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£xL/7>ris ^ ^ No. 4"^
SIR WILLIAM CROOKES. D.Sc, FR.S.
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
TOME TREIZIÈME
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS
Directeur : Louis OLIVIER, Docteur es Sciences
TOME TREIZIEME
1902
AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE
Librairie Armand Colin
5, rue de Mézièi'es, Paris
^3' ANNÉE
N° 1
13 JANVIER 190:!
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
Directeur : LOUIS OLIVIER, Docteur es sciences.
Adresser tout ce qui concerne la réilaction à M. L. OLIVIKR, 22, rue (lu Général-Foy, Paris. — La reproiluction et la trailuction (les œuvres et des tra
publiés dans la Revue sont co(nplètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
§ 1. — Distinctions scientifiques
Honinias'e au Proresseui* Hlamiliciiii. — Le
samedi 14 tiécembre dernier, à li lieures, a eu lieu,
dans le ^rand aniphilhéàlre de Pliysique, une séance
présidée par le fénéial André, mmistrt^ de la Guerre,
dans laquelle les anciens élèves de M. Manaheiin ont
remisa leur professeur, qui venait d'être atleint par la
limite d'âge, après 4a ans de professoral, la Heiiommée
de Coutan, résullat d'une souscription. Etaient pré-
sents, dans le très noinbreu.\ auditoire venu pour assister
à celle cérémonie, sans précédent dans les annales de
l'Ecole Polytechnique : MM. Jourdan, Humbert, Poin-
caré, Painlevé, Sarrau, Léaulé, Cornu, Becquerel,
Lemoine, liouché, Callandreau, A. (jautier, de l'Inslitut;
'e jiénéral André, le général Florentin, grand chan-
celier de la Légion d'honneur, les généraux Koux,
Debatisse, Percin ; tous les professeurs et examina-
teurs de l'Ecole et les deux promotions des élèves.
Des discours ont été prononcés par M. Mercadier,
président du Comité de souscription; par M. Bouché,
sur les travaux scientifiques de M. Mannheim; par le
général Debatisse, conimandaut I Ecole ; par i\L Aubrun,
major des élèves, et enfin par le général André.
§ 2. — Astronomie
la planète Eros : détermination de la pa-
rallaxe. — La campagne, la collaboration poursuivie
avec tant de dévouement par un grand nombre d'ob-
servatoires ', est aujourd'hui terminée, quant à sa pre-
mière phase d'observation, et il importe de savoir si le
su(.-cès va répondre suffisamment aux efîorls développés
et à l'imposant ensemble des documents recueillis. Nous
possédons déjà des renseignements très complets, mais
il faut y regarder de près pour apprécier si, dans la
réduction, dans la publication, il règne une harmonie
suffisante pour ne pas retarder longtemps encore la
solution définitive du problème cherché — à moins de
la fonder sur des données incomplètes.
' Voyez à ce sujet : La planiHe Eros et ?a prochaine oppo-
sition, daus la r.uvuc du 15 décembre 1900, p. 1254 et suiv.
REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1902.
Et, tout d'abord, il faut dresser une table des matières
des observations eirectuées dans les différents établis-
sements. Ici deux groupes : dans le premier, on efl'ectui-
des obseiv.Uions photographiques, incomparablement
plus faciles, moins fatigantes, et d'une répétition plus
aibée que les observations micromélriques, et les prin-
cipaux observatoires qui se distinguent par leur zèle
sont ceux d'Alger, Cambridge, Oxford,...; puis, les
observations microraétriques, qui sont particulièrement
multipliées à Besançon, Lyon, Marseille, Paris, très
nombreuses aussi à Nice, Terarao, Williams-Bay.
Mais là, déjà, nous allons nous heurter à une petite
difficulté : pour déterminer les étoiles de repère des
clichés, il faut réduire les observations méri iiennes;
or, chaque observatoire a son processus particulier, ses
méthodes et ses tables propres, de sorte qu'il e,-t fort à
craindre que les données définitives ne présenlenl des
anomalies qu'il seiait superllu de vouloir disci.ter après
coup. Au reste, il nous faudra revenir sur ce point,
que nous indiquons seulement dans l'exjiosé sys-
tématique des opérations. Quant au calcul des coor-
données équatoriales des étoiles de comparaison, soif.
dans la série spéciale des clichés, soit sur les clichés
directement consacrés à la photographie d'Eros, c'est
là un travail considérable et qui ne laisse pas d entraî-
ner des frais élevés; sans doute, quelques personnes
conseillent d'opérer d'une taanière expéditive, de ne
mesurer que les étoiles de comparaison effective, mais
c'est un mauvais conseil : on obtiendrait de la sorte une
parallaxe bâtarde, qui pourrait gêner les recherches
plus précises, et la fièvre de rapidité en cette occur-
rence ne porterait pas de bons fruits.
En outre, on avait décidé d'étudier l'action de cer-
taines causes physiques, par exemple l'influence des
traînées que provoque le mouvement de l'a-tre pen-
dant les opérations photographiques : les recherches
furent faites dans des conditions variées, el l'on me-
sura les distances des cenires des traînées. La conclu-
sion des observateurs est que les traînées ne semblent
devoir introduire aucune erreur dans la mesure des
coordonnées rectilignes; à notre avis, il n'y a rien à
conclure des expériences, telles qu'elles ont été con-
duites du moins. Eu effet, on est en présence de quan-
1
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
tités qui varient, sur une iiii''tiie plaque, de -)-0",29 à
— 0',38, soit 7 dixièmes de seconde; on en fait les
moyennes suivant la grandeur slellaire, le tout au con-
tiènwiic seconde, (.<n obtient des nomliresqui ne diffèrent
plus que de 0,"13, et l'on en conclutque louscesnorabres
sont identiques, car l'erreur probable A'iiue distance est
d'environ 0",1. Mais alors, pourquoi des écarts de 0",7?
Et pourquoi l'intervention de tous ces centièmes de
seconde ilans les mesures au dixième près?
Nous allons bientôt les retrouver, ces centièmes de
seconde.
T'iules les considérations qui permettraient de fixer
iléjà une erreur probiible pour la parallaxe, déduite de
deux observai ions seulement, sont bien prématurées :
c'est là un petii jeu d'analyse combinatoire ; mais, aussi
bien, à quoi sert-il, puisque, n'-ellement, il ne sera pas
calculé délinilivemenl avec deux observations? Aussi
n'analysons-nous pas tout ce qui s'y rapjiorte, et l'at-
tention doit être arrêtée seulement par une Notice de
II. Struve; il s'agit ici de savoir avec quelle exactitude
on peut àé luire la parallaxe dans un obs'>rvatoire très
boréal, où la base de triangulation parallaclique est
notablement amoindrie. L'erreur probable dans les
observations de Struve, d'après leur concordance, est
évaluée à ±0",077, et l'on peut en conclure que la
parallaxe ainsi calculée ne se trouverait affectée que
d'une erreur probable de ±0",03, abstraction faite,
bien entendu, de toute erreur systématique. Ainsi les
observations locales permeti raient déjà de résoudre le
problème en question avec une précision assez satis-
faisante; il faut donc attendre le plus grand bien de
la collaboration entre tous; mais on voit aussi qu il
s'agit d'observations qui concordent autrement mieux
que dans le cas précédemment cité de l'élude sur les
traînées.
Mais il n'y a pas à dire : la photographie et sa pré-
cision absolue sont à la mode et, bien que l'élude des
traînées soit reprise superliciellement par M. Lœwy, il
adopte l'opinion des premiers observateurs. Cependant,
sa confiance est plutôt instinctive, et nous la trouvons
bien exprimée d'j la manière suivante : » Il aurait fallu
répéter plusieurs fois le travail (les pointés de traînées)
en ayant recours à des observateurs différents. Mais,
ayant (Tiivanco la certitude que les légers écarts cons-
tatés n'étaient qu'apparents et disparaîtraient par la
multiplication des opérations, il ne nous a pas paru
utile d'entreprendre des labeurs considérables et peu
justifiés, lîn résumé, cette nouvelle recherche confirme
les résultats di^jà indiqués dans la circulaire précé-
dente. A l'aide de la planche ci-contre (reproduction
d'un cliché agrandi deux fois), chaque astronome aura
la facilité de pouvoir vérifier de visu les conclusions
qui se dégagent des études que nous avons exécutées,
sur le désir de la Conférence internationale. »
Comment faut-il donc entendre une vérification scien-
tifique de visu [' et que devons-nous penser de la re-
cherche d'un résultat, quand on a, d'avance, une certi-
tude? Tout simplement ceci : l'erreur correspondante
ne doit pas être considérable si l'on opère toujours à
peu près sur des grandeurs stellaires voisines, avec des
temps de pose analoaues; et, dans l'ignorance d'un
tel effet, mieux vaut le négliger sciemment que de le
réduire approximativement à zéro.
Nous n'insisterons pas sur une autre cause d'erreurs,
d'ordre physique, à savoir la refraction dans la direc-
tion du mouvement diurne : il s'agit ici de termes cor-
rectifs dont la détermination pratique est développée
par un Mémoire de M. Comstock. Par ailleurs, M. Com-
stock étudie la précision des observations d'Eres qui ont
été effectuées à Madison, et le résultat concorde d'une
manière intéressante avec celui de Struve : l'erreur
probable peut être évaluée à 0', 072 environ.
De son côté, M. A. R. Hiiiks indique la construction
de diagrammes, qui peuvent faciliter l'analyse des ob-
servaiionsde la planète Eros pour la parallaxe solaire,
mais ceci nous ferait rentrer dans la solution définitive.
Un autre groupe de recherches avait été décidé sur
la dispersion atmosphérique, en vue de la détermina-
tion précise des positions d'Eros;en ce qui concerne
l'influence dir la seub^ dispersion photographique, deux
clichés de spectres furent obtenus par M. Henry, et il
suffisait d'examiner si la longueur d'onde moyenne de
la lumière de la planète diffère de celle des astres en-
vironnants. Pour chaque cliché on fit deux poses, l'une
en suivant une étoile, l'autre en suivant la planète ; les
mesures sont effectuét-s à 4 décimales; mais, en réalité,
on trouve, d'une éloilc à la voisine, des différences de
longueurs d'onde de 0!*,0b. Si l'on veut ainsi réduire un
peu la précision, et elle est peut-être encore suffisante, on
peut dire que la constante de la réfraction ne varie pas
avec la grandeur des étoiles, et que la planète Eros
parait se comporter spectralement comme les étoiles;
d'ailleurs, on savait déjà que la planète produit sur la
plaque photographique une image égale, en intensité, ;i
celle des étoiles de même grandeur visuelle.
Mais nous ne pouvons songer à rendre compte plus
en détail des travaux des différents observatoires ;
c'est un volume qu'il nous faudrait écrire dès ù présent.
Nous avons signalé l'erreur qui consiste à vouloir
atteindre une Irop grande précision, et nous sommes
obligé d'y revenir en ce qui concerne les étoiles de
repère, obtenues par des observations méridiennes ;
un grand nombre sont entièrement réduiies, et leurs
posUions peuvent être comparées, résultats de diffé-
rents observatoires. Or, la conclusion est peu encoura-
geante; d'un point à un aulre, en parcourant quelques
résultats, on trouve des ascensions droites qui diffèrent
de 0",56, et des déclinaisons divergentes à 2", 5 près. De
tels écarts sont incompatibles avec la délicatesse appa-
rente des mesures; comment va-t-on y remédier?
Nous pouvons pressentir déjà comment l'on va se
tirer d'embarrras; dans un long mémoire, il nous est
rendu un compte exact de la méthode des moindres
carrés et de son application au calcul des erreurs. Est-
elle applicable au tir à la cible tout comme aux
variations des conditions météorologiques d'observa-
tion? C'est ce qui n'est pas établi. Mais la tendance est
bien indiquée; on va distribuer des pnids aux observa-
tions, manière comme une autre d'écarter discrète-
ment celles qui gênent, puis fondre le tout dans un
ensemble. Mais alors, nous craignons fort qu'il soit
impossible de s'y reconnaître dans le mélange : pro-
cédés différents pour la réduction dans les différents
observatoires, et observations taxées. En tout cas, b-
procédé n'est pas nature/.
M. le directeur de l'Observatoire de Paris pense que
l'on pourra, d'ici h environ deux années, entreprendre
le calcul de la parallaxe. Si l'on utilise les observa-
lions toutes réduites, affectées de coefficients, il est à
craindre que le calcul soit assez arbitraire, en quelque
sorte, et que l'on ne puisse dire en pleine connaissance
de cause quelle conliance il faut accorder au résultat ;
si l'on veut employer les documents originaux, c'est un
labeur immense. Quelque astronome sera-t-il assez
audacieux pour y consacrer son existence? Sinon, il
faudra créer un bureau de calculs pour obtenir la
parallaxe.
De toutes façons le but est très élevé, et il serait
extrêmement désirable de l'atteindre : reste à savoir
quand, et comment, on y parviendra.
Sur un cycle de variations péi-iodiques
du Soleil. — La Revue a, dans sa livraison du l'a no-
vembre dernier (p. 041), fait connaître à ses lecteurs
la découverte, annoncée par Sir W. Lockyer à la
Société Royale de Londres, d'un nouveau cycle de
variations périodiques du Soleil, dont la durée est
d'environ 3;j ans.
M. Hallauer, inspecteur des Eaux et Forêts à Nice,
correspondant météorologique de la Revue de Viticul-
ture, nous écrit à ce sujet qu'il a non seulemenl
signalé, déjà en 18',18, ce grand cycle de 35 ans, miiis
qu'il en a indiqué les causes dans \ii^-Revue de Viticul-
ture du 21 mai 18118. M. Hallauer a basé, sur cette
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
(lérioile solaire de 35 ans, toute une théorie des teni-
]iêtes péiiodiques, qu'il a publiée en février 1901; la
réalisation complète de ces tempêtes a, du reste, prouvé
l'exactitude de sa théorie.
§ ;i. — Physique
ReclierclK'S sur la bobine d'induction. —
Malgré de nombreux travaux consacrés dans ces der-
nières années à la théorie de la bobine d'induction,
plusieurs facteurs importants de son modo d'action
sont encore insuffisamment connus. On sait bien, en
revanche, qu'une chute très brusque du courant, au
moment de la rupture du circuit primaire, est une con-
dition essentielle d'une grande longueur d'étincelle; et
c'est précisément dans le but d'abréger cette rupture et
d'empêcher la formation de l'arc que l'on intercale un
C'indensateur dans le primaire. Si la rupture pouvait
élre rendue absolument subite par d'autres moyens, on
devrait considérer la présence du condensateur dans le
circuit comme inutile, ou même comme nuisible jusqu'à
un certain point. D'ailleurs, le condensateur ne peut
agir d'une façon efficace que si l'induction propre dans
le primaire est suffisamment réduite.
Ces diverses questions viennent d'être soumises, par
lord Rayleigh, à une étude expérimentale qui l'a con-
iluii à des résultats particulièrementnets. Lesreclierches
de l'illustre physicien ont porté sur la longueur d'élin-
celle d'une bobine munie ou non d'un condensateur, et
dont on cherchait à rendre la rupture auSsi soudaine
que possible.
Les premiers résultats furent tout à l'avantage du
condensateur. Ainsi, en provoquant la rupture au moyen
d'un poids tombant de qu.ltre mètres de hauteur sur
une bascule, la longue'ur de l'étincelle était de S""", 5
sans condensateur, et de 14 millimètres avec ce dernier,
quel que fût l'interrupteur employé, alors qu'une inter-
ruption faite à la main donnait, sans condensateur,
une longueur d'étincelle de 8 millimètres.
Cependant la longueur de l'étincelle était augmentée
lorsque, au lieu du grand condensateur de la bobine,
on employait un simple carreau de Franklin, surtout
si l'on diminuait le courant primaire en introduisant
encore 1 ou 2 ohms dans le circuit, qui contenait un
seul élément (irove. On pouvait en conclure que le
condensateur, nécessaire pour supprimer l'arc des cou-
rants intenses, est moins; important pour les courants
faibles, et que les premiers exigent une rupture
encore beaucoup plus rapide que celle que l'on provoque
par les procédés ordinaires.
Après divers essaré infructueux, on recourut à la rup-
ture du til par une balle de pistolet, et l'on obtint
immédiatement, avec trois ou quatre Grove, une lon-
gueur d'étincelle de 40 millimètres sans condensateur,
longueur sensiblement égale à celle que donnait l'in-
terrupteur à contacts de platine avec le condensateur.
Puis, réduisant de moitié la longueur de la balle pour
augmenter sa vitesse, on obtint une bonne proportion
d'étincelles dans un intervalle de 50 millimètres, tandis
que les éclatements étaient très rares avec l'interrup-
teur à mercure dans l'huile et le condensateur; la balle
sans condensateur était donc préférable au meilleur
interrupteur usuel avec le condensateur.
Pour augmenter encore la vitesse, on employa une
balle de fusil. Avec un intervalle de 60 millimètres, on
obtenait régulièrement de bonnes étincelles, alors que
l'interrupteur à mercure avec le condensateur ne don-
nait plus que des aigrettes, et il fallait écarter les
pointes jusqu'à 70 millimètres pour obtenir des effets
analogues dans l'emploi de la balle de fusil.
Ces expériences montraient, d'une façon évidente,
que le condensateur est absolument inutile lorsqu'on
arrive à une suffisante soudaineté d'interruption. Mais
il restait à déterminer lelfet du condensateur lorsque
la première condition est réalisée. Ici, les résultats
sont indiscutables et particulièrement instructifs. Tan-
dis que, avec six Grove, la longueur de l'étincelle écla-
tait régulièrement dans un intervalle de 00 millimèlrrs
sans condensateur, on n'en obtenait jamais lorsque h'
condensateur était dans le circuit.
Ces expériences mettent définitivement en lumière
un point très délicat de la théorie de la bobine, donl
les constructeurs pourront, comme les physiciens, faiie
leur profit.
!^ 4. — Photographie
La pi'écisîou des images |)hotos:ra|)liiqiies.
— Lorsqu'on examine, au moyeu d'un microscope,
l'image optique donnée par un bon objectif photogra-
phique, on constate que la précision de cette image e>l
iucom)>arahlement plus grande que celle d'un négatit
photographitjue, obtenu avec le même objectif dans les
conditions ordinaires d'opération. La plaque photogra-
phique a enregistré une image qui, à l'œil, peut paraître
nette u priori, mais qui ne supporte pas l'agrandisse-
ment microscopique et dont la finesse est très infé-
rieure à celle de l'image optique.
Il était intéressant de préciser les causes de cette
imperfection et de tenter d'obtenir des négatifs présen-
tant le maximum de netteté. MM. A. et L. Lumière
et M. Perrigot viennent de se livrer à l'étude de cette
question, et ils ont pu mettre en évidence les prin-
cipales causes de cette altération des images photo-
graphiques.
1" Influence du grain de la préparation sensi!)le. — On
sait que le bromure d'argent, qui constitue la substance
sensible des plaques photographiques, se présente sous
forme de grains dont les dimensions varient avec la
sensibilité de l'émulsion. MM. Lumière et Perrigot ont
successivement exposé, à l'action de la lumière, des
plaques photographiques préparées sur glaces planes à
l'aide d'éroulsions de sensibilités très différentes, depuis
l'extrême rapidité coriespondant à des grains de sid
haloïde d'argent de dimension maximum, jusqu'à la
lenteur limite que réalisent les émulsions .spéciales uti-
lisées dans la photographie des couleurs par le procéd(^
Lippmann et dans lesquelles aucun grain n'est visible
au microscope, quel que soit le grossissement. Ils ont
alors constaté que la granulation de la couche sensible
est la cause principale du manque de précision des
images. Les particules de bromure d'argent diffusent la
lumière qui les frappe, étalent les images et diminuent
ainsi la netteté dans des limites d'autant plus étendues
que les grains de la préparation sont plus gros;
2° Inhucnce do failjles erreurs dans la mise au point.
— Dans les appareils photographiques ordinaires, la mise
au point n'est réalisée que d'une façon approximative :
l'emploi d'une simple loupe, d'un verre dépoli ou douci
toujours trop grossier, la non-coïncidence parfaite du
verie dépoli et de la plaque sensible, le défaut de pla-
nité de cette dernière sont des causes qui contribuent à
diminuer la précision de la mise au point.
MM. Lumière et Perrigot ont essayé de déterminer
les limites de la tolérance et de fixer les écarts que l'on
peut se permettre lorsqu'on veut obtenir des images
d'une netteté donnée. Pour l'appareil dont ils se ser-
vaient, une tolérance de 0,25 millimètre leur a paru le
maximum compatible avec l'obtention d'une bonne
image ;
3» Influence de ïal)erralion chromatique résiduelle.
— La correction incomplète de l'aberration peut être
incriminée pour certains objectifs; mais, pour les bons
objectifs, son influence est tout à fait négligeable;
4° Iniluence du diaplirarjme. — Lorsqu'il s'agit d'étu-
dier les détails les plus délicats des astres dans la lunel te
astronomique, ou des infiniment petits dans le micro-
scope, on cherche toujours à augmenter l'ouverture des
objectifs. En photographie, au contraire, on admet géné-
ralement que l'on augmente la précision des épreuves
en diaphragmant l'objectif.
Les expériences de MM. Lumière et Perrigot montrent
qu'il n'en est pas tout à fait ainsi. Le diaphragme aug-
mente bien, en effet, la netteté générale de l'image, ^ii
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
(•orrij;eant ccrlaines aberrations el, surtout en au;^men-
laiil la proloiideiir du foyer. Mais, si Ton considère
seulement la région centrale de l'image, el en admet-
tant, en outre, que la correction des aberrations de
l'objectir soit suffisante, on peut constater, en agrandis-
sant fortement cette image, que sa précision est d'autant
|)lus considérable que l'ouverture de l'objectif est elle-
même pins grande.
En somme, il résulte de ces e.xpériences que, lors-
qu'on voudra obtenir, sur une plaque photographique,
une image exlrèmemont précise, susceptible d'être
agrandie fortement, il faudra :
\" Faire usage de plaques photographiques sans grain,
analogues à celles que l'on emploie dans la mélhode
iiilerférentielle;
i" Recourir à un dispositif permetlanl une mise au
point aussi parfaite que possible;
3" S'assurer de la valeur de l'objectif, principalement
nu point de vue de la correction des aberrations, et modi-
lier, s'il y a lieu, la mise au point, dans le cas où cet
objeci if aurait un foyer chimique;
4" Si les aberrations de l'objectif snnt suflîsaniineiit
bien corrigées, opérer avec l'ouverture aia.ximuiii.
§ 5. — Chimie physique
l.a rOjïle des phases et les cristaux mixtes.
— La règle des phases ' ne semble douteuse à aucun
physico-chimiste; théoriquement établie par Gibbs,
elle a toujours été vériliée par l'e-xpérience, et, tout en
conservant le nom motleste de i< règle », elle possède
tous les tilres à être considérée comme une loi fonda-
mentale, régissant tous les équilibres, tant physiques
que chimiques. Cependant, elle est encore assez jeune
jiour que l'on accueille avec faveur les résultats e.xpé-
rimentaiix qui viennent la conlirmer, tels que celui
que vient de publier M. H.-W. Foote -.
On sait que, lorsqu'une solution d'un mélange dé
deux sels A et H laisse déposer des cristaux mixtes,
deux cas peuvent se présenter : ou bien l'on peut réali-
ser des cristaux de forme invariable et dont la compo-
silion varie depuis le sel B pur jusqu'au sel A pur; ou
bien les phénomènes sont plus compliqués : il existe,
par exemple, ileux séries de cristaux mixtes, les uns
donl la composition varie depui.'i le sel 15 pur jusqu'à
A,„rB, et les autres, de forme cristalline différente,
ayant une composition variable de A,„»lî («/'>>;//)
jusqu'au sel A pur, les ciistaux intermédiaires entre
.\„,iB et A,„"B n'existant pas. On peut appeler cristaux-
limites ces corps A,„'H et .\„,»B.
11 résulte de la règle des phases que la composition
de ces ci'istaux-limites est fonction de la température.
lin eflct, il semble évident que la première série de
cristaux, qui a pour limite .\„,iB, aura atteint cette li-
mite, c'est à-dire sa richesse maximum par rapport au
sel A,lorsc|ue la solution sera en même temps saturée
par rappoi t aux cristaux de l'autre série, qui sont tous
plus riches en sel A que les cristaux de la première;
autrement dit, la limite sera atteinte lorsque les deux
formes de cristaux se déposeront simultanément. A ce
moment, le système comprend quatre phases en pré-
sence : la vapeur, la solution et les deux phases ciis-
lallines; il est constitué par trois composants imlépen-
dants : les deux sels et l'eau, de sorte que, dans la l'or-
mule :
v = ,- + 2-ç
qui e\|iriiiie la loi de Gibbs, il faut faire f = 3 elç=:4.
On en tire \= 1.
Le système est donc univariaul; comme les variables
sont la température, la pression et les concentrations
' Voyez à ce sujet l'article de M. H. Le Cliatelier, dans
la /(cHi/7; générale des ifcieuccs du 'M octobre lS9il, t. X.
page l.';9 et suiv.
= .Kinrrii-!>n Cli^wicTl Journal, t. XXVI. p. 118, 11)01.
de la solution et de chaque phase solide, on voit que
les variations de température devront entraîner des
variations dans les concentrations et dans la pression.
M. Foote a entrepris de vériher par l'expérience que
la composition des cristaux-limites mixtes de sulfai''
de cuivre et de sulfate de zinc est fonction de la tem-
pérature. Son procédé ii'ofTre rien de particulièrement
intéressant; il semble même que les opérations pour-
raient être conduites plus sûrement qu'il ne l'a fait ;
mais nous retiendrons ses résultats, qui, au moins
qualitativement, sont hors de doute.
Une solution de sulfate de cuivre, contenant peu de
sulfate d" zinc, dépose des cristaux mixte'! Iricliniques,
à .'i molécules d'ea'i ; la teneur en sulfate de zinc
augmentant, la solution laisse déposer des cristaux
mixtes clmorhombiques a 7 molécules d'eau; pour
une richesse encore plus grande en sullate de zinc, ces
cristaux clinorhoinbiques sont eux-mêmes remplacés
par des cristaux mixtes orthorhombiques à 7 molé-
cules d'eau.
Le tableau suivant indique, en fonction de la tempé-
rature, les compositions de :
L Cristaux-limites tricliniques (cristallisant avec Ie«
clinorhombiques);
IL Cristaux-limites clinorhombiques (cristallisant
avec les tricliniques);
III. Cristaux -limites clinorhombiques (cristallisant
avec les orthorhombiques);
IV. Cristaux-limites orthoi hombiques (cristallisant
avec les clinorhombiques).
Ces compositions sont exprimées : Poiir I, en ."^O'Cu.
5H-0 "/o; et pour II, III, IV, en SO'Cu, 711-0 »;„.
TKMPÉBATURE
I 88,31 -9,25 68.fi7 r,8.72
11 38,63 2S,.i5 2u,39 24,50
Itl 17,42 13.51 12,28
iV 3,09 2,33 2,21
Les variations ne sont pas toujours grandes, mais
l'ensemble en est assez net pour que, quelles que puis-
sent être les difficultés expérimentales de ce genre de
recherches, leur existence ne soit pas douteuse, et
pour qu'on soit assuré de trouver là une nouvelle véri-
fication de la règle des phases.
§ 6. — Zoologie
U«^s:«înératloii el ti-ansplanlalion des vîs-
cc>res chez la Comatulc. — On sait depuis long-
temps que la Comatule [Antedon hiliihi) possède une
puissance régénératrice peu commune, et que le sac
viscéral tout entier, comprenant le tube digestif, des
vaisseaux variés, des centres nerveux, etc., peut être
enlevé sans que l'animal meure, et ne tarde pas à être
régénéré en entier, pourvu, toutefois, quelecenire ner-
veux aboral soit resté intact. IMzibram, dans une étude
sur la régénération ', a confirmé ces faits connus, et a
montré qu'on pouvait transplanter un sac viscéral d'une
Comatule à une autre; il se soude parfaitement au
squelette du disque; on peut avoir de celte manière
un animal qui a des bras d'une certaine couleur et un
sac viscéral d'uue teinte toute différente. Si, après que
la soudure s'est effeL-tuée, on sectionne les bras de
l'animal composite, cm remarque que la couleur dit
disque n"a aucune infiuence sur celle des bras régé-
nérés.
§ 7. — Physiologie
l-es actions |>liysi(>loi;'îqiies des Rayons X.
— Le docteur P. Oudin, qui répéta le premier en France-
' Experimentelle Studien liber Régénération. .Ircy). fût
Eutw.-mech., lîd XI, 1901, p. 32t.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
les expériences de Ituntgen, et n'a eessé depuis lors
d'en développer les applications à la Physiologie, vient
de résumer ses observations en une étude d'un grand
intérêt pour tous ceux que préoccupent les actions thé-
rapeutiques des rayons, ou qu'effraient les nombreux
méfaits qu'on leur attribue nou sans raison.
La cause des inllammations superficielles ou profon-
des, des ulcérations, de la chute des poils, et aus>i des
actions curatives observées dans l'emploi des rayons
avait été attribuée, par de nombreux auteurs, à l'ofilnve
électrique, c'est-à-dire à une action directe de la bobine
et non du lube producteur de rayons. M. Oudin com-
mence par réfuter cette assertion, en citant de nom-
breuses expériences personnelles très concluantes, telles
que celle (jui consiste à abriter deux répions voisines
par une plaque mi-paitie plomb et aluminium, réunie
(•u non à la terre. Dans tous Ihs cas, ou peut produire
une inllainmation sous l'aluminium, tandis que la
portion protégée par le plomb reste indemne.
L'analogie observée entre des actions des rayons X
émanés d'un tube et celles des radiations fournies par
les sub^tances radioactives est une nouvelle preuve
de la même théorie. Quant au mécanisme intime de ces
actions, il pourrait être dû à l'ionisalion des sucs, tout
comme celui des effets produits par les courants de
haute fréquence étudiés par le D' d'.^rsonval, ainsi
que M. Guillaume l'a indiqué autrefois dans la Hcviic '.
Les rayons X agissent, d'après le docteur Oudin,
comme les rayons chimiques : « Les lé>ions qu'ils pro-
voquent sur l'épidémie sont comparables au coup de
soleil ou à la dermatile de Finsen. Mais, doués d'un
pouvoir de pénétration que n'ont pas les rayons allant
<lu bleu à l'ultra-violet, leur action dépasse l'épiderrae,
qui arrête ces dernières radiations; ils vont produire,
<ians les tissus sous-jacents à l'épiderme, une irritation
qui porte surtout sur les cellules nerveuses, et plus
généralement sur celles du réseau trophiqne périphé-
j'ique. Très probablement cette action initiale se pro-
page aux libres neiveuses; elle est d'abord centripète
pendant la période que l'on pourrait appeler d'incu-
bation des accidents, pour devenir centrifuge pendant
la période d'état de la lésion. )>
Au sujet de la radiothérapie, M. Oudin est sceptique
pour la tuberculose pulmonaire, où, à côté de quelques
.iméliorations passagères, les rayons ont produit aussi de
subites aggravations. Eu revanche, les alTections cuta-
nées comme le lupus, l'acné, la furonculose ont montré
<le sensibles améliorations et même des guérisons.
Quant à l'épilalion, elle réussit à coup sur, avec quel-
ques récidives et nouveaux traitements, après lesquels
la chute définitive des poils semble assurée.
Comme manuel opératoire, .M. Oudin recommande
d'employer des ampoules molles pour les affections
<:utanées, et dures pour un mal profond, de protéger
par un masque de plomb les régions à préserver, de
;^urveiller la constance de l'ampoule par la longueur
d'étincelle, ain-i que Lenard l'a indiqué le premier, de
graduer la durée de l'exposition, et d'interrompre dès
qu'apparaît l'érythème pour ne reprendre le traitement
que lorsque ce symptôme a disparu. Alors, on se tien-
«Ira aux durées inférieures à celle qui a provoqué la
<lémangeaison, sauf cependant dans le cas du lupus,
où l'on y reviendra lentement.
§ 8. — Sciences médicales
Les accidents conséculîfs aux injections
préventive.s de séi-iin» antipesleii.v. — Nos
lecteurs se rappellent encore les événements qui ont
entravé le cours de la X1II« croisière de la Revue en
Syrie et en Palestine et amené le débarquement
au Frioul des cent soixante-seize passagers du Sénégal
pour y subir une quarantaine. Par mesure de prudence,
• Ch.-Ed. Guillaume : Les Rayons X et l'ionisation, dans la
lievue gcaérale des Sciences du lo juillet 1891, t. VllI,
n. n->i
les touristes reçurent, dès les premiersjours, une injec-
tion préventive de sérum antipesteux; un petit nombre
seulement s'y refusèrent.
Les injections de sérum antidiphtérique, antistrepto-
coccique donnant lieu à des accidents connus, l'un des
passagers du Sénégal, M. le U' Ch. Leroux, a eu l'idée
d'entreprendre, parmi ses compagnons, une enquête
sur les suites éloignées des injections de sérum anti-
pesteux, et c'est le résultat, très intéressant, de cette
enquête que nous voulons signaler ici.
.Sur 176 passagers, 143 ont répondu d'une façon pré-
cise au questionnaire du D'' Leroux. Parmi eux, lu
n'avaient pas été inoculés; aucun n'a présenté le
moindre malaise. Paimi les autres, 73 n'ont rien
éprouvé, ni pendant les premiers jours, ni ultérieure-
ment. Par contre, 60 personnes ont p^é^enté divers ac-
cidents, bénins dans la grande majorité des cas, plu-
sieurs sérieux, quelques-uns même très sérieux, soit
une proportion de 44,7 °/o. Ces accidents peuvent se
diviser en trois groupes :
1" Acciilonts précoces : Ils consistent en troubles di-
gestifs, diarrhée avec fièvre, courbature, etc. (U cas);
adénites inguinales avec gonllemeut et rougeur au voi-
sinage de l'injection {'6 cas);
2° Accidents tardifs : Ils consistent en : érythèmes
variés (urticaire, érythème simple et érythème noueux',
avec ou sans fièvre, courbature, pseudo-ihumalisme
(13 cas ; arthralj^ies, myalgics multiples (19 casi;
pseudo-rhumatisme infectieux 2 cas); névrites diverses
(b cas, dont 1 assez sérieux) ;
3° linfin, il y a eu un cas de com]ilication grave (adénite
et érythème intlammatoire du liane droit), mais mal-
heureiis-ment de nature indéterminér. Il y a deux in-
terprétations possibles: Ou bien la malade se trouvait,
au moment de l'injection, en état d'incubation de la
pesie, laquelle peste aurait été atténuée par l'injection
de sérum; ou bien il s'agit d'un accident grave dû au
sérum, el tenant peut-être à une préparation ou à une
conservation imparfaites du flacon qui a servi dans ce
cas particulier.
De l'examen des diverses questions qui se posent à la
suite de cette enqui-te, le D' Leroux croit pouvoir con-
clure qu'il n'y a pas toujours lieu de pratiquer d'oflice
les injections préventives de sérum antipesteux dès
qu'un cas de peste se déclare à bord d'un navire ou
dans un port. Il convient d'établir des distinctions,
basées sur les caractères de faible contagion habituels
de la peste, sur les conditions spéciales de l'épidémie,
et sur la situation des sujets qu'elle menace, suivant
qu'ils s'éloignent ou non du foyer et suivant leurs con-
ditions de santé et d'hygiène.
Lorsque l'épidémie est légère et qu'il est possible
d'isoler dès le début les sujets indemnes, il faut différer
l'injection préventive.
Lorsque les sujets indemnes ne peuvent être éloignés
du fover d'infection ou que l'épidémie revêt des carac-
tères graves dès le début, il y a lieu de proposer tout
de suite l'injection ou même de 1 imposer.
§ !l. — Géographie et Colonisation
La Mission scientifique l>elg;e du Katan^'a.
— Le Katanga est l'angle sud-e>t de l'Etat indépen-
dant du Conyo, situé entre l'.^ngola portugais et
l'Afrique centrale britannique. Cette réj;ion drainée
par les branches supérieures du Congo et voisine du
bassin du Zambèz-', entrevue par Livingstone et Canie-
ron, était encore jusqu ici très imparfaitement connue,
malgré les reconnaissances effectuées, depuis 1890, par
M.\I. Al. Delcommune, Le Marinel, Bia et Stairs. (jràce
à l'importante expédition scientifique qu'y a récem-
ment dirigée M. le Capitaine Lemaire, et dont cet explo-
rateur a donné des comptes rendus au Mouvement géo-
(jra;iliir[ue belge', à la Société de Géographie commer-
' liiill. Soc. Géogr. connu., l'.lfit, p. 259; ScoU. Ccogr.
Mug., 1901, p. .j26. Dans sa livraison du 30 mars 1901, la
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
ciale de Paris etàrAssociatioti britannique pourTAvan-
cement des sciences, cette lacune est désormais com-
blée.
Le Capitaine d'artillerie Charles Lemaire est un des
hommes qui iionoient le plus la Beif;iqui'. Il n'est pas
un nouveau venu en AIrique, ni un inconnu pour ceux
qui s'intéressent aux choses du Congo. Sa première
mission date de 1889. Aucune des questions congolaises
ne lui est élrangère : la météorologie, la ilore et la
faune, la linguistique, lui doivent d'importantes contri-
butions. Il a résumé l'histoire et les progrès des commu-
nications enire la Belgique et le Congo. La question de
la main-d'œuvre, la plus importante avec celle du che-
min de fer, ne l'a pas laissé indifférent, et il l'a étudiée
dans son livre : Coiimicul /es nùgrei: Iravaillcnt.
Ces travaux antérieurs et les qualités multiples dont
le Capitaine Lemaire avait fait preuve dans ses pre-
mières expéditions lui lirent conlier la direction de la
Mission du Katanga. L'expédition, qui a duré deux ans
et demi, prit à l'aller la route du Zambèze et du Tan-
ganika, d'où elle gagna la région qu'elle avait pour
but d'explorer. Flien n'avait élé négligé pour la doter
d'un outillage très complet. Les résultats obtenus par
elle sont considérables dans toutes les branches des
sciences géographiques. Nous signalerons quelques-uns
des principaux.
Les observations astronomiques, magnétiques et alti-
métriques doivent faire l'objet de quinze mémoires.
iM. Lemaire s'e<t attaché avec un soin particulier aux obser-
vations magnétiques, qui. comme il le dit, n'ont pas moins
d'intérêt dans l'Afrique tropicale que dans les contrées
polaires, quoi qu'elles y aient été bien négligées jusqu'ici,
si l'on excepte quelques observai ions faites par An-
toine et Armand d'Abbadie en Abyssiiiie de 1837 à
1833, et par Delporie et Gillis au Congo belge en
1800-91. Les résultats des observations de M. Lemaire,
Communiqués à la Section des Sciences de l'Académie
l'oyale de Belgique, ont été publiés par elle'.
La Mission du Katanga a rapporté un itinéraire à
grande échelle de (i.OOO kil. par terre et de GOO kil.
par eau. La carte de cet itinéraire a été dressée en
deux feuilles à 1/1.000.000° en quatre couleurs. Les
planchettes géodésiques rapportées exigeront un re-
maniement complet des cartes actuellement existantes;
les déplacements dépa-sent parfois un degré en lati-
tude; tous les points se déplacent vers l'Ouest dans la
r.one orientale et méridionale, puis vers l'Est à partir
de Ka-Songo. Au point de vue orographique et hydro-
gi-aphique, la ligne de faite Congo-Zambèze était con-
sidérée comme une région caractérisée par l'impréci-
sion de son relief; il y avait là, croyait-on, des marais
dont l'écoulement se faisait indifféremment, au nord
vers le bassin du Congo, au sud vers le bassin du Zam-
bèze; en réalité, la ligne de faîte Congo-Zambèze, re-
coupée vingt-cinq fois par l'Expédition Lemaiie entre
2-2» et 27° E. (ireenwich, est d'une netteté absolue;
c'est un dos d'âne, le long duquel ne se trouve aucun
marécage, et qui est même en partie privé d'eaux cou-
rantes. Le lac Dilolo, que les manuels de Géographie
indiquaient comme s'écoulant à la fois vers le Kassaï
el vers le Zambèze, est un petit étang fermé qui, aux
fortes pluies, envoie son trop-plein vers la Lo-Tembwa,
affluent du Zambèze.
La Mission a reconnu les véritables sources du
Congo, qui sont celles de la Kou-Léchi, par ll"'24' de
lat. S. et 2i"27' long. E. Greenw., à 1490 m. d'altitude
au-dessus du niveau de la mer. Il ne s'agit ici ni de la
source la plus éloignée de l'embouchure, ni de la ri-
vière qui apporte le volimie d'eau le plus considé-
rable. Le critérium est plus rationnel et plus scienti-
fique : Ce sont là, connue le dit M. Lemair'e, les
Il sources primaires » ou lf;s " sources historiques » du
Congo. C'est la br'anche du Congo qui, depuis le temps
lievuo a également donné un premier aperçu des principaux
résultats de la Missiorr Lemaire.
' BiiUclin n» 2, février 1901.
le plus long, envoie ses eaux à l'Atlantique, et c'est
sur cette branche primordiale que sont venus se gref-
fer ultérieurenrenl des rameaux, par lesquels s'écou-
lèrent les grands lacs qui ont jadis occupé le bassin
ceniral du Congo actuel, avant de se vider par les
déiilés creusés à travers les Mitumba. L'existence de
ces anciens lacs, soupçonnée, dès 188o par A.-.l.
Wauters. conlirmée par'les géologues Ed. Dupont et
J. Cornet, est désormais un des faits les pllrs certains
et les |)lus frappants de la géographie africaine.
Les études géologiques et minéialogiques de la Mis-
sion étaient confiées à MM. Keraper-Voss et Questiaux.
Les roches dominantes au Katanga sont les grès, les
schistes, les limonites, les quartz, les quartzites, les
conglomérats quaitzeux, la magnétiie, la dolomie, el,
par places, le granit. Les richesses minérales attribuées
jusqu'ici, sans preuves, au Katanga ne se sont pas révé-
lées aux explorateurs; toute la réginn abonde en mi-
nerais de fer, enIre autres en magnélite presque pure,
lormant des pilons très caractéristiques dans le sud
de l'Etat du Congo. Vient ensuite : le cuivre, presque
exclusivement sous forme de malachite imprégnant des
schistes, enfin, le cobalt. Aucune trace de métaux
précieux.
Trois postes d'observation météorologique ont été
établis par la Mission : le premier à Moliro (lac Tanga-
nika) ; le second sur le lac Moéro; le troisième dans la
vallée de la Loufia, à Loukafou; ce dernier poste a été
établi de taçon permanente et n'a pas cessé de fonc-
tionner depuis 1899. Parmi les phénomènes météoro-
logiques observés par l'Expédiiion Lemaire, il faut
noter en particulier les basses lempéralures nocturnes :
par une altitude de 1.200 à 1.300 mètres, le thermomètre
descendait la nuit jusqu'à 2° au-dessus de zéro. Ce
sont là des conditions avantageuses pour les Euro-
péens. Au point de vue de la faune, l'éléphant et le
lion soi'it rares, les zèbres et les antilopes nombreux.
L'hippopotame, le pliacoilière et l'oryctérope du
Cap se rencontrent assez fréi(uernment. Au fond, dit
M. le Capitaine Lemaire, l'insupportable moustique et
la dévorante fourmi sont les seuls et vrais fauves d(v
l'Africiuc. Quant à la mouche tsétsé, peut-être a-t-on
exagéré sa puissance venimeuse; en tout cas, elle se
montre presque partout dans la région parcourue
par la Mission sans que le bétail en souffre. Le gros
bétail prospère partout, et toutes les stations euro-
péennes en possèdent.
Le caoutchouc existe, sans être aussi abondant que
dans le Congo central. Le tabac et le chanvre sont trè.s
cultivés par les indigènes.
Les collections zoologiques et botaniques rapportées
ont été déposées au Musée de Tervuererr, où elles sont
étudiées par deux Commissions spéciales.
Au point de vue de l'occupation du pays par les
Européens, M. Lemaire pense qu'on ne doit pas déses-
pérer de voir un jour les hauts plateaux du Kalanga
faire l'objet de tentatives de peuplement par la race
blanche. Il conçoit cette œuvre comme une sorte
d'entraînement exercé sur l'indigène, f|ui n'uinre pas
les températures basses, par l'Européen, qui l'amè-
nera à sa suite sur les plateaux. Les Pères blancs drr
cardinal Lavigerie, dont M. Lemaire a beaucoup ad-
miré les missions du Tanganika, lui déclarèrent i|u'ils
préféraient le climat du pays à celui de l'Algérie; ils
ont parfaitement réussi à acclimater les cultures et
légumes d'Europe : blé, pomme de terre, etc. Les pe-
tits pois sont cultivés couramment chez certaines tribus
au sud du Tanganika : ils auraient été introduits, disent
les vieux chefs, par un Eui'opéen, venu il y a de lon-
gues années : peut-être s'agit-il de Livingstone.
M. le Capitaine Lemaire a foi en la science pour ré-
soudre les pr-oblèmes qui se présentent dans l'occupa-
tion du centre africairr. Les Européens ont à y réparer
le crime de leurs ancêtres, l'homicide d'une race; la
justice; qui réjiare est mère de la prospérité qui récom-
pense. La conquête du conliuent noir sera le fait, non
des fusils et des canons, même à tir rapide, mais
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
des hommes qui ont le sentiment de la solidarité
humaine.
Telles sont les théories coloniales de M. le Capitaine
l.emaire. On ne saurait faire de lui un plus bel éloge
que de dire qu'il les met en pratique.
Augustin Bernard,
Professeur de Géographie à l'Ecole prt^paratoire
à l'Enseignement supérieur des Lettres à Alger.
§ 10. — Enseignement
La pérennité de l'.Va régalîon en Médecine.
— M. Auguste Broca, agrégé de la Facullé de Médecine
de Paris et président de la Société des Agrégés de Paris,
; s'est fait, dans une solennité récente, l'interprète de
I ses collègues, en réclamant pour eux la pérennité de la
fonction d'agrégé dans les Facullés de Médecine. iN'ous
détachons, à ce sujet, de son discours les passages sui-
vants :
i< La manière dont est organisé notre enseignement
est une anomalie dans l'enseignement supérieur. Droit,
Lettres, Sciences sont enseignés par des hommes qui,
maîtres de conférences, professeurs adjoints, chargés de
cours, titulaires enlin, ne quittent leur chaire que pour
recevoir de l'avancement. Chez nous, au contraire, au
bout de 9 années, l'agrégé est congédié ; et nous pensons
que là e--t le principal motif pour lequel l'enseignement
est loin d'être, dans nos Facultés, aussi systématique et
efficace que dans les autres branches de l'enseignement
supérieur ; pour lequel les examens prêtent trop souvent,
chez nous, le ilanc à la critique.
I « ,V ces hommes qui, pendant trente ans, vont profes-
i .«er, on peut demandée des cours à programme soigueu-
' sèment élaboré. De nous, qui sommes appelés trois ou
quatre fois en 9 ans à faire un cours sur un programme
ihangeant, souvent connu quelques mois seulement à
l'avance, il est impossible d'exiger quelque chose de
semblable. Car l'exposé didactique d'un programme
complet nécessite un long travail de digestion. Ce n'est
pas dès la première année qu'un prolesseur réussit à
mettre au point une série de leçons formant réellement
un tout. On se plaint de plus en plus que. dans noire
Faculté, les cours soient délaissés par les étudiants;
nous sommes persuadé que c'est parce qu'ils ne répon-
dent pas bien aux besoins scolaires et que le changement
serait grand le jour où l'enseignement serait pour nous
une fonction délinitive et non plus temporaire, presque
accidentelle.
n La pérennité de l'agrégation aurait encore l'avantage
considérable que, le corps examinant étant plus nom-
breux de façon permanente, et non plus augmenté par
moments à l'aide de rappels intermittents à l'exercice,
on pourrait revenir, pour les examens, au système ancien
et excellent des séries à peu de candidats, système
auquel, avec nos ressources actuelles en personnel, on
a dû renoncer, parce que notre population scolaire s'est
accrue dans des proportions formidables, en même temps
que le nombre des examens augmentait par des dédou-
blements.
« La science, enfin, tirerait grand bénéfice de'cette
mesure, car le système actuel empêche beaucoup d'entre
nous de s'y consacrer comme ils le devraient et le dési-
reraient. Il est douloureux, par exemple, de constater
qu'à la Faculté de Paris il n'y a pas d'anatomi>te de
carrière : tous les agrégés d'Anatomie, sauf un histolo-
giste, sont eu même temps, et surtout, chirurgiens ou
médecins des hôpitaux. La faute n'en est pas aux
hommes, mais à l'Université, qui refuse à ces hommes à
la fois une position scientifique stable et les moyens
matériels d'existence. Ce n'est pas avec la perspective de
4000 fr. d'appointements pendant 9 ans que l'Univer-
sité peut avoir la prétention de s'attacher des hommes
de science.
« Cette nécessité d'une carrière fixe, à échelons suc-
cessifs, l'Etat l'a comprise pour toutes les branches de
l'enseignement supérieur, sauf pour la Médecine. Pour-
quoi cette exception? Et pourquoi avons-nous mis si
longtemps à nous en plaindre'?
« Parce que, de toute évidence, le diplôme de docteur
en médecine, le titre d'agrégé nous permettent de gagner
notre vie par la clientèle en dehors de l'L'niver.'-ité, au
lieu que cela est impossible pour les Facultés des Lettres
et des Sciences. Et de là résulte aussi que, parmi nous,
tous ceux à qui la clientèle est possible n'ont pas eu à
soulTrir. Pour ceux-là, l'enseignement seul a soulTert;
leurs intérêts matériels n'ont pas périclité.
« Or, ceux-là étaientla presque totalité à l'époque loin-
taine où fut élaboré le premier statut île l'agrégation
et même à celle, plus proche de nous, où Briquet, mé-
decin de la Charité, connu par ses travaux sur l'hystérie,
était agrégé... de Physique; à celle, plus proche encore,
où l'Histologie n'existait pas; à celle, enfin, touie mo-
derne, où un seul agrégé était à la fois anatomiste, phy-
siologiste, histologi-te. Par la force même des choses,
étant données les exigences actuelles de la science, tout
cela a dû changer : le nombre des agrégés qui devraient
n'avoir ni service d'hôpital, ni clientèle est beaucoup
plus grand qu'autrefois. Il n'est donc pas étonnant que
leurs désirs se manifestent à l'extérieur d'une façon
plus intense.
n Je dois ajouter tout de suite qu'on ne saurait, à cet
égard, établir une distinction entre les agrégés de Patho-
logie et les autres. Car, de plus en plus, en Pathologie, et
surtout en Pathologie interne, la part du laboratoire
devient grande. D'hier sont nées la Médecine expéri-
mentale, la Bactériologie, la Pathologie générale scien-
titique, l'Histologie pathologique; il est plus que pénible
pour un agrégé qui, pendanl 9 ans, s'est consacré aux
études de ce genre, de se trouver, en pleine maturité,
éloigné d'une Faculté dans laquelle et pour laquelle il a
jusque-là travaillé, de n'avoir même pas droit à un
laboratoire, d'être obligé de demander une hospialité
que ses maîtres ne lui refusent jamais, mais qui n'est pas
un droit. Il est non moins pénible, pour un a^'régé de
Pathologie, en exercice ou hors .l'exercice, de ne pouvoir
participer à l'enseignement dans les hôpi'aux que s'il
est inscrit sur une liste spéciale : non seulement on ne
lui envoie pas d'oltlce des stagiaires, mais on lui refuse
ceux qui désireraient s'attacher à lui.
i< Avec le système actuel, les agrégés .'ans clientèle
sont donc sans aucune sécurité matérielle; indépendam-
ment de toute question pécuniaire, nous n'avons pas, dans
notre enseignement, la continuité nécessaire àla réu-site;
pour les examens, notre nombre insuffisant oblige à une
surcharge lâcheuse des séries de candidats; au point de
vue scientifique, nous pouvons d'un moment à l'autre
être privés de toutes ressources; au point de vue moral,
enfin, nous n'avons pas, dans le corps enseignant, une
situation comparable, de loin, à celle des agrégés de
Droit, des maîtres de conférences de Lettres et de Scien-
ces.
« Les agrégés de Médecine considèrent, en résumé,
que, dans tout l'enseignement supérieur, tel qu'il a été
réorganisé, pour le plus grand honneur do la France,
ils sont soumis à un régime d'exception, mauvais pour
eux, mauvais pour l'enseignement : ils demandent, tout
simplement, à rentrer dans le droit commun. »
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
INFECTION ET TUHÉRISATION CHEZ LES VEGETAUX
11 n'est pas rare qu'on troiivo fcrlains lissus
îl'iine plante envahis par quelqu'un des niicroor-
i;anismes divers qu'on rt'unil sous le nom de
microbes ; de plus en plus, il apparaît que c'est là
pour les végétaux, comme pour les animaux, bien
plulnl une règle assez générale qu'une rare (excep-
tion. De semblables infections ont été constatées
dans deux cas bien différents.
11 arrive qu'une infection soit uccirlcnlcllc,
qu'elle se produise pour certaines plantes d'une
espèce sans que d'autres plantes de la même
espèce soient atteintes. On peut, par exemple,
trouver des Choux dont les racines, infestées par
un Plasino'liopliora, s'hypertropiiient en formant
des hernies, tandis que d'autres Choux sont
indemnes, et ont des racines normales. La présence
(le Iiernies indique, à première vue, les plantes
<|ui sont infestées. En général, il existe ainsi des
■^yinplâmes hiclicaleurs des infections accidentelles.
C'est le plus souvent l'existence de semblables
symptômes qui a attiré l'altenlion sur les plantes
.iccidentellcment infestées, et qui a conduit à
prévoir et à rechercher l'infection dans les cas de
maladies microbiennes.
Mais il arrive, au contraire, qu'une infection soit
normale, et s'étende à toutes les plantes d'une
même espèce ; les sympt(jmes que ces plantes
peuvent présenter sont alors communs à toutes;
ils cessent, par là même, d'attirer l'attention.
On sait, par exemple, que toutes les plantes de
1 1 famille des Légumineuses ont leurs racines nor-
malement infestées par un bacille ; aux points où
ce bacille pénètre, les tissus de la racine proli-
f'Tent, de l'amidon s'accumule, une nodosité se
lu'oduit; telle est l'origine, qui n'est plus douteuse,
(les tubercules radicaux, dont l'existence est depuis
l'ingtemps connue. Ch. Royer, qui s'est beaucoup
préoccupé d'utiliser en spécification les caractères
'les organes souterrains des plantes, donnait, dans
y,i Flore (le la Cdle-cFOr, la présence de tubercules
s ir les racines comme un caractère constant des
liantes à corolle papilionacée : « Ces petits corps,
(lit-il, ont été parfois regardés comme un produit
morbide, dû à la présence de bactéries; mais un
ju-oduit morbid(! ne peut être qu'un accident, une
l'xceplioii, cl ne saurait être normal et général,
comme le sont les granules. » Certes, si Ch. Iloyer
avait trouvé une fois seulement des tubercules sur
une racme de Léguinineuse, il n'aurait pas hésité à
\t'.s considérer comme une production pathologique
due à l'atteinte de la plante par quelque larve ou
par quehjue microbe ; le même caractère, parce
qu'il est commun à tout un groupe de plantes, '
cessait d'avoir pour lui une telle signification.
De même, en général, les symptômes des infec-
tions normales ne peuvent plus apparaître comme
des sy/ii/jlonies indiaaleiirs. Ces infections sont,
pour cette cause, plus difficiles à découvrir que les
infections accidentelles. En fait, elles ont été con-
nues plus tardivement et mises surtout en évidence
par des recherches statistiques; des symptômes
apparents ne lesonlpas généralement fait prévoir,
et, aujourd'hui même, alors que nous connaissons
des exemples nombreux de plantes normalement
infestées, de tels symptômes restent le plus souvent
inconnus.
Cela ne veut pas dire, nécessairement, que ces
symptômes n'existent pas, mais, dans plus d'un
cas, sans doute, qu'on n'a pas su les chercher là
où il faudra bien qu'en définitive on les trouve :
dans des caractères normaux des plantes norma-
lement infestées, caractères que les botanistes
descripteurs ont depuis longtemps catalogués, et
dont la connaissance nous est devenue familière.
C'est ce que je chercherai à montrer en faisant
l'histoire de quelques plantes normalement infes-
tées par des champignons endophytes; les Orchi-
dées, surtout, me serviront pour celte étude.
I.
C.\R.\CTÈRES GÉ.NÉR.\UX DE L'INFECTION
CUEZ LES ORCHIDÉES.
" Parmi les Monocotylées à structure anomale, ]
dit Fabre', les Orchidées se font remarquer par ■
plusieurs singularités, qui, depuis longtemps, ont
captivé l'attention des botanistes. Les formes .
bizarres de leur périanthe, les profondes perturba- 1
lions qu'a éprouvées la symétrie de leurs fleurs, la
structure insolite de leur pollen, leurs graines
innombrables et microscopiques, l'étrange déhis-
cence de leurs capsules, enfin les tubercules
didymes, que beaucoup d'entre elles portent à leur
base, sont autant de caractères qui font de celte
famille l'une des plus intéressantes pour l'étude
des anomalies végétales. »
Le naturaliste remarquable qui a su, en écrivant
l'histoire aussi bien des Orchidées que des Insectes,
communiquer au lecteur l'intérêt et la vie de ses
observations, commence ainsi le premier des
Mémoires qu'il a consacrés à ces plantes singu-
lières, en rapportant leur étude à celle des anoma-
lies végétales. La connaissance d'un de leurs carac-
' Ann. Se. A'at. But. '.<• série. T. 111, 1855, p. 2j3.
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBERISATION CHEZ LES VEGKTAUX
tères, que Fabre ignorait, ajoute un sens profond
à l'idée qu'il énonce : Jes Orchidées sont, à l'état
normal, toujours infestées par des champignons
filamenteux; leurs tissus sont plus largement et
plus apparemment atteints par ces microorga-
nismes que ne le sont, dans la plupart des cas, ceux
de plantes que l'invasion de champignons rend,
par accident, malades.
Il suffit de casser les grosses racines charnues
de quelques-unes de nos Or-
chidées indigènes pour y voir,
à l'œil nu, la région infestée,
que sa couleur brune distingue
lig. 1). Les champignons qui
vivent là forment, à l'intérieur
même des cellules, par l'en-
chevêtrement de leurs hyphes
comme des pelotes de fil (fig.'i).
Ce cas 'typique d'infection
normale fut l'un des premiers
connus à l'époque oii les tra-
vaux de Frank attirèrent l'at-
lenlion sur de semblables phénomènes : W'ahr-
lich ', qui (it une statistique portant sur plus de
oOO Orchidées d'espèces difTérentes, les trouva
^ans exception infestées. Il n'est plus douteux
aujourd'hui qu'une telle infection soit, pour les
fig. 1. — Scclioi,
iransvcrsalf iruu e
racine de Limo-
dorum abortivuiu.
— c, cylindre cen-
tral : y, ri'gion in-
ftslée.
Fii.'. 2. — PorlioD de l'ceorce infestée d'un rliizome déjeune
Urchis montana. — Les cellules sont remplies ije tilanients
iiiyréiiens, vivants daus les cellules périphéri(|ues, morts
el digérés en partie dans les cellules centrales; /;, cellule
à peloton de m}'céliuni digéré; n, noyau.
plantes de cette famille, un fait général et constant.
Les champignons endophytes des Orchidées peu-
vent vivre en dehors de ces plantes et se cultiver
sur des milieux variés. Les champignons qu'on
obtient à partir des plantes les plus diverses
de cette vaste famille, présentent entre eux la plus
' Wahruch : Beitrag zur Iventniss dcr Orchideenwurzel-
pilze. Bot. ZcJt., 1886.
grande analogie : ce sont des Ascomycètes, donnant
en culture des formes imparfaites, caractérisées par
l'existence de deux sortes de spores (lig. 3); ils se
classent tous dans le genre Fusarium. Les cham-
pignons de ce groupe sont des microorganismes
fort répandus dans la nature : la Flore de Saccardo
en indique plus de 230 espèces, qu'il est déjà prati-
quement impossible de distinguer si l'on ne fait
pas intervenir leur lieu d'origine comme caractère
de détermination. Or, si l'on veut se servir de ce
caractère, la Flore en question est fort loin d'être
complète : il existe déjà, en effet, plus de 6.000 es-
pèces d'Orchidées, qui sont, autant qu'on sache,
infestées par de semblables champignons. Il fau-
drait ajouter, de ce fait, dans le genre fusarium,
quelques milliers au moins d'espèces nouvelles,
sans avoir de caractères morphologiques suffisants
pour les distinguer. La classification est donc pro-
visoirement illusoire : les Fusarium paraissent
être des formes banales de
microbes du sol, capables
d'infester les racines de beau-
coup de plantes. L'expérience
seule pourra trancher la ques-
tion de savoir s'il faut multi-
plier beaucoup, dans ce grou-
pe, le nombre des espèces ou
voir, dans les endophytes de
végétaux divers, simplement
des races ou des variétés de
«luclques espèces très répan-
dues. Quoi qu'il en soit, ces
champignons vivent le plus
souvent librement dans le sol ;
la vie dans les tissus de
plantes supérieures n'est qu'un épisode dans leur
histoire, elle n'est pas nécessaire à leur dévelop-
pement.
Les Orchidées, au contraire, ne paraissent jamais
vivre sans héberger d'endophytes; ces plantes, qui
sent sans doute infestées depuis fort longtemps,
n'ont pas disparu : la vie, dans ces conditions, ne
va pas, pour elles, sans quelques difficultés, mais
elles ont, pour les résoudre, des moyens qu'il est
utile d'envisager.
Les endophytes qui ont pénétré dans les racines
d'une Orchidée peuvent, pendant quelque temps,
passer de chaque cellule aux cellules voisines el
contaminer de proche en proche les tissus. L'ob-
servation des tissus qui sont ainsi atteints montre
que toute cellule que l'endophyte a pénétrée ne
s'accroît plus notablement par la suite et ne se
divise jamais; les tissus infestés, incapables de
croissance, de prolifération cellulaire et de difl'é-
renciation, sont pour la plante comme des tissus
morts. Les plantes infestées périraient sans doute
F,g. 3. — Clilaniydo-
spores arrondies el
conidies arquées du
champignon endo-
phyle d'une Orchi-
dée lEpipactis pa-
lustris . Gross. 190.
10
NOËL BERNARD — INFliCTION ET TL'BÉrUSATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
si elles se laissaient complùlement envahir; mais
la progression de l'endophyle dans leurs tissus
n'est pas indélinie : elle se trouve limilée au moins
par deux moyens difTérenls.
D'une part, les « tissus embryonnaires », dont
les cellules sont en voie de continuelle division,
paraissent opposer à l'infection envahissante un
obstacle infranchissable; les endophytcs s'arrêtent
ù leur limite et ne les pénètrent pas. Si l'on suit, par
exemple, la croissance des racines d'une de nos
Orchidées indigènes [Ncolthi Nidiis-avis), on voit
d'abord les endophytcs progresser régulièrement
vers la pointe de la racine, en restant toujours en
i'ig. 4 et 5. — riaciiics do, Neottia Nidus-avis. Coupes lon-
(/ituflinalcs. — c, coiffe; J, région infestée; ce, cylindre
central.
l'ig. 4. — l'acine en voie de croissance luirmale. — v, point
végétatif.
i'"ig. .■). — Itacine hourr/eonnante. — /, tubercule terminal
de p.irencliyme embryonnaire amylacé.
arrière de la région où les cellules croissent encore
et se divisent. Le point végétatif, i|ui produit sans
cesse de nouvelles cellules, semble fuir devant l'in-
fection tout en évoluant d'une manière normale
(fig. 4.) Le plus souvent, les phénomènes changent
d'allure, après un certain temps, et l'on voit se
former, à la pointe de la racine, une masse globu-
leuse de tissu embryonnaire indilTérencié, formé
de petites cellules qui se remplissent d'amidon
fig. :>;. Le petit tubercule qui se forme ainsi en
avant de la zone infestée reste indemne tant que
ses cellules ne s'accroi.ssent pas; il peut, avant
que l'endophyte ne l'atteigne, produire un bour-
geon et devenir ainsi l'origine d"un pied nouveau
de la plante. Cetle prolifération cellulaire anoi-
male du méristème terminal de la racine apparail,
en ce cas, nettement comme un moyen de défense,
qui permet à la plante d'enrayer momentanément
l'infeclion.
D'autre part, un certain nombre au moins des
cellules que l'endophyte a pénétrées peuvent le
détruire : on voit, dans ces cellules, le peloton de
mycélium accolé au noyau dégénérer peu à peu
pour se réduire, en définitive, à une masse amorphe,
irrégulière, où les filaments ne peuvent plus se
distinguer {p, fig. 2). Les cellules qui réagissent
ainsi digèrent les champignons qui les ont péné-
trées à la façon dont un globule blanc du sang
digère les bactéries qu'il absorbe. Il s'agit, en un
mot, d'une infection contre laquelle la plante réagit
et se défend.
Soit par les deux moyens que je viens de dire,
soit par d'autres encore, l'infection se trouve limi-
tée en général aux organes absorbants (racines ou
rhizomes), les seuls que les endophytcs pénètrent :
les tiges aériennes, les feuilles, les Heurs, les fruits
et les graines restent toujours indemnes. L'infec-
tion se trouvant ainsi limitée, les tissus seuls
qui sont directement atteints cessent complètement
de croître et de se dilTérencier; mais les tissus
qui sont indemnes peuvent pourtant être inté-
ressés par la présence des endophytcs dans le
corps de la plante. Les champignons qui vivent
dans les organes absorbants doivent, en etTel,
mêlera la sève brute leurs produits de sécrétion;
ils peuvent modifier ainsi, chimiquement, le milieu
intérieur et avoir par là une action sur tous les
tissus et sur tous les organes.
Les faits que je rappellerai maintenant m'amè-
nent à croire que les endophytes ont bien une
action de ce genre, et que les Orchidées se com-
portent comme des plantes normalement intoxi-
quées par des parasites dont jamais elles n'arri-
vent à se débarrasser d'une manière définitive.
II. — GlCRMINATION DICS OlîCniDÉES '.
Les Orchidées ne germent que dans des condi-
tions toutes particulières et elles se développent
d'une manière entièrement anormale; c'est en
rapprochant les conditions de leur germination des
premiers phénomènes de leur développement qu'on
peut le plus aisément comprendre quelles transfoi-
mations profondes l'infection leur a fait subir.
Toutes les Orchidées produisent des graines en
nombre immense; c'est, le plus souvent, par mil- -
1 Cf. N. Behnaud : Sur quelques genniualidiis difficile.».
licv. rj6u. de Bol. T. XII, lUllO.
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
il
lions qu'il faudrait compter celles qu'une seule
plante produit après chaque lloraison. Ces graines
d'Orchidées (fig. 6 et 7), lorsqu'elles se disséminent,
sont à un état de développement très imparfait :
elles ne contiennent, sous un tégument membra-
neux lâche, en parlic gonflé d'air, qu'un embryon
rudimen taire, sphérique ou ovoïde, ayant parfois
un suspeiisour (fig. 6).
Les graines de la plupart des végétaux, au début
de leur développement dans les fruits, passent par
un état comparable à celui des graines mûres d'Or-
chidées, mais elles ne se disséminent qu'après
l'avoir dépassé de beaucoup, c'est-à-dire quand
l'embryon a formé sa radicule, sa tigelle et ses
Fig. 6. — Graine d'une Orchidée (Cattleyai avec suspenseur;
aspect extérieur. — t, tégument; e, embryon; s, suspen-
seur.
F'ig. T. — Coupe transversale .d'une graine d' Orchidée {^eol-
tia Nidus-avisl sans suspenseur. — (, tégument; s, pôle
suspenseur de l'embryon.
premières feuilles, le suspenseur, organe transi-
toire, ayant. disparu.
A. la vérité, il arrive qu'on trouve, dans des fruits
mûrs d'autres plantes, — le fait n'est pas rare pour
les baies de pommes de terre, — des graines avortées
dont l'embryon, resté à un état rudimentaire, est
enfermé dans un tégument lâche en partie gonflé
d'air; mais les graines de cette nature, disséminées
a*ant d'être arrivées à terme, sont considérées
comme mauvaises : on les reconnaît à ce qu'elles
flottent sur l'eau tandis que les bonnes graines s'y
enfoncent et on les rejette si l'on veut faire un semis.
Mais, chez les Orchidées, aucune graine ne
dépasse jamais cet état imparfait: toutes flotte-
raient sur l'eau : la dissémination avant terme
devient ici un phénomène normal.
Les horticulteurs ont, en fait, pendant longtemps
rejeté toutes ces graines comme mauvaises et les
ont tenues pour incapables de germer. Celte opinion
était commune encore au début du siècle passé :
Salisbury annonça pour la première fois en 1802 '
qu'il avait vu germer dans la Nature les graines de
quelques Orchidées; mais, s'il fut dès lors croyable
que ces graines pouvaient se développer, on n'en
resta pas moins, pendant longtemps encore, sans
moyens pour les faire germer.
Quand, vers 1820, on comment^'a à cultiver les
Orchidées en Europe, les horticulteurs, faute de
pouvoir faire des semis de graines, se procuraient à
grands frais des plantes entières venant des pays
d'origine. Prises dans les forêts de l'Inde, de l'Amé-
rique du Sud où de la Malaisie, sur les branches
des arbres où la plupart d'entre elles vivent com-
munément, elles arrivaient dans les serres d'Europe
en assez piteux état, réduites à des bulbes ou à des
rhizomes desséchés, portant de longues racines
charnues.
On songea d'abord, pour se rapprocher des con-
ditions naturelles où se trouvent les Orchidées, à
les cultiver suspendues en l'air, soit dans des
paniers garnis de fragments de brique ou de
charbon recouverts de mousse humide, soit, plus
simplement encore, sur des bûches ou sur des
planches de sapin. La culture, ainsi comprise assez
généralement tout d'abord, allait fort mal malgré
les soins qu'on lui donnait : faire fleurir une plante,
qu'on perdait le plus souvent ensuite, était toute
l'ambition des horticulteurs, qui ne trouvaient le
dédommagement de leurs mécomptes que dans les
prix fabuleux qu'atteignaient alors ces plantes
extraordinaires.
Les horticulteurs n'ont pas tardé à s'apercevoir
qu'ils faisaient fausse route en cherchant, comme
on le disait plaisamment, à nourir leurs plantes de
l'air du temps. Un des progrès essentiels de la cul-
ture moderne a été de cultiver les Orchidées dans
des sols moins pauvres; aujourd'hui, on élève com-
munément en pots même les espèces qui, dans la
nature, sont le plus parfaitement adaptées à la vie
sur les arbres, et la culture ainsi conduite réussit
fort bien. Le choix d'un sol convenable reste en
vérité important : tel horticulteur emploie le Poly-
pode haché ou la terre de bruyère mêlés à du spha-
gnum humide, tel autre, plus simplement, le terreau
Naturel des forêts où vivent un bon nombre de nos
Orchidées indigènes. Mais, ce point étant réglé,
l'entretien d'une propreté rigoureuse des serres,
le réglage de la température et de l'humidité
deviennent pour l'horticulteur les seuls sujets de
préoccupation : lesOrchidées sont aujourd'hui, dans
les serres, des plantes bien acclimatées.
Les horticulteurs sont arrivés, par ces moyens, à
* Trans. Linu. Soc, VlII.
12
NOËL BERNAKD - INKI-CTION ET TIBI^HIS.VTION CHr:Z LES VÉGÉTAUX
un premier résullat, qu'ils nOnt pas recherché cl,
qu'au resle, il ne soupçonnent généralement pus
encore : Us ont accliiniiti' clans leurs serres, en même
temps que les Orchidées, el aussi parfaitement
iju elles, leurs endopbytes Imbiluels. Quand Wahr-
licli examina les Orchidées d'une serre à Moscou,
il trouva leurs racines tout autant infestées que
celles de plantes prises dans leurs stations natu-
relles. L'infection des Orchidées de serres est un
fait général facile à constater; les racines des
plantes cultivées en pots sont plus régulièrement
et plus largement infestées que les racines de celles
((u'on cultive en paniers suspendus. Ce résullnl,
d'ailleurs, est aisé
à coniprendie : les
Orchidées d'impor-
lation transportent
dans leurs racines
ou dans leurs rhi-
zomes des champi-
gnons capables de
vivre isolément
dans l'humus et de
conlaminer les sols
où la culture se fait.
Un second résul-
tat s'est en même
temps trouvé at-
teint : la (jcrinin;!-
lion des i/rainrs
if Orchidées, impra-
ticable autrefois, est
devenue possible
avec ces conditions
lie la culture mo-
derne el se fuit ré-
'lulièremenl. Elle se
produit, en somme,
d'une manière assez
facile pour qu'il
puisse paraître étonnant ((u'on y ail vu autrefois
de si grandes difiicullés : souvent, les graiues qui
lomhent d'uu fruit el se disséminent nalurelle-
nient sur le sol où croît leur plante mère germent
i;i, sans qu'on ait à s'en occuper spécialement. Les
graines tombées sur les racines qui rampent à la
s'.uTace du sol germent parfois les premières et le
mieux; li's lioiliculteurs ont d'abord conseillé de
les semer ainsi, mais la précaution n'est pas indis-
pensable : la germination piuit se produire en tous
les points du pot el j'ai vu plusieurs fois de minus-
cules plantes venues de graines reprendre, comme
elles le pouvaient, la vie aérienne qu'elles ont dans
lalSature en se développant sur l'étiquette de bois
blanc dont chaque pot est pourvu.
La seule précaution qui paraisse réellemeul utib'
Fig. 8. — Début (le la gcniiinatioii d'une (ji-uine do. Neuttia Nitlus-
uvis, mnnlrunl f infection du pôle suspenseur. — (, tégument; s, pùte
du suspenseur.
Fig. 9. — Coupe optique d'une trrs jeune planlnle d'OrcIiidée (Lœlia'.
— Cette coupe montre l'infection de ta région du sispenseur.
est de semer les graines sur le sol même où vit la
plante qui les a produites; on la trouvera recom-
mandée dans tous les traités d'horticulture mo-
dernes. Une Orchidée vivante, disent les horticul-
teurs, assainit le sol où elle se développe, et
permet la germination des graines qui, semées
autrement, pourriraient.
J'ai cherché à savoir à quel fait précis cette
interprétation répondait. Un moyen sûr d'avoir un
sol sain est de le stériliser; on peut semer des
graines d'Orchidées en sol stérile sans introduire
de germes, en prélevant simplement, dans un fruit
10 1*11-, ces graines minuscules avec un fil de pla-
tine llambé. L'expé-
rience est facile à
mettre en train,
mais les graines
qu'on sème ainsi,
si elles ne pourris-
sent pas, ne ger-
ment pas non plus .
j'en ai gardé des
omis entiers, qui
ne montraient pas
(le changements, el
(|ui, finalement, se
desséchaient sans
s'être développées.
Cependant, des grai-
nes des mêmes
fruits, semées dans
une serre d'Orchi-
dées, germaient en
quelques semaines
el se développaient
parfaitement. Or,
tandis que mes
graines, qui ne ger-
maient pns, étaient
certainement asep-
tiques, celles dont l'horliculleur qui voulait bien
m'aider obtenait le déveloi)pemeut étaient réguliè-
rement contaminées dès le début de leur vie, et
pénétrées d'endophytes dès le premier moment oii
elles se transformaient (fig. 8 etO).
.l'ai eu ainsi lieu de croire que les Orchidées
adultes ne sont pas utiles à la germination des
graines dans nos serres en assainissant le sol,
mais qu'elles interviennent d'une façon toute
opposée en ïinfestant des endophyles sans les-
quels la germination ne se produirait pas.
Il est. certes, difficile d'affirmer que la germina-
tion est impossible sans le concours de ces cham-
pignons ; un jour peut-être, on la réalisera sans
eux, mais, pour le moment, cela ne parait pas s'être
fuit. D'une |)art, en effet, la méthode de semis des
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
i:i
liorliculteurs revieni à semer régulièrement les
graines dans des sols infestés, et, d'autre part, les
botanistes comme Irmisch, Fabre, Prillieux. qui ont
décrit des germinations dOrcliidées observées
dans des conditions diverses, ont trouvé, dans les
cellules des plus jeunes planlules, de ces masses
brunes qu'on prenait autrefois pour des amas de
résine, et qui sont, comme j'ai dit, des formes de
dégénérescence de pelotons mycéliens plus faciles
à voir que les champignons mêmes. J'ai eu la
bonne fortune de trouver, dans la Natare, des mil-
liers de graines en germination d'une Orchidée
indigène {Xeollin yidas-iivis); elles étaient toutes
plus largement infestées encore que les germina-
tions d'Orchidées que j'ai vues dans les serres.
Il y a là un singulier phénomène, qui pourra
paraître en contradiction avec ceux que j'ai indi-
qués dans les précédents paragraphes, où j'ai
groupé des faits qui permettent de comparer les
champignons endophyles des Orchidées à des para-
sites. La manière de voir que j'ai indiquée ainsi
tout d'abord est contraire à. l'opinion classique,
i[ui veut que les champignons et les plantes supé-
rieures soient associés en svmbiose harmonieuse
pour le plus grand profit de chacun d'eux. Au
moins pour la germination, on peut dire que les
champignons sont utiles aux Orchidées, et je n'y
vois pas d'obstacle. Il importe, cependant, de se
rappeler que la production de graines rudimen-
laires, qui est un fait assez général chez les plantes
normalement infestées de champignons, paraît
n'être pas sans rapports avec l'infection même. Si
l'endophyte aide, en définitive, à la germination
des graines, il est sans doute intervenu d'abord
en lesempêcliantd'arriver dans les fruits à un plus
complet développement. Les graines, en nombre
immense, que produit une Orchidée infestée, et qui
ont besoin, pour germer, de rencontrer des condi-
tions très particulières, sont, en fait, dans la Nature,
en grande majorité perdues et, à tout bien compter,
l'endophyte n'intervient pas seulement poar rendre
la reproduction par graines plus aisée.
Le chauffeur qui a écrasé. un piéton peut l'in-
ilemniser de la perle d'une jambe en lui offrant des
béquilles; il sert ainsi, en définitive, à sa marche,
mais il n'acquiert à sa reconnaissance que des
droits qu'on peut contester.
111. — TlBKRISATION DES PLANTULES d'oRCUIDÉES.
.Vinsi, non seulement les Orchidées sont norma-
li'ment infestées à l'état adulte, mais encore elles
le sont dès le début de leur développement. L'in-
l'ection apparaît comme un phénomène étroilemenl
et nécessairement lié aux phénomènes ijénéraux de
l'évolution de la plante.
Il faut remarquer que le cas des Orchidées, poui'
n'être pas, comme je le dirai, absolument Isolé, esl
au moins fort rare chez les végétaux. Les graines
de la plupart des plantes peuvent germer en mi-
lieux stériles, et l'on sait, noianmient, qu'il en est
ainsi pour les graines de végétaux qui sont nor-
malement infestés à l'état adulte, tels que, par
exemple, les Pins, dont les r.icines sont toujours
entourées de mycélium, ou les Légumineuses, dont
j'ai rappelé le mode d'infection.
Or, les graines d'Orchidées, qui ne germent ainsi
que dans des conditions toutes particulières,
donnent desplantules qui ne ressemblent presque
en rien aux jeunes plantules de l'immense majo
rite des végétaux. Il est naturel de rattacher à l'in-
fection, caractère très particulier des jeunes plan-
tules d'Orchidées, les phénomènes très particuliers
que leur développement
présente. J'indiquerai ici
en quoi ces phénomènes
difl'érent de ceu.v qu'on
est habitué à constater
dans l'étude des germi-
nations.
Les embryons de la plu-
part des végétaux pas-
sent, au cours de leur dé-
veloppement, par un étal
semblable à celui de l'em-
bryon des graines mûres
d'Orchidées. D'ordinaire,
le développement se pour-
suit, à partir de cet étal,
d'une manière très uni-
forme pour des végétaux
très divers : une racine se différencie à l'un des
pùles de l'embrjon (pôle suspenseur),les premières
feuilles et le bourgeon terminal apparaissent au
pôle opposé.
Les graines d'Orchidées se développent d'une
tout autre manière; les horticulteurs, mieux que
personne, connaissent certains caractères aberrant.^
de leur germination. Les graines, qu'ils sèment
sur la mousse humide qui couvre leurs pots, s'>
perdent rapidement : ils les soignent sans les voir
pendant plusieurs mois. Un mois au plus tôt, quel-
quefois un an seulement après le semis, ils peu-
vent constater que ces graines lèvent. Elles ont
donné, à ce moment, de minuscules plantes, de
forme massive, dont la taille ne dépasse pas 2 ou
3 millimètres. Le développement se fait avec une
lenteur extrême : pour arriver à faire fleurir ces
Orchidées de semis, il faut s'armer de patience,
car elles n'atteignent jamais l'état adulte avant
plusieurs années. Quand, plusieurs mois après le
semis, l'horliculleur veut isoler les plantules pour
Fig. 10. — Jeune planlulc
i/'Angraecum maculatum
sortant du Icgumeol
de la iji-aine (d'après
E. l'rillieux).
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÊRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
l''ig. 11. — Coupe lonrjitudinah'. d'une plnntnle dr Ncotlin Nidus-avis. —
;•, points végétatifs des premiêies racines; /). cellule infestée :f,cellulp
à peloton de^niycéliiim dégénéré. Les cellules du parenchyme central
contiennent des grains d'amidon.
rig. 12. — _.ls/)ect extérieur d'une autre plautulc. — /, tégument de la
graine.
les transporter dans un sol nouveau,
c'est avec une loupe qu'il les examine,
et l'allumelte taillée en pointe avec la-
quelle il les prend est le premier ins-
trument qu'il ait à employer dans cette
étonnante culture.
Si l'on suit les phénomènes de plus
près, ce qu'on constate, tout d'abord,
c'est l'infection des graines; celte infec-
tion est ici, pour ainsi dire, le premier
phénomène de la germination. Elle si'
produit toujours en un point déter-
miné de l'embryon (pôle suspenseur), el
c'est seulement après que les champi-
gnons ont pénétré quelques cellules de
ce pôle qu'on voit, au pôle opposé, se
faire les premiers cloisonnements cellu-
laires. Le développement de la phmie
apparaît ici comme une véritable réac-
tion qu'elle présente ù T infect ion.
Une conséquence de cette infection
du pôle suspenseur est iminédiatemenl
appréciable : les cellules infestées, sui-
vant la règle générale que j'ai indiquée,
ne s'accroissent ni ne se divisent; la
croissance de l'embryon se fait unique-
ment par le pôle non infesté, où se mon-
trent bientôt les rudiments des pre-
mières feuilles. Mais, au pôle suspenseur,
où d\3rdinaire, chez les végétaux, se
forme une racine primaire, on ne voit,
dans ce cas, aucune racine se différen-
cier; les cellules de ce pôle, atteintes par
les endophytes, sont comme mortes,
elles ne forment aucun organe nouveau.
L'absence de racine terminale, carac-
tère commun à toutes les plantules d'Or-
chidées, paraît ainsi être une consé-
quence directe de leur constante infec-
tion.
Ces plantules, qui ne s'accroissent que
par un de leurs pôles, prennent, en se
développant, une forme « en toupie »
(lig. 10). Cette forme massive caractéris-
tique permet, à elle seule, de comparer
ces jeunes plantes à de petits tubercules ;
il faut, de plus, remarquer que, très sou-
vent, on trouve, dès le début de la vie,
de l'amidon mis en réserve dans leurs tis-
sus en quantité appréciable (fig. 11 et l'2 .
Pour résumer l'ensemble des carac-
tères qui, en dehors de l'absence de ra-
cine terminale, sont particuliers aux
jeunes Orchidées : à savoir, la forint'
massive, la lenteur de la croissance cl
de la différenciation, la formation pré-
NOËL BERNAED — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
coce de réserves, je dirai que ces
jeunes plantules sont tiibéri-
S('os; elles paraissent bien ca-
pables d'absorber des aliments,
puisqu'elles accumulent de l'a-
midon, mais elles ne semblent
pas pouvoir les assimiler pour
former rapidement de nou-
veaux tissus et de nouveaux or-
ganes, comme cela arrive d'or-
dinaire lors du premier déve-
loppement des végétaux.
L'absence de racine termi-
nale est un caractère qui s'ex-
plique par l'arrêt de dévelop-
pement des cellules qui sont
directement atteintes par l'en-
(lophyle. .La tubérisation ré-
sulte, au contraire, d'un mode
]iarticulier de développement
lie tous les jeunes tissus de la
plantule que l'endophyte n'at-
teint pas; elle peut être attri-
buée à une intoxication géné-
rale de la plantule par les cham-
pignons qu'elle héberge. Des
arguments de Biologie com-
parée amènent forcément à
croire que la tubérisation est
bien liée ainsi à l'infection.
La tubérisation se produisant
dès le début du développement
est un phénomène qu'on ob-
serve très rarement chez les
végétaux. Il en existe, cepen-
dant, quelques exemples autres
que celui des Orchidées, dont
le plus frappant s'observe pour
les Lycopodiacées. Ces plantes
— qui sont des Cryptogames
vasculaires et qui s'écartent,
par conséquent, des Orchidées
à presque tous lés points de
vue — présentent cependant
avec elles, au début de leur
développement, une ressem-
blance inattendue (fig. 13 et 14).
Suivant le mode général d'é-
volulion des Cryptogames, les
Lycopodes donnent des spores
qui se développent en prolhal-
les sur lesquels se forment des
œufs qui produisent de nou-
velles piaules feuillées. Mais,
tandis qu'à l'ordinaire les pro-
llialles sont des organismes
1ms. 13.
Fis. li
ig. 13 et H. — Aspect extcrieur et coupe d'un prothalle de Lycopodium com-
planatum {d'après Bruchniann). — s, pointe; wh, poils radiculaires; e, épi-
derme; r, couche corticale infestée: p, tissu en palissade à réserves; c, cylindi'e
central; ;/, tissu génératif; m, méristème; h, protubérance anthéridienne eu
formation; an, anthéridies; ar, archégones; A, jeune plantule.
10
NOËL BERNARD — INFI-CTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
(Iciiil ruxistcnrc osl courte cl l;i Idriiic Irrs simple,
dans le cas des Lycopodes leur déveloiipemenl est
au contraire très lent, leur existence longue el ils
prennent des formes tuberculeuses tout à lait inu-
sitées. Les figures que je donne ici ifig. Il à 14)
suffisent à montrer quelle étroite ressemblance
il y a entre ces prothalles et les jeunes plantules
d'Orchidées. C'est, au reste, un fait frappant, qui a
déjà été plusieurs fois remarqué '.
Or, il est visible que dans ce cas, tout dillérent
de celui des Orchidées, la lubérisation précoce
coïncide encore avec une infection par des cham-
pignons qui se produit au début de la vie. Sans dé-
velopper longuement les arguments par lesquels ce
fait peut être établi, je me bornerai à constater que,
(hiiis les rares essais de geriniiialioii des Lyco})odes
(jii'ils ont laits, les botanistes ont rencontré pré-
eisoment des dif/ieiiltés analogues à celles qu'ont
trouvées les horticulteurs pour la (jerniinatiou des
Orchidées.
Spring !l8't2), s'appuyant sur l'insuccès constant
des tentatives faites pour faire germer des spores,
admettait (jue ces spores n'étaient pas comparables
à celles des autres Cryptogames, mais bien à des
grains de pollen incapables de donner de végétaux
autonomes, et il concluait qu'il existe seulement
des plantes mâles chez les Lycopodiacées, les plan-
tes femelles ayant disparu dans quelque cataclysme
ou n'ayant jamais été créées.
Hofincisler H8oi;, persuadé, au contraire, que
ces spores doivent donner des protlialles, constate,
pourtant, n'avoir jamais obtenu de germinations
dans des semis répétés de plusieurs Lycopodes.
De Bary, le premier, montra que les spores
étaient capables de germer. Il obtint le développe-
ment de celles du Lycopodiuni inundatum en les
semant sur le sol même ijui avait nourri leur
plante mère.
Plus lard, Treub, ayant fait venir à Leyde,
en 1878, des spores de Lycojiodes tropicaux, les
sema dans ses serres sans avoir le moindre résul-
tat; dès son arrivée à Java, au contraire, ayant
semé des spores de Lycopodiuni cernuum sur une
espèce de terre glaise dans laquelle croissent les
protlialles dans leurs stations naturelles, il ob-
tint facilement des prothalles, bien que le semis
eut été fait simplement dans sa chambre sur des
assiettes remi)lies de la terre en question.
Or, Treub constata — el non sans s'en étonner —
rjue les ]»rolhalles ainsi obtenus étaient liabRés
par un champignon endophyte. Bruchmann, qui,
jilus récemment, a trouvé en grand nombre des
protlialles de Lycopodes, y constate toujours une
' Theib: Annales dû Buitcnzonj, t. VIII. — (luKuri. : Urj.i-
nii'jraphle der J'ûanzca. 11. lena, l'JUO.
infection largement étendue (lig. lij, qui se \y.-n-
duit, à n'en pas douter, à l'époque de la germina-
tion des spores.
Je ne vois à ces faits qu'une explication : dans
ce cas, comme dans celui des Orchidées, les difli ••
cultes qu'on rencontre pour obtenir des germina-
tions dans un sol quelconque tiennent à l'absenci'
d'endophytes dans ce sol. Dès que, comme le foui
les horticulteurs pour les Orchidées et comme l'onl
fait ici De Hary el Treub, on sème les spores sur
un sol infesté, elles se développent en s'infestatil.
Treub, qui a suivi le développement des œufs qui
se forment sur les prollialles infestés du Lycopn-
dium cornuuni a, d'autre part, constaté que les
plantules qu'ils donnent s'infestent tôt, se tubéri-
sent et ne forment pas de racine primaire. Il ii.
d'ailleurs, mis en évidence, dans ce cas, la conver-
gence extraordinaire qui existe entre les prothalles
el les plantules du Lycopodiuni cernuum, d'une
part, el entre ces organismes et les plantules d'Or-
chidées, de l'autre. Tant de ressemblances inac-
coulumées ne peuvent s'i:\xpliquer, à ce qu'il me
parait, que par l'infection précoce et nécessaire
qui, dans ces cas divers, entraîne la lubéri-
sation.
Les deux caractères aberrants des jeunes plan-
tules de Lycopodiacées et d'Orchidées : absence de
racine et lubérisation, se retrouvent à l'état adulte
chez certaines Orchidées comme chez certaines
Lycopodiacées. On sait, en effet, d'une part, que
certaines Orchidées {Rpipogium, (Jorallorhixa)
aussi bien que certaines Lycopodiacées {I^silotum
Tmesipteris) ne produisent jamais de racines pen-
i danl tout le cours de leur vie. Des faits de tubé-
i-isation à l'étal d'adulte — se traduisant, en
tléfinilive, par la formation de tubercules — se
présenlent, d'autre part, pour les Orchidées, dans
toute une tribu de celle famille (les Ophrydées) et,
l)our les Lycopodiacées, chez le Pliylloglossum. La
question se pose de savoir si de semblables carae
lères de plantes adultes peuvent être encore con-
sidérés comme des symptômes d'infection. Dans
ce qui va suivre, j'examinerai cette question seu-
lement pour le cas des plantes à tubercules.
IV. — Evolution des orcuidées a niiEHCULES.
Les Orchidées à tubercules ou Ophrydées, abon-
dantes dans nos prairies ou tians nos bois, les
Orchis, les 0/ihrys, les Loroglossum, présentent
une grande similitude d'aspect et se dévelop-
pent à fort peu près de la même manière. Les
diflërences qui s'observent d'une Ophrydée à l'ai
tre sont assez peu importantes pour qu'on puis-
résumer les phénomènes du développement des n
plantes en ne retenant que les caractères générau
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
<iui sont communs à toutes celles de la tribu; c'est
ce que je ferai ici.
L'embryon rudimentaire des minuscules graines
de ces Orchidées se développe en donnant, dès
l'abord, un petit tubercule (tubercule ewbryon-
nnirc] largement infesté vers sa pointe, portant à
son extrémité élargie les premières feuilles d'un
Jeune bourgeon (tig. loi. Ce premier bourgeon de
aberrant de développement des racines infesli'i ■^
dViXeoltia iVMus-ai ys, dontle point végétalif,a|)rès
un certain temps de fonctionnement normal, donne
une masse indifTérenciée d'un tissu embryonnaire
où de l'amidon s'accumule (voyez fig. 5). Le mode
de développement d'une Ophrydée dans sa pre-
mière année peut s'y comparer exactement : le
bourgeon apparu sur le tubercule embryonnaiic
■Fij;. n. F,-. l'J. Fi.i;. iU.
'Fit;. 15 à 20. — Evalulion d'une Ophrydée. — Fig. l'J, 16 et IT, pendant les deux /jrêm/ê>es années. — ■■). lubcreule eiii-
hryonnaire: h, bourgeon terminal; /, zone infestée; (, premier tubercule; r, rhizome, t\ second tubercule. —
Fig. 18, 19 et 20, dans l'année île la noraisoa. — T, tubei-cule: B, bourgeon: i, h., bourgeons Je second orJie;
T', nouveau tubercule; /■, racine; ; zone infestée.
la plante, après avoir formé seulement quelques
feuilles rudimeutaires, cesse d'en produire de nou-
velles : il ne donne pas de rameau ; sur son flanc
apparaît un mamelon de plus en plus renflé, qui
finit par donner un tubercule (/, lig. 1(1) ayant à
.peu près la taille du tubercule embryonnaire
(quelques millimètres d3 long.) A la fin de la pre-
mière année, ce tubercule s'isole en terre avec le
bourgeon qui l'a produit; le tubercule embryon-
naire se flétrit et disparaît.
J'ai indiqué, au début de cet article, le mode
PEVtE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1902.
infesté ne se développe pas longtemps d'une ma-
nière normale et l'aliment disponible, qui n'est plus
régulièrement assimilé, s'accumule dans le mame-
lon, qui se forme par une prolifération cellulaire
anormale des tissus. Dans ce cas, au reste, comme
dans celui des racines du Neottia iXIdus-uvis, le
jeune tubercule n'est pas atteint par l'endophyle
et, au moment où il s'isole avec le bourgeon qui l'a
produit, il est encore indemne de toute infection.
Ce bourgeon, qui réagit en se tubérisant et qui
s'isole avec son tubercule, s'cb.;, pat- là niômca/lnni-
18
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGËTAUX
chi de liiil'cclion. Cetto première tentalive que fait
la plante, si j'ose ainsi dire, pour se débarrasser
de l'endophyte, reste sans succès : le bourgeon
isolé avec le petit tubercule se développe en un
court rhizome (/•, fig. 17), couvert de poils absor-
bants, qui s'infeste bientôt dans le sol, ainsi que —
quelquefois au moins, — le tubercule lui-même.
Le bourgeon, qui se retrouve alors dans les
mêmes conditions, évolue dans la seconde année
comme dans la première : après avoir produit
quelques feuilles nouvelles, il se tubérise et, pour
la seconde fois, s'isole avec le nouveau tubercule
qu'il a produit (/', fig. 17).
Pendant tout le cours de sa vie, une Ophrydée
produit ainsi, chaque année, un ou plusieurs tu-
bercules, à partir de certains bourgeons; mais, à
mesure que la plante avance en âge, ils sont de
plus en plus volumineux, jusqu'au moment où, les
tubercules ayant atteint un maximum de taille,
variable suivant les espèces, le mode de végétation
(le la plante prend un cours régulier.
Sans suivre plus longtemps, année par année, le
développement de la plante venue de graine, voyons
tout de suite ce qui se passe quand l'état adulte est
atteint, par exemple dans l'année où la plante qui
provient d'un tubercule ayant son maximum de
taille, arrivera à fleurir.
Le tubercule prêt à s'isoler (mai; entraine un
bourgeon dont le développement est assez peu
avancé (B, lig. 18). Ce tubercule n'est pas infesté,
mais il est, cette fois, assez volumineux et contient
assez de réserves pour que le bourgeon puisse
vivre d'abord uniquement à ses dépens; la plante
ne développera qu'au bout de quelque temps des
organes absorbants (racines,, qui s'infesteront dans
le sol. Elle est, cette fois, pour un temps notable,
débarrassée de l'endophyte; il est intéressant de
voir comment, dans ces conditions nouvelles, elle
va se développer.
Dès le mois d'août, le développement du bour-
geon, isolé avec son tubercule, devient actif: ses
feuilles anciennes s'accroissent tandis que de nou-
velles se forment à la partie centrale; dans le cours
de septembre, on peut distinguer au centre du
biiurgeon la jeune hampe llorale, qu'il a formée et
qui se déploiera au printemps. A ce moment, à
l'aisselle des feuilles inférieures sont apparus de
nouveaux bourgeons (/>,^„fig.l9), qui ont, d'abord,
une apparence normale, forment leurs premières
leuilles et ne paraissent en rien distincts des
jeunes bourgeons qui, chez la plupart des plantes,
sont l'origine des rameaux. La différenciation a,
en un mot, suivi jusqu'ici la marche qui est nor-
male chez le plus grand nombre des végétaux; la
plante ne s'est pas encore infestée.
Mais, à la fin de septembre, des racines absor-
bantes sortent de la base de la tige, s'étendent
dans le sol, et, dès qu'elles ont atteint quelques
centimètres de long, on les trouve régulièrement
pénétrées d'endophytes venus du sol. Dès ce mo-
ment, les racines resteront ainsi infestées jusqu'à
l'époque où elles se détruiront après la floraison.
Dès ce moment aussi, les phénomènes du dévelop-
pement de la plante vont devenir notablement dif-
férents.
Les jeunes bourgeons axiUaires cessent, en effet,
à peu près complètement de former des feuilles
nouvelles et, dans le cours d'octobi'e, on voit l'un
d'eux au moins se renfler en un tubercule qui
grossit rapidement. Quant aux autres jeunes bour-
geons axiUaires, qui ne donnent pas, en général,
de tubercules volumineux, ils meurent souvent en
été sans s'être différenciés davantage ; mais, s'il
arrive qu'ils se développent, c'est toujours en *(■
tuLérisaiit. On sait, par exemple, que si l'on coupe
la tige principale d'une Ophrydée en voie de déve-
loppement, aucun des bourgeons axiUaires ne se
développe en une tige nouvelle, mais que plusieurs
donnent alors des tubercules : c'est un moyen de
multiplier la plante. Il arrive fréquemment qu'eu
l'absence de toute lésion de la tige principale, il se
produise à la fois plusieurs tubercules, dont un
seul volumineux (T', fig. 20). Jamais, en tout cas,
les jeunes bourgeons axiUaires ne se développent
en rameaux. Seul, le bourgeon principal, arrivé
avant l'infection de la plante à un haut degré de
développement, donne une tige et ne produit pas
de tubercule. Il n'a, pour ainsi dire, qu'à déployer
au printemps les feuilles et les fleurs qu'il avait
formées en automne. La hampe qu'il donne se des-
sèche bientôt après, les fruits qu'elle porte ne ren-
ferment, comme je l'ai dit, que des graines rudi-
mentaires dont l'embryon est resté à un état tré-
imparfait de développement.
La différenciation de la plante s'est donc achevir
presque entièrement dans une première et courte
période (aoiU, septembre), à l'époque. où elle n'était
pas infestée. Dans la seconde période, beaucoup
plus longue (octobre à juin), qui a suivi l'infection,
il ne s'est plus différencié de parties nouvelles;
tous les jeunes bourgeons se sont montrés inca-
pables de donner des rameaux ; ils sont morts ou
se sont tubérisés.
Le mode général de développement de lu plante
change, en un mot, dès qiw l'infection se produit,
et il y a lieu d'opposer, à là première période </'■
non-infection et de différenciation active, une
seconde })criode d'infection et de tuhérisation.
L'infection, qui se produit dès le début de la vio
et qui reste à peu près permanente pendant les luc-
mières années, entraîne la tuhérisation de l'ein-
bryon d'abord, du premier bourgeon ensuite, et rc
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
19
dernier, Pans arriver à acliever son évolulion, pro-
liuit successivement plusieurs tubercules. Quand
li'tat adulte est atteint, chaque plante qui provient
d'un gros tubercule non infesté a, pour ainsi dire,
le temps de diflerencier des feuilles, des Heurs,
desbouri^eons, avant que l'endophyte ne l'atteigne;
elle se développe donc, tout d'abord, à la manière
de tous les végétaux. Mais, dès qu'elle s'infeste de
nouveau, son développement reprend une marche
anormale : les jeunes bourgeons meurent ou se
tubérisent, et les fruits ne peuvent produire que
des graines atrophiées.
La présence de tubercules, qui apparaît ainsi chez
les Ophrydées comme une conséquence et un
symptôme de l'infection, est un caractère assez
i-onstant pour servir à définir ce groupe d'Orchi-
dées. On classe les Ophrydées dans les Flores en
utilisant, partiellement au moins, les caractères de
forme de leurs tubercules. J'ai, -cependant, eu, une
seule fois, l'occasion d'observer une Ophrydée dont
un bourgeon axillaire, au lieu de former un tuber-
cule, avait donné, en mars, un rameau presque
aussi développé que la tige principale. Or, cette
plante présentait, de plus, ceci de remarquable
qu'elle n'avait encore développé aucune racine; à
l'ordinaire, les racines sortent en automne et s'in-
festent. Il y avait donc, ici, un retard anormal de
la sortie des racines, et la plante était restée jus-
qu'en mars sans s'infester. Le développement d'un
des bourgeons en rameau s'observait par consé-
quent, en ce cas, pour une plante restée indemne
exceptionnellement.
Fabre a vu, une seule fois aussi, un phénomène
analogue se produire chez une Ophrydée qu'il
cultivait, dont les bourgeons donnaient des ra-
meaux au lieu de se tubériser comme à l'ordinaire.
« Ce cas, dit-il, qui, dans l'immense majorité des
végétaux, serait conforme à la règle, et qui n'est
ici qu'une exception, paraît être fort rare, car, sur
un nombre très considérable de pousses observées
à tous degrés de développement, une seule m'a
offert cette curieuse anomalie '. »
Fabre, qui a indiqué lui-même comme « une
anomalie végétale » la singulière transformation
des bourgeons en tubercules chez les Ophrydées,
peut, ajuste titre, s'étonner en retrouvant, excep-
tionnellement, chez ces plantes un développement
régulier de bourgeons en rameaux.
La lubérisation des bourgeons parait bien être,
chez les végétaux, une anomalie, je dirais presque
une monstruosité, mais elle devient assez générale
dans tout un groupe de plantes normalement in-
festées pour que les plantes de ce groupe, qui sont
indemnes et qui se développent à la manière de
' Ann. Se. Xat. Bol., Je série, t. III, 183;
tous les végétaux, soient à citer comme de rares
exceptions.
V. — Possibilité d'une généralisation.
Cas de la ficaire.
La lubérisation, chez les Ophrydées, se présente
sous divers aspects : au début du développement,
c'est l'embryon tout entier qui se tubérise après
l'infection. Quand l'état adulte est atteint, et que la
plante se multiplie régulièrement par tubercules, il y
a des périodes de non-infection, alternant régulière-
ment avec des périodes d'infection. Chaque fois
qu'une contamination nouvelle se produit, la plante
a pu auparavant différencier hautement un de ses
bourgeons, produire une tige, des feuilles, parfois
des fleurs. Toutes ces parties, qui sont différenciées
déjà, ne sont pas profondément modifiées après
que l'infection s'est produite. Seuls, les tissus em-
bryonnaires de jeunes bourgeons réagissent el
prennent un développement anormal. Il se forme
ainsi, sur la plante, des tubercules bien individua-
lisés, à partir de ces jeunes bourgeons isolés les
uns des autres.
On conçoit parfaitement à première vue, et il
arrive effectivement, que les choses se passent d'une
autre manière. Certaines Orchidées, comme par
exemple le Neottia Nidiis-avis, sont infestées pen-
dant tout le cours de leur vie, et ne s'affranchissent
jamais. Le premier bourgeon apparu sur l'embryon
a alors en tout temps un développement très lent,
un mode de végétation constamment anormal; il se
développe en un rhizome charnu, qu'on peut envi-
sager comme formé par une série continue de
tubercules. Il y a, en un mot, en ce cas, lubérisation
permanente d'un même bourgeon, il ne se forme
pas, par conséquent, de tubercules individualisés.
Le formation de tubercules chez les Ophrydées
dépend donc non seulement de l'infection par un
champignon déterminé, mais encore du mode par-
ticulier de l'infection, qui est, dans ce cas, régulière-
ment périodique. Pour cette raison, en particulier,
et pour plusieurs autres, on ne doit pas s'attendre
à ce que toutes les plantes infestées produisent des
tubercules: l'infection peut entraîner des déforma-
tions de plus d'une nature, et, de ce C(jté, une
classification des cas, qui est entièrement à faire,
doit précéder toute tentative de généralisation.
La théorie que je donne pour expliquer le cas
des Ophrydées n'a donc pas pour conséquence
nécessaire que toutes les plantes infestées doivent
produire des tubercules. Doit-elle, au moins, con-
duire à admettre que toutes les plantes qui, comme
les Ophrydées, tubérisent périodiquement leurs
bourgeons se comportent ainsi parce qu'elles sont
infestées'?
20
NOËL BERNARD — I.NFI^CTION ET TUBEfllSATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
Il faut bien remarquer que celte généralisation
n"a encore rien de nécessaire et que des délbima-
tions comparables peuvent se présenter, en plus
d'un cas, pour des végétaux qui sont dans des con-
ditions bien dilTérentes. Un des meilleurs exemples
qu'on en puisse citer est celui de certaines plantes
parasites do vi'-ffi^laux supérieurs comme les Oro-
banches, qui ont acquis des caractères aberrants
suffisamment comparables à ceux de plantes infes-
tées, pour qu'on ait pu avoir quelque peine à éta-
blir une distinction nette entre les deux cas, et
qu'on ait considéré longtemps le Neollia A'irJns-
(ivis ou le Moiiotropa hypopilys, par exemple,
comme des plantes parasites.
La possibilité d'une généralisation dans le sens
où je l'envisage acquiert pourtant quelque vrai-
semblance par le fait, signalé en particulier par
Stahl', que les plantes à bulbes ou à tubercules
sont du nombre de celles qu'on trouve le plus régu-
lièrement infestées. J'ai cherché à savoir si l'hypo-
thèse qui est, pour les Orchidées, entièrement
vraisemblable, est possible à faire dans le cas de
plantes qu'on leur peut comparer. Je n'entends
qu'indiquer ici comment cette comparaison peut
se poursuivre, san»; prétendre par là résoudre, en
général, une question dont la complexité m'est
connue .
On se trouve, quand on aborde l'étude de plantes ■
à tubercules, autres que les Ophrydées, dans des
cas qui sont loin d'être aussi typiques : d'une part,
parce que les infections qu'on peut constater sont
beaucoup moins étendues; d'autre part, parce que
les anomalies qui s'observent au cours du dévelop-
pement sont beaucoup moins marquées.
Une Renonculacée très commune dans tous nos
bois, où elle épanouit dès le début du printemps
ses fleurs d'un jaune d'or, la Ficaire, me servira de
premier exemple. Otte plante se rapproche d'une
façon étroite des Ophrydées, d'abord parce qu'elle
produit des tubercules morphologiquement com-
parables aux leurs, ensuite parce qu'elle donne,
dans les rares cas où elle fructifie, des graines à
embryon indifférencié.
Si l'on suit la germination de ces graines, les
premiers phénomènes qu'on puisse constater .sont
parfaitement normaux : l'embryon, pendant la
digestion de l'albumen, s'organise en une petite
plantule ayant une tige, un bourgeon terminal,
une première feuille qui se déploie, et une racine
terminale bientôt ramifiée dans le sol. Mais les
phénomènes, qui — au contraire de ce qui se passe
chez les Ophrydées — ont pris ainsi tout d'abord une
marche normale, changent d'allure après quelques
' Der Sinn der Mycorhizenbildung. Priugshciws Jabrb.
,1899.
mois, et le bourgeon terminal, au lieu de continuer à
évoluer en rameau , produit un tubercule (/, fig. 1\ ).
Or, en examinant, au moment où ce premier
tubercule apparaît, les racines qui commencent à
s'étendre dans le sol, on y trouve constamment un
endophyte qui vient de les pénétrer. Le premier
développement de l'embryon s'est donc fait ici sans
qu'il y ail infection; les endophytes ne pénètrent
la plante que par ses racines, une fois qu'elles sont
formées et sorties; la tubérisation ne se montre
qu'à partir de ce moment.
Dans le cours de sa vie, la plante se multiplie
par tubercules de la même
manière que les Ophry-
dées; ici encore, la conta-
mination coïncide avec la
sortie des racines. C'est à
partir du moment où elle
se réalise que se forment
des tubercules nouveaux.
La seule différence qu'il y
ait, au point de vue où je
me place, entre ce cas et
celui des Ophrydées, est
que, chez la Ficaire, les ra-
cines grêles et ramifiées
sont infestées plus pauvre-
ment et d'une façon moins
régulière, mais elles le sont
constammentjd'aprèsceque
j'ai pu voir, et l'analogie se
poursuit encore par le fait
que le champignon qu'on
obtient en culture à partir
de ces racines infestées est
aussi un Fusarium.
Ce cas de la F'icaire doit
son intérêt à ce que la
constitution des graines et
la nature des tubercules
présentent les mêmes ca-
ractères que chez les Ophry-
dées. 11 y a entre ces plan-
tes, de familles bien diffé-
rentes, une convergence étroite, frappante, sou-
vent remarquée déjà', et qu'on ne peut logique-
ment cherchera expliquer que par une condition
commune : je ne vois comme telle que l'infection.
Des plantes sauvages comme les Ophrydées et la
Ficaire, qui vivent toujours dans les mêmes lieux
où elles se reproduisent par tubercules, peuvent se
réinfester à chaque génération, et on conçoit sans
peine que la tubérisation puisse être, chez ces
' VaN T1EG11E.M : 01)sei'vatioiis sur la Ficaire. Ann. Se.
.Wal. But. 0' série, t. V, ISGil.
Vii. i\.— Plantule de Fi-
caire. — a, tige ; c, pre-
mière feuille; r, racines
iu lestées ; b, bourgeon
tonninal ; (, premier
tubercule.
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
plantes, un caractère constant : elles réagissenl
toujours de la même manière à une condition
constante du milieu où elles vivent. Mais il existe
des plantes à tubercules, dont la plus connue
est la Pomnae de terre, qui présentent un mode
de végétation comparable à celui des Ophry-
dées, bien qu'on les change sans cesse de sol, et
qu'on puisse en réussir la culture en tous lieux.
Peut-on, dans ces cas, encore considérer la forma-
tion des tut)ercules comme le symptôme d'une
infection? C'est la question que j'aborde mainte-
nant.
VI.
Cas de la tomme de terre.
§ 1. — Mode de végétation.
<i La végétation de la Pomme de terre, dit Aimé
Girard ', présente à l'observateur deux périodes
distinctes : des tubercules mis en terre, trois
semaines environ après la "plantation, sortent
d'abord des tiges, qui, aussitôt, se garnissent de
radicelles; et, pendant un mois, six semaines quel-
quefois, c'est au développement simultané de ces
tiges et de ces radicelles que le travail végétal se
borne. Puis, à celle période en succède une se-
conde; à la base des. tiges s'allongent des rameaux
souterrains dont l'extrémité s'arrondit sous forme
de tubercules féculents. Ceux-ci vont ensuite gros-
sissant pendant un temps qui, suivant les variétés,
se prolonge de deux à trois mois. »
Les deux périodes que dislingue A. Girard peu-
vent être appelées <■ période de diflérencialion »
et « période de tubérisation » ; elles se comparent
à celles que j'ai distinguées pour les Ophrydées.
i'Jificune d'elles correspond, encore dans le cas de
la l'omme de terre, à un état général de la plante
et non à Fctat particulier de certains bourgeons.
Pendant la première période, en effet, tous les
ijourgeons se montrent capables de se développer
en rameaux. Pendant la seconde, au contraire, les
Jeunes bourgeons ne se montrent plus capables que
de donner des tubercules. Si, par exemple, au
début de la végétation, on coupe la jeune tige, un
bourgeon de second ordre se développe en une tige
nouvelle. Si, plus tard, au contraire, on coupe les
jeunes tubercules, c'est en formant de nouveaux
tubercules que d'autres jeunes bourgeons évoluent,
et la tubérisation peut alors atteindre aussi bien
les bourgeons aériens que les bourgeons souter-
rains.
Dans la » période de tubérisation », l'appareil
aérien cesse de se développer : les jeunes feuilles ou
les Heurs qui s'étaient formées déjà se déploient
encore, mais il ne s'en différencie pas de nouvelles.
' /iechcrcbes sur lu culture ilu la Pomme de Icrrc iudm-
incUc et lourragère, Pans 1900, p. 53.
Souvent, la plante ne donne pas de fruits, soit parce
que ses tleurs ne se forment pas ou ne s'épanouis-
sent pas, soit parce qu'elles tombent aussitôt épa-
nouies.
Il n'est pas illogique de chercher à attribuer à
une intoxication générale de la plante, se produi-
sant à un moment donné, ce changement d'état qui
se manifeste par le changement complet du mode
de développement de tous les bourgeons. Le' tout
est de savoir si cette intoxication peut être l'ap-
portée à l'infection de la plante par un microorga-
nisme.
Ace point de vue, il faut remarquer, tout d'abord,
que le parencbynie d'un tubercule de Pomme de
terre parait être un milieu aseptiipie. Si l'on pré-
lève, avec des précautions suffisantes, une portion
de ce parenchyme interne et qu'on l'abandonne,
vivant, dans un tube stérile, il finit par mourir en
se desséchant, sans qu'il s'y soit développé de mi-
croorganismes. Naturellement, la surface du tuber-
cule, la partie externe de son écorce abrite des
germes de niicroorganismes divers; mais aucun de
ces microbes, dont j'aurai plus loin à parler, ne vit
dans l'intimité des tissus d'un tubercule sain. On
peut donc admettre qu'une Pomme de terre, au
moment où on la plante et où ses bourgeons com-
niencentà se développer, est indemne de toute infec-
tion; elle se développe, à ce moment, d'une manièi'o
normale.
En est-il encore ainsi quand la plante a atteint
son complet développement, quand elle porte des
tiges aériennes, de jeunes tubercules et des racines
abondamment ramifiées? J'ai, pour le savoir, fait
la flore des microbes qui se développent sur des
racines de Pomme de terre lavées avec soin, aus-
sitôt après leur récolte, dans de l'eau stérile et
mises à l'abri de tout apport de germes par l'air. .\
partir des racines ainsi traitées, on obtient, comme
on doit s'y attendre, des microbes divers. Mon
attention s'est portée surtout sur les champignons.
Or, je n'ai récollé ainsi avec quelque constance,
comme champignons filamenteux, que des Fusa-
riuni.
A l'examen microscopique, on trouve très fré-
quemment les racines des Pommes de terre
envahies de mycélium pendant la période de tubé-
risation; il ne s'agit point, là encore, à la vérité,
d'un cas d'infection aussi typique que celui des
Ophrydées. Certaines radicelles paraissent in-
demnes, d'autres ne sont infestées que par points.
Mais, d'une part, la Ficaire, qu'il parait si légitime
de rapprocher des Ophrydées, présente une infec-
tion qui n'est guère plus manifeste ni plus étendue ;
d'autre part, il faut remarquer que les racines de
la Pomme de terre sont grêles et que leur ensemble
présente une longueur de plusieurs mètres, tandis
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉKISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
que les racines charnues des ()rchidées"reslent
courtes et simples. Ainsi, l'infection, moins visible
dans le cas de la Pomme de terre par l'examen de
radicelles isolées, peut être, dans l'ensemble, d'une
importance comparable ;\ celle des Orchidées, dont
les racines sont, en chaque point, contaminées
d'une façon plus régulière elplus apparente. ///;;'«
donc paru possible do faire Ibypotlwseque la tuhé-
risation de la Pomme de terre est due, comme
celle de la Ficaire ou des Ophrvdées, à faction d'un
Fusarium infestant les racines pendant la période
do tuhérisation.
F^a lubérisation dos bourgeons n'est pas, à beau-
coup près, un fait aussi régulier et aussi constant
dans ce cas que dans celui des Ophrydées. « La
récolte des Pommes de terre, dit M. E. Couturier ',
est, sans contredit, une des plus attrayantes
L'attention y est continuellement tendue; on
marche à la découverte, car on se trouve dans l'in-
connu. A chaque coup de crochet, on met à l'air un
produit plus ou moins important par son abon-
dance ou par sa beauté. Tantôt, c'est un succès
exceptionnel; tantôt, c'est une complète décep-
tion. » Quiconque a récolté des Pommes de terre
a eu, en effet, la surprise de ne trouver, au pied de
plantes qui paraissaient saines et vigoureuses, que
des tubercules en très petit nombre et de petite
taille; il arrive même qu'on n'en trouve pas du
tout. Il est donc assez légitime, dans l'hypothèse oi'i
je me place, d'admettre que l'infection puisse être,
chez la Pomme de terre, plus irrégulière que chez
les Orchidées ; mais il n'en reste pas moins à expli-
quer que la culture faite à partir de tubercules
réussisse communément dans des circonstances
diverses, dans des pays et dans des sols variés.
Ce fait s'explique, à ce qu'il me semble, par la
constatation que les tubercules servant à la semence
Iransjiortenl régulièrement les Fusarium capables
de contaminer les racines. On sait depuis long-
temps qu'un Fusarium intervient fréquemment
dans les maladies des tubercules. De Martius avait
cru que ce champignon causait la « gangrène
sèche », maladie dans laquelle on le rencontre
souvent. Mais, le Fusarium solani se ren-
contre, dans des cas très divers de maladie des
tubercules, associé à d'autres microorganismes,
et il paraît être plutôt un parasite banal se dévelop-
pant sur les tubercules avariés que le parasite spé-
cifique d'aucune de leurs maladies.
Si l'on abandonne en milieu stérile des tuber-
cules sains, lavés d'abord au sublimé pour dé-
truire les germes accidentellement tombés sur eux,
on récolte bientôt sur ces tubercules des Fusarium
qui s'y sont développés. Dans des essais de ce
' Agriculture moderne, 181)6.
genre que j'ai faits pour des tubercules de la va-
riété Marjolin, j'en ai trouvé dans la proportion
de six fois sur sept. Les germes de ces champi-
gnons existent, selon toute vraisemblance, dans
les assises subéreuses gonflées d'air de la surface
du tubercule, où ils sont, dans une certaine mesure,
protégés contre l'action des antiseptiques ; je ne
suis pas arrivé à les détruire sans endommager
gravement les bourgeons.
11 est donc vraisemblable que \e Fusarium sohini
existe normalement à la surface des tubercules
sains. Cela explique, d'une part, qu'il puisse conta-
miner fréq'iemmentla masse des tubercules atteints
de pourriture sèche ou humide ou de maladies di-
verses. D'autre part, cela permet de comprendri'
comment, quand on plante un champ de Pommes
de terre, les Fusarium transportés par les tuber-
cides peuvent, en se développant dans le sol, arri-
ver à contaminer les racines.
On conçoit, dès lors, que l'infection par un Fusa-
rium puisse être, chez la Pomme de terre, un fait
aussi fréquent que la tuhérisation.
§ 2. ^ Introduction en Europe et culture
de la Pomme de terre.
La Pomme de terre fut, comme on sait, importée
d'Amérique vers la fin du xvr siècle; elle se répan-
dit peu à peu, d'abord en Angh'terre, puis dans
l'Europe centrale et, enfin, en France, où, grâce aux
efforts admirables de Parmentier, sa culture prit,
dès la fin du xviii" siècle, l'imporlance quelle a
gardée.
Un premier fait important à noter est que l'in-
Iroduction de la plante a été faite au moyen des
tubercules, qui transportent le Fusarium, et non au
moyen des graines, qui ne le transportent pas. J'ai
dit, à propos des Orchidées, comment les soins de
la culture et l'emploi de sols soigneusement choisis
ont eu pour premier résultat d'acclimater, en même
temps que ces plantes, les endopliytes qu'elles
hébergent. On a, de même, pour la Pomme de
terre, employé, dès le début de la culture, une mé-
thode essentiellement favorable à la propagation
des microbes que les tubercule? apportaient. « Les
engrais des trois régnes, dit Parmentier', sont
bons pour la reproduction de la Pomme de terre ; \
il s'agit de les distribuer convenablement, en
mettant, dans les trous creusés par la bêche ou
dans les sillons creusés par la charrue, des fumiers
placés immédiatement sur le tubercule. » Je me
suis assuré que le Fusarium solani, ensemencé
dans du fumier, pouvait le contaminer rapide-
dement et dans toute sa masse. Celte méthode di'
' Traité sur la culture et les usages d»S l'ommcs de tern
de la Patate et du Topinambour. Paris, 1189, p. 74.
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRISÂTION CHEZ LES VÉGÉTAUX
23
Parmenlier, qui est encore employée dans certains
pays, est donc essentiellement favorable au déve-
loppement et à la propagation du mycélium depuis
les tubercules-semence jusqu'aux racines et jus-
qu'aux tubercules nouveaux.
Un des faits caractéristiques de l'histoire des
Orchidées consiste en ce que la multiplication de
ces plantes par graines, impraticable autrefois,
n'est devenue possible que quand la culture a été
régulièrement faite dans des sols infestés. Un docu-
ment précis montre de même que les premiers
semis de Pomme de terre qu'on ait faits en Europe
n'ont donné qu'un résultat décevant. Charles De
l'Esclude, qui, le premier sans doute, à la fin du
XVI' siècle, cultiva la Pomme de terre en Allemagne
et contribua à la répandre parles envois qu'il fit de
tubercules ou de graines, rcipporte, dans son Rario-
riim plantanini Hisloria', que « l'on ne doit comp-
ter, pour la conservation de L'espèce, que sur les
tubercules >>. Les graines qu'il avait envoyées à ses
amis germaient parfaitement, mais les plantes
obtenues donnaient des fleurs et ne produisaient
pas de tubercules. Les choses se passent aujour-
d'hui dififéremment : les agriculteurs qui font de la
Pomme de terre l'objet d'une culture spéciale,
pratiquent les semis,' mais généralement les plantes
qu'ils obtiennent donnent, dès la première année,
des tubercules et ne fleurissent pas. Un grand
nombre de variétés qu'aujourd'hui l'on cultive ont
ainsi des semis pour origine; elles sont, autant que
d'autres, contaminées de Fusarium, comme le
prouve à elle seule l'histoire de leurs maladies.
Ainsi, les horticulteurs d'Orchidées obtiennent
maintenant par semis des hybrides tout autant
infestés que les plantes parentes, bien que les
graines ne le soient pas. Dans un cas comme dans
l'autre, ce n'est r/u'à partir du moment où les
endopliytes ont été acclimatés aussi bien que les
plantes mêmes, qu'on obtient des semis le résultat
quou en attend et que la tubérisation paraît héré-
ditaire.
L'introduction par tubercules, qui, en définitive,
a réussi, n'a pas été non plus sans difficultés. Un
des premiers Mémoires de Parmentier est consacré
à la déqénération des Pommes de terre. « Malgré
les avantages réunis de la saison, du sol et de tous
les soins que demande sa culture, dit-il, la Pomme
de terre dégénère, et cette dégénération, plus
marquée dans certains cantons, a été portée à un
tel degré que, dans quelques endroits du Duché des
Deux-Ponts et du Palalinat, la plante, au lieu de
produire des tubercules charnus et farineux, n"a
plus donné que des racines chevelues et fibreuses,
quoiqu'elle fût pourvue, comme à l'ordinaire, de
' l'ubliô .1 Anvers en ICûl.
feuilles, de fleurs et de fruits ou baies ' ». Parmen-
tier montre ensuite qu'il n'y a lieu d'attribuer ni à
la gelée, ni au défaut de maturité des tubercules, ni
à la multiplication par œilletons « cette espèce de
calamité pour les pays qui l'éprouvent » ; il y voit
un résultat « de l'afTaiblissement du germe des
racines ».
L'étude des Ophrydées m'a fourni deux exemples
d'une semblable dégénération par la culture, qui
est bien plutôt, comme l'observe Fabre, un retour
de ces végétaux aberrants à un développement
normal. Si les Ophrydées étaient aussi largement
cultivées que la Pomme de terre, il n'est guère
douteux qu'il y aurait plus de deux cas de dégéné-
ration à citer.
M. Lindet a fait récemment connaître un cas de
dégénéralion de la Pomme de terre, par l'action
prolongée des antiseptiques, qui donne une raison
de croire que la dégénération peut bien être attri-
buée au défaut d'infection.
Dans le but de combattre la gale, maladie bacté-
rienne des tubercules, M. Lindet, continuant les
expériences d'Aimé Girard, traite par le bichlo-
rure de mercure les tubercules qui doivent être
plantés. Pour d'autres lois, il emploie le bichlorure
à l'arrosage du sol où se fait la culture. Pai- ce trai-
tement, la végétation ne paraît pas gênée, les
rendements sont bons aux premières récoltes.
Le traitement est poursuivi pour les tubercules
récoltés et continué pendant quatre générations ;
des tubercules provenant de pieds mercurés
sont, chaque fois, cultivés comparativement sans
subir de traitement nouveau. A la seconde gé-
nération, les rendements diminuent de 33 et de
22 ""/„, suivant que les Pommes de terre ont été,
au moment de la plantation, mercurées ou non.
A la troisième génération, les rendements dimi-
nuent de 00 et 07 °/„ ; à la quatrième, de 68 et
57 "/„ ; « Le bichlorure de mercure, dit M. Lindet,
a donc diminué d'une façon indiscutable les qua-
lités reproductives des Pommes de terre de se-
mence -. »
A mon avis', on a fait ici une sorte de stérili-
sation, fractionnée de tubercule en tubercule, pour
aboutir, en définitive, à n'avoir qu'une infection
faible et irrégulière du sol et, par suite, un rende-
ment insignifiant. C'est, au moins, une explication
logique que je puis donner d'expériences que je
n'ai pas suivies de près moi-même. Le fait que la
dégénération n'est ni immédiate ni complète ne
peut guère étonner : l'action des antiseptiques, pro-
' Mémoire lu à la Société Roj'ale d'Agriculture, le
30 mars 1786.
- Bull. Soc. Nal. d'-AgricuItnre. mars 1901.
' M. Lindet, qui a eu l'obligeance de me faire connailre ce
cas, en a lui-même donné cette interprétation.
