dans  lequel  nous  trouvons  à  signaler  de  nouveaux  couplets  d'Hélène, 
élégants  et  gracieux,  un  trio  bouffe  pour  trois  voix  d'hommes,  où  des 
fragments  de  Guillaume  Tell  et  à' Orphée  aux  enfers  servent  de  pré- 
paration à  une  explosion  ébouriffante  de  gaieté  et  de  verve,  et,  finale- 
ment, un  air  de  très-bon  aloi,  chanté  par  le  berger  Paris,  déguisé 
en  augure  de  Cythère. 

Si  la  musique  d'Offenbach  est  une  des  meilleures  qu'il  ait  faites, 
il  faut  convenir  aussi  qu'il  n'a  jamais  eu  d'interprète  qui  l'ait  mieux 
servi  que  Mlle  Schneider,  chargée  de  représenter  la  belle  Hélène. 
Certes,  ce  n'est  pas  dans  les  derniers  temps  qu'elle  a  passés  au  Pa- 
lais-Royal que  cette  actrice  eut  rempli  toutes  les  conditions  néces- 
saires pour  accomplir  la  promesse  de  Vénus.  Elle  nous  est  revenue 
l'autie  soir,  à  notre  grand  étonnement,  tout  à  fait  transformée,  pres- 
que svelte,  aussi  jolie  qu'à  son  entrée  aux  Bouffes,  et,  de  plus,  avec 
une  voix  reposée,  agile  et  sûre,  dont  elle  tire  véritablement  un  parti 
merveilleux.  Qu'elle  se  tienne  en  garde  contre  certains  entraînements 
d'un  goût  douteux  qui  lui  donnent  de  la  ressemblance  avec  une  hé- 
roïne de  l'Alcazar,  et  la  critique  la  plus  sévère  n'aura  plus  rien  à  lui 
reprocher. 

Le  rôle  de  Paris,  ingrat  et  difficile,  fait,  selon  nous,  le  plus  grand 
honneur  à  Dupuis.  Tout  ce  qu'il  y  met  de  tact  et  de  mesure  pour  ne 
pas  tomber  dans  la  trivialité,  qui  est  l'écueil  de  ce  personnage,. n'est 
pas  apprécié  autant  qu'il  convient.  Pour  notre  part,  nous  nous  plai- 
sons à  lui  rendre  cette  justice  qu'il  a  contribué  à  sauver  la  pièce  d'un 
danger  très-réel. 

Couderc  en  Agamemnon,  Mlle  Silly  en  Oreste,  Kopp  en  Ménélas, 
Grenier  en  Calchas,  Guyon  en  Achille,  Hamburger  en  Ajax  1er  et  en 
Ajax  2%  sont  tous  à  la  hauteur  de  leur  mission  burlesque.  Une  mise 
en  scène  des  plus  soignées,  des  décors  et  des  costumes  brillants,  un 
orchestre  et  des  chœurs  qui  ne  laissent  à  peu  près  rien  à  désirer, 
ajoutent  le  dernier  trait  au  tableau,  et  garantissent  à  la  Belle  Hélène 
une  interminable  série  de  représentations. 

D. 


LA  MUSIQUE  ET  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  AU  XVIIIe  SIÈCLE. 

(7*  et  dernier  article)  (1). 

«  Mme  de  Pompadour,  —  nous  dit  encore  Barbier,  —  avait  tous 
les  talents  possibles  du  chant  et  des  instruments.  Sa  voix  n'était  pas 
étendue,  mais  très-agréable,  et  elle  la  conduisait  avec  beaucoup  de 
goût.  »  Dans  son  livre  de  dépenses,  les  opéras,  comédies  et  concerts 
joués  et  donnés  dans  ses  maisons  devant  Louis  XV,  figurent  pour  la 
somme  de  quatre  millions  cinq  mille  neuf  cents  livres.  C'est  cher! 
Dans  ce  chiffre  rentrent,  il  est  vrai,  bien  des  encouragements,  bien 
des  libéralités,  bien  des  dons  aussi  et  de  discrètes  aumônes.  La  mu- 
sique, comme  les  beaux  arts,  doit  beaucoup  à  Mme  de  Pompadour. 
Je  n'ai  ici  ni  à  la  louer  ni  à  la  défendre,  mais  il  faut  avouer  qu'elle 

(1)  Voiries  n01  42,  43,  44,  46,  47  et  51. 


I  sut  remplir  avec  beaucoup  de  tact  et  d'à-propos  cette  mission  de 
I  protection,  de  sollicitude  pour  l'art  musical,  qui  est  l'un  des  plus 
j  beaux  apanages  des  reines  de   France,  —  même  des   reines    de   la 

main  gauche,  —  et  dont  Marie  Leczinska,  toute  fille  de  roi  -  artiste 

qu'elle  était,  semble  ne  se  préoccuper  guère. 

Complètement  privé  de  tout  sentiment,  et  même  de  tout  instinct 
artistique,  Louis  XVI  subit  la  musique  à  la  cour  comme  une  des 
charges  de  la  puissance  royale.  De  même  qu'il  devait  conserver  tout 
co  que  les  siècles  lui  avaient  légué,  il  accepta  l'organisation  de  la 
chapelle  oratoire  avec  les  psalmistes  ordinaires  de  la  grande  cha- 
pelle, avec  les  noteurs  de  la  musique,  avec  les  maîtres  de  la  cham- 
bre et  de  la  chapelle,  avec  l'orchestre  et  les  chœurs  de  la  chambre 
et  de  la  chapelle,  avec  les  porteurs  d'instruments,  les  pousse-fauteuils, 
et  jusqu'aux  chargés  de  présenter  la  musique  des  morceaux  joués 
au  roi  et  à  la  reine. 

«  Un  jour  qu'à  son  grand  couvert,  —  raconte  Nougaret,  —  Sa 
Majesté  eut  de  la  musique,  selon  l'usage,  on  avait  cherché  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  beau.  «  C'est  bien  !  dit  Louis,  en  regardant  la 
reine  et  les  princes,  ses  frères  ;  mais  tout  cela  ne  vaut  pas  le  qua- 
tuor de  Lucile  :  Où  peut-on  être  mieux  qu'au  sein  de  sa  famille  ?  » 
Certainement  ;  mais  pour  se  donner  le  plaisir  de  dire  un  joli  petit 
mot  bien  sensible,  dans  le  goût  du  jour,  Louis  XVI  fait  bon  marché, 
ce  me  semble,  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau  dans  la  musique 
du  xvme  siècle.  Le  mot  est  d'un  «  bon  époux  »  et  d'un  excellent 
frère,  mais  il  n'est  ni  d'un  musicien  ni  d'un  roi.  Ce  qui  paraît  plus 
choquant  encore,  c'est  que  Louis  XVI,  semblable  en  cela  à  ces 
hommes  qui  ont  épousé  une  femme  plus  intelligente  qu'eux,  pein- 
tre ou  musicienne,  et  qui  s'attachent,  en  leur  épaisse  vulgarité,  à 
tourner  ses  goûts  en  dérision  et  à  souffler  sur  ses  enthousiasmes 
pour  les  éteindre  ;  Louis  XVI,  en  dépit  du  quatuor  de  Lucile,  vient 
trop  souvent  et  trop  lourdement  à  rencontre  des  loisirs  artistiques 
de  Marie -Antoinette.  Va-t'elle,  incognito,  au  spectacle,  à  Paris,  la 
reine  trouve  à  son  retour  les  grilles  de  Versailles  fermées,  et  elle  se 
heurte  à  une  consigne  et  à  un  soldat  aux  gardes  inflexibles  ?  Veut- 
elle  chanter  l'opéra-comique  et  jouer  la  comédie,  le  roi  croit  ingé- 
nieux de  siffler,  et  les  malins  de  répéter  «  que  Sa  Majesté  l'avait 
bien  appréciée  ;  »  et  un  officier,  appelé  là  par  son  service,  de  dire 
tout  bas  à  son  voisin  :   «  C'est  royalement  mal  joué  !  » 

Nous  voilà  donc  éclairés  et  sur  le  degré  d'intelligence  du  roi  et 
sur  le  mérite  musical  de  la  reine.  Pauvre  Michu,  vous  aviez  perdu 
temps  et  peine  à  apprendre  à  Marie-Antoinette  ces  rôles  de  sou- 
brette, de  villageoise  qu'elle  affectionnait,  par  contraste,  elle,  la  fille 
altière  des  Césars  !  Pour  lui  donner  la  réplique,  elle  avait  le  comte 
d'Artois,  le  duc  et  le  comte  de  Coigny,  le  duc  de  Guiche,  le  duc  de 
Lauzun,  le  chevalier  de  Luxembourg,  le  baron  de  Bezenval,  M.  d'Ad- 
hémar,  M.  de  Vaudreuil,  Mme  de  Polignac,  Mme  de  la  Borde,  sa 
lectrice  et  dame  du  lit,  sœur  du  directeur  de  l'Opéra,  Mme  l'Infan- 
tado,  et  la  princesse  Potocka  qui,  un  soir  de  carnaval,  avec  Mme  de 
Genlis,  déguisées  toutes  deux  en  servantes,  avaient  fait,  en  dansant 
un  menuet  au  Grand  Vainqueur,  la  conquête  de  deux  coureurs  de 
M.  de  Brancas,  qui  ne  voulaient  plus  les  quitter. 

Dans  ces  divertissements,  Madame  ne  voulut  jamais  accepter  de 
rôle.  Jouer  la  comédie  lui  paraissait  indigne  d'elle.  Marie-Antoinette 
lui  dit  un  jour  :  «  Mais,  dès  que  moi,  reine  de  France,  je  chante 
l'opéra  (nous  savons  co?nmentl),  vous  ne  devriez  pas  avoir  de  scru- 
pules. »  Madame  réplique  :  «  Si  je  ne  suis  pas  reine,  je  suis  du 
bois  dont  on  les  fait.  »  Là-dessus,  Marie-Antoinette,  piquée,  de  faire 
sentir  à  sa  belle-sœur  combien  elle  met  au-dessus  de  la  maison  de 
Savoie  la  maison  d'Autriche,  qui  ne  le  cède  pas  même  à  celle  de 
Bourbon]  Mais  ici,  le  comte  d'Artois,  qui  n'a  rien  dit  jusque-là, 
intervient,  et  très-finement  à  la  reine,  avec  un  sourire...  de  Bour- 
bon :  «  J'avais  craint,  tout  à  l'heure,  de  me  mêler  à  la  conversation, 


412 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


Madame,  vous  croyant  fâchée;  mais,  pour  le  coup,  je  vois  bien  que 
vous  plaisantez  !  » 

Ce  pendant  dans  les  allées  de  Trianon,  le  prince  de  Conti  rêvait 
au  livret  et  à  la  musique  d'un  opéra  de  sa  façon.  Le  sujet  était 
Ariane  abandonnée  par  Thésée  dans  l'île  de  Naxos.  Ariane  y  trou- 
vait Bacchus,  et  elle  y  suivait  le  conseil  de  Mlle  Antier,  de  l'Opéra, 
à  qui  l'on  demandait  :  «  Que  feriez-vous,  Mademoiselle,  si  vous  vous 
trouviez  dans  cette  situation,  si  votre  amant  vous  quittait?  —Ma 
fois!  j'en, prendrais  un  autre.  » 


On  chantait  encore  à  Trianon,  on  fêlait  les  muses  légères,  on  se 
complaisait  aux  idylles  mouchetées  et  aux  bucoliques  musicales , 
tandis  que  Paris  ouvrait  le  prologue  de  la  révolution,  de  ce  drame 
qui  efface  l'épopée  antique.  Aux  approches  du  coup  de  foudre,  dès 
que  ia  caricature  eût  montré  le  clergé  jouant  du  serpent,  la  no- 
blesse, en  habit  militaire,  de  la  clarinette,  et  le  tiers,  en  veste  de 
Colin,  du  violon,  le  dilettantisme  émigra,  les  salons  de  musique  se 
fermèrent,  et  les  chanteurs  et  les  musiciens,  familiers  des  grands, 
apportèrent  à  la  révolution  leur  misère  et  leurs  sourdes  rancunes. 
Malheureux,  ils  ne  se  souvinrent  plus  que  des  torts  du  passé.  Ils  se 
rappelèrent  qu'en  parlant  d'eux,  la  noblesse  avait  dit  quelquefois  : 
Ces  gens-là!  Ils  se  rappelèrent  que  lorsqu'ils  avaient  voulu  —  juin 
1 752 honorer  la  mémoire  de  l'académicien  Crébillon  par  un  ser- 
vice religieux,  Saint-Sulpice  et  les  Cordeliers  s'y  étaient  refusés,  et 
qu'il  avait  fallu  les  instances  personnelles  du  prince  de  Conti  pour 
vaincre  les  scrupules  de  la  commanderie  de  Saint-Jean  de  Latran. 
Requiem  imposant  :  l'orchestre  de  l'Opéra,  les  chœurs  de  tous  les 
théâtres  ;  mais  le  curé,  suspendu  pour  six  mois,  avait  dû  donner  aux 
pauvres  le  produit  du  service.  Ils  se  rappelèrent  que  le  Parlement 
avait  fait  brûler,  par  la  main  du  bourreau,  une  requête  de  l'avocat 
Huerne  de  jla  Motte,  adressée  au  roi,  —  pour  que  les  comédiens 
soient  décorés  de  ses  ordres  ?  —  Non  :  pour  qu'ils  ne  soient  plus 
excommuniés.  Ils  se  rappelèrent  que  leur  pauvre  camarade,  Adrienne 
Lecouvreur,  à  laquelle  on  avait  refusé  l'entrée  du  cimetière,  avait 
été,  de  nuit,  mise  en  terre,  par  les  soins  pieux  d'un  ami,  sur  la 
berge  de  la  Seine,  devant  le  Palais-Bourbon  ;  tandis  que  l'Angle- 
terre inhumait  pompeusement  Olfieds,  sa  célèbre  actrice,  à  West- 
minster, avec  les  rois  et  les  héros  ! 