NOËL BERNARD — INFIT-TION ET TUBÉRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
Iniigi'p seulement assez peu pour que les bourgeons
ne soient pas gravement atteints, est insuffisante,
en elVct, pour détruire complètement les germes
que le tubercule entraîne. J"avais opéré ainsi
moi-même pour obtenir à partir de tubercules le
l'iKnriiiin à peu près purement et j'avais re-
ncinci' à débarrasser par ce moyen des Pommes
rai-ines, du mycélium développé en culture pure,
de telle manière que la conlamiiiation soit rapide
et se fasse régulièrement.
Dans CCS conditions, j'ai obtenu entre les deux
lots ainsi cultivés des dilTérences frappantes, surtout
au début du développement. Les Pommes de terre
du deuxième lot développent bientôt leurs bour-
f'if.'.
pDWniv de Icn-c dont les hnurcjctjns se développent en rameaux, avec un aeul tubercule d'apparition tard,\i
(infection tardive).
de terre d'endni)liyli'S pour les cultiver sans euN.
Dans les tentatives expérimentales que j"ai faites
jusqu'ici, j'ai employé une mélhodc inverse. J'ai
cultivé comparativement, d'une part, des Pommes
de terre dans un sol pauvre (sable), où la propa-
gation lente du mycélium ne doive assurer qu'une
contamination tardive et irrégulière des racines, et,
d autre jiart, des Pommes de terre comparables,
dans le même sol, en plaçant, autour des jeunes
geons soutei'rains en tubercules, laiidis que eelli s
du premier donnent, avant de se lubériser, de longs
rameaux souterrains ou aériens et ne produisent île
tubercules que tardivement. Les photographies qui
sont reproduites ici représentent les cas extrème>
des variations que j'ai observées (fig. 2'2 et 2^j.
La différence est surtout manifeste au début de
la culture; cependant, en laissant celle-ci se pour-
suivre, j'ai toujours obtenu un plus grand nombre
NOËL BERNARD — INFECTION ET TUBÉRIS.\TION CHEZ LES VÉGÉTAUX
de tubercules et un remli'ment plus régulier dans le cence n'est pas fatale et qu'on peut maintenir des
lot infesté; mais les dilTérences de rendement en rendements élevés si l'on a le soin de sélectionner,
poids de l'un à l'autre lot restent assez minimes pour la plantation, les tubercules des pieds à grand
pour qu'il n'y ait point là, au point de vue agri- rendement. U est certain qu'on peut conserver
cole, un bénéfice capable de compenser les frais ainsi les qualités héréditaires des sujets dont ces
qu'entraînerait la culture ainsi comprise. En un tubercules proviennent. Il n'est pas non plus dou-
(,:
ï
23. — l'omiuo Je lerre dual les hoiirgcuas produisent immédiatement des tubercule^
infection prccoce).
mot. je n'ai nullement la prélenlion de résoudre
ici, même théoriquement, la question complexe du
rendement des Pommes de terre.
La dégénérescence des Pommes de terre se
produit à peu prés régulièrement, en dehors de
toute condition particulière, quand on cultive pen-
dant longtemps une même variété dans un même
lieu. Aimé Girard a montré que cette dégénéres-
tcux qu'en récoltant les tubercules de pieds lar-
gement infestés, on doit récolter aussi les ftisariam
} de ces tubercules plus régulièrement qu'en prenant
ceux de plantes coureuses et peu fertiles, pau-
vrement infestées. En d'autres termes, le cultivateur
I qui opère cette sélection, à mon sens, sélectionne,
j maintient et conserve, en même temps que les
I plantes, la maladie qui lui permet de les utiliser.
NOËL BERNARD — INFFCTION ET TUBËRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX
La Pomme de terre capable de se reproduire
facilement par les graines bien constituées qu'elle
donne, qui dégénère fréquemment, et qu'on ne
maintient à l'état de planle régulièrement tubérisée
que par la sélection et les soins d'une culture
attentive, présente, évidemment, un cas de lubé-
risation beaucoup moins net et beaucoup moins
4iccentué que les Orchidées; elle présente aussi une
infection beaucoup moins régulière et étendue. Les
arguments de biologie comparée que j'ai dévelop-
pés dans cet article amènent, d'une façon continue,
du cas typique des Orchidées au cas moins net de
la Pommejde terre, et cela, surtout, me parait auto-
riser la généralisation que je lonle.
Si l'on résume l'idée que j'ai développée en
disant que les tubercules de Pommes de terre sont
comparables à des tumeurs végétales, dues à l'ac-
tion d'un parasite sur la planle, elle heurte, par
plus d'un point, nos habitudes ou nos idées pré-
conçues. Mais, qu'on cherche à se mettre dans l'état
d'esprit d'un biologiste isolé dans quelque île loin-
laine, qui ne connaîtrait la Pomme de terre que
comme une plante rare dont il éludierait quelques
exemplaires. Ce biologiste, en voyant de jeunes
bourgeons de cette plante si singulièrement tumé-
fiés, aurait, je pense, assez nalurellement, l'idée de
les fendre pourvoir s'il n'existe pas dans leur inté-
rieur de parasite dont la présence puisse expliquer
leur déformation.
S'il apprenait que ces tubercules peuvent servir
à bouturer la plante, il n'aurait pas plus lieu de
s'en étonner qu'en sachant que certaines galles
des feuilles d'un saule peuvent garder leur vitalité
une fois tombées à terre et s'enraciner dans le
sol'. Et si, par aventure, il venait à savoir que,
dans des contrées lointaines, on mange ces tuber-
cules bouillis dans l'eau ou cuits sous la cendre,
il se souviendrait, sans doute, que dans l'île de
Scio on fait, avec les galles d'une Sauge, des conli-
lures estimées - ou encore que, dans l'Inde, on
' Bkyf.rink : Ueber das Cecidium von A'eaiatus aaprcfe
-an Salix nmyg,la\ina. Bot. Zc.it. 1888.
- Il s'af;U d'une galle du !>alvia pomiCcra h. Cf. 11. Fnr.-
mange les bourgeons d'un Acacia hypertrophiés
par l'action d'une Urédinée parasite'.
En dehors de nos préjugés et de nos habitudes,
ce qui pourrait seulement l'amener à croire que la
production de tubercules n'est pas un phénomène
pathologique, c'est qu'il ne verrait pas de parasite
dans le parenchyme de ceux qu'il éludierait. Je
pense avoir montré que cette raison n'a pas une
valeur décisive et que l'on doit concevoir la pro-
duction des tubercules comme due aune intoxication
générale de la plante beaucoup plutôt qu'à une
infection locale des bourgeons qui se modifient.
Je sais bien que le biologiste que j'imagine, trans-
porté subitement dans une exposition générale
d'Agriculture et d'Horticulture, où il verrait, par
exemple, à côlé de tubercules de Pomme de terre,
des racines monstrueuses de betteraves, des fraises,
dont les graines minuscules sont portées par un
réceptacle floral hypertrophié, des fleurs aux pé-
tales mulliples le plus souvent privés d'organes
reproducteurs ^ pourrait se croire dans une expo-
sition où les hommes ont accumulé les exemples
de pathologie végétale que leur a fournis leur cul-
ture. Mais son erreur serait-elle si facilement réfu-
table qu'elle ne puisse, si l'on s'applique à la
démontrer, être en quelque mesure utile et servir à
nous éclairer^?
Noël Bernard,
Maitrede Conférences
à la FacviUé des Sciences de Caen.
KEU : Sur quelr|ues Cécidies orii;ntale.s. licv. gcn. do Bol.,
t. IX, 1897.
' Babclat. Description of a new fungus .■Ecidium escu-
lentum sp. n. op. Acacia eburaea. Journ. of ttie Bombay
Nat. Hist. .'^or,., V, 1890.
• M. Molliard est amené, dans divers cas, à considérer la
production de fleurs doubles chez les plantes comme le
résultat d'une association parasitaire. 11 cite, en particulier,
le cas, qui m'intéresse ici, de Saponaires infestées par un
Fusariuw, chez lesquelles la duplication des fleurs s'ac-
compagne régulièrement d'une lubérisation anormale du
rhizome. (Fleurs doubles et parasitisme. Comptes Rendus,
■J cet. 1901.)
' Cet article est. en partie, le résumé d'un travail plus
étendu : Etudes sur la Tubérisation, Tliksc de Doctoral,
Paris 1901 et Bcv. (Jén. do Bot. T. XVI, 1902.
L. MASCART — LE CABLE SOUS-MARIN TOURANE-AMOY
27
LE CABLE SOUS-MÂRLN TOURÂNE-ÀMOY
La câble de Tourane (Annam) à Amoy (Chine)
est le premier câble français posé en Extrême-
Orient ; il offre une importance considérable.
Chacun sait avec quel soin les Anglaisent installé
autour du globe un filel à mailles serrées de réseaux
li'légraphiques absorbant toutes les communica-
tions du monde.
11 est malaisé, à
l'heure actuelle,
de lutter contre
les positions ac-
quises; aussi de-
vons-nous nous
fëliciterderexis-
lence de ce nou-
veau câble, qui
nous permet de
tc'légraphier de
rindo- Chine à
Paris sans être
astreints à la sur-
veillance des bu-
reaux anglais.
Comme on peut
le voir sur la
carte de la figure
1. nos dépêches
trouvent à Amoy
les câbles danois
de la Grande
Compagnie du
Nord, reliant
Amoy à Vladir
vostnk. De là,
elles gagnent Pé-
tersbourgpar les
voies russes, puis
Calais par les câ-
bles danois de la
même Compa-
i;nie. C'est donc
Kig. 1.
un premier p;is
très heureux fait
dans la voie, que réclamait l'opinion publique, de
l'émancipation de la censure britannique, que nous
avons si durement sentie depuis la guerre duTrans-
waal. Nous avons vu nos colonies séparées de la
métropole, et avons compris l'isolement complet
ijui les menace en cas de guerre. Grâce à ce
nouveau câble, l'Indo-Chine a une voie, sinon
tout à fait française, du moins bienveillante et
neutre.
Sans même envisager l'hypothèse d'un conflit
désastreux, nous voyons notre commerce affranchi,
et opérant par une voie rapide et directe avec la
Chine du Sud.
La présence du télégraphe amène le développe-
ment des affaires, en créant des relations cons-
■ tantes, qui pro-
fitent aux pays
correspondants .
Le câble Tou-
rane-Amoy a été
fabriqué et posé
par deux mai-
sons françaises,
la Société Indus-
trielle des Télé-
phones, qui a fait
la plus grande
partie du travail,
et la maison A.
Grammont, qui
a construit les
atterrissements .
Une description
de la composi-
tion de ce câble
donne, aux di-
mensions et â
quelques détails
près, la compo-
sition générale
des câbles sous-
marins (fig. ti, 3,
4 et o).
Au centre, un
conducteur d(!
cuivre, compose
d'une cordelette
de fils fins, à très
haute conducti-
bililé, qui est le iil télégraphique, isolé à la
gulta-percha. Ensemble conducteur et isolement
constituent ce qu'on appelle l'âme, en terme de
télégraphie sous-marine.
H est très important que l'application des diffé-
rentes couches de gutta constituant l'isolement soit
faite avec le plus grand soin, de façon à assurer
une adhérence parfaite du cuivre à la première cou-
che, et des différentes couches entre elles. La
J' £orr-emajhs St .
Ilrseau des cùbles sous-marins en Extrôtne-O rient.
2'-{
L. 5IASCART — LE CABLE SOUS-MARIN TOURANE-AMOY
lirL'paralioii cl l'épuration de la gulla sont des
opéralions délicales, la composition chimique de
celle malière ayant une intluence énorme sur ses
((ualités d'isolement el de conservation. La fahri-
Prolil eu luiiij d'un çùji
revél
l'ig. 2 il 4. — Coupes de divers types de câbles suun-niarins
(côtiei; inlcrmc'Jiaire, grand fond).
cation de l'âme est, sans aucun doule, la partie la
plus dirficile de l'usinage dû câble.
Autour de l'âme, nous voyons un ruban de toile,
qui a pour but de proléger la gulla contre les aspé-
rités accidentel-
les des matières
formant les cou-
chesextérieures.
Puis, dans les
types d'atterris-
sements et les
intermédiaires,
un ruban de cui-
vre est enroulé
sur l'âme pour empêcher les « teredos » de péné-
trer jusqu'à la gutta. Ces animaux sont, malheu-
reusement, très friands de la gutta, et, dans les
mers chaudes surtout, ils détruisent rapidement
les câbles, si l'on ne prend la précaution d'opposer
à leurs ravages une
enveloppe continue
de cuivre.
Au-dessus de l'â-
me, recouverte ou
non de cuivre, se
trouvent deux cou-
ches de jute tanné,
qui ont pour but de
garantir l'âme du
contact de l'arma-
ture, dans lesf.iints
oii le câble, par
suite de coques ou
de frottements, tend à se déformer : c'est un matelas
protecteur.
Enfin, vient l'armature, composée de (ils d'acier.
Ces fils sont variables suivant les diUérents types de
câbles, les plus gros étant aux atlerrissemenls.Tous
ces fils d'acier sont galvanisés.
Au-dessus de l'armature, nous trouvons une dou-
ble couche de jule, enduite de composition dite
« compound », mélange variable de brai, j^du-
dron, etc., qui doit proléger l'armature el tout le
câble en formant une enveloppe éianche.
A tilre d'indication, nous donnons ci-dessous le
tableau des poids et résistances à la rupture des
types du câble Tourane-Amoy :
Alterrissement .
C.ôtiev
Intcniiédiaiic. .
Cninii fiiud . . .
lo.noo kilos.
T.;;oo —
\ . OUI! —
20.000 kilos.
13.000 —
i.rioo -
c.oiiu —
le sous-iiuilin, launtrunl les divers
ucnenls.
Fig. 6. — Coupe du type d'alterris-
semcût du câble Brest-Cap Cod.
Le simple examen des coupes de câbles fait com-
prendre le rôle de chacune des parties : cependant,
il nous paraît utile de dire quelques mots des arma-
tures.
On conçoit qu'il faille, dans les petits fonds, oii
les mouvements de la surface se font sentir, proté-
ger celle âme si délicate contre les blessures que lui
feraient les as-
pérités du fond.
Aussi voyons -
nous le câble
d'allerrissement
muni d'une ar-
mature de fils
de 8 millimètres.
Dans certain ty-
pes de gros câ-
bles transatlantiques, on a même mis deux arma-
tures superposées. La figure G montre la coupi-
du type d'allerrissement du câble Bre«t-Cap Cod,
fait par la Société Industrielle des Téléphones. Le
grand poids d'un tel câble le rend immobile sur le
fond, et, s'il frotte sur ce fond, l'ainiature le pré-
servera des avaries.
Le câble intermédiaire, destiné à être placé dans
les fonds de 100 à 500 mètres, est déjà beaucoup
moins gros; les fils de l'armature ont de 4 à 3 mil-
limètres. Le câble de grand fond a des fils de 2 à
2"", 5. Évidemment, ces armatures répondent à des
besoins dilVérents : comme nous venons de le dirr.
les gros câbles sont protégés contre les frottemenl-
et les accidents extérieurs (ancres de navires, tilels
de pêcheurs, etc..) par une armature de gros fil-.
Les câbles de grand fond ne 'craignent pas ces
avaries, parce que l'eau est probablement immo-
bile, et qu'aucune manœuvre d'ancres ou filets ne
vient troubler les grandes profondeurs de l'Océan.
Mais, supposons qiie nous ayons un câble san-
armature, et que nous vouliims le réparer : il faudra
le remonter à la surface. Pour que celle opération
puisse réussir, le câble ne doit pas casser; donc il
doit supporter le poids d'une longueur au nioias
égale à lu profondeur.
L. MASCART — LE CABLE SOUS-MARIN" TOURA\E-AMOY
29
Par exemple, une ànie de cable qui a o9 kilos
de cuivre et 59 kilos de ^uUa par mille marin, sup-
porte, par les fonds de o.OUO mètres, rien que par
son propre poids (au déplacement de leau près),
une tension de 118 XT~tpr)^318 kilos pour une
longueur égale à la profondeur. Celte tension fera
inévitablement casser lame si celle-ci n'est entourée
d'une armature qui supporte l'etTort. Ce raisonne-
ment est d'autant plus exact, que, lors du relève-
ment d'un câble, on a toujours, au-dessus du fond,
une longueur de câble supérieure à la profondeur.
Nous devons donc chercher à obtenir, dans la dé-
!■ rminalion de l'armature d'un câble de grand fond,
que le câble puisse, au moins, supporter le poids de
sa longueur qui sera suspendue dans l'eau. Si cette
<undition ne donne pas une longueur de sécurité
difficiles à effectuer, et on fera pour le navire des
longueurs de câble aussi granules que possible,
selon le programme de la pose. Il est mauvais
de multiplier les épissures et joints faits à bord,
où l'on se trouve dans de moins bonnes conditions
de travail qu'à l'usine.
Au fur et à mesure que l'on fait les soudures
de l'âme, celle-ci passe dans une série de câbleuses
qui la recouvrent des divers cléments de protec-
tion. Au sortir des câbleuses et de la machine à
recouvrir de composition <■ compound •>, le câble
est fabriqué.
Pendant tout le travail d'usine, on mesure
constamment la conductibilité de l'àme et son iso-
lement, afin d'être prévenu, si un accident se pro-
duisait à une machine, et ne pas continuer à fa-
briquer avec une « faute ■> djns le câble.
Fig. 1. — Coupe schématique du « François-Arago ». — C, chaudière: M, machine; I, II, III, IV, cuves pour le lov^-ge drs
câbles; P, P', poulies pour le relèvement ou la pose des câbles: R, machine de relèvement; T, machine de pose; D, dyna-
tûomètre; F, table de friction: L, laboratoire.
suffisante, nous sommes sûrs que nous aurons des
difficultés presque insurmontables lors des répa-
rations. C'est ainsi que certains câbles, dont les
iirmatures ont été rongées par la rouille, ou dé-
<-omposées par certains sels du fond, sont irrépa-
rables et ont élé abandonnés.
Ayant examiné les diverses parties d'un câble
sous-marin, nous ne nous appesantirons pas sur
la fabrication même du câble, ce qui nous entraî-
nerait trop loin '. Indiquons seulement que, pen-
dant sa fabrication, lame est soumise à des
essais électriques nombreux, de façon â s'assurer
qu'il n'y a pas de défauts dans la gutta : manques
d'adhérence des diverses couches, bulles d'air
emprisonnées, etc..
Une fois que l'âme est finie, elle se compose de
morceaux plus "ou moins longs, qui sont réunis par
des <i joints » les uns aux autres : ces joints i-ont
' Voir la bibliogiapliie â la fin de l'artic'.e.
La gutta s'altère rapidement à l'air sec, elle
perd ses qualités d'isolement et de souplesse.
.\ussi, dès que le câble est fabriqué, on le love
dans des cuves étanches, et on le recouvre d'eau.
Il se conserve ainsi indéfiniment et peut attendre
l'embarquement sur le navire de pose.
Les diverses parties du câble sont donc lovées
dans les cuves de l'usine, proches du quai du port,
et conservées sous l'eau. Les opérations puremenl
industrielles sont terminées; il ne reste plus que le
travail de la « pose ».
Le navire destiné à poser les câbles sous-marins
est tout à fait spécial et possède des installations
particulières. Le croquis ci-joint (fig. 7) représente
la coupe schématique du vapeur Fraiiçois-Arfigo,
de la Société Industrielle des Téléphones, qui a
effectué, entre autres travaux, la pose du càbie de
Tourane à Amoy. La figure 8 en donne une vue
d'ensemble.
Le câble est lové à bord, dans des cuves en tôle
•30
L. MASCART — LE CABLE SOUS-MARIN TOURANE-AMOY
cylindriques à base circulaire (I, II, III et IV), pla-
cées dans les cales du vapeur. Il est soigneusement
lové par « galettes » horizontales, très régulière-
ment formées, et maintenues par les parois des
cuves et par un cône central en charpente, sans
aucune aspérité. On aura idée des dimensions de
ces cuves, en sachant que la cuve II a une hauteur
de o",t)0 et un diamètre de 1U'",.")(). Lorsque le càblc
est lové, un tuyautage permet d'introduire de
l'eau dans les cuves, et, autant qu'on peut le
poulies A et B fixes, et une poulie C mobile entre
deux guides verticaux. Le câble passe sur A et B,
et en dessous de C. S'il n'y a aucune tension, C
repose sur son support. S'il y a une certaine ten-
sion, la poulie C montera, et une échelle graduée
donnera par la position de la poulie la tension, qui
est fonction de son poids.
La machine de relèvement (H, fig. 7) se compose
d'une grande poulie ou tambour, mue par un moteur
cl vapeur et sur laquelle on enroule le câble ou le
Fig. 8. — Le « Françoif^-Araf/o », nartro pour la pose dos câliles sous-marins appartenant
il la Société Industrielle des Téléphones.
faire à la mer, le câble est maiulenu immergé.
A la partie avant du navire, sont installées des
poulies, P de 1 mèlre à l'",20 de diamètre, sur les-
quelles passeront le câble ou les filins lorsqu'on
relèvera ou posera par l'avant. A l'arrière du na-
vire, une poulie P' identique servira à la pose par
l'arrière. Sur le pont, on voit, à l'avant, un dyna-
momètre, puis, la machine de relèvement R; â
l'arrière, un dynamomètre D et la machine de
pose T.
Ces dynamomètres sont destinés â donniT â
chaque, instant la tension du filin ou du câble.
Leur principe est le suivant (fig. 9) : Soient deux
fi/i'n à relever. Le diamètre du tambour est de l^.SO
environ, afin d'éviter les courbures à faible rayon
et de donner une adhérence suffisante pour empê-
cher le glissement du câble. On fait, en effet, quel-
quefois des elTorls de 13.000 kilos. Le moteur h
vapeur de ces machines a une puissance de loO .i
200 chevaux.
La machine de pose (T, lig. 7) a aussi un tam-
bour, identique à celui de la machine de relèvemeni:
son rôle est, non de rentrer à bord le câble ou le
filin, mais de le laisser au contraire aller au dehors,
à la vitesse que l'on veut. Cette machine est, à crt
effet, munie de freins très puissants, consistant, eu
MASCART — LE CABLE SOUS-MARIN TOURANE-AMOY
3t
Jeûnerai, en poulies de grand diamètre, frottant sur
des sabots en bois serrés par des cercles en fer
ifig. 10). Elle possède aussi un moteur à vapeur,
beaucoup moins puissant que celui de la machine
rig. 9. — Dynamomètre pour la mesure de la tonsioa des
cibles. — A, B, poulies fixes; C, poulie mobile.
de relèvement, et qui ne sert guère que pour l'em-
barquement du câble.
A coté de la machine de poSe, nous voyons une
sorte de table inclinée, dite table de friction (F,
tig. 7). Les masses de fonte B (fig. 11) peuvent s'ap-
procher ou s'écarter. Opposant au mouvement du
câble un frottement plus ou moins fort. C'est encore
un modérateur du mouvement. Songeons, en effet,
que les tensions du câble seront considérables. Avec
du i^rand fond comme celui du câble Tourane-
Fig. 10. — Freins de la machine de pose des câWes.
Amoy, qui pèse 2.000 kilos le mille (1.852 mètres),
nous aurons une tension de -i. 000 kilos par les fonds
de 3.600 mètres, le navire étant stoppé sur le câble
déplacement d'eau à part;. Il faut que les freins
puissent y résister.
Enfin, sur le pont du navire, sont installés de
nombreux rouleaux-guides, permettant de con-
duire le câble d'une cuve quelconque aux machines,
et réciproquement.
Sous la passerelle, se trouve le laboratoire (L,
lig. 7;, qui est muni de tous les appareils de
mesures électriciues et d'échange de signaux télé-
graphiques avec les guérites. Le lecteur curieux de
connaître les détails de ces mesures pourra recourir
aux volumes que nous indiquons dans la bibliogra-
phie. Il nous suffit de savoir que les essais consis-
tent en mesures de résistances et de capacités. La
précision de ces mesures étant indispensable pour
le succès des opérations, nous avons, à bord des
navires télégraphiques, les instruments les plus
perfectionnés.
II
Maintenant que nous connaissons le navire, sup-
posons-le venu le long du quai, proche des cuves de
l'usine qui contiennent le câble fabriqué. Nous
allons procéder â l'embarquement dans l'ordre
prévu pour les opérations de pose, ou, plus exacte-
ment, dans l'ordre inverse, de façon que les parties
Fii.'. 11. — Table de friction. — B, masses Je fontes mobiles.
que nous devons poser les premières soient â la
partie supérieure des cuves.
Ainsi que nous lavons dit plus haut, pendant la
dernière phase delà fabrication, l'usine nousapré-
paré les fractions de câble par grandes longueurs;
nous n'aurons donc pas d'épissures ni de joints à
faire.
Le câble sortant de la cuve de l'usine passe sur
une série de rouleaux-guides, et arrive â bord où
il est tiré par la poulie d'un treuil ou d'un moteur
quelconque. Cette poulie est munie d'un «jockey »,
qui assure l'entrainement du câble (fig. 12). De cette
poulie, le câble descend dans la cuve, où des hommes
le lovent soigneusement. On a soin de laisser tou-
jours les bouts de chaque morceau à l'extérieur, de
façon à pouvoir faire les mesures en y fixant les fils
de secours qui vont au laboratoire.
Le chargement d'un navire comme le François-
Anigo, qui prend 2. .500
tonnes de câble, de-
mande une dizaine de
jours. Dès que tout le
câble est embarqué, on
remplit les cuves deau,
et on fait les mesures
de résistance du cuivre
et d'isolement.
Le navire, étant chargé de câble, se rend sur les
lieux de travail. Les opérations de la pose se font
généralement de la manière suivante :
\i. — ■ Poulie munie d'un
Jockey pour assurer l'en-
trainement du câble.
:i-2
L. MASCART — LE CABLE SOUS-MARIN TOURANE-AMOY
1" Sondages (s'ils n'uni pas (''lé l'ails avaiil) sur
la ligne du cable projeté, et reionnaissaiice exacte
des allerrissements;
2° Pose des allerrissements;
3° Pose des intermédiaires et du grand l'ond.
L'iniporlance des sondages est considérable.
Lorsque le câble est au fond, il est nécessaire, pour
sa conservation, qu'il repose complètement, c'est-à-
dire; qu'il ne Irancliisse pas en « pont» une dénivel-
lation, une vallée sous-marine par exemple. .\ cet
etîel, lorsque nous posons sur une pente, nous
mettons une longueur de câble plus grande que la
distance borizontale des deux points extrêmes, de
façon que le câble repose pni'Iont. Mais nous ne
pouvons met-
tre ainsi du
« mou " d'une
façon judi-
cieuse que si
nous connais-
sons parfaite-
ment les pen-
tes, et si la
déclivité n'est
pas trop con-
sidérable.
Comme il
existe, en cer
tains point»,
de véritables
chaînes de
montagnes
sous-marines,
il est indis-
pensable de
les éviter. Les
réparations
seraient, en
ces endroits, sinon im])ossibles, du moins extrê-
mement difficiles.
De plus, lorsi]ue nous posons le câble, nous
sommes obligés de le r<'leuir: sans quoi, entraîné
par son poids, il prendrai lune vitesse énorme et se
mettrait en paquets sur le fond. U faut, pour savoir
la tension à faire subir au câble, afin (pTil ail un
(■ mou » déterminé, connaître la profondeur.
Nous ajouterons qu'il serait, bien souvent, utile
de connaître à l'avance exactement les profondeurs
et les tenii)ératures du fond, pour établir le |)rojet
même du câble. L'isolement de la gutta varie très
rapidement avec la pression et la température, et
nous pourrions, sur des bases exactes, calculer
l'isolement à demander au càbleen usine pour être
sûrs d'avoir un isolement donné pour le câble
posé.
Il est Ilonc indispensable d'elTecluer des son-
Kig. 13. — Lovat/c, sur un chalaad, du càbic J'altcrrisaemcat Bresl-Cap Cod.
dages précis, et rapprochés autant qu'il le faudi-a
pour être sûr du profil du fond.
Les appareils de sondages par grand fond sunl
nombreux, et consistent presque tous en un poids
plus ou moins lourd, pendu à un fil d'acier à haute
résistance (2.'iO kilos par millimètre carré), de failjb'
diamètre (0""", 75), dit « corde âpiano ". Ce poidse^l
destiné à rester sur le fond après avoir indiqué,
par la chute de tension du fil, qu'il est arrivé au
fond, et, en même temps, avoir enfoncé dans le sol
un tube ou tout autre appareil, qui rapportera un
échantillon de la nature du fond.
Quant aux allerrissements, on les étu<lie très
exaclenient pour éviter les dangers locaux qu.'
peut courir le
câble (ancres
de navires,
arêtes de ro-
chers, gros
brisants à la
plage, cou-
rants V i (I -
lents, etc. .
Laposedes:il-
terrissemeiil^
se fait géné-
ralement a\i e
des chalaniU
ou des em-
barcation s.
car il est rare
(\ue le naviii^
puisse apprii
ehersuflîsaiii-
rnent la plage.
La figure lii
montre le lo-
vage, à bord
d'un chaland, d'un câble d'atterrissement. Pour
amener le bout du câble sur la plage, dans la
tranchée qui doit le recevoir, on le suspend, dans
l'eau, à des fiolteurs (barriques) quelconques, et
on hâle le bout à terre. Lorsque le bout esl à terre,
amené à la guérite où commence la ligne aérienne
ou souterraine, on coupe les liaisons du câble avei'
les ilotteurs, et il coule dans le fond. 11 ne faut pas
oublier que le poids des câbles d'atterrissement
est très grand, de 10 à 20.000 kilos par mille, et
on conçoit la diflicnllé de placer en un point donne':
un pareil conducteur.
Lorsque le chaland a atteint le navire cl que le
bout du câble esl à terre, on peut commencer la
pose du reste du câble d'atterrissement, en se
dirigeant sur la ligne déterminée à l'avance pour
le tracé du câble. La figure l-imont(;e,schématiqiM'-
ment, le travail d'un chaland sur un atlerrissemeul.
L. MASCART
LE CABLE SOUS-MARL\ TOURANE .\M(iY
•M
FiiT. 14. — Travail iTun flialand sur un adi'rris^
Dès que le n;ivire commence la pose, le 1 ibora-
loire commence une série d'essais, consistant en
mesures et en signaux réguliers avec la guérite.
On appelle guérite le bureau télégraphique où se
trouve le bout du câble. Le navire reste donc en
communication télégraphique constante avec la
guérite. 11 importe d'être prévenu immédiatement
si une fatilc se
déclare dans le
câble, pour la
réparer sans
perle de tenjps.
Les fautes en
cours de pose,
heureusement rares, sont dues généralement aux
causes suivantes : éclatement d'une bulle d'air
emprisonnée dans la gulla, corps étranger incor-
poré à la gutta, ou pénétrant dans le câble jusqu'à
l'âme. Ce dernier cas s'est produit plusieurs fois
de suite pendant la pose du premier câble trans-
atlantique : des morceaux de fil de fer tombés sur
le cable dans les cuves y étaient enfoncés.
Lorsque le navire atteint la limite fixée pour
le câble d'atterrissement ou l'intermédiaire, on
arrête la pose et on met le câble i' sur bouée »
Cette opération consiste à couper le câble, à le
Fig. 15. — MJsc sur houée de rcxlrémité d'un câhle
'l'altcrrissoment.
fixer à une chaîne maintenue sur le fond par un
champignon et reliée à une bouée par un filin.
Lorsqu'on voudra, à la fin de la pose, relier le
bout du grand fond à celui de l'intermédiaire, on
n'aura qu'à relever le filin fixé à la bouée pour
repêcher le bout du câble.
Nous avons donc mis sur bouée ce bout du
premier atterrissement. Le navire ira à l'autre
REVIE GÉ.NÉRALE DES SCIENCES, 1902.
atterrissement, le posera, puis il se mettra en
route pour poser le câble de grand fond, en suivant
le tracé aussi exactement que possible. Lorsqu'il
approchera de la bouée du premier atterrissement,
il la relèvera et aura à bord les deux bouts de la
ligne. Après épreuves, il fera '.e joint, puis
l'épissure des armatures. Lorsque l'épissure est
finie, le câble,
^-^ en double, ne
tient plus à
bord que par
une « bosse ■>
en filin i fig. 16).
C'est l'épissure
finale. Un coup de hache sur la bosse, le câble
coule et la pose est terminée.
Telle est la marche générale d'une pose, dans
le cas où le navire est assez gros pour porter
tout le câble. Dans le cas contraire, il s'arrête de
poser quand il est au bout de son chargement,
met le câble sur bouée et revient à l'usine prendre
le reste du câble. En retournant à la bouée, il
relève le câble, fait l'épissure et repart, en ron-
Fig. 16.
Dernière période de la pose d'un câble,
sous-marin.
tinuant la pose comme dans le premier cas.
Nous allons donner un exemple numérique pour
mieux faire comprendre la chose. Supposons que
nous ayons à poser, entre deux points A et B, un
câble composé de :
.. . ( Atterrissement 8 milles.
'' ' ' ( Intermédiaire 26 —
Grand fond 700 —
r*
:i'.
L. MASCART — LE CABLE SOUS-MAHl.N TOURANE-AMOY
if liiterméfliair'e .
( Attcrrissemenl
Les poids des trois types sont. i)ai- mille, de
10.000 i<ilos pour l'atterrissemenl, ."l.dOll ]ioiir l'in-
lermédiaire e( ïi.OOO pour le j^rdiui fond.
^■Ilterrl-r '
a milles
A
Jriln'infet
L'ti KtdU
A
.Jller,
M.' B
lO „
uUes
JnU-r
nM . B
65 r
niltc^
l'.li:if(ji'incnl ilc
jrcs pour Ui poxr Jr
F'f;. 18. — Schéain de la posf d'un cùbL
Nou.s ferons notre ciiargeuienl de la l'aeon sui-
vante (fig. 17) :
Cuve I. Cuve II. Cuve 111. Cuve )\'.
210.000 kft 1.000.000 400.000 42:;. 000
Poids toliil. iAKi:\ tonnes.
Nous poserons dans l'ordre suivant (fig. 18) :
Atterrissement et intermédiaire de A, mise sur
bouée en C; pose de l'atterrissement et intermé-
diaire de B, pose du grand fond en faisant route
sur C. Arrivé en
C, on relève le Epissun^ jinala
câble, puis on ^ .-itt' ^ /„tcrm^ ç^
fait l'épissure
finale en C.
Si nous n'a-
vons pas pu prendre tout le câble, nous nous
arrêterons dans la pose en un point D où nous
mettrons sur bouée le grand fond, et nous vien-
drons le reprendre là quand nous aurons été cher-
cher le reste à l'usine.
III
L'exploitation des câbles sous-marins se fait
d'une façon différente de celle des lignes aériennes,
à cause de la grande résistance de la ligne et de sa
grande capacité. La propagation de l'électricité y a
lieu d'une façon assez lente, et la rapide succession
des signaux télégraphiques ordinaires y produirait,
sur le galvanomètre récepteur, des déviations ou
signaux ininlelligibles. Le câble se comporte
comme -un condensateur; il prend une charge (ju'il
faut faire disparaître, avant de' continuer 1rs
signaux, en ramenant le câble à l'état neutre, sans
quoi on a des superpositions.
L'alphabet Morse, qui est généralement employé
sur les lignes sous-marines, composé de traits et de
points, est interprété comme points par les dévia-
tions à droite ou les points en haut d'une bande de
papier, et comme traits par les déviations à gauche
ou les points en bas.
On conçoit qu'on ait grand iiilérét à faire des
signaux i)ar points et par traits, par des émissions
de courants de sens contraire, pour réduire la lon-
gueur de l'onde électrique et rainiMier plus vile Ir
câble à l'état neutre.
Pendant l'exploitaticm du câble, on fait des
mesures à intervalles réguliers, et on enregistir
les résultats pour suivre l'état général du câble. Il
est rare, en effet, qu'une faute se déclare brusque-
ment, ou du moins amène l'interruption brusque
des communications, à moins que ce ne soit une
rupture complète produite par un effort mécanique
extérieur.
Souvent, une faute se manifeste, d'abord légère ,
puis va en s'accentuant, sans que les communi-
cations soient interrompues. Il arrive même ce fait,
qui parait paradoxal, qu'une faute d'isolement aug-
mente la vitesse de transmission en rendant les
signaux plus nets : en effet, le câble revient plus
vite à l'état neutre. Certains esprits novateurs ont
songé à utiliser celte qualité en créant des fautes
artificielles; elles ont, malheureusement, l'incon-
vénient de ne pas comprendre leur rôle et de devenii'
des fautes graves. Quoi qu'il en soi!, il faut suivii'
soigneusement
le dévelop]>c-
p Inlermrd -JU t B mCU t d'uue faull' ,
pour prévoir li'
moment où elle
deviendra dan-
gereuse et où if faudra la rc'parer.
Les principes suivants forment la base de l.i
recherche des fautes : si l'on a un défaut d'iso
leinent en un point, que le cuivre communique
avec la mer, une mesure de résistance faite de l:i
guérite donnera un résultat inférieur à, la résistauci'
totale du câble, puisque le défaut créera une teiie
en ce point. Si l'on a une rupture de l'âme sans
contact avec la mer, une mesure de capacité don-
nera, par comparaison avec la capacité du câble
non avarié, la position de la faute. Les localisations
de fautes sont très dif'lii-iles,quelquefoisimpossii)les
tant que la faute est légère. Mais, à mesure qu'elle
s'aggrave, la localisation devient plus facile, et ;iu
moment où la réparation s'impose, on a générai-
leinent une indication nette de la position.
On marque cette position sur la carte, et ou
D' P. DESFOSSES — LE PANSEMENT MODERNE D'UNE PLAIE
35
L'iivoio un navire télégraphique, muni d'un approvi-
sionnement de cable neuf. La première opération
est de mouiller une bouée, à côté de laquelle sta-
tionne le navire, pour en déterminer la position par
des observations astronomiques. Celte bouée sera
la base du travail reporté sur la carte et le point de
repère pour rechercher le câble, dont on connaît la
position, aux approximations du calcul nautique
près.
Après avoir sondé, le navire descendra un grappin
19. — Sccli'ju (J'uB câble dcfcclueux cl rel'-vcinenl
du wauvais bout.
au fond et commencera à draguer le câble suivant
une perpendiculaire à la direction générale du
câble. Si l'on est dans les petits fonds, ou que, dans
les grands fonds, le câble ait assez de « mou », on
relèvera le grappin lorsque le dynamomètre indi-
quera qu'on a croche le câble, et on amènera le
câble à bord, en double. On coupera le câble après
avoir soigneusement bossé les deux bouts, et, en
essayant au laboratoire, on s'apercevra que la faute
est d'un côté ou de l'autre de la rupture. Le bon
bout étant remis à l'eau, « sur bouée », on relève
le mauvais jusqu'à ce qu'on ait la faute à bord, à
moins que les mesures n'indiquent la position de
cette faute comme trop éloignée, auquel cas on
peut avoir avantage à aller draguer plus près
d'elle.
Si l'on est par grands fonds et qu'on ne puisse
amener à bord le câble en double, à cause de la
tension exagérée qu'on lui ferait subir, on le cou-
pera dans le fond avec un grappin spécial, et on ira
le draguer un peu plus loin pour l'amener à bord
(fig. 19). Cette opération est plus longue; on peut
être obligé de faire trois dragages avant d'avoir le
bout mauvais à bord; on risque donc d'être inter-
rompu par du mauvais temps.
Lorsque la faute est à bord, et qu'on reconnaît,
après avoir coupé le câble, qu'on est en communi-
cation avec la guérite, on fait l'épissure sur du
câble neuf de l'approvisionnement, et le navire pose
vers la bouée qui porte le bon bout, oi'i il fait une
épissure finale, comme s'il s'agissait de la fin d'ui;f!
pose.
Chacun des détails de cette opération, largement
esquissée, est délicat et les circonstances du
moment amènent autant de façons de procéder.
Aussi bien il n'existe aucune règle absolue dans cet
ordre d'idées ; l'ingénieur doit s'inspirer de la
situation pour surmonter les difficultés qui sur-
gissent à chaque instant.
IV
Pendant de longues années, les travaux de câbles
sous-marins ont été monopolisés par les Anglais.
Depuis quelques années, les efforts de l'industrie
française ont permis de créer un personnel et un
matériel qui ne le cèdent en rien à ceux de nos
rivaux. Les poses de câbles neufs, les réparations
difficiles exécutées avec succès par nos compa-
triotes ne se comptent plus. En particulier, nous
pouvons dire que la pose du câble de Tourane-
Amoy est une preuve éclatante de la perfection
de notre industrie '.
L. Mascart,
Lieutenant do vaisseau
Commandant le Frnncois-Ara^/o.
LE PANSEMENT MODERNE D'UNE PLAIE
Toute plaie qui n'est pas immédiatement mor-
telle, présente une tendance naturelle à la
guérison.
Le plus grand, on pourrait dire l'unique, obs-
tacle à la réunion des plaies est l'infection.
L'infection des plaies est causée par des micro-
organismes -vivants, qui empêchent la coalescence
des tissus et déterminent la formation du pus.
Le Siaphylococciis pyogenes, le Strcptococeiis
sont les principaux, les plus fréquents agents
d'infection des plaies. Le Staphylococciis pyogenes
est le microbe des furoncles, des panaris ; c'est
l'agent des suppurations communes. Le Slreplo-
concus est l'agent des suppurations graves; une
' Bibliograpliic. — E. Wcnschendobkp .- Traité de Téléijia-
phie sous-manne. — H.-D. Wilkinson : Submarine cible
Laying and Repairing. — J. Er.TON Xov^iO : Electrical (o.sf;«:/
for Telegraph Enginccrs.
D' P. DESFOSSES — LE PANSEMENT MdDEliNE I) UNE PLAiE
variété de Sireplocorciis est l'agent de l'érysipèle. |
Dans certaines plaies, on observe parfois une
coloration bleuâtre du pus ; cette coloration est
due au Bncilhis pyocytinciis.
Staphylocoque, streptocoque, bacille pyocyani-
que peuvent vivre en présence de l'air ; d'autres
agents d'infection des plaies sont, au contraire,
anaérobies : ce sont le microbe du tétanos (bacille
de Nicola'ier), le vibrion septique et un grand
nombre de bacilles que les publications de Veil-
lon et de son école ont montré agents des pro-
cessus gangreneux et fétides.
La Chirurgie moderne à sa naissance crut que
les germes infectant les plaies étaient apportés
par l'air ; la technique antiseptique de Lister était
dirigée contre l'infection par l'air, et c'étaient les
micro-organismes de l'atmosphère que Lister
croyait détruire par ses appareils à pulvérisation,
son spray.
Pasteur ne pensait pas ainsi ; en 1878, à l'Aca-
démie- de Médecine, il a dit :
V Si j'avais l'honneur d'être chirurgien, pénéiré
comme je le suis des dangers auxquels exposent
les germes des microbes répandus à la surface de
tous les objets, particulièrement dans les hôpitaux,
non seulement je ne me servirais que d'instruments
d'une propreté parfaile, mais, après avoir nettoyé
mes mains avec le plus grand soin et les avoir
soumises à un flambage rapide, ce qui n'expose
]ias à plus d'inconvénients que n'en éprouve le
l'aineur qui fait passer un charbon ardent d'une
main dans l'autre, je n'emploierais que de la char-
pie, des bandelettes, des éponges préalablement
exposées dans un air porté à la température de 130
à lîiO" ; je n'emploierais jamais qu'une eau qui
aurait subi la température de 110 à 120°. Tout cela
est très pratique. De cette manière, je n'aurais à
craindre que les germes en suspension dans l'air
autour du lit du malade ; mais l'observation nous
montre chacjue jour que le nombre de ces germes
est pour ainsi dire insignifiant à côté de ceux qui
siinl répandus dans les poussières, à la surface des
(ilijels l'u dans les eaux communes les plus
limpides. >'
La t'iiirurgie, aujourd'hui, se conforme aux idées
de Pasteur.
II
La condition primordiale du pansement d'une
plaie doit élre d'empêcher l'infection des plaies, de
tenir les micro-organismes nocifs éloignés de l;i
plaie.
Si une-i>laie était abstdumenl i>rivée de germes.
le seul rôle du pansement serait d'empêcher l'ap-
port des germes à la surface des plaies; mai-;
toute plaie est plus ou moins infectée.
Les plaies mêmes que le chirurgien fait avec di ;
instruments stériles ne sont qu'exceptionnellement
exemptes de germes.
Auché et Chavannaz, en ensemençant du liquide
puisé dans le péritoine à la fin d'opérations abdo-
minales, n'ont vu que dans trois cas seulement,
sur 24 hiparatomies, le liquide puisé ne donner
aucune culture ; dans tous les autres cas, les cul-
tures ont montré des microbes divers, staphyloco-
ques principalement. Des résultats analogues
avaient été obtenus par Kiggenbach, par Briinner,
par Budinger, par Lan/ et Flach, par Garnier.
Le chirurgien infecte la plaie qu'il produit: on
peut supposer a priori que les plaies accidentelles,
causées par des instruments ou des objets non
stériles, ne sont pas aseptiques; en fait, tous les
auteurs qui ont étudié la bactériologie des plaies
accidentelles ont trouvé que. dans presque tous les
cas, les micro-organismes foisonnaient.
Le chirurgien, en présence d'une plaie, doit donc
se demander comment empêcher l'aclion nocive des
micro-organismes répandus à la surface de la plaie.
Au début de la période antiseptique, on essaya
de tuer les germes à la surf.ice des plaies. On irri-
gua abondamment les plaies avec des solutions
fortes d'acide phénique. Or, pour qu'une substance
chimique arrive à tuer un microbe, il faut un
temps relativement long ; de plus, certains mi-
crobes, outre leur forme ordinaire de développe-
ment, ont une forme plus résistante, qui est la
spore, contre laquelle les antiseptiques chimiques
sont presque sans action. Si, par exemple, une solu-
tion d'acide phénique à 2 ° „ est capable de tuer en
une minute les bacilles du charbon, une solution
plus forle, à 5 ° ,,, agissant plusieurs jours, n'exerce
aucune influence nocive sur les spores de la même
bactérie. D'autres antiseptiques, le sublimé, l'iode,
arrivent à détruire ces spores, mais il leur faut un
lemps long : vingt-quatre heures environ.
Dans une plaie, les micro-organismes ne sont pas
disposés à la surface, en semis; mais il sont plus
ou moins enfouis dans les tissus, enrobés dans les
caillots sanguins, inclus dans les flocons grais-
seux ; l'antiseptique passe sur eux sans les
atteindre. Que l'on prenne des fils de soie chargés
de microcoques pathogènes, qu'on les imprègne
d'huile, on peut les exposer ensuite des semaines
et des mois aux solutions les plus concentrées
d'acide phénique ou de sublimé, les germes
resteront intacts. Les graisses, dans les plaies,
ont un rôle isolateur semblable à celui de l'huile
dans l'expérience précédente
Les recherches de Bossowski de Tavel, de
D' P. DESPOSSES
LE PANSEMENT MODERNE DUNE PLAIE
37
Stoeheli, etc., ont montré que les plaies opéra-
toires faites et pansées suivant la méthode anti-
septique contenaient presque toujours des germes.
Les solutions antiseptiques n'arrivent donc pas à
tuer tous les micro-organismes; certaines d'entre
elles sont nocives pour les tissus du corps humain.
Les faits de gangrène d'un doigt ou de l'extrémité
d'un doigt à la suite des applications d'acide phé-
nique étaient, il y a quelques années, relativement
frétjuents. Que l'on regarde avec attention une
plaie fraîche, que l'on soumet à une irrigation avec
une solution forte d'acide phénique, on voit la
plaie, tout à l'heure rouge, prendre un aspect gri-
sâtre ou blanchâtre, se couvrir d'une couche grise
d'éléments cellulaires nécrosés. Eicken a étudié
attentivement les modifications apportées aux
tissus par les antiseptiques; il a vu que tous les
antiseptiques altéraient les tissus et que les allé-
rations les plus profondes étaient causées par
l'acide phénique.
Uue irrigation, même prolongée, faite avec une
solution antiseptique, est donc incapable de désin-
fecter une plaie ; elle peut être nuisible.
Ce qu'il faut faire, c'est débarrasser, par le net-
toyage, la plaie de la plupart des germes importés;
et, en second lieu, empêcher l'action nocive des
germes restants, par l'emploi d'un pansement ab-
sorbant.
Nettoyage, détorsion mécanique des plaies d'une
part; absorption des sécrétions des plaies d'autre
part, sont les basés de tout pansement.
Dans toute plaie s'accumulent plus ou moins des
caillots sanguins, des fragments de tissus détachés
ou sphacélés. Caillots sanguins, sécrétions, frag-
ments de tissu sont les réceptacles des microbes,
ce sont des milieux de culture excellents pour le
développement des germes pathogènes.
La phagocytose arrive assez facilement à débar-
rasser une plaie des germes nocifs, s'ils ne sont
pas en trop grande abondance, ou s'il ne sont pas
doués d'une virulence excessive.
Le pansement devra aider l'organisme dans sa
lâche en ne laissant pas s'accumuler de liquide
dans la plaie, en absorbant les sécrétions de la plaie
au fur et à mesure de leur production. Il est impos-
sible d'enlever tous les micro-organismes de la
plaie; on les rendra inoffensifs en débarrassant la
plaie de leurs produits de sécrétion.
Preohajensky a montré qu'un pansement qui
réalise des conditions d'absorption et d'évapora-
lion suffisantes suffit à empêcher la pénétration
des principes toxi-infectieux dans l'intérieur de
l'organisme. La souris blanche est très sensible à
la strychnine ; quelques milligrammes suffisent
pour la tuer ; or, des plaies superlicielles ou pro-
fondes faites à des souris et recouvertes do stry-
chnine n'amenaient pas la mort de l'animal, si la
plaie était pourvue d'un pansement à la gaze légè-
rement humide. De même, des plaies expérimen-
tales faites â des chiens et couvertes de sang
putride guérissaient sans suppurer si on les recou-
vrait de pansements absorbants.
Tout pansement doit donc être précédé d'un net-
toyage aussi complet ({ue possible de la plaie; la
siccité parfaite des surfaces cruentées est une con-
dition d'une importance extrême, reconnue de tout
temps. La suture de la plaie sera effectuée aussi
souvent qu'on le pourra, car la suture, en rappro-
chant les tissus, favorise leur coaptation, empêche
les sécrétions, diminue considérablement les
chances d'infection. La suture n'est bonne que si les
tissus sont sains et coupés nettement. Toute plaie
profonde anfractueuse dont l'hémostase est incom-
plète sera drainée ; sans cela, la suture, laissant
au-dessous d'elle un espace mort, serait nuisible,
en favorisant la stagnation des liquides septiques.
Le pansement doit être absorbant : c'est une des
principales conditions; la gaze, à ce point de vue,
est le meilleur agent de pansement, non pas qu'elle
soit extrêmement absorbante, mais elle évapore
bien, tandis que l'ouate hydrophile, si elle absorbe
davantage, évapore mal. De plus, la gaze est un
tissu cohérent, qui ue laisse pas de brindilles col-
lées à la surface de la plaie, comme la charpie ou
le coton hydrophile.
La gaze légèrement humide, t(?lle que celle qui
est stérilisée par la vapeur fluente sous pression, est
préférable à la gaze absolument sèche, car elle
absorbe plus vite.
Le pansement doit assurer en même temps la
perméabilité du dedans en dehors, et l'occlusion
du dehors en dedans. 11 est à la fois absorbant
pour les germes de la plaie, occlusif pour les
germes extérieurs.
Une autre condition, également nécessaire, de
tout pansement, est que le pansement ne soit pas
par lui-même une cause d'infection. Il faal donc
poser en principe que » loute substance destinée à
être mise en contact avec une plaie doit être abso-
lument privée de germes » (C. Schimmelbusch).
Le pansement doit, en outre, protéger la plaie
contre les heurts extérieurs, cause de souffrance
pour le blessé. Aussi est- il nécessaire, en général,
d'ajouter, par-dessus les couches de gaze stérilisée
absorbante, une certaine épaisseur de ouate des-
tiné à faire matelas, tampon, contre les chocs, et à
rendre la pression de la bande fixatrice plus égale
et plus efficace.
m
Il est uu certain nombre de pratiques transmises
par l'ancienne chirurgie et qu'il faut abandonner :
:{.s
D' P. DESFOSSES
LE PANSEMENT MODERNE D'UNE rM..\lE
ce sont le lavnge des plaies avec une eau quelconque
non stérilisée, rexploralioniulerapeslive des plaies.
Schimmelbuscli montre, par un exemple, l'in-
tluence néfaste que peut avoir le lavage des plaies
avec une eau souillée de germes. l'ar de multiples
expériences faites à la clinique de von Bergniann,
il avait constaté qu'à l'heure de la leçon du profes-
seur, le nombre de germes qui se déposaient en une
demi-heure sur une surface de un décimètre carré
variait de 00 à 70 ; ce chifTre était encore plus
réduit quand l'expérience était faite, à l'air libre,
dans le voisinage des bâtiments de la clinique. Le
long des installations de celte clinique passe la
Sprée, dont les eaux contiennent en moyenne
;j7.o23 germes par centimètre cube. « Or, dit-il,
admettons qu'un batelier de la Sprée se blesse et
supposons que cette plaie présente une surface d'un
décimètre carré; s'il se rend à la clinique avec îa
plaie laissée à nu, intacte, exposée au contact de
l'air et qu'il s'écoule une demi-heure avant l'appli-
cation du pansement, au maximum 00 à 80 germes
se seront déposés sur la blessure, tout superficiel-
lement, à la surface du sang coagulé. Mais, si le
blessé, suivant un usage bien enraciné, arrose lente-
ment et à fond la plaie pour la <■ nettoyer » avec un
litre d'eau puisée à la Sprée, on peut calculer que
:57 millions de microbes auront été en contact avec
elle ».
On ne doit donc laver une plaie que si l'on a de
l'eau propre (bouillie ou stérilisée sous pression) à
sa disposition. Sinon, il est préférable d'appliquer
un pansement après avoir laissé saigner la plaie ;
le sang aseptique venant de la profondeur nettoie
suffisamment les blessures.
L'exploration des pluies à l'aide des doigts ou
des stylets doit être abandonnée. Qu'importe la
profondeur de la plaie; si elle est aseptique, elle
guérira sans incidents. Une exploration laite avec
des instruments quelconques n'aurait d'autre efTet
(jue de favoriser l'infection et de provoquer parfois
une hémorragie. L'exploration dune plaie ne doit
être faite que par le chirurgien muni des instru-
ments nécessaires et dans des conditions données :
dans une plaie de la main, par exemple, poursutu-
rcr des tendons coupés ; dans une plaie de l'abdo-
men, pour arrêter une hémorragie interne, pour
suturer un intestin ouvert.
Les personnes insufUsaminrnt instruites ou insuf-
lisamment outillées d(3ivenl se contenter d'appli-
quer un pansement : quelques couches d'une sub-
.slance sèche aseptique maintenues par une bande.
Si l'on n'a pas de gaze stérilisée, il faut se rappeler
que les linges fraichemeni lavés ou fraîchement
repassés ne renferment en général que fort peu de
germes e,t conviennent parfaitement pour un pan-
.semeiil d'urgence. L'hémostase sera assurée par la
compression exercée par le pansement tixé par la
bande modérément serrée.
IV
A moins d'une hémorragie redoutable, qui néces-
site une intervention immédiate, être propre doit
être la première pensée d'unes personne appelée à
faire un pansement.
Au moment de faire un pansement, on doit :
l'aire disposer sur une table tous les objets
nécessaires au pansement : eau bouillie pour le
lavage des mains, eau bouillie pour le lavage de la
plaie, in.struments flambés stérilisés ou stérilisés
par l'ébullition, compresses de gaze, ouate et i
bandes ;
Faire garnir le lit du malade, s'il est couché, d'une
alèze ou de serviettes placées au-dessous de la
partie du corps lésé pour éviter les souillures.
Dans les manœuvres de pansement, il faut agir
sans brusquerie, avec grande douceur, mais avec j
fermeté. Un débutant tâtonne et fait souffrir le "
patient; le chirurgien exercé agit vite, mais il a
« la main douce ». ,
' La désinfection des mains sera pratiquée d'après 1
les règles usuelles : 1° brossage et lavage à l'eau
chaude et au savon ; 2° brossage et lavage à l'alcool ;
3" lavage dans l'eau stérilisée ou dans une solution
de sublimé. Le brossage et lavage à l'eau chaude et
au savon constitue le temps ]irincipal de la désin-
fection des mains.
Le malade étant assis ou couché, on nettoiera
alors la plaie et la périphérie de la plaie avir
des compresses stérilisées, légèrement humectées
d'eau stérile. Il est inutile de laver à grande
eau; il faut simplement déterger la plaie des
débris qui peuvent la souiller. Si des croiltes se
sont amassées au pourtour de la plaie, il faut lis
détacher avec une spatule. En pratiquant le lavaf;r.
veillez à nettoyer d'abord la plaie, puis la péri-
phérie de la plaie; ne ramenez pas sur la solutidii
de continuité le tampon qui a balayé la crasse iie-
riphérique.
Quand il s'agil d'une plaie de la main ou du pird
chez des ouvriers dont les téguments sont souvent
souillés des enduits gras des machines ou dis
matières colorantes des peintures, il est nécessairr
d'avoir recours à un lavage complet à l'eau chaudi
et au savon, puis à l'éther et à l'alcool.
La plaie, réunie ou asséchée, est recouverte dr
plusieurs couches de gaze stérilisée, par-dessn-
lesquelles est placée une épaisseur de plusiem-^
centimètres d'ouate hydrophile; le tout sera main-
tenu par une bande roulée, une écharpe ou un
bandage. »*
Il y a queli|ues années, et en commémoralioii
HENRI DEHERAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION
39
prohablemenl du pansement ouaté de Guérin, on
(loyait indispensable à la bonne guérison des
plaies l'entassement de quantités énormes d'ouale
ordinaire; un malade, par exemple, venu à une
consultation hospitalière pour une plaie du doigt
insignifiante, repartait souvent avec une masse
énorme, un véritable ballot d'ouate, appendu à
l'extrémité de son bras. On revient de ces exagé-
rations.
L'emploi des bandes souples a singulièrement
facilité l'application du mode de contenlion des
pansements; on se contente d'enrouler la bande
autour du membre lésé en exerçant une pression
modérée, et l'élasticité de l'ouate assure une adhé-
sion suffisante du pansement au membre. 11 faut,
cependant, agir avec une certaine méthode, et
l'application d'une bande diffère suivant les régions.
Les chirurgiens modernes ne nous ont rien
appris de nouveau dans l'art 'd'enrouler avec soli-
dité et élégance une bande autour d'une partie du
corps. Pour connaître l'art de maintenir un panse-
ment, il faut remonter aux anciens auteurs, dont
on se contente généralement, dans les livres de
petite chirurgie, de recopier les descriptions et les
fiyiures.
Tous ceux qui ont Vu des momies égyptiennes
ont pu admirer avec quel art ces anciens prépara-
teurs savaient faire épouser à leurs bandelettes les
formes du corps humain.
V
Abandon des antiseptiques chimiques, emploi
de substances de pansement stériles et absorbantes,
telles sont les bases du pansement moderne d'une
plaie Cette méthode suffira pour assurer, dans la
plupart des cas, une réunion rapide de la plaie,
une guérison sans incidents.
Certaines plaies, cependant, présentent un carac-
tère de gravité tel qu'elles échappent à l'action
des moyens usuels de pansement; telles sont les
plaies produites par les crocs des chiens enragés,
les plaies produites par les crochets des reptiles
venimeux, les plaies souillées par le microbe du
tétanos, etc. L'agent infectieux a, dans ces cas, une
pénétration si rapide, une intensité d'action si ter-
rible que le rôle du pansement est à peu près nul.
Dans ces cas, il ne faudra pas compter non plus
sur l'action des substances chimiques, sur l'effica-
cité des caustiques. Seules les méthodes pasteu-
riennes présentent une réelle valeur. La rage,
dont le caractère d'inéluctable fatalité a si long-
temps terrorisé l'humanité, est aujourd'hui vain-
cue par le génie de Pasteur; le principe toxique
que renferme la moelle du lapin inoculé de la rage
permet, après préparation spéciale, de lutter contre
le virus rabique dont la salive du chien a souillé la
plaie. Les expérimentations sur les animaux ont
montré qu'on peut prévenir par des inoculations
préventives les dangers de l'infection tétanique.
Calmette a doté la médecine d'un sérum capable
d'arrêter dans l'organisme l'action nocive des
venins de serpent.
Les résultats obtenus jusqu'ici justifient les
plus audacieux espoirs; pour le traitement des
plaies, on a maintenant des données encore incom-
plètes, mais positives.
La Chirurgie eut ses premiers pas guidés par
l'empirisme; elle marche désormais appuyée sur
la Science. D' P. Desfosses
REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION
On ne saurait dire qu'on ne s'intéresse pas, en
France, à la grande œuvre de reconnaissance de la
Terre, qui aura marqué la seconde moitié du dix-
neuvième siècle. Une brillante exploration africaine,
asiatique ou polaire excite la curiosité générale, et
nous savons des « ■Voyageurs « qui comptent parmi
les Cl célébrités » aux faits et gestes desquelles le
public s'intéresse.
Toutefois, parmi les considérations que les
voyages suscitent, durée, longueur, difficultés ren-
contrées du fait de la nature ou des hommes, con-
séquences politiques ou économiques, il en est d'un
certain ordre qui sont presque entièrement négli-
gées : nous voulons parler des voies et moyens
financiers de l'exploration. Ce serait, cependant, une
question intéressante à se poser que la suivante :
Quelle somme a coûté, depuis un siècle, la décou-
verte de la Terre"? On n'y pourrait, d'ailleurs, donner
que des réponses partielles, car, s'il est possible,
très approximativement, de savoir le capital que
représente, pour une période déterminée, l'entretien
de grands services publics, tels que l'armée fran-
çaise, ou la marine, ou la diplomatie, il n'en est pas
de même de l'exploration.
Il nous semble, cependant, qu'on pourrait distin-
guer, dans les ressources dont elle a disposé et
dispose encore, les catégories suivantes :
Ces ressources peuvent être d'origine privée. Si
invraisemblable que le fait paraisse au commun des
honimes, il s'est rencontré, il se rencontrera encore
m
HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION
des savaiils, possédés d'une telle passion de la
découverle, que, donnant déjà leur temps, leur
talent, et trop souvent leur santé, ils y ont, par sur-
croit, ajouté leur argent. C'est dans ces conditions
qu'Antoine d'Abhadie a voyagé en Ethiopie, le
vicomte de Foucauld au Maroc, Junkersurle Haut-
Nil. D'autres expéditions de découvertes n'ont pu
être entreprises que grâce à la générosité de Mé-
cènes. Il y a, en eflet, un Mécénat géographique
comme un Mécénat artistique ou scientifique.
Si Nordenskiold put accomplir ses croisières
longues et répétées dans les mers polaires, il
le dut au concours infatigable de ses amis et
notamment d'Oscar Dickson et d'Alexander Sibi-
riakov. M. Renoust des Orgeries, en hiissant à la
Société de Géographie une somme de 300.000 francs,
grâce à lai]uelle la Mission Foureau-Laniy a réussi à
mener à bien celte traversée du Sahara dont nous
rendions compte ici même l'an dernier, a fait un
acte de Mécénat posthume. La Fondation Garnier,
dont dispose l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, rentre dans la même catégorie de res-
sources'.
On a également vu fréquemment des Sociétés
.savantes, des Académies, des Sociétés de Géo-
graphie, défrayer certains voyageurs sur les res-
sources provenant des cotisations ou des dons de
leurs membres. Parfois, un Comité se forme en vue
de l'élude d'une région limitée. Tel ce Tangnnilia
Exploration Committee, grâce aux subsides duquel
Moore a pu accomplir la reconnaissance dont il est
question ci-dessous. Le Comité de l'Afrique fran-
çaise a de même, depuis dix ans, contribué aux
dépenses de plusieurs voyages dans nos possessions
afiicaines.
Enfin, l'Etat, surtout en France, a contribué pour
une part très importante aux progrès des connais-
sances géographiques. Les célèbres voyages mari-
times du premier tiers du xix' siècle, celui du
capitaine de Bougainville sur la Tliétis et VEspé-
rance, celui de Dumont-d'Urville sur VAslrolalie,
celui de Vaillant sur la Bonite, appartiennent essen-
tiellement à l'exploration officielle. C'est, de même,
grâce aux crédits du Gouvernement, que la décou-
verte de la partie occidentale du Soudan a pu être,
depuis une vingtaine d'années, conduite par des
officiers français au point que l'on .sait.
La Commission des Missions et Voyages scien-
tifiques et littéraires, instituée par le Ministère de
l'Instruction publique, subventionne également
chaque année des " missionnaires scientifiques »
français. Souvent, d'ailleurs, les dépenses d'une
' Cette fondation, dont le revenu annuel est de In. 000 francs,
est affectée aux frais d'un voyage scientifique àentrepremire
par un ou plusieurs l'^ramiais ilcsigncs par l'Acadéuiie, dans
l'Afrique centrale ou dans les régions do la Haute-Asie.
ex|>loration sont su|iportées conjointement par des
particuliers, par des Sociétés savantes et par l'Etat.
Telles sont les sources diverses doii proviennent
les sommes nécessaires pour couvrir ce qu'on pour-
rait appeler « les frais de la découverte de la
Terre ».
A toutes, les explorateurs dont nous exposons
ici les travaux ont puisé, dans des mesures varia-
bles. L'activité exploratrice est grande de noire
temps : il n'y a guère de région du globe qui n'en
subisse les heureux effets. Tenter de rendre compte
de tous ces eflorts serait nous condamner à une
énumération fastidieuse et, pour la satisfaction
d'être complet, nous deviendrions illisible. Aussi
bien, des revues spéciales permettent-elles de sui-
vre mois par mois le progrès des connaissances
géographiques'. Ici, nous exposons en détail les
résultats de quelques travaux, sans que ce choix
implique que d'autres, forcément laissés de côté,
manquent d'intérêt.
Les CYi:r.Ani',s.
La connai'^sance géograpliique des nombreuses
îles de la mer Ionienne et de la mer de l'Archipel
n'a pas atteint, pour toutes, un égal degré de
perfection. Tandis que celle des îles Ioniennes et
celle de certaines îles voisines de la Turquie, telles
que Thasos, Lemnos, Mytilène, est fort avancée,
surtout grâce aux beaux travaux de M. de Launay,
l'étude géographique, sinon archéologique, des
Cyclades avait été jusqu'à présent plutôt délaissée.
M. Alfred Philippson, professeur de Géographie à
l'Université de Bonn, qui a fait du monde helléni-
que son domaine, a eu la curiosité de les étudier.
Il s'est promené d'île en île, s'embarquant, selon
l'occurrence, tantôt sur un vapeur postal, tanli'il
sur un de ces petits voiliers de 7 â 10 tonneuux,
qui font le cabotage dans l'Archipel, et comme, aux
notions recueillies dans ce voyage, qui remonte
déjà à 1890, il a joint une connaissance littéraire
très approfondie de son sujet, il s'est trouvé solide-
ment muni pour publier une momigriipliie des
Cyclades".
Elles comprennent ii grandes îlesffig. 1), plus un
grand nombre de petits îlots, dont la surface totale
atteint 29.000 kilomètres carrés; elle* ont pour
soubassement un plateau sous-marin situé à en-
viron 500 mètres de profondeur; par leur disposi-
' En I-'ranc(> : l.n lléoijraphie, Inillrlin dr lu Saciclc de
CrorinijiliK'. Les Annalcn de Gciiiirii/tlun. — En Allemagne :
Pelermniiii's (ii'ogrtipliisrhc. Milthoilunçioii. — En Angle-
terre : The (ioograijhical Journal. — ICn Belgique : Le Mou-
vement (^téogrnphique.
- .Vi.PiiF.D Piiii.n'i'SCN : Beitr:ige zur Kenii{niss der griechis-
clien Inselwelt. PeWnnann's 'litilieiluDgen. Ergirmun'js-
heft n» 131, Gotha, l'JOI.
HENRI DEHÉRAIjV — liEVUE ANNUELLE DE (iÉOGRAPIIIE ET D'EXPLORATION
lion, elles afTeclent la forme générale d"un triangle
dont Andros, Milo et Syrnos représentent les som-
mets. Toutes ces terres sont grecques, sauf .\sty-
pahea et Syrnos, restées turques.
Le climat des Cyclades est doux, plus dou\ que
celui de la Grèce continentale. Au niveau de la
mer, il gèle rarement et la neige, quand il en
tombe sur les sommets, ne tient pas plus de quel-
ques jours. En été, la chaleur est atténuée par les
vents étésiens, qui soufflent avec une telle violence
sur les hauteurs, qu'ils empêchent la croissance
des arbres et s'opposent à la marche de l'homme;
ils ne s'élèvent généralement que le malin et à
midi; encore cette constance relative ne se mnni-
feste-t-elle qu'à la (in de l'été; au début de la
saison, les jour-
nées de calme
alternent avec
les journées do
vent.
La pluie tom-
be en hiver ;
néanmoins, l'été
n'est pas aussi
complètement
sec que dans la
Grèce propre et
on y observe des
rosées noctur-
nes très abon-
dantes.
Les Cyclades
sont, celles à sol
calcaire excep-
tées, très riches
en sources, et
les ruisseaux
conservent de l'eau jusqu'au milieu de l'été, mais
il n'y a de fleuves constants que dans les plus
grandes et les plus élevées, Naxos et .\ndros.
Elles paraissent devoir bien se prêter à la crois-
sance des arbres; mais, les hommes ayant besoin
de bois de construction et de bois de chauffage, les
chèvres avides déjeunes pousses, les ont presque
complètement déboisées; il subsiste seulement
quelques forêts de chênes à .Naxos et à Céa, et
des maquis dans quelques autres iles.
L'influence de la constitution géologique du sol
sur sa fertilité est très marquée. Dans les îles cal-
caires, la culture est mi.sérable; dans les iles schis-
teuses, au contraire, pas un pouce de terre n'est
perdu, et les travaux qu'on y voit, murs de soutène-
nieni, murs de séparation, témoignent du prix
qu'on attache au sol. Les cultures y sont variées et
généralement de valeur croissante avec l'abaisse-
ment de l'altitude. Sur les pentes, il n'y a guère
que des céréales; encore la terre y reste-t-elle une
année sur deux en jachère ; les figues et les oliviers
ne croissent qu'à l'état sporadique entre les champs.
Plus bas, des olivettes serrées apparaissent déjà,
et, plus bas encore, le sol est réservé aux cultures
riches, aux arbres fruitiers, surtout aux citronniers
et aux cédrats, à la vigne, aux légumes. Le vin et
les légumes constituent les produits les plus rému-
nérateurs, et la prospérité d'une île dépend de la
quantité qu'elle en peut exporter; Naxos, Syra,
Paros, Santorin sont privilégiées sous ce rapport.
L'élevage forme encore une ressource appré-
ciable. Mais la répartition des moutons et des
chèvres est très inégale. Tandis que, dans les îles
septentrionales, on n'aperçoit que quelques bêtes
pàturanf dans
Aslvpalœa
^.;j,j™i„-f Santorin '^
'3 «-.W.
Fig. 1. — Le groupe des f'.ydaiJe
les champs en-
clos de murs, ou
voit, dans cel-
les du sud, de
grands trou-
peaux sans ber-
ger et abandon-
nés à eux-mê-
mes.
Dans la suite
des temps, il y
eut de longues
périodes pen-
dant lesquelles
les Cyclades no
jouèrent aucun
rôle; à certains
moments, au
contraire, elles
furent le théâtre
d'événements
qui appartiennent à l'histoire générale.
Dans la haute antiquité, les Cyclades, qui s'égrè-
nent entre l'Asie Mineure et la Grèce, ont facilité
les rapports entre les deux bords de la mer Egée.
Leur importance commerciale est bien prouvée
par l'àpreté que les Ioniens, les Athéniens, les
Rhodicns, les Ptolémées ont mise tour à tour à les
dominer. Après la croisade de 1204, elles devinrent
un domaine colonial pour les Génois et surtout pour
les Vénitiens. Les nobles vénitiens s'y taillèrent
des domaines, y élevèrent des châteaux et des
forteresses, dont beaucoup sont restés debout;
tout un monde de fonctionnaires, de soldats s'a-
battit sur ce pays. L'influence italienne a été assez
profonde pour que des vestiges en subsistent
encore aujourd'hui, dans les noms de famille et
dans le langage usuel ; toute trace de catholi-
cisme n'a pas disparu; Tinos. notamment, compte
un certain nombre de catholiques romains, <iue
HEXRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION
les Grecs orlliodoxcs qualifient de " francs ».
La population totale des Cyclades s'élevait, en
4896, à 13î.5()0 habitants environ, soit 50 habi-
tants par kilomètre carré. Elles sont plus peuplées
que la Grèce propre, qui n'a que .'{" habitants
par kilomètre carré. Syra, qui possédait, en 18î)(i,
2G.o()0 habitants environ, soit .'J32 par kilomètre
carré, l'emporte sur toutes les autres pour la
densité de la population. En général, les îles du
nord ont plus d'habitants que celles du sud; San-
torin (14.300 habitants; 170 par kilomètre carré)
fait exception.
II. — La PataGume.
Le Chili et la République Argentine ayant, en
1881, jugé opportun de fi.xer la frontière entre leurs
territoires respectifs, signèrent un traité dont l'ar-
ticle Prêtait ainsi formulé : « La limite entre la
République Argentine et le Chili est, du Nord au
Sud, jusqu'au parallèle 02° de latitude, la Cordillère
des Andes. La ligne frontière sera marquée dans
cette étendue par les sommets les plus élevés des-
dites chaînes (Cordillères), qui partagent les eaux
et passera entre les versants qui s'inclinent de
part et: d'autre... » Mais ni cet acte, ni le protocole
ultérieur de 1893 n'aboutirent aux fins que leurs
rédacteurs s'étaient proposées. Contrairement à
une idée qui, pendant des années, a été acceptée
comme un dogme géographique, dans les Andes
la ligne des sommets et la ligne de partage des
eaux ne concordent pas. D'où deux théories : les
Chiliens tenaient que la frontière devrait suivre la
ligne de partage des eaux, les Argentins préten-
daient qu'elle devrait se confondre avec la ligne
idéale tracée par la jonction des hautes cimes.
Après bien des polémiques, la question a été sou-
mise à l'arbitrage du Gouvernement britannique.
Mais, pour apporter des arguments à l'appui de
leurs thèses respectives, le Chili et l'Argentine ont
multiplié sur le territoire contesté les missions
d'études. Ces travaux viennent d'être habilement
résumés par M. 1^. Gallois, qui a accompagné son
étude d'une fort belle carte au 1 : 1.. 300. 000° et de
nombreuses photographies '. D'autre part, un voya-
geur français, M. IL de La Vaulx, vient de par-
courir la Patagonie argentine du nord au sud, du
RioNegroàl'îledes Etats'. Rufin, .M. C. Martin ',
de Puerto Montt, a publié une étude sur les régions
sud-chiliennes, LIanquihue et Chiioé. Ces travaux
nous permettent de préciser les caractères géogra-
' L. Gallois : Les Andes de Patagonie. E.\ trait des Annales
lie Gi-0(jraitliic.Tome\, 1901.
' Comte IIknbi he la Vali.x : Voyage en l'iitagonie, 1 vol.
in-12, Paris, Ilaclictte, 1901.
^ C. Mautin : LIanquihue und Chiloe, Sud Cliile. l'cler-
uuinns' Mittbeilunjcn, 1901, I, p. 11-18.
plii([ucs de la])artie la plus méridionale du conti-
nent américain.
Un simple coup irœil jeté sur la carte laisse
aisément voir que la Patagonie se divise orographi-
quement. de l'est à l'ouest, en trois régions : h.
plaine et le plateau argentins, la Cordillère di'~
Andes, la bande littorale du Chili.
Sur nos cartes à petite échelle de l'Amérique dn
Sud, les Andes apparaissent comme une chaini-
très longue et 1res étroite. Mais, en fait, leur lar-
geur atteint toujours au moins 100 kilomètres,
souvent 200 et parfois 300. Un tracé schématique
des Andes présenterait les traits suivants : Deux
chaînes courant du nord au sud à une distance
variable l'une de l'autre, la plus élevée à l'ouest ;
entre les deux, une dépression non continue, par-
tagée elle-même par des montagnes transversales.
Beaucoup de sommets des Andes dépassent
2.O0O mètres, plusieurs 3.000, tels que le Trona-
dor (3.400), la Cimo San Lorenzo (3.6(50), laCinio
San Valentin (3.876) ; l'Aconcagua s'élève à
7.130 mètres: c'est une des plus hautes montagnes
du Globe.
Cette région andine présente, aux yeux des voya-
geurs, une extrême variété d'aspects, comme les
admirables photographies jointes au Mémoire de
M. Gallois permettent de s'en rendre compte.
Les Andes sont encore caractérisées par la quan-
tité, l'étendue et la beauté de leurs lacs; ils sont
généralement plus longs que larges, de forme
irrégulière, curieusement découpés en golfes pm-
fonds et en presqu'îles élancées; ils ressemblent
Éi des fjords continentaux. Les plus grands sont le
Lago Argenlino, le Lago Viedma, le Lago Pueyrre-
don, enfin le Lago Buenos .\ires, dont la longueur
d'est en ouest dépasse 200 kilomètres '. Mais la
perle des Andes est le Nahuelhuapi. « Cette splen-
dide nappe d'eau, de plus de 7(t kilomètres de lon-
gueur, se continue au nord par les deux lacs Espej.i
et Correntoso, qui n'en sont séparés que par di'^
alluvions. De hauts sommets la dominent au nord
et à l'ouest, parmi lesquels une des merveilles des
.\ndes, la masse imposante du Tronador, étince-
lant de glaciers, dont les ruptures retentissent en
coups de tonnerre qui ont valu son nom à la mon-
tagne '. ))
Les trois grands fleuves de la Patagonie argen-
tine sont : le Rio Limay, cours supérieur du Rin
Negro, le Rio Chubut, le Rio Santa Cruz. Là aussi se
forment les grands fleuves qui traversent la Pata-
gonie chilienne : Puelo Manso, Yelcho Futaleuln
' N'eus noterons, à simple titre de curiosité, quêtes savanN
et voyageurs européens uont pas été oubliés dans la topo-
nymie andine : il existe un Lago Nansen, un Lago Lappareut.
un Lago Steflen. un Lago Burmeister. »*
' Gallois : ouvrar;o cité, p. lo.
HENEI DEHÉRAIN — UI-VL'E ANNCKLLE DK GKOGR.VPIIIE ET DEXPLORATIOX
y.i
L'hydrographie aiuline présente ce caractère que
la ligne des hautes cimes ne partage pas les fleuves
en un réseau Atlantique et un réseau Pacifique. Par
suite de phénomènes de capture, certains cours
d'eau, qui devraient théoriquement couler vers
l'ouest, prennent leur cours vers l'est, et récipro-
quement.
Entre le rebord oriental -eu plateau Patagonien,
ou Précordillère, et la Cordillère, s'étendent des
vallées d'altitude modérée, de climat sans extrêmes,
et partant très favorables à la vie des Européens
ou des individus d'origine européenne. La colonie
militaire de San Martin de Los .\ndes a été établie
à l'extrémité orientale du Lac Lacar, la colonie
galloise du 16 octobre (date de la promulgation de
la loi argentine sur les territoires nationaux) dans
la haute vallée du Futaleufu. Le succès de ces colo-
nies et de plusieurs autres a prouvé la valeur des
terrains en litige et explique l'àprelé avec laquelle
le Chili et la République argentine se les disputent.
11 s'en faut de beaucoup que la Patagonie argen-
tine présente autant d'inléTèl que la Patagonie
andine. Elle est traversée par trois grands fleuves :
le Rio Xegro, au courant très rapide et qui atteint,
à la fonte des neiges un kilomètre de largeur, le
Rio Chubut, le Rio Santa-Cruz. que Darwin fut, en
183i, à l'époque où il accomplit sa célèbre croi-
sière sur XeBeîifjle, le premier Européen à remonter.
Entre ces rivières et leurs affluents s'étendent
des plateaux arides, couverts de cailloux, qui
portent seulement quelques misérables plantes
rabougries et dont l'aspect faisait dire à Darwin :
H La malédiction de la stérilité s'est abattue sur ce
pays. » La vie n'est possible que dans les vallées,
et c'est cette désolation qui avait valu à la Pata-
gonie, avant la découverte des belles terres andines,
sa réputation d'infertilité.
La Patagonie chilienne comprend deux vastes
étendues de plaines : l'île de Chiloe et la région de
Llanquihue, où s'élèvent les villes de Puerto
Monlt. Osorno et Valdivia. Partout ailleurs, la
montagne arrive jusqu'au bord de l'Océan. Tandis
que. dans le Llanquihue, on apu établir une route
qui relie Puerto Montt à Osorno et un chemin de
fer qui fait communiquer Osorno et Valdivia, il n'y
a pas, dans le reste du pays, d'autres voies de com-
munication que les rivières et les lacs, la montagne
étant couverte d'une forêt impénétrable.
Cette côte du Pacifique est profondément dé-
coupée. Elle projette des presqu'îles dans l'Océan,
et l'Océan à son tour entre dans l'intérieur des
terres par des fjords profonds et très ramifiés.
Quoique, pour les raisons politiques exposées'
plus haut, la connaissance de cette partie du Globe
ait beaucoup progressé depuis quelques années,
les régions inexplorées sont encore vastes. Mais, en
dehors des services qu'ils rendront à la Science par
leurs découvertes, les futurs voyageurs ont chance,
en parcourant la Patagonie andine et chilienne.
d'y contempler, les premiers, d'admirables spec-
tacles naturels.
III.
Haute-Egypte.
On dit souvent que les explorateurs vont chercher
bien loin du nouveau alors que les pays réputés
connus leur offriraient la matière d'intéressantes
études. Il y a du vrai dans cette formule, comme le
prouve la récente publication d'un voyage accompli
par Schweinfurth dans la Haute -Egypte '. On
serait dans l'erreur en supposant que la carte
détaillée d'un pays d'accès aussi facile que l'Egypte,
et depuis si longtemps fréquenté par les Européens,
est entièrement établie. Pendant tout le xix" siècle,
on a vécu, sans trop l'avouer, sur les travaux accom-
plis par les savants de l'expédition d'Egypte, par
ces membres de la Commission des Sciences et
Arts, dont on ne saurait trop louer le courage et
l'ardeur scientifique. Depuis quelques années, le
Ministère égyptien des Travaux publics a publié
une carte de la vallée du Nil au lOO.OOO'^, sur
laquelle figurent la zone cultivée, les villages et les
canaux. Mais la contrée désertique, qui s'étend à
quelqiies kilomètres à droite et à gauche du cours
même du Nil. est encore très mal connue. Les tou-
ristes qui. chaque année, remontent eldescendent le
fleuve, ne se doutent pas qu'en certains points ils
n'auraient, du bateau de plaisance sur lequel ils
sont confortablement installés, qu'à lever les yeux
pour apercevoir le rebord d'une véritable terni
incof/iiihi. M. Schweinfurth, dont la réputation fut
établie dès 1870 par le voyage qu'il accomplit sur le
Haut Nil, a, depuis, porté son attention sur d'autres
contrées africaines, notamment sur la côte italienne
de la mer Rouge et sur l'ile de Socolora.
Mais l'Egypte est restée son étude de prédilec-
tion. Il se permet de temps à autre une fantaisie;
mais, son caprice satisfait, il revient à l'objet de sa
préférence. En 1S82, il avait fait, dans le désert
libyque. entre Edfou et Farchout, un voyage dont
il avait jusqu'à présent conservé la relation par
devers lui. Considérant l'insuffisance des notions
répandues sur cette contrée, il vient de la publier,
et nous ne pouvons que nous en féliciter.
D'Edfouà Keneh (tig. 2), le Nil suit une direction
générale sud-nord ; à Keneh, il fait brusquement un
coude et, pendant cinquante kilomètres, coule vers
l'ouest. Quiconque navigue sur cette section du Nil
aperçoit, à une certaine distance dans l'ouest, une
' G. SciiwEixi-iBTii : Aqi westlichen Rande des Nilthals
zwisohen Farschut und Koni Ombo. Pelcvmann's MiUhcilua-
;/en, 1901. p. 1-10.
HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET DEXPLORATION
liauteur cimtinue qui a Tapparence d'une chaîne
de monlagnes, qu'on appelle même cominunémenl,
quoique à tort, la chaîne libyque, mais qui n'est
que le rebord du plateau dans lequel le Nil s'est
frayé une voie. Cette hauteur ne présente pas à
l'observateur une surface régulière; on y distingue,
comme dans une fortification, des saillants el des
angles rentrants. L'un des plus marqués de ces
saillants porte le nom d'El Ilomra es Schante.
La dislance entre ce plateau cl le Nil varie beau-
coup. Tandis qu'elle est de tO kilomètres à la hau-
teur d'Edfou, elle n'est plus que de l't à l'ouest
d'Esneh et se ré-
duit à () ou 7
en face de Louq-
sor. L'altitude
de la presqu'île
formée par la
boucle du fleuve
entre Resegat et
Earchout varie
entre 300 et
iOO mètres au-
dessus du ni-
veau de la mer.
Ce rebord du
plateau libyqur
est naturelle-
ment beaucoup
trop éloigné du
Nil pour se prê-
ter à la culture,
et, cependant,
toute trace d'ac-
tion humaine
n'y fait pas dé-
faut. C'est là,
notam ment,
que s'ouvre la
Vallée des Rois,
, la nécropole fameuse des souverains thébains.
Schweinfurth a découvert au sud, à la hauteur
d'Esneh, un autre vestige des générations qui se
sont succédé dans la vallée du Nil. C'est une petite
grotte, dans la quelle de pieux visiteurs ont perpé-
tué leur mémoire par des inscriptions à la craie
rouge, les unes en grec, les autres en copte, toutes,
d'ailleurs, très brèves. Un visiteur se donne pour :
" Un archiprêtre de la ville de Latopolis » (Esneh);
d'autres se reconnaissent « les pénitents » ou les
« humbles serviteurs du Seigneur Jésus-Christ ».
Qu(>lques inscriptions sont datées de l'ère copte,
soit •• 2() tube 801 », ce qui correspond à l'année
1083 de l'ère chrétienne. Schweinfurth rappelle que
Latopolis fut, en 28-4 après Jésus-Christ, le théâtre
d'une très \iolenle persécution de chrétiens, dont
Kcneh
On^is iZe. Jfuj^Âli.r'
J' -BoTTemaju Se
certains furent martyrisés. Et il émet l'hypotlièse
que celte caverne aurait peut-être servi de refuge
aux persécutés, et serait, par tradition, restée, après
huit cents ans, un lieu de pèlerinage.
Cette partie de l'Egypte étant située au nord de
la limite méridionale des pluies d'hiver méditerra-
néennes et au nord de la limite septentrionale des
alizés tropicaux, est extrêmement sèche. On n'y
rencontre aucune de ces citernes naturelles qui
caractérisent certains cantons du désert arabi-
que. Néanmoins, on y dislingue de vraies vallées
d'érosion : Ouadi Chibrouk, Ouadi Abousselem,
Ouadi Esneh,
ChorBattaghah.
Ce dernier, que
Schweinfurth a
parcouru, for-
me une coupure
aux lèvres for-
tement mar-
quées. La hau-
teur des parois,
de 30 mètres
seulement au
sommet de la
vallée, s'élève
ensuite 5 150 ou
170. Elles sont
constituées par
des poudingues
à silex, si régu-
liers qu'on pour-
rait les croire
en certains
points faits de
main d'homme.
Un grand nom-
bre de vallées
secondaires,
vingt et une à
droite, seize à gauche, viennent s'embrancher
dans la vallée principale. La pente du Chor Batta-
ghah est si douce, qu'une voiture pourrait y rou-
ler sans accident. Les coupures qui, de distance
en distance, s'ouvrent dans le plateau ont été uti-
lisées par les caravanes et partent de la vallée du
Nil pour atteindre les oasis du désert et récipro-
quement. Une route suit l'Oued Esnah, ou plutôt
la corde de l'arc décrit par cette vallée, une autre,
le Clior qui aboutit à Resegat, et c'est par là que
l'expédition Rohifs passa en 1874. Enfin, au sud
d'Abydos, à 2 kilomètres et demi d'une très vieille
forteresse en ruines, nommée par les habitants
Schunet es Sebil, le ■< magasin de raisins secs »,
un col étroit et profond, ayant i kilomètre de long
et des parois rocheuses abruptes, ollre un passage
La rive yaiiche du A'//, calre Eill'oii et Girguh.
HENRI DEUÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D EXPLORATION
vers la grande oasis. On voit, par ces détails, que
l'étude du déseit n'est pas aussi ingrate qu'on
pourrait le supposer a première vue.
IV. — Soudan égyptien.
L'exploration du Soudan Egyptien, si brillam-
ment condiii-
Le choix du terrain était heureux, les explo-
rateurs s'étant jusqu'à ce jour écartés de la contrée
qui s"étend entre les deux Nils. Nous ne possédions
guère, jusqu'à présent, que les renseignements
recueillis par Cailliaud en 1821 et par^-'J. M.
Schuver en 1881. On peut supposer que la Géogra-
phie bénéficiera des rela lions suivies que le Gou-
vernement du
te. pendant le
deuxième et le
troisième quart
du XIX' siècle,
avait été arrê-
tée tout net par
le soulèvement
duMahdi.Mais,
depuis le ren-
versement du
régime qu'il
avait institué,
conséquence
de la victoire
remportée le 2
septembre 1898
par les troupes
anglo-égyptien-
nes à Omdur-
man, les Euro-
péens peuvent
derechef voya-
ger en sécurité.
Il parait donc
probable que
les notions dé-
jà abondantes
que l'on possé-
dait sur la ré-
gion du Haut
Nil vont encore
s'accroître no-
tablement.
Deux offi-
ciers du Royal
Engineers, le
major Gwynn
et le major Austin. ont, en 1900, exploré la
frontière soudano-éthiopienne'. Le major Gwynn
a remonté le Nil Bleu jusqu'à Eamaka; puis, traver-
sant le Fazoql du nord au sud, il a longé le pied de
la plaine éthiopienne, est monté sur le plateau que
cette falaise limite à l'ouest, par la trouée du Yabous,
et a enfin atteint le Jokau ou Garre, affinent de
droite du Baro (lig. .3 '.
l'ii:. 3. — Z.e Sobat et lu l'alaise occideviah' d'Etliiopi
Soudan Egyp-
tien parait dé-
sireux d'enlre-
lenir avec l'K-
thiopie. Le ma-
jor Gwynn n'a
encore publié
que l'itinéraire
graphique de
son voyage et
quelques pho-
tographies pri-
ses en cours de
route. De ces
maigres docu-
ments, on peut
cependant con-
clure que la fa-
laise éthio-
pienne se pro-
longe du nord
au sud, du Ea-
zoql au marché
(ialla de Gida-
mi, de 10°,30 à
9°, soilsur 1()0
kilomètres d(^
long. Deux
membres de la
Mission de Bon-
champs, Mau-
rice Potier et
Faivre, ayant
jadis exploré la
partie de cette
même falaise
située entre le
Baro et l'Adjoubba, il ne reste plus à en reconnaître
que la courte section qui s'étend entre Gidami et le
Baro. Du Fazoql jusqu'au Yabous, le major (jwynn
a trouvé sept cours d'eau, et il a exploré le sys-
tème du haut Yabous. Il confirme l'existence du
marché de Gidami ', situé sur le plateau, mais à
l'entrée de la plaine, et qui doit être le point de con-
tact entre les populations nilotiques et les Gallas.
' M. Charles Michel avait, sur sa carte, marqué au même
' Major H. H. Aisira : Survey of the Sobat région. Tha I endroit la localité de « Goum babi >). Vers Fachoda, 1 vol.
Oeographical Journal, 1901, vol. XVII, p. 49o-ol2. 1 in-8, Paris, 1900.
W HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE 1)1- (;.r:OGRAPHIE ET D'EXPLORATION
Le voyai^c Jii in;ijiir Aiisliii csl moins inli'ressant
que celui du major (jwynn. S'il avait donné suite à
son projet ])rimilir, qui était, en parlant du Sohat.
d'atteindre U' lac Rodolphe, il aurait certainement
enrichi la géon;raphie al'ricainc de mainte notion
nouvelle', n»ais il s'est contenté de remonter le
Sobat jusqu'à Goré, voie qu'il n'est pas. tant s'en
faut, le pre-
mier à parcou-
rir. Le major
Austin ne pa-
raît pas se
douter que le
Sobat avait été
exploré bien
avantlui. Qu'il
ignore d'Ar-
naud et Wer-
ne, c'est par-
donnable ;
qu'il ne cite
pas J u n k e r ,
c'est déjà plus
étrange; mais,
surtout, qu'il
passe sous si-
lence les Ira-
vaux de la Mis-
sion de Bon-
champs, le
livre et les car-
ies de M. Char-
les Michel, voi-
là qui dépasse
la permission.
Hépétonsdonc,
p u i .s q u ' o n
feint de l'igno-
rer, que, dès
18fl()-18<t7. la
Mission de
Bonchainps
avait remonté
et descendu la
vallée du Ba-
ro ^ Du voyage du major .Vustin, ce ([u'il y a de
plus intéressant à retenir, c'est l'absence de netteté
du régime hydrographique de la région située
entre le liaro et le Pibor, dans laquelle bêles et gens
de l'expédition pataugeaient à qui mieux mieux.
' Le major Au<lin vient, cette année même, de tenter de
passer du Nil àii lac Hodolplie. li a réussi, mais au prix de
difficultés inouïes, et après avoir perdu les trois quarts de
ses lioinmes. Les résultats géographiques de cette explora-
tion n'ont pas encore été publiés.
^ La carte publiée dans le Geuç/raphicnl Journal de mai 1901:
Cette condilion physique devra préoccuper les ingé-
nieurs qui étal)lir(uit le tracé de lii ligne de chemin
de fer d'Omdurman à l't.tuganda, si jamais elle se
fait.
V. — Li: HouwENzoRi.
Le haut massif ([ui s'élève entre les lacs Alberl-
Ëdouard et Al-
bert, le Rou-
wenzori, con-
tinue à sollici-
ter l'attention
des explora-
teurs. Elle les
préoccupera
longtemps en-
core, car l'exis-
t e n c e de
champs <\r
neige et li^'
glaciers son-
l'équateur, ili'
phénomènes
propres aux
régions froi-
des du globe
dans la zoni'
torride, cons-
titue un con-
traste dont on
ne cessera <li'
s'émerveiller.
Les " Monta-
gnes de la l^u-
ne » sont en-
core bien jilns
exlraordinai -
res que PtoJé-
mée elles géo-
graphes ara-
bes du Moyen-
Age ne se hs
figuraient. La
réalité l'eni-
porte de beau-
coup sur les données de l'iningination. Quand
le chemin de fer de Mombasa à Port-Floreiur
sur le lac Victoria sera achevé, ce qui ne tarder, i
pas; quand ce lac lui-même sera traversé par des
lignes régulières de vapeurs, de Port-Florence :ï
l'Ouganda, ce qui ne tardera pas davantage, le
'J'Iic Sohal river :iwl part of Ibo Bluc Nili\ ri'tarde, en ce
qui concerne la falaise éttiiopienne au sud du liaro, sur celle
de Cliarles Michel parue un an auparavant. Les fréograpln's
anglais ne se tiennent pas au courant de ce i|ui se fait en
France.
Massif lia Houwcnzori.
HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION
Rouwcn/.ori, qui n'est qu';ï Irois ou quatre cents
kilomètres à l'ouest de l'Ouganda, deviendra un
lieu d'excursions fréquenté; gageons que d'ici
quinze à vingt ans l'ascension du Rouwenzori sera
devenue un exploit habituel des alpinistes euro-
péens, disposant de longs loisirs et munis de
ressources pécuniaires quelque peu abondantes.
C'est à préparer ces voies que les explorateurs
travaillent présentement. Après Stanley, qui dé-
couvrit le Rouwenzori en 1888, et Stairs, l'un de
ses lieutenants, qui en gravit partiellement les
pentes l'année suivante; après Stulilmann et Scott
EUiott, voici M. Moore et Sir Harry Johnston qui, à
quelques semaines d'intervalle, viennent, en 1900,
d'en tenter l'ascension. A vrai dire, M. J. E. S.
Moore était parti en Afrique pour explorer, ûon
une montagne, mais un lac, non le Rouwenzori,
mais le Tanganika, sous les auspices d'un Tiin-
ganika Exploration Connnilh'C^ organisé par un
savant bien connu des lecteurs de la Revue, le
professeur Ray Lankester. Mais, ayant rencontré
de la part des fonctionnaires de l'Afrique orientale
allemande des facilités peu communes pour explorer
le lac Kivou et le Rouwenzori, il jugea opportun
d'en profiter'.
Moore aborda le Roûvyenzori (fig. i), non du côté
occidental, comme Stairs et Stuhlmann, mais par
l'est. Des vallées qui descendent vers le lac Rui-
samba, prolongement septentrional du lac Albert-
Edouard, l'une, celle du Mobouko, a un long
développement. Pour pénétrer dans le massif,
Moore suivit ce chemin tout tracé qui le conduisit
presque au pied de l'un des grands glaciers du
massif. Voici comment Moore décrit le Rouwen-
zori : « Couvrant du nord au sud un espace de 110
à 130 kilomètres, il est constitué par trois massifs
plus ou jnoins nettement séparés l'un de l'autre.
Le massif central, Ingomouimbi, paraît le plus
élevé ; quatre de ses sommets au moins sont
couverts de neige. 11 est borné au nord et au
sud par des vallées dont la partie supérieure est
occupée par des glaciers. Au delà de ces vallées
se dressent le massif septentrional, dont les som-
mets portent les noms de Kraepelin, Saddle,
Kanyangugoué , elle massif méridional, nommé
Mœbius. Entre ces trois massifs, deux cols per-
mettraient, au dire des indigènes, de passer du
versant est sur le versant ouest, par conséquent
' J. E. s. Mdore : Tanganika and the country norlli of it.
Geo'jraphical Jourmil, {[)Ù[. p. 1-37.
du lac Ruisamba dans la vallée de la Semliki.
Scott Elliot a avancé naguère que l'altitude du
pic le plus élevé atteignait i.iKiO mètres. Moore
estime qu'actuellement il est impossible de dire
quel est le plus élevé et par conséquent de
préciser sa hauteur.
A peine Moore avait-il redescendu les pentes du
Rouwenzori, que Sir Ilarry Johnston ' les gravis-
sait à son tour. Gouverneur de l'Ouganda, Sir
Harry Johnston ne croit pas avoir rempli tout
son devoir quand il a correctement expédié sa
besogne administrative. Doué d'une avide curiosité
scientifique, il s'intéresse aux phénomènes physi-
ques et naturels, ainsi qu'aux indigènes du pays
où les hasards de sa carrière le transportent. 11
avait déjà observé dans le Rritish Central Africa
Protectorate, autrement dit Nyassaland, que, pour
gouverner sagement un pays, il faut d'abord le
bien connaître. Il a transporté dans l'Ouganda ces
habitudes, qui, bien que peu administratives, lui
avaient déjà réussi ailleurs.
Obligé à un déplacement dans l'extrême ouest
de son Gouvernement pour conférer avec ses
voisins, les fonctionnaires de l'État indépendant
du Congo, il en a profité pour gravir le Rou-
wenzori. Il est arrivé jusqu'à 4.400 mètres. En
ce point. Sir Harry Johnston et ses deux com-
pagnons se sont trouvés en face d'une paroi de
rocher qu'ils n'ont pas pu escalader. La dernière
partie de l'ascension a dû se faire sur le glacier,
à la corde et au piolet. Moore et Sir Harry Johnston
ont tous deux éprouvé un très mauvais temps:
pluies continues, tempête de neige. Les termes
" torrents of rain », « déluge of rain », reviennent
fn-quemment sous la plume de Moore. Ce haut
massif montagneux est donc certainement un
puissant condensateur de vapeur d'eau. De ses
pentes orientales, plusieurs rivières descendent
vers le lac Ruisamba, et les torrents qui dévalent
sur ses pentes occidentales vont grossir la Semliki.
Mais que l'eau descende à l'ouest ou à l'est, c'est
toujours le Nil qui en bénéficie, et si les Monts de
la Lune ne constituent pas sa source unique,
comme le supposaient les anciens géographes, ils
contribuent notablement à le former.
Henri Dehérain,
Docteur i^s Lettres.
Sous-HiWi.ithécaira de ri]}-<titut.
' Sir Harry Johnston's récent journeys in the l'gauda
protectorate. Ocogrupliiciil Journal, 1901, t.
lilliLIOUKAi'UlE
ANALYSliS ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Itorel (Emile) , Maître de Caiilï-rcnces ;i [ Ecole
yovmak' SiipcrictiiT. — Leçons sur les Séries diver-
gentes. — 1 roi. in-H" de iSi pages, avec fiijtires.
il'vix : i fr. 50.) Gautliirr-\'illars, éditeur, 56, i/uai
f/fv; (Iraiids-Auijustins. Paris, 1901.
(".e volume fait parlie d'une série d'ouvrages, indé-
pendanls les uns des autres, que M. Borel consacre à la
Théorie des Fonctions; c'est le troisième de la série.
L'auteur y présente, sous leur forme actuelle, nos con-
naissances sur l'emploi des sih'ies diverf/i-nles. en
tenant compte des recherches les plus récentes, reclier-
ches auxquelles il a lui-même pris part d'une façon
remar<iuable. Son petit volume apporte une importatile
contribution à l'étudo d'un point de la théorie des
•séries qui, autrefois, a soulevé bien des polémiques.
Tandis qu'au milieu du xix'' siècle on écartait
systématiquement toute série divorgenle, certaines
de ces séries avaient auparavant retenu l'atten-
tion des mathématiciens, et la plupart d'entre eux
s'accordaient avec Euler pour les conserver dans les
calculs, sous certaines réserves. Lorsque vinrent les
mélhodes de r.\nal\>e moderne, introduites dans la
Science par Abel et Cauchy, et caractérisées par le
souci de la rigueur du raisonnement, on se lit quelque
scrupule à employer les séries divergentes. Abel et
Cauchy se préoccupèrent de justifier l'emploi de séries
divergentes ; mais Cauchy seul laissa quelques travaux
<à ce sujet, notamment un Mémoire sur la série de
Stirling. Après la mort de Cauchy, on cessa de s'occu-
per des séries divergentes. Leur étude n'a été reprise
que depuis une vingtaine d'années; elle s'est enrichie
de travaux très remarquables quant aux considérations
nouvelles qui s'y font jour. Ce sont d'abord : d'une part,
le Mémoire de Stielljes; d'autre part, celui de M. H.
Poincaré ; puis, les recherches, plus récentes, faites prin-
cipalement par M. Borel, et, jiour ce qui se rattache
plus particulièrement aux rapports de la question avec
les fractions continues, celles de M. Padé.
C'est à celte nouvelle période qu'est consacré le livre
de M. Borel. L'auteui- a soin de faire précéder son
exposé d'un court aperçu historique. Puis, il examine,
dans le chapitre i, les séries asympiotiqnes. Le germe
de cette théorie se trouve dans les travaux de Cauchy,
la théorie générale n'a cependant été établie que
pins tard par M. H. l'oincaré. Dans le chapitre suivant
sont étudiés les rapports entre les séries divergentes
et les fractions eonlinues. C'est Laguerre qui, le pre-
mier, a montré l'utililé qu'il y a de transtormer une
série divergente en une fraction continue convergente;
mais les travaux fondamentaux daris ce domaine sont
dus à Stieltjes et à M. Padé. Le chapitre se termine par
une généralisation des résultats obtenus par Stielljes.
Le chapitre m a pour titre : la tliéorie des séries soin-
mables. .M. liorel examine les méthodes basées sur les
valeurs moyennes d'après .M. Cesaro et la méthode de
sommation exponentielle. La théorie des séries som-
mables présente des relations très intéressantes avec la
théorie (lu proloiigenienl analytique. Ces relations font
l'objeldu chapitre iv.
Enfin, dans le dernier chapitre, intitulé :Ies dévelop-
pements eu séries de polynômes, sont expo^és le théo-
rème de M. Mitlag-Leffler ' relatif à l'étoile de conver-
' G. Mittmi-Lkfii.eh : Sur la représentation analytique
d'une branche nnilorme d'une fonction nionogène. Extrait
des Acta mulliomnliçit: première note, mars IS'.tD; deuxième
et troisième notes, août l'.iOu.
gence, les développemenis de M. Mitlag-Lefller et leur
rapport avec la théorie générale des séries divergenles.
H. Fehh,
PnjffS-eur à lUriivoi>il« de (a-nèvc.
2° Sciences physiques
Guillaume (Ch,-Ed.), Hirvcleur adjoint du Bnrr.in
inlciiintioual des Poids et Mesures. — La Conven-
tion du Mètre et le Bureau international des
Poids et Mesures. — Ujie brochure in-i" de l'3S
pai/es avec SH fnjurcs. [Pri.x : 7 /'/■. bO.) Gauthier-
Viliars, éditeur.' Paris, 1901.
Ce n'était pas chose facile de présenter an public un
exposé précis et intéressant du but de la Convention du
Mètre et du Bureau international des Poids et Mesure>
chargé des services concernant les prototypes interna-
tionaux.
L'extrême précision exigée dan^ les opérations méir il-
logiques, l'emploi de dispositifs délicats et cornpliqué>.
l'usage de méthodes minutieuses sont des sujets liien
éloignés de ceux qu'on choisit d ordinaire pour popul.i-
riser la Science moderne.
M. Ch.-Ed. Guillaume a réussi de la manière la plus
heureuse à rendre son ouvrage non seulement facile
à lire, mais même aitrayant, grâce à la clarté de son
exposition et aux nombreuses gravures qui raccom-
pagnent.
l'armi les chapiires qu'on peut recommander à l'al-
tenlion du lecteur tant soit peu versé dans la connai>-
sance des instruments de précision. Je citerai la de?-
cription des comparateurs pour les rèfjiesà trait", celh-
de la nouvelle règle géodésique, coirslitnée par une
barre d'acier-nickel, rigide quoique légère, grâce au
prolil de sa section, et qui demeure presque invariable
dans l'intervalle des températures ordinaires, tre^l
justement M. Guillaume qui a découvert les piopriéh >
si curieuses de ces alliages fer-nickel et si utiles à l.i
Métrologie et à l'Horlogerie.
Je citerai encore, outre les recherches de Thermo-
métrie, les beaux travaux d'Optique interférentielle
exécutés suivant la mélhode de Michelson pour expri-
mer la longueur du mèlre internai ional en longueurs
d'onde lumineuses, mélhode qui permet de vérilier la
permanence du prototype et, au besoin, de le repro-
duire avec la plus haute précision, s'il venait à èlrr
altéré ou détruit.
L'auteur n'a pas manqué d'ajouter à la lin de son
livre les documents scienlifiques officiels qui ont pré-
paré la Convention diplomatique du Mètre et l'entente
internationale pour la diffusion du système métrique,
particulièrement le Rapport de Jacobi, de l'Académie
des Sciences de Saint-Péiersbourg, puis celui de
Itumas, au nom de l'Académie des Sciences de Pari>,
concluant à l'organisation d'un Etablissement interna-
tional, qui finalement a été créé et installé au Pavillon
de Creteuil.
Les opérations et les recherches de loute nature qui
s'y exécutent aujourd'hui sous l'habile et savante direi
tion de M. Benoit, ont une importance chaque joui
croissante, non seulement pour contribuer à la dilfu-
.sion du système métrique chez les peuples civilisés,
mais encore au point de vue purement scientifique pour
perfectionner le< mélhodes d'observation.
L'ouvrage de M. Guillaume olï're donc, à ce litre, nu
intérêt qui s'étend à toutes les branches des Sciences
expérimentales. A. Cornu,
Membre de r.\ca.l('niio des Scieii'.---
el du Bui'eiyf îles lionpitudcs.
l'roie^s.■>eur à l'KcoIe l'olvlechnique.
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
49
(■eschwînd (r.ucieii), Ini/ihiietir-C/iiuiisle. — Indus-
tries du Sulfate d'Aluminium, des Aluns et des
Sulfates de Fer. — 1 vol. iii-S" dp 3<i4 pages, avec
llto liqurrs^ ilp rKur\ ridjii'-die indiisIricJle. {Pri.x :
10 />■.') Oaiilliier-ViJhirs, cditeur. Paris, 1901.
Le livre de M. Geschwiiid est un ouvrage à la fois
tliéorique et pratique; pour le S|iécialiste qui s'occupe
des composés indusiriels du fer et de l'aluminium, il
conslitiie une petite bil)liotlièque riclie en renseigne-
ments de tout f,'enre sur la fabrication et les usafjes des
iiitéressanis produits dont il s'occupe.
La pariie tliéorique générale, très complète, formant
le prf'Uiier chapitre de l'ouvrage, ne vise naturellement
pas à l'originalité : mais elle rendra service à l'indusi riel,
qui n'a pas beaucoup de traités scientifiques sous la
main.
Le plus grand intérêt du volume ré'siile en ce que
l'auteur est liien réellement du métier. Dans les cha-
pitres techniques, il ne se borne pas à reproduire la
série des procédés que fournissent la biblio^rraphie et
les brevets, mais, dans beaucoup de cas, il cite des
ohservations personnelles et introduit des critiques que
lui a sufigérées son expérience. Nous ne sommes donc
pas là en présence d'une de ces œuvres quelconques,
compilées d'une manière plus on moins heureuse par
une personne étrangère à la matière, comme on en
rencontre malheureusement beaucoup trop dans la
littérature aujourd'hui.
Le passé et le présent- trouvent place dans l'ouvrage
de M. Geschwind. Il a pensé sans doute que, si les
aiiciens procé.lés n'ont plus d'utilité immédiate, il n'en
est pas moins intéressant de considérer l'évolution pro-
gressive d'une industrie, les modernes devant toujours
quelque chose à leurs'devanciers. En outre, les anciens
reparaissent fréquemment sur la scène, quand des
découvertes qui leur .«ont postérieures pemn-ttent
d'appliquer leurs Cdnceptions d'une manière plus proli-
tableet plus pratique. C'est dans cet ordre d'idées qu'on
lira avec intérêt ce qui concerne les anciennes pré-
jiaraiions des aluns, la fabrication de l'acide fumant
de Nordhausen,. qui sont sur le point d'entrer dans le
domaine des temps passés.
.le recommanderai surtout le livre de M. Geschwind
à ceu.x: qui cherchent des données numériques sur la
préparation des petits produits qu'il décrit; la deuxième
partie de l'ouvrage est riche en renseignements de celte
nature, non moins, d'ailleurs, que latroisième panie,
réservée aux applications des sulfates de fer et d'alu-
minium. Dans la quatrième partie enfin, l'analyste
Irouvera des procédés usuels pour l'examen des
matières que l'on rencontre dans ce genre d'industrie.
G. Arth,
Directeur de l'Institut chimique
de la Faculté des Sciences de N'ancy.
3° Sciences naturelles
riievalier (Au;.'.:. l'n-imrali'uiuiu Musniiii. — Mono-
graphie des Myricacées : Anatomie et histologie,
organographie, classification et description des
espèces, distribution géographique. [Tlwxe de la
Faculté des Svienres de l'ans). — 1 vol. in-»" de
•260 pages, avcr /dane/ies et cartes. Le Mnout, im-
primeur. Clierl/oiirg, l'JOl.
En 1898, M. Chevalier nous faisait connaître quelques
points de l'anatomie des .Myricacées et nous laissait
espérer une monographie complète de ce petit groupe
de plantes appartenant a la série des Amentacées. C'est
ce travail, interrompu par une longue et fructueuse ex-
pioralion dans l'Afrique occidentale française, que nous
présente aujourd'hui l'auteur.
De l'ensemble des caractères que fournit l'histoloaie
des diverses espèces des Myricacées, et dont l'exDOsé
constitue, avec l'historique, les premiers chapitres, il
nous faut retenir quelques particularités. — Racine.
>a. structure est normale. — Tige. Le cylindre li-
gneux forme un anneau complet, et le liber, protégé
BEVLE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 190Î.
par des arcs scléreux péricycliques, est composé de
plages crihlées alternant avec des plages de paren-
chyme. L'écorce ne renferme ni canaux sécréteurs ni
cellules sécrétrices, mais seulement quelques cellules
lanifères et oxalifères; le périderme est d'origine sous-
épidermique. — Feuille. L" système fasciculaire du
pétiole est en arc; les stomates sont répartis urriquement
â la face inférieure, épars ou localisés dans de^ cryptes,
enfoncés et protégés par o à 10 cellules épidermiques
rayonnantes. Le- poils lecteurs sont unicellulaires et
sclériflés; quant aux poils glanduleux, ils sont unicel-
lulairesouunisériés oulermuiéspar un massif sécréteur,
et, dansce cas, ils sont pédicellés et fréquemment siiués
au fond de cryptes produites par des invaginations de
l'épiderme.
L'inllorescence des Myricacées est une «rappc
simple ou rameuse avec des fleurs apérianlhées; l'ovaire
renferme un seul ovule orthotrope dépourvu de funi-
cule, et la fécondation est micropylaire. Le fruit est
variable et fournit les meilleurs caractères taxinomiques
de genres; c'est un al<i'ne chez les Coiiiptonia, une noix
chez les Gale et un fruil particulier chez les .l/v;/c.v,
présentant un endocarpe parenchymaleux plus ou
moins écrasé, un mésocarpe scléreux et un exocarpe
parenchymaloïde, pourvu d'un revêtement cireux ou
garni d'émergences.
L'une des particularités biologiques des plus inté-
ressantes de celle famille est la présence de tubercules
radicaux, sortes de petites excroissances coralloïdes
que l'on rencontre sur les racines ou parfois sur
les organes souterrains de bon nomhre d'espèces.
Ces productions, constantes chez le Gale palustris
d'Europe, sont occasiormées par l'action d'un cham-
pignon parasite voisin des Plasmodiophora, le Frankia
Briineliorsli Miill.
Ces tuberculoides sont, commechezles Légumineuses,
des racines arrêtées dans leur développemeni ; les uns
sont_ nroiiostéliques, les autres polysléliques; l'auteur
se réserve de poursuivre l'étude des relations de l'or-
ganisme producteur avec la plante nourricière. La
deuxième partie de la thèse de M. Chevalier est ré-
servée à la classification et à la description des espèces :
on y trouve exposée la morphologie externe et interne,
ainsi qrre l'aire de dispersion f;éogrHpliique de chaque
type ou variété. Nous y relevons les espèces nouvelles
suivantes : Gale japoiuca, .Myrica nana, avec les deux
variétés intégra et luxurians,' M. FJreoeana, niyrtilblia,
glabrissima, elliplica, comorensis, Fuiickii, ainsi que
plus de ?ix variétés ou hybrides non encore déci'its.
En résumé, la famille est nettement scindée en trois
genres : 1° le genre (Jale avec une seule espèce type, le
G. palustris, et trois sous-espèces secondaires;' 2° le
G. Comptonia, qui ne renferme de même qu'une seule
espèce, le G. pcregrina de l'Amérique du Nord, à fruit
protégé par une sorte de cupule provenant des deux
bractéoles; .'i" le genre Myrica, avec cinquante et une
espèces africaines ou américaines. Le Gale palustris, à
lui seul, possède une aire de dispersion plus étendue
que celle de toutes les autres espèces. Cette plante, le
Comptonia et quelques Myrica sorrt seuls hygrnphiles;
ajoutons que l'on ne rencontre aucune Myricacée erî
Australie ni dans les îles de l'Océanie.
Comme il est facile d'en juger par cette courte
analyse, le travail de M. Chevalier est une excellente
monographie dairs le sens le plus large du mot, et nous
le félrcilong bien sincèremeirl de s'être adressé aussi
bien à l'orgairogénie qu'à l'analomie pour établir sa
classificalioi;; il faut avouer cependairt que l'analomie,
chez des espèces mal fixées, fournil des caractères d'une
bien faible importarrce laxinomique.
11 semble qu'on ne puisse adresser à l'auteur de cette
monographie qu'urre seule critique : c'est d'avoir p-ché
par excès de modestie en ne faisant pas ressortir d'une
façon suffisante les faits nouveaux rois en lumière par
ses patientes et minutieuses recherches et en obligeant
le lecteur à parcourir la brochure en entier pour
découvrir les espèces et les variétés créées par lui. Celle
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
])i-emière piililicatioii nous fait cepenilanl hipn augurer
Je l'avenir, el nous voulons terminer ainsi, eu expri-
mant le souhait d'un prompt retour au jeune explo-
rateur sur le point de repartir pour ces ré^;!ons encore
inexplorées du Tihad; il y fera, do nouveau, une ample
moisson et puisera largement dans les richesses bota-
niques du continent noir pour enrichir la Sc;i>nce de
matériaux encore inconnus, d'observations inédites et
de travaux personnels des plus intéressants.
Emu.e Pehrot,
Docteur es sciences,
Apropé, Gliariré do Cours
à l'Kcole Supériouro de Pharmacie do Paris.
Vis'icr (D' Pierre), Préparalriir-mljoiiil d'Histologie ù
iii Fnriilip lie Mf'flpciiip ilc l'nri.i. — Le Nucléole.
Morphologie, Physiologie. — 1 vol. iii-8" de
ii't jiiiiji's, avec lii/ure^ dans le texte, {fri.x ; 4 /'/•.)
Carré ft Naud, vditours. l'avis, 1001.
Ce travail sur le nucléole, « cet organe en appa-
rence si simple et si minime dans le complexus cellu-
laire », est loin d'être inutile. Plus petites et plus
simplfs en apparence sont les choses, plus elles sont
difficiles à comprendre, et plus il y a d'auteurs accourus
pour s'en disputer l'interprétalion et d'opinions con-
tradictoires produites. Tel est le cas du nucléole.
M. Vigier a donc droit à la reconnaissance des cher-
cheurs, pour avoir mis de l'ordre dans la question de la
morphologie et de la physiologie du nucléole, si
embrouillée el bibliographiquement si encombrée. Il a
l'ait (lu nucléole une bibliogra-phie très étendue, qu'il
déclare n'avoir pas voulu faire complète pour éviter de
la rendre inutile et fastidieuse, et pour demeurer clair.
Nous nous permettrons, cependant, de remarquer à ce
sujet que, dans une question bibliographique, la clarté,
si elle n'est obtenue que par des suppressions inten-
tionnelles, est artificielle et presque criminelle, puis-
qu'elle supprime, en efîel, des existences scientifiques,
faits constatés ou opinions exprimées.
Ce travail a pour point de départ des recherches
originales de l'auteur sur le mécanisme histologique
de la sécrétion, en particulier dans les glandes à venin
du Triton. Parmi les conclusions les plus importantes,
citons les suivantes :
Les nucléoles sont souvent creusés de vacuoles; — les
nucléoles accessoires proviennent vraisemblablement
du nucléole principal; — les nucléoles sont dus, sans
doute, à une différenciation du réseau chromatique ; ^
le rôle du nucléole est encore problématique; il est,
sans doute, un organe actif du noyau au repos, intéressé
dans l'élaboration des produits de la cellule.
Le travail de M. Vigier nous donne un résumé utile
et déjà très complet d'une question cytologique inté-
ressante, et sera lu avec fruit.
k. Pre.na.nt,
Professeur :■! l'Université do Nancy.
Ferronuièi'c (C). — Etudes biologiques sur les
zones supralittorales de la Loire - Inférieure.
(h'.xinni du liullctin dp la Société des Sciences Natu-
relles de l'Ouest de la France). — 1 vol. in-H" de i'ài
pmjes, livre Jigiircs el planches. Seerétariat du
Muséum d'Histoire naturelle, Aantes, 1901.
Après avoir défini la concurrence vitale dans les
milieux aériens, d'eau douce, marins, d'eaux sursalées,
M. Ferronnière étudie l'influence de ces milieux prin-
cipalement sur les Vers, parce que ce groupe compte
des représentants du type nageur errant et sessile.
L'auteur étudie la faune des localités immergées d't-au
stagnante, à salure constante ou variable, à eau de mer
vive ou courante, à dessèchement interniitlent el celle
des lieux plus ou moins éclairés ou abrités, etc.; il
conclut que ces condiiions modifient la zone comme
étendue et comme faune.
Il décrk la ijrandi' cote du Croisic, à rochers verti-
caux el battus par les vagues. Les animaux marins ont
• tendance ici à remonter à un niveau plus élevé qu'ail-
leurs. Celte zone supralittorale se trouve donc réduits
à une bande l'-troite où se rencontrent les espèces
marines les moins exigeantes et quelques espèces ter-
restres capables de su|iporter l'eau de mer quelques
instants. La zone des roches abruptes est donc très
réduite, mais c'est le contraire pour la zone des rochers
à pente faible. L'élude des jjiares supralittorales mon-
tre qu'il s'y produit un triage d'espèces causé par le
changement multiple de salure ou la résistance à la
des-iccation; de plus, la concurrence vitale isole en
quelques milieux défavorables des espèces disparues
ou devenues rares aux endroits bien situés, oij plusieurs
autres espèces mieux armées s'opposent à leur déve-
loppement. li:n résumé, les êtres qui vivent dans ces
mares appartiennent à des formes résistantes, parfois
chassées du milieu normal et transformées paria nou-
velle vie et nettement acclimatées à elle.
La grande quantité de vase dans les golfes profonds,
comme le traiet du Croisic, n'est pas la seule cause de
l'appauvrissement de leur faune; il faut y ajouter les
changements de salure et surtout le grand calme des
eaux, si défavorable à l'aération de ce milieu. La
sélection d'espèces formant la faune sursalée des
marais salants du Croisic se renouvelle à chaque prin-
temps, au moment où la sursalure commence à se faire
sentir. La caractéristique des eaux saumAtres el dou-
ces est leur variabilité extrême de salure (par la pluie,
l'évapoiation. etc.). Là encore s'opère une sélection
analogue à celle de la zone supralittorale.
Dans les eaux courantes où les transitions existent,
la faune saumatie plon^je, repoussée par l'eau douce
qui surnage, el parfois quelques espèces marines s'accli-
matent à des salures très réduites; M. Ferronnière cite
lé cas d'un Psanimoryctes transformé en Polodrilus (".')
très typique. Nous ferons remarquer que ce fait pren-
drait plus d'importance si M. Ferronnière avait observé
des formes de passage. L'élude de certaines familles
nous a paru ici un peu rudimentaire ; les Hirudinécs
en particulier, sont laissées de côté.
Dans une deuxième partie, l'auteur lente de repro-
duire expérimentalement les changements de milieu et
les conséquences qui en découlent. La résistance à
la dessiccation (que M.Giard a si bien nommée auhydro-
liiose) est variable pour certaines espèces très rappro-
chées. En mentionnant certains cas d'adaptation avec
modifications anatomiques, M. Ferronnière discute
certaines conclusions d'un travail que nous avons
publié en 1897. Or, nous n'avons jamais dit que la
queue des Lombrics habitant la terre dure prend une
forme aplatie, tandis que celle des Lombrics à vie aqua-
tique prend une forme cylindrique. Nous nous soni-
mes, au contraire, borné à constater que les Vers caiiali-
sateurs, vivant dans des terrains frais el peu humide^,
possèdent une queue aplatie, présentant ainsi uin'
surface d'appui plus étendue dans le sens transversal
el, par conséquent, une puissance dynamique plus con-
siilérable dans le sens longitudinal. C'est donc la fom -
lion locomotrice et non le milieu ambiant qui a trans-
formé la forme primitive de la partie caudale de ces Vei ^.
Ln résumé, nous dirons que la partie caudale des Vers
sédentaires pourra être polyédrique, mais jamais aplati.'
comme celle des Vers canalisateurs. M. Ferronnièn"
ajoute (|ue Ihs Alluvus prennent une forme cylindriqur
lorsqu'on les fait vivre dans le sable mouillé. Ce fait cor-
rotiore au contraire nos conclusions, c&vXesAllurus sont
des Lomhricides absolument sédentaires, non migra-
teurs. .\u reste, leur anatomie musculaire, celle de la jiar-
tle caudale de l'intestin en croix de Saiiit-,\iidré, que
nous avons décrite en 1900, s'opposent à ce que CfS Vi-is
prennent une forme aplatie. Quant à l'influence de la
vie aquatique sur la disparition du clitellum, M. Ferron-
nière menlMiiine qu'il eslarrivéaux mêmes conclusions
que nous. Suit une élude intéressante sur rintlueiice
du passage de l'eau de mer à l'eau douce sur quelques
animaux. Le protoplasme reçoit d'abord l'eau, puis il
cède une partie de ses sels. Cette acclimatation est rare
chez les Poly diètes ; elle l'est moins chez les Oligocliètes
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
ol
Plusieurs auteurs ont r-tudié la ri!-sistaiice qu'ont cer-
tains animaux d'eau de mer lorsqu'on les plonge dans
de l'eau sursalée. Jl. Ferronnière étudie leurs conclu-
sions en élargissant beaucoup le champ des expériences.
Il constate que les espèces qui résistent à l'eau sursa-
lée sont aussi les mêmes qui résistent à l'eau douce ; et
ce sont précisément celles qui. par leur habitat, ont été
habituées aux changements de salure; en un mot, ce
sont les animaux supraliltoraux. \)« là vient cette sin-
gulière anomalie entre le faciès des eaux saumàtres et
celui des eaux sursalées. L'auteur termine par une
élude sur l'inlluence de la lumière sur certaines
espèces.
En résumé, un animal réagit toujours lorsqu'il y a
manque d'équilibre entre lui-même et le milieu
ambiant ; s'il peut résister, il parvient à un nouvel étal
d'équilibre et il se modifie. Plus le milieu change
fréquemment, plus l'animal devient mieux armé pour
résister aux changements de n'importe quel ordre. Ces
caractères acquis par adaptation sont plus ou moins
héréditaires. Enfin, il existe aussi certaines espèces qui
ne se modifient pas, tout en s'acclimatant; d'autres
perdent des organes inutiles, ou s'enkystent.
La mort immédiate, l'au'otoraie, les contractions
violentes, les tactisraes, les tropismes, l'exagération
des fonctions, les modifications de formes, l'acclima-
tation finale sans modification, tels sont, en résumé,
les résultats qu'a obteuus M. Ferronnière en reprodui-
sant expérimentalement les conditions de vie normale
constatées dans la première partie de cet intéressant
ouvrage, qui jette un jour nouveau sur l'évdlution bio-
logique des Vers supralittoraux.
E. DE RlBALCOURT,
Pri.-pariTleur à la Faculté des Scienccs'dp Paris.
4° Sciences médicales
Harteiiberg' (D' Pauli. — La Névrose d'angoisse. —
1 vol. iii-H" (le 82 pnges {Pri.x : 2 fr.) Félix Alcan,
éditeur, /'ac/s. Ii.t02.