Ces  plaintes,  la  révolution  devait  les  recueillir,  et  comme,  d'un 
autre  côté,  l'art  dramatique  et  lyrique  lui  paraissait  «  chargé  de 
chaînes,  »  que  les  Italiens  devaient  ne  jouer  que  des  pièces  où  l'ac- 
teur ne  pouvait  pas  mourir  en  scène  ;  que  le  théâtre  de  Monsieur 
était  voué  aux  traduclions  d'opéras  italiens  ;  que  les  Variétés  avaient 
à  ne  pas  dépasser  la  limite  de  trois  actes  ;  que  Nicolet  était  tenu  de 
conserver  ses  danseurs  de  corde  ;  que  les  élèves  de  l'Opéra  étaient 
condamnés  aux  pantomimes  à  perpétuité,  et  le  théâtre  des  Beaujo- 
lais à  des  chants  mîmes  par  les  acteurs  sur  la  scène  et  chantés  der- 
rière les  portants;  qu'aux  Délassements  et  aux  Bluettes,  une  gaze 
était  tendue  entre  le  spectacle  et  le  public;  que  le  théâtre  de  la  Porte- 
Saint-Antoine  ne  pouvait  ouvrir  qu'à  7  heurer,  une  heure  après 
l'entrée  de  tous  les  autres  ;  que  les  théâtres  de  boulevards  conser- 
vaient, par  ordre,  les  tréteaux  de  la  parade,  comme  des  affranchis 
leurs  anneaux  d'esclave  aux  pieds,  la  révolution  se  préparait  à  pro- 
clamer la  liberté  théâtrale,  dont  le  résultat  devait  être  d'ouvrir 
quatre-vingt-dix-huit  salles  de  spectacle  à  Paris,  et  de  jeter  en  même 
temps  sur  le  pavé  tous  les  artistes  que  l'émigration  n'avait  pas 
réduits  au  chômage.  Eclairés  alors  sur  leurs  intérêts  véritables,  re- 
grettant les  jours  de  la  «  tyrannie,  »  ils  allaient  livrer  la  bataille  des 
privilèges  contre  la  liberté,  privilèges  qui  leur  avaient  assuré  jadis 
un  public,  si  peu  nombreux  qu'il  fût,  mais  un  public  qui  aimait  tel 


ou  tel  spectacle,  qui  savait  le  trouver  à  tel  endroit  et  qui  y  allait. 

Depuis  le  glorieux  avènement  de  la  liberté,  depuis  que  Chénard, 
de  l'Opéra-Comique,  et  Vallière,  de  Feydeau,  ont  été  chanter  à  la 
barre  de  la  Convention  en  l'honneur  de  l'acte  constitutionnel,  les 
théâtres  lyriques  secouent  le  joug  odieux  de  la  mise  en  scène  et  de 
la  décence.  Les  acteurs  entrent  et  sortent  indifféremment  par  la 
cheminée,  par  la  glace  ou  par  la  fenêtre,  ou  encore  à  travers  le 
mur  ;  de  la  scène,  les  coryphées  lorgnent  le  public  avec  de  grandes 
lunettes.  En  1789,  Kotzebue,  à  l'Opéra,  verra  des  paquets  de  tabac 
et  des  pipes  sur  la  cheminée,  dans  un  décor  qui  doit  représenter 
«  les  pénates  d'Horalius  Coclès.  »  Le  temps  est  proche  où  naîtra 
le  nouveau  répertoire  «  pocme  de  Quinault  de  Ça  ira,  musique  de 
Lulli  de  Carmagnole,  »  et  où  l'on  jouera,  à  l'Opéra,  toile  baissée, 
les  Bacchanales  calilinaires  ! 

Cependant,  on  a  pris  les  Tuileries,  et  un  vainqueur  a  joué  de  la 
guitare  sur  les  cadavres  des  Suisses;  on  a  pris  la  Bastille,  et  ses 
ruines  ont  disparu  sous  les  estrades  des  concerts  ;  on  a  supprimé  les 
maîtrises  ;  le  violon  Bellerose  a  parcouru  les  rues  avec  ses  refrains 
obscènes;  le  Père  Duchesne...  Passons.  Où  sont  maintenant,  près 
des  clavecins  enguirlandés  de  fleurs,  devant  les  pupitres  de  bois  de 
rose,  aux  orchestres  et  aux  opéras,  où  sont  ces  femmes  éclatantes  de 
jeunesse,  de  beauté,  de  diamants?  Où,  ces  grands  seigneurs  «  en 
habit  pluie  d'argent,  »  dilettantes  qu'il  ne  fallait  qu'atteindre  pour 
émouvoir,  qui  observaient  surtout  la  maxime  artistique  :  Rien  de 
trop,  et  qui  désapprouvaient  dans  le  style  musical  cette  austérité 
empreinte  de  mœurs  difficiles,  âpres  et  sévères?  Où,  tout  ce  monde 
délicat  par  l'esprit  et  par  l'oreille,  toujours  de  bonne  humeur  en 
écoutant,  en  appréciant,  dont  le  goût  était  net  et  sobre,  et  auquel 
rien  ne  plaisait  tant  qu'une  pensée  élégante,  simplement  parée  ? 


Mais  le  nui'  siècle  ne  finira  pas  sans  rattacher  au  nôtre  sa  tra- 
dition de  musique  vive,  gracieuse,  transparente  et  légère  comme  ces 
étoffes  que  Pétrone  et  Martial  appelaient  de  l'air  tissé.  Dans  l'orage, 
sous  la  nuée  sanglante,  voici  venir,  un  joyeux  fredon  aux  lèvres,  une 
ironie  dans  l'œil,  démarche  alerte  et  geste  aisé,  voici  venir  la  muse 
à  pied  d'Horace  :  le  vaudeville.  C'est  la  fantaisie,  l'impromptu,  l'es- 
prit en  musique  des  Piis,  des  Barré,  des  Panard,  des  Anseaume,  des 
Dorneval.  C'est  la  chanson  pétillante,  servie  à  la  minute,  comme  un 
sorbet  frais  et  mousseux  qu'on  prendrait  l'été  sous  la  treille.  C'est  le 
vaudeville,  en  un  mot,  qui,  prenant  bien  des  formes  badines,  rail- 
leuses, élégantes  ou  tendres,  faciles  toujours ,  traversera  les  âges  et 
viendra  caresser  de  son  aile  l'inspiration  de  Boïeldieu,  d'Hérold, 
d'Auber,  d'Adolphe  Adam,  pures  gloires  de  cet  opéra-comique  si  es- 
sentiellement français,  et  où  sourit  encore  la  grâce  malicieuse  de 
nos  pères. 

Que  le  canon  réveille  les  échos  des  champs  de  bataille  ;  que  la 
tribune  porte  au  loin  les  mâles  accents  de  l'éloquence;  que  la  vapeur 
gronde  et  que  la  mine  éclate  ;  que  la  pensée  soulève  autour  d'elle 
les  colères  ou  les  enthousiasmes,  tous  ces  bruits  de  la  paix  et  de  la 
guerre  ne  couvriront  pas  la  douce  et  scintillante  harmonie  de  nos 
refrains.  Vienne  l'ère  nouvelle,  vienne  le  siècle  idéal  que  depuis  si 
longtemps  le  progrès  nous  annonce,  la  France  aura  toujours  une 
musique  née  de  son  génie  artistique,  de  son  esprit  et  de  son  cœur, 
—  son  vrai  génie  à  elle!  —  La  France  aura  toujours  des  chants 
pour  escorter  ses  regrets  et  ses  espérances,  pour  saluer  ses  gloires, 
pour  célébrer  ses  amours  ! 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 


ut;  PARIS. 


413 


REVDE  DES  THEATRES. 

Gymnase  :  le  Point  de  mire,  comédie  en  quatre  actes,  par  MM.  Eug. 
Labiche  et  Delacour  ;  les  Truffes,  comédie- vaudeville  en  un  acte, 
par  MM.  Albert  Monnier  et  Edouard  Martin.  —  Porte-Saint-Mar- 
tin  :  reprise  de  Vingt  ans  après  ou  les  Mousquetaires,  drame  de 
MM.  Alexandre  Dumas  et  Maquet. 

Le  talent  de  M.  Eugène  Labiche,  fort  goûté  au  Palais  -  Royal, 
n'est  pas  toujours  aussi  heureux  lorsqu'il  prétend  s'élever  au-dessus 
de  son  niveau  habituel.  Cependant  on  l'a  vu  réussir  aux  Français 
avec  Moi,  au  Gymnase  avec  le  Voyage  de  M.  Perrichon  et  la  Poudre 
aux  yeux,  qui  sont  des  tableaux  de  mœurs  bien  observés,  quoiqu'un 
peu  trop  poussés  à  la  charge.  Mais  c'est  le  péché  mignon  de  M.  La- 
biche, qui,  avec  des  qualités  naturelles  très-recommandables,  s'est 
trop  longtemps  oublié  dans  la  compagnie  de  Grassot,  de  Sainville  et 
des  autres  grotesques  de  l'ancien  théâtre  de  la  Montansier,  pour  qu'il 
ne  lui  en  soit  pas  resté  quelque  tache.  Le  Point  de  mire,  qu'il  vient 
de  faire  représenter  au  Gymnase,  en  est  une  nouvelle  preuve.  Il  y  a 
dans  cette  comédie,  comme  dans  presque  toutes  celles  de  cet  auteur, 
une  idée  bonne  et  féconde  ;  mais  elle  est  en  partie  compromise  par 
l'exécution.  Maurice  Duplan,  le  01s  d'un  vieux  notaire,  est  un  jeune 
homme  charmant,  affligé,  par  malheur,  d'un  caractère  singulière- 
ment irrésolu.  Son  père,  qui  veut  le  marier,  l'a  mis  en  rapport  avec 
la  famille  Carbonel  qui  possède  une  jeune  personne  en  disponibilité; 
mais  les  Pérugin,  amis  des  Carbonel,  et  qui  sont  dans  le  même  cas, 
jettent  leur  dévolu  sur  le  Cls  du  notaire,  du  moment  qu'il  s'agit  de 
la  conquête  de  plus  d'un  million.  Placé  entre  les  Perugin  et  les  Car- 
bone!, ce  pauvre  Maurice  ne  sait  de  quel  bois  faire  flèche.  Mlle  Berthe 
Carbonel  est  blonde  ;  il  aime  beaucoup  les  blondes,  et  c'est  elle  qu'il 
préfère  lorsqu'il  admire  ses  beaux  cheveux.  Mais  s'il  vient  à  rencon- 
trer le  regard  profond  de  Mlle  Lucy  Pérugin,  qui  est  brune,  comme 
il  aime  aussi  beaucoup  les  brunes,  c'est  à  celle-ci  qu'il  cherche  à 
plaire.  Cependant  le  million,  ce  fameux  point  de  mire  des  deux  fa- 
milles rivales,  ne  pouvant  être  partagé,  il  faut  bien  que  Maurice 
finisse  par  faire  un  choix  ;  aussi,  après  bien  des  hésitations,  se  déci- 
de-t-il  en  faveur  de  Berthe,  et  cela  d'autant  mieux  qu'il  découvre 
que  Lucy  aime  un  jeune  architecte  auquel  il  se  fait  un  plaisir  de  la 
céder. 

En  thèse  générale,  l'indécision  est  une  mauvaise  source  de  comique 
à  la  scène  ;  elle  excile  une  sorte  d'impatience  chez  le  spectateur  qui  ne 
s'intéresse  qu'aux  caractères  tranchés  dans  un  sens  ou  dans  l'autre.  Mais 
combien  ce  défaut  est-il  plus  irritant,  lorsqu'il  se  prolonge  pendant 
quatre  actes  avant  d'amener  un  résultat.  Il  est  vrai  que  pour  nous  faire 
prendre  patience,  on  nous  exhibe  les  ridicules  des  deux  familles  qui 
prétendent  à  la  possession  du  trésor  en  litige.  Mais  c'est  précisément 
le  côté  périlleux  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure  et  qui  n'a  pas  sa 
raison  d'être  au  Gymnase.  L'Odéon  a,  du  reste,  effleuré  tout  récem- 
ment cette  donnée  comique  avec  les  Mères  terribles,  et  il  l'a  fait 
dans  une  mesure  convenable.  Si  le  Point  de  mire  n'avait  que  deux 
actes,  le  premier  et  le  quatrième,  peut-être  aurait-il  plus  de  chances 
d'un  succès  durable. 

Dn  petit  vaudeville,  intitulé  les  Truffes,  que  l'on  joue  en  lever  de 
rideau,  a  eu  moins  de  peine  à  se  faire  accepter.  Il  s'agit,  dans  cette 
bluette,  d'un  parasite  qui  vient  troubler  le  tête  à  tête  de  deux  nou- 
veaux mariés,  nageant  encore  en  pleine  lune  de  miel.  Comment  se 
débarrasser  de  l'importun  qui  s'obstine  à  rester,  parce  qu'il  sent  le 
parfum  d'une  dinde  truffée,  destinée  au  repas  du  jeune  ménage?  On 
n'y  parvient  qu'en  l'inquiétant  sur  la  fidélité  de  sa  femme.  C'est 
le  Dîner  de  Madelon  haussé  d'un  cran,  mais  moins  franchement 
gai. 

— .  La  Porte-Saint-Martin  vient  de  reprendre  Vingt  Ans  après  ou 
la  seconde  partie  des   Moîtsguetaires  qui,  par  ordre  de  date,   a  été 


représentée  la  première.  C'est  l'Ambigu  qui  en  a  eu  l'étrenne  ;  puis 
la  Gaîté  s'en  est  emparée,  puis  enfin,  après  un  nouveau  bail  passé 
avec  l'Ambigu,  la  voici  aujourd'hui  à  la  Porte-Saint-Martin  qui  ne 
sera  peut-être  pas  sa  dernière  étape.  Car  les  drames  d'Alexandre 
Dumas,  surtout  ceux  de  sa  bonne  époque ,  c'est-à-dire  de  sa 
collaboration  avec  Auguste  Maquet,  ont  la  vie  dure.  Il  y  a  d'ail- 
leurs un  vaisseau  au  dénoûment  de  cette  pièce,  et  l'on  sait  que  les 
vaisseaux  sont  à  l'ordre  du  jour.  On  voudra  comparer  celui-ci  avec 
le  célèbre  navire  du  Fils  de  la  nuit.  L'interprétation  est  en  outre 
excellente.  M.  Mélingue  joue  d'Artagnan  comme  il  le  jouait  il  y  a 
quinze  ans.  Lacressonnière  a  retrouvé  également  dans  le  rôle  de 
Charles  Fr  le  triomphe  qu'il  y  obtenait  en  le  créant.  Mlle  Duverger 
est  fort  touchante  sous  les  traits  d'Henriette  d'Angleterre.  Bref,  tout 
concourt  à  l'attrait  de  cette  magnifique  reprise  qui  n'exercera  pas 
moins  d'influence  sur  les  recettes  du  théâtre  que  toutes  celles  qui 
l'ont  précédée. 

I).  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

***  Le  théâtiv,  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche  les  Huguenots. 
Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  avait  comme  toujours  rempli  la  salle. 
Mlle  Sax,  Obin,  qui  chantait  le  rôle  de  Marcel,  Faure,  Cazaux,  Morère, 
Mlles  Hamackers  et  Taisy  ont  douné  un  grand  éclat  à  cette  représenta- 
tion pendant  laquelle  on  les  a  tour  à  tour  chaleureusement  applaudis. 

*%  Lundi  et  vendredi  on  a  représenté  Roland  à  Rancecaux.  Mercredi, 
on  devait  jouer  Moïse  ;  mais,  par  suite  d'une  indisposition  de  Mlle  Battu, 
on    lui   a  substitué  le  Comte  Ory,  suivi  du  ballet  de  la  Maschera. 