Le travail de M. llartenberg est un éloquent plaidoyer
pour réclamer droit de cité dans la science neurolo-
gique en laveur d'une forme névropathique nouvelle, la
névi^ose iF angoisse.
1" La névrose d'angoisse, proposée eu 1893 par Freud,
de Vienne, comme type morbide autonome et distinct
de la neurasthénie, est caractérisée, dans sa forme
pure, par les symptômes suivants :
a) Sutexcitalion nerveuse générale; b) Etat d'an-
goisse chronique du « attente anxieuse « ; c) Accès
d'angoisse aiguë paroxystique, avec dyspnée, palpita-
tions, sueurs profuses, etc.; d) Equivalents de la crise
d'angoisse et crises rudimentaires, tels que : troubles
cardiaques, troubles respiratoires, troubles digestifs,
vertiges, paresthésies, phénomènes musculaires, phé-
nomènes sécrétoires, phénomènes congestifs, troubles
uiinaires, variations de la nutrition générale, etc.:
e) l'Iiohies et oljsessions.
De tous ces symptômes, le plus constant et le plus
significaiif est l'angoisse. Les désordres fonctionnels
sont plus ou moins variables, s'associent diversement
entre eux et peuvent se remplacer les uns les autres.
Les phobies se développent à la faveur de l'angoisse, et
leur objet, qui n'est que la forme intellectuelle dans
laquelle l'angoisse se justifie, dépend uniquement du
hasard des circonstances.
2" D'après Freud, la névrose d'angoisse aurait une
origine exclusivement sexuelle, et serait due à des
excitations sexuelles insatisfaites, comme dans le cas
d'excitation fruste des fiancés, du coït réservé et inter-
rompu, de l'impuissance relative, de l'abstinence volon-
taire, de la masturbation habituelle, etc. Mais, tout en
reconnai>sant que ces causes déterminent effeclivement
la névrose d'angoisse, on peut penser qu'elles ne seront
pas seules à la produire, et que toute fatigue, tout sur-
menage, lout é[iuiiement. toul traumatisme du s\ >tènie
nerveux viscéral est également susceptible de la provo-
quer.
.3° En effet, d'après l'étiologie et les sympi ornes cli-
niques, consistant en désordres circulatoires, vaso-
moteurs et viscéraux, on peut supposer que la névrose
d'angoisse a pour siège le système nerveux sympa-
thique. Elle exprimerait une fatigue, un épuisement du
sympathique, comme la neurasthénie vraie traduit la
fatigue du système céréliro-spinal. Il paraît donc légi-
time de séparer la névrose d'angoisse, maladie du sym-
pathique, caractérisée par l'angoisse, de la neuras-
thénie, maladie du système cérébro-spinal, caractérisée
par l'asthénie. Toutefois, comme, dans la vie, les causes
de surmenage de l'un et île l'niiire svstèmes se len-
contrent fréquemment associées, il est naluiel que l'on
rencontre aussi le< symptômes de la névrosi' d'an;.'oisse
et de la neurasthénie associés dans des formes mixtes.
4" Le terme de névrose d'angoisse paraît utile pour
différencier de la neurasthénie, dont la compréhension
devient trop large, un groupe naturel de symptômes
représentant « une maladie primitive de l'émotivité »,
qui constitue le terrain d'élection pour le développement
des phobies. Son mécanisme pathogénique éclaire, en
outre, singulièrement la psychologie des peurs morbides,
et apporte une démonstration clinique éloquente en
faveur de la doctrine de la priorité de la vie affective
dans la constitution des phobies et des obsessions.
0" Le traitement s'attaque aux désordres somatiques
par les moyens ordinaires de la thérapeutique ner-
veuse : hygiène, repos, isolement, hydrothérapie, élec-
trothérapie, calmants (opium), traitements locaux, etc.
Les troubles psychiques, les phobies, rebelles le plus
souvent à la suggestion hypnotique ou vigile, seront
conibaltus avec succès par la méthode des exercices
d'accoutumance répétés par le malade à son insu, sous
la direction immédiate du médecin.
Telles sont les conclusions de ce sérieux travail, hien
documenté et bien construit, dont les idées nouvelles
et les points de vue originaux méritent de retenir l'at-
tention de tous les chercheurs qui s'intéressent aux
progrès de la Neurologie. J. D.
5° Sciences diverses
Choublîer et DeUolvé. — Conférences du Groupe
français de l'Ecole internationale des Expositions,
àrExposition universelle de 1900, uvrcunr Letlrc-
/ind'aci- ilr M. Lko.n Iîoirgeois, l'rr-.iili'iit de l'Ecole
internationale îles Expositions. — 1 vol. in-H" de
XXIX-S67 paqes. Arthur Rousseau, éditeur. Paris,
1001.
On connaît celte grande École internationale, qui a
fonctionné, en 1900, pendant l'Exposition.
Les secrétaires du Groupe français ont pensé qu'il y
avait intérêt à publier certaines des Conférences don-
nées à l'Ecole, et ainsi est né le présent volume.
Parmi les leçons faites, nous relèverons principa-
lement les suivantes, qui ont trait à la Science et à
l'Industrie :
L'Eclairage électrique à l'Exposition, par M. Bai-
gnières; les Récents développements de l'Industrie des
alcools, par M. Barbet; les Fers et les Aciers, par
M. Block ; la Fabrication de la Céramique, par M. de
Blottefière; le Traitement des minerais d'or au Trans-
vaal, par M. Bousquet; l'Histoire de l'Imprimerie en
France, par M. Christian; les grandes Industries chi-
miques à l'Exposition (sept conférences), par .M. L.
Guillet; les Progrès de l'Industrie houillère dans le
siècle, par M. E. Gruner; le Traitement des métaux,
par M. Janneta-',; les Moyens de transport, par M. >Ii-
chotte et par M. Pillon; la fabrication des Lampes ;'i
incandescence et la Verrerie à l'Exposition, par M. Paul
Séguy; la Photographie appliquée à l'illustration du
livre, par M. Vidal; le Soudan français, par M. (iidel;
les Slaves des Balkans, par M. A. Malet; la Cultnreindus-
tiielle du Nord, par M. Lefèvre, etc., etc..
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADEMIE DES SCIEiNCES DE PARIS
Séaitre (lu iù Di'ccuilirc 1001.
Séance publique annuelle pour 1901. M. F. Fouqué
rappelle le nom des membres de l'Académie décédés
pendant l'année et résume leurs travaux. — M. le Se-
crétaire perpétuel proclame ensuite le nom des lauréats
des prix de l'Académie en 11)01. — M. G. Darboux lit
l'éloge historique de Joseph Bertrand.
Séance du 23 Décembre 1901.
■)" Sciences mathématiques. — M. Em. Picard présente
quelques remarques sur la nature des périodes des inté-
grales doubles. — M. A. Pellet communique la suite
de ses recherches sur le calcul des racines réelles des
équations. — M. Riquier étudie le calcul par chemine-
ment des intégrales de certains .systèmes différentiels.
— M. R. Perrin est parvenu, à l'aide de considérations
géométriques élémentaires, à résoudre, par des for-
mules simples, tous les problèmes qui se rattachent à
la recherche, à la séparation et au calcul par approxi-
malions successives des racines réelles des équations
numériques. — M. Edm. Maillet étudie les cas où les
nombres e et ;: et leurs puissances rationnelles ne
peuvent être racines d'équations. — .M. R. de Saussure
cherche le mouvement le plus général d'un corps solide
qui possède deux degrés de liberté autour d'un point
lixe. Il montre que le coiironoïde joue, dans les mouve-
ments à deux degrés de liberté autour d'un point fixe,
le même rôle que la couronne, c'esi-à-dire la rotation,
dans le mouvemi-nt à un degré de liberté. — M. G. Bi-
gourdan a retrouvé des Notes de Uelambre indiquant
les corrections à apporter aux angles azimutaux trouvés
par Méchain dans sa mesure delà méridienne de France.
La plupart des angles sont ainsi sensiblement améliorés.
— M. A. de la Baume-Pluvinel l'ait connaître le résul-
tat de ses observations de l'éclipsé annulaire de Soleil
du 11 décembre au Caire. L'état du ciel n'a pas gêné
les observations spectroscopiques,mais a nui aux essais
de photographie de la couronne. Le spectre très précis
de la lumière solaire rasant le bord de la Lune n'a pas
décelé de phénomènes d'absorption attribuables à la
présence d'une alinos|;ihère lunaire, même très rare.
Ce résultat paraît décisif.
2" Sciences physiques. — M. E. Carvallo remplace
les énoncés de Maxwell par les trois lois suivantes, qui
sont, toutefois, implicitement contenues dans ses for-
mules : 1'' Un élément conducteur non magnétique, où
le couraiil esl /j et le champ m;ignétique a, subit une
force éleclrodynamique lepréseulée par le vecteur
[// aj. 2° Un élément conducteur, non magnétique et
en mouvemcni, où la vitesse esl a' et le champ a, est
le siège d'une force électromotrice d'induction repré-
sentée jiar le vecteur j a'» . W" La force électroniulrice
d'induction dans un contoui' fermé est la somme de
deux termes : d'une part l'intégrale du vecteur ,|A'a| le
long du contour, d'autre part la dérivée changée de
signe du llux de l'induction ina;.'iiétique h qui tiaverse
le contour supposé lixe. — M. J. Thovert indique une
nouvelle méthode pour l'étude de la dill'usion. Elle con-
siste à mesurer la déviation d'un rayon lumineux tra-
versant les milieux diffusants, déviation qui est sensi-
blement proportionnelle M la déiivée île la concentration.
— M. H. Pcllat si;;nah'qu(li|ues phénomènes nouveaux
qu'il a obseivi's dans dc's tubes de (ieissler placés dans
un champ magnétique. — M. P. Compan a di'tenniné
à nouveau le pnuvorr refroidissant et la conductibililé
de l'air. Le facteur de refroidissement du à l'air est,
d'après Dulong et Petit, donné par l'expres-^ion np'!''./'
''tant la pre.-sion, 1 1 excès de température du corps sur
l'enceinte et /; une Constantin pour un même corp^.
L'auteur a trouvé que h= 1,232 et c ^ 0,43 pour toutes
les pressions supérieures à IS millimètres. Au-dessous,
ces valeurs augmentent. La conductibilité de l'air à 0°
est de 0,0000479 et son coefficient de températui-e de
0,00130. — M. B. Brunhes a observé plusieurs fois, à
l'Observatoire du Puy de Dôme, le phénomène di-s cou-
ronnes antisolaires ou du spectre de Brocken. Le dia-
mètre des couronnes varie avec le temps. — M. Debu-
raux expose un projet de traversée du Sahara par un
ballon non monté, pourvu d'un équilibreur et de déles-
leurs automatiques, ainsi que d'instruments enregis-
treurs. La constance des vents alises d'octobre à avril
lui permettrait d'effectuer sa traversée en cinq jours.
— M. L. Baudin a employé l'élher de pétrole léger,
de densité 0,tl47 à -|- lb°, pour un thermomètre destiné
aux basses températures. Cette substance ne s'est pas
congelée dans l'air liquide. — M. A. Colaon a déter-
miné les températures auxquelles diverses solutions se
diluentsans changer de tenipéi'ature. Ce sont : KCl 04", 'i ;
NaAzO' 116°; KAzO' 122°. — M. Guntz a obtenu le stron-
tium en chauU'ant très lentement son amalgame dans
le vide. Dans un courant d'hydrogène-, il se produit un
hydrure de formule SrH'. — M. G. Bailhaohe a cons-
taté qu'en dehors de l'oxyde bleu dérivé du binxyde de
molybdène et trouvé par M. (iuicbard, il existe toute
i une série d'oxydes bleus constitués comme les inidyb-
dales et n'en différant que par le remplacement du
métal par un radical composé tétratomique Mo'0% que
l'auteur désigne sous le nom de inolylnlyle. — M. M.
Descudé, en faisant réagir le chlorure de benzoyie sur
le trioxyméthylène, a obtenu le cblorobenzoate di-
méthylène, C"H^C00.CH-.C1, liquide incolore, bouillaiil
à 120-122° sous 12 millimètres, et le dibenzoate de mé-
thylène iCII'.COOi-CH-. Ce dernier, traité par ramnin-
niaque, donne léthylènedibenzamide. — M. A. 'Wahl a
constaté que toutes les aminés aromatiques primain-
donnent des hyposulfites normaux répondant à la loi
mule (l{AzH-j-H=5-0'. Ce sontdes corps bien cristallin s
et stables, peu solubles dans l'eau. Us se décomposent
par la chaleur suivant l'équation : (l{AzH^j''ll-S"0" z= 2
RAzH- + H'0 -I- SO'^-|-S. —M. E. E. Biaise a constaté
que les dérivés éthéro-organomagnésiensréagisseni sur
les nitriles en donnant des combinaisons qui sont de-
truites instantanément par l'eau avec production de
cétoiies. Cette réaclion est très générale et a lieu dans
la série cyclique comme dans la série grasse. — M. R.
Fosse montre que les xaiillièiies sont des bases san--
azote dans lesquelles l'.iwijrnr pnssède des propriéh-
basiques el doit être coiisid'i é- loninie tétravalent. Li-s
dérivés monolialogénés sont en quelque sorte des hypo-
chlorites de ces bases. — M. M. Guerbet, en chaullant
vers 230° les alcools propylique et butyliqiie normaux
avec leurs dérivés sodés respectifs, a obtenu les alcools
dipropylique et dibutylique. L'alcool dipropyliquo est
liquide et bout à 14S°; il possède la formule C'H'.CH-
(CH'J.CIPOH. — M. G. Bémont a étudié l'alcool amy-
lique de fermentation. 11 bout à 131° et donne par- oxy-
dation un acide valérique actif bouillant à n.ï°. qui
semble être le méthyléthylacétique. 11 ne pourrait con-
tenir que peu d'acide isopropylacétique. — M. A. Etard
indique une méthode de séparation de la leiicine et de
l'acide gliitainique dans les produits d'iiydrolyse des
protoplasmides. lille se base sur le fait que le chlnrhy-
draie de leiirine est très soluble, taudis que celui de
l'aiiile ;;lnlaniii]ue est d'une insulubilifé remarquable. —
M. G. Bertrand a reconnu que le bleuissement de cei-
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
oA
tains champignons est dû à l'oxydation d'un principe
qu'ils contiennent, le bolétol, oxyd.ilion qui n'a lieu
qu'en présence de laccase et d'un métal quelconque.
— M. G. André a étudié les variations de la matière
organique pendant la fierniinnlion.
;)" Sciences nati'belles. — M. F. Houssay a déter-
miné, chez la puule, l'influence du légiine Carnivore
sur l'excrétion et la variation du rein. L'urée excrétée
est pi es de trois t'ois plus abondante qu'avec le ré;;ime
du grain; on constate, en outre, l'apparition d'un peu
il'acide urique. Les reins ont gau'né en poids près d'un
tiers. — M. R. Cambier, en combinant convenablement
l'action de la soude et du sel marin, est arrivé à cons-
tituer de toutes pièces un bouillon qui permet, à l'aide
des cultures en bougies, de séparer à coup sûr le bacille
typhiaue d'un colibacille déterminé. — MM. Lambert
el. Heckel ont constaté que l'ibogine possède des pro-
)iriétés anesthésiantes comparables à celles de la co-
caïne. X dose élevée, elle détermine la mort par arrêt
du cœur. — M. R. Saint-Loup considère qu'il y a une
relation entre les phénomènes de multiplication cellu-
laire et la spécificité du milieu où les cellules évoluent.
Il indique une méthode qui permet de mesurer numéri-
quement les activités cytologiqucs. — M.M. P.-P. Dehé-
rain et E. Demoussy ont lait, sur le trètle, des expé-
liences qui fournissent deux exemples intéressants de
l'iiitluence qu'exercent sur les Légumineuses le iiiilieu
et Viiioculaiion. Le trèfle croit dans la terre de Bretagne
aussitôt qu'on apporte du calcaire et des phosphates,
c'est-à-dire aussitôt que le milieu devient favorable à
sa végétation ; il reste misérable, au contraire, dans la
terre de bruyère, malfjré la création d'un milieu favo-
rable, tant que la terre de jardin n'apporte pas les
bactéries efficaces. — M. E. Laurent a constaté que
l'additiiin de superphospluite slimu!e la production des
nodosités radicales chez le Pois, la Vesce velue et la
Vesce cultivée, et surtout chez le Lupin jaune. C'est le
contraire chez la Fève ; chez cette dernière, les engrais
azotés excitent la formation des nodosités, tandis qu'ils
la paralysent chez les autres Légumineuses étudiées.
— .M. J. Dumont a reconnu que le défaut de nitrifica-
tion des sols tourbeux a pour cause etiiciente un état
particulier de la matière azotée qui se trouve contenue
dans ces sortes de terres, et qui se traduit toujours par
un défaut absolu d'aramonisation. Cet état est une con-
séquence du manque de potasse active, puisqu'il suffit
d'incorporerau sol du carbonate de potasse pour rendre
l'humus iiilritiable en favorisant l'aciion des ferments
ammoniacaux. — .M. A. Jurie signale un nouveau cas
de variation de la vigne à la suite du greflage mixte. Ce
cas vient à l'appui des théories de M. .\rmand Gautier.
— -M. Ed. Gain a constaté que les graines de (^iraminées
présentent avec l'âge une altération graduelle de l'em-
bryon. 11 jaunit d'abord, puis subit un bruni-sement
noir rougeàtre, très apparenta l'œil nu. Il est déjà très
accentué au cummencement du second siècle. — M. L.
Petit a observé les globules réfringents du paren-
chyme chlorophyllien des feuilles, qu il appelle s/}li(-ni-
j lins. Ceux-ci existent, tantôt dans tous les genres d'une
même famille ou du moins dans la grande majorité;
I tantôt on ne les rencontre pas du tout ou dans quelques
: genres seulement. Ils se montrent surtout chez les
I familles supérieures. — M. A. GuiUermond a reconnu,
1 chez les Saccharomycètes, une fusion de deux cellules
sœurs s'unissant pour former un asque; cette fusion
1 s'accompagne d'une fusion nucléaire. C'est un cas
typique de icmiugaison par isogamie. — MM. L. Cayeux
el Ed. Ardaillon ont constaté que le Trias existe bien
j eu (iièce, comme l'a supposé M. Douvillé. Le grand
1 massif calcaire du Cheli, en .\rgolide, appartient en
l partie, sinon en totalité, au Trias supérieur et non au
I Tithonique. Il faut renoncer à faire ligurer le calcaire
du Cliéli parmi les preuves de la transgressivité du
1 Jurassique supérieur dans les région-* méditerra-
; néennes. — MM L. Bertrand et O. Menget présent^-nt
]■ qu.-lques observations sur le >yncliiial d'.\niélie-les-
Bains, qui modifient notablement les données fournies
sur cette région par M. Roussel. — M. L. de Launay
a étudié le décrochement quartzeux d'Evaux et Saint-
Maurice {t>euse). L'âge de cet accident, certainement
post-dinautien, semble d'autre part antérieur au Sté-
phanien. — .VI. E. Maury a découvert, aux environs de
Ponteleccia (Corse), une formation marine appai tenant
au Miocène et dont la faune diffère essentielement de
celles qui ont été signalées dans l'ile. — .M. E. Martel
si;;nale de nouveaux exemides de contamination des
résurgences (sour.-es vauclusiennes) des terrains cal-
caires en France, par suite du pouvoir tiltiaut nul ou
très faible des fissures de ces terrains.
Louis Bru.net.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 17 Décembre 1901.
Séance publique annuelle de 1901. — .M. E. 'Vallin
lit le Rapport général sur les prix décernés en 1901.
Puis M. le Président proclame les noms des lauréats.
Séance du 24 Décembre 1901.
M. le Président annonce le décès de Sir 'W. Mac-
Cormac, correspondant étranger, et de AL E. Ossian-
Bonnet, correspondant national. — L'Académie pro-
cède au renouvellement de son bureau pour 190-2.
M. Riche, vice-président en 1901, devient de droit pré-
sident pour 19(12. .M. Laneereaux est élu vice-pré-
sident. M. E. \''allin est maintenu, par acclamation,
secrétaire annuel. M.M. Hayem et Chauvel sont élus
membres du Conseil.
L'Académie procède à l'ouverture de deux plis cache-
tés, l'un contenant une note de M. G. Schneider sur
un parasite observé dans le sang de scailatineux, l'autre
renfermant une note de .M. E. Do3'en sur la présence
habituelle d'un microcoque dans les tumeurs épithé-
liales. — .M. A. Laveran présente un ra[iport sur la
prophylaxie du paludisme en Corse, all'eclion qui para-
lyse tout prnf,'rès dans ce pays. Il propo-e les trois me-
sures prophylactiques suivantes : Traiter énergiqueuient
par la quinine tous les mal.ides atieints de paludisme,
de façon à empêcher l'infection des Ana/iheles; détruii e
les moustiques, les Ano/ilielos en particulier; prendre
les mesures nécessaires pour protéger tous les indivi-
dus malades ou sains contre les piqûres de moustiques.
Comme conclusion, le rapporteur demande à l'.Académie
d'adopter le vœu suivant élaboré par la Commission :
" L'.Vcadéniie, considérant que l'usage de la quinine
a pris une importance aussi grande pour la prophylaxie
que pour le traitement des fièvres palustres, émet le
vœu que la vente des principaux sels de quinine soit
soumise, dans toutes les régions palustres de la France,
de la Corse et de nos colonies, à une législation spéciale
qui permette aux plus pauvres de se procurer p.nrlout
de la quinine de bonne qualité elà bon marché, comme
cela a lieu en Ilalie. » Ce vœu est adopté à l'uiianimilé.
— M S. Arloing a repris les expériences de M. R. Koch
sur la non-identité des tuberculoses humaine et animale
et est arrivé à des résultats absolument dilîérents. Pour
lui, la virulence du bacille de la tuberculose étant va-
riable et capable de s'adapter à certains organismes, il
n'est pas surprenant que le bacille humain puisse mani-
fester sur certains animaux moins d'activité que le ba-
cille de la tuberculose bovine; mais l'on peut trouver
et entretenir en cultures pures des bacilles humains
aptes à tuberculiser le b.xuf, le mouton et la chèvre. Si
l'on en trouvait d'incapables à. produire ce résultat, et
il en existe certainement, ils ne se rattacheraient pas
pour cela a une tuberculose absolument distincte. L'au-
teur persiste donc à admettre l'unité de la tuberculose
humaine et de la tuberculose animale à bacille de Koch
et recommande de maintenir les précautions édictées à
l'égard de la viande et du lait suspects de receler le
bacille de la tuberculose. — M. le D'' Roche lit une
note sur l'étiologie de l'entérite cholénforme. — M. le
D'' Hamy donne lecture d'un travail sur les déforma-
tions artificielles du thorax.
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
Séance du M Ih-rembrr 1901.
M. Brouardel présente un rapport sur le mémoire du
]}■■ Hamy relatif aux déformations du thorax. Il s'agit
du cas d'une femme qui avait porté les corps busqués
et baleinés qui furent à la mode pendant le troisième
quart du .Wlll' siècle. L'examen de son squelette pré-
sente une série d'allérations ayant eu pour résultat de
donner à la cage thoracique une forme spéciale, com-
parabl3 à celle d'un baril. — M. Panas fait un rap[)ort
sur un travail du L1' Dianoux, rflatil à l'énucléation et
à ses inconvénients chez Ifs enfants. Il y a substitué un
piocédé conservateur, qui consiste en une cautérisation
en forme d'étoile avec perforation au centre, puis
tatouage après cicatrisation. Le résultat obtenu est
excellent. — M. Larger donne lecture d'un mémoire
intitulé : Faits nouveaux relatifs à l'action de l'hérédité
etjde la dégénérescence en obstétrique.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 1 Décembre 1901.
M. Gr. Daremberg a observé qu'un sang normal,
après une heure de centrifugation, donne un sérum
aussi incolore que l'eau pure. — M. Ch. Féré a étudié
l'action de la pilocsnine sur le travail; plus la sécré-
tion provoquée pa" % pilocarpine est abondante, plus
le travail diminue rapidement et plus tôt arrive la
fatigue. — M. N. Gréhant a analysé l'air du Métropo-
politain; celui du souterrain est moins vicié que celui
des wagons. Dans ces derniers, la quantité de CO^ a
varié de 0,13 à 0,75 " o- — M.M. R. Lépine et Boulud
ont constaté, post mortem, la présence fréquente de
maltose dans le foie de chiens, même nourris exclusi-
vement de viande. — ,\I. A. Billet a observé la pré-
sence constante de l'hématozoaire de Laveran dans
tous les cas de paludisme de son service à l'Hôpital
militaire de Constanline. — M.VI. R. Anthony et J. Sal-'
mon ont fait l'étude anatomo-hi.-tologique de deux
monstres anidiens, et présentent quelques considéra-
tions sur la classiflcation des Omphalosites. — M. 'V.
Balthazard. a observé une augmentation de la léci-
tbine dans les foies d'oie gras. — MM. P. Nobécourt
et Sevin montrent que, chez l'enfant, le ferment amy-
lolytique apparaît d'une façon précoce dans le sérum,
et peut être, dès le premier mois, aussi actif que chez
l'adulte. — M. J. JoUy a constaté que les myélocytes
(lu sang, dans la leucémie, ne sont pas des cellules
mortes ou dégénérées, ni des leucocytes hypertrophiés
ou transformés. Ce sont des cellules spéciales, vivantes
et mobiles. — MM. E. Cassaet et G. Saux établissent
que des substances toxiques peuvent se développer du
fait de la digestion des viandes; elles ont une spécdîcité
bien déterminée et ne sont nullement artilicielles.
Elles proviennent des transformations subies par les
albuminoïdes. — M. F. Arloing a reconnu qu'admi-
nistré par la voie veineuse en même temps qu'une cul-
ture tuberculinène, le sérum aiitituberculineux se
montre impuissant à développer une action thérapeu-
tique quelconque vis-à-vis de l'infection tuberculeuse,
même avee des bacilles alléiiués. Dans certains cas
fréquents, il favorise plutôt l'extension de la tubercu-
lose. Une longue impiégnalion par le sérum ne confère
à l'économie aucune qualité lui permettant de résister
à l'inoculation inlra-veineuse tlu bacille de Koch. —
MM. Ch. Achard. et A. Clerc ont constaté que la liga-
ture du pi'dicule rénal est suivie d'une augmentation
notable du pouvoir amylolytiquc du sérum sanguin. —
M. C. Phisalix a étudié l'action physiologique de l'ibo-
gaïne. ICIle peut être rangée parmi les agents modilica-
leurs du système nerveux. A faible dose, elle produit
une légère ébriété; à doses plus fortes, il se produit
une véritable ivresse hallucinatoire avec parésie et
incoordination des mouvements. A dose excessive, la
respiration est atteinte, les muscles se paralysent,
l'animal meurt dans le collapsus et l'algidité.
SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES
Séance du 13 Décembre 1901.
M. T. R. Lyle montre que l'action magnétique
d'une bobine quelconque peut être remplacée par celle
d'un ou plusieurs circuits hiamentaires dans lesquels
circulent des courants en relation simple avec le cou-"
rant de la bobine. 11 indique une méthode qui permet
de calculer le rayon des filaments circulaijes et leur
distance suivant les dimensions axiales et radiales des
bobines. — MM. E. H. Barton et S. C. Laws ont
étudié le rôle de la pression de l'air dans les instru-
ments de musique en cuivre. On sait que la note
donnée par un de ces instruments est produite par
l'emploi simultané du mécanisme et de l'embouchure
correspondante où l'air sort à une pression convenable.
Les expériences faites sur le trombone ténor, la trom-
pette et le cornet ont mis en lumière les points sui- •
vants : 1" Toutes choses étant égales, plus la note est
forte, plus la pression de l'air est élevée ; i" Plus la
note jouée sur un instrument donné est haute, plus la
pression de l'air est grande ; 3° Les courbes formées en
portant en abscisses les logarithmes des fréquences
des notes et en ordonnées les pressions sont des lignes
droites; 4° La pression de l'air nécessaire pour donner
une note avec une intensité donnée est approximative-
ment proportionnelle à sa hauteur définie par son loga-
rithme; 5° Là où des positions alternatives des doigts
sont utilisées pour une même note, les pressions sont
pratiquement les mêmes; 6" Les pressions pour des
notes identiques sur la trompette et le cornet sont
presque les mêmes pour une intensité donnée, mais
beaucoup moindres que pour les mêmes notes sur le
trombone ; 7' Les pressions nécessaires pour des notes
basses et fortes peuvent excéder celles des notes hautes
et douces. M. D. J. Blaikley a fait des expériences
sur le même sujet qui l'un conduit à des conclusions
analogues. Toutefois, il a con.-taté que, si l'intensité
est réduite au minimum possible pour chaque note
d'une série donnée, les pressions minima sont directe-
ment proportionnelles aux fréquences et non à leurs
logarithmes. La pression minimum à laquelle une note
peut être produite paraît dépendre seulement de .sa
hauteur absolue et non de la place de la note, de l'ins-
trument employé et du calibre de l'instrument. — .
M. E. B. H. 'Wade décrit une nouvelle méthode hygro-
métrique. Dans cette méthode, le thermomètre est
mouillé, non avec de l'eau, mais avec de l'acide sulfu-
rique de concentration telle que la température de la
boule acide soit celle d'une boule sèche. La tension
maximum de l'acide à toute température est connue
d'après les tables île Regiiault. Deu.x ou trois détermi-
nations avec cet instrument et avec un hygromètre sec
et mouillé en même temps permettent de déterminer
les cofistanles des deux instruments. L'expérience
montre que les lectures de l'instrument ne sont pas
affectées par la ventilation.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
Séance du 21 Novembre 1901.
M. H. -P. Stevens a obtenu le chlorhydrate de thio-
carbamide CSAz'H'HCl en dissolvant la thiocarbamide
dans un excès d'HCl concentré chaud; il cristallise en
prismes, fondant avec décomposition au-dessous de 100 ',
solubles dans l'eau et l'alcool. La méthode de Glutz
donne un produit très impur. — .MM. F.-B. Power et
F. -H. Lees ont trouvé, dans l'huile essentielle d'Astinnn
cniindcnsc. les constituants suivants ; 1° un phéiiid
C°II''0-; 2" un pinène; lî" du rf-linalol; 4" du /-bornéul :
"t" du /-terinnéol ; 6" du géraniol; 7" du méthyleugénol ;
8" une huile bleue, bouillant au-dessus de iGO" et cons-
tituée par des coni|)osés oxygénés de nature alcooliqui' ;
9° une lactoiie (;"ir-"0'; 10" de l'acide palmitique ;
11" de l'acide acétique; 12° un mélange d'acides gra;-
C"H'-'0' à C'-IP'O". La quantité de méthyleugénol, détei-
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
miiiOe par la méthode de Zeisol, est de 36,0 » „ ; la
quantité d'élhers, d'environ 27,") "/o; la quantité d'alcools
libres, de t3,3 ". o; la quantilé de piiiène n'est guère que
de 2 » o. — M. H.-C.-H. Carpenter a étudié l'oxydation
de l'acide sulfureux en acide diihinnique par les oxydes
métalliques; il a obtenu les résultats suivants :
ACIDE DITHIO- SIÎLPATK
OXTPES HYDRATÉS NIQUE */„ "/o
Kerrique 96,06-96.23 Non déterminé
Manganique 75, 52-74,33 2.ï,42
Coballique 36,97-35,07 63,80-63,33
Nickelique 101,4
I.e rendement en acide dithionique est d'autant plus
élevé qu'il faut une plus grande quantité d'énergie pour
réduire l'oxyde hydraté. La production de sulfate pro-
vient de la décomposition de l'acide dithionique en
acide sulfurique et S0-. M. Carpenter n'a pas obtenu
d'acide dithionique en réduisant les peroxydes de
plomb et de baryum par l'acide sulfureux. — M. A. Mc-
Kenzie a résolu l'acide P-hydroxybutyrique inactif
(préparé en réduisant l'éther acétoacétique par l'amal-
game de sodium) au moyen de la quinine avec l'eau
comme solvant. Par cristallisai ion, on obtient le sel
neutre ^acide-y-quinine, cristallisant avec 4 I 2 H-O ;
^a'';;' = — 129", 9. L'acide /-hydroxybutyrique lui-même
donne [aj 'p= — 24°, 9. M. Mc-Kenzie a préparé un peu
de cet acide au moyen dé l'urine diabétique pai la
méthode de .Magnus-Levy ; il a obtenu les mêmes cons-
tantes. — MM. J.-B. Cohen et H.-D. Dakin, en rédui-
sant le 1:3: o-trinitrobenzène et le 2 : 4 : 6-trinitroto-
luéue. par H-S en solution alcoolique, ont obtenu les
diiiitrohydroxylaniines correspondantes. Ces dernières,
par l'action de HCl, perdent de l'oxygène et donnent
les diniiroamines correspondantes. — MM. 'W.-A.
Bone et C.-H.-G. Sprankling ont préparé les cyano-
(ricarballylates d'éthyle à partir des acides succiniques
par deux méthodes : 1° action des cyanosuccinales
d'éthyle sodés sur les éthers des acides gras œ-hromés;
2" action des monobroinosuccinates d'éthyle sur le sodio-
cyanacétate d'éthyle. Des deux méthodes, la première
est plus générale et préférable. Les auteurs ont obtenu
les acides suivants :
POINT CONSTANTE
ACIDES de fusion de dissociation
Ac. tricarballylique lb7M59'' 0,022
- a-méthyltricarballyUque . j ^ ^3 ™;,„ ^'^
ni) 206O-207O 0,4050
— ao:,-diméthyl — .\:-2] 174» 0,0515
( (3) 143» 0,0572
— aa-diiuéthyl — . * 143» 0,0318
- «..-diisopropyl - .jl^) ^Z Olloi
Les éthers monométhyliques des acides tricarballylique
et aa-diméthyltricarballylique ont été préparés par
trois méthodes : 1» éthéritication directe partielle des
acides; 2° hydrolyse partielle des éthers triméthy-
liques; 3" solution des anhydro-acides dans l'alcool
métliylique. Les constantes de dissociation des pro-
duiis obtenus montrent que les éthers obtenus par la
première méthode ont probablement les formules
CH= C(I=H .CH CO»H).CH«(CO'CH^) et (CH»)^C(CO=H).CH
(CO'Hi.('.H-(CO-ClPi, tandis que les éthers obtenus par
les deux autres méthodes ont la formule CH-iCO=H).CH
(CO'CH' .CH' CO-Hi. L'anhydro-acide a donc la consti-
tution :
cn-.co-ii
\<
CH=.Co/
,, ,~ ^''^'- ^--A-- Tilden et H. Burrows out poursuivi
1 étude de la limetliue. Klie dninie un composé dibromé,
qui, traité par la potasse, fournit un acide C"H'0=Br;
l'action prolongée de la potasse ne peut éliminer le
second atome de brome. Comme la dibromocoumarine
se comporte de la même façon, il est probable que la
dibromolimettine possède la constitution :
(CH=0)=C'llIir
^CH:CBr
I
■-0 — co.
L'action de la potasse donne un acide coumarilique :
(:lPO)°-C«IIBr/ ^C.G(r-ll.
— MM. H.-E. Armstrong et T. M. Lowry ont obtenu,
par la nitralion de l'x^-dibromocamphre, outre l'aV
dibromonitrncamphre , l'acide .3-bromocamphoriqùe
C"H'^Br,C()-Hi% fondant à 208"-210". 11 se forme encore
un tribromocamphre C"'H"Br^O, fondant à 06». Par
réduction de l'ap-dibromonitrocamphre, on obtient le
p-bromonitrocamphre, fondant à 112». On obtient aussi
des dérivés ^-bromes du camphre en décomposant par
la chaleur les sulfobromures dérivés des acides de
Keychler.
S0C1I:TIÏ ALLEMANDE DE PHYSIQUE
Séance du 29 .Xovrmhre 1901.
M. E. Goldstein étudie quelques actions réversibles
de la lumière. On sait que le chlorure d'argent, exposé
à l'inlluence de la lumière solaire dans un tube scellé,
noircit peu à peu, mais que, placé à l'obscurité, il
redevient blanc au bout d'un certain temps, à la suite
de la réabsorption du chlore dégagé. Cette régénération
peut se produire, dans certaines circonstances, sous
l'influence de la lumière même. .M. (iobistein a provoqué
le noircisseineiit d'une masse de bromure d'argent gra-
nulé ou en poudre en l'exposant plusieurs fuis à l'in-
fluence d'un faisceau puissant de rayons cathodiques
produits à très faible pression. Si l'on place ensuite le sel
noirci dans un tube de verre scellé de 16 à 18 mil-
limètres de diamètre, de façon à ce qu'il soit à moitié
rempli, et qu'on l'expose à l'action de la lumière solaire
directe, au bout de 3 4 d'heure l'intérieur de la masse
est devenu complètement blanc et tout à fait semblable
à du sel fraîchement précipité ; il n'y a plus qu'une
mince couche noircie à la surface éclairée. A la lumière
diffuse, la régénération se produit également, mais
demande beaucoup plus de temps. On obtient le même
résultat avec des préparations de sels d'argent qui ont
noirci par exposition à la lumière à l'air libre. Le méca-
nisme de la régénération en espace clos semble être li'
suivant : Le côté insolé, où la tension de dissociation
est forte, dégage du brome libre et se noircit de plus en
plus; à l'opposé et dans l'intérieur peu éclairé de la
masse, la tension de dissociation est faible; le brome
mis en liberté d'autre part y diffuse graduellement et
s'y recombine avec les parties noircies pour régénérer
du sel blanc. M. Goldstein a observé d'autres phéno-
mènes plus complexes de régénération dans les tubes
cathodiques mêmes. Du bromure d'argent préparé par
la méthode d'Abegg noircit très rapidement lorsqu'on
l'expose dans un tube au flux cathodique négatif; mais
si l'on incline le tube, de façon à faire passer la masse
noircie dans le champ de la lumière positive stratifiée,
elle se régénère presque instantanément. .\vec l'iodure
d'argent, l'auteur a constaté aus-i un^ séiie de phéno-
mènes intéressants. — M. E. Goldstein a observé le
phénomène des « ombres fuyantes », absolument ana-
logue à celui qui se produit durant les éclipses totales
de Soleil, dans les conditions suivantes : Sur la paroi
montagneuse qui domine Paneveggio (Tyroli se trouve
un fort muni d'un projecteur puissant Dans la soirée du
20 août, alors que la lumière du projecteur tombait sur
une route recouverte dépoussière calcaire dolomitique
et semblable à un écran presque blanc, on vit se mou-
voir sur cette route un système de longues bandes som-
56
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
bips parallèles, (■quiilistantes, presque droites, avec
quelques rares sinuosités. Ces bandes avaient environ
2centimèlres de largeur et 20 centimètres d'écarleinenl;
elles se déplaçaient, perpendiculairement ù leur lon-
gueur, d'environ 3 4 de mètre à la seconde, allant de
la vallée vers la montagne. I,a grande régulariié du
phénomène ne peiiiiet pas de l'attribuer à des courants
ou à des dilTérencPS de densité dans toute la couche
d'air de la vallée. D'après l'auteur, il proviendrait pltilùt
de dilTérenccs de densité d^ins la couche surnioiitani
directement la roule. — M. J. Miclieli présente ses
recherches relatives à l'inlluence de la lempéraiure sur
la dispersion des rayons ultra-violets dans le sel gemme,
le spath iluor, le quartz et le spath calcaire.
ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE
Si'-:iiice fin Z't Oclohrc 1 '.)()!.
1° Sciences physiques. — M. Hans Meyer, en se
basant sur l'inactivité optique et les réactions chimi-
ques de l'arécaïdine et de son élher méthylique, laréco-
line, conclut que ce sont des conibiTiaisons i" et que
ces deu.\ alcaloïdes répondent aux formules suivantes :
Cil
cycip
AzCH»
Cil
'■((^%^■ c.oocii'
.\zClP
2» SciENCKs NATURELLES. — M. Hans Rabl a observé
l'existence d'une substance tantôi lihreuse, tantôt gra-
nuleuse, (lui se trouve fréqueniMienl dans le cor/iora
Hhrosii des ovaires de vieilles femmes; elle possède les
propriétés tinctorielles de l'élasline, mais se gonfle dans
les alcalis et les acides.
.Srance (In 7 Novcmlive l'JOl.
1» Sciences physiques. — M. J. Matuschek : Sur le
ferrocyanure ferrique. — M. A. Bodart a cherché à
préparer des dérivés heptacétylés des monoscs en acé-
tylant le lactose par l'anhydride aci^tique et les acides
concentrés. .\vec li-SO', on n'obtient guère que l'a-
pentacétylglucose; avec HCI gazeux, on iiarvient à l'hep-
lacétylchlorolaclose, corps bien cristallisé fondant
vers 120". — M. R. Foerg: a obtenu d'une façon ana-
logue l'heptacétylchloromaltose, avec lequel on prépare
facilement l'heptacétylmétliyl- et l'heptacétyléthyl-
maltoside. Ces composés sont diflérenls des composés
analogues de Fischer et Armstrong ; ces derniers
appartenant à la série ?, les premiers sont donc de la
série a.
2° Sciences naturelles. — M. C.-F. Siebenrock dé-
crit un nouveau genre de tortue, le l'scuilfutydtivn,
appartenant à la famdie des Cliotyitiil.i- d'Australie. Ce
genre est voisin de V Kiiiydiirn Bonap. Il s'en dislingue
par une mâchoire inférieure plus étroite, par la grandeur
du plastron et |iar la petitesse et la position de la cara-
pace huniérale. Ce dernier caractère donne au plastron
du /'sc(((/c;(;\7/wr,7 quelque ressemblance avec celui du
Cliclodyijn l'itz.
Si';-ini-r lin \\ .Xovriiihrc lOol.
Sciences naturelles. — M. Ad. Faidig'a communique
une monographie complète du Irciiihlcinent de terrede
Sinj, <lu 2 juillet 1898. — M. H. Molisch : sur l'éclat
doré du <:iiniiiio/tliyloii Uiismifillii Woion. — M. 'V.
Hammerschlaga recherché expéi mienlalemontla posi-
tion du centre réflexe du muscle moteur du tympan
dans I'1 moelle allongée. Les expériences ont été failes
sur des chats dont la moelle allongi'e, mise à ini, était
sectionnée à diverses hauteurs en même temps qu'on
mettait en jeu le'réflexe du tenseur. On a consiaté ainsi
que le centre proximal s'étend jusqu'à la protubérance
antérieure et qu'il se répartit de là comme un disque
sur les deux tiers de la moelle allongée.
Séance du 21 Xavciiibrc lOOt.
1° Sciences mathématiques. — M. C. Hillebrand com-
munique un mémoire .••ur la visibilité simulianée &n
Soleil et de la Lune totalement éclipsée en général, et
en particulier pendant les deux éclipses de Lune de 1902.
On sait (ju'au moment de la totalité d'une éclipse de
Lune, le soleil et la l.une peuvent être vus simultané-
ment au-dessus de l'horizon, en totalité ou en |iarlie,
grâce à la réfraction. Ce phénomène se produil [unir
toute éclipse totale de Lune, mais sa région de visibilité
est si petite que son apparition dans une contn'e
déterminée peut être considérée comme un événement
rare. L'auteur montre que, pour les deux éclipses de
Lune de 1902, le phénomène sera visible dans certaines
régions de l'Autriche, et il en calcule les conditions de
visibilité. — M. J. Holetschek a recherché, sur quel-
ques amas d'étoiles plus ou moins dispersés (18 visibles
à l'œil nu et S télescopiques), jusqu'à quel point la
luminosité totale d'un amas d'étoiles était représentée
par la somme des clartés des étoiles isolées qui forment
le cumulus. 11 a trouvé que l'impression de clarté
observée est déjà si bien représentée par un nombre
relativement minime des étoiles les plus claires, que
les plus faibles n'ont pas besoin d'entrer en ligne de
compte; il suffit, en g('néral, de considérer les étoiles
qui, parmi les plus claires, se répartissent sur un
intervalle de une à deux grandeurs.
2» Sciences physiques. — M. G. Billitzer a étudié
la ilépolarisation cathodique de l'acétylène et trouvé
qu'elle se produit dans les acides et les bases sur
platine platiné, mais non sur d'autres électrodes. Les
produits de dépolarisalion sont l'éthylène et l'éthane,
dont les polentiels de formation ont été déterminés;
la connaissance de ces dcrnieis permet d'obtenir
l'éthylène de l'aci-tylène en quantité théoiique à des
potentiels déterminés. A des ijolentiols plus élevé--,
il se produit un mélange d'étliylène et d éthane, et
enfin d'éthylène, d'étliane et d'hydrogène. Avec des
cathodes de mercure, il se forme dans l'acide sulfu-
rique des traces d'alcool. — Le même auteur a mesuré
la solubilité de l'acétylène dans les acides et dans les
bases. Dans ces dernières, elle est influencée par deux
facteurs : une augmentation Je solubilité par la for-
mation de sels, et une diminution due à l'action de ces
sels; on arrive dans cei-iains cas à un maximum de
solubilité pour une concentration déterminée de la
solution. L'auteur a déterminé, pour l'acétylène : 'a
dissociation, qui est approximativement égale à celle
de l'eau, et l'aciilité, qui est d'environ I 000 d'acide
carbonique. D'autres expériences ont conduit à attri-
buer à l'ion CssC une tension de dissociation anodiqne
de 0,7.') volt. — M. R. Gotz, en condensant l'aiiliy. Inde
de l'acide diphénique avec le benzène, a obtenu un
corps qui parait être la ri-benzoylfluorénone. 11 se
pré[iare également par l'aclion du chlorure de l'acide
diphénylènecétonecarboniriue sur le bi nzène.
Séance du '.i Iléceuilire 1901.
i" Sciences mathématiques. — iM. S. Kantor : Sur les
parentés de degré 1 en It,- sur M,._i et sur les courbes.
— M. Qr. Jàger calcule, par trois méthodes ddîérentes :
léqualion de Clapeyron-Clausius, les é((uations fon-
damentales de l'Hydrostatique et la théorie cinétique
des gaz, une formule pour la tension de vapeur saturée,
et, par la mise en égalité des formules, il trouve le
théorème : L'énergie cinétique moyenne des mouve-
ments rie propagation des molécules des fluides et des
molécules de leur vapeur saturée est une seule et
même gran leur.
■ 2" SciiACEs PHYSIQUES. — M. E. Kramer : Recherches
chimique> et d'analyse spectrale sur la matir';re crdo-
ranle jaune de l'eniiosperme des fruits de céréales. —
.M. J. Klimont : Sur la composition de l'huile de coco.
Le JJirecleur-Gcrnnl. : Louis Olivier.
Paris. — L. .\Urktheux, impi-imour, 1, ruo Casserie.
13= ANNÉE
N"
30 JANVIER 1902
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
Directeur
LOUIS OLIVIER, Docteur es sciences.
Adresser tout ce qui conc*
publiés daDs la Revu
la réflaotioii à M. L. OI.IVIRR. -23, rue du Cén^riil-Foy. Paris. — La reprorluction et la traduction des œmres .-I d.-s lit
nt complètement inlerdit'-s en Fiance et dans tous les pays ftrangf-is, y compris la Su^de, la Norvège et la linllande.
CRÉATION D'UN SERVICE RÉ&ULIER
D'EXPLORATION SCIENTIFIQUE
DANS LES COLONIES FRANÇAISES
La longue suite d'études que la Beviic a susci-
liM's dans nos colonies et quelques pays étrangers
pour arriver à présenter, en de substantielles
monographies, un tableau exact de leur état actuel
et de leurs besoins', a, croyons-nous, surabon-
damment démontré le haut intérêt des recherches
scientifiques en ces contrées pour y préparer une
intelligente exploitation. Ni l'agriculteur, ni le
commerçant ne sauraient y tenter, avec chances de
succès, leurs entreprises, si, avant eux, le bota-
niste, le géologue et l'ethnographe n'y ont passé.
Convaincu que le progrès de l'investigation
scientifique dans notre domaine extérieur doit
devenir l'une des principales préoccupations de
notre politique coloniale, nous voulons essayer
d'organiser dans nos possessions lointaines — et
tout d'abord en Afrique, — une campagne systé-
matique et prolongée d'observations dont le sol,
' Voyez à ce sujet : sur le Congo français, les articles
publiés dans la. Buvue du 13 novembre 1894; sur Madagascab,
les articles publiés dans la Revue du 15 aoiit 1895 ;et réunis
ensuite en un vol. gr. in-S", cliez Ollendorfj; sur la Timsie,
les articles parus dans la Bcviic des 30 novembre et 13 dé-
cembre 189S et publiés ensuite en un vol. gr. in-8», chez
Delagrave); sur la Bosnie et rilF.iizKOnviNE, les articles parus
dans la Bcviic des .".0 mars et 1:1 avril 1900 let réunis en-
suite en un vol. gr. in-S», chez A. Colin); sur la Sicile, le
volume publié à l'occasion de la xiif cj'oisière de la Bevuc
(chez Flammarion).
REVUE générale des SCIENCES, 1902.
les productions naturelles et les habitants seroni
l'objet. A cette effet, sur le conseil et avec l'aide
très précieuse de notre éminent collaborateur
M. Alfred Le Chàtelier, nous nous sommes appli-
qué, depuis un an, à instituer, pour divers points
de l'Afrique occidentale et de l'Afrique centrale,
un service régulier d'exploration fondé sur le con-
cours : d'une part, de nos grands élablissemenls
scientifiques; d'autre part, des administrateurs et
chefs militaires en résidence dans nos possessions.
A notre demande, de savants techniciens ont
bien voulu rédiger, sous forme de Notices, des ins-
tructions d'un caractère pratique, qu'il suffit de
suivre à la lettre pour se livrer utilement à la recon-
naissance géologique des pays à étudier, à la
récolte des végétaux qui y croissent et des docu-
ments anthropologiques, linguistiques et histo-
riques susceptibles de nous renseigner surl'origine
et la condition présente des populations visitées.
Nous avons distribué bon nombre d'exemplaires
de chacune de ces brochures à quelques gouver-
neurs et officiers supérieurs, qui, ainsi armés de
bonnes méthodes, poursuivent actuellement, avec
leurs subordonnés, des recherches importantes
dans les territoires de leur ressort. Il est convenu
qu'ils nous enverront, et certains nous ont déjà
adressé des spécimens de tout ce qui se trouve au-
LOUIS OLIVIER — EXPLORATION SCIENTIFIQUE DES COLONIES FRANÇAISES
tour d'eux, — roches, minéraux, plantes, produits
végétaux, petits animaux, — avec l'indication de
l'usage indigène, du nom régional et du lieu de
prélèvement.
Nous offrons ces collections aux laboratoires les
plus qualifiés pour les étudier; puis, nous nous
efforçons de leur procurer, en quantités aussi con-
sidérables que possible, les substances dont le trai-
tement ne peut se faire sur petits échantillons.
Chaque fois que de ces recherches se dégageront
des faits nouveaux intéressant la science pure ou
l'application, la Jieyiie s'emploiera à les mettre
dans le domaine public, soit qu'elle en accueille
l'exposé dans ses colonnes, soit qu'elle leur consa-
cre des fascicules spéciaux, ou que, selon les cir-
constances, elle en assure la description dans des
périodiques plus techniques'.
Nous occupant d'abord du Dahomey, nous y avons
distribué deux Notices, l'une relative à l'exploration
géologique pratique, l'autre à la récolte des latex à
caoutchouc. A celte dernière plaquette, nous avons
joint des fiches de récolte imprimées pour échan-
tillons, en vue d'une enquête générale sur les latex
de la colonie ^ Grâce au concours de la Compagnie
des Cliargeiirs Béiinis pour les transports, la Revue
a reçu deux premières collections, l'une de Géologie,
l'autre de Botanique. M. le gouverneur Liotard
avait joint à cette dernière un questionnaire relatif
à l'utilisation des latex de qualité inférieure. Notre
savant collaborateur M. H. Lecomte a bien voulu se
charger de l'examen de ces échantillons, comme
aussi de toutes les investigations requises pour
répondre aux desideriHaàeM. Liotard. La collection
géologique a été, d'autre part, remise au laboratoire
de Géologie de la Sorbonne, où elle fait l'objet par-
ticulier des recherches de M. Haugel de M. Gentil.
Une autre série, fort importante, de spécimens des
principales roches de la région comprise entre
l'Oubanghi et le Nil, a été confiée au même labora-
toire, de la part de M. le D'' Cureau, qui l'avait re-
cueillie lorsqu'il était le collaborateur de M. Liotard
dans le Haut-Oubanghi". Les Mémoires consacrés
à ces utiles recherches de Botanique et de Géo-
logie par les savants dont la Revue a eu la bonne
fortune d'obtenir le concours, permettront pro-
' Les descriptions et études, publiées sous la signature des
auteurs, iodiquerout toujours la part de collaboration qui
appartient aux gouverneurs, administrateurs civils et com-
mandants militaires, ainsi que le genre de concours apporté
par leurs subordonnés.
' Ces fiches comprennent chacune huit cases répondant
aux rubriques : 1» Colonie; 2" Région; 3» Auteur; 4» .Nu-
méro; 5» Nom indigène; 6» Récolte; 7° Coagulation;
S" Emploi.
' Gomme premier aperçu de l'état de cette région, lire les
articles de M. Cureau dans la Revue du 30 juin et du 13 juil-
let 190i.
chainement d'en reconnaître l'intérêt exceptionnel.
Avec M. Alfred Le Châtelier, nous avions, en
même temps, été appelé à nous occuper du terri-
toire militaire du Tchad, dont M. le lieutenant-colo-
nel Destenave désirait engager activement l'explo-
ration scientifique. Aux Notices préparées pour
le Dahomey, nous avons pu ajouter une instruction
de M. R. Basset, l'éminent directeur de l'Ecole su-
périeure des Lettres d'Alger, sur les études linguis-
tiques et les recherches d'Histoire dans la région du
Tchad. Nous avons, en outre, fait graver et tirer à
quelques centaines d'exemplaires une carte provi-
soire de ces contrées pour faciliter les reconnais-
sances géographiques sur place, et avons joint aux
exemplaires distribués 2.000 sacs avec étiqueltes
pour collections géologiques, ainsi que le matériel
nécessaire à la constitution d'un herbiei".
La Revue a le sentiment de servir ainsi la grande
cause coloniale, telle qu'il faut la comprendre au
XX'' siècle, maintenant que l'ère des conquêtes et
des partages diplomatiques semble à peu près
close. Le remarquable Mémoire sur le massif des
M'Brés qu'elle publie aujourd'hui (page 77), à litre
de spécimen des résultats qui, même à bref délai,
peuvent être obtenus dans celle voie, justifie, si
nous ne nous trompons, cette ambition et celte
espérance. Nous laissons à nos lecteurs le soin
d'apprécier eux-mêmes toute la portée de l'exem-
ple donné par M. le lieutenant-colonel Destenave
et tout le mérite du travail exécuté par M. le capi-
taine Truffert sous la direction du Commandant du
Tchad. Bien des sympathies se porteront, nous
n'en douions pas, vers ces bons Français, qui ,
continuateurs avisés des Crampel, des Bretonnel,
des de Béhagle, des Gentil, des Foureau et Lamy,
voient dans l'investigation scientifique le complé-
ment obligé de l'exploration. La destruction des
dernières bandes laissées par Rabah témoigne de
leurs résolutions vigoureuses dans l'action. La mo-
nographie qui nous arrive des bords du Chari, où
elle a été composée avec toute la précision d'une
élude de cabinet, montre non moins nettement ce
que l'on peut attendre de leur application au tra-
vail pacifique.
Fonder un Comité qui s'imposerait de pour-
suivre, en l'élargissant, l'œuvre que la Revue cn-
treprend, serait, à nos yeux, chose si importante
que, le moment venu, nous n'hésiterons pas à
demander à nos lecteurs d'y coopérer avec nous.
Dès maintenant nous serons heureux de recevoir
le concours et les avis qu'ils voudraient bien nous
donner pour étendre une propagande dont les pre-
miers résultats atleslenl l'utilité.
Louis Olivier.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
§ i . — Astronomie
Planètes ti-aiis-noptiiniennes. — M. Hans
E. Lau, de Copenlia^^ue, continue ses intéressantes
recherches sur le mouvement d'Uranus dont les iné-
galités, srloii lui. peuvent faire présumer l'esistence de
deux planètes trans-neptuniennes ; voici, d'ailleurs,
dans deux approximations successives, les éléments
fournis pour ces corps problématiques :
/'■'•' phinlta :
Longitude moyenne, 1900.0. ifiitiQ 274''4xt3°0
Distance moyenne 16,3 l(>,5
Révoluion sidérale 317,1 ans. ■•
Masse de la pltinète 1 1
11.800 36.0U0±e.0U0
j!' planète :
Longitude moyenne. 1900,0. 33l»(i n4°9±^''4
Distance moyenne 11,8 71,8
Révolution sidérale Ii08,7 ans. »
Masse de la planète. .... 1 1
i.750 7.000±1.300
Cependant, la détermination des longitudes moyen-
nes et des masses présente des incertitudes assez con-
sidérables; et, outre les facteurs dépendant des posi-
tions relatives de ces corps, il ne faut pas oublier qu'il
n'est tenu aucun compte des excentricités des orbites.
De plus, malheureusement, l'arc décrit par Neptune
depuis sa découverte est bien faible et ne permet aucun
contrôle, aucune rectification de ces éléments.
Néanmoins, l'auteur a foi dans les derniers éléments,
pour lesquels il a tenu compte de 1.400 observations
méridiennes de Neptune réparties sur un intervalle de
quarante-neuf ans : il assure que la position de la seconde
planète ne pourrait être erronée de 10°, quand bien
même on admettrait l'existence d'une troisième planète
aussi puissante qu'elle, et située au delà de son orbite.
Lu tout cas, il assigne sa position actuelle dans les
environs de a du Lion et lui attribue l'aspect d'une
étoile de 10= grandeur.
Si tous ces calculs sont exacts, il n'y a plus qu'à
trouver cette planète.
§ 2. — Physique
La couleur bleue du ciel. — Dans un récent
article publié par la Monthly 'Wenthev Heview, le Pro-
fesseur Dorsey examine les diverses théories émises
jusqu'à ce jour sur la couleur de la lumière céleste et
l'état de sa polarisation.
L'une des premières explications présentées est celle
de Léonard de Vinci, suivant laquelle la couleur bleue
du ciel serait due au mélange de la lumière solaire
blanche, rélléchie par les couches supérieures de l'air,
avec le noir intense de l'espace.
La théorie de Newton est basée sur les analogies ;
dans ses recherches optiques, entreprises vers 1673, il
avait été conduit à étudier les couleurs produites par
la réflexion de la lumière sur des pellicules minces de
substances transparentes, et il avait constaté que ces
couleurs dépendaient de l'épaisseur des pellicules;
avec des pellicules très minces, on avait le noir, et, à
mesure que l'épaisseur augmentait, on obtenait le bleu,
puis le blanc, le jaune, le rouge, etc. Ce bleu, qui appa-
raissait d'abord, et que l'on retrouvait autour de la
tache noire des bulles de savon, Newton l'appela Iileu
lie premier ordre, et il pensa que c'était la même
; teinte que celle du ciel. Pour lui, cette teinte des cieux
s'expliquait alors par la réflexion de la lumière solaire
sur les petites gouttes d'eau contenues dans l'atmos-
]• phère.
Cette théorie fut longtemps admise sans conteste;
mais, en 1847, Clausius {Poggeiiclori's Annalen) la
soumit à une analyse mathématique serrée et prouva
que, si le bleu du ciel est le bleu de premier ordre ré-
sultant de la réflexion de la lumière par des corps
transparents, ces corps doivent affecter la forme de
minces plaques ou de sphères creuses à mince paroi.
Ce ne peuvent être des sphères pleines, car, dans ce cas,
les objets astronomiques ne seraient jamais bien dé-
finis : une étoile apparaîtrait aussi grosse que le Soleil,
et le Soleil immensément plus grand; tous les objets
célestes se montreraient comme de larges disques de
lumière, brillants au ceulre, et dont les couleurs
s'éteindraient à mesure qu'on s'écarterait du centre.
11 fallait donc que les corps réfléchissants fussent des
vésicules d'eau. — Cette théorie fut, d'ailleurs, reconnue
inadmissible depuis; mais il n'en est pas moins vrai
que les travaux de Clausius ont ruiné la théorie de
Newton.
Nous ne nous arrêterons pas ici sur le lucimètre de
Bouguer, le cyanomètre de de Saussure, le coloriqradr
de Biot, l'u/'artopAo/omè/re de Wild, dont on peut facile-
ment trouver les résultais dans les livres classiques.
En 18o.i, Briicke montra que la lumière émanant
d'un milieu trouble est bleue et, en 186'J, Tyndall fit une
belle expérience à ce sujet, prouvant que, si les par-
ticules, cause du trouble, sont excessivement fines
(trop petites pour être vues au microscope), la lumière,
d'un bleu magnifique , est polarisée dans le plan
d'émission, la polarisation étant maxima pour un angle
de 9U" avec la lumière incidente. L'expérience de Tyn-
dall donnait la clef du problème. Lord Rayleigh (1871-
1899) entreprit l'étude analytique du sujet et montra
que, si la lumière blanche est transmise à travers un
nuage de petites i)arlicules, la lumière difl'iactée laté-
ralement est polarisée dans le |)lan de diffraction, avec
maximum de polarisation à 90", les intensités des com-
posantes de la lumière dillractée variant, du reste, en
raison inverse de la quatrième puissance de leurs lon-
gueurs d'onde. — Il n'est pas tenu compte ici de la
lumière ayant subi plus d'une seule diffraction.
Si l'on admet, avec Maxwell, une atmosphère de
83 kilomètres d'épaisseur, avec 19 X 10" molécules par
centimètre cube, la diffraction seule entraînerait un
bleu moins foncé que celui du ciel; mais ce dernier
nombre est assez élastique; lord liayleigh l'évalue à
7X 10", en le déduisant de l'absorption atmosphérique.
Héceinment (1899), lord Rayleigh a montré que, de
celte façon, le tiers environ de l'intensité totale de la
lumière du ciel peut être expliqué par la difiraclion
due aux molécules d'oxygène et d'azote qui se trouvent
dans l'air, sans tenir aucun compte de la présence des
poussières, vapeur d'eau ou autres matières étrangères.
D'après la théorie élnsiiqtie ordinaire, la lumière est
propagée sous forme de vibrations transversales des
atomes ou corpuscules d'un milieu agissant comme un
solide élastique; c'est quelque chose d'analogue aux
ondulations qui courent le long d'une corde dont l'une
des extrémités est ébranlée, avec cette différence, tou-
tefois, que, dans le cas de la lumière, il s'agit d'un mi-
lieu infini. Quand on parle d'un faisceau de lumière
polarisé, cela veut dire que toutes les vibrations de ce
faisceau prennent place dans le même plan, et le plan
de polarisation peut êire défini comme étant celui qui
passe par la direction de propagation de la lumière,
mais perpendiculaire à la direction des vibrations, et
par conséquent perpendiculaire au plan de vibration.
Imaginons maintenant un faisceau de luruière paral-
lèle s'avançant à travers un milieu homogène, l'éther,
dans une direction verticale; il n'y aura de lumière pro-
pagée que dans cette direction; il n'y aura pas de lu-
mière dispersée. Mais, s'il existe dans ce milieu des par-
60
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
licules opliquoment plus denses que l'iUlicr, et assez
petites pour que leur longueur soit de nirme ordre que
la longueur d'onde de la lumière, il y aura déviation
latérale. L'effet de ces particules est d'augmenter loca-
lement l'inerlie effective de l'éther, taudis que sa rigi-
dité reste invariable ; donc, quand une onde, avançant
à travers le milieu, atteint une de ces particules, le dé-
placement du milieu, en ce point est moindre qu'il ne
l'eût été si la particule avait été absente.
Si l'on appliquait à, chaque particule une force conve-
nable, force qui doit naturellement être dirigée dans
le sens du déplacement et proportionnelle à la diffé-
rence des densités de la particule et de l'éther, on
rendrait à l'amplitude la valeur qu'elle aurait eue si la
particule eût été absente ; les choses se passeraient alors
comme s'il n'y avait pas de particules dans l'éther et il
n'y aurait pas de lumière déviée. En revanche, la lu-
mière déviée, ou dilTractée comme on dit, se produit
même en l'absence de particules, si l'on applique à une
partie de l'éther cette même force en sens inverse; l'ap-
plication de cette force donne lieu à une onde plane
polarisée dont l'intensité est symétrique par rapport à
la direction de la force prise comme axe, nulle dans la
direction de celle-ci, maxima dans le plan perpendicu-
laire à cette direction. L'effet exact d'une force de ce
genre a été étudié analytiquemcnt par Stokes et aussi
par lord Rayleigh.
Plusieurs ciiconstances secondaires méritent aussi
d'être examinées. Le ciel est plus bleu au zénith que
partout ailleurs, évidemment parce que le chemin par-
couru par la lumière dispersée est alors le plus court,
de sorte que cette lumière subit dans une moindre pro-
portion le mélange avec la lumière blanche; le ciel est,
au contraire, moi us bleu vers l'horizon, et, quand le Soleil
est bas, il peut prendre une teinte rouge et orangée.
La lumière du zénith est la plus intense quand le
Soleil est plus près du zénith, comme au midi vrai, et
son bleu est le moins pur au moment le plus chaud de
la journée, parce que, à ce moment, les grosses parti-
cules de poussière et de vapeur constituant la brume
sont en quantité maxima.
Arago a découvert qu'il existe un point, situé ;\ l'I"
environ au-dessus du point diamétralement opposé au
Soleil {le point antisolaire), où la polarisation est nulle ;
< ntre ce point et l'horizon, la polarisation est horizon-
laie. Babinet a découvert un point similaire au-dessus
du Soleil, et Brewsteren a trouvé un autre au-dessous.
KaUe les points neutres, la polarisation est borizonlale;
au-dessous du point de Brewster et au-dessus de celui
de Babinet, elle est verticale sur une petite étendue de
chaque côté des points neutres; le plan de polarisation
est incliné à 43" environ sur la verticale, ce qui semble
indiquer que, à la polarisation due à la dispersion delà
lumière solaire directe, se superpose une polarisation
horizontale due à quelque cause secondaire. On a sug-
géré que cette polarisation horizontale était due à une
iliffraction secondaire delà lumière venant des couches
inférieures de l'atmosphère. D'autres points neutres ont
été observés dans des cas rares.
En fait, la distribution des particules serait prépondé-
rante et l'hypothèse possible est très lâche : si les
volumes totaux de chaque dimension sont égaux, on a
le hloii iiormiil. avecies bien singuTières différences ([ui
existent entre les expériences de lord Rayleigh, Vot;el,
C.rova... Ce ne sont pas là des spéculations pures, car,
rn donnant la prédomineuce à tel groupe, l'on sait, par
l'vndall, Abney, Hurion, comment on peut réaliser des
teintes variées avec leurs caractères de polarisation.
La position des points neutres, l'intensité de la pola-
risation maxima, aussi bien que la couleur du ciel, sont
intimement liées aux autres phénomènes météorologi-
ques; mais, jusqu'à présent, les observations à cet égard
sont trop peu nombreuses et trop disparates pour jier-
mettre de mettre en évidence les lois de cette relation.
D'aprèsnM. A. Cornu, d'une façongénérale, la quantité
de lumière céleste polarisée est liée d'une manière si
• directe à la radiation de l'atmosphère, qu'il a été conduit
à croire qu'elle est caractéristique de l'état de l'al-
niosphère.
La plus grande clarté des cieux correspond à la pola-
risation la plus intense; les cirrus et les brouillards
diminuent la polarisation et peuvent même la sup-
primer. « Ce qu'il y a de particulièrement intéressani,
ajoute-t-il, c'est que le moindre changement dans l'état
de l'atmosphère est nettement montré par le polarimèire
plusieurs heures avant qu'aucun autre indice météoro-
logique (variation barométrique, halos et phénomènes
optiques divers) permette de le présager. Dans ces con-
ditions, il serait utile d'instituer des observations mé-
thodiques et de comparerles vaiiations polarimétriques
avec les autres éléments caractéristiques de la condition
de l'atmosphère... La polarisation augmente à mesure
que le Soleil s'enfonce au-dessous de l'horizon jusqu'à
un certain maximum, au delà duquel la polarisation
disparait rapidement. La loi de cette augmentation de
la polarisation avec le temps est très importante, car
elle paraît devoir donner la distribution verticale du
brouillard dans l'atmosphère; si l'augmentation esi ra-
pide, c'est que les couchesiriférieuressontbrumeuses,et
lescouchessupérieures transparentes; si l'augmentation
est lente, c'est que l'atmosphère est plus homogène. "
Les observations les plus complètes sur la polarisation
sont celles de Hubenson et de Brewster, sur la couleur
de la lumière céleste, celles de Crova et d'Abney. Le
premier s'est limité aux observations faites par des
temps clairs, et le second s'est surtout occupé de la dé-
termination de la position des divers points neutres.
Rubenson et la plupart des autres observateurs ont
surtout cherché à étudier l'intensité de la polarisation
à son point maximum dans le cercle vertical à travers
le Soleil. C'est indubitablement le point où les observa-
tions sont le plus aisées, et les résultats obtenus peuvent
■avoir une grande valeur méh'orologique, mais l'intei'-
prétation en est rendue dil licite par la variation de
la longueur du chemin parcouru par la lumière diifractée
aux différentes heures du jour.
Ce n'est pas ici le lieu de discuter pour le moment le
côté hygiénique de la question, mais c'est encore là une
application pratique inattendue de cette étude, très théo-
rique en apparence, du bleu du ciel; cependant, nous
ne pouvons négliger les nombreuses mesures tl<',
M. Aitken sur la détet-minalion, aux divers lieux, du
maximum et du minimum du nombre des grains île
poussière par centimètre cube. Ainsi, par exemple, un
jour d'atmosphère épaisse, ce nombre variait de 4.000 à
11.000 entre le pied et le sommet du Riiihi. Puis, il faut
encore considérer la question au point de vue mé-
téorologique: l'orage, ou même le tonnerre seul, éclair-
cit-il l'atmosphère? Les recherches de M. Aitken lui
permettent encore de répondre à cette question de la
manière suivante : avant un orage, il note 38.000 parti-
cules de poussière par ceniiraètre cube; quand l'orage
approche, il en compte 3.000; pendant l'orage 700 et, li-
jour suivant, 400 seulement. Il est vrai que le domaine
exploré est ici plus restreint : les poussières de M. Aitken
sont certainement très grosses, ce sont celles de l'atmos-
phère inférieure, et elles n'ont pas d'intluence immé-
diate sur le bleu du ciel.
Quoi qu'il en soit, l'observation de la couleur et de
la polarisation de la lumière solaire doit fournir des
données précieuses sur la quantité de particules llol-
tant dans l'air et sur leurs dimensions, que ce soit d.'
la poussière ou de l'eau; or, comme tout changement
dans l'état de l'atmosphère affecte ces quantités, les
observations de cette nature offriraient une grande im-
portance pour la Météorologie. Mais il faudrait tout
d'abord qu'une longue série d'observations fussent
faites en différents lieux et dans toutes les conditions,
puis comparées aux renseignements météorologiques
relevés aux mêmes points et en même temps.
Il y a là. pour nos observatoires météorologiques,
une tâche nouvelle et des plus intéressantes à assumer.
Il serait assurément très désirable que tous se déci-
dassent dès à présent à l'entreprendre.
1
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Gl
ï; 3.
Chimie organique
Oxydation et transposition de la fénone-
iniine par l'oxyg-^no de l'air. — M. V. Mahla a
récemment montré que, sous Tactiou d'un courant d'air
barbottant dar)s de la camphrimine chauffée au bain-
marie, on obtient le nitrile dihydrocanipbolénique
par une transposition particulière au noyau du camphre.
I.a même réaction, appliquée à la fénone, donne des
résultats analogues '.
La fénnne-iniine C'H"' : AzH s'obtient aisément en
traitant par l'ammoniaque la fénone-nilrimine, obtenue,
elle même, dans l'action de l'acide nitreux sur la fénone
nxime. l'^lle bout à 8-3'^ (to"""^!. Le picrate fond à W-l".
L'oxydation de la fénone-imine, par un courant d'air à
une température de lOo", conduit, comme dans le cas
du camphre, au nitrile dihydrofénolènique C'^H'^Az.
L'amide obtenue par hydratation fond à 130"o; l'acide
C'"H'80- bout à 14o-14(V' (13""»).
L'oxydation par le courant d'air fournit également
un oxynitrileC"'H'"OAz, bouillantà lo:i(23""°); on obtient
40 " o de nitrile, 3o ° o d'oxynitrile et 15 °/o de résines.
Si l'on adopte pour la fénone la formule de Wallach,
on pourra représenter la réaction par le schéma :
Cll=-
• ( :h
-cil— CIP
r.i4=-
-Cll
(Ml — CIP
c.H' — c — (;ii->
I 1 I
cu= — cil — co
cil»- C— CIF
Cil-- — cii — (: = Azii
Fénone. ' Fùnono-imiiH'.
CH=. CH Cil — CIP CIF Cil Cfl — CM'
C\V
-C — CI1=
CH" — c— cip
CH- CIP CAz
Xitrilc .Uhvilrol'ènoléni
Cil. OH C-\z
n.xviiilrilo.
§ 4. — Chimie biologique
La fermentation forniéuique de la eellii-
iose. — Après avoir fait, il y a quelques années, de
très belles recherches sur la fermentation hydrogénée
de la cellulose, et en avoir décrit l'agent spécilique,
M. Omélianski a repris les anciennes expériences de
Hoppe-Seyier sur la fermentation forménique de la
même substance'. Comme ces deux fermentations évo-
luent dans des conditions absolument identiques et
prennent naissance presque simultanément, il a été
extrêmement difficile de les séparer et d'en isoler les
microbes respectifs, et cela d'autant plus que ces micro-
organismes ne se développent pas dans nos milieux
ordinaires de culture, ce qui rend presque impossible
de les isoler à l'état de pureté. L'n procédé ingénieux
a cependant permis à l'auteur d'obtenir à volonté tan-
tôt la fermentation hydrogénée, tantôt la fermentation
forménique. Voici quelles sont ses conclusions :
1" La fermentation forménique de la cellulose, de même
que la fermentation hydrosénée, est un processus
microbien bien caractérisé, dû à un microbe spécifique;
2o Ce microbe se rapproche par ses caractères mor-
phologiques du bacille de la fermentation hydrogénée ;
mais ni l'un ni l'autre n'ont rien à voir avec VÀinylo-
liacter, auquel on avait Jusqu'à présent l'habitude d'at-
tribuer la fermentation forménique de la cellulose;
3° Cette fermentation forménique se caractérise par
la mise en liberté, en plus de gaz de marais et d'acide
carbonique, d'une quantité considérable (jusqu'à 50 "/„)
d'acide volatils, principalement d'acide acétique.
Destruction des toxines par le bioxyde de
calcium et les o.xydases animales et végé-
tales. — M""-' Sieber, qui remplace actuellement, à
l'Lniversité de Saint-Péterbourg, ie regretté Professeur
I K. Mahla : Bsr. chem. dcucllsch., t. XXXIV, p. Tm.
- Arrbivcs des Sciences biologiques de iiainl-Pctevsboiirr,.
vol. 111, 1901-1902.
Neiicki, dont elle fut, comme on sait, l'assidue colla-
boratrice, vient de faire toute une série d'intéressantes
expériences sur la destruction des toxines '.
L'auteur a constaté que le bioxyde de calcium et l'eau
oxygénée détruisent les toxines diphtérique et tétani-
que et un glucoside végétal, Vuhrine. Les oxydases,
d'origine animale ou végétale, neutralisent bien les
toxines, mais n'exercent aucune action sur l'abrlne.
Pour donner une idée de ce pouvoir neutralisant ou
destructeur, il suffira de rapporter quelques chiffres;
ainsi, un demi-gramme de CaO' peut neutraliser : 1" en
dix minutes, une 'dose vingt fois mortelle = d'abrine ;
2° en 4 heures, jusqu'à o.OOO doses mortelles d'abrine.
L'action sur les toxines diphtérique et tétanique n'est
pas moins énergique ; ainsi, la même dose de bioxyde
de calcium, soit un demi-gramme, neutralise Jusqu'à
1.000 doses mortelles de l'une et de l'autre toxine.
Pour ce qui concerne l'eau oxygénée, son emploi à
des doses élevées est contre-indiqué, en raison de sa
toxicité ; mais, déjà à la dose de 0,.j ce, dose nullement
toxique, elle neutralise 600 doses mortelles de toxine
diphtérique. lien est à peu près de même pour les oxy-
dases, excepté qu'elles restent sans action sur l'abrine.
Fait intéressant, l'action neutralisante des oxydases
sur les toxines se manifeste non seulement //; vitro,
mais encore chez l'animal auquel on injecte le mélange
d'oxydase et de toxine aussitôt (|ue ce mélange est
préparé, et même dans les cas où l'on injecte ces deux
substances dans différentes parties du corps.
Coloration des sédiments urinaires avec
le sel de soude de l'acide alizarinc-sull'oni-
que. — La coloration des éléments cellulaires ou des
cylindres que l'on obtient par la centiifugation de
l'urine varie suivant les conditions de la réaction.
M. Ivnapp' vient de constater que, si l'on s'adresse à
la réaction colorante donnée par le sel de soude de
l'acide alizarine-sulfonique, on peut distinguer les pro-
duits de rinflammation récente de ceux de l'inflam-
mation chronique, .\insi, le ton Jaune indique une
réaction acide, le ton violet une réaction alcaline, le
ton rouge une réaction neutre ou faiblement acide.
Les leucocytes de l'inflammation aigué sont incolores,
ceuxdes inflammations chroniques se colorent en jaune.
Cela s'explique en aiimettanlque, dans le premier cas,
le protoplasmade la [ilupart des ulobubles blancs, étant
à l'état vivant, réduit la couleur dans son dérivé li'iu^< .
En effet, si l'on tue ces leucocytes par la dessiccation,
ils retiennent fortement la couleur de l'alizarine.
Ces observations, si l'avenir les confirme, offrent
une portée considi'Table, sur laquelle il semble inutile
d'insister aujourd'hui.
§ o. — Physiologie
l/audition colorée familiale. — La lieviic a
plusieurs fois' attiré l'attention de ses lecteurs sur lis
curieux phénomène di' l'audition colorée. Un récem.
Mémoire de M. Laignel-Lavastine apporte de nouveaux
faits à la discussion du sujet.
(Jn sait que l'audition colorée est la faculté que pos-
sèdent certains sujets de percevoir une couleur du fait
qu'ils entendent un son. Cette impression de couleur
n'a pas l'intensité d'une sensation réelle ; elle est,
comme l'image, un rappel de sensation.
L'auditif-coloriste, en même temps qu'il entend nu
son, voit, dans le champ de sa vision mentale, une
image colorée, un pliolisme. L'audition colorée s'observe
surtout chez les visuels. On la rencontre aussi chez les
audilil's à imagination concrète.
' Arcli. des Se. biol. de Sl-Pélersijourg, vol. II, 1901.
-L'unité de la dose mortelle est la quantité (en poids) qui
tue 1 kilogramme de substance vivante.
» Chl. fur iun. Med., 1902, n" 1.
' Voyez notamment Jeax Claviêre : L'audition colorée,
dans la Revue du 3U août 1900, t. XI, p. 973 et suiv.
(Vl
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Comme les individus d'une même famille ont souvent
même façon de penser, Vniidition colorée lamiliiilen'esl
pas rare. Tel est le cas célèbre des deux frères Nuss-
iiaumer;tels sontaussi lesexemplesde Bleuler, samère,
son oncle, et des trois filles de cet oncle; de M"» B..., de
f-a mère, de son frère et de la fille de ce frère;entinde
la baronne de X... et de son mari.
M. Laipnol-I.avastine' vient de décrire un nouvel
exemple d'audition colorée familiale : Neuf membres
il'une mt'me famille sur onze, échelonnés sur trois géné-
rât ions, ont présenté le phénomène de l'audition celorée'.
L'audition colorée te comporte donc quelquefois
comme si elle était héréditaire. 11 faut remarquer que
l'audition colorée ne constitue pas un trouble mental
au sens pathologique du mot; vraisemblablement, elle
se transmet dans une famille, des adultes aux enfants,
par une sorte de contagion psychiq\ie. Ce qui est héré-
ditaire, Cl' n'est pas l'audition colorée, mais la manière
il'être de la mémoire et de l'imagination.
,§ 6. — Sciences médicales
Proprit'l<?s iiifecUcuse.s du Mîcroeocciis
callisii-nlis (de It. FCeillei*). — <le microbe a élé
il'abord décrit par Frosch et Kolle, dans les Micro-
organismes deFliigge, d'après une communication orale
<le Pfeiffer, qui l'avait trouvé dans des cas de broncho-
pneumonie chez l'enfant. Confondu avec le microbe
de la méningite cérébro-spinale (Ritschie), retrouvé par
l'étrusky, par Frosch et Kolle dans un cas de bronchite
avec expectoration purulente, ce microbe offre des
analogies avec le gonocoque. C'est un diplocoque, par-
fois un tétracoque, souvent intra-cellulaire, ne prenant
pas le Gram, ayant une forme que l'on peut rapprocher
de celle du grain de café.
(ilion et Pi'ei[Ter= ont observé le Micrococcus cnllm-
ralis dans des cas de bronchite purulente, seul ou
associé au pneumocoque, aubacille pseudo-diphtérique,
au coccobacille de l'induenza. Ils ont cultivé ce mi-
crobe sur les milieux habituels. Sa pathogénité pour la
souris, le cobaye et le lapin est faible. On peut pour-
tant l'exagérer par passages successifs. Les lésions
observées, lésions que l'on obtient également si l'on
injecte des cultures préalablement tuées à CtO", sont
la tuméfaclion de la rate et une dégénérescence grais-
seuse du foie.
Les cullures permettent de distinguer ce microbe
d'une part du microbe de la méningite cérébro-spinale,
d'autre part du gonocoque.
Action antiseptique de l'acide urique. —
.lames Moore aflirmail di'-jà, en ISfl'.i, que l'ouverlure
(les articulations goutteuses était sans danger. D'autre
part, on admet que les goutteux ne sont que rarement
sujets il l'infection par le bacille de Kocii (Musgrave,
Morton, l'idoux, Lecorché) ; on peut parler d'une
■phtisie goutteuse, caractéiisée par sa marche lente et
sa tendance à la guérison. M. Bendix' se demande si cela
ne tient pas à l'action antiseptique de l'acide urique.
Il a étudié cette action de l'acide urique et de l'urate de
soude sur le bacille typhique, le colibacille, le strep-
tocoque, le staphylocoque, le bacille de Koch. 11 a
constaté qu'elle est absolument nulle. Toutefois, il
serait peut-être bon de faire de nouvelles expériences
avant de trancher la question.
1,'infeetîon sareosporîdienne cliez les .sou-
ris. — Si l'on connail assez bien l'r'volulion des sar-
cosporidies à l'intérieur des fibres musculaires, on ne
sait rien sur l'étiologre de ces afl'ections parasitaires.
Un zoologiste américain, Th. Smith', ayant observé
' ftcvue Nunrolofjique, n" 2.'), 1901.
' Zeitschrift fur kliD. Mmlizia, t. XLIV.
' Z. lùr kl. Med: I. XLIV.
* TiiEOBAi.h SMnii : The production of Sarcosporidiosis in
the Mouse by feeding infected muscular tissue. ThcJournul
qu'une forte proportion de souris grises, vivant dans
une grande cage en bois, présenlaient une infection à
sarcosporidies, a pensé à une contagion par les voies
digestives, et il a institué des expériences pour le
démontrer. Ces expériences, fort bien conduites, ont
confirmé son hypothèse et lui ont donné les résultats
suivants :
L'infection du tissu musculaire n'est vraisemblable
(examen microscopique à l'état frais et sur coupes)
que plus de quarante-cinq jours après l'ingestiou de
la nourriture infectieuse. Après ce délai, les souris
exaiiiiiicos riaient inl'ectees dans la jiroporlion de
63,6 "/o, alors que 8 % seulement des souris de con-
trôle ont montré l'infection spontanée.
Huant à la façon dont se fait le passage du sporozoïce
ingéré au parasite intramusculaire, M. Th. Smith est
réduit à de pures hypothèses. De nouvelles expériences
sont également nécessaires pour élucider le cycle évo-
lutif des sarcosporidies des herbivores et surtout les
circonstances de la contagion.
Les anticorps des levui'os et le sérum des
caneéreu.x. — On sait ijue divers expérimentateurs
et même quelques hardis cliniciens ont eu l'idée
d'éprouver, en injection sous-cutanée ou en ingestion,
l'action de la levure de bière et d'autres levures agents
de la fermentation alcoolique des sucres, contre cer-
taines maladies, en particulier contre le diatiète et la
furonculose. Entre certaines mains, d'autant plus avan-
tureuscs qu'elles étaient peu exercées, ces médications
se sont montrées désastreuses. Cependant il laut dire
que l'emploi tout empirique de certaines levures en
ingestion a semblé à d'excellents cliniciens constituer
un. remède souvent efficace contre la furonculose.
L'attention des physiologistes s'étant ainsi trouvée
appelée sur les modifications que ces saprophytes peu-
vent faire subir à l'économie, plusieurs savants ont
entrepris des recherches méthodiques en vue de préci-
ser cette action. .M. Brouha, de Liège, s'est, depuis quel-
que temps, attaché à déterminer les phénomènes qui
se produisent dans le sang ou le sérum d'un auimal
soumis à des injections répétées de levures banales,
et il a ainsi constaté ' que le sérum de ces animaux
acquiert la propriété d'agglutiner la levure ou tout autre
Blastomycète employé, et, en outre, d'aviver, à l'égard
de ces mêmes micro-orgànismes, le pouvoir agglutinant
des autres sérums. Ce sérum contient donc une de ces
substances que les bactériologistes ont, depuis quelques
années, appris à dépister et qu'ils nomment scnsil)ili-
satrices.
D'autre part, le même auteur a constaté que le sérum
des cancéreux n'est ni agglutinant, ni sensibilisateur
à l'égard des levures pathogènes connues (étudiées
notamment par Curtis, Pluuini, San Felici). Peut-être
y a-t-il à tirer de ce fait argument contre la théorie
blastomycélienne du cancer.
Cancer et malaria. — Il y a deux mois, M. Lœf-
iler, dont le nom est attaché à la découverte du ba-
cille de la diphtérie, a publié'- un article dans lequel
il se demandait s'il n'existait pas une sorte d'an-
tagonisme entre le cancer et la malaiia. et si, dans
ces conditions, l'inoculation d'hématozoaires à un can-
céreux ne pouvait amener la guérison du cancer. Pour
édifier cette hypothèse, M. Lœfller invoquait une
observation de 'Trunka, datant de IT'S et rédigée en
latin. Cette observation racontait l'histoire d'une jeune
tille qui avait une tumeur du sein, laquelle tumeur dis-
parut quand la malade contracta une fièvre tierce. L'n
autre fait sur lequel s'appuyait M. Lœffler était la
of cxpcriwi'nl. Mcdicinc, t. VI, n" 1, 20 novembre 1901,
p. 1-21, pi. 1-1 V.
' Buouir.A : Sur les propriétés du sérum des cancéreux an
point de vue des anticorps deslev'ures. C. t. liaktcriol., i .\bl .
t. XXX, p. 9'i5 |31 déc. 1901 . ''
■- Deutsche med. Wocheiischr., 1901, n" 42.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
63
rareté du cancer sous les tropiques, là justement où
la lièvre inlermittente est si fréquente. Mais ces deux
fails ne pouvant être considérés que comme de simples
indications, M. Lœl'fler admettait que sa conception
ne reposerait sur une base solide que si la statis-
tique venait confirmer cet antagonisme entre le can-
cer et la malaria.
(tr, la statistique que réclamait M. Lœffler vient d"ètre
publiée ' par les soins du professeur Kruse (de Bonn ).
Disons tout de suite que cette statistique ruine complè-
tement rhypolhèse de M. Lœffler, en montrant que,
dans aucun pays, il n'existe d'aiitai-'onisme entre la
fréquence du cancer et celle de la malaria.
Ainsi, de 1S87 à 1891, sur 10.000 habitants, sont
morts de :
MAL.VHIA C.\>"CER
Ea Italie 5,81 4,28
Prusse .. 4,20
Irlande 0,03 4,42
.\utrictie 4,98
Ecosse 0,0.5 6,34
.Angleterre Û.Ofi 6,.=)3
Pays-lias 0,40 7,28
Ainsi, le nombre de personnes qui ont succombé au
cancer en l'russe, en Autriche et en Irlande est pro-
portionnellement le mêine qu'en Italie, tandis que, dans
ce dernier pays, seule la malaria est une cause fréquente
de la mort. Or, une mortalité de 5,81 (de malaria) °/ooo
suppose une morbidité ceut ou deux cents fois
plus élevée, et, malgré cette extension considérable de
la malaria, le cancer est aussi fréquent en Italie qu'en
Prusse, où la fièvre palustre est [iresque inconnue.
Mais, à celte statistique, déjà passablement probante,
on peut objecter qu'elle prend les chiffres en bloo et
suppose que le cancer et la malaria sont distribués uni-
formément dans toute l'Italie. 11 est donc intéressant
de considérer la fréquence de ces deux alTections dans
les diverses régions de la péninsule. Le tableau ci-
dessous, où se trouve consignée la mortalité par
10.000 habitants, nous donne ces renseignements:
MALAHIA CANCER
Piémont 1,3 3,3
Ligurie 0,3 .5,1
LouibanJie , , . 1,0 3,3
Venise i,") 4,3
Emilie 1,1 6,4
Toscane 1,3 6,8
Les M.irches 0,6 5,5
Ombrie 1,2 4,4
Latium , . 9,8 4,9
Abruzzes. . 9.8 2,9
Campanie 6,1 3,2
Apulie 11,3 2,9
Biisilicale 17,5 2,2
Calabre l.">,3 2,3
Sicile 13,8 3,0
Sardaigne 20,6 1 ,7
A première vue, ce tableau semble confirmer les
idées de M. Lœfller, bien que les chiffres relatifs au
Latium et au Piémont constituent des exceptions dif-
ficiles à expliquer. Mais les choses changent de face
quand on envisage la mortalité respective par cancer
et jiar malaria non plus dans de grandes régions,
mais dans de petits arrondissements.il nous est impos-
sible de reproduire ici le tableau complet donné par
M. Kruse. .Mais les quelques chiffres que nous allons
citer suffiront pour montrer que l'hypothèse de
M. Lœfller est insoutenable et qu'il n'existe aucun rap-
port entre la raoïlalilé par malaria et celle par cancer :
CANCER MALARIA
Ale.tandrce 4,3 0,1
(lènes 6,6 0,2
Corno 5,7 0,1
Rovigo 4,!) 3.7
' MuacItcDer mcd. Wuchfuschi-., rjUI, u" IS.
Venise 6,1 3,1
Kerrare 4,7 4,2
r.rasseto 5,8 8,6
Sierra 9,0 1,0
Aquila 4,2 1,6
Foggia 2,4 26,7
Syracuse 3,3 18,1
Cagliari 1,8 19,2
Sassaii 1,3 13,7
Ajoutons enfin que, d'après M. Kruse, les oscillations
dans la mortalité par cancer s'observent dans d'autres
pays et notamment dans des pays où la fièvre inter-
miltente est pour ain?i inconnue. Ainsi en Prusse cette
mortalité oscille entre 2,9 (Coblenz) et 6,6 (Schleswig).
L'Achondroplasîe. — On observe chez certains
nouveau-nés une sinQaliève exiguïté des quatre ineiu-
bres. Il s'agit, dans ces cas, d'un trouble du développe-
ment du squelette survenu pendant la vie intra-utérine.
L'ossification cartilagineuse a été seule entravée; mais,
comme elle a été simullanément ariètée aux extrémi-
1és de tous les os des bras et des jambes, l'accroisse-
ment en longueur des quatre membres est, par suite,
notablement réduit. C'est cette malformalioii congéni-
tale que Perrot (1878) a désignée sous le nom d'aclion-
drojilasie. Faut-il y voir une maladie véritable"? Quel-
ques cas observés méritent d'être cilés à ce propos.
Très souvent les achondroplasiques meurent dans la
période fœtale, ou, s'ils naissent vivants, ils ne tardent
pas à succomber. 11 se produit encore un déchet dans la
première enfance; mais, celle période une fois passée,
la résistance vitale s'accroît, et l'on peut voir les achon-
droplasiques parvenir à l'âge adulte, L'achondroplasie
chez l'adolescent ou les adultes est donc rare. Ses carac-
tères morphologiques méritent cependant d'être connus.
Depuis la description qu'en a donnée M. Pierre Marie',
on peut aisément reconnaître les cas de ce genre,
L'achondroplasique adulte est un nain; sa stature
varie en moyenne de 1 mètre à 1 mètre 20 centimètres;
le peu d'élévation de la taille est dû surtout à la biiè-
velé des membres inférieurs. La niicrouiélie est le
caractère essentiel. Les membres supérieurs, frappés
tous deux de la même manière, restent symétriques: les
petites jambes aussi sont éj^ales, l'une n'est pas plus
courte que l'autre; c'est surtout le manque de propor-
tion entre lesdifférents segments des membres qui attire
1 altention. La cuisse est plus courte que la jambe, le bras
est plus court que l'avant-bras. La main est réduite dans
toutes ses dimensions ; ce n'est pas une main petite, c'est
une main <( carrée » : les doigts d'une même main sont
de dimensions presque égales. Ces doigts, même serrés
l'un contre l'autre, s'écartent par leurs extrémités, for-
mant le trident.
Les jambes, petites, mais non pas grêles, arquées par
surcroît, supportent un tronc de configuration normale,
ou à peu près. Au-dessus, une tête grosse, énorme quel-
quefois; chez Anatole, un des sujets typiques décrits
par M, Pierre Marie, la circonférence occipito-fronlale
mesure 67 centimètres; l'indice céphalique est de 100!
Dans tous les eus, \sl niacrocéphalie ei\a. bracliycéplialic
constituent un caractère presque aussi important que la
niicrarnclic.
Les auteurs ont beaucoup discuté, sans pouvoir s'en-
tendre, sur la nature de l'achondroplasie, dont ils font
S'jit une maladie, soit un arrêt de développement, soit
une malformation. Dernièrement encore, M. Cestan tt
M. Apert apporta-ent l'un et l'autre une contribution
nouvelle à l'étude de l'achondroplasie S Les observa-
lions qu'ils donnent sont comparables entre elles et
superposables aux faits antérieurement décrits. Mai-;
les conclusions des deux auteurs sont entièrement
différentes.
M, Cestan rapproche l'achondroplasie du rachitisme :
c'est un rachitisme lœtal, créé soit par une intoxicaliou
' Pi-'jssc médicale, 14 juillet 1900.
' Nouvelle Iconofjrapbie de la Salpêlrihre, 1001, n" ">.
Ci
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
maternelle, soit peut-être par une anto-intoxication
fœtale d'origine thyroïdienne. M. Apert, considérant
que l'achondroplasie est quelquefois héréditaire et
qu'elle se présente toujours comme une affection
invariablement semblable à elle-même, incline à la
regarder presque comme une variété du type humain.
Quoi qu'il en soit des théories, le fait à retenir est l'exis-
tence d'une variété de nains à morphologie bien définie.
Ces petits hommes et ces petites femmes ontdes jambes
raccourcies, tourmentées, arquées; au boui de leurs
bras exigus, des mains courtes; les extrémités de leurs
doigts descendent à peine aux hanches; leur corps est
celui del'adultenormal, mais leur grosse tête ronde vient
encore accentuer l'inversion des proportions normales.
Tout achondroplasique ressemble coinino un frère k
n'importe quel autre achondroplasique. La fixité de ce
1ype rend possible le diagno.stic non seulement sur If^
vivant, mais encore sur les figurations de nains qui sont
fort nombreuses dans l'Art. Charcot et M. Paul Uicher,
M. P. Marie ont reconnu l'achondroplasie dans les sta-
tuettes des dieux égypiiens Phlah elBés, M. H.Meige chez
des nains peints par Vélasquez, J. liomano, P. Véronèse.
IN'ai'colepsie ot îiitoxicalioii. — Dans un travail
tout récent, le l)' Furet ' vient de produire une série
d'observations d'où il conclut à une relation entre la
iiarcolepsie et certaines intoxications.
Rappelons à ce sujet que, pour la première fois, (iéli-
neau, en 1880, a défini les at laques de sommeil; il en
attribuait la répétition à un état morbide particulier, a
une névrose essentielle, qu'il appela ;y87'co/e/;.s/t\
Le sommeil paroxystique (Féré, 1893) n'est, à la vérité,
qu'un symptôme; c'est le besoin subit et irrésistible de
dormir, survenant en dehors du moment habituel du
repos, par accès fréquents et de courte durée. La brus-
querie et la durée des attaques varient, comme aussi la
profondeur du sommeil.
Lasègue a rapporté l'hir-loire d'un gar(;on marchand
de vins qui s'endormait debout, le verre en main, ins-
tantanément, tout en causant; le cas de Thumen con-
cerne un jeune homme qui s'endormait dès qu'il était
assis; la malade de Labbé s'endormait dans la rue
dès qu'elle s'arrêtait; le malade de .\L Sainlou ', des-
cendant un escalier taillé dans les rochers au bord de
la mer, s'endormit subitement et, en tombant, se fit
une plaie au front.
D'autres, enfin, s'endorment trois ou quatre fois pen-
dant le repas ou après le rt-pas, alors môme qu'ils par-
lent, qu'ils marchent, qu'ils conduisentune voiture, etc.
Dans sa monographie, M. Furet a repris l'étude de
la narcolepsie et a cherché à démontrer qu'elle est
le résultat d'une auto-intoxication. En faveur de cette
opinion, il cite les affections au cjurs des quelles le
symptôme narcolepsie semble survenir le plus sou-
vent : maladies de la nutrition (diabète, obésité), ma-
ladies aiguës microbiennes (grippe, fièvre typhoïde,
typhus), intoxications (alcoolisme). D'autre part, on
observe la narcolepsie dans des états qui passent pour
relever d'une auto-intoxication (épilepsie).
Se basant sur cette conception pathogénique, M. Fu-
ret conseille de n'attacher aucune valeur pronostique
particulière à la narcolepsie : sa gravité dépend de l'af-
fection au cours de laquelle elle se manifeste.
Quant au traitement, il se résume en deux indications
principales : supprimer les causes d'intoxication (alcool,
excès alimentaires, traitement de la maladie dont la
narcolepsie n'est qu'un symptôme', et favoriser l'élimi-
nation des toxines (régime lacté, purgatifs, etc.)
§ 7. — Enseignement
Une «?cole prorcssioiinelle du soir <>ii Amé-
rique. — Nul ne nie, actuellement, l'action bien-
faisante exercée par les cours du soir. Mais il est à
• Thèse de la Faculté de Médecine de Paris, 1901.
* Revue ^euro'oijique, 1901, p. 296.
craindre que bien peu d'entre eux arrivent aux résultats
qu'obtient, àMew-S'ork, la Cooper l'nion for tlie aihau-
cement of Science aucl Art. S'adressant à un public
surmené, qui leur consacre, par un effort que l'on ne
peut ti'op admirer, un temps légitimement drt au repos,
à un puldic d'employés et d'ouvriers à qui le temps a
toujours manqué pour compléter leur savoir, les cours
du soir, dans bien des cas, ne prétendent pas dépasser
une instruction des plus élémentaires. C'est dans le
même public de travailleurs que la Cooper l'nion
recrute ses élèves : parmi les jeunes gens qu'elle réu-
nit quotidiennement, \\ n'en est pas un qui, avant de
s'y rendre, n'ait accompli sa journée de labeur. Cepen-
dant, une simple promenade dans ses salles suffit pour
montrer, et par l'activité qui y règne, et par la naiurr
des études qui s'y poursuivent, qu'il s'agit de tout autre
chose que d'une instruction élémentaire et superficielle ;
et l'inspection des programmes ne fait que confirmer
celte impression.
L'enseignement comprend une école scientifique, une
école d'art, avec division spéciale pour femmes, un cours
de sténographie et un cours de télégraphie pour femmes,
etc.. sans compter plusieurs séries de conférences.
Laissons de côté tous ces derniers enseignements, et ne
ncms occupons que des cours scientifiques. Ceux-ci, —
comme la plupart des autres cours de l'Union, — ne sont
accessibles qu'après examen : pour y pénétrer, il faut
justifier d'une connaissance suffisante des premiers éb'-
ments de l'Algèbre et de la Géométrie (troisième livrr*.
L'examen élimine, d'ailleurs, un nombre considérable
de candidats, car l'enseignement de la Cooper Unimi
(lequel est. bien entendu, gratuit) est extrêmement
recherché. En 1901, le nombre des jeunes gens qui oui
demandé à suivre la première année de cours a éti' de
1190 : un peu moins de 400 ont été admis. On preii'l
soin d'indiquer aux ajouinés les cours du soir où ll>
pourront acquérir les connaissances qui leur manquent.
L'enseignement se distribue sur cinq années :
P" année : Algèbre, Géométrie, Chimie élémentaire.
Législation ;
2' année : Algèbre, Géométrie, Chimie élémentaire.
Physique, Législation;
S" année ■ Trigonométrie, Géométrie desciiptive, Géo-
métrie analytique, Statique et Dynamique élémentaires.
Mesures électriques, Législation;
'i' année : Géométrie analytique. Calcul différentiel
et intégral, Dessin technique. Projets de machines;
5= année: Mécanique appliquée. Physique supérieuri'.
Chimie analytique. Projets de machines, Législation.
Des jeunes ouvriers, des jeunes employés qui vien-
nent lui consacrer leurs soirées, la Couper Union fait,
au bout de ces cinq années, des ingénieurs. La série
complète des cours est indispensable pour faire un
ingénieur civil. Les connaissances nécessaires à l'ingé-
nieur mécanicien ou à l'ingénieur électricien sont
un peu moins étendues, mais non en ce qui concerne
les Mathématiques. Ce qui est surtout remarquable,
c'est que, parmi les élèves qui n'ont pas besoin de^
connaissances scientifiques les plus élevées, il en est
beaucoup qui tiennent à les acquérir. Les cours de Géo-
nu' trie analytique ontainsi réuni, en 1901, ITOauditeurs;
le Calcul diiférentiel et intégral, 8b; la Philosophie na-
turelle iMécaniqiie rationnelle), 194; la Chimie analy-
tique, 87 ; la Physique supérieure, SO.
Outre l'installation, qui a toute l'ampleur il laquelle
les Américains nous ont habitués, les méthodes d'enses
gnement paraissent aussi mériter l'attention. Elleâ
revêtent, bien entendu, un caractère surtout pratiquej
mais cela ne les rend ni plus mauvaises, ni moins iiité
ressantes, même pour nos établissements d'instructioD
théorique. En quoi, par exemple, la dignité de ceux-c|
se trouverait-elle compromise, si, après avoir trouvé, efi
grandeur et direction, la résultante de forces donnéesl
non sur le papier, mais matériellement, les élèveâ
étaient exercés, comme à la Cooper l'nion, à vérifie!
expérimentalement leurs résultats à l'aide d'appareil|
appropriés?
s. ARRHÉXIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
Go
LÀ CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
L'aurore boréale a, depuis des siècles, exercé la
sagacité des savants, et pourlant on ne saurait dire
qu'à l'heure actuelle nous possédons une expli-
cation pleinement satisfaisante de ce grand phéno-
mène.
Nous voudrions, dans les pages qui vont suivre,
appeler l'attention des astronomes et des physi-
ciens sur un ordre de considérations empruntées à
la Mécanique céleste et à l'Electricité, et qui nous
semblent propres à apporter quelques éléments de
solution au problème.
I
Lorsque Newton publia, en 1686, ses Philosophhe
mitarahs Primipiu innthematica, ses contempo-
rains comme les savants d'aujourd'hui, s'émerveil-
lèrent de l'e.xaclitude avec laquelle le système de la
gravitation -expliquait les mouvements des corps
célestes.
Tout le monde matériel est, d'après Newton,-
pénétré d'une propriété intime, d'après laquelle les
plus petites molécules, comme les plus gros corps
célestes, sont poussés les uns contre les autres par
une force qui est en raison inverse du carré de la
(distance qui les sépare. Celte propriété fut et est
toujours considérée comme la plus essentielle de la
matière, et elle est employée à la mesure de la
quantité de matière, quantité qui se montre pro-
portionnelle à la force d'attraction.
Une répulsion entre des particules matérielles
parait, au premier abord, impossible; on ne peut
s'imaginer une substance négative. Cependant, on a
trouvé, depuis Newton, beaucoup d'exemples de
répulsions dans les phénomènes électriques et
électromagnétiques. Ces forces de répulsion n'ap-
partiennent pas, il est vrai, à la matière; aussitôt
que la charge, ou le courant électrique, ou la
magnétisation disparaissent du corps considéré, la
répulsion disparaît également. Aussi est-on habitué,
lorsqu'on rencontre des répulsions entre des parti-
cules matérielles, à les attribuer à des phénomènes
magnétiques ou électriques.
Ces considérations ont conduit certains astrophy-
siciens à supposer que le Soleil n'est pas seulement,
à cause de sa grande masse, le siège d'une énorme
force d'attraction, mais qu'il peut aussi, dans
certaines circonstances, repousser des corps voi-
sins. Ce phénomène s'observe particulièrement
bien sur les queues des comètes, pour lesquelles
Olbers a trouvé qu'elles sont repoussées du Soleil
avec une force inversement proportionnelle au
carré de la distance qui les en sépare. Pour expli-
quer ce phénomène, on admet généralement l'exis
tence de fortes charges électriques sur le Soleil et
les comètes. Mais il n'en a pas toujours été ainsi.
La plus ancienne explication de la force répulsive
du Soleil, telle qu'on la constate dans la formation
de la queue des comètes, est due à Kepler'. Kepler
se basait sur la théorie, alors régnante, de l'émis-
sion de la lumière, d'après laquelle le Soleil et les
autres sources de lumière lanceraient avec une rapi-
dité considérable de petits corpuscules lumineux.
Lorsque ceux-ci rencontreraient les particules très
mobiles de l'atmosphère des comètes, ils leur com-
muniqueraient une partie de leur mouvement, dont
la résultante serait dirigée radialement au Soleil.
L'opinion des astronomes modernes sur cette
hypothèse se résume dans ces paroles de M. New-
comb : « Si la. lumière était due à une émission de
particules, comme Newton le supposait, on ne
pourrait refuser à l'hypothèse de Kepler une cer-
taine vraisemblance; mais comme, aujourd'hui, il
est admis que la lumière consiste en vibrations de
l'éther, on ne voit pas comment celles-ci pourraient
exercer une influence motrice sur la matière ^ »
Il est remarquable de constater que Newton,
bien qu'il admit la théorie de l'émission de la
lumière, ne partageait pas les vues de Kepler sur
la forme des queues des comètes. Newton pensait
que celles-ci doivent s'orienter dans la direction
opposée à celle de la pesanteur, comme l'air
chaud et la fumée qui montent d'un foyer, parce
qu'elles sont entourées d'un milieu plus dense.
Une théorie analogue a été soutenue plus récem-
ment par J. Rydberg', mais elle a été également
refutée par Newcomb*.
Les hypothèses de Kepler et de Newton furent
peu à peu abandonnées. Mais il est curieux de voir
qu'au wm" siècle, le seul adversaire important de
la théorie de l'émission, Leonhard Euler', soutint
également que les vibrations lumineuses, consi-
dérées par lui comme les ondulations longitudi-
nales de l'éther, exercent une pression sur les
corps éclairés. 11 chercha, sans succès, à justifier
cette conception, qui, fortement critiquée par de
Mairan% fut bientôt délaissée.
' KEPLER : Principia wathamatica, I, cliap. m, prop. 41.
' Xewcomb : Popularc Astronomie. Leipzig, 1881, p. 44.5.
' J. R. Rydberg: Schritlea dcrpbysiog.Ges. zuLiind, IS98.
^ Xewcomb : Loc. cit., p. 445.
= El LER : Mémoires del'Acad. de Berlin, 1746, t. II, p. 1-1
et 133.
° De Maihax : Traité de l'aurore bores Je, p. 308, 341 et
se*. Paris, 17û4.
s. ARKHÉNirS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
II
Ci'priuhuit, Eulcr avait raison. La llu'orie,
aujourd'liui réj^iianle, de Maxwell sur la nature
l'k'ctro-iiiagnélique des vibrations lumineuses con-
duit à la conclusion que les ondes lumineuses exer-
cent une pression contre les corps sur lesquels elles
tombent. Et celle conclusion est appuyée par l'ap-
plication de la théorie mécanique de la chaleur aux
pliénouiènesdu rayonnement. 11 ne peut donc sub-
sister aucun doute à Tégard de cette conséquence
de la théoiie, quoique, à cause de son extrême
petitesse, cette pression n'ait encore pu être expé-
rimentalement vériliée. La théorie de Maxwell
possède toutefois ce grand avantage qu'elle permet
de calculer exactement la valeur de la pression en
question, si l'on connaît la force du rayonnement,
ce qui est le cas pour le rayonnement solaire.
Celle théorie exige que. « dans un milieu où se
propage une onde (électromagnétique ou lumi-
neuse), il existe, dans la direction de propagation,
une pression partout égale à l'énergie totale conte-
nue dans l'unité de volume ' ». La constante solaire,
c'est-à-dire la quantité d'énergie qui tombe en
tut secondes sur un centimètre carré d'un corps
dont la surface est perpendiculaire au rayonnement
et située ù la distance qui sépare la Terre du Soleil,
a une valeur qui est approximativement de 2,5 ca-
lories. La quantité d'énergie par seconde est donc
;2,:; : 00 = 0,0417 cal. sec-'cm"' = 42.600X0,0417
= i77.'i g. cm. sec ■' cm~''.. Comme, d'autre part, le
rayonnement solaire se propage avec une vitesse
de (300.000 kilomètres =) 3 x 10'° cm. sec "', la
quantité d'énergie solaire dans un cw' est 1.77.") :
3 X 10'° = o92,IO '" g. cm-^ « Comme cette pres-
sion n'existe que sur le c6té du corps éclairé par le
Soleil, elle ne peut se faire sentir que dans la direc
lion de la propagation du rayonnement. Une
lumière intense peut exercer vraisemblablement
une pression encore plus forte, cl il n"est pas im-
possible que, si les rayons d'une telle lumière tom-
baient sur une plaquette métallique mince sus-
pendue dans le vide, ils n'excr<;assent sur elle un
elTet mécanique visible'. »
Si la réi)ulsiiin jiar le rayonnement solaire est
extrêmement minime au voisinage de la Terre, elle
est beaucoup plus forli-au voisinage même du Soleil
et elle peu t y produ ire des effets visibles. Le diamètre
de l'orbite tei-n-stre est égal à 21."), 7 rayons solaires.
Le rayonnement solaire à la surface du Soleil e^t
' Maxwell : .V Trcalise ol Elcclricily nnd Minjarthm.
Art. -'il, 18Ti.
• Maxwell : I.nf. cit., art. 793. Plusieurs physiciens se
sont eiroroés de nicllro cet effet en évidence. Les essais,
i|iii ont réussi ((ualilativi-inent, ne sont c-pendant pas con-
cluants, c:ir aucune mesure quantitalive n'a prouvé la
concordance avec l.i Ifatiorie.
donc (213,7)'^ 40.518 fois plus grand que le rayon-
nement calculé plus haut, et il exerce une pression
de 45.518 X S92 X 10-'» = 2,7o X 10^^ g. cm. ^
D'aulrc part, le poids d'une masse donnée, par
exemple d'un cin'^ d'eau, est 27,47 fois plus grand à
la surface du Soleil qu'à la surface de la Terre. 11
s'ensuit qu'un mi^ d'eau pèse à la surface du Soleil
10' fois plus que la valeur qui correspond à la pres"
sion exercée par le rayonnement solaire sur une
surface de 1 cm'. Si l'on considère un cube de
1 cm. de côté et de poids spécifique 1, dont les
arêtes sont horizontales et verticales, il perd, par
suite du rayonnement solaire sur sa surface infé-
rieure, un dix-millième de son poids. On suppose
que ce corps ne laisse pas traverser le rayonnement
solaire, car il faudrait soustraire de l'énergie
totale celle qui a traversé. Un rayon rélléchi dans
la direction opposée à celle du rayonnement
compte, par contre, double. Comme la plupart des
corps solides et liquides, même en couche mince,
sont à peu près impénétrables et rélléchissent en
grande partie le rayonnement solaire, nous admet-
trons, pour plus de simplicité, que l'action est
(■gale à celle qui se manifesterait si tout le rayonne-
ment était absorbé par le corps rencontré.
Si nous construisons maintenant un cube de la
matière ci-dessus dont les arêtes ont 10~^ cm. de
long et sont orientées de même, son poids est 10 '-
fois et sa répulsion parle rayonnement solaire 10 '
fois plus grande que dans le premier cas. Par con-
séquent, la répulsion égale le poids: le poids appa-
rent est nul.
11 est facile de calculer, d'après ces donnée?, quel
doit être le diamètre d'une gouttelette de poids
spécifique I pour que sa pesanteur sur le Soleil soit
égale à sa répulsion due au rayonnement. On
trouve que ce diamètre doit être égal ;\ 1,5 a. Pour
une gouttelette de poids spécifique difl'érent, le
diamètre doit être inversement proportionnel au
poids spécifique.
Si le diamètre de la gouttelette est moindre que
la valeur ci-dessus, il y a répulsion loin du Soleil,
et celle-ci est d'autant plus forte qui' les dimensions
sont moindres.
Ces calculs ne sont valables que pour des corps
en repos. Il est facile de comprendre que l'action
serait nulle si les corpuscules s'éloignaient du
Soleil avec la vitesse de la lumière ou une vitesse
encore plus grande. Si la vitesse des particules
atteignait une fraction appréciable de la vitesse de la
lumière, celte fraction serait à retrancher de l'elVet
normal. Mais, comme cette fraction est négligeable,
je n'en ai jias tenu compte. D'autres complications
peuvent s'introduire dans le cali'ul quand les
dimensions des goullelctles s'abaissent au-dessous
des longueurs d'onde du rayonnement. L'ordre de
s. ARRHENIUS — L,\ CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
j^^randeur do la répulsion calculée ne se présente
donc ([ue pour des gouttelettes qui ne sont pas trop
minimes.
On peut maintenant déduire des mouvements
des queues cométaires, et en particulier de leur
courbure, la force répulsive du Soleil, qui, d'après
les calculs de Bredichin', dépasseraitl8,o, 3,2, 2 ou
i,o fois la pesanteur. Pour cela, il serait nécessaire
d'admettre l'existence de gouttelettes dont le dia-
mètre serait autant de fois compris dans la valeur
critique que l'indiquent les nombres ci-dessus de
Bredichin. Or, on a toute raison de croire qu'une
partie très importante, la partie gazeuse, des
comètes se compose d'hydrocarbures. Le poids
spécifique de ces corps est un peu inférieur à celui
de l'eau et ne doit pas s'écarter beaucoup de 0,8. Il
faudrait donc, pour former les queues observées,
des gouttelettes ayant des diamètres respectifs de
0,1, 0,.'>9, 0,94 et 1,23 |;i.
Quelques queues de comètes sont tournées vers
le Soleil de telle façon que Bredichin a déduit de
leur courbure que la répulsion n'était que 0,3 de
leur poids; le diamètre de leurs gouttelettes serait
donc de G [j..
t)n peut maintenant se demander s'il existe des
corpuscules solides ou liquides aussi petits. On sait
que l'encre de Chine contient des grains de suie si
minimes qu'ils ne peuvent être aperçus à l'aide du
microscope. Il existe également des êtres orga-
nisés qui, à cause de leurs faibles dimensions,
échappent à notre perception, quoiqu'ils manifes-
tent leur présence par d'autres phénomènes : par
exemple, le bacille de la péripneumonie chez les
Bovidés, le microbe d'une maladie du tabac, etc.
Cesafleclions nous prouvent l'existence de microor-
ganismes spéciliques, qui, cependant, à cause de
leur exiguïté (moins de 0,3 [a), échappent à l'obser-
vation microscopique. Si donc il existe des orga-
nismes vivants, et naturellement compliqués, de
cet ordre de grandeur, on peut admettre la possi-
bilité de corps inorganiques encore plus petits. On
a préparé des pellicules liquides d'une épaisseur
de 10-20 a;j., et même récemment de 5 u|ji (0,00o fji).
Il est, par conséquent, naturel de se représenter des
gouttelettes d'un aussi faible diamètre, et celles-ci
sont déjà 20 fois moindres que celles qu'il faut
faire intervenir pour expliquer les queues comé-
taires les moins déviées.
(Juand une comète s'approche du Soleil, on re-
marque, sur le côté tourné vers le Soleil, une sorte
de répulsion de matière, comparable à la forma-
lion de la vapeur pendant l'ébuUition. Il est facile
de se représenter la cause de ces phénomènes. Les
' Bredichin : Ttevision dos valeurs nuinériquot de la force
'-inilsive. Leipzig, Vos9, 1883.
vapeurs repoussées de la comèle se condensent eu
petites gouttelettes d'hydrocarbures à point d'ébul-
lution élevé (avec élimination d'hydrogène) ou
donnent de la suie comme dernier produit de con-
densation. La grosseur de ces gouttelettes ou de
ces particules dépendra de la concentration des
gaz, de la force du rayonnement solaire et peut-
être de la quantité de poussière cosmique qui forme
les noyaux de condensation. On conçoit qu'il existe
des circonstances diverses qui influent sur la gros-
seur des gouttes, et ces circonstances varient dans
la masse de vapeur, de sorte que les gouttelettes
formées sont de dilférentes grosseurs. Les plus
grosses retombent sur le noyau cométaire, à moins
qu'elles n'en soient trop éloignées, auquel cas elles
forment des queues opposées au Soleil. Les plus
petites donnent naissance aux queues déviées par
le Soleil. Quand, par suite de certaines circons-
tances, quelques grosseurs de gouttes prédomi-
nent, il se produit le phénomène, bien connu, de
queues de courbures différentes et bien distinctes.
Naturellement, plusieurs queues de même nature
peuvent se produire quand le noyau cométaire est
hétérogène et que des vaporisations ont lieu de
préférence à certaines places ; ce fut le cas de la co-
mète de 1744, qui n'avait pas moins de cinq queues.
Celte manière de voir concorde, d'ailleurs, avec
le fait que la répulsion apparente d'une queue
n'est pas toujours inversement proportionnelle à
la racine carrée de' la distance du Soleil. Car, pen-
dant le mouvement des comètes, les circonstances
physiques (comme le rayonnement du Soleil) se
modilient, et les grosseurs des gouttelettes peuvent
changer. Quand celles-ci restent constantes, les
deux forces agissantes, la pesanteur et la répul-
sion proportionnelle au rayonnement solaire, et
par conséquent aussi leur différence, suivent exac-
tement la loi de l'inverse du carré de la distance.
Mais, si la grosseur des gouttelettes change, cette
proportionnalité disparaît.
On a attribué autrefois les répulsions en question
à des forces électriques entre le Soleil et la queue
comélaire, qui tous deux seraient chargés néga-
tivement. D'après Bredichin, les queues seraient
constituées par des gaz : hydrogène, hydrocar-
bures (méthane), sodium et fer. Plus récemment,
on a admis l'existence d'un gaz encore plus léger
que l'hydrogène dans les queues les moins cour-
bées ; ce serait le coronium, le gaz de la ligne
coronale. Au point de vue physique et chimique, il
y a beaucoup d'arbitraire dans ces hypothèses.
Déjà, l'hypothèse fondamentale que le Soleil pos-
sède une charge électrique parait difficile à ad-
mettre à plusieurs savants ', surtout si celte charge
' Newco.mb : Popular Aslronomy. Leipzig, 1881, page 440.
s. ARRHÉNIUS — L\ CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
doil produire d'aussi fortes répulsions qu'on en
observe pour les queues des comètes.
Une autre preuve de l'hypothèse que le rayonne-
ment solaire est la cause de la formation des queues
cométaires repose sur ce fait que, d'après les
recherches de Berberich, les comètes présentent
leur plus grande intensité lumineuse dans les
années où le Soleil offre le plus grand nombre de
taches. Les taches solaires sont produites par des
mouvements de circulation sur le Soleil, et, dans
les années de taches, le Soleil rayonne plus de
chaleur qu'à d'autres époques. Ainsi, Savélieff' a
trouvé que le rayonnement calorilique dans les étés
1890, 91 et 92 était de '29,8, 34,2 et 31) calories par
seconde et par centimètre cube, tandis que le
nombre des taches était respectivement de 7,47 et
86. Dans ces circonstances, le rayonnement ultra-
violet augmente, et, d'autre part, par suite du
grand nombre d'éruptions superficielles, la quan-
tité de poussière cosmique qui est repoussée du
Soleil s'accroît. Ces deux circonstances favorisent
les condensations, c'est-à-dire la formation de
queues (et de nuages), autour des noyaux comé-
taires ; la comète présente alors une plus grande
luminosité.
III
Les considérations exposées plus haut sont appli-
cables non seulement aux comètes, mais aussi à
toute la poussière répandue dans l'Univers. Cslle-ci
provient, sans aucun doute, en majeure partie, du
Soleil. Les puissantes éruptions qui provoquent la
formation des protubérances, détachent du Soleil
une certaine quantité de matière, qui vase conden-
ser à grande distance en gouttelettes ou en cor-
puscules. Ces particules sont repoussées par les
rayons solaires et donnent naissance, au-dessus
des lieux d'éruption, aux prolongements filamen-
teux particuliers de la couronne, qui surpassent
souvent plusieurs fois la longueur du diamètre
solaire. Ces prolongements ont naturellement leur
racine aux points où l'activité éruplive est maxi-
mum, c'est-à-dire dans la région des taches. Qu'ils
ne paraissent pas déviés, nous le comprenons faci-
lement, puisqu'une particule possédant le demi-
diamètre critique et soumise à l'inlluence du rayon-
nement solaire depuis la surface jusqu'à une dis-
tance égale au diamètre solaire, atteint une vitesse
de 430 kilomètres par seconde. En moins d'une
heure, elle décrit une trajectoire égale au diamètre
solaire. Quand donc, comme dans les queues comé-
taires, des particules se présentent dont le diamè-
tre n'est que le 1/800 de la valeur critique, celles-
ci parcourent le même chemin en moins de quatre
minutes.
' Savélieit : C. li. Acad. Se, t. CXVIIl, p. .ti2, IS'Ji.
Cependant, quelquefois les rayons coronaires ne
paraissent pas dirigés radialement au Soleil, comme
dans les belles photographies de la couronne solaire
deMaunderen 1898. Ce peut être, en partie, un effet
de perspective; mais, y eût-il déviation, il n'est pas
difficile de l'expliquer par l'action des forces érup-
lives qui ne sont pas toujours dirigées perpendicu-
lairement au Soleil.
La plus grande partie des particules des rayons
coronaux retombe sur le Soleil en décrivant des tra-
jectoires très incurvées, comme Liais en a observé
dans l'éclipsé de 1857 : soit parce qu'elles sont
trop grosses, soit parce que plusieurs petites se
réunissent pour donner une particule plus grande,
dont la pesanteur dépasse l'effet répulsif.
Dans un certain nombre de cas, par contre, les
particules poursuivent leur chemin dans l'espace.
Leur concentration diminue d'autant plus quellei
s'éloignentdu Soleil. Si aucune d'elles neretombait,
cette concentration serait à peu près en raison
inverse du carré de leur distance au Soleil. Mais,
par suite des chutes et des condensations, cette
concentration diminue un peu plus rapidement. La
quantité de particules ([ui se trouvent dans l'unité
de volume à la distance r du Soleil sera donc pro-
1
porlionnelle à la fraction -;;-q;-^> a étant une ipetite)
quantité positive.
Ces particules se meuvent dans toutes les direc-
tions autour du Soleil. Quand, par l'agrégation de
plusieurs particules, il s'en forme une plus grosse,
qui retombe sur le Soleil, sa trajectoire de retour
a lieu suivant un rayon solaire. Aussi un observa-
teur, situé sur le côté non éclairé de la Terre, qui
perçoit l'impression de lumière solaire refléchie
par ces particules, doit-il voir, par suite de la per-
spective, le maximum de celle-ci en un point direc-
tement opposé au Soleil. La réverbération, que l'on
observe dans les latitudes sud, possède précisé-
ment cette propriété. Il est vrai qu'on a cherché à
expliquer celle apparence par des essaims météori-
ques venant du Soleil ou allant dans sa direction.
Mais il est difficile de comprendre pourquoi les
essaims météoriques sont dirigés en lignes aussi
droites vers le centre du Soleil; on serait plutTit
porté à supposer qu'ils se meuvent suivant des tra-
jectoires analogues à celles des comètes. Ces tra-
jectoires sont si diverses aux environs de la Terre,
qu'un point de radiation aussi défini que celui de
la réverbération ne pourrait exister.
Puisque la quantité par unité de volume des par-
ticules considérées diminue plus rapidement que
l'inverse du carré de la distance au Soleil, il est
facile de voir que leur pouvoir d'absorption de la
lumière est presque exclusivement concentré aux
environs immédiats du Soleil. Supposons un fais-
s. ARRHÉNIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
f)9
(■e;ui hiniini'ux de secliun constante il cm-; s'éloi-
giiant du Soleil; la quantité de lumière absorbée
(IL, dans un volume de longueur (//• et de section 1,
h une distance ;• de la source lumineuse, sera pro-
portionnelle à la quantité de lumière L dans ce
volume. Nommons A le facteur de proportionalité;
on aura :
La quantité de lumière L, à la distance /", est
donnée par l'équation :
011 Lo est la quantité de lumière à la surface du
Soleil (/• = i\).
Pour les grandes valeurs de /■, la quantité totale
de lumière L diminue très lentertient quand /• croit
cl s'approche asymplotiqueinent d'une limite :
'l +ai/-„' + '^
Le Soleil apparaît donc, si l'on fait abstraction
d' ses environs immédiats, comme une source
lumineuse dont la quantité de lumière n'est pas
sensiblement absorbée par la poussière cosmique.