***  Aujourd'hui,  dimanche,  Roland  à  Roneevaux  est  annoncé  au  bé- 
néfice de  la  Caisse  des  pensions. 

*?*  Une  danseuse  nouvelle  a  fait  son  premier  début,  mercredi,  dans 
le  ballet  de  la  Maschera.  C'était,  on  s'en  souvient,  Aille  Boschetti  qui  en 
avait  créé  le  principal  rôle.  Mlle  Salvioni,  qui  lui  succède,  ne  lui  res- 
semble nullement  :  elle  est  d'une  taille  svelte,  élancée  ;  elle  a  des  jam- 
bes remarquablement  belles,  dont  elle  se  sert  avec  beaucoup  de  talent. 
Non-seulement  elle  danse  bien,  mais  elle  se  distingue  comme  mime.  Nous 
verrons  plus  tard  à  quel  rang  il  faut  la  placer  dans  le  nombre  des  cé- 
lébrités dansantes  qu'a  possédées  jusqu'ici  l'Opéra.  Dès  la  première  soi- 
rée, son  succès  a  été  des  plus  brillants. 

***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  a  fait  relâche  hier  sa- 
medi pour  la  répétition  générale  du  Capitaine  Hmriot,  dont  la  première 
représentation  est  annoncée  pour  demain  lundi. 

***  On  va  reprendre  à  ce  théâtre  un  joli  opéra  de  Maillart,  le  Moulin 
des  Tilleuls. 

t%  L'activité  du  service  que  fait  au  théâtre  Italien  Mlle  A.  Patti  ne 
se  ralentit  pas;  on  répète  /  Puntani,  opéra  dans  lequel  elle  chantera 
le  rôle  d'Elvire.  Les  autres  rôles  sont  distribués  à  Brignoli,  Anto- 
nucci  et  Agnesi. 

**„  Dans  une  représentation  de  Rigoletto  donnée  dimanche  dernier  au 
théâtre  Lyrique,  un  jeune  ténor,  nommé  Huet,  a  débuté  avec  succès. 
Il  est  doué  d'un  physique  avantageux,  possède  une  jolie  voix  et  chante 
avec  goût. 

***  C'est  mardi  que  les  Bouffes-Parisiens  donnent  la  première  re- 
présentation de  la  revue-parodie  qui  a  pour  titre  Roland  à  Ronge-veau. 
On  la  dit  fort  réussie. 

*%  M.  Desmonts,  artiste  de  la  troupe  des  Bouffes-Parisiens,  vient 
de  remplacer  M.  Hipp.  Lefebvre  comme  régisseur  de  ce  théâtre. 

„%.  On  affirme  que  le  théâtre  St-Germain  va  être  repris  par  M.  Moniot, 
directeur  du  futur  théâtre  Lafayette,  et  qu'il  rouvre  aujourd'hui  même 
avec  la  troupe  qu'il  avait  engagée. 

.„%  On  nous  écrit  de  Saint-Pétersbourg  que  Tamberlick  et  Mme  Nan- 
tier-Didier  ne  feront  pas  cette  saison  partie  de  la  troupe  de  Covent- 
Garden.  On  annonce  en  effet  que  les  deux  célèbres  artistes  sont  enga- 
gés pour  le  printemps  prochain  au  théâtre  de  l'Elysée  à  Madrid.  Ils  y 
chanteront  le  Prophète. 

„%  Malgré  le  travail  et  les  soins  que  nécessitait  la  mise  en  scène 
de  son  grand  ballet,  le  Koniok  Gorbounok  qui  vient  d'être  représenté  à 
Saint-Pétersbourg,  Saint-Léon  s'y  occupait  du  ballet  de  r 'Africaine  qu'il 
est  chargé  de  composer;  il  doit  arriver  incessamment  à  Paris  pour 
remplir  activement  cette  tâche. 

„,**  Depuis  quelques  semaines  Félicien  David  est  en  proie  aux  dou- 
leurs d'un  violent  rhumatisme.  Cette  maladie  ajourne  la  mise  à  exécu- 
tion des  plans  arrêtés  pour  la  fondation  du  Grand  Concert. 


m 


REVLE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


,**  M.  Gye,  directeur  du  théâtre  italien  de  Covent-Garden,  a  passé 
quelques  jours  à  Paris,  il  est  reparti  pour  Londres.  Il  assistait  dimanche 
dernier  à  la  représentation  de  Linda  Ai  Chamoum. 

»%,  Oa  lit  dans  un  journal  de  Leipzig  un  avis  de  l'imprésario  UU- 
man  qui  demande  une  jeune  et  jolie  personne  douée  de  dispositions 
musicales,  pour  lui  faire  enseigner,  à  ses  frais,  l'art  du  chant,  par  les 
premiers  professeurs,  en  lui  assurant  d'avance  un  engagement  de  dix 
ans,  avec  des  appointements  de  1,500  thalers  pour  la  première  année, 
et  s'élevant  successivement  jusqu'à  4,000  thalers  pour  la  dernière  an- 
née, les  frais  de  voyage  et  de  costumes  payés. 

*%  Les  journaux  italiens  parlent  dans  des  termes  fort  élogieux  d'un 
Anglais  nommé  Tom  Hohler,  précédemment  ingénieur  dans  sa  patrie, 
et  qui,  doué  d'une  jolie  voix  de  ténor,  a  voulu  essayer  de  la  carrière 
lyrique.  C'est  au  palais  Runiccino  qu'il  s'est  fait  entendre  pour  la  pre- 
mière fois  dans  un  concert  de  bienfaisance,  et  le  public  lui  a  fait  un 
accueil  des  plus  encourageants. 

*%  On  répète  en  ce  moment  au  Grand-Théâtre  de  Marseille  un 
opéra-comique  inédit  de  M.  Royannez  intitulé  la  Croix  de  Jeannette. 

„**  Au  dernier  concert  du  cirque  Napoléon,  l'ouverture  de  Lorelei, 
dont  l'auteur  est  W.  Wallace,  a  été  exécutée  pour  la  seconde  fois  avec 
plus  de  succès  encore  que  la  première.  La  préface  donne  une  idée 
fort  avantageuse  de  l'œuvre  entière.  Au  concert  précédent,  M.  Sighi- 
celli  avait  joué  l'un  des  beaux  concertos  de  Viotti  avec  une  correction 
classique. 

t*±  Jeudi  soir  a  eu  lieu  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  devant  une 
nombreuse  assemblée  de  notabilités  musicales,  d'artistes  et  d'hommes  du 
monde,  l'audition  à  laquelle  les  avait  conviés  M.  Fétis.  Nous  rendrons 
compte  dans  notre  prochain  numéro  de  cette  séance  vraiment  intéres- 
sante, dans  laquelle  on  a  applaudi  avec  acclamation  trois  œuvres  re- 
marquables de  notre  savant  collaborateur. 

*%  Roger  est  de  retour  à  Paris  de  son  excursion  en  Normandie.  Il  a 
donné  à  Laval  une  représentation  de  la  Dame  blanche  qui  avait  rempli 
la  salle.  Des  applaudissements  frénétiques  ont  été  prodigués  au  célèbre 
chanteur,  et  le  maire  et  le  président  du  tribunal  de  Laval  ont  voulu  en 
personne  aller  le  lendemain  lui  offrir  leurs  félicitations. 

*%  MM.  Gérard  etCe  (ancienne  maison  Meissonnier)  viennent  d'acquérir 
la  propriété  de  la  partition  d'Offenbach  :  La  Relie  Hélène. 