IV
Jusqu'à présent, nous n'avons considéré les pro-
priétés des particules émanées du Soleil qu'en
l'absence de toute force électrique. Or, les obser-
vations .de Wilsou ' ont montré que ces forces
entrent en jeu. Cet auteur a conclu que, dans un
gaz ionisé, les ions négatifs servent, de préférence,
de noyaux de condensation. On a admis depuis
longtemps que, dans les mouvements extrêmement
puissants' de la surface du Soleil, il y a séparation
d'électricité positive et négative. Il doit donc se
produire des décharges, auprès desquelles les
décharges électriques des éruptions volcaniques
terrestres ne sont rien. Dans ces décharges, qui
s'étendent aussi haut dans l'atmosphère solaire
que les masses projetées, il se développe, à la par-
tie supérieure et raréfiée de l'atmosphère solaire,
des rayons cathodiques, qui donnent naissance à
des rayons de Runtgen. Peut-être des rayons X
sont-ils émis directement par le Soleil, mais nous
n'en pouvons rien savoir. En tout cas, les condi-
tions sur le Soleil sont telles que l'on a toute rai-
son de conclure, d'après les analogies terrestres,
à la présence fréquente de rayons cathodiques et
de Rôntgen dans les couches les plus raréfiées de
' C. T. It. \Vii,sr,N: Phil. Trans.,séT. \, t. CXCllI, p. 2S9-
30S. Couip. J. J. ïnoMSON : Phil. Mag., {.i], t. XLVI, p. :i3:>.
l'atmosphère solaire. Ces rayons possèdent la pro-
priété d'ioniser les gaz qu'ils traversent, gaz dont
les ions, surtout les ions négatifs, font office de
germes de condensation.
Dans la condensation des gaz rejelés du Soleil,
les particules se chargeront donc de préférence
négativement et entraîneront l'électricité négative
dans leur voyage à travers l'espace. Les environs
du Soleil et des autres corps célestes fortement
rayonnants resteront entourés d'une atmosphère
(couronne) chargée positivement. Ilarrivera que les
particules négatives rencontreront dans leur tra-
jet d'autres corps célestes (planètes, mondes, etc.!
et, tombant en partie à leur surface, charge-
ront ceux-ci négativement. Puis, ces particules
négatives seront repoussées par ces corps célestes
chargés d'électricité du même nom, et seront
déviées dans leurs trajectoires, qui prendront une
forme hyperbolique. Celles qui posséderont la plus
grande vitesse atteindront cependant encore, en
partie, les corps célestes chargés.
De leur côté, ces corps célestes n'augmenteront
pas leur charge négative jusqu'à l'infini. Quand le
potentiel négatif dépasse une certaine limite, il
va décharge, favorisée parle rayonnement ultra
violet du Soleil. On arrive ain.'.i à un ('■(/iiilibre
mobile, dans lequel, en un temps suffisamment
long, autant d'électricité négative est api)ortée au
corps céleste par les particules, qu'il en perd, dans
le même temps, par décharge sous l'inHuenee du
rayonnement solaire ultra-violet. La perte se
produit, peut-être, de telle façon que de petites
particules chargées sont repoussées; on peut alors
dire, en quelque sorte, que l'efl'el total du corps
céleste placé sur le chemin des particules solaires
se réduit à projeter derrière lui une sorte d'ombre
qui, par suite de la répulsion des particules, est
plus large que l'ombre optique, et ensuite qu'il
héberge pour un temps les particules négatives et
en reçoit une charge négative.
Les particules chargées émises par les corps
célestes éclairés, comme celles qui viennent du
Soleil et qu'ils ont déviées, forment derrière lui
une sorte de queue, dont l'axe central est dépourvu
de particules chargées, à peu près comme l'axe
d'une queue de comète paraît dépourvu de matière
cométaire. Les planètes et leurs mondes exercent
celte action d'écran aussi bien contre les particules
négatives venant du Soleil que contre celles qui y
retournent.
Réfléchissons maintenant aux circonstances qui,
d'après ces hypothèses, se produiraient sur la
Terre. Le côté de la Terre tourné :vers le Soleil
(côté du jour) est inondé par une pluie de particules
70
S. ARRHENIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BOREALE
iiégalivt'inenl chargées. Cellos-ci retient dans les
couches les plus hautes de l'atmosphère, plus haut
que les plus hautes étoiles filantes, car celles-ci,
pour envoyer une lumière suffisante pour être vue
à une dislance de plus de lUO kilomètres, doivent
posséder une masse non négligeable. Comme les
plus hautes étoiles filantes ont apparu à environ
1(10 kilomètres de hauteur, on peut donc assigner
à 200 kilomètres de hauteur la place à laquelle les
petites particules d'une grosseur moindre de 1 |x
restent stationnaires. Ces couches atmosphériques,
qui, au voisinage du point situé sur la ligne réunis-
sant les centres de la Terre et du Soleil, sont le
plus fortement chargées, se déchargent de nouveau
et donnent naissance à des rayons cathodiques.
La plus grande partie des décharges aura lieu de
jour sous l'innuence du rayonnement solaire ultra-
violet, et non loin des endroits où les particules
chargées sont tombées (donc surtout dans les
régions équatoriales). Mais, par suite des courants
aériens, il peut se produire, à d'autres moments
et dans des contrées qui ne reçoivent que peu ou
pas de lumière solaire, des accumulations sembla-
bles d'électricité négative, donnant lieu à des
décharges et à des rayons cathodiques.
On sait que le grand spécialiste des aurores
boréales, M. Adam Paulsen, a trouvé une concor-
dance si extraordinaire entre les propriétés de
l'aurore boréale et celles des rayons cathodiques ',
qu'il considère le premier phénomène comme un
cas spécial du second. Cette hypothèse n'ofi're
qu'une difficulté : le défaut d'explication de la
production de ces rayons cathodiques. Les consi-
dérations que nous venons d'exposer nous sem-
blent résoudre le problème. Comme l'accunmla-
tion des masses électriques négatives se produit
à une hauteur d'environ 200 kilomètres, où la
pression de l'air n'est plus que 10-* à 10" mm. de
mercure, la naissance des rayons cathodiques
a lieu dans une matière si fortement raréfiée
qu'elle ne peut produire aucun phénomène lumi-
neux appréciable. Aussi ils pénètrent plus loin
sans absorption sensible. D'après leur nature, les
rayons cathodiques, placés dans un champ magné-
tique, se propagent en ligne droite lorsqu'ils sont
dans la direction des lignes de force magnétique.
Autrement, ils décrivent des lignes hélicoïdales
autour de cette direction comme axe, et de cour-
bure d'autant plus forte qu'ils sont plus inclinés
])ar rap|iort aux lignes de force. Les lignes de
force magnétiques sont, à l'équateur, presque pa-
rallèles à la surface de la Terre; il s'ensuit que les
rayons cathodiques, au voisinage de l'équateur, ne
' A. Paulsen : Sur la nature et l'origine de l'aurore
beréale. Uull. de l'Acad. des Hc. de CopeaLayuc, 1894.
peuvent pénétrer dans les couches d'air plus pro-
fondes et produire des phénomènes lumineux plus
forts. Les décharges ne provoquent donc, aux
environs de l'équateur, qu'une apparence lumi-
neuse faible et diffuse, très étendue. On a, en
effet, trouvé la ligne de l'aurore polaire dans la
lumière diffuse du ciel pendant la nuit.
Plus l'on s'éloigne de l'équateur, plus les lignes
de force magnétiques sont inclinées sur la surfa<e
de la Terre. Une conséquence de ce fait, c'est que
les rayons cathodiques pénètrent d'autant pluspro-
fondément dans l'atmosphère. Quand ceux-ci arri-
vent dans des couches d'air plus denses (une pres-
sion d'environ 0,01 millimètre), ils donnent lieu
à des phénomènes lumineux intenses, qui sont
connus sous le nom d'aurore boréale. Plus on
s'éloigne de l'équateur, plus les phénomènes d'au-
rore polaire deviennent fréquents et plus il s'abais-
sent. Cela concorde très bien avec l'observation. 11
y a, naturellement, une limite à cet accroissement
par le fait que, aux environs du pôle, il ne tombe
plus qu'une quantité insignifiante de particules
négatives dans l'atmosphère. Il doit exister, autour
des pôles et des pôles magnétiques (où les lignes
de force magnétique sont verticales), deux anneaux
dans lesquels l'aurore polaire se présente le plus
fréquemment, et c'est précisément le cas.
D'autre part, la fréquence de l'aurore polaire sera
soumise aux mêmes variations que les quantités de
particules négatives rejetées du Soleil. Ces quantités
sonlproportionnelles, en première ligne, au nombre
de taches de la partie du Soleil tournée vers la
Terre, puis au cosinus de l'angle des rayons solaires
et de la normale terrestre au point considéré ainsi
qu'au temps de rayonnement. La distance variable
de la Terre au Soleil suivant les époques de l'année
exerce une influence moindre.
VI
Le caractère le plus important de l'aurore polaire
est la périotlicité de sa fréquence. La période la
plus frappante est celle de il, 1 années, qui concorde
avec la période des taches solaires. Très vraisem-
blablement, il existe d'autres périodes séculaires,
dans lesquelles le phénomène lumineux polaire se
montre plus ou moins intense, comme de Mairau
l'a établi dans ses recherches classiques. Ainsi, des
développements extraordinaires de l'aurore boréale
se sont produits au milieu du xviii" et à la fin du
xix'" siècles, qui avaient été précédés de minima
très accusés. Ces variations séculaires, dont la
nature exacte n'a pas encore été fixée, dépendent
fort probablement des variations de l'activité
solaire. Ainsi, la quantité des tayhes solaires, à
l'époque de ses maxima du commencement des
s. ARRHENIUS
LA. CAUSE DE L'AURORE BOREALE
deux derniers siècles écoulés, était assez faible, et
les aurores polaires étaient en même temps très
rares. Cette période séculaire correspondrait à
10 périodes de 11, 1 années ; d'autres savants vou-
draient la réduire de moitié.
A côté de ces longues périodes, l'aurore polaire
possède une période annuelle avec deux maxima
aux époques de l'équinoxe et deux minima aux
solstices. Des maxima, celui d'automne paraît un
peu plus fort que celui de printemps. Cela ressort
particulièrement des observations de l'Amérique
du Nord, où la variabilité annuelle de la longueur
et de la clarté du jour trouble moins le phénomène.
Très près du nord, comme en Islande et au Groen-
land, les deux maxima se déplacent tellement, à la
suite de cette perturbation, aux périodes les plus
sombres de l'année, qu'ils se rejoignent en un seul
maximum en décembre, tandis qu'en juin et en
juillet on n'observe aucune aurore boréale, à cause
de la forte illumination du ciel. D'après les obser-
vations de l'Amérique du Nord, et malgré la grande
clarté du ciel en été, la fréquence de l'aurore
boréale à cette époque est plus grande qu'en hiver
(le maximum de juin s'élève à 1.061 aurores
boréales, tandis que. celui de décembre n'en ac-
cuse que 912).
Quand on introduit une correction à cause
de la modification de clarté, la comparaison se
déplace en faveur de l'été. Il en est de même pour
l'hémisphère sud, où l'aurore polaire est deux fois
plus fréquente au minimum d'été (janvier) qu'au
minimum d'hiver ijuin-juillet ). Si donc les contrées
voisines des pôles, comme la Scandinavie et encore
plus l'Islande et le Groenland, présentent un mi-
nimum d'été beaucoup plus accusé que celui
d'hiver, cela ne provient vraisemblablement que de
circonstances secondaires, la clarté des nuits d'été
empêchant totalement l'observation de l'aurore
polaire.
Les périodes mensuelles de l'aurore polaire n'ont
été découvertes que récemment. Etiholm et Arrhé-
nius ' ont reconnu une période qui concorde avec
la révolution tropique de la Lune. Le maximum
de l'aurore boréale se produit à l'époque du lunis-
lice sud, et le minimum, au contraire, à l'époque
du lunistice nord. Le balancement est d'environ
± 20 7o- Une autre période, presque mensuelle,
mais dans laquelle le maximum se produit en
même temps pour les deux hémisphères, est celle
de vingt-six jours environ, qu'on a trouvée déjà
autrefois pour les phénomènes magnétiques, baro-
métriques ou autres. La longueur de cette période,
' Ekholh et Akriiémis: Kongl. SvcDska \'et. Akad. HanJ-
lingur, t. XXXI, p. 1.3, 18y8. Les données statistiques qui
ont servi à formuler toutes les conclusions de l'auteur
du présent article sont tirées de ce Mémoire.
qui présente une amplitude de ± 10 %, a été fixée
par Eldiolm et Arrhénius à 25,93 jours.
La plus courte des périodes de l'aurore po-
laire est la période diurne. Le plus grand nombre
des aurores boréales a lieu avant minuit. D'après
Fritz', le maximum diurne de l'Europe moyenne
(30" lat. N.) a lieu vers 9 heures du soir; pour les
localités plus au nord, comme Christiania et Upsal
(60» lat. N.), deOh. 30àlOheures, et, pour Bossekop
(70» lat. N.i, vers 10 h. 30. En Amérique, le maxi-
mum parait se présenter un peu plus tard : dans
les latitudes moyennes i 40 à 50" N.) vers 10 heures ;
dans les contrées polaires (60 à 70° lat. N.) vers
minuit.
Cette variation diurne est fortement iniluencéc
par les conditions de clarté. L'aurore boréale est
absolument invisible pendant le jour, et ne peut
arriver à être perçue qu'après la fin du crépuscule.
Si aucune lumière étrangère ne venait jeter le
trouble, le maximum réel se présenterait plus tôt
que le maximum observé, et on peut supposer qu'il
tombe après le milieu du jour, comme celui de la
déclinaison magnétique. Un essai de correction
d'après la clarté a été fait par Carlheim-GyUenskiold.
Ses observations ont été exécutées pendant l'hiver
1882-83 au Cap Thordsen (Spitzberg) : elles condui-
sirent, non corrigées, à un maximum vers 8 heures
du soir, tandis que le maximum corrigé était à
2 h. 40 du soir '.
Dans la période séculaire, on constate une parti-
cularité très accusée; c'est que cette période se
remarque d'autant plus que le domaine d'observa-
tion se trouve plus près de l'équateur. En Islande
et au Groenland, on peut à peine la découvrir. On
peut faire des considérations analogues quant à la
période de 23,93 jours et à la période diurne.
Ainsi, d'après Carlheim-Gyllenskiold, la période
diurne réelle de l'aurore boréale au Spitzberg est
très peu marquée. On le comprend facilement.
VII
L'explication de la période de onze ans et des
autres périodes séculaires est très simple, parce
qu'elles co'incident avec la fréquence des taches
solaires. Plus il y a de taches solaires, plus il su
forme de gouttes dans les couches extérieures
du Soleil et plus le rayonnement solaire repousse
vers la Terre de particules chargées négative-
ment. L'explication de la double période annuelle
est aussi aisée. L'activité solaire a un minimum
connu à l'équateur solaire; elle augmente des deux
ci'ités pour atteindre un maximum vers 13" de
' FiUTZ : Das Polarljcht, Leipzig, 1881, p. 102.
' Carluf.im-Gïllenskiijld : Observations faites au Cap
Thordsen, t. II, [l], p. 197, 188G.
s. ARRHÉNIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
kit. N. et S. La Terre se tourne vers léquateur
solaire, car le plan de ce dernier forme un angle
de 7° avec l'écliptique; la Terre se trouve alors,
le 5 mars, vis-à-vis d'un point qui est à 7° du nord
de l'équateur solaire, et, le .'{ septembre, vis-à-vis
d'un point qui est à 7° au sud. Comme l'émission
de particules chargées alieu surtout perpendiculai-
rement à la surface solaire, la Terre est exposée à
une forte activité solaire le 5 mars et le 3 septem-
bre, et il doit se produire deux maxima à ces
époques. Les niinima auront lieu, par contre,
quand la Terre passe à l'équateur solaire, le 6 dé-
cembre et le 4 juin. Cela correspond parfaitement
à la marche annuelle de la fréquence de l'aurore
boréale. D'autre part, le minimum de juin sera
plus faible que celui de décembre, parce que la
Terre s'approche, dans le premier cas, de l'aphélie,
dans le second, du périhélie. D'après les chiffres
recueillis, c'est bien ce qui paraît se passer, car la
moyenne de la fréquence relative en juin est
moindre que celle de décembre pour les deux
hémisphères. Mais ici les saisons interviennent.
Plus le Soleil est haut en un certain point, plus
celui-ci est atteint par les particules solaires; il en
résulte que la fréquence de l'aurore polaire est
plus grande en été qu'en hiver. Cela ne se produit
qu'en tant que léclairement n'influence pas trop
fortement la visibilité de l'aurore polaire. Dans les
régions où la nuit, en été, n'est pas trop claire
pour empêcher l'observation des aurores polaires,
c'est-à-dire en des points qui ne sont pas trop
éloignés de l'équateur, le phénomène se produit
ainsi, comme nous l'apprennent les observations
d'Amérique et de l'hémisphère sud.
Pour les mêmes raùsons, la fréquence de l'aurore
polaire doit passer par un maximum environ deux
heures après le milieu du jour (comme la tempéra-
ture de l'air), car à ce moment l'accumulation delà
poussière solaire dans les couches supérieures de
l'air doit atteindre un maximum. Mais, comme, en
ce moment, les aurores polaires sont invisibles, on
peut seulement s'attendre à ce que les aurores
soient plus fréquentes avant minuit qu'après mi-
nuit, ce qui est effectivement le cas. Gyllenskiiild,
en effet, après l'introduction d'une correction pour
l'éclairemenl, a trouvé que le maximum diurne
réel de la fréquence de l'aurore boréale élail vers
3 heures de l'après-midi.
Les aurores polaires se font connaître par des
perturbations magnétiques, qui en sont naturelle-
ment inséparables, que les aurores soient visibles
ou non. L'élude des perturbations magnétiques
terrestres paraît devoir donner, en effet, des aper-
çus importants sur la nature des aurores polaires.
Cesperlurbalions ont été enregistrées pholographi-
quemeiit à Batavia et discutées ensuite par van
Bemmelen '. De son examen, il résulte que ces per-
turbations possèdent une période semi-annuelle,
avec des maxima en mars et septembre et des mi-
nima en janvier et juin. Elles dépendent des taches
solaires, qu'elles suivent dans leur variation. Ces
deux faits montrent que les perturbations doivent
être considérées comme une manifestation des au-
rores boréales. La période diurne de ces perturba-
tions a un maximum à 3 heures de l'après-midi et
un minimum vers 1 hepre du matin.
Nous arrivons maintenant à la période quasi-
mensuelle. Celle de 2t) jours est en relation avec la
révolution synodique du Soleil (en particulier de
l'équateur solaire). Il parait difficile de compren-
dre pourquoi on doit calculer avec l'équateur
solaire, si l'on admet que les taches solaires pro-
duisent l'aurore polaire, le maximum de celles-ci
étant à 1.5° au nord et au sud de l'équateur. Il
paraîtrait plus rationnel de compter avec la révo-
lution synodique de celte région du maximum des
taches, qui est d'environ 27,3 jours. Mais, d'après
les considérations précédentes, on doit, puisque la
Terre s'éloigne très peu de l'équateur solaire et y
retourne deux fois par an, se baser de préférence
sur le temps de révolution du Soleil à l'équateur.
Celui-ci est de 2(3,8 jours pour les taches et de
26,06 pour les facules. Il est naturel de se baser
sur ces dernières, puisqu'elles sont les centres
d'éruption d'oîi la poussière solaire est envoyée
dans l'Univers. Le temps de révolution des facules
ne diffère guère, en fait, de la période de 25, it3 jours
qui a été calculée pour la fréquence de l'aurore
polaire. La différence est encore plus minime si
l'on pense que les parties les plus élevées de
l'atmosphère solaire ont un temps de révolution
plus court que les parties inférieures et que les
facules les plus élevées tournent plus vile que les
facules moyennes. En outre, les facules les plus
élevées ont une influence plus grande que les fa-
cules inférieures au point de vue de la radiation
des particules solaires. On peut donc considérer la
période de révolution synodique comme idenlique,
aux erreurs d'observation près, à la période de
rotation des facules les plus élevées. L'explication
de la période de 25,!)3 jours est donc acquise.
Vlll
La période de fréquence de l'aurore polaire qui
se rapproche de la révolution tropique de la Lune
autour de la Terre est un peu plus complexe.
L'explication la plus simple consiste à considérer
la Lune conuiie un corps fortement chargé négati-
' V.w Bkm.mbi.fn : Mcd. d. h'un. Akad. v. Wclenschuppcn
te Amsterdam, J'2 nov. IS'i'J.
s. ARRHENIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
vement. La charge de la Lune provient, eomme
celle des couches supérieures de l'air, des particules
négatives repoussées par le Soleil. Si la Lune se
trouve au-dessus d'une couche d'air chargée d'élec-
tricité de même nom, la différence de potentiel
dans cette direction est diminuée, et les décharges
n'ont pas lieu aussi facilement que si la Lune
n'était pas là. On peut objecter que la Lune est à
une distance beaucoup trop grande pour exercer
une action sensible. A ce sujet, je renvoie aux cal-
luls faits antérieurement par Ekholm et moi-même,
d'après lesquels la charge de la Lune n'a pas besoin
d'être très grande (seulement 10.000 fois celle
du globe terrestre interne) pour causer une forte
variation du champ électrique au voisinage de la
Terre '. Cette charge lunaire pouvait paraître re-
lativement grosse lorsqu'on ne connaissait pas
encore la charge des couches supérieures de notre
atmosphère et qu'on la comparait avec celle du
noyau interne. Mais, d'après la façon dont cette
dernière s'est formée (voir plus loin), il est très
vraisemblable qu'elle ne constitue qu'une faible
fraction de la charge des couches supérieures.
C'est donc celle-ci qu'il faut comparer à la charge
de la Lune, qui nait dans les mêmes condi-
tions. Il n'est donc pas improbable que la charge
lunaire est d'une grandeur telle qu'elle peut dimi-
nuer les décharges de l'air extérieur dans les cou-
ches d'air sur lesquelles elle passe. Si la Lune est,
par contre, au-dessous de l'horizon, son action est
passablement affaiblie par la Terre formant écran.
Donc, quand la Lune est au nord de l'équateur,
elle diminue de préférence les décharges dans
l'hémisphère nord, et inversement quand elle est
au sud de l'équateur. En d'autres termes, la Lune
diminuera, quand elle sera au nord de l'équateur,
le nombre des aurores boréales, et, quand elle sera
au sud, celui des aurores australes.
L'influence de la Lune sur l'électricité de l'air
concorde avec cette manière de voir. Quand les
rayons cathodiques de l'aurore polaire pénètrent
dans l'atmosphère inférieure, ils ionisent l'air qui
s'y trouve, l'ionisation étant maximum dans les
couches d'air les plus élevées. D'après des obser-
vations récentes d'Elster et Geilel', ainsi que de
Lenard, l'air paraît ionisé dans les régions élevées,
comme je l'avais prévu dans mon essai théorique
sur l'électricité de l'air ^ La conséquence de cette
ionisation a été exposée par J.-J. Thomson '. La
vapeur d'eau se condense avec prédilection sur les
' Ekiiulm et Akhhknils : A'. Svft. Vet. Akad. Haadl., t.
Xl.\, no 1, p. 3.;, 1894.
- Elsteh et Geitel : Phys. Zeitsch., t. I, p. 245, 1900. Com-
parez Lexard : Ana. der Pbyx., [4], t. I, p. 503, 190U.
' S. .Vrkhéxius : Meteorol. Zeilsch., t. V, 1888.
' .1. J. Thomson : Phih Mag., 3, t. XLVI, p. 533, 1898.
ions négatifs de l'air, et ceux-ci sont conduits vers
le bas, tandis que l'électricité positive reste dans
les couches supérieures. Plus il y a d'aurores polai-
res, plus la charge positive des couches d'air et
plus la charge négative de la surface terrestre doi-
vent être fortes. Malheureusement, les observa-
tions actuelles ne permettent pas de vérifier la
justesse de cette conclusion, d'après laquelle l'élec-
tricité atmosphérique devrait diminuer avec la fré-
quence des taches solaires. Cependant, les observa-
tions faites récemment en ballon semblent montrer
qu'il règne dans l'air, au-dessus de la surface de la
Terre, une charge positive, qui est assez forte pour
neutraliser, à .'5.000 mètres de hauteur, l'action de
la charge négative de la Terre '.
' Quand donc la Lune est haute, le nombre des
aurores polaires est diminué, et, par suite, la force
de la charge négative de la Terre et celle de la
charge positive s'en trouvent également amoin-
dries. C'est bien ce qui se produit en réalité et on
connaît une période diurne et une période tropique
mensuelle de ces phénomènes. Comme, dans ces
cas, une action prolongée est nécessaire pour
l'obtention d'un grand efl'et, — l'électricité négative
devant d'abord être transportée à la Terre par des
condensations, — on conçoit facilement que la
période diurne soit relativement faible par rapport
à la période mensuelle. L'explication de ce fait a
offert une difficulté d'autant plus grande que venait
s'y ajouter celle de l'intluence directe de la Lune
sur la Terre. Mais on ne doit guère lui attribuer
qu'une action secondaire.
IX
Un autre phénomène électrique de l'air, que
Pauieen'- a mis en lumière dans sa théorie de l'au-
rore polaire, est celui-ci : Aussitôt après que les
masses chargées négativement par les rayons
cathodiques ont pénétré dans les couches d'air in-
férieures, la charge négative de la couche terrestre
située au-dessous parait diminuée; cela est facile-
ment compréhensible. D'ailleurs, la théorie exposée
ici sur l'origine de l'aurore polaire doit s'accorder
complètement avec celle de Paulsen, puisqu'elle
remplit les prévisions de cette théorie.
Par suite de la faculté des rayons cathodiques de
provoquer des condensations, les aurores polaires
sont accompagnées, comme Paulsen le signale, de
formations de nuages. Il est bien connu que, dans
les années abondantes en aurores polaires, la quan-
tité des nuages élevés est plus importante que dans
les années pauvres. Il semble aussi se passer
• Mntcorolog. Zeilsch., t. II, p. 331, ISy
' Paulsen : toc. cil., p. '.
BEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1902.
s. ARRUENIUS
LA CAUSE DE L'AURORE BORËALE
quelque chose d'analogue pour Jupiter, d'après les
observations de Vogel. Dans les années de taches
solaires, cette planète apparaît avec une lumière
blanchâtre ; dans les années pauvres en taches, avec
une lumière rougeâtre. Comme on est d'accord
pour considérer que Jupiter est d'autant plus rouge
qu'on peulvoir plus profondément dans son atmos-
phère, ce fait concorde avec celui que, dans les
années riches en taches, la formation de nuages
sur Jupiter est plus abondante. Sur Jupiter aussi
tombe la poussière cosmique négativement chargée
émanant du Soleil, et sur celle planète doivent ré-
gner les mêmes états de relations électriques dans
les couches supérieures de l'atmosphère que sur
la Terre. Des phénomènes lumineux particuliers
de Vénus, qui ont été mis en parallèle avec les
aurores polaires, je ne parlerai pas, leur réalité
étant contestée par beaucoup d'astronomes. On ne
peut cependant nier que Vénus, à cause de sa proxi-
mité du Soleil el de son atmosphère dense, n'oflre
des conditions extrêmement favorables au déve-
loppement de l'aurore polaire.
Il est naturel d'admettre que les gouttelettes
qui se trouvent dans les queues des comètes se
condensent aussi sur les particules négatives, et
deviennent chargées négativement. On devrait en
conclure que la Terre, quand elle traverse une
queue comélaire-, devient le siège de phénomènes
analogues à l'aurore polaire. Il parait bien en être
ainsi. Lowe * dit : « Ce jour-là (au passage de la
Terre a travers une queue cométaire), le ciel
avait un éclat particulier, si bien que, quand la
nuit fut venue, on aurait cru voir une aurore
boréale. » Liais et Secchi ont décrit des phéno-
mènes analogues.
X
Les phénomènes du magnétisme terrestre parais-
sent s'accorder également bien avec notre hypo-
thèse. Les variations diurnes du magnétisme ter-
restre peuvent être ainsi représentées, d'après von
iîezold '■ : Sur la moitié du globe tournée vers le
Soleil se forment deux centres, l'un boréal, l'autre
austral, à environ 40° au nord et au sud de l'équa-
leur, aux lieux de la plus forte insolation (où
l'heure solaire est environ 11 heures du matin).
Le centre nord est plus fort, quand la déclinaison
du Soleil est boréale, et vice versa. Le pôle nord
(le l'aiguille magnétique ujonlre le ccnire nord, et.
' Lowe : The eni/lish wcchonic and world ot Science, t.
XXXIV, p. 27;;, ISSl. comparez J. C. Houzeau : Viidc-iaecum
(A; l'Astniuomif, Bru.\elles, 1882, p. 784.
• Vo.N Bezolh : L'ber Erclinagnetismus. Zeilschrift des
Vereincs deulscbcr JnijBowurc, t. XXXil, JS'.i'J. Sitx. der
Uerl. Akad., 1897, p. '.U.
inversement, si l'on ne considère que le champ-
magnétique qui représente la variation diurne du
magnétisme. Mais, si l'on se rappelle que les cou-
ches d'air sont chargées positivement, on trouve
que l'aiguille aimantée ne parvient à la position
indiquée que si l'on admet que l'action solaire pro-
duit deux cyclones, un boréal et un austral, au-
dessus des points d'action maximum. Autour de
ces cyclones, les vents se meuvent comme d'habi-
tude : dans l'hémisphère nord, en sens inverse : dans
l'hémisphère sud, dans le sens même des aiguilles
d'une montre. A côté des grands cyclones du côté
éclairé, il y a, sur le côté non éclairé, deux systèmes
anticycloniques plus diffus, dans lesquels la direc-
tion des vents est inverse; c'est pourquoi l'aiguille
aimantée y possède une direction opposée. Ces
cyclones et anticyclones n'ont pas été observés
directement jusqu'à présent; on devrait les décou-
vrir vraisemblablement en observant la marche
des nuages les plus élevés. Mais, comme l'absorp-
tion des rayons solaires par l'atmosphère doit
nécessairement provoquer une circulation de cette
nature, et que la variation magnétique terrestre
est très compréhensible de cette manière, je suis
persuadé que, lorsqu'on aura réuni assez de don-
nées statistiques pour juger de la variation diurne
dans le mouvement des couches supérieures de
l'air, la division indiquée des vents sera srtremenl
confirmée.
Dans les années de maximum des taches, la
charge positive de l'air devient naturellement plus
forte que jamais, el la marche diurne de l'aiguille
aimantée a la plus grande amplitude. Il en résulte
qu'en plusieurs points cette amplitude A augmente
de la même fraction el que, si A„ est la valeur de
A dans une année sans taches et A,- la valeur cor-
respondante dans une année où le nombre relatif
de Wolf est égal à /", on a l'équation :
A/=A„;i4-ar.
Cette relation se vérifie très approximativemeni
et a possède presque partout la même valeur :
O,0U64. Ao varie : il est négatif près de l'équateur,
positif sous les hautes latitudes, comme on pouvait
le déduire de ce qui précède.
\l
Revenons à la charge el à la décharge des cou-
ches exlrêmes de l'air. Celles-ci ont lieu, la prc'-
mière pendant le jour, la seconde dès que la
charge est devenue suffisamment élevée, c'est-à-
dire de préférence après-midi. La charge est alors
la plus forte là où le Soleil a été le plus élevé. Là
aussi, la décharge doit être maximuni, en partie à
cause de la charge, en partie à cause du rayonne-
s. ARRHENIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
ment ultra-violel, qui favorise la décharge. Les
particules déchargées sont d'abord rejetées par la
Terre, puis repoussées à leur tour pur le rayonne-
ment solaire. La première action a lieu suivant le
rayon terrestre, la seconde suivant la ligne qui
réunit le Soleil à la Terre, c'est-à-dire dans le plan
de l'écliptique. De l'extérieur, le phénomène appa-
raîtrait comme une gerbe sortant de la Terre, dont
la plus grande concentration se trouverait entre
les tropiques, et dont la direction tomberait dans
le plan de l'écliptique vers le côté obscur de la
Terre. Cette gerbe serait plus développée du côté
soir de la Terre que du cùté matin.
Cette façon de se comporter correspond entière-
ment à celle de la lumière zodiacale. La description
de celle-ci, donnée plus haut, n'est en quelque sorte
qu'une parajibrase de celle de Forster ', dans
laquelle l'analogie de la lumière zodiacale avec les
queues cométaires est mise en évidence. La lumière
zodiacale ne serait qu'une double queue de la Terre,
réunie dans la région équatoriale et s'élargissant
dans la direction du Soleil.
Ce phénomène lumineux s'étend des deux c<jlé3
dans le plan de l'écliptique jusqu'à la face non
éclairée de la Terre, où les deux rameaux se réu-
nissent visiblement avec l'opposition.
La Lune doit se comporter d'une façon toute diffé-
rente. Comme elle ne possède aucune atmosphère,
sa charge se répartit sur toute sa surface, et les
particules déchargées qui s'en détachent doivent
entourer ce corps céleste d'une queue régulière-
ment développée dans tous les sens. On peut rap-
peler, à ce sujet, que la poussière cosmique qui
entoure la Lune peut être observée dans les éclipses
de Lune, où l'ombre de la Terre est visible sur une
petite région en dehors du disque de la Lune.
On peut maintenant se demander ce qu'il advient
de toutes ces particules négativement chargées
émanant du Soleil. Nous avons vu que quelques-
unes retombent à sa surface: d'autres sont perdues
pour cet astre. Elles traversent l'espace de l'Uni-
vers jusqu'à ce qu'elles rencontrent d'autres parti-
cules analogues, provenant du Soleil ou d'autres
étoiles, ou jusqu'à ce qu'elles viennent frapper un
corps céleste. Dans le premier cas, par suite de la
chaleur développée par le choc, elles se fondront,
et elles adhéreront par suite des forces capillaires.
Elles peuvent, par la suite, devenir des masses
importantes. Mais, si elles ne pouvaient perdre leur
charge électrique, cette accumulation aurait un
terme. Par suite du rayonnement ultra-violet des
' l'ûRSTEii : llimmel unJ Erdc, t. I, p. 228 et G91, 188'J.
corps célestes incandescents, la décharge se pro-
duit. La division aura lieu de telle façon que les
parties chargées se concentreront, tandis que des
particules plus petites, avec une charge négative
encore plus forte, seront repoussées. Les parties
fusionnées formeront des centres d'attraction et
recueilleront toujours plus de matière. Leur com-
position sera peu homogène et spongieuse ; leurs
différentes petites parties sont dans un état qui
semble montrer qu'elles se sont solidifiées di-
rectement à partir de l'état gazeux. Ce sont là,
d'après Xordenskiold ' et Daub^ée^ les caractéris-
tiques des météorites pierreuses et aussi de la
plupart des météorites ferrugineuses, qui, des dis-
tances infinies, arrivent à notre système solaire.
Il est difficile de se représenter autrement l'ori-
gine des météorites. Leur composition se rapproche
beaucoup de celle des produits volcaniques basi-
ques de grande profondeur\ C'est une preuve que
la Terre a la même composition que l'Univers en
général ou, plus exactement, que les Soleils de
l'Univers, qui donnent naissance aux particules des
météorites.
Une autre partie des particules est captée par
les aulres corps célestes ; de cette façon s'établit un
échange permanent des constituants matériels des
astres; cet échange, quoique en apparence peu im-
portant, a contribué, dans le cours éternel des temps,
à niveler les différences qui existaient probable-
ment autrefois. Les particules amènent naturelle-
ment de l'électricité négative aux corps célestes.
Les Soleils se comporteront par suite, au point de
vue électrique, comme notre Terre. La masse
interne possède, par suite des chutes de particules
négatives, une charge négative. La masse de gaz
qui l'entoure a un grand excès de charge positive,
qui l'emporte sur la charge négative interne. Enfin,
des particules chargées négatives émanent de ces
Soleils et de leurs atmosphères dans l'Univers.
Parmi les corps célestes, ceux qui possèdent la
plus grande extension sont les nébuleuses, dis-
persées sous toute la voûte céleste. Il est très
vraisemblable que, dans chaque direction, il y a
une nébuleuse. Celles-ci sont donc les plus aptes à
capter les particules négatives errantes. Ceci nous
explique un phénomène très difficile à comprendre
d'une autre façon. Les nébuleusessont formées d'une
matière extrêmement raréfiée, qui donne un spectre
de gaz, contenant principalement les lignes de
l'hydrogène, de l'azote (?) et de l'hélium, ainsi
qu'une ligne d'origine inconnue. Vu la dispersion
' NoRDE.NSKioLD : .Stuilier Qoli forskniagar, p. 181. Stock-
holm, 1883.
' DA.UBKÉE : C. B., t. XCVI, p. 345, 1893.
= E. Reïer: Tbeoretische Géologie, p. 227-232, Stuttgart,
1888.
76
S. ARRHENIUS — LA CAUSE DE L'AURORE BORÉALE
colossale des iiéhiileiises, on doil ]ir('voii' que
l'action de la pesanteur y est très minime el ne
peut fournir que peu de force pour la cohésion de
leurs constituants, en particulier dans les parties
extérieures. Si les gaz des nébuleuses étaient
incandescents, c'est-à-dire possédaient une tempé-
rature d'au moins 500° C, l'action de la pesanteur
ne pourrait s'opposer à la force d'expansion de ces
gaz, el ceux-ci se dilateraient et se difï'uscraient
dans l'espace infini. Il est donc nécessaire d'ad-
mettre que la matière des nébuleuses, particuliè-
rement sur leurs bords, possède une tem])érature
très basse, peu éloignée du zéro absolu. Celle
hypothèse a déjà été faite par plusieurs astrophy-
siciens. Mais, dans des circonstances semblables,
les nébuleuses ne peuvent pas éclairer. Si, toute-
fois, des particules chargées d'électricité négative
les pénètrent, des décharges électriques auront
lieu dans la masse et la porteront à l'incandes-
cence. L'abaissement de la température ne cons-
titue pas un empêchement; au contraire, des re-
cherches récentes de .1. Stark montrent que la
luminosité électrique d'un gaz est d'autant plus
•intense que la température est plus basse '.
Ainsi s'explique aussi une autre circonstance :
c'est que les nébuleuses ne brillent que d'une
lumière correspondant aux gaz les plus légers ou
aux gaz les plus facilement lumineux sous l'in-
fluence des oscillations électriques. Les gaz les
plus légers se concentrent, par suite de l'action de
la pesanteur, dans les couches extérieures des
nébuleuses, tandis que les gaz les plus lourds en
forment le noyau interne. Or, ce sont les parties
extérieures qui captent les particules négatives
errantes, ainsi que cela a lieu dans les couches
supérieures de notre atmosphère. Autrefois, on
pensait — pour expliquer le fait qu'on n'apercevait
que les lignes de l'hydrogène dans les nébuleuses
(on ne connaissait pas encore les lignes de l'hé-
lium) — que, sous les pressions infiniment petil(!S,
Jlous les corps se décomposaient en liydrogène
ou en parties constituantes de l'hydrogène. Cette
hypothèse si; ressent de ce qu'aucun autre phéno-
mène ne vient l'appuyer, tandis que les expériences
chimiques lui sont ab.solument contraires. Il serait
1 J, Stahk : Ann. ./. Physik, [4], t. 1, p. 421, IfOO.
iuissi extraordinaire de supposer que, dans les
nébuleuses, quelques-uns seulement des corps
chimi(]ues connus sont représentés.
L'explication donnée plus haut résout de la
façon la plus simple celte difficulté, parce qu'elli'
admet que les parties extérieures seules (ou tout
au moins à un degré prédominant) des nébuleuses
émettent de la lumière. Elle s'accorde également
bien avec les descriptions de l'apparence des nébu-
leuses : les parties qui, d'après la configuration,
paraissent présenter la plus grande densité gazeuse,
ne sont pas celles qui luisent le plus; ce sont les
bords qui se distinguent par un dégagement de
lumière relativement plus fort. Les nébuleuses
planétaires et annulaires peuvent être citées comme
exemples.
Les petites particules peuvent s'agglomérer en
centres plus gros, ou des météorites peuvent péné-
trer dans la nébuleuse; ainsi se forment des noyaux
de condensation, qui transformeront progressive-
ment la nébuleuse en amas d'étoiles.
XIII
Les conceptions que je viens de développer pré-
sentent de nombreux points de ressemblance avec
celles qu'a professées de Mairan il y a cent soixante-
dix ans; d'après ce dernier, les aurores polaires
proviendraient de poussières cosmiques, qui se ma-
nifesteraient également dans la lumière zodiacale.
Mais il croyait que cette poussière tourne autour
du Soleil dans un anneau, et ne se propage pas
radialement. Il ne croyait pas non plus que cette
poussière possédât une charge électrique, et il
cherchait à expliquer d'une autre façon les actions
magnétiques (el électriques) de l'aurore boréale.
La coïncidence partielle des vues, depuis longtemps
oubliées, de de Mairan avec celles que j'ai exposées,
montre que quelques interprétations exactes des
faits observés étaient à la base de ses hypothèses,
ce qui esl bien souvent le cas pour des vues con-
sidérées comme vieillies. \ beaucoup d'autres
égards, ma théorie rappelle des hypothèses an-
ciennes, aujourd'hui oubliées, qui étaient fondées
sur des observatinns en pai'tie (exactes.
Svante Arrhénius,
l'i-oresseur à rj'icolc
dricurc de Sioi-klioln
>
(lES SCIKNCES :
APPLIQUÉES [Numéro du 30 Janvier 1902).
16
Planche I.
coli
Tac
peu
leu
ext
inc
rai
ne
ga?
dai
me
rer
trè
hyi
sic
les
foi
les
lie
cei
titi
Nord Vrai
llu
pi'
la
pe
qi
(0
lix
lo
01
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES M'BRÊS
^7'
LE MASSIF DES M'BRÉS
(EXPLORATION SCIENTIFIQUE DE LA RÉGION DU TCHAD,
SOUS LA DIRECTION DU LIEUTENANT -COLONEL DESTENAYE.
Lorsqu'on examine une carte du Centre africain,
(in constate aussitôt l'absence de grandes cliaines
di' montagnes délimitant les "bassins. L'œil ne re-
marque qu'une succession de faibles hauteurs
orientées di-
versement, ou
encore iinr
suite de pla-
teaux ou ter-
rasses que cou-
pent les cours
des différentes
rivières.
Malgré leur
faible relief, il
existe cepen-
dantdesnœuds
orographiques
où prennent
naissance des
vallées orien-
tées dans tou-
tes les direc-
(ions.
Ces vallées
servent de lit
à des rivières
coulantàpleins
bords pendant
la saison des pluies, tandis qu'à la saison sèche il
ne reste souvent qu'un mince lilet d'eau apportant
son tribut à une rivière plus importante.
La rivière, grossie alors par ces faibles mais mul-
tiples apports, conserve quelquefois assez d'eau
M' Yagoua. M' M'Brc Source tlii Grib
;M' Bakérc. ■; M' M'Vro. '■
ValK-e (le la Ko.ldo. : . ; ': :
; ; . • Coude du
M'Poko, de la Fafa et, peut-être, aussi de la Xana.
L'objet de la présente étude est de faire con-
naître un système analogue donnant naissance aux
vallées du Gribingui, de la Koddo, de la Kémo et
de la Gounda,
aflluent de la
Ouaka (llaut-
Kouango).
_ ^. _ ^. Liîtiitcfdu Territoire
miUi»zre du. Tchad
B A IM G H I
1. Sittialion
et superficie du
massif. — Le
massif des
M'Brés se trou-
ve à 80 kilo-
mètres au Sud-
Est de Fort-
Crampel, par
G°33 de latitude
Nord et 17°4(>
de longitude
Est (PI. I).
Le soulève-
ment a une di-
rection sensi-
blement Nord-
Sud sur une longueur de fiO kilomètres, et une
largeur variant entre 3 et 10 kilomètres, couvrant
une superficie d'environ 500 kilomètres carrés.
2. Aspect — L'aspectde ce soulèvement n'évoque
gui. Source (le la Kùmo
M' Bayéré.
Mobaji
\.
- Orogka-
pniE.
l\<;jlnu :lrs MnUl^ J/'L'/'C^.
Fig. 2. — Coupe du massif des M'Brés {versant ouest). — La vallée de la ls.oddo est prise comme base des hauteurs.
pour permettre la navigation en pirogues pendant
une grande partie de la saison sèche (Tableau 1).
De récentes explorations nous ont fait connaître
qu'un système orographique de cette nature donne
naissance (fig. 1) aux vallées de la Tomi, de la
pas l'idée d'une chaîne de montagnes, telle que
celles que nous sommes habitués à voir ou à nous
figurer.
On arrive sur ces hauteurs par des pentes très
peu sensibles, qu'on percevrait à peine sans le
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES M'BRRS
secours du baromèlrc. L'Iiorizon, li-rs borné par la
vogélation, ne permclpas de se rendre compte exac-
tement de la marche ascensionnelle. On se Irouve
alors sur un plateau ferrugineux, ([ue l'on peut
relief presque aussi accusé, mais dont les plateaux
sont de moindre étendue.
3. Nature (lu sol li du soiis-sol. Miufi. — Le sol
— /.(■ ui^msif di:s MUfés, \ii du Moal Kunda
parcourir de plein-pied pendant deux ou trois jours l se compose, en général, d'argile recouvrant une
sans que l'altitude varie de plus de 2.j à 50 mètres. | couche d'agglomérat de fer. Dans beaucoup d'eu-
Im^
Atniil Jl.iviré, yii p.ir ;J:.'i.
— Muni lliiUi. vu liai-
Du sein de ce plateau jaillissent des blocs énormes
degrés blanc ou coloré, à stratifications redressées,
d'un relief de 25 à 30 mètres, et qu'on appelle
'■ Ivagas » dans
le pays.
En remontant
du Sud au Nord,
lui trouve ainsi
une série d'ilôts
rocheux émer-
geant du plateau
ifig- 2).
Ce sont : les Monts Tako, Bayéré, Bâta, M'Vro,
Bringa, MBré et Yagoua, dont nous donnons ci-
dessus quelques silhouettes (fig. 3 à 0).
6. — Le Bringa, avec couloir
intérieur {hauteur 30"").
droits, la couche de fer affleure le sol et forme des
espaces arides occupés seulement par des termi-
tières en forme de champignons (fig. 21, p. 83).
En arrivant sur les hauteurs, la couche de fer est
à son tour percée par des grès blancs, colorés ou
quarizeux, parsemant le terrain de blocs erratiques.
Le sable se trouve dans le lit des rivières; il est
souvent recouvert d'une couche vaseuse ayant
quelquefois l'aspect de la tourbe.
La couche de terre végétale, très faible, n'est
guère que de 3 centimètres. Elle atteint O^.IO et
0"',ia de profondeur dans les vallées, .\u-dessous,
apparaît l'argile pure.
L'argile est colorée par l'oxyde de fer; on ren-
contre néanmoins quelques couches d'argile blanche
l'"ig. 7. — Les Monts Doumbiu et Oualia, vus du Mont Banijs.
Au Mont Yagoua, le plateau s'arrête brusquement
et la roche descend en falaises à une profondeur de
150 mètres environ. Les stratifications sont en
général redressées, ayant un plongement variant
eu Ire 40" et 80° et une
direction approximative
.Nord-Est.
Dill'érents contreforts
se relient à ce massif:
A l'Ouest : les Monts Kandaï il'l. I , sur la rive
gauche du Gribingui, ayant en face le Mont (lué-
guendjé, sur la rive droite;
A l'Est : les Monts liindé et JS'Bépé.
Vers le Sud-Est, à environ tiO kilomètres des
M'Brés, on trouve le système des Monts Banga
(fig. 8), Goué, Ouaka et Doumbia (fig. 7), d'un
^/^Mmmm^m.
l'"ig. X. — Le Mont llangri, vu du c;///i;i de Scnoussi.
Au Mont M'Bré et au Mont Goué, il existe des
mines de fer portant le nom de « Bou Kaga » dans
le pays
l^es indigènes traitent le minerai avec des hauts-
fourneaux primitifs ali-
mentés au charbon de
bois.
Le cuivre n'a pas en-
core été rencontré dans
la région. Les indigènes le connaissent et disent
qu'il eu existe des mines chez les Sabangas, à huit
jours de marche à l'Est de la Ouaka.
Lélain est connu aussi et existe dans le bassin
duKouango, où les indigènes en font des ornements
pour les lèvres. %■
Le grès quartzeux du Mont Goué contient quel-
.T. TRUFPERT — LE MASSIF DES M'BRÉS
ques traces de mica, le faisant ressembler au grès
iiouiller. Les tranches des couches de grès semblent
correspondre avec celles du Mont Banga (tlg. 9). 11
serait sans doute intéressant de pratiquer quelques
fouilles dans un endroit bien choisi.
La forme en fond de bateau du terrain semble se
rapporter assez, à
M.Baiga. M' G.,u6. j.^ formation de
dépôts houillers.
4. Matériaux de
constrartion. —
L'argile est propre
;i la fabrication de
bonnes briques, et
le bois se trouve à profusion pour alimenter les
fours.
Le grès et l'agglomérat de fer seront employés
utilement à la construction de soubassements.
La chaux fait défaut, et le calcaire ne parait pas,
non plus, exister dans la région.
Les bois de construction ne sont pas rares; le
bambou se trouve sur les versants du Mont M'Bré
et du Mont Banga.
Fig. 9. — '.'o//pe, (la Muni Goiic
an Mont Banga.
II.
Hydkograpiiie.
1. Direclion des vallées. — Cinq vallées prin-
cipales prennent naissance au massif des M'Brés :
1° Une vallée longitudinale parallèle à l'axe du
soulèvement, coulant sur le versant oriental dans
la direction du Sud : c'est laGounda, qui contourne
le Mont Banga (Pi. I). Elle prend, à cet endroit, la
direction Sud-Est pour aller se jeter dans la (Juaka
ou Haut-Kouango ;
^2" Deux vallées diagonales et divergentes partant
du versant occidental : ce sont le Gribingui et la
Kémo ou Kouma. Leurs sources sont distantes,
lune de l'autre, de 22 à 23 kilomètres.
Le Gribingui commence à couler dans la direction
Nord et se trouve rejeté vers le Nord-Ouest par un
petit contrefort du Mont M'Vro.. Il traverse ensuite
un couloir assez large entre le Mont Kandaï et le
Mont Guéguendjé et conserve sensiblement la même
direction jusqu'à Fort-Crampel. A cet endroit, il
reçoit la Nana i fig. 1) sur sa rive gauche et, un peu
en aval de ce poste, la Koddo sur la rive droite ; puis,
grossi du Bamingui, il va former le Chari.
La Kémo prend sa source à 8 kilomètres au sud
du Mont Bayéré et, après avoir coulé pendant quel-
ques kilomètres vers l'Ouest, prend ia direction
Sud-Ouest et reçoit à gauche la M"Ba et la Doffo.
Elle va ensuite se jeter dans l'Oubanghi, après avoir
reçu la Tomi quelques kilomètres avant son con-
fluent avec le lleuve ;
3° Une vallée diagonale sensiblement parallèle
au Gribingui dans son cours moyen; c'est iPl. I) la
Koddo, qui prend sa source sur le versant oriental
du Mont M'Bré, se redresse pour couler dans la
direction du Nord, puis, après avoir contourné le
Mont Goussembri, continue son cours vers l'Ouest-
Nord-Ouest, et se jette (lig. 1) dans le Gribingui, un
peu en aval de Fort-Crampel ;
4° Une vallée transversale de premier ordre, celle
de la Koudou (fig. 1 et PI. I), qui, prenant naissance
dans le prolongement Sud du massif des M'Brés et
coulant vers l'Est, va se jeter dans la Gounda, ati
Sud-Ouest du Mont Banga.
2. Vallées secondaires. — La Gounda reçoit, en
outre, sur sa rive droite, le Péri (PL 1), d'un débit
assez important.
La Koudou est grossie par la Pambéla, affluent
de droite.
L'Abamba a un débit assez considérable; elle
semble se jeter directement dans la Ùuaka.
Le 'Gribingui reçoit, à droite, deux cours d'eau
d'un débit assez fort : l'Ûuenné et le Cangou. Ce
dernier reçoit, à droite, le Ngou M'Bala (marigot
des éléphants), qui justifie bien son nom.
L'affluent de gauche le plus important de la
Koddo, est le Tambolo.
'S. Petits cours d'eau. — Le pays est, en général,
bien arrosé; mais certains endroits sont dépourvus
d'eau.
Les affluents de la Gouanda, sont, à droite : le
Diagba, le Ngou Soua, le Ngou Falou, le Ngou Koto,
le Péri, grossi du Douroumbia et du Roungou,
l'Atana et le Ngou Koué. En aval de la Koudou :
rOuangara, le Saba, le Ngou Zou, grossi du
Uamba.
Parmi les affluents de gauche, on remarque :
l'Alanga, le Ngou Bingué, le Ngou Bié, le Dabouka,
le Coulé et le Ngou Léto.
Les affluents de la Koudou sont, à droite : la
Pambéla, grossie du Nbé-Lélé, du Gato, de la
Yakba, du Brili, ce dernier recevant lui-même le
Koulou et le Roubé. En amont de la Pambéla, la
Koudou reçoit : la Mataka, le Kopou, le Bodourou
Ngou, le Biroungou et le Bringui.
A gauche, elle reçoit : le Ngou Vro. grossi du
Koungou et du Ngou Bamba, le Ngou Kré, le Ban-
debré, le Ngou Fata et l'Ouendé.
Il n'a été reconnu qu'un affluent de la Kémo :
c'est le Ngou Oua, grossi du Kouringué.
Le Gribingui, entre sa source et le Mont Kandaï,
traverse une région remarquablement arrosée. Il
reçoit, à droite, le Ngou Go, le Singué, grossi du
Belanga et du Négri, la Wounda, le Cuomboro, le
Bokodo, le Miké, la Papa, le Béni, le Kougouzo, le
Koussi N'Guélé, grossi du Goufré et du Bakrou,
80
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES MBRÉS
rOucnné, grossi du Pangé, du Mangue et du Dango,
le Koulou, grossi de l'Ongoro, et enfin le Cangou,
grossi de la Kala, du Gouzo, de la Soua, du Ngou
M'Baia et de la Faka. Le Cangou fait un coude 1res
prononcé pour contourner le Mont (iuéguendjé.
A partir des Monts Kandaï, les aniueiits de droite
du (irihiingui sont rares et sont presque tous taris
])endant la saison sèche; ce sont : le Dzi', le Guédi, le
C.uomboro. le M'l5alo, le Dévrou, le Bara, le Bongo
et le Sandébi.
Les affluents de gauche reconnus sont ceux qui
prennent naissance dans le couloir des Monts Kan-
daï et du Mont Guéguendjé ; ils se nomment : la
Douma, le Zaïri, !e Kandaï, le Viké, le YaUaya, tri-
butaire du Boudakou.
La Koddo reçoit dans sa haute vallée, à droite :
le N'Goumba, grossi du Baringou, du Daba et du
Ngou Gala; à gauche : la Lika, le Goulé, grossi du
Dion N'Dio. Au Nord-Ouest du contrefort du Gué-
guendjé. elle reroit, à gauche : le Ngou Rouba,
le lit des cours d'eau et produisent de petits ra-
pides dont la vitesse atteint quelquefois l mètre
par seconde; le fond devient alors caillouteux eu
aval de ces obstacles.
5. Enciii.'iscnwnt et commandement . — Les rives
sont ordinairement encaissées sur une hauteur va-
riant de 2 à .j mètres. Les lianes de la vallée sont
en pentes très douces sur les doux rives du cours
d'eau. Ce dernier, quoique suivant le thalweg, se
creuse un lit par érosion. Les rives sont couvertes
d'une végétation très dense : palmiers d'eau,
lianes, etc. (lig. 10).
On ne remarque pas de commandement d'une
rive sur l'autre.
6. Parties naviijaliles. Criios. — Les rivières re-
connues ne peuvent être utilisées pour la naviga-
tion en pirogues (tableau 1). LeGribingui ne devient
guère navigable qu'à partir de Fort-Crampel.
I.'iiiipc il'iia cours d'csu ei de
l'Oaidangou, le N'Dango, le Wouwrou, le Tambolo
cl 11' liingou.
Tableau L
Largeur et profondeur des cours d'eaux
aux plus basses eaux.
GEUR
DEUR
ODSERVATIOXS
Gribingui .
fin.
i^nn
En aval du coullucut du C.iiif^ou.
—
8
2.00
liarrafjc on aval d'.Vngoui'a.
—
12
0.80
.\ l''ort-Craiiipel.
M'Bessa. .
i-
0.20
Aflluent de droite ilu Gribingui.
dueiiné . .
fi
0,00
—
Cangou . .
i
o,:!0
—
Koddo. . .
4
0.50
Haute vallée.
• loiinda . .
4
O.oi)
^
— . .
10
U,70
Près du camp de Senonssi.
— . .
12
0.80
Au sud du Mont liaiiga.
f.Ti. . . .
•;
U.fiO
Koudou . .
;>,
0.40
.\ Linpuéri'.
— . .
;;
o,:;o
lin av.il d'Alakatré.
— . .
t>
0.(10
A Yako.
Ôuendé . .
3
O.'ill
ArnuentdegaurbedelaKoudou.
l'.imbiUa. .
8
0.00
.Vriluenl de droite de la Koudou.
.\bamba. .
'
o.;io
AfQuent de la Onaka.
4. Fonds, pentes, vitesses aux basses eanx. —
Le fond des rivières est ordinairement vaseux; le
courant est de O'^.'iO à 0'".,'iO par seconde. Quelques
bancs de roches aftleurenl de temps ù autre dans
Pendant les mois de mars et d'avril, la navigatiim
y est difficile pour les pirogues. Les crues com-
mencent fin mai et atteignent leur plein en
septembre. Leur hauteur est de 3"', 50 à 'i mètres.
7. Sources. — Les sources reconnues sont situées
sur des plateaux à très faible pente. Le cours d'eau
se creuse d'abord, par érosion, un lit d'une profon-
d(;ur de 3 à i mètres avant d'atteindre un thalweg
naturel. Il en résulte que les sources sont vaseuses
et les cours d'eau marécageux à leur naissance. La
Kémo est le type de ce genre.
Les sources reconnues sont (PI. li :
■1° Sur le versant occidenlal du massif des Mlirés ;
La Kémo ou Kouma ;
Le Gribingui et ses affluents immédiats, le Ngou
Kindé, le Ngou Go, le Singué, la Wounda, le
Cuomboro et le Bokodo;
2° Sur le versant oriental :
Le Ngou Dia, aflluent probable de la Koudou, la
Lika, le Goulé, le Dion N'Dio, afiluents de la Koddo :
3° Sur le contrefort Nord-Ouest des M'Hrés :
Le Pangé, le Mangue, le Dango, la Kata, le Gouzo.
dont les eaux se rendent au Gribiitgui entin, la
source du Tambolo, aflluent de la Koddo ;
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES M'BRÉS
81
4° Sur le versant Sud de la vallée de la Ivoudou :
Les sources du (iouudabala, du Galou et du
Nbé Lélé.
IIL — AÉROGRAPniE.
1. Suisons. — On distingue trois saisons :
1° La saison sèche, d'octobre en mars ;
'i° La petite saison des pluies, d'avril en juin ;
3" La grande saison des pluies, de juillet en sep-
tembre.
La saison sèche est la bonne époque pour les
Européens. Les nuits sont fraîches; il n'y a pas de
moustiques, il est possible de goilter un sommeil
réparateur.
La petite saison des pluies est annoncée par des
tornades, d'abord sèches, qui soulèvent d'épais
tourbillons de poussière. Les tornades prennent
peu à peu le caractère humide et quelques averses
viennent rafraîchir la terre, brûlée par de longues
journées de soleil.
Les tornades devenant de plus en plus fréquentes,
la grande saison des pluies s'établit. Il ne se passe
plus une journée sans lornades accompagnées de
violents orages et de pluies diluviennes. L'air est
saturé d'humidité, une chaleur d'étuve règne jour
et nuit. La végétation croit avec une vigueur extra-
ordinaire, les cours d'eau débordent et couvrent
les plaines.
Cette saison est suivie d'une période de dessèche-
ment, qu'on appelle la queue de l'hivernage. C'est
la plus funeste pour l'Européen. L'eau, en se reti-
rant, laisse dans les bas-fonds des foyers pestilen-
tiels, qui restent dangereux tant que le soleil ne
les a pas desséchés.
:>.. Veu/s régiiniils. — • Les tornades viennent de
l'Est.
Pendant la saison sèche, les vents rafraîchissants
viennent du Sud-Ouest.
Le vent du Nord apporte, à cette époque, la sé-
cheresse et la chaleur.
'A. Influence du cliinal sur les hahilants. — Pen-
dant la saison sèche, les indigènes se livrent à la
chasse et à la pêche.
Ils quittent leurs villages par bandes et vont éta-
blir leurs camps dans les endroits propices.
Un camp, abandonné parles pécheurs, Maroubas
du Mont Banga, a été rencontré près du Bandébré,
affluent de la Koudou.
4. Inthienee siirTerjriculture. — Les agriculteurs
plantent le maïs en fin mars, les arachides et le rail
en avril, et le manioc en juillet.
IV.
Flore.
Fig. H. — Fleur
du papayer Ce-
nielle (i/S).
Fig. 12. — Fleur
du papayer mâle
(2/3).
1. Qualités du sol. — Le sol est fertile, malgré la
faible épaisseur de la terre végétale. Il est le plus
souvent compact et argileux.
Les terres sont sèches et perméables sur les pla-
teaux, marécageuses et peu per-
méables dans les valh'es.
2. Produits.
— Les légu-
mes européens
poussent assez
bien ; mais il
est nécessaire
d'avoir deux
sortes de jar-
dins : l'un, si-
tué près d'un
marécage, pen-
danl la saison sèche; l'autre, en
terrain élevé, abrité et sablon-
neux si possible, pendant la saison humide.
Les indigènes cultivent le manioc, le sorgho, le
sésame, le maïs, les haricols, blancs et rouges, les
haricots de terre, les
arachides, les patates,
les ignames et le tabac.
.'}. Arbres. — On
trouve le tamarin, le pal-
mier d'eau, le palmier
rosnier, le bananier, le
papayer à fleurs dioï-
ques (fig. 11 à 11), plu-
sieurs mimosas fournis-
sant des bois de cons-
truction.
Un mimosa fournil le
lété, farine jaune succulente et nutritive, très re-
cherchée parles nomades du Sahara.
Le bambou est assez rare et ne pousse qu'à une
certaine altitude, sur les versants
des plateaux élevés. On le rencon-
tre près du Cangou, aux sources
du Gribingui, au Sud de la Kémo
et sur le versant Sud du Mont
Banga.
La vigne sauvage à tige herba-
cée et à racines tuberculeuses est
très abondante ; elle donne des
grappes d'un fruit assez aigre. Il
est à supposer qu'avec du greffage
et de la culture, on parviendrait à récolter un
vin passable.
On rencontre trois variétés de cette vigne :
13. — Feuille du pa-
payer (2/13).
82
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES M'BRÉS
1" La vigne ;"i l'éuilles deiih'es et en l'ornie dn
cœur (Il g. 13); .
2° La vigne à feuilles semblables à la vigne ordi-
naire et à tige rugueuse (tig. 16 1;
.■{° La vigne à lige lisse, dont les feuilles ont le
limbe très découpé (fig. 17).
Le karitc ou arbre à beurre existe aussi dans la
région, mais les in-
digènes ne Texploi-
lent guère.
La liane à caout-
chouc (fig. 18) est
très abondante et
fournit un excel-
lent produit. Les
indigènes le récol-
tent en faisant des
entailles transver-
sales distantes de
lo à 20 centimètres
les unes des autres.
Par ce procédé, on
n'épuise pas la lia-
ne, qui peut rendre
ainsi fous les ans.
Les indigènes fa-
briquent une espèce
de feutre en con-
cassant dans un
mortier Técorce
d'un arbre appelé
« Lili » en langue
banda. Ce feutre,
très souple, rem-
place l'étofl'e et fait
office de pagne.
V.
Faune.
1 . Miuninil'rrea.
■ — La faune est as-
sez riche ; nous ne
citerons que les ani-
maux les plus com-
nuins.
L'éléphant a été
rencontré aux sour-
ces du Gribingui et
au NgouM'Balafeau
des éléphanlsj. 11 \it en grandes troupes à ce der-
nier point, el la route se perd parmi les multiples
sentiers tracés par ces pachydermes.
Le rhin<icéros existe au.ssi au Ngou M'Bala. Aux
environs de Fort-Crampel, on relève des traces de
lions et d» panthères.
Le lion ne porte pas de crinière.
l;. i:; h 17. — Divcfsi'H sortes de vn/ncs du /),?/.<,• des M'Bri'.'
Kig. l.'j. Vigijc !i feuilles en forme lie cœur (Gr. 1/4). — Fi"
Viijnr il feuilles ordjimires, ii tige rugueuse (Gr. 1/2;. — Fie,
Vifjne il tige Jissc et ii feuilles à limbe découpe (Gr. 1/^).
Le phacochère ou sanglier à doubles boutoirs est
commun au Ngou M'Bala et dans la vallée de la
Gourda.
L'antilope-cheval est un magnifique animal, que
l'on trouve partout. Il a été rencontré sur le plateau
au Nord- Est dAlatakré.
L'antilope commune pullule dans la contrée.
Les singes sont
assez rares et n'ont
été aperçus qu'au
Mont Banga.
Les hyènes et les
chacals se font fré-
quemment en tendre
la nuit.
Il n'a pas été vu
d'hippopotames. Il
se peut qu'à la sai-
son des pluies quel-
ques-uns de ces am-
phibies puissent re-
monter le Gribingui
et la Gounda.
2. Oiseaux. — On
voit beaucoup d'oi-
seaux de proie :
vautours, buses, mi-
lans, etc.
Les coqs de pa-
gode, les tourterel-
les, l'oiseau-trom-
pelte, les merles
métalliques font re-
tentir les bois de
leurs cris caracté-
ristiques
Comme gibier, on
trouve la pintade,
très commune ; les
perdrix et les pou-
les de rocher, assez
rares.
On remarque dif-
férentes espèces de
passereaux aux cou-
leurs vives.
Plusieurs espèces
d'oiseaux noclur-
elc., font entendre
nés, grands-ducs, chouelt
leurs hululements par les nuits calmes.
'S. Neptiles. — Les serpents venimeux ne sont
pas très répandus. On rencontre, cependant, des
trigonocéphales et d(;s serpents do bananier en
assez grand nombre.
.T. TRUFFERT — LE MASSIF DES M BRÉS
83
Li\s indigènes signalent la présence dans les bois
de grands serpents, boas ou pythons.
Fig. 21.
Kig. IS. — Liane n cioulchou- elsfs entailles (Gr. 1/3':.
On signale la présence de quelques petits caï-
mans dans le Gribingui; mais ils sont peu nom-
breux.
Les igua-
nes se ren-
contrent
quelquefois
et ne parais-
sent pas at-
teindre de
grandes di-
mensions.
Il existe
plusieurs espèces de lézards ; on en rencontre par-
tout, dans les arbres, dans les cases et dans les
rochers. Certains élisent domicile dans les fourmi-
lières, où ils se gavent au point de se laisser
prendre à la main.
On trouve la tortue d'eau et la tortue de terre.
4 Poissons. — Les rivières sont toutes très pois-
sonneuses et offrent de grandes ressources aux
indigènes.
Le poisson est, en
général, 1res bon. Les
indigènes font fumer
des petits poissons
du genre des loches.
iGr. naturelle).
5. Insectes. — Les
I abeilles sont nombreuses et les indigènes savent
|récolter le miel sauvage.
On trouve, dans les villages, la mouche ma-
|çonne (fig. 19), dont la piqûre est très doulou-
reuse.
Les moustiques, assez rai-es pendant la saison
sèche, sont remplacés par d'innombrables petits
moucherons noirs, à odeur musquée, appelés « fou-
rou.\ )> en patois colonial.
A certaines époques, de grands vols de sauterelles
(fig. 20) viennent de la forêt équatoriale et s'en-
Fig. 20.
Spécimen d'une invasion de sauterelles, recueilli
il Fort-de-Po'ssel le 1"' février 1901.
volent vers le Sahara en dévorant tout sur leur
passage.
Les fourmis pullulent partout. Certaines espèces
atteignent des dimensions extraordinaires, de 12 à
1.3 millimètres de longueur.
Les fourmis-lions leur font une guerre acharnée
et creusent
leurs pièges
en e n t o n -
noirs autour
di'S habita-
lions.
Les termi-
tes minent
partout le
sol et lui
donnent un
aspect spongieux. Ils construisent sans cesse leurs
édifices, dont la forme varie avec les espèces.
milh"^\\illllin.\\\\\\\\l!i;'^\i,n,\^\\\\\
Tci-milii-res en forme de chawpitjnons.
VVMi I//I ivWVWil l|/////vUVl //// n\\ \uiiii II w
Fig. 22. — Termitii-fcs en forme d'aiguilles.
La forme la plus commune est la forme en cham-
pignon (fig. 21). On la rencontre particuliéremenl
dans les terrains ferrugineux.
SI
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES MBRÉS
On rêiiianiuc ensuilo la fornio en aiguilles
(fig. 22), qui atteint des dimensions pouvant varier
entre 2 à 4 mètres de hauteur.
Une autre espèceconstruitses demeures en forme
de dômes (fig. 23), qui atteignent des proportions
considérables, 7 à 8 mètres de diamètre h la Ijase,
et 2 à 3 mè- __
très di? hau-
teur.
La végé-
tation pous-
se sur ces
dômes, et
cela donne à
la campagne
l'aspcctd'un
cimetière
parsemé de
tumuli anti-
ques. Lachi-
que existe
chez les N'Gapous, elle y a été importée par les
Sénégalais de Crampel et de M. Dybowsky.
(i. Anhiiaux Jomesliqws. — Les indigènes ne
connaissent pas l'élevage du bœuf, du cheval, ni du
mouton. Ces animaux, importés par nous dans ces
régions, supportent assez mal l'hivernage.
Les boucs et les chèvres, désignés ici sous le nom
générique de « cal)ris >>, fournissent à l'alimenta-
couard et inintelligent et n'est considéré que comme
un animal de boucherie.
VI. — Etnographif.
1. riaecs. — Les indigènes appartiennent à la
race « Ban-
?*(f;r,lfr'iM.
Fig. L'3
Terœiliires en forme
2° Les M'Brés, formant un groupe unique, très
dense et très homogène, habitant le massif des
M'Brés;
3° Les Dakpas, habitant au sud du Mont Banga;
't° Les N'Gapous, haijilani au sud du masssif des
M'Brés;
3° Enfin les Mandjias, les Ungourras et les Mag-
bas, habitant les deux rives du Gribingui.
Ces trois dernières peuplades ont leurs princi-
Kig. 24. — '.'a.s.'s ni;ironh!is, sur le Monl lUinyn.
lion une viande saine, que l'on peut acheter dans
tous les villages.
Les poules sont égalenu'nt communes partout.
Chez les N'Gapous et les M'Brés, on trouve aussi
des pintades, que les indigènes se procurent en fai-
sant couver les œufs de ces volatiles par des poules.
. Le chien existe dans tous les villages. 11 est
pales agglomérations ])lus à l'Ouest du massif des
M'Brés et en dehors du cadre de notre exploration.
2. Stntisliqiii' de In popuhdion. — Les chiffres du
tableau II ci-après ont été calculés en prenant pour
base le nombre des cases de chaque village visité et
en comptant en moyenne 3 habitants par case.
J. TRUFFERT - LE MASSIF DES M'BRÉS
85
Tableau II. — Population.
NOMS
.les village
NOMBRE
de rases
OBSERVATIONS
1. — Mauolba:^.
l" Maroub:is à l'est da Fort-Crampcl
. . . Romboua . . l-
M'Bala
Dobro.
Yan^tranzé
Ivanga. .
11
Plusieurs hauaeaux
non visités.
Non visité.
Plusieurs hameaux
nun visités.
Tombourou ,
.\iiuangué
Péyé . . . .
Kada . . . .
Togbru . .
Douroumiba.
2" Marouhas du Moût Yarjoua.
(joadia .
Irédongo
Gazaïpi .
3° Marouhas du Mont Bauija.
Outié . .
Koubou .
Ivoungou
Kouruu .
To<fbro .
Bêla. . .
Yako . .
N'Guendi
Banda. .
(luassa .
Dapa . .
Bamba .
Ringo. .
Abanda .
Alangou.
M'Broua.
Krebedjé
Gouanga
.NDjoué .
Rétung! .
(iazaïpe .
Oréyé . .
Yako . .
Douniba.
.M'Bangou .
Groubâla .
Kroungrou
Non visité.
('es trois villages sont
groupés au sommel
du Mont Banga;ûg.24)
^Divers hameaux non
() visités.
Soit 1.300 individus.
IPopul. totale : 2.000.
Formant plusieu rs vil
lages et hameaux.
Non visité.
Non visité.
Plusieurs hameaux
1 non visités.
Village du chef.
77 Soit 2.900 individus.
IPopul. totale : 3..500.
190
40
Rama .
Lama .
Togbo.
A y ara.
Alama
Dembré.
III.
Roupoué
.Siaka. .
Térapeu.
Damara .
Ouako. .
.Makamanza
Total.
147
(Nombreux hameaux
i non visités.
Dix hameaux non vi-
sités.
Soit 800 individus 2.
IV.
NGapols.
Ungouras, Manajias, Magbas.
Trop peu de villages ont été visités chez ces peuplades
pour permettre d'établir une statistique. Nous savons,
toutelois. que la population est très nombreuse.
' Les villages occupent des espaces considérables. Ils sont
formés de hameaux et de cases isolées répartis dans la cam-
pagne très cultivée.
Il est difficile d'établir une statistique sur la population
des Dakpas; une portion de leur territoire seulement a été
traversée. *
' Ce chillre. est bien au dessous du chiffre de la population
Les N'Gapous sont très nombreux et leur chef
Kanga, assez puissant, paraît posséder une grande
autorité.
Il se rappelle parfaitement le passage des Mis-
sions Crampel et Dybowsky et de leurs Sénégalais.
Ces Missions passèrent la Koudou à deux endroits
diflférents près de Touma, se dirigèrent sur le Mont
Bindé et de là sur le Koukourou rivière Kourou)
et le Kaga Kourou (Mont Kourou), actuellement
baptisé pic Crampel.
Toutes ces peuplades parlent la même langue, le
Banda, sauf au Sud du Mont Goui, où les indigènes
parlent un dialecte qui paraît ressembler à celui
des Gobous et des Boubous du Haut-Oubanghi.
Leurs caractères anatomicjues, physiques et phy-
siologiques ne présentent pas de grandes difl'é-
rences. Nous prendrons comme type les M'Brés, qui
ont été l'objet de quelques-unes de nos observa-
tions.
3. Cnractères physiques. — Le teint des M'Brés
présente une couleur assez uniforme. On ne
remarque pas des différences variant entre la cou-
leur café au lait et le noir foncé, comme chez cer-
tains peuples noirs, les Yakomas par exemple.
Leur teint, assez foncé, est d'un noir jaunâtre.
I^es cheveux sont crépus, la barbe peu fournie,
les pommettes saillantes, la mâchoire inférieure
assez peu proéminente, le front rond, l'ovale de la
figure assez régulier chez les jeunes gens. Les
yeux sont assez petits, le nez et la bouche n'offrent
pas de dimensions exagérées.
4. Caractères physiologiques. — Les M'Brés
forment une race vigoureuse, ayant quelques parti-
cularités communes aux montagnards, entre aulres,
grande capacité de la cage thoracique, indiquant
des poumons développés et une active circulation
du sang.
L'habitat dans la montagne, qui parait avoir agi
sur eux dans ce sens, sans doute par l'absorption
d'un air pur, a été sans action sur le développe-
ment de leurs extrémités inférieures. Comme chez
leurs voisins, ils ont le mollet peu développé, le
pays n'étant pas assez agreste pour exiger un effort
anormal dans la locomotion.
o. Caractères physionomiques. — Les M'Brés
ont une figure d'expression assez douce chez
les adolescents et les femmes. Les hommes ont
l'air intelligent, et l'expression de leur visage ne
revêt jamais ce caractère de bestialité que l'on se
figure devoir rencontrer chez des anthropophages.
totale, que les renseignements obtenus et les observations
faites permettent d'évaluer à 4.00U ou o.OOO Dakpas.
80
J. TRUFFERT — LE MASSIT DES MBHËS
Us ])arlent avuc volubilité et (■niaillenl leurs dis-
cours de gestes typiques, de claquements de doigts
et de pantoiiiiuies très expressives.
Leur danse est peu gracieuse, les sujets restant
toujours accroupis, les yeux tixés à terre, frap-
pant en cadence le sol de leurs pieds.
6. Caracli'rrs palljolo;/iquos. — La race est saine
et vigoureuse et ne parait pas en proie à la syphilis.
Il y a quelques cas isolés d'élépliantiasis. Les
maladies de peau sont assez communes, la gale
nolammcnt.
Ils connaissent la surdité, la cécité, le crétinisme
et la folie, mais il n'a pu être observé aucun indi-
vidu sujet à ces infirmités.
L'albinisme nest i)as très fréquent. In cas d'albi-
nisme parfait a pu être observé chez un porteur
N'Gao venu à Fort-Crampel.
La peau de cet indigène est entièrement rosée
par tout le corps et ne ])orte aucune tache de pig-
ment noir, que l'on trouve ordinairement chez ses
semblables. Il a les yeux jaunâtres, les cheveux
d'un blond filasse et frisés et conserve le faciès du
nègre. La lumière ne parait nullement l'incom-
moder. Il vacjue à ses occupations entièrement nu,
la tète non abritée, en plein soleil. Sa constitution
est aussi forte que celle des autres indigènes. Ce
cas est une exception ; le plus souvent, les albinos
sont rachitiques et ne peuvent supporter la lumière
du jour.
Les enfants ont le ventre gontlé outre mesure
jusqu'à l'âge de six à sept ans. Il ne reste plus trace
de cette défectuosité chez les adultes.
MI.
Ethnologie.
I. i'ninillc. — Les M'Brés sont polygames et
peuvent choisir leurs femmes en dehors de leur
tribu. Le nombre de femmes augmente avec l'ùge
de l'homme, qui peut en posséder dix lorsqu'il est
vieux.
La famille est segmenlaire. Le père possède ses
femmes en propre et elles sont à l'abri de la pro-
miscuité du reste de la famille.
Les fils achètent chacun ses femmes, mais les
femmes sont comnmnes entre frères. Toutefois,
chacun d'eux se reconnaît le père de l'enfant pro-
venant de la femme introduite par lui dans la com-
munauté.
Une femme qui allaite doit observer la continence
jus(iuau sevrage de l'enfaut.
2. Muriai/c. — Un individu qui désire se marier
doit en demander l'autorisation au chef du village;
il achète eirsuitc sa femme au père de celle-ci. Le
prjx est d'ordinaire de cent llèches et cinquante
sagaies ou quarante chapelets de perles. Un cha-
pelet doit pouvoir faire le tour des reins.
Dans les cas d'exogamie, l'homme s'entend préa-
lablement avec la femme étrangère qu'il désire,
puis vient l'enlever dans la nuit. Le chef de la tribu
de la femme vient la réclamer au chef de la tribu de
l'homme, et ce dernier doit payer le prix réclamé.
Dans le cas contraire, il y a guerre entre les deux
tribus.
Lorscju'un homme, partant en voyage, désire se
réserver une femme, il en fait la demande au père
et au chef. Les liançailles sont publiques et la
jeune fille est considérée comme mariée.
Le divorce est inconnu, même dans le cas d'adul-
tère. La femme en butte aux sévices de son nuu-i
n'a d'autre ressource que de s'enfuir.
Elle se rend dans une autre tribu, où elle devient
la propriété de celui qui la rencontre.
A la source de la Kémo, une femme M'Brée avec
son enfant à la mamelle fut ainsi rencontrée à
deux jours de marche de son village. Elle fuyait son
mari et se rendait chez les Dakpas. En lui faisant
comprendre qu'elle n'y arriverait pas et qu'elle
serait prise par les iN'Gapous, on la décida à ren-
trer aux M'Brés avec le détachement.
Le célibat est également inconnu; lorsqu'un
homme est pauvre, sa famille et ses amis lui font
L'avance nécessaire pour se procurer une femme.
En cas d'adultère, le séducteur doit rembourser
au mari trompé le prix de la l'einiue, qui reste
néanmoins la propriété du mari.
Il arrive qu'un homme longtemps absent de sa
tribu trouve, à sa rentrée, sa femme enceinte des
œuvres d'un autre.
Si cet homme a laissé un frère au village, l'en-
fant se trouve légitimé. Dans le ('as contraire, le
mari trompé s'adresse au chef du vfllage. Ce der-
nier fait rassembler tous les hommes, et la femme
est tenue de désigner son séducteur. Celui-ci paie
au mari l'amende convenue. L'avortement est quel-
quefois pratiqué par les femmes qui se trouvent
dans ce cas, mais l'infanticide est inconnu.
3. Naissance. Circoncision. — Les naissances
ne donnent pas lieu à des fêtes spéciales. Les jeunes
enfants portent le nom générique de « Oboro ». Ils
sont sevrés dès qu'ils peuvent marcher. A l'âge de
cinq ou six ans. ils reçoivent un nom choisi par
tous les membres de la famille.
Voici quelques spécimens de ces noms propres
qui n'ont pas de signification spéciale.
A'oiiis (t'Iioiiniios '
Lihoiif^o.
Intia.
I)apa.
Vanum^'a.
' La prononciation de Vn n'est jamais nasale
J. TRUFFEKT — LE MASSIF DES M'HRKS
Onf!0.
Diaiikûré.
Mansuéïla.
Brékonta.
Diali.
binianzi.
Ouniba.
Niraaia.
Dokouzo.
Aukourcui.
Yadda.
iXows de femmes.
Yugoua.
Guitéré.
Linda.
Yasinifnga.
Zimanda.
Les enfants ne sont soumis à aucun travail jus-
qu'à l'âge de leur circoncision, qui se fait au mo-
ment de la puberté.
La circoncision ou « Gauza » est pratiquée par un
vieillard de la tribu Les deux sexes y sont soumis;
elle consiste dans l'ablation d'une partie du clitoris
ou du prépuce.
La plaie est cicatrisée avec de la graisse de cabri
itouillante. La circoncision donne lieu à des fêtes
qui durent vingt jours
Trois mois après, les femmes sont déclarées
nubiles et peuvent être mariées; les jeunes gens
reçoivent une sagaie et vont passer trois mois dans
la brousse pour y faire leur apprentissage de chas-
seurs ou de guerriers.
4. M;ilii(Iies. Mort. — Les médicaments ne sont
pas donnés par des sorciers ou des spécialistes.
Ce sont les membres de la famille du malade qui
vont dans la campagne chercher les plantes médi-
cinales. Ces plantes sont employées sous forme de
tisanes ou d'emplâtres.
La ventouse scarillée, « Dzinzi », est pratiquée par
les M'Brés. Ils font d'abord, sur la partie malade,
trois entailles (ce nombre ne varie jamaisi; puis
apposent dessus une petite corne d'antilope, percée
à la partie supérieuri'.
Le vide est fait par aspiration et le doigt placé
immédiatement sur l'oritice pendant la durée de
l'opération.
Si le décès survient, le défunt est exposé pendant
trois jours dans sa case. Ses parents et amis autour
de lui se livrent à des festins- et à des chants et
danses funéraires avec accompagnement de tam-
tam.
Le mort est ensuite déposé dans une fosse
profonde de deu.v mètres. Le fond de la fosse est
recouvert d'une natte ; le défunt est assis sur une
traverse, la tête haute et soutenue, ainsi que les
coudes, par d'autres traverses. Un plafond en bois
recouvert d'une natte est construit au-dessus de sa
tète; et la terre, rejetée par-dessus. Des perles sont
déposées dans la fosse.
En route, dans les cas pressés, le défunt est
placé dans une petite fosse, assis les genoux sous
le menton, les mains croisées sur les pieds. La tète
est tournée vers n'importe quel côté de l'horizon.
Après l'inhumation, les assistants boivent une
bière de mil fermenté appelée « pipi ■> et se retirent.
Il n'est pas déposé de vivres sur la tombe.
Les chefs sont enterrés dans leur case même, qui
devient alors inhabitée.
5. Culte. Croyances. — Il n'existe ni culte, ni
prêtres, ni sorciers.
Les indigènes n'ont aucune idée delà divinité;
ils attachent quelques pouvoirs à des fétiches et à
des amulettes, qu'ils portent sur eux ou qu'ils pla-
cent à l'entrée de leurs champs, de leurs villages ou
de leurs cases.
Ils ont de vagues notions de métempsycose. Us
croient qu'après la mort, les esprits des défunts
vont habiter dans le corps de différents quadru-
pèdes.
Les enfants iraient dans le corps des cabris,
les jeunes gens dans les petites antilopes, les
hommes dans les antilopes-cheval et les vieux dans
les éléphants.
Cette croyance donne lieu à certaines prohibi-
tions de nourriture animale.
Ainsi, Doumba, chef des M'Brés, ne mange pas
d'éléphant ni de cabri, car les esprits de son père
et de son frère, mort jeune, habitent parmi ces
animaux.
Les indigènes appellent l'écho >< N'Gandro », et
croient que c'est un mauvais esprit (jui n'a pas
voulu aller dans le corps d'un animal, et qui se
moque des vivants.
Les quadrupèdes ont seuls la faculté de recevoir
des esprits. Les oiseaux, les reptiles, les poissons
et les insectes ne jouissent pas de ce privilège.
tj. Coutumes. Usai/es. — L'hospitalité est exercée
avec bonne foi. Il est défendu de tuer un étranger
dans un village. Lorsque les indigènes ne veulent
pas le recevoir, ils font connaître leurs intentions
hostiles en battant le tam-tam de guerre.
Lorsqu'un voyageur quitte un village, il est
reconduit par le chef jusqu'au premier village de
la tribu voisine. Aucun chef n'a cherché à se
dérober à cet usage, pendant toute la durée du
voyage.
Lorsque deux indigènes se rencontrent, ils se
serrent la main, à peu près à la mode européenne,
en disant : « Bésétouma », qui équivaut à notre
bonjour.
Le grand salut envers les chefs consiste à s'age-
nouiller, et à passer trois fois les mains sur les
genoux, la barbe et le nez du personnage qui reçoit
cet honneur.
Les vieillards sont très vénérés ; les idiots et les
aliénés ne sont l'objet d'aucune démonstration
particulière.
88
J. TRUFFERT - LE MASSIF DES MBHÉS
7. [Cuslrs. Mrlii'm,
hommes naissenl li-
bres et (^f;aux. Les
cliels ii'iiiil>;irlitMi-
iient pas;'! une ca^lc
spéciale, mais leur
pouvoir esl hérédi-
taire.
Si un i-lieT, en
mourant, lai-^se un
lils trop jeune, t'"est
le frère iln ilelunt
qui scouverue jus-
Hu'à la majorité du
lils.
Les esclaves sont
rares, et provien-
nent desuerresavcc
les voisins.
Tout le monde esl
agriculteur et jj;uer-
rier, depuis la nn-
bililé jusqu'à la
vieillesse. Les dit-
i'érenls métiers sont
exercés par des pro-
fessionnels; aucun
métier n'est avilis-
sant.
Les f Grimerons fa-
briquent les fers de
sagaies et detlèches
(tig. 2o. ii6, :>8, 301.
Doumba.lechefdes
M'Brés, esl un ha-
bile forgeron.
Les charpentiers
construisent les ca-
ses, et personne ne
se passe de leur in-
termédiaire.
La vannerie esl
fabriquée par tout
le monde.
La chasse est pra-
ti(iuée par les plus
courageux et les
plus adroits de la
tribu.
La pêche est sur-
tout pratiquée par
les femmes, qui ont
aussi Tapanage de
faire la poterie.
La pfllerie esl
grossière et consiste
— Chez les M'Hrés, tous les | en grosses jarres pour
Fis. 26 .^ 3
is et 30.
Fis. 20.
Fig. 31. Fig. 32.
2. _ l>ro<lails (livors di' l'iniiiixlrie des M'Brcs. — Fig- 26.
Fers de /llclios (Gr. 1/2). — Fig. 21. '/aba/ùVe (Cr. 1/2). —
B.-igiic en lil de for (Gr. 1/2. — Fig. 31. Couteau de Jet
(tîr. 1/6V — Fig. 32. Couteau (,Gr. 1/4).
eau, en marmites el en
petites écuellcs(tig.
;J3 à Ti).
8. l'ni/irii'/i'.S;!-
I:iirfs. Conlriliii-
tioiis. — La pro-
priét(' est indivi-
duelle. Chacun a
son lopin de terre,
qu'il défriche dans
l'endroit qu'il a
choisi a\ec l'asscn-
timenl du chef de
la triiiu.
Lors([u'un hom-
me veut défricher
ou faire la récolte,
il convoque ses voi-
sins el amis à ve-
nir travadler à son
champ. Après la
journée de travail,
il distribue le sa-
laire en nature ,
sous forme de bière
de mil hue en com-
mun.
Chaque homme
possède en propre
ses cabris, ses pou-
les, etc. 11 verse au
chef de village une
redevance ou con-
trihulion propor-
tionnée à sa ri-
chesse, calculée d'a-
près le nombre de
ses femmes, de ses
bestiaux, et la gran-
deurdeseschaai]».
9 . HabilHtJons .
Vêlenients. Orne-
ments. — Les cases
ou « Danda " sont
construites au-des-
sus d'une aire de
terre bien damée,
creusée un peu au-
dessous du niveau
du sol et entourée
d'un mur de lerre
circulaire, haut de
40 àoOcentimètrcs.
La charpente ^'
.T. TRUFFERT — LE MASSIF DES MBRÉS
89
compose d'abord de qualre grosses branches en
croix, se réunissant par la pointe (lexible et formant
le sommet de la case (fig. 'M). Elle est complétée
par des bambous disposés de la même façon et p;ir
des U-eillis circulaires. Le tout est incurvé au
sommet et recouvert de pailloltes. Il n'y a pas
de pilier central. La porte est basse est munie de
paravents (fig. 3!t).
L'habillement consiste en un pagne que les indi-
Fig. a.i.
y^^0^^^^^'
,1^////'^' y////
^m^^Ww^^
l'une case.
Fig. 39. — Coupc'duae]
porte.
Fif,'. 36. Fig. 37.
Fig. 33 à 37. — Poteries fabriquées par les M'Brés. —
Fig. 33. Jarre pour Veau. — Fig. 34. Marmite. — Fig. 3").
f.'cuelle. — l'ig. 3G et 37. M'jlifs de décoration pour la
p.,h'rie.
gènes fabriquent avec l'écorce d'un arbre appelé
« Lili ...
Les indigènes aiment beaucoup nos étoffes, et les
convertissent facilement en blouseseten pantalons.
Les hommes et les femmes portent des boucles
d'oreilles faites avec de minuscules cornes d'anti-
lopes (fig. 40). Cette parure est assez gracieuse. Une
autre mode, qu'on ne peut qualifier de même, con-
siste à se percer les narines et la lèvre supérieure
pour y introduire de petits morceaux de bois ou
d'ivoire fig. il).
La lèvre inférieure est aussi quelquefois trouée
pour y recevoir une pointe recourbée en fer, en
ivoire ou en cristal de roche. Ces déformations des
lèvres ^jont du plus disgracieux effet pour des yeux
européens. Elles exagèrent encore le prognathisme
naturel des indigènes.
Certains chefs, plus affinés, commencent à éprou-
ver une certaine gêne à mettre ces parures devant
les Européens.
Le haut du front est rasé et le crâne orné de
HEVIE GÉSÉRALE DES SCIE>XES, 1902.
• f^
Fig. 40. —
Corne
d'antilope
servant de
Itoucle
d'oreille.
perles enfilées dans les cheveux, formant des des-
sins où se donne libre cours l'imagination des ar-
tistes capillaires.
10. Nourriture. — Les indigènes fabriquent deux
sortes de farine, celle de mil et celle de manioc.
Les racines de manioc sont sou-
mises aux opérations du rouissage, du
lavage, du séchage, et broyées ensuite
dans un mortier.
Le mil est seulement concassé et
vanné.
Ces deuxe.«pèces de farine sont cui-
tes à l'eau dans des vases de terre.
Les arachides, grillées et concas-
sées, servent à faire des gâteaux cuits
de la même façon et mélangés au mil.
Les viandes consommées sont celles
de cabri, de poule et de pintade.
La chasse fournit aussi son contin-
gent. La mort d'un éléphant est une
fête pour la tribu. Elle donne lieu à des festins
interminables. Beaucoup de convives mangent au
point de ne plus pouvoir se lever.
Le poisson, péché au commencement de la baisse
des eaux, est fumé et conservé pour la saison sèche.
Les indigènes mangent aussi de la salade de
pourpier, qu'ils appellent •■ cocros •.
La bière de mil fer-
mentée, appelée ■• pipi»,
ne se boit que dans des
cas déterminés.
L'anthropophagie ne
se pratique qu'en temps
de guerre et lorsque
l'occasion se présente. Il
n'existe pas de marchés
de viande humaine et
les morts de la tribu sont
à l'abri de la voracité des
survivants.
Un porteur marouba,
mort la veille de l'arri-
vée aux M'Brés, fut dé-
terré et dévoré par les
porteurs N'Gapous libé-
rés. Le fait fut rapporté
par un chef M'Brés, dont
les administrés arrivè-
rent sans doute trop
tard pour prendre possession de l'aubaiue tom-
bée sur leur territoire.
ll.liidiistrie. Commerce. — La principale indus-
trie consiste dans la fabrication du fer et la forge
des armes.
Fig. 41. — Modes indigènes
consistant à se percer les
narines et les lèvres pour
y introduire des morceaux
d'ivoire ou de fer. ^ ,
90
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES M'BRÉS
Le minerai, introduit dans des tubes cylindriques
«■n arf:;ile, est disposé ingénieusement dans des
Jiauts-fourneaux de deux à trois mètres de hauteur,
de façon que la flamme se répande sur une surface
maximum. Les hauts-fourneaux sont chauffés au
charbon de bois.
Dans une prochaine étude, nous décrirons d'une
façon complète cette industrie, primitive, mais
ingénieuse.
Les fers de flèche et de sagaies présentent une
assez grande variété de formes et un certain cachet
artistique, ainsi qu'on peut le voir sur les figures
2.J, 26, 28 et 30.
Les couteaux de jet
(flg. 31) ont une forme
assez bizarre. Ils servent
de cognées pour dé-
broussailler et d'armes
de jet au combat.
La vannerie est em-
ployée à de nombreuses
applications : paniers,
nattes, enveloppes de
gourdes, chapeaux, bou-
cliers, etc.
Nous avons donné,
plus haut, des échantil-
lons de la poterie.
Le commerce est fai-
ble et se fait par trocs
ou échanges en nature.
La perle de pacotille
commence à devenir une
monnaieassez courante.
Les indigènes mani-
festent l'intention de se
livrer à l'exploitation du
caoutchouc, abondant
dans la région,
lis chassent l'éléphant et possèdent certaines
réserves d'ivoire qu'ils cachent avec soin.
12. Agriculture. — Tout le monde estagriculteur
et les champs sont l'objet d'un travail assidu.
Les M'Brés et les Maroubas possèdent de très
belles plantations de mil et de manioc.
Les ÎN'Gapous et les Dakpas ne se livrent qu'à la
culture du manioc.
Les plantations sont immenses chez les Dakpas.
Le maïs est cultivé un peu partout, surtout par les
M'Brés et les Maroubas. On trouve l'arachide partout.
Les ignames et les patates sont un peu plus rares.
Le tabac est cultivé dans les villages mêmes.
Chaque case est entourée de plants de tabac. Le
tabac est consommé soit en le fumant, soit en le
■prisant. La pipe ou <i bagba » affecte une forme
l'i
Trou aspiratoire.
42. — Pipe cirs M'Brés
ou haijba.
singulière ifig. i2). Le fourneau est allongé et est
pris, à première vue, pour le tuyau même. La partie
aspiratoire, au contraire, est formée par un énorme
haricot, fruit d'un arbre appelé « Colzo »,qui force
le fumeur à ouvrir démesurément la bouche.
L'indigène remplit ses poumons par plusieurs
aspirations précipitées, puis passe la pipe à son
voisin en expulsant des nuages de fumée.
13. Justice. ■ — La justice est rendue par le chef
du village. Nous avons vu, au paragraphe « Ma-
riage », les pénalités concernant l'adultère.
En cas de meurtre, le meuririer est condamné à
donner deux esclaves, hommes ou femmes, à la '
famille de la victime. La famille ne tue le meur-
trier que lorsque celui-ci ne paie pas son amende.
Le vol est très sévèrement puni. Le coupable est
condamné à payer vingt fois la valeur de l'objet
volé. Pour un cabri volé, le voleur doit en rendre
vingt, ou un esclave, ordinairement une femme
avec un enfant de sa famille.
Grâce à ces lois draconiennes, le vol est presque
inconnu. Pendant toute la durée du voyage, il n'a
été constaté aucun vol ou tentative de vol d'armes,
de perles ou autres choses, pas plus de la part des
porteurs, renouvelés souvent, que de la part des •
populations visitées. Lorsqu'un indigène était vic-
time d'un détournement de la part d'un soldat ou
porteur du détachement, il n'hésitait pas à venir
se plaindre au commandant du détachement. Bien
entendu, il était récompensé de sa confiance par un
bon dédommagement et le châtiment du coupable.
Ces indigènes, si respectueux de la propriété
entre eux, deviennent des pillard.s terribles lors-
qu'ils sont introduits, soit comme poiteurs, soit
comme guides, dans des villages étrangers, et
qu'ils savent être du côté du plus fort.
VIII. — Langage.
1. Vociibulaire. — La langue du pays est le
« Banda », parlé par tous les peuples voisins it
compris par les Arabes de Senoussi :
Chef inquêré.
Esclave Jniiii/n.
Homme couaoi.
Femme jacin.
Fille oiiïa. r
Garçon hoiiloucouuci.
Vieux ho/.oii.
Jeune ohuro.
Malade komoul<:i.
Mort uzonlititcliou.
Père abii.
Mère ryinir.
Fils o/joro ncnw.
Oncle 'tta.
Forfjeron Jjolo. ,
Chasseur iiébou lioudia.
Pécheur nebouhousouiKja.
Etoffe européenne houbourouka.
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES M'BRÉS
91
EtolTe indigène louhn.
Flùche koiiiikrn.
Sagaie doudoii.
Bouclier invchi.
Couteau kninha.
Bâton yoyo.
Case n'dttiidn.
Montagne kngo.
Marigot nguu.
Mine de fir hoiik!t<j:i.
Cliemin aoun.
Soleil lolo.
Lune ypc.
Lau ngou.
Terre clioclw.
Feu wouwou.
Bois oyo.
Pierre /;("/>('.
Arhre à éloUe Uli.
Mais baiidzn.
Manioc '. . . tùjaU-.
Mil dfirou.
Bambou ncfiihi
Patale ■kou/tkouni.
Igname ahu.
Arachide aonilm.
Banane . hindi. '
Haricot hump).
'i'abac ii'(j,'io.
Caoutchouc binga.
l^'oire o'zoïi inhala.
. Tète koiiiné.
Tronc, ventrr. .'..... yoiiproii.
Bras niéijf'.
•ïambe koiikon.
Main „;,„;,.
Pied krossa.
Doigt if,„c_
Cheveux loiitou.
Barbe . . , soutiia.
QEil ûlo.
^6Z ÛUfOUC.
Bouche a ma.
Oreille toulon.
lient ^;>y.
Langue pcmé.
Eléphant m'Jjala.
Hip|io|jotame A-o,,o_
Antilope-cheval jjHn,
Antilope commune .... tàLa.
Phacochère '. [ m'hiuqué.
'l'i'e» laproii.
*-abri iohvoii.
<"*eau 0£/o_
^f^, c-oeo ii'qato.
loule n'gato.
^,erpent kokouro.
Caïman mourouiiqou.
J-êzard i,oumi.
foi=^son sounqou.
Mouche maronne . . . plapla
Abeille. . '. „J,.^;
.Mouche didri
1-ourmi. ...;.■.■;;; appoùé.
J;^"'' sokro.
•„ '!■ ^voii qou.
^ ".'jin krokildr.
^''?' w-hi-indé.
f.V'r • • • dédé.
"'" osoukva.
"emain „/;,/_
^■°n kâtima.
Ou' lou.
Bon ,yj^
Très Ion loufou.
E.\cellent foukaï.
Mauvais fou niiii
Entendre midzi.
Voir woué.
Dormir lolo.
Manger mxén':
Boire minjo.
Marcher ;);;;/]
Courir p,'.
Pleurer ', \ kiki.
Dire moumoii.
Partir nana.
^enir iiakain.
J ai niiriiif.
Tu as aiivzi.
'la aiiimi.
-Xous avons analta.
A'ous avez annxoumi:
Ils ont iiazoïi.
Chien iaprou.
Un chien iaprou barr.
Mon chien iaprou iiêiiii':
Ton chien iaprou m'-zi.
Son chien iaprou nézi-li.
Viens ici noqani.
Va-t'en qou.
J'ai yu . • nww':
Je n'ai pas vu ma oui- iiiiii.
Bon.jour bosëloniiiii.
Comment cela va .' .... tcorounn?
Cela va bien arouna kissem.
Faire la guerre toco.
Faire la paix co kakaï.
Le peu de mots recueillis ne nous permeltentpas
d'établir les règles de la syntaxe, qui paraissent,
d'ailleurs, assez simples. On remarque, toutefois,
l'usage de pronoms affixes, qui se lient indiffé-
remment aux verbes et aux substanlils. La néga-
tion comprend deux termes : ma précédant, et iiiin
suivant le verbe. Il y a là une certaine ressemblance
avec la syntaxe de la langue arabe. Nous signa-
lons le fait sans en lircr de conclusions.
2. Numération. — La numération est quinaire.
Lorsque les indigènes énoncent un nombre, ils
l'accompagnent toujours d'une mimique avec les
mains et les doigts (fig. 43 1.
t Baré .un doigt.
2 Bissi deux doigts.
3 Toula trois doigts.
4 Vana quatre doigts.
'j Minloii main fermée.
G Mintou pa baré . . . . main fermée tenant un
doigt de l'autre main.
1 Minloa pa bissi. . . . main tenant 2 doigts.
8 Minlou pa voûta ... — :{ -~
9 Mintou pa vana .... — 4 —
10 Morfo claquement des 2 mains.
11 Morl'o amana hare . . claquement, plus 1 doigl.
1-2 Morfo amana bissi . . - — — 2 —
i'S Morl'o amana routa . . — — 3 —
14 Morl'o amana vata. . . — — 4 —
15 Grivcta claquement et une main
fermée, etc.
16 Grivcta amana bavé.
17 Grivcta amana bissi.
18 Grivcta amana voûta,
19 Griveta amana vana.
92
J. TRUFFERT — LE MASSIF DES MBRËS
Znxou Laré
Zaxou baré aunutii Imn'.
Zazou Jinro amiina iiiiii-
toii.
Ziixou harc, mnanà iiiin-
toii, pa bavr.
Zazou J)issi
Zazou voula.
Zazou vana.
Zazou miiitou.
Zazd iiiiutou p:i bari'.
Zazou miutou jia bissi .
Zazou miiilou pa voula.
Zazou luintou jia yana.
ileiu cla(|uemenls, etc.
trois claquemenls, etc.
Les indigènes arrêtent là li'iir numération. Au-
Cuviictèrc et avenir de la {'iK-o. — LesM'Brés sont
d'une intelligence assez développée et d'un nuturei
peu sauvage. Ils sonlbons agriculteurs et guerriers
courageux. Ainsi que nous l'avons vu, Tinduslrle
du fer est assez développée et leurs armes ne man-
queut pas d'un certain cachet de bon goût.
Leurs mœurs sont douces et familiales et la peine
de mort rare dans leur code. Ils ne peuvent échap-
per à la loi commune des peuplades qui les entou-
rent et, comme elles, ils ont de la prédilection pour
les repas de chair humaine. Toutefois, l'anthropo-
phagie n'est pas la base de leur état social et les cas
numévalion chrz Vfs M'Urc
dessus de cent, ils se contentent de dire « zazou bi »,
chifl're indéterminé dépassant la cen laine.
(In remarquera qu'à partir de 20, la numération
cesse d'être régulière et est à la fois un mélange
de numération décimale et de numération quinaire.
IX.
IllSTdlliK.
Les M'Brés n'onl guère que les traditions des
anciens de la tribu. Ils se rappellent avoir habité
le marigot de Bafoudja, à l'Ouest du Mont Bayéré,
et en avoir été chassés par les N'Gapous.
Ils cherchèrent un refuge au Mont Bayéré et
y vécurent en paix pendant une trentaine d'années.
Attaqués par Senoussi, ils durent encore aban-
donner cette retraite et vinrent habiter aux Mouls
M'Bré et M'Vro, d'un abord plus difficile. Ils s'y
défendirent avec succès, il y a dix ans, contre
un rezzou de Senoussi, qui dut se retirer après
une bataille de quatre jours, perdant beaucoup de
monde et une partie de ses fusils.
où elle se manifeste sont encore relativement
rares.
Les M'Brés forment un groupe plus dense que
les groupements voisins. Leur organisation est
assez forte, et leur chef Doumba pourrait concen-
trer, en temps de guerre, environ 1. 300 guerrier.---
Les M'Brés, quoique n'ayant pas de marchés,
sembleraient assez disposés à se déplacer pour
commercer. Ils se sont mis à l'exploitation du
caoutchouc dans le but de se procurer nos étoiles.
11 y a peu de réformes i'i l'aire dans leur état
social, qui suffit à leur degré de culture et senihli:
les rendre heureux. Notre autorité leur donnera la
tranquillité, qui leur manque, en faisant disparaître
ces rivalités entre peuplades et même entre vil-
lages, source incessante de guerres qui empi-
chenl le développement de la race et la mise en
valeur du pays.
J. Truffert,
Capitaine il"Iiirantcrie''brevclé Hors Cadru-.
E. LEZÉ — UNE MACHINE THERMIQUE IDÉALE
93
UNE MACHINE THERMIQUE IDÉ4LE
Nous nous proposons, tout en respectant les lois
physiques connues et admises, de construire en
imagination une machine thermique idéalement
bonne, la machine la meilleure qui se puisse con-
cevoir pour transformer, dans les conditions les
plus avantageuses, des calories en nombre pro-
portionnel de kilogramme très, sans, du reste,
nous occuper présentement de savoir si cette ma-
chine idéale est réalisable ou non dans la pratique.
Nous voulons synthétiser la machine parfaite,
afin d'être à même, par la suite, de déterminer,
par comparaison, en quoi s'écartent de la perfec-
tion nos moteurs usuels, machines à vapeur ou
à pétrole, voire même nos moteurs animés; de
découvrir leurs défauts et d'étudier les moyens de
perfectionner, dans la mesure de notre puissance,
les machines dont nous nous servons d'habitude.
I
Nous donnons le nOm de Iransforiuafeur à un
appareil susceptible de produire du travail poten-
tiel proportionnellement à un certain nombre de
calories mises en action, ou, réciproquement, de
donner des calories en échange de kilogrammètres.
et toujours proportionnellement; c'est dire que la
chaleur doit être matérialisée dans ce transfor-
mateur idéal, qu'elle doit être exclusivement em-
ployée à échauffer le corps du transformateur sans
s'égarer dans des travaux accessoires de dilatation
ou de modifications quelconques de sa substance,
ou enfin, en résumé, que cette chaleur est pro-
portionnelle à l'augmentation de température de
ce corps.
D'après la définition même, si le transformateur
est à une température ou à un potentiel t, il con-
tient un nombre de calories proportionnel à t, soit
Ri, ou le nombre de kilogrammètres correspondant
AR^ si A est l'équivalent mécanique de la calorie.
11 est indifl'érent d'évaluer l'énergie potentielle
du transformateur en calories ou en kilogram-
mètres.
Les kilogrammètres sont représentés par le pro-
duit d'un poids par une hauteur; pourvu que le
produit soit constant, on peut disposer à volonté
d'une de ces quantités, poids ou hauteur.
Le potentiel du transformateur est / en calories,
ph en kilogrammètres, et ph = R/, R étant une
constante comprenant le coefficient A.
Examinons comment nous pourrons nous pro-
curer du travail avec ce transformateur, et à
quelles conditions ce travail va être obtenu :
Au lieu des p kilos que possédait le transfor-
mateur, ne lui laissons plus que 7/,, en enlevant
P — Pr
Le travail (/) — p^)h devient disponible et peut
être utilisé.
Mais l'énergie a diminué d'autant, la tempé-
rature du corps s'est abaissée proportionnellement
d'un certain nombre de degrés.
Si l'énergie (ou la température du corps ) doit
rester constante, il faut réparer la perte de chaleur
causée par la disparition de (p — p,)li, et apporter
des calories en nombre proportionnel.
Si, pendant la période de travail, la tempéra-
ture d'un transformateur reste constante, c'est
qu'il y a compensation exacte entre le nombre
de kilogrammètres mobilisés et le nombre de calo-
ries apportées ou enlevées.
Mais si, lorsqu'il n'y a pas de variation de tem-
pérature, l'énergie reste en réalité bien constante,
il faut remarquer cependant que l'arrangement des
kilogrammètres a varié : le poids était devenu
moindre par exemple, l'effet de l'apport de calo-
ries a été d'élever ce poids plus petit à une hauteur
plus grande, car ph doit rester constant.
Ce n'est qu'à température constante qu'il y a
compensation; et, par conséquent, un transforma-
teur ne fonctionnera dans de bonnes conditions
économiques que si sa température reste cons-
tante pendant la marche.
Cherchons à évaluer le travail que donnera un
transformateur lorsqu'on délestera le poids p
d'une petite fraction de sa valeur : p devient w, ;
h prend la valeur /y_, et
pjiz=p,h„ Pi<p- '',>ii;
jDj n'étant pas très différent de p, nous pouvons
évaluer le travail en admettant que l'on a élevé
à la hauteur h, — h la moyenne arithmétique des
poids/) et/),.
Le travail
,: = /!+£..,/,,_ A),
ou
26 ^pli, — pli + Pillt — l'ili =^pl'i — pJh
est constant lorsque 7/, est proportionnel à h, car,
si
b, = mil,
1
Pl = — p.
et l'on a :
:;;/,
("-,y = »^(-y-
Par conséquent :
1° Si l'on déleste petit à petit un transformaleur
01
R. LEZE — UNE MACHINE THERMIQUE IDÉALE
de poids dosés de telle façon que les hauteurs suc-
cessives croissent en proportion géométrique h,
iiih, nï-li, etc., ^ le travail est constant dans le
passage d'une hauteur à la suivante; les poids,
lie leur côté, décroissent en proportion géomé-
trique.
2" Le travail, démontr(' constant entre deux in-
tervalles, est proportionnel à la température.
II
Si, pour une raison quelconque, il n'y a pas com-
pensation exacte entre les kilogranimètres mobi-
lisés et les calories, la température du corps varie,
son énergie augmente ou diminue.
Proposons-nous de faire passer un transforma-
teur de la température / à une température supé-
rieure T, c'est-à-dire de lui fournir de l'énergie
supplémentaire.
Le problème comporte une inlinité de solutions,
car cette énergie supplémentaire peut être fournie
partie en kilogrammètres, partie en calories,
pourvu que la somme de ces deux énergies par-
tielles soit constante; nous pour'rions môme,
comme cas extrêmes et intéressants, ne payer cette
énergie, PH — ph, qu'avec une seule des deux
monnaies, calories ou kilogrammètres.
Enti-e toutes ces solutions, considérons celle du
paiement intégral en kilogrammètres.
On donne des kilogrammètres au transforma-
teur : sa température s'élève proportionnellement
et on l'amène, si l'on veut, à la température T,
sans lui avoir fourni de chaleur par des calories,
en ne lui en communiquant uniquement que par du
travail.
Le transformateur se trouvera, si l'on ne lui four-
nit que de l'énergie mécanique, plus apte à donner
utilement du travail; le travail est, en effet, d'autant
plus commode à obtenir au moyen d'un transfor-
mateur, que P est plus grand et H plus petit, car
alors on peut le délester à nombre de reprises ;
mais ce travail devient de plus en plus difficile à
utiliser dans la pratique à mesure que P diminue :
en un mot, si P>P,, H, < H avec P,H, = PH, la
combinaison PH est plus avantageuse que P H .
Or, si nous portons le transformateur à la tem-
pérature ï en lui donnant à la fois des calories et
des kilogrammètres, nous n'arriverons jamais qu'à
une combinaison du genre de P,H,, parce que la
chaleur a contribué à élever la hauteur.
Dans le cas de la fourniture exclusive en kilo-
grammètres, nous ne disposons pas à volonté de P
et de H; ces deux quantités sont, au contraire,
entièrement déterminées par deux conditions :
La première est que PH représente l'énergie à
■T degrés, PH = RT; la seconde doit exprimer que
tout le travail donné au transformateur a seul
déterminé l'élévation de température :
m"-'
;S;PII — p/i) = S{T— 0;
or, cette valeur du travail est constante lorsque H
est proportionnel à h, car on a alors pour
(!' + p]M —A), si II = m/),
(M-^>"'-"="{-I+')'--'-
Cette marche remarquable a été découverte et
énoncée pour la première fois par Carnot, et il a
appelé adiabatique le chemin que devait suivre le
corps qu'il considérait lorsqu'il passait d'une tem-
pérature à une autre sans adjonction de chaleur.
Une conséquence très importante se déduit des
remarques précédentes :
Si Ion détermine, à la température t, une suite de
positions en hauteurs de poids divers tels que le
produit ph soit constant, puis que l'on considère, à
la température T, les points correspondants, le
travail utilisable entre deux points H„ et H,, du ni-
veau T est proportionnel au travail correspondant
entre lesdeux points Ji„ et A,, si les positions H et /j
se trouvent toujours sur une même marche écono-
mique ou adiabatique.
Kn particulier, si l'on a au niveau / une suite de
positions Ji en progression géométrique, les posi-
tions H seront aussi en progression géométrique
au niveau T ; le travail sera le même entre deux
termes consécutifs H„ et H„_|_i comme il était le
même entre A„ et A„+i; il est proportionnel à l;i
température.
III
Nous voyons dès lors comment, en disposai! i
d'une source chaude ï, nous devrons faire fon( -
tionner le transformateur pour obtenir le plu-
avantageusement possible la conversion de calo-
ries en kilogrammètres.
1. Au transformateur qui était à la températun'
ambiante, nous allons faire l'avance d'un certaii.
nombre de kilogrammètres, nous allons le charger.
le préparer pour le travail; mais il estbien entendu
que nous allons lui avancer des kilogrammètn-
éludiés en vue de n'avoir pas à donner de calo-
ries, des kilogrammètres en marche économique el
constitués de telle sorte, dans le produit PII, que
H . . . , . . . .
j- soit constant. La position /*... Ji... étant donnée.
celle de P... II... est connue.
2. Puis, nous ferons travailler le transformateLii
à la température T, toujours sans ^langement de
température (c'est la marche la plus avantageuse :
le travail sera proportionnel à T.
R. LEZE — UNE MACHINE THERMIQUE IDÉALE
3. Nous forons revenir le transformateur, épuisé
pratiquement, à la température / par une marche
économique; il restituera alors ce qui lui a été
avancé dans la première période.
4. Le transformateur est revenu à la température
d'origine, mais avec des aptitudes un peu altérées.
Résumons les mouvements :
1° Il a passé de ph (1) à PH (2) avec un rapport
H
/; = '"'■
•1" De PH à P,H_ en travaillant utilement ;
;?° De P,n, à pj\ par une marche économique
. H, H
avec un rapport — i = m ^ — .
/;, h
Par conséquent, si H^ est plus grand que H, A, est
plus petit que h.
Le transformateur n'est plus dans ses formes de
l'origine, et, pour l'y ramener, U faut lui redonner
du travail en lui retirant de la chaleur ; c'est la dé-
pense inévitable de la quatrième période, elle cor-
respond à un travail négatif, à une perte, mais qui
heureusement est moindre que le travail utilisable,
puisqu'elle n'est proportionnelle qu'à /, qui est plus
petit que T.
En résumé, si le transformateur a parcouru le
cycle /j/j à ^ PH à T, P^H, à T, pji^ à /, pour revenir
hph.
Il a reçu de ph à PH, des avances S ;
Il a travaillé de PH à P,H, proportionnellement
ùT;
II a restitué de P,H, à /),/;, ce qu'on lui avait
avancé S ;
lia consommé de/>,/;, k ph un travail proportion-
nel à /.
Les première et troisième périodes se com-
pensent.
Le travail utilisable est proportionnel à T — /.
Le travail disponible était T; le rendement de
X /
notre machine idéale est — =— ; c'est celui qui a été
indiqué par Carnot,
Nous pouvons remarquer que nous supposons la
possibilité de descendre jusqu'au absolu, d'uti-
liser tout T; ce n'est pas le cas ordinaire.
Il n'est pas vrai de dire que l'on dispose de cette
chute T, car, en fait, on ne peut pas descendre au-
dessous de la température ambiante; on ne dispose
pas de T, mais seulement de T — 0, et une machine
qui utiliserait celte chute T — serait une machine
parfaite.
Il est inutile d'insister, nous nous retrouvons
dans des chemins connus ; si nous appelons
entropie le rapport du travail à la température, il
est clair que les points que nous avons désignés
par yy, /?,, /;., ..., et qui sont des points séparés par
des quantités égales de travail, sont situés sur
des chemins hW, ..., /y,H , d'égale entropie, et
que, si :
Il '^ ii,~ir.'
les chemins hli, A, H,, h^ll^ sont séparés les
uns des autres par des intervalles égaux d'entropie ;
par conséquent, dans la machine thermique idéale,
l'entropie générale ne varie pas; elle est com-
pensée aussi bien dans les deux périodes conju-
guées d'avances et de restitutions que dans celles
de travail utile et de travail résistant.
IV
En exprimant que le travail avancé au transfor-
mateur est uniquement suffisant pour élever le
potentiel au niveau T, on arrive à trouver la loi de
relation entre les poids et les hauteurs dans la
marche économique.
Cette loi est celle-ci : <■ Dans une marche écono-
mique, le rapport de la variation de poids au poids
primitif est proportionnel au rapport de la varia-
tion de hauteur à la hauteur primitive. »
Si le corps passe de la position jd/j à la tempéra-
ture /, à la position PH à T, on a :
- H — ft
( )n obtient cette équation en écrivant que tout le
travail apporté pour passer de jih à PH élève le
potentiel de PH — ph.
Cette équation très remarquable caractérise donc
la marche économique, et elle indique en même
temps l'état d'aptitude du transformateur.
Si P est grand et H petit, le transformateur
fournit facilement du travail utilisable, à partir de
certaines valeurs de P; mais, à mesure que P dimi-
nue, que II augmente au delà d'autres limites pra-
tiques, le travail est de plus en plus malaisé à
obtenir.
Dans toutes nos machines usuelles, machines
thermiques, électriques, etc., nous retrouvons les
mêmes règles, les mêmes marches, partout une
dépense préalable nécessaire pour charger le trans-
formateur, puis une période de travail utile qu'il
faut, autant que faire se peut, laisser s'accomplir
à potentiel constant ; enfin, deux périodes de resti-
tution et de travail négatif, que l'on a le tort bien
souvent de négliger.
Partout aussi nous constatons les mêmes allures :
les machines à faible potentiel sont volumineuses
et lentes dans leurs mouvements; les machines de-
viennent plus sveltes à mesure que le potentiel s'élève,
elles sont moins coûteuses de matières premières,
mais la construction en est plus délicate; et, enfin, la
limite se trouve dans ces potentiels élevés qui cor-
00
D' D. E. SULZER — LE MÉCANISME OCULAIRE DE LA VISÉE
respondent presque à des explosions; les trop liinits
polenliels deviennent fort difficiles à doniesliquer.
C'est en de justes milieux qu'il convient de se
maintenir.
Cependant, les progrès de la Méi'aniquc moderne
permettent d'utiliser des potentiels de plus en plus
élevés, au grand profit des rendements industriels.
Enfin, disons, pour terminer, que ces vertus que
nous avons attribuées à un transformateur idéal,
ne correspondent pas à d'irréalisables conceptions
de l'esprit; il existe au moins un transformateur,
celui dont l'agent de transformation est constitué
par i:n gaz parfait.
Le travail que peut produire un kilogramme de
gaz parfait par sa détente est proportionnel à sa
température absolue.
R. Lezé,
Professeur à l'École de Grigiion.
LE MÉCANISME 0CUL.\1RE DE lA VISEE
Tandis que la balistique a été développée et
approfondie à loisir, l'acte de la visée est passé
sous silence ou à peine mentionné dans les traités
et règlements ayant pour sujet le tir des armes à
feu. Et c'est pourtant l'acte fondamental du tir.
Quel est le mécanisme physiologique qui permet h
l'œil de donner à deux points rapprochés, le cran
de mire et le guidon, une disposition relative telle
que la ligne droite qu'ils déterminent passe par un
troisième point fort éloigné, le but? Dans cette ques-
tion, comme dans beaucoup d'autres, Helmhollz a
donné une explication qui n'a pas été discutée .
depuis, à caui-e du grand nom de son auteur; et
cependant, elle n'est pas conforme aux faits obser-
vés par les bons tireurs. Nous attribuons cette
erreur du grand savant à ce qu'il n'avait pas lui-
même pratiqué l'art du tir. Au milieu d'une expli-
cation longue et vague, il semble attribuer la visée
à la mise en coïncidence de l'image nette du guidon
avec les centres des images floues du but et du
cran de mire.
I
Tout tireur sait que la première condition est do
« voir le coup », c'est-à-dire de percevoir simulta-
nément les images nettes et superposées de la
mire, du guidon et de la cible. De ces objets, l'un
se trouve à moins de 40 centimètres de l'œil,
l'autre à I mètre à peu près, et le troisième à plu-
sieurs centaines de mètres.
Par quel mécanisme, en efl'et, notre appareil vi-
suel arrive-t-il à percevoir, nettes et simulta-
nées, les images de trois objets aussi éloignés
les uns des autres, et qui mettent en jeu par consé-
quent des accommodations aussi dill'érentes ?
Cela semble a jiriori une impossibilité optique.
Nous avons observé pendant des années un cé-
lèbre tireur sur but mobile, dont le cas est d'autant
plus intéressant que sa connaissance de l'optique
physiologique et son sens critique notoire don-
nent un intérêt tout particulier à l'examen qu'il
pratiquait très soigneusement sur lui-même.
A l'âge de trente-cinq ans, la visée sur but mo-
bile et la visée sur but fixe éloigné de plus de
iOO mètres devinrent subitement pour lui d'une
difficulté inconnue jusqu'alors; pendant l'acie de
la visée, le but disparaissait le plus souvent. Con-
vaincu qu'il s'agissait d'un accident de la vue, le
tireur fait examiner son organe visuel. L'acuité
visuelle est le double de la normale, comme aupa-
ravant. Les deux yeux présentent une légère hyper-
métropie (une dioptrie environ). Tout l'appareil
visuel est normal, à une seule exception près : le
pouvoir de l'accommodation est légèrement infé-
rieur à ce qd'il devrait être par rapport à l'âge d
k la réfraction du sujet. Celui-ci remarque très
bien qu'en même temps que diminue sa sûreté de
tir, mise à l'épreuve au moins une fois par se-
maine, il éprouve une certaine fatigue à la lectun .
le soir surtout, et commence à éloigner le livn .
L'affaiblissement de l'accommodation et les difli-
cultés pour le tir ont donc commencé en même
temps, et cependant, à ce moment, son accommo-
dation lui permettait parfaitement de voir le gui-
don; il aurait don: eu, dans la théorie d'Helmholl/.,
la possibilité de viser aussi bien que par le passi'.
Fallait-il attribuer directement à l'afTaiblis^c-
ment de l'accommodation la difficulté de viser?
Les événements se sont chargés de nous éclairer
sur ce point. La faiblesse de l'accommodation ilu
sujet augmenta lentement et continuellement, pour j
se transformer en paralysie complète au bout de i
trois mois. Ce fut une crise aiguë, dont la guéri-
son fut complète au bout d'une année, raméliora-
lion ayant commencé huit mois après le début de
l'afTeclion et ayant procédé par étapes successives. !i
Or, pendant tout ce temps, la faculté de tirer est i
restée proportionnée au pouvoir d'accommodation, i
diminuant avec lui et disparaissan'f avant la dispa-
rition complète du pouvoir accommodalif, pour
D' D. E. SULZËR — LE MÉCANISME OCULAIRE DE LA VISÉE
97
réapparaître plusieurs mois après, lorsque raccom-
modation fut rétablie en partie. Le diamètre pu-
pillaire n'avait suivi que de loin les oscillations de
laccommodalion. A lépoque de la paralysie com-
plète de racconim:idation, la pupille était quelque-
fois lé^'èrement dilatée ; mais, aux époques de Taffai-
lilissement de l'accommodation, époques les plus
importantes pour notre observation, la pupille
restait étroite. Le diamélro pupillaire dut donc
être éliminé des facteurs qui influencèrent le tir
«lans son cas.
L'emploi de l'ésérine, tenté spontanément par le
malade pour renforcer son pouvoir accommodatif ,
nous donna des indications précieuses. L'ésérine,
la principale substance active contenue dans la
fève de Calabar [Physostiijnm vrnenosuni), produit,
instillée dans l'œil, un fort resserrement de la
pupille et une contracture de Faccommodalion.
Elle agit directement sur les fTbres musculaires de
l'iris et du corps ciliaire, et son action s'exerce
alors même que les fibres nerveuses produisant
l'accommodation et le jeu de la pupille sont para-
lysées.
Notre sujet employait, au commencement, une
solution d'ésérine au 100'=. Le fort rétrécissement
pupillaire produit par ces instillations lui permit
d'obtenir des résultats de tir, médiocres il est vrai,
mais contrastant bien avec l'impossibilité absolue
existant lors de la paralysie complète de l'accom-
modation en dehors de l'ésérinisation. >ious avons
pu nous convaincre que ces résultats étaient obte-
nus grâce au resserrement de la pupille. La pupille,
fonctionnant comme trou stonopéique, suppléa à
l'accommodation. Cette suppléance ne produisit
qu'un résultat médiocre : le trou était trop grand
pour donner des images tout à fait distinctes par le
mécanisme simple de la chambre noire.
Mais ce n'est pas là le résultat le plus intéressant
obtenu grâce à l'ésérine. Lorsque le rétablisse-
ment de l'accommodation avait à peine commencé,
l'ésérine procura, avant d'agir sur le diamètre pu-
pillaire, une période variant de quinze à quarante
minutes, pendant lesquelles le tir fut moins ditti-
cile et meilleur que pendant la période de la con-
traction simultanée de la pupille et de l'accommo-
dation. Des mesures subjectives et objectives
striascopie) montrèrent qu'à l'époque du rétablis-
sement de l'accommodation, les instillations
d'ésérine rendaient à l'accommodation, avant de
produire sa contracture, totalité ou partie de son
élasticité perdue.
De longs tâtonnements permirent de trouver le
moyen de maintenir cette période pendant une
demi-journée. La solution au 100° fut remplacée
par une solution au 500"= et, au lieu d'instiller l'ésé-
rine, le sujet touchait seulement le globe avec le
bout de l'index mouillé légèrement de cette solu-
tion à des intervalles de temps que lui indiquait
l'état de son accommodation mise à l'épreuve du
tir, et qui variaient de dix à trente minutes.
Les épreuves ordinaires de l'accommodation
nous montrèrent que, chez ce malade, l'ésérinisa-
tion ainsi pratiquée augmentait le pouvoir accom-
modatif afïaibli, sans influencer d'une façon sensi-
ble le diamètre et les mouvements pupillaires.
Cet ensemble de faits s'orientant tous vers le
même point imposa la conclusion que, contraire-
ment à l'avis de Helmholtz, la faculté de viser
dépend, chez le sujet observé, directement de
l'accommodation. Le tir n'était parfait que quand
l'accommodation possédait, spontanément ou grâce
à l'emploi de très petites doses d'ésérine, toute son
élasticité. Restait à savoir si cette conclusion est
générale ou si l'habitude de ce tireur constitue une
exception.
II
Les faits que nous avons pu rassembler pour
trancher cette question semblent indiquer que la
grande majorité des tireurs vise par des variations
de j'accommodalion.
Les officiers instructeurs de tir, qui ont l'habitude
d'observer les élèves, me communiquèrent un ren-
seignement très précieux. Les recrues peuvent se
diviser, au point de vue de Yœil, en deux classes.
La première, la moins nombreuse, obtient d'emblée
un certain résultat, médiocre il est vrai; ce résultat
est atteint sans efïort; ces tireurs trouvent le tir
facile, mais se perfectionnent peu ou point au
cours de leur instruction; ils sont franchement
mauvais dans le tir aux grandes distances. Leurs
yeux sont presque toujours sensibles à la lumière,
mais la grande lumière leur est nécessaire pour
pouvoir tirer Ce sont, le plus souvent, des blonds
à yeux bleus.
La seconde classe est composée de ceux qui
n'apprennent le tir qu'avec peine, mais qui donnent
les tireurs moyens, et c'est parmi eux qu'une
instruction méthodique développe un certain nom-
bre de bons tireurs.
Nos observations nous ont montré que la pre-
mière classe contenait des individus à pupille ordi-
nairement resserrée; ils tirent de la même façon
que notre sujet tirait quand sa pupille se trou-
vait resserrée sous l'influence de l'ésérine. Leur
pupille leur sert de trou sténopéique.
Grâce â elle, les trois images, cran de mire,
guidon, cible, sont également distinctes, quelle que
soit la mise au point de l'œil; mais ces images ne
sont que d'une netteté relative et d'une intensité
lumineuse faible. Elles permettent d'aligner, à
peu près, les trois points, sans demander pour
98
D'- D. E. SULZER — LK .MÉCANISME OCULAIRE DE LA VISÉE
cela un eflbrt ou une grande tension de l'attention.
Restent ceux de la seconde classe. Nous croyons
qu'ils tirent à l'aide do leur accommodation, et
nous exposerons brièvement les faits qui militent
en faveur de cette manière de voir,
La presbyopie influence, sans exception, la faculté
de tirer. Chez les personnes qui, arrivées à l'âge de
la presbyopie, éprouvent des diflicultés de tir, on
trouve toujours le pnnctiim proximum h une dis-
lance plus grande de l'œil que celle qui sépare
r(eil de la mire pendant l'acte du tir. Beaucoup de
ces tireurs ont, du reste, changé, depuis quelques
années, la posilion de leur tète, de façon à agrandir
cette distance. Mais, à un moment donné, ils se
sont trouvés dans l'impossibilité absolue de voir
distinctement le cran de mire.
Deux cas se produisent alors : le tireur est hy-
permétrope et peut voir distinctement la mire avec
un verre convexe qui le laisse hypermétrope ou le
rend tout au plus emmétrope, lui permettant ainsi
de voir nettement, à grande distance, en même
temps qu'à la distance de la mire. Dans ce cas, le
lir reste possible.
Quand, par contre, le verre convexe nécessaire
pour voir distinctement la mire rend le tireur
myope, le tir devient impossible (c'est le cas du
presbyte emmétrope ou hypermétrope). Un verre
convexe, plus faible, permettant de voir à peu
près net, à distance, et de voir la mire moins in-
distincte qu'à l'œil nu, mais sans permettre de la
voir distinctement, donne tout au plus un résultat
relatif.
Nos expériences au sujet de la correction de la
presbyopie chez les tireurs peuvent se résumer
ainsi : aussi longtemps que le tireur dispose d'une
latitude d'accommodation, allant du cran de la mire
au but, le tir est possible.
III
■ Tout tireur sait qu'au moment où il touche la
détente, il voit la silhouette nette du guidon,
placée dans le cran de mire, se peindre sur l'image
nette de la cible, à l'endroit choisi par le tireur.
Les deux facultés de notre œil qui permettent de
voir, à la fois, distincts, trois objets, dont l'un est
placé de 0",20 à ()"'?30 (cran de mire), l'autre à
1 mèlre (guidon), et le troisième à des distances
variant de loO à 'J(W mètres, ce sont l'accommoda-
tion et la persistance des images rétiniennes. A
elles se joint une troisième faculté, celle de ne pas
l)ercevoir les images inutiles. Elle est peu connue,
mais d'un usage journalier.
En effet, quand on fixe binoculairement un objet,
il est vusinjple; mais les objets plus rapprochés ou
plus éloignés, ne formant pas leurs images sur des
points correspondants des rétines, doivent être vus
doubles. Or, l'expérience montre que la plupart
des observateurs les voient simples, en faisant
abstraction des images floues données par un de
leurs yeux. Un exercice convenable, permet cepen-
dant à tout le monde de voir des images doubles.
Dans la vie ordinaire, nous ne tenons compte que
des sensations floues d'un seul œil, appelé YaAl
directeur. Cette centralisation peut même s'étendre
aux images nettes. Nombre de microscopistes et
de tireurs opèrent avec les deux yeux ouverts.
On sait que la persistance des images rétiniennes
est de U"062 en moyenne. Le temps d'accommoda-
tion, c'est-à-dire le temps que prend l'œil pour
passer de la mise au point, ou inversement rap-
prochée, à la mise au point éloignée est de 0"()2
environ '.
L'œil peut donc passer de la mise au point pour
la cible à la mise au point pour le guidon, y rester
quelques centièmes de secondes, et passer à la mise
au point pour le cran de mire, pendant le temps
que l'image de la cible persiste.
Dans ces conditions, nous avons au même point
de la rétine, par accommodation successive, trois
images nettes simultanées noyées dans des images
floues. Ce qui précède nous fait comprendre que
nous pouvons aisément faire abstraction de ces
dernières. L'expérimentation est venue confirmer
cette manière de voir.
Il y a une dizaine d'années, j'ai reproduit, dans
le laboratoire de Physique du Professeur Soret à
l'Université de Genève, l'acte visuel du tir par la
disposition suivante : un fusil et une cible sont
placés dans l'axe d'un objectif de photographie. J^e
cran de mire se trouve à 30 centimètres de l'ob-
jectif, distance moyenne qui sépare de la mire l'œil
du tireur ; la cible — une croix noire sur fond blanc,
de 25 centimètres de hauteur sur 20 centimètres
de largeur — est placée à 30 mètres, pour des rai-
sons de convenance. La plaque dépolie de la
chambre noire est mise au point pour la cible.
Disposé devant l'objectif, un disque rotatif fait
passer alternativement devant celui-ci, et à des
intervalles égaux, une découpure vide, une lentille
auxiliaire, qui met au point l'image du guidon, et
une lentille auxiliaire, qui met au point l'image de
la mire. Les apparitions de ces images sont sépa-
rées par des intervalles d'obscurité dont les durées
sont égales à la moitié de la durée de chaque image.
Quand la découpure vide du disque est placée de-
' Certain^ .luteur^ donnent des cliiU'res supérieurs, ^''o
par exemple. Il y a. en elTet, de grandes variations indivi-
duelles. Dans nos recherclies personnelles, faites en colla-
boration avec M. André Broca, nous avons. vu la mise au
point très exacte et un acte psychique s'acc(jmplir eu 0"00:î.
Dans ces conditions, le temps d'acconimodatimi n'atteint
pas 0"001.
f
D' D. E. SULZER — LE MÉCANISME OCULAIRE DE LA VISER
9»
vant l'objcclif, on voit sur la plaque dépolie de la
chambre l'image nette et lumineuse de la cible,
entourée dos images floues et moins lumineuses du
guidon et de la mire. La plus faible des lentilles
auxiliaires y fait apparaître nette l'image du guidon,
entourée des images floues de la cible et de la
mire, tandis que la lentille auxiliaire la plus forte
rend distincte l'image de la mire, indistinctes les
deux autres.
Quand le disque tourne lentement, on voit appa-
raître, sur la plaque de verre dépoli, successive-
ment les trois images distinctes entourées de
leurs images floues. La vitesse du disque augmen-
tant, il arrive un moment où, grâce à la persistance
des impressions rétiniennes, les trois images réti-
niennes se superposent. L'observateur placé der-
rière la plaque dépolie voit alors l'image de la
mire, du guidon et de la cible, se superposer de la
même façon que dans le tir.
Au moment où les trois images distinctes se
superposent — et ce fut là un résultat tout à fait
inattendu de l'expérience — les images de diflu-
sion disparaissent. Nous les neutralisons. Elles
existent néanmoins, car, si l'on photographie les
images distinctes avec cette vitesse du disque,
elles s'inscrivent fortemèntvoiléespar les images de
dilTusion. Ce n'est pas là la seule dilTéreucc entre
l'image composée perçue par l'œil et celle fixée par
la plaque photographique.
Dans limage composée, perçue par l'œil sur la
plaque di'polie, les images de la mire et du guidon
l'emportent en intensité sur l'image de la cible,
ainsi que c'est le cas pendant le tir. Tous les tireurs
savent que c'est l'image de la cible qui s'efface le
plus facilement.
Sur le cliché photographique, l'image de la cible
est au moins aussi intense que les images de la
mire et du guidon.
IV
Nous avions abandonné depuis longtemps nos
expériences sur le rôle de l'œil dans l'acte de la
visée, lorsque des recherches entreprises, dans un
autre ordre d'idées, nous donnèrent l'explication de
ces inégalités apparentes.
Recherchant, en collaboration avec M. .Vndré
Broca, le temps minimum pendant lequel l'image
de deux points rapprochés doit impressionner
l'œil pour que ces deux points puissent être
perçus distincts, séparés, nous trouvâmes les lois
suivantes :
Le temps pendant lequel une image doit frapper
la rétine pour que l'œil distingue sa forme et ses
détails, est d'autant plus grand que l'angle visuel
sous lequel ces derniers sont vus est plus petit.
Pour l'angle visuel de 2o', le temps nécessaire
pour distinguer des traits noirs ?ur fond blanc est
de 0"0013; il devient de 0"01 quand ces mêmes
traits apparaissent sous un angle visuel de 1'.
Mais, quand on arrive aux extrêmes limites de la
visibilité, qui sont comprises dans les angles vi-
suels de 20" à 1', le temps minimum pendant le-
quel un objet doit agir sur la rétine pour être
nettement distingué, devient bien plus long. Chez
certains sujets, ce temps peut atteindre 0"oO, alors
même que l'objet à percevoir est fortement éclairé.
Quand l'éclairage est faible, le temps nécessaire
pour la perception augmente, alors même que
l'angle visuel est loin de sa limite.
Tous les tireurs savent que le tir devient d'au-
tant plus difficile que le but est plus éloigné. Avec
les cibles employées pour le tir de l'infanterie,
cette difficulté se manifeste surtout pour les dis-
tances supérieures à 300 mètres. Or, l'accommoda-
tion ne peut être la cause de cette difficulté. Nous
accommodons de la même façon pour voir à la dis-
tance de 100 mètres que pour voir à 1.000 mètres.
Au delà de 100 mètres ou même de 50 mètres,
l'accommodation ne varie plus, car les irrégula-
rités des milieux optiques de l'œil sont bien supé-
rieures à cette très légère inexactitude de mise au
point. Une accommodation poussée au delà de
20 mètres ne produirait plus aucune amélioration
de l'image rétinienne.
L'augmentation du temps de réaction ou temps
perdu de la rétine, qui accompagne la diminution
de l'angle visuel, rend, par contre, très bien compte
de la difficulté du tir à grande distance. Pour
chaque grandeur de cible, il arrive qu'à une dis-
tance donnée, le temps de réaction nécessaire
pour percevoir la cible devient trop grand pour
que son image so't perçue, pendant que limage du
guidon et celle du cran de mire persistent encore,
pour qu'il soit possible que, dans les limites du temps
de persistance des images, l'œil mette au point pour
les trois objets et perçoive les trois images. A cette
limite, le tir devient impossible ou possible seule-
ment lorsque le tireur est bien disposé . Nous
avons, en effet, remarqué que la fatigue allonge le
temps de la réaction rétinienne et le temps de réac-
tion totale.
La grandeur de l'angle visuel ou la distance
d'un but de grandeur déterminée, pour lequel le tir
devient impossible, varie selon le sujet, donnant
les temps d'accommodation et de perception. Mais,
il existe probat)lement pour tous les sujets une
limite où ils distinguent encore les détails d'un
but à la fixation libre, mais les perdent en visant.
Quand le temps pendant lequel une image im-
pressionne l'œil est trop court pour que ces élé-
ments soient distingués, cette image fait l'impres-
100
D' D. E. SULZER — LE MÉCANISME OCULAIRE DE LA VISÉE
sion d'une plage grisâtre unie. Dans l'expérienco
du disque tournant, placé devant l'objectif, il ar-
rive que le temps est suffisant pour que l'œil per-
çoive les images distinctes et bien tranchées,
tandis que les images de difTusion produisent l'im-
pression d'une plage unie.
Les images de la mire et du guidon, dont la
grandeur est loin de la limite de lacuilé visuelle,
sont aisément i)pr(;ups pendant le temps court où
l'accommodation les (ixe distinctes sur la rétine.
Selon nos expériences, 2 à 4 millièmes de seconde
suffisent pour les percevoir. L'image du dessin de
la cible, par contre, se rapproche, dans certains
détails, de la limite de l'acuité visuelle. Pour qu'elle
soit perçue, un temps plus long est nécessaire;
elle disparait par moments ou perd quelques-uns
de ses détails. Même complète, elle est moins in-
tense, moins facile à reîenir que les images de la
mire et du guidon.
Le fait qu'un temps plus long est nécessaire
pour percevoir une image quand elle est à la
limile de la visibilité, explique, nous l'avons vu,
les difficultés du tir à grandes distances. Ici encore,
l'expérience du tireur et l'expérience du laboratoire
concordent : c'est la difficulté de retenir pendant
la visée l'image du but qui constitue la difficulté du
lir à grandes distances. Les images se rapprochent
de l'extrême limile de l'acuité visuelle, où le temps
nécessaire pour reconnaître une image devient
relativement grand.
V
L'acte physiologique complet du tir est celui-ci :
Sous le contrôle de l'œil, organe sensoriel, qui. par
des changements d'accommodation rapides, super-
pose les images mire, guidon, cible, les bras reçoi-
vent des impulsions motrices telles que le fusil est
dirigé de façon à placer les centres de ces trois
images au même point. A ce moment, on presse la
détente.
. La vitesse des mouvements arcommodatifs esl la
condition sine quniion du bon tir. Nous avons cons-
taté la lenteur de ces mouvements chez des per-
sonnes où rien d'autre, ainsi que cela arrive souvent,
n'expliquait leur nullité au tir, persistante malgré
tous les efforts.
Cette lenteur de l'accommodation se rencontre
surtout chez les astigmates non corrigés ou tardi-
vement corrigés. D'une façon générale, elle peut
être vaincue quand les exercices de tir ont com-
mencé dans la jeunesse, à partir de treize ou
quatorze ans.
Les exercices de tir créent une rapidité crois-
sante de l'accommodation et une coordination
étroite entre les bras et l'œil, coordination qui per-
fectionne le tir par l'abaissement du temps qui
s'écoule entre la perception visuelle et l'exécution
de l'impulsion motrice.
Cette coordination musculaire peut devenir telle,
dans quelques cas exceptionnels, qu'elle puisse
se passer, jusqu'à un certain point, du contrAle vi-
suel. Certains tireurs, après avoir fixé la cible,
épaulent et tirent les yeux fermés. Sans obtenir des
résultats bien remarquables, ils ne manquent que
rarement la cible.
Le tir est donc un exercice de coordination de
tout premier ordre; il nécessite l'éducation d'une
fonction inconsciente, " l'accommodation », qui,
en produisant une perception visuelle composée et
spéciale, permet d'établir la coordination œil-bras.
Or, ces coordinations œil-bras Sont d'une impor-
tance pratique considérable.
Le tir mériteraitdonc d'entrer systématiquement
dans la pédagogie moderne.
Enseigné de bonne heure, non seulement il relè-
verait la moyenne des tireurs au point de vue mili-
taire, mais encore il développerait la vitesse de
l'accommodation, fonction musculaire, et celle de
la perception des formes, en un mot ce qu'on est
habitué à appeler « le coup d'œil », et dont l'utilité
est si grande dans un si grand nombre de circons-
tances. D'' D. E. Sulzer.
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
101
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
Ilat/.reld Ad.). Piofcsseiir honovaire au Lycée Louis-
Ji:'-(ii\iiid. — Pascal. — ivol. in-S" de 291 parjes.
{/'rix fv.) Félix Alcaii, édileiir. Paris, lïlOl.
De l'ouvrage considérable qu'Ad. Halzfeld a consacn'
à Pascal, et dont la publication a pu i-lre achevée après
la mort de l'auteur, grâce à M. l'abbé Pial, une bien
petile partie doit être étudiée ici. A quelques pages
près, ce livre s'adresse aux philosophes plus qu'aux
savants, et peut-être aux théologiens plus qu'aux philo-
sophes. La partie scientilique elle-même, due à M. le
lieuleiiant Perrier, est déjà partiellement connue des
lecteurs de la Hcviie, qui ont pu en apprécier par eux-
mêmes, il y a quelques mois', un chapitre presque
entier, celui qui est relatif à Pascal oiéaleur du Calcul
des Probabilités et précurseur du Calcul intégral.
Cette étude a été placée en second lieu, par M. le lieu-
tenant Perrier. Le premier chapitre est consacré aux
découvertes physiques ; il débute, d'aillfurs, par un rap-
pel des prodiges bien connus qui ont signalé l'enfance
du grand homme et dont le plus célèbre est la recons-
lilutiiin des propositions d'Euclide jusqu'à la trente-
deuxième. A ce sujet, l'auteur cite une remarque de
Moulucla, d'après lequelle celte dernière « dérive de
deux autres des ligues parallèles qu'il n'est pas impos-
sible à un esprit juste et né pour la géométiie d'aper-
cevoir, quoique, peut-être, il ne pût se les démontrer
rigoureusement ". Mais il n'admet point que Pascal ait
suivi cette voie et s'en tient au témoignage de M"' Pe-
rler, qui représente son frère comme étant arrivé au
théorème en question par une série de définilions,
d'axiomes et de démonsirations rigoureuses.
Ce n'est point ici le lieu de discuter comment a pu se
former l'opinion de M™* Perler. Mais, j'avoue que le
l'ait de retrouver, même en suivant la voie supposée
par Montucla, le théorème sur la somme des angles
d'un triangle, me parait suffisamment extraordinaire
en lui-même. (Juant à la chaîne de définitions et
d'axiomes à laquelle fait allusion M'^' Perler, était-
elle à la portée d'un seul génie, si puissant qu'on
le suppose'? L'édifice euclidien n'est pas sorti tout
construit du cerveau d'un géomètre. Les causes aux-
quelles il doit sa naissance sont assez différentes de
celles qui nous le font conserver et admirer aujour-
d'hui. Elle sont avant tout d'ordre historique et dé-
pendent de tout un mouvement philosophique où les
arguties des sophistes, par exemple, jouent un rôle
essentiel. Un esprit soustrait à ces inlluences de milieu
a-t-il pu être amené à une construction analogue à
celle d'Kuclide ? Cela me paraît bien douteux. Je croi-
lai volontiers qu'un Pascal, par la seule force de son
génie, eût pu y parvenir, s'il l'avait voulu. Mais j'ai
peine à admettre qu'il ait pu en apercevoir l'utilité.
Après nous avoir montré l'inventeur pratique dans la
Machine arithmétique, M. le lieutenant Perrier nous
fait admirer le physicien dans les célèbres expériences
relatives à la question du vide et au baromètre. Il a su,
dans l'espace étroit dont il disposait, nous donner
d'intéressants renseignements sur les contestations de
priorité qui ont eu lieu avec Descartes. En terminant,
il nous montre l'œuvre scientifique de Pascal d'autant
plus extraordinaire qu'elle n'a jamais tenu qu'une place
secondaire dans la vie de celui que l'auteur appelle un
' E. Pkkkieb : Pascal, créateur du Calcul des Probabilités
et précurseur du Calcul iaténrsxl, Revue générale des Sciences
du 30 mai laOl, n» 10, p. 482.
« amateur de génie ». Ou sait, en effet, que Pascal ne
considérait pas les résultats scientifiques comme vrai-
ment dignes des efforts de l'homme ; et il évita de se pro-
noncer sur la question du système du monde et" trouve
bon qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic ».
Ainsi que je l'ai dit plus haut, la partie relative au
Calcul des Probabilités et au Calcul infinitésimal a été
publiée tout au long dans la Revue, de sorte que je n'ai
pas à y insister. Tout au plus signalerai-je cette remar-
que, qu'au xvn' siècle les problèmes du Calcul intégral
ont naturellement précédé ceux du Calcul différentiel.
L'histoire des Mathématiques nous montre ainsi comme
étant la première et la plus naturelle des notions du
Calcul infinitésimal, celle d'intégrale définie que je
serais disposé, pour plusieurs autres raisons, à consi-
dérer comme telle. J.\cql'es H.^nAMAnn,
Pro:'(.-sseup adjoint ;\ la Sorbonne.
Professeur suppléant au Collège de France.
2° Sciences physiques
.Mîllot (C. j. Ancien Lieutenant de \ 'aisseau, v/iarijé d'un
Cours complémentaire de Météorologie à la Facullr
des Sciences de l'Cniversité de Xaney. — Notions
de Météorologie utiles à la Géograpiiie physique.
— 1 vol. ijr. in-H" de\l-2H~ par/es, avec 'ilii/ures dans
le texte. Prix : 8 fr.i Uen/er-Levrault et C-, édi-
teurs. Paris et \anry, I90i.
M. Ch. Millot est un des premiers maîtres qui aient
professé la Météorologie dans une Université. Son
Cours, inauguré en 1884, a été publié en deux tomes
lithographies, malheureusement à un trop petit nom-
bre d'exemplaires. En rédigeant ces Xotions, l'auteur
a songé surtout, comme le titre l'annonce et comme
lui-même s'en explique, aux apprentis géo;;iaphes des
Facultés des Lettres, pour lesquels n'est organisé aucun
enseignement régulier de celte science auxiliaire, mais
primordiale; à ceux qui étudient la Météorologie moins
en l'air (si l'on peut dire) que sur lerre. Mais M. Millot
ne sacrifie pas exclusivement à l'intérêt géographique :
les phénomènes locaux ne masquent pas le jeu des
lois générales. Son ouvrage n'est pas une revue des
différents climats du globe, mais un trdité, ofi les expli-
cations théoriques et les vues d'ensemble dominent.
L'ordre des matières nous paraît dicté par la raison
géoj;rapliique : le premier chapitre, qui a le caractère
d'une introduction, est consacré à l'atmosphère; ce
chapitre exige l'intelligence des formules mathémati-
ques ; mais, après ces pages, les fzéographes se retrouvent
dans un cadre plus familier : température, humidité,
pression barométrique, circulation atmosphérique, telles
sont les rubriques successivement développées. Si
l'exposé ne s'encombre d'aucun appareil d'érudition, on
sent, par quelques indications appropriées, que l'au-
teur est au courant des travaux les plus récents, par
exemple sur les exploratn.ns des tiallons-sondes, sur
les données enregistrées à la Tour Eiffel, etc. Si M. Mil-
lot invoque à plusieurs reprises, et avec la plus légitime
autorité, des faits qu'il a notés sur son champ d'obser-
vation, en Lorraine, il s'interdit, trop sévèrement à notre
gré. tout jugement personnel. C'est ainsi qu'il rappelle,
sans l'adopter ni la rejeter, la division classique et
traditionnelle des climats irançais, laquelle semble
mériter quelque critique ; de même, il reproduit, sans les
interroger avec trop d'indiscrétion, les matériaux statis-
tiques de source officielle ou autre. Mais l'auteur a
limité sa tâche et son ambition; il a voulu, en ime
démonstration sobre et concise, mettre en lumière
l'unité de ce mécanisme complexe, de ce « brassage »
102
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
dont ratinosphc'Te est le llii'.'ilre. et àonl le climat est
l'expression. C'est parce qu'il y a réussi que ce volume
se recommande, non seulement à la clientèle restreinte
des étudiants, mais à tous ceux qui s'inléressenl autre-
ment ipi'en ciinversalioM à la pluie et au beau temps.
B. AUERBACII,
Professeur de Géoprraphio
Il Ifnivei'sit,! de Nancy.
'y.enger iProf. K. \\.). — Die Météorologie der Sonne.
— 1 brocli. in-S" île 80 payes, tnci- une jihiiiche hova
texte, liivnac, libniiro. J'nigue, 1901.
Cet ouvrage est le développement desobservations et
des théoiies que l'auteur a exi)Osées dans la llevtw du
l'6 septembre IXiMl, t. Vil, p. 7ij:j.
'riioni»s 'V.', l'i-i'j>;ivaloiif de Cliimie apiiliqui-e. ii la
l-'aeulte (lex Scj'eiires de J'aris. — Les Matières
colorantes naturelles. — 1 vol. in-H° de 180 payes
do î'Jùieyclopédic scientilique des Aide- Mémoire.
[Pvi.x: broché, 2 Cr. 80; cartonné, .3 fr.) Gauihior-
Villars, éditeur. Péris, 1901.
I,e titre de cet ouvrage comporte une restiiction im-
portante et appelle un sous-litre. 11 n'y est, en effet,
traité ni de l'indigotine, ni de l'alizarine, ni de l'iiéma-
téine, mais seulement des matières colorantes jaunes
appartenant aux groupes de la beimophénone, de la
xantlione et de la thivone.
Jusqu'à l'appaiilion de l'industrie des matières colo-
rantes artiPicielles dérivi'es du goudron de houille, c'est
presque exclusivement du règue végétal que le teintu-
rier tirait, et depuis fort longtemps, les colorants néces-
saires à son art. Les matières propres à l'obtention des
nuances jaunes, notamment, étaient en nombre consi-
dérable. Les extraits de la gaude, de la sarrette, de la
gcnestrole, du bois jaune, du quercitron, du fenugrec,
du fu?tel, du rocou, des graines de Perse et d'Avignon,
du curcuma, du safran et de quelques autres, étaient
largement utilisés. Ce n'est qu'au commencement du
siècle dernier que les chimistes se préocupèrent
d'extraire et d'étudier les principes colorants déHnis
enfermés dans ces végétaux. Les noms de Chevreul,
de Cavenlou, de liraconiiol, de Bolley, se ti'ouvent ins-
crits aux premières pages de l'histoire de cej composés.
HIasiwetz, Tromsdorff, Lecomte, Schutzenberger vinrent
à la suite de ces premiers expérimentateurs.
Mais le problème consistant à élucider les formules
de conslitulion de corps possédant une structure aussi
compliquée était trop ardu pour èlre résolu à celte
époque. Il ne pouvait recevoir sa solution que grice
aux découverles de la Chimie organique moderne.
Une légion de chercheurs s'est acharnée à l'élude de
ces questifuis si intéressantes. Les travaux de
MM. (iraebe, Ciamician et Silber, Etli, Friedlaender,
Benedikl, Herzig, von Kostanecki, C. A. Perkin, entre
autres, ont jeté une vive lumière dans cette obscurité.
Si certains points particulièrement clélicats sont encore
controversés, d'autres sont maintenant hors de discus-
sion. Pour certams coloranis, tels que l'apigénine, les
formules déduites de l'analyse ont pu même être véri-
fiées par la synthèse.
Tous ces travaux sont relati's dans une masse impo-
sante de .Mémoires, publiés dans divers pays : en Alle-
magne, en .Angleterre, en Autriche, en .\méiique.
Aussi est-il extrêmement diflicile de se faire une idée
générale sur l'ensemble de la question. .M. ^■. Thomas,
actuellement maitre de Conférences à la Faculté des
Sciences de tiennes, a eu l'idée de réunir et de conden-
ser en un volume les faits saillants de l'histoire de ces
colorants naturels. Ceux-ci se divisent en trois groupes
naturels :
1° Groupe do la hcnzopliénonc, comprenant la rha-
clurine (colorant du bois jaune) et ses dérivés, la caté-
chine (du cachou) et ses dérivés, la kinoïne;
2" Groupe de la xantlione, comprenant l'acide euxan-
tbique (du jaune indien), la gentisine (de la gentiane),
Ja datiscétine du Datiseu vaunubina;
3" (iriiiipe de la Havane, comprenant la chrysine
(des bour;;eons de peuplier), l'apigénine (du persil,
i'acacéline (du faux acacia), la lutéoline (de la gaude),
laquercétine(du quercitron), larhamnétine et la rham-
nazine (des graines de Perseï, la fisélinc (du bois de
fustel), le morin (du bois jaune), la myricétiue (du
Myri'ca nagi), la kaempréride et la galangine (de la
racine de galanga), et la lotoflavine (du Lotus arabieiis).
A chacun de ces groupes est consacré un chapitre.
En têle de chaque chapitre se trouvent exposées les
jiropriétés physiques et chimiques, le mode de syn-
thèse des noyaux initiaux : benzophéuone, xanthone et
llavone. .A la suite vient l'étude particulière de chacun
des colorants qui eu dérivent et qui se trouvent cités
plus haut.
Dans sa forme concise d'aide-mémoire, ce volume
rendra service aux chimistes désireux de se documenter
sur cette question quelque peu embrouillée. (Iràce à
une bibliographie très soigneusement faite, le lecteur
pourra facilement se reporter aux Mémoires originaux.
J. Dupont.
3° Sciences naturelles
Lecomte iR.), Membre du Conseil de perl'ectionnemenl
des Jardins d'essais coloniaux. Professeur au Lyerr
Saint-Louis. — Le Vanillier, sa culture. Prépara-
tion et commerce de la Vanille. — 1 vol. in-x'
de 228 paqes. avec 26 ligures. {Prix o l'r.) .Xaiid,
éditeur. Pans, 1901.
Lorsque, en 1874, Tiemann et Haarmaim parvinrent
à reproduire la vanilline avec les seules ressources du
L,aboratoire, on put croire que la culture du vanillier
allait, par cela même, se trouver singulièrement me-
nacée. Et cependant, malgré les admirables perfection-
nements apportés, d'une façon continue, aux procédés
de production artificielle, malgré le fléchissement sur-
prenant du cours de la vanilline, la gousse de vanille
n'a rien perdu de la faveur dont elle jouissait, et — les
siatisliques publiées par M. Lecomte l'établissent — son
écoulement n'a éti' limité jusqu'ici que par sa [iroduc-
tion. Il s'agit là, d'ailleurs, d'un fait absolument général
dans l'industrie des produits aromatiques et, si para-
doxale que puisse paraître la proclamation de la pros-
périté solidaire des deux industries des parfums naturels
et des parfums artificiels, elle n'en est pas moins légi-
time, pour les raisons que nous avons eu l'occasion de
développer ici-méme.
Cependant, eu ce qui concerne la vanille, il n'est
guère possible d'espérer que la situation sera toujours
aus!.i lavorable. Quoi qu'il puisse en advenir, nous ne
pensons pas qu'il soit téméraire de dire que le sujet
de l'ouvrage dont nous allons faire l'analyse présenli'
un grand intérêt d'actualité, d'autant que les questions
coloniales paraissent commencer d'avoir raison de
l'indilTérence publique.
M. Lecomte était particulièrement qualifié pour traiter
une de ces questions, car il appartient à celle pléiade
de «vaillants champions de la vérité qui — selon l'ex-
pression de M. Flahault — des pôles à l'équateur, des
forêts tropicales aux neiges éternelles, forcent la Nature
à leur livrer ses secrets <>. Il s'en est allé au loin, étu-
dier l'agriculture et la flore exotiques. Joignant à la sa-
gacité du savant la compétence du technicien, et péné-
tré de cette vi'rité que " l'avenir de nos colonies est
intimement lié au développement des entreprises agri-
coles )), il s'est attaché à recueillir à leur source mêni'',
pour les répandre ensuite, les plus intéressants et b^
])lus rares documents relatifs à la produciion coloniale,
dans le but de favoriser le développement de ces entre-
prises, livrant à tous lebénélicede ses lointains voyages.
Et ce sont là les vrais apôtres de la colonisation, car
point ne sert de d provoquer l'exode de nos comp.i-
triotes vers des colonies lointaines », il faut avant tout
<> les renseigner sur ce qu'ils pourrosl tenter et les
armer du bagage de connaissances nécessaires pour
éviter autant que i)0ssible les expériences inutiles et
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES Eï INDEX
103
onéreuses ». Certes, on trouve là tout un programme,
et combien vaste ce programme! C'est celui que M. Le-
comte s'est tracé et à la réalisation duquel il consacre,
avec une conviction ardente et comniunicalive, tous
ses efforts, toute sa science. Le livre qu'il vient de
publier, comme tous ses écrits antérieurs, possède la
caractéristique des œuvres de ceux qui ont vu : la cer-
titude de documentation, la logique des conclusions.
Ajirès un cbapitre historique très nourri et très pitto-
resque, l'auteur décrit les principales espèces, fort
nombreuses, de vanilliers, en iusistant tout spéciale-
ment sur le Vunilhiptnnifolin, l'espèce la plus répandue
■et, en même temps, celle qui fournit la vanille la plus
estimée. 11 lise ensuite, avec précision, les conditions
de climat et de sol qui paraissent les plus favorables à
la culture du vanillier.
Les questions relatives à la création et à l'entretien
d'une vanillerie sont exposées dans les quatrième et
cinquième chapitres avec une grande compétence.
11 importe, pour le planteur, de connaître les ejinemis
éver.tuelsdes végétaux qu'il cultive ; aussi M. I.ecornte a-
t-il consacré quelques payes aux nombreux parasites
qui ravagent les plantations de vanilliers.
La pollinisaiiou et la fécondation, ces deux sédui-
santes questions qui, actuellement, alimentent d'une
façon si heureuse les conceptions phdosopbiques sur la
variation des races et des espèces, .«ont l'objet d'un
important chapitre, dans lequel les liguies, essentielle-
ment originales, méritent d'être signalées à l'attention
•du public : les unes mettent minutieusement en évi-
dence la technique de la pollinisation artificielle, les
autres donnent une idée aussi nette que possible des
variations qui se produisent dans l'ovaire à la suite de
<'elte opération.
Parmi les sujets que M. Lecomte a su rendre particu-
lièrement intéressants, nous signalerons la piéparation
de la vanille. Le lecteur trouvera, en effet, non seule-
ment la description détaillée et précise des procédés,
mais encore — chose rare — la critique de ces procédés
en même temps que dfs vues originales sur le méca-
nisme de la formation du parfum de la vanille. Ces vues
ont, d'ailleurs, été récemment précisées par l'auteur
dans une intéressante Note présentée à l'Académie des
Sciences.
Knfin, toutes les questions relatives à la chimie de
la vanille : composition de la plante, industrie de la
vanilline, altérations, falsifications, <i vanillisme », aussi
bien que celles relatives à sa production et à son com-
merce, sont magistralement traitées.
jNous ajouterons que cet excellent livre a été publié
avec la collaboration d'un praticien de talent, M. Chalot,
directeur du Jardin d'essais de Libreville. Il est copieu-
sement illustré et imprimé avec soin, ce qui contribue
encore à en rendre la lecture agréable.
Le Viiiiitlior est un de ces ouvrages originaux et
utiles dont M. Etard, dans sa Revue annuelle de Chimie,
déplore à juste titre la pénurie parmi les publications
innombrables qui encombrent la librairie.
EUGÈ.NE Ch.\RABOT,
Docleur es Sciences.
IVeuville (Henri;, Préparateur au Musi-um d'Hislniri'
naturelle île Paris. — Contribution à l'étude de
la vasoularisation intestinale chez les Cyclos-
tomes et les Sélaciens. ( Thèse de Doctorat de la
Faculté des Scieuces de Paris.) — 1 vol. in-B" de
116 pages et 1 planclie. {Annales des Sciences natu-
relles, Zoologie, 8= série, vol. XIII.) Masson et C",
éditeurs. Paris, 1901.
Existe-t-il, chez les Sélaciens et les Cyclostorac.s, un
système chylifère semblable à celui que l'on connaît
chez les Vertébrés supérieurs? Telle est la question que
plusieurs auteurs se sont déjà posée et que M. Neuville
vient d'aborder dans son travail. Ses recherches lui per-
mettent de répondre définitivement par la négative :
ni les Cyclostomes, ni les Sélaciens ne possèdent de
système chylifère, et les vaisseaux qui ont été regardés
par plusieurs naturalistes comme des lymphatiques
appartiennent en réalité au système veineux.
Chez les Cyclostomes, les dispositions offertes par le
tube digestif et par les vaisseaux qui en dépendent
sont extrêmement simples. Les villosités, restées à l'état
embryonnaire, sont réduites à desimpies lames, résul-
tant d'une évagination de la muqueuse, et l'intérieur de
ces replis est en communication directe avec le sys-
tème veineux. 11 en résulte ainsi la formation d'une
sorte de tissu caverneux sous-muqueux. Les lacunes
veineuses des Cyclostomes ont donc le même rôle que
les chylifères des Vertébrés : les mêmes veines qui
ramènent dans la circulation générale le sang ayant
servi à la nutrition de l'intestin, y ramènent auïsi les
éléments nutritifs élaborés par le tube digestif Le pro-
cessus de formation des villosilés n'a pas été suivi de
la haute différenciation qui, chez les Vertébrés supé-
rieurs, a amené dans ces organes la formation d'un
appareil absorbant compliqué et appartenant à deux
systèmes distincts, sanguin et lymphatique.
11 n'en est pas autrement cliez les Sélaciens, mais,
ici, les dispositions des gros troncs artériels et veineux
qui desservent le tube digestif sont moins simples et
varifut d'ailleurs avec les genres. L'auteur les étudie
principalement dans les genres Acantliias, Zygœna,
Scyllium, Galeus, (^entrophorus et liaja, et il les
représente dans leurs rapports avec l'estomac, l'intes-
tin valvulaire, les glandes annexes du tube digestif, etc.
Je mentionnerai plus particulièrement le chapitre rela-
tif au système sus-hépatique. D'importantes variations
s'observent en effet chez les Sélaciens relalivement à ce
système : la plupart d'entre eux offrent un sinus hé-
patique, mais quelques-uns n'offrent qu'un plexus
[Lamna] et d'autres enfin ne possèdent ni plexus ni
sinus iSpinacidés). Ce dernier type est incontestable-
ment le plus simple et le plus ancien. On aurait pu
croire que ces variations étaient en rapport avec les
profondeurs différentes auxquelles vivent les Sélaciens;
M. Neuville montre au contraire que ces variations
tiennent uniquement à des faits évolutifs et que le
sinus hépatique manque chez les formes abyssales,
non pas parce que ces dernières vivent dans de
grandes profondeurs, mais parce qu'elles sont plus
anciennes et moins évoluées que celles qui habitent
les couches superficielles de l'Océan.
Le travail de M. Neuville fixe donc d'une manière
définitive un point intéressant de l'anatomie comparée
du système circuLiloire »hezles Vertébrés inférieurs.
D'' K. Kœhleh,
Piuiesseur de Zuologie à l'Uuiversité de I.yoD
4° Sciences médicales
Poiichet (G.), Membre ilv l'Acideiuie de Méileeine.
— Leçons de Pharmacodynamie et de Matière
médicale. Deuxième série : Hypnotiques ; Modifi-
cateurs intellectuels. — 1 vol. grand in-H" de 883
pages, a^ec 56 ligures dans le texte. {Prix ; 16 Ir.)
Octave Doin, éditeur. Paris, 1901.
La première leçon, consacrée, suivant l'usage, aux
généralités, se propose de mettre en évidence Y impor-
tance des préparations galéniques en Thérapeutique.
Elle n'est, au fond, que la paraphrase du passage de
Fonssagrives qui lui sert de conclusion : « Les théria-
ques naturelles dans lesquelles la Nature enveloppe
les alcaloïdes, ne méritent pas le dédain que l'on est
disposé aujourd'hui à concevoir pour elles; et, lancés à
fond de train à la poursuite de ces quintessences médi-
camenteuses, dont je ne nie certainement pas l'impor-
tance, nous oublions trop les substances naturelles
d'où la Chimie les extrait. Une analyse clinique plus
attentive et pénétrant davantage dans les nuances nous
révélerait, entre l'action de ces médicaments complexes
et les principes qu'on en retire, des différences, qu'il
n'est pas permis d'abstraire au profit de notre repos. >
Les hypnotiques susmentionnés font l'objet des
leçons 11 à V. A signaler particulièrement l'hypothèse
104
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
sédiiisantL^ de M. Pouchet relative à uiio relation cuire
l'aclion hypnotique et la structure iiioléculaire du |iru-
duit considéré. Celle /;i//(;r;«j(',quilui paraildevoir jouer
un rôle prépondérant, résidcrnil dans lu siltintioii d'un
atome do carhnni' l'onlnil:
Cil'
II/
^11
Alcool V
thylique
Cil
^G =
Aldéhyde.
.\zll\
>C =
C«HH»/
L'réthane.
SO'.C^H»
Cil» .SO^CMi' CH\ ,S0^C=1I= CMl , /
\(-./ ^c-^ ^c^
CM'/ \so'.cMP CHV^ \.so=.cnp cMp/ \so«.c-ii
Et l'auteur en fournit une preuve d'une certaine
force: tandis que les dérivés sulfonés dans lesquels les
deux groupes SO- sont unis à un môme atome de car-
bone sont de véritables liypnuliquep, au contraire les
dérivés sulfonés dans lesquels les groupes SO- sont unis
à deux atomes de carbone différents, ne présentent
aucune propriété hypnotique :
M — SO'.C.N
I
M-SO'.C.N
Sulfonalides vrais, avec i:roupos Dériv(îs sulfoné.s avec groupes
SO* liés au même atome de SO- liés à deux atomes de car-
carbone, boue différents.
Nfjpnotiipies. Non liypnolii^ues.
Enfin, à ne considérer que l'activité hypnotisante
de chacun des dérivés, il est remarquable que l'action
est d'autant plus accentuée que le dérivé renferme un
plus grand nombre de groupes éthyle.
Les leçons VI à XIX étudient les alcools, et plus spé-
cialement l'alcool éthyli(|ue. Les aftinités chimiques,
le processus de la fermentation alcoolique, les pro-
priétés physiologiques de l'alcool, l'alcoolisme aigu et
chronique, l'intoxication par les essences, les considé-
raiions médico-légales relatives à l'alcoolisme aigu et
chronique, l'alcool envisagé aux points de vue aliuien-
laire et thérapeutique, toutes ces questions sont succes-
sivement ti ailées avec ampleur et compétence.
Xous signalerons l'opinion, si autorisée, de l'auteur,
relative à l'emploi thérapeutique de l'alcool. En cette
époque où les abstentionnistes absolus mènent une si
violente campagne et où dtf virulents plaidoyeis ne
visent à rien moins qu'à la proscription formelle de
l'alcool de la pralijue thérapeutique hospitalière et
privée, il est intéressant de constater que le professeur
de Pharmacologie de la Eacullé de Paris, d'accord en
cela avec de hautes autorités médicales étrangères
(Liebreich, Latider Brunlon;, se piononce nettement en
faveur de l'utiliié de l'alcool en Thérapeutique. ,\près
avoir rappelé avec complaisance l'opinion si ration-
nelle de Todd, il ajoute: " 11 est inutile de faire ressortir
ici le rôle considérable que l'alcool, judicieusement
employé, peut remplir, .le vous ai parlé, à propos de
l'emploi de l'alcool au point de vue hygiénique, de sa
valeur alimentaire ; je vous ai moniré l'inlluence effi-
cace avec laquelle l'alcool pouvait lutter contre une
nutrition insuffisante ou même contre la dénutrition
de l'individu. Cet emploi judicieux de l'alcool dans des
conditions déterminées permet de faire atteindre la
période de retour et de reconstitution des réserves,
c'est-à-dire permet aux individus, qui en apparence ne
s'alimentent pas, d'atleiiidre la période où ils pourront
de nouveau s'alimenter et solder les frais de leur
maladie. »
Les leçons XX à XXXIV constituent l'étude la [plus
complète que nous connaissions de l'npiuni ni de sos
dérivés; la pharmacologie, la pharmacodynamie, la
toxicologie en sont exposées avec une grande préci-
sion et un souci évident de la |)ratiiiue médicale et
pharmaceutique. La lecture en est des plus recomman-
dables aux médecins qui ont le désir de faire de la
thérapeutique rationnelle, c'est-à-dire une application
raisonnée des données de la Pharmacodynamie à la
Physiologie pathologique.
Le sujet est d'un rare intérêt pour le clinicien ; tous
les chapitres ont été rédigés avec une égale conscience,
quelques-uns sont plus particulièrement originaux.
La constitution chimique de la morphine est très
longuement étudiée et. parlant du noyau de la base
morpholique, qu'il prend comme centre de figure,
M. Pouchet propose la formule suivante, qui contient la
figuration des échanges d'atomicités et qui met en
évidence le noyau du phénanlhène :
lie
Cil /\ im
_/|C C|\_
cil
ii=c/~
~\cii
Otl
CH
c\ l/c
11C\ /cil
\/
AzC'IP
C.OII
A l'occasion de la posologie de l'opium et de ses
alcaloïdes et de ses indications physiologiques, méde-
cins et pharmaciens trouveront de nombreuses et pn'-
cieuses indications pratiques relatives aux équivalences
des médicaments galéniques à base d'opium, à leui
préparation, aux formules dans lesquelles ils peuvent
entrer, à leurs synergies, etc.
Le résumé historique de l'emploi de l'opium s'étend
d'Homère à Claude Bernard. On y trouvera, en parlicu-
lier, le fameux passage de Sydeuham, extrait de ses
ÇEuvres imprimées à Londres en l68o, et qui renferme
en substance toute la pharmacodynamie de l'opium.
L'étude des dilTérences pharmacodynamiques exis-
tant entre l'opium et ses alcaloïdes fournit à l'auteur
l'occasion d'affirmer à nouveau l'utilité de l'emidoi des
médicaments complexes, ce des thériaques natuielles ■■,
dont l'opium est le type. Il s'élève â ce sujet conire
l'expression de Claude Bernard qualifiant de « gangue
inutile " les principes immédiats accompagnant les
alcaloïdes et contre son affirmation que la Thérapeu-
tique oll'rait bien assez de difficultés par elle-même
sans qu'on vînt encore les augmenter en conlinuant
d'employer des médicamentscômplexes comme l'opium,
n'agissant que d'une manière souvent exirèinHuienl va-
riable. Il se prononce, au contraire, au nom d'un empi-
risme « corroboré par une suite concordante d'obser-
vations séculaires -., pour l'emploi, en certains cas, de
l'opium en nature.
11 faudra lire l'élude de l'action cardiaque de l'opium,
de son action sur le système nerveux, du mécanisme
physiologique, du sommeil morphinique en particulie]-,
et le parallèle si intéres.«ant entre l'opiomanie dis
Orientaux et l'alcoolisme des Occidenlaux.
L'antagonisme partiel de l'opium et de la belladnni-
est l'occasion d'une étude générale sur l'anlasonisnir
thérapeulique et l'antidotisme. L'auteur s'élève avi (
force conire la croyance à l'antidotisme vrai. Pom
lui. Il il n'existe qu'un seul fait d'antagonisme vrai : la
neutralisation des nitriles de la série grasse par rhy]io-
sulfite de soude ». Les autres cas qu'on a cités ne sonl.
pour la plupart, que des phénomènes d'antagonisni-
partiel, qui peuvent sans doute, dans une certaine
mesure, aider dans le traitement des individus empoi-
sonnés par des doses toxiques de certains médiia
menis, mais sur lesquels on aurait le plus grand toii
de compter pour obtenir de leur emploi exclusif uin'
action efficace suffisante.
L'élude de l'action de la morphine sur la tempéra-
ture, la respiration, la circulation, est très documenlie
et illustrée d'un grand nombre de graphiques des plus
démonstratifs. La morphinomanie est ensuite éliuliLi^
longuement.
La dernière leçon est consacrée à l'étude du chanvre
indieu.
D'' Alfred M.\rti.\et.
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
103
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 30 Décembre 1901.
M. Albert Gaudrj- est élu vice-président de l'Acadé-
miepoui' lOii-i. — M. le Secrétaire perpétuel annonce le
décès lie Sir J. Gilbert, Correspondant de la Section
d'Economie rurale.
1" Sciences m.\thém\ti(jles. — M. Niels Nielsen com-
munique ses recherches sur les séries de lactorielles.
— M. Alfr. Loewy a étudié les équations dilTérentiel-
les linéaires qui sont de la même espèce. — iM. E. Lin-
delof communique quelques théorèmes nouveaux sur
les fonctions enlières. Dans certains cas, le ^.'enre d'une
fonction entière définie par une série donnée dépend,
non pas de l'ordre de grandeur des coefficients de cette
série, mais de leurs propriétés analytiques. — M. A.
Guldberg a étudié les relations entre les invariants
intéi-'raux et les paramètres difîérenliels. — M. R. de
Saussure détermine le mouvement d'une droite qui
possède trois degrés de liberté. — M. Mesnager recher-
che les tensions intérieures produites par deux forces
égales et directement opposées agissant sur un solide
iini.-fnd.
■J ' Sciences PHYSIQUES. — : M. E. Carvallo, en étendant
1. - lois de Kirchhofî, a'oblenu les deux lois générales
sun antes : 1" Le llux du courant total à travers toute sur-
face termée est nul ; 2" La force électromotrice totale ^\m
rèi;iie dans tout circuit fermé est nulle. — M. W. de Ni-
eolaiève a observé, dans le champ électrostatique qu'il
a manifesté dans le sein des éleclrolytes pendant le pas-
sade du courant, une réaction spéciale : les tubes de ce
champ coincident.avec les lignes de courant; par suite,
les matières isolantes, qui sont diélectriques pour les
lubes du champ ordinaire, se comportent dans les élec-
lrolytes comme des matières diélectriques parfaites,
c'est-à-dire dépourvues de perméabilité électrique. —
M. Th. Tommasina a constaté que, dans le rayonne-
ment d'un tube contenant un mélange de chlorures de
radium et de baryum, il existe des rayons qui subissent
la réilexion. — M. Gouy a déterminé les maxima élec-
tro-capillaires de quelques composés organiques en solu-
lion dans l'eau pure ou ne contenant que de faibles
quantités d'eau. — .MM. Ph. A. Guye et Ed. Mallet ont
mesuré les con«tanles critiques et la complexité molé-
cidaire de quelques hydrocarbures élevés : durène, di-
phénylméthane, biphényle, naphtaline. Les valeurs
trouvées montrent que ces corps doivent être considé-
rés comme des lluides normaux entre le point d'ébulli-
tion et le point critique, aussi bien dans la phase liquide
que dans la phase vapeur. — M. de Forcrand a déter-
miné la chaleur de formation de l'hydrate de chlore,
par la mesure directe (18 cal. o7! et par l'étude des
courbes de dissociation 1 18 cal. 10'. La moyenne est de
18 cal. .36. — M. M. Guédras a reconnu que l'action
thérapeutique de l'ergot de seigle est due à l'acide
sphacélinique, à la cornutine, ainsi qu'aux sels de cet
acide et de cet alcaloïde.
3" Sciences naturelles. — M. Ant. Pizon pense que
le phénomène de la vision est simplement la consé-
quence de l'accumulation de granules pigmeutaircs en
certains points de la surface du corps et du pouvoir
absorbant de ces gianiib-s jiour les rayons lumineux.
— .M. L. Guignard a étudié le phénomène de la double
fécondation cliez les Solanées et les Gentianées; il s'ef-
fectue essentiellement de la même façon que dans les
autres plantes oii il a pu être observé' jusqu'à ce jour.
. — MM. Ch. Eug. Bertrand et F. Cornaille ont étudié
les régions (l'une trace foliaire de Filicinéc. — MM. H.
IlEVUE CÉXÉRXLB DES SCIF.:;CES, 190,'
Bordler et Lecomte ont fait des expériences d'applica-
tion directe des courants de haute fréquence sur les ani-
maux ; lapin, cobaye, rat. On observe toujours des acci-
dents mortels, dus probablement à des phénomènes
d'inhibition développés par ces courants dans les centres
nerveux respiratoires. Ces faits montrent bien que les
courants de haute fréquence ne s'écoulent pas superlî-
ciellemeiu par la peau, mais pénètrent dans les tissus.
M. d'Arsonval pense que les accidents mortels signalés
par les auteurs précédents sont dus à la chaleur déve-
loppée dans les tissus et aux coagulations ou embolies
qu'elles déterminent. — M. Et. Joukowsky a étudié les
édogites lies .\iguilles Rouges. Ou y constate une trans-
formation du diopside et du grenat dans des minéraux
du groupe de la hornblende, transformation qui est pro-
bablement due à l'intrusion de la granulile.
Sennce du 6 Janvier 1902.
1" Sciences ii.iTHÉsi.vTiQUEs. — M. Em. Cotton étudie
des systèmes d'équations linéaires aux différentielles
totales qui sont une généralisation des systèmes de Lie.
— M. A. Korn démontre la possibilité d'une infinité de
vibrations universelles de la matière pondérale. —
M. P. Buhem élend le critérium de Lejeune-Dirichlet à
la stabilité, pour des perturbations quelconques, d'un
système affecté d'un mouvement de rotation uniforme.
— M. G.-B. Flamand a déterminé la position f.'éogra-
phiquo d'in Salah, oasis de l'archipel touatien (Tidikelti.
La latitude moyenne est de 2'/'>i0"i0" nord et la longi-
tude moyenne de C'/'SO" est de Paris.
2" Sciences physiques. — .M. E. Carvallo donne l'in-
terprétation dynamique et formule l'expression analy-
tique de ses deux lois fondamentales de l'Llectrodyna-
mique; il les applique au cas des conducteurs et des
iliélectriques paifaits en repos et compare ses résultats
à ceux de Maxwell. — M. 'W. de Nicolaiève décrit une
expérience sur le champ électrostatique autour d'un
courant électrique dont les résultats concordent exacte-
ment avec ceux prévus par la théorie de Poynting. —
M. Th. Moureaux indique la valeur absolue des élé-
ments magnétiques au 1 "■'janvier 1902, d'après les obser-
vations faites à l'Observatoire du Val-Joyeux. — M. G.
Lippmann montre comment l'on peut mettre au foyer
un collimateur ou une lunette par la simple mesure
d'une parallaxe. Il donne également une méthode
optique pour vérifier si une glissière ou une règle sont
rectilignes. — M. A. Job indique une nouvelle méthode
pour la mesure des températures élevées. Un gaz dé-
gagé par un voltamètre s'échappe successivement par
deux tubes capillaires, l'un froid, l'autre placé dans la
source de chaleur à étudier. Par suite de la variation de
la viscosité du gaz avec la température, la vitesse
d'écoulement se modifie et l'excès de pression dans le
voltamètre passe de h à H. Le rapport H /avarie comme
une fonction linéaire de la température et permet de
mesurer celle-ci. — M. H. Moissan, par l'action de
l'hydrogène sur le potassium à une température de 360 ',
a obtenu un hydrure blanc cristallisé, de formule KH,
instantanément décomposable par leau, prenant feu à
froid dans le fluor, le chlore et l'oxygène sec, possé-
dant des propriétés réductrices très énergiques. —
M. A. Mailhe a fait réagir le tétrahydrate de cuivre sur
des dissoluiions de sulfates et a obtenu en général des
corps mi.^;tesbien cristallisés : 2 SO'R, 3 CuO, 12 H-0. —
M.M. Ch. Moureu et R. Delange, en faisant réagir des
carbures acétyléniques sodés sur des éthers-sels, ont
obtenu dans beaucoup de cas, à côté des aldéhydes acé-
tyléniques, des étbers ^-céloniques. — M. Th. Schloe-
sing fils a fait des expériences sur l'alimentation des
:!■•■
10(3
ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
piailles en pli05phore e' il mniide ([ue les phosphates
solubles à l'eau liemieiU uul- place iiii|iorlante dans la
nutrition.
:\» SoiKNcKs N MuiiELLEs. — M. Lannelongue signale
un cas de tumeur du lendon d'Achille. Celle-ci, (pii
d'abord était molle et paraissait liquide, s'est peu à peu
transforinée et durcie, en devenant opaciue aux rayons X.
Il s'agit probablement d'uu kysie hydatiqne ayant subi
la transformation crétacée. — M. Bra a constaté, dans
le sanj; des épilepliquos, la présence constante d'un
microort;auisiiie à l'approche des attaques, pendant ou
immédiatement après les crises. Ce sont tantôt des corps
isolés ou réunis en diplocoques, ou bien des vermi-
cules. Il s'aiiirait d'une variété très spéciale de strepto-
coque. — M.\I. A. Charrin et Brocard ont déterminé
l'utilisation des sucres (he.'coses) par l'organisme. Le
lévulose occupe le premier rang, le galactose le
deuxième et le glycose le troisième. — M. E. L. Bou-
vier présente de nouvelles observations sur l'évolution
et l'origine des Péripates. Avec .M. Kennel, il considère
les orifices anormaux comme les pores excréteurs des
néphridies sexuelles de l'ancôtre aquatique du groupe.
— M. E. Topsent communique quelques remarques sur
l'orientation des Cviiiorliiza. — M. G. "Vasseur a trouvé
le terrain nuinniulitique dans un sondage exécuté à
Saint-Louis (Sénéfjali. Il arrive à celte conclusion que,
vers la fin de la période éocène inférieure, la mer for-
mant un vaste golfe dans la partie orientale du désert
lybique et dans le déseit arabique, et recouvrant une
partie de r.\lgérie, contournait au nord-ouest le conti-
nent africain et suivait à distance la ligne du rivage
actuel de l'Allanlique pour atteindre au sud le bassm
de .Saint-Louis. — M. A. Bresson a étudié la nappe de
recouvrement des environs de Gavarnie et de Cèdre.
Louis Bhunet.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 7 Janvier 1902.
M. Guyon, président sortant, fait le tableau des
travaux accomplis par l'Académie en 1901. — M. Riche
prend place au fauteuil de la présidence. — M. Lom-
bard donne lecture d'un mémoire sur l'emploi de la
gélatine contre les troubles résultant du défaut de
plasticité du sang.
Séance du 14 Janvier 1902.
L'Académie vote un certain nombre de conclusions
qui font suite au Ua[>port de lc> Commission de F'ily-
giène de l'enfance: 1° L'allaitement de l'enfant par sa
mère et, à son défaut, par une autre femme, doit être
préféré à tout autre mode d'allaitement; 2" si le lait
de femme manque, le lait animal fànesse, vache,
chèvre, etc.) doit constituer la nourriture exclusive
du jeune enfant; .3" tout lait animal doit èlre donné
non contaminé, ou bouilli, ou, mieux, stérilisé: 4" le
biberon :i tube doit être légalement interdit; :;" l'assis-
tance médicale «ratuite doit être accordée aux nour-
rissons de parents in.solvahles; 0" l'assistance judiciaire
doit être accordée aux nourrices pour perm^ntre de
poursuivre la ri'cupc'-ralion des salaires qui leur sont
dus par les parents des nourrissons qu'elles élèvent.
— M. Le Roy des Barres lit un mémoire sur la
relation comparée de cinq épidémies de diphtérie à
la Maison nationale d'Kducation do Saint-Denis de 1827
ù 1901.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 14 Décembre 1901.
M. R. Bensaude a étudié queli|ues modifications du
sang au cours dune ascension en ballon. L liyprrglo-
bulie du saii« de la carotide du chien à 1.0(iO niètns n'a
été que de 4 à •/„. — M.M. Moussu d Marotel ont
observé uik; coccidiose intestinale du mouton coexis-
t.uif avec la strongylose gastro-intestinale. — M. R.
Larger communique pins de six cents observations
montrant que les mèines stigmates obstétricaux sont
engendri's par les inènies antécédents liéréilitairi'S. —
M. Ch. Féré a reconnu que l'action calmante de la
valériane et du valérianate d'aiunionia(|uc s'explii]Ui>
par la provocation d'une excitation préalalile qui |>réci-
pite la faliiîue. — M. R. Dubois répond aux critiquesde
M. .Mosso sur sa Ihécuie du sommeil par autouarcose
carbonique. — MM. Arloing: et P. Courmont ont cons-
taté ([lie l'action de certains anlise[iti(pies (foiinol) et du
froid permet de consi^rver sans nindificalions notables
pendant qiielc|ue lem|is les cultures lii|uides homogènes
de bacille de Koch destinées à l'agiiliitination. — .M. M.
Lambert a reconnu que l'intoxicalion ibogénique pré-
sente une analogie frappante avec celle que produit la
cocaïne. — M. G. Carrière a observé que le suc gastri-
que normal, /;; vivo ou ;;/ vitro, n'exerce aucune action
bactéricide sur le bacille de Koch. — M.M. Calugareanu
et 'V. Henri ont reconnu que la corde du tympan s'est
régénérée, chez un chien, aux déiiens dos liiires du nerf
hypoglosse. — MM. L. Lévi et P. Bonnier ont étudié
les ri'actions immédiates de l'appareil de l'ouïe consé-
ciitivementà l'injection de sérums inorganiques; lacuilè
auditive a généralement été améliorée. — M. J. Lar-
guier des Bancels a cimslalé que le pouvoir digestif
de la macération pancréatique est très sensiblement
accru par les extraits de levure de bière. — MM. Lesné
et P. Ravaut montrent que, pur destruction des héma-
tie?, on peut, suivant les doses de substances globiili-
cides employées, déterminer : à jietite dose, de l'urobi-
linurie seule; à dose plus élevée, de l'urobilinurie et de
la cliolurie ; à dose plus forte encore, de l'hémoglolnnurie
suivie du stade précédent.
La Société procède au renouvellement de son bureau.
M. E. Marey est élu présiilent pour cinq ans. MM. Ca-
pitan et Hénooque sont élus vice-présidents.
Séance du 21 Décembre 1901.
.M"=» I. loteyko et M. Stefanowska ont trouvé la loi
suivante, qui régit l'aneslhésie des nerfs : Sous l'in-
lluence de l'aiieut aneslhésitiue (chloroforme, éther,
alcool), qui atteint simultanément le nerf sur toute sa
longueur, l'excU'ilioii de la partie supérieure du nerf
cesse d'être efficace bien avant l'excitation de sa partie
inférieure. Plus un trajet est éloigné du muscle et plus
vite disparaît son excitabilité. L'ordre inverse est suivi
pour le rélahlissenienl des fonctions après le réveil. —
Les mêmes auteurs ontconslaté que, dans l'anesthi'sie
locale des nerfs, l'excitabilité <les libres sensitives dis-
parait avant l'excitaliilité des libres motrices. — MM. S.
Arloing et A. Descos ont reconnu que, sur des sujets
liien portanis, l'action toxique immédiate de la tuber-
culine peut être supprimée par l'addition à la tubercu-
line d'une dose convenable de sérum antiluberculineux.
La toxicité subsistant dans le mélange peut être attri-
buée aux loxones de la tuberculine. — M. F. Arloing
a constaté que la mucine exerce une action incontes-
table sur la virulence du bacille de Loefller, mais n'en
a pas sur la toxine diphtérique. Elll; serait donc bacté-
ricide, mais non antitoxique. — .M. L. Dor a observi-
que le sêrochrome est avide d'o.xygène et (|u'il l'absoibc
en se décolorant; ensuite, il n'a plus d'avidité pour
l'oxygène. — M. G. Linossier a étudié l'action des
alcools de fermentation sur les poissons. La toxicité
augmente avec le poids moléculaire. Une certaine ac-
coutumance peut être obtenue par l'action méiia^;ée
des alcools. — M.M. A. Mossé et Sarda ont cherché la
valeur de l'examen du sang et de la formule leucocy-
taire dans le diagnostic des abcès du l'oie. L'byperleu-
.cocytose est insuffisante pour perm(;ttre de faire un
diafjnostic; le pourcentage des polynucléaires neutio-
(diiles aurait une valeur sémidolo^'ique plus grande. —
.M. E. Maurel a n^connu que le chlorhydrate d'émétine.
employé par la voie hypodermique, peut être considère
comme un aiiesthésiqiie, au moins chez le lapin. Il se
pourrait que cette [iroprii''lé put être utilisée chez
l'homme. — .M. P. Armand-Delille a provoqué, par
introduction intia-ai achnoïdieiine du poison scléro-
À
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
107
s;int du bacille tuberculeux, une méningite spinale
plastique. — MM. H. Roger et P. Garnier ont déter-
miné, chez de jeunes animaux, des lésions thyroï-
diennes, qui ont été .suivies d'un arrêt très marqué du
développement. — M. A. Clerc a constaté, dans le
cours des infections subaiguës chez le lapin, des varia-
tions des ferments sanguins (lipase, amylase) analogues
à celles observées chez l'homme, et en particulier chez
les malades tuberculeux. — MM. J. Hulot et F. Ra-
mond ont injecté à des coliayes du foie d'un autre
cobaye en suspension dans du sérum, et ont observé
des lésions des cellules hépatiques; l'injection avait
donc produit la formation d'une substance hépatoly-
lii|ue. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet montrent
que le diabète par anhépatie ne peut qu'exceptionnel-
lement se réaliser et surtout se constater dans les cir-
rhoses avec insuffisance hépatique; mais les faits où
on l'observe suffisent à détruire l'objection faite contre
sa conception. — M. A. Mayer a étudié la viscosité des
liquides de l'organisme et son rôle dans l'économie.
Ces recherches ont été faites avec un nouveau viscosi-
mètre. — M. A. Gouget a étudié certaines altérations
hépatiques consécutives aux injections répétées d'urée
à haute dose. Pour lui, la rétention de l'urée est au
moins un des facteurs des altérations hépatiques de
l'urémie. — M. J. Rehns a constaté des variations
dans le pouvoir agglutininogène de différents bacilles
d'Eberth, tenant à la moindre teneur du microbe en
substance agglutinable. — MM. Rodet et Galavielle
ont étudié l'inlhience delà dessiccation sur les moelles
rabiques et la marche de la perle de la virulence, soit
dans la ilessiccation, soit dans le séjour prolongé en
glycérine. Dans les deux cas, on ne rencontre pas tous
les intermédiaires entre la virulence intégrale et la
perte de virulence; il n'y a pas de gamme graduelle de
décroissance. — MM. J. Castaignè et F. Rathery ont
l'tudié les troubles consécutiis à la ligature unilalérale
de l'artère rénale, de l'orelère ou du pédicule. Dans
tous les cas, on observe des accidents très graves se
terminant par la mort. Ces accidents paraissent dus en
grande partie à des lésions du rein opposé à celui qui
a subi la ligature.
Semico du 28 Déceinhrc l'JOl
M. Coakley-Byron a fait de nonrbreuses injections
directes de solution physiologique de chlorure de sodium
dans le pHrenchyme de divers organes ; pour lui, elles
favorisent à la fois la leucocytose locale et, par lavage,
lentrainementdes toxines. — .MM. Leredde etPautrier
ont observé un développemeni plus lafdde des têtards
de Baua lempontvin sous les radnitic^iis bleues que sous
les radiations rouges. — M. G. Delezenne a constaté que
le suc intestinal joue un rôle très actif dans ladigesiipn
Iryptique des irialières albiiminoïdes, grâce a. l'entéroki-
nase. Cette enlérokinase paraît se retrouver dans l'intes-
tin de tous les Vertébrés.— M. A. N.'Vitzou a étudié, sur
un chien; les effets de l'extirpation partielle d'un rein,
suivie, un mois après, de l'extirpatiorr totale de l'autre.
L'animal a survécu ; l'auteur pense que c'est une nou-
velle preuve do l'existence d'une sécrétion interne des
reins. — M. G. "Weiss présente un appareil de démons-
tTation pour l'étude des mouvements oscillatoires. Il a
étudié d'autre (uirt, au moyen de l'oscillographe, les
appareils magnéto-l'nradiques employés en "phy-iologie
et en médecrne. — MM. P. Carnet et A. Chassevant
ont étudié les conditions de fixation de la pe|>sine sur
les albuminoïdes. L'acide chlorhydrique parait, dans ce
cas, jouer un lôle analogue aux mordants de teinturerie.
— M. G. Meillère montre que tout le chlore des urines
est à l'état d'acide chlorhydrique ou de chlorures, pré-
cipitables en milieu aqueux par le nitrate d'argent. .Si le
chlore entre dans une combinaison oi-ganique, ce ne
jieul être que sous la forme de chlorhydrate d'une base
organique et iron de combinaison chlorée organique
proprement dite. — Le même auteur estime que, pour
toutes les analyses qui intéressent le biologiste, il y
aurait avantage à ne considérer dans l'urine que les
résultats de l'analyse élémentaire exprimée en ions
ou restes élortro-négalifs et électro-positifs. — M. Ed.
Long conclut de ses recherches que les tibi'es à myé-
line du faisceau pyramidal direct ne subissent jras
de déc'.rssation dans la commissure antérieure de la
moelle; il n'est pas non plus prouvé qu'elles y fas-
sent passer des collatérales de petit calibre. Les seules
fibres connues jusqu'à présent dans la commissure
antérieure sont des fibres endogènes. — M. F. Suehard
expose le rôle delà valvule de Biucke dans la respira-
tion bucco-pharynyienne de la grenouille. — M. P. A.
Zaeohariadès a étudié la structure de la fibrille élé-
mentaire du tendon ; elle est composée de deux subs-
tances, douées de propriétés absolument différentes et
qui ne se colorent pas de la même façon au bleu de
mélhyle. — M. J. Jolly a observé qu'à la suite d'un long
jeilne, la régénération sanguine provoquée par l'en-
graissement chez les Tritons adultes se fait au moyen
de cellules spéciales contenant très peu ou pas d'hémo-
globine et se multipliant par mitose. — M. R. Petit a
employé du sérum de cheval chaufl'é, déposé dans
le péritoine, au cours des laparotomies chez l'homme,
en vue d'utiliser son action stimulante sur les phago-
cytes pour prévenir l'infection. — MM. Cl. Regaud et
A. Policard ont mis en évidence, dans les cellules épi-
théliales des divers segments du tube urinifère, des for-
mations intra-protoplasmiques étroitement liées à la
sécrétion rénale. — MM. Hanriot et Clerc ont caracté-
risé la lipase chez le fœtus dès l'âge de cinq mois ; par
contre, ils n'ont pas trouvé l'amylase.
S0CIE:TÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Sr:niL-c (lu 20 Décembre l'.tOl.
M. C. Raveau : Sur l'obsorvalion de la rrl'raction
conique inicrieuvc ou extérieure. 1° Un faisceau de
rayons émanés d'un (joint lumineux donne naissance,
à la sortie du cristal, à un second faisceau, qui com-
prend un cylindre C et un cône T. Ce cône et ce cylin-
dre se coupent suivant deux courbes sensiblement
planes, dont l'une, vu la très faible inclinaison des
génératrices du cône sur celles du cylindre, est très
voisine de la ligne de coritaci. de chacune de ces sur-
faces avec une des nappes de la surface caustique des
rayons émergents. Cette courbe est sur la nappe du
cône qui s'ouvre du côté de la source. Quand on pro-
jette un petit trou à travers une lame cristalline, il
faut, pour obtenir une ligne biillante circulaire, que le
riyon central du faisceau éclairant soit dirigé suivant
l'axe opiique; ce qu'on observe alors, c'est la ligne de
contact du cylindre avec la caustique; la réfraction
conique extérieure, dont la considératiim permet de
se rendre compte très simplement de la position de
cette li;;ne, ne modifie en rien les apparences obser-
vées ; l'ouverture du faisceau n'exerce, sur l'éclat et la
netteté de l'image focale circulaire que l'on projette,
d'autre influence que celle qu'elle aurait dans toute
autre expérience. 2» Au lieu de limiter le faisceau
incident qui éclaire le petit trou, il reviendrait au même
de disposer une ouverture cii'culaire dans le plan focal
de la lentille de projection ; on retomberait alors sur
un dispositif connu. En déplaçant l'ouverture de façon
que son centre coïncide avec l'image du sommet du
cône T, on pourrait, au moyen d'une autre lentille,
projeter une seconde focale circulaire, très voisine de
la JDremièi-e et qui serait la ligne de contact du cône
avec la caustique. Ici encore, l'existence de la i-éfraction
conique intérieure ne modifie pas les phénomènes.
3» La seconde nappe de la surface caustique présente
un point singulier, qui est le sommet du cône T; elle
est asymptote au cylindr-e C. Elle se réduit sensible-
ment, sauf à l'inllni, à une ligne, car les surfaces
d'onde normales aux rayons émergents admettent,
comme la surface des ondes de Fresnel. un |dan tan-
gent sin^'ulier- normal aux génératrices du cylindre C, et
les deux nappes se coupent suivant une courbe 1res res-
serrée. On observe, en effet, à toute distance, sauf au
1U8
ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES
voisinage immédiat du foyer de la lenlille, une (aclie
lumineuse trc'S brillante au centre du champ. —
M. Armagnat piésente les appareils récents dcstiui'S
à observer et à enregistrer la tonne des courants alter-
natifs. La iiiclhoilc jvir points, appliquée, il y a vingt ans
déjà, par M. Joubert, a fourni des renseignements très
importanis sur les courants alternatifs. M. lilondel, en
l8yi, l'a rendue automalique, et M. Hospitalier, par des
perfectionnements intéressants, est arrivé à créer un nou-
vel appareil, l'ondoç/raplie, capable de rendre de grands
services. Dans Voiiilo/inipJie, un contact instantané s'é-
tablit entre l'alternateur étudié et un condensateur;
celui-ci, chargé au potentiel qui correspond à la posi-
tion de contact, se décharge ensuite dans un galvano-
mètre enregistreur. En donnant au point de contact un
mouvement retardé par rapport au mouvement de l'al-
ternateur, on arrive à prendre la valeur du potentiel à
chaque point de la période, et le galvanomètre enregis-
treur trace la courbe I := /{?), comme si la période du
courant était beaucoup plus lente. Pratiiiuement, le
retard du contact mobile sur le courant à mesurer est
obtenu à l'aide d'un rouage tel que, pour 1.000 pério-
des de l'alternateur, le contact fail seulement 0'J9 tours.
Comme le tambour sur lequel se fait l'enregistrement
est commandé par le même moteur synchrone qui fait
tourner le contact, les tracés successifs des périodes
consécutives se superposent exactement, ce qui permet
d'employer un seul appareil pour enregistrer succes-
sivement diverses courbes : intensité, différence de
potentiel, etc., avec leur dilTérence de phase réelle.
M. Hospitalier a lait fonctionner lui-même son appareil
devant la. Société à latin delà séance. M. Blondel, trouvant
la méthode par points insuffisante pour certaines
recherches, s'est aliaché à l'étude des galvanomètres
capables de suivre les variations ]ilus rapides des cou-
rants alternatifs industriels. L'étude théorique de la
question l'a conduit, en 1893, à énoncer les principes
devant servir de base à la construction de ces appareils,
dont il réalisa à celte époque un premier modèle. C'est-
par la réduction à la limite de l'inertie des organes
mobiles, de façon que la période propre du galvano-
mètre soit très /lelite devant la période du courant à
mesurer, que M. Blondel a résolu le problème. Les
appareils de cette nature, auxquels M. Blondel donne
le nom d'dsciUoi/rajilies, ont été décrits en détail par
l'auteur ici-même; nous renvoyons le lecteur à cet
article '. La solution proposée par M. Abraham diffère
totalement de la précédente, et l'appareil qu'il a réalisé,
avec M. Carpentier, part d'un tout autre principe. Le
yhro(irnphe est caraclérisé par ce fait que l'oscillation
propre du galvanomètre est beaucoup plus Ioikiiw que
la période du courant à étudier. En outre, comme il
n'est pas possible de négliger l'action de l'amortisse-
ment et celle du couple de torsion du galvanomètre,
M, Abraham compense les deux facteurs au moyen d'un
dispositif de transformateurs et de résistances. Cette
comppnsation se fail expérimentalement, par l'obser-
vation d'un courant périodiquement interrompu. Le
rlM-o:;r,il.lic isi. roiii|iosé d'un galvanomètre à cadre mo-
liilc, .le |.riii.s iriiuinsions, placé dans le champ d'un
êleclr.i-iiiriiaiil. I,.i lahie de compensation renferme les
transformateurs et une résistance. Le déplacement du
point lumineux en fonction du temps est obtenu en
éclairant le galvanomètre au moyen de deux fentes
croisées, l'une recliligne, l'autre en forme de dévelop-
pante de cercle et tournant d'un mouvement uniforme.
Les courbes données par ces appareils montrent immé-
diatement la foime des courants et permettent de voir
quelles perlurbalions apportent les différents facteurs.
Si nettc-s qu'illts soient, ces courbes sont affectées par
les prriui h.iliniis non périodiques, de sorte qu'il est
impossible di' leur appliquer les moyens d'analyse gra-
phique qui permettraient de s'en servir pour détermi-
' .\. BiJ)NDKL : L'inscriplion directe des courants électri-
ques variables. Ucv. i/én. di's Scicncon îles \'6 et 'M) juillet
1901.
ner l'équation du courant. Un courant alternatif peut
toujours èlre représenté par une série de Fourier, de
sorte que, si l'on peut déterminer Vamplitiulr et la
phase de chacun des termes, l'équation se trouve éta-
blie. M. Ai'magnat a repris la méthode de résonance,
proposée en iH'XA par M. l'upin, en se servant des oscil-
lographei't rhéograplie; ilapuamsi otitenir les deux fac-
teurs cherchés, tandis que la méthode oiiginale donnait
seulement l'amplitude. La méthode de Pupin consiste à
envoyer le ccurant à étudier, ou une dérivation de ce
courant, dans un résoinilciir formé d'une bobine de
self-induction Let d'un condensateur C, reliés en série.
En agissant sur L ou sur C, chaque fois que la période
d'oscillation du résonateur est égale à celle d'un des
harmoniques, le courant qui traverse le résonateur
passe par un maximum dont la valeur indique l'ampli-
tude de l'harmonique visé, tandis que le produit 2-v'LC
donne ia période. Avec l'oscdlographe, ou le rbéogra-
phe, l'observa'iou de la résonance est des plus faciles.
En faisant varier L et C, on observe des courbes de
formes très variables; mais, dès que l'on approche de la
résonance, ces courbes deviennent plus régulières et
li [lissent par être d'amplitude uniforme, sans ventres
ni nœuds. Le nomtjve des oscillations observées indique
l'ordre de l'harmonique; son amplitude est proportion-
nelle à l'amplitude des courbes. Il suffit de connaître la
résistance olimique du circuit; la capacité et la self-
induction peuvent être quelconques. De plus, au mo-
ment de la résonance, le courant observé est en plia^r
avec l'harmonique étudié, de sorte que si, avec un
appareil double, on observe simultanément la courln'
du courant et l'harmonique, on peut mesurer très fai i-
lemcnt la phase de ce dernier. Pour les mesures din
tensité, la même méthode s'applique aisément à l'ai^l'
d'un transformateur sans fer; la phase mesurée e^i
simplement relardée d'un (juart de période.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Si'-aiice du 13 Décembre IflOl.
.\l. G. Bertrand a repris d'anciennes expériences il-
M. lîerthelot' sur la transformation de la glycérine en
sucre par le tissu testiculaire. L'auteur s'est servi di-
testicules de chiens, de lapins, de cobayes et de coi|^.
extraits aseptiquement aussitôt après la mort des ani-
maux, et introduits aussitôt dans des malras renfer-
niaulune solution aqueuse de glycérine pure au dixième.
Les résultats de trente-huit expériences ont été des plu--
nets : ce n'est ni le tissu testiculaire ni ses produits so-
lubles qui transforment la glycérine en sucre réducteur;
ce sont des microbes, apportés selon toute vraisem-
blance par le testicule lui-même. En effet, les matras qui
n'ont pas fourni de sucre sont restés stériles, tandis que
les autres ont doimé lieu à des cultures microbiennes.
Une goutte du liquide de ces derniers, transportée dans
un des matras stériles, y provoquait bientôt la rédnr-
tion. Le sucre produit parait être la dioxyacétone, di'ià
obtenue par l'action de ia bactérie du sorbose. — M. O.
Boudouard. en étudiant la fusibilité des alliages d'alu-
minium et de magnésium, avait prévu l'existence de
plusieurs combinaisons définies de ces métaux. L'ap-
plication de la méthode de superposition des im'-
taux à la production de ces alliages définis ne lui a jkis
donné de bons résultats, par suite de la facilité avec
laquelle le magnésium brûle à l'air. L'utilisation des
procédés de la métallographie microscopique lui a per-
mis, par contre, d'isoler trois combinaisons : 1° Le
culot formé de 30 parties d'AI pour 70 de .Mg, traité par
le chlorhydrate d'ammoniaque à 10 "/o, laisse comme
résidu une pomlre crùstallino, de composition .VIMg '
('/=2,03); i" Les culots 40 Al — 00 Mg ou nO Al —
bO Mg, traités de la même façon, donnent un composi'
AIMg (f/=2,15); 3° Le culot'70 Al — 30Mg, traité par
HCl à 10 "/o, laisse une poudre APMg (f/=2,b8). —
' Ann. rie Cliim. cl de Pliys., 3" sér., t. L, p. SGg-'je (18.'1
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
109
MM. Fourneau et Willstaetter l'omnnuiiquent le
n'sullat de leurs recherches sur la hipiiiiue. Ils pro-
posent une nouvelle formule C'°H'°AzO pour remplacer
celle de liaumert C-'ll"'Az-0-, manifestement fausse
puisque la lupinine bout sans décomposition à 255»
sous la pression ordinaire. La nouvelle foimule est
appuyée sur de nombreuses analyses de la base et de
plusieurs de ses dérivés, ainsi que sur la cryoscopie.
L'action de l'acide chromique sur la lupinine donne
l'acide lupinique Ç:'H"AzCO-H. contenant le même
nombre d'atomes de carbone que la lupinine; celle-ci
est donc un alcool primaire; elle est, de plus, saturée,
car le permancranate de potasse eu solution sulfurique
n'a pas d'action sur elle. Elle ne renferme pas de grou-
pement raéthyle à l'azote et, néanmoins, c'est une base
-tertiaire; elle doit donc contenir un système bicyclique
à l'azote. C'est ce qu'a confirmé l'application de la
méthode d'Hoffmann. La première phase donne de la
méthyllupinine, la seconde de la diméthyllupinine, la
troisième enfin de la trJméthylamine et un corps non
saturé, sans azote, probablement un alcool à trois dou-
bles liaisons. L'azote concourt donc par ses trois valences
à la formation d'un double anneau; une constitution
analoi^ue a été observée dans la cinchouine par Miller
et liolide. — M. C. Martine, au coujs de ses recherches
sur la benzylidènemonthone, réputée incristallisable, a
pu obtenir ce composé en magnifiques cristaux inco-
liiri's, insolubles dans l'eau, très solubles dans l'alcool,
ri'lheret la ligroïne, fondant à 50°. Après une première
cristallisation dans l'alcoof, et en solution dans ce dis-
solvant, le pouvoir rotatoire est [3;d = — t8()",.'jO. — -
M. .Meunier présente, au nom de .M. Vincent, une note
sur la présence du tellure dans certains échantillons
li inL'iMit. — M. Darzens dépose une note sur l'essence
il';. I;iug-ylang. — M. H. Le Chàtelier a essayé un
grand nombre de corps comme réactifs pour l'attaque
des surfaces métalliques en vue des observations micros-
copiques. La soude et la potasse en solutions aqueuses
lui ont donné, dans quelques cas, de bons résultats.
Séance du 27 Décembre 1901.
M. P. Lebeau expose le résultat de ses recherches
sur l'état du silicium dans les fontes et les ferrosili-
ciums pauvres. Il n'a jamais rencontré le silicium à
l'état libre; celui-ci paraît exister toujours à l'état combiné
sous forme de siliciure SiFe". L'auteur a pu préparer
trois siliciures de fer définis. Mais le corps .^i'-Pe ne se
forme qu'en présence d'un grand excès de silicium ; le
corps SiFe, de même, est facilement dissociable et ne
peut exister dans un milieu pauvre en silicium. SiFe-
seul n'est |ias dissociable : il doit donc se retrouver dans
les fontes. Il est exirèment soluble dans le fer et donne
avec facilité une solution solide dans laquelle son état
d'extrême division le rend attaquable par les réactifs;
c'est pourquoi on ne le retrouve pas dans les résidus
d'atiaque. — M. G. Bertrand a étuclié le phénomène de
bleuissement que présentent certains champignons du
genre Iloleliis lorsqu'on les casse. -Ce bleuissement est
dû à l'oxydation diastasique d'un acide phénol parti-
culier, le /lo/cVo/, existant dans ces champignons en très
faible proportion. A l'état cristallisé, le botétol est de
couleur rouge orangé vif, comme l'alizarine; en solution
aqueuse étendue, il est jaune. Le bolétol semble exister
sous deux états d'agrégation moléculaire difi'érente ; le
plus simple est très soluble dans l'eau, l'acool et l'éther ;
l'autre, correspondant à l'état cristallisé, est, au con-
traire, peu soluble. Les recherches de l'auteur montrent
que le bleuissement des Bolets exige le concours de six
facteurs différents ; le bolétol et l'oxygène, la laccase et
le manganèse, que cette dernière substance porte géné-
ralement avec elle; l'eau, qui agit à la fois comme dis-
solvant et surtout comme agent nécessaire d'hydrolyse;
enfin, un métal alcalin, magnésien ou alcalino-ierreux.
C'est le premier exemple d'une réaction diastasique
aussi complexe. — M.M. Moureu et Delange, en con-
densant les éthers-sels avec les carbures acétyléniques,
ont obtenu des acétones acétyléniques R-C ï=e C-CO-IV et
des éthers .'-cétoniques correspondant aux éthers-sels
employés. — M. M. Delépina a préparé un grand
nombre de dérivés de l'éther imidoditbiocarbonique,
c'est à-dire les composés du type Ii.\z = CfSR'j*. Il en a
étudié le caractère basique, qui se manifeste par la Ibr-
mation de sels, parmi lesquels les picrates cristallisent
bien ; ce caractère basique se manifeste aussi par la for-
mation de chloroplatinates, de chloromercurates et d'io-
domercurates. Enfin l'azotate d'argent, l'oxydation par
l'acide nitrique et l'hydrogénation par le sodium en
présence d'alcool, produisent des réactions toutes en
accord avec la formule précitée. — M. Debierne rap-
pelle d'abord les propriétés principales des éléments
radio-actifs. Il communique ensuite, au nom de
M. P. Curieetau sien, diverses expériencessur le phé-
nomène de la radio-activité induite. Il résulte dé ces
expériences que la radio-activité se jirésente comme
une forme spéciale d'énergie, qui est dégagée d'une
façon continue des éléments radio-actifs et qui peut se
fixer sur une matière quelconque. — M. Léger a isolé,
parmi les produits de l'action de Na-Q- sur la barba-
loïne, une matière sirupeuse, presque incolore, don-
nant avec Si l'H- dilué la réaction du furfurol sur le [Vd-
pier à l'acétate d'aniline. Ce sirop fournit une osazone
cristallisée en aiguilles microscopiques jaunes: il est
lévogyre, réduit la liqueur cupropotassique et la solu-
tion commerciale de nitrate d'argent. La barbaloïne,
elle-même, en solution dans l'acétate d'élhyle, est net-
tement lévogyre. Ces faits viennent confirmer l'exacti-
tude de la formule proposée par M. Léger pour la bar-
baloïne', qui se trouve ainsi cire le premier terme
d'une classe nouvelle de composés : les (/liicosiiles non
dérloublnh/ps p:tr les acides dilués. La barbaloïne,
comme tous les corps actifs, peut s'isomériser sous l'in-
fluence de la chaleur. En chaulTant à 160° une solution
aqueuse de la barbaloïne, on la transforme en une
autre aloïne.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
i" Sciences physiques.
F,d. Scliimek : Contributions à la Chimie de la
Chlorophylle. VIII. Modifications subies par la chlo-
rophylle dans son passage à travers le corps des
animaux. — Les fèces des animaux nourris exclusi-
vement avec des aliments végétaux verts ne contiennent
pas de chlorophylle ; celle-ci est remplacée par des
substances qu'on peut supposer en dériver, soit par
l'action des acides, soit par l'action d'un des agents
auxquels les aliments sont soumis dans leur passage à
travers le corps.
Parmi ces substances, l'une semble être identique
avec la phylloxantliine, produit bien connu de décom-
position de la chlorophylle. Une autre possède des
propriétés bien définies et ressemble beaucoup à la
phyllocyanine, sans lui être identique. Celle-ci n'a pas,
autant que l'auteur l'a pu constater, encore été obtenue
comme produit de décomposition de la chlorophylle en
dehors du corps des animaux. M. Schunck la considère
donc comme une substance siii i/eueris, caractérisée
par sa belle couleur pourpre-bleu et son lustre métal-
lique brillant.
L'existence d'autres produits de décomposition est
possible. Dans un cas, en particulier, on a obtenu un
corps cristallisé défini, qui paraissait caractéristique,
mais on n'est pas certain qu'il dérive de la chlorophylle.
2" Sciences naturelles.
A. I>. W'aller : Sur les courants de la peau. II.
Observations sur les chats. — Voici les conclusions
de ce mémoire : L'elîet électrique normal d'une exci-
tation indirecte de la peau est un courant d'entrée
dans le galvanomètre. L'elîet électrique et principal
d'une excitation directe est un courant de sortie. Un
Bull. S„c. (•/)/;».. (3 , t.XXV-X.WI. p. ISO: tOOt.
no
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
coiiniiit trenlrée peut être obleiui par l'excitation dirccle
iiimii-dialement après la mort.
I. 'auteur suppose que les deux forces opposées coexis-
tent au même moment dans la peau excitée, et que la
di'viation du galvanomètre n'est que l'expression de
leur résultante. Toulefois, l'existence de ces deux
courants opposés est moins évidente dans le cas de la
peau de chat que dans ceux de la peau et de la pru-
nelle de grenouille.
li. Peai-son : Sur l'hérédité des caractères
mentaux chez l'homme.— 1° M. Francis (lalion. dans
.-on I/rrci/iir ii.iluri'llc, a, Je crois, essayé le premier de
donner une appréciation quantitative de l'hérédité des
caractères mentaux chez l'Iionime. Les documcnls de
M. (ialton n'étaient pas très nombreux et, à délaul
d'une môlhode d'examen quantitatif des caractères
qui no sont pas capables d'une mesure exacte, il ne
lui a pas été possible de déduire des résultats absolu-
ment concluants. Cependant, M. Gallon donna de bonnes
preuves que le tempérament et l'instinct artistique
étaient des caractères héréditaires.
Le 19 novembre 1S90, un mémoire fut lu devant la
Société Koyale, qui montr,ait comment on peut dé-
duire l'hérédité des caractères dojit il n'est pas possible
de donner une mesure quantitative exacte. Dans ce
mémoire, je me suis basé sur les statistiques de M. «laiton
et j'ai montré que la corrélation fraternelle au point de
vuedulenipérament est de 0,3167 et que la corrélation
paternelle au point de vue de l'instiixît artistique est
de 0,4039. Ces chiffres sont quelque peu bas, et pas
entièrement salisfaisanis. Je désire donner, dans cette
noiice préliminaire, quelques résultats d'observations
très rigoureuses qui ont été faites pendant, le cours de
ces dernières années.
i" Les matériaux furent réunis de deux façons dif- •
férentes. Dans la première série, la série des mesures
familiales, les cara' tères physiques furent seuls obser-
vés. Ces séiies furent commencées il y a six ans et ■
plus de 1.100 familles, père, mère, deux fils et deux
filles, furent mesurées. Les séries furent closes il y a
deux ans, et, l'année dernière, le D' Alice Lee a com-
plété la réduction de cette grande quantité de matériaux.
Sous cette forme réduite, soixante-dix-hnit tables de cor-
rélation ont été établies, donnant autant de coellicienls
de corrélation portant sur l'hérédité directe et indirecte.
Ce sont probablement les séries les plus étendues de
coefficients d'hérédité que l'on ait encore obtenues,
chacune basée, comme règle, sur plus de 1.000 coii|iles.
Ma seconde série sera encore plus étendue, mais
elle se rapporte seulement à l'hérédité collatérale,
fraternelle. Son but est d'observer une grande quantité
de caractères physiques et mentaux dans des couples
d'enfants des écoles. J'ai reçu l'aide la plus aimable
d'un grand nombre d(! ma'îtres et maîtresses des
écoles publiques, des écoles supérieures, des écoles
primaires et secondaires de toutes classes. Mais, quoique
le travail soit commencé depuis Irois ans, nous n'avons
assez de matériaux que pour tirer des conclusions dans
les cas de paires de frères, doiil plus de 1.000 ont été
observés.
3" Trois seulement des mesures physiques de ces
longues séries ont été réduites et les observations
de sœur à sœur et de sœur à l'rère devront être con-
tiiiuées encore pendant un ou deux ans, avant qu'elles
soient suffisamment nombreuses.
Il faudra alors deux ou trois ans pour tabler et
calculer tous les matériaux n'unis. Mais, comme le
problème de l'hérédité des caractères mentaux et de
leur corrélation avec le physique avait occupé notre
allention, l'infatigable D' Lee a entrepris le calcul et
la réduction en tables des coefficients d'hérédité dans
le cas de sept caractères mentaux et trois physiques;
le nombre des couples traités a été dans chaque cas de
80(1 à 1.000.
La méiriude adoptée est celle du mémoire sur ■■ l'Hé-
rédité des caractères qui ne sont susceptibles de
mesures quantitatives exactes ». Ainsi, sous le tilre :
« Délicatesse de conscience », il y a deux divisions,
développée et faible, et le maître peut placer une
croix sous l'une ou l'aulre ou sur la ligne de séparation.
Des divisions semblables sont fiiites dans les autres
catégories, à l'exception de l'Intelligence qui a été divisée
en six et du Tempérament en Irois, etc. Mon seul objet,
dans cette notice préliminaire, est d'atliier l'attention
sur les résultats suivants :
Coefficients (/«' fliérâdilc cnUalérhlc. [Corréliition
(le couplefi de frères.)
CARACTKRKS MENTAUX
(Observations de fécolol
Intelligence .... ll.4.i.i'.i
Vivacité 0,41112
Délicatesse de cons-
cience Ii,"-ift-2n
Popnl.irité li.''iil i
Tempérament . . . ii.Mh ^
Conscience de soi-
même (i...'.i|.i
Timidité (i.oiSl
Moyenne. . . 0,5214
Taille 0.:il07
.Vv,int-hi-MS U,4912
liOnfjUPurde la main. 0,.t494
Coloration de l'œil . 0,5169
(ObservatioDS de l'école)
Index cépbalique . . 0,4861
Couleurdes cheveux. 0.3452
Santé O.:i203
Moyenne . . . 0,ijni
Les caractères ci-dessus ont été mesurés ou observ. s
sur deux groupes d'individus entièrement différenls:
dans un cas des adultes ont été examinés, dans l'auln
des enfants. Les deux groupes, cependant, ont donne
des résultats presque identiques; si nous nous basons
sur les moyennes des caractères physiques et mentaux,
nous sommes amenés à une conclusion parfaitement
définie: c'e^t que les cavactèrcs mentaux chez l'Iiomnie
sont hérédités de la iiièinc manière que les caractères-
physiques. Notre nature mentale est, autant que notre
nature physique, le résultat de facteurs héréditaires.
L'erreur probable des coefficients donnés est d'en-
viron 0,02 au plus; les différences entre les valent s
individuelles et leur siguification seront examinées
dans le mémoire final.
SOCIÉTÉ DE COIMIE DE LONDRES
Séance du a Uécemhre 1901.
M. G. -T. Morgan a étudié l'influence des substilii-
lions sur la formation des diazoamines et des composas
aminoazoïques. Les dérivés bisubstitués de la j;/-plii -
nyli'nediamine ayant une position para ou orlho lilu e
par rapport aux radicaux aminés réagissent avec li >
sels de diazoniura pour donner des composés amino-
azoïques presque en quantité théorique. Les diamines
de formule générale :
ayant des substitutions à la fois en para et ortho
condensent beaucoup moins facilement, et le ren
nient est faible. Par contre, les deux séries de ba
se combinent avec la primuline diazotée sur la fibre
colon, les diamines de la première série donnant <
composés azoïques rouge brun, tandis que celles di'
deuxième série fournissent des matières coloran
brun jaune. D'autre part, la l-chloro-2-naphtylam
réagit sur les sels de diazonium en donnant des diaz<
mines stables du type :
à;
Cl
NA2H..\z-.lf.
Dans ce composé, le groupe azoïque n'a pas de len-
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
111
(lance à émigrer dans le noyau aromatique, probable-
ment à cause d'une action préservatrice du chlore en
position orlho. — MM. A.-D. Hall el F.-J. Plymen ont
cherché à déterminer dans les sols, au moyen de sol-
vants dilués, les substances nutritives ulilisables par
les plantes. Ils concluent que : 1" On ne peut établir
aucune distinction délinio entre l'acide pliosphorique
et la potasse utilisables et non utilisables dans les sols ;
tout procédé de détermination des substances utili-
sables est donc empirique et dépend de la force el de
la nature de l'acide employé; H" les solvants faibles
donnent, sur les besoins d'un sol donné en engrais mi-
néraux, des indications plus dignes de confiance que
celles ([uon obtient avec HCl fort; ;i» parmi les acides
examinés, la solution d'acide citrique à 1 "/o donne des
résultats préférables, quoique la même interprétation
ne puisse être basée sur des résultats semblables obte-
nus de divers types de sols. — MM. A.-D. Hall et E.-J.
Russell décrivent une méthode pour la détermination
des petites quantités de carbonates dans les sols. La
matière est placée dans un ballon fermé, et les carbo-
nates sont décomposés par H=SO'' dilué. On note le
changement de pression dû au dégagement de C0-. Ou
met le ballon en relation avec un second, de volume
connu, où l'on a fait le vide. On-note de nouveau le
changement de pression; et de ces données on déduit
la quantité de CO' dégagé. — MM. F.-B. Power et
F. Shedden ont préparé de nouveaux dérivés de l'acide
galliqne ; le dinifrogallate d'élbyle C'(AzO-)=;OH i\
CO^^C-H', paillettes jaunes, F. 133^-io4°; le dinitrodia-
cétylitallale d'élhyle, F. lOo» ; le dinitrotriacètylgallale
d'éiliyle, \\ 14o'-140": le diazogallate d'étbyle,'F; 182".
>l — M. K.-C. Browning a étudié les méthodes suivantes
jiour pn'-parer le sous-crsyde de phosphore : 1° Oxyda-
lion du [iliosphore, à la tois à l'état solide et en solu-
jliûn, au moyen d'air dilué par O)-; 2° action de métaux
jBur loxychlorure de phosphore; 3" action de l'anliy-
«ride acéli(jue sur l'hypophosphite de soude. Les résul-
tats obtenus confirment, en général, ceux de Chapman
lI LiJbury, et ceux de liurgess et Chapman; cependant,
I iiileur croit que le sous-oxyde peut exister sous cer-
laiiK-s conditions. — .MM. 'W'.-A. Bone et C.-H.-G.
Sprankling, en chaufl'aut Faciale triméthylsuccinique
avec du brome à 130° en tube scellé, ont obtenu l'anhy-
dride bioraotriraéthylsucciriique. F. lO^o-igS". Par la
méthode de Hell-Volhaid-Zelinsky, et en traitant par
l'alcool, on obtient un mélange du corps précédent et
de broniotriméthylsuccinate d'éthyle. Ce dernier réagit
sur le soiliocyanàcétate d'éthyle en donnant un éth^er
cyané, qui, par hydrolyse, fournit, non l'acide i-cam-
phoronique, comme on pourrait s'y attendre, mais
l'acide ax-diméthylbutane-aa',3-tricarboxylique isomère,
F. 137<>-138<'. — .MM. H.-E. Armstrong e"t T. -M. Lowry.
en décomposant par la chaleur les sulfobromures des
acides camphorsulfoniques non substitués de Reychler,
ont obtenu un bromocamphre fondant à 79"; [x]ù ^ 18°
en solution dans l'acétone. C'est le ^-bromocamphre,
car il donne par oxydation l'acide fi-bmmocarapho-
rique. — M. O. Forster, en bromant directement le
i-hydroxycampbène en solution acétique glaciale, a
obtenu le même ,3-bromocamphre. Il cristallise en
aiguilles prismatiques incolores. La potasse alcoolique
le transforme en un acide non saturé appartenant pro-
bablement à la série campholénique. — M.M. A.-'W.
Crossley et H.-R. Le Sueur, en traitant le 2:G-dicéto-
4:'t-diméthylhexaméthylène par le pentacblorure de
phosphore, ont obtenu le 2:6-dichloro-i:4-diméthyldi-
hydrobeiizène. Traité par le sodium, il fournit le 4:4-
dimétliylddiydrobenzène, homologue avec les terpènes.
— MM. H-.È. Armstrong et E. Horton poursuivent
leurs recherches sur le rôle joué par l'altinité rési-
duelle dans la formation des dérivés de substitution.
Ils déterminent l'influence orientatrice du soufre eu
étudiant comparativement les éthers thiobenzénoides
et les éthers o.xygénés correspondants. Il semble que,
s'il est protégé contre l'oxydation, le soufre se com-
porte comme roxvgéite.
ACADEMIE DES SCIENCES DE YIENNE
Srance du 5 Dicembvo 1901 (siiilc).
Sciences n.\turelles. — M. A. von Kœlliker envoie
un mémoire sur un noyau de cellules nerveuses
encore inconnu dans la moelle épinière des Oiseaux.
— M. R. von 'Wettstein indique les résultats prip-
cipaux de l'Expédition qu'il a dirigée dans le Sud
du Brésil à la demande de l'.Xcadémie. ^ .M. J. Cvijic
expose les résultats tectoniques de ses nombreux vovagcs
en Macédoine et dans la Vieille-Serbie, dans le rnassil
du Khodope. Deux phénomènes tectoniques principaux
ont été établis : le plissement préoligocène et les
rejets oligocènes et iiéogènes. Les nombreuses direc-
tions des plis se laissent réunir en deux groupes : la
direction des couches paléozoïques et mésoziiïqnes de
la -Macédoine occidentale indique le groupement des
plis nord-dinariques et albanais.
Srance du 12 Drremlire 1901.
1» Sciences matiuîmatiques. ^ M. E. Oekinghaus: La
statistique mathématique au point de vue général el
dans son application aux mouvements de la popu-
lation.
2" Sciences physiques — .M. H. W. Hirschel. en
chauffant le pyrogallol avec la potasse et le bromure
d'éthyle, a obtenu, outre l'éther friéthylique, un mé-
lange de substances d'où il a retiré, par distillation
fractionnée dans le vide : 1° l'éther Iriéthylique de
l'éthylpyrogallol, donnant des dérivés nitiés caracté-
ristiques ; 2° l'éther diéthylique de l'éthylpyrocaté-
chine, doiniant également des dérivés nitrés; là forma-
lion de ce corps doit être attribuée à une réduction
interne au lours de l'alkylaiion du pyiogallol. L'auteur
a également préparé des dérivés bromes et nitrés do
l'iHher triéthylique du pyro^'allol. — .M.M. J. Herzig et
J. PoUak ont poursuivi l'étude de la brésiline et de
l'hématoxyline. Le dérivé acétylé du produit de réduc-
tion de la brésiline contient quatre atomes d'oxygène,
dont trois sous forme de groupe hydroxyle. Les auteurs
ont également préparé des dérivés déhydrogénés. —
M.M. S. Frankel el A. Kelly, en traitant la chitine par
l'acide sulfuiique concentré, ont obleuu un produit so-
luble dans l'eau, insoluble dans l'éther, cristallisant de
l'alcool méthylique, fondant à 190» avec décomposition,
et qui est une monoacétylcbitosaraine acétylée à l'azote.
Ils ont obtenu, en outre, une monoacétyldichitosamine
isomère avec la chitosane. Les auteurs croient que la
chitine ne dérive pas d'un biose, mais d'un polysac-
charide.
3° Sciences NATURELLES. — M. F. Steindachner a étu-
dié les Polycliètes de profondeur recueillis par .M. E. von
.Marenzelleren 1893-94, au cours de l'expédition autrichien-
ne de la Méditerranée orientale et l'.^driatique. Il n'a pas
trouvé de nouveaux genres, mais une série de formes
rares, qui n'avaient été rencontrées jusqu'à présent que
dansl'Océan .\llanlique. — M. R. 'Wagner décrit la struc-
ture et le mode de floraison des panicules de Phlox
paniculata. — .M. J. Steiser a étudié les lichens re-
cueillis en 1898-99 par M. 0. Siinony au cours de l'E.x-
pédition autrichienne dans le sud de l'Arabie, à Soco-
lora et dans les iles voisines. Sur dix-huit espèces, il y
en a dix nouvelles. ^- M. A. Jakowatz expose ses
recherches comparées sur le prothalle des Fougères.
Le développement commence, chez toutes les formes
éfudiées, par un stade filamentaire; celui-ci se termine
très fréquemment par la formation de cellules inca-
pables de division ipapilles). La formation superficielle
du prothalle est précédée de la production d'une
cellule de coiffe sur le côté du stade filamenteux. Celle-
ci concorde souvent avec la formation d'un rameau,
dans l'axe duquel se trouve la cellule de coiffe. Le dé-
veloppement de la surface du prothalle se fait ensuite
par segmentation de la cellule de coiffe. Les segments
ont une croissance limitée et se terminent souvent par
des cellules papillaires. — M. Palla rend lompte de
112
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
son voyage scientifique à Buitcnzorg; il a surtout étu-
dié les Ciiampignons et les Cypéracées.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
Séance du 28 Décciiihre 1901.
1° SciKNCEs MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : L'iir
formule pour le volume (l'un prlsmoïdc. Le volume de
tout polyi'dre, ayant pour buses doux polygones quel-
conquHs situés dans des plans parallèles, el pour laces
latérales des trapèzes ou des triangles, est expriniô par
1
la formule - /; (S-}- 1 + 4 M), où h désigne la dislance
des deux faces parallèles, S l'aire de la face supéiieure,
I l'aire de la face inférieure, et M l'aire de la section
moyeune, équidislaiile des deux bases. I, 'auteur la
remplace par :
,p
S +
)iq-r
1 +
ou W,j représente l'aire de la section parallèle, dont les
distances aux faces supérieure et inférieure sont entre
elles comme /) et i/. Il en déduit les deux cas particu-
liers
7/'(l + :!MV
y" (m'
1, /..i+v/:; +M-'+^'
i + \/5^-'i+\/-
?)■
M. P. H. .Sclioute présente, au nom de M F.-J. Vaes :
Décomposilion en facteurs. En 1643, Fermai décomposa
un nombre, proposé par Mersenne. bans une lettre
dalcie « Toulouse, le 7 avril », on trouve : .- Vous me
demandez si le nombre 100. 893.098. 169 est premier ou
non, et une méthode pour découvrir, dans l'espace
d'un Jour, s'il est premier ou composé. A cette question,
je réponds que le nombre est composé et se fait du-
produit de ces deux : 898.423 et 112 303, qui sont pre-
miers ». Au contraire, en 1640, Fermât croyait encore
que 2-"4-t donne des nombres premiers pour loules
les valeurs de n, tandis que, presque un siècle plus
tard, Euler trouvait que le nombre 2- -|- 1 de dix cbiffres
est décomposable en 041 el 6.700.417. Si, en 1643, Fer-
mât était en possession d'une méthode qui lui permît
de décomposer un nombre de 12 ligures, pourquoi ne
l'appliquait-il pas à ce nombre de dix chiffres'.' L'auteur,
qui vient d'inventer un petit code d'algorithmes pour
la décomposition de nombres considérables, est porté à
croire que Fermât ne possédait qu'une mélhnde parti-
culière apidicable à des nombres particuliers, et que,
d'avance, il avait imposé une condition limitante aux
nombres qu'où lui proposerait. Peut-être, la corres-
pondance entre Fermât et Mersenne donne-t-elle des
indications là-dessus'? Dans ce cas, elle nous peut
apprendre si parfois une des méthodes de l'auteur,
trop subtiles pour être dévclnppi'es ici, a quelque res-
semblance avec la méthode originale de Fermât. — Sont
présentés : 1° au nom de M. K. Bas : ■• Les systèmes de
racines d'un système de n équations homogènes à
n-\-{ variables •, el 2" au nom de .M. C. Easton : « La
distribution de la lumière galactique, comparée à
celle des étoiles relativement brillantes dans la voie
lactée boréale ». Sont nommés rapporteurs du premier
travail M.M. Kluyver el W. Ka[)teyn, du second travail
MM. .I.-C. Kapteyn et E.-F. vau de Sande BaUhuyzen.
2" SciE.NCKs PHYSIQUES. — M. IL K,i merlingh Onnes
présente, au nom de M.L.-H. Siertsema: l.ii dispersion
de In rotation mnr/iiétique du plan de polarisation dans
les solutions de sels à rotation iiéffative. Cette romiuu-
nicalion, qui porte le sous-titre : « Suite des recheréhes
avec le prussiate rouge de pota?se », contient les résul-
tats de nouvelles mesures faites avec des appareils
améliorés; elle corrige donc les résultats obtenus aupa-
ravant {Srcliivcs néerlandaises, série 2, tome V, p. 4471.
— M. P. Zeeman présente, au nom de M. J.-"W. Giltay :
L'action lie la bobine (finduction dans les appareils
télépboniques. Seconde partie (pour la première partie,
voir Hev. rjénèr. des Se, t. XII, p. 1151). L'auteur
attaque le problème de l'inlluence du noyau de fer
doux, de deux autres manières. Dans la première partie,
il a tenu compte de l'influence nuisible, aussi bien que
de l'inlluence favorable ; ici, il publie une méthode où
l'inlluenie nuisible est éliminée, et une autre méthode
intermédiaire. Il attribue à deux causes différentes le
phénomène ob^^ervé, que le fer rend moins de service
dans les bobines d'ordre supérieur: d'abord, à ce que
le fil secondaire des bobines d'ordre supérieur est
enroulé surun cylindre de plus grand rayon, de manuir
que les lignes de force qui émanent du fer coup» ut
deux fois l'espace creux du cylindre; ensuite, a l'alfai-
blissement qu'éprouve le courant primaire quand on
l'ait (uitrer le fer dans le cylindre, par l'augmentation
de l'induction propre, affaiblissement plus grand chez
les bobines d'urdre supérieur. Voici ce que le service
téléphonique peut mettre à profit. Dans le cas di- c.'iMes
lélé|ilioniques assez longs, où l'on doit éviter Imiics les
pelites influences qui exercent une action affaibli-sanle
sur le transport du son, on a la coutume, pendant
iju'on reçoit une dépêche, d'exclure, en poussant un
bouton, le til secondaire de sa propre bobine, afin que
le courant téléphonique ne soit pas affaibli par l'induc-
tion propre de ce fil secondaire entourant le noyau de
fer iloux. En se servant d'une bobine à plus d'enroule-
ments, et en supprimant le noyau de fer, cette induc-
tion propre serait beaucoup plus petite, et peut-être
l'exclusion ennuyeuse du fil secondaire, pendant qu'on
écoule, ne serait-elle plus nécessaire. .Mais, il va sans du •■
que l'exclusion de sa propre bobine est un moyen [iIm^
efficace. — M. H. E. J. G. du Bois présente -.'Toupi,^
p(darisées asymétriques. On ne connaît pas une solu-
tion générale du problème : déterminer le mouvcmenl
de rotation pure — exempt de glissement, — d'un corps
solide asymétrique polarisé autour de son centre de
gravité, quand il se trouve dans un champ uniformé-
ment dirigeant. Plusieurs mathématiciens (Sophie
Kowalevski, H. Liouville, T. Levi-Civita, N. Joukovsk\,
\V. Hess et 0. Staude) se sont, il est vrai, occupés de
problèmes analogues, et ont étudié des cas très parli-
culier.<, plus ou moins inlégrables. Ces considérations,
pour la plupart très ingénieuses et admirables, n'ont
toutefois que peu d'importance pour des projets phy-
siques, à l'exception des recherches de M. Staude
(Journal de Crelle, t. CXIII, p. 318, 1894), qui ne se
caractérisent pas par une spécialisation trop limitanli'.
Mécemment, l'auteur s'est occupé du cas de la toupii;
magnétocibéti(iue {Archives w'erlandaises, série -2.
tome V, p. 242; tome VI, p. b81). Dans la dernière de
ces deux publications, il s'est servi de quelques for-
mules, dont il fait suivre ici la démonstration. Il con-
sidère le cas où la position initiale d'un des axes OZ de
l'ellipsoïde central d'inertie coïncide avec la direction
du champ, et suppose que la composante .M; du
moment de polarisation suivant cet axe s'annule, de
maidère qu'on n'ail affaire qu'à une polarisation équa-
toriale dans le plan OXV, mobile avec la toupie. L'ac-
tion résultante du champ magnétique est décomiicisi-e
en une influence isopt'riodique, et une influence adiafi-
tique, etc. — M. L I). van der Waais présente, au i i
de .\l. Ph.-A. Kohnstamm : 1" la thèse : " Itechenln s
e.xpérinienlales sur la théorie de van der Waals. la
surface PT\. Etudes préparatoires et méthodes », et
2" une communication : Sur la forme d'une isoiliennr
empirique d'an mélange binaire. Dans cette communi-
cation, l'auteur amplifie el corrige quelques résullais
publiés dans sa thèse. " (.4 .<ui\rc.)
P.-H. SCHOUTE.
Le Directeur-Gérant : Lftûis Olivier.
I,. M.\UKTiiErx. imprimeur, 1. rue C.issftUe.
13" ANNÉE
N° .•{
13 FÉVRIER 1902
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
Directeur : LOUIS OLIVIER, Docteur es sciences.
Adresser tout ce qui concerne la réilaction à -M. L. OLIVIER, 23, rue du Ciînérai-Foy. Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres el des 1rs
publiés dans la Rtvue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, ta Norvège et ta Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
S 1-
Solennités scientifiques
Hoinn)as,-e au Professeur J.-E. Hlarey. —
Le diiiianclie 20 janvier, — alors que la chronique de
nolie pn''cédeQte livraison était déjà eu pages, — une
louchante cérémonie réunissait au Collège de France
les élèves et amis du Professeur Marey. Ceux-ci remet-
taient à l'illustre physiologiste une médaille destinée
à (.ùinméniorer le c inqiianlième anniversaire de ses
premiers travaux scientifiques. A cette occasion, des
discours ont été prononcés : par M. Caston Paris, au
nom du Collège de France : par M. François Frank,
au nom des élèves du Maître; par M. Chauveau, l'ami et
le collaborateur depuis quarante-deux ans de M. Marey;
enfin par M. Leygues, ministre de l'Instruction publique,
au nom du (iouvernement.
M. Marey, en remerciant ceux qui venaient de lui
offrir ce témoignage d'estime et d'alTection, a dit quelques
mots de la grande œuvre à laquelle il s'est attaché plus
particulièrement depuis quelques années et à laquelle
il désire consacrer désormais la plus grande part de son
aciivité : le conirôle des inslrumenls de Physiologie el
l'unilication des méthodes d'inscription, tjrùce au con-
cours de l'Association internationale des Académies,
rinslitut de conirôle est né; les grands services qu'il est
appelé à rendre aux sciences expérimentales seront un
titre de gloire de plus pour celui dont la vie scienlinque
a été une longue préparation à celte utile entreprise.
Eleetîon d'un savant fi-an^^ais au Poljteoli-
iiîkuni <le Zurich. — Notre collaborateur M. Pierre
\\eifs vient d'élre nommé titulaire de la chaire nouvel-
lement créée à l'Ecole Polytechnique fédérale, à Zurich,
pour l'enseignement, en langue française, de la Phy-
sique expérimenlale.
Au regret de voir M. Weiss quitler l'enseignement
qu il avait si bien commencé à Lyon, se mêle, pour
1 Fniversité de France, la satisfaction de constater
combien est appréciée à l'Etranger la jeune et brillante
Ecole de Physique qu'elle a formée : l'hommage qu'un
paysami rend aujourd'hui à l'un des plus distingués
■représentanis de celle Ecole, touchera, nous n'en
'doutons pas, tous nos lecteurs.
UEVCE GÉNÉRALE DES SCIE.NCES, 1902.
Pour qui sait, d'ailleurs, le soin avec lequel le Conseil
scolaire suisse procède ù toute proposition au sujet de
la nomination des professeurs de son ressort, le choix
qu'il vient de faire de noire compulriote puraiiia par-
ticulièrement honorable.
S 2
Nécrologie
Charles .^launoir. — Une perte particulièrement
douloureuse a été é( rouvée par la Société de Ci^ogra-
phie de Paris : Charles Maunoir, qui avait été si long-
temps son socrélaire général, a succombé récemment
aux suites d'une longue maladie.
Né à Poggi-Bonsi (Toscane) le 2.1 juin 18.30, Charles
Maunoir, lils d'un médecin renommé de Genève, fit ses
études dans cette ville et vint à Paiis, où il fut reçu à
l'Ecole Centrale en 18SI. Il se fit naUiraliser Français
et s'engagea dans les Chasseurs à cheval : mais un grave
accident l'obligea à quitter l'armée; il fut alors "atta-
ché au Dépôt des cartes du Minisière île la (nierre, el
il dirigea ce service pendant de nombreuses années
avec une rare compétence.
Membre de la Société de Géographie d^'puis I8.1!i, il
en fut secrétaire général pendant trente ans, de 1807
à 1897. Durant celle longue pi^rinde, il exerça une
action des plus profilables au développement de celle
association. Quand Maunoir assuma les lourdes fonc-
tions de secrétaire général, la Société u'iMait encore
qu'un groupement de quelques érudils. Il contribua
puissamment à en faire ce qu'elle est aujourd'hui, une
associai ion nombreuse et considérée, une véritable
institution nationale. En favorisant ainsi, après nos
malheurs, le i éveil des études géographiques, il a fait
une œuvre éminemment utile au pays. Il a, par là, pré-
paré le grand mouvement d'expansion qui a marqué
ces dernières années, car il a éveillé ainsi la vocation
et le zèle chez beaucoup de voyageurs, auxquels il n'a
ménagé ni les conseils ni les appuis.
Par son tact parfait, par son espiil conciliant, par l.i
rcctilude de son jugement, par sa modestie, Maunoir
était un noble et exquis caractère. A ces hautes qua ilés,
il ajoutait une science profonde. Il en a donné des
preuves dans de nombreux mémoires savanls, on il a
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
traité nolamment des questions relatives à la Topo-
s,'rapliie et aux procédés d'exécution des cartes, dans
les volumes de VAniiée géograpliique qu'il a publiés
(1816-1877-1878) en collaboration avec son ami Henri
Duveyrier, mais surtout dans ces Rapports nnnuels sur
les travaux de la Société de Géographie et sur les pro-
grès des sciences géographiques, qui sont de vrais mo-
dèles du genre, aussi remarquables par la précision
des informations que par la sûreté de la critique et
l'élégance de la forme. Réunis en trois volumes (Paris,
1895-1896-189S, in-S"), ils constituent une source pré-
cieuse de renseignements pour l'hisloirr Ac la Géogra-
phie de 1867 ta 1892. G. Regelsîperger.
Le Docteur Ballay. — Le D' Uallay, gouverneur
général de l'Afrique occidentale française, est mort à
.Saint-Louis (Sénégal), le 2'i janvier, des suites de l'af-
fection diabétique dont il souffrait depuis longtemps.
C'est un deuil pour le monde colonial et une grande
perte pour le pays tout entier, qu'il a servi avec un
dévouement sans bornes. Après s'être distingué comme
explorateur, il a fourni dans l'administration coloniale
une magnifique carrière.
IN'é à Fontenay-sur-Eure (Eure-et-Loir), le 14 juillet
1847, Noël-Eugène Ballay entra dans le Corps de Santé
de la Marine et, en 1875, il fut choisi par M. de Brazza
pour l'accompagner en qualité de médecin. De 187!j à
1878, ils explorèrent ensemble l'iJgooué et découvrirent
le cours supérieur de l'Alima et de la Licona.
Uallay retourna en Afrique après un court séjour en
P'rance et continua ses explorations avec M. de Brazza.
En juillet 1882, il remonta l'Ogooué et, par la rivière
Lékéti, atteignit l'Alima, qu'il réussit à descendre pour
la première fois jusqu'au Congo. Il fit sur l'Alima et
le Congo d'importants levés topographiques, qui per-
mirent d'établir la carte de celle région nouvelle. Le
D'' Ballay séjourna au Congo jusqu'au mois de mai
18S4.
De retour en France, il fut délégué par le Gouverne-
ment pour prendre part aux travaux de la Conférence
de Berlin. En 188b, il fut. nommé, avec le Comman-
dant Bouvier, membre de la Commission de la délimi-
tation du Congo français et de l'Etal indépendant; il
rapporta de cette Mission de précieuses observations
géographiques. Le D'' Ballay quitta alors le Service de
Santé de la Marine et, le 27 avril 1886, fut nommé
lieutenant-gouverneur du Gabon.
En 1890, Ballay fut chargé par le Sous-Secrélaire
d'Etat des Colonies, M. Etienne, d'organiser la haute
administration des Rivières du Sud, qui venaient d'être
détachées du Sénégal, et il fut le premier gouverneur de
la nouvelle colonie, devenue la Guinée française, do
laquelle dépendirent jusqu'en 1893 la Côte d'ivuire et
les Établissements du Bénin.
A son arrivée dans les Rivières du Sud, Konakry n'élait
qu'un village de quelques paillotes dans l'île de Tiniho.
]*;n peu d'années, il a su, grâce à son aclivilé et à
son habile administration, en faire une véritable ville
européenne et l'un des ports les plus importants de la
Côte occidentale d'Afrique. La prospérité de la colonie
de la Guinée française est l'œuvre du D'' Ballay. C'est
aussi grâce à lui qu'a été décidée l'exécution d'un che-
min de fer destiné à rejoindre Konakry au Niger navi-
gable.
En 1900, au moment où la fièvre jaune venait d'écla-
ter au Sénégal, faisant de nombreuses victimes, le
D'' Ballay s'ollrit spontanément pour faire l'intérim du
Gouvernement général de l'Afrique occidentale, à la
place de M. t^haudié, que sou état de santé obligeait ;i
rentrer en France. C'était un arto d'héroïque dé-
vouement. Grâce aux mesures sévères qu'il prit, il
réussit à rassurer les esprits et à conjurer le fléau.
Peu de temps après, il fut nommé gouverneur général ;
mais sa santé était déjà ébranlée et, lorsqu'en novem-
bre dernier il retournait encore une fois à son poste,
il semblait aller, comme il en eut lui-même la claire
vision, au-devant de la mort. G. R.
S 3.
Mécanique
La loi des déformalious élastiques. —
Dans un ouvrage très répandu en Allemagne, Elas-
ticitirt iiiicl Fealigkoil, M. Bach conclut, d'un impor-
tant ensemble d'expériences, que la loi des déforma-
tions élastiques en fonction des efforts, loin d'êlre
linéaire, comme on l'admet en général depuis Hooke,
est une loi exponentielle, de la forme :
dans laquelle le coefficient A et l'exposant m varient
suivant les cor[)s, le dernier pouvant être plus grand
ou plus petit que l'unité.
Cette loi étant admise, on remarquera que, pour de
très petites forces, le rapport des déformations aux
efforts pourra devenir nul ou infini, et ne s'approchera
d'une limite que dans le cas où l'exposant est égal à 1,
c'est-à-dire, conformément à l'interprétation moderne
de l'idée de Hooke, lorsqu'il existe un module d'élasti-
cilé limite bien défini.
Lorsque, dans l'application des formules do l'élasticité,
on ajoute à l'expression élémentaire de la loi de Hooke
des termes correctifs, on leur donne en général une
forme telle qu'ils deviennent des infiniment petits du
deuxième ordre au moins, quand l'effort est un infini-
ment petit du premier ordre. C'est dans cette hypothèse
que l'on peut admettre l'isochronisme des petites oscil-
lations, tandis que, dans l'application de la loi de
Bach, on devrait s'éloigner d'autant plus de l'isochro-
nisme que l'amplilude des vibrations serait plus
faible.
L'importance des changements que l'adoption de la
loi de Bach apporterait dans nos conceptions concernant
les plus petits mouvements de la matière, comme aussi
la grande et légitime autorité de léminent professeur
de Stuttgard, exigeaient que la question fût soumise à un
nouvel examen expérimental par les soins d'un métrolo-
giste accompli. C'est ce que vient de faire M. Kohlrausch,
dans un travail fort bien conduit, exécuté avec la col-
laboration de M. Grûneisen.
Les écarts de proportionnalité étant, dans l'hypothèse
de Bach, particulièrement sensibles pour les petites
déformations, il était nécessaire de partir d'un état de
la matière en repos élastique complet.
Les expériences de flexion ont donc été faites sur des
baguettes minces, placées de champ sur un support,
et dont on déterminait les courbures dans le sens
horizontal, par l'observation de la variation d'incli-
naison relative de deux miroirs tixés aux extrémités
de la lame, lorsqu'on la déformait par une force dirigée
horizontalement.
Les expériences ont porté- sur le laiton, la fonte
grise, le fer forgé et l'aidoise. Les plus petites défor-
mations mesurées étaient de l'ordre d'un di.x-miUionième
pour la fibre la plus tendue. Les plus giandes défor-
mations étaient de 300 à 1.000 fois supérieures aux
petites.