***  On  a  trouvé  dans  les  archives  de  la  ville  d'Elbing  (Prusse)  le  ma- 
nuscrit d'un  oratorio  en  cantate,  de  Haendel,  inconnu  jusqu'ici.  Le  texte 
en  est  imprimé  et  porte  le  titre  :  Herrnann  Balk,  Dramma  per  musica, 
dal  Sig.  F.  Haendel.  Sur  le  verso  se  trouve  une  note  indiquant  que  les 
paroles  sont  du  recteur  Seyler,  la  musique  des  airs  et  des  chœurs  de 
Haendel,  les  soloquia  (récitatifs)  de  Dietrich. 

„%,  M.  Marmontel  vient  de  faire  paraître  chez  les  frères  Gambogi, 
sous  le  titre  A'Echo  des  Montagnes,  trois  morceaux  charmants  pour  le 
piano.  Les  travaux  de  l'éminent  professeur  du  Conservatoire  ont  été 
jusqu'à  présent  des  plus  sérieux  ;  il  vient  de  prouver  que  qui  peut  plus 
peut  le  moins.  Le  Chant  du  Berger,  le  Vallon,  la  Colline,  réunissent  la 
mélodie  à  la  grâce  et  à  l'originalité,  et  tous  les  amateurs  de  musique 
de  piano  se  féliciteront  de  voir  M.  Marmontel  entrer  dans  cette  voie  qui 
leur  promet  de  véritables  jouissances . 

„*„,  La  soirée  donnée  par  Mlle  Laure  Micheli  dans  les  salons  du  Ca- 
sino a  tenu  tout  ce  qu'elle  promettait  ;  une  nombreuse  assistance  s'y 
était  portée  et  a  vivement  applaudi  la  bénéficiaire  qui  a  dirigé  en  partie 
l'orchestre  avec  Arban,  sans  souffrir  du  voisinage  ;  au  contraire,  des 
bravos  réitérés  et  des  bouquets  ont  accueilli  la  jeune  artiste  qui  a  été 
rappelée  après  l'exécution  d'une  charmante  valse  de  sa  composition.  Une 
jeune  chanteuse  de  mérite,  Mlle  Dufau,  et  le  frère  de  Mlle  Micheli  lui 
ont  prêté  un  vaillant  concours. 

1%  On  nous  écrit  de  Madrid  :  «  Le  roi  d'Espagne  a  daigné  recevoir 
en* audience  particulière  le  célèbre  organiste  Louis  Engel.  Sa  Majesté 
l'a  accueilli  avec  la  bienveillance  qui  lui  est  naturelle,  s'est  entretenu 
plus  de  vingt  minutes  avec  lui,  et  a  bien  voulu  accepter  la  dédi- 
cace d'une  méthode  d'orgue  expressif  qu'il  va  publier  en  espagnol  chez 
un  de  nos  principaux  éditeurs.  Ce  n'est  pas  seulement  auprès  du  trône 
que  M.  Engel  a  trouvé  cet  accueil,  mais  les  salons  de  la  plus  haute 
aristocratie  lui  ont  été  ouverts,  et  il  a  pu  faire  admirer  successivement 
son  talent  chez  la  baronne  de  Hortega,  les  ministres,  la  duchesse  de 
Sessa,  l'infante,  sœur  du  roi,  etc.,  etc.  Au  reste,  le  public  sera  bientôt 
appelé  à  l'apprécier,  car  M.  Eagel  annonce  un  concert  qui  sera  donné 
prochainement  au  Conservatoire  et  auquel  tous  nos  dilettanti  se  pro- 
posent d'assister.  » 

.*  Les  séances  de  musique  de  chambre  de  M.  Lebouc  continuent 
d'ê*tre  très-intéressantes.  On  a  fort  applaudi  dans  la  dernière  Mmes  Ber- 
trand, Beguin-Salomon,  et  MM.  White,  Durand,  Trombetta,  Comtat  et 
surtout  M.  Lebouc  lui-même,  qui  ont  exécuté  avec  une  rare  perfection 
d'excellente  musique  classique. 

„%  Le  deuxième  volume  de  la  biographie  de  Ch.-M.  de  Weber,  pu 
bliée  par  son  fils,  M.  Max  de  Weber,  vient  de  paraître  à  Leipzig  ;  il  n'est 
pas  moins  intéressant  que  le  premier,  Nous  en  rendrons  compte. 


»*„  L'éditeur  Adolphe  Catelin  vient  de  faire  paraître  une  nouvelle  et 
belle  édition  du  Noël,  Venile  Adoremus,  transcrit  et  arrangé  pour  le 
piano  par  A.  Croisez.  Cette  publication  mérite  réellement  le  succès 
qu'elle  obtient. 

*%  Hier,  samedi,  à  cause  de  la  fête  de  Noël,  le  bal  de  l'Opéra  n'a 
pas  eu  lieu. 

t*t  Théâtre  Robin.  —  Les  nouvelles  expériences  que  M.  Robin  a  exé- 
cutées jeudi  dernier  ont  dépassé  en  merveilles  celles  qu'il  avait  don- 
nées précédemment.  Le  Cosayue  du  Don,  la  Cascade  électrique, 
l'Improvisation  brûlante,  le  Tombeau  de  Mahomet,  et  les  Tableaux  his- 
toriques de  Paris,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  ont  été  ac- 
cueillis par  de  vifs  et  nombreux  applaudissements.  La  reprise  de  l'Arbre 
de  Noël  a  fait  les  délices  des  jeunes  spectateurs 

**„,  M.  Georges  Hainl,  l'éminent  chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  vient 
d'avoir  la  douleur  de  perdre  sa  mère.  Mme  veuve  Hainl  est  décédée  à 
Lyon,  à  l'âge  de  quatre-vingt  uu  ans,  au  couvent  de  Sainte-Elisabeth, 
où  elle  s'était  retirée. 


CHRONIQUE    (DÉPARTEMENTALE. 


*%  Strasbourg.  —  Notre  théâtre  est  toujours  fort  suivi,  et  parmi  les 
pièces  qui  attirent  le  plus  la  foule,  le  Pardon  de  Ploërmel  est  en  pre- 
mière ligne.  Les  représentations  de  ce  chef-d'œuvre  se  continuent  pres- 
que sans  interruption,  et  la  foule  y  accourt  applaudir  les  beautés  mu- 
sicales dont  il  est  rempli,  et  que  mettent  admirablement  en  relief  ses 
interprètes,  Mlle  Léontine  Durand  et  MM.  Carman  et  Warnots,  secondés 
par  notre  excellent  orchestre.  Mlle  Durand  fait  chaque  jour  des  pro- 
grès ;  elle  a  chanté  ici  pour  la  première  fois  le  rôle  de  Dinorah,  et  elle 
en  a  fait  une  remarquable  création. 

**„..  Bordeaux.  —  Le  premier  concert  du  Carcle  philharmonique  a  été 
donné  à  la  salle  Franklin  en  l'honneur  de  Meyerbeer.  L'assemblée  était 
nombreuse  et  la  salle  restaurée  offrait  le  plus  beau  coup  d'œil;  le 
programme  était  emprunté  aux  œuvres  du  maître  :  la  Schiller-Marsch, 
le  septuor  des  Huguenots,  l'air  de  l'Ombre  du  Pardon  de  Ploërmel,  la 
Polonaise,  de  Struensée,  et  les  Joyeux  Chasseurs,  chœur  sans  accompa- 
gnement, admirablement  exécutés,  ont  été  couverts  d'applaudissements. 
Mme  Cabel  avait  voulu  payer  son  tribut  au  génie  de  celui  dont  les 
leçons  avaient  perfectionné  son  talent,  et  jamais  elle  n'avait  mieux 
chanté.  11  était  impossible  de  mieux  inaugurer  la  série  de  concerts  que 
donne,  chaque  année  la  Société  philharmonique. 

„%  Bézicrs.  —  La  direction  de  notre  théâtre,  avec  une  intelligence 
et  une  habileté  auxquelles  on  ne  saurait  donner  trop  d'éloges,  vient  de 
remonter  avec  des  décors  nouveaux  et  une  belle  mise  en  scène,  celle 
des  œuvres  de  Meyerbeer,  qui  dans  un  avenir  prochain  sera  inévitable- 
ment considérée  comme  une  des  plus  délicieuses  que  l'illustre  maître 
ait  écrites,  le  Pardon  de  Ploërmel.  A  en  juger  par  l'enthousiasme  qui  a  ac- 
cueilli cette  reprise,  l'opinion  des  dilettanti  de  notre  ville  à  cet  égard,  ne 
laisse  pas  le  plus  petit  doute.  Mme  Ida  Massy,  chanteuse  de  talent,  dans 
le  rôle  de  Dinorah,  M.  Crambade  dans  celui  d'Hoel,  et  M.  Viard  dans 
celui  de  Corentin,  ont  été  salués  d'applaudissements  réitérés,  et  qu'ils 
ont  largement  mérités  par  la  façon  remarquable  dont  ils  ont  interprété 
le  chef-d'œuvre  du  maître.  L'orchestre,  sous  la  direction  de  M.  Guille, 
a  d'ailleurs  fait  merveille. 

**,(  La  Rochelle.  —  MM.  Gaudin  et  Meneau  viennent  de  faire  représen- 
ter sur  notre  théâtre  un  opéra-comique  en  un  acte  qui  a  pour  titre 
l'Amoureux  transi.  Malgré  la  faiblesse  de  l'exécution,  on  a  remarqué 
dans  les  dix  ou  douze  morceaux  qui  composent  la  partition,  l'ouver- 
ture, un  duo  et  un  trio  qui  ne  sont  pas  sans  mérite,  et  qui  témoignent 
des  études  sérieuses  que  le  compositeur,  M.  Meneau,  violoniste  atta- 
ché au  théâtre,  a  faites  de  son  art. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


„%  Londres.  —  Au  théâtre  de  Covent-Garden  aussi  bien  qu'à  celui  de 
Sa  Majesté,  les  représentations  de  l'Opéra  anglais  sont  interrompues 
maintenant  pour  faire  place  aux  Pantomimes  de  Noël.  A  Covent-Garden, 
the  Bride  of  song,  ce  ravissant  petit  chef-d'œuvre  de  Benedict,  a  bril- 
lamment clos  les  représentations.  A  l'autre  théâtre  les  dernières  repré- 
sentations ont  été  signalées  par  l'heureux  début  d'une  toute  jeune  per- 
sonne, miss  Susan  Galton,  nièce  et  élève  de  miss  LouisaPyne.— Charles 
Adams,  dont  le  succès  a  été  si  grand,  vient  de  nous  quitter,  mais  non 


DE  PARIS. 


415 


sans  avoir  signé  avec  la  direction  du  théâtre  royal  anglais  un  engage- 
ment de  plusieurs  années,  qui  commencera  aussitôt  que  celui  que  le 
célèbre  ténor  a  contracté  avec  l'opéra  de  Berlin  le  lui  permettra.—  Par 
contre,  Mlle  Tietjens  est  de  retour  à  Londres,  revenant  de  Hambourg, 
sa  ville  natale,  où  des  succès  enthousiastes,  notamment  dans  le  rôle  de 
Fidelio,  ont  signalé  sa  présence  Mme  Arabella  Coddard  fait  en  ce  mo- 
ment les  délices  de  la  province  ;  des  séries  de  séances  qu'elle  remplit 
presque  seule  [Récitals)  obtiennent  le  plus  grand  succès,  et  partout  la 
jeune,  belle  et  célèbre  pianiste  est  reçue  avec  enthousiasme. 

t*„  Bruxelles.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  vient  de  nous  donner  la 
première  représentation  de  Bouchard  d'Arcsnes,  grand  opéra  en  cinq 
actes  de  M.  Miry,  que  l'affiche  nous  promettait  depuis  quelque  temps. 
La  salle  était  comble,  et  nous  devons  constater  que  le  succès  de  cette 
œuvre  à  Liège  et  à  Gand  vient  d'être  brillamment  confirmé  à  Bruxelles, 
Dans  le  compte  rendu  que  nous  en  donnâmes  au  moment  de  son  appa- 
rition, nous  en  avons  signalé  les  défauts  et  les  qualités;  nous  en  avons 
aussi  fait  connaître  les  morceaux  les  plus  saillants  qui  n'ont  pas  été 
moins  appréciés  ici  ;  le  chœur  bachique  surtout,  par  ses  vigoureuses 
sonorités  et  la  franchise  du  rhythme,  a  été  fort  applaudi  et  on  a  dû  le 
répéter.  M.  Wicart  a  très-bien  interprété  le  rôle  principal  ;  M.i.  Roudil 
etCoulon,  Mmes  Moreau,  Elmire  et  Alquier  l'ont  très-bien  secondé;  la 
mise  en  scène,  les  costumes,  les  décors  ne  laissent  rien  à  désirer;  c'est 
un  spectacle  magnifique.  —  Un  nouveau  ballet,  l'Ile  des  Amours,  a  été 
représenté  lundi  aux  applaudissements  unanimes  de  la  salle;  une  dan- 
seuse italienne,  Mlle  Emilia  Laurati,  qui  faisait  ses  débuts,  y  a  obtenu 
un  brillant  succès.  —  On  a  mis  à  l'étude  Lara,  le  nouvel  opéra-comique 
de  Maillart. 

***  Siultgard.  —  M.  Leins,  le  célèbre  architecte,  à  qui  nous  devons 
déjà  tant  de  beaux  monuments,  vient  d'enrichir  notre  ville  d'un  nou- 
veau chef-d'œuvre  consacré  à  la  musique.  C'est  une  vaste  salle  que  la  so- 
ciété de  chant  Liederkranz  vient  de  faire  censtruire,  et  dont  l'inauguration 
a  eu  lieu  avec  une  grande  pompe  le  H  de  ce  mois.  On  est  unanime  a 
reconnaître  que  jamais  le  problème  de  l'acoustique  dans  une  salle  de 
concert  n'a  été  mieux  résolu;  jusque  dans  les  derniers  coins  de  la  salle, 
jusque  dans  les  corridors  même  pas  une  note  des  nombreux  chœurs 
qu'on  exécutait  à  cette  fête  d'inauguration  n'a  été  perdue.  M.  Leins  a 
été  nommé  par  acclamation  membre  honoraire  de  la  société.  C'est  à 
notre  connaissance  la  première  fois  qu'une  société  de  chant  fait  cons- 
truire et  à  ses  frais;  une  salle  spécialement  destinée  à  ses  réunions. 

—  La  chapelle  royale  vient  de  donner  son  troisième  concert  d'abon- 
nement au  profit  de  son  fODds  de  pension  et  pour  célébrer  en  même 
temps  l'anniversaire  de  la  naissance  de  Beethoven  (17  décembre  1770). 
Tous  les  morceaux  étaient  de  Beethoven,  et  choisis  de  préférence 
parmi  les  œuvres  du  maître  qu'on  a  moins  souvent  l'occasion  d'entendre. 
En  voici  du  reste  l'intéressant  programme  :  ouverture  en  ut,  op.  124, 
composé  pour  l'inauguration  du  théâtre  de  la  Josephstadt  à  Vienne,  1822  ; 
fantaisie  pour  piano  et  orchestre  avec  soli  et  chœurs,  op.  80,  exécutée 
pour  la  première  fois  à  Vienne  en  1808;  chant  élégiaque,  chœur  à 
quatre  voix  avec  accompagnement  de  quatuor,  publié  en  1827;  ouver- 
ture du  Roi  Etienne,  op.  117,  composée  pour  l'inauguration  du  théâtre 
de  Pesth,  en  1812,  et  enfin  la  symphonie  n°  3  (Eroica),  composée  en  1801. 