Voici les résultats auxquels ces expériences ont con-
duit :
/''(•/■ l'orgé : Les expériences, compensées au moyen
d'une fonction linéaire, s'écartent de cette dernière,
i>n moyenne, de 1/3.000 environ de la plus grande
déformation observée;
Laiton : La proportionnalité est moins parfaite que
dans le fer, mais la compensation est bonne avec un
terme quadratique très petit. Les résidus élastiques
dans les grandes déformations rendent le résultat un
peu incertain;
Fonte grise : Les déformations vont sensiblement
])lus vite que les efforts, suivant une forme un peu
compliquée, qu'une formule du deuxième degré repré-
sente insuffisamment. En revanche, la formule ;
^ = A/-+n/'^,
CHRONIQUE ET CORRESPONDAJVCE
113
le; r.nluil d'une manière très salisfaisante les données
de l'expérience. Dans i;e cas aussi, les nombres ne
donnent pas la moindre indication d'une discontinuité
->" 'lisinage des forces nulles;
ioise : Même pour ce corps, les résultats ont
lès réguliers, montrant seulement une marche
li^irerement accélérée des déformations par rapport
aux efforts. 11 est intéressant de mentionner la valeur
du module de l'ardoise, éeale à 11.400 — -^, c'est -à-
dire tout à fait Je l'ordre du module des bronzes de
bonne qualité.
L'ensemble de ces expériences, comme aussi les
observations faites sur les lames vibrantes, conduisent
à conclure que rien, jusqu'ici, n'autorise à abandonner
une lui lies déformations élastiques dérivée de celle
de Hooke et se réduisant k cette dernière pour des
déformations très petites.
ï; i. — Chimie générale
La notion de valence et les eonibinai.sons
non saturées. — La considération de la vuleiice des
atonies, dérivant de l'ancienne théorie des typos de
lierhardt, a été d'abord accueillie très favorablement.
Cet accueil, dû à la facilité d'exposition que cette no-
tion introduisait dans la classilicalion des métalloïdes
de Oumas, fut encore justifié dans la suite par la pério-
ilicité de l.i valence qui ressort du tableau de Men-
déléeff, périodicité si remarquable que .M. Sabatier a
pu baser sur elle une classilication des élc'meiits en
dix-sept séries naturelles très homoiçènes'. Cependant,
la valence d'un élément a paru être, à mesure que l'on
découvrait de nouveaux composés, une grandeur si
variable, que les chimistes ont une tendance très mar-
quée et très naturelle à renoncer à cette notion. Dans
sa dernière Uevue annuelle de Chimie-, M. Ktard ca-
ractérisait celte tendance par cet énoncé pittoresciue :
M Tous les éléments ont toutes les atomicités : ils font
ce qu'ils peuvent dans des conditions déterminées, ou
ce qu'ils veulent pour être au mieux dans le milieu où
la Nature les met. >.
Cette queslioii préoccupe pourtant encore certains
chimistes, en particulier M. F. Willy Hinrichsen, qui
annonce comme prochaine la publication d'un travail
inlilulé : •< Sur l'état actuel de la théorie des valences. »
Un résumé de son opinion sur la théorie des combi-
naisons non saturées^ va montrer, en elïet, que la
théorie de la valence n'a peut-être pas fourni tout ce
qu'elle est capable de donner, et que, s'il convient,
comme le dit M. Etard, d'en diminuer l'importance dans
Tenseit-nement, elle est encore susceptible d'intéresser
les chimistes et de soulever des controverses.
• m appelle composé non saturé, en Chimie inorga-
nique, un composé dans lequel certains atomes n'in-
terviennent qu'avec une capacité de combinaison' in-
férieure à une certaine valeur maximum; un tel
composé offre la particularité de pouvoir donner des
produits d'addition jusqu'à formation d'un composé
.saturé, ilaiis lequel le maximum en question est atteint.
Kemarquons, d'ailleurs, que parler de combinaisons
saturées et non saturées comporte tacitement l'hypothèse
que la valence d'un atome possède une valeur constante ;
considérer la valence comme variable et attribuer, par
exemple, à la variabiliti' de lavalence du soufre l'existence
de .'^0- et de SO'.ce n'est pas donner une théorie, c'est
tout simplement exprimer des faits, ou encore énoncer
la loi des proportions multiples. L'ne véritable théorie
des composés non saturés devra, en partant de l'hvpo-
' Ann. Fac. Se. Toulouse, 1890.
- fifvue dc-uér. des Scianees, t. XII. p. 1Û73, i:; déc. lî-Ol.
= Zeitschr. f. physik. Chem., t. XXXI.K, p. 304, 1901.
■"Nous n'employons cette expression qu'à défaut d'une
mfiilli'iire; on pourrait aussi bien dire, au lieu de capacité
de combinaison, nombre d'affinités échangées, ou nombre
de liaisons.
thèse d'une capacité de saturation invariable, expliquer
pourquoi, dans certains cas, la capacité de combinaison
n'atteint pas son maximum.
Et cela est si vrai que, dans la Chimie organique,
dont le développement est relativement récent, la
théorie atomique considère l'atome de carbone comme
quadrivalent; elle admet qu'il ne peut pas exister de
valences libres du carbone non saturées', et fait
intervenir les doubles et les triples liaisons. Nous ver-
rons tout à l'heure quelles critiques on peut formuler
contre cette hypothèse des liaisons multiples; mais,
pour le moment, nous nous contenterons de remariiuer
que : 1° cette distinction entre les combinaisons non
saturées de la Chimie organique et celles de la Chimie
inorganii[ue est loin d'être satisfaisante pour l'esprit;
2° d'après la définition donnée ci-dessus pour les com-
posés non saturés, l'ammoniac sera un de ces compo-
sés, puisque, dans Azll '. Az ne possède que trois liaisons
avec l'hydrogène, tandis que. par addition, on peut
former le composé Azll 'CI, où Xz atteint sa capacité de
saturation : o.
M. Hinrichsen a essayé d'éviter ces objections, et sa
théorie est basée sur les remai ques suivantes :
M. Vaut' Hoff a déduit, de certaines hypothèses sur
la relation entre l'étal cinétique d'un atome et sa va-
lence, que les affinités doivent être d'autant moindriis
que la température est plus élevée. Les exemples de
dissociation, tant des corps composi'S que de la vap'^ur
d'iode, par exemple, semblent bien vérifier cette loi.
D'autre part, M. Blomstrand a pu observer que.
chaque fois que le caractère éleclrochimique, positif
ou négatif, d'un élément, est bien net, cet élément
présente la ca[iacité de combinaison minimum. Par
exemple, dans l'aciile sulfhydiique H'S, on le sonfie
est, sans aucun doute, l'élément électronégatif, S e^t
divalenl; si son car.ictère négatif diminue, sa capacité
de combinaison augmente : on ne connaît p;is de
combinaison SO, il exisie SO', et SO^ est encore plus
stable. Celte hexavalence semble correspondre à la satu-
ration, comme cela résulte encore de la très grande
stabilité de l'hexalluorure de soufre SF*, où le caractère
éleclronégatif du soufre a tout à fait disparu. Eu géné-
ralisant un peu cette remarque de .M. Blomstrand , on
peut énoncer : La quantité d'énergie que possède un
atome (ou peut-être mieux : l'activité d'un atome' e>l
d'autant plus grande qu'il possède une moindre va-
lence. Elfectivement, le passage de. S(V à SO" est
accompagné d'un dégagement de chaleur, c'est-à-dire
que, lorsque le soufre passe de l'état quadrivalent à
l'éiat hexavalent, il y a perte d'énergie.
Puisqu'il est ainsi" établi que certains facteurs : tem-
pérature, caractère électrochimique, peuvent avoir de
l'inlluence sur la capacité de combinaison des atomes,
rien n'empêche de supposer que, si, dans les combi-
naisons non saturées, certains atomes paraissent
n'avoir qu'une capacité de combinaison inférieure à
leur capacité habituelle, c'est que les circonstances ne
sont pas favorables à la capacité maximum, et que. à
cause de ces circonstances mêmes, certaines valences
restent libres. C'est là l'hypothèse de M. Hinrichsen,
d'après laquelle, dans AzÔ, Az présente une valence
libre, de même que Hg dans HgCI, tandis que C dans
CO et Sn dans SnGl= présentent deux valences libres.
Ce qui est surtout intéressant dans cette théorie,
c'est qu'elle s'applique aussi aux combinaisons non
saturées de la Chimie organique, et qu'elle permet alors
une unité do vues tout à fait satisfaisante.
Voici quelques-uns des arguments par lesquels
M. Hinrichsen établit la supériorité de sa théorie sur
l'hypothèse des liaisons multiples :
Le passage de l'éthane à l'acétylène n'est autre chose
qu'une simple décomposition en :
' On néi;llf;e le cas de l'oxyde de carbone, ou on le con-i-
dére comine une exception, ou encore on s'en débana-se
en prétendant qu'il appartient à la Chimie inorganique, ce
qui est une défaite bien puérile.
116
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
I I
cil' — ciP = CH — (;H + 2n-,
(]ui n'imiilique pas la formation d'un lien plus intime
entre les deux atomes de carbone, et qui est d'accord
avec la remarque de M. Vant' HofT.
Le passage de la chaîne acélylénique à la chaîne
élhyléiiique ou saturée se fait avec dégagement de
chaleur, c'est-à-dire perte d'énergie. Cela cadre tout à
fait avec l'observation précitée de M. Hiomstrand. De
plus, dans l'acétylène et dans ses dérivés, les carbures
métalliques, le carbone est nettement électronégatif,
ce qui s'accorde avec sa capacité de combinaison
moindre.
Enfin, il est un fait d'expérience : c'est que le volume
moléculaire est, ainsi que la réfraction moléculaire, gé-
néralement plus grand dans les cas où l'on admet des
doubles liaisons entre les atomes que dans les cas de
liaisons simples; or, on concevrait, au contraire, qu'une
double liaison produisît un rapprochement des atomes
dans la molécule; tandis que, si l'on admet qu'un
atome ayant des valences libres possède une énergie
plus grande, on conçoit que les mouvements de cet
atome exigent un espace plus grand, c'est-à-dire que
le volume moléculaire soit augmenté.
IVous n'insisterons pas sur un dernier argument, qui
oITre plutôt le caractère d'une réponse à une objection
possible : dans cette théorie, rien ne s'oppose à l'exis-
tence d'un composé
01-, dans des recherches récentes, M. Xef a dû, pour
interpréter certains résultats d'expériences, admettre
l'existence de semblables corps.
Quel que soit l'avenir de celte théorie, et quelque
vraisemblance qu'il y ait à ce qu'elle fasse prochaine-
ment place à une autre, sort commun à toute théorie,
celle-ci possède, du moins, le mérite de suggérer des
recherches expérimentales du genre de celles que nous
venons d'indiquer. Remarquons qu'il y aurait un inlérêt
particulier à expliquer par les rapports mutuels des
atomes les combinaisons dites moléculaires, et que,
comme le dit fortjustement .M. Hinrichsen, « toute dimi-
nulion du nombre des combinaisons moléculaires devra
être considérée comme un progrès de la théorie des
valences ».
§ .".. — Chimie biologique
Uccliei'clies sur la conslilution cliiiiiîqiie
<le la leiicine. — • La leucine est une substance azo-
tée, cristallisable, qu'on obtient par la digeslion avancée
des matières albuminoides; elle existe quelquefois dans
l'urine, où l'on en a trouvé à l'état de dépôt. Sous l'in-
fluence de certains réactifs, tels que la baryte et les
acides étendus, presque toutes les matières albumi-
noides étudiées en fournissent. On comprend donc que
la connaissance de cette substance soit très importante
a\i point de vue de l'étude intime des matériaux azotés
de la cellule vivante.
Mais, comme la fait observer M. Etard, on peut pré-
voir l'existence de 31 leucines isomères. Est-ce toujours
la même qu'on obtient quand on s'adresse à des maiières
albuminoides différentes? Y a-t-il,au contraire, des leu-
cines caractérisliques de certaines de ces matières?
Jusqu'ici, il serait prématuré de l'affirmer, les expé-
riences faites dans ce sens précis et nouveau n'étant pas
encore assez nombreuses.
On peut, en tout cas, se demander quelle est la
constitution de la leucine ordinaire, de celle qui a été
obtenue par la jilupart des chimistes. D'après des expé-
riences de Hiifiier, certains auteurs admettent que celte
leucine est un acide normal «-aminocaproique :
CIP -CIL — cil- — CII = — CIHAzlP) — COMI ;
mais, d'après celles de Limpricht, -Scimlze et Likernik
d'autres pensent qu'elle a pour formule :
Cil»
;CH — cil' — cil AzU- — Cii=H.
Or, ces conclusions, tirées de la constitution présu-
mée du valéral, qui a servi à la «yntlièse, reposent en
réalité sur une base peu solide : il y a trois valérals pos-
sibles, et l'on ne connaissait point, à l'époque où fut faite
la synthèse, la constitution de celui qu'on avait rais eu
œuvre.
MM. Etard et Vila ' viennent de reprendre cette ques-
tion délicate, et, comme ils sont partis de l'alcool amyli-
que préparé récemment par iM. Bémond :
CIL
■ f.ll- — cil — ClFiill,
I
CIL
la constitution du valéral et de la leucine (ju'ils onî
successivement obtenus se trouve fixée d'une mani' i
définitive.
En outre, comme cetle leucine artificielle, probali' -
ment identique à celle qu'on avait préparée avec des
valérals impurs ou indéterminés, diffère certainement
de la leucine extraite des tissus animaux, il faut con-
clure, contrairement à l'opinion classique, que la syn-
thèse de la leucine ordinaire est encore à réaliser et
qu'on s'est trop hâté d'admettre comme établie la for-
mule de constitution de cette substance.
Action des tanins et des matières colo-
rantes sur l'activité des levures. — .M. liosens-
thiel, l'émineut chimiste à qui la science des matières
colorantes doit quelques-unes de ses principales acqui-
sitions, a montré, il y a quelques années, que les
matières astringentes du jus de pomme exercent sur
les levures une action qui se résume ainsi : fonction
ferment abolie, facultés reproductrices conservées.
M. Rosensthiel a fait, depuis, de nouvelles observa-
tions, qui lui ont permis d'expliquer les anciennes- :
Le moût de raisin, coloré et stérilisé par son procédé,
se décolore en partie quand on l'ensemence avec de la
levure. Cette décoloration est de 4 :i ; mais, quand le
vin est fait, elle n'est plus que de 2,3. Il y a donc deux
causes de décoloration : une passagère, une déflnilive.
La décoloration passagère est due à l'action réduc-
trice des levures, qui transforme des matières cnlo-
rantes du raisin en dérivés incolores, qui se recolorent
ensuite.
La décoloration permanente est due à la fixation de
la matière colorante du raisin sur la levure, qui est la
seule matière solide contenue dans les moûts stérilisés.
Si l'on verse sur cette levure teinte une nouvelle quan-
tités de moûts colorés, la fermentation se fait lente-
ment, et elle peut même s'arrêter tout à fait. La levure
chargée de matière colorante perd donc son pouvoir
ferment.
I^a levure fixe anssi les couleurs d'aniline, de la série
de l'acridine, de la thionine, de la safranine. Elle
comporte comme la laine et la sdie; elle épuise le bain
si la quantité de matière colorante ne dépasse pas
3 o/o du poids de la levure sèche. En présence d'un
excès de couleur, la levure absorbe 8 " „ de son poids
de fuchsine, et " o de vert malachite. La levure ne
fixe pas les couleurs dérivées de la benziJine, excepté
la benzopurpurine.
La levure fixe de nn'me le tanin; un litre de mont,
qui contient 2 grammes de tanin, n'en renferme plus,
après fermealaîion, que 0-%2. Les pigments du raisin
sont de la famille du tanin, et se comportent comme
lui vis-à-vis de 'la levure. La levure chargée de tanin
' Cumplrs rendus Ac. Jt's Se., séance du 13 janvier \?l'i.
- liosENSTHiKi. : De l'action des tanins et des matières colo-
rantes sur l'ac-tivité des levures. Comiilrs rcmJus ilc IWca-
dcmie des Sciences, t. CXXXIV. n» 1.,
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
fi de matière colorante peut encore se cultiver. Mais
elle il perdu son pouvoir ferment.
Faisons remarquer, à ce propos, qu'à l'Institut
Pasteur on charge les microbes pathogènes de matière
colorante pour diminuer leur pouvoir pathogène.
M. Sergent y a obtenu l'immunisation du lapin au moyen
d'un pneumocoque coloré par le violet de méthyle.
§ G. — Botanique
Le diag'iioslic des bacilles encapsulés. —
On comprend sous le nom de bacilles encapsulés un
groupe de bactéries dont le type est le pneumobacille de
Friedlander, et dont les principaux représentants sont
le bacille du rliinosclérome, le microbe de l'ozène
d'Abel, le Buclcvium Lactis aerogcnes, etc. Il y a eu et
il y a encore de nombreuses discussions sur l'identité
ou la non-identité de ces diverses espèces, qui ont pour
caractères génériques d'être encapsulées, immobiles,
de se présenter ordinairement sous la forme de grands
bâtonnets polymorphes, de ne pas donner de spires,
de se décolorer par le Gram, de former sur les milieux
de culture habituels des enduits abondants, glaireux,
et de donner en piqûre de gélatine des cultures en forme
de clou de tapissier, sans liquéfaction.
Un savant étranger, M, P. Clairmont', vient de con-
sacrer beaucoup de temps à la tâche de débrouiller ces
différents types. Il a rassemblé un peu partout trente-
huit races pures, de provenance garantie, et les a
étudiées comparativement. La partie la plus importante,
ou du moins la plus laborieuse de ses recherches, con-
cerne des expériences faites en vue de dilTérencier ces
espèces par le séro-diagnostic. Il a immunisé des lapins
par des injections sous-cutanées progressives, d'abord
de cultures en bouillon stérilisées, puis vivantes, et
enfin par des injections de cultures sur agar émul-
sionnées. La durée de l'immunisation variait de
140 à 218 jours. Mais, k lire ses procès-verbaux d'ex-
périences, ou est frappé de voir que plusieurs des
animaux qu'il considère comme immunisés présentaient,
à la fin delà période de vaccination, des abcès quelque-
fois énormes avec nécrose de la peau, et l'on se demande
parfois si la mort est due à ces abcès ou à la saignée
terminale. En tout cas, il ne parait pas qu'il ait obtenu
d'immunité bien solide.
Le sérum de chaque animal immunisé avec une
ospèce a été examiné au point de vue de son pouvoir
agglutinant sur l'espèce homologue et sur les autres.
Or, de tous les sérums examinés, aucun n'était agglu-
tinant pour l'espèce homologue, sauf le sérum obtenu
en immunisant l'animal avec le Bacterium Lactis aero-
f/ivies retiré des selles de nourrisson. Les autres
espèces ne produisant pas, dans le sang des animaux
traités, de substances agglutinantes, il était impossible -
de chercher à les différencier par cette méthode.
L'auteur s'est alors rabattu sur l'essai de la valeur
préventive de ces divers sérums ; mais il l'a trouvée nulle
et par conséquent inutilisable pour son but.
Il ne lui restait donc qu'à étudier en détail les carac-
tères de culture et les propriétés biochimiques de ces
bactéries. C'est ce qu'il a fait avec beaucoup de patience.
Il conclut à la iinn-ichnlité du bacille de Friedliinder et
du Jlactevhnn Lactis aérogène, en s'appuyant sur ce
que ce dernier coagule le lait, donne plus d'acide dans
le petit-lait tournesolé, plus de gaz dans les milieux
sucrés, et présente quelques légères différences de
nuance dans les cultures sur agar et sur pomme de terre.
Il identifie le Friedlander et le bacille de l'ozène, en
faisant remarquer toutefois que ce dernier se distingue
par sa non-pathogénéilé pour le cobaye. Dans le groupe
du Friedlander, mais se différenciant par l'absence de
réaction acide dans le petit-lait tournesolé et par sa non-
pathogénéité pour la souris, rentre le bacille du rliinos-
clérome.
' P. Claihmont : Kecherches sur le diagnostic entre les
différents « bacilles encapsulés ". Zi^itsrhrift /'. Hy<J. und
Inf'-'-liookrsnkJieilco. 9 janvier 1902.
§ T. — Anatomie et Physiologie
Les phénomènes histolog-îques de la sécré-
tion lactée. — Dans un travail très bien exécuté,
M. Lémon vient de préciser un certain nombre de faits
relatifs aux diverses étapes de la sécrétion lactée'.
Dans une cellule en voie de sécrétion, la sécrétion
s'accumule dans la partie distale; la partie basale ren-
ferme le ou les noyaux (généralement 2) et des fila-
ments allongés, prenant les couleurs basiques, que
l'auteur assimile à l'ergastoplasme des frères Bouin et
de Ch. Garnier. Par un phénomène de fonte, toute la
partie distale de la cellule tombe dans la lumière de la
glande, quelquefois avec des noyaux, en dégénérescence
(graisseuse ou pycnique) ou en parfait état. La partie
basale, dont les formations ergastoplasmiques sont
devenues ramassées et trapues, reproduit la cellule
entière, et le processus recommence. Pendant tout ce
temps, le noyau renferme un nucléole tout à fait carac-
téristique. Les noyaux se reproduisent par amitose.
Dans une glande qui ne fonctionne pas, il n'y a pas
de formations ergastoplasmiques et le noyau n'a pas
son nucléole. M. Lémon conclut que « le cytoplasme
élabore le produit de sécrétion par l'intermédiaire de
filaments ergastoplasmiques situés ù la région basale ».
;:ir^,i%'^-'': § s; — Pathologie
L'Akatlilsie. — On a déjà décrit, sous le nom
d'astasie, d'alMsiê, une curieuse affection qui se traduit
par l'impossibilité pour un sujet de se tenir debout,
sous peine de tressauter, de bondir même, aussitùt
que les pieds viennent à toucher le sol. Cette afiection
s'observe chez les hystériques.
Sous le nom A'akatliisie (de a privatif, xïGiîw, je
m'asseois), .M. Haskovec (de Prague} vient de décrire
une variante de celte maladie, caractérisée par l'im-
possibilité de se tenir assis, sans aussitôt sursauter
de façon incoercible. Cet auteur en a communiqué
deux cas à la Société de Neurologie de Paris*.
Dans le premier cas, il s'agissait d'un homme de
quarante ans. A peine s'asseyait-il qu'il était pris
brusquement et involontairement de soubresauts intem-
pestifs, qui le faisaient retombernon moins brusquement
sur son siège. Ces mouvements semblaient vraiment
automatiques, involontaires, forcés, et le malade les
considérait aussi comme tels. Ce phénomène était ici
de nature hystérique.
Le deuxième cas concerne un neurasthénique de
cinquante-quatre ans, qui ne pouvait rester assis un
certain temps sans sursauter malgré lui et avec vio-
lence. Quelquefois, en se cramponnant à une table, il
maîtrisait ces sauts involontaires. D'autres fois, mais
plus rarement, il n'éprouvait dans la position assise
qu'un malaise, comme un sentiment de crainte d'être
sur le point de sursauter.
Dans Valîathisic, la position assise normale est donc
interrompue par de brusques ressauts; dans Vastasif-
ahasie, la station debout et la marche normales sont
rendues impossibles par des contractions involontaires
des membres inférieurs, par des sauts irréguliers. Or,
les malades de M. Haskovec étaient parfaitement tran-
quilles dans la station debout et marchaient avec aisance.
De même, certains astasiques-abasiques courent avec
facilité ; d'autres progressent en marchant à quatre
pattes. La station debout et la marche normales sont
seules impossibles dans ces derniers cas; la position
assise seule ne peut être conservée normalement dans
l'akathisie.
Astasie-abasie et alialliisie sont probablement des
phénomènes nerveux de même genre et même nature,
purement fonctionnels, et ne dépendant que d'un état
transitoire d'hyperexcitabilité des centres corticaux.
' Journal de l Anatomie et de la Pliysiologie, t. XXXVIU,
1902. n" 1, p. 14-3:5.
= Bévue d" iS'eiirulogie. 1901, n" II.
lis
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
î: il.
Hygiène
l.'iniiiiiiiiÎMition contre In peste bovine. —
Les .li(7//r('s ili-s Scii-iircs ]jiolo;ii/iii>< (de .S;iint-Pélers-
lniury) nous apportent la relation Je curieuses et très
importantes expériences, iioursuivies sans reldclio ile-
puis 1809 par M. E. W ijnikewilcli sur l'inimuiiisation
contre la peste bovine '.
lin I8{i(), .M. .\encki el M""'' Sieberont constaté que le
séiiim des animaux ayant fiuéri de la peste bovine
renfei'me une substance qui protège l'animal neuf
contre cette maladie.
Celle observation a servi de point de départ à une
Imiiiue série de rechercbes entreprises par M. Nencki
et ses élèves, el parmi ceux-ri M. Wijnikewitch. Il y a
quelques années, ce dernier fut chargé d'organiser un
labcraloire dans la région transbaïkalienne pour 1 étude
et surtout pour la préparation sur place de grandes
quantités de sérum antipesteux selon le procédé do
Siencki el de ses élèves.
\oici en quoi consiste ce procédé :
lin commence [lar préparer du sérum antipesteux;
à cet elTet, on clioisit un b(euf très vigoureux et bien
portant, on lui injecte sous la peau 0.2 ce. de
sang pesteux el.deux heures après, une certaine quan-
tité ;40 ce. environ) de sérum d'un animal ayant eu la
peste. Dès que le bœuf se rétablit, on renouvelle les
inoculations, d'après le procédé décrit; on injecte
d'abord des doses de l.o ce. de sang pesleux et on
tînil paren injecter o litres. A ce moment, l'immunisa-
tion est considérée comme terminée. I.e sérum obtenu
dans ces conditions est capable, à la dose de 20 à .'iO ce,
de préserver un animal contre la peste. .Ainsi, un bœuf
solidement immunisé pouvait fournir assez de sérum
pour vaccinei" trois cents animaux de grande taille.
Voici maintenant le procédé élaboré par M. Nencki
pour vacciner les animau.v : On injecte sous la peau
0,2 co. de sang pesleux et, deux à quatre heures après,
•20 à bO ce. de sérum antipesteux. Dix jours après, on
prcicède, suivant l'expression de M. Nencki, à la fixation
de l'inimunité, pour la rendre définitive ou, du moins,
durable ; on y arrive par une nouvelle injection du
saijy pesleux ii).2 à 0,."ii seul, sans sérum. Les animaux
ne mauifeslenl généralement aucune réaction, ni llier-
niique, ni locale, à cette seconde injection, et la vac-
cination est obtenue. M. Wijnikewitdi a vacciné, en
tout, plus de 2'i2. 000 animaux el déclare que les résul-
tats étaient toujours excellents.
I,» dostriiclion des rats par un bacille
palliogciu'.— Nos lecteurs savent combien peut ini-
pi'ilrr, (luur la piévenlion de certaines maladies conta-
gieuses, nolanunent de la peste, la destruction des
rats. C'est là un problème auquel s'intéressent spécia-
lement les personnes qui, par nécessité ou pour leur
plaisir, voyagent en Orient, visitent l'Inde ou simple-
ment nos escales du Levant. Non seulement sur la teire
ferme, mais aussi à bord des navires, on se préoccupe
à bon droil de faire disparaître ces véhicules ordinaires
de lu pesle. Un savant russe, M. Issatschenko, a ré-
cemment institué une série d'expériences suivant la
méthode que l'asleur avait voulu inausurer pour tuer
les lapins en Australie*.
Il avait isolé dtjà. en I89.S, un microbe particulier
chez un rat gris. En l'étudiant de près, il a vu que ce
microbe, introduit par la voie buccale, est très virulent
jM.ur les rats et les souris, el en même temps complète-
inenl inollensif pour les animaux domesli(|ues (cheval,
bu-uf, porc, mouton, poule, chien, chat), ce qui l'a
' E. Wij.tiKKwiTcn : De l'immunisation contre la peste
bovine dans la région transbaïk.ilicnne, pendant les années
IS'.;:'. 1900- et lyOl. [Archives Jfs Sciences bioloàiqucs,
t. I.\. fasc. 2.) J 1 '
' Issatschenko: Recherches sur un bacille pathogène des
rats. {Ccolralblall fiir llakltriologn-, a" 1. 19U2.)
engagé à utiliser ce microbe pour la destruction des
rats et à en préparer un grand nombre de cultures;
D'après les renseignemeuts qui lui sont parvenus de
divers points de la Russie, où ses cultures ont été
employées sur une grande échelle, l'auteur conclut
que les résultais ont été favorables dans 70,1 " „ des cas.
Dans le courant de l'année 1809, le laboratoire du Minis-
tère impérial de l'Agriculture a elloctué 7.881 envois.
g 10. — Géographie et Colonisation
La rcsfion flu Cliarî. — Deux conférences inté-'
ressantcs ont été faites récemment, à la Société de
(léographie de Paris, sur la région du Chari : l'une, sur
le Haut-Chari, par .M. l'administrateur Hruel; l'autre,
sur le lîas-Chari, par M. le commandant Hobillot. Les'
exposés des deux collaborateurs de .M. Gentil ont élé
nécessairement assez diflerents, tant par la personna-
lité de leurs auteurs que par le caractère même des
régions décrites, les études de M. Bruel ayant un carac-
tère plus scientifique, alors que M. le commandant
liobillot a dû surtout raconter les événements survenus
dans le territoire, plus récemment conquis et plus
imparfaitement soumis, dont il avait le commande-
ment.
M. Georges Bruel était administrateur au Congo fran-
çais depuis sept ans, et avait collaboré à la deuxième
Mission tientil, lorsqu'il fut placé pat le Commissaire
général à la tête du Territoire civil. Le pays avait été
reconnu dans ses grandes lignes, depuis 1801, par les
Missions Crampel, Dybowski, Maistre, Gentil. Reslait
à en faire une étude plus complète, à en dresser la
carte, à réunir des renseignements sur la contrée, les
habitants, les ressources économiques. C'est à quoi
s'est, atlaché M. Bruel avec beaucoup de soin et do
succès; il publiera prochainement une carte de celte
région, qui sera une importante contribution géogra-
phique '.
Le sol, dans le llaut-Chari, est généralement formé
do fer hydroxydé et d'argile; dans l'Est, de très cu-
rieuses saillies granitiques, connues sous le nom de
Kagas, percent ce manteau; M. liruel, dont la collec-
tion de photographies est peut-être la plus belle qui
ail jamais été rapportée jusqu'ici des pays tropicaux, a
projeté des vues de ces Kagas, types d'érosions grani-
tiques dignes de prendre place dans les manuels clas-
siques.
La région du Haut-Chari emprunte une importance .
particulière à ce fait que c'est par là que s'opère la
liaison entre les deux bassins du Congo et du Chari
et que doivent passer le personnel, le matériel, les ra-
vitaillements. M. Bruel a donc eu à porter une atten-
tion particulière sur l'hydrographie des cours d'eau '!t'
la région, affluents de l'Oubangui, comme la Kim .
rOmbella el la M'poko, ou branches supérieures li;
Chari, comme le (Iribingui, le Bamingui et le Bahr-Sin
ce dernier identifié avec lu Ouam par MM. Bernai
Huol, dans leur itinéraire du Gribingui à la San::
Quant à la recherche d'une route par le Logone, c i -!
ce dont s'est occupé un des collaborateurs du ciin-
mandant Hobillot, M. le capitaine Leclerc; sa Missi'i
dont les résultats seront prochainement connus, ti
chera définitivement ce qu'on a appelé le " probi'
de la .Sangha », qui depuis si longtemps préoccup' >
géographes, au point de vue théorique, et les colonie
au point de vue pratique.
Les indigènes du Haut-Chari appartiennent, d'ai i
M. Bruel, à trois races distinctes : Banda, Mandjia, > >
qui se sont mêlées et enchevêtrées, de telle sorte qu i
carte ethnographique ressemblerait ;i un véritable iiiau-
teau d'Arlequin, les Mandjia formant d'ailleurs le fond
' \o.vez aussi, sur une partie de la région du llaut-Chari,
la remarquable élude publiée par le capitaine J. TrulTert
sur le- Massif des M'Brés, dans la ftevuc yen. f/es Scirn--'^
du 30 janvier 1902, t. Xlll, p. "i et suivs-
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
119
de la population. M. Bruel a cherché à se rendre
compte, d'une manière aussi exacte que possible, du
chiffre de la population du Haut-Chari, question très
importante, car c"est par là qu'on peut déterminer, au
moins en partie, ce que peut devenir un pajs comme
débouché ciimraercial, ce qu'il peut rendre comme
impôt de capitation et quelles sont ses ressources de
main-d'œuvre. 11 estime — et c'est là un des points les
plus nouveaux et les plus intéressants de ses recherches
— que la population est beaucoup plus dense qu'on ne
le supposait ; il n'y a pas entre chaque tribu, comme
on l'a prétendu, des terrains de chasse déserts sur une
ou deux lieues do marche : ce qui Ta fait croire, c'est
que les premiers
explorateurs ont
eu des guides qui
ne tenaient pas à
"leur faire con-
naître les villa-
ges, et les me-
naient dans la
brousse par des
sentiers passant
loin des agglomé-
rations. Le Haut-
Chari aurait, d'a-
près les évalua-
tions de .\I. Bruel,
32.000 liabitant>.
soit plus de 9 au
kilomètre carré.
Le Congo fran-
çais parait, d'ail-
leurs, au confé-
rencier, beau-
coup plus peuplé
que ne l'indi-
quent les statis-
tiques oflicielles.
et aurait, non 8
millions, mais 12
àlomillionsd'ha-
hitants. Tous les
coloniaux nu cou-
rant de ces ques-
tions compren-
dront l'importan-
ce dune rectili-
cation de ce
genre, sans qu'il
foit nécessaire
il y insister. .\c-
ceplons-en l'au-
gure, et espérons
quiln'yaii râpas,
sous ce rapport,
de mécompte
comme à .Madagascar. M. liruel avait à assurer, avant
tout, le ravitaillement des troupes du I5as-Cliari, à lever
des porteurs et faire passer des charges. 11 a admirable-
ment réussi dans cette tâche délicate, dont il avait fait
l'apprentissage dans son ancien poste de Mobaye. Le
portage ou le pagayage, qui sont des calamités véri-
tables, s'ils sont mal compris, s'ils écrasent et tuent les
populations, sont, au contraire, pour elles une excel-
lente école si on ne leur demande qu'un elTort raison-
nable. On a réussi également à faire admettre par les
indigènes un léger impôt, perçu en nature, sous forme
de caoutchouc, en échange de la sécurité, inconnue
avant notre arrivée, dont elles jouissent.
Avant d'être placé à la tète du Territoire du Bas-Chari,
M. le commandant Rol.illol avait participé, au Soudan,
à la colonne Combes et à la colonne Joffre, et comman-
dait, au combat de Kouno. la colonne du centre, sous
les ordres de l.amy. Il a raconté, avec beaucoup de
simplicité et de modestie, les efforts faits par lui pour
organiser le territoire vierge confié à ses soins, rendant
justice à ses collaborateurs et n'oubliant que lui-même.
Il a dit les reconnaissances effectuées par le lieutenant
Kieffer sur le Logone, de Fort-Lamy à Lay, par le lieu-
tenant Faure, de Fort-.Vrchambault à Lay, par le lieu-
tenant de Lamothe, de Fort-Lamy à Abougher, par le
capitaine Leclerc, dans la Haute Sangha, "etc. Il a ra-
conté les difficultés rencontrées pour réorganiser le
pagayage et pour construire les. postes pendant la
saison des pluies, alors que les briques produisaient
du mil et du maïs sous les hangars où elles devaient
sécher. Cinq postes ont été installés dans le Bas-Chari,
et les indigènes
groupés autour
de ces postes; au
bout d'un an, il y
enavaitdéjàb.OOb
autour de Fort-
Lamy. Ainsi, le
commandant Ro-
billot a réalisé
le programme
que lui avait tra-
cé M. Centil, et
qu'il a défini :
une application
rationnelle des
principes d'ad-
ministration de
Rabah aux popu-
lations arabes.
M. Georges
Bruel s'est dé-
claré convaincu
que tout le Congo
Irançais, et en
particulier le
Chari, est rempli
de richesses la-
tentes de toutes
sortes, qu'avec
du temps et de la
patience on arri-
vera à mettre en
valeur. M. le com-
mandant Robil-
lot a foi, lui aus-
si, dans l'avenir
du bassin du
Tchad, en voyant
ce qu'un terri-
toire, bouleviîFsé
par trente ans de
guerre, a déjà
repris en un an.
Tout en faisant
la part de l'enthousiasme qu'éprouvent nécessairement
des administrateurs et des officiers jeunes et pleins
d'ardeur pour un pays que, sous les ordres de leur
chef éminent, M. t^ientil, ils sont justement fiers d'avoir
donné à la France, nous croyons qu'on peut s'associer
à ces espérances d'avenir. La mort de Fadel-.VIlah,
dernier acte de la longue lutte engagée contre la puis-
sance de Rabah, est un événement heureux. Il y a au
Chari des populations qui deviendront rapidement nom-
breuses, si elles ne le sont déjà, de grands cours d'eau
navigables, enfin, delà « houille blanclic", fournie parles
chutes de ces mêmes cours d'eau : toutes choses qui
manquent si radicalement à ce Sahara devant b'quel
tant de coloniaux français sont malheureusement hyp-
notisés. Tout compte fait, nous pensons que la réi^ion
du Chari, malgré son éloignement de la côte, peut de-
venir, avec le temps, une des meilleures parties de
notre domaine colonial. Augustin Bernard.
^ RrgioD du Chari.
l^u
AUGUSTE FOREL — LES IACLLTl':S PSYCHIQUES DES INSECTES
LES FACULTÉS PSYCHIOUES DES INSECTES
Ji' «Icsir.r.iis cxaniiniT. dans cit arlicle. ro que
l'on oiilend |i:ir racullés psyclii<]uo.s chez les In-
sccli's. Ji' coiiiniencerai par Ips fournii? el consi-
tlércrai d'alidnl k'Ur ciM'Voau.
I. — Ci;i;vi;ai ki ohganks mcs sens.
l'oiir délerniincr la valeur psychique d'un sys-
l'''iiic nerveux eeulrai, on doit d'abord examiner
lousies ccniros nerveux qui servent à îles fondions
inft'rieures. avant tout à l'innervation directe des
niMSi'les et aux organes des sens. L'élenduc de ces
conijilexes de neurones ne <lé|>end pas de la coni-
pliealion du travail intellectuel, mais du nombre
eorrespondani de fibres musculaires, des surfaces
sensorielles et des appareils réllexes, ainsi que tie
la grandeur de l'animal.
Des instincts compliqués demandent déjà l'inter-
vention d'une plus grande quantité de travail plas-
tique et ne peuvent éclore uniquement avec ces
centres.
I.e cerveau des fourmis nous offre un bel exemple
de ce fait que les combinaisons inlellecluelles com-
jiliquées demandent un centre nerveux supérieur
aux centres sensoriels et musculaires. Une colonie
de fourmis .se compose généralement de trois
sortes d'individus : la reine (la plus grande), l'ou-
vrière ((ilus pelile) el le mâle, qui est un peu plus
gnis que l'ouvrière. Les instincts compliqués el les
facultés inlellectuelles- nettement discernables (mé-
moire, plasticité, etc...' se rencontrent, avant tout,
chez l'ouvrière, beaucoup moins chez la reine. Le
mâle esl incroyablement sol, ne distinguant pas
amis el ennemis el ne pouvant retrouver son che-
min vers le nid. Cependant il a des yeux et des
antennes très développés, c'est-à-dire les deux
organes des sens qui sont en rapport avec le gan-
glion cervical ou sus-œsophagien el qui lui per-
iiiellenl de saisir la reine au vol. Le ganglion sus-
Msophagien ne dessert directement aucun muscle.
Ces faits facilitent la comparaison des organes de
la vie mentale, c'psl-à-dire du cerveau (corporti
///■(liiiiculiiin), chez les trois genres. Le cerveau est
1res gros chez l'ouvrière, plus petit chez la reine,
presque complètement étiolé chez le mâle, tandis
que, chez ce dernier, les lobes visuels et olfactifs
sont très développés. Le cerveau de l'ouvrière pos-
sède, en outre, une écorce extrêmement riche en
cellules.
H esl de mode, depuis (juclques années, de ra-
baisser l'importance de la morphologie du cerveau
pour la psychologie et aussi pour la physiologie
des nerfs. Mais les modes ne doivent pas influencer
la vraie recherche ; on ne doit pas non plus faire
dire à l'Anatomie ce qu'elle ne dit pas.
La lésion du cerveau a, d'ailleurs, chez la
fourmi, les mêmes résultats que chez le pigeon.
Les Insectes possèdent sûrement quatre sens: la
vue, l'odorat, le goilt et le louclu'r; l'ouïe est dou-
teuse. Peut-être l'ou'ie n'esl-elle qu'un toucher mo-
difié pour de petits ébranlements.
Ou ne rencontre nulle part un sixième sens.
In sens photodermatique. modifié pour l'impres-
sion lumineuse, doit être considéré comme une
variété du toucher; il se présente chez beaucoup
d'Insectes; il n'est, dans aucun cas, de nature
optique. Chez les Insectes aquatiques, l'odorat et
le goût se confondent vraisemblablement en partir
(Nagel), car les deux discernent des substances
chimiques dissoutes dans l'eau.
L'organe de la vue, les yeux réticulés sont dispo-
sés spécialement pour la vision des mouvcmenls.
c'est-à-dire du déplacement relatif de l'image réti-
ilienne. Pendant le vol, ce sens localise distincte-
ment de grandes étendues, mais il donne des objels
des contours moins nets que notre œil. L'œil à
facettes ne d(mne qu'une seuleimagedroite (Exner .
dont la clarté augmente avec le nombre des facelti'-
el la convexité de I'omI. Exner esl parvenu àpliolci-
graphiercelle image chez le Laïupyris. L'immobilité
de l'œil empêche nécessairement la vision des objets
sur les côtés d'un Insecte en' repos. C'est pourquoi
les Insectes en repos sont si faciles à saisir par de-
mouvements lents. PendanI le vol, les lusecle-
s'orientent dans l'espace au moyen des yeux a
facettes. L'odorat ne les attire que lorsqu'ils flai-
rent quelque chose dans une certaine direction. Si
l'on bouche les yeux à facettes, toute possibilité
d'orientation dans l'air disparait. Par des déplace-
ments de pigment, beaucoup d'Insectes peuvent
accommoder leurs yeux pour le jour et pour la nuit.
l>es fourmis perçoivent l'ultra-violet avec leur-
yeux. Les abeilles et les frelons distinguent les
couleurs, mais évidemment avec d'autres nuance-
que nous, car ils ne peuvent pas être trompés par
les plus belles fleurs artificielles ; peut-être cela
tient-il à un mélange de rayons ultra-violets non
perçus par nous'.
Les ocelles jouent un rôle subordonné et ne ser-
vent probablement qu'à la vision rapprochée dans
les espaces sombres.
Le sens de l'odorat a .son siège dans les antennes,
en particulier dans leur scape, plus spécialement
dans leurs glomérules olfactifs; par sa position
AUGUSTE FOREL — LES FACULTÉS PSYCHIQUES DES INSECTES
1-il
laobile et extérieure à rexlrémité de ranteiiiie, il
possède au moins deux propriétés qui manquent
aux Vertébrés et, en particulier, à riiomine :
1" La faculté de reconnaître, parle contact direct,
les propriétés chimiques d'un corps (olfaction de
contact);
2" La faculté de reconnaître et de distinguer, au
moyen de l'odorat, l'espace et la forme des objets,
ainsi que la forme de la trace propre de l'Insecte,
comme aussi de garder les souvenirs associés.
L'odorat de beaucoup d'Insectes leur fait con-
naître les relations exactes de l'espace, et peut
f servir à l'orientation de l'animal qui se meut sur le
sol.
J'ai nommé odorat topochiniiquc ce sens qualitatil'.
, qui diffère ainsi de notre odorat dans son énergie
■' spécifique. Vraisemblablement, les lamelles po-
reuses servent à l'odorat à distance et les glomé-
rules olfactifs à l'odorat de contact, mais ce n'est
qu'une supposition. L'ablation des antennes détruit
la faculté de distinguer les amis des ennemis et
'■nlève aux fourmis le pouvoir de s'orienter sur le
sol et de trouver leur chemin, tandis qu'on peut
leur enlever trois pattes et une antenne sans
détruire essentiellement ce pouvoir. Le sens topo-
chimique permet à ia fourmi de distinguer tou-
jours les deux directions de sa trace, ce que Bethe
prend pour une polarisation mystérieuse. La sen-
sation des difî'érentes odeurs varie notablement
•iiiv, les divers Insectes. Ce qui sent pour les uns
>ans odeur pour les autres (et pour nous, et
...versement.
Les organes du goût siègent dans les pièces
buccales. Les réactions gustatives des Insectes
sont très analogues aux nôtres.
Will habituait des guêpes à chercher du miel à
une certaine place; il y plaça une fois de la quinine.
Les guêpes le remarquèrent immédiatement, tour-
nèrent autour et ne revinrent plus. lien fut de même
lorsqu il remplaça le miel par de l'alun : elles
revinrent une première fois et, lorsqu'elles eurent
fait l'expérience du mauvais goût, elles ne revin-
rent plus. C'est, soit dit en passant, une preuve de
leur mémoire gustalive et de leur pouvoir d'asso-
ciation.
Pour l'ouïe, on a trouvé et décrit différents
organes. Les prélendues réactions auditives ne se
modifient cependant pas après leur perception, ce
qui laisse à entendre la possibilité d'une fausse
ouïe, qui ne serait que la perception de fines vibra-
tions au moyen du toucher (Dugès).
Le toucher est partout représenté par les poils et
les papilles tactiles. Il réagit tout particulièrement
après les faibles ébranlements de l'air ou du sol.
Certains .\rticulés, particulièrement les arai-
gnées, s'orientent surtout par le toucher.
<Jn reconnaît aisément que les Insectes, d'après
leur espèce et leurs conditions de vie, combinent
l'emploi de leurs différents sens pour s'orienter et
reconnaître le monde extérieur. .\ux uns manquent
les yeux et, par conséquent, la vue. Les autres ont,
par contre, un très faible odorat; certaines formes
ne possèdent pas l'odorat de contact, par exemple
la plupart des Diptères.
La merveilleuse faculté d'orientation de certains
animaux volants, comme les Oiseaux (pigeons
voyageurs), les abeilles, etc., repose certaine-
ment sur le sens de la vue et la mémoire visuelle.
Le mouvement dans l'air l'augmente encore. Les
arceaux du nerf acoustique sont, pour les Vertébrés,
un sens de l'équilibre et donnent des sensations
d'accélération et de rotation (Mach-Breuer), mais
ils n'orientent pas vers l'extérieur. J'en ai donné la
preuve ailleurs. Il n'y a pas de pouvoir d'orienta-
tion spécifique, magnétique ou autre, indépendant
des sens connus.
Les faits précis que nous venons d'exposer cons-
tituent la base de la psychologie des In.sectes. Les
Insectes sociaux sont des sujets particulièrement
favorables, à cause de leurs relations réciproques
variées. Lorsque nous désignerons les synthèses
de leurs actions par des expressions empruntées à
la psychologie humaine, qu'il soit bien entendu
qu'elles ne doivent pas être interprétées anlhropo-
morphiquement, mais seulement comme des ana-
logies.
II. — Dh.mai.m: m: l.\ cunnaiss.^nxe.
Une première constatation qui peut être faite,
c'est que beaucoup d'Insectes (vraisemblablement
tous à un degré plus rudimentaire) possèdent de la
ménidire, c'est-à-dire amassent dans leur cerveau
des impressions provenant de leurs sens et les réa-
lisent de nouveau plus tard. Elles ne sont pas mises
enjeu seulement par l'excitation directe des sens,
comme Bethe se l'imagine. Huber, Fabre, Lubbock.
Wasmann, von Buttel-Reepen et moi-même, nous
l'avons prouvé expérimentalement. Voici un fait
particulièrement démonstratif : les abeilles, les
guêpes, etc., volant dans l'air, retrouvent, malgré
le vent et la pluie (donc avec une absence complète
de traces odorantes), même après la section do
leurs antennes, le chemin vers un lieu caché, non
directement visible de leur nid, où elles avaient
trouvé quelque chose qui leur plaisait, même quand
ce lieu est passablement éloigné, et même après
des jours et des semaines. On voit donc qu'elles
reconnaissent les objets à leur couleur, à leur
forme, particulièrement à leur position dans l'es-
pace. Elles retrouvent cette position par la situation
respective et la suite des gros objets de l'espace,
\i-2
AUGUSTE FOREL — LES FACULTÉS l'SYCIIIQUES DES INSECTES
ciui' leurs yeux à facettes leur induiuent dans leur
vol rapide.
Les expériences de von liullel et de inoi-inème
ne laissent aucun doute à cet égard. Von Rutlel en
a aussi donné une contre-preuve par le fait que la
narcose éthérée ou chloroformique enlève tout
souvenir aux abeilles. Elles prennent leurs enne-
mis pour des amis; elles ont perdu tout souvenir
de lieu et doivent les retrouver par un nouveau vol
d'orientation. Or, on ne peut pas oublier, si l'on
110 s'est pas souvenu.
Le .sens lopochimique des antennes donne aussi
des 'preuves évidentes de la mémoire des fourmis,
lies abeilles, etc. Une fourmi fait un cbemin
pénible jusqu'à ^O mètres de son nid détruit, trouve
là une place qui convient à la conslruction d'un
nouveau nid. retourne (en s'orientant avec ses
antennes), trouve une compagne qu'elle roule au-
tour d'elle et la porte ju.squ'à l'endroit qu'elle a
trouvé. Celle-ci retrouve à son tour le chemin, et
toutes deux emmènent une troisième compagne, et
ainsi de suite. Le souvenir qu'il existe là-bas quel-
que chose de convenable à la formation d'un nid,
doit se trouver dans le cerveau de la première
fourmi; sinon, elle ne reviendrait pas juste à cet
endroit, chargée d'une compagne.
Les fourmis esclaves 'Polycrt/usi entreprennent
des expéditions de pillages, conduites par des ou-
vrières seules, qui ont, pendant des jours et des
semaines, exploré auparavant le pays à la recherche
de nids de Formica fiisca. Souvent, les fourmis
perdent leur chemin, .s'arrêtent et cherchent pen-
dant longtemps jusqu'à ce que l'une ou l'autre ail
retrouvé la trace topocliimique et donné aux autres,
par des coups rapides, l'impulsion et la direction
pour la marche eu avant.
Alors, les larves du nid découvert de Lormicu
fnscn sont retirées des profondeurs, dérobées et
traînées jusqu'à la maison (souvent éloignée de
40 mètres et plus). Quand le nid pillé renferme
encore des larves, les ravisseurs reviennent le
•même jour ou le jour suivant pour continuer le
pillage; lorsqu'il ne contient plus rien, ils n'y
retournent pas. Comment les Po/jV-yv/z/s savent-ils
qu'il y a encore des larves ou qu'il n'y en a plus?
L'odorat ne peut pas les attirer directement aussi
loin, encore moins la vue ou un autre sens. La mé-
moire seule, c'est-à-dire le souvenir qu'il reste
incore beaucoup de larves dans le nid pillé, peut
les déterminer à y retourner. ,)'ai suivi d'une façon
précise un grand nombre de ces expéditions.
Tandis que les diverses espèces de fourmis pour-
suivent soigneusement et péniblement leur trace
topocliimique sur de nouveaux chemins, elles con-
naissent si bien la position des environs directs de
leur nid qu'elles sont à peine troublées si l'on
remue le sol et qu'elles retrouvent immédiatement
leur chemin, comme Wasmann et moi-même
l'avons très souvent observé. Cela ne provient pas
d'une excitation lointaine de l'odorat.
Le pouvoir olfactif du genre Fonnie:i, comme
celui des abeilles, ne s'étend pas à une aussi
grande distance; tous ceux qui connaissent ces
aninuiux l'ont démontré par de nombreuses expé-
riences. Or, certaines Fourmis peuvent reconnaître
leurs amis encore après plusieurs mois.
Chez les fourmis et les abeilles, il existe donc
des combinaisons et des mélanges olfactifs très
compliqués, qui ont été très justement distingués
par von Buttel, comme odeur du nid, odeur de la
colonie de la famille) et odeur individuelle. Chez
les fourmis s'ajoute encore l'odeur d'espèce, tan- '
dis que l'odeur de reine ne joue pas, chez elles, le
rôle qui lui incombe chez les abeilles.
De tous ces faits et de beaucoup d'autres, il ré-
sulte que les Hyménoptères sociaux entassent dans
leur cerveau des images visuelles et olfactives topo-
chimiques et les combinent en perceptions ou en
quelque chose d'analogue et qu'elles associent Éj
toute perception de sens très difTérents, comme la It
vue, l'odorat et le goût, pour obtenir les images de
l'espace.
.\ussi bien Huber que von Buttel, Wasmann et
moi-même, nous avons toujours trouvé que ces
animaux, par la répétition multiple d'un acte, d'un
chemin, etc., gagnent en exactitude et en rapidité
dans la réalisation de leurs instincts. Il se forme
aussi chez eux. et même très rapidement, des Iiiihi-
ludrs. i
Von Buttel en donne des exemples merveilleux '
chez les abeilles voleuses, — d'abord hésitantes et
ensuite toujours plus audacieuses, — c'est-à-dire
chez les abeilles ordinaires, isolées, qui prennent
l'habitude de voler le miel des ruches étrangères.
Mais, qui dit habitude, dit automatisme secondaire
et adaptation plastique antérieure. Von Buttel en
donne une preuve dans le fait que les abeilles qui
n'ont pas encore volé hors laruche, « même quand
elles sont plus vieilles que d'autres qui ont déjà
volé », ne retrouvent pas leur chemin à peu de
mètres de celle-ci, si elles ne peuvent pas la voir
directement, tandis que de vieilles abeilles con-
naissent tous les environs, souvent jusqu'à six ou
sept kilomètres.
De toutes les observations concordantes des sa-
vants, il résulte que les impressions des sens, les
perceptions, les associations, les décisions, la mé-
moire et les habitudes suivent, chez les Insectes
sociaux, somme toute, les mêmes lois que chez les
Vertébrés et chez nous. Très frappante aussi chez
les Insectes est l'attention, qui prend un caractère
d'obsession et qu'il est difficile de détourner.
AUGUSTE rOREL — LES FACULTÉS PSYCHIQUES DES INSECTES
123
Par contre, chez ces derniers, raulomatisnie
liérédilaire l'emporte considérablement. Les fa-
cultés signalées plus haut ne s'exercent que très
faiblement en dehors du domaine de l'automatisme
instinctif fixé de l'espèce.
Un Insecte est singulièrement bète et inadaptable
pour tout ce ,qui n'appartient pas à son instinct.
J'appris à un Dylisciis uiuri/iiialis à manger sur ma
table. Dans la .Nature, il ne mange que dans l'eau.
Aussitôt mis sur la table, il faisait un mouvement
maladroit d'extension des pattes antérieures, qui le
mettait sur le dos, et il continuait à manger en se
tenant sur le dos sans pouvoir se défaire de ce
mouvement, qui est approprié pour manger dans
l'eau. Par contre, lorsque j'entrais dans la chambre,
il cherchait à sauter hors de l'eau (au lieu de s'en-
fuir dans le fond du vase) et il mordait familière-
ment l'extrémité des doigts que je lui tendais. Ce
sont là des anomalies plastiques de l'instinct. De
même, de grosses fourmis algériennes, que j'avais
acclimatées à Zurich, apprirent à fermer, dans le
cours de l'été, la large ouverture de leur nid avec
des boulettes de terre, parce qu'elles étaient pour-
suivies et importunées par nos petites Lasius iiiffer.
A Alger, je n'ai jamais vu l'ouverture du nid autre-
ment que grande- ouverte. Nombreux sont les
exemples analogues, qui montrent que ces petits
animaux mettent à profil plus tard quelque peu de
leur expÏTience, même lorsque ce peu s'écarte de
leur instinct habituel.
Que les fourmis, les abeilles et les guêpes se
fassent des communications qu'elles comprennent
entre elles est un fait qui a été si souvent démontré
qu'il est inutile d'y insister.
L'observation d'une seule expédition de pillage
des Polyergns avec arrêt de l'armée et recherche
du chemin perdu suffit à le démontrer. Mais ce
n'est pas une langue, au sens huiuain I Aux signes
ne correspond aucune idée abstraite. Il s'agit de
signes héréditaires automatisés instinctivement ;
il en est de même de l'intelligence de ceux-ci
(lignes de tête, claquement des mâchoires, cadence
avec les antennes, ébranlement du sol avec la
partie postérieure du corps, etc.). L'imitation joue
ici un grand rôle; les fourmis, les abeilles, etc..
imitent leurs compagnes et les suivent. On se
tromperait donc complètement Wasmann, von
Uuttel et moi-même sommes complètement d'ac-
cord là-dessus) en attribuant une réflexion et une
intelligence humaines à cette langue instinctive,
comme l'a fait en partie P. Huber, pour ne parler
d'aucun autre. On peut aussi se demander si une
représentation générale matérielle (par exemple, la
repré.sentation d'une fourmi, d'un ennemi, d'un
nid, d'une larve) peut se former dans le cerveau
d'une fourmi. Cela est difficilement démontrable. La
perception et l'association peuvent sans doute
commencer d'une manière très simple, animale,
sans arrivera des choses aussi compliquées. Toute-
fois, les preuves d'une telle hypothèse nous man-
quent. Mais ce qui ressort de certains faits signalés
ci-dessus est assez intéressant et important en soi,
et nous donne un aperçu de la vie cérébrale de ces
animaux.
Un bon exemple illustrera, mieux que toutes les
généralités, ce qui vient d'être dit :
Plateau avait prétendu que, lorsqu'on recouvre
des couronnes de dahlias avec des feuilles vertes,
les abeilles y retournent néanmoins immédiate-
ment. Il avait d'abord recouvert ses dahlias incom-
plètement (seulement les feuilles extérieures), puis
plus complètement, mais encore avec des lacunes,
et il avait conclu du résultat que les abeilles sont
attirées par l'odorat et non par la vue.
Le 10 septembre, à 2 heures 1 ' i, sur une plate-
bande de dahlias visitée par beaucoup d'abeilles,
et comptant environ quarante-trois fleurs de colo-
rations différentes, je recouvris complètement
d'abord dix-sept, puis vingt-huit fleurs avec des
feuilles de vigne repliées \-i), que je fixai au-dessous
par des épingles. De quatre fleurs (A), je ne recou-
vris que le cœur jaune; d'une fleur (c), par contre,
je ne recouvris que les pétales colorés extérieurs,
en laissant le cœur libre.
Il y avait tellement d'abeilles sur ces dahlias
que souvent deux ou trois se trouvaient ensemble
sur la même fleur.
Résultat : Aussitôt toutes les fleurs entièrement
recouvertes cessèrent d'être visitées par les abeilles.
Le dahlia e continua à être visité comme les dahlias
grands ouverts. Les abeilles volèrent souvent jus-
qu'aux dahlias h, mais les abandonnèrent bientôt;
quelques-unes parvinrent cependant à aller sous la
feuille jusqu'au cœur. Lorsque j'enlevai ensuite la
couverture d'un dahlia rouge, les abeilles y volèrent
de nouveau rapidement; bientôt, une fleur mal re-
couverte fut aussi trouvée et visitée. Plus tard, une
abeille à la recherche découvrit d'en bas ou de
côté l'entrée d'un dahlia recouvert. Depuis ce mo-
ment cette abeille, et seulement celle-là, revint à
chaque dahlia recouvert.
Cependant, d'autres abeilles cherchaient mani-
festement les autres dahlias subitement disparus.
Vers cinq heures et demie, quelques-unes avaient,
à leur tour, découvert les fleurs de dahlias recou-
vertes. A partir de ce moment, elles furent rapide-
ment imitées par les autres, et, en peu de temps,
toutes les fleurs recouvertes furent de nouveau vi-
sitées.
Aussitôt qu'une abeille avait découvert monstra-
.tagème et l'entrée des fleurs cachées, elle volait
sans hésitation, à sa visite suivante, vers l'ouverture
1-2'.
AUGUSTE FOREL — IJZS FACULTÉS PSYCHIQUES DES INSECTES
inférieure de la feuille dr vif;ne. Aussi longtemps
qu'une abeille avait seule trouvé quelque chose,
elle n'était ])as suivie par les autres: mais, dès
quelles étaient plusieurs 'au moins quatre ou cinq),
les autres les suivaient bientôt.
Plateau avait donc mal expérimenté et fausse-
ment conclu. Les abeilles voyaient encore ces dah-
lias d'abord incomplètement recouverts. Lorsqu'il
les recouvrait ensuite entièrement, mais seulement
par-dessus, les abeilles avaient déjà été rendues
attentives au stratagème, et voyaient encore les
dahlias par le coté. Plateau avait compté sans la
mémoire et l'attention des abeilles.
Le 13 septembre, je composai avec de petites
létes de Ilifrniium jaunes, que je plantai dans une
Heur de pétunia, de grossières imitations artili-
cielles de (leurs de dahlia et je les plaçai parmi les
dahlias. Ni les pétunias ni les Ilioniciiim ne furent
visités par les abeilles. Cependant, beaucoup
d'abeilles et de bourdons volèrent d'abord vers
mes contrefaçons presque autant que vers les dah-
lias, mais ils les abandonnèrent aussitût qu'ils re-
connurent leurerrcur, vraisemblablement à l'odeur.
11 en l'ut de même pour un dahlia dont le cœur
avait été remplacé par le cœur d'un I/ieraciiim.
Comme contre-partie, je plaçai un beau cceur de
dahlia parfumé parmi les cliry.santhèmes blancs et
jaunes, délaissés par les abeilles, et qui se trou-
vaient sur le bord de la plate-bande de dahlias.
Pendant une demi-heure toutes les abeilles volèrent
à quelques centimètres au-dessus du cœur sans le
remarquer; entin, vint une abeille, qui fui suivie
par hasard d'une seconde. Dès ce moment, ce cœur
de dahlia, qui se trouvait dans la direction du vol,
fut visité comme les autres, tandis qu'inversement
les contrefaçons pétunias-///(^ya(i(;w furent aban-
données comme des Irompe-l'o'il.
Plateau a démontré que des fleurs artilicielles,
même très bien imitées (pour nous', sont dédai-
gnées par les Insectes. J'en plaçai quelques-unes
parmi les dahlias; elles furent, en efîet, complète-
ment mises au ban. Peut-être les abeilles distin-
guent-elles, comme je l'ai déjà supposé, les cou-
leurs chlorophylliennes de nos couleurs artificielles
par des mélanges ultra-violets ou quelque chose
d'analogue. Comme Plateau s'est imaginé que les
Heurs artificielles repoussent les Insectes, je fa-
brique le 19 septembre les Heurs suivantes, en
papier grossièrement découpi'' : ex, une fleur rouge;
S, une fleur blanche; Y, une fleur bleue; S, une Heur
bleue avec un cœur jaune fait d'une feuille morte :
£, un morceau de papier rose avec un cœur de
dahlia séché; l, une feuille de dahlia verte (non
moditiée'i.
Il est !l heures du matin. Je pose une goutte
de miel sur ehacune des six contrefaçons glissées
sous les dahlias. Pmdanlun quart d'heure, de nom-
breuses abeilles volent très près de mes contrefa-
çons sans remarquer le miel; elles ne le senlei.t
donc pas. Je reviens une heure après. La contre-
façon S n'a plus de miel, elle a donc certainemeiil
été découverte par une abeille ; toutes les autres
sont complètement intactes et sont Testées igno-
rées.
Avec peine, je cherche alors à placer a très près
d'une abeille posée sur un dahlia. L'attention des
abeilles est toutefois tellement attirée par les
dahlias que je dois répéter l'essai quatre à cin([
fois jusqu'à ce que je réussisse à porter le miel di-
rectement sur la trompe d'une abeille. Celle-ci
commence alors aussitôt à sucer le miel de la fleur
en papier. Je marque cette abeille d'une couleur
bleue, sur le dos, pour la reconnaître, et je répète
l'expérience avec (3 et s, dont je colore les abeilles
en jaune et en blanc.
Bientôt l'abeille bleue, qui s'est enfuie pendant
l'intervalle, revient de la ruche, vole vers a, va .■!
vient en hésitant, puis vers S, où elle butine, puis
de nouveau vers a, mais plus du tout vers les dah-
lias. Plus lard, l'abeille jaune revient vers ,6 et bu-
tine, vole ensuite vers a et S, où elle butine aussi,
mais se soucie aussi peu des dahlias que sa com-
pagne bleue.
Enfin, arrive l'abeille blanche; elle cherche s,
mais ne la trouve pas tout de suite et butine à
quelques dahlias. Mais elle ne s'arrête qu'un instan t
à chaque dahlia, comme si la présentation forcée
du miel l'obsédait. Elle revient aux contrefaçons,
dont elle n'associe toutefois pas encore exactement
la perception avec le souvenir' du goût du miel :
mais elle trouve enfin une partie détachée de s
tombée un peu plus bas, et en suce le miel.
Dès ce moment, les trois abeilles marquées, et
celle.s-ci seulement, reviennent régulièrement aux
contrefaçons sans plus faire attention aux dahlias.
Je considère comme très important le fait que ces
abeilles peintes découvrent entièrement d'elles-
mêmes, sans doute par suite d'une conclusion
d'analogie instinctive, les autres contrefaçons aus-
sitôt qu'elles ont été rendues attentives au miel de
l'une d'elles, et bien que les contrefaçons soient
éloignées l'une de l'autre et de coloration diffé-
rente. Les dahlias qu'elles visitaient auparavant
sont cependant aussi de coloi-ation dilTérenle.
Ainsi, l'abeille bleue vole vers a, p, 7 et 8, la jaune
vers 3, a, S et •/, la blanche vers e, a, p et S. 11 en va
ainsi pendant un demi-heure. La feuille C verte n'a
pas été trouvée, vraisemblablement parce qu'elle
ne se distingue pas du feuillage vert.
Enfin, une abeille, probablement rendue atten-
tive par les trois autres, vient d'elle-même ào, et
butine; je la marque avec du carmin. Elle vole en-
AUGUSTE FOREL — LES FACULTÉS PSYCHIOUES DES INSECTES
12o
suile vers a ot cliasse l'abeille bleiif. Une autre
abeille est conduite par moi vers s. et marquée
avec du cinabre. Enfin, une abeille encore va
d'elle-même vers fi et est marquée en vert. Il est
midi vingt; l'expérience dure donc depuis plus de
trois heures, et six abeilles seulement connaissent
les contrefaçons, tandis que la grande masse va
encore aux dahlias. Mais ces dernières commencent
à remarquer leurs six compagnes. Une, puis deux,
puis trois et plus les suivent, et les couleurs me
manquent pour les désigner. A chaque instant, je
dois renouveler le miel.
Je vais alors déjeuner et je reviens à une heure
vingl-cinq. A ce moment, sept abeilles butinent
l'uscmblc sur |3, deux sur a, une sur 7, trois sur ?,
In blanche seule surs; plus de la moitié d'entre
eih'S sont de nouvelles imitatrices non marquées.
Iti'S lors, un véritable essaim d'abeilles se précipite
sur les contrefaçons et enlève les dernières traces
de miel. C'est seulement alors, après plus de quatre
Iieures, qu'une abeille de l'essaim découvre la con-
trefaçon C jusqu'à présent ignorée à cause de sa
couleur et restée pleine de miel.
Comme une meule de chiens sur un squelette
dépouillé, l'essaim d'abeilles entièrement détourné
des dahlias se précipite toujours sur les contrefa-
çons totalement dégarnies de miel, qu'il cherche en
vain dans tous les l'ecoins. Il est une heure cin-
quante-cinq; les abeilles commencent à se disper-
ser et à retourner aux dahlias. Je remplace alors a
el 3 chacun par un morceau de papier rouge el
blanc, ne contenant aucune trace de miel, et ne
possédant par conséquent pas l'odeur de ce der-
nier. Malgré cela, les inorceauxde papier sont visi-
tés et explorés par différentes abeilles, dont le cer-
veau a gardé la mémoire de la présentation forcée
du goût du miel. L'abeille blanche, par exemple,
explore le papier blanc pendant trois à quatre mi-
nutes.
Il ne peut être ici question dune force inconnue
ou d'une attraction par le parfum ou l'éclat des
Heurs. Ces faits ne peuvent s'expliquer que par un
souvenir d'espace, de forme, el de couleur associé
à un souvenir de goût.
J'enlève alors toutes les contrefaçons avec ma
main gauche pour les emporter. Deux ou trois
abeilles me suivent, entourent ma main et cher-
chent à se poser sur les contrefaçons vides.
L'image de l'espace a encore changé ; la couleur
et la forme de l'objet peuvent seules servir aux
abeilles pour le reconnailre.
Celte expérience est si nette el parle si claire-
ment que je l'ai choisie entre Ijeaucoup d'autres.
Elle prouve :
1° Le pouvoir de perception de l'espace, de la
forme el des couleurs chez les abeilles. Que celui-ci
ne soit rendu possible que par les yeux à facettes,
d'autres expériences le prouvent (vernissage
des yeux, section des antennes et des organes
buccaux, etc.) ;
2" La mémoire des abeilles à miel, et en parti-
culier leur mémoire visuelle el gusiative ;
3° Leur pouvoir d'association entre les souvenirs
gustalifs et visuels;
4° Leur capacité de former des conclusions d'ana-
logie instinctives : Si on leur présente une fois du
miel dans une contrefaçon, elles explorent d'autres
contrefaçons, même colorées diversement el jus-
qu'alors complètement délaissées, qu'elles compa-
rent à cause de leur similitude relative avec la
première, au moyen du sens de la vue, el qu'elles
reconnaissent comme semblables, quoique de tels
objets ne soient pas communs pour des abeilles ;
.5° Leur mauvais pouvoir olfactif, qui leur permet
seulement de flairer de très près ;
6° L'imperfection et le cercle étroit de leur atten-
tion ;
7° La formation rapide d'habitudes ;
8° Les limites de l'imitation des abeilles entre
elles.
Il va sans dire que je ne me permettrais pas de
tirer ces conclusions d'une seule expérience, si
elles n'étaient pas confirmées par d'innombrables
observations des chercheurs les plus habiles dans
ce domaine. Lubbock a montré clairement qu'on
peut entraîner une abeille pendant quelque temps
sur une couleur déterminée, de façon à l'engager à
dédaigner toutes les autres couleurs. C'est seule-
ment ainsi qu'on peut démontrer son pouvoir de
distinction des couleurs. Mes abeilles étaient, au
contraire, accoutumées à, des objets de couleurs
différentes (dahlias et contrefaçons); c'est pourquoi
elles ne remarquaient pas les différences de cou-
leurs. Si l'on en avait conclu qu'elles ne distin-
guent pas les couleurs, on se serait trompé. Par
d'autres expériences, j'ai d'ailleurs confirmé plei-
nement les résultats de Lubbock.
A 2 h. :iO, toutes mes abeilles, y compris les
abeilles marquées, reviennent aux dahlias.
Le 27 septembre, donc huit jours après, je vou-
lus faire une nouvelle expérience avec les mêmes
abeilles. Je me proposais de placer des disques de
coloration différente à divers endroits d'une longue
échelle de clarté, consistant en une grande feuille
de papier peinte du blanc au noir en passant par le
gris. Je voulais d'abord habituer une abeille à une
couleur. Mais j'avais compté sans la mémoire des
abeilles, qui déjoua tous mes plans. A peine avais-
je mis mon papier et mes disques sur le gazon au
voisinage de la plate-bande de dahlias, puis posé
une ou deux abeilles sur des disques bleus et mar-
qué celles-ci, quelles commencèrent à voler vers
1 -2(1
AUGUSTE FOREL — LES F.\CULTf:S PSYCHiniJliS DES l.NSKCTKS
us les disques rouges, bleus, blancs, noirs et
aulrcs, avec ou sans miel et à explorer ceux-ci.
En peu de temps, d'autres abeilles arrivèrent des
dahlias, et bientôt un essaim entier se précipitait
sur les (lis(|ues de papier. Naturellement, ceux
recouverts de miel étaient davantage visités, car
les abeilles y séjournaient : mais des disques com-
plètement vierges de miel furent aussi assaillis par
les grappes d'abeilles qui suivaient, puis, il est
vrai, bientôt abandonnés. Ees abeilles renversèrent
aussi la boite à couleurs et, parmi elles, une à
laquelle j'avais coupé les antennes : elle avait aupa-
ravant sucé du miel sur des disq\ies bleus, et elle
était retournée à la ruche. Elle explora le morceau
de couleur bleue dans la boîte à couleurs.
En résumé, mon expérience était impossible
parce que toutes les abeilles avaient encore dans
la télé les contrefaçons antérieures, diversement
lorées cl pourvues de miel, "et visitaient par con-
cluent tous les disques de papier colorés de la
même façon. L'association goût du miel et disques
de papier avait été de nouveau réveillée par la per-
ception de ces derniers, et avait gagné de la con-
sistance ainsi qu'une imitation rapide et puissante,
parce qu'il se trouvait aussi, en ed'el, du miel sur
liielques-uns des disques.
Avec le pouvoir de perception et d'association
-i manifeste aussi celui de tirer d'expériences indi-
\iduelles des conclusions d'analogie simples el
instinctives, sans lesquelles les perceptions et le
travail de la mémoire ne sont pas possibles. Nous
venons d'en signaler un exemple. J'ai montré anté-
rieurement que des bourdons, dont j'avais placé
le nid sur ma fenêtre, lorsqu'ils y revenaient, con-
fondaient souvent d'autres fenêtres de la même
façade avec la mienne et les exploraient longtemps
avant d'arriver à la vraie. Lubliock rapporte des
faits analogues. 'Von Bultel a montré que des
abeilles, habituées à une chambre et à une fenêtre,
apprenaient par là à chercher chambre et fenêtre |
dans d'autres maisons. Lorsque Pissot obstrua 1
l'entrée d'un nid de guêpes par un réseau dont h'S
maillesmesuraicntiiS millimètres, les guêpes s'éton-
nèrent d'abord, se dirigèrent vers le bord et firent
mille circuits. Mais elles apprirent bientôt à voler
il travers les mailles. Le sens de la vue, considéré
dans le vol, convient particulièrement à ce genre
d'expériences, qui ne peuvent être faites avec les
fourmis. Mais ces dernières tirent, sans aucun
doute, des conclusions analogues de leur sens
antennaire lopochimique. La découverte d'une
proie ou d'une nourriture quelconque sur une
plante ou un objet les pousse à visiter des plantes
ou des objets semblables, etc.
11 y a cependant, d'autre part, des Insectes très
bêtes, comme les mâles des fourmis, les Diptères,
les Éphémères, à cerveau misérable, qui sont inca-
pables d'apprendre quoi que ce .soit, de synthétiser
les impressions des sens plus loin ,quen un simple
automatisme, et chez lesquels une fixation des
images mémorielles est à peine perceptible. Ces
derniers ne répondent guère que directement aux
excitations des sens ; leur vie s'adapte aux cir-
constances les plus simples. C'est ici que l'on cons-
tate le mieux la différence, el ces faits prouvent
clairement, par la comparaison et le contraste, le
plus que possèdent les Insectes jilus intelligenis.
III.
DiiMATMÎ DE LA VOLONTÉ.
La conception de la volonté, dès qu'on l'oppose
à celle de réflexe, suppose, entre l'impression des
sens et le mouvement qui en dépend, un certain
temps et des processus cérébraux intermédiaires
compli{|ués. Dans les actions des automatismes
propres de l'instinct, qui se produisent dans une
succession déterminée, il y a aussi un temps inter-
médiaire, rempli par des processus internes, dyna-
miques du cerveau, comme dans la volonté. Ce ne
sont pas des réllexes purs. Ces actions peuvent être
interrompues pour un temps, puis recommencée.-^.
.Mais leur réalisation a lieu en grande partie par une
chaîne de réflexes compliqués, qui se suivent for-
cément ainsi et non autrement. C'est ce qui justilie
l'expression d'automatisme ou d'instinct.
Pour parler de volonté au sens étroit du niul,
nous devons considérer des décisions individuelles,
qui se forment d'après les événements, c'est-à-dire
qui sont modifiables, qui peuvent rester déposées
un certain temps dans le cerveau et qui peuvent
être ensuite de nouveau réalisées. Cette volonté n'a
pas besoin d'être encore la volonté humaine com-
pliquée, qui consiste en résultantes de composan-
tes extrêmement compliquées, longuement prépa-
rées et combinées. Les fourmis montrent des phé-
nomènes de volonté positive et négative, qui ne
peuvent être méconnus. LaForwicfi L. se distingue
particulièrement par ses activités psychiques
individuelles. Sesdéménagements de nidscités plus
haut font reconnaître les plans individuels d'un
travailleur, exécutés avec la plus grande ténacité.
Pendant des heures, une fourmi peut surmonter
une quantité de difficultés pour parvenir à un but^
qu'elle s'est proposé. Ce but n'est pas toujours <
tracé instinctivement, parce qu'il existe beaucoup i
de possibilités, et il arrive souvent que deux four-
mis font deux travaux opposes. .\ l'observateur
su])ei'ficiel, cela paraît stupide. Mais ici se dénote
la plastique des fourmis. Pendant quelque temps
les deux petits animaux se gênent mutuellement;
puis ils finissent par le remarquer, et l'un cesse,
.s'en va, ou aide l'autre.
AUGUSTE FOREL — LKS FACULTÉS PSYCHIQUES DES INSECTES
127
La construction des nids ou des chemins offre
les meilleures occasions d'observation, par exemple
chez la Formica riifn, ou encore mieux chez la
F. prnieiisis. Mais on doit suivre pendant des
heures quelques fourmis pour se faire une concep-
tion nette, et il faut pour cela beaucoup de pa-
tience et de temps. Les guerres des fourmis per-
mettent aussi de reconnaître certains buts d'action,
très conséquents, par exemple ce que j'ai nommé
les roin])nls ;) froid. Après que deux partis (deux
[• colonies) ont conclu la paix, on voit souvent quel-
ques fourmis seules poursuivre certains individus
de l'autre camp et les maltraiter. Elles les portent
quelquefois très loin, pour les écarter de leur nid.
Si l'exilée peut y revenir d'elle-même, et que son
ennemie la retrouve, elle est de nouveau appréhen-
dée et emmenée encore plus loin. Dans un cas ana-
logue, que j'ai observé chez les LeptoUicm.y, la
fourmi persécutrice parvint à entraîner sa victime
au bord de ma table. Elle lendit la tête et laissa
loniber son ennemie sur le sol. Ce n'était pas un
hasard, car elle répéta la chose deux fois de suite,
Jusque j'eus replacé sur la table la fourmi tom-
lii'C. Parmi les divers individus du parti ennemi,
maintenant allié, elle avait reporté et concentré son
antipathie sur celui-ci et elle cherchait k lui rendre
le retour impossible.
On doit avoir une opinion fortement préconçue
pour dénier aux fourmis, dans beaucoup de cas
semblables, des décisions individuelles et leur
mise à exécution. Il est vrai que, 'ces choses se pas-
-eiil dans le cadre des voies de l'instinct spécifique,
< t que les différentes périodes de l'exécution d'une
<l(;'cision ont lieu instinctivement. D'autre part, je
me refuse expressément à mettre des pensées
humaines et des conceptions abstraites dans cette
volonté des fourmis. Néanmoins, nous soumies
obligés de reconnaître que, par conlri;, chez nous,
hommes, il se glisse constamment dans l'exécution
de nos décisions des automatismes tant secon-
daires qu'héréditaires. Pendant que j'écris ces
lignes, mes yeux travaillent avec des automatismes
en partie acquis,' et ma main avec des automa-
tismes secondaires. Mais, naturellement, un cerveau
humain est seul capable de réaliser la complication
de mes innervations et des réflexions abstraites
qui les accompagnent.
Une fourmi, qui poursuit un des buts signalés
et combine des instincts dans cette direction spé-
ciale, ne peut associer et penser quelque chose de
concretqu'à la façon d'une fourmi. Tandis que les
instincts, chez la fourmi, ne peuvent être dissociés
ou réunis que pour des buts simples peu différents,
par quelques adaptations plastiques ou des asso-
ciations individuelles dans leur enchaînement, chez
l'homme pensant, par contre, les automatismes
transmis aussi bien qu'héréditaires ne sont que
des fragments ou des instruments au service d'un
travail cérébral plastique considérable, dominant
tout. Soit dit en passant, l'indépendance relative de
la moelle épinière et des centres cérébraux infé-
rieurs par rapport au cerveau, chez les Vertébrés
inférieurs (et aussi chez les Mammifères inférieurs),
s'explique de la même façon, quand on la compare
avec la profonde dépendance du puissant cerveau
dans laquelle se trouvent ces organes et leurs
fonctions chez l'homme et en partie déjà chez le
singe. Ces derniers étreignent et dominent leurs
automatismes [Divideet iinpera).
Tandis que, dans le succès, la hardiesse comme
la ténacité de la volonté des fourmis augmentent
visiblement, on peut voir survenir, 'par des insuccès
répétés ou à la suite d'une attaque subite par de
puissants ennemis, un découragement aboulique,
qui conduit parfois à l'abandon des instincts les
plus forts, à la fuite lâche, à la destruction ou au
rejet des œufs, à l'abandon du travail, etc. Il y a
un découragement chronique dans les colonies
dégénérées et un découragement aigu après une
bataille perdue. Dans ce dernier cas, on peut voir
de grosses et fortes fourmis fuir sans chercher à se
défendre devant une seule petite ennemie qui les
poursuit hardiment, alors qu'une demi-heure au-
paravant cette ennemie auraitélé tuée par quelques
morsures des fuyardes. Il est remarquable de
constater comment le vainqueur s'aperçoit et pro-
fite vile de ce découragement aboulique. Les four-
mis découragées ont l'habitude de se réunir après
la fuite, et elles recouvrent bientôt volonté et cou-
rage. Cependant,elles n'offrent, par exemple, qu'une
faible résistance à une attaque du même ennemi
le jour suivant. Même un cerveau de fourmi n'ou-
blie pas si vite un échec subi.
Dans des combats répétés entre deux colonies
presque de même force, la ténacité du combat et
la volonté de vaincre augmentent jusqu'à ce que
lune soit décidément vaincue. Dans le domaine
de la volonté, l'imitation joue un grand rôle. Chez
les fourmis aussi, la préoccupation et le décourage-
ment sont contagieux.
IV
DùM.^l.M-: DU SEXTIMIiNT.
Il peut paraître plaisant de parler des senti-
ments. Si nous considérons cependant combien
notre vie sentimentale humaine est profondément
et héréditairement instinctive, combien manifestes
sont les aH'ections de nos animaux domestiques et
combien elles sont liées aux impulsions, nous de-
vons admettre des sentiments et des affections
dans la psychologie des animaux.
Ceux-ci se laissent si clairement reconnaître
1-28
AUGUSTE FOREL — \.K> FACLLTKS PSVCIIIQl KS Di:s INSPECTES
chez les Insectes sociaux, que même un Uexkull
dul se sentir persuadé lorsqu'il les examina plus
allenlivement. Nous en trouvons quelques-uns
entremêlés dans ce que nous avons dit de la volonté.
La plupart des alVeilions des Insectes sont étroite-
ment unies aux instincts : ainsi, la jalousie de la
reine des abeilles, qui lue ses rivales; la peur de
ces dernières, qui sont encore dans leurs cellules;
la rage des fourmis, des abeilles et des guêpes
guerrières, le découragement déjà signalé, l'amour
de la couvée, le sacrifice des abeilles ouvrières qui
se laissent mourir de faim pour nourrir leur reine,
etc., etc. Mais il y a aussi des sentiments indivi-
duels, qui ne dépendent pas forcément de l'instinct,
comme, par exemple, la recherche par dos fourmis
seules d'adversaires délerniinées pour les mal-
traiter.
Par contre, comme je l'ai prouvé, des services
d'amis i alimentation' peuvent être rendus excep-
tionnellement à une ennemie et avoir pour suite
des sentiments de sympathie réciproque, même
entre fourmis d'espèce différente. En outre, les
sentiments de sympathie, d'antipathie et de colère
s'augmentent, chez les fourmis, par la répétition et
par les actions qui leur correspondent, comme c'est
le cas chez d'autres animau.K et chez l'homme.
Le sentiment du devoir social est instinctif chez
les abeilles, mais il présente de grandes variations
individuelles, temporelles et occasionnelles, qui
trahissent une certaine plasticité.
V. — Relations rsvciiioits nÉcipROoiES.
.l'ai rapidement parcouru les trois domaines
principaux de la psychologie des fourmis. Natu-
rellement, ils ne se laissent, ici pas plus qu'ailleurs,
nettement séparer. La volonté se compose de résul-
tantes centrifuges des perceptions des sens et des
sentiments, mais elle réagit à son tour puissam-
ment sur eux.
L'observation de l'antagonisme entre différentes
. sensations, sentiments et impulsions volontaires
chez les fourmis et les abeilles, et la façon dont
l'attention, toujours très restreinte etforcée (obses-
sionnelle! chez ces Insectes, est enlin détournée
d'une chose sur l'autre, sont très intéressantes.
L'expérience enseigne ici beaucoup.
Aussi longtemps que des abeilles s'assemblent
sur une espèce de (leur déterminée, elles ne remar-
quent rien d'autre, même les autres fleurs.
.Mais détourne-t-on leur attention en leur pré-
sentant du miel qu'elles n'avaient pas encore
aperçu, alors elles n'ont plus d'yeux que pour le
miel. Un sentiment intensif, coiiune l'essai-
mage chez les abeilles (von Buttel , fait oubliera
ces Insectes toute inimitié et même leur vieille
ruche-mère, où ils ne reviennent jamais. Mais, si
celte dernière est peinte en bleu et que l'essai-
mage soit interrompu par l'enlèvement de la reine,
alors les abeilles se souviennent de la couleur
bleue de leur ancienne ruche et volent vers les
ruches peintes en bleu. Deux sentiments se com-
battent souvent chez les abeilles sans reine, in-
(juièteset bourdonnantes : celui de la haine conirr
les abeilles étrangères et celui du besoin d'unr
reine. Si on leur procure alors artificiellement une
reine étrangère, elles la maltraitent ou la tuent;
parce que le premier sentiment domine d'abord.
Les apiculteurs leur donnent, à cause de cela, unr
reine étrangère emprisonnée dans un filet. L'o-
deur étrangère les trouble moins, parce qu'elle est
plus éloignée ; et elles ne peuvent maltraiter la «
reine. D'ailleurs, elles reconnaissent l'odeur spéci-
fique de reine, et elles peuvent nourrir la reine
étrangère à travers les mailles du réseau au moyen
de leur trompe. Cela suffit pour tranquilliser aussi-
tôt la ruche. Le deuxième sentiment devient alor^
prédominant; les ouvrières s'habituent rapide-
ment à l'odeur étrangère, et, après trois ou quatre ^
jours, on peut sans danger délivrer la reine. *
Chez les fourmis, on peut opposer la gourman-
dise au sentiment du devoir, en faisant attaquer
une colonie par des ennemis apportés intention-
nellement et en présentant du miel aux défenseui>
qui sortent du nid. Je l'ai fait chez la Foriul'
lirnlensis.
D'abord, les fourmis touchèrent un peu au miel,
mais ce ne fut qu'un instant. Le sentiment du de-
voir fut vainqueur, et toutes, .sans exception, cou-
rurent au combat, la plupartàla mort.
Ici. une décision ou un instinct plus haut domine
un penchant inférieur.
VI. — COXCI.LSIONS.
.Nous tirerons de ce qui précède les conclusion-
suivantes :
i° .\u point de vue de l'Histoire naturelle, on
doit maintenir l'hypothèse d'identité psychophy-
siologique monisme par opposition au dualisnn'.
parce qu'elle s'accorde seule avec les faits et spé-
cialement avec la loi de la conservation de l'éner-
gie. Noire esprit doit être étudie à la fois directe-
ment de l'intérieur et indirectement de l'extérieur,
au moyen de la Ilioloi/ie et en tenant compte du dé-
veloppement concomitant de tcuites ses facultés. Il \
a donc une Psychologie comparée des autres à
côté de la Psychologie subjective. Le recours à
l'analogie, dans les limites d'un prudent emploi,
est ici indispensable:
2° Les sens des Insectes sont les nôtres; il n'y a
que le sens de l'ouïe qui resle douteux. (|uant à
I
AUGUSTE FOREL — LES FACULTÉS PSYCHIQUES DES INSECTES
l-2n
son siège et à rinterprétalion que nous en donnons.
L'existence d'un sixième sens n'est pas prouvée, du
moins jusqu'à présent; et un sens propre de direc-
tion et d'orientation manque certainement. L'appa-
reil vestibulaire des Vertébrés ne correspond qu'à
un sens d'équilibre donnant des sensations internes
d'accélération; mais il n'orienle pas dans l'espace
extérieurement au corps. Par contre, les sens de la
vue et de l'odorat oll'rent, chez les Insectes, des va-
riétés de fonctionnement et d'énergie spécifique
(vision de l'uilra-violel, mode fonctionnel des yeux
à facettes, sens antennaire topochimique et odorat
de contact);
3° Les réilexes, les instincts et les activités ner-
veuses centrales, plastiques, s'adaptant à chaque
individu, passent insensiblement de l'un à l'autre.
Des complications plus élevées de ces fonctions
cérébrales ou psychiques correspondent à des
appareils plus compliqués de complexes de neu-
rones supérieurs (cerveau; ;
i" Sans qu'il y ait opposition, l'aclivité nerveuse
ci'otrale se complique, chez les différents groupes
et espèces d'animaux, de deux façons : d'abord, par
l'hérédité (sélection, etc. I d'automatismes ou d'ins-
tincts compliqués, plus particulièrement con-
formes; puis, par l£s possibilités, toujours plus
variées, d'aclivilés plastiques adaptables indivi-
duellement, liées à la faculté de former graduel-
lement des automatismes secondaires individuels
(habitudes). Le deuxième mode exige beaucoup
plus d'éléments nerveux. Par desdispositions héré-
ditaires d'espèce plus ou moins déterminée (ins-
liiuts non terminés!, il passe au premier mode;
.'i" Chez les Insectes sociaux, il y a un rapport
direct entre les facultés psychiques développées et
la grandeur du cerveau;
()" Chez ceux-ci, on peut mettre en évidence de la
mémoire, des associations d'images sensorielles,
des perceptions, de l'attention, des habitudes, un
pouvoir élémentaire de tirer des conclusions par
analogie, l'utilisation d'expériences individuelles.
ainsi que quelques applications ou adaptations
plastiques individuelles;
7° On trouve aussi une forme correspondante,
très simple, de la volonté, c'est-à-dire l'exécution
de décisions individuelles dans un temps plus on
moins long par diflërentes chaînes d'instincts; puis,
diverses sortes de sentiments de joie et de cha-
grin, ainsi que des relations et des antagonismes
entre ces diverses forces psychiques;
8" Dans les actions des Insectes, l'activité de
l'attention est très superficielle et se concentre au
premier plan. Elle limite strictement son domaine
et rend l'animal aveugle linattentif aux autres
impressions des sens.
Plus le développement et les adaptations de l'ac-
tivité neurokymique centrale, plastique ou auto-
matique, sont divers dans les différents cerveaux
d'animaux, plus on reconnaîtra des suites de phé-
nomènes déterminés et leurs lois fondamentales.
Aùjourd'liui encore, je maintiens fermement la
septième thèse que je posai en 1877 dans ma ré-
ception comme privat-docent à l'ficole Supérieure
de Munich :
« Toutes les propriétés de l'intellect humain
peuvent être déduites des propriétés de rintellccl
des Animaux supérieurs. »
J'y ajoute encore ceci ; « Et toutes les propriétés
de l'intellect des Animaux supérieurs se laissent
déduire de celles de l'intellect des Animaux infé-
rieurs. »
En d'autres termes, la loi de l'évolution se véri-
fie aussi exactement dans le domaine psychique
que dans tous les autres domaines de la vie orga-
nique. Malgré toute la difTérence des organismes
animaux et de leurs conditions de vie, les fonc-
tions psychiques des éléments nerveux semblent
obéir à certaines lois fondamentales, même là où
les distinctions sont si grandes qu'on s'y attendrait
le moins.
Auguste Forel,
Ancien professeur de Psychiatrie
i rUniversilé de Zurich.
PEVIE GÉNÉR.ALE DES SCIE.NCES, 1902
130
M"' A. M. CLERKE — RI-CHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
LES RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
A L'INSTITUTION ROYALE DE LONDRES
Pendant longtemps, les recherches sur les basses
températures ont semblé l'apanage de l'Institution
Royale. Reprenant, après un tiers de siècle, les tra-
ditions de Davy et de Faraday, le Professeur Dewar
a donné aux travaux de cet établissement un nou-
veau caractère en en élargissant le cadre. Tl a voulu
étendre et approfondir ses investigations sur les
propriétés de la matière soumise à des conditions
particulières qu'on n'avait encore jamais pu réa-
liser. Mais, à cet efl'et, une dépense énorme d'efforts,
de temps et d'argent est nécessaire, sans parler des
risques dont nous menacent les forces naturelles,
dans leur révolte contre la contrainte mécanique
qu'on leur impose.
L'ensemble de toutes ces conditions n'a élé
rendu nulle part aussi complètement productif
que dans le laboratoire de l'Institution Royale. Ces
résultats sont dus, en majeure partie, à la géné-
rosité d'un bienfaiteur', mais beaucoup d'autres y
ont aussi contribué. La munificence de la Société
des Orfèvres a, par deux fois, résolu des embarras
financiers: les dons de simples particuliers ont
fourni d'indispensables secours.
Voici, en quelques mots, les résultats obtenus à
l'époque où la fondation Hodgkins vint permettre
de continuer les recherches :
Tous les gaz connus, excepté l'hydrogène et le
fluor, avaient été liquétiés dans des conditions sta-
tiques, et, seul, l'oxygène liquéfié refusait de se
solidifier en s'évaporant sous pression réduite. Le
froid obtenu était seulement de 73° C. au-dessus du
z.éro absolu ( — '213" C), et l'on avait pu déterminer
les nouvelles propriétés électriques et chimiques
de corps variés, refroidis à — 182° C. En raison
. de la diminution progressive de la résistance des
métaux purs, observée à mesure que la tempéra-
ture s'abaissait, on pouvait s'attendre à voir celte
résistance disparaître totalement au voisinage du
zéro absolu, tandis que pour les alliages la résisli-
vité diminuait peu, et que celle du carbone suivait
' Dans les premiers jours de l'année 1893, Teu M. Thomas
G. llodgkins légua à llnstitution Itoyale une somme de
100.00(1 dollars, dont les revenus devaient ('trc employés à
<• rechercher les relations et les corrélations existant entre
l'homme et son Créateur ". Le 6 février suivant, les admi-
nistrateurs rési.ilurent d'exécuter les volontés du donateur
■•n appliquant ces ressources aux travaux de l' institution,
■Ile-ci se propose d'atteindre la vérité, et constitue un
"'ectif de « diriger la pensée vers la source de toute
une marche inverse. On avait noté les particula-
rités, curieuses à cet égard, des différents métaux.
C'est ainsi que la résistivité du fer est réduite à
1/23, et celle du cuivre seulement à 1/11, quand l.i
température passe de -|-108° à — 197° : à cetlr
dernière température, le fer conduit mieux que li'
meilleur cuivre à la température ordinaire.
Le Professeur J.-A. Fleming collaboraildans ces
recherches avec le Professeur Dewar. Celui-ci dc-
couvritv le 10 décembre 1891, la propriété magne-
tique de l'oxygène liquide. Il constata encore ! i
persistance, après condensation, d'autres proprii
tés bien connues de ce gaz. L'oxygène liquide, toiil
comme l'oxygène gazeux, est mauvais conducteur
de la chaleur et de l'électricité, mais transparent
pour les radiations thermiques. Son spectre d'ab-
sorption est aussi virtuellement le même que celui
du gaz. On pouvait conclure de tous ces faits que
la constitution moléculaire de cet élément est
peu affectée par ce changement d'état.
Les difficultés pratiques qui s'opposaient à l.i
conservation et à l'observation des liquides froids
furent dans une très large mesure surmontées par
l'emploi de vases à double enveloppe, inventes
par le Professeur Dewar. Le vide qui existe entre
les deux parois empêche si bien l'accès de la cha-
leur par convection ou rayonnement, que l'évapn-
ration tomba du coup à 1/oOde sa valeur première,
et la perte fut encore diminuée par le dépôt d'une
mince couche de mercure à la surface du vase in-
térieur. De nouveaux perfectionnements dans la
construction réduisirent la perte à une faible frac
lion de ce qu'elle était dans des vases non proti'-
gés, et les fluides volatils purent être conservis
trente fois plus longtemps qu'auparavant.
En outre, l'ébuUition cessant, ils n'étaient plus
en agitation perpétuelle, et la manipulation deve-
nait aisée. Ces progrès essentiels furent réalis('s à
la lin de 1892.
Ainsi, au début de la période de sept années
dont nous allons faire l'histoire, la marche en
avant était opiniâtre et continue, et maint nouveau
domaine avait élé annexé et exploré. Il restait
encore au delà une région peu étendue, il est vrai,
mais d'un accès tout hérissé de difficultés. Et pour-
tant, il y avait quelque espoir de s'en rendre com-
plètement maître par l'amélioration des méthodes
et l'usage de l'expérience a((|uise au cours de
leur application.
]«'"= A. M. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
131
LlQlJÉFAC.ÏIOX DE l'hydrogène.
Le problème le plus important qui restait à
résoudre était de condenser l'hydrogène. Ce gaz,
le plus léger de tous les corps connus, ressemble
cependant à un métal : il esl fortement électro-po-
sitif; il conduit bien la chaleur et l'électricité, et
forme, avec le palladium, le sodium et le potas-
sium, des composés possédant quelques propriétés
des alliages. Guidé par ces faits, Faraday avait
annoncé que l'hydrogène solide devait avoir l'éclat
métallique.
La liquéfaction en fut publiée pour la première
fois par M. Wroblewski, de Cracovie, en jan-
vier 188i. On put voir, pendant un instant, un
brouillard d'hydrogène quand le gaz, préalable-
ment refroidi à la température d'ébullition de
l'azote dans le vide, était subitement soustrait à
une pression de 180 atmosphères. Ce phénomène
passager fut reproduit par' M. Olszewski; mais
aucun de ces deux savants ne réussit à obtenir le
liquide sous forme maniable.
Ce succès était réservé à l'Institution Royale, et
formait la résultante d'une longue série d'efforts,
fréquemment infructueux et repris toujours avec
obstination. Les conditions à réaliser étaient approxi-
mativementconnues, en partantdela détermination
des constantes critiques de l'hydrogène au moyen
de la formule de Van der Waals, par Wroblewski.
Ce savant fixait à — 240° C. la température sine
ijun non, pourrait-on dire, la pression correspon-
dante étant 13 atmosphères, et le point d'ébullition
— ^oÛ" C. Le Professeur Dewar fit, dans ces condi-
tions, une expérience préliminaire, en mêlant un
peu d'air ou d'azote à l'hydrogène, pour obtenir
ainsi un gaz capable de se liquéfier par l'emploi de
l'air liquide. Ce mélange gazeux, soumis à une pres-
sion énergique à la température de 200° C, pro-
duisait, quand on le laissait se détendre, un froid
supérieur à tout ce qu'on avait obtenu auparavant. Il
en résultait un dépôt d'air solide, joint à un liquide
limpide, de faible densité, trop volatil pour|[pouvoir
être utilement recueilli par un dispositif quel-
conque. C'était là le premier échantillon d'hydro-
:;ène vraiment liquéfié qu'on eût jamais montré.
M. Dewar ne voulait pas ne faire qu'entrevoir
l'hydrogène liquide; il tenait à s'en rendre tout
à fait maître. Enfermé sous pression dans un
tube de verre, ce produit restait encore relative-
ment inaccessible : jusqu'au jour où l'on sut
l'accumuler à son point d'ébullition dar.s les vases
à enveloppe de vide, il n'avait pas été possible
d'en étudier les propriétés d'une façon satisfai-
sante. L'introduction du serpentin régénérateur
permit d'atteindre ce but. Déjà, en 1857, Siemens
avait employé à la production du froid la mé-
thode par laquelle un corps se refroidit lui-même
davantage. Les années suivantes, le procédé fut
appliqué à des entreprises industrielles par Colc-
man, Solvay, Linde, et d'autres encore, tandis que
le D' Kamerlingh Onnes y recourait dans son
laboratoire de Leyde, en 1894'.
Ce fut alors une opération courante que la liqué-
faction prompte et abondante des gaz perma-
nents; mais c'est à l'Institution Royale seulement
qu'étaient assurées les facilités permettant d'éten-
dre largement le champ des recherches.
En décembre 180't, le Professeur Dewar lut à la
Société Chimique de Londres une communication
où il décrivait le mode de production et l'emploi
d'un jet d'hydrogène liquide. Par suite du rapide
mouvement du gaz en train de se condenser, et
aussi de la faible densité du liquide qui en résul-
tait, les essais pour recueillir ce dernier restèrent
infructueux. Mais on pouvait espérer réussir avec
un isolement thermique plus parfait, et des vases à
enveloppe de vide mieux appropriés.
Pourtant, les recherches à environ 20° ou 30" au-
dessus du zéro absolu étaient déjà rendues prati-
cables par l'emploi d'un jet d'hydrogène liquide
comme agent de réfrigération. C'étaient seulement
des difficultés d'argent qui barraient la route ; mais
elles ne purent arrêter complètement le progrès
en marche. Le type d'appareil régénérateur employé
en 189rj, et reconnu satisfaisant, fut considérable-
ment agrandi pour l'air liquide, avec un dispositif
spécial pour permettre de traiter aussi l'hydrogène.
La construction en exigea une année, et plusieurs
mois se passèrent encore à en vérifier les services.
La perfection nécessaire pour contraindre le gaz à
une défaite sans conditions éclata enfin quand !e
fluide condensé se mit à couler goutte à goutte dans
un vase à enveloppe de vide et triple revêtement,
le 10 mai 1898. Par une sorte de curieuse coïnci-
dence, la première démonstration publique de celte
substance, hors nature en quelque sorte, fut faite à
la conférence du Professeur Dewar pour le cente-
naire de l'Institution Royale, le 7 juin 1899. Un
vase sphérique argenté et protégé par un manteau
de vide contenait un litre d'hydrogène liquide, et
était plongé dans un bain d'air liquide, exposé, sur
la table d'expériences, aux regards des savants des
deux continents. Grâce à ces précautions, l'évapo-
ration n'était pas trop rapide. Mais, quand on vint
à enlever du col du vase le tampon d'ouate qui le
fermait, il y eut aussitôt un dépôt d'air sous forme
de neige. De même, quand on emploie ou qu'on
manipule l'hydrogène liquide, on est constamment
' Voyez à ce sujet : E. Matiius : Le laboratoire ci'yogéne
de Leyde, dans la Revue du 30 avril 1S96, t. \'II, p. 381.
W. A. Tii.DEx: L'appareil du D'' Haiiipsoii pour la liquc-
l'action de l'air et des gaz, dans la Revue du i~> arril tS'JtJ,
p. 32y.
1^2
M"^ A. M. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
cniliarrassé par l'air atmosphérique qui se solidifie
et bouche les tubes.
II. — TlIKUMOMÈTIii;> POUR BASSES TEMPÉRATIKES.
Ce brillant résultat, obtenu après une longue
série d'essais décourageants par leur insuccès,
n'était que le prélude d'entreprises nouvelles. Il
n'y a pas de terme final dans la Science : la vérité
marche toujours en avant : elle pousse ses fidèles à
aborder des ri;gions de plus en plus difficiles et
accidentées, et cela est vrai surtout des recherches
relatives à la production artificielle du froid. A
chaque pas en avant, les obstacles deviennent plus
insurmontables et les conditions plus critiques. La
seule détermination exacte des températures
atteintes est toute remplie de difficultés : les mé-
thodes hal)ituelles pour mesurer la chaleur se
trouvent en défaut dans ces conditions extraordi- |
naires. Au=si, le simi)le choix d'un thermomètre '
pour fixer le point d'ébullition de l'hydrogène con-
stituait un Irav.iil de la plus délicate subtilité.
I^es instruments qui donnent les variations de
température au moyen de la résistance électrique
étaient des plus faciles à employer ; mais leur con-
struction repose sur une loi empirique, et on ne
pouvait guère espérer d'eux des indications encore
exactes un peu au delà des limites de l'expérience.
On pouvait ensuite recourir aux thermomètres à
ga/.du type « à volume constant », remplis d'hydro-
gène, d'hélium, d'oxygène ou d'acide carbonique.
Ces deux derniers gaz servirent à décider si la con-
traction reste uniforme quand le frcjid augmente
au voisinage des points débulliLion des corps
choisis pour points de repère.
La réponse fut tout à fait rassurante : On constata
qu'un gaz, simple ou composé, peut servir à déter-
miner exactement les températures jusqu'au mo-
ment de la liquéfaction. Les résultats obtenus avec
les thermomètres à hydrogène et à hélium étaient
]iarliculièrement dignes de confiance, par suite de
leur exacte concordance. On conclut par ce moyen
(|ue l'hydrogène bout sous la pression atmosphé-
rique à— 2.") li^.j G., ou à 20°5 au-dessus du zéro absolu,
sa température critique étant — 2il° C. L'iiydro-
gène liquide ne présente pas de ressemblance avec
les métaux : il ne conduit pas l'électricité et se soli-
difie en un corps analogue à la glace, 40 fois plus
léger que l'eau. D'une transparence parfaite, il ne
donne pas de spectre d'absorption et reste absolu-
ment incolore. Sa chaleur spécifique, quoique assez
jieu différente de celle de l'hydrogène liquide quanti
on la rapporte au volume, est 12 fois plus grande à
poids égal; elle est 11 fois celle de l'eau.
L'importance scienlilique de ce nouveau corps
ne résulte pas, cependant, uniquement de ses qua-
lités exceptionnelles, mais aussi de sa puissance
comme agent frigorifique. On ne sut bien l'em-
ployer dans ce but qu'après plusieurs mois de pé-
nibles expériences, les substances extraordinaire-
ment froides étant aussi peu maniables que les
corps portés à une chaleur excessive. Les obstacles
qu'il avait fallu vaincre pour l'air liquide se présen-
taient, plussérieux encore, avecl'hydrogène liquide,
qui complique les opérations en solidifiant tout l'air
ambiant. 11 fallait ainsi empêcher l'accès, non seu-
lement de la chaleur, mais même d'un élément
universellement répandu. Mais les faits enseignés
par l'emploi de ce nouvel agent doivent se ranger
parmi les dépouilles opimes de la Nature; ils sont
les glorieux trophées de cette lutte acharnée.
III. — El'II'.TS PliODlITS l'AR LE I-iCilIl.
C'est dans le domaine presque tout entier de la
Physique qu'on a examiné les effets de ces froids
excessifs sur la matière dans ses relations avec la
lumière, la chaleur, l'électricité et le magnétisme.
Les questions qui se rapportent au mode d'action
des forces de cohésion et d'affinité rentrent plei-
nement dans ce domaine, d'où on ne peut davan-
tage exclure l'examen des complications de la struc-
ture moléculaire, ou même les considérations sur
l'essence de la matière. Ces ultimes problèmes
forcent l'attention des « cryogénistes » les moins
portés aux rêveries; et plus on pourra s'approcher
du zéro absolu, et plus aussi il sera légitime d'es-
pérer les résoudre un jour d'une façon définitive.
C'est vers ce « pôle du froid » que M. Dewar a
hâté sa marche pendant vingt années.
Peut-être sera -t-il à jamais impossible; d'attein-
dre effectivement ce terme, mais la dislance qui
nous en sépare sera ramenée i'i un minimum. Le
terrain gagné dans l'intervallea été soigneusement
exploré. En même temps que les incessants efforts
en vue de liquéfier l'hydrogène, les expéi'iences se
poursuivaieat vigoureusement à la temjiér.ilure de
l'air liquide.
En 18!tl$, et ]iendanl les années qui suivirent,
les Professeurs Dewar et Eleming exécutèrent une
série étendue de recherches, avec des applications
plus complètes qu'auparavant, sur la production
de grandes quantités de matières réfrigérantes.
Les lils métalliques soumis aux expériences étaient
préparés aussi avec plus de soin encore, et les
mesures physiques efl'ectuées avec les plus minu-
tieuses précautions. Il fut confirmé, comme on
l'avait vu d'abord, que la résistivité de tous les
métaux purs décroît à mesure que le froid
augmente, mais de nombreux faits i)arliculiers et
anormaux furent mis en lumière. Ainsi, les divers
métaux ne gardent pas, dans tous les cas, leurs
M'" A. 31. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
133
mêmes places dans la série. A — -1Ù0° C, le cuivre
est meilleur conducteur que l'argent, le fer conduit
mieux que le zinc, et l'aluminium mieux que l'or.
Les singularités électriques du bismuth coulèrent
aux chercheurs des efforts prolongés. L'origine de
ces anomalies fut découverte dans des impuretés
chimiques extrêmement minimes, car elles dispa-
raissaient par l'emploi du bismuth électrolytique.
On découvrit encore que l'accroissement de résis-
iivité du bismuth dans le champ magnétique est
beaucoup augmenté à la température de l'air
liquide. De même, les isolants : verre, ébonite,
gutta-percha et paraffine, isolent d'autant mieux
qu'on leur enlève plus de chaleur. Les alliages
suivent une voie contraire à celle des métaux purs,
mais seulement à moitié, et avec toutes sortes d'ir-
régularités embarrassantes. Quand on sut se servir
de l'hydrogène liquide, il devinlpossibledepousser
beaucoup plus loin ces recherches. A ce degré de
froid, la résistance du cuivre est 103 fois moindre
qu'à la température de la glace fondante, et celle
de l'or, 30 fois moindre, tandis que le fer con-
serve „ de sa résistance initiale. Le résultat d'en-
semble était aussi très significatif. D'après l'allure
des métaux purs jusqu'à — 5jOO° C, on avait très
logiquement conclu qu'au zéro absolu ils cesse-
raient lout à fait de dissiper l'énergie du courant
électrique qui les traverse. Mais, à — 252° C, l'allure
changead'une façon très nette : au lieu de continuer
à s'abaisser suivant une ligne droite, les courbes de
résistance se relevaient et montraient qu'au zéro
absolu subsiste encore une valeur finie pour celte
propriélé. Il fallait donc se garder d'admettre trop
vite la continuité de la variation.
L'effet thermo-électrique avait fait l'objet des
études du Professeur Tait, à des températures
supérieures à 0° C. Les modifications produites par
un froid de — 200° C. furent établies par les Profes-
seurs Dewar et Fleming, en 189.3. Elles n'offrent
pas un caractère uniforme. Les courbes qui repré-
sentent la variation de pouvoir thermo-électrique
des divers métaux avec la température ne se rédui-
sent, dans aucun cas, à des droites, même approxi-
mativement. Quelques-unes d'entre elles — spé-
cialement celles du fer et du bismuth — offrent de
brusques changements de direction, qui indiquent
le renversement de l'effet Thom?on en ces points.
D'autres, par leur inflexion, font penser qu'au zéro
du fnûd il y a aussi un zéro de pouvoir thermo-
électrique. Mais ces indications sont très proba-
blement illusoires. Il y a tout lieu de croire que le
taux de la diminulion du pouvoir thermo-électri-
que diminue lui-même bien avant qu'on atteigne
ce point extrême.
Une autre série d'expériences servit à étudier
l'influence du froid sur le développement du ma-
gnétisme. Comme on s'y attendait, le moment
magnétique gagne proportionnellement à la perte
de chaleur. Dès que les corps essayés ont, après
quelques altérations, atteint un état stable, la
valeur de ce moment augmente généralement
de 30 à 50 °/o, quand la température s'abaisse de
-f- 75° C à — 182° C. Cette remarque souffre cepen-
dant des exceptions; ainsi, un aimant d'acier au
nickel se comporte à l'inverse d'un acier au car-
bone. Ces expériences servirent encore à montrer
que l'un des meilleurs moyens de vieillir un
aimant est de le plonger plusieurs fois dans l'air
liquide. On écarte ainsi le magnétisme sub-per-
manent, et l'on provoque l'établissement de con-
ditions qui permettent des observations précises.
La perméabilité magnétique du fer a été l'objet
de longues et laborieuses comparaisons sur toute
une série de températures décroissantes. Elle
diminue légèrement par immersion dans l'oxygène
liquide; c'est-à-dire qu'il faut alors une force ma-
gnétisante plus puissante pour produire dans le
barreau refroidi une intensité d'aimantation don-
née. Comme d'ordinaire, on rencontra des excep-
tions : ainsi, le fer durci présente l'allure inverse
de celle du fer doux. Sa perméabilité croît aux
basses températures, jusqu'à cinq fois même pour
certaines valeurs de la force magnétisante. D'autre
part, la perte par hystérésis, ou la dissipation d'é-
nergie provoquée quand on fait parcourir au corps
un cycle d'aimantation, ne varie que fort peu
avec la température, si même elle varie. Tous
ces effets divers sont, d'après le Professeur Fle-
ming, dus à une agrégation, rendue plus étroite
par le froid, de ces aimants moléculaires qui, en
s'alignanl, ont pour résultante le moment magné-
tique extérieur. Leurs groupements et leur action
mutuelle pouriaient ainsi subir des modifications
dont les conséquences compliquées ne seraient
susceptibles que d'être partiellement pressenties.
On entreprit, en 1897, l'examen des constantes
diélectriques, ou capacités inductives spécifiques
des électrolytes congelés. On rencontra dans ce
travail de nombreuses difficultés; mais, aussi, les
conclusions en furent extrêmement importantes
et .se résument ainsi : Les substances telles que la
glace et l'alcool peuvent, aux basses températures,
agir à la façon des diélectriques, bien que certaines
d'entre elles possèdent à l'état liquide une conduc-
tibilité électrolytique relativement élevée. Elles
ont des constantes diélectriques d'une valeur con-
sidérable au voisinage de leur point de congélation,
et ces valeurs diminuent ensuite beaucoup vers
— 200° G. Au zéro absolu, ces valeurs sont proba-
blement devenues toutes égales entre elles, soit
environ le double ou le triple de la constante dié-
I.tl
W" A. M. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
Icririquo du vide. Au voisinage de ce point, tous
les électrolytes tendent à ac(|uérir un(! résislivité
infinie ou à devenir des isolants parfaits au point
de vue électrique. Enfin, aux températures très
basses, les électrolytes congelés sont des isolants
presque parfaits, et ils reprennent très vile une
conductibilité sensible à des températures très
éloignées de leur point de fusion.
L'oxygène et l'air, qui, à l'état liquide, isolent
d'une façon remarquable, pouvaient par suite être
regardés comme devant compter parmi les diélec-
triques. Il était donc désirable d'exprimer leurs
constantes diélectriques au moyen de celle du vide
prise pour unité : on obtint ainsi 1,4!I3 et 1,495.
On trouva une différence marquée enti'e la suscep-
tibilité magnétique de l'oxygène gazeux et celle
(le l'oxygène liquide : elles sont dans le rapport
de 1.394 à 1 pour des volumes égaux ; en d'autres
termes, cette susceptibilité magnétique est presque
doublée, pour des masses égales, par le fait de la
li(luéfaclion. Il faut en conclure que cette pro-
jjriété n'appartient pas seulement à « la molécule
en elle-même, mais qu'elle dépend encore de l'état
d'agrégation ». On obtint, en outre, une remar-
quable vérification de la loi de Maxwell reliant la
perméabilité magnétique, le pouvoir inducteur
spécifique et la puissance réfractive. Des expé-
riences supplémentaires, faites, en 1898, sur l'oxy-
gène liquide, d'après un principe différent de celui
qu'on avait adopté précédemment, confirmèrent
encore d'une manière éclatante cette loi suivant
laquelle la susceplibilité magnétique varie direc-
tement comme la densité du corps paramagné-
lique, et en proportion inverse de sa température
absolue.
Rien loin de manifester quelque tendance à se
résoudre en « poussière cosmique », la matière
prend une cohésion d'autant plus grande qu'elle
est portée à une température plus basse. Une tige
métallique peut supporter à — 182° C. un poids
quatre à cinq fois plus grand qu'à 0° C, tout en
présentant le même allongement. Vne hélice de fil
d'un métal fusible, qui se briserait aussitôt sous
la tension de quelques grammes à la tempéra-
ture ordinaire, supporte plus d'un kilo et vibre
comme un ressort d'acier dès qu'on l'a immergée
dans l'air li(juide. La méthode la plus exacte pour
déterminer les variations de cohésion produites
par le froid consiste ;ï comp;irer les efforts néces-
saires pour la rupture des métaux à des tempé-
ratures moyennes et très basses. Ces expériences
exigent, il est vrai, de nombreux litres de liquides
froids très dispendieux ; elles furent cependant
exécutées d'une façon satisfaisanle à l'Institution
Royale, en 1893, et prouvèrent que la ténacité de
tous les métaux communs et des alliages croît
beaucoup avec le refroidissement. Les exceptions
qu'il fallut faire pour le zinc, le bismuth et l'anti-
moine coulés, devaient certainement être plus
apparentes que réelles; il était tout naturel de les
expliquer par la structure cristalline de ces corps;
les tensions internes qu'y produit l'extréiue abais-
sement de température ont tout naturellement
pour effet d'affaiblir certains plans de clivage, d'où
une rupture comparativement plus facile.
La constante d'élasticité connue sous le nom de
« module d'Young » devient quadruple ou quin-
tuple quand on passe de + 15° C. à — 182° C. Des
sphères de fer, d'étain, de plomb ou d'ivoire rebon-
dissent beaucoup plus haut, après le traitement
à l'air liquide, quand on les laisse tomber tou-
jours de la même hauteur sur une enclume de fer.
L'ensemble de ces mesures rend évident ce fait
que la coliésion augmente quand on rapproche les
particules, comme cela a lieu aussi pour la gravi-
tation. Les expériences du Professeur Dewar avec
l'air liquide prêtent ainsi un appui à l'idée de
lord Kelvin, qui pense pouvoir expliquer la cohé-
sion par la gravitation.
Un découvrit aussi des variations 1res marquées
dans les propriétés optiques de certains corps aux
basses températures. Tout d'abord se manifes-
tèrent des changements de couleur, indices d'un
changement dans l'absorption spécihque de la
lumière. Le vermillon et l'iodure de mercure pas-
sent de l'écarlate éclatant à un orangé faible. Le
nitrate d'uranium et le chlorure double de platine
et d'ammonium deviennent blancs : dans tous les
cas, la couleur propre réapparaît dès qu'on restitue
de la chaleur. Les bleus, cependant, restent insen-
sibles au froid, et les couleurs organiques ne sont
que faiblement altérées.
On sait, depuis longtemps, que la température
joue un rôle important dans les phénomènes de
phosphorescence. Il semblait donc désirable d'en
reprendre l'étude dans les conditions que les gaz
liquéfiés par le Professeur Dewar permettaient de
réaliser. On rencontra ainsi toute une série de faits
du plus haut intérêt. En général, la phosphores-
cence des corps est fortement exaltée par le refroi-
dissement à — 182° C. La gélatine, le celluloïd,
la paraffine, l'ivoire, la corne, la gutta-percha, —
toutes substances chez lesquelles d'ordinaire cette
propriété est insensible, — émettent une lumi-
nosité bleuâtre quand on les illumine électrique-
ment, après inmiersion dans l'oxygène liquide.
Les solutions fluorescentes d'alcaloïdes deviennent
toujours phosphorescentes aux basses tempéra-
tures. La glycérine, les acides sulfurique, nitrique
et chlorhydriqiie brillent vivement, comme la
plupart des corps contenant un groupe célonique.
Le lait est très phosphorescent, l'eau^pure Irst un
M"' A. M, CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
135
peu. Un œuf brille comme un globe de lumière
bleuâtre. Des effets saisissants s'offrent encore
avec beaucoup d'autres produits organiques, tels
que : plumes, coton, écaille de tortue, papier, cuir,
toile, éponge, et certaines espèces de fleurs blanches,
mais surtout avec le blanc d'œuf, qui, convenable-
ment traité, prend une luminosité propre très
vive. On fut ainsi amené à trouver dans la com-
plexité de structure l'une des principales condi-
tions requises pour l'existence de cette propriété.
Aussi ne s'attendait-on guère à la retrouver dans
l'oxygène, seul parmi les gaz simples. Un courant
d'oxygène passant dans un tube à vide, après expo-
sition à une étincelle électrique, émet une lumière
nébuleuse blanchâtre, et la formation simultanée
d'ozone rend évident le progrès des changements
dans la molécule.
La présence de l'hydrogène ou la moindre trace
de matière organique supprime complètement cet
elïet. A la température de l'indrogène liquide, la
phosphorescence est encore plus intense, et même
à — 250° C. elle peut être, exceptionnellement il est
vrai, produite par une lumière privée de rayons
ultra-violets.
L'excitation électrique des cristaux soumis au
froid y produit des_ décharges effectives entre les
molécules. Dans quelques platino-cyanures et dans
le nitrate d'uranium, la température de l'air liquide
suffit à développer des phénomènes électriques et
lumineux très marqués, exaltés encore et généra-
lisés par l'action de l'hydrogène liquide. M. Dewar,
dans la Conférence bakérienne du 13 juin 1901,
a mis en relief l'importance d'une étude systéma-
tique de la pyro-électricité faite dans ces conditions.
L'affinité chimique est presque complètement
abolie par le froid. Le phosphore, le sodium, le
potassium restent inertes dans l'oxygène liquide,
et les éléments de piles, à cette température, ne
donnent plus de courant électrique. Cependant, les
pellicules photographiques conservent environ 1/5
de leur sensibilité ordinaire, laquelle ne disparaît
même pas complètement dans l'hydrogène liquide.
11 est possible que la force qui effectue ici la dé-
composition soit mécanique et non chimique. S'il
en est bien ainsi, aucune trace d'impression photo-
graphique ne devrait apparaître, si l'on pouvait faire
le développement dans les mêmes conditions de
froid que pour la pose.
Une série d'expériences très soignées sur la
transparence thermique, effectuées en 1897-1898,
démentit absolument la conclusion de Pictet que,
pour un degré donné de froid, les substances non
conductrices ne sont plus isolantes. 11 fut prouvé
qu'elles gardent intacte cette propriété au point
d'ébullilion de l'air : les transports anormaux de
chaleur qu'on avait observés à Genève étaient dus.
non pas aux matières elles-mêmes, mais plutôt à
l'air interposé dans les interstices. On put aussi
constater l'utilité qu'il y avait à examiner les pro-
blèmes de transmission de la chaleur à l'aide de l'air
liquide. Il y avait lieu de comparer en même temps
l'absorption des rayons Rôntgen par divers corps
l'roids. On pensait déjà que le ])oids atomique de
l'argon est double de sa densité rapportée à l'hy-
drogène : cette vue fut confirmée par les opacités
sensiblement égales qu'on trouva pour celte sub-
stance à l'état liquide, pour le chlore liquide et
pour le potassium. Ce fut là la première applica-
tion des rayons ROntgen pour fixer un poids ato-
mique.
IV. — Liquéfaction du fluor.
La liquéfaction du fluor fut d'une année anté-
rieure à celle de l'hydrogène. Le caractère des
composés de ce corps avait, depuis longtemps, fait
sûrement pressentir que la condensation de cet
élément serait particulièrement difficile. Ainsi,
tandis que le chlorure d'éthyle bout à -|- 12° C. , le
fluorure d'éthyle bout à seulement — 32° C. ; de
même, les points d'ébullition du chlorure et du
fluorure de propyle sont respectivement -|- 450° et
— 2°. Les divers composés halogènes inorganiques
fournissent des relations analogues pour cette
constante. L'obstination du fluor à garder la forme
gazeuse dut enfin céder devant deux énergies com-
binées. M. Moissan, spécialiste dans la pratique
chimique de cet élément, apporta à l'Institution
Royale son appareil à produire le fluor pour la
conférence qu'il. fit le 28 mai 1897; et, le lende-
main, ce générateur servit, avec le réfrigérateur du
Professeur Dewar, à obtenir le premier spécimen
du fluor liquide. C'est un liquide jaune clair très
mobile, bouillant à l'air libre à — 187° C, et qu'une
température de — 210° C. ne réussit pas encore à
solidifier. Voici les principales de ses autres pro-
priétés bien établies : il est soluble dans l'air et
l'oxygène liquides; sa densité rapportée à l'eau
est l,li; sa constante capillaire est moindre que
celle de l'hydrogène liquide; il n'a pas de spectre
d'absorption et n'est pas magnétique. L'énergie
d'affinité qui caractérise ce gaz est presque entiè-
rement supprimée par le froid extrême nécessaire à
sa condensation. Le liquide n'attaque pas les vases
de verre; il est indifférent devant l'oxygène, l'eau
et le mercure. Seuls, l'hydrogène et les hydrocar-
bures l'amènent à réagir avec incandescence.
Y. — lIvDROliÈNE, OXVGÈXE ET MR SOLIDIFIÉS.
La congélation de l'air atmosphérique fut réa-
lisée, pour la première fois, par le Professeur
Dewar, en 1893. Un litre d'air liquide, soumis à
l:jr,
M' A. M. CXERKE — RECHERCHE? ?UR LES RASSES TEMPÉR.^TURES
lévaporalion forcée dans un vase argenlê el à en-
veloppe de vide, fournit environ la moilié de son
volume d'un solide incolore et transparent, qui
peut persister en cet état pendant une demi-heure.
Sous linfluence de l'aimant, loxygène liquide se
dirige sur les pôles et sort des mailles de la <• gelée
d'azote » qui forme la partie réellement solide de
celte glace d'air. Ce corps ne peut être observé
que dans le vide ou dans une atmosphère d'Lydro-
jiène. car il fond instantanément au contact de
l'atmosphère, et produit en même temps une nou-
velle liquéfaction d'air. On peut observer l'exis-
tence simultanée et le mélange de ces deux actions,
qui sont curieuses à séparer. La différence entre
les conditions de congélation de l'oxygène et de
l'azote dépend de ce fait que la tension de vapeur
du premier corps est inappréciable, quand il bout
dans un récipient évacué, tandis que celle du
deuxième est beaucoup plus grande. L'oxygène
solide ne peut être obtenu qu'au moyen de l'hydro-
,»'éne liquide: il forme une glace bleuâtre el trans-
parente. L'hydrogène lui-même fut solidiBé par le
Professeur Dewar en 1899, non sans une extrême
difficulté. Ce produit ultime de réfrigération pos-
sède un point de fusion placé à environ J5° du
zéro absolu, avec une tension de vapeur de 55 mil-
-imètres. Il se présente sous forme d'une glace
[parfaitement pure, sans aucun caractère métal-
lique. Ce fut un vrai triomphe quand, devant un
auditoire rassemblé dans l'amphithéâtre de l'Insli-
tulion Royale, le 6 avril 1900. fui présenté un étal
■if la matière obtenu au prix de tant d'efforlsl
.Mais la réflexion devait tempérer ce légitime or-
gueil: car la voie ouverte par l'hydrogène vers le
'•^ro absolu cessait avec la solidification de ce
•irps. et laissait sans points de repère un inter-
\;ille. bien faible à la vérité, mais d'une importance
api Laie.
L'ère des « gaz nouveaux » commença en 1894,
quand on isola l'argon: l'hélium fut, peu après,
• xtrait de la clévéite et d'autres minéraux rares.
Le krypton, le néon et le xénon furent, en J898.
retrouvés au spectroscope comme éléments de l'at-
mosphère, par le Professeur Ramsay et le D" Tra-
vers, qui employaient la méthode de fractionne-
ment aux basses températures. Ces découvertes
successives eurent pour effet de suggérer des pro-
liiémes tout nouveaux et inattendus: elles fourni-
i'-nt encore l'occasion de nouvelles recherches
J investigation. L'argon, il est vrai, se condense
;tvec ce qu'on pourrait maintenant nommer une
facilité relative. Un échantillon de ce gaz, envoyé
par le Professeur Ramsay, en I89."i, à M. Olszewski, i
fut réduit par ce dernier en un li<|uide incolore,
bouillant sous la pression atmosphérique à — 187 C, '.
■>. une fois et demie plus dense que l'eau. 11 forme ;
par congélation un solide vitreux et transparent,
au voisinage de — 190° C. L'hélium, d'autre part,
est plus volatil que l'hydrogène : sa liquéfaction
donnera donc une température plus basse encore,
— donnera, disons nous, car ce n'est point un fait
accompli. Cet élément rare et étrange de notre
planète est l'un des corps accessibles qui restent
invinciblement gazeux à la fin du xk' siècle. 11 n'y
a aucune raison, cependant, de douter que l'hélium
liquide ne forme, au xx^ siècle, un nouveau trophée
de la recherche scientifique. Ainsi se réalisera la
prévision de lord Kelvin, annonçant un corps qui
permettra de réduire de 15° à 5" la distance qui
nous sépare du zéro absolu.
VI.
ÉLÉMENT? INERTES liE L'.\T.MOSPnÈRE.
Les <■ éléments inertes » de l'air atmosphérique
peuvent former une classe spéciale de corps. Ils
réunissent un certain nombre de particularités
exceptionnelles. Ainsi, ils ressemblent au mercur--
par leur monoatomicité; l'unité physique, ou molé-
cule, est, chez eux. identique avec l'unité chimique,
improprement nommée atome. Par suite, leur den-
sité rapportée à l'hydrogène n'est que la moitié de
leur poids atomique. L'absence d'affinités chi-
miques les sépare de tous les autres corps connus.
Ils sont susceptibles d'être un peu dissous par cer-
tains liquides, et absorbés par quelques minéraux :
mais ils sont striclement non-ral&als : ils ne for-
ment pas de véritables combinaisons. Pour cetti'
raison, et encore par suite des minimes proportions
suivant lesquelle.= on rencontre ces corps, les essais
ordinaires ne peuvent servir- à en déceler la pré-
sence. On ne leur voit pas de fonction dans la na-
ture; ils existent comme par suite d'une survivance
à un ordre antérieur des choses. Peut-être, alors
que la Terre était encore à l'âge des nébuleuses,
jouaient-ils un rôle qui leur était assigné. Ils possè-
dent une volatilité surprenante par rapport à leur
densité, et ce fait les rend particulièrement intéres-
sants pour les cryogénistes. Le petit tableau qui
suit donne, suivant Ramsay el Travers, les Qensilè~
et les points d'ébullition des cinq membres du
groupe présentement connus :
T.\BLEAL' I.
1 1
POIDS
DENSITÉ
atomiqae
J'i'-bullition ,
(ceotigradcj i
Hélium 1 .93
! .Néon envir. 10,0
Artfi.n 19.96
Krypton 40.88
Xeuou 6i.O
1
3,96
envir. 20,0
39, --Z
81. "6
128.0
a'i-d.ssous 1
de — ifi-J" 1
fDv. — iiS"
-IS70 J
— 1.52»
— lOt»'-' 1
M ' A. 31. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
13:
Lord Rayleigh a prouvé que le pouvoir réfria-
jjent de riiélium n'est que de 0,1238, celui de l'air
étant 1,0: la même constante a. pour rhydrog;éne,
la valeur 0,169, presque quatre fois plus grande,
quoique les densités diffèrent entre elles en sens
'■■nlraire. La constitution monoatomique de tous
- gaz a été établie par la constance du rapport
. '.ij trouvé entre leur chaleur spécifique à pres-
-l'in constante et à volume constant. Bien qu'ils
n'exercent sur la lumière aucune absorption appré-
ciable, ils s'illuminent brillamment sur le passage
(le la décharge électrique. Un tube de néon donne
une lueur rose orangé. Le krypton est violet pâle.
le xénon, bleu de ciel. Les spectres correspondants
sont extrêmement vifs et bien caractéristiques. A
mesure qu'on avançait dans les recherches sur les
basses températures, on était amené à des décou-
vertes partielles qui en préparaient d'autres encore.
Dans un Mémoire paru en 1891, dans le PLiloso-
; -i'-al Magazine. " sur les spectres de la décharge
électrique dans l'oxygène, l'air et l'azote liquides »,
les Professeurs Liveing et Dewar rapportaient
que. pendant la distillation et la concentration de
l'oxygène et de l'air liquides sous pression réduite,
éU avaient vu apparaître deux raies brillantes nou-
velles aux longueurs d'onde o37 et o35, la première
Coïncidant approximativement avec la principale
raie de l'aurore boréale. Plus tard, le Professeur
Ramsay et le D' Travers l'attribuèrent au krypton.
Puis, quelques lignes brillantes appartenant au
spectre du néon, non encore reconnu et identifié,
fuient observées, en 1897, par le Professeur Dewar
sur un tube à vide rempli d'un gaz provenant de
la source King's well, à Bath. et recueilli grâce à
l'aimable permission de la Corporation de cette
ville. Ce puits constitue Tune des sources les plus
précieuses pour se procurer les éléments rares de
I atmosphère.
MI.
Les b
ASSCS TEMPERATIRE~
A LA.XALYSE.
APPLIOIEE^
<Jn pourrait presque établir une nouvelle section
dans la Chimie pneumatique avec l'analyse des
gaz au moyen du fi-oid, que le Professeur Dewar a
créée de toutes pièces en 1897.
Le i novembre de celle année, il décrivit, devant
la Société Chimique de Londres, un appareil ser-
vant à fixer la proportion de tout élément de l'air
ne se condensant pas encore à — 210" C. et inso-
luble dans l'air liquide sous la pression normale.
Des expériences préliraiuaires prouvèrent qu'on
pouvait, avec la méthode nouvellement décrite,
déceler un millième d'hydrogène dans l'air: et que
lair liquide peut dissoudre d'hydrogène un cin-
quième de son propre volume. L'hélium se montra
soluble dans l'azote, quoique à un degré moindre.
Le puissant secours fourni par l'hydrogène liquide
pertnit de continuer ces recherches l.^s années
suivantes.
L'extraordinaire énergie de réfrigération que
possède ce corps se manifeste dans la production
rapide de vides élevés par ce moyen. On a calculé
que la pression de l'air dans des tubes scellés,
évacués par immersion dans l'hydrogène liquide,
ne pouvait pas dépasser un millionième d'atmo-
sphère, à moins qu'il n'y eût un peu de tension pr<>
venant de la persistance, en proportion bien mi-
nime, d'un gaz plus réfraclaire encore que l'oxy-
gène et l'azote. Autrement dit. l'épuisement obtenu
au moyen du froid est le même qu'en chassant le
gaz par la vapeur de mercure. Dans la pratique, la
première méthode se montra meilleure encore avec
des tubes soigneusement préparés: le vide élait si
parfait qu'il fallait les réchauffer un peu pour que
l'étincelle put les traverser. L'examen spectrosco-
pique permit d'y constater des faits d'un intérêt
bien particulier. Les bandes de l'oxyde de carbone
y existaient généralement, mais pouvaient prove-
nir d'émanations dues au verre lui-même : elles
étaient accompagnées par des lignes de l'hydro-
gène et de l'hélium et par la raie jaune caractéris-
tique du néon. La voie ainsi ouverte fut poursuivie,
en août 1900, par un procédé perfectionné. On
remplit quelques tubes à une pression assez basse,
avec les gaz les plus volatils de l'atmosphère.
Toutes traces d'azote, d'argon et de composés car-
bonés avaient été chassées par un bain d'hydro-
gène liquide, et l'étincelle fit alors éclater brillam-
ment les spectres de l'hydrogène, de l'hélium et du
néon, avec un grand nombre de raies brillantes
d'origine inconnue. L'excitation produite par des
décharges électriques continues communiquait aux
tubes ainsi préparés un vif éclat orangé. Les ré-
gions violettes et ultra-violettes du spectre fourni
ainsi semblent cependant rivaliser d'intensité avec
les radiations rouges et jaunes, autant du moins
qu'on peut en juger au spectrographe.
Les plaques sensibles étaient fortement impres-
sionnées jusqu'à la longueur d'onde 314, malgré
l'opacité du verre pour des vibrations aussi rapides.
Les photographies étaient obtenues, il est vrai, au
moyen d'un système optiijue de quartz et de calcite.
mais il fallait cependant toujours compter avec le
verre des tubes.
Les Professeurs Liveing et Dewar mesurèrent, par
cette méthode, les longueurs d'onde de presque
300 raies du spectre obtenu ainsi avec les gaz
atmosphériques résiduels qui ne se condensent pas
à la température de l'hydrogène liquide : ils em-
ployaient comme terme de comparaison le spectre
d'étincelle du fer. Parmi ces raies, 69 furent
138
W" A. M. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
reconnues d'une façon certaine ou probable comme
provenant de l'hydrogène, de l'hélium ou du néon;
et, fait d'une bien haute importance, on y remarque
quatre ternies de la série ultra-violette de l'hydro-
gène. Dans les circonstances ordinaires, elles ne
sont émises que par les gaz soigneusement purifiés.
Ici, cependant, elles apparaissaient assez facilement
en comparaison, sur des plaques exposées à la
lumière provenant d'un mélange hétérogène. Voilà
donc une indication inattendue relative aux con-
ditions qui peuvent tendre à modifier le spectre de
l'hydrogène, en passant d'une étoile à l'autre. On
s'appliqua à rechercher encore, parmi les lignes
nouvelles, des co'incidences avec les raies des nébu-
leuses, delà couronne solaire ou de l'aurore boréale ;
mais le succès en fut douteux ou seulement partiel.
Il n'était pas impossible que le « nébulum » restât
encore caché, à noire époque, dans l'atmosphère
terrestre, bien qu'à dose presque infinitésimale. En
effet, un tube qui, grâce à un traitement un peu
différent, avait gardé des traces d'azote et d'argon,
donnait une faible raie supplémentaire, laquelle
comcidait approximativement avec la principale
ligne brillante des nébuleuses gazeuses, placée
à X = 300,7. On projetait encore d'autres obser-
vations pour vérifier celte intéressante hypothèse.
Un grand nombre de lignes secondaires dans les
spectres de tubes tombaient très près des régions
assignées aux radiations de la couronne solaire ;
cependant, ici encore, il fallait une confirmation
avant de pouvoir regarder seulement comme pro-
bable la présence du coronium sur notre terre. On
remarque encore une tendance à des coïncidences
avec le spectre de l'aurore boréale. Quelques-unes
d'entre celles-ci semblent devoir être bien réelles.
C'est sûrement cette voie-là qui permet le mieux
d'espérer résoudre le décevant problème des
lumières boréales.
L'emploi de l'hydrogène liquide comme agent
d'analyse permet de distinguer au spectroscope le
néon par sa raie jaune h 1 = 38.3,3 dans 23 centi-
mètres cubes d'air ordinaire. Celle méthode est
bonne surtout pour les recherches d'investigation,
si l'on considère que le gaz existe ici seulement dans
la proportion del/iO.OOO. La ligne principale du
néon prédomine dans le spectre du résidu de l'at-
mosphère, tout comme la raie voisine de l'hélium
dans le spectre prismatique fourni par la portion la
plus volatile du gaz des eaux de Balh. Les deux
radiations exislenl dans les deux spectres, mais
avec des intensités inverses. Les recherches du
Professeur Dewar ont établi que l'hélium est un
élômentconsLitulif invariable de notre atmosphère;
elles ont mis en évidence son association avec
l'hydrogène. Dans tout échantillon d'air, il y a de
l'hydrogène, 1 .'l.OOO en volume, d'après la récente
détermination de M. Armand Gautier. Si, comme Iv
veutle D'' Stoney, les vitesses de ses molécules sont,
dans leur long parcours, insensibles à la gravité, ii
faut que la perte produite soit compensée du dehor>
ou du dedans.
Peut-être des sources souterraines combien I-
elles ce déficit, ou bien l'espace interplanétaire
rend-il autant de ces molécules vagabondes qu'il
en a reçu lui-même. Il s'établit forcément quehiin
balance, d'une manière ou d'une autre.
Dans une communication ultérieure à la Sociéh
Royale, lue le 20 juin 1901, les Professeurs Livein^
et Dewar traitèrent le sujet des gaz les moins vola-
tils de l'atmosphère, comme, antérieurement, ils
s'étaient occupés des plus volatils. Séparés de l'air
liquide par une minutieuse distillation, le xénon
et le krypton furent examinés au spectroscope, ri
la variation de leurs spectres avec la nature de li
décharge électrique attira tout particulièremeni
l'attention. Le nombre de raies mesurées et enrr
gistrées était de 25 pour le xénon, et de 182 ])oin
le krypton.
VIII. — Les basses tempékati rks et les
PUÉNOMÈNES DE LA VIE.
L'élude des phénomènes vitaux -aux basses
températures est d'une Importance capitale. Nos
idées sur l'essence de la vie, et nos hypothèses
touchant son histoire à la surface de notre planète,
doivent tenir compte, dans une large mesure, des
expériences sur la résistance des êtres vivants aux
températures extrêmes, chaudes et froides. On
atteint maintenant aisément la limite supérieure
d'endurance: jamais elle ne dépasse -j- 100° C, et,
d'ordinaire, elle est située beaucoup au-dessous.
Les animaux à sang chaud périssent sûrement et
promptement, quand on les expose au froid. Mais
l'énergie de résistance augmente avec la simplicité
d'organisation, et les derniers atomes de la vie, si
on peut appeler ainsi les bactéries, supportent
impunément un froid indéfini. Le Professeur Mac
Kendrick trouva, en 1893, qu'une heure d'exposi-
tion à — 182" C. ne suffisait pas à stériliser les
objets. Des échantillons de sang, de viande, de
lait, enfermés dans des tubes scellés, subirent la
putréfaction à la manière ordinaire, après une
immersion prolongée dans l'hydrogène liquide. De
même, le pouvoir germinatif des graines ne fut
pas atteint par un Iraitement analogue. Pendant
sept ans, le D'' Allan Macfadyen a exécuté une
série très étendue d'expériences de ce genre, à
rinstilution Royale, sous la direction personnelle
du Professeur Dewar.
L'action de l'air liquide sur les bactéries fut exa-
minée la première, et reconnue abscflument inollèn- '
W- A. M. CLERKE — RECHERCHES SUR LES BASSES TEMPÉRATURES
139
sivo. Après vingt heures d'exposition à — 190° C,
on ne pouvait apercevoir aucun atlaiijli.ssement
dans leur faculté de croissance, ou dans quelqu'une
de leurs activités fonctionnelles. Les organismes
pliosphorescents procurèrent un exemple frappant
de suspension et de reprise des phénomènes
vitaux par congélation et dégel successifs. Refroidis
dans l'air liquide, ils n'émettent plus de lumière ;
mais l'oxydation intra-cellulaire produisant la pîios-
pliorescence recommence vigoureusement, dès
que la température se relève. La brusque suspen-
sion et la rapide reprise de la propriété photogé-
nique des cellules, malgré des changements exces-
sifs dans la température, constituent des faits
éminemment instructifs. Un séjour d'une semaine
dans l'air liquide ne fut pas plus nuisible que
vingt heures à la vie des bactéries; même résultat
pour l'expérience faite à la température de l'hydro-
, gène liquide. Les séries d'organismes les plus
délicats ne soulfrirent nullement de ce traitement
à 21' absolus, et, probablement, la vie peut conti-
nuer à exister beaucoup plus près encore du zéro.
Elle peut persister ainsi, même dans des condi-
tions qui abolissent entièrement l'activité chimique
et qui suppriment presque l'activité moléculaire,
I ainsi que Va fait remarquer le D'' Macfadyen : « Ces
données nouvelles nous forcent à nous demandiT
si, après tout, la vie dépend de réactions chimiques
pour se continuer. >>
Aussi les biologistes, ajoutait-il, « suivent avec
< lo plus vif intérêt les palienis efl'orts du Professeur
Dewar pour arriver au zéro absolu ». Et le succès
I de ce savant leur a déjà ouvert un nouveau domaine
I d'expérimentation, et amis entre leurs mains un
agent d'investigation par l'emploi duquel ils
■ peuvent espérer conquérir quelques vues nouvelles
sur le grand mystère de la vie elle-même. L'intérêt
spéculatif de ces recherches fournit le stimulant le
plus puissant à les poursuivre. On a souvent agité
la question de la possibilité d'une transmission de
I spores ou de germes vivants de planète à planète.
' On sait maintenant qpe le froid des espaces célestes
ne serait vraisemblablement pas un obstacle à cette
iTansmission. Mais il reste d'antres difficultés
I moins faciles à écarter, et même, s'il était possible
I d'établir une communauté d'origine organique
pour les espèces de bactéries, en serions-nous
1 plus avancés vers le cœur du mystère de l'origine
de la vie?
IX.
PROItLÈMIiS IRIlF.SOLr:
Le développement de la chimie des basses tempé-
ratures est un (les traits les plus frappants de
l'histoire scientifique des dix dernières années du
XIX' siècle. Maintes questions du plus haut intérêt
ont reçu une réponse par ce moyen, ([ui a fourni
des vues de détail sur les secrets les plus cachés de
la Nature. L'unique condition qui persiste ici est
que la limite necpliis ultra ne peut reculer à mesure
qu'on s'en approche. Le zéro absolu forme un
terme immuable, une limite qu'on ne peut dépas-
ser : c'est, en quelque sorte, une asymptote à la
courbe du progrès futur. Et chaque pas pour s'en
rapprocher est plus pénible que les précédents.
Parmi les causes nombreuses qui augmentent les
difficultés, il y a ce fait que les chaleurs latentes
moléculaires de vaporisation diminuent avec la
température absolue d'ébuUition ; aussi faut-il prodi-
guer une quantité de plus en plus grande de
matière frigoritique pour produire le froid voulu.
Quoique le zéro de l'échelle des températures ne
puisse jamais être réellement atteint, l'espace qui
nous en sépare sera sûrement encore beaucoup
diminué. Mais jamais, pouvons-nous prédire en
toute sûreté, jamais nous n'assisterons à la « mort
de la matière ». A l'étape que nous avons conquise,
la matière ne parait nullement moribonde. Sur
elle et dans son sein agissent toujours des forces :
la gravité et la cohésion gardent leur énergie
normale. Le passage de l'èlectricilédans les métaux
les plus purs et les meilleurs conducteurs est sen-
siblement empêché. Les particules les plus déli-
cates de la matière peuvent encore recevoir et
modifier les vibrations lumineuses. L'affinité chi-
mique semble éteinte ; les diverses espèces de
matière cessent de réagir les unes sur les autres.
La prochaine conquête cryogénique peut, il est
vrai, changer l'état des choses tel que nous le
voyons. Nos vues fondamentales peuvent être
bouleversées, car nous sommes présentement à une
phase critique de la recherche scientifique; ainsi,
par exemple, la liquéfaction de l'hélium peut déci-
der de bien des choses : elle peut calmer certains
doutes et olfrir des solutions inattendues.
Les conditions de ce progrès ont été clairement
exposées dans la Conférence bakérienne mention-
née plus haut. Elles peuvent se réaliser par
l'emploi de méthodes dès maintenant applicables.
Cette dernière forteresse de l'état gazeux ne peut
plus être regardée comme imprenable, quoique la
conquête doive en coûter des sommes très élevées.
L'hélium gazeux, pour commencer par lui, est d'une
rareté extrême : et les raretés coûtent à se procu-
rer. La condensation n'en peut être effectuée qu'en
le soumettant au même procédé qui réussit avec
l'hydrogène : il faudra cependant employer l'hy-
drogène liquide au lieu de l'air liquide, comme
agent primaire de refroidissement par exhaustiou.
On obtiendra un liquide bouillant à o° absolus,
ou — 208" C, mais bien plus coûteux par rapport à
l'hydrogène liquide que celui-ci l'est lui-même par
lîO
B. AUERBACH — LE CANAL DU NORD-EST
rapport à l'air liquide. En comparaison, l'or pota-
ble ne serait qu'une vile liqueur. Et ce précieux
métal, sous celte forme ou sous toute autre, ne
peut être employi' à un but intellectuel plus élevé
que celui d'encourager et d'étendre des recher-
ches aussi pleines de promesses illimitées et de
captivant intérêt que celles qui sont poursuivies à
rinstilution Rovale. M"' A. M. Clerke.
LE CANAL DU NORD-EST
" LaChiei's se peut rendrenavigable depuis Lon;:;-
\vy jusqu'à la Meuse. La navigation de la Sambic
se peut aussi prolonger de Maubeuge à Landrecies.
On prétend même qu'elle se peut joindre à l'Oise.
La navigation de l'Escaut se peut remonter jus(iu';i
Cambrai par un canal. Ledit Escaut se peut com-
muniquer, par un canal de Tournai à Lille, à la Deùle,
et de là à la Lys. La Lys se peut communiquer à
la rivière d'Aa par le Neufossé... La rivière d'Aa
se peut communiquer à Dunkerque par la Colme ".
Ainsi s'ébauchait, dans l'imagination de Vauban',
le canevas d'un réseau navigable dans le Nord et
l'Est de la France. Plusieurs de ces sèches et
fugitives indications ont été réalisées; d'autres ont
passé inaperçues. Dans les plansde niiseenétat des
rivières lorraines, la Chiers ne fut guère mention-
née : ceux de Bilistein^ et de Lecreulx^ la négli-
gent; seul, le programme élaboré sous la Restaura-
tion par l'ingénieur Dutems ' proposa « la jonction
de la Meuse à la Moselle par le Chiers [sic), l'Othain
et l'Orne sur un développement de liB kilomètres,
au prix de onze millions, en vue d'assurer « la
communication entre les places frontières du IS'ord
et de l'Est ». Et d'autre part — chose curieuse — ni
Vauban, qui rêva la connexion de toutes les artères
de la Flandre française, ni ceux qui se sont inspirés
de ses idées pour les simplifier, ne songent à relier
la Meuse à la Sambre et à l'Escaut"' ! Aujourd'hui
encore, sur la carte des voies navigables (fig. 1), le
contraste est frappant et peu harn;onieux à l'uni
entre les mailles serrées, qui se croisent depuis la
ligne de l'Oise à la Sambre jusqu'à la mer, et le
blanc qui, de l'autre côté, s'étend jusqu'à la fron-
tière du Luxembourg et de la Lorraine annexée et
que l'unique et maigre trait du canal de l'Est fait
paraître plus vide encore.
' Oisivetés de M. de \'aulian. P.aris, Corréard, 18(3, IV,
p. i:i(i.
" h'asai île navigation lorraine. .., Ainstevdatn, Coii>lupcl.
' Mémoire Kiir les avantages de la navifiation des canaux
et rivières qui traversent les départements de la Mcnrllie, ■
des V'isijes, de la Mciiso et de la Moselle. Nancy, Barbier,
an III.
* Histoire de la navir/ation intérieure de la Franre, IS'i'.t.
H. 327.
' La jiinclion pn'^cnnlsée par Vauban entre la Meus-; el,
l'Oise par l'Aisne (lanal des Ardennesi ne se prolongeait
pas au delà de lOise (ouvr. cité, p. 103;.
Ce n'est point seulement l'iiuage cartographique
qui souffre de cette dissymétrie. Les hommes ont
senti qu'il manquait là un trait d'union. Ce trait
d'union doit être le canal du .Nord-Est. Cette déno-
mination commune ' unit deux tronçons, solidaires
dans la réalité, et selon la raison géographique, ,
mais administrativement indépendants et que l'on ^
distingue sous les deux noms de canal do la Chim-s
et canal de la Meuse à l'Escaut.
Le projet semble récent ; à vrai dire, il est né à la
vie onicielle voilà un peu plus de vingt ans; il eut,
comme tant d'autres de ses congénères qui aspirè-
rent à sortir des limbes, le parrainage de M deFrey-
cinet", il reçut le sacrement du baptême parlemen-
taire ou du moins un ondoiement ^ 11 fut salué
aussitôt, non seulement par ceux dont la nouvelle
artère devait, par un contact immédiat, def;servir
les intérêts riverains, mais par ceux-là encore i|iii
comptaient à la fois capter et vivifier le courant
de son trafic. La Chambre de Commerce de Dun-
kerque formula une des premières ses vœux et
ses ambitions'. Manifestation éphémère; le silence
se fit: les études se poursuivirent sans bruit, etsans
frais, du moins pour le Trésor public; car les pro-
moteurs, c'est-à-dire les industriels du bassin de
Longwy, ne marchandèrent pas leurs subventions .
Le nouveau chapitre de cette histoire pourrai il
s'intituler : <■ Vingt ans après ». Espérons que c'est
le dernier.
Le projet dormait d'un sommeil presque inviolé
quand le signal du réveil retentit, sous la forme
d'une circulaire du Ministre du Commf'rce en
date du 17 février 1900. Ce n'étaient plus les longs
espoirs et les vastes pensées qui enfiaient les pro-
' C'est celle nussi qu'emploie M. (jeorges Vill;un : Les voii's
naviç/ahles. Journnl Le Temps, M et 21 juin, 2 juillet 11)111.
- II fiRure dans le programme auquel cet homme d'Etat
atlarlia son nom lui du Jl août 18T.)).
' Canal de laCliiers. Uapport deM. Marquiset. Doc. Parlem.
Cliambre, iSsI, p. 27o,n° 3.:i(iO. Canal de la .Meuse àl'Escaul.
Rapport de M. Alfred Girard, Ihiil., 1SS2, p. SDI, n» 608. I.rs
Rapports reproduisent l'exposé des nioliTs qui précède le
projet de loi; pour le canal de la Meuse à l'Escaut, ccl
expose; des motifs reproduit la notice de M. Qiiinetle de lin
cliemont, alors ingénieur eu chef à Lille, un des docunimls
fondamentaux du ilossier.
* hélibération du 8 mars 1881.
"' Conseil général de Meurthe-et-Moselle. Session d'.oMit
ISS'i, p. 364. Les éludes furent terminées en 1XS7.
B. AUERBACH — LE CANAL DU NORD-EST
lil
grammes de jadis ; ce que demandait le tiouverne-
ment, c'était « le classement, par ordre d'urgence,
des travaux d'amélioration ou d'extension à effec-
tuer sur les voies ferrées, sur les voies de naviga-
tion et dans les ports maritimes ». « J'appelle
tout particulièrement votre attention sur les mots :
les autres tout battant neuf — qui réclamèrent
l'urgence : preuve flagrante que le pays ressent les
imperfections de son appareil circulatoire, et cette
inquiétude même est de bon augure.
En ce qui concerne le canal du Nord-Est, la néces-
sité de l'entreprise s'était, pendant la période d'ac-
Tonnage des voies navigables dans la Nord-Est de la Franco.
(■l;issciuonl par ordre d'urgence, qui définissent
nettement lebutetlaportéedel'enquéte. «Cetappel
prudent et discret fut entendu sur tous les points
de la France ; il fut trop bien entendu. L'Enquête
sur les voies de communication' contient une liste
singulièrement chargée de tous les projets — les
uns, laissés pour compte des anciens programmes,
' Imp. uat., 1900, in-i», p. 259.
caimic, — pour des motifs qui seront exposés phis
loin, — plus impérieusement emparée des esprits.
Aussi, moins de deux mois après l'apparition de
la circulaire ministérielle, les intéressés se réuni-
rent en un congrès à Nancy (7 avril) : dix Chambres
de Commerce y furent représentées". L'on y agita
' Bar-le-Duc, Belfort, Chdlons-sur-Marne, Charleville,
Epinal, UMims, Saiut-Dié fChambi-o cousultative), Sedan,
ïi-oyes, .Naucy. — Etaient présents également : M.\l. les
152
B. AUERBACH
LE CANAL DU iNORD-EST
la queslion desvoiesdecominunicalions régionales;
celles du bassin de Longwv-Briey eurent les hon-
neurs de la priorité '.
Enfin, le Conseil supérieur du Commerce et de
l'Industrie, dans sa session d'octobre 1900, procéda
à une sélectioQ suprême et définitive. Entre tous
les projets qui se disputaient le premier rang — et
quelques-uns sont considérables et de grande enver-
gure — figurent dans le classement adopté, avec le
numéro 1 sous la rubrique des voies navigables :
Joncliou de hi Chiers ii la Meuse et ;) l'Escaut el
amélioration des canaux qui relient l'Escaut à JJuii-
kerque; et avec le numéro 1 sous la rubrique des
ports maritimes : Dunkerque et Marseille ex n'i/uo.
Le canal du Nord-Est sortait de ce concours, en
quelijue sorte national, avec le premier prix. C'était
un succès moral : il restait à l'assurer matérielle-
ment.
C'est à quoi s'employèrent sans retard les promo-
teurs : les Présidents des Chambres de Commerce
se concertèrent à Paris, le 7 mars 1901, et les
Cliambres de Commerce des régions du Nord et de
l'Est tinrent une conférence à Charleville le
2o avril suivant, à laquelle assistèrent MM. x\ndré
Lebon, auteur, avec M. Charles Roux, du Rapport
général sur l'Enquête, Georges Villain, les ingé-
nieurs Rigaux et Barbet, etc.'. De toutes ces déli-
bérations, se dégage la signification de l'œuvre
officiellement consacrée par le projet de loi du
1" mars 1901 et par les rapports parlementaires
qui sanctionnent et recommandent le complé-
ment de l'oulillase national'.
ingénieurs Ttioux et Vill.dn, MM. \\"eis<. sous-direiteur de
la Compagnie de l'Est, et Dreux, maitre de forges, admi-
nistraleur de la Société des Aciéries de Lonjrwy. [Cnwple
rcmlu (lu Congrès f/u 7 avril 1900 //■■« Chamhri-s ilc Cuw-
morcc dû la Bcgioo Je l'Est, .Nancy, inip. .Nancéienne. 1900,
Gi pages).
' Le Congrès classa en tète des chemins di- fer : les lignes
de Briey à Hussigny-Villerupt, — de Baroncourt à un point à
déterminer de la ligne de Briey à Ilussigny, — doublement
de la voie de Longuyon à Pagny-sur-Moselle; en tiHe des
voies navigables : le canal de la Chiers. dont les études sont
faites, et le canal de l'Escaut à la Meuse, avec soudure à
Mézières entre ces deux canaux, en appelant l'attention de
r.'Vdministration sur la nécessité d'une exécution sinon
simultanée, du moins consécutive dans un délai rapide, et
cela en raison du cimcours que ces deux voies se jii'èteront.
' Projet des canaux de la Chiers, de l'Escaut A la Meuse.
rirsumé (/es Cominiinicalions fuites à la riiuni'Hi drx /'rcsi-
ilfntfi (lo.s Clininhrc.sde Commerce tenue à Paris le 1 niarsi'JUl,
Charleville, Anciaux, 1901, 10 pages).
Conférence des (ihambres de Commerce des régions du
Xord et de l'Est sur le concours financier à offrir à IKtat
pour l'exécution du canal de la Chiers et du canal de l'Ksc lut
h la Meuse, tenue à Charleville le 23 avril 1901. Charleville.-
Anciaux, 1901, 20 pages).
'' Le Rapport sur le canal du .Nord-Est a été rédigé par
M. (iuillain [iJoc. Pari. Ctiamijre. aession exlraonl., 1901,
n» 2729). Cf. le lîapport géuéral de M. Aimond, n» 2399.
Outre la préoccupation d'ouvrir des chantiers aux ouvrieis
que l'achèvement de l'Exposition laissait inemployés, l'ini-
tiative commune de MM. Millerand et Pierre Baudin s'est
I
Sa signification, elle la lire du triple foyer de vie
dont elle est destinée à renforcer l'énergie et la
puissance naturelle : la région minière et métallur-
gique de la Lorraine, les contrées houillères du
.Nord de la Fi-ance, le port de Dunkerque. Sans
déprécier les autres intérêts en cause, on a le droit
d'affirmer que la région industrielle de Lorraine
sera la nourrice du trafic : c'est sa fortune qui est
en jeu.
Ce coin extrême de la terre de France, que doit
sillonner le canal de la Chiers, est privilégié; il ;i.
parmi les autres pays de France, sa fonction spi'
ciale, son originalité; c'est le pays du fer. C'est un
bloc d'entre 30 et 00.000 hectares, dimt l'exten-
sion souterraine se développe sur 40 kilomètres du
Nord au Sud, sur une largeur de 7 à 2i kilomètres
dans le sens horizontal' : ce bloc n'est lui-même
qu'un morceau de la nappe ferrugineuse, aujour-
d'hui englobée dans la Lorraine annexée et le
(irand-Duché de Luxembourg".
Ce bassin de Briey, nom générique qui com-
prend toute la partie nord du département, se divise
en trois groupes (fig. 2) : 1° groupe septentrional
ou de Longwy ; a° groupe du milieu ou de Landres :
15" groupe du Sud ou de l'Orne '.
A ce district septentrional, qui sera desservi p.ir
la voie <à créer, s'en soude un autre, plus favorise
déjà, car il est drainé par les canaux de la Marne
au Rhin et de l'Est: c'est le bassin de .\ane\.
Celui-ci couvre 18. .300 hectares, chiffre de la super-
ficie des concessions.
sans doute inspirée d'une pensée politique plus haute, qu'il
ne nous appartient pas d'exposer dans cette Hcvuc.
' G. BoLLAND : Sur les gisements de minerai de fer ooli-
thiques du nouveau bassin de liriey(C. fi./lcarf. .Sc.,t. CCXXVIj
1898, p. 28ri-90 avec carte.) Cf. Notice do la Carte géol. aa
SO.OOO" [feuilles de Longwy et de Metz).
' Pour en mesurer les limites de ce côté, consulter
/ ehersicbtskarte der Kisenerzfelder des westlicben Deutseh-
Lolhringcn (Strasbourg, 1899, à l'échelle 1/80.000), avec U
liste des concessions : Verzeicliniss der iw. \v. D. /,. ver-
lieliencn Eisencrzfelder. Dritle nach dem Stande von;
Ib August 1899 berichtigte und ergânzte Aullage, 10 p.
■' C'est la division proposée par M. l'ingénieur !■". Villain
le connaisseur le plus autorisé de ce pays du fer. (Vilt
i.Aix : Sur le gisement des minerais de 1er en Meurthe-et-
Moselle. Pev. Industr. de l'J:'sl. Numéro spécial du l^ juil'
let 1900, avec allas île 5 planches.) Tirage spécial.
Les chiffres donnés p;ir .M. Villain forment un tota!
(le fiO.OOO hectares environ, et dépassent celui de M. UoUandj
51.000 hectares.
La division de M. Villain parait devoir ("Ire admise. O5
doit rejeter, conmie n'étant pas topi(pie ni précise, la rubriqu
de « bassin d'entre Meuse-et-Moselle •, que l'on a proposa
(l'applii|uer aux nouvelles concessions obtenues à la limifc
des sondages opérés de 1893 à 1899. Voyez Cii. Paloenj
Les nouveaux sondages du bassin minier entre Mosclle-efj
.Meuse. Extrait des ;1/c';n. de l'Union des Ingénieurs de Lou
vain. Bruxelles, Inipr. de l'Economie Dnanci(''re, 1900, p. lu
Le bassin est manqué par une leinte grise, sur la car§
annexe a 1/SO.OOo.
B. AUERBACH - LE CANAL DU NORD-EST
143
Les contours que Ton peut dessiner sur la carie
sont en quelque mesure factices : ils coïncident
avec le cadre des terrains concédés; les limites na-
turelles sont le plus souvent occultes et souter-
productrice de la masse minérale. Cet élément a
pu être évalué avec une précision nouvelle à la
suite des sondages opérés dans ces toutes der-
nières années :l89a-1899) entre la frontière aile-
(hjioL projeté ûjz Ztm^a/OTL à- Jœtxf-.
Canal de. la Chxers.
au!7rdn.dejèr-
Limites-' d.'Sta£e
rZf fl^arteTîientr
L imite- du. git^ ^/h^r^^j'e . .
.-Icièries . A
ftizuts-^ôv^neauj:^ exùrtanLa: •
d" d? pi^ojetBS- ®
l'utt,F d'ejelrojCtiffit ■
Lamtnair's, D
■S'cûri&f de depJiospyioT*atLon SI
Fondt'7^ie.y J\
{/nwti itar KJii
e aaMdh.M,- - Pa.':>
Fil'. 2. — Carie ilo l'arrondissement de Brirr.
raines". C'est d'ailleurs moins une estimation de 1 mande, Briey, Audun-le-Roman et BaroncourI
surface qui importe, que la puissance et la valeur j Meuse). L'exploration mérite d'être signalée ici,
non seulement à cause de sa portée économique,
' Les <- limiter dexploitabilité » sont dessinées par G. Kol- i • • ii «„ „i „ • „„ ^,.„Ki.-,„ia Airm,.
'^ ^ > mais parce quelle touche a un problème dign*;
l.ind sur les feuilles précitées de la carte géol. Cf. Villain,
Atlas, planche V.
d'intéresser les géographes. L'origine des dépôts
1 44
B. AUERBACH
LE CANAL DU NORD-EST
IVrrugineux a (Hé fort disculée. Le regretté Blei-
clier en a suivi la traînée sur 120 i<iloinôtres en
ligne verticale, en a déterminé la place dans la
hiérarchie des strates entre le Lias supérieur et
roolilhe inférieure, en a défini, grâce à la faune
fossile, l'àg-e et l'état civil : il a distingué le
minerai liasien de l'oolilhique; » le premier, sur-
tout exploité dans le groupe de Nancy, a une
faune de haute mer », tandis que l'autre oITre
plutôt « le caractère littoral »; c'est ce dernier qui
affleure en ourlet sur le liane des côtes en sur-
j)lomb sur la Moselle, ou se déroule en diadème à
la base de la crête bajocionne. Mais on rencontre
aussi, disséminé en grains ;\ fleur de sol, et sur-
tout dans des cavités et des poches, un minerai,
dit fer fort, jadis plus renommé et plus exploité que
de nos jours, surtout autour de Saint-Pancré, mais
qui est, selon Bleicher, un témoin éloquent et pré-
cieux dans l'histoire du relief lorrain. 11 en raconte
l'épisode le plus décisif peut-être, la dénudation
ou le démantèlement des croupes à l'arête rigide
des socles découronnés : l'énorme masse de maté-
riaux, de 200 mètres d'épaisseur, qui les surmon-
tait, aurait été abrasée, et, en même temps que ces
matériaux, pour la plupart calcaires, s'écroulaient,
ils se dépouillaient, selon Bleicher, de leur chaux,
ils se décalcifiaient pour s'imprégner de silice.
« L'imprégnation siliceuse s'est souvent accompa-
gnée d'imprégnation ferrugineuse, et l'on peut ad-
mettre que, sur la masse considérable de fer qui,
sous la forme des nodules de fossiles pyriteux ou
hydroxydés, d'oolithes, se trouvait disséminée
dans les 2U0 mètres de couches délavées, une
partie s'est concentrée dans les argiles plus ou
moins pures du fond des fis'^ures et des dépres-
sions, pour se déposer sous la forme de fer iort
noduleux ou pisolilhique ". Outre la théorie cu-
rieuse de métamorphisme ou inétasomatose saf-
lirme ici l'hypothèse chère à notre regretté collègue,
celle de la dénudation du plateau central de Haye,
hypothèse qui ne saurait être aussi étroitement
localisée, mais s'appliquerait à l'ensendjle du pla-
teau lorrain '.
Ce n'est pas le lieu ici de critiquer cette con-
replion; il suffit d'en signaler l'intérêt géogra-
phi(iue. C'est à ce titre aussi qu'il en faut men-
tionner une autre, non moins suggestive et ingé-
' BLKir.nKR : Recherches sur la structure et le giseincnl
du minerai d« fer pisolilhique de diverses provenances
franc iisc< et étrangères [liiiUel. Soc. Sciences Nnney, 1S94 .
— Le minerai de fer de Mcurthe-el-Miiselte {Ilullet. Soc.
Indiist. (le 77i.s(, 2' série, 1891). — Sur la dénuilation du
plateau central de liave (C. K. Acad. Se, 15 janvier 1900 .
— Sur la déiiu Ifilion de l'ensemble du plati-au lorrain et sur
quelques-unes de ses con^^Ci|ueiiccs (IhiJ., 2i) févr. 1900'. —
Sur les phijnojiicncs de niélauiorphisiue ilc produclion de
minerai de fer conséculil's à la dénudation du platoiiu de
Haye (:; fivT. ittOO).
nieuse, celle de la formation des minerais par des
émissions souterraines. La structure du bassin de
Briey est afTectée par des accidents géologiques,
des failles, qui, entre autres conséquences, telles
que le redressement du faîte d'entre Meuse et
Moselle, la texture du réseau fluvial, etc., ont com-
mandé la répartition et le plongement des couclu-
déminerai'. Orientées dans le sens général Sud-
Ouest-Nord-Hst, ces failles (failles de l'Orne,
d'Avril, de Fonloy, d'Audun-le-Roman, d'Audun-
le-Tiche) sont croisées par un système de cassures
perpendiculaires : c'est dans ces déchirures, ébau-
chées sous le lit de la mer, qui couvrait encore le
territoire, que débouchèrent des sources ferrugi-
neuses. Ce n'est donc point postérieurement au
dépôt des minerais que le sol aurait été disloqué
ou raviné de la sorte: mais, au contraire, ces mou-
vements l'auraient précédé, et ne se seraient ac-
centués que dans la suite. Telle est la théorie des
'■ failles nourricières », que M. Villain a exposée
d'abord dans une conférence à la Société indus-
trielle de l'Est (27 juin 1900'}, et qu'il se réserve de
développer dans un ouvrage spécial -,
Nous n'avons point compétence pour traiter,
encore moins pour trancher le problème de la
genèse du minerai. Retenons, des arguments pro-
duits, les conséquences d'ordre pratique et qui
nous ramènent à notre sujet. Outre la facilité de
l'extraction, due au mode d'affleurement ou au jeu
des compartiments failles, voici la plus saillante :
une seule des couches exploitables, la couche
grise, dans les .30.000 hectares où elle se déploie à
travers le bassin de Briey, sur une épaisseur ja-
mais moindre de 2 mètres, qui se grossit parfois
jusqu'à 8, recèle au delà de 2 milliards de tonnes
de minerai. Même avec le déchet de la moitié, c'est
une provision d'un milliard de tonnes quis'ofTre;
à raison d'une consommation annuelle de 10 mil-
lions, double du laux actuel, c'est l'activité d'un
siècle {qrnnde mortulis tni spuliiiiiii au moin>-
qiii est défrayée et soutenue. Alors (jue seront
bientôt épuisés les gisements de Bilbao et d'autrc>
centres, le bassin de Briey a devant lui une longue
perspective de prospérité et de progrès fécond.
Le passé, d'ailleurs, est garant de l'avenir. De
longue date, l'industrie, fille du sol, a lleuri sur le
' B. AiiERBACii : Le plateau lorrain, p. 201, suiv.
- M. Villain admet la dénudation pour le minerai des
couches plus j"U es, dispersées et charriée-! vers l'Ouest, el
doni la Lorraine serait la patrie d'origine, de m'orne pour le-
minerais du diluviim et des plateaux. .Sa thcorie n'est don.
pas exclnsiv.' de celle de Bleicher. Klle a été contesléiî par
M. (i. ItoHand (C.H. .\ça(/..Çc.). Tous ces documents, mémoires
el graphiques ont i|é reproduits, souvent d'une façon l'orl
défectueuse, dans une brochure de M. [''rancis Laur : Etud
coini>rrlc du Ij-issin fcrrilrre de Jlricy et de la form:iti"n
l'rrnirjineuse lorraine (Paris, Soc. dos Public, sc/ca (//<'/"'■ s
ri Industrielles, 1901, 9G p., une carte hos? texte).
i
B. AUERBACH — LE CANAL DL: XORD-EST
143
jilateau de Briey ; sans remonter aux siècles loin-
tains, à la veille de la Révolution, plus de 5 millions
de livres de fonte sortaient des forges de Moyenvic,
Longuyon, Lopigneux, Villancy, Villerupl, Ottange,
alimentées par le minerai de Saiut-Pancré ' ;
de celles de Longuyon et de Lopigneux encore,
1. 200. OOOlivres de fer en barres. Toutefois, les élablis-
S(!ments des Vosges et du Barrois, également bien
pourvus de bois, rivalisaient avec ceuxde Lorraine.
Mais Moyenvic et la manufacture d'armes de Lon-
guyon recevaient, par des charrois très coûteux, des
charbons de Sarrebruck -. L'aftiux des houilles,
d'abord par la Moselle aménagée, puis par wagons
depuis le milieu du xix° siècle, provoqua un essor
inouï ^ qui ne s'est pas ralenti depuis lors, si bien
que la zone industrielle de Lorraine apparaît
comme la génératrice d'un trafic intense.
Elle tire de son sein généreux le minerai, qu'elle
transforme en fonte, en fer, en acier. Elle ne garde
pas toujours jalousement pour elle seule la matière
I première '.
[ Le bassin de Nancy, d'après les relevés de
M. F. Villain, exporte en minerai, vers la Haute-
Marne, le Nord, la Belgique, l'Allemagne, 300.000
tonnes; sauf 40.000 tonnes, ce tonnage emprunte
la voie d'eau °. En attribuant 200.000 ton)ies à la
I direction Nord et Belgique, ce fret sera véhiculé p:ir
" le nouveau canal.
Le bassin de l'Orne, le plus riche, n'esl pa<
encore entièrement sollicité. M. Villa,in assure qu'il
dispensera 600.000 tonnes aux hauts-fourneaux
que quatre sociétés propriétaires de concessions
■ l'difiés dans le Nord, à 'Vezin, Aulnoye, Mau-
^1', Marchienne en Belgique, et Denain. Ajoutez
1 appoint, qui n'augmentera pas, de 100. OOO tonnes
fourni par Longwy, voilà, semble-t-il, en dehors de
la consommation locale, uni' Hère cargaison de
' DiEinicii : Description c/es (/iles: de minerai île lu Lur-
roine méridionale, Paris, au VIII (p. 4.j2 .
= Ihid., p. 4.'Î6, 4 '.3.
' A pai'linle 18i9, on signale, grâce à l'amélioralion de la
voie (l'eau, une baisse considérable du fret. En 1837 encore,
la tonne de houille amenée de Sarrebruck a Uckange coû-
tait 12 fr. -Ja; à Pont-à-Mousson 18 [r. OG. En 1849, ces prix
sont respectivement tombés à C fr. 15 et 10 fr. 3-2. Les
arrivages étaient alors de liT.OOO tonnes pour le premier
point, de 14.000 pour le second (Conseil général. Âloselle,
Session août !S4'J, p. 86 . Entre 1832 et ISuO, on constate
<iue la production méfaliurgique double. Depuis 1S.'J6, les
aciers sont fabriipiés (pour 2.400.000 francs en 18o0;; en
18.59. 24.000 tonnes de rails sont livrées. 83.000 tonnes de
fonte, 32.000 de fer. Les industriels réclament un chemin de
fer de Longnyon si Arlon. Ces renseignements sont tirés
des Comptes rendus, assez sommaires, de la session du
Conseil général; les Rapports des chefs de service y sont à
peine résumés. Voir aussi Georges Villain : Lu for, la
houille et lu métallurrjie à la fin du dix-neuvième s/ècVe. Pa-
ris, A. Colin, chap. iv.
* Toutefois, il est des années, 1894 par exemple, où l'ex-
portation du minerai se réduit à rien.
' Congres de Nancy, p. 2'!.
KEVLE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1902
900.000 tonnes qui se confiera volontiers à la
batellerie '.
Un second article d'expédition est le produit si-
dérurgique sous sa première forme, la fonte. Les
usines de Meurthe-et-Moselle sont de véritables
mères gigognes : 580.000 tonnes en 1880, 1.084.000
en 1S90, 1.576.000 en 1899; et, comme partout des
hauts-fourneaux vont éclore, ce chiffre s'enflera
sous peu d'années : il atteindra, selon M. Villain,
plus de 2.000.000 de tonnes-. Ce sera encore, pour
partie, une aubaine pour le canal du Nord-Est,
qui drainera vers Dunkerque les produits destinés
aux pays d'outre-mer, jusqu'ici captés par Anvers,
qui facilitera l'écoulement vers les forges, fon-
deries et usines de transformation de l'intérieur de
la France.
Cette Lorraine industrielle si vibrante est un
foyer d'appel et d'absorption pour les houilles et
les cokes. Elle est donc doublement génératrice de
trafic, par ce qu'elle distribue au loin et par ce
qu'elle attire. En 1899, le bassin de Nancy a con-
sommé l.OoO.OUO tonnes de combustibles, dont 2 5
venus par eau — c'est toujours M. Villain qui
nous documente; — celui de Longwy-Villerupt
1.450. 000'.
Ces 2.500.000 tonnes de charbon sont de prove-
nances diverses :
N(n'd fr.Tnçais
lielgiipi"'. . .
Allcujaiine .
(140.000 tonnes.
1 OU. 000 —
310.000 —
1 Lougwy-Villorupl
480.000 tonnes.
■;20.0(IO —
4.'j».00(l' —
Le canal futur aura pour rùle de mettre la r(''gion
consommatrice en relations plus directes et plus
intimes avec les charbonnages français, de ma-
nière à refouler la houille belge, peut-être aussi à
évincer la houille anglaise, voire l'américaine, qui
tentent de s'insinuer. Les bassins du Nord et du
Pas-de-Calais sont assez riches pour satisfaire aux
appétits les plus voraces; alors que la consomma-
tion totale de la France, de 1830 à 1898, a augmenté
du sextuple, la production de ces bassins a presque
vingtuplé. Aujourd'hui, ils pourvoient pour la
moitié environ aux besoins nationaux.
L'exploitation des gisements du Pas-de-Calais
' En 1898. la l-"rance a exporté 2.900,000 i|uinlanx de
minerai de fer, dont 1.201.000 pour la Belgique, 623.00(1
pour les Pays-Bas, 073.000 pour l'Angleterre, 417.000 pour
l'Allemagne. Il est impossible de faire, dans les tableaux du
Commerce général, le départ pour chacun des lieux d'ori-
gine.
* Le bassin de Nancy pourra exporter 700.000 tonnes, le
groupe Orne-Briey 330.000, le groupe Longwj'-Villeruiit
830.000, soit un total de 2.100.000 tonnes, sans compter les
scories de déphosphoration, laitiers, etc.
' Celui de l'Orne, représenté actuellement par le seul éta-
blissement de Wenilel, a consommé 300.000 timnes.
* Il entre aussi dans les arrivages de ce groupe une pro-
portion de charbons anglais.
lUi
B. AUERBACH — LE CANAL Dl" NdHD-l-ST
n'est qu'à ses débuis. 11 n'est donc pas chimérique
d'espcrer que c'est de ce côté que la Lorraine
industrielle demandera les 1.200.000 tonnes supplé-
mentaires qui, d'ici dix ans, devront défrayer ses
usines. Le courant houiller, si l'on peut dire, s'ani-
mera sinfîulièrement si Ton songe que lleurthe-et-
Muselle et Ardennes ont absorbé, en 1899, 4.700.000
tonnes, dont 2.000.000 à peu près des bassins fran-
çais, soit 41 à 42 "/„, et si l'on compare cette pro-
portion il celle de 187.S, invoquée par Quinette de
llochemont : les .\rdennes ne demandaient alors
aux fosses françaises que .'i °/„, Meurthe-et-Moselle
il "/„'. Mais ce courant aura, jusqu'à l'achèvement
du canal désiré, à lutter contre la distance. Aujour-
d'hui même, malgré la réduction de tarifs consentie
pur les Compagnies du Nord et de l'Est, les char-
bons français ne peuvent soutenir la concurrence
avec leurs similaires belges et allemands, qui
centre de rassemblement des houilles du .Nord, les
étapes ou escales Mézières, Pont-à-Vendin, débou-
ché du pays noir de Lens, Denain, petite métropuli-
d'une agglomération des plus vibrantes, dont le
rivage et le port sont singulièrement animés.
Mais la ligne à créer n'est qu'un tronçon de la
grande voie qui se développerajusqn'à Dunkerque.
sur près de 440 kilomètres, dont 200 sont faits.
C'est au point extrême de la vaste cité métallur-
gique qui se dresse au seuil même de la frontière di-
France, que le canal s'amorcera. Depuis les acii'
riesde Mont-Saint-Martin, il dévalera parun escaliii
d'écluses frôlant les quais des usines et fabrique-
échelonnées. Il longera docilement, par une succes-
sion de courbes d'un rayon très réduit, les boucli-
gracieuses que la Chiers dessine, épousant les si-
nuosités de ce couloir étroit, où la rivière serpent"
entre des berges hautes d'où les localités géminée-
l-'ig. 3. — Plan rjinéral du Tracv uu ]f<0.000' du Canal de la Cliiris.
gagnent du champ, et pénètrent jusqu'à Paris,
jusqu'à Lyon. Le canal raccourcira les distances:
c'est ce qu'illustre une brève description du tracé.
II
La ligne s'allongera sur 240 kilomètres, depuis
Mont-Saint-Marlin jusqu'au bief de Denain-sur-
l'Escaut. Elle se divise en sections naturelles :
le canal de la Chiers, qui se termine dans la Meuse,
ou plus proprement dans le canal de l'Est: celui-ci
sert de Irait d'union avec la seconde section : Meuse
au canal de la Sambre à l'Oise; ce dernier relie la
seconde section à la troisième, Sambre-Escaut.
Les têtes de ligne sont : Longwy et Valenciennes,
' Nous avons pu consulter, grâce à la coniplaisauce de
M. Vitlain, un suljslantiet travail de M. La Uivicre, ingé-
nieur en clicl' (les Ponts et Cliaussées à Lille, sur » les con-
séf|uences. pour l'accroissenienl probable du tonnage des
voies navigables du Nord ", du développement de la pro-
duction dans les bassins du Nord et du Pas-de-Calais. Mais
l'auteur comprend, sons la rubrique groupe de l'Ksl. les
départements des .\rdennes, Marne, Meurtlie-et-Moselle.
Vosges, Uoubs, Jur.i, llaut-liliin. Ses statistiques et con-
clusions débordent donc notre cadre.
se regardent face à face. Si, dans cette tissure, le
ruban ferré trouve à peine à se poser, le canal e>l
obligé de s'élever à flanc de coteaux évoluant d'uni
rive à l'autre. Les figures 3 et 4 dénoncent, mieux
que toute description, un profil tourmenté". A h-
sortie de Meurthe-et-Moselle, le canal est descendu
par les écluses, presque accolées sur 38 kilomètif-
de (11'", 80, avec de fatigantes contorsions''. Cepeu
danl, au-dessous de Montmédy,oii la Chiers se repli'
en une sorte de triangle, le canal perce droit ]i;n
une tranchée entre Vigneul-sous-Montmédy et Chau
venay-le-Chateau; aussi, dans ce trajet à travers I'
département de la Meuse, tandis que la proporlinu
des alignements droits s'accuse à 06 ",'o, celle des
' N'ons devons le plan général du tr.icé ainsi f|ne le proli!
en long à l'extrême obligeance de M. Higaux, ingénieur ■ i
chef des Ponls et Cliaussées à Cliarleville, qui a drt;--
l'avaul-projet détinilil' du canal. Nous saisissons cette oc
sion de lui adresser nos plus sincères remerciements. I.
notice explicative qui accompagne ces documents gr
pliiques est la source à la fois la plus sure et la plu-
copieuse où les intéressés ont puisé leurs aiguments.
' La proportion des courbes aux alignements droits e-l
de 54 "/o : sept courbes ont un rayon de lliO mélrc>;
'M, un rayon compris entre lUO et Jiiu. ^.
B. AUERBACH — LE CANAL DU NORD-EST
14-
tourbes s'est réduite à 44 °/„, en même temps que
les rayons se sont allongés; enfin, à mesure qu'il
gagne la vallée de la Meuse, le profil devient plus
rigide, 09 °/o, contre 31 "l^\ les courbes sélirent
encore, avec un rayon d'un demi-kilomètre au
moins. Sur les Q',i kilomètres de parcours, la chute
d'un bout à l'autre 12 mètres de largeur, une pro-
fondeur de 2™,o0, et de spacieuses plates-formes
(3 ou 5 m.) pour le halage. Les écluses rachèteront
leur fréquence par leurs dimensions : 40 mètres de
longueur utile, 5™, 50 entre les deux parois, -i"",.";0
de hauteur d'eau sur les bases'.
/'////i (/l' Ciiiii/ntr-auxtfL —
ttt\i^itilc€i.vJiiJonteO'ù/ttt'A' 1_
Département des Ardennes.
clans- lim/^ ortii-c .
l'tii/i ilr coin/jcrftiLi-or
idiiaitcc.v KUanwtintiuc^
5
e
7
8
9 10
II
12 13
'^^^-^fY^^fv^W- — =^
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25
30
1 1 1
35
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•fS
so
55
Département Je la Meuse.
16 17 18 19 20 21 22 23 21e 2S 26 27 28 29 30 31 32
/'//m f/t' ODitïfianui.-'jj
tfi.ptanmvA'ihmctrit/u,
Département de Meurlhe-et-MoselIe.
Profil en long au IjSO.OÛO' du canal de la Chivr;
totale est de 104 mètres, accentuée surtout dans la
section haute, où les biefs ne dépassent guère
l.ilOO mètres, tandis que, plus bas, ils se tendent
sur 3 à 4 kilomètres dans la Meuse, sur 5 à 6 dans
li's Ardennes.
.\u moins, sur celte voie d'un relief accidenté, les
bateau.x circuleront à leur aise, car ils trouveront
En se confondant avec les eaux Meusiennes, le
' L'alimentalion de la section supérieure du canal sera
assurée pendant la période de sécheresse par un système
d'élévation mécanique des eaux qui refoulera vers l'amont
les débits accrus par les apports de la Crusne. Une usine
élévatoire est projetée à Longuyon; et, pour parer aux
défaillances, un réservoir d'une contenance de 2 millions
de mètres cubes à Mout-Saint-Marlin.
lis
H. AUERBACH — I.K C.VN.U. I>L NuUD-EST
canal delà Cliiers perdra son nom et sa personnalité.
Du Pelil-Reniilly à .Mézières, sur une dislance de
;{2 kilomètres. Tarière aménascèe de longue date,
mais isolée jusqu"iei, servira de trait d'union avec
le canal de la Meuse à TEscaut.
Du point de raccordement jusqu'au bief de par-
tage, la montée sera de 53 mètres; ce biel', atteint
au bout de 32 kilomètres, est franchi au faite du
Liarl en un souterrain de 2 kilomètres à travers la
falaise crélacée. Le plan d'eau s'est haussé jusqu'ici
par It l'cluses. L'autre versant se profile à travers
les vallons de la Thiérache, et, au delà de l'Oise,
coupe un coin extrême de la Picardie. Jusqu'au
canal de la Sambre îi l'Oise, la descente est mo-
dérée; mais, au delà, elle se précipite, et les écluses
se pressent en un escalier, ou plutôt en une échelle
très raide, surtout entre Ors et la coupée de la
Selle, affluent de l'Escaut. La chute totale depuis
le faite est de ItJo mètres, rachetée par 12 écluses.
M. Quinette de Rochemonl recommandait la sub-
stitution aux escaliers de plans inclinés et d'éléva-
teurs'.
Quelles que soient les difficultés techniques de
l'entreprise, un résultat est certain : le raccourcis-
sement des distances entre les points desservis,
nous entendons les dislances par eau.
VOIES
VOIKS
DIFFÉ-
DISTANCE
•ictuelles
projetées
RENCE
Yalencienncs à Longwy .
U.Ï
2oi
123
— .Nnncy . .
470
U3
ÔT
El le trajet sera non seulement plus court, mais
aussi plus accéléré : car ce n'est pas seulement le
nombre des kilomètres qui est diminué, c'est celui
des éclusages -.
Mais ce parcours réduit dépasse encore celui des
chemins de fer. Comparons d'abord les longueurs
(après ouverture du canal du .Nord-Est :
DISTANCE FER EAU DIFFURBNCE
De V:ilenciennes à Longwy . i3G 285' S9
— Nancy". . 330 403 13
De l»onl-à-\ cnilin à Longwy. 302 330 28
— Nancy.". 398 448 50
lie Duntcerque à Longwy . . 390 438 48
— Nancy . . . 486 536 in
' Qlixette de Rochemiixt: CanaJJejunclioo </•; l'I-'scaut ii
( Mruso. Notice >>ur l'avanl-projel.. t Valenciennes, ti.tnd et
^tiiliii, s. iL, 62 p., ti pi. . Des variantes ont été proposées.
M. Guillaia .issiire. avec son autorité particulière Rapport,
p. 8\ que le tracé primitif, qui a servi de base à la loi décla-
rative d'utilité publique du S juillet IS82. est seul acceptable.
' Entre Valenclennes et Nancy, le nombre des écluses sera
réduit de 195 à 113: entre Pont-à-Vendin et Nancy, de 194
à 116.
' On remarquera une légère différence 1 kilomètres avec
le chiffre donné par M. Rjrbet. Canal do l'Escaut à la
Ueusc. Rapport d'ensemble de l'ingénieur en chef. 1901.
V.ilenciennes, linpr. de~V Impartial du Xord, 35 p.;
III
.Mais esl-ce une queslion de kilomèlres? On
répondra d'abord que. jiour les marchandises trans-
portées par voie d'eau, le temps ne fait rien à l'affaire.
Ce n'est pas une lulle de vitesse, c'est une guerre
de tarifs. Ici, nous touchons un point critique, la
concurrence des deux frères — ne disons pas ;
ennemis — disons ; rivaux, le chemin de fer et le
canal ou, plus exactement, le cours d'eau praticable.
Sans nous engager dans la controverse, il nous
plait seulement d'invoquer quelques faits. Depuis
un quart de siècle, les voies d'eau, que les chemins
de fer, pendant leur ère triomphante, avaient
prétendu stériliser et condamner à la mort par
langueur et inanition, reprennent, avec la vie,
la conscience de leur mission. Dans tous les Étals
civilisés, qui ressentent la nécessité de ne négliger
aucune de leurs forces vives, cette restauration
s'accomplit ; en Angleterre, aux Etats-Unis, et, plus
près de nous, en Allemagne. Cet exemple voisin est
parliculièremenl suggestif : en Allemagne, où l'Etat
et non l'Empire est propriétaire de son réseau
ferré, il semble qu'il se fasse tort à lui-même
en régularisant les fleuves, en creusant des ca-
naux.
Il suffit de répondre à cette thèse par quelques
chiffres empruntés à un spécialiste des plus aulo-
iMsés, Sympher '.
l 'nies navigables.
18"!5.
1895.
1895
LONGUEIR
10.000
10. 000
21.300
u.rioo
TONNAGE
kilométrique
PARCOURS
ACGMKN- kiIométri<|ti
TATION (.TUgniO!
2.900.000.000
■Î.500.000.00U 159'
Voies ferrées'.
10.000.000.000
2i;.ooo.oou.oou i;:?'
Les deux inslrunienls de transport se sont déve-
loppés avec une puissance presque égale, dans cet
espace de vingt ans ; les voies navigables, bien
qu'améliorées et ranimées, n'ont rien enlevé aux
chemins de fer de leur clientèle ni de leur prestige :
leur part au trafic total a passé de 21 à 22 ° „.
En France, les rivières etcanaux, moins favorisés
à coup silr, ont fait preuve aussi de vitalité; ce dont
fait foi le tableau suivant, emprunté au dernier
album paru de Statistique graphit/iic :
' Die Zunahiac der llinnenscliifTahrt ia Diut-ctiland rou
7N;.%(N.<*5. Berlin, Siemenroth et Troshel. 1899. 16 p. table
et statistique, 2 cartes.! Cf. Walther Lotï : Oie ^'erkehrs-
eatni..kluog id Deutscliland, 1800-1900, Leipzig, Teubner,
1900 avec une copieuse bibliographie .
• C-^s chiffres s'appliquent au.\ marchandises.
B. AUERBACH — LE CANAL DU NORD-EST
im
LONGUKUR MOYE
exploitée
TONNAGB KILOMETBIQIF.
en milliers de tonne?»
1882. . îri.f.lO
1895. . 36.337
12.230
12.281
10.8.3S.C47
12.898.456
2.264.58G
3.166.819
Le rapport du tonnage kilométrique des voies
navigables à celui du chemin de fer a progressé,
pendant cette période, de 20 à 20 °/„, sans que la
fortune des chemins de fer ait été compromise.
Soit! dira-t-on, mais h quoi bon construite un
canal coiiteux là où la ligne ferrée assure le trafic?
Il ne semble pas que la zone industrielle de Lor-
raine — pour ne parler que d'elle seule — soit des-
servie par des voies d'accès et de dégagement suf-
fisantes. Elle est striée au nord par la ligne des
Ardennes, mais la section qui sillonne le cœur du
pays, de Pagny à J>onguyon, n'est qu'à simple voie :
les riches gisements du groupe central devront
être drainés par des embranchements de Briey sur
Hussigny et Villerupt, et de Baroncourt vers Audun-
le-Homan*.
Ceux-là mêmes qui, pour compléter le réseau,
consentent un gros sacrifice, inouï dans les annales
de la construction des chemins de fer, jugent que le
; canal sera, non pas une inutile doublure, ni un
concurrent envieux, mais un collaborateur discret.
Il transportera de bout en bout l..j00.000 tonnes,
selon les meilleurs augures: minerais, fontes et
[ produits métallurgiques, laitiers, scories, et houilles,
t alimenteront le fret dans les deux sens, sans
I parler des denrées agricoles qui seront captées.
( des bois et pierres et antres matières pondéreuses
I pour qui le bateau est un meilleur véhicule que le
! wagon. Quant aux rails, ils ne risquent pas d'être
1 désertés-, et pourront côtoyer fralernellement la
voie d'eau.
Celle-ci aura pour terminus Dunkerque. De tous
l'-S ports français, il n'en est pas dont la fortune ait
lié plus merveilleuse et plus rapide depuis un quart
' Le Congrès de Nancy a réclamé ces lignes, dont le coût
lùlal est estimé à 21 millions: les industriels et conces-
sionnaires ont souscrit une subvention de 7.2 oO.OOi) fr., y com-
pris 500.000 fr. accordés par le déparlement. « Ces sub-
ventions, a déclaré le Congrès... accordées parles particuliers,
les communes elle département, sont les plus considérables
qui aient jamais été fournies pour la construction de che-
mins de fer » p. 17 . C est une considération qu'a négligée
M. V. de Lespinats, ancien maitre de forges, en son plai-
doyer pour les chemins de fer Canal de la Meuse à LoB'jny^
et a l'Êscaul, et son pi-uJongemeul de 'Loaguyon à la Moselle.
En sous-titre : Supériorité des chewins de fer cuwwe moyeu
rcnnmùiue de transport. Limoges, Duconrtieux, 1901, 64 p. .
■ Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter le tonnage des
-nos qui desservent le seul bassin de Briey ■Statistique des
■-•iffiiiiis de fer français au 31 déeembre 18SJ8. Documents
divers, U" partie, Tableau n" 20, n" d'ordre 32, p. 258). U
faut admettre aussi que le chemin de fer. s'il partage avec
le canal le transport de la houille crue, ellectuera seul celui
du coke, qui pàtit des transbordements.
de siècle: ce n'est point du mouvement des navires
que Dunkerque tire son importance — car il n'est
guère fréquenté par les paquebots à passagers —
mais de celui des marchandises: à ce titre, il se
classe au troisième rang, après Marseille f-t le Havre,
avant Bordeaux. C'est un emporium outillé pour s;i
fonction commerciale. 11 a une spécialité, que lui
vaut sa situation géographique et dont il a. pour celle
raison, dépouillé le Havre : c'est le port lainier dr
France.
Il introduit les toisons de l'Amérique du Sud,
que travaillent les manufactures de Roubaix et
Tourcoing'. Or, Dunkerque communique avec son
arrière-pays par eau; les canaux qui s'ouvrent sur
le port ont transporté en 1900 près de 1.800.00(1
tonnes, et cette sphère d'inQuence peut s'étendre à
l'intérieur ; les éléments d'un trafic par batellerie
avec la région métallurgique sont là. Dunkerqui-
importe de 150 à 200.000 tonnes de minerais de
fer riches, nécessaires aux usines; depuis 1896, il
tend à supplanter Anvers pour les arrivages de
manganèse des Indes, dont il défraie Longwy et les
établissements de la Société de Denain et Anzin":
celle-ci a choisi Dunkerque comme tète de ligne
naturelle d'un service régulier avec Bilbao et avec
Sa'igon et Haiphong. Mais, si les relations par voies
navigables avec la région lorraine sont amorcées, si
Dunkerque expédie du minerai à Jarville, du riz à
destination de Nancy, s'il reçoit du sel de Saint-
Nicolas, Dombasle. etc., des phosphates de Pompey,
cela représente un cliifTre insignifiant '. Dunkerque
s'obstine, cependant, à réclamer la construction du
canal du Nord-Est, qui permettrait, dit la Chambre
de Commerce, « à notre établissement maritime, de
lutter avantageusement contre le port d'.\nvers
dans le riche bassin de Longwy «. L'intérêt par-
ticulier et l'intérêt national se confondent heureu-
sement dans cette ambition'.
' c'est depuis 18S2-S3 que l'importation de Dunkerque
(58.000 balles a dépassé celle du Havre 5 l.OOu : l'année pré-
cédente, la proportion était encore de 27.000, contre 67.000.
Aujourdhui, Dunkerque accapare cet article : sur 286.000 balles
entrées par les ports framais en 1898-69, 245.000 sont venues
par Dunkerque; sur 188.000 balles en 1899-1900, 173.000 par
Dunkerque Dunkerque, son port, sou commerce. Notice
publiée par la Chambre de Commerce pour l'Exposition de
1900. Imprimerie Dunkerquoise, 89 p., figures et planches.
Slalistique maritime et commerciale du port de la circons-
cription consulaire. Publication de la Chambre de Com-
merce. 1901, 163 p.;.
- Tableau général de Commerce de la France, 1898, vol. H,
p. 44.
' L'n peu plus de 15.000 tonnes, en y comprenant les arri-
vages et expéditions en provenance ou à destination des
.\rdennes et de la .Meuse (Chambre de Commerce de
Dunkerque. Réponse au questionnaire annexé à la circu-
laire de M. le Ministre du Commerce en date du l""^ fé-
vrier 1900, p. 13;.
' Par le canal du Nord-Est, la dislance de Longwy à Dun-
kerque sera de 445 kilomètres, supérieure de 20 kilomé'.res
seulement à la distance par voie d'eau sur Anvers.
150
B. AUERBACH
1,E C.VN.VL DL" NORD-EST
Ainsi donc cette entreprise, qui s'alimentera aux
si'ins nourriciers d'une zone d'industrie intense,
dune région houillère, d'un port en pleine pros-
pi-rité, cette entreprise est viable. Mais elle ne doit
pas vivre d'une vie précaire et factice; elle doit
devenir à son tour une source de richesse et de
proMt. il faut, selon l'expression américaine, que le
canal « paie ». La dépense totale, d'après des pré-
visions qui excèdent les premiers devis, ressortira
à 131 millions, dont moitié versée par l'Etat, l'autre
moitié, subvention des intéressés. Cette somme
de tJO millions et demi — à laquelle s'ajoutent
8.700.000 francs comme charge d'intérêts interca-
laires pendant les cinq premières années d'exécu-
tion, qui seront sèches — cette somme de 7 4 millions
sera demandée à l'emprunt, et l'amortissement
en soixante ans — terme adopté — imposera une
annuité de 2.795.000 francs'. On y fera face par
une taxe de péage et une taxe de traction, taxes
qui ne porteraient que sur les voies de nouvelle
création. Nous n'avons point qualité pour discuter
les évaluations émises : chaque tonne kilométrique
serait grevée de 8 millimes', charge qui, avec le
temps, serait atténuée et même abolie. Le chemin
de fer peut-il offrir des conditions aussi avanta-
geuses? On en doute et, d'ailleurs, on a foi que, sui-
vant une jurisprudence tutélaire des voies navi-
gables, ces tarifs de concurrence ne seraient pas
homologués^.
Garantie artificielle et contre-nature, s'écrient les
détracteurs de l'entreprise, les avocats des chemins
de fer, qui contestent toutes les évaluations comme
autant d'hypothèques sur l'avenir. Pour n'être ni
incomplet ni partial, notre exposé devrait résumer
tous les griefs et objections, mais il risquerait de
s'égarer dans les minuties et subtilités d'une
controverse où un millime est un argument d(!
poids. Quelques exemples, dégagés autant que
possible de la gangue des chiffres, dénonceront les
difficultés du problème*.
Les droits de navigation des voies d'eau nou-
velles — tel est le Icit-motiv — compenseront et
annuleront le bénéfice du raccourcissemenl des
' Le* premières évaluations, qui ressorlissaient ;i lin mil-
lions, ont dû (Hre majorées.
' V. discussion dans les articles précités de G. VilLiin.
C'est un chiffre moyen, car le taux du péage varie entre
■ i millions pour les colces et minerais et 11 millions pour
les produits métallurgif|ues.
' lîéunion Paris (p. 10 , Conférence Charleville (p. 17).
Réponse bunkerque fp. 8 . Allocution de M. liaraban. direc-
teur de la Corai)agaie de l'Est. liov. Intliisirielli' de l'Est.
:i mirs 1901.
' Nous empruntons ces données à la hrochure de M. V.
de Lespinats. Les promoteurs du canal ont répliqué par
deux brochures : l'rojft des caDaax de la Chiers, de ]'Escaiit
ci de la Meuse. Uéponse à une première de M. de Lespinats,
Paris, Rcnouard. juin Irtol. 29 p.) et une note intitulée :
l'rix du l'rej (ibid., sans date, ■; p.\
distances. Ainsi, la tonne, convoyée par eau du
bassin de Nancy à la région du Nord, paiera plus
cher pour effectuer -io kilomètres de moins que .sur
les canaux actuels. Mais, une fois les taxes abolies
ou atténuées — et rien n'oblige d'appliquer le maxi-
mum concédé ', — le trafic prendra au plus court.
Quelques articles seront passionnément disputés
entre le chemin de fer et la navigation, et surtout
le coke. Assurément, seules les usines frôlées en
quelque sorte par le canal recevront leurs cokes
par bateaux; celles qui ne communiquent pas avec
l'artère conductrice continueront à s'approvisionner
par wagons". Mais même, selon M. de Lespinats,
les premières auront avantage à recourir à la voie
ferrée; en effet, de Mont-Saint-Martin à Douai, à
Lens, aux charbonnages du Pas-de-Calais, l'abais-
sement du fret sur canal sera balancé par les ma-
nipulations successives, les transbordements, les
retards et déchets qui grèveront les frais bien au
delà de la différence entre tarifs par eau et tarifs
par rails. Les chiffres ressortenl de .Mont-Sain I-
Martin à Lens par canal (333 kilomètres) à o fr. 8'i
la tonne, par chemin de fer (300 kilomètres) à
6 fr. iO, soit un avantage de fr. .50 pour le pre-
mier des instruments de transport; mais le déchar-
gement, la détérioration par la pelle et la fourche,
par la mise en stock sur le carreau de l'usine sonl
autant de causes de renchérissement; si bien que
l'emploi de la voie ferrée, affîrme-t-on, procurera
une économie entre 1 franc et 1 fr. 70 par tonne.
Mais on réplique que les intéressés sauront ob-
vier à ces inconvénients, d'abord par l'organi-
sation de la batellerie : les usiniers se feront leurs
propres transporteurs et échapperont ainsi aux
exigences des mariniers ; leur Doltille emportera
vers le Nord des minerais, fontes, aciers, sco-
ries, etc., et ramènera des combustibles, fret de
retour assuré. Charbons et cokes seront débarqués
rapidement et confortablement par des engins
mécaniques, grues, transporteurs aériens, etc.
Enfin, la traction électrique établie sur le canal,
outre qu'elle sera moins coûteuse que le cheval au
pas tranquille et lent, accélérera et du même couii
régularisera les allées et venues^-
i)n prédit encore, non seulement au canal futur.
' iicponne, p. 11.
■ M. Rigaux (Notice explicative, p. 8 énumère parmi \r-
premières : liéhon, Longwy-Bas, Gouraincourt, la Chiers.
Mont-Saint-Martin, Senelle-.Maubeuge; dans la seconde ratt-
gorie. Saulnes, Hussigny, Villerupt-Laval-Dieu, Villerupl-
Aiibrives, Michcville.
' Ce progrés a été réalisé aux établissements d'Auby, prés
de Douai, où la Société lorraine de carbonisation a inslalli-
des fours à coke capables de produire 'i'JO.OOO tonnes par an.
Le chargement des bateaux s'y opère par des moyens méca-
niques. Et non seulement les usines riveraines s'outilleront
à celte (in, mais peut-être aussi celles qui sont situées aune
certaine distance du canal, comme Hussigay et ViUerupt.
[licponse. p. ;; .
B. ArERBACH — LE CANAL DU NORD-EST
loi
mais aussi aux houillères françaises du Nord qui
le sollicileDl, un méconiple singulièrement grave.
Le frel du ciiarbon par rails, de Charleroi, Liège
ou Mons à Mont-Saint-Martin, devra être « à peu
près égal au fret majoré des frais supplémentaires
de transport par eau ' ». Mais, si ces frais supplé-
mentaires s'amoindrissent ou disparaissent ? —
En .second lieu, les établissements industriels do
l.imgwy et des Ardennes " auront intérêt à con-
'inuer de prendre à l'Étranger une forte partie de
Knirs approvisionnements et à ne pas augmenter
iintablement leurs commandes aux charbonnages
(In Nord de la France ». L'on a négligé, il est vrai,
ilcxpliquer les raisons de ce mauvais vouloir.
lii'lte polémique méritait d'être signalée, d'abord
parce qu'elle a provoqué, sur les débouchés et les
destinées, si l'on peut dire, de quelques produits
inliTessants — on citerait encore les minerais et
■ -^ laitiers — des enquêtes détaillées, mais surtout
[larce que cet épisode éclaire d'une lumière très
vive le conflit de plus en plus aigu entre voies
navigables et voies ferrées. Dans ce champ d'ex-
ploitation intensive, mais très limité, qu'est le
li.issin industriel de Lorraine, les deux concurrents
mesureront avec une puissance mécanique
-.aie : le canal ne sera plus cette allée étriquée,
mélancolique entre deux rangées de peupliers, où
musait le long de la rive quelque chaland à la
lourde carcasse ; il s'ouvrira en une large avenue,
où des bateaux, qui dissimuleront dans leurs flancs
une cargaison plus grosse que celle d'un train,
tiliTont allègrement sous la traction mystérieuse
il'un Ciibleet grimperont par bonds légers à travers
les écluses accolées". Comment s'opérera entre l'un
et l'autre agents de transport le partage géogra-
phique d'un domaine qui semble condamné à l'in-
division? La fusion, la solidarité, qui font l'honneur
et la prospérité de la région du Nord, pourront-elles
- l'i-aliser ici ?
IV
Au lieu de ces spéculations sur l'avenir, indi-
quons une dernière considération, non la moins
curieuse, car, sous son appai-ence d'intérêt local,
elle est un symptôme décisif dans l'histoire écono-
mique, et peut-être dirait-on mieux, sans épithète,
pour Ihistoire de notre pays.
Par qui l'entreprise sera-t-elle administrée? Elle
est patronnée,, on le sait, par les Chambres de
Commerce des départements traversés; mais, indi-
viduellement, isolément, chacune de ces institu-
tionsesldépourvue d'autorité etde moyens d'action.
Ce groupe des Chambres de Commerce, formé en
' De Lespiiiats, p. 3l-?r2.
■ liiin que le chcjiiiage et la congélation -ioient pour les
canaux une cause d'infériorité, toutefois, pour les deux agents
de transport, les saisons de trafic intense correspondent.
vertu de la loi du .j avril 1898, peut être doté
de la personnalité civile au même titre que les
syndicats des communes. Tel sera, sans doute,
l'organe de gestion ou de contrôle. Mais, si cette
formule ne tranche pas toutes les difficultés juri-
diques et financières, elle a la vertu de créer une
de cesindividualités collectives, foyers d'énergiques
initiatives qui préparent l'œuvre de décentralisation
et le réveil de la vie régionale. Il ne s'agit plus de
la vie régionale, encadrée et comme étouffée dans
les limites d'une province historique; c'est la
Géographie, c'est la Nature qui, par la distribution
des ressources minérales, par le modelé du relief,
parle concours du réseau hydrographique, comman-
dent l'action concertée et la communion d'inléi-êts
ou d'idéal à des régions que la distance ou la diver-
sité de leur complexion et de leurs traditions
semblaient séparer. Le canal du Nord-Est sera, en
quelque sorte, un lien matériel et moral, moins
superficiel que le rail, grâce à un échange de
substance intime entre les pays de France dont
il sollicitera et solidarisera les forces productrices.
La ligne navigable delà merduNord à la Lorraine ',
qui joint l'Escaut, la Sambre, l'Oise, la Meuse et
qui tend vers la Basse-Moselle, qui resserre ainsi
et consolide un admirable faisceau fluvial, a sa
fonction bien marquée ; sa fonction nationale
d'abord, en attendant que, comme artère conti-
nentale, elle devienne la doublure ou plutôt la
rivale de la ligne d'Anvers à l'Europe centrale.
Jusque-là, qu'elle desserve des intérêts français :
c'est le rêve de l'heure présente; nous n'osons
dire : la réalité de l'heure prochaine-'.
B. Auerbach,
ProtV>seur «le Géographie à l'Université de ÎSa.ioy.
' Peut-être la conception d'un canal se terminant par la
Cbiers semblera-t-elle incomplète après l'exploration du
bassin de l'Orne. Aussi a-t-il pnru nécessaire et .logifiue
de prolonger le canal jusqu'à proximité du gisement le plus
riche, où. dans quelques années, quinze hauts-fourneaux
seront en activité, et de doter d'un canal le bassin minier
de Briey. L'idée émise par l'ingénieur Lapointe (/iei . ;u'/iiv-
Irielle de l'Est, 12 mai t'JOl; a pris corps. Les établisse-
ments intéressés, qui comptent parmi les plus considérables
de France, ont demandé, par une lettre au Ministre des
Travaux publics, en date du 30 juin 1901, de mettre le projet
à l'étude. Le tracé, s'amorçant à Longuyon, sur le canal de
la Chiers, suivrait le val de Crusnes. puis celui de l'ienne
jusqu'à son chevet, par une montée de flC mètres jusqu'au
bief de partage entre Landres et Mairy ; de là, il descendrait
sur Jœiif et rallierait l'Orne après une descente de 12i mètres
ce parcours de 41 kilomètres serait accidenté de 5'j écluses
de 4 mètres de hauteur. De l'Orne, une nouvelle section de
canal chercherait la Moselle à Pagny-sur-Moselle, pour des-
servir le bassin de Nancy. Les pétitionnaires n'ont abordé
ni la question technique, ni la question financière.
' La Chambre des Députés a, dans ses séances des 27 et
■2S janvier 1902, voté en bloc le progranmie de 1' n outillag:
national ■■, d'après l'ordre d'importance et d'urgence des
travaux, c'est-à-dire en maintenant au premier rang de leur
tableau respectif le canal de l'Escaut à la .Meuse et celui de la
Chiers. Il est à craindre que la crise métallurgiciue et le déficit
budgétaire retardent la mise à exécution de ces projets.
p.p. DEHERAIN
UEWE ANNUELLK D'AGRONOMIK
REVUE ANNUELLE D'ACtRONOMIE
I. — Crise de pj.étiiohe.
1. Blé. — Les efforts perscviTanls de la science
agricole ont réussi à augmenter les rendements :
notre production de blé s'est élevée en moyenne,
pendant ces dernières années, à 110 millions d'hec-
tolitres, bien que les surfaces ensemencées res-
tent à peu près stationnaires à 7 millions d'hec-
tares, avec une légère tendance à diminuer. Kn
1898 et 1899, nous avons recueilli 128 millions
d'hectolitres, 119 en 1900, 109 environ en 1901.
Naturellement, les fortes récoltes amènent une
baisse de prix, qui diminue les bénéfices des pro-
ducteurs. Ils se plaignent, tentent de faire in-
tervenir les Pouvoirs publics, qui, très heureuse-
ment, ont résisté nus. sollicitations dont ils ont été
l'objet.
Rien n'est plus difficile, en elîet, qu'une inler-
vention efficace; on a élevé le droit d'entrée des
blés étrangers, supposant que la baisse des prix
constatée, il y a quinze ans, était due à l'entrée
en franchise des blés américains; la hausse espérée
no s'est pas produite. Il a bien fallu reconnaître que
les prix sont réglés par l'abondance ou la faiblesse
de nos propres récoltes, et que, si les droits de
douane maintiennent nos cours plus élevés qu'à
Londres, les différences ne représentent pas les
7 francs par 100 kilos qui frappent les blés étran-
gers à leur entrée en France ; pendant les der-
nières semaines, en France, le blé valait 20 francs
les 100 kilos, on le payait à Londres 10 (r. 23, la
différence n'est donc que de 3 fr. 73.
On risque, quand on élève artificiellement le
prix d'une marchandise, de déterminer une pro-
duction exagérée, qui, fatalement, amène la baisse.
Il n'y a d'autre remède à l'abondance de la pro-
duction que l'ouverture de nouveaux débouchés;
le blé peut non seulement servir ii l'alimentation
humaine, mais aussi à celle des animaux de la
ferme, aux oiseaux de la basse-cour, et, déjà, avec
profit, des cultivateurs avisés y emploient tous les
déchets que donne un triage exécuté avec grand
soin, ne réservant pour la boulangerie et les
semailles que les grains d'excellente qualité.
2. Production du sucre. — La pléthore est duc
parfois à des lois imprudentes. C'est le cas pour la
production du sucre. 11 est perçu sur sa consom-
mation un impôt énorme, qui triple le prix du pro-
duit: voulant encourager la culture, dont il tire si
grand profit, l'Etal s'est avisé, en 1884, d'abandonner
aux fabricants une partie de l'impôt. On a estimé
qu'ils devaient tirer d'une tonne de betteraves un
certain poids de sucre, sur lequel ils paieraient le
droit entier de GO francs par 100 kil. ; s'ils dépas-
saient cette quantité de 77 kilos 5 de sucre par
tonne de betteraves travaillées, ils ne paieraient
plus que 30 francs par 100 kilos pour le sucre
obtenu en surplus Jusqu'à une production de
100 kilos par tonne de betteraves, et auraient
encore 15 francs sur les quantités de sucre extraites
au delà de 100 kilos.
Très rapidement, les fabricants ont su obtenir des
planteurs d'excellentes racines, et, comme les opi'-
rations des sucreries sont très bien conduites, on a
extrait beaucoup plus de sucre que la loi ne l'avait
prévu; les fabricants ont ainsi pris une partde plus
en plus grande de l'impôt payé par le consom-
mateur. La fabrication est devenue très lucrative,
elle s'est accrue, et nous arrivons maintenant ;i
produire un million de tonnes de sucre, bien que
la consommation, entravée par l'énormité de l'im-
pôt, cesse de croître et reste presque invariable-
rnent à 430.000 tonnes. Un énorme stock de sucre
fabriqué se trouve donc sans emploi; il faut absolu-
ment l'exporter, et, pour qu'il puisse lutter par son
bas prix avec celui qu'expédient, sur le marché du
Londres, les nations sucrières concurrentes, et no-
tamment l'Allemagne, on a demandé et obtenu des
Pouvoirs publics des primes d'exportation, de teiit
sorte que, bien que l'impi'it continue à être pavi
par les contribuables, qui, à 60 francs pai
100 kilos, versent annuellement 270 millions, la
fraction de cet impôt qui reste dans les caisses dr
l'Etat est tellement diminuée par les bonis de fabri-
cation, par les primes, que le budget de 1901, qii
avait supposé pouvoir consacrer aux service-
publics 199 millions sur les 270 perçus, s'est trouvi
en déficit de 41 millions, dus à la très forte et tn-
bonne récolte de 1900, laissant entre les mains dr-
producteurs des sommes considérables.
Les lois actuelles sont ainsi faites que le Trésoi
public est en déficit quand on obtient de bonne-
récoltes de blé ou de betteraves, et fait d'excellente-
recettes, pendant les mauvaises années, oii nou>
importons du blé et ne fabriquons (|ue peu de
sucre.
Il est manifeste que la loi de 188i, qui a rendu,
au moment où elle a été votée, un très grand
service à la fabrication du sucre en France, esl
aujourd'hui à reprendre, et il importe de saisir
dans quel sens elle doit être moditiée pour qu'en
maintenant la sucrerie prospère, elle serve dans la
plus large mesure le.< intérêts agricoles.
p.p. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D AGRONOMIE
Ui3
La culture de la betterave doit être maintenue
dans notre pays pour plusieurs raisons, qu'il faut
clairement indiquer, car la solution à donner aux
difficultés actuelles découle nettement de leur
exposé.
La betterave est une des plantes de grande cul-
ture qui bénéficient davantage des engrais qu'elle
reçoit; ils déterminent une augmentation de récolte
assez forte pour qu'on n'iiésite pas à les prodiguer;
la terre est ainsi enrichie, et le blé qui suit la bette-
rave donne des rendements élevés, bien qu'il vive
sur les résidus des engrais fournis à la betterave,
et qu'on ne fasse pour lui aucune dépense spéciale.
[" Si. sousTintluence des fortes fumures azotées, le
'poids des betteraves récoltées s'accroit, leur qua-
lité diminue, et la crise qui a précédé la loi votée
en 1884 avait été déterminée par la pauvreté des
^racines recueillies à cette époque, où elles étaient
acquises par les fabricants à prix invariable, quelle
que fût leur teneur en sucre. La loi de 188i, en
reportant l'impôt du sucre achevé à la tonne de
betteraves travaillées, a introduit une grande amé-
lioration ; les fabricants, ayant intérêt à avoir de
Ins i>onnes racines, pour atteindre un poids de
sucic qui surpassât les rendements prévus, et leur
permit de percevoir, à leur profit, la fraction de
l'impùt accordée aax -excédents, établirent, avec
leurs planteurs, des marchés à prix variable avec la
teneur en sucre, déterminée par la densité du jus.
(r mode d'accord est aujourd'hui passé dans les
ii-.i^es et il faut absolument le maintenir.
Avec la loi actuelle, les fabricants ont le plus
grand intérêt à obtenir des betteraves très riches
en sucre : les producteurs de graines de betteraves
ont fait efl'ort pour les leur fournir; on a poursuivi
l'œuvre des Vilmorin et on a fini par semer des
graines qui donnent de petites racines d'une grande
richesse, mais qui ne fournissent que des récoltes
médiocres de ^0 à 35 tonnes à l'hectare, et cela au
préjudice de la cullure.
La betterave, en efl'et, ne sert pas seulement à la
production du sucre : quand elle a été lavée dans
les diffuseurs, qu'elle y a abandonné le sucre
qu'elle renferme, elle laisse un résidu désigné sous
le nom de pulpe et qui constitue un excellent ali-
ment pour le bétail: les pays sucriers engraissent,
tous les hivers, les bœufs maigres qui leur arrivent
de toutes les contrées où l'alimentation, peudaijt
cette saison, est rare et coûteuse.
Les cultivateurs de betteraves reçoivent des su-
creries les résidus de la fabrication, des pulpes
qu'ils font consommer dans leurs fermes; la masse
de fumier produite s'accroît, et la fertilité du do-
maine augmente.
Il y a donc un intérêt agricole de premier ordre
a favoriser la culture d'une variété de betterave
qui donne à l'hectare le maximum de sucre et le
maximum de pulpe, et c'est ce à quoi s'oppose la
loi actuelle; le fabricant ne cherche qu'une chose :
la betterave riche. Or, il se trouve malheureuse-
ment, ainsi qu'il vient d'être dit, que celte belle-
rave riche est médiocrement prolifique et, non
seulement, donne peu de pulpe, mais, en outre,
moins de sucre qu'une betterave plus élofl'ée, mais
en même temps plus pauvre.
J'en ai eu de nombreux exemples personnels. En
1890, une récolte de betteraves fourragères, ren-
dant 80 tonnes à l'hectare, renfermait 8 tonnes de
sucre; celle des betteraves de sucrerie, ne donnant
que Au tonnes de racines, n'en contenait que 1.
Le traitement des betteraves fourragère.^ serait
ruineux, car elles sont très aqueuses; mais il n'en
serait plus de même des betteraves dites domi-
stierières : en 1894, à Grignon, elles ont rendu
.jO tonnes à l'hectare, renfermant 6 tonnes de sucre;
les Vilmorin, qui avaient donné seulement une
récolle de 30 tonnes à l'hectare, n'en contenaient
que i,G. En 189(î, ces mêmes collets roses, bien
fumées, donnent oQ tonnes de racines, les Vilmo-
rin 37; les premières renferment 7 tonnes de
sucre, les secondes 5,9.
Ainsi, et c'est là le point sur lequel il convient
d'insister, les betteraves d'une richesse moyenne,
désignées sous le nom caractéristique de demi-su-
crières, donnant des récoltes beaucoup plus abon-
dantes que les betteraves sucrières proprement
dites, dérivées des Vilmorin améliorées, produisent
à l'hectare plus de sucre que ces Vilmorin; il sem-
blerait donc qu'on dût les semer...; la loi actuelle s'y
oppose. Le fabricant ne gagne pas grand'chose sur
la vente du sucre, qui est grevé du droit de 60 francs
par 100 kilos; il n'a de profit que s'il peut garder
une fraction de l'impôt; pour le percevoir, il faut
qu'une tonne de betteraves lui fournisse plus de
77 kil. 5 de sucre achevé, et il n'obtient cet excé-
dent qu'en travaillant des betteraves très riches :
il est donc forcé de proscrire les demi-sucrières, et,
comme il paie les racines en raison de leur teneur
en sucre, les cultivateurs ont intérêt également à
semer des graines ne leur donnant qu'un faible
poids de racines, mais de racines riches dont ils
obtiennent un bon prix, plutôt que de semer des
graines donnant des betteraves moins chargées
de sucre, qu'ils ne vendraient qu'à bas prix ou qui
même seraient refusées par les fabricants.
Cet état de choses est fâcheux, car les pulpes
sont, naturellement, d'autant plus abondantes que le
poids de racines récoltées est plus élevé; il y au-
rait donc un avantage marqué à changer le mode
de perception de l'impôt, à ne plus le faire porter
sur la betterave entrant à l'usine, mais sur le sucre
achevé. Ce mode de perception n'a plus d'incon-
loi
p. -P. DEHERALN
HKVI I. AN.M KI.Lt: i» AliKUNOMll".
vénient tant quon conserve rachat des betteraves
à prix variable avec leur richesse, et il n'exposerait
plus l'Élal aux énormes écarts qu'amènent les va-
riations dans le poids et la qualité des racines qui
se produisent d'une année à l'autre.
Kt, enfin, puisqu'on sera fatalement conduit à
reprendre la législation sucrière, n'y aurait-il pas
un immense intérêt à réduire l'impôt de consom-
mation à un chiffre tel que le sucre fût abordable,
même pour les pauvres? On le produit aujourd'hui
à 30 ou 35 francs les 100 kilos, et. dans les pays où
croit la canne, à un prix encore bien inférieur;
n'est-il pas déplorable de voir son prix triplé par
l'inipul, puisqu'aux30francs, prix réel des 100 kilos,
viennent s'ajouter 60 francs d'impôt?
Si le sucre n'avait pas de valeur nutritive, que
sa consommation fût une simple fantaisie agréable
au goût, on comprendrait qu'on le surchargeât;
mais il n'en est pas ainsi-: les beaux travaux de
M. Chauveau ont montré que c'est un excellent ali-
luent, producteur de force et de travail, et qui, à ce
titre, mérite inliniment plus d'être dégrevé que^
toutes les boissons alcooliques, même que le vin.
Sans doute, la diminution de l'impôt amènera,
pendant quelques années une baisse des recettes
du Trésor: mais elle sera rapidement couverte par
l'accroissement de la consommation, encure très
faible dans notre pays.
o. Production du vin. — Si les producteurs de
blé se plaignent, comme les producteurs de sucre, de
la difliculté qu'il s éprouvent à écouler leurs produits,
ils sont, cependant, moins à plaindre que les vigne-
rons, car la crise de pléthore que nous traversons
sévit surtout dans la viticulture. Cette crise tire
son origine du trouble profond qu'a amené, il y a
une vingtaine d'années, la destruction des vignes
par le phylloxéra : on se fait une idée de l'inten-
sité du fléau par les chiffres suivants:
Production miiycanc aanuellc du vin i.'U l'rniice
par pcriiidea déconnalcs.
18.50-1859 30.251.000 liectolitres.
lS60-l«6y . . . .ÏO.24i.0U0 —
iS70-1879 . . :il.70D.OOO —
I8S0-1889 . 29.600.000 —
Sous lintluence des traités de commerce, la pro-
duction s'était beaucoup accrue de 1860 à 1869;
elle reste encore élevée, malgré les premières
atteintes du phylloxéra, de 1870 à 1879; puis, elle
décline pendant les dix années suivantes. La ré-
gion méridionale, qui avait été envahie la première,
trouva, dans le greffage des vignes françaises sur
pieds amérii!ains, le moyen de résister aux atteintes
du redoutable insecte; très vile elle reconstitua
son vignoble, et, comme la vigne disparut peu à
peu des autres régions de la France, le .Midi se
trouva seul, pendant quelques années, en mesure
de fournir à la consommation. Pour profiter de
cette situation avantageuse, on multiplia les plan-
tations de cépages très prolifiques, qui donnent en
abondance des vins peu généreux, qu'on remonhi
avec des vins d'Espagne et d'Italie. Non seulement
les coteaux, mais les plaines elles-mêmes se cou-
vrirent de vignes; on arriva, dans ces sols fertiles, à
des rendements fabuleux, atteignant parfois :200hec-
tolitresà l'hectare. Cette période de prospérité, pour
nos six grands départements producteurs: Bouclh
du-llhône, Var, Hérault, Gard. Aude, Pyrém r-
Orientales, dura tant que les autres parties de la
France n'eurent pas reconstitué leur vignoble; peu
à peu, cependant, cette reconstitution s'est fait .
et, quand l'Ouest et le Centre produisent non sin
lement ce qui est nécessaire à leur consommation,
mais apportent leurs produits sur le marché, If^
vins du Midi deviennent d'une vente difficile; c'e-'l
ainsi que, déjà en 1893, année favorable, tandis
que les six départements essentiellement viticoj.-;
produisaient 17 millions d'hectolitres, les autr.-
parties de la l'rance en récoltaient 33 millions ii.
On se trouva devant une production totale di'
50 millions d'hectolitres, et déjà le Midi subit uiu'
première crise de pléthore; les années suivant. •;
furent moins prolifiques, les prix se relevèrent, hi'
189-4 à 1898. les quantités produites oscillent, ••n
effet, entre 30 et -40 millions d'hectolitres. Cepen-
dant, en 1899, on arrive à 46 millions, et. enfin,
l'année 1900 fournit le rendement prodigieux i\r
67 millions d'hectolitres; les six départements mé-
ridionaux figuraient dans le total pour 27 million-
d'hectolitres, et les autres régions jiour près d^
40 millions.
Dans ces conditions, les vins du -Midi sont d'un
placement très difficile; en elTet, très imprudem-
ment, les vignerons de cette région n'ont visé, aiu^'t
qu'il a été dit déjà, que la quantité; ils ont planli'
des cépages très prolifiques, mais produisant di'^
fruits très aqueux. MM. .\imé Girard et Lindet
trouvent, dans 100 de pulpes des raisins d'Aramon,
cépage très répandu dans le Midi, le 9 septembre :
84,9") d'eau et 12,79 de sucre, tandis que, le 26 sip-
tembre, le Petit Verdet de la Gironde contient
76,31 d'eau et 21,42 de sucre; et, comme on peut
admettre que le sucre contenu dans le jus se réduit
par la fermentation à peu près en poids égaux
d'acide carbonique et d'alcool, ces deux cépages
fourniront un vin à 6 ou à 10,'> centièmes d'alcool,
c'est-à-dire de très faible ou de très bonne qualité.
M. .Miinlz mesure, dans le Midi et en Chanipagm'.
les surfaces des feuilles qui correspondent à la
production d'un hectolitre de vin : il trouve 320 mè-
tres carrés pour le. .Midi, 1.234 pour la Champagne:
or, c'est la feuille qui élabore les hydrates de car-
P.-P. DEHERAIN — UKVUE ANNUELLE DAGHOXOMIE
bone qui se réunissent dans le grain sous forme
de glucose, et on conçoit que, malgré Tintensilé
lumineuse plus grande dans le Midi quen Cham-
pagne, les surfaces feuillues des cépages méri-
dionaux soient trop restreintes pour apporter à
des raisins nombreux et volumineux un poids de
.sucre capable de donner un vin généreux.
Les vignerons méridionaux sont aujourd'hui
très sévèrement punis d'avoir planté des cépa-
ges ne donnant que des vins de petite qualité,
par suite dilticiles à vendre; la situation de ces
départements est lamentable, ainsi qu'il arrive
toutes les fois qu'on réunit tous ses efïorts sur
une seule culture. Leur imprudence est donc à
blâmer, niais leur infortune est à plaindre, et il
s'agit de trouver quelque remède aux souffrances
qui atteignent aussi bien l'Algérie que notre région
méridionale.
Transformer un vin pauvre en alcool, par suite,
il une vente difficile, en un liquide plus riche, plus
■ .'i-i'. qui trouverait plus aisément preneur sur le
m.irché, tel est le problème à résoudre; il s'agit
duiK- d'enlever à ces vins faibles une certaine
quantité d'eau, et on conçoit qu'on y réussisse par
deux méthodes difîérentes : réduire l'eau en glace,
ou la chasser par évaporalion.
Quand on amène le Vin à une température telle
qu'il commence à geler, les cristaux de glace qui
apparaissent dans la masse, devenue une sorte de
sorbet, sont formés d'eau pure et, si on les sépare,
le liquide restant renferme tous les éléments du
vin dilués dans un moindre volume d'eau. C'est
cette méthode qu'a étudiée mon confrère M. Mi'intz,
qui m'a communiqué les résultats de ses premiers
essais, auxquels il n'a donné encore aucune publicité.
D'après ses indications, un habile constructeur,
M. Rouard.a employé une machine à gaz ammoniac,
produisant un froid assez vif pour congeler des
hectolitres; la masse, à demi-pâteuse, obtenue
tombe dans un appareil à force centrifuge, dans
une essoreuse, munie d'une toile métallique; le
liquide renfermant l'alcool, les sels dissous passe
au travers de ses mailles, que les cristaux de
glace ne peuvent franchir; on obtient donc, ainsi,
un vin dépouillé d'une quantité d'eau d'autant
plus grande que la congélation a été plus pro-
fonde.
Au lieu de séparer l'eau surabondante en la trans-
formant en glace, on peut encore la réduire en
vapeur; M. Roos a proposé de soumettre à la
distillation dans le vide, c'est-à-dire à basse tem-
pérature, les moûts avant la fermentation : l'opéra-
tion serait sans doute difficile â régler, car le temps
qui s'écoule entre le foulage et la fermentation est
très court; cette méthode, cependant, présenterait
cet avantage que les moùls. étant stérilisés, pour-
raient être ensemencés de levures sélectionnées, ce
qui augmenterait la qualité du vin produit.
M. Garrigou distille à basse température dans le
vide, non pas lesmoùts,mais les vins déjà fabriqués;
il recueille l'alcool, le met en réserve ; puis, ensuite,
sépare l'eau surabondante, qui est rejetée ; en mélan-
geant au résidu concentré l'alcool recueilli d'abord,
on a un vin présentant le degré alcoolique recherché
par la consommation et d'une très bonne tenue, car
il a été très bien stérilisé; comme la distillation a
lieu à très basse température, on évite absolument le
goût de cuit qu'on reprochait aux vins stérilisés à
la pression ordinaire.
Qu'adviendra-t-ilde ces méthodes? Permettront-
elles de tirer parti des vendanges surabondantes,
ou bienfaudra-t-il se résoudre à diminuer l'étendue
du vignoble, à ne maintenir la vigne que sur les
coteaux, où elle donne des produits, peu abondants
il est vrai, mais de bonne qualité, en rendant aux
plaines leur attribution normale de productrices
d'herbe ou de céréales? Faudra-t-il simplement
changer la nature des cépages et remplacer cqjix
qui fournissent des produits très abondants, mais
de faible valeur, par d'autres dans lesquels les rap-
ports des feuilles au grain seront mieux équili-
brés? Ce sont là des questions auxquelles l'avenir
seul pourra répondre.
La solution rationnelle est de diminuer l'étendue
du vignoble, car rien n'est plus dangereux pour une
contrée que de ne pas varier les cultures et de con-
centrer tous ses efforts sur une plante unique.
Toutefois, pour que les cultures herbacées rem-
placent avantageusement la vigne dans nos régions
méridionales, il faut qu'elles soient arrosées, et
c'est là un sujet qui mérite de nous arrêter.
IL — Les irrigations ex France. — Dans le Midi. —
Leirs avantages ; cultures MARAicnÊRES. — Diffi-
cultés. — Revision des lois actuelles.
On cite souvent, pour les surfaces irriguées en
France, des chiffres qui ne représentent pas exac-
tement leur étendue. En octobre 19U1, les surfaces
irriguées par des canaux et des rigoles étaient les
suivantes :
lîijijion ilu Nord ni du Xord-Ouest.
Versant de la Manche et de la mer du Nord. 182.093 hect.
négiuD de rEsi.
Versant du Rhin et de la Meuse "n.iDT —
Bcqion.do l'Ouest.
,. . 1 ir, • ( Bassin de la Loire . . 33S.'t70 —
Versant de I Océan. ' ■ j i /^ ,•■, -,,-
( Bassin de la Garonne. Ao\ .lia —
Bcijioa du Sud-Est.
Versant de la Méditerranée SlG.SfiO —
Corse III. Oïl —
Tot:il l.;iCn.4ii;. hect.
ir.G
P-P. DEHERAIX — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE
Les surfaces irriguées présentent donc, déjà, une
certaine étendue, particulièrement dans la région
de rOuest, où les eaux qui descendent du Massif
central sont bien utilisées pour l'arrosage des prai-
ries. J'ai déjà insisté sur les effetsdes arrosages dans
notre région septentrionale '; je rappellerai cepen-
dant encore qu'en 1898, des betteraves arrosées au
champ d'expériences de tJrignon ont donné 09. .500
kilos à l'hectare, contre i8.2.'5() sans arrosage; en
1899, sans arrosage, on a obtenu '(8.500 kilos de
racines à l'hectare; avec arrosage, (IIJ.OOÛ: les dil-
l'érences sont donc considérables.
A Grignon, cette année, une luzerne de i hec-
tares, arrosée avec des eaux assez chargées de
matières organiques, a donné 12 tonnes de foin
par hectare; sans arrosage, on reste à ou 7.
Dans le Midi, les arrosages présentent cet
immense avantage qu'ils permettent la création de
prairies artificielles, de luzerne notamment, qui
fournissent o ou coupes chaque année, el, en outre,
le développement de la culture maraîchère, qui
afsure des bénéfices infiniment supérieurs à ceux
qu'on peut tirer des au très manières d'exploiter le sol.
Quand on est bien convaincu des plus-values que
procurent les irrigations, quand, notamment, on
voit aux environs de Marseille, au printemps, des
prairies d'un si beau vert, des pommiers si bien
fleuris, qu'on se croirait en Normandie si l'on n'avait
devant soi la mer de ce bleu violent que donne
seul un soleil sans nuages; puis, qu'à cùté, là ou
l'eau n'arrive pas, on retrouve des pins rabougris,
tordus par la sécheresse, couvrant la terre de leurs
aiguilles rougies, on a peine à comprendre comment
toute l'eau qui coule dans les canaux d'arrosage
n'est pas entièrement employée.
A cela, plusieurs causes : un canal traverse parfois
des contrées à terres très fortes sur lesquelles l'eau
séjourne sans s'infiltrer, et, dès lors, produit plus de
mal que de bien. xV vaut d'abandonner les arrosages
sur ces sortes de terrain, il convient de voir si des
chantages énergiques ne les rendi'aient pas perméa-
bles. L'argile contenue dans le sol s'y présente sous
deux formes différentes : tantôt, elle est colloïdale;
ses molécules se soudent alors facilement les unes
aux autres et forment des boues (jue l'eau entraîne
si elle coule avec une grande vitesse, mais qu'elle
ne peut pas traverser si elle arrive en petite quan-
tité, el c'est sur des terrains de celte nature que
les irrigations sont impossibles; mais il n'en est
plus ainsi quand l'argile prend sa seconde forme,
qu'elle est coagulée; dans ce cas, les molécules
restent isolées, et la terre devient perméable. Les
expériences que nous avons exécutées sur ce sujet,
' l'.-P. DF.iitiiAix: " Hcvue annuelle d'Agronomie », Revue
;ienrr;,lc îles Scirnces, du i8 février 18!m, n" i. t. IX. p. I-'IO
et suiv.
M. Demoussy et moi, sont démonstratives' et, avant
de renoncer à irriguer les terres fortes, il convient
de voir si, en les chaulant, on ne réussirait pas à
les rendre perméables.
La nature du sol n'est pas la seule cause qui
empêche parfois l'utilisation des eaux; il faut
compter, en outre, sur des difficultés législatives,
qui donnent aux riverains des privilèges excessifs
et empêchent les propriétaires voisins de faire ré-
gulièrement usage des eaux ; sur la concession des
eaux des petites rivières non navigables aux usi-
niers, concession excessive el surannée, qui avait
été établie 1res judicieusement à une époque où, les
routes étant rares et mal entretenues, il fallait qu'il
y eût des moulins partout, mais qui n'a plus sa
raison d'être aujourd'hui. Enfin, une des causes qui
restreignent les arrosages est encore le manque de
ressources des cultivateurs, incapables, quand ils
sont isolés, de faire les avances d'amenées d'eau des
canaux à leurs domaines, et qui, en outre, ne savent
pas encore s'associer pour emprunter solidairement
les sommes nécessaires à la conduite des eaux du
canal d'arrosage jusqu'aux propriétés à arroser.
De ce côté, cependant, il y a quelque espoir de
réussir ; la tendance à l'association s'est beau-
coup développée en France pendant ces dernières
années; les cultivateurs ont, dans nombre de d(--
parlements, fondé des syndicats pour l'achat en
commun des engrais, des graines de semences, de>
machines, et s'en sont très bien trouvés. A l'Expo-
sition de 1900, les exposants isolés étaient beaucoup
plus rares qu'autrefois; les producteurs, presque
toujours, s'étaient groupés, el l'exposant était \c
syndicat.
11 semble manifeste que si l'on reprenait la légi>
lalion qui régit l'emploi des eaux, que si l'on fa\ii-
risait, p;ir tous les moyens possibles, les prêts auv
associations d'arrosage, on viendrait efficacement
en aide aux populations imprudentes qui ont
donné une place exagérée à la culture de la
vigne.
Avec l'eau abondante, nous ne saurions trop le ,
répéter, la culture maraîchère devient possible, on
peut produire des légumes, des primeurs, des
fraises, des tomates, des fleurs, dont les prix de
vente sont assez élevés pour rémunérer largement
les efforts nécessaires pour les obtenir.
111. — Le sl'lf.\ti: d'ammo.maoik KMPLuvii
CO.M.'ME EXGHAIS .\ZÛTi;.
Les cultivateurs trouvent grand intérêt à fortilli r
les fumures de fumier de ferme par l'épandage de-
engrais salins, tels que le nitrate de soude ou le
' \oyez Chimie nrjricole, 2° édiliuu, 19Û1. p. lilO.
P.-P. DEHÉRAIX — REVUE ANMUELLE DAGIIO.NOMIE
sulfate d'ammoniaque ; mais la consommation de ces
deux sels est très difTérente : tandis que celle du
nitrate de soude s'accroît sans cesse, celle du sul-
fate d'ammoniaque reste stationnaire.
L'établissement du tout-à-1'égout a, sans doute,
diminué la fabrication du sulfate d'ammoniaque à
l'aide des vidanges, mais la calcination de la
houille pour la préparation du ga?. d'éclairage pro-
duit des quantités notables d'ammoniaque, de
telle sorte que c'est moins la rareté de cet engrais
qv.r les mécomptes qu'entraîne parfois son épan-
(lii;v qui restreignent son emploi ; il est utile de
préciser les conditions dans lesquelles il donne
des résultats avantageux.
Il y a cinquante ans, quand Liebig eut fait
abandonner la théorie de l'humus, qu'il professa
que les plantes ne se nourrissent que de matières
minérales, on crut qu'elles prenaient tout leur azote
sous forme de sels ammoniacaux ; et, en effet, les
cultures de Rothamsted montrèrent que ceux-ci
accroissaient les récoltes; cependant, des chimistes
agronomes, Cloëz, Bouchardat, voyaient périr des
plantes enracinées dans l'eau, quand on ajou-
tait à celle-ci de faibles quantités de sels ammo-
niacaux: d'autre part, en grande culture, ils étaient
bien loin de toujours réussir, de telle sorte que peu
à peu on en était arrivé à croire qu'ils ne sont effi-
caces qu'autant que, sens l'influence des ferments,
leur azote s'est transformé en nitrates.
M. Miiutz a montré que celte opinion est trop
absolue. En semant des plantes variées dans des
sols stérilisés, placés dans des cages où l'air ne
pouvait pénétrer qu'en passant au travers dune
tuile métallique enduite de glycérine qui retenait
les germes des ferments, il a constaté que ces
plantes croissaient régulièrement en empruntant
leur azole à l'ammoniaque introduite dans ces sols,
où l'absence de ferments empêchait sa transforma-
tion en nitrates.
Restait, toutefois, 'à concilier ces résultais avec
les expériences exécutées autrefois par Bouchardat
et Cloéz. Un jeune agronome distingué, .\I. Mazé, a
repris récemment ce sujet; il a opéré sur du maïs
enraciné dans des dissolutions stérilisées ; il a re-
connu, comme M. Muntz, que l'azote ammoniacal
peut servir à constituer des albuminoîdes, mais il a
ajouté un fait intéressant: tandis que, si l'on dimi-
nue la dose de nitrate de sodium employé à l'alimen-
tation des mais, qu'on donne par exemple 300 mil-
ligrammes au lieu de 1 gramme, la récolle décroit,
passant de 8 grammes à o gr. 7, elle croit, au con-
traire, quand le sulfate d'ammoniaque est donné
en dis.solution plus étendue; restant à 7 gr. S avec
1 gramme de sulfate d'ammoniaque, elle s'élève
à 8 gr. () quand la plante ne reçoit que gr. 3 de
-sulfate d'ammoniaque par litre. Les sels ammonia-
caux ne doivent donc être employés qu'à doses
modérées; les dissolutions un • peu concentrées
deviennent nocives.
Les sels ammoniacaux ne seront donc avanta-
geux que là où ils ne pourront jamais atteindre
une forte concentration ; cette condition sera
remplie soit parce que la terre sera toujours hu-
mide, soit parce qu'étant pourvue de calcaire, les
sels ammoniacaux s'y nitrifieront aisémeul. Quand
le calcaire fait absolumeût défaut, le sulfate d'am-
moniaque devient vénéneux. MM. Wheeleret Tillin-
ghast,dela Station de Rhode-Island aux États-Unis,
ont fourni de cette action du sulfate d'ammoniaque
en présence ou en l'absence de chaux des exemples
très intéressants. On a opéré dans des vases ren-
fermant une terre absolument privée de calcaire;
tandis que, sans aucun engrais azoté, on obtenait
une récolte de 6(5 gr. 8, qu'en employant du nitrate
de soude, elle s'élevait à 12-2 gr. 6, elle tombait à
12 gr. li quand on avait distribué du sulfite d'am-
moniaque; son épandage avait donc diminué nota-
blement la récolte ; mais ce sel a, au contraire, été
efficace quand on a distribué la valeur de 2.300 kilos
de chaux à 1 hectare, puisque le maïs a donné,
après cette addition, une récolte de 187 gr. 7.
Il est bien à remarquer, en outre, que, dans les
terres légèrement calcaires, mais un peu sèches,
le sulfate d'ammoniaque ne réussit pas; sur la
terre du champ d'expériences de Grignon, il est
très peu efficace, surtout à haute dose; ainsi, la
moyenne de cinq années de culture de maïs-fourrage
donna sans engrais 49 t. 3, 33 t. 4 avec le sulfate
d'ammoniaque à faible dose, et i9 t. 3 à haute
dose, pas plus que lorsqu'on ne distribua aucun
engrais.
Ici, le peu d'inlluence du sulfate d'iimmoniaquc
est diï à la sécheresse, qui, d'une part, concentre les
dissolutions, de l'autre, restreint ou même arrête
l'action des ferments nitrificaleurs.
Sur les terres franchement calcaires, on s'ex-
pose, enfin, à voir l'ammoniaque disparaître par
volatilisation; le sulfate fait double échange avec
le carbonate de chaux, et, le carbonate d'ammo-
niaque formé se dissociant aisément, l'ammo-
niaque disparaît : M. Giustiniani, préparateur au
laboratoire de Physiologie végétale du .Muséum, a
exécuté sur cesujetdes expériences intéressantes' :
il a reconnu que, si l'on mélange à du sable siliceux
du carbonate de chaux, qu'on arrose avec du sul-
fate d'ammoniaque, puis qu'on expose le sol ainsi
préparé à l'action d'un courant d'air, la plus grande
partie de l'ammoniaque disparait.
M. Giustiniani a opéré, en outre, sur une bonne
' Ann. agron., t. XXV, p. 323 ; t. XXVII, p. 462. Voy.
aussi Chimie agricole, 2"^ édition, p. 737.
loS
P.-P. DEHERAIN — liliVUE AWLELLK D AGHO.NOMlb:
terre à laquelle il a ajouté du calcaire, en quantités
telles qu'il formât 20, iO et 00 " /„ de la masse; la
terre ayant été stérilisée pour empêcher la nitrifî-
cation de s'y établir, on y a incorporé de petites
doses de sulfate d'anuuoniaque, et on a cherché
les quantités entraînées par un courant d'air hu-
mide: à la température de 17 à 23°, la proportion
d'azote perdu après 70 jours est seulement de
A/il °'„ dans la terre à 20 centièmes de calcaire;
elle s'élève à 9,o quand la- dose de calcaire est de
'il» centièmes, et à l.'{,8-'t avec 00 °/o de carbonate
de chaux ; à une temp('rature de 23 à 'i2°, les pertc^s
sont infiniment plus fortes: il ne reste dans la terre
très chargée de calcaire, après 70 jours, que
22,'i0° „ de l'azote introduit.
En plaçant ses terres diversement chargées de
l'arhonate de chaux dans des conditions favorables
à la nilrilication, M. Giustiniani a, dans la plupart
des cas, retrouvé à l'étal de nitrate presque tout
l'azote ammoniacal introduit; cependant, quand on
a opéré à une température élevée sur la terre très
chargi'e de calcaire, on a encore perdu 30 cen-
tièmes de l'azote ammoniacal introduit.
Le sulfate d'ammoniaque ne convient donc ni
au\ terres absolument privées de calcaire, ni à
celles qui en sont très chargées, ni aux terres
légères. Sa véritable place est sur les terres fortes
pourvues d'une dose suffisante de calcaire ; dans
ces conditions, la terre garde assez d'humidité pour
que la concentration des dissolutions ne se pro-
duise pas, et pour que la nitrification soit aisée
et successive; aussi, les récoltes obtenues sont-
elles analogues, parfois |>lus fortes, ([ue celles que
fournit le nitrate de soude.
Dans les admirables récoltes de blé que nous
avons obtenuesen 1S86, à Wardrecques, M. Porion
et moi, nous avons eu ol et 38 quintaux métriques de
grain, corresi)ondanl à (>8,9 et à 70,2 hectolitres,
en répandant du sulfate d'ammoniaque, tandis
qu'avec le nitrate de soude, nous sommes restés à
'i.'i, 48 et 50 quintaux métri([ues de grain à l'hec-
tare : mais nous agissions sur une terre forte, qu'on
avait drainée avec grand avantage.
I-e sulfate d'ammoniaque est donc un engrais
très puissant et très efficace, mais (|ui ne montre
SCS qualités qu'autant i|u'il est eui|iliiyé avec dis-
cernement.
IV.
OhiijI.m; m; l'amuimn m i;i!\i\ m: in.É.
.l'ai déjà insisté, dans lesHevues précédentes, sur
l'intluenee lâcheuse qu'exerce, sur l'abondance des
récoltes de blé, une très forte élévation de la tem-
pérature pendant le mois de juillet: elle déter-
mine une dessiccation ]irématurée de la plante, et
la maturation s'accomplit mai.
Cette maturation comprend deux phénomènes
distincts : la migration des albuminoïdes, formés
pendant toute la durée de la végétation, des feuilles
et des tiges aux épis, et l'élaboration de l'amidon
qui ne se produit que tardivement. ^
Rien que les agronomes aient déjà consacré !
beaucoup de temps à l'étude du blé, la formation
des deux principes essentiels du grain, le gluten et
l'amidon, n'est encore qu'incomplètement connue:
dans uu travail présenté récemment à l'Académie
des Sciences, nous avons ajouté, M. Dupont, chi-
miste de la Station agronomique de (Irignon. el
moi, quelques notions nouvelles que nous indi-
quons dans ce paragraphe.
E'endant la première partie de sa vie, le blé éla-
bore des matières azotées et des matières ternaires ;
ces dernières sont employées à la construction de hi
plante elle-même; la tige et les feuilles sont essen ,
tiellement formées de cellulose, assez abondaulr
pour être employée à la fabrication d'un papier
grossier, après élimination, par les alcalis agissani
sous pression, de deux autres principes : l'un i-i
un pentose, la gomme de paille, s'hydrolysant aisi -
ment pour donner le xylose !C'H'°0'); l'autre, la ■
vasculose, ne peut plus être représenté par du i-uv-
boue et de l'eau; c'est une matière très chargée lii'
carbone, donnant ces produits noirs qui s'écouleni
le long des tas de fumier en préparation: on m
trouve dans les tiges, dans les feuilles, que de ir -
petites quantités desucres réducteurs, de dexlriii' -
mais on ne peut y déceler d'amidon ; il n'y a doin-
pas de réserves amylacées, prêles à émigrer au
moment de la formation du grain, et l'amidon, qui
représente les trois quarts de son poids, ne [irovient
pas d'une transformation d'une substance loriniV '
peu à peu pendant toute kv durée de la végétât iun,
mais d'une élaboration nouvelle el très tardive.
II n'en est plus ainsi des matières azotées; ell -
proviennent, à n'en pas douter, de la réduction di .-<
nitrates dans la cellule à chlorophylle. Iransfor- Il
malion probable en ammoniaque et soudure de i
celle-ci à des matières carbonées, pour arriver, [> n
étapes successives, rapidement franchies. jus((n a ^
l'étal d'albumino'ides.
Pendant toute la durée de la végétation jus(|u'à
la floraison, l'élaboration de ces albuminoïdes se
poursuit, mais elle cesse quand le blé est en tleur.
C'est lace qu'ont établi nettement les recherches !
d'Isidore Pierre, qui remontentà quarante ans; les
travaux du champ d'expériences de Grignon (1882)
et ceux qui ont été exécutés à la Station deMeudon,
toutes les observations sont d'accord pour montrer '
que la quantité d'azote contenue dans le blé cou- i
vranl une surface donnée ou dans un pied isolé,
reste constante du milieu de juin jusqu'à la
moisson.
p.p. DEHERAEV
HEVUE ANNUELLE DAdHONOMIE
l.-j!»
Si les albuir.inoïdés n'augmenlenl plus, ils con-
liiuient leur aiigralion commencée dès le printemps,
ils passent successivement des feuilles inférieures
à celles qui sont au-dessus, à mesure que progresse
leur dessiccation. Celle-ci s'accentue au moment de
la floraison et, quand les ovules fécondés commen-
cent à se remplir, la plante est déjà partiellement
flétrie : cependant, l'amidon n'est pas encore formé,
et c'est très vite, pendant les dernières semaines,
qu'il est élaboré; Isidore Pierre, en calculant pour
ULi hectare, en dose 6.3 1 kilos le6Juillet, 1.171 kilos
le l'J et 1.738 le 23, au moment de la moisson; on
a trouvé à Cîrignon, pour la mauvaise récolle de 1881,
.■>'i kilos d'amidon à l'hectare le 13 juin, 1.031 le
1(1 juillet, et l.'-2i20 le 23.
En examinant un champ de blé, en juillet, époque
à laquelle s'élabore l'amidon, on ne voit plus guère
d'iirganes verts que le haut des tiges et les glumes
qui enveloppent le grain '.
Ilii introduisant, dans des atmosphères enrichies
d acide carbonique, ces organes séparés, on n'a
pas pu constater la décomposition de l'acide car-
lionique par les folioles des épis; on a assisté, au
LDutraire, à un phénomène de respiration, se tra-
duisant par une absorption d'oxygène et une
émission d'acide carbonique; le haut des tiges,
au contraire, assimile énergiquement ; dans une des
expériences exécutées cet été, tout l'acide carboni-
que introduit dans l'atmosphère a été décomposé,
et remplacé par un volume sensiblement égal
d'oxygène; dans une autre, les 80 centièmes de
1 aride carbonique primitif ont disparu.
.\insi. au moment où presque tous les organes-'
chlorophylliens sont desséchés, la partie supé-
rieure des tiges est encore vivante et capable
«l'assimiler ; pour s'assurer que la matière formée
était bien l'origine de l'amidon du grain, on a
procédé de la façon suivante ; On a fait choix d'un
certain nombre de pieds pour constituer deux
lots semblables; dans l'un, toutes les tiges ont été
privées de leur épi, tandis que les autres sont
restées intactes; on a laissé les plantes exposées
au beau soleil de juillet pendant deux jours; puis,
on a sectionné les deux séries de tiges, les intactes
et les mutilées, pour procéder à leur analyse. Les
épis ont été, à ce moment, séparés, les deux séries
de liges desséchées, moulues, et on a procédé à
l'hydrolyse à l'aide de l'extrait de malt; on a trouvé
dans 100 grammes l''''()3 d'hydrate de carbone
calculés en glucose pour les tiges qui pendant les
deux jours avaient conservé leur épi et o gr. 94
pour celles qui en avaient été privées.