—  Au  second  concert  d'abonnement,  une  nouvelle  composition  instru- 
mentale de  Kucken,  intitulée  Ouverture  de  concert,  a  obtenu  un  succès 
très-grand  et  très-raérité. 

„,**  Berlin.  —  La  première  représentation  de  l'opéra  en  quatre  actes, 
de.M.  Uich&rd  Wuerst,  l'Etoile  de  luron,  a  eu  lieu  à  l'Opéra  royal  le  14 
de  ce  mois.  On  critique  la  charpente  du  libretto,  mais  on  rend  généra- 
lement justice  à  la  musique  de  M.  Richard  Wuerst,  qui,  sans  être  d'une 
grande  originalité,  dénote  cependant  le  musicien  consommé  et  toujours 
distingué.  Du  reste,  le  compositeur  a  eu  le  rare  bonheur  d'avoir  pour 
interprète  principal  de  son  œuvre,  Mlle  Pauline  Lucca,  et  avec  cet  ap- 
point le  succès  était  certain.  M.  Wuerst  est  l'auteur  de  l'opéra  Vinela 
qui  se  joue  avec  un  succès  très-marqué  sur  plusieurs  scènes  de  l'Alle- 
magne. —  L'inauguration  du  nouveau  théâtre  Wallner ,  construit  par 
M.  Tietg,  a  eu  lieu  le  3  décembre.  Le  roi  et  la  cour  assistaient  à  la  re- 
présentation composée  de  pièces  écrites  pour  la  circonstance.  On  est 
unanime  à  louer  l'élégance  et  la  magnificence  de  la  nouvelle  salle,  mais 
cette  magnificence  nVst  pas  en  rapport  avec  le  genre  essentiellement 
comique  et  burlesque  des  pièces  qu'on  y  joue  et  qui  ont  fait  la  fortune 
du  théâtre  et  de  son  directeur.  Qu'on  s'imagine,  pour  se  faire  une  idée 
du  contraste,  le  théâtre  du  Palais-Royal  de  Paris  installé  dans  la  salle 
Ventadour  ! 

***  Madrid.  —  A  l'occasion  d'un  banquet  donné  au  nouvel  am- 
bassadeur de  France,  M.  Mercier,  par  Mme  la  comtesse  de  Montijo, 
mère  de  S.  M.  l'impératrice  des  Français,  un  concert  splendide 
avait  été  organisé.  Au  nombre  des  artistes  invités  à  y  prendre  part, 
on  remarquait  le  baryton  Jules  Lefort,  de  Paris,  MM.  Moderati  et  Ca- 
sella,  auxquels  avait  bien  voulu  se  joindre  Mme  la  baronne  de  Hortega, 
douée  d'un  véritable  talent  d'artiste.  Une  grande  composition  de  M.  Mo- 
derati, des  mélodies  irlandaises  arrangées  pour  violoncelle  et  piano,  et 


des  romances  françaises,  composaient  le  programme  de  cette  belle  soi- 
rée, à  laquelle  assistaient  les  plus  hautes  notabilités  de  Madrid.  —  Quel- 
ques jours  après,  Mario  faisait  au  théâtre  de  l'Oriente  une  rentrée 
splendide  dans  le  Trovatore,  escorté  de  Mmes  Penco  et  Grossi  et  d'Aldi- 
ghieri.  Jamais  la  salle  de  l'Oriente  n'avait  retenti  de  pareils  applaudisse- 
ments, dont  Mario,  qui  est  adoré  à  Madrid,  pouvait  revendiquer  la  forte 
part  ! 

,%  Saint-Pétersbourg,  5/17  décembre.  —  Avant-hier  notre  salle  du 
grand  théâtre  regorgeait  de  monde;  il  s'agissait  du  bénéfice  de  Mlle  Mou- 
ravieff,  et  c'était  la  première  représentation  du  ballet  nouveau  com- 
posé à  cette  occasion  par  Saint-Léon  :  Koniok  Gorbounok.  L'empereur  et 
tous  les  membres  de  la  famille  impériale  présents  à  Saint-Pétersbourg 
avaient  voulu,  en  y  assistant,  témoigner  à  notre  première  ballerine 
toute  leur  sympathie  pour  son  talent.  Malgré  la  longueur  du  ballet, 
qui  a  duré  quatre  heures,  les  augustes  personnages  sont  restés  jusqu'à 
la  fin  et  ont  témoigné  à  notre  habile  maître  de  ballets  leur  haute  sa- 
tisfaction. Le  Koniok  Gorbounok  (le  Cheval  enchanté)  est  entièrement 
puisé  dans  une  légende  populaire  qui  sert  de  prétexte  au  déploiement 
de  toutes  nos  danses  nationales;  le  sujet,  très-sympathique  d'ailleurs, 
est  un  tableau  fidèle  de  nos  us  et  coutumes,  et  par  cela  même  il  offrait 
au  chorégraphe  de  grandes  difficultés,  dont  il  a  su  victorieusement 
triompher.  Aussi  le  succès  a-t-il  été  éclatant.  Plusieurs  pas  ont  été  bis- 
sés aux  acclamations  de  la  salle  entière  ■  c'est  d'abord  au  premier  acte, 
dans  la  scène  du  marché  russe,  la  danse  pur  sang  des  paysans  ;  au  troi- 
sième tableau,  le  pas  de  Mlle  Mouravieff,  entourée  de  sa  cour  et  des  né- 
réides; au  quatrième,  un  pas  de  la  même  artiste,  dansé  sur  la  romance 
populaire  du  rossignol  (Solovèi),  et  suivi  d'une  mazourka  tout  à  fait 
dans  le  caractère  russe  ;  au  dernier  tableau  de  cet  acte,  un  grand  pas 
mozaïque  de  tous  les  peuples  soumis  à  l'empire  de  Russie,  qu'on  a  dû 
répéter  trois  fois  ;  enfin  un  grand  pas  final  aussi  admirablement  dansé 
par  Mlle  Mouravieff.  Rarement  notre  grande  scène  avait  vu  une  aussi 
riche  mise  en  scène,  d'aussi  beaux  décors  et  des  costumes  aussi  variés 
et  aussi  splendides.  On  a  particulièrement  admiré  au  troisième  tableau 
la  fontaine  jaillissante  aux  mille  couleurs,  éclairée  par  la  lumière  élec- 
trique, et  au  quatrième  acte  le  grand  aquarium  avec  bacchanale  sous . 
marine,  et  duel  de  deux  poissons  qui  se  consomment  en  grande  quan- 
tité chez  nous,  le  yersch  et  le  carass.  La  musique  est  de  M.  Pugni  qui, 
cette  fois,  s'est  piqué  d'honneur,  et  y  a  mis  du  nerf  et  de  l'originalité. 
Soixante-quatre  répétitions  ont  été  nécessaires  pour  monter  cetle  œuvre, 
dans  laquelle  Saint-Léon  a  déployé  de  grandes  ressources  d'imagination, 
de  talent  et  de  goût;  tous  nos  artistes  l'ont  bravement  secondé. 


VIENT  DE  PARAITRE 


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