. Visiblement, le haut des liges élabore des hy-
drates de carbone, qui persistent quand lépi est
' '.'■/œ/j/.'s rendue, tome CXXXIll, p. 774.
BLE A EPI
CARRE SCHOLr.EV
isss
ISSU
3.481 kilos
2 922 k.los
439 —
447 —
2.08!) —
1.808 —
enlevé, mais émigrent et s'accumulent dans le grain
sous forme d'amidon quand l'épi reste en place.
Il est curieux de constater, en outre, qu'on a
trouvé la même quantité de matières azotées dans
les tiges intactes et dans les tiges mutilées; la
migration très active des hydrates de carbone ne
se produit plus pour les matières azotées.
On con«;oit, d'après les faits précédents, quel
dommage irréparable occasionne une dessiccation
prématurée des liges, due à une très forte éléva-
tion de température pendant le mois de juillet.
Les récoltes de blé de 1888 et de 188!», du champ
d'expériences de Grignon, nous fournissent un
exemple de l'influence des saisons sur l'abondance
des récoltes et la composition du grain :
Poinlvuioiit et roinposition du qraio, nu rluimp il'fxpi-
/■/(■nci's (lo Griyuon .calculé à l' liée lare .
Poids du gr.'iin .
M.-itièi'es azotées
.Vmidon ....
En 1888, nous avons eu à Grignon un été plu-
vieux, on a moissonné au milieu d'aoCil, et celle
maturation a été extrêmement favorable; on a
recueilli, sur la meilleure parcelle, la valeur de
60 hectolitres de grain à l'hectare, sur une au-
tres oft, sur une troisième 5(5,6 : admirables rende-
ments, qu'on n'avait jamais observés et qu'on n'a pas
revus depuis. On a moissonné tardivement, vers le
milieu d'août. Le blé, bien constitué, renfermait
1-2, (iO de gluten et 77,2 d'amidon. En 1889, au con-
traire, le mois de juillet a été brûlant, la matura-
tion précipitée, on a moissonné trois semaines
plus tôt qu'en 1888; le grain renfermait 13,3 % de
gluten, et seulement 61,9 d'amidon. Si l'on calcule
les quantités de matières azotées contenues dans
deux récoltes de parcelles absolument compara-
bles, on les trouve à peu près semblables; mais, en
1889, la quantité d'amidon produite à l'hectare a
été beaucoup moindre et le poids de la récolte s'en
est ressenti.
Le délicit porte sur l'amidon; s'il avait été pro-
duit, en 1889, en aussi grande quantité qu'en 1888,
cette dernière récolte eût été égale ou supérieure
à la précédente, car il y avait eu, en 1889, plus de
matières azotées formées qu'en 1888. Il est vrai-
semblable que la teneur considérable en matières
azotées du blé d'origine méridionale, qui atteint
près de 1(5 centièmes pour les grains secs ', est due
à une maturation précipitée, qui restreint la forma-
tion de l'amidon. P. -P. Dehérain.
de l'.Vcadémie des SciiMi'-es-
Profcsseur au Muséum
et A l'Kcole Nationale de (iriirnon.
' l*AGMU-i. : Anii. arjrva.. ISS8, t. XIV, p. 2(i7.
.(00
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ANALYSES ET INDEX
1° Sciences mathématiques
l.nlleinaiid (Charles', Mcmlire du lUiveau des Loii-
ijitiiiles, huectiiir ilii Srrvin' du \ ivelleinent gi''iii'i-:il
de la Fi-iiiicv. — Rapport sur les travaux du Service
de nivellement général de la France en 1899 et
1900, !iecoinpa{/iw de 19 planches de diagrammes
/iijiii'iUifs des circonstances d'exécution des nivelle-
ments de premier ordre. — Extrait dos Comptes
rendus des séances de la Conférence générale de
l'Association géodésique internationale, tenue à
Paris eu 1900 (E. J. Brill, imprimeur. Leyde, 1901).
Le nivellement gén<^ral de la France est une œuvre
de haute précision et de grand intérêt, à l'avancement
lie laquelle le monile savant s'intéresse très vivement.
-Nous avons, à plusieurs reprises ', résumé les Notes que
U. Ch. Lallemand a publiées sur les méthodes qiie
requiert ce grand travail. E.vaminons aujourd'hui l'im-
portant Rapport qu'il a consacré aux travau.\ des an-
nées 1899 et 1900.
Le réseau de hase du nivellement général de la France
comprend, on le sait, le réseau de premier ordre, dit
réseau fondamental, et le réseau de deuxième ordre.
Pour le réseau du premier ordre, les opérations sur
le terrain sont terminées depuis 1892, et, dès 1896, on
avait dressé 1-? tableau détaillé des erreurs accidentelles
et syslémaiiques des diverses sections de ce réseau et
obtenu, pour ces sériions, les valeurs des corrections de
compensation.
Des nécessités d'ordre pratique n'avaient pas permis
d'attendre, pour fixer les altitudes des repères de ce
réseau, l'achèvement des travaux sur le terrain et des
calculs concernant les nivellements du deuxième ordre.
Les premiers ont été finis en 1898 et Ies seconds
en 1899, et on a pu dresser, pour les erreurs des deux
réseaux, le tableau ci-de.ssous :
Erreur Erreur
acciilcn telle systématique
Dcveloppeinent probable prohalilc
lot;il. kilonlélriquc. kiloinétnqup.
Uéscau fondamental
ou de !«'• ordre. . . . ll.'/iakil. ± OmmS ±0"'"'12
Réseau de i" ordre ;
Lignes nouvelles. . i:!.l)i(i Uil. ± l"umo ± D'u^it;
Lignes de l'ancien
nivellement de bour-
dalouë , incorporées
après rcctilication . . 3.222 kil. ±2""";!- ±Oi"'"n
Les lignes nouvelles de deuxième ordre présentent,
on le voit, une erreur systématique à peu près double
de lelle lUi réseau fondamental; mais, pour l'erreur
accidentelle, les coettirienfs diffèrent peu. Hationnelle-
'ment, on cM dû, par suite, faire entrer dans la com-
pensation gi^nérale les lignes nouvelles de deuxième
ordre conjointement avec les sections de premier ordre.
Si, comme nous l'avons dit, des nécessités pratiques
n'ont pas permis de le faire, il n'en était pas moins
intéressant de rechercher après coup quels écarts
peuvent exister entre les altiludes ol'licielles, fixées en
1896 pour les repères du réseau fondamental, et les
altitudes y«</0H(;e/yt'S, déduites de la compensation géné-
rale ent'-ndue comme nous venons de le dire. Ces
recherches ont été efl'ecluées en 1899.
Le Happort de M. I.allemand donne une carte sur
laquelle sont figurées les combes d'égales corrections :
les cotes inscrites sur ces courbes nu à côté de points
importants, expriment les centimètres iju'il faut ajouter
' Voir flcruc qénirah des Sciences, t. V, page 33a, et
t. VIII, page 163.
aux altitudes officielles pour avoir les allitudes ration-
nelles correspondantes. Uans le nord de la Frauie, les
écarts atteignent a et lii centimètres ; ils sont impu-
tables aux nivellements défectueux faits dans cette
région en 1884, et qui ont d'ailleurs été recommencés
en 1897. Partout ailleurs, les écarts sont minimes. Quant
aux cotes des niveaux moyens des mers, elles n'ont pas
été sensiblement modifiées par les nouveau.x calculs.
Les écarts dont nous avons parlé atténuent les di'^-
cordances que M. Lallemand avait constatées enire les
altiludes officielles elles altitudes Hourdalouë, rectifiées
par le colonel Confier; mais, cependant, pas assez pour
altérer ses précédentes conclusions touchant l'existence
d'erreurs systématiques notables, jusqu'alors inconnues,
dans le nivellement de Bourdaloué.
Le Uapport donne 19 planches de diagrammes, sur
lesquels sont figurées, sous une forme aussi concise et
aussi claire que possible, les circonstances d'exécution
du nivellement pour les 12.000 kilomètres du réseau
fondamental.
L'état d'avancement du nivellement général est lé-
suraé dans le tableau suivant :
(Ipt'-ralions i-rfecluérs manl /.S'.Sl
Dépenses
Longueurs. corresponJantcs.
Nivelleineats divers . . . .l.riOO kil. I.o4.000 fr.
— Bourdaloué. 12.200 673.000
Ensemble. . n.lOO kil. 827.000 l'r.
,\iveU,jnieiHs effectués do ISS-i à 1900 incluf^.
l=r ordre 11.800 kil. 410. 000 fr.
2'- — 14 300 400.0011
3" — 12.300 200.000
4" — 5.000 106.000
Ensemble . . 44.300 kil. 1.170.000 fr.
SVivellements restant à efTerluiT.
3' ordre 22.000 kil. 402.0110 fr.
1- — 142.000 2.:.:.0 000
Ensemble . ■. 164.110(1 kil. 3. OIS. 000 fr.
Tolau.v généraux . . 220.000 kil. 5.02l.o00fr.
Enfin, les observations raarémétriques, ré^nlièrement
poursuivies, en 1899 et 1900, dans les 1"> stations éche-
lonnées sur le littoral français, ont donné, pour les cotis
du niveau moyen de la mer, rapportées à celui de l.i
Méditerranée à Marseille, des valeurs différant très
peu de celles obtenues précédemment. Les conclusion^
données, dès 1890, par M. Lallemand, tnuchanl l'égalité
de niveau des diverses mers qui baignent le territoire
de la France, restent donc complètes.
CÉR.VRD L.WEUG.XE.
Ingénieur civil des Mines.
2° Sciences physiques
Giiiesloiis, Professeur :iu t'.ollvijr Smliki, à Tunis. —
Les Pluies en Tunisie. — 1 hroc/i. in-H" de 108 pages.
T'irection de f Enseignement public de la Jiégencc.
Tunis, 1902.
La direction de l'Enseignement public en Tunisie, 'i
laquelle est rattaché le Service météorologique de la
Régence, vient de publier une brochure sur Les Pluies
rn 'Tunisie, dont l'auteur est M. Cinestous, professeur
au Collège Sadiki.
Dans cette élude très consciencieuse ont été appliquées
les règles de calcul adoptées par les météorologistes h ~
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
IGl
plus autorisés. Les moyennes qui y sont établies ré-
sultent des observations pluvioraétriques faites en Tu-
nisie de 1886 à 1900 inclusivement, c'est-à-dire durant
quinze années. Elles sont suffisantes pour donner une
idée o.\acte de la valeur de l'intensité et de la réparti-
tion des pluies sur la Régence.
Avant d'entrer dans la discussion des nombres, l'au-
teur a fait un court exposé du phénomène pluvial, de
ses causes et de sfs relations avec le vent dominant et
le relief du sol. Celte dernière partie a nécessité une
étude au préalable des veuls dominants et un exposé
géographique de la Tunisie, exposé des plus intéressants.
-Vu point de vue pluvial, l'auteur a établi quatre
zones principales : 1° Zone très pluvieuse (plus de
(100 mètres d'altitude) : Kroumirie ^ 1.260°'" de pluie
annuelle) et Mogods {GS'™""); 2" Zone pluvieuse ide
400 à 000 mètres ^'altitude) : Région côtière du golfe de
Tunis l'ie.ï"""), presqu'île du Cap Bon (448"°'), Dakla
(o74"""), vallée ba^se de laiMedjerdah(496'""i,Zafihouan,
Le Fas et Bir-Mecherga (465""'" , Hauts -Plateaux,
Plaine du Sers, Ouartane (485"°") ; .i" Zone peu plu-
vieuse , de 200 à 400 mètres d'altitude) : Région de Grom-
balia .337"""l, Versant sud-est de la Dorsale tunisienne.
<;uemouda(348"'"), Sahel (323""°), golfe de (iabès (204«'">,
Matmata (SO?"'"! ; 4° Zone très peu pluvieuse (moins de
200 mètres d'altitude : Région des (^hotls (121""').
Puis, il a mis en relief le régime particulier aux ré-
gions les plus iraportanles prises dans chacune de ces
zones.
Nous ne saurions entrer plus avant dans l'analyse de
celte étude, il taut dire, cependant; qu'à cùté <lu chiffre
qui intéresse le météorologiste se trouve le terme de
• omparaison qui la rendra accessible au public. En
effet, presque toutes les régions françaises ont été, au
point de vue des pluies totales, comparées aux diverses
régions- tunisiennes. Le rapprochement ainsi obtenu
permettra à ceux qui ne connaissent pas notre colonie
d'avoir une idée exacte de ses pluies.
L'ouvrage est de la plus grande importance pour
toutes les entreprises coloniales dans la Régence : il
donne des renseignements précis surun élément essen-
tiel du climat, élément qui, en Tunisie, au point de vue
agricole, prime toutes les autres données climatolo-
giques. D'' jVdrien Loir,
Directeur de l'Institut Tosteur,-'
à Tunis.
Zipperer (D'' CL). — Die Schokoladenfabrikation
(2" édition). — 1 ro/. /w-8" de 306 /'Sfjrs. \l'rix, hro-
cJié : 7 mk oO.) Krayii, éditeur, l'erliii, iwi.
La fabrication du chocolat est déjà ancienne en
Liance. où elle est devenue une de nos industries
alimentaires importantes. La Suisse et l'Allemagne ont
vu, dans ci's derniers temps, cette industrie se déve-
lopper également chez elles : aussi, le livre de M. Zip-
perer, auteur connu et apprécié par ses travaux sur la
chimie du cacao, ne peut-il être indifférent aux manu-
facturiers français que la question intéresse. D'ailleurs,
ce livre en est à sa seconde édition, et il est considéré
comme le meilleur travail écrit en allemand sur le sujet.
Une première inspection rapide de l'ouvrage montre
<jue tout l'outillage décrit par l'auteur, et dont les
ligures illustrent le texte, est l'outillage allemand. A ce
poiiit de vue, ou pourrait presque croire par instants
que le livre n'est qu'un catalo^iue détaillé de la maison
Lebmann, de Dresde. Je sais bien qu'il est naturel que,
dans un ouvrage allemand, on préconise les machines
construites en Allemagne, mais nous n'avons pas la
même raison qu^ l'auteur de mettre de côté les
fabricants d'appareils qui ont fait faire en France et
en Angleterre de grands progrès aux machines de cho-
colalerie. (Juil nous suffise de citer Savy à Paris, et
Baker à Londres, deux fabricants dont les appareils
sont non seulement appréciés et utilisés en France,
mais qui le sont aussi en Suisse et en Allemagne.
Cette réserve faite, il faut maintenant reconnaître
que .M. Zipperer a bien traité son sujet.
IIEVIE GHX.liAI.E DES SCIENXES, l'.l02.
Ainsi queje l'ai dit, les machines servant àfabriquer
le chocolat ont été considérablement perfectionnées,
et on s'est appliqué surtout à améliorer le broyase et
le mélange des deux constituants du chocolat : sucre
et cacao. Actuellement, la fabrication comporte : en
premier lieu, le broyage du sucre, qu'on réduit en
poudre impalpable; puis, le broyage du cacao, qui s'opère
dans des moulins horizontaux, maintenus à une douce
chaleur. On mélange ensuite le sucre en poudre et le
cacao broyé et fondu.
Ce sont les Suisses qui ont poussé le plus loin la
perfection du broyage des chocolats en préparant les
chocolats dits « fondants ». Dans ces chocolats, le
mélange du sucre et du cacao est réalisé d'une manière
très parfaite. Celte partie de la fabrication intéressera
les industriels français, dont les produits sont parfois
broyés insuffisamment.
J'aurais voulu, dans le même ordre d'idées, trouver
dans l'ouvrage de M. Zipperer des indications détaillées
sur la fabrication du chocolat au lait, fabrication qui a
pris un assez grand développement en Suisse; mais
.M. Zipperer ne traite que très sommairement ce sujet.
Quant à la torréfaction des cacaos, l'auteur décrit
divers appareils permettant d'opérer la torréfaction à
la vapeur; mais il fait observer, et je suis tout à fait
de son avis, que la température que l'on atteint dans
la torréfaction à [la vapeur, et qui, souvent, ne dé-
passe pas 130 à 140", est insuffisante pour déter-
miner tous les phénomènes chimiques engendrant le
parfum du cacao torréfié. Ce n'est pas une véritable
torréfaction qu'on obtient, mais une dessiccation très
prononcée. 11 vaut mieux revenir à la torréfaction à
feu uu.
.M. Zipperer traite de la fabrication du cacao en
poudre, dit cacao soluble.
On sait que le cacao destiné à cette préparation
subit un traitement spécial, qui a pour but de le rentlre
soluble, ou plus exactement de le désagréger, pnur
qu'il se maintienne plus facilement en suspension
dans l'eau.
La désagrégation se fait soit au moyen de l'eau
chaude avec ou sans pression procédé dit français),
soit au moyen des carbonates de potasse, de soude ou
de magnésie (procédé dit hollandais), soit au moyen de
l'ammoniaque ou du carbonate d'ammoniaque (procédé
dit allemand). Le cacao est soumis à la désagrégation
par ces réactifs, puis il est pressé à chaud pour éli-
miner une notable partie de beurre, et, enfin, il est
pulvérisé.
- Ces préparations de cacao en poudre jouissent d'une
grande vogue en Angleterre, en Hollande, en Alle-
magne, en Suisse. La consommation s'en répand
moins rapidement en France.
En outre de la partie relative à la fabrication pro-
prement dite, .M. Zipperer a consacré plusieurs cha-
pitres à l'étude chimique du cacao et du chocolat; ces
chapitres ne sont pas superllus pour l'industriel, qui a
toujours intérêt à avoir des notions scientifiques exactes
sur les produits qu'il met en œuvre ou qu'il produit.
\. ROCQIES,
Inirénieur-Chimiste.
Ancien Chimiste princiijal
du Laboratoire municipal de Pari-^.
3° Sciences naturelles
Clangeaud l'Ii. . Muitro di/ Contévênces à l'f'uiv,'/-
site de Clennoni-Ferrand. — Monographie du vol-
can de Gravenoire, près Clermont-Ferrand. —
Kxtniit du Bulletin des Services de la Carte géolo-
gique de France, n" 82, vol. XIL 1901.
Depuis le célèbre Mémoire de Guettard, écrit en i7o2,
.Sur certaines montar/nes de la France t/ui ont été des
volcans, tous ceux qui se sont intéressés à l'histoire de
la Terre ont visité l'.^uvergne. Depuis un siècle, des
géologues de tous pays ont étudié les volcans éteints de
la France centrale ; mais jamais les progrès accomplis
16i>
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
dans l;i connaissance de ces volcans n'ont été plus rapi-
des que dans ces dernières années, grâce à l'impulsiou
et aux travaux de MM. Fouqué et Michel-Lévy, Boule,
Lacroix.
1,'histoire d'un volcan est faite d'un srand nombre
de données, que chaque savant est enclin à envisager
d'une façon plus ou moins personnelle, selon sa tour-
nure d'esprit et la nature de ses éludes. Celui-ci
s'attache a.a.x pnrticularués stvuliynipliiques; celui-là,
à la composition cJiiwJrjiieon à la constitution pétrogra-
pliique des laves ; cet autre étudie surtout les minéraux
formés par l'action volcanique. D'aucuns considèrent le
soiiliasscnient du volcan ou cherchent à fixer \',-iije de
ses éruptions. Enfin, certains ne sont satisfaits que
lorsqu'ils ont compris le mécanisme do sa formation,
sa genrse ut la série des pliénoméncs géologiques qui
<int conduit n son édilication.
Poui- atteindre ce but, la méthode des monographies
détaillées est éminemment recommandable, et, à ce
titre, la Monographie du volcan de Gravenoire, près
lUcrmont-Ferrand, due à M. (Jlangeaud, mérite une
mention spéciale et les plus grands éloges. En 1802,
Léopold de Buch conseillait à ceux qui voulaient voir
des volcans de visiter d'abord le volcan de Gravenoire,
comme une excursion préparant dignement aux grands
objets qu'ils observeront au Puy de Dôme ; ils trouve-
ront aujourd'hui, dans la monographie de M. Glangeaud,
un guide savant et sûr.
Le volcan de Gravenoire, le plus complet peut-être
de tout le Massif Central, est situé sur le bord de la
Limagne et adossé au plateau cristallin supportant la
chaîne des Puys ; il domine, au Nord et au Sud, deux
vallées profondes de 400 mètres, entaillées dans la falaise
granitique qui surplombe le bassin tertiaire.
Ce volcan est installé sur la grande iaiile occidentale
lie la Limagne, qui a produit cet escarpement et le
long de laquelle l'Oligocène redressé et plissé au Mio-
Pliocène s'est effondré. Par cette cassure, élargie sous
forme de fente, sont sorties, lors du Quaternaire infé-
l'ieur, les projections formant le cône actuel et les
coulées de lave qui s'étendent : d'une part, vers Royat;
de l'autre, vers Boisséjour.
Sur les failles parallèles, dénivelant le Tertiaire et
les coulées, plus anciennes, du volcan (Miocène '?) de
Charade, en «radins successifs vers le centre du syncli-
nal de la Limagne, s'édifièrent, aux environs de lieau-
mont, et à la même époque, au moins trois petits vol-
cans. Deux d'entre eux (Cône du Mont Joli et Cône de
BeaumoDt) donnèrent deux coulées de lave : l'une,
dirigée vers Clermont-Loradoux; l'autre, vers Aubière.
Le poids des voussoirs qui s'enfonçaient au pied du
plateau cristallin fut, sans doute, fuue des causes prin-
cipales de la sortie des laves, qui suivirent ainsi les
chemins où la résistance était minimum, c'est-à-dire
les failles déjà esquissées à la lin du Miocène.
La genèse de ces volcans, installés sur des failles,
rappelle celle des volcans analogues décrits par Keil-
hack et Thoroddsen en Islande et celle des volcans du
Latium, telle que l'a indiquée Portis. Ce sont, croyons-
nous, les premiers volcans français signalés sur des
failles.
Les coulées de lave, issues de Gravenoire, qui se dirigè-
rent vers Boisséjour, et celles des volcans de Beaumont
s'étendirent dans des vallées du Pliocène supérieur,
qu'elles comblèrent au moins en partie. Le fond de ces
anciennes vallées, recouvert d'alluvions surmontées de
coulées de basalte, est parcouru aujourd'hui encore par
des ruisseaux, qui donnent naissance aux sources de
Boisséjour, Beaumont, Saint-Jacques et Loradoux.
Depuis le Quaternaire, l'érosion a creusé latérale-
ment, dans les sédiments tertiaires, les deux vallées de
l'Artière et de la Tiretaine, dominées par les naj)pes
basaltiques formant un plan légèrement incliné vers la
Limagne.
Les laves issues des volcans de Gravenoire et de
Beaumont offrent degrandes analogies aux points de Vue
chimique et pétrograpliique. Ce sont des basaltes à
:>0 °/o de silice, très feldspathiques, à grands cristaux
de pyroxéne et d'olivine, rares et d'assez faible taille tt à
microlitcs de labrador abondants.
I^e magma fondu produisit un métamorphisme diffé-
rent suivant les points avec lesquels il fut en contact.
Parfois, le métamorphisme fut seulement mécanique et
calorilique : la cuisson des argiles, transformées en
briques, a provo(|ué un magnétisme qui s'est conservé
depuis l'époque quaternaire et qui fournit de curieuses
notions sur ce sujet ; dans d'autres cas, des blocs de
calcaires etderochescrislallines arrachées de laprofon-
deur furent en partie ou complètement résorbés (méta-
morphisme chimique;. Les études de M. Lacroix sur
les enclaves de ces roches volcaniques ont montré la
transformation du calcaire en grenat, \vollastonite,
augite, anorthile, comme dans les volcans italiens du
Latium et de la .Somma. Celle des roches quartzeuses
ou quartzo-felilspathiques amena la production de
cristaux A'aiigite, d'amlésinc, de spiiiellides, de s/7//-
manite et de xéoliles.
Les fumerolles volcaniques découvertes par M,\L La-
croix et Gautier leur ont montré une double action
évidente : d'abord, un phénomène de fusion dans la
profondeur; puis, une réaction des vapeurs acides agis-
sant postérieurement au rejet de ces blocs. Ces fume-
rolles, en attaquant les blocs arrachés de la profondeur
et fondus, vitrifiés à leur surface, donnèrent naissance j
aux minéraux suivants : 1er oligiste, magné-tite, pseudo- ,
hrookite^ augite, augite ngyrinique, hiotilc, labrador,
andésine, anorthose, apatite, etc. Cette formation de '
minéraux variés est analogue à celle des tufs de Nocera, j
du Vésuve et de Santorin. j
L'activité volcanique de la région considérée n'a pas !
disparu. Elle se manifeste encore aujourd'hui, le long
des failles volcaniques ou des failles hydrothermales,
par la sortie de nombreuses sources chaudes,'bica.rho-
natées, chlorurées et parfois bitumineuses et ammo-
niacales (sources de Royat et de Clermont), dont quel-
ques-unes ont formé des traversins assez étendus
(Glermontl. Par plusieurs failles sort du bitume (Puy
de l'Ecorchade, Puy Chateix).
Enfin, les dégagements d'acide carbonique, seul
(mofettes) ou accompagnant la sortie des eaux chaudes,
sont très abondants.
Malgré sa faible étendue, le volcan de Gravenoire se
distingue réellement comme un des types les plus
complets des volcans. Il justifie encore les prédilections
des fondateurs de la Géologie, qui le préféraient au
Vésuve et à l'Etna ; car, tandis que dans ces deux der-
nières montagnes, une éruption postérieure couvre |e<
produits de celles qui l'ont précédée, ces courants snni
à découvert à Clermont, depuis la sortie du flanc J'
la montagne jusque dans la plaine, où ils se sont arrê-
tés. On en découvre tous les détails, et leur nature n'r~:
point équivoque. Ces conditions naturelles exception-
nelles et les beaux essais de synthèse dont les volcan-^
d'Auvergne ont été l'objet dans ces dernières annér<
expliquent le succès des excursions répétées auxquelles
viennent de prendre part successivement, pour ^^
étudier, les membres du Congrès géologique intein.i-
tional, et ceux de l'Association géologique de Londres.
La belle monographie de M. Glangeaud, dont nous
venons de donner un aperçu, est du nombre de celles
qui font avancer la science, en la rendant à la fois
plus positive et plus attrayante. Cii. Barbois,
Professeur adjoint i\c Géologie
et tio Mini^ralogie
;ï la Facullij ilos Sciences de I.illo.
IM/.oii ; Antiànei. — Etudes biologiques sur les Tuni-
ciers coloniaux fixés. (Extrait du Bulletin de la
Société des Sciences naturelles de l'Ouest de la
France.) — 1 hroch. iu-H de 72 pages, avec ligures cl
planches. A'anles, .'secrétariat du Muséum d'IIisloir''
Aatnrelle, 1901.
La Revue générale des Sciences a déjà rendu compte
des recherches de M. Pizon, dont le présent .Mémoire
BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX
l(i3
est la suite. L'auteur fait vivre en captivité des colonies
d"Ascidies composées ; il y observe la succession des
générations de blastozoïdes, l'apparition, la durée et la
disparition de chacune, la série des pontes. Il y a d'au-
tant plus d'intérêt à obtenir ces résultats que ces ani-
maux sont assez dil'ticiles à conserver en aq'iarium. Il
faut, toutefois, se rappeler, dans l'interprétation des
faits, que l'on acquiert ainsi des données plutôt quali-
tatives que quantilativcs ; la vie en aquarium, si pré-
caire, est nécessairement étiolée. Celle fois, M. Pizon a
complété des observations antérieures sur les Botryl-
lidés. Chez le Boirylloides rubniin, il a obtenu la forma-
tion d'une colonie à partir de la larve ou oozo'ide, alors
que, précédemmeni, son point de départ avait été une
colonie déjà constituée de douze individus. 11 a étudié
aussi des espèces du genre liotrylhis. Voici les princi-
paux résultais : les générations successives de blasto-
zoïdes se suivent selon un rythme régulier assez uni-
forme, durant chacune 20 à ia jours, depuis la première
ébauche à l'élat de bourgeons jusqu'à la disparition
complète par atrophie ; la période adulte et fonction-
nelle est de 4 à 5 jours. Le cœur continue à battre pen-
dant très longlemps, alors que la désorganisation est
très avancée. Pendant la belle saison i juillet-septembre ,
les diverses générations successives donnent des larves
et leur durée n'en est pas augmentée. Entre autres
questions connexes, M. Pizon a précisé le mode de for-
mation des lubes vasculaires qui parcourent 1rs colo-
nies de Bolryllides, le fonctionnement de la circulation
dans ces tubes et ses rapports avec les contractions car-
diaques des individus, le rôle des ampoules terminales.
Pour ces dernières, il rejette, avec raison suivant nous,
toule jiarlicipation à la blaslogénèse.
M. C.\ULLERV,
Professeur de Zoologie
à la Faculté des Sciences de Marseille.
4° Sciences médicales
.Meteliiiikoir Elle , Chef de service à l'Inxlitiit Pas-
teur. — L'Immunité dans les Maladies infectieuses.
— i vol. in-S" de ùOO pni/es, avec 45 figures dans le
texte. {Prix : 12 francs..) Miissoii et O", éditeurs,
l'nris, 1002. _,
Dans son remarquable Rapport sur l'Immunité au
Congrèsinternaiional de 1900, M. E. Metchnikofî avance:
« qiie les pro|)riétés humorales ne représentent qu'une
certaine fiaclion dans l'ensemble des pbénomènes de
l'immunité, cette dernière étant déterminée par des pro-
priéiés cellulaires ».
La jusiilicatiun de cette proposition se trouve déve-
loppée il.ins le beau livre que le même auteur vient cfe
faire paraître sur l'immunité dans les Maladies infec-
tieuses. Le livre e-t, de plus, l'aboutissant nécessaire
des études entreprises par M. Metchnikofî sur le rôle
des cellules du mésoderme dans la digestion, acte phy-
siologique, d'une part, dans l'inflammation et la liilte
contre les maladies, d'autre part, actes pathologiques en
apparence, mais qui comportent en réalité la réalisa-
tion de phénomènes de même nature.
.M. Metchnikoff dit lui-même que c'est la lecture du
Traité de Patlmlogie gené-rale de Conheim qui a incité
son esprit à poursuivre des recherches surles fonctions
dévolues aux cellules amiboïdes du mésoderme. 11 n'en
a pas fallu plus pour le conduire, lui, zoologiste, à la
Médecine, comme la ( jistallosraphie avait conduit Pas-
teur à l'étude des fermentations et de leur rôle dans
les processus morbides. Aussi l'ouvrage récent de
M. Metchnikoff nous apparaît-il comme le complément
et le développement de son livre sur l'Inflammation,
publié il y a dix ans.
La conception fondamentale de l'auteur était juste le
contraire de ce qu'on enseignait en Pathologie. On
savait que les globules blancs se chariieaient de corps
étrangers à l'organisme, de microbes notamment, mais
on pensait que les microbes se servaient de ces cellules
comme de moyen de transport et de dissémination dans
l'organisme. M. Metchnikoff émit l'idée que la réaction
inflammatoire des cellules amiboïdes ne pouvait être
comprise qu'eu admettant que les globules blancs
faisaient la chasse aux microbes et les détruisaient.
C'est ainsi que naquit la théorie dite phagocytaire.
La phagocytose n'est pas un acte simple,' consistant
en la prise de possession et en la destruction des mi-
crobes, phénomènes qui assureraient la défense de
l'organisme et constitueraient l'état d'immunité. S'il est
vrai que les leucocytes peuvent absorber des microbes
vivants, comme cela est prouvé pour certaines bactéries
mobiles dont les mouvements sont encore visibles dans
l'intérieur des c-'Uules qui les ont englobées, il est
certain aussi que celte absorption est rendue possible
par des actes préparatoires qui se passent à di-tance,
dans les milieux extra-cellulaires. Parfois même, la
destruction des microbes y est presque achevée, avant
que les leucocytes, doués de propriétés phagocytaires,
aient semblé jouer un rôle. Aussi, un nombre consi-
dérable d'auteurs. et non des moindres, .M. Bouchard en
France, M. Koch, M. Fliit'ge, .M. Buchner, eic, en
Allemagne, ont-ils soutenu l'idée que l'immunité
résidait entièrement dans des propriétés dévolues aux
humeurs, sans que les cellules y aient une pari quel-
conque. L'expérience capitale de PfeilTer. connue sous
le nom di' >< phénomène de PfeilTer », et qui réalise la
transformation en granules, puis la destruction des
microbes en dehors de toute connexion apparente des
globules blancs, a semblé donner le dernier coup à la
ihéorie phagocytaire. C'est à convaincre ses contra-
dicteurs et à démontrer que leurs objectinns, loin de
ruiner sa théorie, en prouvaient, en définitive, la soli-
dité, que -M. .Metchnikoff a consacré dix années, dont le
travail esl exposé dans son livre sur l' Immunité.
Les humeurs, et notamment le sérum sanguin, con-
tiennent des substances, connues sous le nom à'alexines,
qui sont éventuellement capables de provoquer la des-
truclion des microbes. Pour que leur action s'exerce,
elles- ont besoin d'y être sollicitées par la présence
d'une substance nouvelle, ditei;i/ej'werf/;//iTparEhrlich,
ou sensil)ilisatrice par Bordet. L'état d'immunité con-
siste justement dans le développement de cette subs-
tance intermédiaire, fixatrice, qui permet aux alexines
ou crtases d'opérer la destruction des microbes ou des
cellules étrangères à l'organisme (bactériolyse et cyto-
lyse . Or, cylases et sensibilisatrices sont des produits
d'origine cellulaire. Si les premières sont des ferments
solubles essentiellement intracellulaires dont la mise
en liberté n'est provoquée que par une altération des
éléments qui les contiennent, les secondes sont réel-
lement humorales; mais, quoique circulant dans le
plasma, leur origine est identique. Buchner reconnaît
bien aujourd'hui que les alexines proviennent des glo-
bules lilaucs dont la fonction serait de les sécréter. Le
rôle ultérieur de ces derniers éléments se bornerait à
absorber les microbes détruits dans les humeurs.
M. Metchnikoff n'admet pas celte sécrétion, mais seu-
lement la mise en liberté de< alexines contenues nor-
malement dans les leucocytes, et soutient, d'autre part,
que ceux-ci restent capables d'englober les microbes
encore vivants et virulents.
Ces dernières divergences sont les seules qui divisent
encore actuellement le savant allemand el .M. Metch-
nikolT. On voit par là combien la théorie phagocytaire,
considérée comme une hypothèse gratuite au temps où
l'on faisait résider l'immunité dans des propriétés pure-
ment humorales, a gagné de terrain.
Le livre de .M. Metchnikoff vient à son heure, an
moment où la lutte est sur le point d'être close et la
victoire acquise. La leclure en est captivante pour tous
ceux qui s'intéressent aux progrès de la Médecine et de
la Biologie générale. Elle nous surprendra toujours par
le nombre et l'ingéniosité des travaux qu'a nécessités
à l'auteur et à ses élèves le triomphe définitif de la
théorie phagocytaire. D'' H. 'Vaovez,
Professeur a;^'rôî;é
à la Faculté de MiMecine.
.Médecin des Hôpitaux.
164
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
ACADE^IIE DES SCIENCES DE PARIS
Séance du 13 J.invicr l'OOi.
1" SciKNCK? MATHÉMATiQUEs. — M. Eni. Picard pré-
çenle des rechenhes sur les périodes des inléitrales
douilles et sur une classe d'équations diflérentielles
linéaires. — M. A. Guldberg étudie les paramètres
intégraux, i|ui sont une généralisalion liirecte des
paramètres différentiels. — M. P. Boutroux signale
certains résultais qu"il a olilenus dans la théorie des
fonctions entières et dont quelques-uns se rapprochent
de ceux de M. Lindeldf.
a^SciKNCEs piiYsiQLKS. — -M. P. pt M"" S. CuriB expo-
sent les idées qui les ont guidés dans leurs recherches
sur les corps radio-actifs, l'our eux, la radio-activité est
une propriété atomiijue des corps. Cliaciue atome radio-
artif peut posséder, à l'état d'énergie potentielle, l'éner-
gie qu'il dégage, ou hien c'est -un mécanisme qui puise
a chaque instant au dehors de lui-même l'énergie qu'il
dégage. On ne peut pas encore décider entre ces deux
hypothèses. — AI. 'V. Karpen énonce le principe sui-
vant : Dans un milieu magnétique soumis à l'action
d'un certain nomlire de forces magnétomotrices, le
parcours des lignes d'induction est tel que l'énerf^ie
intrinsèque du milieu est maximum. — M. F. Beaulard
rectifie certains cliilTres qu'il a donnés précédemment
pour la différence de potentiel relative à une certaine
distance explosive. Quoi qu'il en soit, la vibration de
l'étincelle électrique oscillante a une force pendulaiie
lies amortie, ce qui est bien conforme aux idées de
.MM. Poiiicaré et Bjerkness. — .M. H. Stassano pré- j
sente de nouvelles observationr. qui montrent une rela- |
lion constante entre les dilTérenles périodes et les dif-
férentes phases des aurores boréales et la vaiiation de
la pres.'^ion barométrique mensuelle et diurne. —
M. G. 'Weiss signale divers phénomènes qui se produi-
sent lorsqu'on regarde des surfaces lumineuses à
travers un trou d'épingle percé dans une plaque et les
attribue à l'aberration de sphéricité de l'œil. —
M. E. Bucretet a fait des expériences de téléphonie
sans fil; le circuit microphonique et t(déphonique était
fermé par la terre seule. La parole s'est reproduite
avec une netteté remari|uable sans bruits parasites. —
M. G. Belloca poursuivi ses recherches sur la thermo-
électricité des aciers et des ferro-nickels. La forme
généiale des courbes de f.é.m. en fonction de la tem-
pérature est parabolique. Les aciers à 5 et à 28 "/„ ont
présenté, à partir de 400 et oOO", des variations brus-
ques, révélatrices d'une transformation moléculaire. —
M. H. Moissan a obtenu avec le sodium, comme avec
le potassium, un hydrure cristallisé de formule IS'all,
avant des propriétés réductrices très énergiques et
soluble dans les métaux alcalins. — M. H. Gautier a
c.iiistaté que l'hydrure de strontium est un puissant
Léducteur; il se range à côté de l'hydrure Call- décou-
vert par M. Moissan. — MM. G. Charpy cl L. Grenet
ont étudié l'équilibre chimique des systèmes fer-car-
bone. La séparation du graphite s'amorce à une tempé-
rature d'autant plus basse que la lineur en silicium est
p'us forte. Une fois conimeiicée, elle se continue aux
températures inférieures à celle où s'amorce la réac-
(ji,n. — M. A. Eindell a fait des recherches sur la solu-
bilité du phosphate bicalcique dans l'eau pure. La con-
centration de la solution croit avec le temps et la mas?e
du sel en contact avec un volume '.'onné d'eau. Le
rapport de HH'(r'' à CaO, d'abord très peu difféient de
luuité, croit avec la concentration. — MM. "V. Gri-
gnard et L. Tissier, en faisant réagir les combinai-
sons organomagnésiennes mixtes sur le trioxyméthy-
lène, ont réalisé la synthèse d'alcools primaires gras et
aromatiques. — M. M. Delépine a étudié les élliers
imidodithiocarboniques li.Vz : C (.SH')°. Ce sont des
bases faibles, solubles dans les acides, liquides, à odeur
forte. — M. P. Petit a déterminé la chaleur dégagée
par l'inversion du saccharose au moyen des chaleur;-,
de combustion et de dissolution. Elle varie do 2 cal. 030
à 2 cal. 075 entre u8"lj 61,03°. — M. F. 'Weil a reconnu
que, ilans le dosage volumétrique, par le chlorure stan-
neux, du cuivre, du fer, de l'antimoine, du zinc en
poudre, du soufre dans les sulfures, etc., nu piHit opérer
à froid aussi bien qu'à l'ébullition en prenant certaines
précautions. — MM. A. Ktard et A. 'Vila ont réalisé '
la synthèse d'une leuciin' isomère fvoir p. I lOi. — M. A. ]
Rosenstiehl a étudié l'action du tanin et des matières
colorantessur racli\ilédeslevures(voir p.MO). — M. G.
Bertrand a extrait le bolétol, principe chromogène d<>
certains champignons. C'est un corps cristallisé, d'un
beau rouge vif, ne coidenant pas d'azote. Il parait exis- '
ter sous deux états d'agrégation moléculaire différents. !
3° Sciences .natuiielles. — M. H. Soret a étudié la \
fracture de l'avant-bras qui se produit dans la mise en j
marche des moteurs d'automobile. C'est une fracture '
directe de la diaphyse du radius, avec fracture indi-
recte de la partie épiphysaire du cubitus. — MM. C. Va-
ney et A. Conte ont trouvé dans le Ithône, à Lyon,
deux espèces intéressantes : V/Ciiiai lacuslris et le
lUciiniiia alpcstris. La présence en eau douce d'un
lilcnniii.'^, qui appartient à un genre essentiellement
marin, montre le pouvoir d'adaptation de ces Poissons.
— MM. J. Bonnier et Ch. Pérez ont recueilli, dans la
Mer Rouge, sur des Pagures, un Crustacé parasite d'un
genre nouveau, qu'ils nomment Guatliowysis Govhi-
cliei. Il appartient aux Schizopodes, où il formera le
type d'une famille nouvelle. —MM. P. -P. Dehérain et
Ë. Demoussy ont cultivé la luzerne sur des terres sans
calcaire, renfermant, (|uoique en petit nombre, les ger-
mes des bactéries propres à la symbiose avec la luzerne
et le Irèfb'. Ces bactéries déterminent l'apparition de
nodosités, mais la végétation est Janguissante. L'addi-
tion de calcaire la rend plus vigoureuse. L'inoculation
à l'aide de la terre de jardin est toujours très favo-
rable parce qu'elle apporte de nombreuses bactéries.
— .M. F. de Montessus de Ballore a constaté, dans
l'Eizgebirge, trois genres de ];diénomènes géologiques
impliquant l'instabilité au moins temporaire : champs
de fracture, lignes de moindre résistance volcaniqins
et thermales, plissements. Le dernier seul a conseï v^
une vitalité notable, qui se traduit de nos jours par des
tremblements de terre. — M. E. Fournier a reconnu
que les réseaux hydrographiques snuterrains des ri'-
gions calcaires sont tous dans un cycle excessivement
instable. Ils sont anastomosés; leur régime varie cons-
tamment en même temps que varie l'état des précipi-
tations atmosphériques; les phénomènes de capture
peuvent s'y produire avec une grande facilité. — M. Re-
pelin signale la découverte dans la Uasse-Provence.
entre Bagnoles et Hoquebrussanne, di; silex taillés ' i
d'une dent d'A'/e/(/(«.s priwigc'iiius. Il existait donc 1 i
une station clielléo-moustérit-nne.
Séance ihi 20 Janvii-r 100-.
1" SciE.NCES MATiiÉMATiorEs. — M. P. Boutroux four-
nit quelques indications complémentaires sur une
propriété de la dérivée logarithmique d'une fonction
entière. — .M. P. Painlevé signale l'importance des
résultats obtenus par M. lîoutroux, et en fait l'applica-
tion aux équations dilférentieiles du second ordre. —
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
M. N. Niels2n donne quclqui-s applicalinns Je sa
formule pour le développement il'une fonction en série
de factorielles. — M. J. Mascart montre qu'il existe
des raisons cosmoponiques prédisposant aux coïnci-
dences d'éléments de planoles, que l'on rencontre tou-
jours en plus grand nombre que la Ihéurie ne l'indique.
On peut admettre que l'action de Jupiter tend à dimi-
nuer le nombre de ces coïncidences, peut-élre par des
perturbations séculaires. — M. E. Guyou indique le
moyen de calculer la longitude à la mer par les dis-
tances lunaires au moyen des seules éphémérides
ordinaires. — M. P. Duhem a cherclié à établir les
conditions aux limites en Hydrodynamique en se basant
sur les principes relatifs à la viscosité et au frottement.
2° Sciences physiques. — M. Liénard. se propose de
démontrer, contrairement à l'opinion de M. Cavallo,
qu'un raisonnement rigoureux, appliqué au calcul des
équations de Lagrange, conduit bien aux équations
exactes du mouvement de la roue de Barlow. — M. E.
Carvallo étend aux corps en mouvement ses deux lois
fondamentales de l'iilectrodynamique établie* pour les
corps en repos. Il donne les équations générales de l'é-
leclrodynamique pour les corps en mouvement; ce sont
les équations des travaux virtueU. L'équation de l'éner-
gie s'en déiluit comme en .Mécanique. — M.M. Ph.-A.
Guyeet Ed.Mallet ont mesuré les constances critiques
d'une nouvelle série de corps gras et aromatiques. L'ani-
sol. le pliénétol, le m-crésol, l'aniline, la diméthylaniline,
la dimélliyl-o-toluidine ne sont pas polvmérisés à l'état
critique, et peu ou pas entre le point d'ébullition et le
point critique. I.es nitriles alipliatiqnes, par contre,
sont, dans les deux cas, nettement polvmérisés. —
MM. de Forcrand et Fonzes-Diacon ont déterminé
quelques propriétés physiques de l'hydrogène sélénié.
Point d'ébullition : — 42° sous la pression normale;
densité à 12°= 2,12; point de fusion — 64°; solubilité :
3 vol. 31 à -f- 13°, 2 et 2 vol. 'O à -f 22'-,.'). — M. H.
Moissan a observé qu'elques propriétés de la chaux en
fusion. Elle agit sur le carbone en forniant du carbure
de calcium et de l'oxyde de carbone; si elle est en
excès, elle oxyde le carbure et donne du calcium et de
l'oxyde de carbone. Elle agit sur le bore en formant
un borate, sur le titane en formant un titanate. Elle
oxyde Cr, Mn, Fe, Ni, Co à l'état d'oxydes. Elle attaqu«
le platine, qui leiiferme ensuite 2 à 3 °/o de Ca. —
M. M. Guichard présente quelques remarques sur les
oxydes de molybdène; la pluralité des oxydes bleus ne
lui semble pas démontrée. — M. F. Gaud a étudié la
décomposition de l'acétylène pendant sa combustion.
Il a reconnu que si, dans certaines circonstances, la
chaleur dégagée par la matière du bec brùlenr peut se
transmettre au gaz et favoriser sa décomposition en
ses éléments, il est certain que constainnient la pré-
sente de H' S et des produits thioniqnes suffit pour
provoquer celte décomposition dès la formation de la
flaniine. — .M. M. Berthelot a analysé quelques objets
métalliques antiques. Lue statuette chaldéenne conte-
nait du enivre et du plomb, avec un peu de S, Fe et 0.
Une statuette babylonienne contenait Cu, Su, Fe, 0,
Ca CO'; un piédestal babylonien renfermait Cu, Sn, Fe,
0. Enfin, une matière provenant d'une nécropole égyp-
tienne était constituée par un mélange d'argile, de
chlorure et de carbonate de Pb ; elle provenait sans
doute de l'altération d'un objet en plomb. — M. R.
Fosse a obtenu des dérivés trihalogénés du naphto-
xanthène, où l'oxygène fonctionne comme élément
tétravaleat. — M. F. March, en faisant réagir l'a-bro-
mopropionaie et le jî-chloropropionale d'éfliyle sur
l'acétylacétoue sodée, a olilenu ra-niéthyl-Ji;3-diacé-
lylpropionate d'éthyle et le ^^-diacélylbulyrale d'éthyle.
-^ MM. E. CharaliGt et A. Hébert ont constaté que
l'addition de chlorure de sodium au .--ol a pour effet
d'accenliier : 1° l'augmentation de la proportion centé-
simale de matières organiques dans la plante; 2" la
perte relative d'eau. En même temps, le chlorure de
sodium favorise l'éthérificalion et entrave, au contraire,
la transformation du menthol en menthone. — M. J.
Gautrelet a reconnu que soit dans le sang, soit dans
les carapaces ou coquilles des Crustacés ou des Mol-
lusques, il existe du phosphore sous les deux formes
élémentaires : minérale et organique. — M. P. Mazé
a constaté que le mycélium de VÉiirolyopsis Gayoni
peut s'organiser entièrement à partir de l'alcool et de
l'ammoniaque sans perte sensible de matière. — MM.
Charrin et Brocard ont étudié l'utilisation des
bihexoses par l'organisme. En général, ils ne subissent
l'assimilation qu'après avoir été dédoublés. Dans cer-
tains cas, l'absorption s'opère plus rapidement que le
dédoublement; dans d'autres, il y a prédominance du
dédoublement sur leur passage en nature dans la cir-
culation.
3° Sciences n.^turelles. — MM. A. Robin et M. Binet :
Les indications de la prophylaxie etdu traitementde la
tuberculose basées sur la connaissance de son terrain
(voir ci-dessous).— M. Le Hello signale l'apparition, chez
une pouliche, de lésions analogues à celles qui se sont
présentées chez sa mère à la suite d'un accident sur-
venu pendant qu'elle la portait. — M. A. Giard pré-
seule quelques faits qui montrent le passage de l'her-
maphrodisme à la séparation des sexes par castration
parasitaire unilatérale. — M. G. Bohn oppose, à la
théorie purement mécanique et physique de la vision
exposée récemment par M. Pizon, une théorie où la
formation de l'œil et la vision sont fonctions de phéno-
mènes chimiques. — M. Cbifflot montre que les deux
nouvelles maladies des chrysanthèmes, signalées ré-
cemment par M. Joffrin, sont connues depuis longtemps.
La maladie indiquée comme due au 7'v/ye;!cAu.s est due.
en réalité, à ÏAplieleiichiis et a été décrite par Oster-
walder. La maladie attribuée à un Seploi'ia nouveau
est due au Seploria clirysan'henn Cav., connu depuis
longtemps. — M. St. Meunier a étudié le tuffeau sili-
ceux de la Côte-aux-Buis, à Grignon. Il ressemble aux
luITeaux du nord de la France et de la Belgique, mais
en diffère en ce qu'il n'est pas subordonné à des sables.
Louis BRUiNET.
ACADEMIE DE MEDECINE
Séance du 21 Janvier 1902
M. Ch. Monod présente un appareil, dit l/iermo-
plasme électrique, dû au D'' Larat, et permettant de
chauffer, au moyen de l'électricité, une compresse
souple pouvant se mouler sur toutes les parties dn
corps. — M.M. A. Robin et M. Binet ont reconnu que
l'aptitude exagérée de l'organisme à fixer de l'oxygène
et à faire de l'acide carbonique, c'est-à-dire à se con-
sumer, constitue l'une des caractéristiques des étals
propathiques, du terrain de la phtisie. Ils en concluent
(|ue les états de déchéance prétuberculeuse relèvent
d'une vitalité exaspérée jusqu'à l'autoconsomption el
non d'une vitalité amoindrie; ils repoussent les idées
directrices de la prophylaxie et du traitement de la
phti>ie. Celles-ci ne doivent, selon eux, faire état qui-
de médicaments et d'agents capables de restreindre
les échanges respiratoires : l'huile de foie de morue,
l'arséniatede soude à la dose de 3 milligrammes, et le
cacodylaie de soude à la dose de b centigrammes pos-
sèdent cette propriété. — M. Darier lit une note sur
deux analgésiques presque exempts de toxicité : Yacoïne
et la dioniiie.
Séance du 28 Janvier 1902.
M. Lucas-Championnière indique une nouvelle mé-
thode de traitement du pied bot; elle consiste dans
l'ablalion de la totalité des os du tarse, sans immobij
lisation ni appareil orthopédique. 11 a déjà pratiqué
trente et une fois cette opération; le raccourcissement
du pied est manifeste, mais la forme est bonne. —
M. Guépin lit un travail sur le diagnostic des fausses
cystites. — M. Netter communiqueune élude sur les
vaccinations antidiphtériques.
1G6
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
SOCIETE DE BIOLOGIE
Séance du 11 Janvier l'JO:'.
M. J.-P. Langlois a pu motlre en évidence, chez les
animaux ilils à sans l'oiU, Texistenoe d'un système
rudiinenlaiie de ri'yuiation Uieriniijue. — M. C. Phi-
salix a observé, chez les Vertébrés inférieurs, que les
cellules propres de la rate sont susceptibles de se trans-
former directement en globules rouges, et que cette
fonction hémalopoïétique apparaît à une époque très
précoce du développement, avant que les capillaires
arli'riels se soient ouverts dans les lacunes de l'orijane.
— M. Ch. Féré a constaté que les irritations gastriques
produites [lar l'introduction directe do condiments dans
l'estomac ont des elTets dépressifs .-ui le travail manuel
et l'activité volontaire. — M. Tribondeau a étudie les
granulations sécrétoires conlenui-s dans les cellules des
tubes contournés du rein chez les serpents. — M. E.
Maurel indique un rapport entre, dune part, l'ordre
de sensibilité des prnicipau.x éli'>menls anatomiques
à rémétiuc, élaldi expérimentalement, et, d'autre part,
rimporlance de la thérapeutique par l'émétine. — Le
même auteur rectilii' une interprétation inexacte donnée
à sa note sur l'hyperleucocytose dans les affections du
foie. — M. J.-B. Charcot a préparé uu sérum antican-
céreux par injection à des animaux de tumeurs cancé-
reuses broyées; ce sérum peut être injecté en assez
grande quantité sans produire d'accidents autres que
de l'urticaire. — M. Ed. Sergent a injecté à des lapins,
dans les veines ou dans le péritoine, des pneumoco-
i]ues colores par le violet cristallin, et cela sans acci-
dents. Les lapins ainsi traités supportent sans danger
des inoculations très virulentes. — i\l.\I. J. Castaigne et
F. Rathery ont fait l'examen de l'exsudat et de la per- '
méabililé pleurale au cours d'un certain nombre de
pleurésies rhumatismales. — M. CL Regaud a observé,
dans toutes les cellules à fonction sécréloire, cKs varia-
tions quantitatives et qualitatives de la chromatine nu-
cléaire. Les chromatines nucléaires sont morphologi-
quement et hislochimiquemenl multiples et variables.
— M. Malassez a remarqué des poils dont le côté de la
racine est blanc et la pointe colorée; pour lui, ce chan-
gement de coloration serait dû à une modilication dans
leur formation. — MM. Léon Bernard et Bigart ont
observé, an cours de certaines alTi'Ctious du rein, des
lésions qu'ils désignent sous le nom de sclérose em-
bryonnaire intrabéculnire. — MM. P. Teissier et L. Lévi
ont. constaté (|ue l'injection à petites doses de solutions
salines roncoTitrées a pour conséquence liabitunlle et
très rapide l'abaissement de la pression artérielle; il
s'agit là, sans doute, d'une action vaso-motrice sur la
périphérie circulatoire. — M. Ch. Dopter a fait le cyto-
diagnostic d'un épanchemeut pleural di' nature rhuma-
tismale. 11 a trouvé : 1" des hématies rares; 2° des h-u-
cocyles abondants, les polynucléaires prédominant;
3° une abondance extrême de cellules endothéliales. —
MM. Em. Boix et J. Noé ont essayé de neutraliser
.qmliiuis toxalbumines dans l'organisme animal par
l'hyposultite de soude; les résultats ont été né;;atifs.
— M"" I. loteyko et M. Stefanowska ont constaté
qu'il existe une graduation dans l'envahissenieiit des
hémisphères cérébraux par les anestliésiques; la sensi-
bilit.' ilisparaît avant la motilité; le réveil de la moti-
lili'' pn'crde le réveil de la sensibilité. — Les mêmes
anti'urs proposent l'anesthésie comme moyen de disso-
ciation des propriétés st-nsitives et motrices du système
nerveux. — M. E. Retterer a reconnu que tous les
ganglions lymphatiques possèdent la même structure
et les mêmes fonctions; ce sont des glandes hémolym-
phatiijues qui fabriquent et de la lymphe et des héma-
ties. 11 suflît de modifier la prossiou sanguine et, par
suite, la circulation lymphatique, pour convertir les
mêmes organes, soit en ganglions pâles on gris, soit en
glandes liémidymphaliques de teinte roupe. — M. J. Noé
a constaté que si, après la période d'hibernation, la
puissance d'assimilation est plus active chez le hérisson.
en hiver la tendance à la dénutrition est beaucoup [dus
intense. Le sommeil hibernal constitue doue uu méca-
nisme d'épargne.
Sénnco du 18 Janvier 1902.
M. G. 'Weiss a recherché l'influence réciproque de
deux excitations portées en deux points diflérents d'un
nerf; elle est absolument nulle. — .M. I. Dewitz a
observé qu'une pâte formée par broyage de larves de
mouches noircit à l'air sous l'influence d'une oxydase
qu'elle renferme; ce serait aussi un enzyme qui pro-
iluirait la coloration des pupes de mouches. — Le
même auteur pense que la métamorphose s'accomplit
sous l'influence d'un enzyme (oxydase). — MM. A.
Conte et C. Vaney : Sur la distribution géographique
de (|uelques formes marines et leur adaptation aux
eaux douces (voir p. ICI). — M. Ch. Féré a constaté
(|ue l'ergotine a, sur le système nerveux, une action
excitante qui précède les troubles qui peuvent être
attribués à l'intoxication et au spasme vasculaire. —
.MM. S. Arloing et Descos ont observé que la tuber-
culine neutralisée parle sérum et réduite à ses toxones
ne donne pas, dans la lutte contre la tuberculose, des
résultats meilleurs que la tuberculine ou le sérum
antiluberculineux employés isolément; ces toxones
jouissent d'une certaine toxicité, et favorisent le déve-
loppement de la tuberculose expérimentale. — .\l. L.
Dor indique un procédé d'extraction de l'urobiline des
(iastéropodes; celle-ci se transforme, beaucoup plus
facilement que celle de l'homme, en biliverdine. bili-
rubine, sérochrome, etc. — M. J. Rehns a observé que
des cultures du bacille du clioléi-a colorées au bleu de
méthylène peuvent être injectées sans danger à dose
quatre fois mortelle. — .M. G. Loiael conclut de ses
recherches que le testicule (tubes séminipares et cel-
lules interstitielles) dérive d'une iilande primitive (in-
difl'érente au point de vue sexuel) dont le rôle se con-
tinue chez l'adulte : 1" dans la sécrétion interne ilu
testicule; 2° dans les glandes prélesticulaires des
Oiseaux; .'!'' dans le corps jaune des Batraciins; *" dans
l'organe de Bidder des crapauds. — .M. A. Borrel a
obtenu le viius claveleux débarras-é de tous les mi-
crobes d'impureté eu le diluant avec de l'eau bouillie;
le liquide filtié, stérile dans toutes les conditions de
culture jusqu'ici réalisées, reste virulent pemlant lon;.;-
temps. — Le même auteur a découvert un oiganisnie
tiès petit, appartenant au groupe des l'i'otozoaires, et
dont il a pu faire plusieurs cultuies successives. Il le
désigne sous le nom de Micromonas Me.^nili. — M. N.
Gréhant a constaté qu'un animal empoisomép.ii l'oxyde
de carbone meurt souvent au bout île plusieurs heures
quand il continue à respirer dans une atmosphère con-
finée qui renferme beaucoup moins de CO que celle qui
a produit l'empoisonnement primitif. Il est nécessaire,
pour maintenir la vie, de faire respirer de l'air pur, ou
mieux, de l'oxygène. — M. P.-A.Zachariadès a êtudii'
l'influence des acides sur les tissus tendineux; le gon-
flement va en augmentant d'intensité dans les solutions
de plus en plus faibles, passe par un maximum ef
devient nul dans les solutions les plus faibles. Les
diverses eaux ont une influence différente sur le gon-
flement des tendons; cela tient probablement à leurs
impuretés. — .M. J. Jolly a reconnu que la division
indirecte des prolohénioblastes (éiytbroblastes'i, chez
les tritons anémiés par le jeCine, se produit efl'ective-
menl dans le sang même. — M. J. Cluzet a constaté'
que les nerfs présentant des syrulroiues de di-géné-
rescence satisfont, comme les nerfs normaux, à la loi de
Weiss; mais, lorsqu'il y a hyperexcitabilité, les coefli-
cients a et h sont plus petits qu'à l'état noinial ; dans
l'hypoexcitabilité, ils sont plus grands. — .M. Marage a
diminué les tintements d'oreille par l'emploi de l'hé-
Ihylcarbonate de quinine, corps qui ne réagit pas sur
le liijuide de l'oreille interne comme le chiorliydrati^
de quinine. — M.M. Sabrazès et L. Mathjs ont examiné
l'état du sang dans la syphilis, le tabès et la paralysi'
générale. Itans aucun cas, ils n'ont remarqué d'anémie
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
Ifù
irun haut ilegré, non plus que des modilîcalioiis mor-
phologiques notables des hématies.
SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE
Séance du 17 Janvier 1902.
I,a Société procède au renouvellement de son bureau
pour 1(102. M. H. Poincaré, vicepréïideiit en 1001,
devient président. .\I. C.-M. Gariel est élu vice-pré-
sident. M. Abraham continue ses l'onclions de secré-
taire iirnéral. — .M. H. Pellat, président sortant,
résume les travaux de la Société pendant l'année
écoulée.
M. E. Marey rappelle les expériences qu'il a publiées
en 18'J3 sur le nioiivcinenl de^ lù/nidcs. On enregistre
par la photographie le mouvement de perles brillantes
ayant la même densité que le liquide et entraînées par
un courant de vitesse variable à la rencontre de plans
inclinés sous différents angles ou à la rejicontre de
corps de formes variées. On peut ainsi suivre la tra-
jectoire de chaque perle brillante représentant une
molécule liquide et obtenir sa vitesse à chaque instant;
celle-ci est, en effet, fournie en fonction de l'écarte-
ment des perles brillantes, et elle est d'autant plus
considérable que cet écarlement est plus grand. Parmi
les photographies projetées pendant la séani?e, celle
relative à l'action d'un courant liquide sur un plan
incliné montre que les dilTérents filets liquides arrivent
sur l'obi-tacle suivant des directions plus ou moins
obliques; près du bord inférieur du plan incliné, il se
produit un p-artage de ces fdets, tandis qu'en arrière de
l'obstacle les filets de liquide exécutent des remous
capricieux. Dans le cas d'un obstacle pisciforme, les
veines tluides suivent la paroi; il se produit en arrière
du corps des remous peu prononcés ou très prononcés,
suivant que le liquide abandonne le corps du cOlé de
son extrémité aigué ou du coté obtus. Les photogra-
phies relatives aux changements du prolil des liquides
dans les ondes montrent des ventres et des nœuds,
c'est-à-dire des crêtes et des creux occupant tantôt des
points fixes, comme dans les clapotis, tantôt se dépla-
çant avec des vitesses variables, comme dans les
vagues et la houle. Les observations relatives aux tra-
jectoires suivies par les particules d'air rencontrant un.'
obstacle sont de date récente; les déplacements
gazeux sont représentés par des filets de fumée obte-
nus par la filtration du courant d'air à travers des
gazes de soie à mailles égales; la photographie des
fumées est obtenue à l'aide d'un éclair magnésique.
Lorsque aucun obstacle n'entrave le courant d'air, les filets
de fumée apparaissent rectiligiies et parallèles entre
eux. Si l'on place dans le courant un plan incliné, les
filets de fumée s'élargissent, ce qui prouve déjà que
leur vitesse diminue; les uns remontent vers le bord
supérieur du plan, les autres glissent sans se mélanger
et s'écoulent par le bord inférieur. La vitesse du cou-
rant d'air aux dilférents points de son parcours est
d'ailleurs obtenue en sonmeltant la niasse en mouve-
ment à un ébraidenient latéral, provoqué par un trem-
bleur électrique de dix périodes par seconde; dès lors,
les tili'ts de fumée, au lieu d'être reclilignes, présen-
tent une série d'inflexions latérales qui se conservent
pendant toute la durée de leur parcours. Rien n'est
fortuit dans les résultats obtenus, et l'expérience,
répétée deux fois de suite dans les mêmes conditions,
fournit deux ihianes, identiques et superposables entre
elles, pour tous les points qui ne se trouvent pas dans
la région des remous. La mé'thode qui précède fournit
des renseignements de cinématique dans le cas des
liquides et des tiaz; elle peut aussi donner des rensei-
gnements de dynamique; il suffit de photographier les
déplacements à des intervalles é^raux ; on mesure la
force par l'accé'éralion qu'elle produit. Cette méthode
a été appliquée par M. Marey à l'éludH des efforts mus-
culaires effei-lués par des athlètes venus à Paris, au
moment île l'Exposition de 1000, pour le lancement
d'un corps lourd. — .M. G.Lippmann décrit une méthodo
liour lu mise an jioinl drs Innellcs et des colliniateiirs.
Pour amener la fente d'un collimateur dans le plan
focal de l'objectif, on interpose, entre le collimateur et
la lunette qui vise la fente, une lame de verre ayant
environ 3 centimètres d'épaisseur. Si le réglage du col-
limateur pour l'infini n'est pas elTeclué, l'image
obtenue dans la lunette se déplace lorsqu'on incline la
lame par rapport à l'axe du collimateur; dans le cas où
la lame de verre n'intercepte que la moitié du faisceau
pénétrant dans la lunette, on aperçoit dans le champ
de la lunette deux images : l'une d'elles, fournie par
les rayons t|ui ont traversé la lame de verre, se déplace
lorsqu'on incline celle-ci, tandis que l'autre reste fixe.
Le réglage est obtenu lorsque les deux images restent
en coïncidence, quelle que soit l'orientation de la lame
de verre. On peut, au lieu d'interposer une lame de
verre, obtenir un résultat équivalent en visant la fente
du collimateur avec une lunette à large objectif et en
déplaçant le collimateur parallèlement à lui-même;
l'imaiie de la fente doit conserver une position inva-
riable dans le champ de la lunette. La précision du
réglai;e est limitée par l'épaisseur de la glace dans le
premier cas et par les dimensions de l'objectif de la
lunette dafis le second cas; cette méthode présente
l'avantage, de permettre le réglage en utilisant la tota-
lité du faisceau lumineux qui émerge de l'objectif du
collimateur.
SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS
Séance dn 10 Janvier 1902.
La Société procède au renouvellement de son bureau,
qui est ainsi composé pour l'année 1902 :
Prcaident d'Ijonnnir : M. M. Berthelot.
Président ; M. H. Moissan.
Vici.'-fjrèsidenls : .\L\I. A. Carnot, Auger, A. Haller
et Gr. André.
Secrétaires : MM. G. Bertrand et A. Béhal.
Vice-secrétaires : MM. Moureu et Hébert.
Trésorier : M. Petit.
Archiviste : M. Desgrez.
SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES
2° Sciences naturelles.
W. M. Itn.vliss et E. H Slarliiiff : Sur la cause
de la H sécrétion réflexe périphérique ■• du pancréas.
— On sait, depuis longtemps, que l'introduction d'un
acide dans le duodénum cause un écoulement du suc
pancréatique, et Popielski, Wertheimer et Le Page ont
montré récemment que cet écoulement se produit
encore après l'isolement nerveux du duodénum et du
pancréas.
Wertheimer mentionni' aussi que l'écoulement peut
êtr^ excité par une injection d'acide dans le jéjunum,
mai- non par l'introduction d'acide dans la partie infé-
rieure de l'iléum.
Ces auteurs concluent que la sécrétion est un réllexe
local, les centres étant situés dans les ganj^lions épars
du pancréas, ou pour le cas du jéjunum, dans les gan-
glions (lu plexus solaire (Wertheimer).
La sécrétion excitée par lintroiluction d'un acide
dans le jéjunum ne peut être réflexe, puisqu'elle se
produit après l'extirpation du plexus solaire et la des-
truction de tous les filaments nerveux passant dans
l'anse isolée du jéjunum. Elle se produit aussi après
uns injection intraveineuse de 0, 01 gramme de sul-
fate d'atropine. Elle doit donc être due à l'excita-
tion directe des celhdes de la glande par une substance
ou des substances transportées de l'intestin dans la
glande par le courant sanguin.
La substance excitante n'est pas acide. Wertheimer
a montré que l'injection, dans le courant sanguin, de
0, 4 o/o de HGI n'a pas d'influence excitante sur le
pancréas.
La sécrétion doit être due cependant à quelque sub-
168
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
stance protluite dans la nn^nibiaiie muqueuse de l'in-
testin sous l'inllucnce de l'acide, et transportée de là
par le courant du sang dans la glande. Cette conclusion
a élr tout de suite confirmée par l'expérience.
Lorsque la membrane muqueuse du jéjunum ou du
duodénum est exposée à l'action de 0,4 "/o de MCI, un
<orps est produit, lequel, quand il est injecté en doses
minimes dans le courant sanguin, produit une sécré-
tion copieuse du .suc pancréatique. Ce corps, que pour le
moment les auteurs appellent sèciTtinc, est associé à un
autre corps qui a pour effet d'abaisser d'une façon pro-
noncée la pression sanguine. Les deux coriis ne sont
pas identiques, puisque les extraits acides de la partie
inférieure de l'iléum produisent l'effet dépressif, mais
n'ont pas d'iniluence excitante sur le pancréas.
L'action de l'acide est de séparer la sècvéline d'un
précurseur, ]a. prosccrùtinc, qui se trouve en quantité
relativement grande dans la membrane muiiueuse
du duodénum et qui diminue graduellement à mesure
que l'on descend dans l'intestin.
La prosi'cri'iine est apparemment d'une faible solu-
bilité dans une solution à 0,9 "/o de NaCl. Elle n'a
pas d'intluence sur la sécrétion pancréatique.
La .sv-rrf^V;;»? peut aussi être séparée de son précurseur
en la faisant bouillir avec 0,9 "/o de sel.
L'extrait acide peut être bouilli, neutralisé, et filtré
sans perdre de son activité. Le filtratum contient
quelques albumoses primaires, qui peuvent être préci-
pitées par l'addition d'une grande quantité d'alcool et
d'élber, et qui n'ont pas d'action sur le pancréas. Le
filtratum alcoolique élhéré contient seulement une
petite quantité de matière organique; mais, en l'éva-
porant jusqu'à siccité, et en reprenant le résidu avec de
l'eau, on obtient une solution aussi active que l'infusion
originale.
Les résultats indi(]uent que la sécrétine est probable-
ment un corps d'une composition très définie et d'un
poids moléculaire faible. Le D'' Osborne est occupé en
ce moment à la rechorclic de ses caractères chimiques
et de son identité.
On a souvent admis qu'il existe une sympathie chi-
mique entre différents organes, comme par exemple entre
l'utérus et les glandes mammaires; mais les auteurs
croient (juc c'est le premier cas dans lequel une preuve
expérimenlale ait été donnée d'une telle relation. Il est
probable cependant que l'on prouvera que ce méca-
nisme acide-duodénum-pancréas est seulement un mé-
canisme d'une classe similaire; son étude accroîtrait
considérablement notre contrôle sur les fonctions chi-
miques variées di; notre corps.
A la lumière des résultats notés ci-dessus, une revi-
sion des expériences dePawlow est nécessaire. Aucune
de ces dernières n'exclut une expulsion possible de
l'acide de l'estomac dans le duodénum.
Les auteurs n'ont pus encore réussi à obtenir un
effet sécréteur sur le pancréas par la stimulation du
nerf vague : aussi sont-ils plutét sceptiques, quant à la
présence dans ces nerfs de fibres secrétomolriees du
, pancréas. Ils continuent leurs expériences sur ce point.
SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE
Séance du 1.3 Décembre 1901.
M. E. Goldstein présente ses recherches sur les
niyoïisi-HlIioiliiiiics visihlcscl /yn'/s;7;/r's. Lorsque, dans
un tube catlio{lique pas très large, à cathode en tbrme
de disque, on augmente progressivement la raréfaction,
on observe ipie le faisceau cathodique visible se rétrécit
et ne forme plus qu'une petite colonne, parlant du
centre de la cathode. Cependant, la paroi du tube qui
fait face à la cathode continue à présenter une phos-
phorescence sur une surface à peu prés égale à celle de
lacathode. .M.A'ilhird a méconnu cetle phosphorescence ;
M. Weljnell, qui l'a remarquée, l'attribue à une diffusion
du faisceau central. M. (loldstcin montre qu'il n'en est
rien et qu'elle est due à des r.iyons fiiHidilii/iifs invisibles
émis par la périphérie de la cathode. Si l'on trace, en
effet, des dessins sur la cathode, ils se détachent en
sombre sur la partie phosphorescente, montrant ([ut-
des rayons sont émis par les parties périphériques. Le
rétrécissement du faisceau visible est dû ii la formation
d'une anode secondaire sur la paroi de verre qui
avoisine la cathode. Les rayons cathodiques invisibles
possèdent les propriétés suivantes : ils excitent une
vive phosphorescence, ils projettent une ombre dis-
tincte lies corps solides, ils sont déviés et déformés
par l'aimant, ils se propagent en ligne droite. En
somme, ils sont très analogues aux i ayons visibles;
toutefois, ils en diffèrent par quelques points; ils pro-
duisent des rayons secondaires plus faibles, ils dégagent
moins de chaleur. — M. E. Goldstein présente une
deuxième communication sur les rayons canalaires,
qui se forment, comme l'on sait, dans les conditions
suivantes : On prend un tube étroit, qrr'on sépare
complètement en deux parties au moyen d'un disiiue
cathodique percé de trous ou de fentes; pour un vide
suffisant, il se produit des rayons cathodiques entre la
cathode et l'anode et des rayons canalaires dans l'antre
moitié du tube. M. Goldstein a constaté que le disque
cathodique n'a pas besoin d'être aussi large que le tube
et de le séparer en deux parties pour que le phénomène
se produise; mais, avec un disque étroit, les rayons
l'analaires se forment des deuT; côtés de la cathode et
se superposent eu partie aux rayons cathodiques, ce
qui en rend l'observation difficile. Dans l'hydrogènf.
le phénomène est plus visible, l'n objet, mis dans la
région des rayons canalaires, porte ombre. Les rayou-
canalaires n'ont rien à. faire avec l'anode et ne sont
pas influencés par elle; ils ne sont pas influeni r-
par l'aimant, ce qui permet de les séparer des rayoi'
cathodiques. Ils excitent très faiblement ou pas il
tout la fluorescence du verre. — M. Alfred Denizoï
a étudié un problème sur le pendule déjà traité pai
Euler : du mouvement oscillatoire d'un pendule autour
d'un axe cyllndri(|ue roulant sur un plan hoiizonlal
C'est une "t;énéralisation du problème du pendul (
ordinaire; la différence consiste en ce que, dans li
pendule ordinaire, la masse oscille autour d'une droit i-
comme axe, tandis que, dans le problème d'li.uler, la
masse est fixée à un cylindre circulaire, sup|)orlé à so
deux extrémités par deux plans horizontaux de mênn-
niveau et roulant sur ces plans sans fi-ottcment.
L'équation différentielle donne une intéjjrale qui con-
duit en partie à des fonctions elliptiques, calculées
approximativement par Euler. pour de faibb'S oscil-
lations. Jiillien, dans ses l'vohléincs ilc Méauiiqiie
rationnelle, dit que cette intéeialc ne peut s'obtenir-
sous forme finie. M. A. Deni/.ot démontre que le temps
d'oscillation, dans le problème considéré, peut s'ex-
primer sous forme d'une intégrale fermée, et à l'aide de
fonctions elliptiques.
SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES
séance ihi 19 Décembre 1001.
MM. J.-J. Dobhie et A.Lander ont poursuivi l'étude
des produits de décomposition de la cniydaline. L'acide
C/H'Az ;CU-IIi^ obtenu par oxydation de la corydalinj
se transforme par oxydation subséquente en acio
2 : :t : 4 : 6 - pyridineiétracarboxylique ; c'était dol
probablement l'acide 2-méthyl-3 : 4 : 6-pyiidinetiica
boxylique. L'acide corydiliqrie C'-H"Az (O(^IP)-(CO'Ï
donne, par oxvdafion, de l'acide m-hémipinique
l'aride C"H'Az(CO-H =. L'acide corydiqueC'Ml°Az(OCH'
(CO'Hi-, oxydé par le permanganate de polasse, fournit
un acide jaune bibasique, CU'Az (OCIP)- (CO-H)-. La
coiydaline s'oxyile en perdant 4 atomes d'il et en
donnant la déhydrocorydaline, base jaune. Elle cor-
respond à la télraliyilroberbérine qui, par oxydation,
perd également 4 H pour donner la beibérine. I.i'~
4 atomes d'O de la coiydaline sont à l'état de ^'loupo
méthoxyles. Oxydée par le permanganate, la corydalim'
fournit un mélange d'acides bémipinique et inétaliéiui
pinique et de corydaldine C"H"AzO', dérivé de l'iso-
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
ir.9
i|iiinoline. Avec l'acide nitrique dilué, la coiydaline
s oxyde en déhydrocorydaline, puis en acide ccrydique,
et celui-ci en acide corydiliquo. Les auteurs repré-
sentent la corydaiine par la formule suivante :
Cil
!lc/\c.OCH=
';! je ocip
Par oxydation, les noyaux I et IV donnent respecti-
vement les acides hémipinique et métaliémipinique,
le noyau II l'acide C'H'Az CO-ll;". La corydaldiiie con-
tient les noyaux III et IV :
CMH). ,C0 — AzII
L'acide corydique est formé par destruction du noyau
I, et l'acide coryJilique par oxydation du noyau III
dans ce dernier :
c.CO-II
(:/'^,(:.(;o=H
CIPO C'^^/^/
^""'^1 IC AzlI
r.ii
C.COMI
Une comparaison entre les formules de la corydaiine
et de la létrahydroberbérine explique la ressemblance
de ces deux substances et de leurs produits d'oxyda-
tiou. L'absence de dérivés de la corydaiine analogues
au berbéral et à l'acide berbérylique provient de la
pn'sence d'un proupe mélhylique attaché à l'atome de^
cai bone 2 du noyau II, laquelle empêche l'introduction
d'un atome d'oxygèiie à celle place. Les auteurs, par
l'oxydation de la berbérine avec l'acide nitrique dilué,
ont obtenu un acide C"'H"A/.0'^ correspondant à l'acide
corydique el qu'ils nomment acide berbéridique. —
M.'W. H. Perklnsen. consitlère la rotation magnétique
des hydrates de carbone. Pourle glucose el le fructose,
elle est plus faible que celle des substances aldéhy-
diques et cétoniques; elle correspond, au contraire, à
la rotation de substances contenant un atome d'oxy-
gène oxyélliylénique ou laclonique. Le glucose aurait
donc en solution la formule de Lowry:
(-.11=011. CHOU. Cil. CIIOII. CHOU. CIIOII
Celte formule, légèrement modifiée, peut aussi repré-
senter le fructose dans un état iscimérique, en rendant
également comjjte de sa rotation magnétique en solu-
tion. Le saccharose peut être considéré comme formé
•de glucose et de fructose, tous deux à l'état isomérique,
avec élimination d'eau. Le nialtose et le lactose ont une
structure analogue, mais une constitution ilifîérente du
SQccharose. Ils seraieut formés d'une molécule de glu-
cose ou de f;alactose à l'état isomérique, et d'une mo-
lécule de glucose à l'état aldéhydique ordinaire, moins
une molécule d'eau, la partie aldéhydique subissant le
changement isomérique à un degré plus ou moins
prononcé quand ces disaccharoses sont dissous dans
i leau; ainsi s'expliquerait leur birotation. — M. M. O.
I Forster et W' F. M. G. Micklethwait ont préparé :
I 1° l'-ï'-benzovl-a-bromocamphre, par l'action du brome
' surri-hydroxy-2-benzoylcamphène; F. 1 14":'a ;„ = — fO»
dans le benzène; 2" l'a-benzoyl-a'-bromocamphre, ]iar
l'action de l'Iiypobromite de potassium sur le même
corps; F. 21i°; [a> = — oS^â dans le benzène; 3" l'a'-
benzoyl-a-chlorocamphre; F 88<';[a]r,=: — 27°, 9 dans le
chloroforme; 4° l'a-l'enzoyl-a^-chlorocamphre; F 219°;
;a]D = -(-26°,2 dans le chloroforme. — M. W. H. Per-
kin jun. poursuit ses recherches sur la brésiline et
l'hématoxyline. L'acide brésilique, C'^H'-O", produit
par l'oxydation de la triraéthylbrésiline, est monoba-
sique et contient un groupe méthoxyle et un noyau
résorcylique, et en outre un groupe carbonyle en posi-
tion Y par rapport au groupe carboxjle ; chauffé avec
l'acide sulfurique, il perd H=0 et se convertit en acide
déhydrobrésilique C'=H'"0'', monobasique, qui est oxydé
par le permanganate avec formation d'acide p-mélhosy-
salicylique ; traité, d'autre part, par la baryte, il se
dédouble en acide formique et en un acide C'H'^O",
dont le dérivé méthylé, C'=H"0', fonda 147". L'auteur est
parvenu à faire la synthèse de ce dernier en traitant
le diméthylrésorcinol par le monochlorure de l'acide
succiniqne; le dérivé méthylé est donc l'acide 2: 4-di-
mélhoxybenzoylbutyrique et l'acide C"H"0'est l'acide
2-hydroxy-4-méthoxybenzoyl bu lyrique :
cipo/Noii
i J(;o.ciim:hm;o°-ii
Les autres composés doivent donc posséder les consti-
tutions suivantes :
(I
-A,CH
c on).cH-.co=ii
Acide brésilique.
co
||(;.CH^co-Il
)
Acide dc'?jydrobrosiliqiie.
""il
m:h-
I
,CHv
(:ii;oii) cii'
~|01i
Joii
L'héniatoxylme n'est qu'unr brésiline ayant un grou|iQ
OH de plus en I dans le noyau I. — M. G. Martin
pense que le seul vrai moyen de distinguer les éléments
est de nature chimique et repose sur le fait que chaque
élément donne une série particulière de composés. Les
propriétés physiques ne sont pas suffisantes. Or, jus-
qu'à présent on n'a pu préparer aucun composé de
l'argon et on n'a fait de ce corps un élément que
d'après ses propriétés physiques. L'auteur conclut qu'il
ne faut pas se presser d'admettre la nature élémentaire
de ce gaz. — M. A. E. Dixon, en faisant réagir le Iri-
chlorure de phospliore sur le thiocyauate de potasse en
solution alcoolique, n'a pu obtenir le phosphotrithio-
uréthane P lAzH. CS. OC-H»)'. Il se dégage de l'acile
thiocyanique, et il reste une huile acide contenant du
phosphore et de l'acide isopersulfocyanique. — .M. E.
P. Perman a étudié l'inlluence des sels et d'auties
substances sur la tension de vapeur de l'ammoniaque
en solution aqueuse : 1° Les sels alcalins augmentent
beaucoup la tension, mais les substances qui n'ont pas
d'action chimique sur l'ammoniaque (urée,maniiite,etc.;
ont peu ou pas d'effet; 2» Le sulfate de cuivre forme
avec l'ammoniaque en solution des complexes qui ten-
dent lise décomposer par échaulTemenl ; .'-1" L'effet du
sulfate de potassium est semblable à celui du sulfate de
sodium et élève la tension. — MM. J. B. Colien et
J. T. Thompson ont fait i-éagirrhypoclilorite de sodium
sur le benzène-sulfonanilide. La réaction se passe en
deux phases :
(:"H'.so=.Azllc.MP-f(:l= = r.»H»SO».Azf:l.(:«H= + n(:i
(;»iPSO*.Az(:i.i;'iP = (;»n".so-.AzH.(;'ii'Ci
170
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
11 se fdiiiie principaleiiienldu beiuriie-siilfonyl-o-cblo-
ranilitlr et un ju'u de //-cliluraiiilide. — MM. J. T.
Hewitt cl S. J. M. Aiild, en décoiniiosani. le henzène-
azo-2-naplilol ai'tJtylç, oui obtenu du l'aniline el non de
l'acOlaiiilidc. l'ar i-rduclion parliclle, on obtient, d'aulii'
pari, un driivi- bydrazoi(|ue C'H'. A/.ll. <;"'H'''. 0. COCll'.
Ce» laits montrent que le i)euzrn('-azo-5;-naplilol ost bien
un compose oxyazoïquc el non un dérivé quinone-
liydrazonique selon Mcdilau et Kegid.
ACADÉMIE DES SCIEiNCES DE VIENNE
Sùance du 1',) Déccinhre lOOI.
l" SciKNCEs MATiii^;.M.4TigLEs. - .M. E.WaelsGh : I/ann-
]ysc binaire de notre espace. — M. G. von Escherich :
La variation seconde des intégrales simples.
2" SciE.MiEs l'HvsiouEs. — M. Egon von Oppolzer :
l.e mouvement de la terre et létber. — M. H. Mâ-
che a «^Indié la dispersion de rélecliicilé dans l'air
conliné d'aprt^s la mélbode d'Klster el (jeil'l. La dis-
persion aunmenle avec le temps pour alieindre, après
une iiuinzaiiie de jours, une limile qui dépend de l'air
el ne varie plus. Cette limite est peut-être la valeur
normale; elle diminue linéairement avec la iiression,
mais n'est pas iiilliiencée par la température entre
IG" et GO" C. — M. P. Czermak a l'iudié la dispersion
de l'électricité pendant b's lem[)ètes atmospbériques
(l'ohn). Les recberches de ses prédécesseuis ont inonlré
il ois faits : 1° On observe les plus faibles coerticients
de dispersion dans l'air nuageux ou prèl à la conden-
sation, tandis que les plus baiils coefficients se pré-
sentent avec un temps très clair; 2" le coefficieni de
di*[iersion augmente considérablement avec la bauteur;
:i" le rayonnement ultra-violet du Soleil produit une
forte ozonisation de l'air, surtout perceptible dans la
tempête. L'auteur en déduit que la transparence et
l'ionisation de l'air des tempêtes doivent leur cause à
une forle dispersion électrique. Des observations faites à
Innsliruck conlirmenl ses conclusions. — M. F. von
Lerch, par des mesures sur les solutions de CuCl- et
de Cdl', montre que la polarisation dépeud encore,
daus unecerlaine mesure delà force du courant quand
on emploie des forces électromolrices élevées, ce qui
se traduit par des points de llécliissement <le la courbe
de polarisation pour CTlaines forces de durant. Ces
poiuis indiquent le dédoublement d'ions complexes en
ions plus simples. — M. Ad. Lieben a étudié l'action
des acides dilués sur les glycols. Les glycols I : 2 don-
nent sans exception des aldéhydes ou des ciHones ou
un mélange des deux. Mais cotte règle n'est pas géné-
rale pour tous les glycols ; la réaction dépend essen-
tiellement de la posilion des hydroxyles. Les glycols
1 : 4 el I : .'i ne donnent ni aldéhydes ni célones, mais
des oxydes I : 4 et 1 : o avec formation d'un anneau.
I.es glycols 1 : 3 montrent une grande diversité; ils
donnent ou des aldéhydes, ou des célones, ou des
oxydes 1:3, ou des oxydes doubles, formés de deux
molécules de glycol avec séparation de deux molé-
cules d'eau. — M. R. Kudernatsoh, en chaulfant le
chlorure de méthylène avec le benzènesulfonéthyla-
mide soilé, a obtenu une huile, qu'il n'a pu purifier.
Par ébullilion dans le vide, elle se décompose avec
dégagement de pliényldisulflde ; traitée par \IC\, elle
forme de la mélhylaniine. — M. F. von Hemmelmayer
a examiné l'ononine brute du coninierco el n'\ a pas
trouvé moins de sept substances dill'érenles. \^'oiiuiiiuc
vraie est décomposée par les alcalis en acide formi(|ue
el (iiiospinc, et par les acides dilués en t'oriuoiioiictiiic
et en sucre; l'action prolongée des alcalis donne X'oiw-
iictinc et un sucre. La formononétine correspond à la
formule C'''H"0" et renferme un groupe hydroxyle et
un groupe niéthoxyle. L'onone, (".-"H^'Û", est un gluco-
side très peu soluble. La iiseiulo-onoiiine ressemble
beaucoup à l'ononine. Par ébullilion avec les alcalis,
elle se transforme en pactido-onospiiir, C°'H"0", qui
existe sous deux formes isomères; elle est décomposée
par les acides en sucre et en une substance amorphe,
non encore idenliri('o. — M. F. Emich indique uni-
nouvelle mélbode île pré'paraliou de la soie lournesu-
lée bleue; au moyen de celte dernière, il a jm mettre
en évidence l'oxydation du soufre par l'oxygène de
l'air à la température ordinaire.
3" Sciences natihrlles. — .M. J. Cvijic a étudié le
croupe dinarique-albanais. Les plis du système dina-
rique s'écarlent souvent de la direction N\\-SL. Presque
tous les plis extérieurs oiirnlaux se recourbi'ut dans la
direction W-E. Aux environs de Sculai'i, tous les plis
dinariques s'incnrveni même vers le .NE pour former
la plus hante chaîne dn système din.irique, le ProUletije.
Les plis seplentrionaux du système albanais présentent
1" même phénomène; dr la direction NS. ils passent à
la direction NE. Ils forment les chaînes de Paslrik, Ko-
rilnik el Sarga. Entre ces deux systèmes se dressent, sur
le plateau do Scutari, quelques arêtes de calcaire à
radiolithes.
Scancc dn 9 Jnnvicv 1902.
1° SciE.NCEs M.iTHÉMATioiES. — .M. Aug. Adler jiréseuli
un travail sur le [iroblème des normales aux surfucev
dn secoiid degié, traité au poini de vue de la géométrii-
descriptive, avec un appendice sur la méthode de con>-
tiiiclion de Smith avec les élénienls imaginaires.
2° Sciences physiques. — M. G. Jaeger : Sur la loi d.
répartiiion des vitesses des molé^ nies gazeuses. Soit un
liquide, dont la vapeur obéit à la loi de linyle-Charb-s.
et dont, par conséipient, la chaleur de vaporisation el
le volume sont indépendants de la tempé'rature. Pour
un liquide semblable, on déduit imméiliatement île
l'équation de Clapeyron-Clausius la relation entre l.i
ten^iûn de vapeur et la température. Mais on peul au^~i
formuler celte relation d'une façon exacte d'après !<■-
piincipes de la théorie cinétique des gaz, si l'on adnp-l
une loi de répartition entre les vitesses des niolécuii-^
gazeuses. Celle-ci est introduite d'abord comme fonc-
tion inconnue de la vitesse. En égalant les expression^
obtenues par les deux méthodes pour la tension de va-
peur, on oblient, pour la réparlition des vitesses, la loi
formulée par Maxwell. Cette déduction est remarquabb
en ce sens qu'elle ne repose sur aucune hypothè-i-
relative à la conslitulion et aux chocs des molé'culev.
— M. J. Hann a étudié les variations des précipilalion<
atmosphériques à Padoue de l'72o à 1900. àlvlagenfuil
de 1813 à 1900 et à Milan de 17C4 à (900. 11 a con>lali
dans ces variations une période d'environ 3:'> années
qui est Celle de lîruckner. Voici ifuelles seraient b>
années moyennes sèches et humides de ces périodes :
Humides .
1738
rra
180S
1813
18-8
(1913)
Sèches . .
iTiJ
l'ISS
1823
d85a
1893
.11928:
Il y aurait aussi une certaine périodicité dans les pr'
cipilalions mensuelles. — .M. A. Kirpal a transformé
par la téaclion de Ilofmann. l'étber mélhyliqne île
l'acide ciuchoméronique en acide amidonicotinique :
ce dernier, chauffé à 330", perd CO'' et donne de la
f-amidopyridine. L'élher jirimilif était donc un éthei -;.
1-e même étber, rhaufl'é longtemps à 154", se transpose
en acide apophyllénii]ue :
\/
C'.H'Az
.0
L'acide apophyllénique serait donc la béta'ine .3-car-
boxylée de l'acide isonicotique. •
3' SciE.NCKS natuhelles. — M. K. Gorjanovic-Kram-
berger : Sur le liudmania et d'autres Limnocardiés
subpontiques de la Croatie.
ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM
ScnurL' dn 28 Décembre 1901 [snitr).
I" Sciences physiques. — M. H. W. Bakhuis Rooze-
boom : Solutions de sols à deux points d'idjullitiuii rt
ACADEMIES KT SOCIÉTÉS SAVANTES
171
ptiiuoinrnes qui n'y riipporlent. La présente note fait suite
à une série de recherches, terminées déjà en 1889, sur
les lignes de la tension de vapeur de solutions saturées.
Ces recherches sur les systèmes se composant de gaz
et d"eau, d'eau et de sels, ou d'ammoniaque et de sels,
conduisaient à ce résultat que, dans tous ces cas, les
lignes de la tension de vapeur des solutions saturées,
c'ost-à-dire des solutions en contact avec une phase
solide, présentent une forme analogue, qui ne varie pas
avec une des suppositions que cette phase solide se
rapporte à une des deux substances, ou à une combi-
naison de ces deux substances. Dans le cas d'eau et de
sel, on commeni-e, à des températures assez, basses, par
des solutions très peu concentrées. Ordinairemenl, la
concentration de la solution saturée augmente avec la
température, jusqu'à ce qu'on arrive, dans le cas le
plus idéal, au point de fusion du sel, qui forme la
phase solide, et qui peut être soit un hydrate, soit un
sel anhydre. Dans tous les cas où l'on parvient à ce
point de fusion, la ligne de la tension de vapeur montre
la forme indiquée dans la figure 1 par AHC. Donc, la
tension delà vapeur s'accroît de A jusqu'à B, atteint un
maximum en B, et diminue de B jusqu'au point de
fusion du sel. Pour faire ressortir la concentration
croissante de la solulion, on a indiqué, par des lignes
poinlillées de jusqu'à 11), les lieux des points corres-
l'ii,'. 1. -^ Courbe des tnasions de vapeur d'une solulion
saline à deux poinis d'ébulliiion.
pondant à des tensions de vapeur d'eau, de solutions à 16f,
20, ... lUO molécules pour cent de sel, de manière que
la ligne 10 corresponde à la tension de la vapeur du
sel fondu. Sur la ligne AB, la vaporisation de la solution
saturée est accompagnée d'une absorption de chaleur.
En laissant de côté Je petites quantités de sel qui se
trouvent dans la vapeur, le phénomène se caractérise
par :
Solution saturée -*- Sel soliJe + Vapeur d'eau.
Aussi longtemps que la solution contient une grande
quanlilé d'eau, la vaporisation de l'eau exige plus de
chaleur que n'en donne la cristallisation du sel qu'il
contient. Ainsi la tension de la vapeur croît avec la
température. Mais, en même temps, la concentration de
la solution augmente, de manière qu'on arrive bientôt
à un point B, où les- deux quantités de chaleur devien-
nent égales. Ici, l'effet thermique-est zéro. A des tempé-
ratures encore plus élevées et pour des solutions de plus
en plus concentrées, sur la partie BC de la ligne, au
contraire la vaporisation de la petite quantité d'eau
exige moins de chaleur que n'en dégage la cristallisa-
tion de la grande quantité de sel dissous qu'elle contient ;
ain*i la vaporisation de la solution saturée fait naître
de la chaleur et la tension de la vapeur diminue. Si
l'on négligeait la vaporisation du sel, la tangente en l'.
à la courbe BC devrait être parallèle à l'axe des ten-
sions. Jusqu'à présent, l'auteur n'avait observé la forme
remarquable de la ligne ABC que dans le cas de solu-
tions saturées de CaCI-,6H-0. A cause de la petitesse
des tensions, cet exemple ne permettait pas d'en faire
saisir la grande imporlance, et d'autres recherches
s'imposaient. C'est M. A. Smils qui s'est chargé de celte
partie des recherches, sur quelques sels anhydres dont
on peut pousser la courbe de solubilité jusqu'au point
de fusion C du sel. Si ce point de fusion C est situé
assez loin au delà de 100°, la solubilité à cette tempéra-
ture est encore insignifiante, de sorte que toutes les
solutions saturées appartiennent à la paitie AI! de la
ligne de tension de la vapeur. Menons une droite DEKG,
parallèle à l'axe des températures, aune hauteur d'une
atmosphère, coupant la ligne ABC d'abord au point E
situé au delà de 100", faisant connaître la température
de la solution saturée sous une pression d'une atmos-
phère. En commençant à des températures plus basses,
on fera monter la pression de la vapeur de A jusqu'à
E par l'addition de la chaleur. Seulement, dans un
vase ouvert, une addition continue de chaleur, au lieu
(le faire croître la température, vaporisera la solution
à sec. Car, en effet, nous y trouvons réunies les trois
phases : sel solide, solution et vapeur, sous la pression
constante d'une atmosphère. On parvient au même
résultat en se servant d'une solution diluée D bouil-
lant à l'". En chauffant, la concentration de la solution
augmente et l'on parcourt tout le segment de droite
UE jusqu'au point de saturation E. La sulistanc'e conti-
nue Af bouillir, si \\m ajoute encoie de la chaleur,
mais le point d'ébullition ne monte plus, parce qu'en
même temps que l'eau se vaporise, du sel solide se
forme de manière que la concentration ne varie pas.
Cet ordre de choses a été observé par plusieurs physi-
ciens. L'auteur s'est assuré seulement que la tenipiVa-
ture reste en E très constante, quand, pour obtenir une
ébullition uniforme, on y fait passer de la vapeur d'eau
et que l'on chauffe à l'aide d'un bain d'huile. Le point
E forme ce que l'auteur appelle le premier point d'ébul-
lition. Aussitôt que la solution est vaporisée à sec, la
température peut s'accroître et l'on suit le segment de
droite EF, se terminant à un second point d'intersec-
tion F avec la ligne de la tension ABC. Au.>.siiôt qu'on
a franchi ce point, on arrive sur FC dans la partie des
solutions insaturées. 11 faut donc qu'en F se forme de
nouveau de la solution. Donc, en F, on se trouve en face
du phénomène rencontré en E, mais pris en sens
inverse, de la solution se formant en faisant disparaî-
tre une quantité correspondante de sel solide et de
vapeur d'eau. Ainsi un échauffement prolongé, au lieu
de faire monter la température, fait résoudre tout le
sel, ce qui n'exige qu'une petite quantité d'eau. D'ici on
parviendra, en continuant, à des solutions de plus en
plus exemptes d'eau jusqu'à ce qu'on atteigne en G le
point d'ébulition du sel même. L'auteur appelle le
point V le second point d'ébullition de la solution
saturée ; seulement, le phénomène du bouillonnement
ne se présente pas ici après échaulTement, mais après
refroidissement. Pour y arriver, ou n'a qu'à suivre le
TAl!LE.\r I.
PREMIER
SECOXD
POINT
SKL
poiol.
point
de
■
.IV-buIlilion
d'éljullition
fusion
; KAzO»
tl5
:i:il
:;3'i
.\hAzO"
121)
310
313
NaCKl'
126
2nii
2lil
AgAzd»
133
l'Jl
208
Tl.VzO'
103
196
205
même chemin en sens inveise. On peut fondre le sel,
et y ajouter de la vapeur d'eau de manière à obtenir
la solution correspondant au point C. En refroidissant
et en continuant d'ajouter de l'eau, on parcourt le
segment de droite C'F, jusqu'au point F eu question.
Alors un refroidissement continu ferait cristalliser du
sel solide de manière que la pression se conforme
avec la ligne FB; cela étant impossible, sous la près-
n-2
ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES
sion cVune atmosphère, la solution commence à bouillir
à sec, la temp(^ralure restant constante. Le bouillon-
nement est plus fort à mesure (|ue le refroidissement
est soudain. En continuant loujours, on devrait consta-
ter, au point E. que la solution s'empare de nouveau
de vapeur d'eau. I.o tableau I contient les ri^sultats de
M. Smits; il montre que le second point d'ébullition
est situé f;énéralemont à proximité du point de fusion.
Ensuite, l'auteur indique plusieurs phénomènes en rap-
port avec les observations précédentes : la présence d'eau
dans les roches plutoniques. remarquée par Bunsen,
l'oxydation des métaux fondus, les lluides contenant
de i'oxyj,'ène saturé avec des métaux solides, le phé-
nomène de l'expulsion de l'oxygène pendant la cristal-
lisation de l'arsenl. etc. — l'uis M. linozeboom pré-
sente, au nom de M. E. Cohen : L'ciutiiliolmiiie du fv-
t:iiii. Septième communication (voir, pour les parties
précédentes, liev. f/i'iii-i-. des Se, t. X, pp. SdO, 887;
t. XI. pp. 102, .ïlli, 1074; I. XII, p. to2|. Dans le village
d'Ohlau, en Silésie, l'église catholique possède un
orgue, qui fut réparé en IH.3.'5. Parmi les tuyaux nou-
veaux posés à cette époque, 28 ont subi une corrosion
1res forte, tandis que les tuyaux anciens sont restés
intacts. En 188H, le phénomène fut remarqué pour la
première fois. Le toit en bois de l'éfilise se trouve
immédiatement au-dessus de l'orgue ; ainsi l'orgue est
exposé alternativement à la chaleur en été et au froid en
hiver. Température moyenne d'hiver — l'OV, tempéra-
ture d'été 7°97. L'auteur se demande encore si la pureté
du métal influe sur l'érosion; il fait ressortir que les
échantillons qu'il a examinés ne contenaient que des
dix-millièmes d'autres mélaux. — M. W.-H. Julius pré-
sente la thèse de M. L.-J. Terneden : » Un dilalomètre
pour des objets très petits à des tempérât ores élevées. ><
2" Sciiî.NCEs NATLRELLEs. — MM. C. "WinkleF et G. van
Rynberk : Sur ht fonction et la structure des atomes
derwiques du torse (Suite). (Voir /Ver. ;/en. dos Sa.,
t. XII, p. 1132). Recherche sur la manière dont
les champs noyaux et les champs marginaux em-
piètent les uns sur les autres. — Ensuite, M. Winkler
présente, au nom de M. J.-K.-A. 'Wertheim Salomon-
son : Une nouvelle loi d'irritation. Il esl généralement
connu qu'on fait croître l'elTet en augmentant la force
de l'irritation. Seulement, jusqu'à présent, une relation
précise entre ces deux quantités — cause et effet — n'a
pas été trouvée. Il est vrai que, pour un certain groupe
d'irritations affectant i[uelques-uns de nos sens, il existe
une loi faisant connaître approximativement de quelle
manière l'observation de ce sens dépend de l'irritation :
Taiu-Eau II
.\ = 10.!J377(i li = 0.0ïlllS:i2 C = .■.■).J02S !
R
1
(.0
.'i.o38;; :,.:; i -r (i,oiîI';
K.ï
7.1U10
7 II
— 11,1910
71)
8,:i59:i
8.9
-f- 0,3417
7.")
;i,427.H
9.6
+ o,i7.>:,
KO
11,9788
10.3
-1- 0,3212
sr; •
I(l.:i288
10. .5
+ 0.1712
'.10
10,. •;.•;! 2
10.6 j + (i.ons
«5
10. 0923
10.7 ! — (l,UU77
I;- = 0.;i2|.ï98 p. w. = n,i>o3t;i
la loi psycho-physique due à Wiber et Fechner. Mais
celte loi ne se véiilîc pas dans le cas de substances
contractile?. D'un autre coté, la loi myophysique de
l'reyer, analogue à celle de Weber-Fcchner, esl censée
un insuccès, l.n examen criti(jue de la littérature ré-
cente sur ce sujet mène à la conclusion qu'on ne con-
naît pas encore une lui sali>faisante entre cause et
ifl'et. L'auteur croit avoir trouvé, en partant de pré-
misses déterminées, une loi s'accordant avec une
grande précision avec les résultats des observations.
Les prémisses sont au nombre de trois : i" pour des
accroissements inlinitésimaux de l'irritation, les accrois-
sements de l'effet sont proportionnels «nx accroisse-
ments de l'irritation; 2" la quantité de substance ana-
lysée dans un temps infiniment petit est proportionnelle
à la quantité de substance présente; 3" l'ellet est pro-
portionnel à la quantité de substance analysée. La loi
elle-même s'exprime par l'équation :
où : représente l'effet, R la force de l'irritation, c la
base 2,718.28... des logarithmes népériens, tandis que
A, B, C indiquent des constantes. L'auteur appliciue sa
formule aux résultats des expériences magistrales de
Tigerstedt. (Stockholm, 1844). Pour faire connaître le
degré de correspondance entre l'elTet calculé K. ( '.. et l'ef-
fet observé E. 0. nous donnons au tableau II une série
d'expériences, on o désigne l'erreur, et p. m. l'erreur
moyenne. — M. P.-P.-C. Hoek s'occupe de l'élut moins
favoraljle de la culture des huîtres, accusé par un en-
graissement retardataire des huîtres, une grande mor-
talité en certaines années, et une mortalité plus grande
qu'auparavant dans ces dernières années. L'auteur
considère successivement les trois suppositions sui-
vantes : 1° les circonstances naturelles de la culture
sont changées;2" l'huitreelle-mêmeestchangée; 3" l'état
moins favorable est dû à la culture. La construction
de la digue du chemin de fer à Wonsdrecht, en 1867,
qui a coupé la communication entre les deux branches
de l'Escaut, a sans doute inlluencé la teneur en
sel de l'Escaut oriental, où se trouvent les huîtrières
renommées; seulement, l'état moins favorable date de
1883 environ. Une dégénération des huilres de Zélande
ne peut être invoquée; car des huîtres très petites de
l'Escaut (à Grévelingen), transportées en quelques en-
droits de l'Escaut occidental, aTi Zuiderzée, près de l'île
de Texel même, ont donné des résultats magnifiques. Il
semble donc que l'épuisement du sol est cause de cette
rétrogradation. Les résultats très favorables des pre-
mières années, la concurrence qui lit monter énormi'-
ment les prix d'amodiation du terrain ont imposé d' -^
exigences de plus en plus grandes aux régions produc-
trices. Confiant dans les quantités énormes d'eau niisi^-i
en mouvement par les marées, et croyant que l'huiiiv
se nourrit avec les microorganismes du plankton,
amenés par l'eau courante, il sembla que la quantité
d'huitres qu'on pourrait cultiver était illimitée. Seule-
ment, des expériences récentes ont prouvé que l'huître
se nourrit avec de petits organismes végétaux, ave<'
des diatomées, des « benlhos ». Ces diatomées du sut
dépendent exclusivement du caractère du sol. — Itap-
port de M.M. A.-A.-W. Huhrecht et Hoek sur une com-
munication de .M. J.-Th. Oudemans : i:tnde sur la
position de repos chez les ■■ Lépidoptères ". et de
-V.M. .I.-M. van Bemmelen et (i. van Diesen sur une
communication de -M. J. Lotie : « Description de quel-
ques nouveaux percements du sol III i. » Ces travaux
paraîtront dans les Mémoires de l'Académie. — M. C.
Hoffmann présente, pour les Mémoires de l'.Xcadé-
mie : <• Zur Entwicklungsgeschiclite des Symphaticus.
IL Die Enlwicklungsgeschichte des Sympliatiius liei
den Irodelen. » — .M. J.-M. van Bemmelen présente
au nom de M. G. Reinders : " Communication sur
la distribution du minerai d-' ter. en jiartie poudreux,
et eu partie en forme cylindiiquo, des |iroviiices de
Croningue et Drenle. » Sont nommées rapporteur-i
MM. Schncder van der Kolk et van BemineUn. —
.M. van der Waais présente au nom de M. P. -H. Eyk-
man : « Photographies de mouvement aux rayons de
liiinigen. » .Sont nommés rapporteurs : .M.M. Winkler et
Place. P. -H. SciiciUTE.
Le Directeur-tJéranl : Louis Oi.ivikii.
PiHis. — L. MARifiiiBU.K, imprimeur, 1, ruo CasseUe.
13» ANNÉE
N- 4
28 FÉVRIER 1902
Revue générale
des Sciences
pures et appliquées
DiRECTEDR : LOUIS OLIVIER, Docteur es sciences.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction !i M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la trailuclion des œuvres et des travaux
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, ta Norvège et la Hollande.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
S 1.
Astronomie
Perturbations périodiques des petites pia-
notes. — La Ilevue a récemment indiqué (livraison
du 30 ao'U l'JOl) l'importance des études relatives à
l'anneau des petites planètes, tant au point de vue
cosmogonique qu'à celui des perturbations prépondé-
rantes de Jupiter; et, quel que soit le système adopli'
pour les coordonnées, elle a cherché à montrer qu'il
serait préférable de toujours subdiviser l'anneau en 3,
6, ... régions, limitées et définies par les relations de''
oommensurabilité, suivant l'ordre infinitésimal auquel
on veut s'arrêter : on entre ainsi directement dans les
vues de Kirkwood relativement au rôle de Jupiter, créa-
teur de marées dans la nébuleuse solaire en voie de
condensation, et susceptilile d'arracher des anneau.'^
successifs. Or, tandis que M. de Freycinet croit devoir
diviser l'anneau en trois ou cinq régions et rapporter
les planètes au plan de l'équateur solaire, M.J. Mascart,
dans ses études statistiques, trouve plus logique de les
rapporter au plan de l'orbite de Jupiter, planète trou-
blante essentielle.
D'autre part, au point de vue des perturbations,
S. Newcomb et Doberck ont trouvé une tendance des
périhélies et des nœuds à se rapprocher du périhélie et
du nœud de Jupiter; et, cependant, la statistique ne
révèle pas de pareilles condensations d'une manière
sensible. La question est fort importante, puisqu'elle est
connexe au développement de la fonction perturbatrice,
développement qui sera possible ou non d'une façon
convergente, qui introduira des termes strictement pé-
riodiques, ou bien encore des termes séculaires.
C'est dans cette voie que M. A. Féraud a fait d'impor-
tantes études, dont les résultats ont été piibliés passhn
aux Comptes rendus de f Académie des Sciences et
dans les Annales de l'Observatoire Je Bordeaux. Voici
la position de la question : La partie principale - de la
fonction perturbatrice a pour expression :
- = l\,„y E'"»'+mV' • = IB,„^,„' E'" ""■ + »<'.'):
A étant la distance des deux planètes dont v, \ ', 1, I' sont
BEVUE GÉNÈR.^LE DES SCIE.N'CES, 1902.
l7t=Ii,„ „/ =
/A-
les anomalies excentriques et moyennes. Les coefli-
cients A et B ont pour expression :
, , . ,_ r/~_dxdy\E^_
-.«- ,„_,„ -JJ -__^^^^__^_^ _
dxdy
prises le long des circonférences (.y) = 1 et (y) = 1.
Si les quantités a, a', to, to', valeurs des grands axes et
de l'angle de la ligne périhélie avec la ligne des nœuds,
sont considérées comme données, les coefficients
A„,,,„i et B„,,,„i sont alors des fonctions des excentricités
et de l'inclinaison mutuelle J des deux orbites : ces
fonctions peuvent être développées suivant les puis-
sances des excentricités et de sinJ, ou encore suivant
les puissances des excentricités, de sin' - et cos" '-
M. Féraud s'est proposé, précisément, de rechercher
les conditions de convergence de ces développements
dans les deux hypothèses suivantes :
1» Lorsque, l'une des orbites étant circulaire et l'autre
elliptique, le grand axe de l'orbite elliptique est con-
fondu avec la ligne des nœuds;
2" Lorsque, l'une des orbites étant circulaire et l'autre
elliptique, le grand axe de Torbite elliptique est per-
pendiculaire à la ligne des nœuds.
Les principes de la solution de pareils problèmes ont
été indiqués par M. Poincaré dans le t. X\ du Bulle-
tin Astronomique; le savant géomètre montre d'abord
que les coefficients A„,,,„i et B,„,,„i sont développables
suivant les puissances des excentricités et de l'inclinai-
son, que les limites de convergence de ces développe-
ments sont les mêmes pour tous ces coeflicienls
A,„,„,i et B,„,„,i, et que ces limites sont les mêmes pour
tous les coefficients, quels que soient les entiers m
et m' ; puis, il établit les valeurs critiques des excen-
tricités et de l'inclinaison.
Ainsi, les deux problèmes que se pose M. Féraud ont
été traités en vue de l'application aux petites planètes
dont les orbites remplissent sensiblement les conditions
théoriques qu'ils supposent; dans ces deux hypothèses,
la distance des deux astres présente de précieuses
17i
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
symétries; on peut siip|ioser nulle l'e.xri;iilric-i(('' île
Jupiter et nous nous trouvons en préseine d'une heu-
reuse application des éléments des orbites rapportés au
plan de Jupiter, comme cela était logique.
Trente-quatre petites planètes offrent sensiblement
les conditions du premier problème : pour chacune
d'elles, les coeflicienls A,„,„,i et B„„„,i sont dévclop|iahles
suivant les ]puiss;iiirr- île l'excentricité et de sinJ, à l'in-
térieur des irnirs .i\ant pnur centre l'origine et pour
rayons l'exceiii milé l'I la valeur de sinJ relatives à la
planète.
Le second problème correspond appro.ximativement
à 61 astéroïdes : pour 58 d'entre eux, les dévelop-
pements de A„,,,„i et lî,„,mi suiv.iul les puissances de
l'excentricité et de sinJ peuvent être effectués dans les
mêmes conditions que précédemment. Pour les trois
dernières planètes, 18.3, 225 et 361, ces mêmes coeffi-
cients peuvent être développés suivant les puissances
de l'excentricité, de sin' - et de cos= - pour toutes
2» 2
les valeurs de l'angle J et à l'intérieur d'un cercle ayant
poui' centre l'origine et pour reyon l'excentricité de la
[daiiète.
Tels sont les importants résultats obtenus : M. Féraud
est un des rares astronomes, en France du moins, qui
s'efforcent d'appliquer les nouvelles méthodes de la Mé-
canique céleste; l'intérêt de .ses recherches et l'élé-
gance des résultats acquis prouvent assez l'utilité qu'il y
aurait à rompre un peu plus avec l'ancienne routine.
5; 2. — Chimie physique
Siii- la i-olalioii iiia&:iii'Mique de quelques
alcools poi.ylivflrox>l<^s. «riu-xoses et de sae-
eharoliioses. — 1-e siiiiiuliei phênumène de la niulti-
rotation des sucres a donné lieu à plusieurs explications
différentes. Une de celles qui sont le plus généralement
adoptées dans le cas du glucose a été donnée par Fischer.
Ce savant suppose que, premièrement, le glucose
C"H"0° est purement et simplement dissous dans l'eau;
il possède alors le pouvoir rotaloire «[j,] = -|- 10o»,l6.
Après six heures, on trouve «[i,] ^ 52°,49 ; c'est qu'il s'est
formé une combinaison CH'^O'.
M. Perkin ' vient de se demander si, réellement, il en
est bien ainsi et si l'intervention de la rotation magné-
tique, qui, entre ses mains, a servi à résoudre quelques
ilélicats problèmes de ce genre, ne pourrait pas jeter
quelque lumière sur ce sujet.
Si l'on examine successivement les valeurs des rota-
lions magnétiques de l'alcool mélhylique, du glycol.
de la glycérine, de l'érythrile, etc., on trouve que les
valeurs obteimes ne croissent pas proportionnellement
avec le nombre des groupes OH qui rem|ilacenl un
atome d'hydrogène. Ainsi, l'augmentation, qui est de
0,163 entre le glycol et l'alcool éthylique, n'est plus que
de 0,028 entre la mannile et le groupement (rotation
magnétique calculée) Cil- 4- C'II'^OII,'.
Un premier résultat est donc que l'inlluence do la
substitution d'un groupe OH devient sensiblement nulle
quand cette substitution a eu lieu déjà 7 ou 8 fois. On
sait que l'auteur a calculé autrefois les constantes rela-
tives aux ditîérentes fonctions. Si, d'après cela, on cal-
cule la rotation rnagnéliciuedu glucose, ce dernier étant
considéré comme une îildéhyde, ou ne trouve pas le
résultat expérimental, mais un nombre assez différent
(6,913 au lieu de 7,723). Au contraire, si l'on admet la
formu'.e oxydique :
-0-
(Ml.CIl.Cll.Cll.Ctl.C.IldlI.CIl-iilI.
les déterminations théorique et expérimentale con-
cordent.
' \V. 11. Pkiimn sex. : Chrw. .Soc, t. LXX.Xl, p. l'I.
Donc, en solution, le glucose pos-ièile la formule
de ToUcns (forme [i de Tanret). L'auteur a été égale-
ment conduit, par des déterminations analogues, à
admettre que : 1" le galactose, en solution, se comporte
comme le glucose, mais il ne prend que partiellement
la forme oxydique; 2° le sucrose est formé par l'addi
tion d'une molécule de glucose fl et d'une molécule dr
fructose [3 avec élimination d'eau; 3" le maltose est
formé par la réunion d'une molécule de glucose aldé-
hydique (glucose a) et une molécule de glucose oxy-
dique (glucose j3) avec élimination d'eau; de même, le
lactose contient une molécule de glucose a et une mo-
lécule de galactose fi.
Les nouvelles formules obtenues en traduisant les
résultats fournis par les rotations magnétiques con-
cordent toutes avec les pouvoirs réducteurs des sucres
consiilérés.
^3. — Agronomie
l>eux maladies parasitaires du ina'is. —
Depuis deux ou trois ans, les plantations de maïs du
Midi de la France et du Nord de l'Espagne ont eu à subir
do graves dommages par suite de la propagation de deux
papillons nuisibles : le Scsamia nûii;i;/rioifl('sde Lefèvre
et l'IIeliot/iys avmiqern de Hubner. Ayant eu à s'occu-
per des moyens de combattre ces deux insectes, un
agronome espagnol, M. Vicente de Laffitte, vient >\r
faire, sur le développement de leurs l.irves et le>
ravages qu'elles commettent, des observations qu'il nous
paraît intéressant de résumer ici.
Le Sc^amici nonnijrioifles appartient à la grande
famille des Noctuelles, genre Sesaniia, dont les larves
vivent dans les tiges de diverses plantes (Graminées,
Typhacées, Cypéracées,
etc.). Ce Lépidoptère, à
l'état d'insecte parfait,
c'est-à-dire de papillon
(fig. 1), a la tête, le corps,
les antennes et l'abdo-
men d'une couleur jau-
nâtre, semblable à celle
des cannes sèches. Les
ailes antérieures sont de
la couleur du café au lait,
avec un léger reflet mé-
tallique; les postérieures sont un peu plus blanches
sur les deux faces. Li'S antennes présentent l'aspeci
d'une lime. Ces papillons volent le soir près de l'en
droit où ils sont nés.
Les clinnilles de cet insecte (fig. 2) sont blanches, un
peu jaunâtres, avec le revers légèrement rosacé; la tête
apl.itie est d'une couleur gris-ronge : elles ont 14
pattes, 4 à l'avant, 8 au
milieu et 2 à l'arrière.
Leurs dimensions sont
très variables, car elles
dépendent de la nourri-
ture et de l'espace que
ces chenilles trouvent
pour se développer.
Au printemps, de mai
à juin, la femelle du Scsaiiiin, une fois fécondée, pra-
tique, au moyen de sa trompe, un petit trou, imper-
ceptdjle à l'œil, dans la tige du maïs (lig. 3^, lorsque
celui-ci a trois ou quatre semaines, et elle y dépose
ses œufs. Il en nait bientôt de petits vers, presque
imperceptibles, qui, en sortant, perforent la tendre
feuille, puis reviennent i la tige et pénètrent jusque
dans l'intérieur. Au fur et à mesure qu'ils se dévelop-
pent, ils ouvrent de longues' galeries et détruisent la
moelle (fig. 4).
La forme di^ ces galeries varie : parfois, elles sont lon-
gues et étroites; d'autres fois, courtes et sphériques.
Cénéralcment, la partie de la tige du maïs attaquée tout
d'abord est l'intervalle compris entre le dernier nœud
et la racine. Les galeries étant tracées dans cet espace'
Fig. \. — Scsniiiia nonagrioi-
dijs à l'elat d'insecte parfait.
Fi"
— Cil en il 11' cJii Scsa-
ia iionayrioidi-s.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
i'\ la jiailie médullaire étant détriiile, les chi'nilles se
Iranslornieiil en chrysalides dans leur étroite piison,
Kig. :!. — Aspect extérieur d'une tige dr mais ultnqurr pnr
h- Si.-sainiu nonacjrioides. — A, trou par lequel est entré
l'insecte pour déposer ses œufs.
après avoir pratiqué une sorlie pour le papillon.
Malgré la terrible blessure causée au maïs, la vita-
lité de cette gramiriée est si grande
g c que la plante continue à se déve-
lopper, et l'épi arrive à maturité ;
mais, la base de la tige étant mi-'
née, la moindre rafale, le poids
de l'épi ou une forte averse suffi-
sent pour abattre la tige.
Quelquefois, soit que les che-
nilles de la partie inférieure de la
tige n'y restent pas, mais, en per-
forant les nœuds, pénètrent dans
les autres sections de la canne;
Suit que divers papillons se soient
placés sur les diltérentes parties
de la tige séparées par les nœuds,
on observe que plusieurs chenilles
vivent réunies dans chacune de ces
parties, et qu'une fois la tige perfo-
rée sur une grande échelle et toute
la moelle rongée, elles se rassem-
blent pour attaquer l'épi, qu'elles
détruisent en dévorant les grains,
Entin, lorsque la plante est en-
core petite, la chenille attaque les
tleurs mâles en formation, ainsi
que l'épi femelle. Si ces fleurs ne
sont pas détruites entièrement,
l'attaque provoque, tout au moins,
l'avortement de l'épi femelle.
Alors la plante ne se développe
guère; elle reste très petite et
périt bientôt.
Vers la fin de juillet ou le com-
mencement d'août, M. de Laffltte
a remarqué que les chenilles ont atteint tout leur dé-
veloppement, et qu'elles se transforment en chrysa-
lides. Vers la même époque, il a recueilli des chrysa-
t'ig. 4. — Intérieur
d'une tige de maïs
attaquée par le Se-
saoïia nonagrioi-
des. — A, trou
d'entrée de lin-
secte: li, C, gale-
rie>: U, cheuillc.
lides sur la section infériinire de la tige, sur les autres
sections et sur l'épi, et il a obtenu, au bout de cinq à
si.\ Jours, de beaux papillons.
Quelque dix ou quinze jours après la métamorphose,
les papillons sortent des clirysalides contenues dans les
tiges du maïs; ils s'accouplent ensuite et, aussitôt, les
femelles, étant devenues fécondes, déposent leurs œufs
sur les plants de maïs semés |. lus tard et dont les tiges
sont encore vertes. Quelques jours après l'éclosion, les
petites chenilles nées de la deuxième génération com-
mencent leur œuvre destructrice.
Pendant le mois de septembre, ces nouvelles chenil-
les atteignent tout leur développement : une partie
d'entre elles, leur évolulion terminée, se transforment
en chrysalides, de la même façon que celles de la pre-
mière génération, tandis que les autres se préparent
à l'hivernage. C'est de ces deuxièmes chrysalides que
sortent les papillons, environ quinze jours après la mé-
tamorphose, pendant la première moitié d'octobre;
ceux-ci donnent lieu à une troisième génération, mais,
alors, partielle. C'est ce qui explique qu'à la fin d'oc-
tobre on trouve des chenilles nouvellement nées dans
quelques champs de maïs à fourrage, et que les pa-
pillons se rencontrent, dans les champs de maïs, de
mai ou juin à la fin d'octobre.
Les chenilles provenant de la deuxième génératiorii
qui ne sont pas transformées en chrysalides, ainsi que
celles issues de la troisième génération partielle, dans
le cas où elles peuvent compléter leur développement,
passent l'hiver cachées sous les tiges de maïs sèches
ou bien sous terre, se transforment au printemps, et les
papillons sortent enfin vers mai ou juin, époque à
laquelle l'insecte recommence son œuvre d'extermina-
tion. Les chenilles du Sraainia iwiinfjvioides supportent
parfaitement les basses températures d'hiver, dans] le
Nord de l'Espagne et le Midi de la France.
On trouve donc, au printemps, des chenilles de l'an-
née précédente avec celles qui viennent de naître.
La présence, à une même époque, de chenilles de tout
âge, ainsi que la rapidité de leur développement, font
coraiirendre l'importance des dommages causés par cet
insecte.
Le second ennemi du maïs que M. de Laffltte a étudié,
YHcliolliys arwigcra, a été signalé depuis longtemps
dans les champs du Midi
de la France et du Nord
de l'Espagne.
C'est un papillon de
38 millimètres (fig. S"i,
ressemblant considéra-
blement à la Noctuelle
qui porte le nom de He-
liothys peltigeva Dup.,
mais s'en distinguanttou-
jours facilement par le
dessous des ailes supé-
rieures, qui porte deux points noirs, tandis qife
VHoUotliys pelUijera n'en possède qu'un.
Lorsque l'épi du maïs commence à se former, la
femelle de cet insecte dépose ses ceufs dans un petit
trou qu'elle perce dans
l'involucre de l'épi. Quel-
ques jours après, les che-
nilles (fig. 0) naissent et
commencent à pénétrer
dans l'intérieur de l'épi
pour dévorer les grains
qui sont sur le point de
mûrir (flg. 7). Presque
toujours, l'épi est attaqué par l'extrémité où se trou-
vent les fleurs femelles. On peut en trouver plusieurs
dans un épi.
Cette chenille offre deux variétés distinctes : l'une,
verte, finement rayée de blanc, avec une bande blan-
chiitre sur les côtés; l'autre, jaunâtre ou d'un brun
jaunâtre, finement rayée de brun, avec bande jaunâtre
surmontée de brun sur les côtés et une ligne dor-
Eig. 5. — Heliulhys arniiijeru
à l'état adulte.
Fi^
— Clienille de l'Helio-
tbys armigera.
176
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
sale brune borJe'e laléralement d'un peu de jaune.
Ces deux variétés ont le corps parsemé de petits
tubercules noirâtres, qui donnent naissance à autant
de poils raides. Parvenue à toute sa cioissance, on la
trouve en août et en septembre; elle fait une coiiue
lâche dans l'extrémité de l'épi ou s'enfonce en terre
pour chrysalider, ce qui a lieu ordinairement en oc-
tobre. Les chrysalides sont d'une couleur marron clair.
Une moitié environ des chrysalides éclôt au bout de
quinze jours; l'autre moitié passe l'hiver et ne se trans-
forme en papillon i|u'en juin de l'année suivante. Le
papillon éclôt depuis le mois dejuin jusqu'en septembre.
L Heliolhys armi(jcr:i
et sa chenille vivent sur
des plantes fort diverses.
On l'a signalée sur le
réséda jaune {Résolu
hitoii), le plantain, l'a-
jonc marin, la jusquiame
(Hyoscyanius iiiifer). Elle
attaque aussi les têtes de
Canabis (Chanvre) et
mange les graines, se
nourrit également des
feuilles et des fleurs de
courges, des feuilles de
tabac et de luzerne. Dans
l'Amérique du Nord, cet
insecte est parfois fort
nuisible